CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 8 juillet 1994, n° ECOC9410155X
PARIS
ARRÊT
PARTIES
Demandeur :
Jean Chapelle (SA), Concurrence (SA), Semavem (SARL), Sony France (SA)
Défendeur :
Ministre de l'économie, des finances et du budget
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Feuillard
Avocat général :
Mme Thin
Conseillers :
Mmes Nerondat, Kamara
Avoués :
SCP Dauthy-Naboudet, Me Kieffer-Joly
Avocat :
Me Mitchel.
Saisi par les sociétés Concurrence SA, Jean Chapelle SA et Semavem SARL de pratiques de la société Sony France sur de l'électronique grand public, le Conseil de la concurrence, par décision n° 93-D-19 du 7 juillet 1993, a infligé à Sony France une sanction pécuniaire de 800 000 F.
Le conseil a estimé que les dérogations accordées par Sony France à certaines sociétés de la grande distribution, concernées par les clauses figurant dans les conventions de type B de service d'assistance aux consommateurs prévoyant l'attribution d'une remise de 5 p. 100 aux vendeurs remplissant les conditions requises, avaient pu avoir pour effet de favoriser, sans contrepartie et sans justification, un mode particulier de distribution au détriment des distributeurs concurrents; que ces pratiques conféraient un caractère anticoncurrentiel aux conditions de vente de Sony France au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986. II a relevé que quatre des entreprises ayant bénéficié de ces dérogations appartiennent à de grands groupes qui figuraient parmi les vingt-cinq premiers clients de Sony France, laquelle occupe la première place sur différents segments du marché national de l'électronique grand public.
Les sociétés Semavem, Jean Chapelle et Concurrence (groupe Chapelle) ont formé un recours en réformation contre la décision du conseil.
Elles critiquent cette décision, notamment en ce qu'elle n'a pas retenu de griefs à l'encontre des bénéficiaires des dérogations condamnées, à savoir les sociétés Continent, Carrefour, Euromarché, Rik's Electronic, Cora et Sacomun.
Elles soutiennent, en ce qui concerne les griefs non retenus, que les pratiques écartées sont contraires à l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Elles prétendent que d'autres sociétés ont bénéficié de discriminations dans l'application des conditions de vente de Sony France.
Elles réclament la condamnation de cette société à leur payer 30 000 F en application de l'article 700 NCPC.
La société Sony France a formé un recours incident et conclut à l'annulation de la décision du conseil en tant qu'elle a admis la recevabilité des saisines en l'absence de grief tiré d'une application discriminatoire, au profit de certains de ses distributeurs, du contrat d'assistance technique au consommateur de type B et en ce que le conseil était incompétent pour connaître des infractions retenues à sa charge.
Elle conclut aussi à l'irrégularité de l'ensemble des procès-verbaux de déclaration et de constatation établis par la DNEC, à l'annulation de la procédure subséquente, en ce comprise la décision du conseil, en tant qu'elle s'y réfère à titre de seule preuve des pratiques alléguées, cette décision devant encore être annulée en ce qu'elle a admis la recevabilité de la saisine de Semavem en l'absence d'intérêt à agir.
Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de la décision du conseil en tant qu'elle a constaté l'existence de pratiques discriminatoires anticoncurrentielles en l'absence de preuve de toute discrimination, d'entente à l'origine des pratiques alléguées et d'effet de ces pratiques sur le marché.
Plus subsidiairement, elle conclut à la réformation de la décision en raison de l'absence de justification de l'amende infligée, en tout cas de son caractère excessif.
