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Décisions

Conseil Conc., 3 avril 1990, n° 90-D-13

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Saisine émanant de la société Laboratoire de prothèses oculaires

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré en section sur le rapport de Mme Santarelli dans sa séance du 3 avril 1990 où siégeaient M. Béteille, vice-président, présidant la séance ; MM. Bon, Fries, Mmes Halgesteen, Lorenceau, M. Schmidt, membres.

Conseil Conc. n° 90-D-13

3 avril 1990

Le Conseil de la concurrence,

Vu la lettre enregistrée le 25 mars 1988 sous le numéro C 159 (F 150) par laquelle la société Laboratoire de prothèses oculaires (LPO) a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par divers syndicats d'opticiens sur le marché de la distribution des lentilles de contact ; Vu les ordonnances n° 45-1483 et n° 45-1484 du 30 juin 1945, modifiées, respectivement relatives aux prix et à la constatation, à la poursuite et à la répression des infractions à la législation économique ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié, pris pour son application ; Vu le code de la santé publique ; Vu les observations présentées par les parties et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les parties entendus ; Retient les constatations et adopte la décision ci-après exposées :

I. - Constatations

A. - Le marché

Les lentilles de contact sont destinées, comme les lunettes, à corriger la myopie, l'hypermétropie ou l'astigmatisme.

Alors que 24 millions de personnes environ portent des lunettes, les utilisateurs de lentilles de contact sont seulement 1,5 million, soit 6 p. 100 de la population atteinte d'un défaut de la vision.

La réglementation technique relative aux lentilles de contact résulte d'un arrêté interministériel du 25 février 1975, modifié le 26 juin de la même année, qui indique que " les lentilles de contact et verres scléro-cornéens, placés au contact de la cornée par l'intermédiaire d'un film de larmes sont, soit un matériel à effet de correction optique, soit un matériel de pansement ".

Les textes régissant la profession d'opticien, issus des lois des 5 juin 1944, 17 novembre 1952 et 5 novembre 1953, ne mentionnent que les verres correcteurs de sorte que les problèmes soulevés par cette technique nouvelle se sont trouvés posés devant les juridictions.

En ce qui concerne la délivrance des lentilles de contact, la jurisprudence a établi la règle de leur assimilation aux verres correcteurs. C'est ainsi que la chambre commerciale de la Cour de cassation a consacré cette interprétation dans un arrêt du 9 mai 1985, dans lequel elle a posé le principe " qu'en l'absence d'une énumération précise des objets dont la vente est réservée aux titulaires du brevet professionnel d'opticien-lunetier visé à l'article L. 505 du code de la santé publique, avait légalement justifié sa décision la cour d'appel qui avait retenu que la vente des lentilles de contact et des verres scléro-cornéens entrait dans le champ de l'optique-lunetterie et des verres correcteurs auxquels se réfère l'article L. 508 du même code ".

Les opticiens-lunetiers peuvent donc délivrer des lentilles de contact aux personnes âgées de plus de seize ans sans ordonnance médicale, à condition de ne pas utiliser, pour déterminer la correction à réaliser, d'appareils servant à mesurer la réfraction oculaire, dont l'usage est réservé aux médecins par l'arrêté du ministre de la santé du 6 janvier 1962.

En ce qui concerne l'adaptation des lentilles de contact, consistant dans un examen ophtalmologique afin d'apprécier l'état de la cornée et de mesurer sa courbure, dans un ou plusieurs essais permettant de sélectionner le meilleur produit et dans des contrôles postérieurs à l'acquisition, les tribunaux, saisis de procédures pour exercice illégal de la médecine à l'encontre d'opticiens qui la pratiquaient, ont considéré qu'il s'agissait d'opérations devant être exclusivement réservées aux médecins. Les opticiens conservent la responsabilité de l'intervention technique, vérifient la commande, contrôlent la pose et se chargent de L'éducation du client en matière d'utilisation et d'entretien.

Au stade de la production et de l'importation, l'offre sur ce marché provient, d'une part, des entreprises produisant sur le territoire national, d'autre part, des importateurs.

