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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 18 juin 1996, n° FCEC9610348X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Collin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bargue

Conseillers :

Mme Thin, M. Perie

Avocat :

SCP Emie etPeninque.

CA Paris n° FCEC9610348X

18 juin 1996

LA COUR est saisie du recours formé par M. Yves Collin contre la décision du Conseil de la concurrence n° 95-D-54 ayant déclaré sa saisine irrecevable et, par voie de conséquence, rejeté les mesures conservatoires sollicitées.

Exerçant des fonctions de juriste salarié au sein de la société civile professionnelle Robert Collin et associés, M. Yves Collin a sollicité son inscription au barreau de Paris au début de l'année 1992. Cette inscription lui ayant été refusée par le conseil de l'ordre, le requérant a saisi le Conseil de la concurrence par lettres des 2 et 30 juin 1995 de pratiques qu'il estime constitutives d'une entente prohibée et d'un abus de position dominante de la part de certains membres du conseil de l'ordre des avocats, et de deux de leurs confrères.

Selon lui, en effet, le rapporteur de son dossier aurait inexactement affirmé qu'il n'était pas titulaire du titre de " maître en droit ", propos repris par d'autres confrères, ce qui aurait eu pour effet de lui interdire l'accès au marché des prestations relevant du monopole des avocats, en matière de droit communautaire et de propriété industrielle et intellectuelle, marché sur lequel il estime que l'ordre des avocats dispose d'une position dominante.

Par ailleurs, il allègue également le refus que lui oppose l'ANAAFA d'établir ses bulletins de salaires, à la suite d'une décision de licenciement par la société qui l'employait et dont il conteste l'existence. " L'interdiction de pouvoir travailler normalement " en résultant serait le fruit d'une entente entre deux anciens bâtonniers de l'ordre des avocats et deux de leurs confrères, dans le but de l'évincer du marché du conseil juridique et de la rédaction d'actes.

Ces mêmes faits caractériseraient également un abus de la position dominante détenue par l'ordre des avocats sur ces deux marchés, et les effets de ces agissements étant, selon le requérant, susceptibles d'affecter les échanges entre les États membres de la Communauté européenne, en raison de la spécialisation de la SCP Robert Collin, ces agissements tomberaient sous le coup de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et des articles 85 et 86 du traité de Rome.

Le Conseil, considérant que M. Collin n'apportait aucun élément probant à l'appui de sa saisine, quant à l'entente ou l'abus de position dominante invoqués, et qu'au surplus il lui appartenait de saisir les juridictions compétentes pour examiner les contestations qu'il élevait, a déclaré sa saisine irrecevable.

Devant la Cour, le requérant sollicite l'annulation ou la réformation de la décision du Conseil, le renvoi du dossier devant celui-ci, aux fins d'instruction, et la transmission du même dossier au procureur de la République, les faits dénoncés étant susceptibles de recevoir une qualification pénale, sur le fondement de l'article 17 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Le ministre de l'économie et des finances considère que M. Collin n'apporte pas la preuve de sa qualité d'offreur de services sur un marché à la date de la saisine du Conseil, qu'en toute hypothèse les faits avancés par M. Collin n'entrent pas dans le champ de compétence du Conseil, et demande à la Cour de rejeter son recours, après avoir constaté son défaut de qualité à agir.

Le ministère public conclut oralement dans le même sens.

Sur ce, LA COUR,

Considérant que M. Collin soutient constituer une entreprise au sens du droit de la concurrence, en raison de ses interventions sur le marché du Conseil et de la rédaction d'actes ;

Considérant toutefois qu'il ne peut justifier d'une activité d'offreur de service sur ce marché, à la date de la saisine du Conseil ;

Qu'en effet, étant salarié de la SCP Robert Collin, il n'établissait aucune relation en son propre nom avec les clients de cette société, mais agissait en tant que préposé de celle-ci, et ne peut donc être considéré comme une entité influant directement sur le marché des prestations juridiques ;

Que, par ailleurs, n'ayant pas la qualité d'avocat, il n'était pas susceptible d'intervenir sur le marché des actes relevant du monopole de cette profession réglementée ;

Que, dès lors, il n'était pas recevable à saisir le Conseil de la concurrence, et que son recours ne peut qu'être rejeté, sans qu'il soit besoin d'examiner le caractère probant des éléments invoqués par lui.

Par ces motifs : Rejette le recours formé par M. Yves Collin contre la décision n° 95-D-54 du Conseil de la concurrence ; Condamne le requérant aux dépens.