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Décisions

CCE, 21 décembre 1994, n° 94-985

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Far Eastern Freight Conference

CCE n° 94-985

21 décembre 1994

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement (CEE) n° 1017-68 du Conseil, du 19 juillet 1968, portant application des règles de concurrence au secteur des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de la Grèce, et notamment son article 2, son article 5 et son article 11 paragraphe 1, vu le règlement (CEE) n° 4056-86 du Conseil, du 22 décembre 1986, déterminant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes (2), et notamment ses articles 3 et 11 paragraphe 1, vu la plainte tendant à faire constater une infraction présentée conformément à l'article 10 du règlement (CEE) n° 1017-68, vu la décision prise par la Commission, le 18 décembre 1992, d'engager la procédure dans cette affaire, après avoir donné aux entreprises intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission et de présenter toute autre observation éventuelle conformément à l'article 26 paragraphe 1 du règlement (CEE) n° 1017-68 et aux dispositions du règlement (CEE) n° 1630-69 de la Commission, du 8 août 1969, relatif aux auditions prévues à l'article 26 paragraphes 1 et 2 du règlement (CEE) n° 1017-68 du Conseil (3), après consultation, le 23 novembre 1994, du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes dans le domaine des transports, considérant ce qui suit :

PREMIÈRE PARTIE : FAITS

I. Plainte

(1) Le 28 avril 1989, la Commission a été saisie d'une plainte de la Bundesverband der Deutschen Industrie (BDI), du Deutscher Industrie- und Handelstag (DIHT) et de la Bundesverband des Deutschen Gross- und Aussenhandels (BGA), les organismes qui parrainent le Deutsche Seeverladerkomitee (DSVK, Conseil allemand des chargeurs maritimes), concernant certaines pratiques des membres de la Far Eastern Freight Conference (FEFC) en matière de fixation des prix dans le domaine du transport multimodal. On trouvera à l'annexe 1 une liste des membres de la FEFC. (La Commission fut informée le 21 novembre 1994 que Lloyd Triestino n'était plus membre de la FEFC depuis le 31 janvier 1994 et que Croatia Line n'était plus membre de la FEFC depuis le 28 mai 1994.)

(2) Les plaignants énuméraient les cinq éléments constitutifs d'un service de transport porte-à-porte ou multimodal :

a) transport jusqu'au port d'embarquement ;

b) manutention au port (transfert du mode de transport terrestre au navire) ;

c) transport maritime (transport du port A au port B) ;

d) manutention au port de destination (transfert du navire au mode de transport terrestre) ;

e) transport terrestre du port de destination au lieu de destination finale.

(3) La BDI et le DSVK faisaient valoir que l'exemption par catégorie prévue à l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86 ne concernait que le troisième des cinq éléments susmentionnés (le transport maritime proprement dit) alors que les membres de la FEFC avaient convenu entre eux des prix non seulement pour le transport maritime mais aussi pour le transport terrestre et les opérations de manutention.

(4) Les plaignants faisaient encore valoir que, puisque le règlement (CEE) n° 4056-86 visait "les transports martimes internationaux au départ ou à destination d'un ou de plusieurs ports de la Communauté autres que les services de tramp" [article 1er paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 4156-86], le champ d'application des exemptions par catégorie prévues par l'article 3 dudit règlement ne pouvait être plus étendu que cleui du règlement lui-même. Selon eux, la législation applicable était en l'espèce le règlement (CEE) n° 1017-68, dont l'article 2 interdit les pratiques restrictives - y compris la fixation des prix - et ne prévoit pas d'exemption pour les activités de fixation des prix de ce type pratiqués par les membres de la FEFC dans le domaine des transports terrestres.

(5) Les plaignants demandaient, enfin, à la Commission de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à cette pratique de fixation des prix de la FEFC concernant les services de transport terrestre.

II. Parties

(6) Les parties auxquelles s'adresse la présente décision sont membres d'une ou de plusieurs conférences maritimes regroupées à l'intérieur de la Far Eastern Freight Conference. Les services de transport maritime qu'elles fournissent couvrent les régions suivantes.

vers l'Est

De certains ports du Royaume-Uni, d'Irlande, de Norvège, de Suède, de Finlande, du Danemark, d'Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique, de France (Manche et océan Atlantique), d'Islande et de Pologne vers certains ports situés en Malaysia, à Singapour, en Thaïlande, à Hong-kong, au Japon, à T'ai-wan, en Corée du Sud et du Nord, en Chine (avec transbordement) à Macao, en Indonésie (avec transbordement), au Kampuchéa démocratique, au Viêt-nam, au Laos, à Myanmar, à Brunei et aux Philippines.

vers l'Ouest

De certains ports situés en Malaysia, à Singapour, en Thaïlande, à Hong-kong, au Japon, à T'ai-wan, en Corée du Sud et en Corée du Nord, en Chine (avec transbordement), à Macao, en Indonésie (avec transbordement), au Kampuchéa démocratique, au Viêt-nam, au Laos, au Myanmar, à Brunei et aux Philippines vers certains ports européens, les ports de la mer Noire (autres que ceux de la Communauté d'État indépendants), la totalité des ports non européens de la mer méditerranée (à l'exception des ports israéliens) et les ports marocains de la façade atlantique.

III. Services concernés

(i) Services et marché géographique

(7) Les services offerts par les membres de la FEFC sont les suivants :

a) services de transport maritime ;

b) services de manutention aux ports ;

c) services de transport terrestre.

(8) La troisième catégorie est en principe optionnelle : les chargeurs peuvent décider d'utiliser les services de transport terrestre offerts par les membres de la FEFC [acheminement par le transporteur maritime (carrier haulage)] ou bien de faire appel à des commissionnaires de transport ou des transporteurs terrestres [acheminement par le chargeur (merchant haulage)].

(9) La présente décision ne remet pas en question le fait que les membres de la FEFC sont autorisés, en vertu de l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86, à fixer des tarifs communs ou uniformes pour la fourniture de services de transport matitime. Elle ne traite pas non plus de la question de savoir si les accords de fixation des prix relatifs aux services de manutention portuaire entrent ou non dans le champ d'application dudit article 3.

(10) Les services auxquels se rapporte la présente décision sont les services de transport terrestre offerts aux chargeurs, à l'intérieur de la Communauté européenne, par les compagnies de navigation membres de la FEFC, dans le cadre du transport multimodal de marchandises conteneurisées entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient.

(11) Aux fins de la présente décision, le marché géographique des services en question est celui à l'intérieur duquel l'acheminement terrestre des conteneurs est assuré directement par les membres de la FEFC, ou réalisé pour leur compte, entre les ports que desservent ces compagnies dans les pays énumérés au considérant 6 et les points intérieurs accessibles depuis ces ports.

(ii) Fourniture de services de transport terrestre par les armateurs

(12) Traditionnellement, l'offre de transport se faisait mode par mode, ce qui signifie que, en règle générale, les transporteurs ne fournissaient qu'un seul mode de transport. Tous les frais jusqu'à réception de la marchandise à bord étaient supportés par le chargeur et le service de transport maritime contracté ne comportait généralement pas de volet terrestre.

(13) En règle générale, donc, les chargeurs assuraient l'organisation de la partie terrestre initiale de l'expédition (acheminement jusqu'au bateau) en s'occupant eux-mêmes du transport par route ou par rail de la marchandise, ou en faisant appel à des commissionnaires de transport. A l'arrivée au port de destination, le chargeur, encore, ou bien le destinataire procédaient de même.

(14) Dans les années soixante, la conteneurisation (et les autres techniques de charge unitaire) a révolutionné le monde de la manutention. L'utilisation de conteneurs a rendu plus simple le transfert d'un mode de transport à l'autre, facilitant les opérations de chargement et de déchargement. Cela a incité les compagnies maritimes à investir dans d'autres modes de transport et à commencer à offrir des services "porte-à-porte", en ajoutant des services terrestres à leurs services maritimes. La révolution de la manutention a rendu plus complexe l'attribution des responsabilités, car les dommages subis par la marchandise n'étaient souvent découverts qu'à l'ouverture du conteneur au lieu de destination. C'est pourquoi les chargeurs se sont montrés favorables à un service porte-à-porte assuré par un opérateur multimodal, tel qu'une compagnie de navigation, cette formule permettant de résoudre la question de la responsabilité.

(15) Outre l'"unitarisation" du fret et ses conséquences sur l'évolution des équipements spécialisés, le transport multimodal se caractérise principalement par le connaissement direct, qui couvre l'acheminement de bout en bout. Ce document indique les termes du contrat passé entre le chargeur et le transporteur et répartit clairement les responsabilités, tout en fixant avec précision le montant total des frais de transport.

(16) Cette évolution a touché les modes de transport, mais plus particulièrement le transport maritime de ligne. Outre les chargeurs et les armateurs, les intermédiaires tels que les commissionnaires de transport ont été affectés eux aussi, le développement à une grande échelle du transport multimodal les mettant en concurrence directe avec les compagnies de navigation pour l'organisation de tout ou partie des expéditions multimodales. Le transport terrestre, lorsqu'il est assuré par le transporteur maritime ou effectué pour son compte, est appelé "acheminement par le transporteur maritime" (carrier haulage) et, lorsqu'il est organisé par le chargeur ou par un commissionnaire de transport agissant pour le compte de celui-ci, est appelé "acheminement par le chargeur" (merchant haulage).

(17) Les chargeurs sont libres de recourir à l'une ou à l'autre de ces formules. C'est ce qu'exprime, dans les termes suivants, le rapport d'experts établi pour la FEFC et soumis à la Commission au cours de la procédure dans cette affaire (4) :

"4.41. Libre choix du chargeur (Optionality) : bien que l'acheminement par le transporteur maritime soit souvent la formule retenue, le fait que l'acheminement par le chargeur soit également possible est très important pour plusieurs raisons, dont certaines remontent aux premiers temps de la conteneurisation.

4.42. Tout d'abord, lorsque les conférences ont commencé à offrir des services de transport porte-à-porte entre la fin des années soixante et le début des années soixante-dix, elles assuraient encore, sur leurs routes respectives, le transport de la grande majorité des cargaisons et jouissaient d'une position dominante. Il fallait donc éviter de donner l'impression aux chargeurs que les nouveaux services proposés exploitaient abusivement cette position dominante. En outre, lorsque les conférences se sont lancées sur de nouveaux marchés comme celui des transports terrestres, il a paru important d'offrir un service dont les conditions soient suffisamment attrayantes pour les clients et qui accrédite l'image de service de distribution intégré. Ceci incluait l'offre de taux raisonnables pour l'acheminement par le transporteur maritime. Cependant, cela n'était pas suffisant, et il fallait aussi laisser aux chargeurs la possibilité de procéder comme auparavant et de continuer à organiser eux-mêmes leur acheminement s'ils le souhaitent.

