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Décisions

CA Paris, 1re ch. A, 26 mai 1988, n° 87-13460

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Syndicat du second œuvre

Défendeur :

Groupement d'assurances Dommages-Ouvrages, Association pour l'assurance des Risques de la Construction des Entrepreneurs Syndiques, Drouot Assurance (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Premier président :

M. Drai

Présidents :

MM. Renard-Payen, Edin

Conseillers :

MM. Schoux, Collonb-Clerc

Avoués :

SCP Gaultier-Kistner, SCP Bollet-Baskal

Avocats :

Me Fourgoux, SCP Rambaud-Martel.

CA Paris n° 87-13460

26 mai 1988

LA COUR,

Poursuivant son délibéré ouvert le 29 janvier 1988 et dans les limites fixées par son arrêt du 25 février 1988 invitant le Conseil de la Concurrence :

- à préciser si Monsieur Lepetit a présenté exclusivement le rapport notifié aux parties, conformément à l'article 21, alinéa 2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 tant en séance qu'au cours du délibéré ;

- à produire le procès-verbal de la séance du 7 juillet 1987 sur la régularité de la procédure.

Considérant qu'en réponse à la demande de la Cour, le Conseil de la Concurrence a, par délibération du 15 mars 1988, exposé ce qui suit :

1- le 7 juillet 1987, Monsieur Lepetit, rapporteur de séance, désigné en remplacement de Monsieur Dandelot, rapporteur précédemment nommé et empêché en raison de ses nouvelles fonctions, s'est borné, en présence des parties, après un résumé succinct du dossier, à donner les conclusions du rapport signé par Monsieur Dandelot et notifié auxdites parties, conformément à l'article 21, alinéa 2, de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

2- en conformité avec les dispositions de l'article 25, alinéa 4, de la même ordonnance, Monsieur Lepetit, rapporteur de séance, a assisté au délibéré exclusivement en vue de répondre, dans les limites du rapport écrit acquis aux débats, aux demandes de renseignements des membres du Conseil.

Considérant que le Conseil de la Concurrence a également communiqué à la Cour le procès-verbal de la séance du 7 juillet 1987 qui lui était demandé ;

Considérant qu'il résulte des documents ainsi portés à la connaissance de la Cour, que Monsieur Dandelot, auteur du rapport écrit, empêché en raison de ses nouvelles fonctions, a été remplacé, lors de la séance du 7 juillet 1987 et du délibéré du même jour, par Monsieur Lepetit, désigné par le Président du Conseil de la Concurrence, conformément à l'article 50 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant qu'une telle mesure d'administration interne, qui relève de l'autorité exclusive du Président du Conseil, échappe au contrôle de la Cour ;

Considérant, d'autre part, que Monsieur Lepetit a présenté exclusivement en séance le rapport de Monsieur Dandelot et s'est conformé, au cours du délibéré, au rôle que lui assigne l'article 25, alinéa 3 de l'ordonnance précitée, de telle sorte que le Président du Conseil de la Concurrence ne s'est pas trouvé dans l'obligation de rouvrir les débats pour assurer le respect du principe de contradiction posé par l'article 18 du même texte ;

Considérant, en conséquence, que la demande d'annulation de la décision du 7 juillet 1987, formée par le SNSO n'est pas fondée ; qu'il y a lieu de la rejeter ;

- Sur l'intervention de la société Drouot Assurance :

Considérant que les interventions sont réglementées par l'article 7 alinéa 2 du décret du 19 octobre 1987 et qu'il résulte notamment de ce texte que seules les personnes qui ont été parties en cause devant le Conseil de la Concurrence peuvent être mises en cause devant la Cour ;

Qu'en se saisissant des demandes dirigées contre des parties nouvelles, la Cour serait nécessairement amenée à examiner un contentieux né hors la décision du Conseil de la Concurrence déférée devant elle et sortirait ainsi des limites prescrites par le législateur pour l'exercice de son pouvoir juridictionnel ;

Considérant que la demande en intervention forcée formée par le SNSO contre la société Drouot Assurance doit donc être déclarée irrecevable ;

Considérant, qu'à titre subsidiaire, la société Drouot Assurance a déclaré intervenir volontairement aux débats et conclure à la réformation de la décision du Conseil de la concurrence ;

Considérant que cette intervention volontaire ne peut être reçue qu'en tant qu'elle constitue une intervention accessoire, au sens de l'article 330 du nouveau code de procédure civile, destinée à appuyer les prétentions du SNSO et, en tant que de besoin, à servir à l'information complète de la Cour sur les origines premières du différend ;

Qu'à cet égard, l'intérêt de la société Drouot Assurance était suffisant pour qu'elle ait pu se présenter devant la Cour, sans l'autoriser à formuler des demandes et prétentions distinctes de celles formulées par le SNSO ;

- Sur la prescription :

