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Décisions

CCE, 7 juin 2000, n° 2001-418

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Acides aminés

CCE n° 2001-418

7 juin 2000

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1216-1999 (2) et notamment son article 15, vu la décision de la Commission du 29 octobre 1998 d'ouvrir la procédure dans cette affaire, après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17, en liaison avec le règlement n° 99-63-CEE de la Commission du 25 juillet 1963 relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (3) et le règlement (CE) n° 2842-98 de la Commission du 22 décembre 1998 relatif à l'audition dans certaines procédures fondées sur les articles 85 et 86 du traité CE (4), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit:

I. FAITS

A. OBJET DE LA PROCÉDURE

(1) La présente affaire concerne des accords sur les prix, les volumes de ventes et l'échange d'informations internes sur les volumes de ventes, d'entreprises produisant et commercialisant, auprès de distributeurs et/ou d'utilisateurs industriels établis dans l'Espace économique européen (EEE), de la lysine synthétique destinée à être utilisée dans les aliments pour animaux. La présente décision couvre la période comprise entre septembre 1990 et juin 1995.

B. ENTREPRISES ET ASSOCIATION CONCERNÉES

1. Archer Daniels Midland Company

(2) Archer Daniels Midland Company (ci-après dénommée ADM") est la société mère ultime d'un groupe d'entreprises de transformation de céréales et de graines oléagineuses opérant à l'échelle mondiale. ADM possède plus de 200 usines implantées dans le monde entier, y compris d'importants actifs dans l'EEE, dont la première installation mondiale de transformation de soja, à Europoort (Pays-Bas), le premier complexe multigrains mondial, à Hambourg (Allemagne), et la première usine mondiale de trituration de graines tendres, à Erith (Royaume-Uni).

(3) La société ADM est un producteur d'amidon et de produits amylacés. Elle s'est implantée sur le marché de la biochimie parce qu'elle escomptait de meilleurs profits de la fabrication de produits chimiques à base de produits amylacés que de ses produits traditionnels. La Bio-Products Division d'ADM a été créée en 1989 à peu près à la même époque, la direction d'ADM décidait de se lancer dans la production de lysine, après avoir appris que deux autres entreprises envisageaient d'implanter des unités de production en Amérique du Nord (mais les deux entreprises en question ont abandonné leur projet à l'annonce de l'expansion d'ADM). Les unités de production de lysine d'ADM ont été achevées en juin 1992.

(4) Archer Daniels Midland Ingrédients Ltd (ci-après dénommée ADM Ingrédients) est une filiale à 100 % d'ADM qui s'est occupée des activités européennes d'ADM dans le secteur des acides aminés durant la période couverte par la présente enquête.

(5) Pour l'exercice clos le 30 juin 1995, le chiffre d'affaires total réalisé par l'ensemble des entreprises appartenant au groupe ADM s'élevait à environ 12,6 milliards de dollars des États-Unis (12,6 milliards d'euros). Pour l'exercice clos le 30 juin 1998, le chiffre d'affaires total était d'environ 16,1 milliards de dollars des États-Unis (16,1 milliards d'euros). En 1995, le chiffre d'affaires mondial d'ADM sur le marché de la lysine s'établissait à environ 202 millions de dollars des États-Unis (202 millions d'euros), dont quelque 41 millions de dollars des États- Unis (41 millions d'euros) réalisés dans l'EEE.

2. Ajinomoto Company, Inc.

(6) Ajinomoto Company, Inc. (ci-après dénommée Ajinomoto") est la société mère ultime d'un groupe d'entreprises qui fabriquent des produits chimiques, y compris de la lysine, ainsi que des produits alimentaires. Fort de ses capacités dans le domaine de la technologie des acides aminés, le groupe est également engagé dans le développement et la fabrication de produits pharmaceutiques. Les activités d'Ajinomoto s'appuient sur un réseau de production et de commercialisation qui couvre vingt et un pays.

(7) Ajinomoto exploite des usines de production de lysine fourragère au Japon, dans l'EEE (Eurolysine SA - ci-après dénommée "Eurolysine"), aux États-Unis d'Amérique, en Thaïlande, en Chine et au Brésil.

(8) En 1974, Ajinomoto et Orsan ont créé une entreprise commune, Eurolysine, en vue de produire et de commercialiser de la lysine fourragère en Europe. En 1976, Eurolysine a implanté une usine de production à Amiens. Elle a également commencé à produire de la lysine en Italie, par l'intermédiaire de sa filiale à 100 % Bioitalia Biopro Italia SpA. Le total des effectifs d'Eurolysine s'élève aujourd'hui à 338 personnes. Eurolysine est l'unique producteur de lysine fourragère dans l'EEE.

(9) Ajinomoto et Orsan détenaient chacune 50 % du capital d'Eurolysine jusqu'en septembre 1994, date à laquelle Ajinomoto a porté sa participation à 75 % en rachetant des actions à Orsan. En 1996, Ajinomoto a fait d'Eurolysine sa filiale à 100 % en rachetant toutes les actions encore détenues par Orsan.

(10) Pour l'exercice clos le 31 mars 1995, le chiffre d'affaires total réalisé par l'ensemble des entreprises appartenant au groupe Ajinomoto s'élevait à environ 725,7 milliards de yens japonais (5,1 milliards d'euros). Pour l'exercice clos le 31 mars 1998, le chiffre d'affaires total était d'environ 836 milliards de yens japonais (5,8 milliards d'euros). En 1995, le chiffre d'affaires mondial d'Ajinomoto sur le marché de la lysine s'établissait à environ 239 millions de dollars des États-Unis (239 millions d'euros), dont quelque 483 millions de francs français (75 millions d'euros) réalisés dans l'EEE.

3. Kyowa Hakko Kogyo Company Limited

(11) Kyowa Hakko Kogyo Company Limited (ci-après dénommée Kyowa") est la société mère ultime d'un groupe d'entreprises établies et opérant dans le monde entier, et engagées dans le développement, la production et la commercialisation de produits pharmaceutiques, alimentaires, chimiques, agricoles et de santé animale ainsi que d'alcool et de boissons alcoolisées. Kyowa possède des usines de production d'acides aminés au Japon, en Hongrie et au Mexique. Kyowa a introduit le processus de fermentation de la lysine en 1958.

(12) La filiale européenne de Kyowa est Kyowa Hakko Europe GmbH (ci-après dénommée "Kyowa Europe"), qui est chargée de la commercialisation de la lysine dans l'EEE.

(13) En 1995, le chiffre d'affaires total réalisé par l'ensemble des entreprises appartenant au groupe Kyowa s'élevait à environ 375 milliards de yens japonais (2,8 milliards d'euros). Pour la même année, le chiffre d'affaires mondial de Kyowa sur le marché de la lysine était de l'ordre de 10 millions de yens japonais (73 millions d'euros), dont quelque 30 millions de marks allemands (16 millions d'euros) réalisés dans l'EEE. Pour l'exercice clos le 31 mars 1998, le chiffre d'affaires total du groupe Kyowa s'élevait à environ 398 milliards de yens japonais (2,8 milliards d'euros).

4. Daesang Corporation

(14) Daesang Corporation est une entreprise coréenne et la société mère ultime d'un groupe d'entreprises opérant à l'échelle mondiale, dont les activités comprennent la fabrication de condiments, d'aliments pour animaux et d'acides aminés. Elle est le résultat de la fusion de Daesang Industrial Limited et de Miwon Corporation Limited. Daesang Industrial Limited était antérieurement connue sous la dénomination Sewon Corporation Limited et Miwon Foods Corporation Limited (ci-après dénommées collectivement "Sewon"). Au cours du premier semestre de 1998, Sewon a cédé ses activités mondiales sur le marché de la lysine à une entreprise appartenant à un groupe qui n'est relié à aucun des destinataires de la présente décision.

(15) Au début de 1992, la société Miwon Handels GmbH a été créée en vue de diriger les activités européennes de Sewon dans le secteur des acides aminés. En novembre1994, Miwon Handels GmbH a changé sa dénomination pour celle de Sewon Europe GmbH (ci-après dénommées collectivement "Sewon Europe").

(16) En 1995, le chiffre d'affaires mondial réalisé par Sewon s'élevait à environ 225 milliards de wons sud-coréens (227 millions d'euros). Pour la même année, son chiffre d'affaires mondial sur le marché de la lysine était de l'ordre de 125 millions de marks allemands (67 millions d'euros), dont quelque 28 millions de marks allemands (15 millions d'euros) réalisés dans l'EEE. En 1998, le chiffre d'affaires mondial de Sewon s'élevait à environ 1, 47 trillion de wons sud-coréens (946 millions d'euros).

5. Cheil Jedang Corporation

(17) Cheil Jedang Corporation (ci-après dénommée "Cheil") est la société mère ultime d'un groupe d'entreprises établies et opérant dans le monde entier. Le groupe coréen Samsung l'a créée en 1953 pour en faire sa première filiale de production. En 1993, Cheil est devenue indépendante. Cheil est une société diversifiée, qui est active notamment dans le secteur pharmaceutique et l'industrie des produits alimentaires.

(18) Cheil s'est implantée sur le marché de la lysine en 1991. En 1995, Cheil a réalisé un chiffre d'affaires d'environ 1,9 milliard de dollars des États-Unis (1,9 milliard d'euros). Pour la même année, le chiffre d'affaires mondial de Cheil dans le secteur de la lysine était de l'ordre de 52 millions de dollars des États-Unis (52 millions d'euros), dont quelque 17 millions d'euros réalisés dans l'EEE. En 1997, le chiffre d'affaires de Cheil s'élevait à environ 1,4 milliard de dollars des États-Unis (1,4 milliard d'euros).

6. Fefana

(19) La Fédération européenne des fabricants d'adjuvants pour la nutrition animale (ci-après dénommée "Fefana"), qui a son siège à Bruxelles, est un organisme chargé de représenter et d'assurer la promotion des intérêts scientifiques, techniques et économiques des fabricants d'additifs alimentaires pour animaux.

(20) La Fefana a été instituée pour assurer la prise en charge des nombreuses propositions législatives de la Communauté qui ont une incidence dans le domaine de la nutrition animale. Les associations professionnelles nationales de l'industrie des additifs alimentaires estimaient qu'une représentation au niveau européen était nécessaire, d'où la création, en 1963, de la Fefana.

C. PRODUIT

(21) La lysine est un acide aminé essentiel. Les acides aminés sont les constituants fondamentaux (les "briques") des protéines, qui sont elles-mêmes une composante majeure des tissus organiques. Les animaux synthétisent des protéines corporelles à partir des acides aminés libérés durant la digestion. Vingt-deux acides aminés servent à former toutes les protéines présentes dans la vie. Les animaux ne peuvent en synthétiser que quelques-uns. Les autres - les acides aminés dits essentiels - doivent être apportés par la nourriture, sous une forme naturelle (liés à une protéine) ou sous une forme purement chimique. Les principales sources d'acides aminés, pour les animaux, sont les protéines d'origine végétale ou animale: farine de soja, farine de colza, farine de gluten de maïs, pois, farine de poisson, farine de viande et d'os, lait écrémé et d'autres produits. Une autre source de certains acides aminés est la production industrielle. Ces acides aminés sont identiques à ceux qui se trouvent dans les aliments protéiques.

(22) Dans la majorité des cas, un seul aliment ou la combinaison de plusieurs aliments ne suffisent pas à fournir chaque acide aminé dans la quantité précise nécessaire aux animaux pour satisfaire exactement à leurs besoins nutritionnels. C'est pourquoi certains acides aminés finissent par être acquis en excédent, de manière à fournir la quantité adéquate d'autres acides aminés. L'ajout d'acides aminés sous une forme pure assure un meilleur équilibre en venant compléter les protéines alimentaires.

(23) D'importants progrès ont été accomplis dans la définition des besoins précis en acides aminés des différentes classes de bétail, et les nutritionnistes connaissent depuis longtemps les avantages résultant de la formulation de régimes alimentaires. Compléter les régimes avec des acides aminés individuels permet de réduire la teneur en protéines brutes du régime tout en maintenant les acides aminés à des niveaux adéquats. Les travaux de recherche ont démontré qu'il est possible de réduire le niveau de protéines alimentaires dans la farine de soja ou de maïs ordinaire si le régime est dûment renforcé avec de la lysine, du tryptophane et de la thréonine.

(24) La souplesse d'utilisation que leur offrent les acides aminés synthétiques permet aux nutritionnistes de formuler des régimes dont les profils d'acides aminés correspondent mieux aux besoins de l'animal que les régimes uniquement basés sur des matières premières conventionnelles. Il est ainsi possible non seulement de réduire l'utilisation de sources protéiques relativement onéreuses, mais encore d'améliorer les performances de l'animal.

(25) Les pressions s'accentuent dans les pays européens en faveur de la réduction des rejets d'azote et de phosphore dont sont responsables les systèmes de production animale intensive. D'après la Fefana, l'utilisation accrue d'acides aminés en combinaison avec la diminution des niveaux de protéines brutes dans l'alimentation permettrait, selon les estimations, une réduction des excrétions d'azote pouvant aller jusqu'à 20-25 %.

(26) La suppression des subventions publiques au secteur céréalier, dans le cadre des réformes de la politique agricole commune, devrait se traduire par une diminution du coût des céréales dans les pays européens, et donc par un accroissement de la proportion des céréales par rapport aux tourteaux dans les régimes alimentaires du bétail européen. L'effet net sera une augmentation de la demande d'acides aminés synthétiques, toutes choses égales par ailleurs, puisque, dans ces régimes, les apports en acides aminés ne reposent plus sur la consommation de grandes quantités de tourteaux.

(27) La production d'acides aminés synthétiques est l'une des plus anciennes applications de la biotechnologie dans l'industrie de l'alimentation animale et sans doute aussi l'une des plus répandues. Elle repose sur la fermentation d'une source appropriée d'hydrates de carbone, tels le sucre ou l'amidon, par un organisme qui a été modifié génétiquement de manière à produire en excédent l'acide aminé en question.

(28) La lysine fourragère est produite à l'échelle industrielle depuis une trentaine d'années, et l'utilisation de cet acide aminé s'est développée de façon remarquable dans le monde entier. Alors que, en 1979, la consommation mondiale de lysine était de l'ordre de 30 000 tonnes par an, elle s'élève aujourd'hui à quelque 250 000 tonnes. Bien que cette hausse de la consommation soit en partie imputable à l'augmentation de la production mondiale de porcs et de volaille, elle n'en reflète pas moins une sophistication croissante dans la formulation des régimes alimentaires du bétail.

D. MARCHÉ DE LA LYSINE

1. Offre

a) Production

(29) Le processus de production des acides aminés synthétiques fait appel à une technologie de haut niveau qui utilise une bactérie génétiquement modifiée pour fermenter des hydrates de carbone. La principale difficulté consiste à créer et à maintenir les conditions stériles qui permettront la croissance de l'organisme sans risque de contamination par un autre micro-organisme. La technologie de production s'est considérablement améliorée au fil du temps, ce qui a permis de réduire les coûts de manière substantielle.

(30) La source d'hydrates de carbone utilisée dans le processus de fermentation représente de loin le coût de production le plus élevé. L'agitation et l'aération des fermenteurs nécessitant une forte consommation d'énergie électrique l'accès à une électricité bon marché est également crucial. La fabrication des acides aminés est une technologie à très forte intensité de capital. La production exige d'importants investissements en équipements de fermentation, d'extraction et de purification, ainsi qu'en matériel antipollution.

(31) Avant 1991, il n'existait que trois producteurs de lysine: Ajinomoto/Eurolysine, Kyowa et Sewon. Ajinomoto/Eurolysine était le plus gros producteur, avec une capacité de fabrication de l'ordre de 80 000 tonnes. Kyowa et Sewon avaient une capacité inférieure, de l'ordre de 50 000 tonnes et 30 000 tonnes respectivement. En 1994, Sewon a commencé à accroître sa capacité pour la porter à 50 000 tonnes.

(32) En 1991, ADM s'est implantée sur le marché de la lysine. L'usine d'ADM a pratiquement porté au double la capacité de production mondiale de lysine. En outre, il était notoire qu'ADM disposait d'une assise financière très solide et bénéficiait d'un accès peut coûteux aux ressources en matières premières.

(33) En 1991 également, Cheil s'est établie sur le marché de la lysine avec une capacité de production d'environ 10 000 tonnes à la fin de 1993, Cheil a commencé à augmenter sa capacité pour la porter à 40 000 tonnes. Cette montée en charge s'est poursuivie en 1994 pour s'achever en juillet 1995.

(34) Durant la période couverte par la présente procédure, aucune autre pénétration significative du marché de la lysine n'est intervenue.

(35) Eurolysine est l'unique producteur de lysine dans l'EEE.

b) Distribution

(36) Dans l'EEE, les producteurs de lysine visés par la présente décision ont exploité différents réseaux de distribution, de la vente directe aux utilisateurs industriels (usines d'aliments pour bétail) à la vente indirecte par l'intermédiaire de représentants attitrés et/ou de distributeurs indépendants établis dans différents pays membres.

(37) Jusqu'en mai 1995, ADM Ingrédients avait deux agents commerciaux. L'un d'eux, BASF, a ensuite été remplacé par un circuit de vente directe et un certain nombre d'autres distributeurs et agents commerciaux.

(38) Eurolysine commercialisait sa production d'acides aminés par l'intermédiaire de divers distributeurs. Le rôle direct d'Ajinomoto sur le marché européen de la lysine se limitait à sa participation dans Eurolysine (voir considérants 8 et 9).

(39) Kyowa Europe a désigné deux sociétés de négoce japonaises en tant qu'agents commerciaux pour la lysine. Ces agents avaient des bureaux et des représentants dans différents pays membres de l'EEE.

(40) Sewon Europe commercialisait sa production de lysine auprès de distributeurs et d'utilisateurs industriels.

(41) Cheil ne dispose pas de filiale de vente dans l'EEE. La commercialisation de sa production de lysine dans cette région est assurée par un bureau de vente qui s'adresse essentiellement aux utilisateurs industriels.

2. Demande

(42) L'industrie européenne des aliments composés fabrique chaque année, dans des milliers d'usines réparties surtout le continent, plus de 150 millions de tonnes d'aliments pour animaux. Ces usines formulent, dosent et, le cas échéant, soumettent à une transformation supplémentaire des aliments et des micro-ingrédients, afin d'obtenir des aliments composés qui satisfont aux besoins nutritionnels quantitatifs et qualitatifs au plus bas coût possible par tonne d'aliments. La formule de l'aliment doit notamment garantir une teneur adéquate en chacun des acides aminés essentiels.

3. Informations commerciales

a) Facteurs influençant la détermination des prix de la lysine

(43) La lysine synthétique est utilisée, dans une large mesure, comme additif dans les aliments qui ne contiennent pas, ou pas suffisamment, de lysine naturelle, par exemple les céréales. Les aliments auxquels de la lysine est ajoutée peuvent ainsi se substituer aux aliments qui contiennent suffisamment de lysine à l'état naturel, tel le soja. Il s'ensuit que la quantité de lysine synthétique demandée par l'industrie européenne et donc son prix sont influencés en particulier par les cours européens des céréales et les cours mondiaux du soja, ces derniers étant cotés parle Chicago Board of Trade. Le prix du soja moins le prix des céréales constitue ce qu'il est convenu d'appeler le "prix virtuel" de la lysine.

(44) Les nutritionnistes utilisent des ordinateurs pour optimiser les formules d'aliments à l'aide d'une technique de formulation au moindre coût. après avoir introduit les données relatives aux aliments disponibles et à leurs prix courants, ils opèrent des substitutions successives entre aliments jusqu'à obtenir la formule la plus économique qui réponde à tous les besoins nutritionnels.

(45) Lorsqu'un changement se produit sur le marché, l'industrie de l'alimentation animale réagit rapidement aux fluctuations des prix des ingrédients en calculant immédiatement de nouvelles formules en fonction des mêmes séries de contraintes nutritionnelles. Il peut en résulter de fortes variations dans les volumes de lysine ajoutés aux aliments. Si le coût de l'aliment auquel est ajoutée de la lysine synthétique excède le prix des aliments de substitution naturellement riches en acides aminés, on n'aura recours aux acides aminés synthétiques que dans la mesure où cela s'avérera nécessaire pour mieux équilibrer le régime en général, et notamment afin de prévenir les excès de protéines.

b) Prix moyens mensuels de la lysine

(46) Entre le début de 1981 et la fin de 1988, les prix de la lysine ont pratiquement doublé. Après cette période, ils ont commencé à baisser.

(47) Les prix moyens mensuels qu'Eurolysine, ADM Ingrédients, Kyowa Europe et Sewon Europe ont facturés à leurs clients entre 1991 et 1995 étaient les suivants:

<EMPLACEMENT TABLEAU>

c) Volumes annuels de lysine

(48) Les quantités de lysine que les entreprises visées par la présente décision ont vendues chaque année entre 1991 et 1995 étaient les suivantes:

<EMPLACEMENT TABLEAU>

E. DESCRIPTION DES ÉVÉNEMENTS

(49) Jusqu'au début des années 90, Ajinomoto/Eurolysine, Kyowa et Sewon étaient les seuls producteurs de lysine synthétique. Ajinomoto/Eurolysine était le numéro un sur le marché mondial et aussi en Europe. Au début des années 90, ADM et Cheil investissaient dans leur capacité de production de lysine et se préparaient à s'implanter sur le marché de la lysine.

1. Entente asiatico-européenne

(50) La Commission a des raisons de croire que, dans les années 70 et 80, les producteurs asiatiques de lysine en place, Ajinomoto, Kyowa et Sewon, ont coopéré sous une forme ou une autre en vue de fixer les prix et les volumes de ventes en Europe.

(51) La première collusion que la Commission est en mesure de prouver a eu lieu en juillet 1990. En outre, dès qu'il est apparu qu'ADM et Cheil investissaient dans leur capacité de production de lysine pour s'implanter sur le marché de la lysine, l'entente asiatico-européenne a été l'enceinte utilisée pour surveiller étroitement le développement du potentiel des nouveaux entrants et influencer les conditions d'exercice de la concurrence sur le marché.

a) Débuts

(52) Dans une lettre à Ajinomoto datée du 6 décembre 1990, Sewon évoque une réunion entre ces deux entreprises qui s'était tenue en juillet 1990. Sewon affirme dans cette lettre que, à la suite de la réunion, elle a été en mesure d'augmenter fortement le prix de la lysine, "avec l'aide d'(Ajinomoto)". A la lumière de la coopération entre les deux entreprises sur les prix de la lysine et les volumes de ventes, qui a suivi la réunion de juillet 1990, la Commission considère qu'Ajinomoto et Sewon ses ont concertées lors de cette réunion sur les prix à appliquer sur le marché mondial de la lysine.

(53) Le 20 septembre 1990, Ajinomoto et Sewon se sont réunies à Séoul. Ajinomoto a informé Sewon que, la veille, sa filiale américaine avait annoncé une hausse de prix et que le nouveau prix serait le prix standard sur le marché mondial (le prix européen était de 4,60 marks allemands par kilogramme). Ajinomoto a également parlé de l'intention de Kyowa d'annoncer, le 24 septembre1990 aux États-Unis, une hausse de prix correspondante. Ajinomoto, Kyowa et Sewon avaient discuté des nouveaux prix par téléphone avant la réunion et elles étaient parvenues à un accord de principe. De l'avis de Sewon, Ajinomoto lui demandait de suivre la majoration de prix. Sewon a accepté de s'aligner sur les prix indiqués par Ajinomoto.

(54) En décembre 1990, Ajinomoto et Sewon ont discuté de la possibilité d'une nouvelle hausse de prix. Le 12 décembre 1990, Sewon a informé Ajinomoto qu'elle acceptait la hausse du prix de la lysine sur le marché mondial.

(55) Il ressort des événements relatifs à la fixation de prix du 20 septembre 1990 que Kyowa a aussi participé aux accords de prix concernant l'Europe, puisque le prix américain était considéré comme le prix standard à l'échelle mondiale. D'autre part, la Commission estime que les accords de prix conclus entre Ajinomoto et Sewon en juillet et décembre 1990 n'étaient pas limité à ces deux entreprises. Premièrement, la forte hausse du prix de la lysine en juillet 1990, à laquelle fait référence la lettre de Sewon du 6 décembre 1990, n'aurait pas été possible sans la participation du deuxième producteur mondial de lysine. Deuxièmement, le fonctionnement de l'entente asiatico-européenne démontre que la participation de Kyowa à ladite entente était essentielle. Enfin, dans un document interne indiquant le partage des marchés au sein du groupe Ajinomoto/Orsan à l'issue des discussions intervenues lors de la réunion du 23 juin 1992 à Mexico, et qu'Ajinomoto avait préparé en prévision de la réunion du 10 juillet 1992 à Tokyo, Kyowa figure sous la dénomination " Old Club " conjointement avec Ajinomoto, Sewon et Cheil. Cela s'accorde avec l'affirmation d'Ajinomoto selon laquelle, durant la période antérieure au milieu de 1992, l'initiative des discussions portant sur le marché européen revenait non pas à Ajinomoto, mais plutôt à Sewon et Kyowa.

b) Réunion du 18 février 1991

(56) Le 18 février 1991, les représentants d'Ajinomoto, de Kyowa et de Sewon se sont rencontrés et ont fixé le prix de la lysine sur le marché mondial, et en particulier le prix pour l'Europe, à savoir le prix de vente d'Eurolysine en vigueur à cette date (4,70 marks allemands par kilogramme).

(57) Pour ce qui est des quantités, Sewon a accepté, afin de maintenir les prix, de limiter ses volumes de ventes au niveau de l'année précédente jusqu'à ce qu'ADM commence à produire et à commercialiser de la lysine à grande échelle, ce qui était prévu pour avril ou mai 1991. Kyowa a insisté sur le principe du marché domestique. Les participants sont convenus de vendre, en1991, dans les limites des exportations en volume de1990.

c) Réunion du 12 mars 1991 à Tokyo

(58) La réunion s'est tenue à l'hôtel Okura. Y assistaient des représentants d'Ajinomoto, de Kyowa et de Sewon. L'ordre du jour avait été établi par Ajinomoto, qui avait également organisé la réunion.

(59) Lors de cette réunion, Kyowa a divulgué les informations suivantes concernant ADM: les vingt-quatre fermenteurs d'ADM fonctionneraient dans des conditions normales vers le milieu d'avril, ADM commencerait à vendre vers le début du mois de mai, le plan de production d'ADM prévoyait 27 000 tonnes la première année, 45 000 tonnes la deuxième année et 60 000 tonnes la troisième année. ADM projetait de vendre la moitié de sa production sur le marché américain, l'autre moitié étant destinée à l'exportation. Kyowa a en outre indiqué qu'ADM entendait s'aligner sur les prix de vente des autres fabricants.

(60) Ajinomoto a divulgué des informations sur l'usine de production de Cheil en Indonésie, recueillies lors d'un voyage d'affaires dans la région.

(61) Les participants ont ensuite discuté de leur propre comportement sur le marché. Sewon a informé les autres participants qu'elle voulait vendre aux États-Unis, en 1991, la même quantité qu'en 1990 et qu'elle était tout à fait résolue à maintenir le prix de base. Concernant l'Europe, les autres participants se sont plaints du fait que Sewon vendait au-dessous du prix convenu, à savoir 4,70 marks allemands par kilogramme. Ils ont demandé à Sewon de ne pas vendre à un prix inférieur au prix convenu et de maintenir les volumes de ventes de l'année précédente. Il a été noté que les réunions locales européennes traitaient du prix européen. Les participants se sont engagés à respecter les accords sur les prix et les volumes de ventes conclus lors de cette réunion jusqu'à ce qu'ADM et Cheil commencent à réaliser des ventes significatives sur le marché. En cas de violation des accords, chaque entreprise a promis de contacter immédiatement les autres parties sur une " ligne directe " proposée par Ajinomoto.

d) Réunion du 4 juillet 1991 à Tokyo

(62) La réunion s'est déroulée dans les bureaux d'Ajinomoto. Y assistaient des représentants d'Ajinomoto, de Kyowa et de Sewon.

(63) Les participants ont échangé des informations sur les capacités de production et les volumes de ventes respectifs d'ADM et de Cheil. Quelques jours avant la réunion, Cheil avait communiqué à Ajinomoto, par téléphone, des renseignements sur sa capacité de production et ses volumes de ventes.

(64) Les participants ont ensuite échangé des informations sur leurs propres prix et volumes de ventes. Au sujet de l'Europe, ils ont parlé d'une réunion régionale du 3 juillet 1991, où était annoncé un prix de 4,30 marks allemands par kilogramme. Les participants ont fixé le prix pour les États-Unis et l'Europe (4,30 marks allemands par kilogramme). Le prix pour l'Asie et l'Océanie serait discuté à un stade ultérieur. Pour ce qui concernait les quantités, les participants sont arrivés à la conclusion que "le contrôle des volumes serait une rude affaire".

e) Suivi

(65) Après qu'ADM eut commencé à réaliser des ventes significatives à bas prix, Ajinomoto, Kyowa et Sewon se sont réunies à Séoul, le 11 février 1992. Elles ont discuté du marché potentiel et des prix d'ADM et de Cheil. Le 10 mars 1992, Ajinomoto et Kyowa sont convenues de suivre les prix d'ADM, afin de conserver leurs parts de marché. Le 12 mars 1992, les producteurs asiatiques se sont rencontrés à nouveau pour discuter de l'imminente implantation complète d'ADM sur le marché de la lysine. Les prix ont également fait l'objet de discussions par téléphone durant cette période.