4.43. Un deuxième point important concerne les frais de change. Tous les importateurs ont des frais de change lorsqu'il achètent à l'étranger, et cela inclut les frais de transport maritime. Cependant, dans le système traditionnel, les frais de transport terrestre locaux étaient payés en monnaie nationale. On pouvait donc raisonnablement penser que les opérateurs et les gouvernements contesteraient un système dans lequel les frais terrestres seraient libellés en monnaie étrangère du fait de l'intégration de l'acheminement local dans un tarif unifié. C'est pourquoi l'introduction d'un tarif terrestre distinct permet de facturer séparément et de payer en monnaie locale les trajets effectués dans le pays d'importation, sans que cela remette en question l'aspect "porte-à-porte" de l'opération sur le plan physique et commercial, ni l'unicité du document de transport.

4.44. Un troisième élément a trait à la situation des acheteurs "fob". Certains importateurs, le plus souvent de très grosses et puissantes entreprises, choisissent de désigner leur propre transporteur maritime, généralement une compagnie nationale de leur pays. Ce faisant, ils influent aussi, en cas d'opération de transport intégrée, le choix du transporteur qui sera chargé de l'acheminement terrestre à l'intérieur de leur pays. Il ne se préoccupent généralement pas de la façon dont l'exportateur achemine pour sa part les marchandises au port de départ du pays d'exportation, le laissant libre de tout organiser lui-même (merchant haulage) ou de confier cette tâche à l'opérateur multimodal (carrier haulage). L'achat fob ne conduit pas à préférer l'une de ces formules plutôt que l'autre au départ ou à l'arrivée, mais un tarif terrestre distinct est nécessaire pour que ce choix existe."

(18) L'une des obligations auxquelles est subordonnée l'exemption par catégorie accordée aux conférences maritimes est que les chargeurs doivent pouvoir choisir librement le transporteur terrestre de leurs marchandises. Cette obligation figure dans l'article 5 paragraphe 3 du règlement (CEE) n° 4056-86, qui dispose que :

"Pour les transports terrestres et les services à quai qui ne sont pas couverts par le fret ou les redevances sur le paiement desquels la compagnie maritime et l'usager se sont mis d'accord, les usagers auront la faculté de s'adresser aux entreprises de leur choix."

(19) Lorsqu'un chargeur choisit la formule de l'acheminement par le transporteur maritime, le transport du conteneur depuis le point d'origine jusqu'au bateau n'est le plus souvent pas assuré physiquement par la compagnie maritime concernée, ni même par une entreprise qui lui est associée. Bien que l'organisation et le suivi de l'acheminement terrestre du conteneur relèvent effectivement de ladite compagnie, le service de transport lui-même est presque toujours sous-traité à un transporteur routier ou ferroviaire indépendant par l'armateur. Un petit nombre de compagnies maritimes ont également créé des filiales chargées des services de transport terrestre.

(20) Dans le cas de la FEFC, le prix payé par le chargeur pour le transport terrestre de sa marchandise n'est pas celui qui a été négocié entre la compagnie maritime et l'entreprise de transport terrestre à qui celle-ci a sous-traité l'opération, mais le taux figurant dans le tarif terrestre de la conférence. Celui-ci tient compte aussi des frais encourus dans le cadre des autres activités terrestres réalisées pour le chargeur par les membres de la FEFC ou pour leur compte. Les taux terrestres sont habituellement exprimés dans la monnaie du pays où a lieu le transport terrestre, et non pas en dollars des Etats-Unis qui est la monnaie la plus fréquemment utilisée pour calculer les taux maritimes.

(21) L'acheminement par le chargeur, pour sa part, peut prendre des formes très diverses. A moins que le chargeur ne s'occupe lui-même du transport terrestre, de la livraison du conteneur au terminal en vue de son chargement sur le navire, des divers papiers et formalités et de la signature du contrat avec la compagnie de navigation pour la partie maritime du transport, il peut faire appel aux services d'un commissionnaire de transport, ou bien d'un transporteur routier ou d'une compagnie de chemin de fer.

(22) Les commissionnaires de transport proposent une gamme de services allant de la préparation des documents et de la réservation d'espaces sur les navires à des activités d'authentiques opérateurs de transport multimodal sans navire (non vessel operating multimodal transport operators). Dans ce dernier cas, ils offrent les mêmes services que les compagnies de transport maritime de ligne qui proposent des services multimodaux, à la différence qu'ils n'exploitent eux-mêmes aucun navire mais affrètent des espaces (slots) auprès d'armateurs.

(23) L'accroissement de la concurrence entre les commissionnaires de transport et les transporteurs maritimes de ligne depuis l'apparition de la conteneurisation est une des caractéristiques majeures du secteur, et dans une large mesure, cela a contribué à l'apparition d'une capacié excédentaire, que les compagnies maritimes se sont montrées disposées à céder aux commissionnaires de transport à des taux favorables.

(24) Les commissionnaires de transport peuvent ou non fournir le service de transport terrestre eux-mêmes ; quand ils ne le font pas, ils sous-traitent ce service de la même façon que peut le faire un opérateur de transport mulitmodal exploitant des navires. Ces commissionnaires de transport jouent un rôle particulièrement important en ce qui concerne le transport des chargements de moindre volume (moins d'un conteneur) et leur assemblage en conteneurs pleins.

(25) Dans leur réponse à la communication des griefs, et au cours de l'audition, les parties ont fait valoir que le service fourni par les compagnies membres de la FEFC n'est pas un service de transport terrestre mais soit un service d'acheminement de port à port, soit, plus communément, un service de transport intégré. En particulier, elles soulignent qu'elles ne proposent jamais de services en matière de transport terrestre sans aussi fournir les services de transport maritime et ceux de manutention dans les terminaux.

(26) Il est clair que, dans le cadre d'un transport porte-à-porte ou intégré, les chargeurs sont libres de choisir entre la formule de l'acheminement par le chargeur et celle de l'acheminement par le transporteur maritime (considérants 17 à 20). Pour ce faire, ils tiendront compte d'un certain nombre de facteurs, et notamment du prix. Comme indiqué précédemment, le prix du carrier haulage est toujours indiqué séparément de celui des autres services et il est même libellé dans une autre monnaie. Toutefois, les caractéristiques physiques et techniques des deux formules sont telles que celles-ci sont interchangeables d'un point de vue fonctionnel.

(27) Pour les chargeurs, il n'importe donc pas de savoir si les compagnies maritimes fournissent leurs services de carrier haulage autrement que dans le cadre d'un service de transport multimodal intégré ; ils choisissent entre ce qui leur paraît être deux produits interchangeables. De ce point de vue, les membres de la FEFC fournissent aux chargeurs un service de transport terrestre.

(28) Cette analyse est confirmée par le fait que les parties ont souligné la concurrence sur les prix qui existe entre les deux formules (carrier haulage et merchant haulage). Selon la FEFC (5), environ 70 % des chargeurs utilisant les services des membres de la FEFC pour le transport maritime de conteneurs optent pour le système de l'acheminement par le transporteur maritime, bien que cette proportion varie dans le temps et selon les pays. Les professeurs Gilman & Graham mentionnent au point 6.04 de leur rapport que :

"Le service de carrier haulage offert par les compagnies membres de la conférence doit rester globalement compétitif en termes de qualité de prestations et de prix par rapport à ce qu'offrent les compagnies indépendantes et la formule de l'acheminement par le chargeur."

(29) Autrement dit, la courbe des ventes du premier de ces produits réagit fortement aux variations de prix du second et vice versa, ce qui tend à prouver la forte substituabilité de la demande en la matière. Les parties font valoir que, à cause de la pression exercée par la formule du merchant haulage, les taux de transport terrestre convenus dans le cadre de la FEFC sont souvent ceux du membre le plus efficace.

(iii) Etat de la concurrence concernant l'offre de services de transport terrestre

(30) Le tarif de la FEFC pour les services de transport maritime fixe des taux différents selon les produits en fonction de leur valeur, bien que l'éventail de ces taux soit bien plus restreint que celui de la valeur des marchandises transportées. En d'autres termes, les taux de fret sont plus élevés pour les marchandises de forte valeur que pour celles de moindre valeur. A l'inverse, les taux terrestres ne sont pas fixés par catégorie de marchandises et ne varient pas en fonction de la valeur de ce que transporte le conteneur, même s'il peut y avoir une certaine modulation selon que le conteneur est de vingt pieds (1 EVP) ou de quarante (2 EVP).

(31) Abstraction faite d'une exemption visant certains accords conclus entre petites et moyennes entreprises de transport, aucune exemption par catégorie n'a été accordée en application du règlement (CEE) n° 1017-68 à des transporteurs terrestres en matière de fixation des prix. En outre, le jeu de la concurrence a empêché de maintenir des taux différenciés ou discriminatoires dans les quelques cas où ceux-ci étaient imposés ; il en a été ainsi des tarifs ferroviaires réglementés qui ont dû être abandonnés à cause de la concurrence des transports routiers.

(iv) Activités terrestres des membres de la FEFC

(32) Hormis la fixation collective des prix et des modalités du service de carrier haulage, aucune activité de transport terrestre n'est organisée directement ou indirectement par le canal de la FEFC. Les compagnies membres de cette conférence négocient individuellement les termes des services qu'ils achètent sur le marché des transports terrestres. Jusqu'à présent, quelques membres seulement de la FEFC ont investi dans des infrastructures de transport terrestre (dépôts par exemple) ou certains types d'équipement (tracteurs notamment), les exemples les plus connus étant celui des dépôts que possède la société P& O au Royaume-Uni, et les diverses sociétés de transport terrestre constituées par des compagnies maritimes (par exemple, Nedloyd, Maersk). Cependant, nombreux sont les membres de la FEFC qui ont investi des sommes considérables dans l'achat de conteneurs et de systèmes de logistique, qu'ils utilisent non seulement pour les services de transport maritime qu'ils fournissent, mais aussi pour leurs activités de transport terrestre.

(33) Selon la FEFC (6), sa part du commerce de ligne sur les routes de sa zone géographique était d'environ 58 % en 1992. Toujours selon elle, en 1993, quelque 70 % de cette part (c'est-à-dire 38,5 % du total) était aussi acheminé à terre dans le cadre de services de carrier haulage. En 1991, les services de ce type fournis en Europe du Nord par les membres de la conférence ont représenté environ 1 015 208 EVP (équivalent de vingt pieds), soit approximativement 9 276 653 tonnes. Environ 89 % de ces transports ont été effectués en totalité ou partiellement sur le territoire de la Communauté.