Le ministre de l'économie observe :
Sur la procédure :
Que les conditions générales de vente entrent dans le champ d'application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que le conseil a retenu à juste titre sa compétence, ayant été saisi par les plaignants de dérogations accordées par Sony France à certains de leurs concurrents ; qu'il a prolongé à juste titre, de mars à juillet 1990, l'examen des effets des contrats de services après vente et des ristournes attribuées de manière différée par Sony France à l'occasion de ventes promotionnelles ;
Que les articles 46 de l'ordonnance et 31 du décret du 29 décembre 1986 n'exigent pas la mention " persiste et signe ", aucun élément n'étant apporté de nature à montrer que les droits des personnes ont été altérés lors de l'élaboration des procès-verbaux de déclaration ;
Que les procès-verbaux de constatation ont tous été signés dans les conditions prévues par l'article 31 du décret ;
Que les enquêteurs n'ont pas à vérifier la véracité des déclarations ou à analyser les divergences entre les procès-verbaux ;
Que l'absence d'intérêt à agir de Semavem ne modifie en rien la nature et l'étendue des saisines faites par les deux autres sociétés du groupe Chapelle ;
Sur le fond :
Que les pratiques relevées sont discriminatoires ; que la qualification d'une pratique n'exige pas la définition préalable précise du marché considéré ; que la discrimination est par nature opérée pour gêner un opérateur économique ;
Que les saisines en cause reprennent pour l'essentiel, les critiques émises dans les huit saisines qui ont donné lieu à la décision du conseil du 6 novembre 1990, la décision présentement critiquée portant sur une modification apportée, début 1990, au contrat ATC relatif à la mise en service de certains produits; que les griefs non retenus et non notifiés ont été compris dans la décision du 6 novembre 1990 ou sont compris dans la saisine du groupe Chapelle déposée le 8 juillet 1992 ;
Sur la sanction :
Que la sanction infligée est motivée et mesurée, ne représentant que 0,01 p. 100 du chiffre d'affaires de Sony France.
Les sociétés Semavem, Jean Chapelle et Concurrence ont répliqué aux moyens de la société Sony France à l'appui de son recours en annulation et en réformation et aux observations du ministre.
La société Sony France a répliqué aux observations du ministre et aux moyens des sociétés du groupe Chapelle.
Le Conseil de la concurrence a fait connaître qu'il n'entendait pas user de la faculté de présenter des observations écrites.
Le ministère public a conclu oralement au rejet des recours.
Sur quoi, LA COUR,
Sur la procédure :
Sur la recevabilité des saisines et la compétence du Conseil de la concurrence :
Considérant que la société Sony France prétend, pour l'essentiel, que les sociétés auteurs des saisines ont saisi le conseil du seul refus de Sony de conclure avec elles un contrat d'assistance technique, litige de nature purement contractuelle, que le conseil a excédé les termes des saisines en retenant l'existence de pratiques anticoncurrentielles et qu'il a étendu dans le temps le champ des saisines à des situations qui leur étaient postérieures ;
Qu'elle estime que la décision du conseil doit, pour ces motifs, être annulée ;
Considérant que le conseil est saisi des faits dénoncés dans les saisines qui lui sont soumises; que les critiques des sociétés du groupe Chapelle ont porté tant sur les conditions de vente appliquées par la société Sony France que sur les dérogations accordées par celle-ci à certains de leurs concurrents ;
Qu'il appartient au conseil d'apprécier les pratiques, objet des saisines, au regard des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sans s'arrêter aux qualifications qui sont éventuellement proposées par les auteurs des saisines ; qu'il pouvait en l'espèce retenir le caractère discriminatoire des pratiques de Sony France ;
Considérant que la période concernée par les saisines des sociétés du groupe Chapelle s'étend d'octobre 1989 à juillet 1990 ;
Qu'il importe peu que la dernière saisine de ces sociétés date du 2 mars 1990 dès lors qu'il s'est agi d'apprécier les effets discriminatoires de conditions générales de vente, de contrats de service après-vente et de ristournes attribuées de manière différée par la société Sony France à l'occasion d'opérations promotionnelles qui se sont déroulées jusqu'au premier semestre 1990 et alors qu'il n'est pas prétendu que les griefs n'auraient pas été notifiés pour la période postérieure au 2 mars 1990 ou que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté ;
Que les moyens de nullité proposés par la société Sony France ne peuvent donc être accueillis ;
Sur la régularité des procès-verbaux :
Considérant que la société Sony France soutient pour l'essentiel que le conseil s'est appuyé sur des procès-verbaux établis dans des conditions non conformes aux prescriptions des articles 121 et 106 (Code de procédure pénale), en raison notamment de l'absence de la formule " lecture faite, persiste et signe " ou d'une formule équivalente reposant en outre sur des constatations irrégulièrement effectuées au regard de la garantie des droits de la défense ;
