TPICE, 5e ch. élargie, 30 novembre 2000, n° T-5/97
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Industrie des poudres sphériques
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, Péchiney électrométallurgie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. García-Valdecasas
Juges :
Mme Lindh, MM. Cooke, Vilaras, Forwood
Avocats :
Mes Momège, Gunther, Prost.
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
Faits à l'origine du litige
A - Produit en cause
1. Le calcium-métal primaire est un élément chimique obtenu à partir soit d'oxyde de calcium (chaux), soit de chlorure de calcium, se présentant sous forme de morceaux, de copeaux et d 'aiguilles.
2. Il est produit dans cinq pays, à savoir en France (par la société Péchiney électrométallurgie, ci-après "PEM"), en Chine, en Russie, au Canada (par la société Timminco) et aux Etats-Unis d'Amérique (par la société Minteq). Les producteurs utilisent deux procédés de fabrication différents: le procédé électrolytique et le procédé aluminothermique.
3. Le procédé électrolytique, utilisé en Chine et en Russie, comporte deux étapes: l'électrolyse du chlorure de calcium, au cours de laquelle le calcium se dépose sur une cathode de cuivre, donnant un alliage de cuivre-calcium, et la distillation de l'alliage cuivre-calcium, qui permet de séparer ces deux métaux. Ce procédé permet la production d'un calcium-métal primaire très pur, mais entraîne une importante consommation d'électricité.
4. Le procédé aluminothermique comporte une seule étape de réduction de l'oxyde de calcium par l'aluminium avec condensation des vapeurs de calcium. Ce procédé, relativement souple dans son exploitation, est utilisé par tous les producteurs occidentaux du fait de ses coûts réduits d'investissement et d'exploitation.
5. Diverses variétés de calcium-métal primaire sont disponibles sur le marché, en fonction du procédé utilisé pour l'obtenir ou des applications envisagées. La qualité de ces produits dépend essentiellement de leur degré de pureté en calcium, amélioré par la réalisation d'une ou plusieurs phases de distillation.
6. Une première variété est le calcium-métal primaire "standard" ou "commercial", selon la terminologie utilisée, respectivement, par la requérante ou par la Commission. Il est obtenu à partir du procédé aluminothermique. La teneur en calcium de cette variété se situe entre 97 et 98,8 %, selon le producteur, et la teneur en oxygène est très supérieure à celle du calcium-métal primaire produit par les producteurs chinois et russes. Le produit "Ca RK", commercialisé par PEM, relève de cette première variété.
7. Une deuxième variété de calcium-métal primaire, obtenue également à partir du procédé aluminothermique, comprend plusieurs types de calcium-métal primaire nucléaire obtenus à partir de la distillation du calcium-métal primaire standard. Cette variété, qui recouvre les produits "CaN" et "CaNN" commercialisés par PEM, présente un très haut degré de pureté (99,3 % de calcium). Or, la quasi-totalité des acheteurs de calcium-métal primaire n'exige pas un tel degré de pureté et, dès lors, les ventes de cette variété ne dépassent pas quelques tonnes chaque année. Le prix de cette variété de calcium-métal primaire est plus de deux fois supérieur à celui du produit de qualité standard en raison des coûts liés à l'opération de distillation.
8. Une troisième variété de calcium-métal primaire est constituée par les calciums métaux primaires chinois et russes, aussi appelés calciums métaux électrolytiques. Le procédé électrolytique permet d'obtenir une teneur en calcium minimale comprise entre 98,5 et 99,7 %. Les prix demandés avant l'imposition de droits antidumping sur le calcium-métal en provenance de Chine et de Russie rapprochaient ces produits de ceux de qualité standard, qu'ils concurrencent.
9. Le calcium-métal divisé est un produit dérivé du calcium-métal primaire. Deux procédés peuvent être utilisés pour obtenir du calcium-métal divisé. Le premier procédé, utilisé par PEM et les autres entreprises qui opèrent sur le marché du calcium-métal divisé, repose sur le broyage mécanique à froid du calcium-métal primaire et permet la fabrication de poudres. Le second procédé, utilisé uniquement par la société Industrie des poudres sphériques (ci- après "IPS"), repose sur la technique de l'atomisation et permet l'obtention de billes sphériques (ou de granules). Cette technique consiste en la fusion du calcium-métal primaire dans un four à résistance suivie de l'atomisation du calcium liquide qui en résulte dans une tour à granulation, l'ensemble fonctionnant sous pression avec un gaz inerte (argon). Les exigences du procédé de l'atomisation imposent à IPS d'utiliser un calcium-métal primaire très pur.
B - Entreprises en cause
10. La société requérante, IPS, anciennement dénommée Extramet industrie (ci-après "Extramet"), est située à Annemasse (France). Elle a été créée en 1982, à la suite de la découverte en 1980 d'un procédé de fabrication du calcium-métal divisé et commercialise le produit ainsi obtenu.
11. PEM, anciennement dénommée Société électrométallurgique du Planet et filiale de la société Bozel électrométallurgie, appartient au groupe Péchiney depuis 1985 et est le seul producteur communautaire de calcium-métal primaire. Elle commercialise également du calcium-métal divisé obtenu par broyage.
C - Affaire Extramet industrie-Conseil (C-358-89)
12. Le 18 septembre 1989, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 2808-89 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de calcium-métal originaires de la république populaire de Chine et d'Union soviétique et portant perception définitive du droit antidumping provisoire institué sur ces importations (JO L 271, p. 1).
13. Le 27 novembre 1989, la requérante, dont la raison sociale était alors Extramet, a introduit un recours visant à l'annulation de ce règlement.
14. Par arrêt du 11 juin 1992, Extramet industrie-Conseil (C-358-89, Rec. p. I-3813, ci-après l'"arrêt Extramet II"), la Cour a annulé le règlement n° 2808-89 au motif que les institutions communautaires n'avaient pas, d'une part, effectivement examiné la question de savoir si PEM, entreprise communautaire ayant subi un préjudice au sens de l'article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2423-88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui fontl'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 209, p. 1), n'avait pas elle-même contribué à celui-ci par son refus de vente à IPS et, d'autre part, établi que le préjudice retenu ne découlait pas des facteurs allégués par la requérante, de sorte que ces institutions n'avaient pas correctement procédé à la détermination du préjudice.
