Cass. com., 16 mai 2000, n° 98-11.800
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Chambre syndicale nationale de vente et services automatiques
Défendeur :
Ministre de l'Économie, Semmaris (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leclercq
Rapporteur :
Mme Champalaune
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
SCP Piwnica Molinié, Me Ricard, SCP Vincent, Ohl.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 janvier 1998) que la Chambre syndicale nationale de vente et services automatiques (la NAVSA) a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques anticoncurrentielles reprochées à la Société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de la région parisienne (la Semmaris) dans le secteur de la distribution automatique de boissons, consistant dans l'obligation faite aux entreprises qui louent des distributeurs automatiques de boissons aux grossistes établis à Rungis de signer une convention d'installation avec la Semmaris et de payer une redevance estimée dissuasive ; que le Conseil de la concurrence a, par décision du 26 février 1997, déclaré cette saisine irrecevable, au motif que les actes reprochés à la Semmaris constituaient des actes de gestion du domaine public et échappaient à sa compétence ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la NAVSA reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté son recours contre cette décision, alors, selon le pourvoi, que seuls les usagers du Marché d'Intérêt National (MIN) de Rungis sont soumis à l'exigence d'une autorisation préalable par la Semmaris, dans le cadre de son pouvoir de gestion du Marché ; qu'en décidant que les entreprises de distributeurs automatiques qui louent des automates aux opérateurs implantés dans l'enceinte du Marché, doivent obtenir l'autorisation préalable de la Semmaris pour pouvoir exercer leurs activités commerciales à l'intérieur de ce périmètre, tout en constatant qu'ils n'entrent pas dans la catégorie des usagers du MIN au sens du décret du 10 juillet 1968, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les dispositions des articles 21 et 28 du décret du 10 juillet 1968, 6 et 8 du règlement intérieur du MIN de Rungis de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors que seules les entreprises qui souhaitent se voir attribuer un emplacement dans l'enceinte du MIN, ou utiliser les installations et les services fournis par le MIN sont, comme usagers de ce Marché, soumises à l'exigence d'une autorisation préalable de la Semmaris ; qu'en relevant, pour estimer que les entreprises de distributeurs automatiques exerceraient " une activité commerciale " à l'intérieur du périmètre du MIN de Rungis, que les distributeurs automatiques seraient accessibles au public et non réservés à l'usage exclusif du personnel des concessionnaires, sans rechercher si, comme le faisait valoir la NASVA, les modalités d'utilisation des automates litigieux, loués aux opérateurs du marché et installés dans les locaux que ceux-ci occupent à titre privatif, n'étaient pas déterminées par ces seuls opérateurs, et si les automates n'utilisaient pas exclusivement les installations du locataire, à l'exclusion des services communs fournis par le MIN, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 21 et 28 du décret du 10 juillet 1968, 6 et 8 du règlement intérieur du MIN de Paris-Rungis et 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors qu'en tout état de cause, l'activité consistant à concéder à des entreprises un droit d'occupation d'une parcelle du domaine public et à fournir à des concessionnaires divers services rémunérés, est une activité de services au sens de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'en estimant que la décision de la Semmaris d'exiger des entreprises de distributeurs automatiques, à raison de l'occupation d'une portion du domaine public qu'impliquerait l'installation de distributeurs automatiques, la signature d'une " convention d'installation " et le paiement d'une redevance forfaitaire dissuasive pour chaque automate loué à un opérateur établi dans l'enceinte du Marché n'entrerait pas dans le cadre d'une activité de production, de distribution ou de services, mais serait l'expression d'un acte de gestion du domaine public et de l'exercice de prérogatives de puissance publique, la cour d'appel a violé l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que les décisions par lesquelles les personnes publiques ou les personnes privées chargées d'un service public exercent la mission qui leur est confiée et mettent en œuvre des prérogatives de puissance publique et qui peuvent constituer des actes de production, de distribution et de services au sens de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 entrant dans son champ d'application, ne relèvent pas de la compétence du Conseil de la concurrence; qu'il en est autrement lorsque ces organismes interviennent par leurs décisions hors de cette mission ou ne mettent en œuvre aucune prérogative de puissance publique;
Attendu qu'ayant rappelé, par des motifs non contestées, que la Semmaris s'est vue confier la gestion du MIN de Paris-Rungis sur un domaine public qui lui a été concédé, et qu'elle trouve investie des pouvoirs d'administration et des prérogatives de puissance publique que lui confère son règlement intérieur pris conformément aux dispositions du décret n° 68-659 du 10 juillet 1968 portant organisation générale des marchés d'intérêt national, et constaté que la contestation élevée par la NAVSA devant le Conseil de la concurrence portait sur la décision de la Semmaris de soumettre l'exploitation de distributeurs automatiques dans le périmètre du marché à une convention d'installation et au paiement d'une redevance, la cour d'appel qui retient que cette décision constitue un acte de gestion du domaine public a par suite fait une exacte application de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en décidant qu'un tel acte, dont l'appréciation de la légalité relève juge administratif, n'entrait pas dans le champ de compétence du Conseil de la concurrence; que le moyen, non fondé en sa troisième branche, est inopérant en ses deux premières branches lesquelles tendent à faire trancher par l'autorité judiciaire un litige relevant des juridictions administratives; qu'il ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la NAVSA fait encore le même reproche à l'arrêt, alors selon le pourvoi, que la NAVSA faisait valoir, à l'appui de son recours contre la décision du Conseil de la concurrence, que l'entente entre la Semmaris et les débitants de boissons implantés dans l'enceinte du MIN de Rungis en vue de faire obstacle à la concurrence des fournisseurs de distributeurs automatiques, résultait des propres écritures de la Semmaris, reproduites par la décision du Conseil de la concurrence, aux termes desquelles la Semmaris avait décidé, plutôt que d'interdire les distributeurs automatiques, de les soumettre à une redevance dissuasive ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, dont il résultait que la saisine du Conseil de la concurrence ne pouvait être regardée comme irrecevable faute d'être appuyée d'éléments suffisamment probants, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, que la NAVSA faisait également valoir que les restaurants et débits de boissons implantés à Rungis détiennent, avec la Semmaris, un pouvoir de marché au regard de l'usage de l'infrastructure de MIN de Rungis dont ils ont usé dans le but avoué d'exclure les adhérents de la NAVSA du marché de la fourniture de boissons aux opérateurs établis dans cette enceinte ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, dont il résultait que la saisine du Conseil de la concurrence ne pouvait être regardée comme irrecevable faute d'être appuyée d'éléments suffisamment probants, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, que la NAVSA faisait encore valoir que l'objet et l'effet anticoncurrentiel des pratiques poursuivies sont établis par le seul fait, constaté par le Conseil de la concurrence, que de nombreuses entreprises de distribution automatique ont retiré leurs distributeurs lorsque la Semmaris a voulu les contraindre à signer la convention les obligeant à verser une redevance forfaitaire de 4 800 F HT par automate, et que ce montant dissuasif excède le plus souvent le bénéfice et même le chiffre d'affaires annuel des distributeurs ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, dont il résultait que la saisine du Conseil de la concurrence ne pouvait être regardée comme irrecevable faute d'être appuyée d'éléments suffisamment probants, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'article 19 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que " le Conseil de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable s'il estime que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence ou ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants " ; qu'ayant approuvé la décision du Conseil de la concurrence selon laquelle les faits dénoncés n'entraient pas dans le champ de sa compétence, la cour d'appel, qui n'avait pas dès lors à répondre à l'argumentation de la NAVSA portant sur la réalité des pratiques reprochées à la Semmaris, n'encourt par les griefs du moyen ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.