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Décisions

CJCE, 24 octobre 1995, n° C-266/93

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bundeskartellamt

Défendeur :

Volkswagen (AG), VAG Leasing (GmbH)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rodriguez Iglesias

Présidents de chambre :

MM. Kakouris, Edward, Hirsch

Avocat général :

M. Tesauro

Juges :

MM. Mancini, Schockweiler (rapporteur), Moitinho de Almeida, Kapteyn, Jann, Ragnemalm, Sevon

Avocat :

Me Bechtold

CJCE n° C-266/93

24 octobre 1995

LA COUR,

1 Par ordonnance du 19 janvier 1993, parvenue à la Cour le 15 mars suivant, le Bundesgerichtshof a posé, en application de l'article 177 du traité CEE, plusieurs questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE et du règlement (CEE) n° 123-85 de la Commission, du 12 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles (JO 1985, L 15, p. 16, ci-après le " règlement n° 123-85 ").

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant le Bundeskartellamt (office fédéral des ententes) à Volkswagen AG (ci-après " VAG ") et à VAG Leasing GmbH (ci-après " VAG Leasing "), filiale de VAG spécialisée dans le leasing, à la suite de l'injonction faite à celles-ci par le Bundeskartellamt de cesser des comportements qu'il estimait contraires au droit allemand de la concurrence.

3 Avec une part de marché de 28,2 % en 1989, VAG est le constructeur de véhicules automobiles le plus important en Allemagne. Il distribue les véhicules automobiles des marques Volkswagen et Audi dans ce pays par l'intermédiaire d'un réseau de plus de 1 600 distributeurs.

4 Les rapports entre VAG et les distributeurs sont régis par un contrat de distribution par lequel VAG leur confie, dans le cadre d'une zone déterminée, la revente au public de voitures neuves et de pièces de rechange des marques Volkswagen et Audi ainsi que le service d'assistance à la clientèle. Les distributeurs doivent également proposer certaines prestations de service, parmi lesquelles les opérations de leasing, assumées au sein du groupe VAG par VAG Leasing.

5 Depuis sa création en 1966, VAG Leasing, filiale détenue à 100 % par VAG, a exercé son activité avec le concours de distributeurs, notamment au moyen de contrats d'agence exclusive. Cette pratique a été étendue à tous les distributeurs allemands à partir de 1989. A cette époque, VAG et VAG Leasing leur ont en effet envoyé une lettre organisant l'" activité d'agence des concessionnaires VAG pour le compte de VAG Leasing ".

6 Cette lettre prévoyait que les distributeurs négocieraient des contrats de leasing pour VAG Leasing. Ils achèteraient en leur nom et pour leur propre compte les véhicules concernés auprès de VAG, puis en transféreraient la propriété à VAG Leasing au prix auquel ils les auraient eux-mêmes achetés. Pour chaque opération de leasing conclue, ils recevraient de VAG Leasing une commission d'un montant correspondant à leur marge bénéficiaire pour une opération semblable de vente. A l'expiration du leasing, le véhicule leur serait restitué. Ils procéderaient à la vente du véhicule selon les modalités prévues dans les contrats et les instructions générales. Il ressort de l'ordonnance de renvoi et du manuel du leasing fourni aux distributeurs que, à cette fin, ceux-ci rachètent le véhicule à VAG Leasing.

7 La lettre imposait également aux distributeurs de pratiquer une activité de prospection et d'agence exclusives pour le compte de VAG Leasing. Il ressort toutefois de l'ordonnance de renvoi que cette clause d'exclusivité ne les empêche pas de négocier des contrats de leasing pour une société de leasing concurrente lorsque le client a demandé l'intervention de celle-ci ou leur a été amené par une telle société.

8 Enfin, la lettre prévoyait que l'introduction de VAG Leasing dans le système de distribution VAG entraînait nécessairement l'établissement de rapports juridiques directs entre VAG Leasing et les distributeurs VAG. Aussi leur était-il demandé de marquer leur accord de collaborer avec VAG Leasing en signant le double du contrat joint à la lettre et en le renvoyant.