D - Affaire Industrie des poudres sphériques-Conseil (T-2-95)
15. A la suite de l'arrêt Extramet II, PEM a adressé à la Commission, le 1er juillet 1992, un mémoire à l'appui d'une réouverture de l'enquête et une note de nature technique sur l'appréciation du préjudice subi par l'industrie communautaire.
16. Le 19 octobre 1994, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 2557-94 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de calcium-métal originaire de la république populaire de Chine et de Russie (JO L 270, p. 27).
17. Le 9 janvier 1995, la requérante a introduit, devant le Tribunal, un recours en annulation à l'encontre de ce règlement.
18. Par arrêt du 15 octobre 1998, Industrie des poudres sphériques-Conseil (T-2-95, Rec. p. II-3939), le Tribunal a rejeté ce recours.
19. Le 16 décembre 1998, IPS a introduit un pourvoi contre l'arrêt Industrie des poudres sphériques-Conseil, précité. Par arrêt de la Cour du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques-Conseil (C-458-98P, non encore publié au Recueil), ce pourvoi a été rejeté.
E - Relations entre IPS et PEM
20. IPS est la seule entreprise à produire du calcium-métal divisé par la technique de l'atomisation, ce qui lui impose l'utilisation, comme matière première, d'un calcium-métal primaire très pur et ayant une basse teneur en oxygène. Elle s'est adressée, depuis 1991, à PEM afin d'obtenir un produit ayant ces caractéristiques mais correspondant à la qualité standard (c'est-à-dire non distillé). PEM n'a été en mesure de lui fournir un tel produit qu'en 1995, à la suite de recherches, d'aménagements techniques dans son usine et de nombreuses livraisons pour essai. Toutefois, IPS a refusé ce produit en raison de son prix trop élevé.
F - Procédure administrative devant la Commission
21. Par mémoire enregistré le 20 juillet 1994, la requérante a saisi la direction générale de la concurrence de la Commission (DG IV) d'une plainte visant, à titre principal, à faire constater un abus de position dominante de la part de PEM. Dans sa plainte, IPS faisait valoir, d'une part, que PEM s'était servie de la procédure antidumping amenant à l'adoption du règlement n° 2557-94 (ci-après la "procédure antidumping") pour renforcer sa position dominante sur le marché du calcium-métal et couper ainsi les sources d'approvisionnement d'IPS en calcium-métal primaire en provenance de Chine et de Russie. D'autre part, IPS faisait valoir que PEM avait cherché à empêcher ou à retarder l'approvisionnement d'IPS en calcium-métal primaire afin d'éliminer cette dernière du marché du calcium-métal divisé.
22. Par lettre du 21 juillet 1994, PEM a offert à la requérante de l'approvisionner en calcium-métal primaire nucléaire, son calcium de type CaNN, pour un volume de 100 à 150 tonnes par an durant cinq ans. Le prix proposé était de 33 francs français (FRF) le kilogramme, applicable de septembre à décembre 1994, avec, par la suite, la mise en œuvre d'une clause de révision semestrielle en fonction de l'évolution du prix de vente moyen de son calcium-métal standard.
23. Cette proposition a donné lieu à de nombreux échanges de courriers entre PEM et IPS, dans lesquels la requérante rappelait qu'elle recherchait du calcium-métal standard et non du calcium-métal nucléaire, mais a finalement accepté de procéder, à ses frais, à l'essai d'un lot de calcium-métal primaire distillé si cela permettait d'aboutir à l'amélioration du calcium-métal standard de PEM. Le 28 février 1995, PEM a livré à IPS un lot de 5 tonnes de calcium-métal primaire distillé. Cet essai a été réalisé du 28 février au 3 mars 1995 sous le contrôle de deux experts indépendants: M. Laurent, expert désigné par IPS, et le professeur Winand, expert désigné par PEM. L'essai a permis d'établir que le lot de calcium-métal distillé testé répondait de manière satisfaisante aux exigences du procédé utilisé par IPS.
24. A la demande de la requérante, M. Laurent a rédigé , le 19 mai 1995, à partir des documents échangés entre les deux entreprises, un rapport destiné à prouver que PEM avait volontairement compliqué et retardé la mise au point d'un calcium-métal adapté aux besoins techniques d'IPS . Le 18 décembre 1995, le professeur Winand a écrit un rapport qui met en question les conclusions figurant dans le rapport de M. Laurent.
25. Le 21 juin 1995, au lendemain d'une réunion organisée par la DG IV au sujet de la plainte déposée par IPS, PEM a proposé à IPS de l'approvisionner en calcium-métal primaire à basse teneur en oxygène testé par les experts ("CaBO" selon la dénomination de PEM), pour un volume de 120 à 150 tonnes par an. Le prix proposé était d'abord de 40 puis de 37 FRF le kilogramme. PEM a justifié ce prix par le surcoût occasionné par les demandes spécifiques d'IPS. IPS a néanmoins refusé une telle offre en raison du prix trop élevé.
26. Les 20 et 21 novembre 1995, la Commission a procédé à une vérification au titre de l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204), au siège social de PEM. Le 27 novembre 1995, une deuxième vérification a été réalisée par la Commission au siège social de la requérante. La Commission a également envoyé des demandes de renseignements aux producteurs occidentaux ainsi qu'aux principaux importateurs et transformateurs européens de calcium-métal primaire, sur la base de l'article 11 du règlement n° 17. La DG IV, avec l'accord des parties, a également examiné tous les documents soumis par celles-ci dans le cadre de la procédure antidumping.
27. Par lettre du 18 mars 1996, la Commission a indiqué à IPS, conformément à l'article 6 du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268,), les raisons pour lesquelles elle envisageait de rejeter sa plainte. Le 12 mars 1996, puis à nouveau le 15 avril 1996, la requérante a présenté ses observations portant sur la procédure et sur la communication au titre de l'article 6 dudit règlement. Dans ces deux lettres, la requérante a invoqué l'existence d'une prétendue politique de prix abusifs et prédateurs de la part de PEM.
