TPICE, 3e ch., 12 décembre 2000, n° T-128/98
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Aéroports de Paris
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, Alpha Flight Services
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
MM. Lenaerts
Juges :
MM. Azizi, Jaeger
Avocats :
Mes Calvet, Marville, Denantes, De Meester.
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),
Faits à l'origine du litige
1. Le requérant, les Aéroports de Paris (ci-après "ADP"), est un établissement public de droit français doté de l'autonomie financière, qui, en vertu de l'article L. 251-2 du Code de l'aviation civile français, est "chargé d'aménager, d'exploiter et de développer l'ensemble des installations de transport civil aérien ayant leur centre dans la région parisienne et qui ont pour objet de faciliter l'arrivée et le départ des aéronefs, de guider la navigation, d'assurer l'embarquement, le débarquement et l'acheminement à terre des voyageurs, des marchandises et du courrier transportés par air, ainsi que toutes installations annexes".
2. ADP assure l'exploitation des aéroports d'Orly et de Roissy-Charles-de-Gaulle (ci-après "Roissy-CDG").
3. Dans les années 60, les services de commissariat aérien ("catering") étaient fournis à l'aéroport d'Orly par quatre sociétés : Pan Am, TWA, Air France et la Compagnie internationale des wagons-lits (ci-après la "CIWL"). Les trois premières assuraient en réalité, et ce de manière presque exclusive s'agissant d'Air France, l'auto-assistance, c'est-à-dire le ravitaillement de leurs propres vols. À la suite de la création de l'aéroport de Roissy-CDG dans les années 70, TWA et Pan Am y ont transféré leurs activités.
4. C'est à cette époque qu'ACS, filiale de Trust House Forte, devenue THF, aux droits de laquelle se trouve la société Alpha Flight Services (ci-après "AFS") a commencé son activité de prestataire de services de commissariat aérien à l'aéroport d'Orly.
5. À la suite d'un appel d'offres lancé par ADP en 1988, AFS a été sélectionnée en tant que seul prestataire de services de commissariat aérien à l'aéroport d'Orly, en plus d'Air France qui n'y assurait que l'auto-assistance.
6. Les conditions financières demandées par ADP ne prévoyaient que le versement périodique d'une redevance calculée sur la base du chiffre d'affaires du prestataire. Dans son offre, AFS proposait une redevance moyenne sur son chiffre d'affaires de [...] (2) % (variant de [...] %) ainsi que la construction d'un nouveau bâtiment et le rachat, pour [...] de francs français (FRF), des bâtiments de la CIWL.
7. Le 21 mai 1992, ADP et AFS ont signé une convention de concession d'une durée de 25 ans, prenant effet rétroactivement le 1er février 1990, par laquelle AFS était autorisée à assurer des services de commissariat aérien à l'aéroport d'Orly et à occuper un ensemble de bâtiments situés dans le périmètre de celui-ci ainsi qu'un terrain de [...], et à y bâtir à ses frais les installations nécessaires à son activité.
8. Selon l'article 23 de la convention, la redevance due par AFS était déterminée comme suit :
i) aucune redevance domaniale n'est perçue;
ii) une redevance commerciale est calculée proportionnellement au chiffre d'affaires [total annuel réalisé par AFS, en excluant le chiffre d'affaires correspondant à la fourniture de plats kascher à partir de Rungis (extérieur au périmètre de l'aéroport) aux sociétés assurant des services de commissariat aérien sur les plates-formes d'ADP. Le chiffre d'affaires généré par les prestations effectuées dans les installations de Rungis et fournies directement à tout autre client installé sur les plates-formes d'ADP, qu'il s'agisse de compagnies aériennes ou non, reste soumis à redevance];
iii) enfin, l'exploitant doit verser à ADP une somme de [...] de FRF en sus de la redevance prévue ci-dessus.
9. [...], un nouveau prestataire de services, Orly Air traiteur (ci-après "OAT") a commencé une activité de commissariat aérien à l'aéroport d'Orly. OAT est une filiale détenue majoritairement par le groupe Air France à travers sa filiale Servair qui fournit également des services d'assistance en escale à l'aéroport de Roissy-CDG. OAT a progressivement repris les activités de commissariat aérien jusqu'alors assurées par Air France à l'aéroport d'Orly.
10. [...], ADP a octroyé à OAT une concession d'une durée de 25 ans, [...] et portant sur les autorisations d'exploitation de services de commissariat aérien à l'aéroport d'Orly et d'occupation de biens immobiliers situés dans le périmètre de celui-ci. OAT était ainsi autorisée à occuper un terrain de [...] et à y bâtir à ses frais les installations nécessaires. L'article 26 de la convention de concession, relatif aux conditions financières, prévoyait une rémunération distincte pour chacune des deux autorisations dans les termes suivants :
- d'une part, en contrepartie de l'autorisation d'occupation de terrain, le bénéficiaire s'engage à verser à ADP une redevance domaniale annuelle proportionnelle à la surface occupée [...],
- d'autre part, en contrepartie de l'autorisation d'exercice d'activité accordée, le bénéficiaire s'engage à verser à ADP une redevance commerciale composée de :
i) un taux de [...] % sur le chiffre d'affaires total réalisé avec la compagnie nationale Air France et les compagnies filiales du groupe Air France, Air Charter, Air Inter (les prestations réalisées par OAT avec les filiales ou sous-filiales de Servair, titulaires d'une autorisation d'exploitation commerciale avec ADP sont exclues de l'assiette du chiffre d'affaires);
ii) un taux de [...] % sur le chiffre d'affaires total réalisé avec toute autre compagnie aérienne.
11. À la fin de 1992, à la suite de l'arrivée d'OAT sur le marché et d'un différend entre ADP et AFS concernant la rémunération due par celle-ci, le taux de la redevance d'AFS a été revu à la baisse et est passé de [...] %.
12. Le 29 décembre 1993, AFS a informé ADP qu'elle considérait que son taux de redevance et ceux appliqués au chiffre d'affaires de ses concurrents à l'aéroportd'Orly n'étaient pas équivalents, même après la prise en compte d'éventuelles différences de charges domaniales, et que cette disparité introduisait un déséquilibre entre les prestataires. En conséquence, AFS a demandé un alignement des taux de redevance.
13. ADP a refusé au motif que la diminution de taux obtenue par AFS précédemment mettait les redevances des différents concessionnaires, compte tenu des charges foncières, à des niveaux équivalents.
14. Le 22 juin 1995, AFS a déposé une plainte auprès de la Commission à l'encontre d'ADP au motif que celui-ci imposerait des redevances discriminatoires aux prestataires de services de commissariat aérien en violation des dispositions de l'article 86 du traité CE (devenu article 82 CE).
15. Le 1er février 1996, la Commission a adressé à ADP une demande de renseignements au titre des dispositions de l'article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204), afin d'obtenir des précisions sur l'identité des prestataires de services d'assistance en escale autorisés par ADP à exercer leur activité à l'aéroport d'Orly et à celui de Roissy-CDG et les redevances demandées à ces prestataires. Il ressort notamment de la réponse d'ADP que les catégories d'assistance soumises à une redevance sur le chiffre d'affaires incluent les services de commissariat, les services de nettoyage des avions et les services relatifs au fret.
16. La Commission a adressé à ADP une communication des griefs en date du 4 décembre 1996 au titre de l'article 86 du traité, dans laquelle elle estimait que les redevances commerciales appliquées par celui-ci reposent sur des règles d'assiette différentes selon l'identité des entreprises autorisées sans que ces différences soient objectivement justifiées. Conformément à l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268), ADP a eu l'occasion de développer verbalement son point de vue lors d'une audition tenue le 16 avril 1997.
17. Le 11 juin 1998, la Commission a adopté la décision relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CE (IV-35.613 - Alpha Flight Services-Aéroports de Paris) (JO L 230, p. 10, ci-après la "décision attaquée") qui énonce :
"Article premier
[ADP] a enfreint les dispositions de l'article 86 du traité en utilisant sa position dominante d'exploitant des aéroports parisiens pour imposer aux prestataires ou aux usagers fournissant des services d'assistance ou d'auto-assistance en escale relatifs au commissariat aérien (incluant les activités de chargement dans l'avion et de déchargement de l'avion de la nourriture et des boissons), au nettoyage des avions et à l'assistance fret, des redevances commerciales discriminatoires dans les aéroports parisiens d'Orly et de Roissy-Charles-de-Gaulle.
Article 2
[ADP] est tenu de mettre fin à l'infraction mentionnée à l'article 1er en proposant aux prestataires de services d'assistance en escale concernés un régime de redevances commerciales non discriminatoire avant l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision."
Procédure
18. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 août 1998, ADP a introduit le présent recours visant à l'annulation de la décision attaquée. Le même jour, ADP a déposé une demande de sursis à l'exécution de l'article 2 de la décision attaquée en vertu de l'article 185 du traité CE (devenu article 242 CE). Le 21 septembre 1998, ADP s'est désisté de cette demande.
19. Par ordonnance du 17 décembre 1998, le président de la troisième chambre a autorisé AFS à intervenir à l'appui des conclusions de la défenderesse et a fait droit à une demande de traitement confidentiel, à l'égard d'AFS, de certaines données contenues dans la requête et le mémoire en défense. Par ordonnance du 1er décembre 1999, le traitement confidentiel, à l'égard d'AFS, a également été accordé pour certaines données contenues dans la réplique et la duplique.
20. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure au titre de l'article 64 de son règlement de procédure, il a invité le requérant à répondre à certaines questions écrites. Il a été satisfait à cette demande dans le délai imparti.
21. Le 15 mai 2000, le requérant a envoyé par télécopie au greffe du Tribunal un arrêt du Tribunal des conflits de la République française du 18 octobre 1999.
22. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l'audience du 16 mai 2000. À cette audience, le requérant a déposé une copie de l'arrêt du Tribunal des conflits, précité.
Conclusions des parties
23. ADP conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- annuler la décision attaquée aux termes de laquelle il a enfreint les dispositions de l'article 86 du traité et il lui est enjoint de mettre fin à l'infraction avant l'expiration d'un délai de deux mois à compter de ladite décision;
- condamner la Commission aux dépens.
24. La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours;
- condamner ADP aux dépens.
25. AFS, partie intervenante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours;
- condamner ADP aux dépens.
En droit
26. À l'appui de son recours, ADP invoque sept moyens tirés, le premier, d'un vice de procédure, le deuxième, d'une violation des droits de la défense, le troisième, d'une violation de l'obligation de motivation, le quatrième, d'une violation de l'article 86 du traité, le cinquième, d'une violation de l'article 90, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 86, paragraphe 2, CE), le sixième, d'une violation de l'article 222 du traité CE (devenu article 295 CE) et, le septième, d'un détournement de pouvoir.
1. Sur le premier moyen, tiré d'un vice de procédure
Arguments des parties
27. ADP soutient que l'application du règlement n° 17 est illégale dans la mesure où la présente affaire relève du secteur des transports aériens, soustrait du champ d'application de ce texte par le règlement n° 141 du Conseil, portant non-application du règlement n° 17 au secteur des transports (JO 1962, 124, p. 2751), et auquel ont été substitués trois règlements sectoriels, dont le règlement (CEE) n° 3975-87 du Conseil, du 14 décembre 1987, déterminant les modalités d'application des règles de concurrence applicables aux entreprises de transports aériens (JO L 374, p. 1).
28. Le requérant fait observer, en premier lieu, que la Commission estime dans la décision attaquée que "les redevances [versées par les prestataires de services d'assistance en escale] produi[sent] des effets sur le jeu de la concurrence entre services aériens" (considérant 128), et que "les services d'assistance dans les aéroports d'Orly et de[Roissy-CDG] sont indispensables à la bonne exécution des services aériens" (considérant 64).
29. Le requérant relève, en deuxième lieu, que, dans sa proposition de directive relative à l'accès au marché de l'assistance en escale dans les aéroports de la Communauté, présentée le 10 avril 1995, la Commission avait souligné que "l'assistance en escale fait partie intégrante du système de transport aérien". Il ajoute que la directive 96-67-CE du Conseil, du 15 octobre 1996, relative à l'accès au marché de l'assistance en escale dans les aéroports de la Communauté (JO L 272, p. 36), a été adoptée dans le cadre de la politique des transports sur le fondement de l'article 84, paragraphe 2, du traité CE (devenu, après modification, article 80, paragraphe 2, CE), et que le considérant 4 de cette directive indique que "les services d'assistance en escale sont indispensables à la bonne exécution du mode de transport aérien".
30. La présente affaire porterait donc exclusivement sur des activités qui font partie intégrante du secteur des transports aériens et tomberait dès lors nécessairement dans le champ d'application du règlement n° 3975-87. Le requérant rappelle, à cet égard, que la Cour a jugé que "c'est l'ensemble du secteur des transports qui a été soustrait à l'application [du] règlement [n° 17] par le règlement n° 141, lequel a été ultérieurement remplacé par les trois règlements sectoriels relatifs aux transports terrestres, maritimes et aériens" (arrêt de la Cour du 11 mars 1997, Commission-UIC, C-264-95 P, Rec. p. I-1287, point 44), le secteur aérien étant soumis au règlement n° 3975-87.
31. Par ailleurs, l'application, à tort, des dispositions du règlement n° 17 constituerait un vice de procédure substantiel, car elle a eu pour effet que la consultation obligatoire par la Commission d'un comité composé de fonctionnaires compétents dans le domaine des transports aériens, prévue par l'article 8 du règlement n° 3975-87, n'a pas eu lieu.
32. À titre subsidiaire, le requérant soutient que, dans l'hypothèse où le règlement n° 3975-87 serait inapplicable en l'espèce, l'affaire demeurerait, par l'effet du règlement n° 141, en dehors du champ d'application du règlement n° 17 et les pouvoirs de la Commission se trouveraient circonscrits par l'article 89 du traité CE (devenu, après modification, article 85 CE) qui prévoit que la Commission instruit sur demande d'un Etat membre ou d'office les cas d'infraction et propose les moyens propres à y mettre fin. La décision attaquée serait donc affectée d'un vice substantiel en ce que la Commission aurait instruit une plainte d'une personne privée et imposé à ADP de mettre un terme à l'infraction alléguée dans un délai de deux mois sans avoir au préalable proposé les "moyens propres à y mettre fin", alors que l'article 89 du traité ne lui permet que de faire une telle proposition.