(34) La Commission a analysé les données que lui ont communiquées dix des principaux membres de la FEFC (7) afin d'évaluer l'importance relative des opérations de transport terrestre dans le coût total des services de transport multimodal. Les chiffres ci-après représentent la structure de coût moyenne sur les routes entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient :

mer : 36,5 %,

terre : 18,6 %,

terminaux : 27,1 %,

ventes : 13,9 %

divers : 3,9 %.

(35) Pour l'ensemble des dix lignes dont les données ont été analysées, le coût global de la fourniture de services de transport terrestre en 1992 a atteint quelque 477 200 000 écus (taux de change en vigueur au mois d'août 1994).

(36) Outre les coûts directs, le chiffre indiqué pour le transport terrestre inclut les dépenses en capital consenties pour les conteneurs transportés sur terre (60 % environ de l'ensemble des conteneurs) ainsi que les frais de gestion de ce parc à terre et les frais d'entreposage. Les coûts directs du transport terrestre représentent probablement 8 % environ du coût total.

(37) En outre, une partie des coûts attribués aux postes terminaux, ventes et divers devrait être imputée aux services de transport terrestre, étant donné, par exemple, que les coûts attribués au poste terminaux incluent le transport terrestre des conteneurs entre certains ports. De même, le poste ventes englobe la vente des services de carrier haulage, tandis que le poste divers comprend les frais administratifs.

IV. Accord

(38) La Far Eastern Freight Conference est le nom donné à un ensemble de conférences maritimes associées (8) disposant d'un secrétariat au Royaume-Uni et de bureaux à Hong-kong, en Corée, à Tokyo, à Singapour, à Paris et à Rotterdam.

(39) Les compagnies qui sont membres de la FEFC ont convenu d'un tarif commun ainsi que d'autres questions telles que les conditions générales d'adhésion. Le tarif actuel de la FEFC figure dans un document intitulé NT90 et est entré en vigueur le 1er janvier 1990. Ce document fixe les conditions générales des prestations de transport, y compris les modalités de paiement.

(40) Le nouveau tarif NT90 fixe les taux des services fournis par les membres de la FEFC, dont ceux des transports maritimes, des transports terrestres, des services terminaux et des autres activités. Pour certaines activités, le taux n'est pas spécifié, mais il est indiqué que les membres de la conférence ne doivent pas facturer le service en-dessous de son prix de revient.

(41) La FEFC a étendu ses compétences en matière de fixation des prix au taux de transport terrestre au début de la conteneurisation, c'est-à-dire autour de 1971. Ainsi, le tarif est divisé en cinq parties dans le NT90, dont deux sont consacrées aux volets terrestres des opérations de transport porte-à-porte (segment terrestre dans le pays d'origine, et dans celui de destination).

APPRÉCIATION JURIDIQUE

I. Article 85 paragraphe 1

(42) Les compagnies maritimes membres de la FEFC sont des entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1 du traité. Leurs activités de fixation des prix concernant les services de transport terrestre fournis sur le territoire de la Communauté aux chargeurs en combinaison avec d'autres services et dans le cadre d'opérations de transport multimodal de marchandises conteneurisées entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient (9) qui sont assurées par des compagnies maritimes membres de la FEFC (services de carrier haulage), selon les modalités prévues par le NT90, constituent un accord entre ces entreprises, qui tombe sous le coup de l'article 85 paragraphe 1.

(i) Restrictions, entraves ou distorsions de la concurrence

(43) Les accords qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction sont spécifiquement mentionnés dans l'article 85 paragraphe 1 point a) comme une restriction de la concurrence. Pour sa part, la Cour de justice des Communautés européennes a indiqué en ce qui concerne la concurrence par les prix que :

"La fonction de la concurrence en matière de prix est de maintenir les prix au niveau le plus bas possible et de favoriser la circulation des produits entre les Etats membres en vue de permettre ainsi une répartition optimale des activités en fonction de la productivité et de la capacité d'adaptation des entreprises." (10)

(44) Il n'est pas besoin d'attendre pour voir quels seront les effets concrets d'un accord dès qu'il apparaît qu'il a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence (11).

(45) Dans la présente affaire, la restriction de concurrence entre les membres de la FEFC en ce qui concerne les prix facturés pour le volet terrestre des opérations de transport multimodal est probablement importante en raison du très grand nombre de conteneurs concernés et des coûts en jeu (considérants 33 à 37).

(ii) Effet sur le commerce entre Etats membres

(46) Selon la jurisprudence de la Cour, l'effet sur le commerce entre Etats membres est prouvé dès lors qu'il apparaît de façon suffisamment certaine, sur la base d'un ensemble de facteurs juridiques ou empiriques objectifs, que l'accord ou la pratique concertée en question peut avoir une influence, directe ou indirecte, effective ou potentielle, sur la structure des échanges de biens ou de services entre les Etats membres (12).

(47) La Commission considère que l'accord conclu par les membres de la FEFC pour fixer les prix de leurs services de carrier haulage peut affecter sensiblement et a affecté sensiblement le commerce entre Etats membres des diverses façons décrites ci-après. Ces services impliquent fréquemment le transport de marchandises entre Etats membres.

(48) L'accord, qui a été conclu entre des compagnies maritimes opérant dans plusieurs Etats membres, restreint la concurrence entre ces compagnies en ce qu'il fixe les prix auxquels celles-ci proposent leurs services de transport, y compris sur les segments terrestres. Il est probable que la suppression ou la limitation de la concurrence par les prix entre ces compagnies de navigation pour ce qui concerne le transport terrestre réduit sensiblement les avantages qu'en retireraient les plus efficaces d'entre elles.

(49) Ceci affecte le nombre d'opérations de transport multimodal que pourrait réaliser chaque compagnie en l'absence d'un tel accord. Cette restriction de la concurrence entre armateurs opérant dans plusieurs Etats membres influence donc et fausse le commerce des services de transport à l'intérieur de la Communauté, qui se présenterait différemment en l'absence de cet accord.

(50) Cette déviation par rapport au comportement concurrentiel traditionnel qui permet aux entreprises les plus efficaces d'accroître leurs parts de marché peut aussi influer sur la concurrence que se livrent les ports de différents Etats membres, en gonflant ou en restreignant artificiellement les volumes de marchandises en transit (13) et les parts de marché des compagnies de navigation opérant à partir de ces ports.

(51) Le système de péréquation portuaire (port equalisation) peut accroître ou au contraire réduire les flux de marchandises transitant par certains ports. Dans ce système, les taux du carrier haulage sont basés sur l'acheminement au port le plus proche approuvé par la conférence, quel que soit le port effectif de chargement ou de déchargement. Un tel système peut influer sur les capacités mises à dispositions dans chaque port, ce qui risque à son tour de dévier les courants d'échanges entre certains points d'Europe et les ports d'Europe du Nord ou bien entre ports et, de ce fait, d'affecter le commerce entre Etats membres.

(52) L'effet sur la fourniture des services de carrier haulage qui est décrit dans les points précédents risque aussi de peser sur la prestation de services annexes aux services de transport maritime et de carrier haulage. L'effet sur ce type de services tiendra surtout à la modification du flux des services de transport entre Etats membres.

(53) Par conséquent, la Commission estime que l'accord considéré affecte les échanges entre Etats membres en ce qu'il influe sur la fourniture des services de carrier haulage comme sur celle des services annexes auxdits services. Cet effet est probablement important du fait du très grand nombre de conteneurs impliqués.

(54) Un accord comme celui qu'ont passé les membres de la FEFC conernant les prix des transports terrestres, qui a un effet sur le coût d'exportation vers d'autres pays de marchandises produites à l'intérieur de la Communauté, peut affecter le commerce de ces marchandises dans la Communauté. Le risque est en effet que les producteurs recherchent d'autres marchés vers lesquels le coût de transport de leurs marchandises soit moins élevé. Ces autres marchés incluent le marché national du producteur lui-même et les marchés d'autres Etats membres(14).

(55) La Commission considère par conséquent que les activités de fixation des prix des membres de la FEFC relatives au transport terrestre ont aussi une influence sur les échanges de marchandises entre Etats membres.

II. Réglementation applicable en l'espèce

(56) La FEFC fait valoir que toutes ses activités de fixation des prix, y compris celles qui concernent les services de transport terrestre, sont couvertes par l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86, qui accorde une exemption par catégorie aux conférences maritimes. Pour les raisons évoquées dans la présente décision, la Commission ne considère pas quant à elle que le règlement (CEE) n° 4056-86 soit le règlement applicable en la matière, et elle a donc examiné la plainte et les pratiques incriminées au regard des dispositions du règlement (CEE) n° 1017-68.

(57) L'article 1er du règlement (CEE) n° 1017-68 indique que celui-ci s'applique à certains accords, décisions et pratiques concertées ainsi qu'aux abus de position dominante "dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable".

(58) La formule du carrier haulage implique le transport de conteneurs par voie ferrée, par route ou par voie fluviale (ou encore au moyen d'une combinaison de ces modes de transport) par les compagnies maritimes elles-mêmes ou bien pour leur compte, en liaison avec d'autres services et dans le cadre d'une opération de transport multimodal. En conséquence, les accords, décisions et pratiques concertées comme celles décrites dans le règlement (CEE) n° 1017-68, qui se rapportent à des services de carrier haulage, tombent sous le coup de ce règlement.

(59) Pour ces raisons, la Commission considère que les activités de fixation des prix faisant l'objet de la présente décision concernant la fixation des prix des services de transport terrestre fournis sur le territoire de la Communauté aux chargeurs en liaison avec d'autres services et dans le cadre d'opérations de transport multimodal, pour l'acheminement de marchandises conteneurisées entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient, par des compagnies maritimes membres de la FEFC, entrent dans le champ du règlement (CEE) n° 1017-68 et non pas dans celui du règlement (CEE) n° 4056-85.

III. Règlement (CEE) n° 1017-68

(i) Lien entre le règlement (CEE) n° 1017-68 et les articles 85 et 86 du traité

(60) Le règlement (CEE) n° 1017-68 portant application des règles de concurrence au secteur des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable était le premier règlement d'application des règles de concurrence au secteur des transports. Adopté avant que la Cour de justice ne confirme expressément que les règles de concurrence étaient applicables au secteur des transports (15), il reproduit à peu de chose près le texte des articles 85 et 86 du traité (16).

(61) En tant qu'instrument du droit communautaire dérivé, le règlement (CEE) n° 1017-68 ne peut pas déroger aux dispositions du traité. Il doit par conséquent être interprété à la lumière de la jurisprudence de la Cour (17) comme dotant la Commission des moyens nécessaires pour faire appliquer les articles 85 et 86 du traité dans le secteur des transports terrestres, sans s'écarter des règles de concurrence fondamentales contenues dans le traité (18).

