TPICE, 2e ch., 9 juillet 1992, n° T-66/89
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Publishers Association
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cruz Vilaça
Juges :
MM. Barrington, Yeraris, Briët, Biancarelli
Avocats :
MM. Lever, Richards, Griffith.
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
Les faits à l'origine du litige
L'objet du litige
1 La présente affaire concerne une décision de la Commission, qui, dans le cadre d'une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE, a, d'une part, constaté qu'une série d'accords et de réglementations y relatives constituaient une infraction, au sens du paragraphe 1 de cet article, et, d'autre part, rejeté une demande d'exemption, au titre du paragraphe 3 du même article.
2 Les accords faisant l'objet de la décision attaquée sont au nombre de deux et ont été conclus dans le cadre de la Publishers Association (ci-après "PA"), qui représente la grande majorité (70 à 80 %) des éditeurs établis au Royaume-Uni. Les éditeurs parties au premier des deux accords sont les membres de la PA, tandis que ceux qui sont parties au second accord ne sont pas membres de celle-ci. Selon la PA, ses membres ne sont pas tenus d'adhérer à l'accord.
3 L'accord conclu entre les membres de la PA et l'accord conclu entre non-membres contiennent, en substance, les mêmes dispositions. La seule différence qui existe entre eux concerne le mécanisme d'exécution prévu.
Le contenu des accords "Net Book Agreements"
4 Les accords, conclus en 1957 sous le titre "Net Book Agreements" (ci-après "NBA"), prévoient des conditions types uniformes pour la vente des livres à prix imposé, dits "net books". Aux termes de ces conditions types de vente, il est, en principe, interdit de vendre, d'offrir à la vente ou de permettre qu'un livre à prix imposé soit vendu au public à un prix inférieur au prix net imposé par l'éditeur. Les exceptions à cette interdiction (livres en stock et de seconde main) sont expressément réglées par les conditions types de vente, qui permettent, en outre, de vendre un livre à prix imposé avec remise aux bibliothèques, aux dépositaires non professionnels (book agents) et aux gros acheteurs, lorsque ceux-ci bénéficient d'une autorisation accordée préalablement à cet effet par l'association. Le montant de la remise et les conditions de son octroi sont fixés par ladite autorisation.
5 Ces conditions sont applicables à toutes les ventes au public effectuées au Royaume-Uni ou en Irlande par un grossiste ou un détaillant, lorsque l'éditeur assurant la publication ou la distribution du livre en cause choisit de commercialiser celui-ci à un prix imposé de détail. Par contre, les conditions types de vente ne s'appliquent pas aux ventes directes d'un éditeur à un client non commerçant.
6 Par ailleurs, les accords prévoient un mécanisme d'exécution. Les entreprises concernées ont désigné le conseil de la PA en qualité d'agent pour recueillir les informations concernant les ruptures de contrats commises par les libraires et, de manière générale, toute violation des conditions de commercialisation auxquelles sont soumis les "net books". Les parties s'engagent à faire valoir leurs droits contractuels et les droits qui leur sont conférés par le Restrictive Trade Practices Act 1956 et le Resale Prices Act 1976 (voir ci-après), si le conseil le leur demande, à condition d'être dédommagées par l'association des coûts supportés de ce fait. Dans l'accord conclu entre les éditeurs non membres de l'association, le mécanisme est différent en ce qu'il ne prévoit pas de dédommagement par l'association en cas de poursuite d'infractions.
7 En application de la lettre iv) des accords, le conseil de l'association a établi une réglementation qui autorise, sous forme de formules types, les libraires à accorder des remises aux bibliothèques, aux dépositaires non professionnels (book agents) et aux gros acheteurs. L'autorisation est accordée spécifiquement à chaque bibliothèque, dépositaire non professionnel ou gros acheteur concerné.
8 En ce qui concerne les bibliothèques, l'autorisation est subordonnée à une double condition cumulative, à savoir l'accès gratuit du public à la bibliothèque et une commande annuelle de livres à prix imposé dépassant le montant de 100 UKL. La remise ne peut être supérieure à 10 % et la bibliothèque n'a pas le droit de revendre les livres sur le prix desquels une remise lui a été accordée.
9 Sont considérés comme dépositaires non professionnels les distributeurs qui n'ont pas pour activité principale la vente de livres, tels que le directeur d'une école. La remise accordée à un dépositaire non professionnel ne peut pas dépasser 50 % de la remise de détail accordée au libraire par l'éditeur. Le dépositaire non professionnel, quant à lui, est obligé de vendre les livres en question au prix imposé.
10 L'autorisation d'accorder une remise de quantité n'est valable que pour une seule commande. La remise autorisée dépend du montant de la commande et varie entre 5 et 10 %. Les livres ne peuvent être mis en vente par l'acheteur ni faire l'objet d'une quelconque contrepartie, mais doivent être destinés à un don en rapport avec l'activité de l'acheteur ou à des fins philanthropiques.
11 En relation avec l'application des accords, la PA a publié une réglementation dite "Code of Allowances", relative à la vente des nouvelles éditions, des éditions revues et corrigées ou des éditions bon marché de livres à prix imposé réduit et des invendus. En outre, la PA a établi des réglementations destinées aux clubs de livres ainsi que des règles régissant la vente nationale annuelle de livres.
12 Le "Code of Allowances", publié par la PA sous forme de mémorandum, reflète la pratique commerciale générale suivie en matière de réductions accordées sur les livres à prix imposé. Les réductions, les nouvelles éditions, les éditions bon marché et les invendus font habituellement l'objet d'un communiqué préalable de l'éditeur dans la presse spécialisée. Des réductions ou d'autres avantages, en espèce ou en nature, sont fréquemment accordés en fonction du temps de stockage. Le Code n'est appliqué que sur le marché intérieur.
13 Les éditions destinées aux clubs de livres font l'objet de règles spéciales ("Book Club Regulations"), qui s'appliquent aux opérations concernant les clubs de livres effectuées sur le territoire du Royaume-Uni. Selon celles-ci, les éditeurs ne peuvent octroyer de droits spéciaux qu'aux clubs de livres inscrits auprès de l'association, après signature et acceptation de la réglementation en cause. Cette dernière contient, notamment, des dispositions concernant l'appartenance aux clubs de livres, détermine les conditions que ces clubs doivent remplir pour proposer et vendre des livres et prévoit certaines restrictions de publicité. Le stock excédentaire d'une publication ne peut être soldé par un club de livres qu'avec l'accord de l'éditeur qui a octroyé la licence. Selon la PA, la réglementation concernant les clubs de livre s'applique exclusivement au Royaume-Uni.
14 Depuis 1955, la PA permet l'organisation d'une vente nationale annuelle de livres. Celle-ci donne l'occasion aux libraires et aux éditeurs, dans les limites et les conditions fixées par la PA, de vendre à un prix inférieur au prix imposé des livres difficiles à écouler et de financer ainsi le renouvellement de leur stock.
15 Enfin, l'association publie un annuaire des libraires ("Directory of Booksellers"), mis à jour tous les deux mois, dans lequel figurent les libraires qui remplissent certaines exigences et qui se sont engagés à respecter les conditions types de vente des livres à prix imposé.
16 Aucun des accords précités ne prévoit de sanctions à l'égard des entreprises signataires qui n'en respecteraient pas les dispositions. Le respect par les libraires des conditions types de vente est obtenu, le cas échéant, par voie d'injonction judiciaire. Pour obtenir une telle mesure en Irlande et au Royaume-Uni, il incombe, en général, à l'éditeur d'établir l'existence d'un lien contractuel avec le libraire. Au Royaume-Uni, cependant, l'éditeur peut également se prévaloir des dispositions de l'article 26 du Resale Prices Act 1976, qui lui permettent d'imposer le respect de conditions relatives à un prix de revente sans avoir à établir un lien contractuel, pour autant que l'application de ces conditions ait été notifiée au libraire en cause au moment où il a acquis le livre en question.
Les données statistiques établies
17 D'après les éléments figurant dans la décision attaquée et qui ne sont pas contestés par la PA, l'industrie de l'édition britannique est l'une des principales du monde et de la Communauté. Les principales données chiffrées du marché s'établissent environ comme suit: le nombre des publications nouvelles s'élève à 40 000 par an, dont 80 % sont éditées par les membres de la PA; 65 % des livres publiés sont vendus sur le marché britannique, le restant étant exporté; 25 % des exportations sont destinées à d'autres États membres, 4,5 % allant en Irlande. En ce qui concerne les importations dans ce pays, il est à relever que 80 % proviennent du Royaume-Uni et que ces importations représentent plus de 50 % du total des ventes de livres.
18 Il n'est pas contesté, non plus, entre les parties qu'environ 75 % des livres vendus au Royaume-Uni ou exportés par les éditeurs britanniques en Irlande sont commercialisés comme livres à prix imposé.
L'appréciation de la juridiction nationale sur la validité du NBA
19 La Restrictive Practices Court (autorité compétente au Royaume-Uni en matière de concurrence) a procédé à plusieurs reprises à l'examen de la validité du NBA au regard de la législation britannique et s'est prononcée favorablement à son égard, pour la première fois en 1962. Ladite juridiction a en effet jugé, à propos de l'accord conclu entre les membres de la PA, que: i) la suppression du NBA priverait le public de bénéfices ou d'avantages particuliers, car elle entraînerait une hausse des prix, une réduction du nombre de librairies disposant de stocks et une diminution du nombre et de la variété des titres publiés; ii) le public ne subirait aucun préjudice sensible du fait du maintien du NBA par comparaison aux inconvénients qui résulteraient de sa suppression, et iii) en conséquence le NBA ne serait pas contraire à l'intérêt public.
20 En 1964, la Restrictive Practices Court a estimé, dans le cadre d'une procédure simplifiée ("summary proceeding"), que l'accord conclu entre les "non-membres" n'était pas contraire à l'intérêt public, et ce pour les mêmes raisons que celles indiquées dans sa décision de 1962.
