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Décisions

Conseil Conc., 11 juin 1991, n° 91-D-30

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques relevées sur le marché de la fabrication des panneaux et enseignes publicitaires

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré en commission permanente, sur le rapport oral de Mme Pineau, dans sa séance du 11 juin 1991, où siégeaient : M. Laurent : Président ; MM. Bèteille, Pineau : Vice-Présidents

Conseil Conc. n° 91-D-30

11 juin 1991

Le Conseil de la concurrence,

Vu la lettre enregistrée le 3 septembre 1990 par laquelle le ministre d'Etat, ministre de l'Economie, des Finances et du Budget, a saisi le Conseil de la concurrence d'un dossier relatif à des pratiques relevées sur le marché de la fabrication des panneaux et enseignes publicitaires ; Vu les ordonnances n° 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945 modifiées relatives respectivement aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié, pris pour application ; Vu la procédure engagée le 1er février 1991 en application des dispositions de l'article 22 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Vu les observations présentées par les parties et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et le représentant du Syndicat national des artisans peintres en lettres (Fédération française des métiers de l'enseigne et de la communication graphique) entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés :

I. CONSTATATIONS

A. Le secteur d'activité

L'activité de peintre en lettres traditionnel nécessite un savoir-faire important, acquis après un long apprentissage le phénomène explique la structure le plus souvent artisanale des entreprises. En moyenne, elles emploient une à trois personnes et leur chiffre d'affaires s'établit aux alentours du million de francs. Depuis 1983, l'activité a connu une modification des conditions techniques de production. Les professionnels sont passés du travail manuel à l'informatique de production et de conception. Les artisans ayant conservé une activité purement traditionnelle constituent l'exception. En majorité, les professionnels recourent aux deux techniques. Quelques entreprises de plus grande dimension se sont spécialisées dans la lettre adhésive.

Antérieurement à 1989, la profession était représentée par le Syndicat national des artisans peintres en lettres (SNAPL) désormais dénommé Fédération française des métiers de l'enseigne et de la communication graphique. A l'époque des faits soumis à l'appréciation du Conseil de la concurrence, le SNAPL regroupait 580 adhérents représentant environ le tiers des entreprises engagées dans celte activité. Le syndicat national est organisé en 18 unions régionales.

B. Les pratiques relevées

L'enquête administrative a été conduite au siège du syndicat, dans les locaux de différentes entreprises et au siège des syndicats régionaux de Marseille et d'Alès. Elle a donné lieu à la rédaction de procès-verbaux d'audition ; ces procès-verbaux, qui constituent l'acte interruptif du délai de prescription, ont été dressés dès le 6 décembre 1988.

L'instruction a révélé que le SNAPL a, en tout cas au cours de la période non prescrite, diffusé trois séries de documents relatifs aux prix des prestations susceptibles d'être proposées par ses adhérents.

En premier lieu, le syndicat a édité des barèmes nationaux de prix. Ainsi résulte-t-il du procès-verbal de déclaration du président du syndicat que " tous les quatre ans la commission des prix du SNAPL profitait de la sortie de la série de prix des architectes, où figuraient les prix de base du métier pour, à chaque conseil national, réaliser des documents chiffrés destinés aux artisans adhérents du SNAPL "

En deuxième lieu, jusqu'en juillet 1987, le SNAPL a régulièrement procédé à l'actualisation de ces barèmes celle-ci a été opérée pour chaque union régionale à partir des barèmes des coefficients publiés chaque mois par la série centrale des prix d'architecture. Chaque trimestre le SNAPL a adressé à ses adhérents un tableau des coefficients à appliquer sous forme d'encarté dans la revue Le Peintre en lettres.

