Livv
Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 5 novembre 1996, n° FCEC9610505X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Concurrence (SA), Semavem (SA)

Défendeur :

Sony France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Thin

Conseillers :

MM. Perie, Carre-Pierrat

Avoués :

SCP Dauthy- Naboudet, SCP Bommart-Forster

Avocat :

Me Mitchell.

CA Paris n° FCEC9610505X

5 novembre 1996

La Cour est saisie du recours principal en annulation et réformation formé le 19 janvier 1996 par les sociétés Concurrence, agissant tant pour son propre compte qu'en venant aux droits de la société Jean Chapelle, et Semavem, contre la décision du Conseil de la Concurrence n° 95-D-71 en date du 15 novembre 1995, et du recours incident en réformation formé le 9 février 1996 contre cette même décision par la société Sony France.

Par lettres des 27 février, 26 mars et 21 avril 1992, les sociétés Jean Chapelle, Concurrence et Semavem ont saisi le Conseil de pratiques reprochées à la société Sony France sur le marché des appareils électroniques destinés au grand public, au cours de la période s'étendant du mois d'août constitutives d'ententes anticoncurrentielles.

Certaines des pratiques invoquées n'ont fait l'objet d'aucune notification de griefs par le rapporteur, d'autres ont été retenues par celui-ci et écartées par le Conseil, enfin l'une d'entre elles a été qualifiée d'entente illicite, et sanctionnée par le Conseil, qui a enjoint à la société Sony France de modifier ou supprimer la clause de ses conditions générales de vente relative à l'octroi de remises quantitatives aux groupes et groupements de sociétés, et lui a infligé une sanction pécuniaire de 200.000 F.

Les faits :

Filiale du groupe Sony Corporation, la société Sony France commercialise des appareils de radio et de télévision, ainsi que des magnétoscopes, caméscopes, chaînes de haute fidélité, et platines lasers.

Dans le cadre de sa politique de valorisation de ses produits, elle a inclus dans ses conditions générales de vente les modalités selon lesquelles elle rémunère les services rendus par ceux de ses revendeurs qui acceptent de contribuer à cette politique, en leur octroyant des ristournes, ou en leur permettant de facturer ces services. Par ailleurs, elle accorde également des remises quantitatives, pour l'octroi desquelles elle accepte de prendre en considération les commandes passées par un groupement d'entreprises mettant en œuvre une politique commerciale commune sous une enseigne unique, et à dater du 1er avril 1992, avait étendu cette possibilité à celles qui faisaient partie d'un groupe de sociétés, cette notion de groupe étant définie comme suit : " plusieurs entreprises liées entre elles par des liens juridiques au sens du droit des sociétés, dont l'une d'entre elles possède directement ou indirectement plus de 50 % du capital de l'ensemble des autres, et qui mettent en œuvre une politique d'achats commune vis-à-vis de Sony ". Le Conseil a estimé que cette dernière disposition, en octroyant à des revendeurs un avantage non justifié par la mise en œuvre d'une politique commerciale commune, donnait à la société Sony la possibilité de traiter différemment des groupes de détaillants lui offrant les mêmes services et revêtait donc un caractère discriminatoire.

Au cours du mois de juin 1990, la société Semavem a conclu avec la société Coppa MG, chargée d'approvisionner les magasins à enseigne Intermarché en produits bruns, un contrat au terme duquel elle se chargeait de négocier avec la société Sony les contrats de fournitures de ce type de produits. Semavem s'estime victime d'une application discriminatoire de différentes clauses des conditions générales de vente à l'occasion des commandes passées à la suite de cette convention.

Les moyens invoqués :

A l'appui de leurs recours, et après abandon des moyens de procédure initialement invoqués à l'appui de leur recours en annulation, les sociétés Concurrence et Semavem font valoir que le Conseil a écarté, à tort, les griefs suivants retenus par le rapporteur :

- les remises accordées par la société Sony aux revendeurs ayant la qualité de grossistes sont plus avantageuses que celles qui sont consenties aux revendeurs détaillants ; or les grossistes sont autorisés à faire bénéficier leurs clients de ces conditions favorables, sans avoir à vérifier la réalité des services rendus par ceux-ci, alors que les revendeurs non grossistes perdent ces remises en cas de rétrocession.

- jusqu'au 31 décembre 1990, Sony a refusé à Semavem le bénéfice cumulé de la remise de centralisation des achats, et de la rémunération de l'exposition des produits par le revendeur, accordée au vu d'une facture de service établie par ce revendeur.