9 L'activité du leasing représente 18 % du chiffre d'affaires national de VAG. D'après les informations fournies par celui-ci, VAG Leasing réalise environ 80 % des opérations de leasing portant sur des véhicules des marques Volkswagen et Audi, ce qui correspond à peu près à 20 % du marché allemand du leasing automobile. Environ 400 sociétés de leasing opéreraient sur ce marché, parmi lesquelles des sociétés affiliées à d'autres producteurs et des entreprises liées à des revendeurs d'automobiles ou à de grands établissements de crédit. Selon une étude publiée par une des principales sociétés indépendantes de leasing, Auto-leasing D, la part de marché des sociétés contrôlées par les constructeurs automobiles s'élève à 60 %, VAG Leasing occupant la première place sur le marché.

10 Considérant que le lien exclusif des distributeurs VAG vis-à-vis de VAG Leasing entravait de manière inéquitable l'activité commerciale desdits distributeurs et des sociétés de leasing indépendantes, le Bundeskartellamt a, par décision du 25 juillet 1990, interdit à VAG et à VAG Leasing d'imposer aux distributeurs de négocier des contrats de leasing exclusivement au profit de VAG Leasing. Il a en outre interdit à VAG de défendre à ses distributeurs de vendre des véhicules automobiles neufs à des sociétés de leasing indépendantes lorsque ces distributeurs ont servi d'intermédiaires dans la conclusion de contrats de leasing.

11 Le Bundeskartellamt s'est fondé sur l'article 26, paragraphe 2, du Gesetz gegen Wettbewerbsbeschrankungen (loi contre les restrictions à la concurrence, ci-après le " GWB "), qui interdit aux entreprises occupant une position dominante sur le marché d'entraver d'une manière inéquitable, directement ou indirectement, l'accès d'une entreprise à des relations d'affaires normalement accessibles à des entreprises similaires. Cette disposition formule la même interdiction vis-à-vis des entreprises dont sont tributaires des petites ou moyennes entreprises en tant que fournisseurs ou acheteurs d'un certain type de produits ou de services commerciaux, dans la mesure où il n'existe pas un nombre suffisant de possibilités raisonnables de s'adresser à d'autres entreprises.

12 Sur recours de VAG et de VAG Leasing, le Kammergericht a, le 15 mars 1991, annulé la décision du Bundeskartellamt au motif que les conditions prévues par l'article 26, paragraphe 2, du GWB n'étaient pas réunies. Selon lui, VAG et VAG Leasing ne jouissent pas d'une position dominante sur le marché automobile. En outre, les distributeurs ne seraient pas des petites ou moyennes entreprises. Le Bundeskartellamt a alors introduit un pourvoi en " Rechtsbeschwerde " devant le Bundesgerichtshof.

13 Celui-ci a estimé que, en cas d'incompatibilité avec l'article 85, paragraphe 1, du traité, les accords d'exclusivité liant les distributeurs VAG à VAG Leasing constitueraient nécessairement une entrave inéquitable au sens de l'article 26, paragraphe 2, du GWB. C'est pourquoi il s'interroge d'abord sur la portée de cette disposition du traité. Pour le cas où les accords en cause s'avéreraient incompatibles avec l'article 85, paragraphe 1, du traité, le Bundesgerichtshof se demande ensuite s'ils ne sont pas exemptés par le règlement n° 123-85. Enfin, envisageant l'hypothèse où les accords en cause seraient compatibles avec l'article 85, paragraphe 1, ou bien, quoique contraires à cette disposition, seraient exemptés par le règlement n° 123-85, il se demande si l'une ou l'autre de ces règles de droit communautaire fait obstacle à l'application de dispositions plus strictes du droit allemand de la concurrence.

14 Sur la base de ces considérations, le Bundesgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et a invité la Cour à se prononcer à titre préjudiciel sur les questions suivantes :

" 1) Le premier constructeur automobile allemand interdit aux distributeurs allemands, membres de son système de distribution sélective, de servir d'intermédiaires pour la conclusion de contrats de leasing avec des sociétés de leasing autres que celle qu'il détient ou de vendre à ces sociétés des véhicules neufs lorsque ces véhicules sont destinés à l'exécution de contrats de leasing pour lesquels les distributeurs sous contrat ont servi d'intermédiaires. Faut-il supposer ou présumer qu'une telle interdiction, et son respect par les distributeurs allemands, est susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres au sens de l'article 85, paragraphe 1 ?