(62) Un accord qui n'est pas conforme à l'article 85 paragraphe 3 ne peut être exempté en application du règlement (CEE) n° 1017-68. Les articles 2, 5, 7 et 8 de ce règlement doivent donc être interprétés de la même manière que les articles 85 et 86 à la lumière de la jurisprudence, et comme n'ajoutant rien à ceux-ci.

(ii) Article 2 du règlement (CEE) n° 1017-68

(63) Les dispositions de l'article 2 du règlement (CEE) n° 1017-68 sont basées sur celles de l'article 85 paragraphe 1 du traité et les reflètent. Comme elles n'en diffèrent en rien sur le plan du contenu, les observations des considérants 42 à 55 concernant l'applicabilité de l'article 85 paragraphe 1 valent également pour l'applicabilité de l'article 2 du règlement (CEE) n° 1017-68.

(64) Aux termes de l'article 2 du règlement (CEE) n° 1017-68, sont incompatibles avec le Marché commun et interdits, sans qu'une décision préalable soit nécessaire à cet effet, tous accords entre entreprises, toute décision d'association d'entreprises et toute pratique concertée qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer directement ou indirectement les prix et les conditions de transport.

(65) Pour les raisons énoncées précédemment aux considérants 42 à 55, et à la lumière des observations faites aux considérants 56 à 59, l'accord conclu entre les membres de la FEFC concernant les prix qu'ils facturent pour la fourniture de services de carrier haulage (tarif terrestre), en combinaison avec d'autres services et dans le cadre d'opérations de transport multimodal, est un accord qui tombe sous le coup de l'interdiction visée à l'article 2 du règlement (CEE) n° 1017-68.

(iii) Article 3 du règlement (CEE) n° 1017-68

(66) L'accord conclu entre les membres de la FEFC concernant les prix des services de carrier haulage ne peut bénéficier de l'exemption accordée aux accords techniques par l'article 3 du règlement (CEE) n° 1017-68. Ledit article 3 se contente de dresser la liste des différents types d'accords qui n'entrent pas dans le champ de l'article 85 paragraphe 1 du traité dès lors qu'ils ont seulement pour objet et pour effet l'application d'améliorations techniques ou la coopération technique (19).

(67) Les accords conclus entre concurrents concernant la fixation des prix de leurs services sont des accords commerciaux, qui n'ont pas seulement pour objet et pour effet l'application d'améliorations techniques ou la coopération technique.

(68) L'article 3 paragraphe 1 point c) vise exclusivement les "transports successifs, complémentaires, substitutifs ou combinés" entre modes terrestres et non entre transport terrestre et transport maritime. Le champ d'application du règlement (CEE) n° 1017-68 "transports par chemin de fer, par route et par voie navigable" exclut l'application de l'exception lorsque les opérations de transport en question n'ont pas entièrement lieu à terre.

(iv) Article 4 du règlement (CEE) n° 1017-68

(69) L'exemption pour les groupements de petites et moyennes entreprises prévue à l'article 4 du règlement (CEE) n° 1017-68 n'est pas non plus applicable.

(70) En premier lieu, la plupart des compagnies maritimes membres de la FEFC n'exercent pas elles-mêmes d'activité de transport terrestre où ne souhaitent pas en exercer. Elles ne poursuivent donc pas l'objectif décrit au premier tiret de l'article 4 paragraphe 1 du règlement.

(71) En deuxième lieu, ces compagnies pour la plupart n'ont pas pour objectif celui décrit au deuxième tiret de l'article 4 paragraphe 1, celui du financement ou de l'acquisition en commun de matériel ou de fournitures de transport terrestre et ne fournissent pas de tels services.

(72) En troisième lieu, les limites de l'article 4 paragraphe 1 ne sont pas respectées. D'une part, certains des membres de la FEFC ne disposent pas de leur propre capacité de chargement, comme l'exige l'article 4 pour remplir cette condition. D'autre part, si l'on devait tenir compte des capacités louées ou sous-traitées, la capacité commune des membres de la FEFC excéderait les limites prévues (considérant 33 pour le nombre d'EVP ou de tonnes transportées par les membres de la FEFC ou pour leur compte en 1991).

IV. Règlement (CEE) n° 4056-86

(i) Article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86

(73) Les membres de la FEFC ont fait valoir que le transport multimodal entre dans le champ d'application du règlement (CEE) n° 4056-86 et que, en vertu de l'article 3 dudit règlement (intitulé "Exemption des ententes entre transporteurs concernant l'exploitation de services réguliers de transport maritime"), les activités de fixation de prix pour les services de transport terrestre qui sont fournis en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'une opération de transport multimodal sont aussi exemptées.

(74) La Commission n'accepte pas cet argument pour les raisons suivantes.

(75) La portée de l'exemption prévue à l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86 ne peut être plus étendue que celle du règlement (CEE) n° 4056-86 lui-même. En effet, à son article 1er paragraphe 2, le règlement dispose que :

"Il ne vise que les transports maritimes internationaux au départ ou à destination d'un ou de plusieurs ports de la Communauté."

(76) Il ressort clairement de cet énoncé que le transport terrestre, y compris le segment terrestre d'un service multimodal, n'entre pas dans le champ d'application du règlement et ne peut par conséquent pas être couvert par l'exemption par catégorie prévue à l'article 3.

(77) En tout cas, l'exemption par catégorie prévue à l'article 3 concerne exclusivement les opérations de port à port, comme le montre la référence, faite dans son intitulé, au transport maritime :

"Exemption des ententes entre transporteurs concernant l'exploitation de services réguliers de transport maritime" (20).

(78) C'est ce qui ressort également de l'énoncé du onzième considérant du règlement (CEE) n° 4056-86 selon lequel :

"considérant que, à cet égard, les usagers doivent pouvoir à tout moment prendre connaissance des prix et conditions de transport pratiqués par les membres de la conférence étant entendu qu'en matière de transports terrestres organisés par les "transporteurs maritimes" (21) ceux-ci restent soumis au règlement (CEE) n° 1017-68 ; ".

(79) Au cours de l'audition en l'espèce, le conseil de la FEFC a suggéré que le onzième considérant du règlement (CEE) n° 4056-86 visait vraisemblablement à régler la question de savoir si les conférences agissant collectivement en tant qu'acheteurs de services de transport terrestre étaient couvertes par l'exemption par catégorie, énonçant que ces activités entraient dans le champ d'application du règlement (CEE) n° 1017-68.

(80) Ce considérant ne saurait l'emporter sur les termes clairs de l'article 1er paragraphe 2 du règlement. En outre, l'interprétation qui en est faite n'est pas acceptable. Il n'est pas logique de dire que les chargeurs doivent "pouvoir à tout moment prendre connaissance des prix et conditions de transport pratiqués par les membres de la conférence" parce que les compagnies maritimes en question agissent peut-être de concert pour l'achat de services de transport terrestre.

(81) Il convient au contraire d'interpréter l'article 5 point 4 du règlement (CEE) n° 4056-86 comme imposant formellement aux membres de la conférence, à des fins de transparence, l'obligation de faire connaître leurs conditions, y compris les conditions du carrier haulage. Compte tenu du fait que les prix demandés par les différentes compagnies maritimes pour les services de transport terrestre ne peuvent en aucun cas être fixés par la conférence. Ces prix ne ressortiraient donc pas des tarifs de la conférence.

(82) En outre, aucune disposition du règlement (CEE) n° 4056-86 ne permet de conclure que les conférences ayant négocié collectivement l'achat de services de transport terrestre sont couvertes par l'exemption par catégorie. L'énoncé de l'article 3 du règlement est très clair à cet égard : la "fixation des prix et des conditions de transport" ne peut se rapporter qu'à la formation d'un prix de vente et non à la négociation d'un prix d'achat pour un autre type de transport.

(83) Ces conclusions sont étayées par le fait que, au cours des consultations qui ont conduit à l'adoption du règlement (CEE) n° 4056-86, le Parlement européen avait proposé d'ajouter à l'article 3 de la proposition de règlement de la Commission les termes suivants :

"L'exemption précitée porte également sur le transport "intermodal" (c'est-à-dire le transport maritime incluant le transport antérieur et postérieur)" (22).

(84) Cette proposition de modification n'a pas été adoptée par le Conseil, ce qui montre bien que l'intention du Conseil était que les accords ayant pour objet la fixation de prix pour des services de transport terrestre ne soient pas couverts par l'exemption par catégorie prévue à l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86 du Conseil.

(85) A condition de satisfaire aux conditions énoncées à l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68 (c'est-à-dire les quatre conditions de l'article 85 paragraphe 3), les parties à des accords de cette nature peuvent toutefois bénéficier d'une exemption individuelle accordée par la Commission en application de l'article 11 paragraphe 4 ou de l'article 12 du même règlement.

(ii) Article 5 du règlement (CEE) n° 4056-86

(86) La FEFC a allégué que l'article 5 points 3 et 4 du règlement (CEE) n° 4056-86 contient des indications que le transport multimodal organisé par les conférences maritimes relèvent du champ d'application du règlement (CEE) n° 4056-86 et, par extension, de l'exemption par catégorie prévue à l'article 3.

(87) Cet argument n'est pas fondé et résulte d'une interprétation erronée de la FEFC concernant la nature des obligations contenues à l'article 5 points 3 et 4. Ces deux points ne sauraient être considérés comme se rapportant à un tarif fixé dans le cadre d'une conférence, mais aux conditions qui sont offertes par les différentes compagnies maritimes. On ne saurait en inférer que la fixation de prix pour les services de transport terrestre founis en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'un service de transport multimodal est autorisée en vertu de l'article 3 dudit règlement. Ces dispositions contiennent simplement des obligations formelles à la charge des compagnies maritimes qui souhaitent bénéficier de l'exemption par catégorie : elles sont obligées d'autoriser l'acheminement par le chargeur (merchant haulage) et elles sont tenues de publier leurs propres conditions de carrier haulage.

(88) L'article 5 du règlement contient par conséquent des obligations qui, comme le précisent son intitulé et le onzième considérant, sont des obligations liées à l'exemption par catégorie. Il ne contient pas d'extension explicite ou implicite de l'exemption par catégorie qui est prévue à l'article 3.

(iii) Article 2 du règlement (CEE) n° 4056-86

(89) La FEFC a aussi fait valoir qu'une déclaration de la Commission inscrite au procès-verbal du Conseil au moment de l'adoption du règlement (CEE) n° 4056-86 (23) permet de conclure que la fixation des prix pour les transports multimodaux entre dans le champ d'application du règlement (CEE) n° 4056-86. La FEFC confond à nouveau la question de l'exemption par catégorie accordée aux conférences maritimes avec une déclaration relative à l'application des règles communautaires de concurrence à des compagnies maritimes individuelles.

