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Décisions

Conseil Conc., 4 juillet 1995, n° 95-D-50

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques relevées sur les marchés de l'installation et de la maintenance des extincteurs

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Adopté sur le rapport de M. Bernard Thouvenot, par M. Jenny, vice-président, présidant ; MM. Gicquel, Sargos, membres.

Conseil Conc. n° 95-D-50

4 juillet 1995

Le Conseil de la concurrence (section II),

Vu la lettre enregistrée le 3 avril 1990 sous le numéro F 314, par laquelle le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, a saisi le Conseil de la concurrence de certaines pratiques relevées sur le marché de la vente, de la location et de la maintenance des extincteurs; Vu le traité du 25 mars 1957 modifié, instituant la Communauté européenne; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application; Vu les observations présentées par les parties et par le commissaire du Gouvernement; Vu les autres pièces du dossier; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des parties entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :

I. CONSTATATIONS

A. Les marchés

1. L'installation

Les extincteurs mobiles sont des appareils de première intervention dans la lutte contre l'incendie. Hormis certains établissements où leur installation est obligatoire en vertu de dispositions du Code du travail (locaux où sont entreposées ou manipulées des matières inflammables) ou de réglementations particulières (établissements recevant du public et immeubles de grande hauteur), ces appareils constituent simplement un moyen de prévention préconisé par les compagnies d'assurances. Les particuliers n'en faisant pas spontanément l'acquisition, ces appareils sont essentiellement installés dans les locaux où s'exerce une activité industrielle ou tertiaire.

Les extincteurs de grande capacité sont montés sur roues. Cependant, la plupart des installations comportent des extincteurs portatifs, d'un poids inférieur à 20 kilogrammes : conformément aux arrêtés interministériels du 24 octobre 1984 et du 4 novembre 1986, la fabrication et l'importation de ces appareils doivent être conformes aux normes françaises, en l'occurrence la norme NF S 61-900, et la preuve de cette conformité doit être faite par la certification de l'Afnor et l'apposition de la marque NF.

En règle générale, les extincteurs sont offerts à la vente. Si quelques entreprises proposent également des formules de location, le nombre d'appareils en location ne représente qu'environ 0,5 p. 100 du parc global des extincteurs installés.

Selon les indications du Syndicat général des fabricants d'extincteurs fixes et mobiles (Syfex), les ventes d'extincteurs représentent un chiffre d'affaires global annuel de l'ordre de 900 millions de francs. En volume, le marché peut être évalué à environ 1 600 000 exemplaires à partir des estampilles qui sont délivrées pour chaque appareil dans le cadre de l'apposition de la marque NF.

Il existe une vingtaine de fabricants habilités à construire des extincteurs selon les normes NF. Ces entreprises installent elles-mêmes directement ces appareils ou ont recours à des réseaux de concessionnaires qui les distribuent sous leurs marques. Certaines fabriquent aussi des extincteurs pour le compte de " porteurs de marques ", c'est-à-dire d'entreprises qui distribuent des appareils sous leur propre marque mais qui ne sont pas habilitées à les construire elles-mêmes: celles-ci sont au nombre d'une soixantaine.

Les fabricants les plus importants sont les adhérents du Syfex, qui distribuent environ 80 p. 100 des extincteurs vendus en France. Pour l'année 1988, la répartition de leurs ventes était là suivante :

Tableau 1

Ventes d'extincteurs pour l'année 1988

2. La maintenance

Une fois installés, les extincteurs doivent faire l'objet de diverses opérations de contrôle et d'entretien :

- l'inspection, préconisée selon une fréquence trimestrielle, qui consiste à s'assurer que l'extincteur occupe la place qui lui est assignée, qu'il est visible et accessible, que son dispositif de verrouillage est intact, qu'il est en bon état apparent et que l'étiquette de vérification est correctement utilisée ;

- les vérifications périodiques, préconisées selon une fréquence annuelle, qui consistent à contrôler l'état de chaque extincteur ;

- la révision, préconisée au terme de la dixième année ou nécessaire en cas d'incident ou à la suite d'une vérification périodique.

Le marché de la maintenance étant un marché connexe à celui de l'installation, les fabricants et les porteurs de marque ainsi que leurs concessionnaires en sont également les principaux opérateurs. Ce marché est cependant ouvert en principe à toute entreprise qui souhaite assurer ce service de maintenance, puisque, en dehors des réparations nécessitant des pièces de rechange, ces opérations sont relativement faciles à exécuter. Il peut être globalement évalué, en volume, à un parc d'une dizaine de millions d'appareils à contrôler et, en valeur, à un chiffre d'affaires de l'ordre de 500 millions de francs.

De nombreux prestataires de services se sont implantés sur ce marché, souvent à l'initiative d'anciens employés d'entreprise de fabrication, en particulier ceux de la société Sicli, lorsque celle-ci a procédé à des réductions de personnel. Ces entreprises, difficiles à dénombrer avec précision, du fait de leur petite taille, de leur caractère artisanal et de leur fréquent renouvellement, sont au nombre de 400 ou 500.

