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Décisions

Conseil Conc., 2 mai 1995, n° 95-D-29

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Exécution par la société Céjibé de la décision n° 93-D-43 en date du 19 octobre 1993

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Adopté, sur le rapport de M. Bernard Thouvenot, par M. Barbeau, président, MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents.

Conseil Conc. n° 95-D-29

2 mai 1995

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 5 mai 1994 sous le numéro R. 21, par laquelle le ministre de l'économie a saisi le Conseil de la concurrence du respect des injonctions prononcées par le Conseil dans sa décision n° 93-D-43 en date du 19 octobre 1993 relative aux pratiques des entreprises du réseau à l'enseigne " Troc de l'île " ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence, notamment son article 14, et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu la décision n° 93-D-43 du Conseil de la concurrence en date du 19 octobre 1993 relative aux pratiques des entreprises du réseau "Troc de l'île " ; Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 8 juillet 1994 ; Vu les observations présentées par la société Céjibé et par le commissaire du Gouvernement; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et le représentant de la société Céjibé entendus, Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés:

I. - CONSTATATIONS

Par la décision n° 93-D-43 du Conseil de la concurrence, il a notamment été ordonné à la société Céjibé " de faire publier à ses frais, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, le texte intégral de celle-ci dans la revue Franchise Magazine, sous le titre "Décision du Conseil de la concurrence du 19 octobre 1993 relative aux pratiques des entreprises du réseau à l'enseigne "Troc de l'île" ". Cette décision a été notifiée le 4 novembre 1993 à la société Céjibé par lettre recommandée dont elle a accusé réception le 8 novembre suivant.

Par lettre en date du 7 décembre 1993, le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a demandé à la société Céjibé de lui fournir, dans un délai de deux mois, les justifications de la publication de la décision du Conseil de la concurrence dans les conditions prescrites. A cette occasion, il a été indiqué à la société Céjibé que l'inexécution des décisions du Conseil pouvait être sanctionnée en application de l'article 14 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et il lui a été rappelé que les recours formés contre ces décisions n'étaient pas suspensifs, sauf sursis à exécution accordé par le premier président de la cour d'appel de Paris dans les conditions prévues par l'article 15 de ladite ordonnance.

Par lettre en date du 20 décembre 1993, le conseil de la société Céjibé a répondu au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes que, parallèlement à un recours formé contre la décision du Conseil de la concurrence, il avait " mis en place une procédure de sursis à exécution devant (...) le premier président de la cour d'appel de Paris, qui vise notamment la publication de la décision du Conseil " et que, en conséquence, il conseillait à ses clients d'attendre la décision du premier président avant de prendre toutes mesures pour organiser la publication de cette décision.

Interrogé le 9 février 1994 sur l'exécution des injonctions faites à la société Céjibé, son président-directeur général a notamment déclaré que " la publication de cette décision n'a pas été faite, sur les recommandations de (son) conseil, (...) dans l'attente du recours en réformation devant la cour d'appel de Paris ". Entendu le 3 octobre 1994, il a déclaré : " Je n'ai pas suivi dans le détail les modalités d'exécution de la décision du Conseil de la concurrence en ce qui concerne la publication de cette décision. J'ignore notamment s'il y a bien eu une demande de sursis à exécution, mais je présume qu'il n'y en a finalement pas eu, la procédure de recours en réformation m'ayant semblé suffisante pour considérer que je pouvais peut-être attendre l'arrêt de la cour d'appel. (...) Je précise que la publication de la décision du Conseil de la concurrence aurait représenté un coût de l'ordre de 300 000 F tout à fait incompatible avec les ressources de l'entreprise ";

Par arrêt du 8 juillet 1994, la cour d'appel de Paris a réformé la décision du Conseil de la concurrence et a notamment enjoint à la société Céjibé de faire publier à ses frais le texte intégral de cet arrêt dans la revue Franchise Magazine.

L'ordre de parution de la publication de l'arrêt de la cour d'appel dans la revue Franchise Magazine, que le président-directeur général de la société Céjibé a présenté le 3 octobre 1994, fait apparaître un prix de 22 500 F. Une comparaison de la décision du Conseil de la concurrence et de celle de la cour d'appel de Paris, toutes deux publiées avec les mêmes caractères typographiques dans le Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, permettant de constater que la décision du conseil est moins de deux fois plus longue que l'arrêt de la cour d'appel, il en ressort que le coût de la publication de la décision du Conseil de la concurrence dans les mêmes conditions que celle de l'arrêt de la cour d'appel aurait pu être inférieur à 45 000 F.

II - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Considérant qu'aux termes de l'article 14 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée, " si les mesures et injonctions prévues aux articles 12 et 13 ne sont pas respectées, le conseil peut prononcer une sanction pécuniaire dans les limites fixées à l'article 13 " ; qu'aux termes de son article 15 " le recours n'est pas suspensif. Toutefois, le premier président de la cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est intervenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité " ;

Considérant que la société Céjibé n'a jamais fait publier dans la revue Franchise Magazine le texte intégral de la décision susvisée du Conseil de la concurrence, qui lui a été notifiée le 8 novembre 1993, et que, si elle a formé un recours contre cette décision, elle n'a déposé aucune demande de sursis à exécution auprès du premier président de la cour d'appel de Paris ;

Considérant qu'elle prétend néanmoins que l'arrêt de la cour d'appel de Paris a retiré toute valeur juridique à la décision du Conseil de la concurrence en la réformant et qu'en conséquence le Conseil ne peut plus ni la faire exécuter ni en sanctionner l'inexécution;

Mais considérant que la réformation de cette décision n'a produit d'effet qu'à compter de la notification de l'arrêt de la cour d'appel de Paris et n'a pas modifié rétroactivement l'état de droit concernant la société Céjibé ni retiré son caractère exécutoire à la mesure de publication ordonnée par le Conseil de la concurrence; qu'il en résulte que l'inexécution de cette mesure reste établie à partir du 9 février 1994 et jusqu'à la notification de l'arrêt de la cour d'appel de Paris; que,si le Conseil n'a plus le pouvoir de faire exécuter la décision initiale, il a encore celui d'en sanctionner l'inexécution;

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le Conseil de la concurrence " peut infliger une sanction pécuniaire applicable (...) en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires réalisé en France au cours du dernier exercice clos " ;

Considérant que la société Céjibé a délibérément refusé d'exécuter la mesure de publicité qui lui a été prescrite, alors que l'obligation lui en avait été expressément rappelée par l'administration qui lui avait indiqué les sanctions auxquelles elle s'exposerait et lui avait rappelé les dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que le chiffre d'affaires réalisé par la société Céjibé au cours du dernier exercice clos, couvrant la période du 1er octobre 1993 au 30 septembre 1994 s'est élevé à 9 130 760 F ; qu'il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 30 000 F,

Décide

Article unique : Il est infligé une sanction pécuniaire de 30 000 F à la société Céjibé.