(90) La déclaration de la Commission vise expressément les exceptions concernant des accords techniques prévues à l'article 2 du règlement (CEE) n° 4056-86 et à l'article 3 du règlement (CEE) n° 1017-68. Elle ne porte donc pas sur la question de l'exemption par catégorie et confirme que les deux règlements cités s'appliquent aux opérations multimodales mer/terre, le règlement (CEE) n° 4056-86 s'applique au segment maritime et le règlement (CEE) n° 1017-68 au segment terrestre.

(91) En outre, la déclaration n'a trait qu'aux accords conclus à titre individuel entre des transporteurs maritimes et des transporteurs terrestres. En effet, des accords conclus avec des concurrents pour fixer collectivement les taux du transport terrestre ou maritime constituent des accords restrictifs sur le plan commercial et ils n'ont pas seulement pour objet et pour effet de mettre en œuvre les améliorations techniques ou la coopération technique au sens de l'article 3 paragraphe 1 du règlement (CEE) n° 1017-68 et de l'article 2 paragraphe 1 du règlement (CEE) n° 4056-86. Ces accords restreignant généralement la concurrence, il résulte, notamment du septième considérant du règlement (CEE) n° 4056-86, qu'ils ne relèvent pas de l'exception prévue pour des accords techniques.

V. Possibilité d'exemption individuelle

(92) Aucune demande d'exemption individuelle n'a été présentée concernant la fixation des prix par les membres de la FEFC pour les services de carrier haulage fournis en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'un transport multimodal. Toutefois, en raison de l'obligation, imposée à la Commission en vertu de l'article 11 paragraphe 4 du règlement (CEE) n° 1017-68, de rendre une décision d'application de l'article 5 de ce règlement lorsqu'elle arrive à la conclusion, au terme d'une procédure engagée sur plainte ou d'office qu'un accord, une décision ou une pratique concertée remplit les conditions de l'article 2 et de l'article 5 du règlement, il est nécessaire de déterminer si les conditions de l'article 5 sont remplies en l'espèce.

(93) La Commission a exposé aux considérants 63 à 65 les raisons pour lesquelles elle considère que l'article 2 du règlement (CEE) n° 1017-68 s'applique en l'espèce et présente ci-après son appréciation quant à l'applicabilité de l'article 5 dudit règlement.

(94) Pour procéder à cette appréciation, la Commission a dû établir une distinction entre les arguments développés par les membres de la FEFC concernant :

- les avantages du transport multimodal en général,

- la nécessité de la fixation, dans le cadre d'une conférence, des taux applicables au segment terrestre, pour la fourniture de services de transport multimodal

et

- la nécessité de la fixation, dans le cadre d'une conférence, des taux applicables au segment terrestre, afin de préserver le système des conférences.

(95) Les membres de la FEFC ont présenté une argumentation approfondie au sujet des mérites du transport multimodal et des avantages qui en découlent ; la Commission ne nie au demeurant pas ces avantages (24). La présente décision portant sur la fixation de prix, la Commission a seulement pris en considération la deuxième et la troisième des grandes argumentations développées par la FEFC en vue d'une exemption individuelle éventuelle.

(96) Les dispositions de l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68 sont largement inspirées de celles de l'article 85 paragraphe 3 du traité et leur sont quasiment identiques (25). Elles sont cumulatives, chacune d'entre elles devant être satisfaite pour que la Commission puisse accorder une exemption individuelle.

(97) L'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68, qui reprend les première et deuxième conditions prévues à l'article 85 paragraphe 3 du traité (26), dispose que l'interdiction énoncée à l'article 2 du règlement peut être déclarée inapplicable par la Commission si l'accord, la décision ou la pratique concertée en question :

"contribuent :

- à améliorer la qualité des services de transport

ou

- à promouvoir, sur les marchés qui sont soumis à de fortes fluctuations dans le temps de l'offre et de la demande, une meilleure continuité et stabilité dans la satisfaction des besoins de transport

ou

- à augmenter la productivité des entreprises

ou

- à promouvoir le progrès technique ou économique

en prenant en considération, dans une mesure équitable, les intérêts des utilisateurs de transport (. . .)".

(98) Les troisième et quatrième conditions prévues à l'article 85 paragraphe 3 sont reproduites presque intégralement dans la deuxième partie de l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68.

(99) Pour diverses raisons, la Commission ne considère pas que les activités de fixation des prix de la FEFC pour le transport terrestre remplissent les conditions définies dans la première partie de l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68 : en effet, elles ne contribuent à aucun des objectifs fixés ni pour la fourniture de services terrestres, ni pour la fourniture de services maritimes. Et même si c'était le cas, de l'avis de la Commission, les conditions énoncées dans la seconde partie de l'article 5 ne seraient pas remplies, puisque les pratiques en question impliquent des restrictions de concurrence qui ne seraient pas indispensables pour atteindre l'un des quelconques objectifs visés.

a) Amélioration de la qualité des services de transport

(100) Comme il a été souligné au considérant 94, il est nécessaire d'établir une distinction entre, d'une part, les mérites et les avantages du transport multimodal en général et, d'autre part, le rôle que joue prétendument la fixation des prix par les membres de la FEFC, en ce qui concerne les services de carrier haulage fournis dans le cadre d'un service de transport multimodal dans l'amélioration de la qualité des services de transport. L'appréciation de l'applicabilité de l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68 concerne le second aspect.

(101) Il n'est pas démontré que le fait d'appliquer un prix fixé collectivement pour la fourniture de services de carrier haulage contribue à améliorer la qualité des services de transport terrestre. A cet égard, on relèvera, comme indiqué au considérant 19, que les membres de la FEFC n'effectuent généralement pas l'acheminement sur le segment terrestre eux-mêmes, mais le sous-traitent à des transports terrestres.

(102) En outre, si le prix du carrier haulage est fixé dans le cadre de la FEFC, chacun des membres négocie individuellement avec les transporteurs terrestres. Les améliorations apportées à la qualité du service pour répondre à la demande des chargeurs ne résultent pas des pratiques de fixation des prix de la conférence, mais des négociations menées à titre individuel entre les chargeurs et les compagnies maritimes.

(103) Il n'a pas non plus été démontré que la fixation des prix par les membres de la FEFC, pour les services de carrier haulage contribue à améliorer la qualité des services de transport maritime fournis par les membres de la conférence.

b) Promotion de la continuité et de la stabilité sur les marchés qui sont soumis à de fortes fluctuations dans le temps

(104) La question de la stabilité sur le marché des services maritimes de ligne conteneurisés est examinée aux considérants 123 à 137.

(105) Les membres de la FEFC n'ont pas apporté la preuve que le marché sur lequel sont fournis les services de carrier haulage se caractérise par de fortes fluctuations de l'offre et de la demande dans le temps. Même si le marché pouvait être ainsi caractérisé, il n'a pas été démontré que la tarification collective, par les membres de la FEFC, des taux de transport terrestre contribue à la continuité et à la stabilité sur le marché en cause.

c) Augmentation de la productivité des entreprises

(106) Les membres de la FEFC n'ont pas apporté la preuve que la fixation des prix, par la conférence, pour les services de carrier haulage a entraîné ou est susceptible d'entraîner une augmentation de la productivité des entreprises concernées. Ici encore, il est important de distinguer la fourniture de services de transport multimodal de la fixation des prix concernant le segment terrestre de ces services.

(107) En ce qui concerne les fournisseurs effectifs des services de transport terrestre, la fixation de prix par la FEFC n'a aucun effet direct sur les services fournis ou leur mode de prestation, étant donné qu'ils sont vendus aux membres de la FEFC au prix courant du marché et non au prix fixé par la conférence. Pour leur part, les membres de la FEFC n'interviennent généralement pas eux-mêmes dans la fourniture du service de transport terrestre, et l'accord fixant les tarifs en ce qui concerne le carrier haulage n'a pas d'incidence directe sur le service qu'ils fournissent effectivement eux-mêmes.

(108) Il n'a pas été non plus démontré que la fixation des prix par les membres de la FEFC, en ce qui concerne les services de carrier haulage contribue à accroître la productivité des membres de la FEFC pour les services de transport maritime qu'ils assurent.

d) Promotion du progrès technique ou économique

(109) Les membres de la FEFC n'ont pas apporté la preuve que la fixation des prix concernant les services de carrier haulage contribue à promouvoir le progrès technique ou économique, qu'il s'agisse de la fourniture de services de transport terrestre ou de la fourniture de services de transport multimodal.

(110) Les compagnies membres de la FEFC ont fait valoir que fixer des prix pour les services de carrier haulage leur permet d'investir dans les segments du service de transport intégré qu'ils assurent eux-mêmes (logistique, suivi, etc. considérant 19), la pratique offrant une certitude plus grande quant au rendement des investissements en jeu.

(111) Cet argument peut être avancé pour n'importe quel accord de fixation des prix. Il est au demeurant mal choisi. Il est possible que les restrictions de concurrence résultant des activités de fixation des prix des membres de la FEFC, au lieu de stimuler l'introduction d'une technologie nouvelle, découragent des investissements nouveaux en réduisant les avantages concurrentiels qui reviendraient normalement aux entreprises ayant mieux exploité leurs investissements.

(112) Cette situation tient au fait que la diminution ou l'élimination de la concurrence entre les membres de la FEFC en ce qui concerne les prix est de nature à empêcher les compagnies maritimes de faire profiter leurs clients des économies réalisées grâce aux nouveaux équipements et aux nouvelles technologies. De même, le fait que des compagnies maritimes plus dynamiques sont moins à même de tirer avantage de leurs performances et donc d'accroître leur part de marché signifie que des compagnies maritimes efficientes seront moins amenées à investir dans des technologies nouvelles.

(113) En conséquence, il n'a pas été prouvé que les activités de fixation des prix par les membres de la FEFC pour le carrier haulage contribuent à la promotion du progrès technique ou économique.

(114) Il n'a pas non plus été prouvé que la fixation des prix, par les membres de la FEFC, des services de carrier haulage contribue à la promotion du progrès technique ou économique pour ce qui est des services de transport maritime fournis par les membres de la FEFC.

e) Prise en considération, dans une mesure équitable, des intérêts des usagers

(115) Selon la Commission, l'accord FEFC ne prend pas en considération, dans une mesure équitable, les intérêts des usagers (27) pour ce qui concerne la fixation des prix pour le transport terrestre. La fixation collective par les membres de la FEFC des prix des services de carrier haulage, ne tient pas suffisamment compte des intérêts des chargeurs et autres usagers. L'accord sert uniquement à assurer le maintien des prix à un niveau plus élevé qu'il ne le serait autrement. Cela est directement contraire aux intérêts des usagers.

(116) Dans la mesure où les transporteurs individuels sont en mesure de réduire leurs coûts en organisant leurs flottes de conteneurs plus efficacement que d'autres, la fixation par la conférence des prix des services de carrier haulage empêche les compagnies les plus efficaces de répercuter les réductions de coût. Cela aussi est contraire aux intérêts des usagers.