(66) Le 30 mars 1992, Sewon Europe a rendu compte au siège de Sewon en Corée d'une "réunion trilatérale" qui s'était manifestement tenue quelques jours auparavant. Lors de cette réunion, Ajinomoto, Kyowa et Sewon ont évalué le marché européen de la lysine à cette date. Elles ont noté, en particulier, que les prix avaient augmenté de 5 % pour l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Luxembourg et la France, où les prix étaient relativement plus bas (autour de 3,25 marks allemands par kilogramme) que dans les autres pays. Les participants se sont mis d'accord pour maintenir le prix sur le marché européen à 3,76 marks allemands par kilogramme. Ils ont fixé leur prochaine réunion au 30 avril 1992, à Bâle. Dans son rapport au siège de la société, Sewon Europe a exprimé des doutes quant à la probabilité que les prix discutés soient maintenus, "car les participants avaient des options divergentes, et ADM et Cheil n'étaient pas présents".

(67) Le 5 mai 1992, Sewon Europe a rendu compte au siège de Sewon en Corée d'une autre "réunion trilatérale" (probablement tenue le 30 avril 1992 à Bâle) où Ajinomoto, Kyowa et Sewon avaient évalué la situation sur le marché européen de la lysine. Les participants ont notamment confirmé que le prix sur le marché européen devait être maintenu à 3,76 marks allemands par kilogramme. Ils ont fixé leur prochaine réunion au 3 juin 1992, en un lieu que devait déterminer Sewon. Dans le rapport qu'elle a présenté à son siège, Sewon Europe jugeait manifestement absurde de discuter de hausses de prix dans des réunions auxquelles ADM et Cheil ne participaient pas.

(68) Le 19 juin 1992, Ajinomoto, Kyowa et Sewon se sont rencontrées. Les participants sont parvenus à la conclusion qu'il fallait réexaminer la possibilité d'augmenter les prix en réduisant leurs volumes de ventes respectifs. En particulier, ils ont convenu que le problème du relèvement du prix pouvait se résoudre en persuadant ADM de ne fonctionner qu'à 80 % de sa capacité. Ajinomoto et Kyowa ont en outre demandé à Sewon de réduire de manière substantielle ses ventes aux États-Unis et en Europe, conformément au principe suivant lequel le producteur local écoule le maximum de sa production dans sa propre région.

2. Entente mondiale

a) Contexte

(69) L'usine d'ADM a pratiquement porté au double la capacité de production mondiale de lysine. Dès avant son implantation sur le marché et aussi peu de temps après, ADM avait adressé des signaux aux producteurs en place, laissant entendre que, si elle était bien décidée à devenir un acteur important sur le marché de la lysine, elle préférait conquérir sa part de marché par la coordination plutôt que par une guerre des prix. C'est dans ce contexte qu'ADM a rencontré Ajinomoto le 12 décembre 1991 et Kyowa le 13 décembre. Le 11 février 1992, Ajinomoto et Kyowa ont informé Sewon de leurs réunions respectives avec ADM.

(70) Afin de convaincre les producteurs en place du sérieux de ses intentions et des sanctions qu'ils encourraient s'ils ne consentaient pas un accord, ADM a proposé à Ajinomoto, Kyowa et Sewon de venir inspecter son usine de production, et elle a lancé d'importantes opérations de vente à bas prix, ce qui a obligé les producteurs de lysine en place, à compter du début de 1992, à vendre à prix sacrifiés pour essayer de conserver leurs parts de marché. Face à cette situation, Ajinomoto et Kyowa se sont mis d'accord, le 10 mars 1992, pour coopérer avec ADM, et elles ont commencé à se réunir avec ADM en vue d'élaborer un accord sur les prix et les volumes de ventes (réunions du 14 avril 1992 entre ADM et Ajinomoto à Tokyo, des 16 et 17 avril 1992 entre ADM et Kyowa à Hawaï, et du 19 juin 1992 - le même jour où Ajinomoto, Kyowa et Sewon se réunissaient - entre ADM et Sewon à Decatur).

(71) Ces discussions ont conduit à la réunion du 23 juin 1992 à Mexico, qui marque le début de la collusion entre ADM et les membres de l'entente asiatico-européenne.

b) Réunion du 23 juin 1992 à Mexico

(72) A cette réunion ont participé des représentants d'ADM, d'Ajinomoto/Eurolysine et de Kyowa. Kyowa avait préparé la réunion et la présidait. Les participants ont décidé que les représentants d'Ajinomoto et de Kyowa communiqueraient les résultats de la réunion à Sewon et à Cheil.

(73) L'objectif essentiel d'ADM était d'avoir la même part de production que le principal concurrent sur le marché, ce qui devait conduire à la répartition suivante: un tiers de la demande mondiale totale pour ADM, un tiers pour le groupe Ajinomoto et un tiers pour Kyowa et les producteurs coréens. Kyowa et Ajinomoto ont exprimé leur désaccord avec cette proposition, du moins pour ce qui était du calendrier. ADM a alors émis une autre suggestion, selon laquelle elle appliquerait sa proposition de quotas la deuxième année en lui affectant la totalité de la croissance supplémentaire du marché jusqu'à atteindre la part de marché d'Ajinomoto. Pour 1992, le système de quotas proposé était le suivant: Ajinomoto 66 000 tonnes, ADM 48 000 tonnes, Kyowa 34 000 tonnes, Sewon 18 000 tonnes et Cheil 6 000 tonnes. Ajinomoto était disposé à accepter un volume de 48 000 tonnes pour ADM en 1992 compte tenu des perspectives de croissance à terme. ADM a indiqué que, en tout état de cause, elle appliquerait la proposition sur les volumes de ventes à compter du 1er octobre 1992.

(74) Les participants ont également discuté du mécanisme à utiliser pour la répartition des quantités. ADM a expliqué que, dans l'industrie de l'acide citrique, les concurrents utilisaient différents moyens, formels et informels, pour suivre l'évolution des chiffres de ventes.

(75) Les participants sont convenus des niveaux de prix pour la lysine jusqu'à octobre: 1,05 dollar des États- Unis par livre prix rendu (il s'établissait à l'époque à 0,70 dollar des États-Unis par livre) pour l'Amérique du Nord (quant à l'Europe, les participants ont estimé que le prix pouvait y être " un peu plus élevé " qu'en Amérique du Nord). Sous réserve d'un accord définitif sur la proposition de répartition des ventes, le prix a été fixé à 1,20 dollar des États-Unis par livre pour la fin de l'année. Dans les autres territoires, le prix cible était fixé à 2,30 dollars des États-Unis par kilogramme caf (il était à l'époque inférieur à 2 dollars des États-Unis par kilogramme caf).

- Suivi

(76) Le 2 juillet 1992, Kyowa a reçu un appel téléphonique d'ADM l'informant que celle-ci acceptait un quota de production de 48 000 tonnes pour 1992, à condition d'atteindre l'égalité avec Ajinomoto en l'espace de trois ans.

(77) Le 10 juillet 1992, Ajinomoto et Kyowa se sont réunies avec les deux producteurs de lysine coréens à Tokyo, dans les bureaux d'Ajinomoto. Ajinomoto a informé les producteurs coréens des discussions sur la répartition des ventes qui avaient eu lieu avec ADM le 23 juin 1992. Ajinomoto et Kyowa ont présenté un plan de répartition basé sur le pouvoir de marché et le niveau d'investissement de chaque fournisseur. Il était proposé d'attribuer 73 500 tonnes à Ajinomoto, 37 000 tonnes à Kyowa, 48 000 tonnes à ADM, 20 500 tonnes à Sewon et 6 000 tonnes à Cheil pour la première année. Concernant l'Europe, la proposition de répartition était la suivante (sur 58 000 tonnes): Ajinomoto 34 000 tonnes, Kyowa 8 000 tonnes, ADM 5 000 tonnes, Sewon 13 500 tonnes et Cheil 5 000 tonnes. En cas de hausse de la demande en Amérique du Nord, l'accroissement du volume de ventes reviendrait à ADM, tandis que toute augmentation future des ventes en Europe irait à Eurolysine. Ajinomoto a indiqué que, si les participants parvenaient à un accord, la répartition définitive serait décidée avec ADM à la fin du mois de juillet. A l'effet de contrôler les quantités, les producteurs se réuniraient tous les trois mois pour recueillir et analyser les données relatives aux volumes de production et aux chiffres de ventes de chaque entreprise. Sewon s'opposait à un "système de quotas local basé sur la compétitivité". Elle a proposé que, à l'avenir, le contingent alloué à chaque partie soit basé sur la part de chaque partie dans les ventes de l'année précédente. Cheil a réclamé un volume de 15 000 tonnes. Aucun accord n'étant intervenu, il a été décidé que chaque participant retournerait au siège de sa société pour reconsidérer la question et qu'Ajinomoto serait informé des résultats de ce réexamen avant le 17 juillet. Ajinomoto a alors exposé le contenu des discussions avec ADM sur les prix, en particulier le relèvement du prix à 1,05 dollar des États-Unis par livre en Europe et en Amérique avant le 30 septembre 1992, puis à 1,20 dollar des États-Unis pas livre avant le 30 décembre 1992.

(78) Le 7 août 1992, les producteurs asiatiques se sont réunis de nouveau à Tokyo, dans les bureaux d'Ajinomoto. Ils ont repris leurs discussions en vue de parvenir à un accord sur la réduction des volumes de production de lysine. Ajinomoto a informé les autres participants qu'ADM était disposée, pour faire la démonstration de sa capacité de production, à inviter des employés de ses concurrents à visiter son usine à Decatur. Sewon a proposé une réduction générale de la production de 20 %.Elle a suggéré un plan de répartition modifié comme suit: Ajinomoto 64 800 tonnes, ADM 48 000 tonnes, Kyowa 33 600 tonnes, Sewon 26 600 tonnes et Cheil 12 000 tonnes. Ce nouveau plan n'a pas été accepté non plus, car Ajinomoto n'était pas satisfaite du volume qui lui était alloué et Cheil insistait pour avoir 15 000 tonnes. Les participants sont néanmoins convenus de poursuivre leurs discussions sur la réduction de la production. La proposition d'augmentation des prix a reçu un accueil favorable, mais il a été décidé d'en discuter davantage lors de la réunion suivante avec ADM. Ajinomoto a suggéré qu'il serait préférable, avant que les cinq entreprises se rencontrent, de rédiger un plan avec les différents scénarios envisageables, proposition aussitôt approuvée par toutes les entreprises participantes. Ajinomoto a proposé que la réunion suivante se tienne à Séoul.

(79) Le 27 août 1992, les producteurs asiatiques se sont réunis de nouveau, cette fois à Séoul, dans les bureaux de Cheil. Ils ont poursuivi leurs discussions du 10 juillet et du 7 août 1992. Les participants n'ont pas pu arriver à une décision quant aux étapes suivantes de la discussion avec ADM concernant la répartition des quotas de ventes de lysine. Ils ont exposé ce qui, de leur point de vue, devait être l'objet de la réunion avec ADM: non pas la décision sur l'attribution des volumes respectifs, mais la confirmation de la hausse de prix et l'examen des modalités d'application pratiques de cette hausse. Concernant le prix, les participants ont accepté le plan d'ADM visant à majorer le prix américain en le portant à 1,05 dollar des États-Unis par livre à compter du 31 août 1992. Ils ont noté qu'ADM avait déjà proposé ce prix à ses clients. Les filiales américaines d'Ajinomoto et de Kyowa prévoyaient d'annoncer le nouveau prix à partir de la mi-septembre. Une réunion européenne déciderait de la révision à la hausse du prix pour l'Europe.

(80) Le 8 septembre 1992, ADM et Ajinomoto se sont réunies à Chicago. Ajinomoto a suggéré de ne pas organiser la répartition des quotas de ventes de lysine sur une base mondiale, mais de limiter la production en fonction de la situation sur le marché local. ADM a accepté cette proposition, mais elle a insisté sur un quota de production total de 48 000 tonnes. Les deux participants ont confirmé le relèvement du prix à 1,05 dollar des États-Unis par livre, initialement convenu entre ADM et les producteurs japonais lors de la réunion de Mexico du 23 juin 1992, et accepté par les producteurs coréens lors de la réunion de Séoul du 27 août 1992.

c) Réunion du 1er octobre 1992 à Paris

(81) La réunion a eu lieu à l'hôtel Pullman Windsor, à Paris. Y assistaient des représentants d'ADM, d'Ajinomoto/Eurolysine, de Kyowa, de Sewon et de Cheil. La réunion avait été organisée par Ajinomoto/Eurolysine, qui avait contrefait un ordre du jour de la Fefana. Les participants n'ont discuté que des prix. Les cinq entreprises ont évalué l'impact des niveaux de prix convenus et ont échangé des informations sur l'acceptation des hausses de prix dans les différentes régions.

(82) Les participants ont parlé des prix en Europe, d'abord fixés à 3,50 marks allemands par kilogramme, puis à 3,75 marks allemands par kilogramme dans le cadre de la réunion de Séoul (27 août 1992). A la date de la réunion, le prix annoncé par les producteurs était de 4 marks allemands par kilogramme. Tous les participants ont cependant admis que ce prix n'était pas encore appliqué dans la pratique. Ils ont observé en particulier que le prix européen était alors supérieur de 22 % au prix américain. Préoccupés par le fait qu'une accentuation de l'écart entre les prix risquait d'attirer les importateurs parallèles, ils sont arrivés à la conclusion qu'il n'était pas possible pour le moment d'augmenter le prix européen. Les participants ont donc décidé de maintenir le prix à 4 marks allemands par kilogramme et de débattre d'une hausse éventuelle lors de leur prochaine réunion.

(83) Souhaitant que la participation aux réunions sur les prix européens soit plus restreinte, ADM a suggéré qu'elle n'assiste pas à la réunion européenne locale. Ajinomoto/Eurolysine a estimé que les réunions des directeurs locaux constituaient la meilleure enceinte pour ces discussions. Ces réunions continueraient donc comme auparavant, et le président d'Eurolysine ferait lui-même directement rapport à ADM.

(84) Les participants ont également fixé les prix pour les autres régions.

(85) Les participants ont par ailleurs discuté de la possibilité de créer un groupe de travail sur les acides aminés au sein de la Fefana. Ajinomoto a été chargé d'examiner les modalités pratiques de la formation d'un tel groupe.

- Suivi

(86) Le 29 octobre 1992, Kyowa a discuté avec Ajinomoto/Eurolysine des prix de la lysine en Europe.

(87) Le 2 novembre 1992, Ajinomoto/Eurolysine et Sewon se sont réunies à Séoul. Les participants ont discuté du comportement d'ADM sur le marché de la lysine. Ajinomoto a informé Sewon qu'ADM essayerait d'augmenter le prix jusqu'à ce que la demande commence à fléchir, et qu'ADM était satisfaite en ce temps-là des 48 000 tonnes de volume de ventes qui lui étaient attribuées. C'était la raison pour laquelle ADM n'avait pas évoqué la question de la répartition des quantités lors de la réunion de Paris du 1er octobre 1992. Ajinomoto s'attendait à ce qu'ADM réclame un volume maximal en 1993 et même davantage à la fin de 1993. L'absence d'un accord global sur les quotas de production était perçue comme un facteur déstabilisant pour les relations entre les producteurs. Elle était cependant atténuée par le fait que tous, y compris ADM, limitaient volontairement leurs ventes. Les participants n'en sont pas moins convenus qu'une coopération accrue sur les quotas s'avérait nécessaire. Sewon était disposée à se plier à une réduction pouvant aller jusqu'à 40 %.

(88) Au cours de cette réunion, Ajinomoto/Eurolysine a demandé à Sewon de suspendre ses ventes en Europe pendant les deux semaines à venir, de maintenir le prix à 4,25 marks allemands et de limiter ses ventes à 6 000 tonnes par an. Si Sewon ne réduisait pas son volume de ventes en Europe, Eurolysine prendrait des mesures antidumping à son encontre. Sewon a réaffirmé son intention de respecter les prix convenus et a accepté de limiter ses ventes en Europe à 6 000 tonnes par an. Les participants sont convenus de communiquer entre eux ouvertement et directement, au plus haut niveau, si leur personnel rompait l'accord.

(89) Le 4 novembre 1992, ADM et Ajinomoto ont discuté par téléphone de leurs politiques de vente dans le secteur de la lysine. Elles ont confirmé les prix pour l'Asie, l'Amérique du Nord et l'Océanie, tels qu'ils avaient été convenus lors de la réunion de Paris du 1er octobre 1992. Le prix pour l'Europe a été fixé à 4,25 marks allemands par kilogramme. ADM et Ajinomoto ont noté que Sewon s'écartait à certains égards des niveaux de prix convenus. Elles ont estimé opportun qu'ADM effectue des ventes de lysine sur le marché coréen "pour que Sewon apprenne à se conduire comme il faut ailleurs".

(90) Le 2 et le 5 novembre 1992, Ajinomoto et Cheil se sont réunies à Séoul. Cheil a informé Ajinomoto que, en termes de coopération, la hausse du prix de la lysine était un véritable succès et elle a manifesté son intention de poursuivre la coopération sur les prix de la lysine. En revanche, pour ce qui était des quotas, les positions restaient divergentes.

(91) A la suite des réunions de Mexico et de Paris, les prix avaient augmenté dans certaines régions, et notamment aux États-Unis et en Europe, mais pas partout. Les entreprises visées par la présente décision se sont alors reproché mutuellement de ne pas respecter les accords de prix. En conséquence, les relations entre les producteurs se sont détériorées.

(92) Le 30 novembre 1992, Ajinomoto, Kyowa, Sewon et Cheil se sont réunies dans les bureaux de Cheil à Séoul. Les participants ont noté qu'ADM proposait des prix très bas. Les communications avec ADM ont toutefois été interrompues en raison d'une perquisition du FBI chez ADM (qui a amené le président d'ADM Bioproducts Division de l'époque à coopérer avec le FBI dans l'enquête américaine sur la lysine). Les participants ont constaté qu'ils n'avaient pas d'autre choix que d'attendre qu'ADM rétablisse la communication.

(93) Convaincus que leur incapacité à conclure un accord global sur les volumes avait contribué à déclencher et à alimenter le retour à de bas prix, les producteurs ont repris les pourparlers sur la répartition des volumes de ventes. ADM et Ajinomoto avaient projeté d'organiser une réunion sur le "marché mondial (de la lysine)" vers la mi-janvier 1993. Le 21 janvier 1993, ADM a proposé à Kyowa une répartition régionale des volumes.

(94) Le 26 février 1993, Ajinomoto, Kyowa, Sewon et Cheil se sont réunies dans les bureaux d'Ajinomoto à Tokyo. Comme il n'y avait pas d'ordre du jour précis, Ajinomoto a proposé d'échanger des idées sur la baisse du prix de la lysine sur le marché mondial ainsi que sur les moyens de le faire repartir à la hausse. Pour ce qui concernait l'Europe, les participants ont noté que le prix se maintenait parce qu'Ajinomoto et Sewon limitaient leurs volumes de ventes. Quant à la situation mondiale, les participants sont parvenus à la conclusion qu'aucun progrès n'était réalisable.

(95) Afin de relancer la discussion sur les quotas, les dirigeants d'ADM et d'Ajinomoto ont décidé de tenir une réunion destinée à renforcer les relations entre les deux principaux acteurs du marché et à accélérer le processus devant aboutir à un accord global sur les volumes. Kyowa et Eurolysine souhaitant exprimer leurs vues avant la rencontre projetée entre ADM et Ajinomoto, ADM a tenu une réunion avec Kyowa le 15 avril 1993, puis avec Eurolysine le 28 avril 1993.

(96) Lors de sa réunion avec ADM le 15 avril 1993, Kyowa a soutenu que l'ensemble des concurrents devaient réduire leurs volumes de ventes.

(97) Au cours de leur réunion du 28 avril 1993, Eurolysine et ADM ont envisagé la possibilité de ne répartir les volumes de ventes que dans les régions où l'accord de fixation des prix avait effectivement débouché sur une augmentation des prix en 1992. Concernant l'Europe, ADM et Eurolysine s'accordaient à penser que la hausse des prix en Europe était l'effet de l'accord de prix conclu à Mexico (le 23 juin 1992) et que l'Europe était la seule région où cet accord avait été intégralement mis en œuvre.

(98) Le 30 avril 1993, Ajinomoto et ADM se sont réunies dans les bureaux d'ADM à Decatur. Cette réunion était destinée à permettre aux cadres dirigeants des deux plus importants producteurs de lysine de rétablir les relations entre les deux entreprises et d'engager le processus visant à mettre au point un accord global sur les volumes. Au cours de la réunion, ADM a évoqué l'importance pour une entreprise de restreindre sa force de vente en vue de maintenir les prix à un niveau élevé, et elle a expliqué que son personnel de vente avait généralement tendance à être très compétitif et que, à moins que les producteurs n'exercent un contrôle très ferme sur leur personnel de vente, il y aurait un problème de baisse des prix. Ajinomoto a fait savoir que tout le monde comprenait désormais qu'il était nécessaire d'ajuster l'offre. Les représentants d'ADM et d'Ajinomoto ont prévu une nouvelle réunion, qui a eu lieu à Tokyo le 14 mai 1993.

(99) ADM et Ajinomoto ont toutes deux informé Kyowa de leur réunion de Decatur.

(100) Le 14 mai 1993, ADM et Ajinomoto/Eurolysine se sont réunies à Tokyo afin de poursuivre la discussion entamée à Decatur. Les participants ont débattu de la taille du marché de l'époque et de la part de marché d'ADM. ADM a demandé 65 000 tonnes pour 1993. Les participants ont discuté de nouveau du mécanisme à mettre en place pour parvenir à un accord sur les volumes de vente et assurer le respect de cet accord. ADM a déclaré que les communications devaient se faire par le biais d'une association professionnelle. ADM a expliqué, à titre d'exemple, qu'elle faisait rapport chaque mois de ses ventes d'acide citrique à une association professionnelle et que ces chiffres étaient vérifiés chaque année par des comptables suisses. ADM a suggéré que les ventes de lysine soient notifiées de la même manière à, par exemple, Ajinomoto, qui pourrait alors rendre compte à chaque membre des résultats de chacun. ADM a précisé que ces rapports devaient avoir un caractère très confidentiel.

(101) Ajinomoto a rendu compte à Kyowa de sa réunion avec ADM à Tokyo. Les deux producteurs ont estimé que la revendication d'ADM concernant sa part dans le volume des ventes pour 1993 était inacceptable et que Sewon devait participer à la discussion sur les volumes.

(102) Le 27 mai 1993, Ajinomoto et Kyowa ont rencontré Sewon et l'ont informée de la part exigée par ADM dans la répartition des ventes pour 1993. Ajinomoto a déclaré que la coopération avait donné de bons résultats dans le passé, mais que l'entrée d'ADM sur le marché avait compliqué les choses. Sewon a réaffirmé qu'elle était toujours prête à négocier et à poursuivre les discussions avec Ajinomoto et Kyowa. Les participants ont estimé qu'il était nécessaire d'organiser une réunion entre les cinq producteurs en vue d'ajuster les volumes de ventes. Ajinomoto voulait garder l'initiative dans les négociations avec ADM, tandis que Sewon était chargée de persuader Cheil.

(103) Le 1er juin 1993, ADM a informé Kyowa qu'elle avait décidé de mettre fin à la baisse du prix de la lysine en Europe et qu'elle avait annoncé la veille un relèvement du prix à 0,81 dollar des États-Unis par livre.

(104) Le 18 juin 1993, Ajinomoto, Kyowa, Sewon et Cheil se sont réunies à l'hôtel Sankei-Kaikan, à Tokyo, pour discuter de la tactique à suivre lors de la réunion entre les cinq producteurs, qui devait se tenir à Vancouver le 24 juin 1993. Les participants ont échangé des informations sur les prix et les volumes de ventes par région. Ils ont discuté, sur cette base, des différents plans de répartition des ventes envisageables en partant de la première proposition d'Ajinomoto (54 000 tonnes pour ADM) ou de la part revendiquée par ADM (65 000 tonnes). Le plan qu'ils se proposaient de suivre, lors de la réunion avec ADM, était d'insister sur les 54 000 tonnes pour aboutir à un accord sur 60 000 tonnes. La répartition finale serait alors la suivante: Ajinomoto 81 200 tonnes, ADM 60 000 tonnes, Kyowa 44 400 tonnes, Sewon 32 900 tonnes et Cheil 13 500 tonnes. Ajinomoto a proposé que des réunions régionales aient lieu tous les trois mois et qu'un système de communication soit mis en place. Les participants ont confirmé les hausses de prix dans les différentes régions. Pour l'Europe, le prix était fixé à 3,20 marks allemands par kilogramme (sur la base du prix confirmé de 0,81 dollar des États-Unis par livre), puis à 4,20 marks allemands par kilogramme dès que le prix américain passerait à 1,05 dollar des États-Unis par livre.

d) Réunion du 24 juin 1993 à Vancouver

(105) La réunion s'est déroulée à l'hôtel Hyatt Regency, à Vancouver. Y assistaient des représentants d'ADM, d'Ajinomoto/Eurolysine, de Kyowa, de Sewon et de Cheil.

(106) L'ordre du jour comportait les produits suivants: 1) examen de la situation du marché; 2) ajustement de la production/des ventes pour chaque entreprise; 3) calendrier de hausse des prix; 4) système de communication (réunions régionales en particulier), et 5) création de l'organisation coopérative des producteurs de lysine.

(107) Les participants ont noté que les hausses de prix aux États-Unis et en Europe étaient une réussite, mais que, en revanche, les accords pour l'Amérique centrale, l'Amérique du Sud et l'Asie n'étaient pas correctement exécutés. Les participants ont envisagé une hausse des prix par étapes, de 0,81 dollar des États-Unis par livre à 0,95 dollar par livre, puis à 1,10 dollar par livre et enfin, si possible, à 1,20 dollar par livre.

(108) Ajinomoto a présenté un tableau retraçant la répartition des volumes de ventes sur la base d'une part de 54 000 tonnes attribuée à ADM. ADM a insisté pour maintenir son volume de production du moment, à savoir 65 000 tonnes. Cheil a insisté pour avoir 15 000 tonnes au lieu des 14 000 tonnes proposées par Ajinomoto. Les participants sont convenus que les présidents des cinq sociétés se réuniraient pour résoudre le problème.

(109) Pour ce qui était du système de communication, les Japonais voulaient des réunions locales. ADM s'y opposait et réclamait une communication directe à son siège.

(110) Tous les participants, à l'exception de Cheil, ont accepté de créer une organisation officielle des producteurs de lysine, qui serait gérée par Ajinomoto et ADM.

- Suivi

(111) Ajinomoto et ADM sont convenues d'une réunion à Paris le 5 octobre, qui serait organisée par Ajinomoto. Les principaux points de l'ordre du jour porteraient sur les questions de prix et de volumes ainsi que sur l'association. ADM a informé Ajinomoto que ses niveaux de production au cours des neuf derniers mois correspondaient à 65 000 tonnes par an, ce qui représentait une quantité minimale acceptable pour ADM. ADM a déclaré que l'égalité de parts de marché avec Ajinomoto, à laquelle elle entendait parvenir, pouvait être retardée de deux ou trois ans encore.

e) Réunion du 5 octobre 1993 à Paris

(112) La réunion a eu lieu au Grand Hôtel à Paris. Y assistaient des représentants d'Ajinomoto/Eurolysine, d'ADM,de Kyowa, de Sewon et de Cheil. La réunion avait été organisée par Ajinomoto, qui en avait établi l'ordre du jour et la présidait. Elle avait pour thèmes la création d'une association de producteurs d'acides aminés sous le parrainage de la Fefana, l'accord sur les prix pour le quatrième trimestre de 1993 et la répartition des volumes de ventes pour l'année suivante.

(113) Ajinomoto a rendu compte des progrès accomplis dans la création d'une association de producteurs.

(114) Concernant les tendances du marché, les participants ont noté que l'inondation causée par la crue du Mississipi durant l'été de 1993, qui avait détruit les récoltes de soja aux États-Unis, avait entraîné une hausse des prix des céréales, mais aussi la formation de stocks de lysine excédentaires. Ils s'attendaient par conséquent à une diminution des commandes, de sorte que, pour empêcher une baisse des prix, il fallait réduire l'offre. Pour l'Europe, les participants envisageaient une réduction de 40 à 50 %.

(115) Dans le cadre de l'examen des prix par région, les participants se sont aperçus que le prix européen convenu lors d'une réunion régionale, à savoir 5,30 marks allemands par kilogramme, était beaucoup plus élevé que les prix pratiqués dans les autres régions. Ils ont décidé de maintenir le prix européen à ce niveau.

(116) Pour la période comprise entre octobre 1993 et septembre 1994, chaque entreprise a exigé son volume de production. Il a été noté que Cheil a revendiqué 22 000 tonnes, ce qui représentait une quantité différente de celle qu'avait mentionnée cette entreprise lors de la réunion de Vancouver (du 24 juin 1993). ADM ne pouvant se déterminer à ce moment à réduire son volume de production, il a été décidé que les directions générales d'ADM et d'Ajinomoto interviendraient directement dans la discussion sur les quotas.

- Suivi

(117) Le 25 octobre 1993, les directions générales d'ADM et d'Ajinomoto se sont réunies à Irvine. Les participants ont discuté des modalités de répartition des quotas de ventes pour 1994 entre les différents producteurs de lysine. Ils ont évalué le volume de lysine que chaque producteur aurait vendu à la fin de 1993, et ADM a alors proposé d'utiliser ces chiffres pour calculer les volumes de ventes qui seraient attribués à chaque producteur pour 1994. Ils ont discuté des prévisions de croissance du marché pour 1994 et de la part de cette croissance qui pouvait être allouée à chaque producteur. ADM a déclaré que les autres producteurs de lysine pouvaient vendre chacun 2 000 tonnes de plus que ce qu'ils avaient vendu en 1993 et qu'ADM et Ajinomoto se partageraient le reste de la croissance des ventes de lysine sur le marché mondial en 1994. Ajinomoto ayant accepté ce plan de répartition, elle a été chargée d'obtenir l'assentiment des autres producteurs.