L'importance des membres du Syfex sur le marché de la maintenance peut être évaluée à partir du nombre d'appareils, qui constituent le parc dont ils assurent la vérification :

Tableau 2

Parc d'extincteurs en maintenance pour l'année 1988

3. Le groupe Sicli

Les sociétés Compagnie centrale Sicli, Général incendie et Knock Out sont étroitement liées sur le plan financier, puisque la première détient 99,98 p. 100 du capital de la seconde qui détient elle-même 99,94 p. 100 du capital de la troisième. Elles font partie du groupe Sicli, composé de onze sociétés qui consolident leurs résultats au sein d'une société holding, la société Sicli participations, laquelle détient 99,2 p. 100 du capital de la société Compagnie centrale Sicli qui détient elle-même directement ou indirectement la majorité du capital des autres sociétés.

L'importance du groupe Sicli peut être appréciée selon les données suivantes (en millions de francs) :

Si son activité est très largement tournée vers la lutte contre l'incendie et accessoirement vers la lutte contre le vol, les extincteurs en représentent une part décroissante : de 700 millions de francs environ en 1987 et 1988, le chiffre d'affaires lié aux seuls extincteurs est passé à 510 millions en 1990.

Ensemble, pour l'année 1988, les ventes des trois sociétés du groupe Sicli représentaient 27,6 p. 100 du total du marché de l'installation et les parcs d'extincteurs qu'elles contrôlaient 32,7 p. 100 du marché de la maintenance.

Les données recueillies au cours de l'enquête confirment la prépondérance des trois sociétés du groupe Sicli sur ces deux marchés : pour l'année 1988, seules les sociétés Desautel et CRPI, dont les chiffres d'affaires dépassent la centaine de millions de francs, ont une importance significative, avec des parts de 10,4 p. 100 et 7,3 p. 100 sur le marché de l'installation, l'activité des sept autres adhérents du Syfex ne représentant au total que 31,1 p. 100 de ce marché et les 23,6 p. 100 restants étant partagés entre une cinquantaine d'entreprises ; sur le marché de la maintenance, hormis la société Desautel, qui occupe une part de marché de 6,6 p. 100, les huit autres adhérents du Syfex ne totalisent qu'une part globale de 7 p. 100 et le solde, soit 53,7 p. 100, est partagé entre 400 à 500 petites entreprises. Par ailleurs, le groupe Sicli est lui-même directement implanté sur la totalité du territoire national grâce aux réseaux intégrés des sociétés Compagnie centrale Sicli et Général incendie, alors que les autres entreprises ont recours à des intermédiaires pour couvrir une partie plus ou moins substantielle du marché intérieur.

Il convient toutefois de relever que, si elle reste de loin la plus importante sur le marché national, la place des sociétés du groupe Sicli est néanmoins en constante diminution : alors qu'en 1986 leur part de marché était de 40,5 p. 100 pour l'installation et de 37,5 p. 100 pour la maintenance, elle n'était plus respectivement que de 27,6 p. 100 et de 32,7 p. 100 en 1988 et de 21,1 p. 100 et 28,2 p. 100 en 1991.

B. Les pratiques

1. Les baisses de prix mises en œuvre par le groupe Sicli

Selon les déclarations des responsables de la société Sicli au cours de la séance, des hausses de tarifs de l'ordre de 40 p. 100 ont été appliquées en 1985, entraînant une baisse des ventes. Ils ont également attribué le déclin des ventes d'extincteurs et de l'activité de maintenance intervenu au cours des années 1986 et 1987 à la concurrence exercée par d'anciens salariés de la Compagnie centrale Sicli qui, après avoir été licenciés, se sont établis sur ces marchés en mettant à profit leurs connaissances techniques et commerciales.

Pour inverser cette tendance, une " stratégie de reconquête " a été entreprise, dont les principes essentiels sont indiqués dans une note à en-tête " Groupe Sicli " en date du 25 novembre 1988 adressée aux directeurs d'agence sous le timbre " Confidentiel ; à expliquer verbalement ". L'objet de cette note est la relance de l'action engagée contre ces entreprises qui sont désignées par les termes : " concurrence ponctuelle " ou " concurrence dissidente " et il y est notamment demandé de " relancer cette opération d'une façon systématique, méthodique, en vous assurant que rien ne vous échappe ". Pour ce faire, les consignes sont notamment les suivantes :

" A. - Action sur les ventes : dans tous les cas où le vendeur constate être en face de cette concurrence ponctuelle, il doit impérativement se placer en dessous de manière à enlever l'affaire, et ce pour le matériel extincteurs et incendie (...). De manière à suivre encore plus précisément cette opération, nous allons mettre au point avec l'informatique un code spécial pour chaque agence pour cette opération Concurrence ponctuelle (...). Au risque de nous répéter, nous vous précisons bien qu'il s'agit de tous les cas de figure et sans exception quel que soit le niveau de prix (pour cette opération Concurrence ponctuelle) ;

" B. - Action sur les vérifications : vous devez également vous organiser pour contrer systématiquement toutes les pertes de parc face à cette même concurrence ponctuelle. Les critères de réaction que vous devez avoir pour ces cas précis sont les mêmes qu'indiqués ci-dessus au niveau des ventes. "