Enfin, à partir de juillet 1987, le SNAPL a substitué au système de barème national de prix actualisé un nouveau barème de prix intitulé " Document technique unifié aide-mémoire confidentiel " : ce document a été inséré dans le numéro 57 de la revue Le Peintre en lettres de juillet 1987. Son élaboration a résulté de réunions syndicales, notamment au sein d'une " commission des prix ". Le document comporte six tarifs pour " lettres peintres ", " calicots ", " fonds ", " sérigraphies ", " adhésifs " et " caissons lumineux " qui ne résultent d'aucune étude particulière relative aux coûts de revient des artisans. Présenté comme un instrument devant permettre aux professionnels l'établissement de leurs prix de revient et de leurs prix de vente, le document propose en fait, de manière exhaustive et détaillée, des niveaux de prix à pratiquer et comporte de multiples indications se rapportant aux majorations de prix à adopter et aux remises à consentir. Ainsi est-il précisé que "tous les travaux exécutés en extérieur subiront une majoration de 20 p. 100 en plus des prix de déplacement ", " pour encrage complet de support : rajouter 10 p. 100 sur le prix du tirage " et que la remise " consentie exclusivement aux agences de publicité " ne peut excéder 20 p. 100 du tarif. Il résulte en outre de l'instruction et des déclarations de certains adhérents que les tarifs syndicaux étaient de 15 à 20 p. 100 supérieurs aux tarifs pratiqués par les non-adhérents.

II. SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL

Considérant que les faits ci-dessus décrits sont à la fois antérieurs et postérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'ils doivent en conséquence être appréciés au regard de l'article 50 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 et de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant que les procès-verbaux d'audition du 5 décembre 1988 ont interrompu le cours de la prescription ; que les faits antérieurs au 5 décembre 1985 ne peuvent par conséquent être qualifiés; qu'ils peuvent cependant être relatés à seule fin de permettre la compréhension des griefs retenus et relatifs à des faits encore susceptibles d'être sanctionnés;

Considérant que le fait pour le SNAPL d'avoir conduit un ensemble d'actions consistant, à la suite de réunions, à établir et diffuser des barèmes nationaux de prix, des tableaux d'actualisation et, à partir de juillet 1987, différents tarifs, constitue une pratique concertée ayant pour objet de restreindre le jeu de la concurrence ;

Considérant que, s'il est normal pour un syndicat professionnel de fournir à ses adhérents une aide à la gestion, celle-ci ne doit comporter aucun élément d'influence directe ou indirecte sur le libre jeu de la concurrence à l'intérieur de la profession ;

Considérant qu'au cas particulier le fait pour le SNAPL d'avoir diffusé des barèmes nationaux de prix, des tableaux d'actualisation puis des tarifs paraissant s'imposer aux entreprises, alors même que ces éléments pouvaient varier d'une entreprise à l'autre, a été au-delà d'une simple aide à la gestion et constitue une pratique concertée qui a eu pour objet et a pu avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence en favorisant la hausse artificielle des prix;

Considérant que le SNAPL ne saurait utilement arguer, pour tenter de justifier les pratiques ci-dessus évoquées dont il n'ignorait pas l'illégalité, qu'en publiant ces données il ne faisait que répondre à une demande de ses adhérents;

Considérant que ces pratiques sont ainsi visées par les dispositions de l'article 50 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 et de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant qu'il n'est ni allégué ni établi que les pratiques constatées puissent bénéficier des dispositions de l'article 51 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 et de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant enfin que la circonstance que le syndicat n'a plus établi ni diffusé de barèmes de prix à compter de l'ouverture de l'enquête diligentée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ne fait pas disparaître l'infraction commise ;

Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article 53 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 susvisée et de l'article 13 de l'ordonnance de 1986 également susvisée, de prononcer à l'encontre de la Fédération française des métiers de l'enseigne et de la communication graphique une sanction pécuniaire, compte tenu à la fois des caractères propres de la profession, des incidences sur le marché des pratiques constatées, de la connaissance qu'avait l'organisation professionnelle de leur irrégularité et de la capacité contributive de ladite fédération,

Décide :

Art. 1er - Il est pris acte de l'engagement de la Fédération française des métiers de l'enseigne et de la communication graphique de s'abstenir d'établir et de diffuser des barèmes de prix ou tout autre document équivalent.

Art. 2. - Il est infligé à la Fédération française des métiers de l'enseigne et de la communication graphique une sanction pécuniaire de 300 000 F.

Art. 3. - Dans un délai maximum de trois mois suivant sa notification, le texte intégral de la présente décision sera publié aux frais de la Fédération française des métiers de l'enseigne et de la communication graphique dans les revues Technipub Magazine et Médias.

Cette publication sera précédée de la mention " Décision du Conseil de la concurrence en date du 11 juin 1991 relative à des pratiques relevées sur le marché de la fabrication des panneaux et enseignes publicitaires ".