(118) A la suite de la réunion d'Irvine, les producteurs asiatique sont discuté de la proposition de répartition des volumes convenue à Irvine. Cheil et Sewon voulaient toutes deux une part plus importante. C'est pourquoi Cheil n'a pas assisté à la réunion suivante, qui s'est tenue le 8 décembre 1993 à Tokyo.

f) Réunion du 8 décembre 1993 à Tokyo

(119) La réunion s'est déroulée au Palace Hôtel à Tokyo. Y assistaient des représentants d'Ajinomoto/Eurolysine, d'ADM, de Kyowa et de Sewon.

(120) Les participants ont passé en revue les prix de la lysine région par région. Ils ont constaté que les prix convenus lors de la réunion de Paris (du 5 octobre 1993) n'étaient pas intégralement appliqués. Pour l'Europe, le prix courant était de 5 marks allemands par kilogramme au lieu des 5,30 marks allemands par kilogramme qui avaient été convenus et ce, malgré le fait que tous les producteurs avaient limité leurs ventes. Il a été décidé de maintenir le prix européen à 5,30 marks allemands par kilogramme pour le premier trimestre de 1994.

(121) Au cours de la réunion, les producteurs ont affiné le plan de répartition des volumes élaboré par ADM et Ajinomoto à Irvine. Ils ont alloué à chaque fournisseur un quota de ventes au niveau mondial et par région, y compris l'Europe. Sur le marché mondial, ADM s'est vu attribuer 67 000 tonnes (plus une part de la croissance du marché en 1994), Ajinomoto 84 000 tonnes et Kyowa 46 000 tonnes. ADM, Ajinomoto et Kyowa ont accepté le plan de répartition des volumes. Sewon devait recevoir 34 000 tonnes ou 37 000 tonnes, selon qu'Ajinomoto et Kyowa consentiraient ou non à ce que leurs volumes de ventes de 1992 soient vérifiés. Sewon a accepté cette proposition.

(122) ADM a proposé que ce soit Ajinomoto qui centralise les chiffres de ventes mensuels transmis par chaque producteur. La tâche d'Ajinomoto consisterait à suivre l'évolution de ces chiffres, de sorte que les producteurs seraient en mesure de procéder aux ajustements nécessaires pour limiter leurs volumes annuels respectifs aux plafonds convenus. A propos de la notification des chiffres de ventes mensuels, ADM a recommandé aux participants "de surveiller leurs téléphones et d'être très prudents". ADM a en outre proposé que les producteurs assistent à des réunions trimestrielles de l'association professionnelle pour ajuster leurs prix et leurs volumes de ventes conformément aux accords conclus. Elle a expliqué qu'une association professionnelle pouvait fournir un motif en apparence légitime, mais en réalité purement artificiel, de se rencontrer, et dissimuler ainsi le fait que des prétendus concurrents se réunissaient en secret pour discuter des prix et des volumes de ventes. ADM a décrit la façon dont on pouvait organiser des réunions "officielles" et des réunions "officieuses". Elle a expliqué que, à l'occasion d'une réunion officielle de l'association professionnelle, l'un des participants réserverait une suite d'hôtel et aviserait discrètement les autres, et ils se réuniraient alors secrètement pour discuter des prix et des volumes de ventes, à l'écart de la réunion officielle. Les participants sont convenus de procéder de la sorte.

- Suivi

(123) Des discussions ont eu lieu entre les producteurs asiatiques au sujet de la vérification des chiffres de ventes.

(124) Le 1er février 1994, ADM Ingrédients a tenu une réunion avec Eurolysine. Les deux entreprises ont discuté du prix courant et elles ont décidé de ralentir les livraisons, afin de maintenir le prix au niveau convenu. Il s'agit de la première réunion entre les représentants européens des producteurs de lysine, après les "réunions trilatérales" du premier semestre de 1992 (voir considérants 75 et 76), dont la Commission possède des preuves directes. Mais il ressort des preuves directement liées à d'autres réunions (27 août 1992, 1er octobre 1992 et 5 octobre 1993) que, durant toute la période couverte par la présente enquête, les représentants européens des producteurs de lysine se sont employés à ajuster et à affiner les décisions prises au niveau mondial.

(125) La première réunion officielle du groupe de travail de la Fefana sur les acides aminés a eu lieu le 26 janvier 1994, dans les bureaux de la Fefana, à Bruxelles. Le 15 février 1994, Eurolysine a invité les autres producteurs de lysine à une fausse "réunion de la task-force" de la Fefana, à Honolulu.

g) Réunion du 10 mars 1994 à Honolulu

(126) La réunion s'est tenue au Sheraton Makaha Resort. Y assistaient des représentants d'Ajinomoto/Eurolysine, d'ADM, de Kyowa, de Sewon et de Cheil. Kyowa présidait la réunion.

(127) Cette réunion à Hawaii était la première depuis qu'Ajinomoto/Eurolysine, ADM, Kyowa et Sewon avaient décidé de notifier leurs chiffres de ventes à Ajinomoto. Le matin, Ajinomoto/Eurolysine, ADM, Kyowa et Sewon ont discuté de leurs chiffres de ventes en les comparant aux chiffres retenus comme objectifs lors de la réunion de Tokyo (du 8 décembre 1993). Les participants ont ensuite débattu de l'opportunité de soumettre ces chiffres à un audit. Comme ils ne s'accordaient pas là-dessus, ils sont convenus que les directions générales des sociétés asiatiques trancheraient la question de la vérification des chiffres de ventes lors d'une réunion ultérieure.

(128) L'après-midi, Cheil, qui n'avait pas participé à la réunion du matin parce qu'elle voulait un quota de ventes plus important que celui qui avait été fixé antérieurement parles autres producteurs, s'est vu proposer 17 000 tonnes. Cheil a accepté cette offre et a également consenti à notifier ses chiffres de ventes.

(129) Les participants (y compris Cheil) ont ensuite débattu et fixé les prix de la lysine pour le second trimestre de 1994, pays par pays, dans les différentes régions: Amérique du Nord, Amérique centrale et du Sud, Europe, Moyen-Orient, Afrique et Asie.

(130) Sur le marché européen, les participants ont noté que le prix courant était inférieur à 5 marks allemands par kilogramme et que les utilisateurs finals semblaient attendre qu'il baisse davantage. De surcroît, les stocks semblaient avoir diminué, ce qui était apparemment dû aux manœuvres de certains négociants. Les participants sont convenus, avec effet immédiat, que le prix européen serait porté à 5,20 marks allemands par kilogramme.

(131) ADM et Ajinomoto ont proposé que les réunions officielles suivantes du groupe de travail sur les acides aminés soient utilisés comme "couverture" pour les réunions organisées par les producteurs à des fins collusoires.

- Suivi

(132) Le 15 mars 1994, Ajinomoto, Kyowa et Sewon se sont réunies au Royal Hôtel, à Tokyo. Les participants ont discuté du choix du cabinet d'experts-comptables qui serait chargé de vérifier les chiffres de ventes. Les Japonais voulaient que chaque entreprise utilise ses propres cabinets d'experts-comptables, tandis que Sewon proposait de désigner un seul cabinet pour l'ensemble des entreprises. Ils ont décidé de poursuivre la discussion lors de la réunion suivante. Le quota de ventes attribué à Sewon pour 1994 a été discuté une nouvelle fois. Les producteurs japonais parlaient de 34 000 tonnes, sur la base du volume de ventes effectif de Sewon pour 1992. Sewon réclamait 37 000 tonnes. Toutefois, si les résultats de l'audit effectué par le cabinet d'experts-comptables indiquaient que les ventes réalisées par Ajinomoto et Kyowa en 1992 s'élevaient respectivement à 84 000 et 46 000 tonnes, Sewon accepterait le quota de 34 000 tonnes pour 1994, à condition de se voir attribuer plus de 37 000 tonnes en 1995.

h) Réunion du 19 mai 1994 à Paris

(133) Le 19 mai 1994, à l'occasion de la deuxième réunion officielle du groupe de travail de la Fefana sur les acides aminés, qui s'est tenue à Paris, les cinq producteurs de lysine se sont rencontrés officieusement au Grand Hôtel.

(134) Les participants ont analysé leurs chiffres de ventes, qu'ils avaient communiqués à Ajinomoto, en les comparant aux chiffres retenus comme objectifs lors de la réunion de Tokyo (8 décembre 1993). Ajinomoto a affirmé que Sewon avait dépassé la quantité proportionnelle au total annuel de 34 000 tonnes et qu'il lui faudrait racheter à d'autres sociétés la quantité excédentaire à la fin de l'année. Sewon a déclaré qu'elle n'avait accepté les 34 000 tonnes qu'à la condition que les chiffres de ventes de 1992 de chacun des autres producteurs soient vérifiés par un cabinet d'audit indépendant. Puisque ADM, Ajinomoto et Kyowa considéraient qu'il n'était pas question pour elles de faire appel à d'autres cabinets que ceux qu'elles utilisaient elles-mêmes habituellement, Sewon insistait sur une part de 37 000 tonnes. ADM a prévenu Sewon que, si elle ne réduisait pas ses ventes, il y aurait des pressions sur les prix.

(135) Les participants ont ensuite discuté des prix par région. Pour l'Europe, ils sont convenus d'un prix plancher de 5,10 marks allemands par kilogramme à partir du 25 mai 1994. Les participants comptaient sur le maintien de ces prix jusqu'à leur prochaine réunion.

- Suivi

(136) Fin mai-début juin 1994, ADM a défini ses objectifs de vente et ses prix cibles à l'occasion d'une réunion interne tenue à Saint Louis. La filiale de vente européenne à reçu la stricte consigne de s'en tenir au prix cible de 5,10 marks allemands par kilogramme.

(137) Le 16 juin 1994, à l'occasion d'une réunion officielle de la Fefana à Düsseldorf, ADM Ingrédients, Eurolysine, Kyowa Europe et Cheil se sont rencontrées officieusement. Eurolysine a commenté la situation du marché européen, y compris les prix, pays par pays. Les participants ont noté que les prix tombaient au-dessous de 4,70 marks allemands par kilogramme. Ils sont convenus de maintenir le prix à 5,10 marks allemands par kilogramme.

(138) Le 30 juin 1994, Eurolysine a rencontré Sewon Europe. Eurolysine a donné des explications concernant la réunion du 16 juin à Düsseldorf. Sewon a observé que les prix réels sur le marché avaient toujours baissé à la suite de l'annonce d'une hausse de prix parce que Eurolysine annonçait une telle hausse après avoir obtenu des commandes de clients importants à l'ancien prix. Elle a conclu qu'il n'était pas possible d'augmenter le prix réel. Les participants ont également échangé leurs vues sur la situation du marché dans différents pays.

(139) Le 19 juillet 1994, à l'invitation d'Eurolysine, qui avait contrefait un ordre du jour de la Fefana, ADM Ingrédients, Eurolysine, Sewon Europe et Cheil se sont réunies à l'hôtel Hyatt Regency. Les participants sont convenus de maintenir jusqu'à la fin de l'année les prix suivants par kilogramme: Allemagne, 5,10 marks allemands ; France, 17,50 francs français; Belgique, 105 francs belges; Pays-Bas, 5,70 florins néerlandais ; Royaume-Uni, 2,10 livres sterling; Espagne et Portugal, 430 pesetas espagnoles (minimum: 425); Italie, 5 200 lires italiennes; Autriche, 36 schillings autrichiens. Ils sont convenus de coordonner leurs attitudes à l'égard de certains clients qui se révélaient difficiles à approcher individuellement. La discussion a également porté sur le fret américain qui arrivait sur le marché européen à environ 4,60 marks allemands ainsi que sur les conséquences de la faiblesse du dollar des États-Unis.

i) Réunion du 23 août 1994 à Sapporo

(140) La réunion a eu lieu à l'hôtel Hiroshima Prince, à Sapporo. Y assistaient des représentants d'Ajinomoto/Eurolysine, d'ADM, de Kyowa, de Sewon et de Cheil. Eurolysine avait invité les producteurs de lysine à une fausse "réunion de la task-force" de la Fefana.

(141) Les participants ont analysé leurs chiffres de ventes, qu'ils avaient communiqués à Ajinomoto, en les comparant aux chiffres retenus comme objectifs lors de la réunion de Tokyo (8 décembre 1993).

(142) Le quota de ventes attribué à Sewon pour 1994 a été discuté une nouvelle fois. Ajinomoto avait cru comprendre que la part de 37 000 tonnes allouée à Sewon était limitée à 1994 et qu'elle ne constituait pas la base du quota à fixer pour 1995. Sewon a répliqué que, si on ne lui attribuait pas 50 000 tonnes pour 1995, elle cesserait toute négociation sur les volumes de ventes. La quantité réclamée par Sewon étant supérieure à ce que prévoyaient les autres participants, la réunion a été suspendue pour que ces derniers puissent se consulter.

(143) Lorsque la réunion a repris, ADM a menacé les autres participants d'une nouvelle guerre des prix, en prédisant à Sewon de graves revers non seulement sur les marchés étrangers, mais aussi sur le marché coréen. Kyowa a rappelé aux autres qu'il était possible de maintenir des prix élevés si tous coopéraient et faisaient mutuellement des efforts. Kyowa a demandé à Sewon si elle voulait qu'une autre guerre des prix se déclenche. Sewon a répondu qu'il lui était impossible de coopérer avec les autres entreprises sur les volumes de production, mais qu'elle pouvait coopérer sur les prix. Les participants sont arrivés à la conclusion que Sewon pourrait avoir à l'avenir un statut d'observateur, et non de participant, dans le plan de répartition des quotas. Il a été convenu que cette question serait tranchée à l'occasion d'une réunion des dirigeants.

(144) Les participants ont poursuivi leur discussion sur les stratégies de prix actuelles et futures ainsi que sur l'évolution du marché dans chaque région. Pour ce qui concernait l'Europe, ils ont décidé de ne pas augmenter le prix, en raison de l'appréciation du mark allemand par rapport au dollar des États-Unis.

- Suivi

(145) Le 7 septembre 1994, ADM Ingrédients, Eurolysine, Sewon Europe et Cheil se sont réunies à l'hôtel Frankfurter Hof, à Francfort-sur-le-Main. Les participants ont réexaminé les résultats de la réunion de Sapporo (23 août 1994). ADM Ingrédients, Eurolysine et Cheil ont exprimé leur préoccupation au sujet du quota de ventes exigé par Sewon. Les participants ont ensuite analysé leurs chiffres de ventes en les comparant aux quotas convenus. ADM Ingrédients a proposé que le total des ventes de 1994 sur le marché européen soit ramené de 91 400 à 80 000 tonnes. Eurolysine a appuyé cette proposition, en observant que la demande était en régression en Europe (principalement en raison d'une offre abondante de farine de soja bon marché). Mais Cheil et Sewon Europe ont repoussé la proposition en faisant valoir qu'un volume de 80 000 tonnes était beaucoup trop réduit pour le marché européen. Les participants ont finalement fixé les prix de la lysine par kilogramme : Royaume-Uni, 2,10 à 2,25 livres sterling ; Espagne, 5,10 à 5,20 marks allemands ; les autres pays, autour de 5 à 5,10 marks allemands.

(146) Le 13 octobre 1994, ADM et Ajinomoto se sont réunies à l'hôtel Four Seasons, à Chicago. Les participants ont discuté des problèmes que leur posait le fait que Sewon insistait à présent pour développer la capacité de son usine de production de lysine en 1995. Ajinomoto a informé ADM que Sewon avait cessé de communiquer ses chiffres de ventes.

j) Réunion du 26 octobre 1994 à Zurich

(147) La réunion s'est déroulée au Dolder Grand, à Zurich. Y assistaient des représentants d'Ajinomoto/Eurolysine, d'ADM, de Kyowa, de Sewon et de Cheil.

(148) S'écartant de l'ordre du jour initialement prévu, Ajinomoto a demandé à Sewon, au début de la réunion, si elle avait modifié sa politique en matière de volumes de ventes depuis la réunion de Sapporo (23 août 1994) et quels seraient ses objectifs de vente pour 1995. Sewon a répondu qu'elle n'avait pas changé de politique et que son objectif était de vendre 50 000 tonnes. Ajinomoto a fait alors une proposition de répartition des quotas qui a été acceptée par tous les participants à l'exception de Sewon. Sewon a fait valoir qu'elle ne pouvait accepter cette proposition parce que ses priorités pour 1995 étaient 50 000 tonnes et 20 % de part de marché. Sewon a informé les autres participants que son prix promotionnel pour 1995 était fixé à 2,20 dollars des États-Unis par kilogramme. Les autres participants ont dit que, si Sewon persistait à accroître ses ventes, ils en feraient autant de leur côté. En outre, ADM a menacé d'augmenter ses ventes sur le marché coréen en les faisant passer de 1 000 à 5 000 tonnes par an si Sewon persistait dans son objectif de 50 000 tonnes. ADM a ajouté qu'elle pouvait faire baisser le prix standard de la lysine à 1,30 dollar des États-Unis par kilogramme pour obliger Sewon à revenir à la table des négociations. ADM a évoqué le fait que Sewon était la société la plus faible sur le plan financier, sous-entendant qu'elle pouvait être la cible d'une OPA. Kyowa a également émis la possibilité d'un rachat de Sewon si cette dernière insistait sur une capacité de 50 000 tonnes. Elle a demandé de but en blanc qui était le deuxième actionnaire principal de la société. Sewon a proposé de discuter des prix sans poursuivre les négociations sur les quotas. Les autres participants ont refusé, au motif qu'il était vain de débattre des prix sans accord préalable sur les volumes. ADM ayant quitté la réunion, celle-ci a été levée.

- Suivi

(149) Les 23 et 24 novembre 1994, Ajinomoto a rencontré Sewon à Séoul, afin de clarifier la situation après la réunion de Zurich (26 octobre 1994) et de préparer la réunion suivante. Sewon a indiqué qu'elle construisait une nouvelle usine pour le marché chinois et qu'elle entendait augmenter sa capacité en la portant à 50 000 tonnes en 1995/1996, les 39 000 tonnes proposées à Zurich étant inacceptables pour elle, compte tenu de son niveau d'investissement. Il a été convenu cependant que Sewon continuerait à coopérer sur les prix avec ses concurrents. En outre, il a été convenu que Sewon maintiendrait sa production à 37 000 tonnes pour 1994 et continuerait l'année suivante à envoyer ses rapports mensuels de ventes (à cette date, Ajinomoto avait reçu les rapports d'août et de septembre). Ajinomoto a rendu compte des résultats de la réunion à ADM, Kyowa et Cheil.

(150) Le 1er décembre 1994, à l'occasion d'une réunion officielle de la Fefana à Amsterdam, ADM Ingrédients, Eurolysine, Kyowa Europe et Cheil se sont rencontrées officieusement. Elles ont échangé des informations sur les prix et les volumes. Il a été suggéré qu'il n'y avait aucune raison que le prix européen soit inférieur au prix américain et que, par conséquent, un prix de 4,90 marks allemands par kilogramme était justifié. Les participants ont décidé de fixer le prix d'offre à 4,90 marks allemands par kilogrammes et le prix plancher à 4,80 marks allemands. Ils sont également convenus de réduire au minimum les livraisons au prix existant, compris entre 4,40 et 4,50 marks allemands.

(151) Le 6 décembre 1994, ADM Ingrédients et Eurolysine ont rencontré Sewon Europe à Francfort-sur-le-Main. Cette réunion avait notamment pour but d'expliquer à Sewon la discussion sur les prix qui était intervenue lors de la réunion d'Amsterdam (1er décembre 1994). Les participants ont également comparé les ventes effectives (de janvier à septembre), les prévisions de ventes pour l'année (à la fin de décembre) et les quotas attribués pour l'Europe. Sewon Europe a affirmé que, fondamentalement, elle ne souhaitait pas que les prix baissent et qu'elle était disposée à maintenir les prix convenus, mais que ceux-ci étaient vidés de leur sens du moment qu'Eurolysine vendait à l'avance à un prix inférieur au prix convenu. Si cette situation se prolongeait, Sewon vendrait aux prix qu'elle pourrait fixer, indépendamment de toute autre considération. Elle ne s'en tiendrait aux niveaux de prix convenus que s'ils correspondaient aux conditions du marché. A titre de cas modèle, Sewon Europe a suggéré que les producteurs suspendent leurs ventes en Espagne pendant deux semaines, pour les reprendre une fois que le prix convenu serait atteint sur le marché. Eurolysine et ADM Ingrédients ont informé Sewon Europe qu'ils avaient annoncé le jour même le nouveau prix convenu.

(152) Le 12 décembre 1994, Ajinomoto et Sewon se sont de nouveau réunies, afin de poursuivre les discussions entamées le 23 novembre 1994 à Séoul. Ajinomoto a déclaré que, cette année-là, tous les producteurs de lysine avaient maintenu des contacts étroits et se trouvaient satisfaits des prix atteints. Elle a prévenu Sewon que, si une guerre des prix était déclenchée, il était certain que toute le monde y perdrait. Elle a donc exhorté Sewon à trouver des points sur lesquels tous pourraient s'entendre. Sewon a déclaré que, pour 1995, sa politique consistait à acquérir 20 % de part de marché et à vendre 50 000 tonnes. Toutefois, Sewon était prête à limiter ses ventes à 46 000 tonnes. Ajinomoto a proposé d'attribuer à Sewon un quota de 40 000 tonnes et de lui acheter les 6 000 tonnes restantes pour les écouler sous la marque d'Ajinomoto. Sewon a rejeté cette proposition en insistant sur un volume propre de 46 000 tonnes. Elle s'est néanmoins engagée à maintenir le prix au niveau d'Ajinomoto.

k) Réunion du 18 janvier 1995 à Atlanta

(153) Le 18 janvier 1995, des représentants d'Ajinomoto/Eurolysine, d'ADM, de Kyowa, de Sewon et de Cheil se sont réunis à Atlanta.

(154) Les participants ont comparé les quotas de production qui avaient été fixés pour 1994 avec les chiffres de ventes effectivement réalisés au cours de la même année. Ils ont conclu que la différence entre le quota attribué à chaque entreprise et ses ventes effectives n'était pas excessive et qu'il était donc possible de maintenir le niveau de prix. Les participants ont par ailleurs décidé d'établir les nouveaux quotas en fonction de la taille prévisionnelle du marché pour 1995. Tous les participants, à l'exception de Sewon, qui réclamait une part de marché plus importante, sont convenus de maintenir les parts de marché qui avaient été fixées pour 1994, à savoir Ajinomoto 33 %, ADM 27 %, Kyowa 19 %, Sewon 14 % et Cheil 7 %.

(155) Tous les participants, y compris Sewon, ont accepté de continuer à communiquer leurs chiffres de vente mensuels à Ajinomoto.

(156) Concernant les prix, les participants sont convenus, entre autres, de relever le prix européen de 4,50 à 4,90 marks allemands par kilogramme, avec un prix plancher exceptionnel de 4,80 marks allemands par kilogramme.

- Suivi

(157) Le 30 janvier 1995, les représentants européens des producteurs d'acides aminés se sont réunis, manifestement dans le but de revoir les prix pour le premier trimestre de 1995. Kyowa a été informée par téléphone des résultats de la réunion.

(158) Le 9 mars 1995, à l'occasion d'une réunion officielle de la Fefana à Bâle, ADM Ingrédients, Eurolysine, Sewon Europe et Cheil se sont rencontrées officieusement à l'hôtel Hilton. Cette réunion avait pour but de procéder à un ajustement des prix pour le deuxième trimestre de 1995, compte tenu de la faiblesse du dollar des États-Unis et de la force du mark allemand. Les participants s'attendaient à ce que la baisse des prix se poursuive, en raison des pratiques des négociants consistant à importer le produit des États-Unis, où le prix était de 2,64 dollars des États-Unis par kilogramme. Face à cette situation, les participants sont convenus des prix suivants par kilogramme: Royaume-Uni, 1,95 à 2 livres sterling ; Espagne, 4,10 marks allemands; Italie, 5 200 à 5 300 lires italiennes; France, 15,70 à 16 francs français;autres marchés européens, 4,40 à 4,50 marks allemands. Une discussion est intervenue entre Sewon et ADM au sujet d'empiètements réciproques sur leur clientèle respective au Royaume-Uni.

l) Réunion du 21 avril 1995 à Hong Kong

(159) La réunion a eu lieu au Regent Hôtel à Hongkong. Y assistaient des représentants d'Ajinomoto/Eurolysine, d'ADM, de Kyowa, de Sewon et de Cheil.

(160) Les participants ont comparé les quotas de production qui avaient été fixés pour 1994 ainsi que pour la période de janvier à mars 1995 avec les chiffres de vente effectivement réalisés durant la même période. Sewon ayant accru son volume de ventes de manière à dépasser son quota de 1995, les autres entreprises ont élevé de vives protestations. Sewon a confirmé une fois de plus que son objectif de vente était ferme et inaltérable. Ajinomoto et Kyowa ont exhorté Sewon à réduire ses ventes, sinon le prix sur le marché s'en ressentirait. Sewon a fait valoir que le prix avait chuté indépendamment de l'accroissement des volumes de ventes.

(161) Les participants ont également discuté des prix de vente région par région. Concernant l'Europe, ils ont décidé de baisser le prix antérieurement convenu, qui était de 4,80 marks allemands par kilogramme (réunion du 18 janvier 1995), pour le ramener à 4,50 marks allemands par kilogramme. L'idée était de rediscuter ce prix lors d'une réunion des responsables des ventes en Europe.

(162) Les participants ont noté que, en Europe, les fabricants de prémélanges revendaient de la lysine, ce qui provoquait une baisse des prix. Ajinomoto a déclaré qu'il fallait faire cesser les réimportations, organisées par les négociants, de produits originairement importés d'autres régions. Elle a en outre demandé à Sewon d'empêcher son distributeur canadien de vendre dans d'autres régions que le Canada.

(163) Enfin, il a été convenu que Kyowa serait l'hôte de la réunion suivante, prévue pour le 7 juillet 1995 aux îles Caïmans.

- Suivi

(164) Le 27 avril 1995, ADM Ingrédients, Eurolysine, Kyowa Europe, Sewon Europe et Cheil se sont réunies à l'hôtel Sofitel, à Bruxelles. Les participants ont comparé les volumes de ventes qu'ils avaient enregistrés en Europe (ainsi qu'en Afrique et au Moyen-Orient) au cours du premier semestre de 1995. Sewon n'ayant présenté que des estimations, elle a été invitée à fournir les chiffres exacts. Les autres participants se sont plaints de l'augmentation du volume de ventes de Sewon. Les participants ont ensuite réexaminé la discussion sur les prix qui avait eu lieu lors de la réunion de Hongkong (21 avril 1995). Après quoi, ils ont discuté en détail du marché européen. Ils sont convenus d'un prix plancher de 4,25 marks allemands par kilogramme pour l'Europe, et ils ont fixé les prix dans chaque monnaie. Ces prix devaient s'appliquer aux livraisons effectuées entre le 27 avril et la fin du mois de juin. Par la suite, il était prévu d'annoncer un prix de 4,50 marks allemands par kilogramme. Les participants sont convenus de l'explication à donner aux acheteurs. Il a également été décidé de ne pas insérer dans le contrat de clause relative au traitement le plus favorable. La réunion suivante des représentants européens a été fixées au 19 mai 1995 à Utrecht.

(165) Le 23 mai 1995, apparemment, à l'occasion de la réunion officielle de la task-force de la Fefana sur la pollution de l'environnement, ADM Ingrédients, Eurolysine, Kyowa Europe, Sewon Europe et Cheil se sont réunies. Les participants ont échangé des informations détaillées sur les prix et les volumes pratiqués par chaque producteur dans les différents pays européens. Le nouveau prix européen, valable à compter du lundi suivant la réunion, a été fixé à 4,25 marks allemands par kilogramme. Les participants ont alors établi le prix dans chaque monnaie européenne. Tous les participants sont convenus de respecter rigoureusement ce niveau de prix. L'idée de partager la clientèle entre les producteurs a été avancée.

(166) Le 27 juin 1995, le FBI a perquisitionné dans les bureaux d'ADM, de Heartland Lysine (filiale d'Ajinomoto) et de Sewon America.

F. PROCÉDURE DE LA COMMISSION

(167) En juillet 1996, immédiatement après la publication de la communication de la Commission concernant la non imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (5), Ajinomoto a proposé à la Commission, sur la base de cette communication, sa pleine coopération pour établir l'existence d'une entente sur le marché de la lysine et ses effets dans l'EEE. Elle a, par la suite, produit des éléments de preuve concernant cette entente, et elle a continué à fournir des informations complémentaires.

(168) Les 11 et 12 juin 1997, la Commission a procédé à des vérifications ordonnées par voie de décision auprès de deux filiales européennes d'ADM ainsi que dans les bureaux de Kyowa Europe. ADM a publié un communiqué de presse sur les vérifications effectuées dans ses filiales.

(169) Immédiatement après les vérifications entreprises auprès d'ADM et de Kyowa, la Commission a informé par téléphone Sewon Europe et le bureau de vente européen de Cheil qu'elle avait ouvert une procédure au titre de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE.

(170) Quelques jours après les vérifications effectuées dans ses bureaux, Kyowa a fait savoir qu'elle était éventuellement disposée à coopérer avec la Commission. après avoir discuté avec la Commission des termes de référence de sa coopération possible, Kyowa a produit des documents professionnels, et ses représentants ont exposé oralement la chronologie des réunions et autres contacts entre les producteurs de lysine. Par la suite, Kyowa a continué à fournir des informations complémentaires.