D'autres documents confirment que cette politique a été poursuivie pendant encore plusieurs mois :

- cette opération est intitulée Opération dumping face à la dissidence dans un compte rendu d'une réunion des directeurs d'agence du 31 janvier 1989 ;

- des consignes sont encore rappelées dans un compte rendu d'une réunion de directeurs d'agence du 9 mars 1989 :

" b) Face à la concurrence ponctuelle, notre réseau doit avoir une attitude particulièrement agressive au plan commercial, tarifaire, etc. Pour toutes les affaires importantes nécessitant des prix tirés face à la concurrence, ponctuelle, vous devez prendre contact avec TB ou GG afin de situer les prix unitaires de vérification que vous aurez à proposer. "

Cette politique a été appliquée aussi bien sur le marché de l'installation que sur celui de la maintenance : les rapports hebdomadaires d'activité des agents commerciaux de l'agence de Nancy de la Compagnie centrale Sicli mettent ainsi en évidence les opérations de vente d'extincteurs réalisées dans le cadre de cette politique de " concurrence ponctuelle " en faisant apparaître, en marge du nom de certains clients visités, les mentions " ne pas enregistrer dumping ", " dumping ", " dumping 10 106 K " ou " code 10 106 K ne pas enregistrer " (il s'agit du code spécial mis au point conformément aux indications de la note de service du 25 novembre 1988). Les facturations correspondantes permettent de situer les niveaux de remise accordés pour lutter contre la " concurrence dissidente " : le rapport administratif relève ainsi 23 factures comportant un prix net inférieur de 80 à 88 p. 100 au tarif, alors qu'en moyenne, les remises accordées face à la concurrence traditionnelle sont de l'ordre de 60 p. 100. Les fiches d'interventions commerciales de l'agence de Nancy de la Compagnie centrale Sicli pour des opérations de maintenance font apparaître les mentions " concurrence dissidente ", " concurrence ponctuelle SAMIS ", " SIVIE vérif. diss. ", " SAMIS ", " SIVIE " (SAMIS et SIVIE étant deux entreprises concurrentes qualifiées de " Dissidentes "), " 10 106 K " ou " dumping ".

En ce qui concerne la société Général incendie, il a été constaté que, pour les opérations de maintenance, une distinction était faite entre la concurrence traditionnelle et la concurrence " dissidente " par son agence commerciale de Nancy dont le responsable a déclaré qu'il se heurtait sur ces départements et sur le marché de la vérification-entretien à une forte concurrence émanant de sociétés indépendantes animées par d'ex-collaborateurs de la société Sicli.

La politique commerciale mise en œuvre par cette agence a été définie par son responsable : " Sur le marché de l'abonnement-entretien, nous nous en tenons à l'application du barème, lorsque nous sommes concurrencés par des concurrents traditionnels nous essayons de passer de l'abonnement forfait à l'abonnement service plus compétitif et semblable aux services rendus par nos concurrents. Lorsque nous sommes concurrencés par des concurrents dissidents nous proposons une facturation à l'heure de main-d'œuvre, soit 147 F actuellement. Cette dernière stratégie est destinée à répondre à la note de M. Hugon (directeur général) relative aux clients à reprendre. Cette politique nous conduit à appliquer le barème pour 200 appareils pour un volume de 4 appareils. Cette stratégie a été proposée et appliquée par le directeur abonnement-entretien de Général incendie. "

L'enquête a permis de vérifier que cette politique commerciale différenciant les clients selon leur catégorie était limitée à Nancy et ne concernait pas les autres agences, qui ne se heurtaient pas à ce type de concurrence, comme l'a confirmé le directeur général de la société Général incendie en déclarant que sa société a surtout été confrontée à la " concurrence dissidente " dans les régions de Nancy et Strasbourg.

Le vice-président de la Compagnie centrale Sicli à l'époque de ces faits a déclaré : " La stratégie de reconquête au sein du groupe a été prise par M. Murray (président du conseil de surveillance à la même époque). Au sein du groupe, à cause du non-respect des instructions données relatives aux clauses de non-concurrence des contrats de travail, il y a eu création d'une concurrence dissidente. Pendant deux ans, compte tenu des priorités de M. Murray, nous n'avons pas réagi. A partir du moment où ce phénomène est devenu plus conséquent, j'ai fait état de la situation à M. Murray et il a été décidé de répondre au coup par coup à cette concurrence dissidente. "

2. La qualification APSAD

L'assemblée plénière des sociétés d'assurances dommages (APSAD) est une association créée en 1990 qui a succédé à l'assemblée plénière des sociétés d'assurances contre l'incendie et les risques divers (APSAIRD), laquelle avait elle-même succédé en 1978 a l'assemblée plénière des sociétés d'assurances contre l'incendie (APSAI). Elle regroupe la plupart des principales sociétés d'assurances françaises et étrangères : pour l'année 1990, les cotisations reçues par les sociétés membres de l'APSAD se sont élevées à 27,5 milliards de francs, soit près de 75 p. 100 du montant total de la branche incendie (36,85 milliards de francs).