28. Après avoir examiné les pièces non confidentielles du dossier, IPS a également demandé, dans sa lettre du 15 avril 1996, à pouvoir accéder à certains documents qui ne lui avaient pas été communiqués. Cette demande a été rejetée par le directeur compétent de la DG IV, dans une lettre du 7 juin 1996, au motif que ces documents étaient confidentiels.
29. Par décision du 7 novembre 1996, la Commission a conclu qu'elle ne pouvait réserver une suite favorable à la plainte d'IPS et a rejeté celle-ci (ci-après la "décision").
30. Dans cette décision, la Commission examine les trois volets qui ont fait l'objet de son enquête envers PEM, à savoir l'emploi abusif de la procédure antidumping, l'utilisation de pratiques dilatoires afin d'empêcher ou de retarder l'approvisionnement d'IPS et une politique de prix prédateurs et de prix abusifs à l'égard de cette dernière. Pour ce qui est du prétendu emploi abusif de la procédure antidumping, la Commission rejette une telle prétention en affirmant que le recours à la procédure antidumping ne constitue pas, en soi, une violation de l'article 86 du traité CE (devenu article 82 CE) et que, en tout état de cause, la Commission a vérifié toutes les données présentées par les parties dans le cadre de cette procédure. En ce qui concerne les prétendues pratiques dilatoires, la Commission estime que PEM a réalisé des efforts importants afin de répondre aux demandes d'IPS. Enfin, pour ce qui est d'une éventuelle politique de prix prédatoires et abusifs, la Commission souligne qu'IPS n'a pas apporté d'éléments susceptibles de démontrer l'existence de telles pratiques et que les investigations menées par la Commission n'ont pas permis de constater une infraction au droit de la concurrence.
Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties
31. Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 13 janvier 1997, la requérante a introduit le présent recours.
32. Par ordonnance du 23 juillet 1997, le président de la cinquième chambre élargie du Tribunal a admis PEM à intervenir à l'appui des conclusions de la Commission. Cette ordonnance a aussi fait droit à une première demande de traitement confidentiel émanant d'IPS, à l'égard de la partie intervenante, concernant certaines données contenues dans la requête, dans la réplique ainsi que dans leurs annexes.
33. Par ordonnance du 12 novembre 1997, le président de la cinquième chambre élargie du Tribunal a fait droit à une seconde demande de traitement confidentiel émanant d'IPS, à l'égard de la partie intervenante, concernant certaines données exposées dans une annexe jointe à la duplique de la Commission.
34. Le 16 décembre 1997, PEM a présenté son mémoire en intervention. Le 27 février 1998, la requérante a présenté ses observations sur ce mémoire.
35. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre élargie) a décidé, d'une part, au titre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure du Tribunal, de poser une question aux parties en vue d'une réponse lors de l'audience et, d'autre part, d'ouvrir la procédure orale.
36. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l'audience du 6 avril 2000. Lors de l'audience, la requérante a marqué son accord afin que les données figurant dans la version confidentielle du rapport d'audience soient reprises dans la version de l'arrêt pour la publication.
37. La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- annuler la décision de la Commission du 7 novembre 1996;
- condamner la Commission aux dépens.
38. La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- rejeter le recours comme non fondé;
- condamner la requérante aux dépens.
39. La partie intervenante, PEM, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- rejeter le recours;
- condamner la requérante aux dépens.
Sur le fond
40. La requérante invoque quatre moyens. Le premier moyen, tiré d'une erreur manifeste d'appréciation entraînant une violation de l'article 86 du traité et d'une violation de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE), porte sur la méconnaissance par la Commission du lien entre les pratiques dilatoires de PEM et l'utilisation de la procédure antidumping. Le deuxième moyen, tiré d'une erreur manifeste d'appréciation entraînant une violation de l'article 86 du traité CE, critique le refus par la Commission de conclure à l'existence de pratiques dilatoires de la part de PEM. Le troisième moyen, pris de la violation de l'article 86 du traité, relève plusieurs erreurs de fait et d'appréciation dans le raisonnement de la Commission. Le quatrième moyen, pris de la violation des formes substantielles, reproche à la Commission de ne pas avoir communiqué à la requérante certaines pièces du dossier.
41. Le deuxième moyen constitue le préalable du premier et sera donc examiné en premier lieu. En outre, le troisième moyen soulève, en substance, les mêmes arguments de droit que le deuxième moyen. Il convient, dès lors, d'examiner ensemble ces deux moyens.
Sur les deuxième et troisième moyens, tirés d'erreurs de fait, d'erreurs manifestes d'appréciation et d'une violation de l'article 86 du traité en ce que la Commission a refusé de conclure à l'existence de pratiques dilatoires de la part de PEM
42. La requérante subdivise le deuxième moyen en deux branches et le troisième moyen en quatre branches. La quatrième branche du troisième moyen vise à contester l'affirmation de la Commission selon laquelle IPS ne serait pas contrainte de se fournir chez PEM du fait de l'existence de fournisseurs alternatifs. Dans la première branche du deuxième moyen et dans les trois premières branches du troisième moyen, la requérante fait valoir, en substance, que la Commission a commis des erreurs de fait et des erreurs manifestes d'appréciation entraînant une violation de l'article 86 du traité en concluant que PEM a réellement tenté de fournir IPS en calcium-métal primaire. La seconde branche du deuxième moyen soulève le prétendu caractère abusif de l'offre par PEM, le 21 juin 1995, d'un calcium-métal distillé.
1. Sur l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que la Commission aurait considéré qu'il existait des fournisseurs alternatifs (quatrième branche du troisième moyen)
Arguments des parties
43. La requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en affirmant, dans la décision, qu'IPS dispose de sources d'approvisionnement alternatives par rapport à PEM, même si l'on exclut les producteurs chinois et russes.
44. La requérante fait valoir, d'une part, que les producteurs nord-américains n'ont jamais été présents de manière significative sur le marché européen malgré l'instauration, en 1989 et 1994, de droits antidumping à l'encontre des importations originaires de Chine et de Russie. D'autre part, elle aurait éprouvé des difficultés à se fournir auprès de ces producteurs.