Or, ce cumul, refusé par principe aux centrales d'achat alors qu'aucune disposition des conditions générales de vente ne l'excluait, aurait néanmoins été accordée de façon discriminatoire à certaines d'entre elles.

Les sociétés requérantes demandent en outre à la Cour de renvoyer la procédure devant le Conseil pour notification de griefs supplémentaires tenant aux fait suivants, objet de leur saisine :

- la coopérative d'achats des magasins Intermarché Coppa MG aurait poursuivi ses approvisionnements au cours de l'année 1990, en bénéficiant de la part de Sony de conditions plus favorables que celles accordées à la même époque à Semavem ;

- la clause d'octroi des remises quantitatives aux revendeurs sous enseigne unique aurait été appliquée de façon discriminatoire entre le mois d'août 1990 et le mois d'avril 1992 ;

- les clauses de remises différées, et de rémunération d'exposition auraient pour effet d'imposer aux revendeurs une marge minimum, et de relever le seuil de revente à perte ;

- le groupement Gitem a bénéficié de la remise de centralisation de 1 % accordée par Sony à partir du 1er janvier 1991, sous la condition d'offrir dans chaque point de vente une gamme représentative des produits de la marque, alors qu'il ne répondait pas à cette exigence ;

- les clauses prévoyant des remises pour démonstration et service après-vente auraient été appliquées de façon discriminatoire en faveur de centrales d'achat, en l'absence de toute vérification par Sony de la réalité des services rendus par les divers points de vente approvisionnés par ces centrales, alors que Semavem se serait vu opposer l'exigence de fournir une liste détaillée des magasins à enseigne Intermarché rendant ces services ;

- la Camif aurait bénéficié d'une application dérogatoire des conditions générales de vente relativement à l'obligation de mise en service des téléviseurs chez le client, celle-ci étant assurée par la société Sony elle-même. Or Semavem n'avait pu obtenir le même avantage pour les magasins Intermarché, malgré l'élaboration par ceux-ci d'un catalogue descriptif.

À l'appui de son recours incident, qu'elle qualifie de " conditionnel ", la société Sony France reproche au Conseil de l'avoir sanctionnée sans caractériser l'effet anticoncurrentiel de la clause censurée, ni le caractère suffisant de cet effet.

Elle estime en outre, à titre subsidiaire, qu'au regard de l'insignifiance de cet effet s'il devait être retenu comme démontré, le montant de la sanction ordonnée par le Conseil est disproportionné.

Dans son mémoire en réplique du 28 juin 1996, elle soulève l'irrecevabilité des demandes des sociétés Concurrence et Semavem tendant à voir renvoyer à l'instruction, des infractions n'ayant fait l'objet d'aucune notification de grief, et demande à la Cour de lui allouer la somme de 125.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le Conseil de la concurrence fait valoir sur le fond que si la Cour de cassation a déclaré licite l'exigence d'une enseigne commune pour l'attribution des remises quantitatives, la nouvelle rédaction de la clause permettant de traiter différemment des groupes de détaillants offrant les mêmes services, selon qu'ils ont ou non noué des liens capitalistiques, présentait un caractère anticoncurrentiel.

Le ministre de l'économie et des finances conclut pour l'essentiel au rejet des recours, tant principal qu'incident, mais à la réformation de la décision en ce qu'elle a écarté le grief relatif au refus par la société Sony de cumuler la remise de centralisation et la rémunération de l'exposition.

Le ministère public a développé des observations orales tendant aux mêmes fins.

Sur ce, LA COUR,

1) Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de renvoi à l'examen du Conseil de certains griefs :

Considérant que la société Sony soutient que la Cour ne serait pas saisie des pratiques dénoncées par les sociétés Semavem et Concurrence, et non retenues par le rapporteur dans sa notification de griefs ; mais considérant qu'en vertu de l'effet dévolutif du recours, la Cour est saisie de l'intégralité des faits soumis au Conseil par les parties saisissantes ; qu'il lui appartient donc d'apprécier la décision du Conseil en ce qu'elle a estimé ne pas devoir faire droit à la demande de notification de griefs supplémentaires ;

2) Sur les griefs notifiés, mais non sanctionnés par le Conseil :

- a) le régime applicable aux grossistes :

Considérant que le Conseil a relevé que les sociétés Semavem et Concurrence n'apportaient aucun élément propre à contredire l'affirmation de la société Sony, selon laquelle des détaillants réalisant un chiffre d'affaires annuel supérieur à 50.000 F dans les ventes de matériel haute fidélité de marque Sony pouvaient à leur convenance soit s'approvisionner directement auprès du fabriquant, soit réaliser leurs achats par l'intermédiaire d'un grossiste, et bénéficier alors des conditions offertes par ce dernier ;