L'APSAD intervient pour le compte de ses adhérents en tenant des statistiques, en préparant des conditions générales contractuelles et, surtout, en traitant des problèmes de prévention pour réduire la fréquence et l'importance des sinistres. L'APSAD est ainsi un organisme certificateur agréé par le ministère de l'industrie pour les systèmes de protection contre l'incendie et le vol qui ne font pas l'objet d'une norme : elle certifie ces produits sous la marque A 2 P qui lui appartient, sur la base de spécifications techniques et de méthodes d'essai qu'elle définit. L'APSAD établit également des règles relatives, d'une part, à l'installation des extincteurs mobiles, qui précisent les conditions de mise en place et de maintenance et, d'autre part, à la qualification des installateurs.

Dans ce cadre, au mois de décembre 1987, l'APSAIRD a élaboré la règle R 4 pour les installations d'extincteurs mobiles mises en place dans les bâtiments du secteur industriel, commercial ou tertiaire. Cette règle constitue un guide dont les prescriptions servent de base contractuelle entre assureurs et assurés mais aussi de référence technique pour toute installation : son application autorise la délivrance d'un certificat de conformité des installations, qui permet aux assurés de conclure un contrat d'assurance sans se voir appliquer une pénalité, prévue par le traité d'assurance des risques d'entreprise de l'APSAD sous la forme d'une majoration de 10 p. 100 appliquée sur la prime des contrats.

Au mois de janvier 1989, cette règle a été complétée par le " règlement de qualification APSAD d'installateurs d'extincteurs mobiles ", document qui définit les conditions et la procédure d'attribution de la qualification APSAD aux entreprises qui y postulent.

La note de présentation du document R 4 rappelle que : " la qualité d'une installation d'extincteurs mobiles suppose :

" - la conformité de l'installation à la règle R 4,

" - la mise en place par un installateur agréé par l'APSAIRD,

" - des vérifications périodiques effectuées par un installateur ou un vérificateur agréé par l'APSAIRD,

" - l'utilisation de matériels certifiés par l'Afnor (extincteurs portatifs) et agréés par l'APSAIRD (extincteurs sur roues). "

L'avant-propos de la règle R 4 précise également : " Une installation d'extincteurs mobiles doit :

" - être mise en place par un installateur sélectionné utilisant du matériel sélectionné ;

" - être vérifiée périodiquement par un vérificateur sélectionné. "

Par ailleurs, le chapitre 5 de la règle R 4, consacrée à la maintenance, prévoit que :

" - les vérifications périodiques sont du ressort exclusif d'un installateur ou d'un organisme vérificateur sélectionné par le prescripteur (§ 5.1.2) ;

" - la révision est du ressort d'un installateur " (§ 5.1.3) ;

- la maintenance corrective est du ressort exclusif d'un installateur sélectionné par le prescripteur (§ 5.2).

Enfin, l'annexe III de la règle R 4, consacrée aux prescriptions spécifiques de l'assurance, précise les conditions indispensables pour qu'une installation d'extincteurs mobiles puisse être prise en compte par l'assureur en vue de l'obtention d'avantages prévus par le traité des risques d'entreprise. Parmi ces conditions figurent :

" - l'étude et la réalisation de l'installation par un installateur agréé par l'APSAIRD, et

" - la vérification périodique par un installateur ou un organisme vérificateur agréé par l'APSAIRD.

Or, le 1 du règlement de qualification de l'APSAD limite les possibilités de postuler cette qualification aux entreprises :

" - constructeurs d'extincteurs mobiles bénéficiaires de la marque " NF-Extincteurs ", ou

" - titulaires d'un report de marque commerciale d'un constructeur bénéficiaire de la marque " NF-Extincteurs " (communément appelées " porteur de marque "), ou

" - " concessionnaires exclusifs d'une entreprise telle que ci-dessus définie. "

Le même chapitre du règlement précise aussitôt après :

" On entend par concessionnaire exclusif une personne morale ou physique qui :

" - assume l'installation de l'ensemble de la gamme des extincteurs d'une seule entreprise titulaire de la marque "NF-Extincteurs " ;

" - justifie d'une pratique professionnelle d'au moins trois ans ou d'une formation adaptée, assurée, par exemple, par un installateur qualifié ou le Centre national de prévention et de protection.

" Le concessionnaire exclusif doit fournir une attestation de sa qualité de concessionnaire exclusif d'une entreprise telle que ci-dessus définie (cf. annexe III).

" Nota - Le concessionnaire exclusif d'un fabricant perd automatiquement sa qualification s'il abandonne ce fabricant ou si ce dernier lui retire sa concession. "

Par ailleurs, l'entreprise candidate à la qualification APSAD doit également remplir neuf conditions fixées au 2 du règlement :

1. Avoir son siège social en France ;

2. Avoir une stabilité financière attestée par ses deux derniers bilans et comptes de résultats (...) ;

3. Disposer d'une implantation et d'une organisation technique et commerciale lui permettant de concevoir, réaliser, vérifier et maintenir les IEM dans des conditions satisfaisantes

4. Disposer d'une organisation de service après-vente compétente (...) ;

5. Disposer en permanence d'une gamme de matériels suffisante (...) ;

6. Justifier la conception et la réalisation d'au moins trente installations totalisant au moins trois cents extincteurs ;

