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Décisions

TPICE, 1re ch., 14 juillet 1994, n° T-66/92

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Herlitz AG

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schintgen

Juges :

MM. García-Valdecasas, Kirschner, Vesterdorf, Bellamy

Avocats :

Mes Jacobsen, Quack.

TPICE n° T-66/92

14 juillet 1994

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

Faits et procédure

1 Herlitz AG (ci-après "Herlitz"), société de droit allemand, produit une large gamme d'articles de bureau et de produits connexes et distribue également des produits d'autres fabricants, notamment des produits fabriqués par Parker Pen Ltd.

2 Parker Pen Ltd (ci-après "Parker"), société de droit anglais, produit une large gamme de stylos et d'autres articles similaires, qu'elle vend dans tous les pays d'Europe, où elle est représentée soit par des filiales soit par des distributeurs indépendants.

3 Viho Europe BV (ci-après "Viho"), société de droit néerlandais, importe et exporte des articles de bureau et du matériel de reproduction, en particulier dans les États membres.

4 En 1986, Parker et Herlitz ont conclu un accord de distribution, signé le 29 juillet par Parker et le 18 août par Herlitz, dont le point 7 a la teneur ci-après: "7. Herlitz wird Parker-Artikel ausschliesslich in der Bundesrepublik Deutschland vertreiben. Jeglicher Vertrieb ueber die Landesgrenzen hinaus ist Herlitz untersagt bzw. nur mit schriftlicher Erlaubnis durch Parker gestattet." ("Herlitz distribuera les produits Parker exclusivement en République fédérale d'Allemagne. Herlitz n'est pas autorisée à vendre des produits Parker au-delà des frontières nationales sans l'autorisation écrite de Parker.")

5 Le 19 mai 1988, Viho a déposé une plainte au titre du règlement n 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"), contre Parker, dans laquelle elle faisait grief à cette dernière d'interdire l'exportation de ses produits par ses distributeurs, de partager le Marché commun en marchés nationaux des États membres et de maintenir sur les marchés nationaux des prix artificiellement élevés pour ses produits.

6 En réponse à une demande de livraison de produits Parker que lui avait adressée Viho le 20 avril 1989, Herlitz GmbH & Co KG, filiale allemande contrôlée à 100 % par Herlitz, a répondu par télécopie du 24 avril 1989: "Nous regrettons de devoir vous informer que nous n'avons pas l'autorisation d'exporter les produits susmentionnés. Nous regrettons ne pas pouvoir donner une réponse positive."

7 Viho a répondu le même jour au directeur des exportations de Herlitz dans les termes ci-après: "Si nous comprenons bien votre télécopie, Herlitz GmbH n'est pas autorisée par les producteurs, distributeurs de produits qui ne sont pas des produits Herlitz, à exporter de tels produits dans tout autre pays, non pas que Herlitz ne souhaite pas exporter, mais seulement en raison du fait que Herlitz est liée par de telles restrictions par d'autres. Si nous avons bien compris ce qui précède veuillez nous le confirmer par retour au moyen de télex ou de télécopie. Si tel n'est pas le cas, prière de nous donner d'autres explications."

8 Par télécopie du 25 avril 1989, le directeur des exportations de Herlitz a répondu à Viho: "Herlitz produit elle-même à peu près 80 % des produits qu'elle vend. Parmi les 20 % qui sont fabriqués par d'autres firmes, nous pouvons en vendre une partie à l'étranger, mais pas ceux que vous demandez. La plupart des fournisseurs européens de produits de marque ont des accords de vente exclusive dans chaque pays et interdisent par conséquent l'exportation d'un produit particulier à destination d'un pays où ils ont déjà un accord. Ce n'est pas que nous ne voulions pas, mais nous sommes liés par un contrat. Nous comptons sur votre compréhension."

9 A l'occasion d'une vérification effectuée les 19 et 20 septembre 1989 auprès de Herlitz, les agents de la Commission ont trouvé le texte de l'accord de distribution conclu en 1986.