33. La Commission, soutenue par la partie intervenante, soutient qu'elle a appliqué à juste titre le règlement n° 17.
Appréciation du Tribunal
34. Le requérant soutient, à titre principal, que la Commission aurait dû appliquer le règlement n° 3975-87 et non le règlement n° 17.
35. Il convient de rappeler que, en vertu de l'article 1er du règlement n° 141, "le règlement n° 17 n'est pas appliqué aux accords, décisions et pratiques concertées dans le secteur des transports qui ont pour objet ou pour effet la fixation des prix et conditions de transport, la limitation ou le contrôle de l'offre de transport ou la répartition des marchés de transport, non plus qu'aux positions dominantes, au sens de l'article 86 du traité, sur le marché des transports".
36. Selon le troisième considérant du règlement n° 141, les aspects spéciaux des transports ne justifient la non-application du règlement n° 17 qu'à l'égard des accords, décisions et pratiques concertées qui concernent directement la prestation du service des transports.
37. Le règlement n° 141 présentant un caractère dérogatoire par rapport au règlement n° 17, son champ d'application doit être interprété de manière restrictive. Dans l'arrêt Commission-UIC, précité (points 28 à 31), la Cour a toutefois estimé que cet élément ne pouvait être pris en considération pour donner une portée restrictive au règlement (CEE) n° 1017-68 du Conseil, du 19 juillet 1968, portant application des règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 175, p. 1), au motif que la Commission n'avait pas établi de continuité de l'intention du législateur entre le règlement n° 141 et le règlement n° 1017-68.
38. Il convient, dès lors, d'examiner si la volonté exprimée par le législateur dans le règlement n° 141 de limiter la non-application du règlement n° 17 aux seules activités concernant directement la prestation du service de transport proprement dit a été maintenue dans le règlement n° 3975-87 ou si, au contraire, le législateur a entendu soumettre également au régime dérogatoire du règlement n° 3975-87 des activités connexes ou en relation avec le secteur du transport aérien.
39. Il y a lieu de relever, à cet égard, que le règlement n° 141 ne prévoit pas que la déclaration d'inapplicabilité contenue à son article 1er ait une durée de validité pour les secteurs des transports aérien et maritime jusqu'à une date déterminée. Par conséquent, à la différence de la situation concernant le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, pour lequel la déclaration d'inapplicabilité du règlement n° 17 n'avait d'effet, aux termes de l'article 3 du règlement n° 141, tel que modifié, que jusqu'au 30 juin 1968, soit à une date antérieure à l'adoption du règlement n° 1017-68, la déclaration d'inapplicabilité prévue par l'article 1er du règlement n° 141 était toujours en vigueur en ce qui concerne le transport aérien, au moment de l'adoption, en décembre 1987, du règlement n° 3975-87.
40. Il convient de relever, ensuite, que le premier considérant du règlement (CEE) n° 3976-87 du Conseil, du 14 décembre 1987, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, à des catégories d'accords et de pratiques concertées dans le domaine des transports aériens (JO L 374, p. 9), adopté le même jour que le règlement n° 3975-87, rappelle que le règlement n° 17 fixe les modalités d'application des règles de concurrence aux accords, décisions et pratiques concertées "autres que ceux qui se rapportent directement à la prestation de services de transports aériens".
41. Il ressort également de l'intitulé du règlement n° 3975-87 "déterminant les modalités d'application des règles de concurrence applicables aux entreprises de transports aériens", par contraste avec celui du règlement n° 1017-68 "portant application de règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable", qu'un lien direct entre une activité et le transport aérien est nécessaire pour que cette activité soit susceptible d'entrer dans le champ d'application du règlement n° 3975-87.
42. Enfin, l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 3975-87 tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2410-92 du Conseil, du 23 juillet 1992 (JO L 240, p. 18), dispose : "Le présent règlement vise uniquement les transports aériens entre aéroports de la Communauté". De même, l'article 4 bis du règlement n° 3975-87, introduit par le règlement (CEE) n° 1284-91 du Conseil, du 14 mai 1991, modifiant le règlement n° 3975-87 (JO L 122, p. 2), ne vise que les pratiques susceptibles de "compromettre directement l'existence d'un service aérien".
43. Il résulte de ces éléments qu'il existe une continuité de l'intention du législateur, que le règlement n° 3975-87, de caractère spécifique, s'applique uniquement aux activités concernant directement la prestation de services de transports aériens et que les activités qui ne concernent pas directement une telle prestation de services relèvent du règlement n° 17, de caractère général.
44. En l'espèce, il est constant que le requérant n'est pas un transporteur aérien et, en ce sens, n'est pas une "entreprise de transports aériens". Il n'est donc pas visé par le règlement n° 3975-87 déterminant les modalités d'application des règles de concurrence applicables aux entreprises de transports aériens.
45. De même, il est constant que le requérant n'assure pas des services de transports aériens alors que, en vertu de l'article 1er, paragraphe 2, le règlement n° 3975-87 "vise uniquement les transports aériens entre aéroports de la Communauté".
46. Enfin, le requérant ne fournit pas non plus des services d'assistance en escale du type de ceux visés par la décision attaquée, mais se situe sur le marché en amont de cette activité, à savoir celui de la gestion des aéroports. La décision attaquée porte sur les redevances commerciales demandées par le requérant aux prestataires de services d'assistance en escale en rémunération, notamment, de la mise à leur disposition des infrastructures aéroportuaires et des services de gestion de l'aéroport. Ces activités de gestionnaire des aéroports parisiens ne présentent qu'un lien indirect avec le transport aérien puisqu'elles ne constituent ni des services de transports ni même des activités se rapportant directement à la prestation de services de transports aériens.
47. Il s'ensuit que le champ d'application du règlement n° 3975-87 ne couvre pas les activités de gestionnaire d'aéroport telles que celles assurées par ADP, visées par la décision attaquée.
48. Aucun des arguments avancés par le requérant n'est de nature à mettre en cause cette conclusion.
49. S'agissant, en premier lieu, de l'argument tiré de ce que, dans la décision attaquée, la Commission constate, notamment au considérant 134, que les redevances produisent des effets sur le jeu de la concurrence entre les prestataires de services d'assistance concernés et, indirectement, entre les compagnies aériennes, il a été établi ci-dessus que le règlement n° 3975-87 ne s'applique qu'aux activités qui concernent directement le transport aérien. Il ne saurait donc être considéré que toutes les pratiques opérées sur tous les marchés situés en amont de celui du transport aérien doivent être appréhendées dans le cadre du règlement n° 3975-87 au seul motif qu'elles pourraient avoir certaines répercussions, indirectes, sur le marché des transports aériens. En l'espèce, les redevances commerciales ne constituent qu'un des éléments des coûts supportés par les prestataires de services d'assistance en escale, au même titre, par exemple, que les frais de personnel ou d'approvisionnement en matières premières, tout comme le montant de leurs prestations ne forme qu'un des éléments des coûts supportés par les transporteurs aériens.
50. S'agissant, en deuxième lieu, de l'argument tiré de ce que, dans la proposition de directive relative à l'accès au marché de l'assistance en escale dans les aéroports de la Communauté, la Commission avait souligné que l'assistance en escale fait partie intégrante du système de transport aérien, il suffit de constater, d'une part, que, précisément, cette appréciation n'a pas été reprise par le Conseil dans la directive 96-67 et, d'autre part, que, en tout état de cause, la décision attaquée ne vise pas les services d'assistance en escale mais les activités de gestionnaire des aéroports de Paris du requérant, situées sur un marché en amont desdits services.
51. Il résulte de ce qui précède que la thèse principale du requérant selon laquelle la Commission aurait dû appliquer le règlement n° 3975-87 n'est pas fondée.
52. C'est à tort que le requérant soutient que cette solution est contraire à la position adoptée par la Cour dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Commission-UIC, précité. En effet, dans cet arrêt, la Cour a jugé que le règlement n° 1017-68 était applicable parce que l'accord visé avait pour objet ou pour effet la "fixation du prix du transport ou la limitation ou le contrôle de l'offre de transport", qui sont des activités expressément visées par l'article 1er du règlement n° 1017-68. En l'espèce, en revanche, le comportement d'ADP mis en cause dans la décision attaquée est limité à la gestion des installations aéroportuaires et à la fixation des conditions d'accès auxdites installations. Ces activités n'impliquent aucune prestation de transport aérien et, dès lors, n'entrent pas dans le champ d'application du règlement n° 3975-87 qui, en vertu de l'article 1er, paragraphe 2, "vise uniquement les transports aériens entre aéroports de la Communauté".
53. À titre subsidiaire, le requérant soutient que, même si le règlement n° 3975-87 n'était pas applicable à la présente affaire, les activités visées par la décision attaquée, par l'effet du règlement n° 141, ne relèveraient pas du règlement n° 17, mais de l'article 89 du traité.
54. Cette thèse subsidiaire doit également être rejetée.
55. En premier lieu, il convient de rappeler que, dans l'arrêt Commission-UIC, précité (point 44), la Cour a jugé que "c'est l'ensemble du secteur des transports qui a été soustrait à l'application [du règlement n° 17] par le règlement n° 141, lequel a été ultérieurement remplacé par les trois règlements sectoriels" et, en particulier, par le règlement n° 3975-87 en ce qui concerne le secteur des transports aériens. Dès lors que le règlement n° 141 a été, en ce qui concerne le secteur des transports aériens, remplacé par le règlement n° 3975-87, toutes les activités du secteur des transports aériens n'entrant pas dans le champ d'application du règlement n° 3975-87 relèvent nécessairement du règlement n° 17 et non de l'article 89 du traité.
56. En deuxième lieu, même si c'est l'"ensemble du secteur des transports" qui a été soustrait à l'application du règlement n° 17, le règlement n° 141, ainsi qu'il ressort notamment de son troisième considérant, n'a déclaré le règlement n° 17 inapplicable que pour les activités concernant directement la prestation du service des transports. Or, il a été constaté que les activités visées par la décision attaquée ne concernent pas directement une telle prestation.
57. En troisième lieu, sans même tenir compte de l'exigence d'un lien direct avec la prestation du service des transports inscrite au troisième considérant du règlement n° 141, la déclaration d'inapplicabilité du règlement n° 17 au secteur des transports, même interprétée de manière large, ne saurait, en tout état de cause, s'appliquer aux activités d'ADP visées par la décision attaquée dès lors que celles-ci ne concernent pas les transports aériens mais la définition des conditions d'accès à des activités situées en amont du marché du transport aérien.
58. Il s'ensuit que c'est à bon droit que la Commission a appliqué le règlement n° 17 et que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.
2. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des droits de la défense
Arguments des parties
59. ADP soutient que, lors de l'audition du 16 avril 1997, la Commission a explicité en des termes catégoriques la portée de sa communication des griefs, notamment le point 80 de celle-ci, concernant le traitement respectif de l'auto-assistance et de l'assistance aux tiers, dans le sens que les taux de redevance appliqués à ces deux types d'assistance ne devraient pas être semblables. Or, il ressortirait des considérants 117 et 122 de la décision attaquée ainsi que d'un communiqué de presse du 18 juin 1998 que la Commission considère désormais que lesdits taux devraient être identiques. La formulation des griefs dans le cadre de la procédure administrative serait, dès lors, différente de celle retenue dans la décision attaquée, ce qui serait constitutif d'une atteinte aux droits de la défense du requérant.
60. Le requérant souligne que la Commission n'a pas contesté, dans son mémoire en défense, avoir exigé dans la décision attaquée que les redevances aient un taux identique. Il relève à cet égard que, au contraire, la Commission a indiqué, au point 197 de son mémoire en défense, que "en appliquant, pour les mêmes services de gestion de l'aéroport, des conditions financières différentes aux prestataires d'assistance en escale, selon que ceux-ci pratiquent ou non l'auto-assistance - les taux de redevance commerciale varient individuellement selon les prestataires [...] -, ADP enfreint l'article 86 du traité".
61. La distinction, proposée dans le cadre de la procédure contentieuse par la Commission, entre "taux de redevance identiques" et "application identique du régime de redevances" serait un artifice de vocabulaire.
62. La défenderesse conteste qu'il y ait une contradiction entre la décision attaquée et la position qu'elle a exprimée lors de l'audition du 16 avril 1997.
Appréciation du Tribunal
63. Il y a lieu de constater, en premier lieu, que, selon le requérant, la décision attaquée présenterait une contradiction, non pas avec la communication des griefs, mais avec l'interprétation que la Commission aurait donnée de cette communication lors de l'audition du 16 avril 1997. Par conséquent, cet argument, à le supposer fondé, n'est pas susceptible de démontrer une violation des droits de la défense de nature à entraîner l'annulation de la décision attaquée. En effet, l'audition intervenant postérieurement à la réponse à la communication des griefs, le requérant a été en mesure de faire valoir utilement par écrit ses observations sur les griefs retenus dans la décision attaquée.
64. En deuxième lieu, la contradiction alléguée par le requérant est inexistante.
65. Ni dans la communication des griefs ni dans la décision attaquée il n'est exigé, contrairement à ce que soutient le requérant, de redevances identiques pour l'auto-assistance et l'assistance aux tiers.
66. Ainsi, dans la communication des griefs, il est exposé que "les charges et la rémunération d'ADP concernant le contrôle et l'organisation des services d'assistance ou d'auto-assistance doivent être réparties de façon équitable et non discriminatoire entre les entreprises concernées" (point 75), qu'"une différence injustifiée entre les pourcentages des redevances commerciales affecte de façon significative la concurrence entre prestataires de services aux tiers" (point 76), que "[l]'absence de distorsion entre prestataires ou usagers impose dès lors qu'un régime de redevances commerciales non discriminatoire soit appliqué de manière identique à toutes les entreprises autorisées à exercer, sur le même aéroport, un même type de service d'assistance, les services d'auto-assistance étant inclus" (point 80), que "[d]ans le cas d'espèce, ADP n'applique aucun régime de redevances commerciales fixant de manière prédéfinie des taux de redevance commerciale sur [le] chiffre d'affaires", que "[s]uivant les prestataires ou usagers concernés, ces taux de redevance varient ainsi [...] ADP n'[ayant] présenté aucune raison objective justifiant ces différences de traitement" (point 82) et, enfin, que "[e]n vertu des considérations qui précèdent, les redevances commerciales appliquées par ADP pour les services d'assistance précités apparaissent discriminatoires" (point 83). Il ressort de ces citations que, dans la communication des griefs, la Commission n'exige pas des redevances identiques, mais seulement des redevances non discriminatoires, étant entendu que les éventuelles différences des conditions consenties aux prestataires doivent être justifiées par des raisons objectives et non discriminatoires. La Commission laisse ainsi ouverte la possibilité de redevances différentes, mais relève que, en l'espèce, ADP n'a présenté aucune raison objective justifiant les écarts constatés.