7. Présenter, parmi les installations citées ci-avant, deux installations (...) ;

8. Démontrer sa parfaite connaissance des règles techniques d'installation et de maintenance (notamment règle R 4 de l'APSAD) concernant les extincteurs mobiles (...) ;

9. N'avoir pas fait l'objet de réclamations concernant ses méthodes de travail et ses pratiques commerciales.

Pour élaborer ces documents, l'APSAIRD a consulté divers organismes tels que le Centre national de prévention et de protection, l'Association des agréés prévention incendie, la brigade de sapeurs-pompiers de Paris et le Syfex. Divers éléments du dossier démontrent que le Syfex a pris une part active à l'élaboration de ces documents, et notamment qu'il a fortement insisté auprès de l'APSAIRD pour obtenir certains aménagements, plus particulièrement en ce qui concerne la sélection des entreprises susceptibles d'être agréées par cet organisme.

Plusieurs comptes rendus des réunions du Syfex tenues entre le 6 janvier 1988 et le 8 février 1989 font apparaître que les représentants du Syfex ont rencontré à plusieurs reprises les responsables de l'APSAIRD pour participer à la rédaction des prescriptions de la règle R 4 et du règlement de qualification, notamment ceux des réunions suivantes :

Réunion du 8 juin 1988 : " Conditions d'agrément à des concessionnaires exclusifs : M. Micoulot (dirigeant de l'APSAIRD) a reçu notre projet. Il semble d'accord et va l'intégrer aux nouvelles règles d'agrément APSAIRD (...). La nouvelle règle R 4 sera diffusée fin juin. Il sera demandé à M. Micoulot de diffuser en même temps les conditions d'agrément " ;

Réunion du 6 juillet 1988 : " la définition des installateurs n'étant pas claire, M. Schiffers (membre du bureau) a préparé un projet de note d'information devant accompagner la diffusion de la R 4 par les constructeurs (diffusé en séance). Il donne lecture de ce document (qui a été lu à M. Micoulot). M. Bouillon (délégué général du Syfex) le transposera sur en-tête Syfex, l'enverra officiellement à M. Micoulot et l'enverra aux sociétés après accord définitif de ce dernier. M. Schiffers demande que l'on retarde la diffusion de la R 4 jusqu'à accord de l'APSAIRD sur cette note. "

" Conditions d' agrément installateur : après notre projet d'annexe III, M. Micoulot doit sortir la version définitive des conditions d'agrément. " ;

Réunion du 9 novembre 1988 : " Annexe III. - Conditions d'agrément des concessionnaires exclusifs. Le texte du projet préparé par le Syfex a subi des modifications dont la teneur est précisée en séance. Un nouveau texte va être rédigé par l'APSAIRD. Toutefois, il est nécessaire de revoir la clause relative à la révision très défavorable aux constructeurs. Il est en effet essentiel que cette révision soit de leur domaine et que les porteurs de marque et les concessionnaires ne soient pas habilités à la réaliser. "

Des lettres adressées par le Syfex à l'APSAIRD confirment le rôle joué par le syndicat dans l'élaboration de la règle R 4 et du règlement de qualification, notamment les deux suivantes :

Lettre du 7 juillet 1988 du délégué général du Syfex à M. Micoulot, responsable de l'APSAIRD :

" Suite aux entretiens que vous avez eus avec M. Schiffers à ce sujet, nous vous prions de trouver ci-joint le texte définitif d'une note d'information que nous avons l'intention d'envoyer à nos adhérents afin qu'elle soit diffusée par eux avec les exemplaires de la règle R 4 qu'ils ont approvisionnés.

" Afin de ne pas retarder la diffusion de la nouvelle règle, veuillez avoir l'obligeance de nous confirmer le plus rapidement possible votre accord sur le texte de cette note :

" Note d'information règle R 4

" Vous allez recevoir une nouvelle règle R 4 qui entrera en application le 1er octobre 1988. Nous avons pensé que, du fait des nouveautés que présente cette règle, il était nécessaire de vous donner quelques explications. (...)

" 5/1. Maintenance préventive.

" Il faut bien noter que " l'installateur " est uniquement le fabricant ou le propriétaire de marque agréé par l'APSAIRD. Les opérations du paragraphe 5/1 (Maintenance préventive) peuvent être faites soit par l'installateur (fabricant ou propriétaire de marque) ou par l'organisme agréé par l'APSAIRD, s'il existe.

" 5/2. Maintenance corrective.

" La maintenance corrective (changement de pièce ou de charge, réparation) ne peut être faite que par l'installateur (fabricant ou propriétaire de marque).

" Délégation : tout fabricant ou propriétaire de marque pourra déléguer à des distributeurs exclusifs certaines opérations sous réserve que le statut de celui-ci corresponde à la définition du concessionnaire exclusif donnée par l'APSAIRD et qu'il signe un contrat contenant des éléments imposés par cette dernière. ".