L'activité du secteur est concentrée autour d'environ vingt-cinq entreprises de taille variable, sociétés françaises ou étrangères de production et d'importation, appartenant souvent aux groupes multinationaux de l'industrie pharmaceutique ou chimique.

Les entreprises françaises sont généralement constituées par des laboratoires de petite ou moyenne importance, souvent spécialisés dans la fourniture d'une gamme très restreinte de lentilles ou de produits sur mesure.

Il faut toutefois signaler la situation de la firme Essilor qui dispose de moyens importants, grâce à sa dimension internationale et à la première place qu'elle occupe sur le marché national du verre optique.

Selon le groupement des industries françaises de l'optique (GIFO), la production nationale de verres de contact est passée de 405 000 lentilles en 1980 à 652 000 en 1986.

La distribution des lentilles de contact est effectuée par les opticiens-lunetiers, par les entreprises productrices ou importatrices, soit directement, soit par l'intermédiaire des médecins, et par la société Laboratoire de prothèses oculaires (LPO)

Au nombre de 5 600, les opticiens-lunetiers peuvent se classer en quatre grandes catégories selon le mode d'exploitation de leurs magasins les indépendants (58,9 p. 100), les adhérents à des groupements comme Sacol-Visual, Atol ou Krys (33,9 p. 100), les centres mutualistes (4,5 p. 100) et les entreprises pratiquant une politique commerciale de marges réduites, comme Afflelou et Cosmas (2,7 p. 100).

Un peu plus de 2 000 opticiens commercialisent des lentilles de contact, certains procédant à leur adaptation, dans les limites du respect du domaine d'intervention des médecins.

Les opticiens-lunetiers ont leur activité réglementée par les articles L. 505 à L. 510 du code de la santé publique, auxquels il faut ajouter l'article L. 512 du même code concernant la vente des produits destinés au nettoyage des lentilles de contact.

Aux termes de l'article L. 505 " Nul ne peut exercer la profession d'opticien- lunetier détaillant s'il n'est pourvu du brevet professionnel d'opticien-lunetier, du diplôme d'élève breveté des écoles nationales professionnelles, section d'optique-lunetterie, du certificat d'études de l'Ecole des métiers d'optique ou de tout autre titre désigné par arrêté ministériel". Une fois le diplôme acquis, l'opticien-lunetier peut exercer son activité.

L'article L. 508 du code de la santé publique énonce que les établissements commerciaux dont l'objet principal est l'optique-lunetterie, leurs succursales et les rayons optique-lunetterie des magasins ne pourront être dirigés ou gérés que par une personne remplissant les conditions requises pour l'exercice de la profession d'opticien-lunetier.

La violation de cette exigence de diplôme entraîne deux séries de conséquences. D'une part, en vertu de l'article L. 509 du code de la santé publique, toute infraction aux dispositions réglementant la profession d'opticien-lunetier est punie d'une amende de 1 200 à 3 000 F, portée en cas de récidive de 3 000 à 6 000 F, le tribunal pouvant en outre ordonner la fermeture de l'entreprise ou du rayon d'optique-lunetterie. Les juridictions saisies, comme récemment la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 26 avril 1988 (Gourbault), ont à cette occasion confirmé que la vente de lentilles de contact entrait dans le champ de l'optique-lunetterie et devait en conséquence être le fait d'opticiens diplômés.

D'autre part, l'immatriculation au registre du commerce peut être refusée ou annulée.

En outre, les directions départementales et régionales de l'action sanitaire et sociale sont chargées de procéder, de manière systématique, à la vérification des titres professionnels exigés des responsables des établissements d'optique.

Alors que les conditions d'accès à la profession d'opticien-lunetier sont ainsi précisément réglementées, les textes la régissant n'en donnent pas de définition, l'article L. 508 du code de la santé publique indiquant seulement que le " colportage des verres correcteurs d'amétropie est interdit " et qu' " aucun verre correcteur ne pourra être délivré à une personne âgée de moins de seize ans sans ordonnance médicale ".