Qu'elle en conclut que ces procès-verbaux doivent être écartés et que la décision du conseil doit, en conséquence, être annulée ;
Mais considérant que la cour est en mesure de s'assurer que les procès-verbaux critiqués ont été établis et signés conformément aux dispositions des articles 46 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 31 du décret du 29 décembre 1986 ;
Qu'il n'appartient pas, par ailleurs, aux enquêteurs de qualifier les faits qu'ils sont amenés à relever ni de vérifier la véracité ou la cohérence des déclarations recueillies ;
Qu'il n'y a donc pas lieu d'écarter les procès-verbaux en cause ;
Sur la qualité à agir de la société Semavem :
Considérant que la société Sony France soutient que l'intérêt à agir de la société Semavem n'est pas démontré puisqu'elle ne prétend pas avoir, avant le 12 février 1990, revendu des produits Sony et n'a subi aucun préjudice direct et personnel du fait d'une pratique anticoncurrentielle ;
Que le conseil n'a pas tiré les conséquences de droit de cette situation en ne rejetant pas comme irrecevable la saisine de la société Semavem ;
Que la cour devrait déclarer cette société irrecevable en son recours ;
Mais considérant que la société Semavem avait, devant le conseil, et a, devant la cour, intérêt à faire constater que c'est par suite des pratiques dénoncées de la société Sony France qu'elle a été mise hors marché et s'est trouvée dans l'impossibilité de passer des commandes à cette société ; que l'existence d'un courant d'affaires n'est pas une condition de recevabilité à invoquer les dispositions des articles 7 ou 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Sur la recevabilité des pièces versées par les sociétés du groupe Chapelle :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 19 octobre 1987 la déclaration de recours mentionne la liste des pièces et documents justificatifs produits, lesquels doivent être remis au greffe de la cour en même temps que la déclaration ;
Qu'il s'ensuit que la société Sony France soutient à bon droit que les pièces et documents mentionnés par les sociétés du groupe Chapelle en annexe de leur mémoire déposé le 13 septembre 1993 doivent être écartés des débats ;
Sur le fond :
Sur le marché pertinent :
Considérant que la société Sony France ne prétend pas réellement que le conseil se serait abstenu de définir le marché pertinent, puisqu'elle ne discute la délimitation de ce marché qu'à propos de la nécessaire démonstration, selon elle, de la réalité d'un effet sensible sur le marché, des pratiques constatées comme préalable à une application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant, au demeurant, qu'il s'agit en l'espèce du marché des matériels appartenant aux diverses catégories de produits d'électronique grand public, dénommés produits " bruns " et satisfaisant des besoins spécifiques des consommateurs ;
Que, en sus de ces constatations, le conseil a relevé la répartition des ventes des produits " bruns " sur le plan national et distingué, pour chaque catégorie de produits, la position de la société Sony France sur le plan national ;
Qu'il s'ensuit que les critiques de la société Sony France au sujet de la délimitation du marché pertinent sont sans fondement ;
Sur les griefs retenus à la charge de la société Sony France :
Considérant que la société Sony France prétend qu'en retenant à sa charge l'existence de pratiques discriminatoires le conseil a procédé à une interprétation inexacte de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en en faisant application à un comportement exempt d'effet discriminatoire dont, au surplus, il n'est pas établi qu'il soit la conséquence d'une entente ou qu'il soit susceptible de porter atteinte au jeu de la concurrence ;
Qu'elle soutient notamment que le conseil a considéré à tort que la ristourne de 5 p. 100 versée à certains revendeurs l'avait été sans contrepartie et sans justification ; qu'il résulte au contraire des termes du contrat ATC (assistance technique aux consommateurs) de type B que cette ristourne était versée aux distributeurs en contrepartie du respect d'un ensemble d'engagements comprenant notamment la présence d'un technicien et la détention d'un atelier de réparation ainsi que la mise en service gratuite ; qu'un seul de ces engagements, la mise en service gratuite, n'a pas été, totalement dans un cas, partiellement dans les autres, respecté ; qu'il n'y a donc pas eu discrimination ;
Que le conseil a constaté l'absence de concours de volonté entre les distributeurs et la société Sony France, ce qui exclut toute concertation ou entente ;