Considérant que devant la Cour, les sociétés requérantes n'apportent aucun élément de preuve à l'appui de leurs affirmations sur l'impossibilité d'un tel mode d'approvisionnement ; que le contrat de grossiste mis en application le 1er janvier 1991 ne comportait aucune restriction quant à la liberté offerte aux grossistes de livrer les détaillants ; qu'en outre, les conditions consenties par la société Sony constituaient la rémunération des services spécifiques rendus par les grossistes en assurant la prospection d'un nombre minimum de détaillants, et en affectant un certain nombre de moyens matériels au stockage et à l'exposition, ainsi qu'à la démonstration des produits ; qu'il ne peut en conséquence être fait grief à la société Sony ni d'avoir refusé de faire bénéficier des mêmes conditions de vente des revendeurs ne répondant pas aux spécifications exigées des grossistes, ni d'avoir opéré une discrimination entre les détaillants, en vidant de leur sens les exigences imposées à ceux qui s'approvisionnent directement auprès d'elle pour bénéficier de ristournes, l'objet et les conditions d'octroi de celles-ci étant différents des remises accordées aux grossistes ;

Que le Conseil a donc exactement analysé les éléments qui lui étaient soumis en estimant que ces clauses ne réalisaient aucune discrimination anticoncurrentielle :

b) Le cumul de la remise de centralisation des achats et de la rémunération d'exposition :

Considérant que les conditions générales de vente applicables en 1990, 1991 et 1992 prévoyaient la rémunération de l'exposition des produits par les revendeurs, au vu de factures établies par ceux-ci :

Considérant qu'il est constant que cette rémunération de 5 % du montant des commandes n'a pas été appliquée au cours des mois d'octobre à décembre 1990 à la société Semavem qui en avait fait la demande ; que Sony soutient que des négociations ont eu lieu à ce sujet, entre Semavem et elle, au cours des mois de juillet à octobre 1990, mais que son interlocuteur n'a jamais répondu aux propositions qu'elle lui a faites, ni produit la moindre facture établissant que les magasins Intermarché auraient rendu le service requis ; considérant toutefois qu'il résulte sans équivoque des termes d'une télécopie adressée par Sony à Semavem le 31 octobre 1990, ainsi rédigée : " il n'y a pas de service d'exposition rémunérable puisqu'il y a rémunération du service de centralisation ", que le motif de ce refus ne réside pas dans l'absence de service rendu, ou d'engagement de le rendre, mais procède d'une position de principe ; que la centralisation des commandes et l'exposition des produits constituant des services distincts et non exclusifs l'un de l'autre, ce défaut d'application des conditions générales de vente a réalisé une discrimination à l'égard de la société Semavem, et partant introduit un déséquilibre en sa défaveur dans le libre exercice de la concurrence sur le marché concerné qu'il convient de relever que cette pratique s'est développée alors que le groupement Intermarché tentait de réaliser une généralisation à l'ensemble de ses magasins des rayons de matériel de haute fidélité ; que cette tentative, réalisée avec le concours de la société Semavem a amené cette dernière à gonfler brutalement le montant de ses commandes au cours de la période considérée, afin d'approvisionner les 1500 points de vente de ce réseau ; que ces circonstances suffisent à établir l'impact du refus par Sony d'appliquer un rémunération de 5 % ; que toutefois, cette pratique n'ayant pas perduré en 1991, est demeurée limitée dans le temps ;

3) Sur les griefs non retenus par le rapporteur :

a) La poursuite d'approvisionnement direct par Sony des magasins Intermarché à des conditions plus favorables que celles consenties à Semavem :

Considérant que la société requérante affirme que postérieurement au 29 juin 1990, date à partir de laquelle elle est intervenue pour Intermarché, la centrale d'achat LGM France Coppa MG aurait bénéficié de ristournes de démonstration et de service après-vente, lui offrant des conditions plus favorables à hauteur de 10 % sans avoir à fournir la moindre justification de la réalité de ces services ; considérant toutefois que Semavem n'apporte aucune preuve à l'appui de ses allégations ; que ce grief n'est donc pas établi ;

b) L'application discriminatoire de la clause d'enseigne unique antérieurement au 1er avril 1992 :