(171) Le 28 juillet 1997, en application de l'article 11 du règlement n° 17, la Commission a adressé à ADM, ADMIngrédients, Sewon, Sewon Europe et Cheil des demandes de renseignements concernant leur comportement sur certains marchés des acides aminés et, en particulier, les documents professionnels relatifs aux réunions de l'entente identifiées dans la demande.

(172) après avoir reçu la demande de renseignements, Sewona fait savoir qu'elle était disposée à coopérer avec la Commission. Elle a présenté des procès-verbaux des réunions entre les producteurs de lysine. Sewon a également donné des renseignements concernant des réunions qui n'étaient pas mentionnées dans la demande de la Commission. Elle a continué par la suite à fournir des informations complémentaires.

(173) Cheil a répondu qu'il n'existait pas de comptes rendus complets ou exacts des réunions identifiées dans la demande de renseignements de la Commission. Elle avait toutefois interrogé chacun des membres de l'équipe qui avait participé aux réunions, afin d'obtenir un exposé détaillé de ce qui avait effectivement été discuté. Cheil a également donné des renseignements concernant des réunions qui n'étaient pas mentionnées dans la demande de la Commission.

(174) ADM et ADM Ingrédients n'ayant pas répondu à la demande de la Commission dans le délai imparti en fournissant les renseignements requis, la Commission, par lettre recommandée du 14 octobre 1997, a rappelé aux deux entreprises qu'elle n'avait reçu aucun des renseignements requis. Dans cette lettre, la Commission a expressément déclaré que le retard apporté à répondre à la demande de renseignements entravait la conduite de la présente affaire.

(175) Finalement, le 24 octobre 1997, ADM Ingrédients a répondu à la demande de la Commission au sujet de la lysine, mais elle n'a présenté aucune information concernant les autres acides aminés. ADM n'a jamais répondu.

(176) Le 29 octobre 1998, la Commission a engagé la procédure dans la présente affaire et a adopté une communication des griefs à l'encontre des entreprises destinataires de la présente décision. Toutes les parties ont présenté des observations écrites en réponse aux griefs retenus par la Commission. Une audition s'est tenue le 1er mars 1998. Le 16 août 1999, la Commission a adopté une communication des griefs complémentaire.

G. ENQUETE SUR LA LYSINE AUX ÉTATS-UNIS

(177) Le 27 juin 1995, à l'issue d'une enquête secrète qui avait duré plus de deux ans, le FBI a perquisitionné dans les bureaux d'ADM, de Heartland Lysine (filiale d'Ajinomoto) et de Sewon America.

(178) En août et octobre 1996, les parties ont été inculpées par les autorités américaines d'avoir formé une entente secrète visant à supprimer et à éliminer la concurrence en fixant le prix de la lysine et en répartissant les volumes de vente de ce produit. Les parties défenderesse sont signé des accords avec le juge par lesquels elles acceptaient de payer des amendes. ADM a acquitté une amende de 70 millions de dollars des États-Unis (sur un total de 100 millions de dollars des États-Unis, si l'on inclut l'entente sur l'acide citrique), ce qui était un montant sans précédent à l'époque. Dans les accords qu'elles ont passés avec le juge, Ajinomoto et Kyowa ont accepté de payer chacune une amende de 10 millions de dollars des États-Unis, et Cheil a accepté de payer 1,25 million de dollars des États-Unis. Quant à Sewon, le gouvernement américain n'a poursuivi que la filiale de Sewon aux États-Unis, Sewon America.

(179) Le 4 novembre 1992, l'ancien président de la Bioproducts Division d'ADM, qui exerçait ses fonctions dans cette entreprise durant la période considérée, a commencé à travailler avec le FBI. Il a accepté de suivre toutes les instructions données par les agents du FBI. Actuellement, l'ancien président de la Bioproducts Division d'ADM purge une peine de prison de neuf ans pour le vol de près de 10 millions de dollars des États-Unis à ADM.

(180) Le 9 juillet 1999, un juge américain a condamné l'ancien vice-président d'ADM ainsi que deux anciens responsables à la prison et à des amendes pour leur rôle dans l'entente qui est l'objet de la présente procédure.

H. ENQUETE SUR LA LYSINE AU CANADA

(181) Le 27 mai 1998, les autorités canadiennes ont annoncé qu'ADM plaidait coupable pour avoir participé à des ententes sur la fixation des prix et le partage du marché et qu'une amende de 16 millions de dollars canadiens lui avait été imposée. L'amende infligée à Ajinomoto s'élevait à 3,5 millions de dollars canadiens, celle infligée à Sewon à 70 000 dollars canadiens. Cheil n'a pas été poursuivie parce que, durant la période de l'entente, elle n'avait pas vendu de lysine au Canada. Kyowa s'est vu accorder l'immunité.

II. APPRÉCIATION JURIDIQUE

A. COMPÉTENCE

(182) La présente procédure porte sur des accords conclus à l'intérieur et à l'extérieur de l'EEE par des entreprises établies à l'intérieur et à l'extérieur de cette région. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice et du Tribunal de première instance des Communautés européennes, lorsque des producteurs établis à l'extérieur de l'EEE effectuent des ventes directement à des acheteurs établis dans l'EEE et se livrent à une concurrence par les prix pour emporter les commandes de ces clients, il y a une concurrence à l'intérieur du marché commun. Il s'ensuit que, lorsque ces producteurs se concertent sur les prix et sur la répartition des volumes de ventes et mettent en œuvre cette concentration dans l'EEE, ils participent à des accords qui ont pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE[voir l'arrêt du 27 septembre 1988 dans les affaires jointes 89, 104,114, 116, 117 et 125 à 129-85, Ahlström et autres contre Commission (6)].

B. ARTICLE 81 DU TRAITÉ CE ET ARTICLE 53 DE L'ACCORD EEE

(183) La Commission considère que les entreprises visées par la présente décision ont enfreint l'article 81 du traité CE et l'article 53 de l'accord EEE en ce que, à l'intérieur de l'EEE et dans le cadre d'un accord, elles ont fixé les prix de la lysine, contrôlé l'offre et procédé entre elles à une répartition des volumes de ventes et qu'elles ont échangé des informations sur leurs volumes de ventes aux fins de contrôler le respect des quotas de ventes dont elles étaient convenues.

1. Article 81, paragraphe 1, du traité CE et article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE

a) Entreprises

(184) Les entreprises visées par la présente décision sont des entreprises au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

b) Accords

(185) Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, pour qu'il y ait accord au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée [voir les arrêts du 15 juillet 1970 dans l'affaire 41-69, ACF Chemie farma contre Commission (7), et du 29 octobre 1980 dans les affaires jointes 209 à 215 et 218-78, Heintz van Landewyck contre Commission (8)]. Le fait qu'une entreprise ait assisté à des réunions impliquant des activités anticoncurrentielles suffit à établir sa participation à ces activités, en l'absence de preuve de nature à établir le contraire [voir les arrêts du 10 mars 1992 dans l'affaire T-14-89, Montedipe contre Commission (9), et du 11 mars 1999 dans l'affaire T-141-94, Thyssen contre Commission (10)].

- Accords de prix

(186) En juillet 1990, Ajinomoto, Kyowa et Sewon sont convenues d'augmenter le prix de la lysine sur le marché mondial (considérant 52). En septembre 1990, Ajinomoto, Kyowa et Sewon ont fixé, entre autres, le prix européen de la lysine à 4,60 marks allemands par kilogramme (considérant 53).

(187) Dans la première quinzaine du mois de décembre 1990, Ajinomoto, Kyowa et Sewon ont fixé le prix européen à 4,80 marks allemands par kilogramme (considérant 54).

(188) Le 18 février 1991, Ajinomoto, Kyowa et Sewon ont fixé le prix sur le marché européen à 4,70 marks allemands par kilogramme (considérant 56).

(189) Le 12 mars 1991, Ajinomoto, Kyowa et Sewon sont convenues de maintenir le prix de la lysine en Europe à 4,70 marks allemands par kilogramme (considérant 61).

(190) Le 4 juillet 1991, Ajinomoto, Kyowa et Sewon ont fixé le prix en Europe à 4,30 marks allemands par kilogramme (considérant 64).

(191) Par la suite, Ajinomoto, Kyowa et Sewon ont continué à discuter des prix de la lysine.

(192) Ajinomoto et Kyowa sont convenues, le 10 mars 1992, de suivre les prix d'ADM, afin de conserver leurs parts de marché (considérant 65).

(193) Au cours d'une réunion qui s'est apparemment tenue à la fin du mois de mars 1992, et dont Sewon Europe a rendu compte le 30 mars 1992 à son siège en Corée, Ajinomoto, Kyowa et Sewon sont convenues de maintenir le prix européen à 3,76 marks allemands par kilogramme (considérant 66).

(194) Fin avril-début mai 1992, Ajinomoto, Kyowa et Sewon ont confirmé l'accord de prix qu'elles avaient conclu fin mars 1992 (considérant 67).

(195) Le 23 juin 1992, ADM, Ajinomoto et Kyowa ont fixé le niveau de prix de la lysine sur le marché mondial, niveau qu'elles entendaient maintenir jusqu'à la fin de l'année. Les participants sont convenus que le prix européen de la lysine pouvait être un peu plus élevé que le prix nord-américain, fixé à 1,05 dollar des États-Unis par livre jusqu'à octobre et à 1,20 dollar des États-Unis par livre pour la fin de l'année (le prix pour l'Europe correspondant manifestement aux 3,50 et 3,75 marks allemands par kilogramme mentionnés lors de la réunion du 1er octobre 1992). Cet accord de prix était subordonné à un accord sur les volumes de ventes d'ADM. ADM réclamait 48 000 tonnes pour 1992 (considérant 73). Ajinomoto, Kyowa et Sewon ont accepté la revendication d'ADM (réunions du 10 juillet et du 7 août 1992), et ADM était satisfaite de la part obtenue (d'après ce qui a été dit lors de la réunion du 2 novembre 1992 entre Ajinomoto et Sewon). Cheil et Sewon ont souscrit à l'accord de prix le 27 août 1992 (considérant 79).

(196) Le 1er octobre 1992, les cinq producteurs de lysine ont fixé le prix à 4 marks allemands par kilogramme (considérant 82).

(197) Les 2, 4 et 5 novembre 1992, ADM, Ajinomoto, Sewon et Cheil sont convenus de fixer le prix de la lysine en Europe à 4,25 marks allemands par kilogramme (considérants 87, 89 et 90). Cette fixation de prix avait été préparée par la discussion du 29 octobre 1992 entre Ajinomoto et Kyowa; par conséquent, Kyowa était impliquée elle aussi dans cet accord (considérant 86).

(198) Le 1er juin 1993, ADM a informé Kyowa qu'elle avait cessé de diminuer le prix de la lysine. Le nouveau prix standard était fixé à 0,81 dollar des États-Unis par livre. Le 18 juin 1993, sur la base de ce nouveau prix, les producteurs asiatiques ont fixé le prix européen à 3,20 marks allemands par kilogramme (considérant 104). Le 24 juin 1993, les cinq producteurs de lysine ont confirmé cet accord de prix, tout en envisageant une nouvelle hausse des prix par étapes (considérant 107).

(199) Le 5 octobre 1993, compte tenu, à ce qu'il apparaît, de l'inondation causée par la crue du Mississippi, qui avait détruit les récoltes de soja aux États-Unis, les cinq producteurs ont fixé le prix européen à 5,30 marks allemands par kilogramme (considérant 114). Lors de la réunion du 8 décembre 1993, ce prix a été confirmé (considérant 120).

(200) Le 10 mars 1994, les cinq producteurs ont fixé le prix européen de la lysine à 5,20 marks allemands par kilogramme (considérant 130).

(201) Le 19 mai 1994, les cinq producteurs de lysine ont fixé le prix plancher pour l'Europe à 5,10 marks allemands par kilogramme (considérant 135). ADM, Ajinomoto, Kyowa et Cheil ont confirmé cet accord le 16 juin 1994 (considérant 137). Le 30 juin 1994, Ajinomoto a informé Sewon que l'accord avait été confirmé. Le 19 juillet 1994, ADM, Ajinomoto, Sewon et Cheil sont convenues de maintenir le prix à 5,10 marks allemands par kilogramme jusqu'à la fin de 1994 (considérant 139). Les cinq producteurs de lysine ont confirmé une nouvelle fois cet accord le 23 août 1994 (considérant 144).

(202) Le 7 septembre 1994, ADM, Ajinomoto, Sewon et Cheil ont fixé le prix de la lysine dans une fourchette de 5 à 5,20 marks allemands en Europe (considérant 145). Le 23 novembre 1994, Sewon a confirmé qu'elle maintiendrait ce niveau de prix elle aussi (considérant 149).

(203) Le 1er décembre 1994, ADM, Ajinomoto, Kyowa et Cheil ont fixé le prix d'offre minimal à 4,80 marks allemands par kilogramme pour l'Europe (considérant 150). Le 12 décembre 1994, Sewon a accepté de fixer le prix à ce niveau (considérant 152).

(204) Le 18 janvier 1995, les cinq producteurs sont convenus de fixer le prix cible sur le marché européen à 4,90 marks allemands par kilogramme, avec un prix plancher exceptionnel de 4,80 marks allemands par kilogramme (considérant 156).

(205) Le 9 mars 1995, ADM, Ajinomoto, Sewon et Cheil ont fixé le prix européen dans une fourchette de 4,40 à 4,50 marks allemands par kilogramme (considérant 158). Les cinq producteurs ont confirmé ce prix le 21 avril 1995 (considérant 161).

(206) Le 27 avril 1995, les cinq producteurs de lysine ont fixé le prix plancher pour l'Europe à 4,25 marks allemands par kilogramme, et le prix cible à 4,50 marks allemands par kilogramme (considérant 164). Le 23 mai 1995, les cinq producteurs ont confirmé le prix plancher (considérant 165).

(207) Il y a lieu par conséquent de conclure que, depuis au moins juillet 1990, Ajinomoto, Kyowa et Sewon ont exprimé à plusieurs reprises leur volonté commune d'appliquer certains prix de ventes dans l'EEE, d'où il s'ensuit qu'elles ont conclu des accords au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE. ADM est devenue partie aux accords de prix avec les producteurs de lysine en place à dater du 23 juin 1992, et Cheil à dater du 27 août 1992.

(208) La Commission n'a pas de raison de croire que, après le 27 juin 1995, date à laquelle ont eu lieu les perquisitions du FBI, les entreprises visées par la présente décision aient conclu d'autres accords de prix.

(209) Selon ADM, l'examen des documents produits par la Commission pour démontrer que la date de début de la participation d'ADM dans l'infraction coïncide avec la réunion qui s'est tenue à Mexico, le 23 juin 1992, entre des représentants d'ADM, d'Ajinomoto/Eurolysine et de Kyowa ne permet pas d'étayer cette conclusion. Elle estime qu'aucun accord impliquant ADM dans l'entente n'est intervenu à cette époque. ADM fait observer que l'accord de prix formé lors de la réunion de Mexico était subordonné à un accord sur la répartition des volumes de ventes. De l'avis d'ADM, aucun accord de prix définitif ne peut avoir été conclu avant le 8 décembre 1993 (date de la réunion de Tokyo).

(210) Quant à cet argument, il convient de noter que les accords qui sont conclus à une condition n'en sont pas moins des "accords" au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE. Par conséquent, l'accord d'ADM sur les prix discutés lors de la réunion de Mexico, lequel était subordonné à l'accord des autres producteurs sur un quota de 48 000 tonnes, rentre dans cette catégorie. De plus, cet accord est devenu inconditionnel. Le 23 juin 1992, à Mexico, Ajinomoto/Eurolysine et Kyowa ont accepté la part de production réclamée par ADM. ADM a alors confirmé, le 2 juillet 1992, son accord sur la part qui lui était allouée. Sewon a accepté le 7 août 1992. A peu près à la même époque, Cheil a accepté elle aussi de limiter ses ventes (d'après ce qui a été dit lors de la réunion du 2 novembre 1992 entre Ajinomoto et Sewon). La condition pour que l'accord de prix du 23 juin 1992 devienne inconditionnel était par conséquent remplie.

- Accords sur les quantités

(211) Il ressort des procès-verbaux des réunions des 18 février et 12 mars 1991 qu'Ajinomoto, Kyowa et Sewon sont convenues de vendre sur le marché mondial, en 1991, les mêmes quantités qu'en 1990 (considérants 57 et 61). Il y a eu au moins accord entre les participants pour que, en 1991 en Europe, Sewon limite ses volumes de ventes au niveau de 1990. En outre, au moins en 1991, Ajinomoto, Kyowa et Sewon sont convenues d'appliquer le principe du marché domestique, selon lequel le producteur local écoule le maximum de sa production dans sa propre région. Le producteur local en Europe était Ajinomoto/Eurolysine.

(212) La Commission parvient à cette conclusion en se fondant sur le fait que Kyowa et Ajinomoto ont insisté sur ce principe (réunions du 18 février 1991 et du 19 juin 1992) et que Sewon s'était soumise au même principe (considérants 56 et 68).

(213) Le 23 juin 1992, ADM, Ajinomoto et Kyowa ont approuvé la proposition de coordination des volumes de ventes de lysine sur le marché mondial (considérants 73 et 74). Le 10 juillet 1992, les deux producteurs de lysine coréens ont souscrit à l'idée de coordonner leurs ventes avec ADM (considérant 77).

(214) Le 10 juillet 1992, Ajinomoto et Kyowa ont proposé aux producteurs coréens un plan de répartition des ventes pour 1992 qui prévoyait l'attribution d'un quota de 48 000 tonnes à ADM (considérant 77). ADM avait déjà fait savoir, le 2 juillet 1992, qu'elle acceptait son quota pour 1992 (considérant 76) (confirmé lors de la réunion du 8 septembre 1992 - considérant 80). Il ressort de la réunion du 7 août 1992 que Sewon a accepté l'accord sur le quota d'ADM (considérant 78). Sewon a confirmé son acceptation à l'occasion de la réunion du 2 novembre 1992 (considérant 87). Elle a en outre accepté, lors de cette réunion, de limiter ses ventes en Europe à 6 000 tonnes. Quant à Cheil, bien qu'elle ne soit pas convenue d'un quota de ventes individuel, elle a accepté, dans le cadre du plan de coordination des volumes de ventes, de limiter ses ventes (d'après ce qui a été dit lors de la réunion du 2 novembre 1992 entre Ajinomoto et Sewon - considérant 87).

(215) Les négociations en vue d'un accord sur les quotas de ventes individuels pour 1993 ont commencé le 21 janvier 1993. Bien que les parties aient poursuivi leurs efforts pendant l'été de 1993, elles ne sont pas parvenues à un accord global sur la répartition des ventes entre chaque producteur pour 1993. Toutefois, le 5 octobre 1993, les cinq producteurs de lysine sont convenus de réduire l'offre, afin d'empêcher une baisse des prix. Concernant l'Europe, une réduction de 40 à 50 % était envisagée (considérant 114).

(216) Au cours de leur réunion du 25 octobre 1993, Ajinomoto et ADM sont arrivées à un accord global sur l'attribution des quotas de ventes pour 1994: les cinq producteurs se verraient allouer chacun un quota de base égal à leurs ventes de 1993. Sur la base de l'augmentation prévisionnelle des ventes, Kyowa, Sewon et Cheil recevraient chacune un quota supplémentaire de 2 000 tonnes, tandis qu'ADM et Ajinomoto se partageraient à parts égales le reste de la croissance des ventes sur le marché mondial (considérant 117). Kyowa et Sewon ont souscrit à cet accord le 8 décembre 1993 (considérant 121). Le 10 mars 1994, ADM, Ajinomoto, Kyowa et Sewon ont confirmé leur accord sur la répartition des volumes de ventes pour 1994, et Cheil a donné son assentiment à cet accord (considérants 127 et 128). Sewon a confirmé l'accord une nouvelle fois les 23 et 24 novembre 1994 (considérant 149).

(217) Le 18 janvier 1995, ADM, Ajinomoto, Kyowa et Cheil sont convenues de maintenir, pour 1995, les parts de marché qui avaient été fixées pour 1994 (considérant 154). Sewon n'a pas participé à la répartition des volumes de ventes pour 1995.

(218) Il y a lieu par conséquent de conclure que, depuis au moins le 18 février 1991, Ajinomoto, Kyowa et Sewon ont exprimé à plusieurs reprises leur volonté commune de contrôler l'offre de lysine et de se répartir les volumes de ventes dans l'EEE, d'où il s'ensuit qu'elles ont conclu des accords au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE. ADM est devenue partie aux accords sur les quantités à dater du 2 juillet 1992. A un certain moment au cours du deuxième semestre de 1992, et en tout état de cause avant le 2 novembre 1992, Cheil a accepté, dans le cadre du plan de coordination des volumes de ventes (réunion du 10 juillet 1992), de limiter ses ventes (d'après ce qui a été dit lors de la réunion du 2 novembre 1992 entre Ajinomoto et Sewon). A dater de ce moment, Cheil a formellement consenti à l'adoption d'un plan global recouvrant les éléments constitutifs d'un accord sur les volumes de ventes, et elle est devenue partie aux accords de cette nature avec les autres producteurs de lysine (11).

(219) Cheil conteste la conclusion de la Commission concernant a durée de sa participation aux accords sur les volumes de ventes. Elle fait valoir qu'elle était toujours en désaccord avec les autres entreprises quant aux volumes qu'elle devait produire. Cheil avance que la seule occasion où il aurait été possible de penser qu'elle avait pu accepter un quota était la réunion d'Honolulu (10 mars 1994), où il pouvait sembler à première vue, d'après le procès-verbal de la réunion, qu'elle était convenue d'un volume de 17 000 tonnes. Cheil souligne toutefois qu'elle n'avait donné cette indication purement symbolique que sous l'effet des considérables pressions qu'ADM et Ajinomoto avaient exercées sur elle. Cheil attire l'attention sur le fait que, au moment où elle faisait savoir qu'elle pourrait accepter 17 000 tonnes, elle avait déjà pris la décision interne d'accroître sa capacité jusqu'à 40 000 tonnes. Cheil soutient que, le 10 mars 1994, alors qu'elle indiquait qu'elle pourrait souscrire à un quota, elle savait déjà qu'elle ne le respecterait pas dans la pratique.

(220) Par ailleurs, Cheil soutient que les déclarations sur les volumes de ventes que ses représentants ont faites avant le 10 mars 1994 se bornaient à des constatations touchant au principe économique bien connu selon lesquelles surcapacités provoquent des baisses de prix. Elle fait valoir que de telles constatations, d'un caractère économique général, ne peuvent pas être assimilées à un accord de limitation des volumes de ventes au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE.

(221) La conclusion de la Commission, selon laquelle le comportement de Cheil est constitutif d'accords restrictifs au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, ne serait en rien modifiée s'il pouvait être établi que cette entreprise n'entendait pas véritablement mettre en œuvre les intentions qu'elle avait bel et bien exprimées. Compte tenu de l'objet manifestement anticoncurrentiel des événements qui se déroulaient dans les occasions où ces intentions ont été exprimées, Cheil, en y participant sans rien entreprendre pour se distancer publiquement de ce qui avait lieu en ces occasions, a donné à penser aux autres participants qu'elle avait les mêmes intentions que les autres parties et qu'elle agirait en conformité avec ces intentions [voir l'arrêt du 17 décembre 1991 dans l'affaire T-7-89, Hercules contre Commission (12)]. La notion d'"accord" a un caractère objectif. Les véritables motifs (et les intentions cachées) qui sous-tendent le comportement adopté à l'égard des autres participants sont sans incidence [voir l'arrêt du 6 avril 1995 dans l'affaire T-142-89, Usines Gustave Boël contre Commission (13)].

(222) Quant à l'argument avancé par Cheil, selon lequel elle n'avait exprimé aucune intention quant à ses volumes de ventes, mais qu'elle s'était bornée à constater un principe économique général, la Commission note qu'il est clair que l'objectif des réunions en cause était manifestement de contrôler les volumes de ventes et que, de l'avis de la Commission, comme de celui des autres producteurs de lysine, Cheil a fait des déclarations concernant son comportement sur le marché de la lysine.

(223) La Commission n'a pas de raison de croire que, après le 27 juin 1995, date à laquelle ont eu lieu les perquisitions du FBI, les entreprises visées par la présente décision aient conclu d'autres accords sur les volumes de ventes.

- Accords d'échange d'informations sur les volumes de ventes

(224) Le 8 décembre 1993, ADM, Ajinomoto, Kyowa et Sewon sont convenues que, à partir de janvier 1994, toutes les entreprises présenteraient à Ajinomoto des rapports mensuels sur les ventes/livraisons par région, dans un délai maximal de quinze jours suivant la fin du mois concerné, compte tenu des retours d'informations mensuels (considérant 122). Cheil a souscrit à cet accord le 10 mars 1994 (considérant 128).

(225) ADM, Ajinomoto, Kyowa et Cheil ont mis en œuvre cet accord sur un système d'échange d'informations sur les volumes jusqu'au 27 juin 1995. Sewon a cessé de communiquer ses chiffres de ventes vers le début de 1995 (réunion du 27 avril 1995). Elle a toutefois continué à participer à des réunions où elle était informée des chiffres présentés par les autres producteurs, jusqu'au 27 juin 1995. Dans ces conditions, Sewon est demeurée partie à l'accord d'échange d'informations (14).

(226) Il y a lieu par conséquent de conclure que, depuis le début de 1994, les entreprises visées par la présente décision ont exprimé leur volonté commune d'échanger des informations sur leurs volumes de ventes dans l'EEE en vue de contrôler le respect de leurs accords de quotas, d'où il s'ensuit qu'elles étaient parties à un accord au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

(227) La Commission n'a pas de raison de croire que, après le 27 juin 1995, date à laquelle ont eu lieu les perquisitions du FBI, les entreprises visées par la présente décision aient poursuivi leur accord d'échange d'informations sur les volumes de ventes.

c) Objet des accords

(228) L'article 81, paragraphe 1, du traité CE et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE citent expressément comme restreignant la concurrence les accords fixant les prix de vente, limitant ou contrôlant la production, ou répartissant les marchés dans l'EEE. Dans la présente affaire, l'objectif des entreprises en cause était de réguler le marché de la lysine et de coordonner leur comportement de façon à garantir le succès de leurs initiatives concertées de prix et de quotas de ventes. Par conséquent, les accords sur les prix et les volumes de ventes en question ont pour objet de restreindre la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

(229) Quant au système d'échange d'informations, il convient de souligner que les informations que les entreprises, conformément à l'accord en question, devaient recevoir et ont effectivement reçues par la suite étaient capables d'influencer leur comportement de façon sensible. Ces informations étant accessibles à toutes les parties, chaque entreprise savait qu'elle était surveillée de près par ses concurrents et qu'elle-même pouvait, le cas échéant, réagir au comportement de ceux-ci sur la base d'éléments nettement plus récents et plus précis que ceux qui étaient disponibles par d'autres moyens. Il s'ensuit que le système d'échange d'informations a sensiblement réduit l'autonomie décisionnelle des producteurs participants, dans la mesure où il substituait une coopération pratique entre ces producteurs aux risques normaux de la concurrence. En tout état de cause, lorsqu'un échange d'informations internes à des entreprises est l'accessoire d'une pratique anticoncurrentielle, comme c'est le cas en l'espèce, il tombe également sous le coup de l'interdiction énoncée à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, en tant que partie intégrante de cette pratique.

(230) Selon une jurisprudence établie, il n'est pas nécessaire de prendre en considération les effets concrets des accords en cause pour parvenir à la conclusion qu'ils sont interdits par l'article 81, paragraphe 1, du traité CE (et implicitement par l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE), dès lors qu'il apparaît, comme c'est le cas en l'espèce, qu'ils ont pour objet de restreindre la concurrence [voir l'arrêt du 11 janvier 1990 dans l'affaire C-277-87, Sandoz contre Commission (15)].

d) Effet sur le commerce entre États membres de l'Union européenne et entre parties contractantes à l'accord EEE

(231) Les accords en question ont eu un effet sensible sur les échanges entre États membres et entre parties à l'accord EEE.

(232) Le marché de la lysine est un marché qui se caractérise particulièrement par les échanges entre États membres. Il n'existe qu'un seul producteur de lysine dans l'EEE, à savoir Eurolysine, qui possède des usines de production en France et en Italie. La lysine achetée dans tous les autres pays membres de l'EEE doit être importée de ces pays, de l'extérieur de l'EEE ou d'États de l'EEE dans lesquels de la lysine produite dans des pays tiers a été initialement importée.

(233) Pratiquement tous les échanges au sein de l'EEE, dans cet important secteur agro-industriel, étaient contrôlés par l'entente. Tous les producteurs ont fourni de la lysine dans l'ensemble de l'EEE. Le comportement collusoire adopté par les producteurs de lysine a altéré les courants d'échanges dans cette région, par ses effets sur les niveaux de prix et les volumes.

(234) L'application de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE à une entente ne se limite pas à la part des ventes des participants qui implique effectivement le transfert de marchandises d'un État membre à un autre. Il n'est pas non plus indispensable, pour que ces articles s'appliquent, de montrer que le comportement de chaque participant, par rapport à celui de l'entente dans son ensemble, a affecté le commerce entre États membres [voir l'arrêt du 10 mars 1992 dans l'affaire T-13-89, ICI contre Commission (16)] et, implicitement, entre les pays membres de l'EEE.

2. Article 81, paragraphe 3, du traité CE et article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE

(235) Les accords qui font l'objet de la présente décision ont eu lieu en secret et n'ont pas été notifiés à la Commission. Par conséquent, ils ne sont pas susceptibles d'être exemptés de l'application de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE. En tout état de cause, le type de comportement adopté par les entreprises en cause ne remplit pas les conditions énoncées à l'article 81, paragraphe 3, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE.