10 Le 28 septembre 1989, Parker a informé Herlitz que le point 7 dudit accord était supprimé et, le 18 décembre 1989, Parker a fait parvenir à Herlitz un projet amendé du contrat régissant leur collaboration en expliquant qu'une série de modifications s'imposaient pour des raisons juridiques.

11 Le 12 février 1991, la Commission a adressé à Herlitz une communication des griefs.

12 Le 22 mai 1991, Viho a déposé une nouvelle plainte, enregistrée auprès de la Commission le 29 mai 1991, à l'encontre de Parker, dans laquelle elle faisait valoir que la politique de distribution mise en œuvre par Parker, consistant à obliger ses filiales à limiter la distribution des produits Parker à des territoires impartis, constituait une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Par décision du 30 septembre 1992, la Commission a rejeté cette plainte.

13 Suite aux observations formulées le 3 avril 1991 par Herlitz, en réponse à la communication des griefs, une audition s'est tenue à Bruxelles le 4 juin 1991, au sujet de laquelle Herlitz a encore pris position le 13 juin 1991.

14 La Commission a adopté le 15 juillet 1992 la décision 92-426-CEE, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-32.725 ° Viho/Parker Pen, JO L. 233, p. 27), qui comporte le dispositif ci-après:

"Article premier

Parker Pen Ltd et Herlitz AG ont commis une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE en incluant une interdiction d'exporter dans un accord conclu entre elles.

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises citées ci-dessous:

° une amende de 700 000 (sept cent mille) écus est infligée à Parker Pen Ltd,

° une amende de 40 000 (quarante mille) écus est infligée à Herlitz AG.

...

Article 3

Parker Pen Ltd s'abstient de prendre toute mesure ayant un objet ou un effet identique à celui des infractions au traité qui ont été constatées."

15 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 septembre 1992, Herlitz a introduit le présent recours.

16 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.

17 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 3 mai 1994.

Conclusions

18 La requérante Herlitz conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

° annuler la décision de la Commission du 15 juillet 1992 dans l'affaire IV-32.725 (Viho/Parker Pen), pour autant qu'elle concerne la requérante.

19 La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

1) rejeter le recours;

2) condamner la requérante aux dépens de l'instance.

20 A l'audience, le représentant de la requérante a conclu à ce que la défenderesse soit condamnée aux dépens. La défenderesse s'est opposée à cette demande.

Sur le fond

21 Herlitz invoque deux moyens à l'appui de son recours. Le premier moyen est tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Le second moyen est tiré de la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité

22 Le moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité s'articule en deux branches. En premier lieu, la requérante invoque la destination spécifique qu'elle réserve aux produits Parker pour contester que l'accord ait eu un objet anticoncurrentiel. En second lieu, elle soutient n'avoir jamais appliqué en fait l'interdiction inscrite dans l'accord.

Quant au caractère anticoncurrentiel de l'objet de l'accord

° Exposé sommaire des principaux arguments des parties

23 La requérante fait valoir qu'elle n'agit pas en tant que grossiste au sens classique du terme lorsqu'elle achète des produits Parker. Elle explique qu'elle se borne à approvisionner ses propres commerces de détail, exploités sous la raison sociale Mc Paper, ainsi que les surfaces de vente mises à sa disposition par les grands magasins, les libres-services et les autres surfaces commerciales, en une gamme complète d'articles de bureau couvrant l'ensemble des besoins qui peuvent s'exprimer au niveau du consommateur final. Ce serait donc uniquement dans le but de compléter l'éventail de ses propres produits qu'elle achèterait auprès d'autres fabricants les produits qui lui manquent, tels les produits Parker. La requérante insiste sur le fait qu'elle n'a jamais eu l'intention de faire le commerce de ces articles. Elle souligne qu'elle ne livre pas simplement aux établissements qu'elle approvisionne des marchandises qui se prêtent à la vente en libre-service, mais qu'elle leur offre un ensemble de services, qui consistent à agencer et à garnir elle-même les surfaces de vente mises à sa disposition pour les articles de bureau (système dit "shop within the shop"). Elle ajoute que, certains des grands magasins ou grandes surfaces en cause ayant également ouvert des succursales dans les pays voisins, elle les a "suivis" pour exploiter, suivant le même modèle que celui pratiqué en Allemagne, les espaces de vente qui y ont été mis à sa disposition. Ce serait dans ce contexte qu'elle a exporté, dans ces pays, des produits Parker ainsi que d'autres produits de marques dites "hôtes". La requérante offre de rapporter par témoignage la preuve de la nature et de l'étendue de son activité commerciale.