Considérant que selon les sociétés requérantes, la société Sony aurait elle-même admis avoir, avant l'extension du bénéfice de cette clause aux entreprises appartenant à des groupes de sociétés, appliqué à de telles entreprises ne répondant pas à l'exigence de l'enseigne unique le bénéfice des ristournes considérées ; qu'elle invoque en outre d'autres applications de ces ristournes à des entreprises ne rendant pas les services exigés ;

Mais considérant que ces clauses ont été approuvées dans leur rédaction et leur application par des décisions antérieures du Conseil de la concurrence et de la Cour ; que cette rédaction, impliquant pour que les clauses puissent jouer que soient assurées des prestations effectives tendant à la valorisation de la marque par les revendeurs est demeurée inchangée jusqu'au 1er avril 1992 ;

Considérant que les sociétés Concurrence et Semavem n'apportent par ailleurs pas la démonstration des applications discriminatoires qu'elles invoquent ; que ce moyen ne peut donc être retenu ;

c) L'effet des clauses de remises différées et d'exposition sur les marges:

Considérant, en ce qui concerne les premières de ces remises que celles-ci ne sauraient être déclarées illicites, lorsque leur principe et leur montant sont acquis de manière certaine, et que de ce fait, elles peuvent être sans aléas, contestations, ni restrictions immédiatement répercutées par les distributeurs dans leurs prix de vente ;

Considérant que la rémunération incriminée de l'exposition des produits de marque Sony par certains détaillants est accordée par cette société au vu d'une facture établie par le revendeur ; que selon les requérantes, la différence de mode de rémunération entre ce service et les autres faisant l'objet de ristournes serait injustifiée, et aboutirait à interdire la prise en compte de la réduction de prix en résultant, dans la détermination du seuil de revente à perte ;

Mais considérant que la prestation du revendeur se trouvant ainsi rémunérée dans le cadre de conventions non incluses dans les conditions générales de vente, et faisant l'objet d'une facturation autonome, sa valeur n'a pas à être déduite du prix du produit ; qu'ainsi le grief qui leur est fait n'est pas établi dès lors qu'il n'est pas démontré que ces rémunérations auraient été accordées sans contrepartie ;

d) Les modalités d'octroi de la remise de centralisation à dater du 1er janvier 1991 :

Considérant que les conditions générales de vente applicables à compter de cette date imposent aux organismes de centralisation pour bénéficier de cette remise de 1 %, d'offrir le référencement d'" un nombre de produits suffisants pour assurer la présence sur les points de vente d'une gamme représentative des produits Sony " ;

Considérant que les sociétés requérantes font grief au Conseil d'avoir écarté l'application anticoncurrentielle de cette clause faite en faveur du groupement Gitem, au motif qu'elle n'imposerait pas à chaque point de vente de présenter une gamme représentative des produits de la marque Sony ; considérant qu'elles invoquent la rédaction de cette clause, qui dispose que les centrales doivent coordonner des présentations publicitaires, en assurant au plan national dans chaque point de vente, une présentation des produits Sony conforme à leur image ;

Considérant toutefois qu'il s'agit de deux exigences distinctes posées par les conditions générales de vente pour l'octroi de cette remise, et que l'obligation faite à tous les points de vente de donner aux produits une présentation conforme à leur image n'implique pas nécessairement la présence d'une gamme représentative de ces mêmes produits ; qu'en outre, l'application dérogatoire de cette remise au bénéfice de la société Gitem n'est pas établie ; que ce moyen n'est donc pas fondé ;

e) L'application dérogatoire des remises de démonstration et de service après-vente :

Considérant que la société Semavem fait grief au Conseil de n'avoir pas retenu qu'en exigeant d'elle la production de la liste des magasins Intermarché offrant à leur clientèle une démonstration ou un service après-vente pour la faire bénéficier des remises correspondantes, la société Sony avait adopté une attitude plus rigoureuse qu'avec la plupart des autres centrales d'achats ; mais considérant que le Conseil à juste titre a relevé qu'à l'époque des faits, les termes d'une circulaire interne sur le service après-vente, les déclarations reproduites dans la presse d'un responsable du groupement Intermarché ainsi que la publicité effectuée par ce même groupement pouvaient créer un doute sur la réalité des services rendus à ce titre par lui ; que la société Sony se trouvait dès lors dans l'obligation de vérifier que les conditions d'octroi des remises étaient bien réunies et que ce moyen n'est pas justifié ;

f) L'assimilation du catalogue édité à la fin de l'année 1990 par le groupement Intermarché à celui de la Camif :