Qu'une pratique anticoncurrentielle ne peut être condamnée que dans la mesure où il est démontré qu'elle a produit des effets sensibles sur le marché ; que la comparaison des chiffres d'affaires, insignifiants, réalisés en 1990 par les distributeurs en cause avec Sony France, pour les téléviseurs, principal produit visé par la clause, avec le chiffre global réalisé par ces distributeurs, le chiffre global de Sony France ou encore celui du marché français des téléviseurs, confirme l'absence d'effet sur le marché des pratiques reprochées à Sony France; que c'est à tort que le conseil a cru pouvoir trouver, dans quelques incidents mineurs, une volonté de Sony France de privilégier un mode de distribution par rapport à un autre ;
Qu'elle en déduit que la décision du conseil doit donc être annulée ;
Mais considérant que les pratiques constatées par le conseil ne sont pas discutées dans leur matérialité ; qu'il y a lieu en conséquence de renvoyer à la décision du conseil pour l'exposé complet de ces pratiques ;
Qu'il sera seulement rappelé ici qu'il est établi que le contrat d'assistance technique au consommateur (ATC) de type B, en application le 1er janvier 1990, proposé par la société Sony France aux distributeurs non grossistes de ses produits présentant des difficultés de manipulation, d'adaptation ou de raccordement, prévoyait une ristourne de 5 p. 100 en contrepartie de la disposition, outre les " moyens humains ", de moyens logistiques et techniques propres permettant d'assurer la mise en service gratuite des produits à domicile ; qu'à compter du 1er janvier 1991 cette obligation a été remplacée par l'une des conditions de vente " barème général ", prévoyant la ristourne de 5 p. 100 au profit des seuls distributeurs s'engageant par écrit à effectuer la livraison et la mise en service gratuite à domicile ;
Que le contrat ATC de type B applicable en 1990 prévoyait, s'agissant du service après-vente, l'obligation pour le distributeur d'être en mesure d'assurer les réparations simples ; qu'à compter de janvier 1991 les distributeurs ont dû, pour bénéficier du maximum de ristournes, s'engager par écrit à assurer différents services au consommateur ;
Considérant que l'instruction a établi, pour l'essentiel, que certains magasins bénéficiant de la ristourne de 5 p. 100 soit n'effectuaient pas la mise en service, soit fournissaient cette prestation moyennant un supplément de prix, soit encore ne possédaient pas de service après- vente ;
Considérant que le conseil a relevé à bon droit que les conditions générales de vente ou les avantages tarifaires proposés par un fournisseur et acceptés, explicitement ou tacitement, par les distributeurs constituent des conventions au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;que les clauses de ces conventions ou leur application ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché concerné lorsque des dérogations tarifaires aux conditions générales de vente sont consenties à certains des distributeurs sans conditions objectivement définies permettant à toute entreprise qui les remplit d'y accéder et sans contreparties effectivement mises en œuvre par les bénéficiaires des avantages ;
Que le respect de l'obligation de mettre en service à domicile les matériels concernés n'a pas été imposé par la société Sony France à certains de ses distributeurs; qu'un autre de ses distributeurs n'était pas en mesure d'assurer le service après-vente aux consommateurs ; que ces distributeurs ont cependant bénéficié effectivement de la ristourne de 5 p. 100 ;
Que le fait, par Sony France, de consentir de telles dérogations à certaines sociétés de la grande distribution, sans contrepartie et sans justification, a pu avoir pour effet de favoriser un mode particulier de distribution au détriment de distributeurs concurrents qui, ne rendant pas les services prévus en contrepartie de la ristourne de 5 p. 100, n'ont pas bénéficié de celle-ci ;
Considérant encore qu'un effet discriminatoire potentiel des pratiques relevées suffit en principe pour l'application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Que les constatations du conseil, qui a relevé que quatre des entreprises qui ont bénéficié des dérogations tarifaires appartiennent à des grands groupes qui figuraient parmi les vingt-cinq plus importants clients de Sony France, établissent que les pratiques discriminatoires retenues ont pu avoir un effet sensible sur le marché concerné ;
Considérant que les explications de la société Sony France, qui prétend notamment qu'il se serait agi d'" incidents mineurs ", ne sont pas de nature à justifier les pratiques anticoncurrentielles et ne peuvent être prises en compte qu'à l'occasion de la détermination de la sanction des comportements ;
Considérant ainsi que le recours de la société Sony France sera rejeté en ce qu'il concerne les griefs qui ont été retenus à sa charge ;
Sur les pratiques écartées ou non sanctionnées :