Aussi, le problème de la délimitation des domaines respectifs des opticiens et des médecins ophtalmologistes s'est-il posé à propos des conditions de délivrance des verres correcteurs et de l'adaptation des lentilles de contact.

Certains laboratoires distribuent directement les lentilles de contact aux clients qui leur sont généralement adressés par les médecins ophtalmologistes. Ceux-ci se sont plus particulièrement intéressés à l'optique de contact dans les années 1970 au moment où, avec l'apparition des lentilles souples hydrophiles, cette discipline connaissait son essor le plus net. Ils procèdent à l'examen de l'oeil et vérifient l'absence de contre- indications. Actuellement, ils réalisent environ 70 p. 100 des adaptations.

La société Laboratoire de prothèses oculaires est une société anonyme au capital de 252 000 F, constituée en mars 1978 afin, selon ses dirigeants, de répondre à la demande des ophtalmologistes. Elle s'est spécialisée dans la vente en l'état de lentilles de contact, sur prescription médicale, les médecins ophtalmologistes assurant seuls la prescription, l'adaptation, l'appareillage et le contrôle de leurs patients. Elle a installé 27 points de vente exploités sous forme d'agences ou par l'intermédiaire de distributeurs franchisés, sans que les responsables de ces magasins soient titulaires du diplôme d'opticien-lunetier.

Elle offre un certain nombre de garanties et de services spécifiques comme le remboursement des lentilles en cas d'intolérance ou leur échange en cas de détérioration. Elle distribue également des implants intra-oculaires sur justification d'une prescription médicale mais son chiffre d'affaires est à concurrence de 72 p. 100 réalisé par la vente de lentilles de contact de l'ordre de plus de 100 000 par an, soit 25 p. 100 de l'ensemble des lentilles prescrites en France. Elle organise, en outre, des cours de formation destinés aux médecins et dispensés dans ses agences.

Cette société connaît une progression soutenue et, en 1988, son chiffres d'affaires s'est élevé à 33 millions de francs, celui de ses franchisés se montant pour la même période à 15 millions de francs.

B. - Les pratiques dénoncées

La société LPO, dénonce un certain nombre de faits qu'elle qualifie tout à la fois d'ententes et d'abus de position dominante sur le fondement des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 elle met en cause les agissements des syndicats professionnels les plus représentatifs comme l'Union nationale des syndicats d'opticiens de France (UNSOF), le Syndicat des opticiens français indépendants (SOFI), le Syndicat des opticiens adaptateurs d'optique de contact (SNADOC), ainsi que ceux du Groupement des opticiens-lunetiers détaillants (GOLD) et du Groupement d'achat des opticiens (Gadol-Optic 2000).

Le groupement des opticiens-lunetiers détaillants est un groupement d'intérêt économique formé entre trois opticiens de Metz. Il a pour objet, notamment, d'assurer la défense de leur profession.

Le Groupement d'achat des opticiens-lunetiers Gadol-Optic 2000 est une société coopérative à capital variable de commerçants détaillants et compte environ 214 points de vente à la fois centrale de référencement, centrale d'achat et centrale de paiement, il fournit à ses associés assistance et conseils.

Les pratiques dénoncées par la société LPO peuvent se classer en quatre rubriques

- actions en justice pour faire cesser son activité par des condamnations du chef d'exercice illégal de la profession d'opticien-lunetier ;

- " dénonciations " d'agences LPO auprès des administrations directions des affaires sanitaires et sociales, caisses primaires et régionales d'assurance maladie et services du registre du commerce ;

- articles dans la presse ;

- actions des syndicats auprès des ophtalmologistes.

I. Les actions en justice

La société LPO invoque de nombreuses procédures mais il y a lieu d'écarter celles qui ne la concernent pas directement, ne sont pas le fait de syndicats, ou ont donné lieu à des décisions sur les domaines de compétence respective des opticiens et des ophtalmologistes en matière d'optique de contact que le Conseil de la concurrence n'a pas qualité pour apprécier.

En ce qui concerne les instances opposant les syndicats d'opticiens à LPO, il faut distinguer celles mettant en cause un seul syndicat ou groupement et celles engagées par plusieurs organismes.