21 En 1968, la validité du NBA a été de nouveau examinée par la Restrictive Practices Court, au regard des nouvelles dispositions du Resale Prices Act 1964. La Court, en suivant le même raisonnement que dans sa décision de 1962, a accordé une exemption de l'interdiction générale de fixation de prix édictée par le Resale Prices Act 1964.
La procédure administrative devant la Commission
22 A la suite de l'adhésion du Royaume-Uni à la Communauté, le NBA et les "Book Club Regulations" ont été notifiés, séparément, par la PA à la Commission, le 12 juin 1973, conformément aux articles 5 et 25, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"), tel que modifié et complété ultérieurement, en vue d'obtenir une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Lesdites notifications ont été enregistrées sous les numéros d'affaires respectifs IV/27.393 et IV/27.394.
23 En 1978, la PA a fourni à la Commission un exemplaire du livre intitulé Books are different (938 pages), contenant non seulement la décision rendue par la Restrictive Practices Court en 1962, mais aussi tous les mémoires écrits, des documents pertinents et une partie importante des procès-verbaux établis lors de la procédure orale.
24 Au cours de la même année, la PA a également fourni à la Commission des éléments de preuve récents, comprenant deux volumes de documents statistiques et explicatifs, les procès-verbaux des témoignages entendus lors d'une audition organisée par la Commission le 21 avril 1978 et des déclarations écrites ultérieures émanant du président de la Booksellers Association of Great Britain and Ireland et du président de la PA.
25 En 1985, la PA a fourni des éléments de preuve supplémentaires à la Commission, sur demande de celle-ci.
26 Le 23 septembre 1986, la PA a également notifié à la Commission les modifications apportées en 1985 à certaines des règles des "Book Club Regulations".
27 Le 8 octobre 1986, la Commission a décidé d'engager, en application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, la procédure prévue par le règlement n° 17, en ce qui concerne les affaires ci-avant mentionnées, et a communiqué à la PA, le 16 octobre 1986, les griefs retenus contre le NBA.
28 La communication des griefs faisait également état de l'intention de la Commission de refuser l'exemption demandée pour le NBA au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité.
29 En février 1987, la PA a transmis à la Commission un "Mémorandum", accompagné d'une série d'annexes, en réponse aux griefs retenus. Dans ce document, la PA mettait l'accent sur le contraste qu'elle avait constaté entre la position adoptée dans la communication des griefs et la teneur des communications de la Commission au Conseil, au sujet du commerce des livres. Elle indiquait, en outre, que, dans le cas où le NBA serait à l'origine de l'un des problèmes mentionnés par la Commission, la solution la plus pragmatique serait d'appliquer l'article 85, paragraphe 3, dont les conditions étaient manifestement réunies.
30 Les 14 et 15 octobre 1987, les représentants de la PA ont eu l'occasion de faire connaître à la Commission, oralement, le point de vue de l'association sur les griefs retenus contre elle, conformément aux dispositions de l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et à celles du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99-63").
31 La Commission, après avoir recueilli l'avis du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, a adopté, le 12 décembre 1988, la décision 89-44-CEE, concernant une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (JO 1989, L 22, p. 12, ci-après "décision"), qui comporte le dispositif suivant:
"Article premier
Les accords, décisions et réglementations suivants constituent une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, dans la mesure où ils s'appliquent au commerce du livre entre États membres:
a) les Net Book Agreements de 1957 conclus dans le cadre de la Publishers Association entre les entreprises mentionnées dans les annexes I et II de la présente décision, ainsi que:
b) les décisions de la Publishers Association concernant les remises accordées aux bibliothèques et aux dépositaires non professionnels (book agents) et les remises de quantité;
c) la réglementation dite 'Code of Allowances' instituée et publiée par la Publishers Association;
d) la réglementation de la Publishers Association concernant les clubs du livre;
e) les décisions de la Publishers Association concernant les conditions qui régissent la vente nationale annuelle de livres;
f) la décision de la Publishers Association concernant les conditions requises pour que les libraires figurent dans le 'Directory of Booksellers'.
Article 2
La demande d'exemption, au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE, des accords et des règles d'application et autres règles y relatives mentionnés dans l'article 1er est rejetée.
Article 3
La Publishers Association est tenue de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre immédiatement fin à l'infraction constatée à l'article 1er.
Article 4
1. La Publishers Association est tenue d'informer par écrit les entreprises mentionnées dans les annexes I et II de la présente décision, les clubs du livre établis au Royaume-Uni et les libraires figurant dans le Directory of Booksellers de la présente décision et du fait qu'il a été mis fins à l'infraction, en précisant les conséquences pratiques qui en découleront pour le commerce du livre entre le Royaume-Uni et les autres États membres.
2. La Publishers Association est tenue de soumettre à la Commission, pour approbation, un projet de communication dans les deux mois suivant la réception de la présente décision.
Article 5 (omissis)"
LA PROCÉDURE ET LES CONCLUSIONS DES PARTIES
32 C'est dans ces circonstances que, le 27 février 1989, par requête déposée au greffe de la Cour, la PA a introduit, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, un recours visant à l'annulation de la décision.
33 Par acte séparé, également déposé au greffe de la Cour le 27 février 1989, la partie requérante a introduit, en vertu des articles 185 et 186, du traité CEE et de l'article 83 du règlement de procédure de la Cour, alors applicable, une demande en référé visant à obtenir le sursis à l'exécution de l'ensemble de la décision précitée jusqu'à ce que la Cour ait statué sur le recours formé au principal.
34 Par ordonnance du 13 juin 1989, Publishers Association/Commission (56-89 R, Rec. p. 1693), le président de la Cour a accordé le sursis à l'exécution des articles 2 à 4 de la décision et a rejeté la demande pour le surplus.
35 Par ordonnance du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé l'affaire devant le Tribunal, en application de l'article 14 de la décision du Conseil du 24 octobre 1988 instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes.
36 La procédure écrite s'est dès lors régulièrement poursuivie devant le Tribunal.
37 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, en même temps, d'inviter la Commission à produire certains documents.
38 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 8 octobre 1991.
39 La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- annuler, à titre principal, l'article 1er de la décision, par voie de conséquence de l'annulation de l'article 2 de la décision;
- annuler, à titre subsidiaire, l'article 1er, dans la mesure où il énonce que l'application du NBA et des documents, réglementations et décisions connexes aux livres importés au Royaume-Uni et en Irlande en provenance d'autres États membres dans lesquels ils ont été publiés (c'est-à-dire l'un des aspects au regard desquels le NBA est réputé "s'appliquer au commerce du livre entre États membres") constitue une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité;
- annuler les articles 2, 3 et 4 de la décision;
- condamner la Commission aux dépens.
40 La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- rejeter la requête comme non fondée;
- condamner la PA aux dépens de la présente instance.
Sur le fond
41 La partie requérante présente, en premier lieu, dans sa requête, ses moyens et arguments à l'encontre de l'article 2 du dispositif de la décision litigieuse, concernant le refus de la Commission d'accorder une exemption, au titre de l'article 85, paragraphe 3, au NBA. C'est sur ce point également que la PA développe l'essentiel de son argumentation. En second lieu, la requérante présente des moyens et arguments à l'appui de sa demande tendant à l'annulation, totale ou - à titre subsidiaire - partielle, de l'article 1er du dispositif de la décision, lequel a trait à l'infraction alléguée à l'article 85, paragraphe 1.
42 En présence de telles conclusions, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence de la Cour bien établie, à la différence de l'exemption prévue en faveur des accords qui appartiennent à certaines catégories, le bénéfice de l'exemption individuelle en faveur de certains accords, prévu à l'article 85, paragraphe 3, du traité, ne peut être accordé qu'à des accords qui, tout en tombant sous le coup de l'interdiction du paragraphe 1 du même article, satisfont aux conditions énumérées au paragraphe 3. Dès lors, il convient, dans un souci d'ordre logique, d'examiner, en premier lieu, le moyen présenté à titre subsidiaire et tiré de l'absence de violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité et, en second lieu, les moyens concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3. Enfin, en fonction de la réponse donnée par le Tribunal aux moyens précédents, il conviendra d'examiner, le cas échéant, le moyen par lequel la partie requérante soutient que l'annulation par le Tribunal de l'article 2 de la décision doit avoir nécessairement pour conséquence l'annulation de son article 1er.
Sur le moyen tiré de l'absence de violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité
La décision
43 La décision procède, aux points 44 à 68, à une appréciation juridique pour parvenir à la conclusion que les accords, les règles d'application et les autres règles y relatives, faisant l'objet du litige, tombent sous le coup de l'interdiction prévue à l'article 85, paragraphe 1, du traité.
44 Avant de parvenir à cette conclusion, la décision qualifie, en premier lieu, les parties aux accords d'entreprises, la PA d'association d'entreprises, le NBA d'accord entre entreprises et la réglementation y afférente de décision d'association d'entreprises. Cette dernière qualification vaut également pour le "Code of Allowances" et le "Directory of Booksellers".
45 La décision considère, en second lieu, que les conditions régissant l'application de prix de revente fixes, telles que prévues dans les accords et les règles d'application, ont pour objet et effet de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, parmi les divers opérateurs économiques intervenant successivement dans la chaîne de commercialisation du livre. Tel serait le cas pour les éditeurs, qui sont presque totalement empêchés d'adapter lesdites conditions, et en particulier les exceptions qui s'y rapportent, à la "potentialité commerciale" des livres concernés. La liberté qu'ont les éditeurs de décider de vendre un livre à prix imposé ou non n'empêcherait pas les accords et les règles d'application d'être restrictifs, compte tenu du fait que, si un éditeur décide d'imposer un prix fixe pour un livre, il est alors tenu d'imposer aux revendeurs, en ce qui concerne les remises, des conditions presque complètement uniformes, à savoir les mêmes conditions que celles qui doivent être imposées par les autres parties aux accords. Tel serait également le cas des libraires, du fait que les conditions en question limitent la liberté de ceux-ci de s'écarter du prix de revente fixe en appliquant une politique de remises individuelles, dans le but d'augmenter les ventes. Ainsi les libraires disposeraient-ils de moins de liberté qu'ils n'auraient pu en obtenir autrement des éditeurs individuels.