Considérant que le SNSO se fonde sur la mention faite par le rapporteur (page 1 du rapport) que ses mémoires se sont échelonnés de 1980 à 1983 pour prétendre que les faits non prescrits remonteraient à l'année 1977 ;

Considérant toutefois que le SNSO n'apporte aucune preuve de ce qu'il aurait adressé à la Commission, antérieurement à l'année 1983, des documents constituant une véritable saisine ; que le courrier du 22 mars 1983 adressé par lui à la Commission présente un caractère trop général pour être considéré comme un mémoire comportant les éléments permettant au Conseil de se prononcer ; que le Conseil s'est donc considéré à juste titre comme saisi par le courrier du 21 septembre 1983 ;

Au fond :

Considérant qu'il résulte des documents régulièrement versés aux débats et communiqués à toutes les parties en cause, qui ont formulé leurs observations, les éléments suivants :

Sur les pratiques anciennes, (visées par l'avis du 20 décembre 1979 du Conseil de la Concurrence) :

Considérant que la décision du Conseil de la Concurrence concerne, à cet égard, des pratiques abandonnées et des pratiques persistantes :

- Les pratiques abandonnées :

Considérant que le SNSO dénonce le fait que le GADOBAT ait conclu avec le Groupement National des Entrepreneurs Constructeurs Immobiliers de la Fédération Nationale du Bâtiment (GNECI) une police dommage-ouvrage à un taux préférentiel sous condition d'assurance obligatoire au GABAT des cocontractants des entreprises du GNECI et n'ait abandonné cette pratique que le 30 juillet 1981, soit plus d'un an après la décision ministérielle du 13 juin 1980 prohibant de tels procédés ;

Mais considérant que ce contrat, dont il n'est pas établi qu'il ait été postérieur à la décision ministérielle rappelée ci-dessus, a été abandonné peu de temps après l'intervention de la Direction des Assurances qui, par lettre du 13 mai 1981, a fait connaître au GADOBAT ses observations sur ce type de convention ; que le Conseil a donc pu légitimement estimer que la brièveté d'existence de cette pratique, qui ne concernait au surplus que les 250 adhérents du GNECI, excluait qu'elle ait pu affecter le marché ;

Considérant que le SNSO relève également qu'une disposition du cahier des charges d'un chantier de la SCIC, (filiale de la Caisse des Dépôts et Consignation) dans la région bordelaise, faisait obligation aux entreprises sous-traitantes de s'assurer auprès du GADOBAT ; qu'il soutient que le Conseil ne pouvait relever d'office, à cet égard, le fait que le GABAT n'avait pas de responsabilité dans l'élaboration du cahier des charges de la SCIC et que cette pratique démontrait la volonté délibérée de ne pas exécuter la décision de la Commission de la Concurrence et constituait un des indices, précis, graves et concordants d'entente illicite, le parallélisme de comportement ne pouvant s'expliquer, dans ce cas, que par la concertation ;

Considérant toutefois que le recours du SNSO avait bien pour objet, à cet égard, de mettre en cause la responsabilité du GABAT dans l'élaboration de la disposition critiquée ; que le Conseil a donc relevé à juste titre, que cet organisme n'était pas responsable de l'insertion de la clause litigieuse dans le cahier des charges ; qu'enfin cette affaire a été considérée par le SNSO lui-même (lettre du 6 juillet 1981, annexe 8 du rapport) comme " un cas d'espèce relevant de comportements anciens se perpétuant par mégarde " ; qu'il n'est, en définitive, pas établi que ce fait isolé ait procédé d'une entente illicite, comme le soutient actuellement le demandeur ;

- Les pratiques persistantes :

Considérant que le SNSO n'apporte aucun élément de nature à établir que la société Mutuelle d'Assurances des Collectivités Locales, non plus que telle ou telle des mutuelles liées à la Fédération Nationale du Bâtiment ait une position dominante sur le marché de l'assurance construction ; qu'en conséquence, le fait d'exiger des maîtres d'ouvrage des surprimes lorsque l'entreprise cocontractante n'est pas signataire de la convention de recours du groupement (en l'espèce CAFAC) ou de tenir comme sans valeur les garanties offertes par les compagnies gérant en semi-répartition, ne constituent pas des pratiques tombant sous le coup du dernier alinéa de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ;

Considérant que la société Drouot Assurances n'apporte pas davantage de preuve à l'appui de son affirmation selon laquelle, outre les mutuelles professionnelles, d'autres sociétés d'assurances auraient une position dominante ;

Considérant que si le SNSO a invoqué, au cours de la procédure d'appel le fait qu'indépendamment de toute position dominante, il existerait entre certaines mutuelles liées à la FNB un accord de répartition géographique caractéristique d'une entente, il ne résulte pas des documents acquis aux débats qu'un tel grief ait été soumis au Conseil de la concurrence, lequel ne l'a pas notifié aux parties dans les conditions prévues par l'article 21 du décret du 29 décembre 1986 ; qu'il n'a pas davantage été retenu expressément par le rapporteur qu'il appartient donc éventuellement aux parties de saisir le Conseil de ce nouveau grief qui ne peut être examiné par la Cour dans le cadre de la présente procédure;