67. De même, à l'article 2 du dispositif de la décision attaquée, la Commission impose à ADP de "mettre fin à l'infraction mentionnée à l'article 1er en proposant aux prestataires de services d'assistance en escale concernés un régime de redevances commerciales non discriminatoire". Force est donc de constater que, dans la décision attaquée, la Commission exige que les redevances soient non pas identiques, mais seulement non discriminatoires.
68. Le caractère univoque du dispositif n'est nullement remis en cause par les considérants 117 et 122 de la décision attaquée. Premièrement, ni à ces considérants, invoqués par le requérant, ni d'ailleurs en aucune autre disposition de la décision attaquée, la Commission n'a affirmé que les redevances devaient être "identiques". Deuxièmement, les considérants 117 et 122 ne contiennent aucune obligation à la charge d'ADP mais seulement des constatations relatives à la faiblesse des taux appliqués aux activités d'auto-assistance et à l'avantage que cela procure aux prestataires de celles-ci. Troisièmement, il convient de relever que, au considérant 120 de la décision attaquée, la Commission fait observer, au contraire, que la limitation de l'autorisation d'exploitation à une activité d'auto-assistance pourrait provoquer des désavantages économiques (difficultés de rentabiliser les investissements matériels) de nature à justifier, sur la base de considérations objectives et non discriminatoires, une éventuelle différence des conditions consenties. La Commission envisage donc la possibilité de redevances non identiques pour l'auto-assistance et l'assistance aux tiers. De même, il est mentionné, au considérant 121 de la décision attaquée, que, pour l'auto-assistance, la redevance pourrait être calculée sur d'autres bases que le chiffre d'affaires (nombre de passagers servis ou d'appareils nettoyés). Enfin, sous l'intitulé "conclusion concernant les redevances commerciales", au considérant 124 de la décision attaquée, il est précisé que "[l]'absence de distorsion entre prestataires ou usagers impose dès lors qu'un régime de redevances commerciales non discriminatoire soit appliqué à toutes les entreprises autorisées à exercer, sur le même aéroport, un même type de service d'assistance, les services d'auto-assistance étant inclus".
69. La Commission admet ainsi, tant dans la communication des griefs que dans les considérants et le dispositif de sa décision attaquée, la possibilité de redevances différentes à la condition que cette différence soit justifiée par des considérations objectives et non discriminatoires.
70. Les explications de la Commission, lors de l'audition du 16 avril 1997, correspondaient donc bien au contenu de la communication des griefs et sont conformes à la décision attaquée.
71. Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté.
3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l'obligation de motivation
Arguments des parties
72. Le requérant soutient que la décision attaquée ne satisfait pas aux exigences de motivation en ce qu'il existe un doute sur la nature et la portée des infractions dans la mesure où elle ne permettrait pas de savoir si la Commission exige ou non des redevances identiques pour l'auto-assistance et l'assistance aux tiers. L'article 2 du dispositif de la décision attaquée donnant injonction à ADP de proposer un système de redevances "non discriminatoire" supposerait à tout le moins que la Commission ait défini avec précision les comportements qui seraient prohibés. Le requérant souligne que si la Commission tente d'exposer ce que, dans la décision attaquée, elle n'enjoint pas de faire, en revanche, elle n'indique jamais clairement et précisément ce qu'elle a imposé concrètement.
73. Le requérant prétend également que la motivation de la décision attaquée comporte plusieurs autres défauts.
74. Ainsi, bien que la décision attaquée semble devoir concerner tous les prestataires ou usagers fournissant des services d'assistance ou d'auto-assistance, la Commission préciserait, au considérant 5 : "Les relations contractuelles entre ADP et d'autres prestataires de services d'assistance en escale, incluant certaines compagnies aériennes exerçant des activités d'auto-assistance, ont été examinées par la Commission dans le cadre de cette affaire. Ces entreprises ne sont pas visées par la présente procédure mais seront citées dans la suite du texte." ADP estime qu'il est incohérent d'affirmer que ces entreprises ne sont pas concernées par la procédure alors même que la constatation de l'infraction et l'injonction les concerneraient.
75. De même, selon le requérant, la Commission affirme d'abord qu'elle n'a pas à se prononcer sur le niveau de la redevance domaniale puis se contredit en déclarant au considérant 127 de la décision attaquée qu'elle "ne s'oppose [...] pas à l'inclusion d'une composante domaniale dans la redevance globale qui est demandée [...]".
76. Enfin, en visant les prestataires des services d'assistance dans les aéroports d'Orly et de Roissy-CDG et en enjoignant à ADP de proposer un régime de redevances, la Commission laisserait subsister une incertitude sur le point de savoir si les redevances doivent être identiques au sein de chaque aéroport ou bien dans l'ensemble des aéroports parisiens.
77. La défenderesse soutient que la décision attaquée est suffisamment motivée.
Appréciation du Tribunal
78. Le requérant formule cinq griefs à l'appui du moyen tiré d'une violation de l'obligation de motivation.
79. En premier lieu, le requérant soutient que la décision attaquée laisse subsister un doute quant à la question de savoir si les redevances devaient être identiques pour l'auto-assistance et pour l'assistance aux tiers.
80. Ainsi qu'il ressort de l'examen du deuxième moyen, la décision attaquée est suffisamment et correctement motivée en ce qui concerne l'indication selon laquelle les redevances imposées par ADP aux prestataires de services d'assistance en escale doivent être non discriminatoires. Il n'y a aucun doute quant à la portée de l'injonction faite à ADP. Aucune disposition de la décision attaquée n'exige en effet d'ADP qu'il pratique des redevances identiques. Il est seulement imposé qu'elles soient non discriminatoires, étant entendu que, dès lors que les prestations de gestion des aéroports offertes par ADP sont les mêmes pour tous les prestataires, toute différence de traitement entre ces derniers devrait être justifiée par des considérations objectives et non discriminatoires.
81. En deuxième lieu, le requérant estime que la décision attaquée ne comporte aucune indication sur ce qu'il serait concrètement tenu de faire ni sur les comportements qu'il devrait éviter dans le futur.
82. Il convient de rappeler, à cet égard, qu'il est de jurisprudence constante que l'application par la Commission de son pouvoir de prononcer des injonctions "doit se faire en fonction de la nature de l'infraction constatée et peut aussi bien comporter l'ordre d'entreprendre certaines activités ou prestations illégalement omises que l'interdiction de continuer certaines activités, pratiques ou situations contraires au traité" (arrêt de la Cour du 6 mars 1974, Istituto chemioterapico italiano et Commercial Solvents-Commission, 6-73 et 7-73, Rec. p. 223, point 45), ce pouvoir devant être exercé dans le respect de la liberté contractuelle (arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992, Automec-Commission, T-24-90, Rec. p. II-2223, point 51).
83. En l'espèce, la Commission a constaté, à l'article 1er de la décision attaquée, qu'ADP a enfreint l'article 86 du traité en utilisant sa position dominante pour imposer aux prestataires de certains types de services d'assistance en escale des redevances commerciales discriminatoires dans les aéroports parisiens d'Orly et de Roissy-CDG et, à l'article 2, elle a enjoint à ADP de mettre fin à cette infraction en proposant aux prestataires concernés un régime de redevances commerciales non discriminatoire dans un délai de deux mois à compter de la notification de ladite décision. De ces articles découle clairement une obligation de résultat qui, à la lumière de toute la motivation de la décision attaquée, impose à ADP de mettre fin aux redevances discriminatoires exigées des prestataires de services en escale dans les aéroports en question. La décision attaquée a donc prévu une obligation claire, sur la portée de laquelle ADP ne peut se méprendre ni en droit ni en fait, tout en respectant la liberté contractuelle des parties. La Commission n'était donc pas tenue d'imposer à ADP les moyens par lesquels doit être mis en place un régime de redevances commerciales non discriminatoire.
84. En troisième lieu, le requérant, se prévalant du considérant 5 de la décision attaquée, estime que la motivation de celle-ci présente une incohérence en ce que la Commission a examiné ses relations contractuelles avec d'autres prestataires de services d'assistance en escale, tout en indiquant que ces prestataires, qui sont nommément cités, n'étaient pas visés dans ladite décision.
85. Cet argument ne peut être retenu. Pour fonder une analyse factuelle et juridique visant à l'application de l'article 86 du traité à ADP, la prise en compte des relations contractuelles que celui-ci entretient avec ses contractants prestataires de services d'assistance en escale dans les aéroports d'Orly et de Roissy-CDG était indispensable. En outre, parce qu'elle a des effets sur les prix des prestations de services d'assistance en escale dans les aéroports parisiens, la décision attaquée concerne l'ensemble des prestataires ou usagers fournissant de tels services. Toutefois, ADP se trouve être la seule entreprise susceptible d'être sanctionnée au regard de l'article 86 du traité. C'est donc à juste titre que la Commission a considéré que les prestataires de services sont concernés par la décision attaquée mais non "visés" par celle-ci, c'est-à-dire "intéressés" au sens de l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17. Dès lors, ne constitue pas une violation de l'obligation de motivation de la décision attaquée le fait que la Commission ait pris en compte et examiné les relations commerciales d'ADP avec les prestataires de services d'assistance en escale sans avoir pour autant visé ces derniers dans le dispositif de ladite décision.
86. En quatrième lieu, le requérant relève une prétendue contradiction dans la décision attaquée entre le considérant 98, selon lequel la Commission "n'est pas amenée à se prononcer sur les niveaux des redevances domaniales demandées aux prestataires des services d'assistance", et le considérant 127 où il est exposé :
"Concernant le cas particulier d'AFS, la Commission ne s'oppose cependant pas à l'inclusion d'une composante domaniale dans la redevance globale qui lui est demandée. Cette composante domaniale ne justifie cependant pas les écarts de redevances commerciales constatés dans le cas d'espèce (voir [considérant] 112 [de la décision attaquée])."
87. Il convient de relever, à cet égard, que, dans le considérant 127 de la décision attaquée, la Commission n'a donné aucune évaluation du niveau d'une redevance domaniale, mais a uniquement porté une appréciation sur l'incidence de l'absence d'une telle redevance sur le montant de la redevance globale payée par AFS à ADP. Le considérant 127 de la décision attaquée renvoie en effet expressément au considérant 112 de celle-ci, dans lequel la Commission constate que, en vertu de la convention commerciale consentie par ADP, AFS bénéficie d'une redevance domaniale annuelle nulle et que la "différence de redevances commerciales respectivement versées par [...] est donc nettement plus importante que ne le justifierait l'inclusion d'une composante domaniale dans la redevance commerciale versée annuellement par AFS". Le considérant 112 de la décision attaquée ne comporte donc pas d'évaluation des redevances domaniales. Il s'ensuit qu'il n'existe pas de contradiction entre les considérants 127 et 98 de la décision attaquée.
88. En cinquième lieu, le requérant estime que la décision attaquée n'indique pas si les redevances doivent être identiques au sein de chaque aéroport ou bien dans l'ensemble des aéroports parisiens.
89. Il convient de rappeler d'abord, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, que la décision attaquée est parfaitement explicite en ce qu'elle impose à ADP non pas de proposer des redevances identiques, mais de mettre fin à un régime de redevances discriminatoire.
90. Ensuite, il résulte de la décision attaquée, et en particulier des considérants 1, 63 et 71 relatifs au marché à prendre en compte, que ce régime de redevances commerciales non discriminatoire doit être appliqué dans l'ensemble des aéroports internationaux parisiens dont ADP a la charge, à savoir Orly et Roissy-CDG.
91. Par conséquent, le cinquième grief invoqué par le requérant à l'appui du troisième moyen doit également être rejeté.
92. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l'obligation de motivation n'est pas fondé.
4. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l'article 86 du traité
93. Ce moyen se divise en cinq branches.
Sur la première branche du moyen, tirée de ce qu'ADP n'exercerait pas, au titre de l'activité en cause, une activité d'entreprise au sens de l'article 86 du traité
Arguments des parties
94. Le requérant soutient que la Commission a dénaturé gravement l'activité en cause dans la présente affaire. Les activités d'ADP visées par la Commission, à savoir les services de gestionnaire des aéroports parisiens, ne constitueraient pas la contrepartie de la redevance litigieuse. Celle-ci, dans ses deux parties fixe et variable, serait due en raison de l'occupation privative d'une partie du domaine public et non en contrepartie de l'agrément de prestataires et du contrôle des déplacements des véhicules et des personnes sur la zone aéroportuaire, lesquels relèveraient d'une activité de police ne donnant lieu au paiement d'aucune redevance. L'organisation des activités se déroulant dans les installations aéroportuaires serait une mission de service public qui n'entraîne pas davantage la perception d'une redevance.
95. Le requérant fait valoir à cet égard que la société HRS, prestataire de services d'assistance en escale dans les aéroports de Paris, exerce son activité de services de commissariat aérien pour la compagnie AOM depuis l'extérieur de l'enceinte aéroportuaire et qu'elle ne lui verse aucune redevance.
96. Le requérant soutient ensuite qu'il n'a pas la qualité d'entreprise au sens de l'article 86 du traité. Il rappelle que les organismes dont les activités ne présentent pas un caractère économique, telles que les activités des personnes publiques qui dépendent de l'exercice de leurs prérogatives de puissance publique, ne sont pas des entreprises (arrêt de la Cour du 17 février 1993, Poucet et Pistre, C-159-91 et C-160-91, Rec. p. I-637; conclusions de l'avocat général M. Tesauro sous l'arrêt de la Cour du 19 janvier 1994, SAT Fluggesellschaft, C-364-92, Rec. p. I-43, I-45, point 9).