46 En ce qui concerne les autres règles relatives aux accords, l'appréciation juridique portée par la décision est, en substance, la suivante. A propos du "Code of Allowances", la décision considère qu'il est l'instrument destiné à limiter les effets négatifs du maintien du système de prix imposés. Sa publication et son application auraient pour objet d'empêcher les libraires (ou les éditeurs) d'exploiter les possibilités de concurrence qui pourraient autrement exister dans quelques situations, en cas d'offre de nouvelles éditions et d'éditions bon marché. Quant aux réglementations concernant les clubs de livres, la décision considère que celles-ci limitent les possibilités de concurrence en matière de prix entre les clubs de livres et les libraires, en imposant aux clubs des délais à respecter avant de communiquer leurs offres et en faisant dépendre de l'accord de l'éditeur la vente en solde des éditions destinées à ces clubs. Le fait que les clubs de livres doivent être inscrits auprès de l'association, comme ayant signé et accepté les réglementations en cause, confirmerait que ces dernières sont un instrument des accords et renforcent leurs objectifs. Quant aux conditions régissant la vente nationale annuelle de livres, la décision constate que celles-ci, devant être respectées par les éditeurs, les grossistes et les revendeurs participant au circuit de la vente, ont pour objet et pour effet de canaliser les moyens par lesquels les éditeurs, et plus particulièrement les libraires, peuvent vouloir éliminer les effets négatifs des accords. Les conditions requises pour figurer dans le "Directory of Booksellers" ont également des effets restrictifs, selon la décision, du fait que cet annuaire est conçu et considéré comme un répertoire des libraires réputés de bonne foi et que, pour un libraire, le fait de ne pas y figurer constitue un désavantage sur le plan de la concurrence. Ce désavantage frapperait notamment les libraires qui ne vendent pas de livres à prix imposé. Enfin, la décision souligne que le mécanisme d'exécution prévu par les accords a également des effets restrictifs, compte tenu de l'attribution d'un rôle central à la PA, laquelle garantit une surveillance plus efficace du respect des accords et des réglementations y afférentes.
47 En ce qui concerne l'impact des accords, des règles d'application et des autres règles y relatives sur le jeu de la concurrence, la décision estime que ceux-ci produisent un effet sensible, qui s'explique par l'adhésion d'un nombre considérable de représentants de l'industrie de l'édition britannique, membres ou non-membres de la PA, aux accords en question, de sorte que les livres vendus au Royaume-Uni et en Irlande sont, pour une très grande part, des livres à prix imposé. Par ailleurs, les accords et les réglementations en cause auraient rendu et continueraient à rendre plus transparent et plus certain pour les éditeurs le comportement sur le marché des autres éditeurs et des libraires quant aux remises qui peuvent être accordées, à titre d'exception à la règle du prix imposé, et au moment à partir duquel d'autres éditions à prix imposé peuvent être mises sur le marché ou à partir duquel le prix net peut être réduit ou supprimé.
48 La décision procède, en troisième lieu, à une appréciation de l'effet des restrictions sur le commerce entre les États membres. Elle considère que les accords et les réglementations y relatives affectent le commerce entre les États membres dans une mesure appréciable, effectivement et potentiellement. Plus spécifiquement, la décision constate que les accords et les réglementations en cause régissent pratiquement: a) toutes les exportations de livres à prix imposé du Royaume-Uni vers l'Irlande, qui constituent la grande majorité des importations irlandaises de livres; b) toutes les réimportations de livres à prix imposé d'Irlande vers le Royaume-Uni; c) toutes les exportations de livres à prix imposé effectuées par des libraires du Royaume-Uni et d'Irlande, pour autant qu'il s'agisse de ventes à des acheteurs d'autres pays qui ne sont pas libraires; d) les ventes par des libraires établis au Royaume-Uni et en Irlande de livres réimportés en provenance d'autres États membres, pour lesquels un prix net doit être demandé si certaines conditions sont réunies, et e) la vente de la plupart des livres importés au Royaume-Uni et en Irlande en provenance d'autres États membres.
Arguments des parties
49 La partie requérante soutient que la décision, en ce qui concerne l'article 1er de son dispositif, constitue une fausse application de l'article 85, paragraphe 1, du traité et est entachée d'une motivation inadéquate et erronée. La PA justifie l'annulation de cet article de la décision, pour autant qu'il vise les importations de livres au Royaume-Uni et en Irlande en provenance d'autres États membres, par les raisons suivantes: a) dans le cas où il serait fait droit à la demande de la PA tendant à l'annulation de l'article 2, il serait important que la Commission, lors du réexamen de la question de l'exemption du NBA, sache dans quelle mesure le NBA tombe sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, et b) dans le cas où la demande de la PA visant l'article 2 de la décision serait rejetée, il serait d'une grande importance pratique de savoir quelles mesures devraient encore être prises afin que le NBA cesse de "s'appliquer au commerce du livre entre États membres".
50 La partie requérante fait valoir que l'affirmation contenue au point 66 de la décision, selon laquelle "la plupart des livres importés au Royaume-Uni et en Irlande en provenance d'autres États membres où ces livres ont été publiés sont aussi des livres à prix imposés au sens des accords", vise le cas où un livre a été publié dans un autre État membre et où des exemplaires de ce livre sont importés au Royaume-Uni par un éditeur du Royaume-Uni ou par un distributeur exclusif, en vue d'être commercialisés au Royaume-Uni. Dans ce cas, l'éditeur du Royaume-Uni ou le distributeur exclusif serait libre de commercialiser le livre au Royaume-Uni en tant que "net book", conformément aux conditions du NBA, et cette possibilité serait fréquemment utilisée en pratique. De l'avis de l'association, le fait que les éditeurs ou les importateurs exclusifs peuvent choisir d'appliquer les conditions types de vente prévues par le NBA aux livres importés en provenance d'autres États membres où ils ont été publiés ne justifie pas la conclusion selon laquelle le NBA affecte, ou est susceptible d'affecter, le commerce entre États membres. Ce ne serait qu'après que l'échange commercial entre États membres a eu lieu qu'un livre pourrait être soumis aux conditions du NBA. Celui-ci n'exigerait aucunement, ni au moment de l'importation ni à tout autre moment, que la vente soit effectuée conformément à ses conditions. Cet aspect différencierait la présente affaire de l'arrêt de la Cour du 10 janvier 1985, Leclerc (229-83, Rec. p. 1), dans lequel la réglementation en cause prévoyait la fixation obligatoire d'un prix minimal des livres importés lors de l'importation.
51 La Commission tient à préciser, au préalable, que le moyen invoqué par la PA a une portée extrêmement limitée. La critique de la PA ne porterait que sur un aspect du commerce des livres entre États membres (point 66 de la décision), à savoir les livres importés au Royaume-Uni et en Irlande en provenance d'"autres États membres", où ils ont été publiés. La PA ne mettrait donc pas en doute l'exactitude de la constatation de la Commission selon laquelle l'article 85, paragraphe 1, est applicable en ce qui concerne les autres aspects du commerce des livres entre États membres. Or, ces aspects, qui sont exposés aux points 63 à 65 de la décision, représenteraient une proportion substantielle du commerce entre États membres.
52 En ce qui concerne la critique de la PA ayant trait spécifiquement au point 66 de la décision, la Commission fait observer, en premier lieu, que, une fois que l'"éditeur ou le distributeur exclusif" a déclaré qu'un livre publié dans un autre État membre devra être mis sur le marché au Royaume-Uni et en Irlande comme livre à prix imposé, le NBA affecte les conditions de tout échange ultérieur entre États membres (en particulier avec l'Irlande) quant à ce livre. En second lieu, poursuit la Commission, l'application du NBA aux livres importés constitue, selon la propre thèse de la PA, une "méthode facultative pour augmenter les ventes, qui est ouverte à l'éditeur"; si cette affirmation était exacte, la PA ne pourrait simultanément nier que l'application de ce système peut exercer un effet appréciable sur le volume des échanges entre États membres. En troisième lieu, et plus généralement, la Commission fait valoir que, quels que puissent être les effets du NBA sur les ventes de livres au Royaume-Uni, le NBA doit produire ces effets aussi bien sur les ventes de livres importés que sur celles des livres de la production nationale.
Appréciation du Tribunal
53 Le Tribunal observe, à titre liminaire, que la partie requérante a déclaré, dans sa réplique et lors de la procédure orale, qu'elle renonce à l'application du "Code of Allowances" et du "Directory of Booksellers". Cette déclaration n'est pas susceptible de modifier l'étendue du litige, étant donné que, comme l'a fait remarquer à juste titre la Commission, la PA n'a pas notifié à la Commission sa décision de retirer ces deux réglementations et n'a pas, non plus, rapporté la preuve de la mise en œuvre de cette décision (voir arrêt de la Cour du 30 janvier 1985, BAT/Commission, point 22, 35-83, Rec. p. 363).
54 A titre principal, le Tribunal relève que, à l'encontre de l'appréciation juridique ci-avant analysée de la décision, constatant le concours de toutes les conditions requises pour l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité aux accords et réglementations litigieux, le moyen soulevé par la partie requérante se limite à mettre en cause un aspect isolé de la condition relative à l'affectation du commerce intracommunautaire du livre, à savoir les importations au Royaume-Uni et en Irlande.
55 S'agissant de la condition relative à l'affectation du commerce intracommunautaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, un accord, une décision d'associations d'entreprises ou une pratique concertée doivent, sur la base d'un ensemble d'éléments de droit ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échange entre États membres, dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d'un marché unique entre États (voir arrêts du 9 juillet 1969, Voelk, 5-69, Rec. p. 295; du 29 octobre 1980, Van Landewyck/Commission, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125; du 7 juin 1983, Musique Diffusion française/Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, et du 11 juillet 1985, Remia/Commission, 42-84, Rec. p. 2545).