Considérant que le conseil a justement écarté des griefs en relevant que soit l'enquête n'avait pas établi que des distributeurs bénéficiaires de dérogations, qui avaient pu ignorer celles consenties à leurs concurrents, aient contribué activement à la mise en œuvre d'une entente anticoncurrentielle, soit les faits dénoncés, non mentionnés dans les actes de saisine, étaient postérieurs à la période concernée par l'instruction, soit les pratiques en cause avaient été examinées par sa décision du 6 novembre 1990, laquelle a donné lieu à l'arrêt de la cour du 5 juillet 1991, et avaient pris fin par la proposition faite à la société Semavem, en janvier 1990, d'un contrat de service après-vente applicable à toute entreprise de vente par correspondance, soit les allégations des sociétés de groupe Chapelle n'étaient étayées d'aucun élément suffisamment probant, ces sociétés ne faisant état devant la cour d'aucun élément nouveau de nature à contredire cette constatation, soit les faits concernés étaient compris dans la saisine du 8 juillet 1992 sur laquelle le conseil sera amené à se prononcer ultérieurement, soir que l'attribution de certaines ristournes de manières différée, à l'occasion d'opérations de promotion ne constituait pas en soi une entente anticoncurrentielle alors au surplus qu'il était loisible aux distributeurs d'intégrer les ristournes auxquelles ils pouvaient prétendre dans le calcul des prix de revient et que le fabricant s'était engagé à compenser, par des primes, une éventuelle pénurie des produits ;
Considérant, par ailleurs, que le conseil, en relevant l'absence de précision, quant aux points de vente concernés, dans les contrats de services après-vente concernés, dans les contrats de services après-vente signés par des groupes d'entreprises, en l'état des résultats de l'enquête, ou le caractère marginal de certaines ristournes accordées à des distributeurs effectuant de la vente par correspondance, a justement dit que le caractère anticoncurrentiel des pratiques en cause n'était pas établi ;
Qu'il a encore considéré à bon droit, pour les motifs qu'il a énoncés, que le fait d'accorder aux entreprises disposant de plusieurs points de vente, la faculté d'effectuer le service après-vente dans un seul atelier et le fait d'accorder une remise moyenne calculée en fonction du niveau des services effectivement réalisés par les magasins d'une même entreprise n'affectaient pas le jeu de la concurrence sur le marché ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours des sociétés du groupe Chapelle doit être rejeté ;
Sur la sanction :
Considérant que la société Sony France prétend vainement que la sanction qui lui a été infligée est excessive au motif d'une appréciation démesurée ou d'une erreur manifeste du conseil ;
Qu'elle soutient pour l'essentiel qu'il n'est résulté des pratiques ponctuelles qui lui sont reprochées aucune distorsion de concurrence de nature à justifier une quelconque sanction ; qu'en mettant fin aux contrats début 1991 elle a tiré les conséquences de la situation infractionnelle dès qu'elle a pu en avoir connaissance ;
Qu'elle conclut en pratique à la suppression ou à la modération de la sanction pécuniaire ;
Mais considérant que le conseil a justement apprécié la gravité des faits et le dommage causé à l'économie en relevant que quatre des entreprises ayant bénéficié des dérogations accordées par la société Sony France appartiennent à de grands groupes qui figuraient, au moment des faits, parmi les vingt-cinq plus importants de ses clients et que cette société n'avait mis fin aux pratiques en cause qu'un an après le début d'application des conventions illicites ;
Que la société Sony France ne peut prétendre légitimement avoir ignoré la " situation infractionnelle " de ses distributeurs pendant toute cette période ;
Considérant que l'assiette de la sanction pécuniaire qui a été infligée n'est pas discutée ; que le montant de cette sanction a été justement arbitré ;
Considérant ainsi que le recours de la société Sony France sera encore rejeté en ce qu'il porte sur la sanction ;
Sur l'application de l'article 700 NCPC :
Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application en l'espèce de l'article 700 du NCPC.
Par ces motifs, Joint les instances inscrites au répertoire général de la cour sous les numéros 93-17564 et 93-20305 ; Écarte des débats les pièces et documents mentionnés par les sociétés Semavem, Jean Chapelle et Concurrence en annexe de leur mémoire déposé le 13 septembre 1993 ; Déclare la société Semavem recevable dans son recours ; Rejette le recours des sociétés Semavem recevable dans son recours ; Rejette le recours des sociétés Semavem, Jean Chapelle et Concurrence ; Rejette le recours de la société Sony France en ce qu'il porte sur : 1- La recevabilité des saisines du Conseil de la concurrence ; 2- La compétence du conseil ; 3- La régularité des procès-verbaux ; 4- La qualité à agir de la société Semavem ; 5- La délimitation du marché pertinent ; 6- Les griefs retenus à sa charge ; 7- Le principe et le montant de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée ; Rejette encore, en tant que de besoin, ce recours pour tout le surplus ; Rejette toute prétention contraire à la motivation ; Laisse aux sociétés Semavem, Jean Chapelle et Concurrence la charge de leurs frais ; Met à la société Sony France la charge du surplus des dépens.