3. Infraction unique et continue

(236) En l'espèce, les entreprises visées par la présente décision, avec des modifications dans la composition des participants, ont conclu à différentes époques des accords anticoncurrentiels concernant différents types de comportement, séparément ou de manière combinée. Chacun de ces accords constitue, en principe, une infraction à l'article 81 du traité CE et à l'article 53 de l'accord EEE.

(237) Cette série d'accords anticoncurrentiels a été conclue dans le cadre d'un plan unique et commun visant à réguler les prix et l'offre sur le marché de la lysine. Les entreprises en cause ont participé à un cadre global qui s'est concrétisé par des accords ayant pour objet de restreindre la concurrence entre les entreprises participantes sur le marché de la lysine. La Commission considère par conséquent qu'il serait artificiel de subdiviser les différentes actions de l'entente en plusieurs infractions distinctes, dans la mesure où il est clair que ces actions ont été entreprises dans le cadre d'un plan commun d'ensemble pour suivant la même finalité anticoncurrentielle.

(238) Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance qu'une violation de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE peut résulter non seulement d'un acte isolé, mais également d'une série d'actes connexes [voir les arrêts du 8 juillet 1999 dans l'affaire C-49-92 P, Anic contre Commission (17), et du 24 octobre 1991 dans l'affaire T-1-89, Rhône-Poulenc contre Commission (18)]. La Commission conclut que, dans la présente affaire, les actions des participants constituent une infraction unique et continue.

(239) Ajinomoto, Kyowa et Sewon ont commis cette infraction depuis au moins juin 1990, Cheil depuis le début de 1991, et ADM depuis le 23 juin 1992.

(240) La Commission n'a pas de raison de croire que l'infraction a continué après le 27 juin 1995, date à laquelle ont eu lieu les perquisitions du FBI. En revanche, l'infraction n'a pas pris fin à la date de la dernière réunion où un accord au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE a été conclu, à savoir le 23 mai 1995, car les parties avaient l'intention de poursuivre leur collusion le 7 juillet 1995 aux îles Caïmans (ainsi qu'il avait été convenu lors de la réunion du 21 avril 1995 à Hong-Kong).

(241) Ajinomoto fait valoir que la période durant laquelle l'entente a fonctionné de façon systématique, c'est-à-dire où les participants ont échangé des informations sur leurs volumes de ventes respectifs et sont apparemment convenus de prix cibles et de quotas de ventes, a été très brève. Ajinomoto soutient que cette période a commencé en janvier 1994 et n'a duré qu'un an et demi. Ajinomoto allègue que, bien que les concurrents aient organisé des réunions avant cette période et conclu, de temps en temps, des accords sur les prix cibles, ces accords n'ont jamais été respectés de manière durable. En particulier, les guerres des prix qui ont fait baisser les prix de la lysine au-dessous de leur prix de revient, causant ainsi de graves problèmes financiers à Eurolysine, ont eut lieu durant la première moitié des années 1992 et 1993.

(242) Cheil souligne qu'elle n'a pas assisté aux réunions qui se sont tenues entre décembre 1993 et mars 1994.

(243) La Commission n'admet pas l'argument selon lequel l'infraction en cause, à laquelle Ajinomoto et Cheil ont participé, n'était pas continue. S'il est clair que l'étendue et la profondeur de la coopération entre les producteurs de lysine ont changé au fil du temps, du point de vue du nombre des entreprises participantes comme de la portée des accords conclus, la Commission estime que tous les membres de l'entente, établis ou nouveaux, ont souscrit, pendant toute la période de leur collusion, à un même plan commun visant à réguler les prix et l'offre sur le marché de la lysine.

(244) En particulier, la Commission considère que l'entrée d'ADM dans l'entente préexistante n'a pas signifié la fin de celle-ci et le début d'une nouvelle entente. Au contraire, l'entrée d'ADM s'est traduite par une extension de l'entente préexistante, de sorte que celle-ci embrassait de nouveau l'ensemble des producteurs de lysine, et elle a déterminé une approche plus structurée du fonctionnement de l'entente (voir considérant 71). La possibilité qu'ADM n'ait pas eu connaissance, au moment où elle s'est implantée sur le marché, d'une entente en cours entre ses concurrents et qu'elle ait cru qu'elle participait à la création d'une nouvelle entente n'affecte en rien la conclusion de la Commission concernant la durée de la collusion, étant donné que la durée d'une infraction doit être déterminée sur une base objective.

(245) Pour ce qui est de la période comprise entre décembre 1993 et mars 1994, Cheil s'est abstenue, en tout et pour tout, de participer à une réunion, celle du 8 décembre 1993 à Tokyo. Cette réunion avait pour objet de préparer la répartition des volumes de ventes pour 1994, dont les cinq producteurs de lysine ont finalement discuté et sont convenus lors de la réunion du 10 mars 1994 à Honolulu. Par conséquent, le fait que Cheil n'était pas présente à la réunion du 8 décembre 1993 à Tokyo n'a pas mis fin à sa participation à l'infraction commise avant cette date. Au contraire, sa participation à la réunion du 10 mars 1994 à Honolulu prouve que Cheil a persisté dans son comportement illicite.

(246) Le fait que les parties se sont efforcées de résoudre les problèmes qui se posaient de temps en temps, une fois que les accords étaient conclus, indique que ces derniers étaient liés entre eux.

(247)Étant donné que l'on se trouve en présence d'une infraction unique et continue à l'article 81 du traité CE et à l'article 53 de l'accord EEE, il s'ensuit que chacune des entreprises visées par la présente décision est responsable de l'infraction dans son ensemble pour toute la période de sa participation à ladite infraction [voir l'arrêt dans l'affaire C-49-92 P, Anic contre Commission (19)].

C. PRESCRIPTION

(248) Conformément à l'article 1er du règlement (CEE) n° 2988-74, le pouvoir de la Commission de prononcer des amendes ou sanctions pour infractions à l'article 81 du traité CE et à l'article 53 de l'accord EEE est soumis à un délai de prescription de cinq ans. La prescription court à compter du jour où l'infraction a été commise. Toutefois, pour les infractions continues ou continuées, la prescription ne court qu'à compter du jour où l'infraction a pris fin. En l'espèce, l'infraction continue a pris fin le 27 juin 1995. Le 11 juin 1997, la Commission a procédé à des vérifications dans les locaux de certains participants à l'entente. Conformément à l'article 2 du règlement (CEE) n° 2988-74 du Conseil (20), ces actes ont interrompu la prescription.

(249) La Commission est donc en droit d'imposer des amendes aux entreprises destinataires de la présente décision pour sanctionner ladite infraction.

D. AMENDES INFLIGÉES AU TITRE DE L'ARTICLE 15, PARAGRAPHE 2, POINT a), DU REGLEMENT n° 17

(250) Le respect des dispositions de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE peut être assuré au moyen d'amendes. Conformément à l'article 15, paragraphe 2, point a), du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger de telles amendes lorsque, de propos délibéré ou par négligence, les entreprises enfreignent les règles de concurrence.

1. Infraction aux règles de concurrence de propos délibéré ou par négligence

(251) Les faits présentés par les parties indiquent que tous les participants à l'entente avaient l'intention de conclure des accords visant à fixer les prix, répartir les marchés et échanger des informations. Par exemple, le 1er octobre 1992, tous les participants à l'entente se sont réunis à Paris pour discuter des prix, échanger des informations et évaluer l'impact de l'accord de prix conclu lors de réunions antérieures (par exemple, le 27 août 1992), afin de convenir d'un nouveau prix (4 marks allemands par kilogramme).

(252) De surcroît, tous les participants à l'entente étaient conscients de l'illégalité de leur comportement. Par exemple, le 8 décembre 1993, à propos de la notification des chiffres de ventes mensuels, ADM a dit aux autres qu'ils devaient "surveiller leurs téléphones et être très prudents". Les membres de l'entente ont aussi pris des précautions pour camoufler le fait qu'ils se réunissaient et le but de leurs réunions.

(253) Ils ont organisé des réunions sous le couvert de réunions officielles de la Fefana, par exemple la réunion du 19 mai 1994 à Paris. Les parties ont adopté la pratique suivant laquelle, à l'occasion d'une réunion officielle de l'association professionnelle établie, l'un des participants réservait une suite d'hôtel et avisait discrètement les autres, et ils se réunissaient alors secrètement pour discuter des prix et des volumes de ventes, à l'écart de la réunion officielle. Ils se sont également rencontrés sous le couvert de fausses réunions de la Fefana, par exemple lors de la réunion du 23 août 1994 à Sapporo.

(254) La Commission en conclut que les destinataires de la présente décision ont commis l'infraction de propos délibéré.

2. Montant des amendes

(255) Pour déterminer le montant des amendes, la Commission applique la méthodologie exposée dans ses lignes directrices du 14 janvier 1998 pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA (21).

a) Montant de base

(256) Le montant de base est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction, seuls critères retenus à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

- Gravité

(257) Pour apprécier la gravité de l'infraction, la Commission prend en considération la nature propre de l'infraction, son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et l'étendue du marché géographique concerné.

Nature de l'infraction

(258) Des restrictions horizontales des types "cartels de prix" et "quotas de répartition des marchés" constituent, par leur nature, des infractions très graves. La présente infraction concerne un cartel de prix et de quotas semblable aux très graves infractions constatées, par exemple, dans les décisions "polypropylène" (22), "PVC" (23) et " carton" (24) de la Commission, qui ont été confirmées en substance dans les arrêts du 24 octobre 1991 (25) du 14 mai 1998 (26), du 20 avril 1999 (27) et du 8 juillet 1999 (28), respectivement. La Commission considère par conséquent que la présente infraction est, par sa nature, très grave.

(259) ADM conteste cette conclusion. ADM fait valoir que la présente infraction n'a pas porté atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, comme l'exigeraient les lignes directrices de la Commission pour le calcul des amendes, d'après la définition figurant au point 1 A, troisième tiret, "Infractions très graves". ADM soutient que les marchés nationaux n'ont pas été cloisonnés. De l'avis d'ADM, les documents de la Commission montrent que, dans la présente affaire, chaque fois que les prix européens ont fait l'objet d'une conversation ou d'un accord, ils étaient considérés d'une manière unifiée, sur une base transeuropéenne. De même, les volumes n'ont pas été attribués en Europe sur une base nationale (ou selon la règle du "chacun chez soi"). Au contraire, les répartitions de volumes étaient discutées, la plupart du temps, sous forme de grands agrégats mondiaux. ADM allègue que, même à l'occasion des échanges d'informations sur les volumes de ventes, ceux-ci étaient ventilés par région à l'échelle de l'Europe entière et non pas au niveau individuel de chaque État membre.

(260) La Commission rejette cette interprétation de ses lignes directrices pour le calcul des amendes. Premièrement, il ressort de la définition que donnent les lignes directrices des "infractions très graves" que, par leur nature même, les cartels de prix et les quotas de répartition des marchés portent atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur. C'est uniquement pour les "autres pratiques" que cette dernière qualification doit effectivement être établie pour conclure qu'elles constituent des infractions très graves. Deuxièmement, eu égard à leur incompatibilité avec le marché commun, les catégories "cartels de prix" et "quotas de répartition des marchés" ne sauraient admettre de distinction entre prix et répartitions de volumes convenus entre concurrents opérant dans la même zone géographique et accords fondés sur une séparation géographique (c'est-à-dire selon la règle du "chacun chez soi").

L'impact concret de l'infraction sur le marché de la lysine dans l'EEE

(261) La Commission considère que l'infraction en cause, commise par des entreprises qui étaient pratiquement, durant la période couverte par la présente décision, les seuls producteurs de lysine au monde, a eu pour effet de faire monter les prix à un niveau supérieur à celui qu'ils auraient atteint autrement et de restreindre les volumes de ventes, et, par conséquent, a eu un impact concret sur le marché de la lysine dans l'EEE.

(262) Il ressort des preuves dont dispose la Commission que, aux alentours de mars 1991, l'entrée d'ADM sur le marché a entraîné une pression à la baisse importante des prix. En conséquence, au cours de l'été 1992, le prix de la lysine avait chuté d'environ 50 % par rapport au début de 1991. Les initiatives de prix mises en œuvre par les entreprises concernées dans la seconde moitié de 1992 se sont traduites, en l'espace de six mois, par une remontée substantielle des prix de la lysine en Europe, ramenés à environ 80 % de ce qu'était leur prix au début de 1991.

(263) En juillet 1993, on assiste à un scénario similaire. Après qu'ADM eut baissé son prix entre avril et juin, les prix ont immédiatement remonté à la suite d'un nouvel accord conclu en juin.

(264) Les accords de prix conclus après l'inondation causée par la crue du Mississippi durant l'été de 1993, qui avait détruit les récoltes américaines de soja, ont permis aux parties de maintenir le niveau de prix européen à environ 5 marks allemands par kilogramme jusqu'au début de 1995, ce qui dépassait le niveau de prix convenu au début de 1991, alors même que la capacité mondiale de production de lysine avait doublé et que la demande n'avait augmenté que de quelque 60 %.

(265) Par ailleurs, s'il ne peut pas être établi que chacune des entreprises concernées ait intégralement mis en œuvre les accords, il est clair qu'ADM tout au moins s'est donné pour consigne d'exécuter les décisions en matière de prix. En novembre 1992, ADM a annoncé exactement le prix auquel elle avait souscrit en septembre de la même année, à savoir 3,75 marks allemands par kilogramme. Le prix annoncé en décembre 1992 dépassait de 0,10 mark allemand le prix cible convenu le mois précédent. Durant la seconde moitié de 1993, le prix annoncé était sensiblement plus élevé que le prix minimal convenu. De mars à septembre 1994 au moins, ADM a annoncé des prix qui correspondaient aux prix minimaux convenus. A tout le moins, les nouveaux prix ont ainsi servi de référence en cas de négociations individuelles des prix de transaction avec les clients (29).

(266) La réunion interne organisée par ADM à Saint Louis, fin mai-début juin 1994, constitue un bon exemple de l'attitude de cette entreprise à l'égard des accords de prix. La filiale de vente européenne d'ADM a reçu à cette occasion la stricte consigne de respecter le prix cible de 5,10 marks allemands convenu avec les autres producteurs de lysine en mai de la même année.

(267) Pour ce qui est des quotas, la Commission dispose également de preuves concluantes de la relation entre les ventes effectives de chaque entreprise et les accords de quotas. A la fin de 1994, les parts de marché mondiales obtenues par chaque producteur étaient pratiquement identiques aux parts qu'ils s'étaient attribuées les uns aux autres :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

(268) En outre, les déclarations faites par les représentants des entreprises concernées montrent indirectement que les accords de prix et de quotas servaient leurs objectifs.

(269) Au cours de sa réunion avec Ajinomoto le 5 novembre 1992 à Séoul, Cheil a considéré que la hausse du prix de la lysine était un véritable succès. Le 26 février 1993, Ajinomoto, Kyowa, Sewon et Cheil ont noté que le prix européen se maintenait parce que Ajinomoto et Sewon limitaient leurs volumes de ventes. Le 28 avril 1993, ADM et Eurolysine s'accordaient à penser que la hausse des prix en Europe était l'effet de l'accord de prix conclu à Mexico (23 juin 1992) et que l'Europe était la seule région où cet accord avait été intégralement mis en œuvre. Lorsque Ajinomoto, Kyowa et Sewon se sont rencontrées le 27 mai 1993, Ajinomoto a parlé des "bons résultats" de leur coopération avant l'entrée d'ADM sur le marché. Le 18 janvier 1995, les cinq producteurs de lysine sont arrivés à la conclusion que la différence entre le quota attribué à chaque entreprise pour 1994 et ses ventes effectives n'était pas excessive et qu'il était donc possible de maintenir le niveau de prix.

(270) Ajinomoto, ADM, Kyowa et Sewon contestent la conclusion de la Commission, selon laquelle la présente infraction a eu un impact concret sur le marché de la lysine dans l'EEE.

(271) Ajinomoto soutient que l'impact de la collusion n'était pas significatif, étant donné que la lysine synthétique représente seulement moins de 5 % de toute la lysine consommée chaque année par l'industrie de l'alimentation animale dans la Communauté. Ajinomoto suggère que, tandis que les principales sources de lysine et d'autres acides aminés sont les concentrés protéiques d'origine végétale ou animale (farine de soja, farine de poisson, lait écrémé, etc.), une autre source de certains acides aminés réside dans la production industrielle par fermentation (par exemple, la lysine) ou par transformation chimique (par exemple, la méthionine). Ces acides aminés (synthétiques) sont identiques aux acides aminés que l'on trouve dans les protéines alimentaires. De l'avis d'Ajinomoto, l'utilisation des acides aminés n'est donc pas obligatoire. La lysine synthétique n'est qu'un ingrédient parmi beaucoup d'autres, et d'autres produits riches en lysine, tels que la farine de soja ou la farine de poisson, peuvent toujours être utilisés à la place. Il s'ensuit que, si le coût de la lysine synthétique est trop élevé par rapport aux substituts alimentaires riches en lysine, elle sera totalement éliminée.

(272) Ajinomoto affirme que les producteurs d'aliments pour animaux considèrent la lysine naturelle et la lysine synthétique comme interchangeables. Elle fait valoir qu'ils utilisent des ordinateurs pour optimiser les formules d'aliments à l'aide d'une technique de formulation au moindre coût. Après avoir introduit les données relatives aux aliments disponibles et à leurs prix courants, ils opèrent des substitutions successives entre aliments jusqu'à obtenir la formule la plus économique qui réponde à tous les besoins nutritionnels. Dans ces analyses, la lysine est traitée comme n'importe quel autre ingrédient. Le seuil de prix à partir duquel un ingrédient est incorporé à la formule est appelé "le prix virtuel". Ajinomoto soutient que la volatilité de l'évolution des prix des ingrédients constitue de loin le principal moteur des fluctuations de prix sur le marché de la lysine synthétique. Elle prétend que, historiquement, cette volatilité a été la cause de presque toutes les variations de prix de la lysine. Ajinomoto considère que, en dépit de l'existence d'un accord de fixation des prix, les membres de l'entente ne disposaient que d'une faible marge de manœuvre pour contrôler artificiellement les prix de la lysine. Pour Ajinomoto, c'est ce que montrerait à l'évidence la courbe du prix de la lysine synthétique sur le marché et de son prix virtuel par rapport au prix des produits agricoles ou de la pêche contenant de la lysine naturelle.

(273) Selon Ajinomoto, la baisse des prix plafonds des céréales en Europe, en 1993, s'est traduite par une nette augmentation de "l'écart" à ce moment, ce qui a entraîné, par le jeu normal des mécanismes du marché, une hausse importante des prix de la lysine.

(274) La Commission convient qu'il est techniquement possible de remplacer la lysine synthétique par la lysine naturelle, et vice versa. Mais la lysine naturelle n'existe pas à l'état pur. Si l'on substitue la lysine naturelle à la lysine synthétique, cela implique nécessairement l'ajout de toutes les autres substances, y compris, notamment, des protéines et d'autres acides aminés, auxquelles la lysine naturelle est combinée. Il peut en résulter, par exemple, une quantité excessive de protéines pour une formule nutritionnelle donnée, rendant nécessaire l'adjonction d'autres acide aminés essentiels.

(275) La Commission admet que le prix de la farine de soja et des céréales représente une limite supérieure pour les décisions des parties en matière de fixation des prix. Lorsque le plafond est suffisamment bas, la farine de soja devient un substitut de la lysine synthétique, ce qui fait baisser les prix de celle-ci.

(276) Cependant, aussi longtemps que le prix de la farine de soja est resté suffisamment élevé (et sensiblement plus élevé que les prix des céréales au comptant), les parties étaient en mesure de maximiser leurs profits en augmentant les prix autant que le permettaient les conditions de la demande. Autrement dit, les parties fixaient leurs prix en fonction du niveau observé de la propre élasticité prix de la demande de lysine. Le professeur Conner, de l'université de Purdue, a analysé cette situation (30) pour les États-Unis et il est parvenu à la conclusion suivante: "Quand les prix de la lysine oscillaient entre 0,70 et 0,90 dollar des États-Unis par livre, l'élasticité de la demande était évaluée à environ - 0,2; quand les prix étaient plus élevés (1,10 à 1,20 dollar des États-Unis) l'élasticité se situait dans une fourchette de - 0,5 à - 0,8. Lorsque cinq entreprises forment une entente et qu'elles se trouvent face à une demande pour leurs produits dont l'élasticité est comprise entre - 0,45 et - 0,8, une formule économique bien connue prévoit que les prix optimaux de l'entente se situeront entre 0,88 et 1,49 dollar des États-Unis. De fait, le prix de vente pratiqués aux États-Unis par les trois principaux vendeurs se sont constamment situés dans une fourchette de 0,92 à 1,22 dollar des États-Unis, en données mensuelles, tout au long de la période centrale de la collusion, c'est-à-dire entre octobre 1992 et juillet 1995."

(277) ADM prétend que, pendant la période identifiée par la Commission comme celle où ADM a participé à la présente infraction, les prix de la lysine ont été déterminés, pour l'essentiel, par des facteurs autres que la "collusion".

(278) Afin de fournir des éléments de preuve de nature à établir que l'infraction n'a pas eu d'impact anticoncurrentiel concret sur le marché de la lysine dans l'EEE, ADM a présenté deux études économiques.

(279) Dans la première étude, ADM suggère que les événements intervenus dans l'industrie de la lysine pendant la période concernée se comprennent mieux si l'on analyse les concurrents comme s'ils opéraient et interagissaient dans une structure de marché oligopolistique. ADM considère que cet oligopole peut être qualifié d'oligopole de Cournot (31). Elle fait valoir que le prix pratiqué par chaque entreprise, dans un jeu de Cournot, est différent et inférieur au prix qui serait obtenu si, au lieu de cela, les entreprises rivales se comportaient effectivement de façon collusoire.

(280) Dans les deux études en question, ADM s'efforce de rationaliser le comportement observé chez elle, de manière à le rendre compatible avec la théorie économique. A cet effet, ADM subdivise la période d'enquête.

(281) ADM soutient que, avant la réunion du 8 décembre 1993 à Tokyo, l'impact de ses performances sur le marché de la lysine peut être qualifié de proconcurrentiel. ADM suggère que, pour résoudre son problème de production, elle devait obtenir de ses concurrents des informations commerciales internes. De l'avis d'ADM, c'est cet échange d'informations spécifiques internes (par opposition aux informations générales, telles que la demande) entre concurrents qui a rendu possible, sur le marché de la lysine, un équilibre non coopératif de type Cournot.

(282) ADM indique que, à la fin de 1993, elle avait obtenu satisfaction quant à la capacité de son usine de production et sa croissance en 1994. Tout en admettant que pendant la seconde période, elle a été séduite par l'idée de se concerter avec les autres membres de l'industrie, ADM affirme que sa participation dans l'entente était typiquement celle d'un "tricheur".

(283) Afin de montrer que son comportement n'avait eu, durant la seconde période et à l'exception de deux réunions, aucun impact concret sur le marché de la lysine, ADM a présenté une simulation d'un modèle simple de Cournot s'appuyant sur des données de l'industrie (32).

(284) ADM conclut que les prix qu'elle a effectivement pratiqués sur le marché n'étaient pas supérieurs aux prix de Cournot "hors cartel" et qu'ils n'étaient donc pas différents des prix auxquels on aurait pu s'attendre si aucune collusion n'avait été détectée. ADM exclut donc la possibilité que les prix effectifs aient résulté de la mise en œuvre par ADM d'une entente. Mais ADM n'exclut pas la possibilité que ces prix aient résulté d'une tricherie à l'égard d'une entente. De l'avis d'ADM, les réunions et les échanges entre les concurrents n'ont eu aucune incidence, statistiquement parlant, sur la fixation des prix européens, si ce n'est dans une faible mesure et uniquement pendant une période limitée. ADM prétend que seules deux réunions, celle du 8 décembre 1993 à Tokyo et celle du 10 mars 1994 à Hawaii, ont eu un effet positif important d'un point de vue statistique en provoquant une hausse des prix de la lysine.

(285) Enfin, ADM fait remarquer que le nombre d'acteurs présents sur le marché est passé de quatre à cinq avec l'entrée d'ADM. S'appuyant sur les résultats d'une étude de théorie des jeux appliquée à la stabilité d'un cartel, de l'économie Reinhard Selten (33), ADM parvient à la conclusion que la position d'un outsider devient relativement plus attractive à mesure que le nombre de concurrents s'accroît. Avec six acteurs, le modèle de Selten suggère que la probabilité que le cartel reste stable est très faible. Arguant du fait qu'ils étaient cinq concurrents, la deuxième étude d'ADM suggère que l'on est ici en présence d'un cas limite. Les concurrents disposent d'"informations complètes" sur la demande et les paramètres de coûts et sont "parfaitement" informés des actions antérieures, mais ils n'ont pas de système bien organisé de partage d'informations relatives aux quantités et aux prix courants. L'étude d'ADM suggère que cela explique que, d'un côté, ADM soit convenue de telle quantité à tel prix et que, de l'autre, elle ait triché en même temps sur les quantités convenues pour accroître secrètement sa part de marché. La deuxième étude conclut qu'il y a eu tentative explicite de collusion lors de la réunion du 8 décembre 1993, à laquelle ADM a pris part. Toutefois, étant le cinquième concurrent, ADM est l'acteur qui a assumé un comportement concurrentiel dans la mesure où il pouvait le faire à l'insu des autres.

(286) La Commission considère que les constatations effectuées par les parties elles-mêmes en disent long sur l'impact de cette entente. Il est inconcevable que les parties soient convenues à maintes reprises de se rencontrer dans diverses parties du monde pour fixer les prix et se partager les marchés sur une si longue période sans qu'il y ait eu d'effet sur le marché de la lysine.

(287) Il n'y a guère de chances non plus que le comportement observé chez ADM puisse s'expliquer comme étant proconcurrentiel, attendu que le développement de stratégies commerciales non coopératives exige des années d'expérience à observer les actions et réactions des différentes entreprises dans une industrie donnée. ADM ne s'est implantée sur le marché qu'en 1991, de sorte qu'elle ne pouvait pas déterminer ses actions en fonction de son expérience des événements antérieurs. Étant donné qu'il existait une entente avant l'entrée d'ADM, Ajinomoto, Kyowa et Sewon n'avaient aucune raison non plus de pratiquer une coopération tacite sur les prix. Dès lors, une fixation des prix explicite est un résultat plus vraisemblable que telle ou telle forme de coopération tacite, en l'absence d'une longue période d'interactions commerciales.

(288) Par ailleurs, les conclusions de la première étude d'ADM sont étroitement tributaires des hypothèses prises en compte, notamment celles qui concernent l'élasticité finale de la demande et les structures de coûts des concurrents d'ADM. Les études citées aux notes 30 et 32, dont sont tirées les hypothèses sur lesquelles repose la première étude d'ADM, se contredisent sur les questions du coût marginal et de l'élasticité de la demande de lysine. Ces études utilisent en outre des modèles distincts de comportement oligopolistique pour simuler l'industrie de la lysine. Le seul fait que les hypothèses sur lesquelles repose la première étude d'ADM aient été contestées suffit à invalider cette étude en tant que preuve suffisante pour réfuter les constatations de la Commission quant à l'impact concret sur le marché du comportement collusoire en cause.

(289) Pour ce qui est de la deuxième étude d'ADM, la Commission considère que la capacité à entretenir une collusion dans une industrie donnée ne dépend pas mécaniquement des résultats d'un modèle de la théorie des jeux sur la question de savoir si ADM était ou non la cinquième entreprise. Les ententes peuvent aussi bien se révéler stables avec beaucoup plus d'acteurs, ainsi que le montrent de nombreuses décisions de la Commission (voir les décisions citées au considérant 258, par exemple). En revanche, dans d'autres industries, trois entreprises peuvent suffire à assurer une concurrence effective. La Commission conclut, par conséquent, que la deuxième étude d'ADM n'est guère autre chose qu'une application mécanique d'un modèle particulier de la théorie des jeux. Dans toute affaire d'entente, la conclusion quant à la possibilité pour une industrie de soutenir une entente dépend des faits de la cause. En l'espèce, les faits, tels qu'ils ont été établis par les parties, permettent à la Commission de déclarer que les parties ont été en mesure de conclure des accords de prix et de répartition des marchés pendant une longue période et que ces accords ont eu un effet sur le marché de la lysine.

(290) Quant à l'échange d'informations prétendument proconcurrentiel, pendant la première période identifiée par ADM, la Commission fait observer que la conclusion pratique que l'on peut tirer des analyses économiques fondées sur la théorie des jeux, s'agissant de la distinction entre informations de l'industrie et informations internes à une entreprise, dépend des hypothèses de départ. Par exemple, l'auteur de la deuxième étude d'ADM a observé (34) que "lorsque les informations à partager se rapportent au coût de production, il convient de faire une distinction entre les coûts qui sont " communs " et les coûts qui sont " privés ". Cette distinction conduit en vérité à des conclusions pratiques opposées. Lorsque l'incertitude porte sur une valeur commune, telle que l'évolution des coûts à l'échelle de l'industrie ou le coût du fuel, ne pas partager l'information est une stratégie d'équilibre à la Cournot". La Commission rejette par conséquent l'idée que l'échange d'informations entre les parties puisse être considéré comme proconcurrentiel sur la base de la deuxième étude d'ADM.