56 En l'espèce, il convient d'observer que la critique de la partie requérante a trait seulement aux importations au Royaume-Uni et en Irlande en provenance d'autres États membres (point 66 de la décision), tandis que l'appréciation de la Commission repose sur un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, énumérés ci-avant au point 48, sous a) à d). Ces éléments, dont l'exactitude et le bien fondé ne sont pas contestés, portent sur les exportations et réimportations entre le Royaume-Uni et les autres États membres. S'agissant plus spécifiquement de l'Irlande, les importations de livres en provenance du Royaume-Uni s'élèvent, comme il a déjà été mentionné, à environ 80 % du total des importations. Environ 75 % des livres exportés par les éditeurs britanniques, à destination de l'Irlande, sont commercialisés comme livres à prix imposé. Le fait que les exportations vers l'Irlande représentent une part minime de la production totale de livres au Royaume-Uni, à savoir 1,2 %, est sans pertinence, dans la mesure où seuls les effets sur le marché irlandais doivent être pris en considération. Or, sur ce dernier marché, les importations de livres en provenance du Royaume-Uni représentent plus de 50 % du total des ventes. Il convient de relever que la PA, lors de la procédure orale, a soutenu que si l'application du NBA devait être limitée au seul marché britannique, le système ne s'écroulerait pas, mais que tous les inconvénients d'une telle limitation se feraient sentir en Irlande. Cette déclaration, de la part de l'association requérante, corrobore la constatation figurant dans la décision quant à l'importance des effets du système NBA sur le marché du livre en Irlande.
57 A cet égard, il y a lieu de rappeler qu'un comportement anticoncurrentiel limité au territoire d'un seul État membre est susceptible d'avoir des répercussions sur les courants commerciaux et sur la concurrence dans le Marché commun(voir arrêts de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322-81, Rec. p. 3461, 3522; du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246-86, Rec. p. 2117, 2191). Dans ces conditions, et compte tenu, en outre, des autres constatations non contestées, telles que précédemment rappelées, notamment au point 48 ci-avant, il convient de relever que la Commission a fait une exacte appréciation des faits de l'espèce en concluant que les accords, les règles d'application et les autres règles y relatives affectent dans une mesure appréciable, effectivement et potentiellement, le commerce entre États membres.
58 S'agissant de l'argument de la partie requérante selon lequel les dispositions du NBA ne trouvent application que postérieurement à la réalisation des échanges commerciaux entre États membres, le Tribunal estime qu'il est non fondé. En effet, si l'éditeur ou l'importateur exclusif décide d'appliquer les conditions types de vente prévues par le NBA à un titre importé, ce choix est décisif pour tous les échanges ultérieurs, à savoir: a) l'importation de nouveaux lots du même titre; b) l'exportation à partir du Royaume-Uni vers l'Irlande d'un titre importé initialement au Royaume-Uni et vendu comme "net book", et c) l'importation directe en Irlande d'un titre en provenance d'autres États membres, lorsque ce titre a été préalablement importé et vendu au Royaume-Uni comme "net book".
59 Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les accords litigieux n'affecteraient pas de façon significative le commerce entre États membres doit être écarté.
Sur les moyens concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité
60 La partie requérante invoque deux moyens à l'encontre de l'article 2 du dispositif de la décision: le premier tiré de la violation d'une règle fondamentale de procédure; le second tiré d'une motivation inadéquate et erronée de la décision et, plus généralement, d'une fausse application, par la Commission, de l'article 85, paragraphe 3, du traité en ce qui concerne le caractère indispensable des restrictions imposées par le NBA et la réglementation y relative.
Sur le moyen tiré d'une divergence entre les griefs communiqués et ceux retenus dans la décision
Arguments des parties
61 Par le présent moyen, la partie requérante fait valoir que la Commission a violé une règle fondamentale de procédure, dans la mesure où les arguments invoqués dans la décision pour refuser l'exemption sollicitée ne sont pas ceux qui avaient été retenus dans la communication des griefs. Dans cette dernière, la Commission se serait appuyée principalement sur l'affirmation que le NBA éliminait la concurrence entre les libraires pour une part importante de la totalité des ventes de livres (point 66), tandis que dans la décision elle ferait valoir que le NBA n'est pas indispensable pour parvenir aux avantages envisagés par ses objectifs.
62 La partie requérante précise que c'est sur la question de l'élimination de la concurrence qu'elle a fait porter l'essentiel de son argumentation au cours de la procédure administrative, puisque ce point était le seul à l'égard duquel la communication des griefs comportait des arguments spécifiques contre l'octroi d'une exemption. Elle fait observer, en outre, que la Commission a adopté une décision fondamentalement différente de ladite communication, sans même donner aux parties la moindre indication écrite quant à la formulation de sa nouvelle argumentation ni la possibilité d'exprimer leur position sur celle-ci. Si la Commission lui en avait accordé la possibilité, la PA aurait pu lui signaler ses erreurs quant aux faits et aux motifs invoqués, renvoyer aux preuves déjà en possession de la Commission et produire de nouvelles preuves.
63 La Commission ne conteste pas que, dans la communication des griefs, la question de l'élimination de la concurrence a été examinée plus longuement que les autres conditions requises par l'article 85, paragraphe 3. Néanmoins, elle considère que, aux points 71 et 72 de la communication, elle a clairement, encore que succinctement, indiqué que la PA devait démontrer le caractère indispensable des restrictions prévues par le NBA, dans la mesure où elles concernaient les (ré)importations et (ré)exportations. Selon la Commission, il est inhérent au concept de "griefs", au sens de l'article 4 du règlement n° 99-63, que lorsque la définition des questions litigieuses et la charge de la preuve incombent à la partie notifiante, comme tel est le cas en l'espèce, la communication des griefs visée par cet article peut être rédigée en termes plus généraux. La Commission prétend également que la PA avait conscience de l'importance que revêtait, dans le cadre de la procédure administrative, la question du caractère indispensable des dispositions en cause. Cela serait confirmé, en particulier, par le fait que son représentant, lors de l'audition, a exposé en détail les quatre arguments qui, selon la PA, permettent d'établir le caractère indispensable des restrictions imposées par le NBA.
Appréciation du Tribunal
64 Comme il résulte d'une lecture combinée des articles 6 et 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et des articles 2 et 4 du règlement n° 99-63, l'obligation de la Commission de communiquer les griefs qu'elle fait valoir contre les entreprises et les associations d'entreprises intéressées ainsi que l'obligation de ne retenir dans ses décisions que les griefs au sujet desquels ces dernières ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue s'imposent également dans le cas d'une décision prise à la suite d'une demande d'application de l'article 85, paragraphe 3. Néanmoins, l'obligation de la Commission de communiquer les griefs qu'elle fait valoir contre une entreprise et de ne retenir dans sa décision que ces seuls griefs concerne essentiellement l'indication des motifs qui l'amènent à appliquer le paragraphe 1 de l'article 85, soit qu'elle ordonne la cessation d'une infraction ou inflige une amende aux entreprises, soit qu'elle leur refuse une attestation négative ou le bénéfice du paragraphe 3 de cette même disposition (voir l'arrêt de la Cour du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint/Commission, points 11 à 13, 17-74, Rec. p. 1063).
65 En outre, selon une jurisprudence constante de la Cour, la communication des griefs, qui a pour objet d'assurer le respect des droits de la défense, doit énoncer, même sommairement, mais d'une manière claire, les éléments essentiels sur lesquels la Commission se base à ce stade de la procédure. Néanmoins, la décision ultérieure ne doit pas nécessairement être une copie de l'exposé des griefs (voir les arrêts de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck/Commission, précité; du 7 juin 1983, Musique Diffusion française/Commission, précité, et du 8 novembre 1983, IAZ/Commission, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, Rec. p. 3369; ainsi que l'ordonnance du 18 juin 1986, BAT/Commission, 142-84 et 156-84, Rec. p. 1899).
66 Le Tribunal constate, en l'espèce, que la communication des griefs, d'une part, contient un exposé circonstancié des motifs (points 42 à 63) qui ont amené la Commission à appliquer l'article 85, paragraphe 1, du traité et, d'autre part, consacre une partie spécifique (points 64 à 72) à la question de l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Il en ressort que si la Commission a mis l'accent sur les éléments relatifs à la quatrième condition nécessaire à l'octroi d'une exemption, à savoir que les restrictions ne doivent pas avoir pour effet d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause, toutefois, aux points 71 et 72 de la communication, elle a observé que l'association n'avait pas précisé les raisons pour lesquelles l'application du NBA serait indispensable pour atteindre les avantages prétendus en matière de (ré)importations et (ré)exportations.
67 En effet, ces points de la communication des griefs se lisent comme suit:
"Enfin, en ce qui concerne la condition selon laquelle les accords doivent être indispensables pour la réalisation des améliorations, les parties ont fait valoir que sans une application uniforme des conditions types par les éditeurs qui choisissent de publier un livre à un prix imposé ... rien ne pourrait assurer aux libraires la protection dont ils jouissent grâce au système des livres à prix imposé et, par conséquent, le public en pâtirait. Cependant, les explications des parties n'indiquent pas et ne permettent pas à la Commission de distinguer, d'une part, le rapport existant entre les améliorations revendiquées et l'application des accords ainsi que des règles et réglementations y relatives sur les (ré)importations et (ré)exportations ni, d'autre part, d'apprécier en quoi cette application est indispensable pour atteindre ces objectifs."
68 Dans ces conditions, il convient d'admettre que la Commission a clairement indiqué, dans sa communication des griefs, que la PA devait démontrer le caractère indispensable des restrictions prévues par le NBA et la réglementation y relative, dans la mesure où elles concernaient les (ré)importations et les (ré)exportations. Ainsi la PA, qui avait d'ailleurs la charge, en premier lieu, de présenter à la Commission tous éléments de conviction destinés à établir la justification économique de l'exemption demandée (arrêts de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43-82 et 63-82, Rec. p. 19, et du 11 juillet 1985, Remia/Commission, précité) et permettant, par suite, à la Commission de conclure que les accords litigieux satisfaisaient à chacune des quatre conditions posées par l'article 85, paragraphe 3, du traité, a été valablement mise en mesure de faire connaître son point de vue sur le caractère indispensable des restrictions de concurrence résultant des accords en cause. Cette constatation est confirmée par le fait que la PA a eu l'occasion de s'exprimer spécifiquement sur ce point dans ses observations écrites, en réponse à la communication des griefs, et, ensuite, lors de l'audition, d'exposer en détail les quatre arguments justifiant, selon elle, le caractère indispensable des restrictions imposées par le NBA.