Lettre du 16 février 1989 du délégué général du Syfex au délégué général de l'APSAIRD : " Suite à la réunion du 8 février 1989 de notre syndicat et aux précisions qui nous ont été apportées par M. M. concernant le paragraphe 1.2.1 du règlement de qualification, nous vous faisons part de notre accord concernant le projet V de ce règlement. "

Par ailleurs, le Syfex a diffusé des informations à ses membres qui comportent sa propre interprétation des règles de l'APSAIRD, en particulier par une circulaire n° JB, EH 710 du 12 octobre 1988 :

" Cette règle, applicable à partir du mois d'octobre, est remplie d'ambiguïtés, en particulier :

" 1° Installateur.

" Il faut noter que l'indication "installateur" veut dire l'installateur agréé, c'est-à-dire le fabricant ou propriétaire de marque. Il est évident que si on n'est pas averti, le mot installateur peut prêter à confusion.

" 2° Maintenance préventive (paragraphe 5/1).

" La maintenance préventive peut être faite par " l'installateur " (fabricant ou propriétaire de marque). La règle par laquelle on pourra déléguer ce travail et cet agrément à des distributeurs exclusifs est en cours de discussion entre la FFMI et l'APSAIRD. D'ores et déjà, nous savons que des restrictions seront faites et qu'il faudra que le distributeur exclusif en soit réellement un (existence d'un contrat, etc.). Nous vous renseignerons à ce sujet sur les conclusions de l'accord.

" 3° Maintenance corrective (paragraphe 5/2).

" Ceci est du domaine de l'installateur agréé, c'est-à-dire le fabricant. Cette opération ne pourra pas être déléguée au distributeur. La position des propriétaires de marque est incertaine. Elle est en ce moment à l'étude entre la FFMI et l'APSAIRD. "

Dans ses observations, pour démontrer qu'il ne pouvait s'abstenir de participer aux consultations organisées par l'APSAIRD pour élaborer la règle R 4, le Syfex souligne l'importance qu'il attache à ce document : " La R 4 est le seul document basique référentiel, le seul document pratique et opérationnel de travail existant en France pour tous les professionnels et " gens de terrain ", pour tous les calculs d'implantation d'extincteurs en adéquation aux risques. Il sert de référentiel également aux utilisateurs formés ou spécialistes de la sécurité.

" La R 4 sert d'outil de calcul d'implantation et d'adaptation des extincteurs sur tous les types de risques et par extrapolation sur les " risques simples ".

" C'est dire qu'elle constitue l'outil de base de tous les réseaux directs ou indirects d'installateurs dans l'exercice quotidien de leur activité. Sa connaissance et sa bonne utilisation conditionnent la mise en sécurité résultante de l'utilisateur. "

Dans un procès-verbal d'audition du 27 septembre 1991, les responsables de l'APSAD reconnaissent qu'il est exact que la vérification intrinsèque de la compétence technique des entreprises postulant à la qualification pourrait être faite sans que soit exigé le statut formel de fabricant, de porteur de marque ou de concessionnaire, à condition que ces entreprises disposent des moyens nécessaires pour exercer leur activité. Ils ajoutent que l'APSAD " ne peut qu'être favorable à une augmentation du nombre des installateurs qualifiés qui induirait une réduction du prix des installations ".

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL

Sur les pratiques relevées :

En ce qui concerne les pratiques des sociétés du groupe Sicli :

Considérant que les faits soumis à l'examen du Conseil de la concurrence et concernant la politique tarifaire de la société Sicli ont été mis en œuvre au cours de l'année 1988 ;

Considérant que les parts de marché des sociétés du groupe Sicli pour cette année étaient respectivement de 27,6 p. 100 sur le marché de l'installation des extincteurs et de 32,7 p. 100 sur celui de la maintenance de ces appareils ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces activités exigent des investissements importants constituant des barrières significatives à l'entrée ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que la notoriété des marques ait constitué un facteur déterminant de choix pour les clients, de nature à limiter les possibilités de développement des concurrents des entreprises du groupe Sicli, comme en attestent, d'une part, le fait que de 1986 à 1988 les parts de marché des entreprises de ce groupe avaient diminué dans de fortes proportions, passant de 40,5 p. 100 à 27,6 p. 100 sur le marché de l'installation des extincteurs et de 37,5 à 32,7 p. 100 sur le marché de la maintenance et, d'autre part, le fait que diverses autres entreprises ont pu se développer, en particulier la société CRPI et la société Desautel qui ont connu, à cette époque, une forte croissance ;

Considérant, ainsi, qu'il n'est pas établi que les sociétés du groupe Sicli détenaient, à l'époque des faits, une position dominante leur permettant de s'abstraire de la concurrence sur les marchés de l'installation et de la maintenance des extincteurs ;

Considérant, dès lors, que les pratiques constatées ne sont pas visées par les dispositions du 1 de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

En ce qui concerne la qualification APSAD :