2) Le comportement décrit sous 1 relève-t-il de l'article 85, paragraphe 1, s'il est susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres ?

3) Si la question 2 appelle une réponse affirmative : le comportement décrit sous le point 1 est-il exempté par le règlement (CEE) n° 123-85 de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE ?

4) Les dispositions susmentionnées du droit communautaire s'opposent-elles à une décision de l'autorité nationale de contrôle des ententes qui interdit un comportement du type mentionné sous le point 1 ? "

15 La Cour part de l'hypothèse que, comme dans l'affaire C-70-93, les questions préjudicielles se rapportent à des ventes à des sociétés de leasing de véhicules automobiles qui ne sont pas destinées à être suivies d'un transfert de propriété aux preneurs en leasing.

Sur les deux premières questions relatives à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité

16 Par ses deux premières questions, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 85, paragraphe 1, du traité doit être interprété en ce sens qu'il prohibe l'obligation imposée par le premier constructeur automobile d'un Etat membre à tous ses distributeurs établis dans ce même Etat de développer une activité d'agence en matière de leasing exclusivement pour le compte de sa propre société de leasing.

17 En vertu d'une jurisprudence constante, établie par les arrêts du 30 juin 1966, société technique minière (LTM) (56-65, Rec. p. 337), et du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission (56-64 et 58-64, Rec. p. 429), les accords entre opérateurs situés à des stades différents du processus économique, encore appelés accords verticaux, peuvent constituer des accords au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité et tomber sous le coup de l'interdiction édictée par cette disposition.

18 VAG et VAG Leasing soutiennent toutefois que, en tant qu'intermédiaires de VAG Leasing, les distributeurs VAG allemands forment avec elles une unité économique de sorte que, faute de pluralité d'entreprises, les contrats d'agence exclusive échapperaient à l'application de l'article 85, paragraphe 1.

19 Cet argument doit être rejeté. Des représentants ne sont susceptibles de perdre leur qualité d'opérateur économique indépendant que lorsqu'ils ne supportent aucun des risques résultant des contrats négociés pour le commettant et opèrent comme auxiliaires intégrés à l'entreprise du commettant (voir arrêt du 16 décembre 1975, Cooperative Vereniging " Suiker Unie " e.a., 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73, 55-73, 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, point 539). Or, d'une part, les distributeurs VAG allemands assument, au moins en partie, les risques financiers liés aux opérations effectuées pour le compte de VAG Leasing, dans la mesure où ils rachètent à celle-ci les véhicules à l'expiration des contrats de leasing. D'autre part, ils poursuivent à titre principal, de manière largement autonome, une activité de vente et de service après-vente en leur nom et pour leur propre compte.

20 Les contrats d'agence exclusive qui lient l'ensemble des distributeurs VAG allemands à VAG Leasing étant des accords au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, il y a lieu d'examiner s'ils ont pour objet ou pour effet de restreindre de manière sensible la concurrence à l'intérieur du Marché commun et s'ils sont susceptibles d'affecter le commerce entre les Etats membres.

21 S'agissant de la portée anti-concurrentielle des contrats d'agence exclusive en cause, il y a lieu de relever d'abord que ceux-ci se greffent sur les contrats de distribution VAG dont il est constant qu'ils sont contraires à l'article 85, paragraphe 1, mais exemptés par le règlement n° 123-85. En effet, c'est en raison de leur qualité de concessionnaires VAG que les distributeurs ont été contraints de devenir les agents de VAG Leasing. D'une part, les contrats de distribution leur imposaient déjà de proposer à la clientèle les services de VAG Leasing. D'autre part, la lettre circulaire organisant l'activité d'agence en matière de leasing rattache expressément celle-ci à l'obligation faite aux distributeurs par le contrat de distribution de représenter et de promouvoir, de toutes les manières possibles, les intérêts de VAG, ceux des organismes chargés de la commercialisation de VW et d'Audi ainsi que ceux de leur marque (voir article 2, point 6, du contrat de distribution).

22 Il y a lieu de souligner ensuite que les contrats d'agence exclusive lient tous les distributeurs VAG allemands et que ceux-ci ont, dans leur ressort territorial, la concession exclusive de la vente des véhicules neufs des marques Volkswagen et Audi.