24 Il en découle, selon la requérante, que la clause interdisant l'exportation de produits Parker ne présentait aucun intérêt pour elle. En effet, elle n'aurait eu aucun intérêt à empêcher des importations parallèles par le biais d'une telle clause étant donné qu'elle n'aurait acquis les produits Parker qu'aux seules fins de compléter sa gamme d'articles de bureau pour les besoins de sa propre activité.

25 A l'audience, le représentant de la requérante a ajouté que, à supposer même que l'interdiction d'exporter figurant dans l'accord conclu entre Parker et Herlitz ait pu empêcher cette dernière d'intégrer, en cas d'exportation, des produits Parker dans l'assortiment global d'articles de bureau qu'elle propose à la vente, la clause litigieuse n'a, en tout état de cause, pas produit d'effets pratiques puisque l'assortiment commercialisé par Herlitz n'est destiné qu'à une clientèle de langue allemande. D'ailleurs, la requérante aurait livré des produits Parker en Autriche et en Suisse. En réponse à une question du Tribunal, le représentant de la requérante a confirmé que Herlitz a également procédé à de telles exportations vers la France, mais uniquement sous la forme de son assortiment global.

26 La Commission relève, d'abord, que Herlitz ne conteste pas avoir conclu par écrit avec Parker un accord comportant une interdiction d'exporter.

27 La défenderesse fait observer, ensuite, que l'extrait du registre de commerce versé par la requérante au dossier fait apparaître que ses activités sont la fabrication et la commercialisation de produits résultant de la transformation du papier, du bois et des matières plastiques de toutes sortes, notamment d'articles de papeterie, de fournitures de bureau et de fournitures scolaires. Elle en conclut que les activités commerciales de Herlitz incluent, en principe, le commerce de gros, c'est-à-dire la vente à d'autres acheteurs que le consommateur final, et que Herlitz peut également exercer cette activité dans d'autres États membres. Elle soutient que, dans la mesure où la clause d'interdiction d'exporter a restreint la liberté d'action concurrentielle de la requérante, il est sans intérêt de savoir si et dans quelle mesure Herlitz a effectivement exercé une telle activité ou si elle avait l'intention de l'exercer.

28 Tout en admettant que, dans certaines circonstances, il peut s'avérer exact que Herlitz n'agit pas en qualité de grossiste et vend directement au consommateur final, la défenderesse estime néanmoins que tel n'est pas le cas en ce qui concerne les livraisons effectuées aux grands magasins et aux libres-services. En effet, les ventes au consommateur final ne seraient pas effectuées au nom et pour le compte de Herlitz, mais au nom et pour le compte des grands magasins ou des libres-services, qui seraient donc eux-mêmes acquéreurs des produits en cause. Il en découle, selon la Commission, que Herlitz commercialise bien des articles Parker et exerce une activité typique de grossiste en vendant aux grands magasins et aux libres-services.

° Appréciation du Tribunal

29 Il convient de rappeler, à titre liminaire, qu'il est constant, en l'espèce, que la requérante a conclu, en 1986, avec Parker un accord comportant une clause d'interdiction d'exporter. Or, il résulte d'une jurisprudence constante que "par sa nature même une clause d'interdiction d'exportation constitue une restriction de la concurrence, qu'elle soit adoptée à l'initiative du fournisseur ou à celle de son client, l'objectif sur lequel les contractants sont tombés d'accord étant d'essayer d'isoler une partie du marché"(voir les arrêts de la Cour du 1er février 1978, Miller/Commission, 19-77, Rec. p. 131, point 7, et, en dernier lieu, du 31 mars 1993, Ahlstroem Osakeyhtioe e.a./Commission, dit "Pâte de bois", C-89-85, C-104-85, C-114-85, C-116-85, C-117-85 et C-125-85 à C-129-85, Rec. p. I-1307, point 176).