Parmi les procédures mises en œuvre par un syndicat d'opticiens, peuvent se ranger l'affaire ayant opposé la chambre syndicale des opticiens de la région Provence-Côte d'Azur, affiliée à l'UNSOF à l'agence LPO de Marseille, celle ayant opposé à Grenoble le SNADOC à M. Gourbault, pris en qualité de président de LPO, l'instance engagée par Gadol-Optic 2000 à l'encontre des dirigeants actuels de LPO pour publicité mensongère ainsi que la procédure opposant la société Optique Royer à l'agence LPO de Nantes qui a donné lieu à une intervention volontaire du SOFI

Au rang des actions intentées par plusieurs syndicats, il y a lieu de citer l'affaire de Metz dans laquelle le GOLD, le SOFI et le SNADOC ont assigné les responsables de l'agence LPO de cette ville.

2. Les " dénonciations " auprès des administrations

La société LPO indique que les syndicats interviennent auprès des caisses d'assurance maladie afin que celles-ci refusent le remboursement des lentilles vendues par l'intermédiaire de ces agences, notamment à Grenoble et Nancy, au motif que ces établissements ne sont pas agréés comme fournisseurs en optique-lunetterie.

A l'appui de cette accusation d'action concertée, elle produit un article paru dans la revue du SNADOC indiquant la marche à suivre " en cas d'ouverture d'un centre de distribution de lentilles de contact sans responsable technique en règle avec la réglementation ". Dans ce document, les adhérents sont invités à constituer un dossier sur cet établissement à l'aide de factures, d'exploits d'huissiers constatant l'absence d'opticien diplômé, d'extraits du registre du commerce et à prévenir le SNADOC qui agira par lettre recommandée tant auprès du greffier de la juridiction consulaire que des directeurs régionaux et départementaux de l'action sanitaire et sociale.

3. Les articles dans la presse

Selon LPO, les syndicats développent, notamment dans leurs revues professionnelles, une argumentation destinée à dénigrer son activité et à appeler leurs adhérents à la délation.

C'est ainsi que sont cités des extraits d'articles publiés dans la revue du SNADOC et dans la revue Inform'Optique ainsi qu'un article paru dans Le Républicain lorrain du 5 juillet 1986, rendant compte de la décision par laquelle la cour d'appel de Nancy, confirmant le jugement du tribunal d'instance de Metz, avait condamné, pour exercice illégal de la profession d'opticien-lunetier, une employée et le proriétaire de l'agence LPO de Metz.

Dans les observations présentées après notification du rapport, la société LPO précise que ces articles contiennent un appel au boycottage de ses établissements et doivent être rattachés au rôle des syndicats dans le contrôle de l'embauche des nouveaux diplômés.

4. Les actions des syndicats d'opticiens auprès des médecins

Au titre de " nouvelles actions des syndicats ", LPO a fait parvenir au Conseil de la concurrence une lettre datée du 4 juillet 1989, émanant de la chambre syndicale des opticiens de la région Rhône-Alpes, affiliée à l'UNSOF.

Dans ce document, le président de ce syndicat s'étonne auprès d'un médecin de ce qu'aucun opticien " en règle avec la réglementation " n'ait été convié à une réunion organisée par LPO sur les premières lentilles jetables. Il y rappelle la jurisprudence sur la distribution des lentilles de contact ainsi que la position de l'administration.

De même, est produite une lettre émanant du président du GOLD adressée à un médecin de Metz, présentée par LPO comme étant une lettre circulaire destinée à l'ensemble des médecins de la région au moment de l'ouverture de l'agence LPO dans cette ville. Le président du GOLD, agissant en qualités, et en tant que délégué par le SOFI, informe par ce courrier son interlocuteur de ce que le centre LPO de Metz est la propriété d'un opticien qui possède un autre magasin dans cette ville, que dès lors, en privilégiant " un seul opticien, il crée inconsciemment un préjudice important à tous les autres avec lesquels sont établies depuis de nombreuses années d'excellentes relations professionnelles ".