(117) Pour déterminer si les pratiques en question prennent en considération, dans une mesure équitable, les intérêts des usagers, la Commission a tenu compte des plaintes dont l'ont saisie les organismes représentant les intérêts des usagers des services de transport terrestre fournis par les membres de la FEFC, à savoir le Conseil allemand de chargeurs, soutenu par le Conseil britannique de chargeurs, par le Conseil français des chargeurs (CNUT), et par le principal organisme de représentation des chargeurs en Europe, le Conseil de chargeurs maritimes d'Europe. Les commissionnaires de transport, par la voie de leur organisme de représentation, le Comité de liaison européen des commissionnaires et auxiliaires de transport (CLECAT) et de l'Union internationale des sociétés de transport combiné rail-route (UIRR) ont exprimé leur préoccupation au sujet des distorsions de concurrence dans le domaine du transport terrestre, qui résultent des pratiques visées par la présente décision.

(118) En l'espèce, si l'on veut réserver aux usagers une part équitable du profit, il faut maintenir un niveau élevé de concurrence dans la fourniture des services de transport terrestre aux chargeurs : il appartient à la Commission de veiller à ce que le choix de la qualité et des prix offerts aux chargeurs qui achètent des services de transport terrestre soit le plus large possible. Dans la pratique, il serait plus facile de réserver aux usagers une part équitable du profit résultant du transport porte à porte s'il n'y avait pas accord de fixation de prix comme celui conclu par la FEFC.

f) Caractère indispensable des restrictions

(119) Comme il a été expliqué au considérant 94, il est nécessaire de déterminer si les restrictions de concurrence résultant de la pratique de fixation des prix de la FEFC pour le carrier haulage sont indispensables :

- pour la fourniture des services de transport multimodal

ou

- pour le maintien du système de fixation des taux des transports maritimes par ces conférences maritimes.

(120) En ce qui concerne le premier de ces objectifs, il convient de souligner que la plupart des membres de la FEFC ne fournissent pas eux-mêmes les services de transport terrestre. La FEFC n'exerce non plus aucune activité de transport terrestre autre qu'offrir simplement une tribune où se fixent collectivement le prix des services de carrier haulage qui sont fournis en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'un service de transport multimodal assuré par ses membres.

(121) La fixation collective des prix des services de carrier haulage n'est pas essentielle à la fourniture de ces services, comme le montre le fait que de nombreux transporteurs et commissionnaires de transport indépendants offrent des services équivalents ou similaires en dehors du cadre de la FEFC ou de toute autre conférence, sans fixer en commun avec une autre compagnie maritime les prix des services de carrier haulage.

(122) Les commissionnaires de transport sont en concurrence directe avec les compagnies maritimes pour la fourniture de services de transport et tous agissent en tant qu'intermédiaires entre les fournisseurs effectifs et les acheteurs des services de transport terrestre. Qui plus est, les commissionnaires de transport fournissent des services porte à porte aux chargeurs depuis aussi longtemps, sinon plus, que les compagnies maritimes de ligne. Ni les commissionnaires de transport, ni les compagnies de chemin de fer ne bénéficient d'une exemption pour la tarification en commun de leurs activités.

(123) En ce qui concerne le deuxième objectif, la FEFC a fait valoir que le rôle stabilisateur des conférences maritimes (28) serait compromis si celles-ci ne fixaient pas collectivement les prix du transport terrestre. Elle soutient que s'ils fixaient les taux de transport terrestre individuellement et non plus collectivement, ses membres seraient tentés de faire pièce aux taux maritimes fixés par la conférence en jouant sur les taux appliqués sur le segment terrestre. Cet argument a été conforté par le rapport des Professeurs Gilman et Graham, qui constatent entre autre que :

"Dans un environnement intermodal intégré, les conférences ne peuvent remplir leurs fonctions de stabilisation des taux ou de promotion de l'efficacité et de la rationalisation, à moins que leur autorité en matière de tarification ne s'étende au secteur terrestre." (29).

(124) Selon les Professeurs Gilman et Graham, la moindre stabilité des taux de fret maritime est en particulier imputable au rapport existant entre le fret maritime et les recettes générées par le transport terrestre :

"En s'efforçant de se faire confier par le chargeur la partie terrestre du transport, le transporteur s'assure aussi le fret maritime. Il est clair que, tant qu'ils ont des capacités excédentaires sur leurs navires, les transporteurs faisant partie d'une conférence ont financièrement intérêt à assumer une bonne partie des coûts du transport terrestre afin de mieux charger les navires." (30).

(125) Selon les Professeurs Gilman et Graham, le fait que la capacité de transport ne peut pas être stockée contribue à cette tendance à l'instabilité des prix. En soulignant que le système des conférences a permis de rationaliser considérablement le réseau (31), ils font encore valoir que la concurrence pourrait être étendue "loin dans l'arrière-pays grâce à l'utilisation des moyens de transport terrestre" (point 4.19).

(126) Pour les raisons indiquées ci-après, la Commission ne considère pas que ces argumentations démontrent la nécessité absolue de la fixation des prix des services de carrier haulage pour assurer la stabilité des taux maritimes résultant des conférences telles que la FEFC. Il convient de souligner que pour que le critère du "caractère indispensable" soit satisfait, il faut que les parties démontrent qu'il ne leur est pas possible d'atteindre les objectifs transmis sans restreindre la concurrence de manière moins sensible.

(127) Une conférence permet d'assurer la stabilité des opérations qu'elle vise en fixant un tarif uniforme qui sert de point de référence au marché. Les prix ainsi arrêtés ont des chances de rester inchangés plus longtemps que dans le cas où ils sont fixés individuellement par les compagnies maritimes. Cette limitation des fluctuations de prix, qui se produiraient sur un marché concurrentiel normal, peut être profitable aux chargeurs, car elle diminue les incertitudes concernant les conditions commerciales futures.

(128) La stabilité prévue par le règlement (CEE) n° 4056-86 a pour effet de garantir aux chargeurs des services fiables. Les services de ligne sont par nature réguliers, en ce sens qu'ils reposent sur un horaire régulier. Sont fiables les services de qualité raisonnable dans le cadre desquels les marchandises confiées par les chargeurs ne subissent aucun dommage et dont le prix reste identique quels que soient le jour et la ligne choisis. La fiabilité tient au fonctionnement durable d'un service régulier qui garantit aux chargeurs un service adapté à leurs besoins.

(129) Le fait que la cartellisation d'une partie des activités des compagnies maritimes soit jugée compatible avec les règles de concurrence ne saurait en soi justifier l'exemption de toutes les activités exercées par ces entreprises. Par analogie, il faudrait en ce cas considérer que les membres d'une conférence maritime doivent être autorisés à fixer les prix de tous les services qu'ils décident d'offrir en combinaison avec les services de transport maritime, de peur que la concurrence par les prix portant sur ces services additionnels ne porte atteinte au tarif des transports maritimes que fixe la conférence.

(130) Il ne serait pas compatible avec l'objectif communautaire de parvenir à un système garantissant le libre jeu de la concurrence dans le marché intérieur, d'admettre que la stabilité d'une activité rentable donnée puisse justifier d'exempter sur la base des règles communautaires de concurrence la fixation des prix toutes les activités rentables fournies en combinaison avec l'activité faisant déjà l'objet d'une exemption.

(131) En outre, il n'a pas été prouvé que la fixation des prix de carrier haulage est indispensable au maintien du "rôle stabilisateur" joué par les conférences. Si elles ont largement fait valoir que toutes les activités des membres de la conférence doivent faire l'objet d'une fixation des prix, les parties n'ont pas réussi à prouver que celle-ci est essentielle au maintien d'une discipline tarifaire sur le segment maritime, pour lequel se pose la question de la stabilité, ni qu'il n'y a pas de moyen moins restrictif d'y parvenir.

(132) La FEFC n'échappe pas à la règle générale selon laquelle toutes les ententes sont susceptibles de "tricher" ou d'accorder en secret des rabais lorsque certains membres souffrent de capacités excédentaires (32). C'est ce qu'a admis le Conseil de la FEFC au cours de l'audition, qui a reconnu (33) l'existence à la fois de ristournes autorisées, telles que les contrats de services (34) et les accords de fidélité (35), et de ristournes non autorisées.

(133) Il s'agit là d'une conséquence parfaitement normale d'une action concertée. Les membres d'une entente cherchent à maximiser leurs bénéfices en fixant des prix en commun, mais aussi à maximiser leurs revenus en gagnant des parts de marché sur les autres. Ce comportement débouche normalement sur une certaine instabilité, même au sein de l'entente la plus disciplinée. Les ententes souffrent aussi de l'instabilité inévitable résultant du fait qu'il est toujours intéressant d'être la seule entreprise qui opère en dehors de l'entente.

(134) La FEFC est par conséquent confrontée à l'instabilité des tarifs tant maritimes que terrestres que crée la politique concurrentielle de ristournes pratiquée par ses membres. Une discipline absolue n'est pas nécessaire pour maintenir la stabilité qu'apporte le système des conférences, c'est-à-dire l'offre de services fiables à des prix ne variant pas fortement à court terme. La politique de ristournes, en particulier, ne compromet pas la stabilité visée par le règlement (CEE) n° 4056-86, puisqu'il n'a pas été prouvé qu'elle conduit à l'absence de services fiables ou de prix stables pendant un certain laps de temps.

(135) Dans ce contexte, il est important de souligner que certaines activités sont exercées non pas sur la base d'un prix convenu dans le cadre d'une conférence, mais sur la base, beaucoup moins restrictive, d'un accord prévoyant que les services ne peuvent être facturés en dessous de leur coût (considérant 40). Les parties n'ont fourni aucun élément prouvant que ce système nuit à la stabilité de manière excessive, voire qu'il est nuisible.

(136) La Commission reconnaît qu'en l'absence de fixation collective des prix, les membres de la FEFC peuvent imposer aux chargeurs, pour les services de carrier haulage des taux inférieurs à leurs coûts d'achat, ce qui reviendrait à offrir un rabais sur le tarif du transport maritime fixé par la conférence. Cette pratique risque effectivement de davantage nuire à la stabilité apportée par la FEFC que ne le font d'autres types de rabais accordés sur les tarifs du transport maritime de la FEFC et la concurrence d'autres compagnies maritimes non membres de cette conférence.

(137) Toutefois, en admettant même que le fait d'autoriser la FEFC à fixer les prix des services de carrier haulage qui sont fournis par ses membres contribue à la stabilité générale, il n'a pas été prouvé que des mesures moins restrictives de la concurrence ne seraient pas suffisantes pour atteindre cet objectif. Les mesures qui peuvent être prises pour assurer la stabilité des tarifs du transport maritime d'une conférence sont énumérées à l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86 ; elles comprennent notamment la répartition, entre les membres d'une conférence, du tonnage transporté ou de la recette.