45. Ainsi, le producteur canadien Timminco, après avoir livré 47 tonnes en 1994, aurait suspendu ses livraisons en 1995, en dépit de l'insistance d'IPS à être livrée. En outre, une commande de 10 tonnes de calcium-métal primaire passée par IPS le 14 mai 1997 auprès de Timminco n'aurait donné lieu qu'à la livraison de 4,5 tonnes le 18 juin 1997. S'agissant du producteur américain Minteq, la réponse à une demande d'IPS d'octobre 1994 de lui faire une offre de livraison de 150 tonnes ne serait assortie d'aucune précision quant au délai. Par ailleurs, si une première commande de 2 tonnes a été passée le 8 décembre 1994, la livraison n'aurait été effectuée que quatre mois plus tard, après avoir été retardée à maintes reprises.
46. La Commission avance que les offres proposées par les producteurs nord-américains ainsi que les statistiques concernant l'importation de calcium-métal primaire dans la Communauté traduisent une forte augmentation des importations en provenance d'Amérique du Nord. Quant aux importations de la requérante en provenance de Russie et de Chine, la Commission fait valoir qu'elles ne se sont pas arrêtées du fait de l'imposition des droits antidumping.
47. La requérante rétorque qu'elle n'a pas mis la moindre tonne de calcium-métal chinois ou russe à la consommation dans la Communauté en 1996.
48. La partie intervenante signale qu'IPS dispose d'importantes sources alternatives. Les données d'Eurostat montreraient, d'une part, que les producteurs chinois et russes sont susceptibles de fournir IPS en calcium-métal primaire et, d'autre part, que les importations des producteurs canadien et américain dans la Communauté auraient fortement augmenté.
49. S'agissant des données d'Eurostat avancées par la partie intervenante, la requérante souligne que PEM a volontairement ajouté aux importations russes et chinoises le calcium-métal en régime de perfectionnement actif. Or, s'agissant de calcium-métal qui est temporairement introduit dans la Communauté pour être réexporté, il ne constituerait pas une source d'approvisionnement. S'agissant des importations en provenance des Etas-Unis, la requérante indique qu'il s'agit pour l'essentiel d'importations de fil fourré qui sont reprises sous la même position douanière que le calcium. Quant aux importations canadiennes, la requérante rappelle qu'elles restent marginales.
Appréciation du Tribunal
50. Pour ce qui est des importations nord-américaines, il convient de souligner que, en ce qui concerne le producteur canadien Timminco, même si ce dernier a éprouvé certaines difficultés à approvisionner IPS, les statistiques d'Eurostat montrent que les importations en provenance du Canada étaient, en 1993, de 49 tonnes, en 1994, de 131 tonnes, en 1995, de 75,9 tonnes, en 1996, de 65,6 tonnes et de plus de 111 tonnes pour le premier semestre de 1997, ce qui constitue des quantités non négligeables.
51. En ce qui concerne le producteur des Etats-Unis, Minteq, il convient de constater que Minteq aurait bien fait une offre de livraison de 150 tonnes en réponse à la demande d'IPS mais en indiquant qu'elle attendait des instructions de la part de celle-ci (voir la lettre de novembre 1994, figurant en annexe 65 à la requête). IPS n'a répondu qu'un mois plus tard en passant une commande de 8,2 tonnes, et non de 2 tonnes comme elle l'affirme, que Minteq a livrée avec retard. Néanmoins, une nouvelle livraison a été effectuée en octobre 1995, de laquelle IPS ne s'est pas plainte. Par ailleurs, la réponse de Minteq à la demande de renseignements de la Commission traduit la volonté et la capacité de cette société d'approvisionner le marché européen.
52. Pour ce qui est des producteurs russes et chinois, il convient de rappeler que, comme il a été jugé dans l'arrêt du Tribunal Industrie des poudres sphériques-Conseil, précité (point 304), l'imposition d'un droit spécifique, contrairement à la fixation de droits en fonction d'un prix seuil à l'importation, permet de minimiser le risque de contournement des droits par des manipulations de prix, puisque le montant des droits perçus n'est pas réduit si les exportateurs réduisent leurs prix. Cette façon de procéder permet de garantir un prix minimal pour le calcium dans la Communauté, tout en rendant possibles les importations à des prix loyaux, c'est-à-dire à des prix permettant au producteur communautaire de réaliser une marge bénéficiaire adéquate.
53. Dans ces conditions, l'imposition d'un droit spécifique n'a pas, en soi, pour effet d'empêcher les importations en provenance de Chine et de Russie (arrêt du Tribunal Industrie des poudres sphériques-Conseil, précité, point 305).
54. Cette conclusion est confirmée par les tableaux concernant les importations de calcium-métal faites par IPS, qui montrent qu'après l'imposition des droits définitifs IPS a continué à s'approvisionner auprès des producteurs russes et chinois. Ainsi, 202 tonnes ont été importées par IPS et mises en libre pratique en 1994 et 160 tonnes en 1995.
55. A cet égard, la partie requérante se limite à indiquer qu'elle n'a pas importé la moindre tonne de calcium-métal chinois ou russe à la consommation dans la Communauté en 1996.
56. Or, selon les données fournies par la requérante, 155 tonnes de calcium-métal en provenance de Russie et de Chine, soit 17,5 % de la consommation européenne, auraient été importées en 1996 et mises en libre pratique. Ainsi, même si IPS, principal importateur de la Communauté, a arrêté ses importations en 1996, il y a toujours eu des importations non négligeables en provenance de ces pays durant cette année-là. Il s'ensuit que, dans la mesure où il était possible pour d'autresproducteurs de s'approvisionner auprès des fournisseurs russes et chinois, IPS aurait également pu le faire.
57. Il y a, dès lors, lieu de conclure qu'IPS disposait, par rapport à PEM, de sources alternatives.
58. Il s'ensuit que la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'il existait des fournisseurs alternatifs par rapport à PEM.