En outre, la société LPO a entendu, à l'occasion du dépôt de ses observations sur le rapport qui lui avait été notifié, dénoncer deux faits nouveaux :

- d'une part, le refus de publicité qui lui a été opposé par la revue L'Opticien- lunetier, dépendant de l'UNSOF ;

- d'autre part, le contrôle sur la délivrance des diplômes effectué par les syndicats d'opticiens qui la mettrait dans l'impossibilité de doter chacune de ses 27 agences d'opticiens-lunetiers.

II. - A LA LUMIERE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Considérant que ceux des faits ci-dessus décrits qui sont antérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 1er décembre 1986 doivent être appréciés au regard des disPositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 qui demeurent applicables en l'espèce ;

Sur la prescription :

Considérant que la saisine enregistrée le 25 mars 1988 a interrompu le cours de la prescription ; qu'en conséquence, les faits antérieurs au 25 mars 1985 ne peuvent valablement être qualifiés par le Conseil de la concurrence ;

Sur la violation des dispositions du premier alinéa de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986

En ce qui concerne les actions en justice :

Considérant que le fait d'agir en justice est l'expression d'un droit fondamental, spécialement reconnu par l'article L. 411-11 du code du travail aux syndicats professionnels que ceux-ci ont en outre pour objet, selon l'article L. 411-1 du même code, " l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels des personnes visées par leurs statuts " ; que, dès lors, l'action en justice d'une organisation professionnelle ne peut être considérée comme constituant, à elle seule, une action concertée anticoncurrentielle ;

Considérant, de même, que le fait par plusieurs syndicats d'engager une action commune devant une juridiction ne pourrait être regardé comme la manifestation d'une pratique prohibée que si une telle entente avait pour objet ou pouvait avoir pour effet une restriction de la concurrence sur le marché de la distribution des lentilles de contact ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les syndicats agissent de manière isolée, sans qu'une concertation entre eux pour mener des actions communes à l'encontre de LPO ait pu être mise à jour ; que, parfois, l'action est engagée par un syndicat ou un groupement, comme à Metz, et, compte tenu du caractère exemplaire de la question juridique posée, d'autres syndicats se constituent également parties civiles et obtiennent des dommages et intérêts ;

Considérant que le résultat des procédures ainsi intentées, pouvant consister dans la fermeture de telle ou telle agence de LPO ne saurait suffire à qualifier les pratiques dénoncées, au regard des dispositions des ordonnances susvisées ;

En ce qui concerne les " dénonciations " auprès des administrations :

Considérant qu'il entre dans la mission des syndicats de veiller à l'exercice régulier de la profession qu'ils représentent ; qu'en matière d'optique de contact l'imprécision des textes semble avoir laissé s'installer une certaine tolérance des diverses administrations de contrôle de sorte que la société LPO a pu se développer sans doter l'ensemble de ses agences d'opticiens diplômés ;

Considérant que la jurisprudence ayant consacré la thèse de l'assimilation des lentilles de contact aux verres correcteurs, l'administration, notamment le ministère de la santé, a non seulement repris cette interprétation, mais commence à en tirer toutes les conséquences notamment par la voie de circulaires aux préfets afin qu'un contrôle des établissements d'optique-lunetterie soit effectué de manière systématique que, de leur côté, les caisses primaires d'assurance maladie prennent parfois l'initiative d'aviser les médecins prescripteurs afin qu'ils avertissent leurs clients du risque de non-remboursement en cas d'achat auprès d'un établissement LPO non agréé ;

Considérant que dans ces conditions, c'est à tort que la société LPO impute ces faits aux syndicats d'opticiens à l'encontre desquels aucune concertation pour agir auprès des administrations n'a été établie par l'instruction ;

Considérant que les éléments du dossier démontrent au contraire que les syndicats agissent de manière isolée, souvent à la demande de leurs adhérents et limitent leurs interventions à la défense des intérêts professionnels dont ils ont la charge ;

En ce qui concerne les articles dans la presse :

Considérant que les organisations professionnelles peuvent, sans excéder les limites de leur mission, informer leurs adhérents, dans des publications qui leur sont spécia- lement destinées, sur un problème de législation et d'interprétation des textes réglementant leur profession ;