(138) En conclusion, la fixation des prix des services de carrier haulage par les membres de la FEFC, n'apparaît pas indispensable à la réalisation des objectifs poursuivis.

(139) Cette conclusion ne s'applique qu'aux pratiques actuelles de la FEFC concernant la fixation des prix dans le domaine du transport terrestre. En particulier, la présente décision n'examine pas si et dans quelle mesure d'autres types d'accords relatifs au transport multimodal peuvent remplir les conditions définies à l'article 85 paragraphe 3 (36).

g) Elimination de la concurrence pour une partie substantielle du marché

(140) Comme il a été établi que les trois premières conditions de l'article 85 paragraphe 3 et de l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68 ne sont pas réunies en l'espèce, il n'est pas nécessaire de déterminer si les parties ont la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des services en question.

h) Conclusions

(141) Toutes ces considérations portent à conclure que le développement du transport multimodal peut être un moyen d'améliorer les services de transport, mais que ce n'est pas le cas de la fixation collective des prix des services de carrier haulage. En outre, les usagers de transport ne profitent pas dans une mesure équitable de cette fixation des prix, et les restrictions de concurrence ne sont pas indispensables. En conclusion, les conditions de l'article 85 paragraphe 3 du traité et de l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68 ne sont pas remplies.

(142) Qui plus est, au moment où l'on s'efforce de libéraliser et de déréguler la fourniture des services de transport terrestre en Europe, il serait incohérent d'accorder aux conférences une exemption leur permettant de fixer les prix d'une partie des services de transport terrestre et de ne pas autoriser leurs concurrents offrant des services équivalents à agir de la sorte (37).

VI. Article 22 du règlement (CEE) n° 1017-68

(143) En vertu de l'article 22 paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 1017-68, la Commission peut infliger aux entreprises des amendes d'un montant de 1 000 écus au moins et d'un million d'écus au plus, ou d'un montant supérieur mais n'excédant pas 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 2 ou de l'article 8 du règlement (CEE) n° 1017-68. Pour fixer le montant de l'amende, la Commission prend en considération la gravité et la durée de l'infraction.

i) Appréciation de la gravité et de la durée de l'infraction

(144) Pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction en l'espèce, la Commission a pris en considération les critères suivants :

a) nature de l'infraction ;

b) intention des parties ;

c) non-cessation de l'infraction par les parties ;

d) nature et valeur des services en question ;

e) degré d'implication de chacune des parties dans l'infraction

et

f) durée de l'infraction.

a) Nature de l'infraction

(145) La Commission considère que, d'une façon générale, les pratiques visant à limiter la concurrence par les prix revêtent une gravité certaine (38). C'est ce qui ressort de la mention explicite de la fixation des prix à l'article 85 paragraphe 1 ainsi que de la jurisprudence constante de la Cour de justice (39). L'infraction en question élimine la concurrence par les prix entre les membres de la FEFC pour les services de transport terrestre qu'ils fournissent.

b) Intention des parties

(146) La Cour de justice a dit pour droit que :

"Pour qu'une infraction aux règles de concurrence du traité puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre une interdiction édictée par ces règles ; il suffit qu'elle n'ait pu ignorer que la conduite incriminée avait pour objet de restreindre la concurrence." (40).

(147) La Commission considère que l'intention des membres de la FEFC était d'éliminer entre eux la concurrence par les prix pour les services de transport terrestre qu'ils fournissent. Ils ne pouvaient dès lors pas ignorer que leurs activités de fixation des prix concernant les services de transport terrestre avaient pour objet de restreindre la concurrence.

c) Non-cessation de l'infraction par les parties

(148) Les membres de la FEFC savent, au moins depuis le 23 juin 1989, date à laquelle la plainte du BDI-DSKV leur a été communiquée, que les pratiques visées par la présente décision pouvaient constituer des infractions à l'article 85 paragraphe 1 du traité et à l'article 2 du règlement (CEE) n° 1017-68 et ne pas relever de l'exemption par catégorie accordée aux conférences maritimes par l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056-86.

(149) Malgré cette plainte et en dépit des avertissements répétés de la Commission (dont une lettre adressée au président de la FEFC en juin 1990, par le membre de la Commission alors responsable de la politique de la concurrence) signalant que les pratiques en cause tombaient sous le coup de l'article 85 paragraphe 1 et ne bénéficiaient d'aucune exemption conformément à l'article 85 paragraphe 3, les parties n'ont jamais cessé de les mettre en œuvre. A aucun moment, même après la communication des griefs en décembre 1992, elles ne les ont officiellement notifiées à la Commission pour obtenir une exemption individuelle.

d) Nature et valeur des services en question

(150) Comme il a été indiqué aux considérants 34 à 37, le coût de la fourniture de services de transport terrestre pour dix des principaux membres de la FEFC a atteint quelque 477 millions d'écus. Ce montant est probablement représentatif, en termes réels, du coût des services de transport terrestre fournis par ces dix compagnies à la fois avant et après 1992. La valeur annuelle des services en question est par conséquent considérable et constitue un coût important pour l'économie communautaire.

e) Degré d'implication de chacune des parties dans l'infraction

(151) A l'exception de Wilh. Wilhelmsen, aucun élément ne permet de conclure qu'une compagnie maritime particulière a pris une part plus grande ou moins grande dans la décision collective de fixation des prix pour les services visés par la présente procédure. Wilh. Wilhelmsen n'est pas un membre actif de la FEFC et n'exploite pas de navires sur les routes en question.

f) Durée de l'infraction

(152) Comme il a été indiqué aux considérants 39, 40 et 41, la fixation des prix des services de transport terrestre par la FEFC a débuté de manière générale vers 1971 et s'est régulièrement poursuivie depuis lors. Le tarif actuel des services de carrier haulage de la FEFC qui figure dans le NT90, est entré en vigueur le 1er janvier 1990. Le règlement (CEE) n° 1017-68, qui est le règlement applicable à l'infraction en question, est entré en vigueur le 1er juillet 1968.

ii) Conclusions concernant la gravité et la durée de l'infraction

(153) La Commission considère que l'infraction en question constitue une infraction très grave aux règles communautaires en matière de concurrence et qu'elle peut avoir une incidence économique considérable. En outre, l'infraction dure de manière générale depuis 1971 et incontestablement depuis que le DSVK a déposé une plainte auprès de la Commission en avril 1989.

(154) Bien que les parties aient fait valoir que les pratiques en question relèvent de l'exemption par catégorie, pour les accords portant sur la fixation des prix des conférences maritimes prévue dans le règlement (CEE) n° 4056-86, la portée de cette exemption ne peut être plus large que celle du règlement lui-même. L'article 1er paragraphe 2 du règlement dispose que ce dernier :

"(Il) ne vise que les transports maritimes internationaux au départ ou à destination d'un ou de plusieurs ports de la Communauté."

(155) Pour interpréter les dispositions du règlement (CEE) n° 4056-86, il est nécessaire de se rappeler le principe général du droit communautaire qui veut que les dérogations, telles que les exemptions par catégorie, ne peuvent faire l'objet d'une interprétation extensive (voir note citée au considérant 77).

(156) En outre, le rapport de la Commission au Conseil sur l'application des règles communautaires de concurrence au transport maritime, de juin 1994, a présenté clairement les conclusions générales de la Commission concernant la fixation des taux applicables au transport multimodal. Les représentants de la FEFC ont communiqué le 12 août 1994 à la Commission leurs observations préliminaires sur le rapport en question.

(157) La Commission considère que les membres de la FEFC n'ont pu ignorer que l'accord tombait sous le coup de l'article 85 paragraphe 1 du traité et qu'ils devaient savoir qu'il était exclu du champ d'application de l'exemption par catégorie octroyée aux conférences maritimes, ou de toute autre exemption. La Commission estime qu'il y a lieu d'infliger des amendes en l'espèce.

(158) Nonobstant ces conclusions concernant la gravité et la durée de l'infraction, la Commission a tenu compte du fait que l'existence des pratiques en cause était largement connue et du fait que, pour diverses raisons, l'adoption de la présente décision concernant ces pratiques a pris plus de temps qu'il eut été nécessaire en d'autres circonstances. La Commission a aussi pris en considération les circonstances suivantes :

i) les orientations de la Commission relatives à la fixation des prix du transport multimodal par des conférences maritimes n'étaient pas connues largement jusqu'à ce qu'elle présente au Conseil le rapport susmentionné ;

ii) il a fallu un certain temps à la Commission pour définir ses orientations à cet égard ; la procédure en l'espèce a donc duré plus longtemps que d'habitude, et les membres de la FEFC n'ont pas à être pénalisés pour cette période supplémentaire et

iii) la présente décision constitue la première décision d'application des dispositions du règlement (CEE) n° 1017-68 aux membres d'une conférence maritime.

(159) Compte tenu de ce qui précède, la Commission considère que le niveau des amendes dans cette affaire doit être fixé à un niveau symbolique pour souligner l'existence de l'infraction et la nécessité, pour les entreprises en question et d'autres entreprises pouvant être impliquées dans des pratiques équivalentes, de respecter, à l'avenir, les règles communautaires de concurrence. Aucune amende ne devrait être infligée à Wilh. Wilhelmsen, du fait que cette entreprise n'a pas participé à l'infraction en cause (considérant 151).

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :

Article premier

Les membres de la Far Eastern Freight Conference, dont la liste figure à l'annexe, ont enfreint les dispositions de l'article 85 du traité et de l'article 2 du règlement (CEE) n° 1017-68 en fixant collectivement les prix des services de transport terrestre fournis sur le territoire de la Communauté européenne aux chargeurs en combinaison avec d'autres services dans le cadre du transport multimodal de chargements conteneurisés entre l'Europe du Nord et l'Extrême-Orient.

Article 2

Les conditions de l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68 ne sont pas remplies.

Article 3

Les membres de la Far Eastern Freight Conference, dont la liste figure à l'annexe, sont tenus de mettre fin à l'infraction visée à l'article 1er.

Article 4

Les entreprises destinataires de la présente décision sont tenues de s'abstenir à l'avenir de tout accord ou de toute pratique concertée ayant un objet ou un effet identique ou similaire à celui de l'accord visé à l'article 1er.

Article 5

Les amendes figurant ci-après sont infligées aux entreprises destinataires de la décision, au titre de l'infraction aux dispositions de l'article 85 du traité et de l'article 2 du règlement (CEE) n° 1017-68, constatée à l'article 1er.