59. Dès lors, la quatrième branche du troisième moyen doit être rejetée.
2. Sur l'existence d'erreurs de fait, d'erreurs manifestes d'appréciation et d'une violation de l'article 86 du traité en ce que la Commission a conclu que PEM a réellement tenté de fournir IPS en calcium-métal (première branche du deuxième moyen et première, deuxième et troisième branches du troisième moyen)
60. Dans sa plainte, IPS fait valoir que PEM a cherché à empêcher ou à retarder l'approvisionnement d'IPS en calcium-métal primaire afin de l'éliminer du marché du calcium-métal divisé.
61. En effet, ne disposant pas du calcium-métal primaire standard à basse teneur en oxygène exigé par IPS, PEM aurait effectué des essais, des recherches, des aménagements dans son usine et de nombreuses livraisons pour pouvoir fournir à IPS un produit répondant à ses besoins techniques. Or, selon IPS, les prétendus efforts techniques entrepris par PEM en vue d'améliorer son produit se seraient traduits en pratique par une série de manœuvres dilatoires visant à compliquer inutilement la recherche d'une solution au problème.
62. Dans sa décision, la Commission explique que, étant donné, d'une part, que PEM a été, dans le passé, sanctionnée par le Conseil de la concurrence français pour des pratiques qui semblent, à première vue, avoir une certaine similarité avec les prétendues pratiques qui font l'objet de la plainte d'IPS et, d'autre part, que PEM est le seul producteur européen de calcium-métal primaire, elle a décidé de procéder à une investigation approfondie des relations entre les parties depuis 1991.
63. Dans son analyse desdites relations, la Commission constate qu'IPS est le seul client de PEM à exiger un calcium-métal primaire avec une teneur en oxygène contrôlée, qu'il n'existe pas de produit dans la gamme de PEM dont la teneur en oxygène est spécifiée et qu'IPS a refusé d'accepter, au seul motif que le prix était trop élevé, une proposition de fourniture d'un calcium de PEM dont la compatibilité avec les installations d'IPS a été démontrée lors d'une campagne d'essais menée contradictoirement.
64. La Commission conclut, d'une part, que, "pour autant qu'une stratégie de manœuvres ayant pour objet de compliquer les relations au niveau technique entre deux entreprises puisse être considérée comme abusive, ainsi que le prétend IPS, l'existence d'une telle stratégie n'a pas été démontrée" et, d'autre part, qu'"IPS n'a démontré l'existence d'aucune autre pratique de son concurrent susceptible de tomber sous le coup de l'article 86 du traité".
65. La requérante soutient que, dans son analyse, la Commission a commis des erreurs de fait et des erreurs manifestes d'appréciation l'ayant conduite à une violation de l'article 86 du traité.
66. Elle fait valoir que la Commission ne peut s'abstenir, comme elle le prétend dans la décision, d'apprécier l'utilité ou le bien-fondé technique des mesures prises par PEM pour répondre aux attentes d'IPS afin de déterminer si de telles mesures étaient utiles ou ne visaient qu'à retarder indéfiniment la mise au point d'un produit satisfaisant pour IPS. En effet, l'analyse de la Commission ne reposerait que sur l'énumération de ces diverses mesures sans s'interroger sur leur rationalité.
67. Ainsi, selon la requérante, la Commission a commis des erreurs de fait et des erreurs manifestes d'appréciation entraînant une violation de l'article 86 du traité sur les questions suivantes: a) sur la difficulté pour PEM de résoudre le problème posé par la fabrication d'un produit adapté aux besoins d'IPS, problème réglé par les autres producteurs, b) sur l'exigence de spécifications particulières de la part d'IPS, c) sur l'absence d'annonce par les autres producteurs de la teneur en oxygène de leur calcium-métal, d) sur la preuve des efforts de PEM par les échanges de courriers entre PEM et IPS, e) sur le traitement du problème de l'encrassement par la chaux, f) sur la difficulté d'arriver à une méthode fiable d'analyse, g) sur l'utilité des aménagements réalisés par PEM et h) sur le fait que l'expertise confirmerait la réalité des pratiques dilatoires de PEM.
68. Il convient, dès lors, de vérifier si la Commission a commis lesdites erreurs de fait et d'appréciation entraînant une violation de l'article 86 du traité.
a) Sur la difficulté pour PEM de résoudre le problème posé par la fabrication d'un produit adapté aux besoins d'IPS, problème réglé par les autres producteurs
- Arguments des parties
69. La requérante fait valoir que PEM disposait de ressources suffisantes pour résoudre le problème de la production du calcium-métal primaire à basse teneur en oxygène. A cet égard, d'autres producteurs possédant des installations moins performantes, tels que Timminco qui disposerait de vieux fours, ou les producteurs russes, auraient pu régler rapidement ce problème.
70. La Commission conteste la pertinence de la comparaison, effectuée par IPS, entre PEM et les autres producteurs dans la mesure où cette comparaison porterait sur des situations différentes.
- Appréciation du Tribunal
71. D'une part, il y a lieu de constater que la capacité de PEM à fabriquer le calcium-métal demandé par IPS ne peut être comparée à celle des producteurs russes et chinois qui fabriquent le calcium par électrolyse, procédé qui donne un calcium très pur. En effet, ce procédé comporte des coûts très élevés pour les producteurs occidentaux qui ne peuvent les supporter.
72. D'autre part, pour ce qui est des producteurs occidentaux qui utilisent le même procédé que PEM, il convient de souligner que la qualité du calcium produit par différents producteurs utilisant le procédé aluminothermique n'est pas nécessairement la même. Ainsi, les producteurs américain et canadien atteignent 98,5 % de pureté, tandis que PEM n'atteint que 97 % dans son calcium-métal primaire standard. Il y a, en plus, d'autres différences entre les spécifications essentielles de leurs produits. A cet égard, comme M. Laurent, expert désigné par la requérante, le reconnaît dans son rapport, l'analogie de procédé n'empêche pas l'existence de différences possibles de qualité du produit fini et, notamment, en ce qui concerne l'oxygène. En effet, selon cet expert, plusieurs paramètres tenant tant à la qualité de la matière première qu'aux techniques opératoires spécifiques peuvent faire diverger le résultat final d'un même procédé.