Considérant que la règle R 4 élaborée par l'APSAIRD, devenue l'APSAD, constitue une convention entre les principales sociétés d'assurances, qui définit les conditions de mise en place et de maintenance des installations d'extincteurs mobiles et dont les prescriptions servent à la fois de guide d'utilisation et de base contractuelle entre assureur et assuré en matière d'assurance contre le risque d'incendie ; que l'APSAD a également établi un règlement de qualification d'installateurs d'extincteurs mobiles, qui définit les conditions et la procédure d'attribution de la qualification APSAD aux entreprises qui y postulent ; que pour qu'un assuré soit en mesure de bénéficier des avantages tarifaires liés à la conformité de son installation à la règle R 4, il faut qu'il s'adresse à une entreprise agréée par l'APSAD, aussi bien pour faire installer les extincteurs que pour les faire contrôler ; qu'ainsi, le fait pour une entreprise d'installation ou de maintenance d'extincteurs de ne pas bénéficier de la qualification APSAD peut constituer un désavantage dans la concurrence ;

Considérant que l'élaboration de ces règlements a associé divers organismes et notamment le Syfex, dont les représentants ont, comme il ressort des comptes rendus de réunions cités au I de la présente décision, pris une part active à l'élaboration de certaines prescriptions, notamment en ce qui concerne les conditions d'agrément des entreprises ;

Considérant que, s'il était loisible à l'APSAD de soumettre l'obtention de la qualification APSAD à des critères techniques objectifs et justifiés par des raisons de sécurité, elle ne pouvait exclure a priori du bénéfice de cette qualification une ou plusieurs catégories d'opérateurs indépendamment de tels critères sans mettre en œuvre une pratique susceptible d'être prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant que ne sont pas fondées sur des critères objectifs de nature à permettre de vérifier la compétence technique et la stabilité commerciale et financière des entreprises candidates, les dispositions du 1 dudit règlement qui limitent aux constructeurs, aux porteurs de marque et à leurs concessionnaires exclusifs le droit de déposer une demande de qualification APSAD d'installateur et celles des paragraphes 1 et 9 du 2, qui limitaient ce droit aux entreprises dont le siège social est situé en France et à celles qui n'ont pas fait l'objet de réclamations ; qu'en effet, des entreprises pouvaient se trouver privées de la qualification APSAD en raison du fait qu'elles étaient concessionnaires non pas d'un, mais de plusieurs constructeurs, ou qu'elles étaient installateurs utilisant du matériel conforme à la norme NF-Extincteurs mais non concessionnaires d'un constructeur, ou que leur siège social était situé dans un Etat étranger, ou encore qu'elles avaient fait l'objet d'une réclamation, même non fondée, sans que soient prises en compte leurs compétences techniques dans les conditions fixées par les paragraphes 2 à 8 du 2 du règlement de qualification ;

Considérant que l'APSAD soutient que la qualité de concessionnaire ou de porteur de marque est exigée pour garantir que l'entreprise postulante puisse disposer d'un stock suffisant de pièces détachées et de liens assez étroits avec les constructeurs pour assurer correctement la maintenance et qu'il serait plus coûteux de soumettre toutes les entreprises postulantes à un contrôle a posteriori ; que, cependant, à supposer que le statut de concessionnaire ou de porteur de marque puisse constituer une présomption de compétence au bénéfice de l'entreprise requérante et la dispenser éventuellement de certaines formalités de contrôle, il ne saurait en lui-même garantir une qualité des prestations de cette entreprise meilleure que celles d'une entreprise qui, sans justifier de ce statut, satisferait aux conditions fixées par les paragraphes 2 à 8 du 2 du règlement de qualification ; que, par ailleurs, il n'est établi ni que le souci de n'agréer que des entreprises disposant d'un stock suffisant de pièces détachées n'aurait pu être satisfait par un critère objectif, ni que les économies, à les supposer réelles, que procurerait un contrôle a priori par rapport à un contrôle a posteriori, puissent justifier les restrictions à la concurrence introduites par ces dispositions ;

Considérant que l'APSAD fait valoir que la condition de situation du siège social en France n'est plus exigée depuis 1994 et qu'au demeurant, elle n'a eu aucun effet anticoncurrentiel, même potentiel, à l'intérieur du Marché commun dans la mesure où, en raison de l'existence de normes de sécurité différentes dans chaque Etat membre, chaque marché avait une structure purement nationale ; que, s'il y a lieu de prendre acte de cette modification des conditions d'agrément, l'APSAD ne peut utilement invoquer, pour la période antérieure, les particularités des réglementations dans les différents Etats membres des Communautés européennes, dès lors qu'il n'est, en tout état de cause, nullement établi que les entreprises étrangères n'auraient pu s'adapter aux conditions du marché français, si elles souhaitaient intervenir sur celui-ci ;

Considérant que l'APSAD soutient encore qu'il était nécessaire d'écarter la candidature d'entreprises ayant fait l'objet de réclamations, dans la mesure où la qualité des installations aurait pu être affectée par des méthodes de travail ou des pratiques commerciales délictueuses ; que cependant, s'il était légitime d'exclure des candidats dont il aurait été établi qu'ils aient effectué des prestations non conformes aux normes, le seul critère de l'existence d'une réclamation ne peut suffire à démontrer l'incompétence d'une entreprise candidate alors même que cette réclamation peut être mal fondée ;