23 Dans ces conditions, l'interdiction faite aux distributeurs de prospecter et de servir d'intermédiaire pour le compte de sociétés de leasing concurrentes de VAG Leasing apparaît comme limitant leur accès aux opérations de leasing portant sur des véhicules de marques Volkswagen et Audi. Ces sociétés ne peuvent, en effet, utiliser le canal de contact privilégié avec les clients potentiels que constitue le réseau des distributeurs VAG.

24 En outre, la clause d'exclusivité contenue dans le contrat d'agence est restrictive de concurrence à un deuxième titre : elle empêche les distributeurs VAG de développer une activité de leasing en leur nom et pour leur propre compte. A cet égard, elle restreint la liberté d'entreprendre d'opérateurs économiques distincts de VAG et vise à accroître leur intégration dans la stratégie de distribution du constructeur.

25 Eu égard à la position de leader de VAG sur le marché national des ventes de voitures neuves et de VAG Leasing sur le marché national du leasing automobile, il apparaît que les contrats d'agence exclusive en cause ont pour objet ou, à tout le moins, pour effet de restreindre de manière sensible la concurrence.

26 S'agissant enfin de l'affectation du commerce intra-communautaire, il suffit de relever que les contrats d'agence exclusive lient tous les distributeurs VAG allemands. Comme la Cour l'a jugé à plusieurs reprises, des pratiques restrictives de la concurrence, qui s'étendent à l'ensemble du territoire d'un Etat membre, ont, par leur nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité(voir arrêt du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42-84, Rec. p. 2545, point 22). De fait, les distributeurs VAG allemands ne peuvent ni servir d'intermédiaires en faveur de sociétés de leasing établies dans d'autres Etats membres ni conclure pour leur propre compte des contrats de leasing avec des consommateurs établis dans d'autres Etats membres.

27 Il y a dès lors lieu de répondre aux deux premières questions que l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE doit être interprété en ce sens qu'il prohibe l'obligation imposée par le premier constructeur automobile d'un Etat membre à tous ses distributeurs établis dans ce même Etat de développer une activité d'agence en matière de leasing exclusivement pour le compte de sa propre société de leasing.

Sur la troisième question relative au règlement n° 123-85

28 Par sa troisième question, la juridiction nationale demande en substance si le règlement n° 123-85 doit être interprété en ce sens qu'il exempte l'obligation imposée par le premier constructeur automobile d'un Etat membre à tous ses distributeurs établis dans ce même Etat de développer une activité d'agence en matière de leasing exclusivement pour le compte de sa propre société de leasing.

29 Le règlement n° 123-85 exempte de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité les accords par lesquels le fournisseur charge le revendeur (autorisé) de promouvoir la distribution des produits contractuels sur un territoire déterminé et s'engage à lui réserver, dans le cadre de ce territoire, la livraison des véhicules automobiles et de leurs pièces de rechange (article 1er). Il exempte également l'obligation imposée aux distributeurs de ne pas vendre des véhicules automobiles de marques concurrentes (article 3, point 3) et de ne pas vendre les produits contractuels à des vendeurs qui n'appartiennent pas au réseau de distribution (article 3, point 10), à moins qu'il ne s'agisse d'intermédiaires, c'est-à-dire d'opérateurs qui agissent au nom et pour le compte de consommateurs finaux et qui reçoivent, à cette fin, un mandat écrit (article 3, point 11).

30 En revanche, aucune des dispositions du règlement ne régit explicitement le leasing. Seul l'article 13, qui définit les termes utilisés dans le règlement, prévoit au point 12 que " " distribuer " et " vendre " incluent d'autres formes de commercialisation telles que le crédit-bail (leasing) ".

31 Combinant cette disposition avec l'article 3, point 10, sous a), du règlement, qui permet au constructeur d'interdire à ses distributeurs de livrer des produits contractuels à un revendeur n'appartenant pas au réseau de distribution, VAG et VAG Leasing assimilent les sociétés de leasing indépendantes à des revendeurs ne faisant pas partie du réseau de distribution VAG. Puisqu'il serait dès lors licite d'interdire aux distributeurs d'approvisionner des sociétés de leasing indépendantes, à plus forte raison serait-il possible de leur interdire de négocier des contrats de leasing pour de telles sociétés. Par conséquent, les contrats d'agence exclusive en cause seraient couverts par le règlement n° 123-85.