Sur les pratiques nouvelles :

Considérant que le litige porte, en ce qui concerne ces pratiques, d'une part sur des rappels de primes, d'autre part sur des primes subséquentes en cas de résiliation de la police ;

- Les rappels de primes :

Considérant que le SNSO soutient que les pénalités de résiliation réclamées aux entreprises par l'ARCES à partir de l'année 1980 avaient le caractère d'une pratique anticoncurrentielle dans la mesure où elles constituaient une pression sur la décision de résiliation des intéressés ; qu'elle invoque à cet égard un arrêt de la Cour de Cassation du 22 octobre 1985 cassant un arrêt de la Cour d'Appel de Paris reconnaissant la légitimité de telles pratiques ;

Considérant que l'ARCES a, effectivement, par communiqué n° 27 du mois de juillet 1980, décidé de faire application de l'article 2-01-6 des conditions particulières de la police individuelle de base selon lequel le taux définitif d'un exercice est déterminé chaque année par ajustement automatique du taux provisoire en fonction du résultat global des opérations d'assurances à la fin de l'exercice écoulé ;

Considérant, toutefois, qu'une telle exigence est inhérente au système mutualiste, lequel implique que l'adhérent ne soit pas dégagé de son obligation financière par le seul paiement de sa prime annuelle ; que son application n'a revêtu aucun caractère discriminatoire à l'encontre des entreprises ayant résilié leur contrat puisque les mêmes ajustements de régularisation ont été exigés de celles qui continuaient à souscrire les primes individuelles de base ;

- Les primes subséquentes :

Considérant que le système des primes subséquentes qui correspond au rachat du passé inconnu en cas de résiliation de la police n'est pas contesté dans son principe par le SNSO ; qu'il est, en effet, un élément nécessaire de la formule de gestion de l'assurance construction en semi-répartition ;

Considérant que le requérant estime en revanche, anormalement élevé le montant d'une telle prime, fixé à 825 % en cas de résiliation de la prime individuelle de base alors que celui de la prime correspondant à la garantie décennale entrepreneur était de l'ordre de 500 % ;

Considérant toutefois qu'en contrepartie de ce pourcentage, le versement de la somme correspondante était assorti, pour les entreprises assujetties, d'un délai de dix ans, alors que la prime subséquente exigée pour la garantie décennale entreprise devait être versée dans le délai de deux ans ; qu'eu égard au taux d'inflation, la différence des pourcentages ne paraît pas constitutive d'une véritable disparité de régime ;

Considérant, d'ailleurs qu'à partir de l'année 1980, l'ARCES ayant décidé que la prime subséquente serait, en ce qui concerne la police individuelle de base, acquittée en trois versements échelonnés sur deux ans, a corrélativement limité à 600 % le taux de cette prime, le même taux étant alors appliqué pour la garantie décennale entrepreneur ;

Considérant que le SNSO soutient également que les primes subséquentes auraient été exigées des entreprises alors même que leur justification disparaissait puisque le nouvel assureur acceptait de prendre en charge le passé inconnu qu'il s'est fondé à cet effet sur diverses correspondances des organismes chargés du recouvrement, notamment sur une lettre du 19 novembre 1982 de la Caisse de Congés Payés du Bâtiment de Rouen comportant la mention suivante : " une attestation d'un nouvel assureur reprenant votre passé ne vous dispense en aucune façon du paiement de cette prime ", formule type qui figure dans plusieurs autres correspondances de l'époque ayant le même objet ;

Considérant toutefois que ces erreurs manifestes correspondent à une période d'incertitude sur l'étendue dans le temps des obligations de l'assureur, à la suite de la publication de la loi du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l'assurance dans le domaine de la construction ; que l'article L.241-1 alinéa 3 du code des assurances tel que modifié par cette loi dispose, en effet, que " tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance " ; qu'il n'apparaît donc pas que ces procédés aient eu pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence ;

Considérant, en toute hypothèse, que le SNSO ne fournit aucun élément de nature à établir que les primes aient été effectivement exigées lorsque le démissionnaire ne demandait pas le maintien de la garantie dans le temps ; que, pour regrettable qu'ait pu être l'erreur ci-dessus invoquée, il n'apparaît pas qu'elle ait joué un rôle dissuasif de telle sorte qu'elle ait constitué une entrave à la résiliation des contrats.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant dans les limites de son délibéré ouvert le 29 janvier 1988 et dans celles fixées par son arrêt du 25 février 1988 ; Reçoit la société Drouot Assurance en son intervention volontaire en tant que celle-ci est simplement accessoire au sens de l'article 330 du nouveau code de procédure civile ; Rejette le recours du Syndicat National du Second Oeuvre ; Dit n'y avoir lieu de statuer sur tous autres moyens ; Condamne le Syndicat National du Second Oeuvre aux dépens.