97. L'administration du domaine public ne saurait donc constituer une activité économique au sens des articles 85 du traité CE (devenu article 81 CE) et 86 du traité.
98. En effet, d'une part, cette activité serait exercée selon les règles de la domanialité publique qui sont totalement distinctes de celles du droit privé. Le fait que les biens publics doivent recevoir une affectation d'utilité publique expliquerait le caractère obligatoire de la perception d'une redevance en cas d'occupation du domaine public. D'autre part, l'administration du domaine public n'aurait ni le même objet ni la même nature qu'une activité à caractère industriel et commercial. Rappelant que, selon les conclusions de l'avocat général M. Mischo sous l'arrêt de la Cour du 16 juin 1987, Commission-Italie (118-85, Rec. p. 2599, 2609), il convient de prendre en compte l'exercice de la puissance publique et la sauvegarde des intérêts généraux de l'Etat ou des autres collectivités publiques pour distinguer "pouvoirs publics" et "entreprise publique", le requérant souligne que l'administration du domaine public comporte précisément l'exercice de prérogatives de puissance publique. Il fait valoir que la Cour d'appel de Paris (arrêt n° 97-08842 du 20 janvier 1998, Chambre syndicale nationale de vente et services automatiques) vient de confirmer que l'exigence de la signature d'une convention d'occupation du domaine public et du paiement d'une redevance ne relève pas d'activités de production, de distribution ou de services au sens du droit français de la concurrence mais d'actes de gestion du domaine public et de l'exercice de prérogatives de puissance publique.
99. À titre subsidiaire, le requérant soutient que l'agrément de prestataires, le contrôle des déplacements des véhicules et l'organisation des activités aéroportuaires ne lui confèrent pas la qualité d'entreprise, mais sont l'expression de sa qualité d'autorité publique.
100. ADP estime que les arrêts cités par la Commission dans son mémoire en défense, pour justifier sa qualité d'entreprise, ne sont pas pertinents. Il relève que, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la Cour du 20 mars 1985, Italie-Commission (41-83, Rec. p. 873), il n'a jamais été soutenu que l'activité de la société British Telecommunications (BT) supposait l'exercice de prérogatives de puissance publique et que, en outre, cette affaire concernait la fourniture de services de télécommunications, activité qui n'a aucun rapport avec l'administration du domaine public. Il souligne que, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn-Commission (T-229-94, Rec. p. II-1689), la question même de la nature des activités en cause n'a pas été soulevée. En outre, cet arrêt ne traiterait pas de questions concernant l'occupation du domaine public, mais de services de fourniture de locomotives et de services ferroviaires. Enfin, l'arrêt de la Cour du 17 mai 1994, Corsica Ferries (C-18-93, Rec. p. I-1783), concernerait des activités de pilotage et non l'occupation du domaine public.
101. Ce serait à tort que la Commission cherche à se fonder sur le droit français pour justifier qu'ADP puisse être qualifié d'entreprise. Le requérant fait valoir, à cet égard, que la décision 98-D-34 du 2 juin 1998 du conseil de la concurrence français, citée par la Commission, a été frappée d'appel devant la Cour d'appel de Paris. À l'audience, le requérant a souligné que l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 23 février 1999 qui avait confirmé cette décision a été annulé par le Tribunal des conflits dans son arrêt du 18 octobre 1999. Le Tribunal des conflits aurait expressément jugé dans cet arrêt que la gestion du domaine public constitue l'exercice d'une prérogative de puissance publique et n'est pas une activité économique au sens de la législation française sur la concurrence.
102. Le requérant fait également valoir que l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 20 janvier 1998, précité, aurait expressément jugé qu'une décision concernant l'occupation du domaine public et ses modalités, notamment le paiement d'une redevance, ne relève pas d'une activité de services soumis au droit français de la concurrence. La distinction entre "administration" et "gestion" du domaine public introduite par la Commission dans son mémoire en défense n'aurait donc aucun fondement.
103. Le requérant souligne encore que, dans son arrêt du 13 décembre 1976 (époux Zaoui-Aéroport de Paris), le Tribunal des conflits a jugé que "l'Aéroport de Paris est chargé d'une mission de service public et gère des installations ayant le caractère d'ouvrage public [...] ces installations [...] ne sont pas des services à caractère industriel et commercial".
104. Le requérant conclut qu'il est incontestable que la présente affaire porte exclusivement sur son administration et sa gestion du domaine public, que cette activité comporte l'exercice de prérogatives de puissance publique et implique la sauvegarde des intérêts de la collectivité et que ses installations ne sont pas des services à caractère industriel et commercial.
105. La défenderesse et la partie intervenante soutiennent que les activités en cause doivent être considérées comme des activités d'entreprise au sens de l'article 86 du traité.
Appréciation du Tribunal
106. Le requérant soutient qu'il n'est pas une entreprise au sens de l'article 86 du traité. Il fait valoir, en substance, que la Commission a dénaturé l'activité en cause en ce sens que les redevances litigieuses seraient dues en contrepartie d'une occupation privative du domaine public et non des services de gestion des aéroports qu'il assure. Or, l'administration du domaine public ne saurait constituer une activité économique. À titre subsidiaire, le requérant soutient que les services de gestion des aéroports, que la Commission a identifiés comme constitutifs de l'activité en cause, ne lui confèrent pas la qualité d'entreprise.
107. Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, en droit communautaire de la concurrence, la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir, notamment, arrêts de la Cour du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41-90, Rec. p. I-1979, point 21, Poucet et Pistre, précité, point 17, et du 18 juin 1998, Commission-Italie, C-35-96, Rec. p. I-3851, point 36) et que constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné (arrêt du 16 juin 1987, Commission-Italie, précité, point 7).
108. Il convient également de préciser que les dispositions du traité en matière de concurrence restent applicables aux activités d'un organisme qui sont détachables de celles qu'il exerce en tant qu'autorité publique(voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 juillet 1985, Commission-Allemagne, 107-84, Rec. p. 2655, points 14 et 15).
109. Il s'ensuit que la circonstance qu'ADP soit un établissement public placé sous l'autorité du ministre chargé de l'aviation civile et qu'il assure la gestion d'installations relevant du domaine public ne saurait exclure à elle seule qu'il puisse, en l'espèce, être considéré comme une entreprise au sens de l'article 86 du traité.
110. Il convient donc de déterminer d'abord quelles sont les activités en cause, puis d'examiner si celles-ci constituent ou non des activités de nature économique.
111. ADP est un établissement public doté de l'autonomie financière, inscrit au registre du commerce de Paris et exerçant les activités d'aménagement, d'exploitation et de développement de l'ensemble des installations de transport civil aérien ayant leur centre dans la région parisienne et qui ont pour objet de faciliter l'arrivée et le départ des aéronefs, de guider la navigation, d'assurer l'embarquement, le débarquement et l'acheminement à terre des voyageurs, des marchandises et du courrier transportés par air (considérant 51 de la décision attaquée).
112. Il convient de faire une distinction entre, d'une part, les activités purement administratives d'ADP, notamment les missions de police, et, d'autre part, les activités en cause de gestion et d'exploitation des aéroports parisiens qui sont rémunérées par des redevances commerciales variant selon le chiffre d'affaires réalisé.
113. Dans la décision attaquée, la Commission n'a mis en cause que les redevances commerciales et a défini le marché comme celui de la gestion des services de l'aéroport, les redevances commerciales constituant la contrepartie de ces services. Ainsi, aux considérants 105 et 106 de la décision attaquée, il est indiqué :
"La Commission considère dès lors que la redevance commerciale variable constitue une charge d'accès versée en contrepartie de l'autorisation d'activité dans l'aéroport. Cette redevance assise sur le chiffre d'affaires du prestataire rémunère des services rendus par le gestionnaire de l'aéroport qui ne concernent pas la mise à disposition de biens immobiliers. Ces services du gestionnaire d'aéroport incluent, entre autres, le contrôle et l'organisation des activités d'assistance en escale ainsi que la mise à disposition des installations utilisées en commun par les usagers et les prestataires opérant sur l'aéroport. La gestion des infrastructures utilisées en commun nécessite l'organisation et la coordination de l'ensemble des activités qui s'y déroulent dans des conditions d'efficacité et de sécurité suffisantes."
114. Le requérant souligne qu'il n'y a pas deux redevances, l'une fixe, domaniale, et l'autre commerciale, variable, mais une redevance globale, laquelle peut cependant comprendre une composante fixe et une composante variable.
115. À cet égard, il convient de souligner, d'abord, que, à tout le moins du point de vue du droit de la concurrence, cette dernière distinction est sans incidence et reste donc purement sémantique.
116. Ensuite, force est de constater que les conventions passées par ADP avec AFS, d'une part, et OAT, d'autre part, distinguent clairement dans les contreparties financières dues par le prestataire de services d'assistance en escale celle prévue au titre de la mise à sa disposition de biens immobiliers de celle correspondant à l'autorisation d'exploitation, calculée proportionnellement au chiffre d'affaires. Ainsi, l'article 23 de la convention entre ADP et AFS fait état d'une autorisation d'occupation et d'exploitation puis prévoit qu'aucune redevance domaniale ne sera perçue et que la redevance commerciale sera calculée proportionnellement au chiffre d'affaires. De même, l'article 14 de la convention entre ADP et OAT stipule qu'OAT doit verser àADP une redevance comportant une partie fixe, rémunérant l'occupation de tout ou partie des locaux nécessaires à l'exploitation de l'activité autorisée, et une partie variable, proportionnelle à l'activité exercée.
117. C'est donc à juste titre que, dans la décision attaquée, la Commission fait une distinction entre, d'une part, l'occupation des terrains, bâtiments et équipements situés dans le périmètre de l'aéroport, en contrepartie de laquelle le prestataire de services verse une redevance domaniale, et, d'autre part, les services de gestion de l'aéroport et l'autorisation de prestations des services d'assistance en escale en contrepartie de laquelle le prestataire verse une redevance commerciale. Le fait que le chiffre d'affaires correspondant à la fourniture par les prestataires de services de commissariat aérien de services de traiteur à des clients hors de l'aéroport ne soit pas pris en compte dans le calcul de la redevance commerciale confirme également que cette redevance constitue la contrepartie non pas de l'occupation privative du domaine public, mais bien, contrairement à ce que soutient le requérant, de l'autorisation d'exploitation dans l'aéroport et des services de gestion des infrastructures aéroportuaires qu'il assure.
118. La Commission a donc considéré à juste titre, dans la décision attaquée, que les redevances commerciales en cause constituent la contrepartie des services de gestion assurés par ADP et de la mise à disposition d'installations utilisées en commun par les usagers et les prestataires de services d'assistance en escale opérant dans l'aéroport.
119. Il convient maintenant d'examiner si ces services constituent une activité d'entreprise au sens de l'article 86 du traité.
120. Par le biais de son activité de gestionnaire des infrastructures aéroportuaires, ADP détermine les modalités et les conditions d'activité des prestataires d'assistance en escale et perçoit en contrepartie la redevance litigieuse. Une telle activité d'ADP ne saurait être qualifiée d'activité de police. L'existence en droit national d'un régime de police spéciale de la domanialité publique n'est nullement incompatible avec l'exercice sur le domaine public d'activités de nature économique. Ainsi, la mise à disposition par ADP des installations aéroportuaires concourt à l'exécution, sur le domaine public, d'un ensemble de prestations de nature économique et participe ainsi à son activité économique. Dès lors, la circonstance que les conventions entre ADP et les prestataires de services aient été conclues dans le cadre du droit français des conventions d'occupation du domaine public, à la supposer établie, n'est pas de nature à remettre en cause le raisonnement sur lequel repose la décision attaquée.
121. La mise à la disposition des compagnies aériennes et des différents prestataires de services, moyennant le paiement d'une redevance dont le taux est fixé librement par ADP, d'installations aéroportuaires doit être considérée comme une activité de nature économique.
122. De même, les installations des aéroports de Paris constituent une facilité essentielle en ce sens que leur utilisation est indispensable pour la fourniture de divers services, notamment d'assistance en escale. La gestion et la mise à disposition de ces installations pour la prestation de tels services constituent une activité de nature économique.
123. La jurisprudence confirme cette analyse. Ainsi dans l'arrêt Italie-Commission, précité (points 18 à 20), la Cour a jugé que l'activité par laquelle BT gère les installations publiques de télécommunication et les met, moyennant le paiement de redevances, à la disposition des usagers, constitue une activité d'entreprise soumise aux obligations de l'article 86 du traité et que les règlements adoptés par BT dans le cadre du pouvoir normatif qui lui est reconnu par la loi font partie intégrante de son activité d'entreprise dans la mesure où le législateur britannique n'a en aucune manière déterminé par avance le contenu desdits règlements. De même, il ressort de l'arrêt Deutsche Bahn-Commission, précité, que la mise à disposition de locomotives, leur traction et l'accès à l'infrastructure ferroviaire s'analysent comme une activité de nature économique.
124. Enfin, il y a lieu d'ajouter que le fait qu'une activité puisse être exercée par une entreprise privée constitue un indice supplémentaire permettant de qualifier l'activité en cause d'activité d'entreprise (voir, en ce sens, arrêt Höfner et Elser, précité, point 22). Or, dans la décision 98-190-CE de la Commission, du 14 janvier 1998, relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CE (IV-34.801 FAG - Flughafen Frankfurt-Main AG) (JO L 72, p. 30), la Commission a constaté que l'entreprise qui possède et exploite l'aéroport de Francfort (Flughafen Frankfurt-Main AG) est une entreprise privée agréée conformément à la législation allemande.
125.Il ressort de cette analyse que les activités d'ADP en cause sont des activités de nature économique, certes exécutées sur le domaine public, mais qui ne relèvent pas, de ce fait, de l'exercice d'une mission de puissance publique.
126. Cette constatation n'est pas affectée par l'argument d'ADP selon lequel un prestataire de services d'assistance en escale, HRS, exerce son activité depuis l'extérieur de l'enceinte aéroportuaire sans lui verser de redevance. En effet, même si HRS a ses établissements en dehors de l'enceinte aéroportuaire, il n'en reste pas moins que, pour fournir ses services d'assistance aux compagnies aériennes, cette société doit utiliser les installations aéroportuaires puisque l'assistance en escale se déroule, par définition, dans l'aéroport. L'activité de HRS devrait, dès lors, être également soumise au versement d'une redevance commerciale et la circonstance que tel n'est pas le cas constitue simplement une discrimination supplémentaire, certes non expressément mise en cause dans la décision attaquée, mais qui ne saurait modifier la nature de la redevance commerciale litigieuse ou des services qu'elle rémunère.
