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Décisions

CA Paris, 1re ch. A, 6 juillet 1988, n° 86-19812

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pompes Funèbres Générales (SA)

Défendeur :

Leclerc, Jaulin, Angoumoisine de Depot et Vente d'Articles funéraires (SARL), Guenon, Jaillant (époux), Transports Funéraires Provinois (SARL), Pompes Funèbres Saint Nicolas (Sté), Coudray (ès qual.), Chavinier (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Premier président :

M. Drai

Présidents :

MM. Gelineau-Larrivet, Averseng

Conseillers :

MM. Ancel, Pierre

Avoués :

Me Valdelis, SCP Narrat Peytavi

Avocats :

Mes Duminy, Brunois.

CA Paris n° 86-19812

6 juillet 1988

LA COUR est saisie d'un litige opposant la société des Pompes Funèbres Générales (PFG) à Michel Leclerc, représenté par Me Chavinier, mandataire liquidateur judiciaire, ainsi qu'à plusieurs de ses franchisés dont les noms sont énoncés ci-dessus.

Par son précédent arrêt du 11 juin 1986 - auquel il est référé pour un exposé complet des faits et de la procédure antérieur - la Cour a demandé au Procureur Général de recueillir l'avis de la "Commission de la Concurrence" sur :

- l'existence d'une position dominante ou d'un monopole au profit des PFS.

- les abus éventuels de cette position dominante.

Le Conseil de la Concurrence a émis un avis à la suite duquel le Ministre de l'Economie a manifesté l'intention de déposer des conclusions. Il a toutefois préalablement demandé à la Cour de se prononcer sur l'interprétation de l'article 56 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 au regard des règles posées par le nouveau Code de procédure civile.

Il estime en effet pour sa part, que ce texte fait échec au principe de la représentation obligatoire par avoué devant la Cour d'Appel.

La Société PFG soutient, de son côté, que l'article 56 ne concerne que les recours dirigés contre les décisions du Conseil de la concurrence et qu'en l'espèce l'intervention du Ministre de l'Economie doit être régularisée avec le concours d'un avoué près de la Cour, sans que puisse être étendu l'effet d'un "privilège" fondé sur une procédure tenue pour "exceptionnelle".

Sur quoi LA COUR,

Considérant qu'aux termes de l'article 56 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, relative à la liberté des prix et de la concurrence, "pour l'application de la présente ordonnance, le ministre chargé de l'économie ou son représentant peut, devant les juridictions civiles ou pénales, déposer des conclusions et les développer oralement à l'audience."

Considérant que, pour l'exercice de ces prérogatives, relevant de la protection générale d'un ordre économique lié à la liberté des prix et au libre jeu de la concurrence, le Ministre chargé de l'Economie - tout comme le Ministère Public - est appelé à occuper, devant les juridictions de l'ordre judiciaire et à l'occasion des dépôts qui s'y déroulent, une place qui ne permet pas de l'assimiler à celle occupée par un "justiciable" défendant des intérêts particuliers et privés ;

Que le pouvoir de police juridique ainsi reconnu au Ministère chargé de l'économie, pour une exacte et uniforme application des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ne saurait relever, pour son plein exercice, des règles processuelles liées au mandat de représentation en justice, tel qu'il est réglementé, dans le seul intérêt privé d'une "partie", par les dispositions des articles 411 et suivants du nouveau Code de procédure civile.

Considérant que le libellé de l'article 56 précité de l'ordonnance, conçu en termes généraux, ne permet pas d'en restreindre l'application aux seuls recours formés contre les décisions du Conseil de la concurrence, mais qu'il vise toutes les juridictions civiles ou pénales, dès lors que celles-ci ont à connaître de situations litigieuses mettant en jeu l'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Considérant qu'en l'espèce et alors que les consorts Leclerc se plaignent des agissements des PFG, qui, selon leur thèse, constitueraient l'abus de position dominante (pratique antérieurement définie par l'article 50 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 et aujourd'hui prohibée car l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986), il y a lieu de décider que le litige soumis à la Cour met en jeu l'application de cette même ordonnance du 1er décembre 1986 ; et que le Ministre chargé de l'économie n'est pas tenu de constituer avoué pour conclure dans la procédure ;

Par ces motifs, LA COUR, vu les dispositions de l'article 56 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; dit que le Ministre chargé de l'économie n'est pas tenu de constituer avoué pour conclure dans l'instance opposant les consorts Leclerc à la société Pompes Funèbres - réserve les dépens.