73. Dès lors, le fait que les producteurs américain et canadien soient à même de fournir un produit adapté aux exigences d'IPS ne donne aucune indication sur l'aptitude de PEM à fabriquer un tel produit.
74. Partant, ce grief doit être rejeté.
b) Sur l'exigence de spécifications particulières de la part d'IPS
- Arguments de la requérante
75. La requérante soutient que la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'IPS faisait valoir des exigences particulières à partir du seul constat que le produit mis au point par PEM n'était pas semblable à celui mis au point par les producteurs nord-américains selon le même procédé aluminothermique, alors que la Commission aurait dû rechercher les raisons de cette différence entre les produits. La requérante avance qu'elle n'exigeait pas une spécification nouvelle, mais la simple reconnaissance d'une spécification existant chez tous les autres fournisseurs de calcium-métal primaire.
76. A cet égard, la requérante précise que les réponses des producteurs américains, Minteq et Timminco, aux demandes de renseignements de la Commission démontrent qu'elle ne formulait aucune demande particulière à l'égard de leurs produits.
- Appréciation du Tribunal
77. Il convient de souligner que, comme le soutient la Commission à juste titre, la spécificité des exigences d'IPS ne s'apprécie pas en fonction de l'aptitude d'autres fournisseurs à satisfaire la requérante, mais de la possibilité pour PEM de l'approvisionner de façon satisfaisante à partir des produits dont cette dernière disposait. A cet égard, il suffit de constater que PEM n'avait pas de calcium-métal standard susceptible de satisfaire IPS et que cette dernière était le seul client de PEM à demander un calcium-métal standard à basse teneur en oxygène. Ce fait, jamais nié par la requérante, est confirmé par le rapport Laurent (page 13), présenté par la requérante, et n'est pas, par ailleurs, contredit par le fait que Minteq et Timminco aient affirmé, dans leurs réponses aux demandes de renseignements de la Commission, qu'IPS ne formulait aucune demande particulière à l'égard de leurs produits.
78. Dans ces conditions, la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'IPS faisait valoir, vis-à-vis de PEM, des exigences particulières.
79. Dès lors, ce grief doit être rejeté.
c) Sur l'absence d'annonce par les autres producteurs de la teneur en oxygène de leur calcium-métal
- Arguments des parties
80. La requérante conteste l'analyse de la Commission selon laquelle aucun producteur mondial n'annonce la teneur en oxygène de son calcium-métal primaire, et plus particulièrement de son calcium-métal primaire standard. Elle souligne, à ce propos, que le producteur canadien Timminco indique le pourcentage en oxyde de son calcium-métal standard dans ses fiches techniques.
81. La Commission souligne que les documents cités par la requérante sont des fiches signalétiques, fournies par Timminco, requises pour le transport de matières dangereuses, insuffisantes en elles-mêmes pour démontrer que le taux d'oxygène constitue une spécification commerciale annoncée aux clients et susceptible d'engager le fournisseur.
82. La partie intervenante fait valoir que les documents produits par la requérante auraient été spécialement établis à l'intention de cette dernière par Timminco.
- Appréciation du Tribunal
83. Il convient de constater que l'annonce de la teneur en oxygène dans les fiches signalétiques, requises pour le transport de matières dangereuses, d'un seul producteur est un élément insuffisant pour démontrer que le taux d'oxygène constitue une spécification commerciale courante annoncée par les producteurs à leurs clients. Par ailleurs, les réponses aux demandes de renseignements adressées par les services de la Commission confirment cette analyse. Ainsi, le document produit par l'agent des producteurs russes ne contient aucune spécification quant à la teneur en oxygène de leur produit, et le producteur américain Minteq a confirmé qu'il n'indique pas la teneur en oxygène, étant donné les difficultés pour la mesurer .
84. Dès lors, la requérante n'a pas établi que la Commission a commis une erreur de fait en affirmant que les producteurs de calcium-métal primaire n'annonçaient pas la teneur en oxygène de leur calcium.
85. Partant, ce grief doit être rejeté.
d) Sur la preuve des efforts de PEM par les échanges de courriers
- Arguments des parties
86. La requérante soutient que c'est à tort que la Commission, dans la décision, affirme qu'il ressort des nombreux courriers, de nature très technique, échangés entre les parties, ainsi que des entretiens et des visites croisées aux usines, que PEM et IPS ont collaboré étroitement dans la recherche d'une solution.
87. Selon elle, les échanges de courriers entre IPS et PEM ne prouvent pas les efforts de PEM mais ne font qu'annoncer la production du calcium-métal attendu par IPS pour, finalement, ne donner lieu qu'à des essais décevants.
88. En outre, la requérante rappelle que les informations techniques avancées par PEM dans ses courriers sont critiquées par elle en raison de leur caractère fallacieux. Notamment, elle souligne que les affirmations de PEM selon lesquelles la compacité du calcium-métal fourni ne serait pas à l'origine de l'oxydation de celui-ci sont incohérentes et contraires à une étude commandée par IPS à un laboratoire indépendant. La requérante met encore en relief le caractère fallacieux de certaines allégations de PEM énoncées dans une lettre du 21 juillet 1994 quant à la proposition faite par cette entreprise de livrer dès le mois de novembre 1993 du calcium-métal nucléaire. La proposition concernerait plutôt l'essai d'un lot de calcium-métal nucléaire dans l'hypothèse où l'essai préalable de calcium-métal primaire envisagé à cette époque, mais jamais réalisé, s'avérerait non concluant.
89. La Commission se réfère à la collaboration qui a existé entre les parties et aux nombreux obstacles techniques auxquels se serait trouvée confrontée PEM pour produire un calcium-métal primaire adapté aux besoins d'IPS.
90. La partie intervenante rappelle qu'elle a proposé, dès le 20 décembre 1993, la fourniture de calcium-métal nucléaire et suggéré de commencer par un essai portant sur un lot de cinq tonnes, afin de vérifier la linéarité entre le taux d'oxygène et l'encrassement des fours d'IPS. Elle souligne que cette proposition fut refusée par IPS, qui se plaint désormais, dans sa requête, du fait que ce calcium-métal nucléaire n'a pas été testé dès 1993.