(291) De l'avis de Kyowa, durant la période allant de l'entrée d'ADM sur le marché de la lysine, en 1991, à peu après la fin de juin 1992, les efforts collusoires n'ont manifestement guère eu d'effet sur le marché, dans la mesure où les prix n'ont pas cessé de baisser. Kyowa affirme que, même après qu'un accord de prix a prétendument été conclu en juin 1992, une autre guerre des prix a éclaté à la fin de 1992, et elle a duré jusqu'au milieu de 1993.

(292) Sewon fait valoir qu'elle a systématiquement pratiqué des prix inférieurs aux prix cibles convenus, si bien que l'impact concret de l'infraction sur le marché européen s'en trouvait sensiblement réduit. Sewon soutient que les accords de prix n'ont guère d'effet en l'absence d'un accord sur les volumes. Elle renvoie, par exemple, à la réunion du 26 octobre 1994, à Zurich, où les grands producteurs ont déclaré que, sans un accord sur les quantités, les négociations sur les prix n'avaient aucun sens.

(293) Ni les arguments de Kyowa ni ceux de Sewon ne sont probants. La Commission reconnaît que, durant la collusion entre les producteurs de lysine, il y a eu des périodes au cours desquelles l'impact concret de la fixation des prix a été moins important qu'à d'autres périodes. Mais les périodes décrites par les parties comme des "guerres des prix" ne font que donner une indication de ce qu'auraient été les prix dans des conditions de concurrence normale. Par ailleurs, la Commission constate que, pendant toute la durée de l'infraction commise par les entreprises destinataires de la présente décision, les accords de prix et les accords de volumes ont existé en parallèle (voir considérants 221 et 232). La Commission note également que la menace de prix réduits constituait un moyen par lequel ADM pesait stratégiquement sur les actions des autres membres de l'entente (voir considérant 70).

(294) En ce qui concerne les volumes, Ajinomoto fait observer que, tout au long de la période centrale du fonctionnement de l'entente, le marché de la lysine en Europe a connu une forte croissance et qu'Eurolysine a utilisé pleinement sa capacité de production. A l'exception d'ADM, les autres parties visées par la présente décision font également ressortir qu'elles ont travaillé à pleine capacité et qu'il est par conséquent difficile d'apprécier l'impact réel que l'infraction aurait pu exercer sur le marché.

(295) En tout état de cause, même en admettant que ce fût le cas, cet argument est dénué de valeur probante pour infirmer la constatation d'un impact concret sur le marché. Des décisions d'investissement tendant à accroître la capacité de production ont pu être différées ou modifiées sur la base de la collusion. Les accords sur les quantités ont pu influer sur la gestion des stocks et la répartition géographique des volumes. Quoi qu'il en soit, les périodes de "guerre des prix" et de "paix des prix" entre les parties visées par la présente décision étaient nécessairement liées à des modifications dans les quantités mises sur le marché et aux jeux stratégiques joués par les membres de l'entente (voir considérant 293).

(296) En conclusion, la Commission considère que les parties visées par la présente décision n'ont pas été en mesure de réfuter ses constatations quant à l'impact concret de l'infraction sur le marché de la lysine dans l'EEE. La Commission renvoie à cet égard à l'arrêt dans l'affaire C-49-92 P, Anic contre Commission (35), où la Cour de justice a dit pour droit qu'il y a lieu de présumer que les entreprises participant à la collusion et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des résultats de leur collusion pour déterminer leur comportement sur ce marché. C'est aux entreprises intéressées qu'il incombe en premier lieu de fournir des éléments de preuve de nature à établir que l'infraction n'a pas eu d'impact concret sur le processus décisionnel des participants et, par suite, sur le marché. Les parties en cause n'ont pas fourni ces éléments de preuve.

Étendue du marché géographique concerné

(297) Les entreprises en cause ont opéré, au cours de la période couverte par la présente procédure, dans l'ensemble du territoire de l'EEE. Chaque partie du territoire de l'EEE était soumise au même degré à l'effet de la collusion. Les conditions concurrentielles du marché de la lysine synthétique, du côté de l'offre comme du côté de la demande, étaient comparables dans l'ensemble de l'EEE. La Commission considère, par conséquent, que le marché géographique concerné couvre au minimum l'ensemble de l'EEE.

Conclusions de la Commission sur le caractère de gravité de l'infraction

(298) Eu égard à la nature du comportement examiné et à son impact concret sur le marché de la lysine, qui couvrait l'ensemble de l'EEE, la Commission considère que les entreprises visées par la présente décision ont commis une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, qui répond aux critères du point 1 A, troisième tiret, des lignes directrices de la Commission pour le calcul des amendes, définissant les infractions très graves.

(299) ADM et Ajinomoto contestent cette conclusion. Elles considèrent que les faits permettent de conclure que l'infraction, dans la présente affaire, est de moindre gravité que dans les ententes classiques et justifient une conclusion qualifiant le comportement en cause d'infraction "grave" plutôt que "très grave". Les deux entreprises renvoient à cet égard à la décision "Transbordeurs grecs" de la Commission (36), dans laquelle la Commission a estimé que l'infraction concernée était simplement une infraction grave.

(300) La Commission fait observer que, dans la décision "Transbordeurs grecs", le raisonnement portant sur la gravité de l'infraction s'appuyait sur diverses considérations: la Commission a admis que les parties n'avaient pas appliqué intégralement tous les accords spécifiques sur les prix et que, pendant toute la durée de l'infraction, elles s'étaient fait concurrence sur les prix en pratiquant des remises différenciées. En outre, le gouvernement grec avait encouragé les entreprises, au cours de cette même période, à contenir leurs hausses de tarifs dans les limites de l'inflation. Les prix avaient ainsi été maintenus à l'un des niveaux les plus bas du marché commun en matière de transport maritime entre deux États membres. Enfin, l'infraction n'avait produit ses effets que dans une partie limitée du marché commun, à savoir trois des lignes maritimes de l'Adriatique. Même si on considérait l'ensemble des lignes maritimes entre la Grèce et l'Italie, le marché était de toute façon restreint par rapport à d'autres marchés de l'Union européenne (37).

(301) La Commission considère par conséquent que les circonstances particulières prises en compte dans la décision "Transbordeurs grecs" diffèrent substantiellement de celles de la présente affaire. En particulier, l'étendue du marché géographique concerné en l'espèce (l'EEE), en comparaison de ce qu'elle était dans la décision invoquée (trois lignes maritimes de l'Adriatique), joint au fait que l'entente était limitée aux prix dans l'affaire des transbordeurs grecs, exclut toute analogie dans l'appréciation de la gravité des infractions.

(302) La Commission conclut par conséquent que les entreprises visées par la présente décision ont commis une infraction très grave.

Traitement différencié

(303) A l'intérieur de la catégorie des infractions très graves, l'échelle des sanctions retenues permet de différencier le traitement qu'il convient d'appliquer aux entreprises. La Commission note que, dans la présente affaire, il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs de l'infraction.

(304) Pour tenir compte de la capacité effective des entreprises concernées à causer un préjudice important au marché de la lysine dans l'EEE ainsi que de la nécessité de faire en sorte que le montant de l'amende ait un caractère suffisamment dissuasif, la Commission estime qu'il convient, vu les différences de taille considérables qui existent entre les parties, d'imposer à Ajinomoto et à ADM une amende d'un montant de base plus important qu'à Kyowa, Cheil et Sewon. C'est pourquoi elle a divisé les parties en deux groupes en fonction de leur taille et tenu compte de cette catégorisation pour déterminer le point de départ pour l'amende selon la gravité des infractions. La comparaison est effectuée sur la base du chiffre d'affaires total réalisé au cours de la dernière année de l'infraction. Le chiffre d'affaires mondial est une base appropriée pour comparer la dimension relative des entreprises, car il permet à la Commission d'apprécier les ressources et l'importance réelles des entreprises concernées sur les marchés affectés par leur comportement illicite.

<EMPLACEMENT TABLEAU>

(305) La Commission fixe par conséquent les montants de base des amendes déterminés en fonction de la gravité à 30 millions d'euros pour Ajinomoto et ADM, et à 15 millions d'euros pour Kyowa, Cheil et Sewon.

(306) De l'avis d'ADM, l'effet dissuasif ne s'impose pas à son égard dans le cadre des règles communautaires de concurrence. Elle fait valoir qu'elle a déjà subi de lourdes sanctions (y compris des sanctions pénales pour certains responsables de l'entreprise) et qu'elle a déjà été suffisamment dissuadée de commettre de nouvelles infractions aux États-Unis, en Europe ou, de fait, où que ce soit dans le monde.

(307) ADM renvoie expressément à l'amende pénale que les autorités américaines lui ont infligée, laquelle, aux dires d'ADM, sanctionnait "la fixation de prix et la répartition de volumes de ventes pour la lysine commercialisée aux États-Unis et ailleurs". ADM souligne que, en octobre 1996, elle a plaidé coupable devant une juridiction fédérale américaine dans une accusation pénale de collusion visant à restreindre le commerce de lysine aux États-Unis et ailleurs, et qu'elle a payé une amende de 70 millions de dollars des États-Unis. En mai 1998, ADM a également payé aux autorités canadiennes, pour le même comportement infractionnel, une amende pénale d'un montant de 16 millions de dollars canadiens. Une amende a aussi été payée aux autorités mexicaines.

(308) En plus de ces amendes pénales, ADM fait observer qu'elle a réglé une transaction intervenue dans une série d'actions civiles collectives regroupées aux États-Unis. ADM a payé des dommages et intérêts supplémentaires à des acheteurs de lysine directs et indirects dans le cadre de solutions transactionnelles mettant fin à différentes actions collectives au niveau fédéral et étatique aux États-Unis. ADM a également négocié une transaction dans des actions collectives intentées à son encontre par des actionnaires, et fondées pour une large part sur le comportement infractionnel dans le secteur de la lysine qui était l'objet des procès américains en matière pénale et civile.

(309) ADM indique que, en juillet 1996, le conseil d'administration d'ADM a adopté le premier "code de conduite" de l'entreprise, qui expose notamment sa politique de respect des dispositions législatives et réglementaires. Soulignant la détermination d'ADM à appliquer les normes déontologiques les plus strictes en matière de comportement commercial, ce document stipule qu'ADM impose une adhésion rigoureuse à la lettre et à l'esprit de toutes les lois applicables à la conduite des affaires de l'entreprise, et exige de son personnel un degré élevé d'intégrité et d'éthique professionnelle. Il est également précisé que le conseil d'administration d'ADM s'assurera, par l'intermédiaire de sa commission de contrôle, que le code est correctement appliqué. En outre, ADM indique que, en juillet 1997, le conseil d'administration d'ADM a désigné un responsable chargé du respect de la législation et a confié à une équipe la mission d'intensifier les efforts de l'entreprise en la matière. En janvier 1999, ADM a diffusé auprès de son personnel un guide officiel pour le respect des règles communautaires de concurrence, qui expose en détail la manière dont tous les employés d'ADM doivent se comporter au regard de la législation antitrust applicable dans la Communauté européenne, et souligne l'importance du respect de cette législation. Ce guide s'adresse à l'ensemble de l'encadrement ainsi qu'à tous les employés, quel que soit leur niveau de responsabilité au sein de l'entreprise, dont la fonction implique la prise de décisions importantes, des contacts avec les concurrents, des contacts substantiels avec les clients ou les fournisseurs, ou d'autres attributions susceptibles de faire intervenir le droit communautaire de la concurrence.

(310) Ajinomoto demande que l'appréciation de la Commission concernant l'applicabilité d'une amende en Europe prenne en considération le fait que des amendes lui ont déjà été infligées aux États-Unis et au Canada, et que, par conséquent, elle a déjà été sanctionnée pour les méfaits dont elle s'est reconnue coupable.

(311) La Commission estime que, dans la présente affaire, les amendes qu'ADM, Ajinomoto ou toute autre entreprise destinataire de la présente décision se sont vu infliger ailleurs, et notamment aux États-Unis, n'ont aucune incidence sur les amendes imposables en raison d'une infraction aux règles communautaires de concurrence. Le fait que ces entreprises aient pu être condamnées à payer des dommages et intérêts dans le cadre de procédures civiles est également sans pertinence en l'espèce. Le paiement de dommages et intérêts en matière civile, visant à réparer le préjudice causé par une entente à des entreprises ou des consommateurs individuels, ne saurait être comparé à des sanctions de droit public pour comportement illicite. La Commission note également que, d'après les informations fournies par les autorités des États-Unis et du Canada, les amendes pénales infligées aux entreprises visées par la présente décision ont pris en considération uniquement les effets anticoncurrentiels que l'entente examinée dans cette décision avait produits dans le ressort de ces juridictions. Enfin, les amendes pénales infligées à des particuliers ne sauraient, de toute façon, être prises en compte, la présente procédure ne visant pas des personnes physiques.

(312) La Commission se félicite de l'initiative d'ADM visant à instituer une politique de respect des règles de concurrence. Toutefois, comme le montre la présente affaire, cette initiative est venue trop tard et ne saurait, en tant qu'instrument de prévention, dispenser la Commission de son devoir de sanctionner l'infraction aux règles de concurrence dont ADM s'est rendue coupable dans le passé (38).

- Durée

(313) Dans la présente affaire, les entreprises concernées ont commis une infraction de moyenne durée (entre trois et cinq ans). Les montants de départ déterminés en fonction de la gravité (considérant 305) sont par conséquent majorés de 10 % par an, soit, pour ADM et Cheil, de 30 %, et pour Ajinomoto, Kyowa et Sewon, de 40 %.

- Montant de base

(314) La Commission fixe par conséquent les montants de base des amendes à 39 millions d'euros pour ADM, 42 millions d'euros pour Ajinomoto, 21 millions d'euros pour Kyowa, 19,50 millions d'euros pour Cheil et 21 millions d'euros pour Sewon.

(315) ADM, Ajinomoto et Kyowa estiment que, dans la présente affaire, il ne serait pas approprié que la Commission, en fixant le montant des amendes, suive la méthodologie exposée dans ses lignes directrices sur les amendes. Selon elles, la fixation d'un amende par référence à un montant de base fixe selon la catégorie de l'infraction, sans tenir compte, de façon complémentaire, du chiffre d'affaires concerné par l'infraction, pourrait aboutir à l'imposition d'amendes illégales, même en l'absence de dépassement du plafond prévu par le règlement n° 17. Elles affirment que la pratique communautaire antérieure a clairement considéré que la prise en compte du chiffre d'affaires était un élément d'appréciation essentiel dans les calculs effectués par la Commission pour fixer une amende proportionnée et donc légitime. Les entreprises en question soutiennent que la Commission ne peut pas changer radicalement, sans préavis, la méthode fondamentale applicable pour la fixation des amendes ou imposer des amendes plus élevées, sur la base d'une nouvelle méthodologie, à des auteurs d'infraction qui ont cessé leurs activités illicites avant que cette nouvelle méthodologie ne soit publiée ou ne soit même discutée au stade de la consultation.

(316) ADM cite les points 94 et 95 de l'arrêt dans l'affaire T-77-92, Parker Pen contre Commission (39), où le Tribunal de première instance a constaté que la Commission n'a pas pris en considération le fait que le chiffre d'affaires réalisé avec les produits concernés par l'infraction était relativement faible par rapport à celui résultant de l'ensemble des ventes réalisées par Parker, et a par conséquent décidé de réduire le montant de l'amende infligée à Parker. ADM estime que le Tribunal a clairement établi qu'une amende fixée sans tenir compte du chiffre d'affaires réalisé sur le marché européen avec les marchandises faisant l'objet de l'infraction serait considérée, par cela même, comme disproportionnée.

(317) La Commission fait observer d'entrée de jeu que, de la même façon qu'il n'est pas possible de recourir à la méthode prévue dans les lignes directrices de la Commission sur les amendes lorsque la décision est antérieure aux dites lignes directrices (40), il n'est pas possible non plus de contester le droit de la Commission de suivre la méthode exposée dans ces lignes directrices lorsque la décision est adoptée postérieurement à leur publication.

(318) Quant à la nécessité de prendre en considération, pour la fixation de l'amende, le chiffre d'affaires réalisé avec le produit en question, la Commission admet que, dans le passé, elle a fréquemment déterminé l'amende en fonction d'un taux de base représentant un certain pourcentage des ventes sur le marché communautaire concerné. Toutefois, la seule limite au pouvoir discrétionnaire dont dispose la Commission pour la fixation des amendes en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 réside dans les seuils légaux indiqués dans cette disposition, qui se rapportent, entre autres, au chiffre d'affaires total des entreprises concernées. Pour le reste, en appréciant la présente affaire conformément aux lignes directrices, la Commission a dûment pris en considération, dans ses conclusions sur la gravité, l'importance économique de l'activité particulière concernée par l'infraction.

(319) Kyowa indique que, dans les circonstances de sa coopération avec la Commission dans la présente affaire, les principes de loyauté et de respect des règles de procédure imposent que l'amende que la Commission pourra éventuellement lui infliger soit calculée sur la base des règlements, de la jurisprudence et de la pratique de la Commission en vigueur à la date où Kyowa a entamé sa coopération avec la Commission. Parmi les éléments de fait que Kyowa présente comme constitutifs des circonstances de sa coopération figure le comportement des fonctionnaires de la Commission lors des discussions portant sur les bases de sa coopération.

(320) Kyowa suggère que, au cours de réunions avec les fonctionnaires de la Commission, qui se sont tenues le 31 juillet et le 1er août 1997, il a été discuté de la méthode utilisée à cette date par la Commission pour déterminer l'amende susceptible d'être infligée à Kyowa, tout en reconnaissant constamment qu'il appartenait à la Commission elle-même de décider du montant de l'amende. Selon Kyowa, elle a été informée que l'approche traditionnellement suivie par la Commission consistait à baser l'amende sur le chiffre d'affaires que l'entreprise avait réalisé dans le marché commun, au cours de la dernière année du comportement illicite, avec le produit faisant l'objet de l'enquête, et que rien, dans la présente enquête, ne laissait supposer qu'une autre approche serait adoptée.

(321) Kyowa précise que le contenu de ses discussions avec les fonctionnaires de la Commission était résumé dans une lettre qu'elle a adressée à la Commission le 7 août 1997. Kyowa souligne que cette lettre expose clairement et sans ambiguïté les bases sur lesquelles elle a poursuivi sa coopération, à savoir la perspective que l'amende de base serait calculée suivant l'approche traditionnellement suivie à cette époque par la Commission.

(322) De l'avis de la Commission, le contenu des discussions de Kyowa avec les fonctionnaires de la Commission au sujet des termes de sa coopération est attesté par la lettre de Kyowa du 7 août 1997, en liaison avec une lettre que la Commission, en réponse à la lettre de Kyowa, a adressée à cette entreprise le 25 août 1997.

(323) Il est vrai que la Commission n'a pas contesté le fait que, dans le passé, elle a fréquemment déterminé l'amende en fonction d'un taux de base représentant un certain pourcentage des ventes sur le marché communautaire concerné. Toutefois, dans sa lettre du 25 août 1997, la Commission déclare expressément que "... il est évident qu'il existe une pluralité d'éléments distincts qui déterminent l'importance d'une amende possible, tels que la durée et la gravité de l'infraction, et le bénéfice que les parties ont tiré de l'infraction".

(324) La Commission considère que les termes de référence d'une coopération avec elle sont exposés dans sa communication concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant. Dès la première réunion entre Kyowa et les fonctionnaires de la Commission au sujet de la possible coopération de Kyowa dans l'enquête menée par la Commission, réunion qui a eu lieu le 8 juillet 1997, les fonctionnaires chargés de l'enquête se sont "référés expressément" (41) à ladite communication.

(325) Cette communication définit les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec la Commission au cours de son enquête sur une entente pourront être exemptées d'amende ou bénéficier d'une réduction de l'amende qu'elles auraient autrement dû acquitter. Il y est en outre expressément déclaré que la coopération d'une entreprise n'est qu'un élément parmi d'autres dont la Commission tient compte dans la fixation du montant d'une amende.

(326) S'agissant de la procédure, il est expliqué que toute entreprise souhaitant bénéficier du traitement favorable prévu par la communication doit prendre contact avec la direction générale de la concurrence de la Commission. Mais la communication précise également que ce n'est qu'au moment où la Commission adoptera sa décision qu'elle déterminera l'amende.

(327) Bien que la Commission soit consciente du fait que cette communication crée des attentes légitimes sur lesquelles se fonderont les entreprises souhaitant l'informer de l'existence d'une entente, ces attentes portent uniquement sur la non-imposition ou la réduction de l'amende potentielle, sous réserve que toutes les conditions définies par la communication soient remplies, et non sur le montant de base de l'amende.

(328) Il est clair, par conséquent, que toute attente légitime concernant le montant de l'amende que la Commission imposera à l'issue de la procédure ne peut découler que de la communication elle-même. En particulier, il est exclu, d'entrée de jeu, qu'une entreprise souhaitant bénéficier du traitement favorable prévu par la communication puisse directement ou indirectement fixer des termes différents de ceux qui sont exposés dans ladite communication. Plus particulièrement, il n'est pas possible qu'une telle entreprise, au cours de ses contacts avec les fonctionnaires de la Commission, reconnaisse d'une part l'impossibilité pour ces derniers d'engager la Commission sur la question de l'amende probable, et, d'autre part, impose à la Commission ses propres conditions de coopération en déclarant ses attentes quant à l'amende éventuelle, à l'égard de laquelle les fonctionnaires de la Commission ne peuvent faire aucune déclaration sans engager le pouvoir discrétionnaire dont dispose la Commission pour imposer des amendes.

b) Circonstances aggravantes

- Rôle de meneur dans l'infraction

(329) La Commission considère qu'ADM et Ajinomoto étaient les meneurs de l'infraction. Cette allégation se fonde sur les considérations reprises ci-après.

(330) Jusqu'à l'entrée d'ADM sur le marché de la lysine, Ajinomoto fixait les prix de la lysine, que les autres producteurs asiatiques convenaient de suivre (réunion du 20 septembre 1990). Elle a aussi joué le rôle d'instigatrice en obtenant que les autres producteurs asiatiques acceptent de coopérer avec ADM dans le cadre de l'entente mondiale. Le 1er octobre 1992, Ajinomoto est devenue le représentant d'ADM dans les réunions européennes locales de l'entente. Au cours de leur entretien téléphonique du 4 novembre 1992, Ajinomoto et ADM ont envisagé des sanctions économiques à l'encontre de Sewon. Deux jours auparavant, Ajinomoto avait menacé Sewon d'une action antidumping en Europe. Le 25 octobre 1993, Ajinomoto est convenue avec ADM qu'elle amènerait les autres producteurs asiatiques à accepter le plan de répartition des ventes. Le 23 novembre 1994 et le 20 avril 1995, Ajinomoto (et Kyowa) ont de nouveau essayé de persuader Sewon d'accepter un quota de ventes. En outre, Ajinomoto a organisé et doté en personnelle secrétariat du système de contrôle des quantités.

(331) après son entrée sur le marché de la lysine et jusqu'en juin 1992, ADM a utilisé le prix de la lysine pour obliger les autres producteurs à conclure avec elle des accords visant à restreindre la concurrence sur le marché de la lysine. ADM a renouvelé ce comportement dans la première moitié de 1993, afin d'obliger les autres producteurs de lysine à conclure des accords sur les quantités. En outre, le 19 mai 1994, ADM a prévenu Sewon que, si elle ne réduisait pas ses ventes, il y aurait des pressions sur les prix. Le 23 août 1994, ADM a menacé les autres producteurs de lysine d'une nouvelle guerre des prix, en prédisant à Sewon des graves revers non seulement sur les marchés étrangers, mais aussi sur le marché coréen.

(332) ADM et Ajinomoto ont été les deux moteurs de l'entente mondiale. Les réunions du 30 avril 1993 à Decatur, du 14 mai 1993 à Tokyo et du 25 octobre 1993 à Irvine, cette dernière mettant en présence les directions générales des deux entreprises, illustrent tout particulièrement le rôle dominant qu'ADM et Ajinomoto ont joué dans l'infraction.

(333) ADM et Ajinomoto contestent la conclusion de la Commission quant au rôle qu'elles ont joué dans l'infraction.

(334) ADM suggère qu'Ajinomoto, Kyowa et Sewon ont maintenu une entente en vigueur pendant au moins dix-sept ans avant sa propre implantation sur le marché. ADM estime que l'ancienneté de l'entente, avant qu'elle-même n'entre en scène, fait clairement apparaître qu'il n'est pas plausible de croire qu'elle ait pu acquérir, immédiatement après son entrée sur le marché, une position dominante dans un arrangement d'aussi longue date.

(335) En ce qui concerne sa stratégie de prix, ADM considère que l'allégation de la Commission, selon laquelle ADM a entrepris d'effectuer des ventes à bas prix pour obtenir de force des accords sur les quantités, n'est étayée par aucune preuve et est erronée. ADM soutient que sa stratégie de prix correspondait logiquement aux prix nécessaires pour atteindre son objectif de 50 % de part de marché en l'espace de cinq ans. Dans le cadre de ce plan et compte tenu de la stratégie des producteurs en place, sa politique de bas prix était en fait la seule option qui lui était ouverte pour tenter de consolider son implantation sur le marché de la lysine. ADM prétend que les continuelles guerres des prix qui ont marqué la période sur laquelle a porté l'infraction reflètent la non-mise en œuvre de l'entente plutôt qu'un quelconque rôle dominant dans celle-ci.

(336) Quant aux événements du 4 novembre 1992, du 19 mai 1994 et du 23 août 1994, ADM fait observer que le seul représentant d'ADM à y avoir participé était M.Whitacre. Depuis le 4 novembre 1992, ce cadre d'ADM travaillait avec le FBI. ADM soutient que les agissements de M. Whitacre ont donné une vision exagérée du rôle d'ADM dans l'infraction. Elle allègue que M. Whitacre était motivé par le désir personnel de détourner sur ADM une enquête du FBI portant sur ses propres actes criminels, en amplifiant la culpabilité potentielle d'ADM dans la procédure pénale qui allait suivre.

(337) Par ailleurs, ADM signale que la description de l'entretien téléphonique du 4 novembre 1992 dément l'affirmation selon laquelle ADM et Ajinomoto collaboraient pour punir Sewon. ADM souligne qu'elle avait clairement annoncé son intention d'effectuer des livraisons en Corée avant toute proposition de la part d'Ajinomoto de mettre en œuvre des sanctions contre Sewon. L'expédition de lysine à destination de la Corée était une décision commerciale qu'ADM avait prise en toute indépendance. Quant à la réunion du 19 mai 1994 avec Sewon, ADM souligne que son représentant s'est borné à dire que les prix baisseraient si les volumes augmentaient. Cette phrase ne fait qu'énoncer un résultat naturel de la loi de l'offre et de la demande.

(338) Enfin, pour ce qui concerne la réunion du 25 octobre 1993 avec Ajinomoto, ADM fait observer qu'elle n'a pas entrepris d'amener les autres producteurs à accepter le plan de répartition des ventes. Selon elles, les preuves recueillies indiquent que c'était Ajinomoto qui s'en chargeait.

(339) La Commission n'admet pas que la simple préexistence de l'entente puisse exclure qu'ADM ait joué, dès le début de sa participation, un rôle dominant dans la collusion. Ainsi qu'il ressort du comportement d'ADM lors de la réunion du 23 juin 1992 à Mexico, ADM a immédiatement pris la tête des opérations pour établir la future structure de l'entente, en se référant à son expérience dans l'entente sur l'acide citrique.

(340) Par ailleurs, la Commission ne met pas en doute le fait qu'ADM était consciente que, dans des conditions normales de concurrence, elle ne pouvait atteindre ses objectifs de volumes qu'au moyen d'une concurrence féroce par les prix. Cependant, il ressort des informations recueillies par la Commission qu'ADM a choisi d'emblée de réaliser ses objectifs de volumes par une collusion sur les prix (réunions de décembre 1991 avec Ajinomoto et Kyowa). En appliquant temporairement une politique de bas prix, ADM a donné à ses concurrents un aperçu des pertes que subiraient tous les opérateurs, faute d'accord sur les volumes et les prix. Ces déclarations sur le résultat de l'offre et de la demande encas de réduction importante des prix constituent des menaces à l'intention des autres producteurs, et plus particulièrement à l'intention de Sewon, qui se montrait réticente pour une limitation de ses volumes de ventes. Par conséquent, la conclusion de la Commission, selon laquelle ADM a entrepris d'effectuer des ventes à bas prix pour obtenir de force des accords sur les quantités, est cohérente avec l'objectif fondamental d'ADM d'acquérir 50 % de part de marché.

(341) Quant à savoir si les agissements de M. Whitacre doivent être attribués à ADM, la Commission fait remarquer que ce cadre était l'ancien président de la Bioproducts Division d'ADM et qu'il dépendait directement du vice-président d'ADM. Ce dernier, qui n'avait aucune relation avec le FBI, était également impliqué dans l'entente. De surcroît, les activités d'ADM au sein de l'entente sur la lysine ont commencé bien avant que M. Whitacre ne s'engage à coopérer avec le FBI, comme le prouvent notamment les réunions du 23 juin et du 1er octobre 1992. Il est donc clair que M. Whitacre a agi dans le cadre de la politique globale d'ADM sur le marché de la lysine.

(342) Ajinomoto fait valoir que, au cours de la période antérieure au milieu de 1992, date à laquelle ont commencé les réunions et les accords avec ADM, c'était Sewon et Kyowa, et non pas elle-même, qui avaient pris l'initiative d'engager des discussions sur le marché européen. Ajinomoto affirme que les réunions qu'elle a tenues avec Kyowa et Sewon à la fin de 1990 et au début de 1991 avaient lieu tour à tour à Tokyo et en Corée, les trois entreprises se relayant pour accueillir les réunions.

