CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 6 mars 1991, n° ECOC9110030X
PARIS
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Confédération Nationale des Administrateurs de Biens
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Canivet (Délégué faisant fonction)
Avocat général :
Mme Thin
Avoué :
SCP Teytaud
Avocat :
Me Couturon.
Attendu que par décision du 23 juillet 1986, intervenue après avis de la Commission de la concurrence du 24 avril 1986, le ministre de l'économie a pris acte de l'engagement de la Confédération Nationale des Administrateurs de Biens, Syndics de Copropriété de France (CNAB) de modifier dans un délai de quatre mois les clauses contenues dans le chapitre I de son règlement intérieur, instaurant des exclusivités de clientèle contribuant à la fermeture du marché et qu'en raison de cette promesse il s'est abstenu de prononcer des sanctions ;
Attendu que par décision délibérée le 11 décembre 1990 concernant l'exécution de cette décision, le Conseil de la concurrence a estimé que la CNAB n'avait pas respecté l'injonction susvisée et lui a infligé une sanction pécuniaire de 1 500 000 F ;
Attendu que la CNAB qui a exercé un recours contre cette décision, nous demande, par application de l'article 15 alinéa 3 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, d'ordonner qu'il soit sursis à son exécution jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour en exposant qu'elle serait susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives tenant :
- d'une part au montant considérable de la sanction pécuniaire dont le paiement immédiat risque de perturber son fonctionnement de façon grave et durable ;
- d'autre part à la difficulté de réunir une assemblée générale pour modifier les statuts avant que la Cour n'ait tranché la contestation introduite par le recours sur le principe de cette modification et qui, s'il y était fait droit, conduirait à réunir une autre assemblée générale pour annuler sa précédente délibération ;
Que la requérante ajoute que l'exécution immédiate de ces sanction et injonction est d'autant moins justifiée que la Cour doit statuer très prochainement sur le fond du recours alors que le ministre de l'économie a paru admettre qu'il n'y avait en l'espèce aucune urgence puisqu'il a attendu plus de trois années avant de saisir le Conseil de la concurrence ;
Attendu que le ministre chargé de l'économie demande le rejet de la mesure sollicitée ;
Attendu que le recours formé contre une décision du Conseil de la concurrence n'est pas suspensif mais qu'aux termes du texte susvisé, le premier président de la Cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution des injonctions qu'elle édicte, des sanctions pécuniaires qu'elle inflige ou mesures de publication qu'elle ordonne si elles sont susceptibles d'entraîner des conséquences manifestement excessives ;
Attendu que la décision du 11 décembre 1990, soumise à recours, a sanctionné, par application des dispositions de l'article 14 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, l'inexécution partielle des injonctions contenues dans la décision ministérielle du 23 juillet 1986 sans en édicter de nouvelles ; que dès lors il n'entre pas dans les pouvoirs du premier président de la cour d'appel de Paris statuant par application de l'article 15 alinéa 3 de ce texte de surseoir à l'exécution des injonctions définitivement prononcées que le recours actuellement introduit ne peut remettre en cause ;
Attendu que la proximité de la date à laquelle il doit être statué sur ledit recours ne peut à elle seule justifier du sursis à exécution ;
Attendu qu'il n'est produit aucun élément comptable ou financier, fût-ce le rapport financier présenté à la dernière assemblée générale, sur l'état de la trésorerie, des fonds déposés, des avoirs disponibles, des biens et valeurs mobilisables de la requérante ou de ses possibilités d'emprunt ; que dès lors il n'est pas concrètement établi que le paiement du montant des sanctions pécuniaires qui lui sont infligées risque de créer un trouble irréversible dans le fonctionnement, un obstacle à l'exercice de son action Syndicale ou une menace à l'existence de cette organisation professionnelle et qu'il ne peut en conséquence être sursis au recouvrement du montant des dites sommes selon les modalités et délais laissés à l'appréciation de l'Agent judiciaire du trésor ;
Par ces motifs : rejetons le recours ; laissons les dépens à la charge de la requérante.