69 En tout état de cause, on ne saurait perdre de vue que, en cas de demande d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, l'entreprise demanderesse a la charge de prouver qu'elle satisfait à chacune des quatre conditions prescrites par cette disposition et est tenue d'exposer dans le formulaire introductif A/B sa position sur chacune de ces conditions, conformément à la note complémentaire figurant en annexe au règlement n° 27 de la Commission, du 3 mai 1962, premier règlement d'application du règlement n° 17 (JO 1962, 35, p. 1118). Il convient également de rappeler que la Commission, compte tenu du caractère cumulatif des conditions requises, peut, à tout moment et jusqu'au stade de l'adoption finale de la décision, constater que l'une des conditions, peu importe laquelle, fait défaut.
70 Il découle de ce qui précède que le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.
Sur le moyen tiré de la motivation erronée de la décision concernant l'appréciation du caractère indispensable des restrictions de concurrence résultant du NBA
71 Dans le cadre de ce moyen, la partie requérante invoque plusieurs arguments tendant à établir que la décision fonde son appréciation négative, en ce qui concerne le caractère indispensable des restrictions de concurrence résultant de l'accord NBA, sur une motivation inadéquate, erronée et insuffisante, méconnaissant les preuves produites, et, plus généralement, qu'elle procède à une fausse application de l'article 85, paragraphe 3, du traité.
72 La décision, dans ses points 71 à 86, examine la question du caractère indispensable d'un système collectif de prix fixes dans le commerce des livres pour atteindre les objectifs allégués par l'association requérante. Tout en mentionnant les objectifs poursuivis par le système NBA, à savoir éviter la diminution des stocks, qui entraînerait des tirages plus faibles, une hausse du prix des livres et la disparition des titres à faible tirage, la Commission s'abstient de prendre position sur la question de savoir si ceux-ci sont atteints en pratique et si le système de distribution est le mieux approprié pour atteindre ces objectifs dans le contexte national. Par contre, la décision souligne que, dans la présente affaire, il s'agit de se prononcer sur un système de fixation de prix qui, s'étendant aux exportations vers d'autres États membres, en particulier l'Irlande, aussi bien qu'aux importations et (ré)importations en provenance d'autres États membres, y compris l'Irlande, empêche la concurrence sur les prix résultant du commerce intracommunautaire (point 75). La décision précise que, afin d'atteindre les objectifs susmentionnés, la PA a instauré un système collectif imposant, pour un livre donné, un même prix à tous les libraires, de sorte qu'il n'y ait pas de concurrence en matière de prix pour un même titre (point 73, troisième alinéa). A ce stade, il ressort de la décision qu'elle renvoie à l'importance des restrictions prévues par le système NBA, telles qu'exposées aux points 50 à 59. Eu égard à la nature des restrictions prévues par le système NBA et à l'impact de celles-ci sur le commerce intracommunautaire, la décision considère que la PA doit démontrer que la réalisation des objectifs des accords exige un système collectif plutôt qu'un système individuel d'imposition verticale des prix (point 74).
73 Selon l'article 85, paragraphe 3, du traité, une exemption ne peut être accordée que si, notamment, l'accord n'a pas pour effet d'imposer aux entreprises intéressées des restrictions de concurrence qui ne sont pas indispensables pour atteindre les objectifs de progrès technique ou économique et de répartition équitable du profit visés par ce paragraphe.
74 La Cour a jugé que, dans le cas où une exemption est recherchée en vertu de l'article 85, paragraphe 3, il appartient, en premier lieu, aux entreprises intéressées de présenter à la Commission les éléments de conviction destinés à établir la justification économique d'une exemption et, au cas où la Commission a des objections à faire valoir, de lui soumettre des alternatives. S'il est vrai que, pour sa part, la Commission peut donner aux entreprises des indications sur d'éventuelles solutions alternatives, elle n'est pas légalement tenue de le faire et, moins encore, d'accepter des propositions qu'elle estime incompatibles avec les conditions de l'article 85, paragraphe 3 (arrêts de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, et du 11 juillet 1985, Remia/Commission, précités).
75 En outre, selon une jurisprudence constante, si, en vertu de l'article 190 du traité, la Commission est tenue de motiver ses décisions en mentionnant les éléments de fait et de droit et les considérations qui l'ont amenée à prendre une décision dans le cadre des règles de concurrence, cette disposition n'exige pas qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par les parties au cours de la procédure administrative. La motivation d'une décision faisant grief doit permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité et fournir à l'intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non bien fondée (voir arrêts de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission, point 37; du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, point 14; du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, point 22, et du 11 juillet 1985, Remia/Commission, point 26, précités).
76 C'est à la lumière de ces principes, dégagés par la jurisprudence, qu'il convient de vérifier si la décision ne se fonde pas sur un fait matériel inexact, n'est pas entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation. A cette fin, le Tribunal estime qu'il convient, en premier lieu, d'examiner les griefs de portée générale articulés par la partie requérante, en second lieu, de répondre au grief relatif à la "présentation erronée de l'argumentation de la PA" et, en troisième et dernier lieu, d'apprécier la légalité de la motivation de la réponse de la Commission aux quatre arguments spécifiques avancés par la PA lors de l'audition.
En ce qui concerne les griefs de portée générale
i) Quant à la méconnaissance ou la mauvaise appréciation des preuves produites
77 La partie requérante fait valoir que la Commission, en vertu du principe de bonne administration, ne devait pas méconnaître les constatations de fait figurant dans la décision de la Restrictive Practices Court of the United Kingdom de 1962, bien qu'elle ne fût pas liée par ce jugement dans l'exercice de ses pouvoirs. A cet égard, la PA indique que la constatation, par la juridiction britannique, du caractère indispensable du NBA s'applique tant au commerce interétatique qu'aux ventes, sur le territoire national, des livres de la production nationale. Ces constatations de fait auxquelles avait procédé la juridiction nationale auraient conservé toute leur validité jusqu'à la date de la décision, tant pour le marché britannique que pour celui de l'Irlande. De même, la partie requérante prétend qu'elle a produit, devant la Commission, une importante série de preuves, établissant que la situation n'a pas connu de changements notables depuis que la Restrictive Practices Court a rendu sa décision. En ce qui concerne l'aspect relatif aux exportations, la requérante fait valoir que la Commission a accordé une importance excessive à un point de détail du jugement de la Restrictive Practices Court, aux termes duquel la Court "n'a pas ... été convaincue que la condamnation de l'accord serait susceptible d'entraîner une réduction de l'importance des bénéfices résultant de l'activité d'exportation, qui serait substantielle par rapport à l'ensemble de l'activité du commerce des livres". Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la partie requérante fait valoir que la Commission est parvenue, dans sa décision, à une conclusion exactement contraire à celle de la Restrictive Practices Court en ce qui concerne la question du caractère indispensable des restrictions de concurrence.
78 La Commission ne conteste pas que, avant même la communication des griefs, la PA avait présenté une quantité considérable de preuves. En ce qui concerne la question de la prise en considération du jugement de la juridiction nationale, la Commission soutient que son indépendance dans l'exercice de ses pouvoirs et l'accomplissement des obligations qui lui incombent en vertu du traité seraient minés si la simple existence d'une décision émanant d'une juridiction nationale devait avoir pour effet de la lier quant aux constatations de fait qui y figurent ou, comme la PA le soutient, de la contraindre à expliquer et prouver qu'un "changement important de circonstances" est intervenu postérieurement à ladite décision. Des arguments analogues auraient été rejetés par la Cour dans son arrêt du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, précité, point 40. La Commission soutient, en outre, que la décision rendue par la Restrictive Practices Court en 1962 ne porte même pas sur le point particulier qui est en cause dans le présent litige, à savoir la justification des restrictions prévues par le NBA en ce qui concerne les importations et exportations entre États membres. Pour autant que la question des exportations y serait brièvement examinée, la décision rejetterait l'argument tiré de l'intérêt général avancé par la PA pour justifier les restrictions prévues. Enfin, quant aux autres preuves produites, la Commission fait valoir qu'elles portent principalement sur l'application du NBA aux ventes purement nationales de livres publiés au Royaume- Uni.
79 Quant à ce grief, il convient de remarquer tout d'abord que, comme il ressort du point 43 de la décision, la Commission n'a pas ignoré la décision rendue par la juridiction britannique. Néanmoins, comme la Commission l'a fait observer à juste titre, la juridiction nationale, ayant d'ailleurs statué antérieurement à l'adhésion du Royaume-Uni et de l'Irlande aux Communautés européennes, ne s'est pas directement prononcée sur le caractère indispensable des restrictions de concurrence dans le Marché commun résultant du NBA. Dans la mesure où cette juridiction a indirectement abordé la question du commerce extérieur, elle a admis que la PA n'avait pas établi que la suppression du NBA provoquerait une réduction substantielle des exportations. Dès lors, il y a lieu de considérer que la décision n'est pas entachée d'une insuffisance de motivation du fait qu'elle n'a pas réfuté spécifiquement les constatations établies par la Restrictive Practices Court en 1962 ni les preuves produites par la partie requérante, tendant à démontrer que la situation sur le marché du livre n'a pas connu de modification substantielle depuis 1962. En tout état de cause, il convient de signaler que, comme la Cour l'a jugé dans son arrêt du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, précité, point 40, des pratiques judiciaires nationales, à supposer qu'elles soient communes à tous les États membres, ne sauraient s'imposer dans l'application des règles de concurrence du traité.
ii) Quant à la distinction entre les effets nationaux et les effets intracommunautaires du NBA
80 A propos d'une remarque faite par la Commission dans son mémoire en défense, selon laquelle la décision ne met pas en cause la validité du système NBA dans le contexte national, les parties se sont livrées à une controverse en ce qui concerne la possibilité de distinguer entre les effets bénéfiques de l'application du système sur les marchés nationaux britannique et irlandais, d'une part, et ses effets sur les échanges intracommunautaires, d'autre part. La PA estime que la tentative de la Commission d'établir une distinction entre les effets résultant de l'application du NBA aux ventes nationales, d'une part, et aux exportations et importations, d'autre part, constitue une erreur de droit. Elle remarque qu'elle n'a pas cessé de soutenir que le NBA, avec ses conditions types de vente, procure des avantages en ce qui concerne tous les livres que les éditeurs choisissent de publier comme "net books" (qu'ils proviennent de la production nationale ou qu'ils soient importés et vendus au Royaume-Uni ou en Irlande) et que l'application de cet accord est indispensable pour la réalisation desdits avantages. Elle ajoute que les preuves produites au cours de la procédure administrative concernaient tant les ventes nationales de livres de la production nationale que les importations et exportations.