32 Cet argument ne saurait être retenu.

33 Il y a lieu de rappeler à titre liminaire que, compte tenu du principe général d'interdiction des ententes anticoncurrentielles édicté à l'article 85, paragraphe 1, du traité, les dispositions à caractère dérogatoire insérées dans un règlement d'exemption par catégorie ne sauraient faire l'objet d'une interprétation extensive et ne peuvent être interprétées de façon à étendre les effets du règlement au-delà de ce qui est nécessaire à la protection des intérêts qu'elles visent à garantir.

34 Ensuite, les sociétés de leasing qui n'offrent pas d'option d'achat ne peuvent être considérées comme des revendeurs de véhicules neufs, seuls visés par le règlement n° 123-85, tant qu'elles se bornent à acheter des véhicules pour satisfaire les demandes de leurs clients et ne constituent pas des stocks qu'elles offrent à une clientèle attirée à cet effet.

35 Enfin, comme l'a souligné à juste titre la Commission, la définition figurant à l'article 13, point 12, concerne uniquement les rapports entre le constructeur et le distributeur. Cette disposition vise en effet à empêcher le distributeur de contourner certaines de ses obligations contractuelles en recourant au leasing. Ainsi, l'article 13, point 12, a pour but d'éviter que le distributeur élude son obligation de ne pas vendre des véhicules d'une autre marque (article 3, point 3, du règlement) en donnant en leasing des véhicules d'une marque concurrente. De même, il garantit le respect de son obligation de ne pas prospecter activement en dehors du territoire qui lui a été imparti (article 3, point 8, du règlement), en l'empêchant de pratiquer le leasing de produits contractuels en dehors de sa zone.

Dès lors, l'article 13, point 12, est dénué de pertinence pour apprécier si les sociétés de leasing indépendantes sont des revendeurs extérieurs au système de distribution au sens de l'article 3, point 10, sous a), du règlement.

36 Les contrats d'agence exclusive ne sauraient non plus être exemptés sur la base de l'article 3, point 3, du règlement en vertu duquel le distributeur peut se voir obligé de ne pas vendre des véhicules automobiles neufs concurrents. En effet, les accords en cause portent sur le leasing des véhicules des marques Volkswagen et Audi, non sur des véhicules d'une marque concurrente.

37 Il y a dès lors lieu de répondre à la troisième question de la juridiction de renvoi que le règlement n° 123-85 doit être interprété en ce sens qu'il n'exempte pas l'obligation imposée par le premier constructeur automobile d'un Etat membre à tous ses distributeurs établis dans ce même Etat de développer une activité d'agence en matière de leasing exclusivement pour le compte de sa propre société de leasing.

Sur la quatrième question relative aux rapports entre les droits communautaire et nationaux de la concurrence

38 La quatrième question se posant uniquement dans l'hypothèse où les contrats d'agence exclusive en cause sont compatibles avec l'article 85, paragraphe 1, ou dans l'hypothèse où, quoique contraires à cette disposition, ils sont exemptés en vertu du règlement n° 123-85, il n'y a pas lieu de l'aborder.

Sur les dépens

39 Les frais exposés par les gouvernements allemand et du Royaume-Uni ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par le Bundesgerichtshof, par ordonnance du 19 janvier 1993, dit pour droit :

1) L'article 85, paragraphe 1, du traité CEE doit être interprété en ce sens qu'il prohibe l'obligation imposée par le premier constructeur automobile d'un Etat membre à tous ses distributeurs établis dans ce même Etat de développer une activité d'agence en matière de leasing exclusivement pour le compte de sa propre société de leasing.

2) Le règlement (CEE) n° 123-85 de la Commission, du 12 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles, doit être interprété en ce sens qu'il n'exempte pas l'obligation imposée par le premier constructeur automobile d'un Etat membre à tous ses distributeurs établis dans ce même Etat de développer une activité d'agence en matière de leasing exclusivement pour le compte de sa propre société de leasing.