(343) Ajinomoto soutient que, en particulier, le prix de la lysine convenu le 20 septembre 1990 entre les producteurs asiatiques n'avait pas été imposé à Kyowa et Sewon, mais que ce prix avait au contraire fait l'objet de discussions par téléphone entre les trois producteurs et que ceux-ci étaient parvenus à un accord de principe avant la réunion. Ajinomoto allègue que, loin d'avoir accepté par force, Sewon avait souscrit avec enthousiasme à l'arrangement proposé.

(344) Ajinomoto prétend qu'elle n'est pas à l'origine des discussions avec ADM et qu'elle n'a forcé aucun producteur à participer à l'entente. Au contraire, elle était souvent utilisée comme porte-parole de Kyowa, de Sewon, de Cheil et d'Orsan (l'associée d'Ajinomoto dans Eurolysine) auprès d'ADM, et vice versa.

(345) Ajinomoto fait valoir qu'ADM a affecté le comportement des producteurs en place bien avant son entrée effective sur le marché. Les producteurs établis savaient depuis longtemps qu'ADM avait l'intention de s'implanter sur le marché de la lysine, et ils se rendaient bien compte que l'énorme capacité de production dont elle se dotait signifiait qu'elle entendait se tailler une part de marché importante. Ajinomoto souligne qu'ADM a contacté les producteurs en place pour les informer de ses plans dans ce domaine pour 1991. L'examen de la chronologie des événements antérieurs et immédiatement postérieurs à l'entrée d'ADM sur le marché européen de la lysine démontre, selon Ajinomoto, à quel point les producteurs en place étaient influencés par l'accroissement de capacité d'ADM et son attitude agressive, avant même que celle-ci n'assume le contrôle effectif des opérations.

(346) Ajinomoto estime que, dès son entrée sur le marché, ADM était l'unique meneur de l'infraction, proposant la structure et les principales modalités d'exécution des initiatives de fixation des prix et de répartition des volumes. Elle soutient que, lorsque ADM a commencé à produire à grande échelle, celle-ci orchestrait déjà activement les activités de l'entente. En particulier, ADM a vendu à prix sacrifiés afin de contraindre les autres producteurs à discuter des prix et des volumes, et elle a menacé de recommencer si ses exigences n'étaient pas satisfaites. Selon Ajinomoto, c'est ADM qui a proposé la structure et les principales modalités d'exécution des initiatives de fixation des prix et de répartition des volumes, qui étaient calquées sur l'entente sur l'acide citrique, à laquelle ADM avait participé.

(347) Ajinomoto conteste l'affirmation de la Commission, selon laquelle elle serait devenue, le 1er octobre 1992, le représentant d'ADM dans les réunions européennes locales de l'entente. Elle soutient que, en réalité il était simplement prévu, conformément aux instructions d'ADM, qu'elle serve de canal pour faire rapport à ADM sur les réunions futures.

(348) De l'avis d'Ajinomoto, il lui aurait été impossible de contraindre Sewon (ou un autre producteur) à accepter ses propositions. Pour ce qui est des mesures antidumping dont elle aurait prétendument menacé Sewon, Ajinomoto soutient que la partie intéressée à la question de l'action antidumping était non pas elle-même mais Orsan, son associée dans Eurolysine. Ajinomoto indique qu'Eurolysine était en fait, à cette époque, gérée par Orsan et son propriétaire, Lafarge Coppée, sur lequel Ajinomoto n'avait aucun contrôle, et que les représentants d'Eurolysine à la réunion du 2 novembre 1992 avaient été désignés par Orsan. Ajinomoto suggère que, puisque ADM allait de toute façon effectuer des livraisons de lysine en Corée, indépendamment du fait qu'Ajinomoto l'y ait ou non encouragé le 4 novembre 1992, l'idée de sanctions économiques contre Sewon ne saurait lui être attribuée. Ajinomoto ne conteste pas que, le 23 novembre 1994 et le 20 avril 1995, elle a essayé de persuader Sewon d'accepter un quota de ventes. Elle soutient cependant que le fait d'avoir essayé de "persuader" et non pas de forcer Sewon à accepter les exigences d'ADM peut difficilement apparaître comme un signe de domination.

(349) Quant au rôle qu'elle a joué le 25 octobre 1993, Ajinomoto affirme qu'elle a simplement essayé de persuader les autres producteurs de se plier aux exigences d'ADM. Ajinomoto prétend que c'était en réalité le plan d'ADM, conçu au cours de la réunion par le vice-président d'ADM. Ajinomoto admet avoir joué une nouvelle fois, à cette occasion, le rôle d'intermédiaire entre ADM et les autres producteurs, mais pas celui de meneur.

(350) Ajinomoto affirme que la tâche de pourvoir en personnelle secrétariat de l'entente lui avait été imposée par ADM. Elle fait valoir que les preuves recueillies indiquent clairement que l'idée est venue d'ADM. D'autre part, Ajinomoto considère que le fait qu'elle ait assumé la responsabilité de certaines tâches administratives ne peut pas être retenu comme indice pour établir qu'elle était un meneur. Elle cite la décision de la Commission du 30 novembre 1994 [décision "ciment" (42)], dans laquelle la Commission fait observer que le fait que plusieurs entreprises puissent jouer des rôles différents dans la poursuite de l'objectif commun constitue l'essence même des ententes. Ajinomoto allègue que, par exemple, la raison pour laquelle Eurolysine a adressé aux autres producteurs des invitations aux réunions de la Fefana était qu'Eurolysine présidait le groupe de travail de la Fefana sur les acides aminés. Ajinomoto fait valoir qu'elle et Kyowa ont fait office de coordinateurs parce qu'elles étaient de grandes entreprises avec une couverture mondiale, à la différence des producteurs coréens, et qu'elles s'intéressaient naturellement aux activités dans le secteur de la lysine partout dans le monde. En particulier, étant donné qu'Ajinomoto occupait la première position sur le marché et que tous les participants à l'entente, à l'exception d'ADM, étaient des entreprises asiatiques, Ajinomoto ne trouve pas surprenant qu'on lui ait demandé d'agir en tant que coordinateur.

(351) Ajinomoto fait valoir que Sewon et Kyowa ont, elles aussi, souvent pris l'initiative dans les discussions au sein de l'entente. Elle affirme que, en particulier, tous les producteurs ont joué un rôle identique dans la réponse à la menace formulée par ADM. Ajinomoto suggère que, si tant est que des entreprises aient assumé un rôle pilote au cours des premières phases des discussions avec ADM, l'action de Kyowa a été tout aussi déterminante que la sienne. Ajinomoto considère en outre que, si elle même était qualifiée de meneur, Kyowa devrait aussi être rangée dans cette catégorie, puisque, le 23 novembre 1994, elle a essayé de persuader Sewon d'accepter les exigences d'ADM. Quant au rôle de Sewon dans l'infraction, Ajinomoto souligne que cette entreprise a participé activement à la fixation de prix pendant toute la période concernée, et qu'elle a participé à la répartition des quotas, sauf lorsqu'elle était en désaccord avec les autres sur la part qui lui revenait. Ajinomoto affirme que, loin d'être une victime de la collusion, Sewon a en réalité utilisé l'entente pour servir ses propres intérêts, tout en profitant sans contrepartie des accords sur les volumes conclus entre les autres producteurs.

(352) En ce qui concerne l'affirmation d'Ajinomoto selon laquelle, dans la période antérieure au milieu de 1992, c'était Sewon et Kyowa, et non pas elle-même, qui avaient pris l'initiative d'engager des discussions sur le marché européen, la Commission fait remarquer qu'Ajinomoto/Eurolysine était à l'époque le numéro un sur le marché dans l'EEE. Elle avait donc le choix d'accepter ou de rejeter ces initiatives. Une fois qu'elle a accepté la collusion, elle a également assumé le rôle de chef de file dans la coordination. Ce fait est corroboré par les documents relatifs à la réunion du 20 septembre 1990 dont dispose la Commission.

(353) S'agissant des fonctions qu'Ajinomoto a assumées dans le cadre de l'entente (intermédiaire entre ADM d'une part, et Kyowa, Sewon, Cheil et Orsan d'autre part, organisatrice des fausses réunions de la Fefana, pourvoyeuse de personnel pour le secrétariat de l'entente) la Commission considère qu'il importe peu que ces fonctions aient été proposées à Ajinomoto par les autres participants ou qu'elle les ait assumées de son propre chef. Ce qui est déterminant pour conclure qu'Ajinomoto jouait un rôle de meneur dans l'infraction, c'est que cette entreprise a effectivement exercé ces fonctions.

(354) Quant aux tentatives répétées d'Ajinomoto d'amener Sewon à souscrire à un accord global sur les volumes, il est clair qu'ADM et, dans une moindre mesure, Kyowa ont également participé à ces actions de temps à autre, et qu'elles en ont même entrepris de semblables de leur propre initiative. Il n'en reste pas moins que ces actions démontrent une nouvelle fois le rôle actif qu'Ajinomoto a assumé dans l'infraction et qu'elles concourent à l'appréciation globale établissant sa qualité de meneur. D'autre part, il a été souligné que Kyowa, qui était incontestablement un membre actif de l'entente, avait joué un rôle substantiellement différent de ceux d'ADM et d'Ajinomoto, tant du point de vue de la fréquence que de l'importance de ce rôle pour le fonctionnement de l'entente.

(355) Enfin, le fait qu'ADM a également joué un rôle dominant dans l'infraction n'excuse pas le comportement d'Ajinomoto. Ces deux entreprises étaient de loin les membres les plus puissants de l'entente et elles avaient la même ambition, être le numéro un sur le marché mondial de la lysine.

(356) Pour ces motifs, les montants de base des amendes infligées à ADM et à Ajinomoto sont majorés de 50 % chacun, soit de 19,50 millions d'euros pour ADM et de 21 millions d'euros pour Ajinomoto.

c) Circonstances atténuantes

- Rôle exclusivement passif dans la réalisation de l'infraction

(357) Sewon et Cheil ont fait valoir qu'elles avaient joué un rôle exclusivement passif dans l'infraction.

(358) Sewon prétend qu'elle a été contrainte de participer à l'infraction sous les menaces des grands producteurs de lysine, à savoir Ajinomoto, ADM et Kyowa. Elle considère que, par son obstructionnisme, qu'elle a exercé en prenant de grands risques, elle a très souvent empêché les producteurs de parvenir à un consensus.

(359) Premièrement, pour ce qui concerne la collusion sur les prix, Sewon soutient qu'elle n'était pas en mesure de s'opposer ouvertement aux exigences des grands producteurs. Pour la forcer à coopérer, ceux-ci ont continuellement menacé Sewon de mesures mettant en danger son existence même.

(360) Deuxièmement, s'agissant de la répartition des volumes de ventes, Sewon fait valoir que, malgré les menaces et les tentatives d'intimidation qu'elle a subies de la part des grands producteurs, elle s'est opposée aux quotas décidés par ces derniers et a entravé leurs activités. Par crainte de mesures de rétorsion de la part des grands producteurs, Sewon s'est efforcée d'éviter un conflit ouvert avec eux, ce qui explique qu'elle ait parfois donné l'impression d'être disposée à coopérer sur la question de la répartition des quotas. Sewon indique que la confrontation ouverte avec les grands producteurs était cependant inévitable à partir de la réunion du 19 mai 1994 à Paris, où elle a révélé aux autres participants l'augmentation massive de sa capacité de production, suscitant des sérieuses menaces de représailles de la part des grands producteurs et entraînant, à terme, la rupture de l'entente.

(361) Cheil déclare que, étant petit producteur et un nouvel entrant sur le marché, elle avait invariablement adopté un profil bas lors des réunions avec les autres entreprises. Elle affirme qu'elle n'a jamais pris l'initiative de convoquer une réunion et qu'elle n'a jamais dirigé la discussion dans aucune réunion. Cheil soutient que, en fait, la raison principale de sa participation à ces réunions était d'acquérir une meilleure connaissance de l'industrie de la lysine.

(362) La Commission rejette l'essentiel des arguments de Sewon et la totalité des arguments de Cheil.

(363) La Commission fait remarquer que, dans une entente, et aux fins de déterminer l'amende à infliger, on distingue trois catégories de membres, à savoir les meneurs, les membres actifs et les membres passifs. Dans la présente affaire, ADM et Ajinomoto étaient les meneurs. Quant aux trois autres membres de l'entente, la Commission estime que, en substance (à vrai dire, Kyowa a joué un rôle dominant en quelques occasions), ils entrent dans la catégorie des membres actifs. Cela découle non seulement de la fréquence de leur participation aux réunions pendant une longue période, mais aussi de leur comportement au cours de ces réunions, où ils ont pris une part active aux discussions.

(364) En fait, Sewon et Cheil ne remettent pas en cause la conclusion de la Commission sur ce point. Elles avancent simplement des justifications à leur participation active à la collusion. Mais ni les menaces dont Sewon se jugeait la cible ni le besoin pour Cheil de recueillir des informations ne sauraient justifier des infractions aux règles communautaires de concurrence. Sewon aurait d'informer les autorités compétentes, y inclus la Commission, du comportement illicite de ses concurrents, afin d'y mettre un terme, et Cheil aurait certainement pu, en faisant quelque effort, trouver des moyens licites de recueillir des informations sur l'industrie de la lysine lui apportant tous les éléments requis pour exercer ses activités dans ce secteur en concurrence avec les autres producteurs.

(365) Toutefois, la Commission considère que, à dater du début de 1995 et à propos des quotas de ventes, Sewon a modifié son comportement et, de membre actif, elle est devenue un membre passif de l'entente. De fait, Sewon n'était pas partie à l'accord de 1995 sur les quantités et, bien qu'elle soit demeurée partie à l'accord d'échange d'informations, elle a cessé, au début de 1995, d'informer les autres producteurs sur ses volumes de ventes. Dans ces circonstances, la Commission estime que la majoration appliquée à l'amende de Sewon eu égard à la durée de l'infraction doit être diminuée de 20 %.

- Non-application effective des accords infractionnels

(366) ADM, Ajinomoto, Sewon et Cheil font valoir qu'ils n'ont pas appliqué, dans la pratique, les accords en question.

(367) Pour ce qui est des accords de prix, ADM affirme que, à l'exception, tout au plus, des accords conclus lors de la réunion de Tokyo du 8 décembre 1993 et celle de Hawaii du 10 mars 1994, les prix de transaction qu'elle a effectivement appliqués en Europe à l'époque de chaque accord de prix visé par la présente décision étaient inférieurs aux prix convenus. ADM soutient que les autres producteurs étaient parfaitement conscients qu'elle n'appliquait pas les dispositions convenues. ADM estime que les instructions en matière de prix de barème auxquelles la Commission se réfère dans la présente décision doivent être confrontées avec l'analyse des données de transaction, en comparant les prix soi-disant convenus et les prix effectifs d'ADM, largement inférieurs. ADM soutient que cette analyse des transactions reflète plus fidèlement la politique de prix d'ADM que ne le font les prix de barème.

(368) Sewon fait valoir qu'elle a systématiquement pratiqué des prix inférieurs aux prix cibles convenus.

(369) Cheil met en avant le fait que ses prix étaient presque toujours les plus bas du marché, jusqu'à 25 % inférieurs, parfois, aux prix pratiqués par les autres entreprises.

(370) Ajinomoto suggère qu'il ressort des données dont il est fait état dans la présente décision que les membres de l'entente n'ont pas respecté les prix convenus. Elle souligne que les cinq membres de l'entente ne sont jamais arrivés à afficher un prix moyen mensuel identique.

(371) En ce qui concerne les accords sur les quantités, ADM affirme qu'elle a, chaque année, largement dépassé ses quotas. L'augmentation ininterrompue de sa capacité de production et de sa production elle-même atteste qu'il n'y a jamais eu de réduction ou de limitation de sa production ou de son offre de lysine.

(372) Sewon souligne que ses ventes mondiales sont passées de quelque 27 000 tonnes en 1990 à environ 43 000 tonnes en 1995, et qu'elle a toujours utilisé pleinement sa capacité de production et de vente.

(373) Cheil fait valoir, en particulier, que, bien qu'elle ait indiqué qu'elle était disposée à accepter une capacité de production de 17 000 tonnes (lors de la réunion d'Honolulu, en mars 1994), elle avait déjà pris, au moment où elle donnait cette indication, la décision interne de porter sa capacité à 40 000 tonnes.

(374) Quant à l'accord d'échange d'informations, ADM fait observer que, pendant toute la période concernée, elle a usé, pour servir sa stratégie, de mensonges et de dissimulation dans ses échanges d'informations avec les autres producteurs, concernant des données générales et des variables telles que les prix consentis aux clients, les ventes et les propositions de quotas de répartition des marchés.

(375) Cheil prétend qu'elle a transmis systématiquement des données erronées sur ses volumes de ventes, dans la mesure où elle ne déclarait pas la totalité de ses ventes effectives. Elle souligne qu'elle a, en réalité, fourni des informations de nature à induire en erreur les autres entreprises. Cheil soutient avoir déclaré en 1994, par exemple, un chiffre total de ventes sur le marché européen de 8 951 tonnes, alors que son volume de ventes réel s'élevait à 9 689 tonnes.

(376) La Commission fait observer que la mise en œuvre d'accords sur les prix cibles, correspondant au type d'accord conclu en l'espèce dans la majorité des cas, n'implique pas nécessairement que ces prix soient effectivement appliqués en fin de compte sur le marché. De tels accords sont mis en œuvre lorsque les parties fixent leurs prix de manière à se rapprocher de la cible convenue. Il ressort des informations recueillies par la Commission que, dans la présente affaire, à la suite de la majorité des accords de prix, les parties ont fixé leurs prix conformément à leurs accords.

(377) D'autre part, on ne saurait s'attendre à ce que, en appliquant un accord de prix, une partie à cet accord facture à ses clients un prix unique. Les clients obtiennent normalement diverses remises, qui déterminent les différents prix de transaction effectifs. Par conséquent, le fait qu'il existe différents prix de transaction effectivement consentis aux clients d'une entreprise et aux clients de différentes entreprises ne prouve pas que les accords de prix n'ont pas été appliqués. Les instructions internes d'une entreprise en matière de prix, comme celles que la Commission a découvertes dans le cas d'ADM, constituent la preuve la plus fiable de l'application des accords de prix.

(378) Concernant l'application des accords sur les quantités, il est clair que les membres de l'entente considéraient les quotas qui leur étaient attribués comme des quantités minimales. Tant que chaque partie était en mesure de vendre au moins les quantités qui lui étaient allouées, l'accord était respecté. D'après les informations dont dispose la Commission, cela a bien été le cas.

(379) Quant à l'application de l'accord d'échange d'informations, la Commission considère qu'un tel accord est mis en œuvre dès que les parties se transmettent les données dont elles sont convenues. La question de savoir si ces données sont exactes, ou quel est leur degré d'exactitude, et si les données inexactes ont été fournies par erreur ou de propos délibéré, n'est pas pertinente dans ce contexte. En tout état de cause, il apparaît que les données que les membres de l'entente se sont communiquées étaient acceptables si on les compare aux propres données de chaque producteur relatives à l'ensemble du marché.

(380) En principe, un accord restrictif de concurrence est mis en œuvre dès lors que les membres de l'entente déterminent leur comportement sur le marché en fonction de la volonté commune qu'ils ont exprimée. Dans le cas d'accords répétés, conclus sur une longue période, la Commission estime qu'il est permis de présumer que chacune des parties a mis en œuvre ces accords, dans la mesure où, autrement, elles ne seraient pas convenues à plusieurs reprises de se rencontrer dans divers endroits du monde pour fixer les prix et se partager les marchés sur une si longue période. Dans de telles circonstances, il appartient aux entreprises concernées de prouver qu'elles n'ont pas appliqué, dans la pratique, les accords en question. La Commission constate que les arguments avancés par les parties ne réfutent ni les éléments de preuve sur lesquels la Commission fonde sa conclusion ni la présomption évoquée ci-dessus.

- Cessation de l'infraction dès les premières interventions d'une autorité publique

(381) Dans ses lignes directrices pour le calcul des amendes, la Commission indique qu'elle diminuera le montant de base de l'amende si les entreprises en cause mettent fin à l'infraction dès les premières interventions de la Commission, et notamment dès que celle-ci procède à des vérifications.

(382) Dans la présente affaire, la Commission a effectué sa première enquête les 11 et 12 juin 1997. A cette époque, les entreprises visées par la présente décision avaient mis fin à l'infraction. La Commission considère cependant que, lorsque les entreprises n'ont pas mis fin à l'infraction de leur propre chef, avant que la Commission n'intervienne, mais à cause de l'intervention d'une autorité tierce, la cessation de l'infraction ne constitue une circonstance atténuante pour la fixation de l'amende que si l'entreprise a mis fin à l'infraction dès les premières interventions de l'autorité tierce.

(383) Aux États-Unis, le FBI a effectué des perquisitions dans les bureaux d'ADM, d'Ajinomoto et de Sewon le 27 juin 1995. La Commission n'a pas de raison de croire que les entreprises visées par la présente décision ont poursuivi l'infraction au-delà de cette date.

(384) Pour ces motifs, les montants de base des amendes sont minorés de 10 % chacun, soit de 5,85 millions d'euros pour ADM, de 6,30 millions d'euros pour Ajinomoto, de 2,1 millions d'euros pour Kyowa, de 1,95 million d'euros pour Cheil et de 1,98 million d'euros pour Sewon.

- Autres circonstances atténuantes

(385) ADM considère que les effets positifs de son entrée sur le marché et de l'augmentation ininterrompue de sa production l'emportent sur les éventuels effets préjudiciables de sa participation à l'infraction. A cet égard, ADM fait valoir que, avant son entrée sur le marché, les producteurs en place avaient mené une politique de prix élevés et de production restreinte. ADM affirme qu'elle a en revanche bien fait comprendre, pour sa part, que la lysine était une marchandise. Elle estime que son implantation dans la production et la vente de lysine synthétique en Europe a représenté pour les consommateurs un bénéfice net total, pour les années 1992, 1993, 1994 et la première moitié de 1995, d'environ 147,7 à 152,2 millions de dollars des États-Unis.

(386) Par ailleurs, ADM justifie sa collusion avec ses concurrents sur le marché de la lysine par des facteurs offensifs et défensifs.

(387) D'un point de vue défensif, ADM soutient qu'il y avait une réelle menace de rétorsion de la part de l'entente des producteurs de lysine préexistante à son entrée sur le marché.

(388) Quant aux facteurs offensifs, ADM maintient que ses responsables ne disposaient tout simplement pas, même sous une forme agrégée ou généralisée, d'un certain nombre de données d'ordre divers concernant le marché de la lysine. ADM ajoute qu'il n'existait pas non plus de mécanisme établi qui aurait pu l'aider à déceler les signes de croissance de la demande globale de lysine. ADM suggère que son adhésion à l'entente lui a permis d'obtenir les informations dont elle avait besoin.

(389) La Commission n'admet pas que les motifs avancés par ADM pour justifier son comportement illicite puissent être retenus comme circonstances atténuantes aux fins de la détermination du niveau adéquat de l'amende.

(390) Premièrement, la Commission considère qu'il est clair que les bénéfices pour l'économie européenne auraient été plus importants si ADM avait livré concurrence aux autres producteurs de lysine. L'économie européenne, et en particulier les consommateurs européens, a subi un lourd préjudice qui n'aurait pas existé si l'entrée d'ADM sur le marché et son comportement ultérieur s'étaient déroulés dans des conditions normales de concurrence (voir les considérants 261 à 297, concernant l'appréciation de l'impact concret de l'infraction sur le marché de la lysine dans l'EEE). Il est clair que le comportement illicite d'ADM a eu un impact négatif considérable sur le marché de la lysine dans l'EEE.

(391) Deuxièmement, pour ce qui est des facteurs offensifs et défensifs par lesquels ADM justifie sa collusion avec ses concurrents sur le marché de la lysine, la Commission fait remarquer, d'entrée de jeu, qu'ADM ne prétend pas qu'elle ait eu connaissance de l'existence de l'entente asiatico-européenne, et elle n'a du reste fourni aucun élément de preuve pouvant établir qu'elle était au courant de cette entente. Par conséquent, l'argument selon lequel ADM devait se défendre contre des mesures de rétorsion de la part des producteurs de lysine établis en ralliant l'entente doit être rejeté. En tout état de cause, au lieu de rejoindre l'entente, ADM aurait dû respecter, pour sa part, les règles de concurrence ou dénoncer le comportement illicite de ses rivaux aux autorités de concurrence.

(392) Enfin, s'agissant de la collecte d'informations, il est clair qu'un comportement qui est, en principe, interdit par l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE ne peut être déclaré compatible avec le marché commun que si les conditions énoncées à l'article 81, paragraphe 3, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE sont remplies. Cela n'est pas le cas ici. Il ne peut y avoir aucun doute que, s'il est impossible d'obtenir les informations en question par des moyens légaux, ce qui, de l'avis de la Commission, n'était pas le cas en pratique, les entreprises concernées doivent opérer sur le marché sans ces informations.

(393) ADM et Ajinomoto soulignent qu'elles ont contribué de manière significative au développement de l'agriculture européenne, en créant des emplois en Europe et en y générant des revenus par l'exploitation de lysine. Elles demandent donc que la Commission prenne en considération leur contribution positive à l'économie européenne pour déterminer les amendes à leur infliger dans le cadre de la présente affaire.

(394) La Commission rejette l'idée selon laquelle les retombées commerciales favorables de l'activité industrielle et commerciale devraient être utilisées pour contrebalancer les effets négatifs des infractions aux règles de concurrence.

(395) Kyowa indique que, pendant toute la durée de l'entente, telle qu'établie par la présente décision, elle n'a enregistré, dans l'EEE, qu'un modeste bénéfice pour l'une de ces années, tandis qu'elle a subi des pertes substantielles au cours des quatre autres années. Kyowa fait valoir que, dans l'EEE, son activité dans le secteur de la lysine s'est soldée, sur l'ensemble de la période, par une perte nette. Kyowa demande à la Commission de prendre en considération ce fait.

(396) La Commission ne considère pas que les pertes subies au cours de la période sur laquelle a porté l'infraction puissent constituer, en règle générale, une circonstance atténuante aux fins de la fixation de l'amende. En tout état de cause, pour être en mesure d'apprécier leur pertinence, la Commission aurait besoin de connaître les raisons qui sont à la base de ces pertes. Or, Kyowa n'a pas indiqué ces raisons.

d) Application de la communication de la Commission du 18 juillet 1996 concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant

(397) Les entreprises destinataires de la présente décision ont coopéré avec la Commission à différents stades de l'enquête et en rapport avec différentes périodes couvertes par l'enquête, en vue de bénéficier du traitement favorable prévu par la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant (ci-après dénommée "la communication"). Afin de répondre aux attentes légitimes des entreprises concernées quant à un tel traitement favorable, eu égard à leur coopération, la Commission examine dans les pages qui suivent si les parties remplissent les conditions exposées dans ladite communication.

- Remarques préliminaires

(398) ADM indique que, à la suite de la perquisition que le FBI a effectuée dans ses bureaux le 27 juin 1995, elle a pleinement coopéré avec les autorités américaines et donc, indirectement, avec les autorités des États avec lesquels les États-Unis ont conclu un accord de coopération en matière d'application des règles de concurrence. ADM réclame par conséquent un traitement favorable au titre de la communication.

(399) D'autre part, ADM allègue que, par le biais de la réponse d'ADM Ingrédients, en date du 24 octobre 1997, à la demande de renseignements formelle que lui avait adressée la Commission le 28 juillet 1997, au titre de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 17, elle a coopéré avec la Commission pour établir les faits qui se rapportent à la présente procédure.

(400) En outre, ADM soutient que, après réception de la communication des griefs relative à la présente affaire, elle a fourni à la Commission des informations et des documents qui ont matériellement contribué à confirmer, pour la période antérieure à l'entrée d'ADM sur le marché, toute l'étendue de l'infraction commise par les autres producteurs de lysine. Elle en conclut que son comportement devrait être récompensé par une réduction du montant de l'amende au titre de la communication.

(401) Enfin, ADM allègue qu'elle a toujours été disposée à satisfaire, dans la mesure de ses moyens, aux conditions prévues par la communication. Elle soutient qu'elle était prête à fournir à la Commission les informations dont elle disposait et qu'elle est prête, à l'avenir, à divulguer toute information utile aussitôt qu'elle sera en mesure de le faire. ADM fait cependant remarquer que les personnes les mieux informées au sujet de sa participation aux réunions et aux communications entre les membres de l'entente n'étaient pas en situation de fournir à ADM les renseignements qui lui auraient permis de coopérer avec la Commission. Par ailleurs, bien qu'ADM eût pu fournir à la Commission des copies des documents qu'elle avait remis aux autorités américaines, elle ne l'a pas fait parce qu'elle estimait que ces documents ne seraient pas, en pratique, d'un véritable secours à la Commission, dès lors que celle-ci n'avait pas la possibilité d'approcher les personnes concernées. ADM fait valoir qu'il serait inéquitable de nuire à une entreprise qui satisfait dans la mesure de ses moyens aux conditions prévues par la communication. ADM estime que le critère pertinent devrait résider dans le fait qu'une entreprise soit disposée à divulguer toutes les informations utiles et pertinentes dont elle dispose, et qu'elle le fasse effectivement.

(402) Pour ce qui se rapporte à la possible coopération d'ADM avec les autorités américaines au cours de leur enquête sur la lysine, la Commission fait observer que, d'après les informations fournies par les autorités des États-Unis, leur enquête était limitée aux effets anticoncurrentiels que la collusion examinée dans la présente décision avait produit dans le ressort de leur juridiction, à savoir les États-Unis. En tout état de cause, il est évident que les autorités américaines ne sont pas compétentes pour constater une infraction aux règles communautaires de concurrence. La Commission admet que l'intervention des autorités américaines a entraîné la cessation de la collusion affectant l'EEE. Il est cependant clair que toute amende imposée par la Commission en application des règles communautaires de concurrence n'est susceptible d'être réduite que si la coopération des entreprises visées par la présente décision a eu lieu avec la Commission.