81 La Commission rétorque que les critiques de la PA dans sa réplique concernent une question sur laquelle elle ne s'est pas prononcée dans la décision et qui ne se pose pas en l'espèce. A cet égard, la Commission précise qu'elle a voulu, dans son mémoire en défense, attirer l'attention sur le fait que la PA n'établissait pas de distinction entre les effets purement nationaux du NBA, d'une part, et ses effets sur les échanges intracommunautaires, d'autre part. L'ensemble des arguments avancés par la PA prouverait que cette dernière n'admet même pas la possibilité d'appliquer des considérations différentes à ces deux situations. Bien que cette circonstance ne soit nullement à la base de la décision, la Commission a estimé opportun de relever l'hypothèse erronée sur laquelle repose le raisonnement de la PA.
82 Cette controverse, qui s'est prolongée au cours de la procédure orale, s'est étendue également à la question de savoir dans quelle mesure l'application du NBA pourrait être limitée, sans problèmes majeurs, à l'intérieur du Royaume-Uni. La Commission fait valoir, à cet égard, que la disparition du NBA, pour autant qu'il affecte le commerce avec les autres États membres, n'aurait pas d'incidence sur l'application du système au niveau national. L'association, pour sa part, a définitivement précisé sa position, lors de la procédure orale, en admettant, comme cela a déjà été mentionné, que la limitation de l'application du NBA au marché britannique n'aurait pas comme conséquence l'écroulement du système, mais que tous les inconvénients se feraient sentir sur le marché irlandais du livre.
83 Le Tribunal considère que la preuve que les avantages intrinsèques du système NBA au niveau national s'étendent également aux échanges intracommunautaires pourrait éventuellement être utile dans le cas où le refus de la Commission d'accorder à la requérante le bénéfice de l'exemption sollicitée reposerait sur le fait que la condition tenant à la promotion du progrès technique ou économique n'était pas satisfaite. Or, il y a lieu de remarquer que cette dernière condition n'est pas en cause en l'espèce, puisque le motif de rejet de la demande de la PA a trait exclusivement au caractère indispensable des restrictions de concurrence résultant de l'application du NBA. Dès lors, l'examen des avantages du NBA sur le marché national, à les supposer établis, n'est pas nécessaire à l'appréciation par le Tribunal de la légalité de la décision de refus prise par la Commission.
84 En ce qui concerne l'argument de la partie requérante selon lequel le système NBA s'écroulerait au cas où son champ d'application serait limité à un marché national, il convient de constater qu'il est également dénué de pertinence. En effet, en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité, un système de prix imposés, qui restreint le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, ne saurait bénéficier d'une exemption au motif qu'il doit continuer à fonctionner afin de produire ses effets bénéfiques à l'intérieur d'un marché national. Ainsi que le Tribunal l'a rappelé précédemment (voir point 57 ci-avant), une telle situation contribuerait, par elle-même, au cloisonnement du Marché commun et serait par suite de nature à contrarier l'interpénétration économique voulue par le traité. Au surplus, il y a lieu de relever que la PA, association regroupant des éditeurs établis au Royaume-Uni, n'est pas fondée à se prévaloir des éventuels effets négatifs qui pourraient survenir sur le marché irlandais, même si ce marché appartient à une zone linguistique commune.
iii) Quant au parallélisme du NBA avec l'affaire des livres en langue néerlandaise
85 La partie requérante se plaint de ce que la Commission a omis d'examiner le NBA en fonction de ses avantages propres et de ce qu'elle s'est limitée à motiver sa décision par référence à sa décision 82-123-CEE, du 25 novembre 1981 (IV/428 - VBBB/VBVB, JO 1982, L 54, p. 36), dans laquelle le système collectif de prix imposé mis en place dans les ventes de livres était différent. L'établissement de ce parallélisme entre le NBA et l'affaire des livres en langue néerlandaise constitue, selon la PA, une grave erreur de motivation, compte tenu de la différence existant entre les deux accords en cause.
86 La Commission rejette cette critique en affirmant que, en se référant à sa décision dans l'affaire VBBB/VBVB, elle ne s'est pas prononcée de manière définitive sur la question du caractère indispensable du NBA. Ce serait d'ailleurs la raison pour laquelle elle a examiné les quatre arguments spécifiques de la PA sur cette question. D'après la Commission, le point 75 de la décision attire simplement l'attention sur un principe plus général, à savoir que les objectifs recherchés au moyen de mécanismes nationaux de fixation des prix ne rendent pas nécessairement indispensable l'application des mêmes restrictions ou de restrictions similaires au commerce des livres entre États membres. L'affaire à laquelle elle s'est référée fournirait une illustration claire des raisons pour lesquelles il doit en être ainsi.
87 Le Tribunal estime que le grief avancé par la PA repose sur une interprétation erronée de la décision (point 75, premier alinéa, in fine). En effet, la référence faite par la Commission à sa décision VBBB/VBVB, précitée, ne constitue pas une transposition au système NBA de l'appréciation portée sur le caractère indispensable du système de vente des livres en langue néerlandaise, mais seulement le rappel d'un principe énoncé dans cette affaire. Selon ce principe, un mécanisme de respect collectif des prix de vente, présentant des avantages à l'intérieur d'un marché national, ne rend pas nécessairement indispensable l'application des mêmes restrictions au commerce des livres entre États membres. C'est donc à juste titre que la Commission, comme elle l'a précisé dans ses mémoires, a simplement voulu, dans ce passage de la décision, rappeler le principe susmentionné, avant de procéder à l'examen des quatre arguments spécifiques invoqués par la PA pour justifier le caractère indispensable des restrictions de concurrence résultant des accords en cause.
iv) Quant à l'absence d'une proposition de solution alternative
88 La partie requérante fait valoir que, bien que la Commission évoque la possibilité d'une application individuelle de prix imposés comme une solution alternative au NBA, moins restrictive que celui-ci, elle ne s'engage toutefois pas sur le point de savoir si elle autoriserait une telle alternative. Elle garderait également un silence total sur la question de savoir si une application individuelle de prix imposés pourrait procurer les mêmes avantages que ceux que procure le NBA.
89 La Commission réfute ce grief en soutenant que sa décision n'avait pas pour objet de se prononcer sur des systèmes de distribution qui n'ont pas été notifiés par la PA, tels que des systèmes individuels de vente à prix imposés. Sa décision ne porterait que sur la question de savoir si, à supposer que des systèmes du type NBA aient effectivement les effets bénéfiques qui leur sont attribués par ceux qui y participent, de tels systèmes doivent être de nature collective plutôt qu'individuelle.
90 Le Tribunal relève que ce grief est mal fondé à un double titre. En premier lieu, la décision ne se prononce pas sur la compatibilité des systèmes individuels de prix de vente imposés avec les règles communautaires de concurrence, mais porte sur la question de savoir si, dans l'hypothèse où le système NBA présenterait les avantages allégués par la PA, un tel système devrait être de nature collective plutôt qu'individuelle. En second lieu, ainsi que le Tribunal l'a déjà rappelé (voir point 74 ci- avant), la Commission n'était pas tenue de proposer à la partie requérante un système alternatif présentant les mêmes avantages que le NBA.
En ce qui concerne la présentation prétendument erronée de l'argumentation de la PA
91 La partie requérante fait valoir que la nécessité d'une application collective des conditions types, c'est-à-dire le fait que les avantages procurés par le NBA ne pourraient pas être obtenus, en l'absence de cet accord, par la seule application, à titre individuel, par chaque éditeur, d'un système de fixation de prix, a constitué l'élément central de son argumentation. Toutefois, de l'avis de la PA, la Commission procède à une affirmation erronée quand elle constate, au point 71 de la décision, que "les arguments mis en avant ... ne concernaient cependant pas tant la nécessité d'une application commune de conditions types ...". Contrairement à cette affirmation, il ressort clairement, selon la PA, de plusieurs passages de l'ouvrage Books are different que la nécessité d'une application collective des conditions types a été mise en avant comme constituant un facteur déterminant. En outre, en ce qui concerne le point 72 de la décision, la partie requérante remarque que la Commission a omis de mentionner la référence faite par son représentant, lors de l'audition, à la constatation de la Restrictive Practices Court selon laquelle un système individuel de fixation des prix de revente ne pourrait pas subsister longtemps après la disparition du NBA. Enfin, la partie requérante prétend que la décision, dans son point 73, présente de façon trompeuse les objectifs du NBA, dans la mesure où elle ne tient pas compte du fait que le NBA s'applique exclusivement aux livres que les éditeurs ont choisis, de manière individuelle et autonome, de publier en tant que "net books". En aucun cas le NBA ne les obligerait à procéder ainsi.
92 La Commission soutient que les arguments avancés par la PA, lors de la notification du NBA et au cours de la procédure administrative, quant au caractère indispensable de l'accord, visaient tous à établir une justification générale du NBA à la lumière de ses objectifs. Ils n'auraient pas trait à la question spécifique de savoir si l'application du NBA, dans la mesure où il concerne les exportations et les (ré)importations entre États membres, était indispensable pour la réalisation de ces objectifs. C'est sur cette question que la Commission aurait voulu attirer l'attention de la PA au point 72 de la communication des griefs.