30 Quant à la prétendue absence d'intérêt que la clause litigieuse aurait présentée pour les parties en cause, circonstance invoquée par Herlitz pour échapper à l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité, le Tribunal constate que la présence de la clause d'interdiction d'exportation dans l'accord litigieux présentait pour Parker l'intérêt de restreindre au territoire allemand la distribution de ses produits selon le modèle de commercialisation mis en œuvre par Herlitz. Étant donné qu'une clause doit être interprétée en fonction des intérêts et des intentions de toutes les parties contractantes, force est de constater, en l'espèce, que la clause d'interdiction d'exportation, loin d'avoir été superflue, a constitué un élément important des obligations mutuelles assumées par les deux parties au contrat. Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire d'examiner les offres de preuve formulées par la requérante au sujet de la nature et de l'étendue de son activité commerciale.

31 Par ailleurs, l'allégation de la requérante selon laquelle son comportement ne saurait avoir affecté le commerce intra-communautaire du fait que l'assortiment global qu'elle commercialise et dont font partie les produits Parker ne saurait intéresser qu'une clientèle restreinte dans les États membres qui ne sont pas de langue allemande est démentie par le fait, reconnu par elle-même, qu'elle a procédé à de telles exportations vers la France.

32 Il convient d'ajouter que l'article 85, paragraphe 1, du traité, qui vise le commerce entre États membres, doit recevoir une interprétation extensive et vise toute forme d'activité économique. En effet, il concerne aussi bien le secteur de la production que celui de la distribution et des prestations de services, ce qui résulte d'ailleurs clairement de l'énonciation des différents types d'ententes interdites en vertu de l'article 85, paragraphe 1, sous b), c) et d).

33 Or, en l'espèce, Herlitz ne saurait nier avoir exercé une activité économique, car elle a importé et vendu des produits Parker. Elle a donc commercialisé aussi bien des produits qu'elle avait fabriqués elle-même que des produits fabriqués par d'autres producteurs. Le fait que Herlitz, pour partie, offre un ensemble de services consistant à agencer et à garnir elle-même les surfaces de vente mises à sa disposition pour les articles de bureau et, pour partie, procède à des ventes en détail ne saurait exclure qu'il s'agit d'une activité économique entrant dans le champ d'application de l'article 85 du traité.

34 En tout état de cause, des arguments tirés de la situation actuelle, même s'ils s'avéraient exacts, ne sauraient suffire pour établir que des clauses d'interdiction d'exportation ne sont pas susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. En effet, cette situation peut changer d'année en année en fonction de modifications dans les conditions ou la composition du marché tant dans le Marché commun dans son ensemble que dans les différents marchés nationaux (voir l'arrêt Miller/Commission, précité, point 14).

Quant à l'application de la clause litigieuse

° Exposé sommaire des principaux arguments des parties

35 La requérante rappelle, d'abord, que la clause litigieuse a présenté pour elle un intérêt tellement minime qu'elle l'a simplement acceptée, sans lui accorder de signification particulière.

36 La requérante soutient, ensuite, avoir utilisé la clause comme échappatoire pour motiver de manière courtoise le refus de livraison opposé à Viho, ce qu'elle offre de prouver, au stade de la réplique, par le témoignage de son employée, Mme A. Elle admet que la réponse a sans doute été stupide, car toute personne tant soit peu expérimentée aurait facilement pu déceler l'intention sous-jacente à la demande de Viho, à savoir réunir des éléments à l'appui de sa plainte.

37 S'agissant de Parker, la requérante allègue que, de toute évidence, les organes responsables de Parker n'ont ni souhaité ni exigé l'insertion de la clause d'interdiction d'exportation, dont ils n'ont, selon elle, appris l'existence qu'à l'occasion de la procédure à l'origine du présent litige. Par la suite, les parties se seraient mutuellement confirmé que la clause devait être considérée comme étant nulle.