127. À titre surabondant, il convient d'ailleurs de noter que, ainsi qu'il ressort des réponses écrites aux questions du Tribunal, dans le nouveau régime d'accès aux installations aéroportuaires mis en place à compter du 1er mars 1999, ADP a supprimé l'ancienne redevance commerciale et impose désormais une redevance à tous les prestataires ayant accès aux installations aéroportuaires, même s'ils ne bénéficient pas d'un droit d'occupation privative du domaine public.
128. S'agissant de l'argument d'ADP tiré de la qualification retenue par le Tribunal des conflits dans sa décision du 13 décembre 1976, précitée, outre qu'il n'est pas pertinent, car, dans cette affaire, les époux Zaoui étaient victimes d'un accident survenu dans les installations aéroportuaires et non imputable aux entreprises exerçant en vertu d'un contrat avec ADP des services de nature commerciale, il suffit de rappeler que, en tout état de cause, des qualifications nationales sont inopérantes pour apprécier la nature d'une activité au regard d'une disposition de droit communautaire, notamment de concurrence.
129. À titre surabondant, il convient d'ailleurs de relever, à cet égard, que selon le conseil de la concurrence français, ADP peut être considéré comme une entreprise soumise aux règles de concurrence de la législation française et la mise à disposition d'installations aéroportuaires constitue une activité économique (décision 98-D-34, du 2 juin 1998, précitée). Il y a lieu de préciser que, ainsi qu'il ressort de l'arrêt du Tribunal des conflits du 18 octobre 1999, précité, la décision du Conseil de la concurrence du 2 juin 1998, précitée, n'a été que partiellement annulée. Le Tribunal des conflits a, en effet, estimé que "les décisions de regrouper à l'aérogare d'Orly-Ouest les activités du groupe Air France et de refuser à la société TAT European Airlines d'ouvrir de nouvelles lignes à partir de cette aérogare qui se rattachent à la gestion du domaine public constituent l'usage de prérogatives de puissance publique". En revanche, il a confirmé que "sont détachables de l'appréciation de la légalité d'un acte administratif les pratiques d'ADP susceptibles de constituer un abus de position dominante consistant dans l'obligation faite à la compagnie TAT European Airlines d'utiliser les services d'assistance en escale de cet établissement public en substitution à ses personnels".
130. Il résulte de ce qui précède que la Commission, loin d'avoir dénaturé la portée et le contenu des conventions signées entre ADP et les différents prestataires de services d'assistance en escale, a considéré à bon droit dans la décision attaquée que la fixation, par ADP, des redevances commerciales et des conditions d'activités desdits prestataires constitue une activité d'entreprise au sens de l'article 86 du traité.
Sur la deuxième branche du moyen, tirée de ce que la définition du marché du produit et du marché géographique à prendre en compte serait manifestement erronée
Arguments des parties
131. Le requérant conteste la définition du marché retenue par la Commission selon laquelle "la présente affaire concerne les activités de gestion et d'exploitation des aéroports de la région parisienne" et "les services de gestion des aéroports rendus par ADP [...] concernent en particulier : l'agrément des prestataires autorisés, le contrôle et l'organisation des activités sur les installations de l'aéroport utilisées en commun ainsique le contrôle de la qualité des services d'assistance". Le requérant rappelle qu'il ne perçoit de redevance qu'en cas d'occupation privative du domaine public et non pas en contrepartie de services de gestion des aéroports. Il souligne qu'aucune convention de concession du domaine public n'est indispensable pour être prestataire de services d'assistance en escale, ainsi que le démontre le fait que HRS ne verse aucune redevance. En prenant en compte des activités ne relevant pas de l'activité en cause, la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation pour définir la nature même du marché.
132. La définition du marché retenue par la Commission serait également inexacte en ce qui concerne sa dimension géographique. Le fait que certains services d'assistance en escale peuvent être, pour une large part, rendus à l'extérieur de l'enceinte aéroportuaire suffirait à démontrer que le marché géographique ne peut se limiter aux seules enceintes aéroportuaires, soit le domaine public géré par ADP, mais devrait comprendre également l'ensemble des biens immobiliers disponibles en région parisienne.
133. Le requérant estime que la Commission a modifié sa position dans la mesure où, au considérant 61 de la décision attaquée, elle excluait toute hypothèse de substituabilité, alors qu'elle en concède l'existence dans son mémoire en défense. Une substituabilité manifeste existerait entre les grands aéroports continentaux, en particulier en ce qui concerne le fret. S'agissant des services de commissariat aérien, les compagnies aériennes ne seraient pas tenues de se fournir à Paris et choisiraient effectivement l'aéroport où elles trouvent les conditions les plus avantageuses pour leur approvisionnement en nourriture et en boissons.
134. Le requérant estime que la décision attaquée contient des incohérences dans la mesure où elle indique que les prestataires de services d'assistance en escale n'ont pas d'autre choix que d'utiliser les aéroports parisiens, mais que certains services d'assistance en escale peuvent être, pour une large part, rendus à l'extérieur de l'enceinte aéroportuaire.
135. À titre subsidiaire, le requérant fait valoir que les considérations de la Commission selon lesquelles les aéroports parisiens ne seraient pas interchangeables avec les autres aéroports communautaires ne sont pas plus convaincantes. Ainsi, les grands aéroports continentaux seraient très largement substituables pour le fret. Concernant les services de commissariat aériens, une compagnie aérienne ne serait en aucun cas obligée de se fournir à Paris même si elle opère quotidiennement sur les aéroports parisiens.
136. La défenderesse soutient que la définition du marché dans la décision attaquée est correcte.
Appréciation du Tribunal
137. La première partie de l'argumentation du requérant, relative à la définition du marché du produit, se confond avec la question de la nature des activités en contrepartie desquelles les redevances commerciales en cause sont versées. Ainsi qu'il a été exposé dans le cadre de l'examen de la branche précédente du moyen, c'est à bon droit que la Commission a considéré que les redevances commerciales en cause constituaient la contrepartie des services de gestion des infrastructures aéroportuaires. Le marché à prendre en considération est donc celui des services de gestion des aéroports parisiens. ADP est, en tant que gestionnaire de ces aéroports, l'offreur sur le marché pertinent, tandis que les prestataires de services d'assistance en escale, qui ont besoin, pour exercer leur activité, de l'autorisation délivrée par ADP et des installations aéroportuaires, en sont les demandeurs.
138. Ainsi que le relève à juste titre la Commission, la situation en l'espèce peut être rapprochée de celle dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la Cour du 11 novembre 1986, British Leyland-Commission (226-84, Rec. p. 3263, point 5), concernant le monopole dont disposait British Leyland pour la délivrance des certificats de conformité nécessaires à l'immatriculation des véhicules de sa marque, dans laquelle la Cour a considéré que "le marché en cause [...] n'[était] pas celui de la vente des véhicules, mais un marché dérivé et distinct qui est celui des services indispensables en fait aux revendeurs professionnels pour assurer la commercialisation des véhicules produits par British Leyland". De la même façon, en l'espèce, c'est sur le marché de la gestion des installations aéroportuaires, lesquelles sont indispensables à l'exercice des services d'assistance en escale, et auxquelles ADP donne accès, qu'il convient de se placer pour apprécier la position dominante et le comportement de celui-ci au regard de l'article 86 du traité.
139. Ainsi qu'il a été constaté ci-dessus, l'argument du requérant relatif à HRS ne saurait modifier cette analyse dès lors que, s'il est certes concevable qu'un prestataire de services d'assistance en escale n'ait pas besoin de locaux situés dans le périmètre de l'aéroport, de tels services doivent, par définition, être fournis lors de l'escale des avions et donc dans le domaine aéroportuaire. Or, il est constant qu'aucune entreprise ne peut avoir accès, ni encore moins fournir de services, sur le domaine aéroportuaire géré par ADP sans son autorisation.
140. S'agissant du marché géographique, il convient de rappeler qu'il peut être défini comme le territoire sur lequel tous les opérateurs économiques se trouvent dans des conditions de concurrence similaires, en ce qui concerne, précisément, les produits concernés (arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak-Commission, T-83-91, Rec. p. II-755, point 91).
141. L'argumentation du requérant, selon laquelle il convient de prendre en considération l'ensemble des biens immobiliers disponibles dans la région parisienne, est, compte tenu de la définition du marché du produit pertinent en l'espèce, dénuée de tout fondement. Ce qui est en cause, ce sont les conditions d'accès aux installations aéroportuaires fixées par ADP afin de pouvoir y fournir des services d'assistance en escale, lesquels ne peuvent être assurés que dans le domaine aéroportuaire et avec l'autorisation d'ADP. Les biens immobiliers de la région parisienne ne peuvent être pris en considération puisqu'ils ne permettent pas, en eux-mêmes, de fournir lesdits services.
142. Enfin, s'agissant de l'argumentation subsidiaire visant à inclure les autres grands aéroports continentaux, il y a lieu de relever, d'abord, que c'est à juste titre qu'il est constaté dans la décision attaquée (considérants 59 à 63) que, pour la plupart des passagers au départ ou à destination de la région parisienne ou d'autres régions françaises, les services aériens utilisant les aéroports d'Orly et de Roissy-CDG ne sont pas interchangeables avec les services offerts dans d'autres aéroports et que la concurrence entre aéroports n'est importante que dans la mesure où ils représentent un point de correspondance pour d'autres destinations. À cet égard, il ressort des statistiques fournies par la défenderesse et non contestées par le requérant que la part de trafic des aéroports parisiens pour laquelle ceux-ci sont utilisés comme point de correspondance représente moins de [...] % à l'aéroport d'Orly et [...] % à celui de Roissy-CDG. Dans ces conditions, la substituabilité des différents aéroports est nettement insuffisante pour qu'il puisse être considéré que le marché géographique s'étend, en l'espèce, à d'autres aéroports qu'Orly et Roissy-CDG.
143. En ce qui concerne l'argument du requérant selon lequel les transporteurs aériens fournissant des prestations au départ ou à destination de la région parisienne ne sont pas tenus d'utiliser les services d'assistance en escale qui sont offerts dans les aéroports d'Orly et de Roissy-CDG, il y a lieu de relever, ainsi que le souligne à juste titre la défenderesse, que le choix de se fournir dans un autre aéroport pour les repas est limité par les exigences de fraîcheur et de qualité des aliments, les possibilités de stockage des appareils et par le fait que de tels choix ne peuvent être opérés que pour des vols de courte distance. Enfin, en ce qui concerne les services de fret, le requérant n'ayant pas contesté l'affirmation selon laquelle une grande partie du fret est transportée dans les mêmes avions que les passagers, le choix de l'aéroport dépend donc principalement du trafic des passagers pour lequel les autres aéroports ne sont pas substituables.
144. Il s'ensuit que l'argumentation tirée d'une définition inexacte du marché n'est pas fondée.
Sur la troisième branche du moyen, tirée de l'absence de position dominante d'ADP
Arguments des parties
145. Le requérant soutient qu'il n'occupe pas de position dominante. Il aurait les mêmes droits que ceux de n'importe quel propriétaire sur un immeuble lui appartenant. Sa qualité d'administrateur du domaine public ne le placerait pas, à elle seule, dans une position dominante. À supposer même que le marché pertinent soit celui des locaux d'où peuvent être assurés les services d'assistance en escale dans les aéroports d'Orly et de Roissy-CDG, la Commission aurait dû prendre en compte l'ensemble des biens immobiliers en région parisienne pouvant accueillir ce genre d'activités. Tout prestataire pouvant s'implanter en dehors de la zone aéroportuaire, ADP se trouverait en totale concurrence avec tous les propriétaires immobiliers, tant publics que privés.
146. La défenderesse soutient qu'ADP détient une position dominante sur le marché pertinent.
Appréciation du Tribunal
147. Selon une jurisprudence constante, la position dominante visée par l'article 86 du traité concerne une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause, en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs (voir, notamment, arrêts de la Cour du 14 février 1978, United Brands-Commission, 27-76, Rec. p. 207, points 65 et 66, et du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti AG-Commission, T-30-89, Rec. p. II-1439, point 90).
148. Il résulte également de la jurisprudence que l'application de l'article 86 du traité n'est pas exclue par le fait que l'absence ou la limitation de la concurrence est favorisée par des dispositions législatives ou réglementaires (voir arrêts de la Cour du 3 octobre 1985, CBEM, 311-84, Rec. p. 3261, point 16, et du 4 mai 1988, Bodson, 30-87, Rec. p. 2479, point 26).
149. Le marché pertinent en l'espèce étant celui des services de gestion des aéroports parisiens, ADP jouit incontestablement d'une position dominante et même d'un monopole légal. En effet, ADP dispose, en vertu de l'article L. 251-2 du Code de l'aviation civile, du monopole légal de la gestion des aéroports concernés et lui seul peut donner l'autorisation d'y exercer des activités d'assistance en escale et fixer les conditions d'exercice de celles-ci.
150. ADP se trouve, par conséquent, dans une situation de puissance économique qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 novembre 1975, General Motors Continental-Commission, 26-75, Rec. p. 1367, point 9, et British Leyland-Commission, précité).
151. Ainsi qu'il a été constaté ci-dessus, l'argument tiré du défaut de prise en compte de l'ensemble des biens immobiliers en région parisienne ne saurait prospérer, car la gestion des services aéroportuaires, qui est le marché pertinent en l'espèce, ne concerne que l'enceinte aéroportuaire dès lors que l'offre monopolistique de services d'ADP est une condition nécessaire à l'exercice des activités d'assistance en escale.
152. Enfin, il doit être considéré que les aéroports d'Orly et de Roissy-CDG constituent une partie substantielle du Marché commun, compte tenu du volume du trafic et de leur importance dans le cadre du réseau aéroportuaire européen(voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova, C-179-90, Rec. p. I-5889, point 15).