- Appréciation du Tribunal
91. L'échange de courriers entre les parties de 1991 à 1995 permet de constater les faits suivants.
92. En premier lieu, PEM a effectué sept livraisons de calcium-métal primaire afin que l'aptitude de ce dernier soit examinée lors de différents essais qui ont été réalisés lors des mois d'avril, de juin, de septembre et de novembre 1993 ainsi que durant la période allant du mois de février au mois de mars 1995. Le fait que lesdits essais, sauf le dernier, aient échoué ne fait que démontrer la difficulté que représentait pour PEM la fabrication d'un produit adapté aux besoins d'IPS. A cet égard, il convient de rappeler que tous les essais ont été réalisés avec l'accord d'IPS.
93. En second lieu, des aménagements ont été réalisés dans l'usine de PEM et sur son système de production afin de les adapter aux besoins d'IPS, à savoir l'équipement des fours de l'usine de PEM d'un système de refroidissement à l'argon, le retraitement des déchets de "fond de four" et des travaux sur la compacité du produit moyennant une condensation à double cône. Au total, et à la fin du mois de mars 1994, PEM avait engagé 1,5 million de FRF de dépenses dans les domaines suivants: 0,5 million d'investissements-four "LRR", 0,1 million d'équipements pour le dosage d'oxygène et 0,9 million de frais de recherche et de développement (hors frais de structure), soit, en 1993, 8 % du poste annuel "analyses" de son laboratoire central de recherche et 25 % des investissements annuels de son usine.
94. Enfin, le résultat des essais réalisés au mois de février et de mars 1995 montrent que PEM a finalement offert à IPS, le 21 juin 1995, un calcium-métal qui répondait de manière satisfaisante aux exigences du procédé utilisé par IPS, comme cela a été constaté par M. Laurent, expert désigné par IPS, et le professeur Winand, expert désigné par PEM. Or, cette offre a été refusée par IPS. A cet égard, la requérante a reconnu, lors de l'audience, que la seule raison de son refus reposait sur le prix proposé par PEM, question qui fait l'objet de la seconde branche du deuxième moyen.
95. Il y a, dès lors, lieu de conclure que la Commission pouvait à bon droit déduire de l'échange de courriers entre PEM et IPS non seulement que PEM a fait des efforts raisonnables pour adapter son produit aux besoins techniques d'IPS, mais aussi que des tels efforts ont abouti à l'offre d'un calcium-métal adapté auxdits besoins.
96. En ce qui concerne le caractère fallacieux des conclusions tirées par PEM sur la compacité du calcium, il suffit de constater que, d'après le résultat des analyses menées par PEM, le degré de compacité du calcium américain n'était pas inférieur à celui de PEM. Il était, dès lors, logique pour PEM de conclure que la compacité n'était pas à l'origine des problèmes rencontrés par IPS, comme cela a été confirmé par le fait qu'un calcium plus compact produit par PEM n'a pas amélioré les résultats des essais précédents. Une telle conclusion n'a pas, dès lors, un caractère fallacieux.
97. En ce qui concerne le caractère prétendument fallacieux de la proposition faite par PEM de livrer, dès le mois de novembre, du calcium-métal nucléaire, il suffit de constater que cette offre est contenue dans le compte rendu de la visite d'IPS aux installations de PEM, le 28 novembre 1993. Le fait que l'offre soit conditionnée à l'échec d'un essai précédent n'enlève rien au fait que l'offre a été faite et, donc, que l'affirmation de PEM n'a pas un caractère fallacieux.
98. Dès lors, ce grief doit être rejeté.
e) Sur le traitement du problème de l'encrassement par la chaux
- Arguments de la requérante
99. La requérante soutient que c'est à tort que la décision affirme que l'analyse du taux de chaux dans le calcium de PEM, qui serait à l'origine de la non-adaptation de son produit aux besoins d'IPS, a été abordée en collaboration étroite avec les ingénieurs d'IPS.
100. Elle souligne que, si PEM a reconnu, dès le 21 décembre 1992, que l'oxygène présent dans son calcium-métal primaire était la cause des difficultés éprouvées par elle-même, cette société a tenté de revenir sur ce constat à trois reprises, à savoir dans une note interne du 2 juillet 1993, dans une note technique du 2 mai 1994 et lors de la première rédaction de l'objet de la mission d'expertise, réalisée au début de l'année 1995.
- Appréciation du Tribunal
101. Il découle du dossier que PEM n'ignorait pas que l'oxygène était à l'origine de l'encrassement des fours d'IPS par la chaux. Néanmoins, PEM s'interrogeait aussi sur les autres causes possibles de cet encrassement.
102. Ainsi, dans sa lettre du 2 juillet 1993, invoquée par la requérante, PEM se limite à affirmer que son calcium se caractérise davantage par des teneurs élevées en aluminium et en magnésium que par l'oxygène présent dans celui-ci. Or, cette affirmation ne met pas en doute le constat selon lequel la teneur en oxygène était à l'origine des problèmes d'IPS.
103. Quant à la note technique du 2 mai 1994, elle fait un résumé des différentes étapes traversées dans la recherche d'un calcium qui convienne à IPS. Dans la description de la situation au mois de septembre 1993, PEM précise que, "[à] ce stade, le rôle de l'oxygène n'est pas clairement défini", ce qui va la mener à effectuer des examens complémentaires concernant la température de fusion du calcium Ca R et la compacité du calcium. A cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que les études sur la compacité ont été réalisées simultanément par IPS et par PEM, IPS étant d'accord pour effectuer des recherches dans ce sens. En second lieu, il doit être signalé que les recherches faites par PEM ont toujours eu comme but la réduction de l'oxygène. Ainsi, PEM commence sa note technique en rappelant le seuil maximal d'oxydation du calcium acceptable pour IPS (0,2 %) et les problèmes pour arriver à produire un calcium ayant ces caractéristiques à partir de son calcium-métal primaire standard.