Considérant que la société Semavem reproche au Conseil de n'avoir que partiellement répondu à sa saisine sur ce point, en relevant que les pratiques incriminées sont comprises dans les faits examinés dans le cadre d'une autre saisine ; que selon elle, la question du catalogue Intermarché n'est pas abordée ; mais considérant que le Conseil a pertinemment répondu sur ce point que le groupement Intermarché, réunissant des magasins franchisés appartenant à la grande distribution ne pouvait être assimilé à la Camif, société spécialisée, dans la vente de produits non alimentaires ; que ce moyen ne sera donc pas retenu ;

4) Sur le recours incident :

Considérant que la société Sony reproche au Conseil d'avoir décidé que les clauses litigieuses tombaient sous le coup de la prohibition de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, en l'absence de tout objet anticoncurrentiel, et de tout effet avéré de celles-ci ; que selon elle, l'effet potentiel ne devrait être considéré que comme subsidiaire et ne trouver application que dans l'hypothèse où serait démontrée l'existence d'un objet anticoncurrentiel ; mais considérant que les termes de l'article 7 de l'ordonnance précitée n'impliquent pas que soit affirmé un tel caractère subsidiaire que la nécessité d'établir la sensibilité de l'effet d'une entente, si elle doit conduire à exonérer de sanction les parties à un accord dont l'effet potentiel ou avéré serait trop faible pour affecter véritablement le fonctionnement d'un marché, ne saurait conduire à vider de son sens une disposition légale visant expressément l'effet potentiel ;

Considérant qu'en l'espèce, en étendant aux groupes de sociétés mettant en œuvre une politique d'achats commune, les avantages réservés jusqu'alors à celles qui, regroupées sous une même enseigne développaient une même politique commerciale, la société Sony aurait entendu rémunérer l'avantage résultant pour elle de la présence d'un interlocuteur unique, et celui de la garantie financière du groupe ; qu'elle ne démontre ni que ces avantages découleraient obligatoirement de l'existence de liens financiers entre les entreprises co- contractantes, ni qu'ils ne pourraient lui être offerts par des entreprises indépendantes se regroupant pour passer leurs commandes qu'en l'absence de toute exigence formulée par cette clause quant aux avantages qu'elle prétendait rémunérer, cette pratique, établit, ainsi que l'a relevé le Conseil, une discrimination entre des agents économiques susceptibles de rendre les mêmes services ; qu'en accroissant le nombre des bénéficiaires de ces remises, elle augmentait en outre la difficulté pour les entreprises indépendantes d'accéder à des conditions de vente favorables ; qu'à juste titre, le Conseil de la concurrence a relevé, pour caractériser l'effet de cette clause, que l'importance des parts de marché détenues par Sony dans le secteur de l'électronique grand public hors magnétoscopes lui conférait le pouvoir de perturber le jeu de la concurrence sur ce marché ; que le recours incident doit donc être rejeté ;

5) Sur la sanction :

Considérant que le Conseil a caractérisé l'importance de la distorsion résultant de la modification à partir du 1er avril 1992 des conditions de vente de la société Sony, en rappelant la place occupée par cette société dans le secteur concerné ; qu'il ne peut lui être fait grief de s'être contenté d'une estimation globale de ces parts de marché, la décision comportant dans l'exposé des éléments de fait un tableau retraçant par type d'appareil la part de marché détenue au cours de la période considérée ; qu'en rappelant en outre que les ristournes accordées à ce titre atteignaient, selon le chiffre d'affaires réalisé par le distributeur 12 à 17 %, le Conseil a évoqué l'impact de ces remises sur la fixation des prix par les revendeurs ;

Qu'en infligeant à la société Sony une sanction de l'ordre de 0,005 % du chiffre d'affaires réalisé au cours du dernier exercice, le Conseil n'a pas violé le principe de proportionnalité des sanctions ;

Que compte tenu de la durée limitée dans le temps de l'effet du refus opposé à la société Semavem de la rémunération de l'exposition, le montant de la sanction sera maintenu ;

6) Sur la demande formulée par la société Sony sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Considérant que la société Sony succombant en son recours incident, il n'y a pas lieu à application à son profit de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par ces motifs, Réforme la décision n° 95-D-71 du Conseil de la concurrence en ce qu'elle a écarté le grief notifié à la société Sony France, relativement au refus d'octroi, courant 1990, à la société Semavem d'une rémunération pour exposition ; Rejette le recours principal pour le surplus ; Rejette le recours incident ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Condamne les requérantes aux dépens.