Considérant que le Syfex fait valoir que la règle R 4 et le règlement de qualification ont été rédigés sous la seule responsabilité de l'APSAIRD, puis de l'APSAD et que son intervention a été limitée à des consultations paritaires auxquelles il a été associé avec d'autres organismes professionnels intéressés ; qu'il ressort cependant des éléments du dossier que le Syfex a participé activement à l'élaboration de la règle R 4 et du règlement de qualification et que ses responsables sont intervenus à diverses reprises auprès de l'APSAIRD, notamment s'agissant de la définition des entreprises susceptibles d'être agréées, définition qui exclut la possibilité pour des installateurs qui ne sont ni constructeurs, ni porteurs de marque, ni concessionnaires exclusifs de prétendre à la qualification APSAD ; qu'il ressort également du dossier que le Syfex a diffusé à ses membres une interprétation de la règle R 4 de nature à éliminer ces catégories d'installateurs et à réserver certaines opérations de maintenance aux constructeurs ou aux propriétaires de marque ;

Considérant que le Syfex soutient, en outre, que la règle R 4 n'a d'influence que pour les extincteurs destinés à la clientèle industrielle et commerciale et qu'à cet égard même, la concurrence exercée entre les compagnies d'assurances peut les conduire à consentir les mêmes avantages à leurs clients, que les extincteurs soient installés et entretenus par une entreprise agréée ou non ;

Mais considérant, en tout état de cause, que la démonstration du fait qu'une pratique ou une convention a eu un effet sur la concurrence n'est pas nécessaire pour la qualifier au regard des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dès lors qu'il est établi que son objet était anticoncurrentiel ou qu'elle pouvait avoir un effet anticoncurrentiel ; qu'au cas d'espèce, la qualification accordée par un organisme représentant les assureurs prescripteurs, agréé par le ministère de l'industrie pour certifier des matériels de sécurité contre l'incendie et le vol et qui édicte des règles d'installation et de maintenance dans ces domaines en application de la politique européenne du Comité européen des assurances, ne peut manquer de conférer aux entreprises qui en bénéficient une présomption de compétence qui leur profite non seulement à l'égard de la clientèle industrielle et commerciale, mais encore sur l'ensemble du marché ; que, par ailleurs, la règle R 4, accompagnée du règlement de qualification, pouvait avoir un effet anticoncurrentiel dès lors que, comme l'ont reconnu les responsables de l'APSAD lors de leur audition, " grâce à l'application de cette règle (...) il est remis (à l'assuré) une attestation de conformité qui lui permet notamment de conclure un contrat d'assurance ; à défaut de cette attestation, l'assureur peut lui appliquer une pénalité (de l'ordre de 10 p. 100, conformément aux recommandations du traité des risques d'assurances) " ;

Considérant, enfin, que l'APSAD ne peut utilement soutenir qu'elle n'avait aucun intérêt à mettre en œuvre des pratiques anticoncurrentielles sur le marché de l'installation ou sur celui de la maintenance des extincteurs, sur lequel elle n'intervient pas, dès lors que sont prohibées par les dispositions du titre III de l'ordonnance toutes pratiques ayant un objet ou pouvant avoir un effet anticoncurrentiel, même si l'une des parties à qui sont imputées des pratiques n'intervient pas sur le marché affecté, et qu'il n'est pas contesté à cet égard que l'APSAD a élaboré les dispositions contestées, avec la participation active du Syfex;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les dispositions du 1 et des paragraphes 1 et 9 du 2 du règlement de qualification fixées pour obtenir l'agrément de l'APSAD pouvaient avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence sur les marchés de l'installation et de la maintenance des extincteurs; que de telles pratiques sont prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sans pouvoir bénéficier des dispositions du 2 de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; que les dispositions du paragraphe 9 du 2 dudit règlement sont également prohibées par celles de l'article 85, paragraphe 1, du traité de Rome;

Sur les sanctions :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : " Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé, à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de 10 millions de francs " ;

Considérant que les pratiques mises en œuvre par l'APSAD et le Syfex ont pu avoir pour effet de restreindre la concurrence sur les marchés de l'installation et de la maintenance des extincteurs, en interdisant à certaines catégories d'entreprises d'obtenir la qualification APSAD ; que la gravité de cette pratique résulte, pour l'APSAD, de l'autorité qu'elle détient en tant qu'organisme agréé par le ministre de l'industrie dans le processus de normalisation de certains appareils de lutte contre l'incendie et, pour le Syfex, du rôle actif qu'il a joué dans l'élaboration des dispositions portant sur la qualification des installateurs et dans l'interprétation de ces dispositions, qui pouvaient avoir pour effet de restreindre la concurrence d'installateurs non liés à ses membres ;

Considérant qu'à la fin de l'année 1994, l'APSAD comptait 183 sociétés adhérentes dont les cotisations s'étaient élevées à 68 millions de francs pour cette même année ; qu'il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 1 500 000F ;

Considérant que le Syfex comptait 16 entreprises adhérentes à la fin de l'année 1994 et qu'il avait perçu 859 000 F de cotisations pour cette même année ; qu'il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 200 000 F,

Décide :

Article 1er : - Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

1 500 000 F à l'Assemblée plénière des sociétés d'assurances dommages (APSAD) ;

200 000 F au Syndicat général des fabricants d'extincteurs fixes et mobiles (Syfex).