(403) S'agissant de la réponse d'ADM Ingrédients à sa demande de renseignements, la Commission ne considère pas que le fait de fournir les renseignements requis ouvre droit à une réduction de l'amende au titre de la communication. En tant que destinataire d'une demande de renseignements formelle adressée en vertu de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 17, ADM Ingrédients était dans l'obligation de fournir les renseignements requis. Bien qu'il ne soit pas nécessaire que l'entreprise concernée apporte sa coopération de sa propre initiative, il ressort de la communication que la coopération doit être volontaire et, en particulier, se manifester en dehors de l'exercice des pouvoirs d'investigation conférés à la Commission (43).

(404) En ce qui concerne les informations qu'ADM a fournies à la Commission au sujet du comportement des producteurs de lysine avant son entrée sur le marché, et sans se prononcer sur la valeur desdites informations, la Commission attire l'attention sur la différence qui existe entre le fait d'aviser d'une infraction et celui de se mettre soi même en cause. La mise à disposition d'informations sur des ententes auxquelles l'informateur n'a pas participé ne saurait relever des dispositions de la communication, pour la simple raison que l'informateur n'est alors passible d'aucune amende. Ce principe vaut également pour les membres de l'entente qui fournissent des renseignements portant sur des périodes pour lesquelles ils ne peuvent pas subir d'amende. Le bénéfice de la communication n'est susceptible d'être accordé qu'à des entreprises participant à des ententes, qui, autrement, seraient dissuadées d'informer la Commission de l'existence de l'entente par les amendes élevées qu'elles risqueraient de se voir infliger. En l'espèce, ADM ne court aucun risque de se voir infliger une amende pour la période antérieure à sa participation à la collusion avec les autres parties. Si la Commission accueille favorablement, dans l'intérêt public, toute information qui peut lui être transmise sur l'existence d'ententes y compris par des parties qui ne sont pas impliquées dans la collusion, elle n'est cependant pas en mesure de récompenser de tels informateurs.

(405) Dans la première partie de sa demande de renseignements du 28 juillet 1997, la Commission a demandé à ADM de lui remettre tous ses documents professionnels se rapportant à un certain nombre de réunions avec d'autres producteurs d'acides aminés. En réponse à cette demande, ADM Ingrédients a informé la Commission, dans sa lettre du 24 octobre 1997, qu'elle avait demandé à ses bureaux en Europe de localiser les documents requis et qu'elle avait également sollicité l'assistance de sa maison mère aux États-Unis. ADM Ingrédients a joint à sa réponse du 24 octobre 1997 des copies de documents relatifs à l'organisation des déplacements de certains de ses cadres. Elle précisait que c'était là les seuls documents, en rapport avec les questions de la Commission sur ces réunions, qu'elle avait pu trouver. Pourtant, au cours de la présente procédure, ADM a admis qu'elle aurait pu fournir à la Commission des copies des documents qu'elle avait remis aux autorités américaines. Elle prétend qu'elle ne l'a pas fait parce qu'elle estimait que ces documents ne seraient pas, en pratique, d'un véritable secours à la Commission.

(406) La Commission considère qu'ADM a refusé de coopérer avec elle au cours de son enquête dans la présente affaire. La Commission fonde cette conclusion sur le fait qu'ADM n'a pas communiqué les informations en sa possession portant sur les réunions énumérées par la Commission dans sa demande de renseignements du 28 juillet 1997 au titre de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 17. La Commission considère par conséquent qu'ADM n'a pas coopéré à l'instruction de la présente affaire et ne remplit pas les conditions exposées aux titres B et C de la communication.

- Non-imposition d'amende ou réduction très importante de son montant

(407) Ajinomoto soutient qu'elle remplit les conditions pour la non-imposition d'amende énoncées au titre B de la communication et que la nature de sa coopération justifie, par conséquent, qu'il ne lui soit pas infligé d'amende.

(408) La Commission reconnaît qu'Ajinomoto l'a informée de l'entente examinée dans la présente décision avant qu'elle ait procédé à une vérification sur décision (voir considérant 167). La Commission reconnaît également qu'elle ne disposait pas au préalable d'informations suffisantes pour prouver l'existence de l'entente en question. La Commission fait observer que, avant le 12 juillet1996, date à laquelle Ajinomoto a pris contact avec elle, l'entente sur la lysine avait fait l'objet d'une intense couverture médiatique aux États-Unis et ailleurs, ce que la Commission a confirmé dans une lettre adressée à Ajinomoto le 1er août 1996. En outre, le 27 août 1996, lorsque Ajinomoto a fourni les premiers documents au titre de sa coopération, le Department of Justice des États-Unis avait informé le public des premières accusations pénales de violations des lois antitrust qu'il avait prononcées dans le cadre de son enquête sur la lysine, à l'encontre, entre autres, d'Ajinomoto.

(409) Ajinomoto a été le premier membre de l'entente à fournir des éléments tendant à établir l'existence de celle-ci. La Commission considère en outre que, pour la période à laquelle ils se rapportent, ces éléments de preuve ont été déterminants, dans la mesure où ils étaient suffisants en soi pour prouver l'existence de l'entente à compter de l'entrée d'ADM sur le marché.

(410) Ajinomoto a mis fin à sa participation à l'activité illicite avant le 12 juillet 1996, date à laquelle elle a révélé l'existence de l'entente à la Commission.

(411) Pour les raisons exposées ci-après, la Commission estime que la coopération d'Ajinomoto ne remplit qu'en partie les conditions pour la non-imposition d'amende ou la réduction très importante de son montant définies au titre B de la communication.

(412) La Commission considère qu'Ajinomoto, à tout le moins par négligence, ne lui a pas fourni, au moment où elle a entamé sa coopération, toutes les informations utiles ainsi que tous les documents et éléments de preuve dont elle disposait au sujet des activités de l'entente avant l'entrée d'ADM sur le marché.

(413) A compter de juin 1990 et jusqu'en juin 1992, date à laquelle ADM a rejoint l'entente, la Commission constate qu'Ajinomoto a conclu avec ses concurrents, en neuf occasions distinctes, des accords sur les prix de la lysine et les volumes de ventes. Parmi les cadres d'Ajinomoto qui ont participé à ces événements, au moins un (M. Mimoto) est toujours employé par cette entreprise. Un autre (M. Ikeda), bien qu'il ait pris sa retraite en 1994, a fait une déclaration, le 28 janvier 1999, qui figure parmi les pièces qu'Ajinomoto a réunies pour sa défense dans le cadre de la présente procédure. La Commission a par conséquent des raisons de croire qu'Ajinomoto est en possession, ou est en mesure d'avoir en sa possession, des informations au sujet de l'existence de l'entente au cours de la période antérieure à l'entrée d'ADM sur le marché.

(414) Par ailleurs, la Commission a connaissance du fait que, immédiatement après que les autorités américaines ont perquisitionné dans les bureaux d'Ajinomoto aux États-Unis, chez Heartland Lysine, le 27 juin 1995, le service juridique d'Ajinomoto, à Tokyo, a donné des instructions pour que le reste des documents relatifs à l'entente, qui était conservé en Europe et au Japon, soit détruit. Ajinomoto admet qu'elle a détruit certains de ses documents et, plus particulièrement, des documents qui étaient conservés en Europe.

(415) Pour ces motifs, la Commission considère que la coopération d'Ajinomoto n'a pas été totale.

(416) La Commission admet qu'il peut y avoir des doutes sur le point de savoir si les premiers accords faisaient partie d'une infraction unique et continue, et, par conséquent, sur le point de savoir quelles informations devaient être fournies à la Commission dans le cadre de la coopération. Toutefois, dans le doute, Ajinomoto aurait d'attirer l'attention sur les informations en question, afin d'obtenir de la Commission un avis sur leur pertinence pour la présente enquête. Ce n'est pas à l'entreprise qu'il appartient de déterminer l'étendue de l'objet de l'enquête menée par la Commission.

(417) Enfin, comme la Commission l'a établi (considérants 353 à 356), Ajinomoto était un meneur de l'infraction. La Commission estime donc qu'Ajinomoto a joué un rôle déterminant dans l'activité illicite, ce qui, en soi déjà, exclut l'application du titre B de la communication.

(418) Lorsqu'il existe plusieurs meneurs, comme dans la présente affaire, on pourrait prétendre que tous les meneurs sont sur un pied d'égalité et que, dès lors, aucun d'eux n'est à même de jouer un rôle déterminant dans l'infraction. Cela représenterait une incitation, pour les meneurs aussi, à franchir le pas les premiers et à fournir des éléments déterminants pour prouver l'existence de l'entente.

(419) Toutefois, il ressort du libellé de la communication que la Commission a mis en balance l'intérêt communautaire à faire bénéficier d'un traitement favorable les entreprises contrevenantes qui coopèrent avec elle et l'intérêt communautaire à dissuader de futurs contrevenants en sanctionnant pécuniairement ces entreprises pour les infractions qu'elles ont commises. Cet équilibre serait compromis si les membres de l'entente qui ont joué un rôle déterminant dans l'infraction pouvaient bénéficier de la clémence de la Commission.

(420) La Commission conclut par conséquent que la coopération d'Ajinomoto ne remplit pas les conditions exposées aux points d) et e) du titre B de la communication.

(421) Ajinomoto considère que, si une amende lui est infligée dans la présente affaire en dépit de sa coopération, la confiance que d'autres entreprises pourraient accorder à l'avenir à la communication s'en trouvera affectée. De l'avis d'Ajinomoto, il y a une différence substantielle entre une coopération proposée avant, ou après, que la Commission ait procédé à une vérification. Ajinomoto suggère que c'est à la suite de sa coopération, qu'elle a proposée en raison de la communication, que la Commission a procédé à une vérification. Si la différence entre une coopération antérieure ou postérieure à une vérification n'avait rien de substantiel, l'incitation à fournir spontanément, à un stade précoce, des informations à la Commission serait réduite de manière significative.

(422) La Commission reconnaît que la coopération d'Ajinomoto a contribué à l'établissement des preuves fondamentales de l'infraction pour la période postérieure à l'entrée d'ADM sur le marché. Néanmoins, la Commission ne considère pas que les espoirs d'Ajinomoto de ne pas se voir infliger d'amende pour son infraction aux règles communautaires de concurrence aient été légitimes. En particulier, il est évident qu'Ajinomoto faisait le calcul erroné que l'enquête de la Commission serait parallèle à l'enquête sur la lysine aux États-Unis, dans le cadre de laquelle les autorités américaines s'étaient concentrées sur la collusion à laquelle avait participé ADM. Bien que le droit communautaire de la concurrence et les règles de concurrence en vigueur dans d'autres parties du monde servent, en principe, des objectifs similaires, les entreprises doivent garder à l'esprit que, même dans des affaires portant sur des ententes internationales qui font l'objet d'enquêtes menées par différentes autorités publiques, l'objet et l'étendue de la procédure engagée par la Commission se fonde exclusivement sur l'application du droit communautaire.

(423) Sewon a été le premier membre de l'entente à fournir des éléments déterminants et complets pour prouver l'existence de l'infraction constatée par la Commission dans la présente affaire. Les documents remis par Sewon constituent, avec ceux qu'Ajinomoto a fournis pour la période postérieure à l'entrée d'ADM sur le marché, la principale source de preuves utilisée par la Commission dans l'élaboration de la présente décision. Sewon a également mis fin à sa participation à l'activité illicite avant la date à laquelle elle a commencé à coopérer avec la Commission. Elle n'a pas contraint une autre entre prise à participer à l'entente ni eu un rôle d'instigation ou un rôle déterminant dans l'activité illicite.

(424) Cependant, à la date à laquelle Sewon a commencé à coopérer avec la Commission, celle-ci disposait d'informations suffisantes pour prouver l'existence de l'entente à compter de l'entrée d'ADM sur le marché. Ces informations avaient déjà été fournies par Ajinomoto. De plus, Sewon a dénoncé l'entente après que la Commission eut procédé à une vérification sur décision dans les locaux d'ADM et de Kyowa. Enfin, une part substantielle des informations fournies par Sewon à la Commission constitue la réponse de Sewon à la demande formelle de renseignements que la Commission lui a adressée le 28 juillet 1997, au titre de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 17. Partant, la coopération de Sewon n'était pas totalement volontaire.

(425) La Commission conclut par conséquent que la coopération de Sewon ne remplit pas les conditions exposées au point d) du titre B de la communication.

(426) Kyowa et Cheil n'ont pas été les premières à fournir des éléments concernant l'existence de l'entente. Les éléments que Kyowa et Cheil ont communiqués à la Commission n'étaient pas déterminants pour prouver l'existence de l'entente, dans la mesure où ils n'étaient pas suffisants en soi pour établir, sur quelque période que ce soit, l'existence de l'entente. Les informations que Cheila fournies à la Commission constituent, pour leur plus grande part, la réponse de Cheil à la demande formelle de renseignements que la Commission lui a adressée le 28 juillet 1997, au titre de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 17. Partant, la coopération de Cheil avec la Commission n'avait, sur le fond, rien de volontaire.

(427) La Commission conclut par conséquent que la coopération de Kyowa ne remplit pas les conditions exposées au point b), et que la coopération de Cheil ne remplit pas les conditions exposées aux points b) et d), du titre B de la communication.

(428) L'attitude d'ADM vis-à-vis de l'enquête menée par la Commission dans la présente affaire ne remplit aucune des conditions exposées au titre B de la communication.

- Réduction importante du montant de l'amende

(429) Étant donné qu'aucune des entreprises visées par la présente décision ne remplit les conditions exposées aux points b) à e) du titre B de la communication, aucune d'elles ne peut bénéficier d'une réduction importante de l'amende en application du titre C de la communication.

- Réduction significative du montant de l'amende

Coopération avec la Commission avant l'envoi de la communication des griefs

(430) Avant que la Commission ait adopté sa communication des griefs du 29 octobre 1998, Ajinomoto, Kyowa, Sewon et Cheil ont fourni à la Commission des informations, des documents ou d'autres éléments de preuve qui ont contribué à confirmer l'existence de l'infraction dans la présente affaire.

(431) Eu égard à l'étendue et à la qualité de leur coopération au cours de l'enquête, la Commission consent à Ajinomoto et à Sewon, en application du titre D de la communication, la plus forte réduction possible du montant de l'amende qui leur aurait été infligée en l'absence de coopération, à savoir 50 %.

(432) En ce qui concerne Kyowa et Cheil, la Commission considère qu'une réduction de 30 % de l'amende est une réduction appropriée en reconnaissance de la contribution apportée par Kyowa à la confirmation d'un certain nombre de réunions et autres contacts entre les parties, qui s'insèrent dans le cadre de l'infraction.

Coopération avec la Commission après réception de la communication des griefs

(433) après réception de la communication des griefs du 29 octobre 1998, ADM a informé la Commission qu'elle ne contestait pas la matérialité des faits aux fins de la présente procédure. ADM faisait cependant remarquer que sa décision de ne pas contester les faits aux fins de la présente procédure n'était pas censée être et ne devait pas être considérée comme une admission de ces faits ou une déclaration contraire à ses propres intérêts à toute autre fin. ADM affirme que, ce faisant, elle est endroit de bénéficier d'une réduction significative de l'amende que la Commission pourrait lui infliger dans la présente affaire.

(434) Des déclarations du genre de celle qu'ADM a faite, qui laissent ouverte la question de savoir si les faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations sont exacts, peuvent être destinées à engendrer une insécurité quant aux effets juridiques de la décision une fois que celle-ci est devenue inattaquable. Mais les effets juridiques d'une décision de la Commission ne dépendent pas du comportement des parties au cours de la procédure qui a conduit à l'adoption de la décision. Une décision de la Commission offre aux juridictions nationales des éléments importants pour leur jugement et, sur cette base, elles devraient en général être en mesure de se prononcer sur la compatibilité des comportements litigieux avec les règles communautaires de concurrence (44).

(435) La Commission considère qu'ADM est en droit de bénéficier d'une réduction de 10 % du montant de l'amende.

e) Ajustements

(436) Sewon estime que la Commission devrait prendre en considération le contexte économique particulier dans lequel elle opère à l'heure actuelle, et qui fait qu'elle n'est pas en mesure d'acquitter des amendes importantes. Sewon demande donc à la Commission d'ajuster en conséquence le montant de l'amende à lui infliger.

(437) Sewon affirme que, en raison de la gravité et de la persistance de la crise économique qui sévit en Corée du Sud, sa situation financière s'est détériorée au point de compromettre fortement sa capacité réelle à acquitter une amende. Afin de survivre à cette crise, Sewon a accéléré en 1998 un processus de restructuration engagé en 1997 par des opérations de fusion et la cession d'activités non rentables. La fusion entre Daesang Industrial Ltd et Miwon Co., Ltd, qui a donné naissance à Daesang Corporation en novembre 1997 ainsi que la cession à BASF, en mai 1998, de ses activités mondiales dans le secteur de la lysine l'inscrivent dans le cadre des efforts déployés par Sewon pour redresser sa situation financière.

(438) La Commission considère que la prise en compte, lors de la détermination de l'amende, de la situation financière déficitaire d'une entreprise reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (45). Tout en maintenant l'amende à un niveau qui lui paraît approprié, la Commission accordera à cette entreprise la possibilité de proposer des délais de paiement acceptables, sous réserve qu'elle prouve son incapacité à payer l'amende qui lui est infligée.

f) Imputabilité de l'infraction

(439) Selon une jurisprudence constante, la circonstance que la filiale a une personnalité juridique distincte ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputé à la société mère, notamment lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont imparties par la société mère (46).

(440) Dans la présente affaire, la Commission considère qu'ADM, Ajinomoto, Kyowa et Sewon étaient en mesure d'exercer une influence déterminante sur la politique commerciale de leurs filiales européennes. ADM Ingrédients, Eurolysine, Kyowa Europe et Sewon Europe étant à l'époque des filiales à 100 % de leurs sociétés mères respectives, elles ont suivi nécessairement une politique tracée par les organes statutaires qui fixent la politique de leur société mère.Il convient également d'observer que tant les sociétés mères que les filiales européennes ont joué un rôle actif dans les réunions de l'entente.En tout état de cause, les parties n'ont invoqué aucun élément de preuve de nature à étayer une affirmation selon laquelle lesdites filiales auraient exercé leurs activités sur le marché de la lysine comme des entités juridiques autonomes déterminant leur politique commerciale en grande partie par elles-mêmes.

(441) Dans ces conditions, la Commission est en droit d'imputer aux mères le comportement de leurs filiales.

(442) En outre, en interdisant aux entreprises, notamment, de conclure des accords ou de participer à des pratiques susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE s'adressent à des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à la commission d'une infraction visée par ces dispositions (47). ADM Ingrédients, Eurolysine, Kyowa Europe et Sewon Europe faisant partie des entités économiques qui ont commis l'infraction constatée par la présente décision, elles peuvent être tenues pour responsables de ladite infraction.

(443) Jusqu'en septembre 1994, Eurolysine se trouvait sous le contrôle conjoint d'Ajinomoto et d'Orsan. Ajinomoto ayant par la suite porté sa participation à 75 %, pour finalement racheter la totalité des actions d'Orsan, elle est responsable du comportement d'Eurolysine pour toute la période couverte par la présente décision (48).

(444) Quant à Sewon, la Commission note que cette entreprise a cédé la totalité de ses activités dans le secteur de la lysine au cours du premier semestre de 1998. Toutefois, dans la mesure où la partie qui a commis l'infraction subsiste en tant que personne morale, même si l'activité économique qu'elle exerçait auparavant dans le secteur de la lysine est désormais exercée par une entité juridique distincte, elle reste responsable de l'infraction qu'elle a commise dans le secteur économique concerné (49).

g) Amendes infligées dans le cadre de la présente procédure

(445) En conclusion, il y a lieu de fixer comme suit les montants des amendes à infliger en application de l'article15, paragraphe 2, point a), du règlement n° 17:

Archer Daniels Midland Company et Archer Daniels Midland Ingrédients Limited (solidairement responsables) 47 300 000 euros

Ajinomoto Company, Incorporated et Eurolysine SA (solidairement responsables) 28 300 000 euros

Kyowa Hakko Kogyo Company Limited et Kyowa Hakko Europe GmbH (solidairement responsables) 13 200 000 euros

Daesang Corporation et Sewon Europe GmbH (solidairement responsables) 8 900 000 euros

Cheil Jedang Corporation 12 200 000 euros

A ARRETÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Archer Daniels Midland Company et sa filiale européenne ; Archer Daniels Midland Ingrédients Limited ; Ajinomoto Company, Incorporated, et sa filiale européenne Eurolysine SA, Kyowa Hakko Kogyo Company Limited et sa filiale européenne Kyowa Hakko Europe GmbH, Daesang Corporation et sa filiale européenne Sewon Europe GmbH, ainsi que Cheil Jedang Corporation ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité CE e l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE en participant à des accords sur les prix, les volumes de ventes et l'échange d'informations individuelles sur les volumes de ventes de lysine synthétique, couvrant l'ensemble de l'EEE.

La durée de l'infraction a été la suivante:

a) dans le cas d'Archer Daniels Midland Company et d'Archer Daniels Midland Ingrédients Limited: du 23 juin 1992 au 27 juin 1995;

b) dans le cas d'Ajinomoto Company Incorporated, et d'Eurolysine SA: au moins à partir de juillet 1990 jusqu'au 27 juin 1995;

c) dans le cas de Kyowa Hakko Kogyo Company Limited et de Kyowa Hakko Europe GmbH: au moins à partir de juillet 1990 jusqu'au 27 juin 1995;

d) dans le cas de Daesang Corporation et de Sewon Europe GmbH: au moins à partir de juillet 1990 jusqu'au 27 juin 1995;

e) dans le cas de Cheil Jedang Corporation : du 27 août 1992 au 27 juin 1995.

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises énumérées à l'article 1er, en raison de l'infraction constatée audit article:

a) Archer Daniels Midland Company et Archer Daniels Midland Ingrédients Limited (solidairement responsables) une amende de: 47 300 000 euros

b) Ajinomoto Company, Incorporated et Eurolysine SA (solidairement responsables) une amende de: 28 300 000 euros

c) Kyowa Hakko Kogyo Company Limited et Kyowa Hakko Europe GmbH (solidairement responsables) une amende de: 13 200 000 euros

d) Daesang Corporation et Sewon Europe GmbH (solidairement responsables) une amende de: 8 900 000 euros

e) Cheil Jedang Corporation, une amende de: 12 200 000 euros

Article 3

Les amendes infligées sont payables par les entreprises énumérées à l'article 2, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, au compte bancaire suivant: Compte n° 642-0029000-95 Commission européenne Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (BBVA) SA Avenue des Arts 43B-1040 Bruxelles (code SWIFT: (BBVABEBB) A l'issue de ce délai, des intérêts seront automatiquement dus au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement au premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée, majoré de 3,50 points de pourcentage, soit 7,25 %.

Article 4

Sont destinataires de la présente décision:

a) Archer Daniels Midland Company 4666 Faries Parkway Decatur, Illinois 62526 USA

b) Archer Daniels Midland Ingrédients Limited Church Motorway Erith Kent DA8 1DL United Kingdom

c) Ajinomoto Company, Incorporated 15-1, Kyobashi Itchome Chuo-kuTokyo 1048315 Japan

d) Eurolysine SA153, rue des Courcelles F-75817 Paris Cedex 17

e) Kyowa Hakko Kogyo Company Limited1-6-1 Ohtemachi Chiyoda-ku, Tokyo 100 Japan

f) Kyowa Hakko Europe GmbH Immermannstrasse 65CD-40210 Düsseldorf

g) Daesang Corporation Daesang Building 96-48 Shinsul-Dong Dongdaemoon-Ku Seoul 030-110 Korea

h) Sewon Europe GmbH Mergenthalerallee 1-3D-65760 Eschborn

i) Cheil Jedang Corporation Standbrook House -4th floor Suite D2-5 Old Bond Street London W1X 3TB United Kingdom

La présente décision forme titre exécutoire, conformément à l'article 256 du traité CE.

(1) JO 13 du 21.2.1962, p. 204/62.

(2) JO L. 148 du 15.6.1999, p. 5.

(3) JO 127 du 20.8.1963, p. 2268/63.

(4) JO L. 354 du 30.12.1998, p. 18.

(5) JO C. 207 du 18.7.1996, p. 4.

(6) Recueil 1988, p. 5193.

(7) Recueil 1970, p. 661, point 112.

(8) Recueil 1980, p. 3125, point 86.

(9) Recueil 1992, p. II-1155, points 129 et 144.

(10) Recueil 1999, p. II-347, point 177.

(11) Voir l'arrêt du 14 mai 1998 dans l'affaire T-295-94, Buchmann contre Commission, Recueil 1998, p. II-813, point 121.

(12) Recueil 1991, p. II-1711, point 232.

(13) Recueil 1995, p. II-867, point 60.

(14) Voir l'arrêt dans l'affaire T-295-94, Buchmann, précité, point 131.

(15) Recueil 1990, p. I-45.

(16) Recueil 1992, p. II-1021, point 304.

(17) Non encore publié au Recueil, point 81.

(18) Recueil 1991, p. II-867, points 125 et 126.

(19) Précité, point 203 des motifs.

(20) JO L. 319 du 29.11.1974, p. 1.

(21) JO C. 9 du 14.1.1998, p. 3.

(22) JO L. 230 du 18.8.1986, p. 1.

(23) JO L. 239 du 14.9.1994, p. 14.

(24) JO L. 243 du 19.9.1994, p. 1.

(25) Recueil 1991, p. II-0867.

(26) Recueil 1998, p. II-813.

(27) Recueil 1999, p. II-931.

(28) Non encore publié au Recueil.

(29) Voir l'arrêt du 14 mai 1998 dans l'affaire T-308-94, Cascades contre Commission, Recueil 1998, p. II-925, point 177.

(30) Dr John Conner, "Lysine Production, Trade and the Effects of International Price Fixing", Staff Paper 98-18, septembre 1998, Purdue University, p. 35.

(31) Dans une structure de marché caractérisée par un petit nombre de vendeurs dont chacun est suffisamment important pour affecter les prix du marché et les volumes en agissant isolément, le problème que chaque entreprise doit résoudre à titre individuel ("le jeu") consiste à déterminer combien il lui faut investir dans sa capacité de production et combien il lui faut produire pour maximiser son profit, étant donné la production et les capacités respectives de ses rivaux, et la demande pour le produit. Le résultat collectif des efforts non coordonnés déployés par chaque entreprise pour résoudre son problème de production détermine le prix du marché auquel la demande des acheteurs de lysine est satisfaite par la somme des quantités offertes par les entreprises rivales. C'est ce qu'on appelle "l'équilibre de Cournot (production-prix)". Ce prix représente le prix compétitif sur un tel marché et le prix le plus bas qui sera praticable dans une logique de maximisation du profit non coordonnée.

(32) Le modèle de Cournot s'écrit: prix = coût marginal / (1 - indice de Herfindahl-Hershman) / élasticité-prix de l'industrie. ADM ne disposait pas de chiffres réels concernant le coût marginal, mais d'estimations basées sur un modèle de régression multiple des coûts d'ADM liés aux facteurs variables utilisés dans la production et la distribution de lysine. La valeur attribuée à l'élasticité-prix est tirée d'un rapport de John Connor, "The cost to US Animal Feeds Manufacturers of an alleged price-fixing conspiracy by lysine manufacturers 1992-1995" et de la réponse de Frederick R. Warren-Boulton, élaborée dans le cadre du procès qui s'est tenu aux États-Unis.

(33) R. Selten, "A simple model of imperfect competition where four are few and six are many", International Journal of Game Theory, 2,p. 141-201, reproduit dans R. Selten, Models of Strategic Rationality, Kluwer, Academic Publishers, 1998, p. 95-155.

(34) Louis Philips, Competition Policy: A Game-theoretic perspective; Cambridge University Press 1995, chapitre 5, p. 88.

(35) Précité, point 121 des motifs.

(36) JO L. 109 du 27.4.1999, p. 24; voir aussi la décision de la Commission du 14 octobre 1998, "British Sugar" (JO L. 76 du 22..3.199, p. 1).

(37) Considérant 148 de ladite décision.

(38) arrêt dans l'affaire T-305-94, "PVC", précité, point 1162 des motifs.

(39) Recueil 1994, p. 11-289.

(40) arrêt dans l'affaire T-141-94, Thyssen, précité, point 666 des motifs.

(41) Page 2 de la réponse écrite de Kyowa, datée du 1er février 1999, à la communication des griefs de la Commission du 20 octobre 1998.

(42) JO L. 343 du 30.12.1994, p. 1, considérant 46.

(43) arrêt dans l'affaire T-308-94, Cascades, précité, point 260 des motifs.

(44) Communication relative à la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l'application des articles 85 et 85 du traité CEE (JO C. 39 du 13.2.1993, p. 6, points 20 à 22.

(45) arrêt dans l'affaire T-141-94, Thyssen, précité, au Recueil, point 628.

(46) arrêt du 14 mai 1998 dans l'affaire T-354-94, Stora contre Commission, Recueil 1998, p. II-2111, point 79.

(47) arrêt du 14 mai 1998 dans l'affaire T-352-94, Mo Och Domsjö contre Commission, Recueil 1998, p. II-1989, point 87.

(48) arrêt du 28 mars 1994 dans les affaires jointes 29-83 et 30-83, Rheinzink contre Commission, Recueil 1984, p. 1679, point 9.

(49) arrêt dans l'affaire T-305-94, PVC, précité, point 953 des motifs.