93 Le Tribunal remarque, en premier lieu, au sujet des arguments de la requérante reproduits au point 71 de la décision, que, contrairement à ce que soutient la PA, la décision n'affirme pas que cette dernière n'a pas présenté d'arguments concernant la nécessité de l'application d'un système collectif. A cet égard, la décision contient le passage suivant: "Les arguments ... ne concernaient cependant pas tant la nécessité d'une application commune de conditions types dans le cas de prix de livres fixes que, beaucoup plus, la question de savoir si des prix fixes en tant que tels sont indispensables pour atteindre les objectifs allégués". Toutefois, le Tribunal estime qu'il résulte clairement du point 71 de la décision que, si la Commission a considéré que les arguments développés par la requérante concernaient surtout la question de savoir si des prix fixes de livres étaient indispensables, en tant que tels, pour atteindre les objectifs poursuivis par la PA, elle n'a nullement exclu que certains des arguments de cette dernière étaient relatifs à la nécessité d'une application commune des conditions types dans un système de prix de livres fixes. Dès lors, le grief selon lequel la décision, dans son point 71, a altéré le sens de l'argumentation de la PA manque en fait.
94 S'agissant, en second lieu, des déclarations reproduites au point 72 de la décision et de l'argument de la requérante tiré de l'omission de la Commission de mentionner dans la décision la déclaration introductive, relative à la décision de la juridiction nationale, faite par le représentant de la PA lors de l'audition, le Tribunal estime qu'une telle omission ne saurait être considérée comme substantielle. En tout état de cause, selon la jurisprudence précitée de la Cour (voir point 75 ci-avant), la Commission, qui d'ailleurs a pris en considération le jugement de la Restrictive Practices Court, n'était pas tenue de discuter, dans sa décision, tous les points de fait et de droit qui avaient été soulevés par la PA au cours de la procédure administrative.
95 S'agissant, en troisième lieu, des affirmations figurant au point 73 de la décision, il y a lieu de constater que l'allégation de la partie requérante selon laquelle la décision procède à une présentation trompeuse des faits repose également sur une interprétation erronée de celle-ci. En effet, lorsque la décision conclut, à ce point, que la PA, pour atteindre les objectifs allégués, impose un prix uniforme dans les ventes de livres au détail, cette conclusion ne repose pas sur le fait que tout éditeur serait tenu de commercialiser un titre en tant que "net book". Cette question a fait l'objet d'un examen approfondi aux points 52 et 53 de la décision. Il en ressort que la Commission a pris en considération la liberté des éditeurs de publier un livre à prix imposé, mais qu'elle a estimé, à juste titre, que, lorsqu'un livre est commercialisé en tant que "net book", les professionnels concernés ne disposent d'aucune marge de liberté pour appliquer des conditions individuelles de vente.
En ce qui concerne les quatre arguments avancés par la PA pour justifier le caractère indispensable du NBA
i) Quant aux difficultés pratiques rencontrées par les éditeurs
96 Au cours de l'audition, la PA a avancé quatre arguments spécifiques pour établir le caractère indispensable des accords. Le premier argument, tel qu'il a été initialement présenté par le représentant de la PA, consistait à soutenir qu'il ne serait pas, en pratique, possible pour les éditeurs de notifier individuellement leurs conditions types à chaque libraire. Cette notification serait nécessaire vis-à-vis de chaque cocontractant et, en outre, permettrait, au Royaume-Uni, de poursuivre en justice un sous-acquéreur, c'est-à-dire un acquéreur qui n'a pas de lien contractuel direct avec l'éditeur, le Resale Prices Act 1976 ouvrant ce droit aux éditeurs qui ont notifié leurs conditions de vente à leurs sous-acquéreurs. Lors de la procédure écrite et orale devant le Tribunal, la partie requérante a invoqué un autre aspect de cet argument, à savoir la charge administrative que représenterait pour les éditeurs la formulation de leurs propres conditions types de vente et leur notification, ensuite, à chaque libraire. L'organisation mise en place par le NBA, en assurant ces fonctions, se chargerait d'une tâche qui, sinon, serait insurmontable pour les éditeurs individuels.
97 La Commission rétorque que la simple formulation de conditions de ventes ne constitue pas une charge administrative très lourde. Il s'agirait d'une tâche qui doit être entreprise par toute entité commerciale souhaitant définir ses conditions contractuelles de vente. En outre, il serait possible que de nombreux éditeurs ne cherchent pas à élaborer de toutes pièces leurs propres conditions, mais qu'ils prennent simplement comme point de départ les conditions types actuelles de la PA et les modifient ensuite, en fonction de leur propre appréciation de leurs intérêts commerciaux. En ce qui concerne la notification des conditions choisies, la Commission distingue deux situations. La première concernerait la notification aux parties avec lesquelles l'éditeur a un lien contractuel direct. Dans ce cas, il n'y aurait aucune raison d'envisager une quelconque charge supplémentaire appréciable pour les éditeurs. La seconde concernerait la notification à des personnes avec lesquelles l'éditeur n'a pas de lien contractuel direct. Cette situation se rencontrerait uniquement au Royaume-Uni, où la notification est, en vertu du Resale Prices Act 1976, une condition préalable qui seule permet d'imposer aux sous-acquéreurs le respect de conditions fixées par le vendeur originaire quant au prix de revente. La Commission conclut que le simple fait que de telles notifications pourraient être, d'un point de vue administratif, effectuées plus facilement pour le compte des éditeurs si, au lieu d'être effectuées individuellement, elles l'étaient par le biais d'un système collectif ne suffit ni à lui seul ni avec d'autres facteurs à justifier l'instauration d'un système collectif uniforme et très complet de fixation de prix de vente.
98 Le Tribunal constate que c'est à juste titre que la décision a écarté comme non pertinent cet argument, tel qu'il avait été formulé initialement. A cet égard, il y a lieu de relever que si un mécanisme collectif de notification est susceptible d'alléger la charge administrative des éditeurs, cette circonstance ne justifie pas la mise en place d'un système qui, comme le souligne la décision (point 78), en imposant des conditions uniformes de vente qui restreignent le libre jeu de la concurrence dans le Marché commun, va bien au-delà de ce qui est strictement nécessaire à la mise en œuvre d'un tel système. En effet, on ne saurait admettre que les facilités que procure, sur le plan pratique, un système de notification collectif justifient l'instauration d'un système collectif de prix imposés. En outre, dans la mesure où l'argument se réfère aux effets juridiques du Resale Prices Act 1976, il y a lieu de remarquer que la décision considère à juste titre que la requérante ne saurait invoquer la législation nationale d'un État membre pour justifier le caractère indispensable d'un accord sur le plan intracommunautaire (voir, en dernier lieu, l'arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30-89, Rec. p. II-1439).
99 En ce qui concerne l'autre aspect de l'argument, mettant l'accent sur la charge que représenterait pour chaque éditeur l'obligation de formuler individuellement ses propres conditions types, il ne peut pas non plus être considéré comme pertinent. Comme l'a fait remarquer la Commission dans ses mémoires, il serait possible, pour les éditeurs, de se référer à des conditions types de vente proposées par leur association, dans la mesure où, loin d'en faire une application uniforme, ils les adapteraient à leurs intérêts commerciaux et à leur situation personnelle, de telle sorte que chaque opérateur économique conserve son autonomie de décision.
100 En conséquence, l'allégation de la partie requérante selon laquelle la formulation, par les éditeurs, de conditions de vente individuelles et leur notification aux libraires constituerait une lourde charge administrative n'est pas fondée, dès lors qu'il n'est nullement établi qu'une telle charge excéderait celle résultant des usages commerciaux généralement en vigueur.
ii) Quant aux difficultés pratiques rencontrées par les libraires
101 Le deuxième argument spécifique de la PA concerne également un surcroît de charge administrative, incombant cette fois aux libraires. Il ne serait pas possible pour les libraires, surtout pour ceux qui entretiennent des stocks comportant un grand nombre de titres, de respecter des conditions de vente différentes, prévoyant des exceptions, variables d'un livre à l'autre, selon l'éditeur. D'après la requérante, de nombreux libraires vendent en permanence des "net books", en pratiquant une remise, en vertu des exceptions prévues dans les conditions types de vente. Si chaque éditeur appliquait ses propres conditions, il devrait également prévoir ses propres exceptions, ce qui placerait dans une situation insoutenable chaque libraire ayant à traiter plusieurs commandes de livres publiés par des éditeurs différents.
102 En outre, la partie requérante soutient que la Commission n'a pu que se livrer à des spéculations quant à l'infrastructure administrative dont disposent les libraires entretenant des stocks, étant donné qu'elle a omis de procéder à une enquête sur cette question au cours de la procédure administrative. De même, la PA conteste-t-elle les données extraites par la Commission du rapport Fishwick, faisant état d'un nombre de 20 éditeurs, représentant à peu près 50 % des ventes nationales, et invite le Tribunal à les vérifier, au cas où il attacherait de l'importance à cette question. Par ailleurs, les ventes aux bibliothèques constitueraient une partie importante de l'activité de nombreuses librairies entretenant des stocks, ce qui signifie que, en l'absence du NBA, elles devraient également vérifier que les demandeurs de remises ont effectivement le droit de bénéficier de celles-ci.
103 La Commission, qui entend tout d'abord souligner qu'il incombe normalement à la partie qui sollicite le bénéfice d'une exception, au titre de l'article 85, paragraphe 3, de présenter les arguments et preuves établissant que sa demande satisfait aux conditions requises, indique, quant aux libraires entretenant des stocks, que les éléments de preuve dont elle disposait ne permettaient pas de penser que le supplément de travail serait excessif, vu l'infrastructure administrative dont ces libraires disposent. D'ailleurs, comme le confirmerait le rapport Fishwick, douze éditeurs seraient responsables des deux tiers de l'ensemble des ventes nationales, ainsi que des deux tiers de l'ensemble des exportations.