153. Il s'ensuit que la troisième branche du moyen tiré de la violation de l'article 86 du traité doit être rejetée.
Sur la quatrième branche du moyen, tirée de ce que le comportement d'ADP ne répondrait pas aux prévisions de l'article 86 du traité
Arguments des parties
154. Le requérant soutient que son comportement ne répond pas aux prévisions de l'article 86 du traité.
155. En premier lieu, le requérant soutient que l'article 86 du traité ne peut lui être appliqué, car les effets anticoncurrentiels des redevances en cause sont caractérisés dans la décision attaquée, au considérant 134, sur des marchés, celui des compagnies aériennes et celui des prestataires de services d'assistance en escale, sur lesquels il n'est pas présent (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche-Commission, 85-76, Rec. p. 461, point 91). La présente affaire ne présenterait aucun rapport avec les situations visées par les arrêts Istituto chemioterapico italiano et Commercial Solvents-Commission, précité, ou CBEM, précité.
156. La Commission ayant entendu analyser les effets anticoncurrentiels de l'abus de position dominante sur un marché distinct du marché dominé, l'arrêt Corsica Ferries, précité (point 43) ne pourrait être invoqué, car il ne concernerait absolument pas une telle situation. Il ressortirait, en revanche, de l'arrêt de la Cour du 14 novembre 1996, Tetra Pak-Commission (C-333-94 P, Rec. p. I-5951), que, même lorsque l'entreprise est présente sur le marché non dominé, ce qui ne serait pas le cas d'ADP, les pratiques qui produisent des effets seulement sur ce marché ne tombent pas, en principe, sous le coup de l'article 86 du traité, sauf circonstances particulières, dont l'existence n'aurait pas été démontrée en l'espèce.
157. En deuxième lieu, le requérant fait valoir que c'est à tort que la Commission a considéré qu'il avait utilisé sa position dominante pour imposer des redevances discriminatoires. En effet, il n'aurait rien imposé à AFS, mais ce serait cette dernière qui lui aurait, librement, fait une proposition qu'il se serait borné à accepter.
158. Le requérant rappelle encore, à cet égard, qu'il n'a jamais promis à AFS qu'elle demeurerait l'unique prestataire de services de commissariat aérien à l'aéroport d'Orly, la convention prévoyant au contraire, en cas de dégradation de la qualité des prestations, l'installation rapide d'un ou de plusieurs autres concessionnaires. AFS aurait ainsi, dès le départ, été pleinement informée de toutes les conditions auxquelles elle serait soumise pour occuper le domaine public. L'affirmation de la défenderesse selon laquelle, pour AFS, la situation initiale ne serait en rien comparable à la situation qui existe à la date de la décision attaquée, serait dès lors incompréhensible.
159. En troisième lieu, le requérant fait valoir qu'il s'est attaché à préserver la structure de la concurrence en poursuivant l'exécution de la convention passée avec AFS en dépit des manquements graves et manifestes de celle-ci (carences répétées dans les prestations de services fournies, dissimulations par AFS de ses chiffres d'affaires) qui auraient pourtant pu constituer un motif amplement justifié de résiliation. Le requérant souligne, en outre, avoir consenti à AFS , dès décembre 1992, une baisse très significative du taux de redevance, pourtant proposé par celle-ci, afin de tenir compte de l'arrivée d'OAT sur le marché. Le requérant estime donc n'avoir apporté aucun obstacle à la libre concurrence.
160. En quatrième lieu, le requérant souligne n'avoir aucun intérêt à fausser le jeu de la concurrence sur les marchés des services d'assistance en escale et des services de transports sur lesquels il n'est pas présent. En revanche, compte tenu de la libéralisation du secteur aérien dans l'Union européenne, il serait dans son intérêt que les compagnies aériennes, usagers des aéroports d'Orly et de Roissy-CDG, puissent trouver un ensemble de services d'assistance en escale variés, de qualité et compétitifs.
161. La défenderesse soutient que le comportement d'ADP sanctionné dans la décision attaquée correspond aux prévisions de l'article 86 du traité.
Appréciation du Tribunal
162. Le requérant invoque, en substance, quatre arguments au soutien du grief selon lequel son comportement ne répond pas aux prévisions de l'article 86 du traité.
163. En premier lieu, il soutient que cet article ne peut lui être appliqué au motif qu'il n'est pas présent sur les marchés à propos desquels la Commission a constaté, au considérant 134 de la décision attaquée, que le jeu de la concurrence était affecté. Il ressortirait de l'arrêt de la Cour, Tetra Pak-Commission, précité, que l'application de l'article 86 du traité est exclue en cette hypothèse.
164. Cet argument est dépourvu de tout fondement en droit. La Cour a, en effet, très clairement rappelé dans son arrêt du 14 novembre 1996, Tetra Pak-Commission, précité (point 25), que les arrêts Istituto chemioterapico italiano et Commercial Solvents-Commission, précité, et CBEM, précité, fournissent des exemples d'abus produisant des effets sur des marchés autres que les marchés dominés. Il ne fait donc aucun doute qu'un abus de position dominante sur un marché peut être condamné en raison d'effets qu'il produit sur un autre marché. Ce n'est que dans l'hypothèse différente où c'est l'abus qui est localisé sur un marché autre que le marché dominé que l'article 86 du traité est, en dehors de circonstances particulières, inapplicable (voir arrêt du 14 novembre 1996, Tetra Pak-Commission, précité, point 27).
165. En l'espèce, même si le comportement d'ADP sanctionné dans la décision attaquée, à savoir l'application de redevances discriminatoires, a des effets sur le marché des services d'assistance en escale et, indirectement, sur celui des transports aériens, il n'en demeure pas moins qu'il se situe sur le marché de la gestion des aéroports où ADP se trouve en position dominante. Par ailleurs, lorsque l'entreprise bénéficiaire du service se situe sur un marché distinct de celui sur lequel est présent l'offreur de service, les conditions d'applicabilité de l'article 86 du traité sont remplies dès lors que la bénéficiaire se trouve, du fait de la position dominante occupée par l'offreur, dans une situation de dépendance économique par rapport à celui-ci, sans qu'il soit nécessaire qu'ils soient présents sur le même marché. Il suffit que la prestation proposée par l'offreur soit nécessaire à l'exercice, par la bénéficiaire, de sa propre activité.
166. Ainsi que le souligne à juste titre la Commission, la situation en l'espèce peut être rapprochée de celle dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Corsica Ferries, précité, dans laquelle il était reproché à la corporation des pilotes du port de Gênes, investie par les pouvoirs publics italiens du droit exclusif d'effectuer les services de pilotage obligatoire dans ce port, d'avoir abusé de sa position dominante sur ce marché de services en imposant des tarifs discriminatoires aux entreprises de transport maritime effectuant des transports entre Etats membres, alors que ladite corporation n'était pas présente sur le marché des transports maritimes.
167. En deuxième lieu, le requérant estime ne pas avoir commis d'abus au motif qu'il s'est borné à accepter l'offre d'AFS et n'a donc rien imposé.
168. À cet égard, il convient de rappeler, d'abord, que la légalité de la décision attaquée doit s'apprécier par rapport à la situation existant au moment de son adoption et non pas au moment où AFS a formulé sa proposition tarifaire. Or, au moment de cette adoption, la situation était substantiellement différente de celle existant lorsque AFS a remis son offre du fait de l'arrivée de concurrents sur le marché de la prestation de services d'assistance en escale.
169. L'abus consistant en l'application de redevances discriminatoires ne pouvait d'ailleurs, par définition, apparaître que lorsqu'un concurrent d'AFS, en l'occurrence OAT, est arrivé sur le marché. La circonstance que le taux de la redevance due par AFS résulte d'une proposition faite par celle-ci, dans le cadre d'une soumission à un appel d'offres, ne saurait suffire pour permettre à une telle redevance d'échapper à toute incrimination au titre de l'article 86 du traité dès lors, notamment, que ce qui est en cause ici n'est pas le niveau des redevances en tant que tel, mais leur caractère discriminatoire. En outre, lorsqu'elle a estimé qu'elle était victime d'une discrimination, AFS a demandé à ADP d'y mettre fin.
170. Il convient de rappeler, ensuite, que "la notion d'exploitation abusive est une notion objective qui vise les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché" (arrêt Hoffmann-La Roche-Commission, précité, point 91) et que pour une entreprise se trouvant en position dominante sur un marché, le fait de lier - fût-ce à leur demande - des acheteurs par une obligation ou promesse de s'approvisionner pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins exclusivement auprès de ladite entreprise est constitutif d'abus. De même, dans l'arrêt de la Cour du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can-Commission (6-72, Rec. p. 215, points 27 et 29), la Cour a jugé que "le renforcement de la position détenue par l'entreprise [peut] être abusif et interdit par l'article 86 du traité, quels que soient les moyens ou procédés utilisés à cet effet", même "en dehors de toute faute".
171. Il s'ensuit que l'argument tiré de ce que le taux de redevance a été proposé par AFS doit être rejeté.
172. En troisième et quatrième lieux, le requérant fait valoir, d'une part, qu'il se serait attaché à préserver la concurrence en ce qu'il aurait poursuivi l'exécution de la convention passée avec AFS en dépit des manquements de celle-ci à ses obligations contractuelles et lui aurait même accordé une baisse du taux de redevance et, d'autre part, qu'il n'aurait aucun intérêt à fausser le jeu de la concurrence sur les marchés des services d'assistance en escale et de transport sur lesquels il n'est pas présent.
173. Il convient de rappeler, à cet égard, que la notion d'abus a un contenu objectif et n'implique pas d'intention de nuire. La circonstance qu'ADP n'ait pas d'intérêt à fausser la concurrence sur un marché où il n'est pas présent, voire qu'il se serait attaché à la préserver, à la supposer établie, est donc, en tout état de cause, dépourvue de pertinence. Ce n'est pas l'arrivée sur le marché des services d'assistance en escale d'un autre prestataire qui est en cause, mais le fait que, au moment de l'adoption de la décision attaquée, les conditions applicables aux différents prestataires de ces services ont été considérées par la Commission comme objectivement discriminatoires. La diminution du taux de redevance accordée à AFS a, par ailleurs, été prise en considération, puisque la Commission a estimé qu'il y avait discrimination sur la base du nouveau taux réduit.
174. Par ailleurs, le requérant ne saurait se prévaloir d'éventuels manquements d'AFS à ses obligations contractuelles pour justifier ses propres manquements à une disposition d'ordre public économique, tel l'article 86 du traité. Force est de constater, en revanche, qu'ADP a consenti, en pleine connaissance de cause, aux nouveaux prestataires de services d'assistance en escale des redevances qui aboutissent à faire supporter à AFS des conditions tarifaires différentes.
175. Il s'ensuit que la quatrième branche du moyen tiré d'une violation de l'article 86 du traité doit être rejetée.
Sur la cinquième branche du moyen, tirée de ce qu'ADP n'aurait pas commis un "abus discriminatoire" au sens de l'article 86 du traité
Arguments des parties
176. Le requérant soutient qu'il n'a commis aucun abus discriminatoire au sens de l'article 86 du traité. À l'appui de cette argumentation, il avance en substance trois griefs.
177. Premièrement, ADP rappelle qu'il appartient à la Commission de rapporter la preuve de l'existence d'une discrimination (arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger-Commission, T-43-92, Rec. p. II-441, point 79). Or, la Commission aurait renversé la charge de la preuve en se limitant à relever la différence qui existe entre certains éléments variables des redevances en cause, alors qu'elle aurait dû démontrer l'équivalence des situations des occupants du domaine public pour, ensuite, en déduire que la différence de taux est objectivement injustifiée. La Commission se limiterait à affirmer que les concessionnaires se trouvent dans une situation équivalente parce qu'ils reçoivent les mêmes "services" d'ADP, alors que ces services ne seraient pas la contrepartie de la redevance litigieuse. La Commission aurait créé une présomption irréfragable d'abus contraignant ADP à démontrer que les redevances pour occupation du domaine public sont justifiées dans chaque cas d'espèce.
178. Deuxièmement, ADP soutient que la Commission a dénaturé la portée et le contenu des conventions applicables. La Commission commettrait une grave erreur en estimant que les composantes fixe et variable de la redevance sont la rémunération, respectivement, de la mise à disposition de terrains et des services de gestion de l'aéroport. Ces deux composantes feraient en réalité partie d'une même redevance globale et correspondraient exclusivement à l'occupation et à l'utilisation privative du domaine public. Le requérant relève qu'aucune des conventions n'indique que la composante variable de la redevance est la contrepartie des "services" qu'il assure, concernant "le contrôle et l'organisation des services d'assistance en escale". La Commission aurait dû examiner ces contrats conformément au droit de la domanialité publique.
179. Le requérant relève que toute utilisation du domaine public est assujettie au paiement d'une redevance et que celle-ci est unique et globale, même si elle peut se diviser en deux parties. La détermination des composantes de la rémunération dépendrait dans chaque cas d'espèce de la valeur locative de l'emplacement et des avantages octroyés au concessionnaire. La redevance globale serait la contrepartie due à l'établissement public pour l'exploitation privative du domaine public. Selon le requérant, la direction générale des impôts française, dans la documentation de base, série 9 D, domaine division B, domaine immobilier, titres 1 et 2, n° 30 à 36, a précisé : "Aussi bien l'article R. 56 [du Code du domaine de l'Etat français] ne s'oppose-t-il pas à ce qu'une redevance soit divisée en deux parties, l'une fixe, l'autre variable [...] Alors que l'élément fixe constitue la contrepartie du droit d'occuper à titre privatif l'emplacement concédé, abstraction faite même de toute prise de possession réelle, le second élément de la redevance - ou la deuxième composante de la redevance globale - correspond à l'utilisation effective du bien dans la mesure où cette utilisation est génératrice deprofits ou d'avantages appréciables en argent, de sorte que la redevance globale représente le juste prix du service rendu." Ce serait en pleine conformité avec ces principes qu'ADP a octroyé à OAT l'utilisation d'une partie du domaine public moyennant le paiement d'une redevance globale déterminée à partir d'une composante variable et d'une composante fixe, qualifiées respectivement de "redevance domaniale" et de "redevance commerciale".