Compagnie Générale Maritime 10 000 écus

Hapag-Lloyd Aktiengesellschaft 10 000 écus

Croatia Line 10 000 écus

Kawasaki Kisen Kaisha Limited 10 000 écus

Lloyd Triestino di Navigazione SpA 10 000 écus

AP Moeller-Maersk Line 10 000 écus

Malaysian International Shipping Corporation Berhad 10 000 écus

Mitsui OSK Lines Ltd 10 000 écus

Nedlloyd Lijnen BV 10 000 écus

Neptune Orient Lines Ltd 10 000 écus

Nippon Yusen Kabushiki Kaisha 10 000 écus

Orient Overseas Container Line 10 000 écus

P& O Containers Ltd 10 000 écus

Article 6

Les amendes infligées à l'article 5 sont payables en écus, dans un délai de trois mois à compter de la date de la présente décision, au compte n° 310-0933000-43 de la Commission des Communautés européennes, Banque Bruxelles Lambert, Agence européenne, rond-point Schumann 5, B-1040 Bruxelles.

Le montant de ces amendes porte intérêt de plein droit à compter de l'expiration du délai indiqué au premier alinéa, au taux appliqué par l'Institut monétaire européen à ces opérations en écus le premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été adoptée, ce taux étant majoré de 3,5 points de pourcentage, soit 9,25 %.

Article 7

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe sont destinataires de la présente décision.

La présente décision forme titre exécutoire en vertu de l'article 192 du traité.

(1) JO n° L 175 du 23. 7. 1968, p. 1.

(2) JO n° L 378 du 31. 12. 1986, p. 4.

(3) JO n° L 209 du 21. 8. 1969, p. 11.

(4) The Case for Conference Rate Making Authority in the Inland Sector, rapport établi pour la Far Eastern Freight Conference par les Professeurs S. Gilman et M. Graham, juillet 1990.

(5) Réponse à la communication des griefs, du 31 mars 1993, p. 104.

(6) Réponse à la communication des griefs, p. 38 et p. 105.

(7) CGM, Hapag-Lloyd, K Kine, Lloyd-Triestino, Maersk, MISC, Mitsui, NYK, OOCL, P& O.

(8) Far Eastern Freight Conference, Europe/Japan & Japan /Europe Freight Conferences, Hong Kong/Europe Freight Conference, Philippines/Europe Conference, Sabah, Brunei & Sarawak Freight Conference.

(9) L'étendue de ces services est décrite au considérant 6.

(10) Arrêt du 14 juillet 1972, affaire 48-69 : ICI-colorants, (Recueil 1972, p. 619, point 115 des motifs).

(11) Affaires jointes 56-64 et 58-64 : Consten/Grundig, (Recueil 1966, p. 429). Décision 84-405-CEE de la Commission dans l'affaire Zinc Producer Group (JO n° L 220 du 17. 8. 1984, p. 27) : "Enfin, pour que l'article 85 paragraphe 1 soit applicable, il suffit que les restrictions de la concurrence aient été voulues. Il n'est pas nécessaire que l'objectif visé ait été entièrement ou partiellement atteint ni donc que la restriction de la concurrence ait été effective."

(12) Arrêt du 13 juillet 1966, affaires jointes : Consten/Grundig (Recueil 1966, p. 429).

(13) Sixième considérant du règlement (CEE) n° 4056-86 décrivant l'effet que peuvent avoir sur les ports de la Communauté les pratiques restrictives en matière de transport maritime international.

(14) Arrêt du 3 décembre 1987, affaire 136-86 : BNIC contre Aubert (Recueil 1987, p. 4789), point 18 des motifs. De même, la Cour a, en application de l'article 92, jugé le 2 février 1988 dans les affaires 67, 68 et l'affaire 70-85 : Van der Kooy contre Commission concernant les tarifs du gaz naturel néerlandais (Recueil 1988, p. 219, point 59 des motifs) que le tarif préférentiel (-5,5 %) accordé aux horticulteurs néerlandais pour leur consommation de gaz naturel affectait les échanges entre États membres étant donné à la fois l'importance des coûts énergétiques (25 %-30 % du prix de vente) et celle de la part de marché (65 %) et des exportations (91 %) des entreprises bénéficiant de cette aide d'État.

(15) Affaire 167-73 : Commission contre république française (Marins français) (Recueil 1974, p. 359, point 32 des motifs); affaires jointes 209-84 à 213-84 : Nouvelles Frontières, (Recueil 1986, p. 1425, points 42 à 45 des motifs); affaire 66-86 : Ahmed Saeed, (Recueil 1989, p. 803, points 32-33 des motifs).

(16) Structures tarifaires en matière de transports combinés de marchandises, décision 93-174-CEE de la Commission (JO n° L 73 du 26. 3. 1993, considérant 19).

(17) Ahmed Saeed, point 12 des motifs, en liaison avec le règlement (CEE) n° 3975-87.

(18) Ahmed Saeed, point 25 des motifs.

(19) HOV SVZ/MCN, décision 94-210-CE de la Commission (JO n° L 104 du 23. 4. 1994, p. 34, considérant 91). La version en langue anglaise de l'article 3 du règlement (CEE) n° 1017-68 omet le terme "seulement", qui figure aussi bien dans les versions en langue originale de ce règlement que dans les règlements (CEE) n° 4056-86 (article 2) et (CEE) n° 3975-87 (article 2).

(20) Affaire T-9-92 : Automobiles Peugeot SA, arrêt du 22 avril 1993, non encore publié, point 37 des motifs : ". . . compte tenu du principe général d'interdiction des ententes anticoncurrentielles édicté à l'article 85 paragraphe 1 du traité, les dispositions à caractère dérogatoire insérées dans un règlement d'exemption par catégorie ne sauraient faire l'objet d'une interprétation extensive . . .". Voir également les conclusions de l'avocat général M. Van Gerven dans l'affaire C-234-89 : Delimitis (Recueil 1991, p. I-955, point 5 : ". . . à supposer qu'un accord ne soit pas couvert par les termes d'un règlement concernant une exemption par catégorie, on ne saurait en aucun cas étendre l'exemption par catégorie - qui constitue déjà par elle-même une dérogation à l'interdiction de l'article 85 paragraphe 1 et qui, à ce titre, doit être interprétée restrictivement.")

(21) La version anglaise du règlement (CEE) n° 4056-86 utilise erronément le terme "chargeurs" (shippers) au lieu de "transporteurs" (carriers). Il s'agit manifestement d'une erreur, pour les deux raisons suivantes au moins :

1) le considérant n'a aucun sens dans la version anglaise

et

2) les autres versions linguistiques du règlement parlent de manière univoque de "transporteurs" (carriers) (par exemple "transporteurs maritimes", "trasportatori marittimi", "Seeverkehrsunternehmen").

(22) Voir les modifications à la proposition de règlement (CEE) du Conseil déterminant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes (JO n° C 255 du 13. 10. 1986, p. 176).

(23) La Commission déclare que les transports multimodaux mer/terre sont soumis aux règles de concurrence adoptées pour les transports terrestres et à celles prévues pour les transports maritimes. En pratique, la non-application de l'article 85 paragraphe 1 sera acquise pour ce qui concerne l'organisation et l'exécution de transports multimodaux mer/terre successifs ou complémentaires ainsi que la fixation ou l'application de prix et conditions globaux pour ces transports, étant donné qu'àussi bien l'article 2 du présent règlement (CEE) n° 4056-86 que l'article 3 du règlement (CEE) n° 1017/68 déclarent que l'interdiction édictée par l'article 85 paragraphe 1 du traité ne s'applique pas à ces pratiques. [Document du Conseil n° 11584/86 MAR 84, annexe III, p. 5 (19 décembre 1986)].

(24) Voir, par exemple, le rapport de la Commission présenté au Conseil, le 8 juin 1994, sur l'application des règles communautaires de concurrence au transport maritime, point 3.1 : "La Commission est (. . .) pleinement favorable au développement du transport multimodal, mode de transport moderne correspondant à une demande des chargeurs, et elle souhaite y contribuer." SEC(94) 933 final.

(25) Structure tarifaire, voir note 16 de bas de page.

(26) "(. . .) qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte (. . .)".

(27) L'article 1er paragraphe 3 point c) du règlement (CEE) n° 4056-86 entend notamment par "usagers" les chargeurs, destinataires et transitaires.

(28) ". . . (considérant) que ces conférences exercent un rôle stabilisateur de nature à garantir des services fiables aux chargeurs; ", huitième considérant du règlement (CEE) n° 4056-86.

(29) Rapport des Professeurs Gilman et Graham, point 4.30.

(30) Rapport des Professeurs Gilman et Graham, point 4.16.

(31) Les membres de la conférence ont convenu de desservir un nombre limité de ports à des fins de rationalisation.

(32) "Déceler et décourager la tricherie constituent le problème principal en matière d'ententes et, comme il est souvent difficile à résoudre, de nombreux économistes pensent que les ententes constituées en vue de la fixation des prix sont fondamentalement instables.", F. M. Scherer and David Ross, Industrial Market Structure and Economic Performance (Houghton Mifflin, 1990, page 245).

(33) Page 131 du procès-verbal de l'audition en l'espèce.

(34) Les contrats de services sont des accords conclus entre différents chargeurs et compagnies maritimes, ou groupes de compagnies maritimes, pour le transport d'un nombre minimal de conteneurs et la fourniture de services spéciaux à un prix négocié sur une base individuelle.

(35) Tels que les accords prévus à l'article 5 point 2 du règlement (CEE) n° 4056-86.

(36) Il convient de prendre note de la position de la Commission à ce sujet, position qui est présentée dans son rapport au Conseil concernant le transport maritime :

"(La Commission considère . . .) que, dans certaines circonstances, des accords de coopération spécifiques entre groupements d'armateurs ou entre armateurs et transporteurs terrestres pourraient promouvoir un progrès économique ou technique suffisant pour justifier que la fixation en commun de taux terrestres soit, en l'occurrence, autorisée par exemption individuelle."

Dans le même rapport, la Commission se déclare aussi disposée, le cas échéant, à envisager l'octroi d'exemptions individuelles autorisant :

"l'insertion, dans l'accord de conférence dont les compagnies du groupement (bénéficiant de l'exemption individuelle) sont membres, d'une disposition prévoyant que les taux terrestres des tarifs . . . ne peuvent être inférieurs aux coûts, de manière à éviter dans une large mesure le risque d'instabilité pour les conférences maritimes lié à une éventuelle subvention croisée entre les tronçons terrestre et maritime."

(37) Voir également le rapport de la Commission au Conseil concernant l'application des règles communautaires de concurrence au transport maritime.

(38) HOV SVZ/MCN citée au considérant 66.

(39) Voir, par exemple, l'affaire 26-76 : Metro contre Commission, [Recueil 1977, p. 1875 : "(attendu) que la concurrence par les prix, pour importante qu'elle soit, ne peut jamais être éliminée"].

(40) Affaire C-279-87 : Tippex contre Commission (Recueil 1990 I-261).

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