Considérant, en ce qui concerne " la marche à suivre " préconisée à ses adhérents par le SNADOC pour dénoncer les centres de distribution de lentilles de contact fonctionnant dans des conditions irrégulières, qu'il s'agit d'une directive ne concernant pas précisément la société LPO mais tout " centre de distribution de lentilles de contact n'ayant pas de responsable technique en règle avec la loi " ; qu'elle contient des conseils destinés à rendre plus efficace le rôle ainsi joué par les professionnels et de donner au SNADOC les moyens d'agir auprès des différentes administrations pour leur signaler les cas litigieux ;

Considérant que les autres articles incriminés sont pour la plupart extraits de la revue du SNADOC et rappellent la doctrine de ce syndicat sur l'optique de contact ;

Considérant dans ces conditions qu'ils ne sauraient être regardés comme la manifestation d'actions anticoncurrentielles à l'encontre de LPO ;

En ce qui concerne les actions des syndicats auprès des ophtalmologistes prescripteurs :

Considérant qu'à supposer que l'on puisse qualifier ces initiatives d'actions concertées comme émanant de syndicats professionnels agissant à ce titre, il resterait à établir leur caractère anticoncurrentiel par l'examen de leur objet et de leur effet ;

Considérant qu'il s'agit de courriers dont l'un rappelle la jurisprudence et la position de l'administration sur la question de la distribution des lentilles de contact et souligne la situation irrégulière de LPO par rapport aux textes en vigueur au vu de décisions judiciaires, dont l'autre demande aux ophtalmologistes de ne pas privilégier en matière de lentilles de contact le centre LPO de Metz au détriment des opticiens- lunetiers installés dans cette ville que de telles pratiques ne sauraient être qualifiées d'actions concertées anticoncurrentielles ;

En ce qui concerne le refus de publicité opposé par les dirigeants de la revue de l'UNSOF :

Considérant que le refus de publicité, opposé à LPO le 8 novembre 1983 par le rédacteur en chef de la revue L'Opticien-Lunetier, éditée par l'UNSOF se trouve pres- crit et ne saurait, en conséquence, faire l'objet d'un examen par le Conseil de la Concurrence ;

En ce qui concerne le contrôle opéré par les syndicats d'opticiens sur la délivrance des diplômes :

Considérant que le diplôme d'opticien-lunetier étant soumis aux conditions d'examen prévues et organisées par le ministère de l'éducation nationale, LPO ne peut valablement accuser les syndicats d'organiser la pénurie de diplômes à leur seul profit et afin de lui interdire de régulariser sa situation, alors que les difficultés de recrutement atteignent également tous les opticiens-lunetiers et qu'aucun élément n'est fourni à l'appui de l'accusation d'appel au boycottage de LPO par les nouveaux diplômés ;

Considérant que cette société se borne en réalité à exposer un éventuel problème de formation qui n'entre pas dans le champ d'application des ordonnances susvisées ;

Sur la violation du dernier alinéa de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 :

Considérant en ce qui concerne la prétendue position dominante des syndicats d'opticiens, que la société LPO n'apporte aucun élément pertinent d'appréciation, notamment quant au rôle en tant que partenaires économiques que pourraient avoir les organisations professionnelles dénoncées ; qu'elle se contente d'imputer indifféremment tant aux opticiens qu'à leurs syndicats des " manœuvres répréhensibles pour s'emparer du marché ", sans définir celui-ci, en estimant que les opticiens détiennent une position dominante du seul fait de la réglementation de leur profession qui leur confère l'exclusivité de la distribution des produits d'optique-lunetterie, et en abusent en agissant à son encontre pour lui interdire toute activité ;

Considérant qu'en ne distinguant pas, dans son accusation, une entreprise ou un groupe d'entreprises déterminés la société requérante prive son argumentation de toute valeur ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les faits dénoncés par LPO ne peuvent faire l'objet de qualification, ni sur la base des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ni sur celle des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

Décide : Article unique. - Il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.