180. En outre, il serait tout à fait possible à l'administration de percevoir une redevance composée uniquement de l'élément variable, lequel serait déterminé en fonction des avantages de toute nature procurés au concessionnaire et tiendrait compte, notamment, du niveau de la composante fixe de la redevance. La documentation de base, précitée, préciserait : "Le particulier admis à occuper le domaine public en retire un avantage privatif [...] La redevance représente le prix de cette jouissance exceptionnelle, elle constitue la contrepartie des avantages individuels et spéciaux, conférés au permissionnaire aux dépens de la jouissance commune, avantages souvent tirés de la situation remarquable des immeubles concédés, et de leur appropriation particulière aux activités dont l'Etat a autorisé l'exercice." La composante variable ne serait donc en aucun cas un prélèvement qui viendrait rémunérer des "services de gestion" d'ADP, mais constituerait la rémunération due à ce dernier pour la jouissance et l'utilisation d'une propriété, le domaine public, à l'instar de la rémunération due à tout propriétaire.
181. Par ailleurs, contrairement à ce qui est indiqué au considérant 101 de la décision attaquée, les redevances demandées par ADP correspondraient au cadre fixé par le droit français. Ainsi la documentation de base, précitée, préciserait que ce sont les avantages retirés de l'utilisation du domaine public qui déterminent la composante variable de la redevance. Cette utilisation serait fonction de l'activité du prestataire occupant le domaine public. Il serait clair que, compte tenu de la situation remarquable des biens du domaine public, plus le prestataire les utilise, plus l'avantage exceptionnel qu'il en retire serait manifeste. La composante variable serait donc fonction du chiffre d'affaires du prestataire, élément d'appréciation retenu par la documentation de base, précitée.
182. ADP observe que les composantes fixe et variable de la redevance sont les deux composantes d'une seule et même réalité correspondant à une redevance unique perçue pour l'occupation et l'utilisation du domaine public qui trouve sa contrepartie directe dans la prestation constituée par la mise à disposition du domaine et n'est pas destinée à couvrir les charges des "services de gestion de l'aéroport".
183. Le fait par la Commission de concentrer son examen sur la composante variable de la redevance et d'ignorer ainsi la composante fixe l'empêcherait d'analyser l'intégralité de la situation des occupants du domaine public. Dès lors, la Commission ne pourrait pas prétendre constater la moindre discrimination, puisque, pour ce faire, il conviendrait de prendre en compte la totalité des situations qu'il s'agit de comparer.
184. Troisièmement, ADP soutient que, en toute hypothèse, les redevances ne présentent aucun caractère discriminatoire et tiennent compte des caractéristiques de chaque autorisation d'occupation du domaine public.
a) Sur l'auto-assistance
185. ADP fait remarquer qu'il existe des différences d'ordre factuel et juridique indiscutables entre l'auto-assistance et l'assistance aux tiers qui, dès lors, peuvent faire l'objet d'un traitement différent sans qu'il y ait une pratique discriminatoire.
186. En ce qui concerne les différences d'ordre factuel, le transporteur qui a recours à l'auto-assistance serait obligé de fournir un effort financier permanent pour maintenir la gamme de services d'assistance en escale dont il a besoin et de supporter ainsi des coûts et risques que ne doit en aucun cas assumer celui qui utilise les services d'un prestataire.
187. En ce qui concerne les différences d'ordre juridique, le requérant souligne d'abord que l'article 7 de la directive 96-67 prévoit des dispositions particulières pour l'auto-assistance distinctes de celles applicables à l'assistance aux tiers. Il relève ensuite que le droit communautaire traite différemment les relations internes au sein d'un groupe de sociétés, telles les relations entre un transporteur et sa filiale qui fournit les prestations. L'auto-assistance serait donc un service objectivement différent de l'assistance aux tiers.
188. Le fait que l'occupation du domaine public procure des avantages moindres à celui qui recourt à l'auto-assistance, en raison des coûts supérieurs inhérents à cette activité, constituerait une différence de situation objective et pertinente pour justifier un traitement différent.
189. Compte tenu de ce que l'auto-assistance et l'assistance aux tiers constituent deux activités distinctes, le taux de la redevance due au titre de l'auto-assistance ne pourrait avoir aucune incidence sur la concurrence entre prestataires sur le marché de l'assistance aux tiers. AFS n'aurait d'ailleurs jamais mis en cause le taux de la redevance due par OAT au titre de l'auto-assistance mais exclusivement celui appliqué pour l'assistance aux tiers. Les arrêts de la Cour du 30 avril 1974, Sacchi (155-73, Rec. p. 409), British Leyland et Corsica Ferries, précités, n'auraient aucune pertinence, car ils concerneraient des traitements différents d'activités identiques.
190. Enfin, il n'existerait aucune limitation dans les aéroports parisiens en ce qui concerne le recours à l'auto-assistance en ce que tous les transporteurs aériens qui désirent y recourir seraient placés dans une stricte situation d'égalité. En outre, les nombreuses compagnies qui y recourent seraient placées exactement dans la même situation [...] qu'Air France. Il n'existerait donc pas davantage de discrimination sur le marché du transport aérien.
b) Sur l'assistance aux tiers
191. S'agissant de l'assistance aux tiers, il n'y aurait pas non plus de discrimination.
192. En ce qui concerne la prétendue discrimination entre OAT et AFS, ADP rappelle d'abord qu'AFS a elle-même fixé sa redevance à la suite d'un appel d'offres, qu'il n'a pas tiré les conséquences des manquements graves et manifestes de celle-ci et qu'il a accepté une diminution à [...] % du taux de ladite redevance. Le requérant affirme ensuite que les redevances acquittées par AFS et OAT sont, en pratique, identiques si sont pris en compte le chiffre d'affaires concernant les prestations fournies à des tiers (chiffre d'affaires externe) et l'élément fixe de la redevance d'OAT, ainsi que le démontre le tableau suivant :
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193. ADP constate que la Commission minore en réalité l'élément variable de la redevance d'OAT en indiquant, au considérant 111 de la décision attaquée, un total de redevances externes de [...] de FRF alors qu'il s'agit de [...] de FRF et que, en outre, elle compare ce qui n'a pas lieu d'être comparé puisqu'elle inclut, à tort, le chiffre d'affaires réalisé par OAT au titre de l'auto-assistance. De plus, lorsqu'elle procède à une comparaison qui prétend tenir compte des composantes fixes, la Commission commettrait une erreur en prenant en compte la valeur absolue des redevances sans les rapporter aux chiffres d'affaires respectifs et en mentionnant, à tort, la somme de [...] de FRF payée initialement par AFS pour le rachat des locaux de la CIWL.
194. En ce qui concerne la prétendue discrimination sur les services de fret, ADP soutient que le taux effectivement pratiqué est de [...] % quel que soit le prestataire, étant précisé [...].
195. En ce qui concerne les services de commissariat à l'aéroport de Roissy-CDG et de nettoyage dans les deux aéroports parisiens, ADP souligne qu'il n'y a pas de discrimination, les redevances étant identiques.
196. Le requérant souligne que, à l'exception d'AFS, les différents prestataires de services d'assistance en escale n'ont déposé aucune plainte.
197. ADP affirme que les nombreux tableaux produits par la Commission dans son mémoire en défense sont erronés. En effet, ces derniers incluraient à tort le chiffre d'affaires afférent à l'auto-assistance, lequel ne pourrait être pris en compte pour comparer les redevances payées par AFS et OAT au titre de leurs activités respectives d'assistance aux tiers. AFS ne recourant pas à l'auto-assistance, il serait donc dénué de sens de tenir compte du chiffre d'affaires réalisé par OAT au titre de cette activité. En outre, AFS n'aurait jamais soulevé de contestation concernant le taux de la redevance due par OAT au titre de l'auto-assistance, taux qui ne concerne en aucun cas les activités d'assistance aux tiers pour lesquelles ces deux sociétés sont concurrentes.
198. Le requérant fait observer que les éléments apportés par la Commission dans son mémoire en défense en vue de démontrer l'existence d'un système favorisant le groupe Air France ne figurent ni dans la communication des griefs ni dans la décision attaquée.
199. La Commission et la partie intervenante soutiennent qu'ADP a commis des abus discriminatoires au sens de l'article 86 du traité.
Appréciation du Tribunal
200. Le requérant développe en substance trois griefs à l'appui de cette branche du moyen. Il soutient que la Commission a renversé la charge de la preuve, qu'elle a dénaturé totalement la portée et le contenu des conventions d'occupation du domaine public et qu'elle a commis une erreur d'appréciation en qualifiant à tort les redevances de discriminatoires.
201. En ce qui concerne, en premier lieu, le grief tiré du prétendu renversement de la charge de la preuve, il convient de rappeler que c'est à bon droit que la Commission a décidé que les redevances commerciales en cause constituaient la contrepartie des services de gestion des aéroports et de l'autorisation d'effectuer les services d'assistance en escale. Dès lors, ainsi qu'il est exposé au considérant 120 de la décision attaquée, ADP offre les mêmes services à tous les prestataires qui se trouvent, par rapport à l'objet de ladite décision, dans la même situation vis-à-vis de lui. Dans ces conditions, la Commission était fondée à déduire de la différence des taux des redevances demandées par ADP aux prestataires d'assistance en escale que celui-ci imposait des redevances discriminatoires, sauf à ce qu'il justifie cette différence de traitement par des raisons objectives.
202. En outre, même à suivre la thèse du requérant, selon laquelle la redevance ne constitue pas la contrepartie des services de gestion des aéroports et de l'autorisation d'assurer les services d'assistance en escale mais la contrepartie due à l'établissement public pour l'exploitation privative du domaine public, cette redevance ne peut pour autant être arbitraire. Elle doit, en principe, être fonction de critères objectifs, de sorte que, en cas de disparité, il appartient à ADP de justifier les raisons et le bien-fondé des différences de taux de redevance appliqués aux différents prestataires de services d'assistance en escale présents aux aéroports d'Orly et de Roissy-CDG. Il convient d'ajouter que, selon les dispositions citées par le requérant, la partie variable de la redevance globale correspond à l'utilisation effective du bien, dans la mesure où cette utilisation est génératrice de profits. Si le chiffre d'affaires du concessionnaire est un critère approprié pour déterminer ainsi la partie variable de la redevance globale, il convient de souligner que ce critère doit être appliqué par ADP de façon non discriminatoire à tous les prestataires de services d'assistance en escale. Si ADP impose à ces prestataires des taux de redevance différents, il lui appartient donc d'établir l'existence de situations ou circonstances objectivement différentes de nature à justifier cette disparité de traitement.
203. Il s'ensuit que le grief tiré d'un prétendu renversement de la charge de la preuve n'est pas fondé.
204. S'agissant, en deuxième lieu, du grief tiré de la prétendue dénaturation de la portée et du contenu des conventions signées entre ADP et les différents prestataires de services d'assistance en escale dans les aéroports parisiens, il a déjà été rejeté dans le cadre de l'examen de la première branche du quatrième moyen (voir point 130 ci-dessus).
205. En ce qui concerne, en troisième lieu, le grief tiré de la prétendue absence de caractère discriminatoire des redevances, le requérant soutient, en substance, d'une part, que des différences d'ordre factuel et juridique justifient objectivement un traitement tarifaire différent des prestataires de services d'assistance aux tiers et des prestataires de services d'auto-assistance, a) et, d'autre part, qu'il n'existe pas de discrimination concernant l'assistance aux tiers, b).
a) Sur l'auto-assistance
206. Il convient d'abord de relever, ainsi que le souligne la Commission, que, dans la mesure où le présent litige porte sur le comportement d'ADP, c'est la situation des prestataires de services à l'égard de celui-ci qui est pertinente et non leur situation sur le marché des services d'assistance en escale. Or, les deux catégories de prestataires en cause bénéficient des mêmes services de gestion d'ADP.
207. Ensuite, s'il est vrai que le transporteur aérien décidant d'effectuer lui-même son assistance en escale doit supporter des coûts importants, ceux-ci sont supportés de la même manière par le prestataire d'assistance aux tiers, lequel les intégrera ensuite dans le prix de son intervention qu'il facture au transporteur aérien.
208. Les prétendues différences d'ordre factuel sont donc dénuées de pertinence.
209. S'agissant des prétendues différences d'ordre juridique, il y a lieu de relever que l'argument tiré de l'inapplicabilité du droit communautaire aux relations entre des sociétés mères et leurs filiales est inopérant. En effet, ce ne sont pas les accords entre les transporteurs aériens et les filiales au travers desquelles ils assurent leur auto-assistance qui sont en cause, mais un abus de position dominante d'ADP vis-à-vis des différents prestataires de services d'assistance en escale avec lesquels il a conclu des conventions.
210. Il s'ensuit que les arguments relatifs au bien-fondé du traitement tarifaire différent des prestataires de services d'assistance aux tiers et des prestataires de services d'auto-assistance doivent être rejetés.
b) Sur l'assistance aux tiers
- En ce qui concerne AFS et OAT
211. Il convient d'abord de rappeler que les arguments selon lesquels ADP s'est borné à accepter l'offre d'AFS, s'est attaché à poursuivre l'exécution de la convention passée entre eux et a consenti une diminution à [...] % du taux de redevance de cette société à la suite de l'arrivée d'OAT sur le marché en 1992 ont déjà été rejetés dans le cadre de la quatrième branche du moyen.
212. Il convient ensuite de constater que le tableau présenté par le requérant en vue de démontrer l'absence de discrimination ne peut être retenu.
213. En premier lieu, la composante fixe de la redevance ne peut être prise en compte, car elle a pour objet de rémunérer l'occupation du domaine public, laquelle n'est pas en cause ici. À titre surabondant, il convient de souligner que les montants de cette composante ne peuvent, en tout état de cause, être comparés de manière abstraite, mais doivent être rapportés à la surface, la qualité et la situation des biens immobiliers mis à la disposition des différents prestataires de services. En outre, le requérant ne mentionne pas la somme de [...] de FRF qu'AFS a versée initialement pour le rachat des locaux de la CIWL.
214. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, il convient de tenir compte du chiffre d'affaires relatif aux prestations d'auto-assistance, dans la mesure où, ainsi qu'il a été constaté ci-dessus, OAT bénéficie des mêmes services de gestion rendus par ADP pour ses prestations d'auto-assistance et pour ses prestations d'assistance aux tiers.