38 La Commission estime que le simple fait que Herlitz ait invoqué l'interdiction d'exporter suffit à souligner l'importance qu'elle a accordée à la clause et confirme que celle-ci a été appliquée en fait. Elle considère que le refus de livrer opposé par Herlitz à Viho, à supposer qu'il ait été motivé en réalité par le refus de Herlitz de livrer des grossistes, aurait pu se justifier autrement que par un renvoi à la clause interdisant l'exportation.

39 La Commission considère, en outre, comme étant non pertinentes les circonstances dans lesquelles la clause litigieuse a été insérée dans l'accord. Elle considère également comme étant non pertinent l'argument selon lequel la clause n'aurait produit aucun effet dans la mesure où elle n'aurait été ni appliquée ni mise en œuvre. Elle rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, la circonstance que les exportations n'ont jamais été freinées ne suffit pas pour écarter une interdiction claire d'exporter du champs d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité (arrêt du 21 février 1984, Hasselblad/Commission, 86-82, Rec. p. 883, point 46). Au surplus, la Commission relève que Herlitz ne conteste pas que la clause interdisant les exportations a été appliquée à tout le moins à l'encontre de Viho.

° Appréciation du Tribunal

40 Il convient de rappeler, d'abord, que la circonstance qu'une clause d'interdiction d'exportation, constituant par sa nature même une restriction de la concurrence, n'a pas été appliquée par le distributeur ne saurait établir qu'elle est restée sans effet, son existence pouvant créer, selon l'arrêt Miller/Commission (précité, point 7), un climat "optique et psychologique" qui contribue à une répartition du marché et que, dès lors, le fait qu'une clause qui a pour objet de restreindre la concurrence n'a pas été mise en œuvre par les contractants ne suffit pas à la soustraire à l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir les arrêts Hasselblad/Commission, précité, point 46, et, en dernier lieu, Ahlstroem Osakeyhtioe e.a./Commission, précité, point 175).

41 Le Tribunal constate en outre que l'affirmation de la requérante, selon laquelle son employée, Mme A., n'aurait utilisé la clause que comme le "moyen le plus simple pour un refus poli", ne saurait être retenue, la requérante n'ayant offert qu'au stade de la réplique de prouver ces faits au moyen du témoignage de Mme A., sans motiver le retard apporté à la présentation de son offre de preuve conformément à l'article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure.

42 Il convient, en outre, de constater que Herlitz a effectivement justifié le refus de livrer à l'égard de Viho en se fondant sur la clause litigieuse, ce qui démontre à suffisance de droit que la requérante a invoqué l'autorité de ladite clause au soutien de son refus, les mobiles qui ont pu animer son employée à cet égard étant sans pertinence. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'entendre à ce sujet le témoignage de Mme A. proposé par Herlitz.

43 Il découle de l'ensemble de ces considérations que le moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité doit être rejeté.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 15, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 17

44 La requérante soutient en substance qu'elle ne poursuivait aucun but particulier par cette clause et n'avait nullement l'intention d'empêcher de quelconques importations parallèles.

45 Le Tribunal estime, tout d'abord, que l'allégation de la requérante selon laquelle la clause litigieuse aurait été insérée dans le contrat sans intention spéciale n'est pas pertinente. En effet, pour qu'une infraction aux règles de concurrence du traité puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre une interdiction édictée par ces règles, mais il suffit qu'elle ait été consciente que la conduite incriminée avait pour objet de restreindre la concurrence (voir l'arrêt de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, Rec. p. 3369, point 45).

46 Le Tribunal constate, ensuite, qu'en l'espèce Herlitz n'a pu, à la lumière du texte clair et non équivoque de la clause litigieuse, se méprendre sur la portée de celle-ci. Consciente que la clause litigieuse avait pour objet de restreindre, voire d'interdire les exportations, et par là-même de cloisonner le marché, la requérante doit être considérée comme ayant agi de propos délibéré .

47 Le Tribunal estime, en outre, que l'amende infligée est adéquate par rapport à l'infraction constatée.

48 Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit nécessaire de considérer les offres de preuve formulées par la requérante que le recours doit être rejeté.

Sur les dépens

49 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La requérante est condamnée aux dépens.