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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 5 juillet 1990, n° 2128-90

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Ministère Public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dessertine

Avocat général :

M. Jeanjean

Conseillers :

M. Lenormand, Mme Magnet

Avocat :

Me Thuault.

TGI Auxerre, ch. corr., du 25 janv. 1990

25 janvier 1990

Rappel de la procédure

Le jugement

Le Tribunal a déclaré R André-Christian coupable d'obstacle au contrôle des agents habilités et des rapporteurs du conseil de la concurrence, revente de produits alimentaires et lessives à des prix inférieurs à leur prix d'achat effectif, délits prévus et réprimés par les articles 52 et 45 de l'ordonnance n° 1243 du 1/12/1986, lettre 4 de la loi n° 63-628 du 2/07/1963,

Le Tribunal l'a condamné à la peine d'amende de 30.000 F pour obstacle au contrôle et à deux amendes de 10.000 F pour les deux infractions de revente de produits,

Le Tribunal a ordonné la publication par extraits de la décision dans le journal " L'Yonne Républicaine " sans que le coût de l'insertion ne dépasse la somme de 3.000 F ;

Le Tribunal a condamné R André-Christian aux dépens envers l'Etat liquidés à la somme de : 335,72 F

Décision :

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Le prévenu et le Ministère Public ont régulièrement interjeté appel du jugement du tribunal d'Auxerre en date du 25 janvier 1990 qui a condamné André-Christian R à 30.000 F d'amende pour avoir mis obstacle à l'exercice des fonctions des agents habilités à contrôler les prix et à deux amendes de 10.000 F chacune pour avoir revendu des produits en l'état à un prix inférieur à leur prix d'achat effectif (deux infractions) et a, en outre, ordonné la publication dudit jugement par extrait, aux frais du condamné, dans le journal " L'Yonne Républicaine " sans que le coût de l'insertion puisse dépasser la somme de 3.000 F.

Les premiers juges ayant exactement rappelé les termes de la prévention, la Cour s'en rapporte, sur ce point, aux énonciations du jugement attaqué.

Assisté de son conseil, R demande à la Cour, par voie de conclusions, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal d'Auxerre le 25 janvier 1990 et de le relaxer des fins de la poursuite.

Sur le délit d'obstacle à l'exercice des fonctions des agents habilités à contrôler les prix :

Considérant qu'il est reproché à R, directeur salarié de l'hypermarché Mammouth, sis avenue Haussmann à Auxerre (89), magasin exploité par la société anonyme X ayant son siège social à Saint-Etienne (42), de s'être opposé à l'exercice des fonctions des agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de l'Yonne, en ne justifiant pas, à la suite d'un contrôle régulièrement effectué le 12 avril 1988 et portant sur la légalité des prix de seize appareils radio, hi-fi, vidéo et électroménager, revendus à des prix très bas, de la régularité des prix de trois de ces appareils par la production de factures ou de contrats commerciaux comportant notamment, l'octroi de ristournes ; qu'après quatre mois d'enquête, faute pour lui d'avoir produit les documents comptables sollicités, les prix de ces trois articles n'avaient pas pu encore être contrôlés ;

Mais considérant qu'il est constant que les factures des produits vendus par une de ses succursales sont conservées au siège social du Groupe X à Saint-Etienne ; que R a multiplié les demandes auprès de celui-ci afin qu'il puisse être donné satisfaction à la DGCCRF ; qu'il ne peut donc être tenu pour responsable du retard apporté à la production des documents que sollicitait l'administration ;

Que, dès lors, il convient d'infirmer sur ce point le jugement attaqué et de relaxer R du chef du délit prévu à l'article 52 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Sur le délit de revente de produits en l'état à un prix inférieur à leur prix d'achat effectif

Considérant que R ne conteste pas que, les 14 et 21 juin 1988, au même magasin, étaient revendus des produits alimentaires et des lessives à un prix inférieur à leur prix d'achat ; qu'il avait, en effet, fait effectuer des relevés de prix auprès de magasins directement concurrents, lesquels démontraient, ainsi qu'il l'écrit dans ses écritures, " la vivacité de la concurrence " et contraignaient le magasin Mammouth à s'aligner ; que, selon la DGCCRF, ces prix auraient été également des prix de revente à perte ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi de finances n° 83-62 du 2 juillet 1963, " est puni d'une amende de 5.000 F à 100.000 F le commerçant qui a revendu un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif " ; ces dispositions n'étant pas, toutefois, applicables " aux produits dont le prix de revente est aligné sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité " ;

Considérant que le " prix légalement pratiqué par un autre commerçant " n'est pas le prix de revente, supérieur ou égal au prix d'achat ; qu'en effet, le commerçant qui, conserver sa clientèle, a l'obligation de se renseigner sur les prix pratiqués par la concurrence locale, est, de toute évidence, dans l'incapacité de contrôler lui-même si ceux-ci ne sont pas en contravention aux dispositions de l'article 1er de la loi du 2 juillet 1963 précitée ; qu'il serait, par ailleurs, irréaliste de le contraindre à demander, chaque fois, à la DGCCRF, qui serait vite dans l'incapacité totale de répondre à toutes les requêtes de ce type, si, pour tel ou tel produit, il peut s'aligner, en revendant à perte, sur le prix pratiqué par un autre commerçant alors, surtout, que les lois du marché lui imposent de fixer rapidement ses prix ;

Que, dans ces conditions, n'étant pas discuté que le magasin Mammouth s'est bien aligné sur les prix pratiques par les magasins concurrents, il convient d'infirmer aussi sur ce second point, le jugement attaqué et de relaxer R du chef du délit prévu à l'article 1er de la loi précitée du 2 juillet 1963 ;

Par ces motifs, la Cour : statuant publiquement et contradictoirement, reçoit les appels du prévenu et du Ministère Public ; infirmant le jugement attaqué, renvoie André-Christian R des fins de la poursuite exercée à son encontre des chefs des infractions prévues par les articles 1er de la loi de finances n° 63-628 du 2 juillet 1963 et 52 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986.