104 Quant aux différentes catégories de vente exceptionnelles, qui sont régies par des conditions spéciales, la Commission remarque que, s'il est exact que ces conditions peuvent varier d'un éditeur à l'autre, il ne semble pas que la charge administrative, pour les libraires qui procèdent, en quantité significative, à de telles ventes, serait excessive.
105 Le Tribunal observe, liminairement, que cet argument, tel qu'il a été avancé lors de la procédure administrative et développé, ensuite, au cours de la procédure écrite, concerne essentiellement le marché britannique, et non pas l'applicabilité du système dans le cadre du commerce intracommunautaire, et, dès lors, ne présente pas un caractère opérant. C'est donc à juste titre que la Commission s'est limitée, dans la décision, à répondre à l'argument tel qu'il avait été formulé par la PA, à laquelle incombait la charge de prouver que les conditions requises par l'article 85, paragraphe 3, du traité étaient réunies (voir point 74 ci-avant). En tout état de cause, en ce qui concerne la motivation du rejet de l'argument par la Commission, il y a lieu de considérer que la décision, en mettant l'accent, dans les trois premiers alinéas du point 80, sur le nombre restreint d'éditeurs publiant une grande partie des livres vendus, donne une justification suffisante des raisons pour lesquelles elle ne peut admettre que la suppression du NBA entraînerait une charge administrative excessive pour les libraires. Lors de la procédure écrite, l'institution défenderesse a, par ailleurs, complété son raisonnement en invoquant, à juste titre, les moyens d'infrastructure administrative moderne (informatisation, etc.) dont disposent aujourd'hui les libraires qui entretiennent des stocks, moyens qui allègent considérablement leur charge de travail.
106 En outre, il y a lieu de remarquer que l'argument de la partie requérante serait surtout valable, comme celle-ci l'admet d'ailleurs, dans la mesure où il se réfère aux conditions uniformes régissant les remises, eu égard au fait que le prix de vente est presque toujours différent pour chaque titre, que se soit dans un système collectif ou individuel de fixation des prix. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la légalité, au regard des règles communautaires de concurrence, d'un système de conditions uniformes de remises, il convient, pour le Tribunal, de relever qu'en tout état de cause la requérante n'a nullement expliqué pourquoi les éditeurs ne pourraient appliquer des conditions uniformes de remises, indépendamment de l'existence de tout système, collectif ou individuel, de prix imposés. Enfin, il convient de remarquer que les catégories d'acheteurs spécifiques (clubs de livres, bibliothèques, dépositaires non professionnels, gros acheteurs), qui, dans le système litigieux, sont les seules à pouvoir bénéficier d'une remise, sont en nombre trop restreint pour que la détermination des remises qui leur sont consenties soient de nature à imposer aux libraires une charge de travail insurmontable. Il résulte des raisons susmentionnées que c'est à juste titre que la Commission a pu considérer le deuxième argument spécifique avancé par la partie requérante comme non fondé.
iii) Quant aux assurances des libraires ayant trait au comportement de leurs concurrents
107 Le troisième argument de la PA concerne les assurances que le NBA apporte aux libraires quant au comportement de leurs concurrents. La partie requérante a insisté sur l'importance que revêt pour les libraires l'assurance de ne pas voir leurs concurrents acheter ou vendre un même titre à un prix inférieur au prix imposé. Cette assurance ne pourrait exister dans un système individuel de prix fixes, parce qu'un éditeur isolé ne serait pas en mesure de contrôler ni d'imposer le strict respect de ses conditions par la totalité des libraires du pays.
108 En outre, d'après la partie requérante, le fait que les cas de violation des conditions types par les libraires sont relativement rares et que la surveillance et l'imposition du respect de ces conditions peuvent être réalisées au moyen d'une organisation relativement réduite constitue le fruit de la simplicité et de l'efficacité du NBA. Il serait donc parfaitement fallacieux d'invoquer cette circonstance pour démontrer que le respect des conditions individuelles pourraient être tout aussi bien surveillé en l'absence du NBA; en réalité, il ne le pourrait pas.
109 La Commission estime que cet argument comporte deux branches: la première est relative à l'assurance que le système litigieux donne au libraire que ses concurrents seront soumis à des conditions identiques; la seconde concerne l'assurance que peut avoir le libraire que ces conditions seront respectées. Elle considère que la PA n'a pas démontré qu'il serait impossible pour un éditeur individuel de surveiller, et encore moins d'imposer, une adhésion "stricte" à ses conditions par tous les libraires dans le pays.
110 La Commission rappelle, en outre, qu'au point 36 de la décision il est indiqué que, selon la déclaration de la PA, un petit nombre seulement d'infractions aux conditions types lui ont été communiquées et ont effectivement été constatées. Mais, le fait le plus important, selon la Commission, est que la surveillance du respect du NBA dépend principalement des plaintes émanant des libraires ou des constatations faites par les représentants de l'éditeur concerné lors de leurs visites auprès des libraires. La Commission en conclut, dès lors, qu'il n'existe aucune raison apparente permettant de penser qu'il deviendrait matériellement beaucoup plus difficile de déceler des infractions.
111 Le Tribunal observe que la décision a écarté cet argument, au point 84, comme non convaincant, au motif que "cet argument revient à dire que l'association estime que les libraires ne peuvent pas, lorsqu'ils opèrent dans le cadre d'accords individuels d'imposition des prix, se fier à ses différents membres de la même façon que dans le cadre d'un accord collectif. La Commission ne comprend pas du tout ce qui justifie un tel manque de confiance de l'association quant au comportement des éditeurs individuels vis-à-vis des libraires, d'autant plus que la plupart des éditeurs sont actuellement membres de l'association ...".
112 Le Tribunal considère que cette réponse est motivée à suffisance de droit, puisque, aussi bien dans le cadre d'un accord collectif que dans celui d'un accord individuel de prix imposés, c'est la même personne, l'éditeur, qui aura la responsabilité, d'une part, d'assurer les mêmes conditions de vente aux libraires et, d'autre part, de faire respecter ces conditions lors de la revente. En admettant qu'un système collectif de prix fixes puisse renforcer subjectivement la confiance des libraires, cette circonstance n'est pas, à elle seule, susceptible de justifier un accord qui, en imposant des prix uniformes de vente des livres, restreint, de façon excessive, le libre jeu de la concurrence dans le Marché commun. Dès lors, il y a lieu de considérer que la réponse de la Commission au troisième argument avancé par la requérante n'est entachée d'aucune erreur de motivation.
iv) Quant à la nécessité de confier la surveillance et l'imposition du respect des conditions types à la PA
113 La partie requérante, considérant qu'elle seule est en mesure, en pratique, d'assurer le contrôle et de veiller à l'exécution des conditions types en matière de prix, observe que la Commission ne conteste pas l'exactitude de son argument, mais qu'elle cherche simplement à en nier la pertinence. De l'avis de la requérante, cet argument n'est pas moins pertinent que ceux qui ont déjà été examinés, parce qu'il constitue une raison supplémentaire pour laquelle les avantages liés à la fixation du prix des livres ne pourraient pas être obtenus sans le NBA. Son rejet, comme dépourvu de pertinence, constituerait donc une grave erreur de motivation.
114 La Commission, outre ce qui a été déjà exposé ci-avant au point 110, rétorque que ce quatrième argument a été rejeté par la décision comme non pertinent, parce que l'association n'a pas expliqué pourquoi un accord collectif, stipulant des conditions types de vente, était indispensable pour que l'association puisse agir au nom de l'ensemble des éditeurs.
115 Le Tribunal estime que, en ce qui concerne cet argument spécifique de la PA, à savoir la nécessité de confier la surveillance et l'imposition du respect des conditions types à une association agissant pour l'ensemble des éditeurs, c'est à juste titre que la Commission a pu le considérer comme non pertinent au motif qu'il n'explique pas la nécessité d'un accord collectif de conditions types de vente (point 85 de la décision). En effet, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la légalité, au regard des règles communautaires de concurrence, d'un système attribuant à une association la surveillance de l'application uniforme de conditions types de vente, il convient de relever que la requérante n'a avancé aucune raison de nature à justifier qu'un tel système de surveillance ne pourrait être mise en place indépendamment de l'existence d'un accord, collectif ou individuel, fixant des prix imposés. En outre, c'est à juste titre que la Commission a soutenu que, même dans le cadre d'un accord collectif de prix fixes, la surveillance du respect des stipulations de l'accord dépend, avant tout, des plaintes émanant des libraires ou des constatations faites par les représentants d'éditeurs concernés (voir point 110 ci-avant).
116 Il découle de l'ensemble de ce qui précède que la requérante n'a pas établi que les restrictions de concurrence résultant du NBA n'allaient pas au-delà de ce qui est strictement nécessaire et, par conséquent, qu'elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée, la Commission a rejeté sa demande d'exemption (voir, en particulier, les arrêts de la Cour du 8 juin 1982, Nungesser/Commission, point 77, 258-78, Rec. p. 2015, et du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer/Commission, point 58, 45-85, Rec. p. 405). Dès lors, il convient de constater que la Commission, dans le cadre de l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts, n'a commis aucune erreur de droit, non plus qu'une erreur manifeste d'appréciation. Il y a donc lieu de rejeter le présent moyen.
117 Les conclusions tendant à l'annulation de l'article 2 de la décision devant être rejetées, il n'est pas nécessaire d'examiner le moyen par lequel la partie requérante soutient que l'annulation par le Tribunal de l'article 2 de la décision devrait entraîner, par voie de conséquence, l'annulation de son article 1er. Les conclusions de la partie requérante dirigées contre les articles 1er et 2 de la décision ayant été rejetées par le Tribunal, les conclusions dirigées contre les articles 3 et 4 de la décision ne peuvent également être que rejetées.
118 De l'ensemble de ce qui précède, il résulte que le recours doit être rejeté.
Sur les dépens
119 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens; la partie requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux exposés lors de la procédure de référé devant la Cour de justice.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) La requérante est condamnée aux dépens, y compris ceux exposés lors de la procédure de référé devant la Cour de justice.