215. En troisième lieu, il ne saurait être admis que le taux de redevance appliqué à l'auto-assistance ne peut avoir aucune incidence sur la concurrence entre prestataires sur le marché de l'assistance aux tiers au motif que l'auto-assistance serait une activité distincte de l'assistance aux tiers. En effet, il convient de rappeler d'abord que les prestataires de ces deux catégories d'assistance bénéficient des mêmes services de la part d'ADP. Ensuite, le fait que l'auto-assistance soit affectée d'un taux de redevance [...] permet aux prestataires autorisés à fournir les deux catégories d'assistance d'amortir leurs investissements et de pouvoir ainsi offrir de meilleures conditions pour les services d'assistance aux tiers. Enfin, ce taux de redevance [...] peut inciter certaines compagnies aériennes à pratiquer l'auto-assistance plutôt que de recourir aux services d'un tiers.
216. Il s'ensuit que les deux types de services d'assistance doivent être pris en compte aux fins de vérifier si les redevances sont discriminatoires.
217. En tout état de cause, force est de constater que la discrimination ressort clairement du tableau figurant au considérant 19 de la décision attaquée, dont le requérant ne conteste pas l'exactitude et dont les données résultent d'ailleurs de ses propres réponses aux demandes de renseignements de la Commission. En effet, il y apparaît que le taux de redevance d'OAT est de [...] % pour l'auto-assistance et de [...] % pour l'assistance aux tiers, alors que le taux de la redevance d'AFS est de [...] %.
218. Enfin, l'argument du requérant selon lequel il n'y a pas de discrimination sur le marché du transport aérien lui-même dès lors qu'il n'existe aucune limitation dans les aéroports parisiens en ce qui concerne l'auto-assistance doit également être rejeté. D'une part, cet argument, à le supposer fondé, ne met pas en cause la discrimination entre prestataires d'assistance aux tiers et prestataires d'auto-assistance. D'autre part, il est inexact dans la mesure où, ainsi qu'il est relevé au considérant 123 de la décision attaquée, seules les grandes compagnies aériennes développant un trafic important dans les aéroports de Paris ont, en pratique, la possibilité de développer et de rentabiliser un service d'auto-assistance, les autres étant contraintes de s'adresser aux prestataires d'assistance aux tiers.
- En ce qui concerne les services de fret
219. Le requérant soutient qu'il n'y a pas de discrimination, car ADP appliquerait effectivement un taux de [...] % quel que soit le prestataire. Il précise toutefois que, si les sociétés [...] acquittent une redevance, c'est parce que, à la différence des autres prestataires qui exercent leur activité au profit de toutes les compagnies qui s'adressent à eux et à partir de locaux qui leurs sont propres, elles travaillent exclusivement en qualité de sous-traitants, respectivement pour [...], et ce dans les locaux mêmes de ces deux compagnies aériennes.
220. Premièrement, il convient de rappeler encore qu'ADP fournissant les mêmes services aux prestataires d'assistance, le taux de redevance différent imposé à [...] ne se justifie pas. Deuxièmement, selon le tableau figurant au considérant 19 de la décision attaquée, lequel tableau a été établi à partir des données fournies par le requérant en réponse à la demande de renseignements de la Commission, Air France se voit appliquer un taux de [...] % tant pour l'auto-assistance que pour l'assistance aux tiers. Troisièmement, l'explication selon laquelle le fait d'agir uniquement comme sous-traitant d'une compagnie aérienne justifie un taux plus élevé est en contradiction avec l'allégation d'ADP selon laquelle le taux de [...] % appliqué à HRS pour ses activités de commissariat aérien était justifié au motif que cette société agissait uniquement comme sous-traitant d'AOM. Quatrièmement, le fait que [...] exercent leur activité de sous-traitance dans les locaux de [...] ne les place pas dans une situation différente de celle des autres prestataires qui disposent de leurs propres locaux, en ce sens que ces deux sociétés n'occupent pas de bâtiments pour lesquels elles devraient acquitter une redevance domaniale. Cinquièmement, l'explication selon laquelle les autres prestataires fourniraient des services d'assistance à toutes les compagnies qui s'adressent à eux est contredite par le tableau, précité, duquel il ressort qu'ils n'effectuent que des prestations d'auto-assistance.
221. Il s'ensuit que les arguments de la cinquième branche du quatrième moyen doivent également être rejetés et, partant, que ce dernier est non fondé.
5. Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l'article 90, paragraphe 2, du traité
Arguments des parties
222. À titre subsidiaire, le requérant considère que les règles de concurrence ne peuvent pas lui être appliquées, conformément à l'article 90, paragraphe 2, du traité, afin de lui permettre d'accomplir sa mission d'intérêt général (arrêt de la Cour du 27 avril 1994, Almelo, C-393-92, Rec. p. I-1477, point 49).
223. Le requérant fait valoir que, en vertu de l'article L. 251-2 du Code de l'aviation civile, il "est chargé d'aménager, d'exploiter et de développer l'ensemble des installations de transport civil aérien ayant leur centre dans la région parisienne et qui ont pour objet de faciliter l'arrivée et le départ des aéronefs, de guider la navigation, d'assurer l'embarquement, le débarquement et l'acheminement à terre des voyageurs, des marchandises et du courrier transportés par air, ainsi que toutes installations annexes". Il expose que cette mission a été qualifiée tant par le Tribunal des conflits dans son arrêt du 13 décembre 1976, précité, que par la Cour de cassation française dans son arrêt du 13 janvier 1982, SA Alta e.a.-Aéroports de Paris, d'activité de service public et qu'elle constitue un "service d'intérêt économique général" au sens de l'article 90, paragraphe 2, du traité.
224. Or, l'interprétation de la Commission selon laquelle la partie variable de la redevance ne correspond qu'à l'indemnisation de quelques services conduirait à une considérable diminution de la valeur du domaine public géré par ADP et, par conséquent, des ressources de celui-ci de sorte qu'il ne pourrait plus faire face aux charges élevées qu'il doit assumer. La rémunération des seuls services de gestion, définis au demeurant de manière floue, n'aurait aucune commune mesure avec la contrepartie de l'occupation d'un bien public.
225. ADP estime que l'analyse de la Commission, contraire à la nature de la redevance due pour l'occupation du domaine public, constitue une véritable expropriation l'empêchant d'exécuter ses missions.
226. La défenderesse soutient que les activités en cause ne revêtent pas nécessairement le caractère de services d'intérêt économique général et que le requérant n'a pas démontré que les pratiques condamnées seraient nécessaires à l'exercice de sa mission.
Appréciation du Tribunal
227. Il convient de rappeler que la dérogation prévue par l'article 90, paragraphe 2, du traité est d'interprétation stricte et ne peut jouer qu'à la double condition, d'une part, que l'entreprise ait été investie par les pouvoirs publics de la gestion d'un service économique d'intérêt général et, d'autre part, que l'application des règles du traité fasse échec à l'accomplissement de la mission particulière qui a été impartie à cette entreprise et que l'intérêt de la Communauté ne soit pas affecté (arrêt Merci convenzionali porto di Genova, précité, point 26).
228. Sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si les activités litigieuses constituent un service d'intérêt économique général au sens de l'article 90, paragraphe 2, du traité, il suffit de constater que, en tout état de cause, le requérant n'a pas établi en quoi la décision attaquée le mettrait dans l'impossibilité d'exercer sa mission de service public ni que l'application des règles de concurrence serait de nature à faire échec à l'accomplissement de celle-ci.
229. En effet, dans la décision attaquée, la Commission n'interdit pas à ADP de percevoir des redevances en contrepartie des services offerts ni même ne se prononce sur le niveau de celles-ci, mais exige seulement qu'il mette fin à l'infraction, consistant à imposer des redevances commerciales discriminatoires. ADP peut donc continuer à percevoir des redevances pour financer l'accomplissement de son éventuelle mission de gestion d'un service d'intérêt économique général. Il y a lieu de relever à cet égard que si, pour remplir à bien sa mission de gestionnaire, ADP perçoit des redevances destinées à compenser ses dépenses liées aux investissements, cette mission n'exige en rien d'imposer des redevances discriminatoires. ADP n'avance d'ailleurs aucun élément en sens contraire.
230. Il s'ensuit que le cinquième moyen, tiré de la violation de l'article 90, paragraphe 2, du traité, doit être rejeté.
6. Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l'article 222 du traité
Argument des parties
231. Le requérant considère que, en réduisant la redevance en cause à un simple dédommagement des "services" rendus par l'administrateur du domaine public, la Commission, dans la décision attaquée, porte atteinte à la valorisation dudit domaine.
232. En outre, le requérant soutient que la décision attaquée porte une atteinte exceptionnellement grave aux contrats qu'il a conclus. Il fait valoir, à cet égard, que la position de la Commission le contraint à procéder à un alignement de la redevance d'AFS, librement proposée par cette dernière à un moment donné, sur celle d'un nouveau concessionnaire qui a effectué des propositions à un autre moment, dans un contexte économique totalement différent. En aucun cas, le droit de la concurrence n'imposerait au nom du principe de non-discrimination un pareil alignement, dans une situation mettant en cause des parties privées qui ont contracté à des dates trèséloignées dans le temps. La Commission ferait ainsi une discrimination entre la propriété privée et la propriété publique.
233. La défenderesse soutient qu'elle n'a pas méconnu les dispositions de l'article 222 du traité.
Appréciation du Tribunal
234. Aux termes de l'article 222 du traité, le traité "ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les Etats membres".
235. Selon le requérant, la Commission aurait porté atteinte à la valorisation du domaine public français et donc méconnu l'article susvisé.
236. Sans qu'il soit nécessaire d'examiner la question de savoir si une atteinte à la valorisation du domaine public préjuge le régime de la propriété, il suffit de constater que, en tout état de cause, la Commission, dans la décision attaquée, ne porte aucune atteinte au domaine public.
237. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au considérant 98 de la décision attaquée, la Commission indique expressément "qu'elle n'est pas amenée à se prononcer sur les niveaux des redevances domaniales demandées aux prestataires des services d'assistance en question".
238. De même, dans le dispositif de la décision attaquée, elle se limite à enjoindre à ADP de mettre fin à la perception de redevances commerciales discriminatoires, mais n'interdit pas la perception de redevances ni même ne fixe un niveau de redevance maximal.
239. Dès lors, la Commission, dans la décision attaquée, ne s'est pas prononcée sur une évaluation du domaine public, mais a imposé simplement à ADP de respecter des dispositions impératives de l'article 86 du traité, auquel les établissements en charge de la gestion du domaine public comme les propriétaires privés sont tenus de se conformer.
240. Il en découle que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 222 du traité est non fondé.
241. Cette conclusion n'est pas mise en cause par l'argument selon lequel la décision attaquée porterait atteinte aux contrats conclus par ADP. En effet, le caractère d'ordre public du droit de la concurrence a précisément pour objet de rendre ses dispositions obligatoires et d'interdire aux opérateurs économiques de s'en écarter dans leurs conventions.
7. Sur le septième moyen, tiré d'un détournement de pouvoir
Arguments des parties
242. Le requérant soutient que la Commission a commis un détournement de la fonction de l'article 86 du traité en ce que la décision attaquée vise en réalité à harmoniser la rémunération due pour les occupations du domaine public dans le cadre des activités d'assistance en escale.
243. Le requérant relève à cet égard que la Commission, tout en considérant que la partie fixe de la redevance ne devrait pas relever de son appréciation, indique néanmoins, au considérant 127 de la décision attaquée, que "concernant le cas particulier d'AFS, [elle] ne s'oppose [...] pas à l'inclusion d'une composante domaniale dans la redevance globale qui lui est demandée". De même, il expose que la Commission fait expressément référence, au point 18 de la communication des griefs, au fait que les "pratiques d'ADP en matière de redevances commerciales ne correspondraient pas aux pratiques communément rencontrées dans d'autres aéroports communautaires tels que Londres Heathrow, Londres Gatwick, Amsterdam-Schiphol et Francfort".
244. De plus, la Commission n'aurait pas cherché à connaître l'opinion des prestataires sur les redevances litigieuses. Cela démontrerait bien qu'il ne s'agit pas pour elle, en l'espèce, d'appliquer les règles de concurrence à une situation concrète, mais de poursuivre des objectifs législatifs.
245. L'assistance en escale dans les aéroports se rattachant directement à la politique commune des transports, il n'appartiendrait pas à la Commission d'utiliser la plainte déposée par AFS pour tenter d'imposer une modification des droits nationaux en ce qui concerne la rémunération pour occupation du domaine public.
246. La défenderesse soutient qu'elle n'a pas commis de détournement de pouvoir.
Appréciation du Tribunal
247. Selon une jurisprudence constante, une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise dans le but exclusif, ou tout au moins déterminant, d'atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt du Tribunal du 16 juillet 1998, Proderec-Commission, T-72-97, Rec. p. II-2847, point 118).
248. Force est de constater à la lecture, tant du dispositif que des motifs de la décision attaquée, qui ne concerne d'ailleurs que les aéroports parisiens, que la Commission ne procède à aucune harmonisation des conditions de détermination des redevances d'occupation du domaine public, mais vise seulement à faire cesser un abus de position dominante en interdisant à ADP d'imposer des redevances discriminatoires aux différents prestataires de services d'assistance en escale. Au considérant 98 de la décision attaquée, elle expose d'ailleurs que, dans cette affaire, "elle n'est pas amenée à se prononcer sur les niveaux des redevances domaniales demandées aux prestataires des services d'assistance en question". La décision attaquée ne saurait, dès lors, constituer un moyen détourné utilisé par la Commission pour tenter d'harmoniser les rémunérations d'occupation du domaine public.
249. S'agissant du grief tiré de ce que la Commission n'a pas interrogé d'autres prestataires sur les redevances litigieuses, il convient de rappeler que l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 17 prévoit que la Commission a la faculté, mais non l'obligation, d'entendre des personnes tierces. Le requérant n'ayant fait état d'aucune demande d'audition d'entreprise tierce, il ne saurait reprocher à la Commission l'absence d'auditions complémentaires. En tout état de cause, le grief est dépourvu de pertinence pour établir le détournement de pouvoir allégué.
250. Le moyen est manifestement non fondé.
251. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté comme non fondé.
Sur les dépens
252. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission et la partie intervenante, conformément aux conclusions de celles-ci.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Le requérant supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et par la partie intervenante.