104. Finalement, si dans la rédaction de l'objet de la mission d'expertise réalisée au début de l'année 1995 PEM avait d'abord projeté d'écrire que "PEM et IPS [étaient] d'accord pour penser que ce phénomène pourrait être dû à une concentration en oxygène trop élevée dans le calcium fourni", elle a néanmoins, à la suite d'une remarque de la part d'IPS concernant l'utilisation de la formule "pourrait être dû", confirmé par écrit à celle-ci qu'il s'agissait d'un malentendu et que la relation de cause à effet entre la teneur en oxygène et l'encrassement était bien certaine.
105. Il découle de ce qui précède que PEM n'a pas remis en cause l'origine du problème de l'encrassement afin de retarder la recherche d'une solution. PEM a, au contraire, essayé, toujours avec l'accord d'IPS, de trouver des solutions et d'autres causes possibles à ce problème.
106. Il s'ensuit que la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans son analyse du problème de la chaux.
107. Dès lors, ce grief doit être rejeté.
f) Sur la difficulté d'arriver à une méthode fiable d'analyse
- Arguments de la requérante
108. La requérante expose que c'est à tort que la décision énonce qu'il n'existe aucune méthode fiable permettant d'analyser la teneur en oxygène du calcium-métal et que les tentatives pour mettre au point une telle méthode se sont heurtées, notamment, à la difficulté de trouver un échantillon représentatif du calcium.
109. La requérante fait valoir que, si l'analyse du taux d'oxygène est effectivement difficile à réaliser, la méthode utilisée par IPS, et mise au point par le Centre européen de recherche en métallurgie des poudres de Grenoble (ci-après le"Cermep"), était tout à fait satisfaisante. A cet égard, les résultats évoqués par la Commission dans la décision à propos de l'analyse des échantillons de calcium primaire chinois, où les plus gros écarts ont été relevés, traduiraient quand même une teneur moyenne en oxygène considérée comme acceptable par IPS et très inférieure à celle du calcium de PEM. La requérante souligne, en outre, qu'il ressort du rapport Laurent que PEM disposait d'une méthode d'analyse du taux d'oxygène.
110. Pour ce qui est de la question de l'échantillon représentatif, la requérante précise que ce problème est lié à celui de l'homogénéité du produit analysé et qu'il appartenait à PEM d'améliorer. La requérante observe encore que ces éléments sont confirmés par les experts des deux parties dans leurs conclusions relatives aux essais réalisés en février 1995.
- Appréciation du Tribunal
111. Il y a lieu de relever que la requérante ne nie pas l'existence de difficultés pour aboutir à une méthode d'analyse fiable mais affirme que cette méthode existait déjà non seulement chez IPS mais aussi chez PEM.
112. A cet égard, il convient de souligner que la nécessité de déterminer une méthode d'analyse du taux d'oxygène a été le résultat de la volonté conjointe de la requérante et de PEM en vue de mieux asseoir leur relation commerciale. Dans ce contexte, toutes les recherches et tous les essais qui, selon la requérante, auraient retardé l'adaptation du calcium-métal devant lui être fourni à ses besoins ont été faits avec son consentement. Ainsi, par lettre d'IPS à PEM, du 17 mai 1993 , la requérante affirme : "Il nous reste, à présent, à trouver une méthode d'analyse qui ne soit sujet[te] à aucune interprétation et qui nous garantisse des valeurs moyennes d'oxygène, de chaux et de calcium-métal acceptables pour nos deux sociétés." Dès lors, la requérante n'est pas fondée à imputer à PEM la difficulté d'arriver à obtenir une telle méthode.
113. En ce qui concerne l'existence chez PEM d'un système d'analyse fiable, il convient de souligner que, lors de l'entrevue du 21 décembre 1992 entre le responsable de l'activité calcium de PEM et le président d'IPS, les parties ont admis que la mesure de l'oxygène et l'échantillonnage étaient particulièrement délicats à réaliser et qu'il était nécessaire d'étudier ces problèmes afin de pouvoir apprécier en permanence les progrès effectués par PEM en termes de baisse de pourcentage d'oxygène dans le calcium. Par ailleurs, dans sa lettre du 13 juillet 1993, la requérante a précisément reproché à PEM le fait de ne pas avoir de méthode d'analyse lui permettant de contrôler la qualité de son produit. Quant au rapport Laurent, celui-ci se limite à affirmer, sans en apporter la moindre preuve, que, "par le biais de sa redistillation du calcium standard, PEM dispose, à l'échelle industrielle, de la méthode analytique retenue à l'échelle du laboratoire et aboutissant à l'analyse des résidus oxydés de fin de distillation".
114. En ce qui concerne la méthode du Cermep, utilisée par IPS, il suffit de constater que le Cermep lui-même affirme que sa méthode aboutit à des écarts importants ainsi qu'à une "difficulté de représentativité de la prise d'analyse par échantillon" (voir le compte rendu de la visite des parties au Cermep le 4 juin 1993).
115. En ce qui concerne la question de l'échantillon représentatif, il convient également de constater que PEM avait identifié, dès le 21 décembre 1992, ce problème. Le souci de PEM de trouver une solution à ce problème est d'ailleurs confirmé dans sa note technique du 2 mai 1994 où est comparée l'incidence de différentes méthodes, dont celle du Cermep, sur la représentativité de l'échantillon.
116. En outre, il ressort des réponses données aux questionnaires de la Commission par les producteurs occidentaux que, comme l'affirme le producteur américain Minteq, il n'y a pas de méthode fiable connue pour mesurer l'oxygène dans le calcium (there are no known reliable methods of measuring oxygen in calcium).
117. Il en résulte que la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en concluant qu'il existait des difficultés pour trouver une méthode fiable d'analyse.
118. Dès lors, ce grief doit être rejeté.
g) Sur l'utilité des aménagements réalisés par PEM
- Arguments de la requérante
119. La requérante fait valoir que c'est à tort que la Commission affirme que la réalisation d'aménagements dans les installations de PEM démontre que celle-ci a réellement tenté d'améliorer son produit.
120. A cet égard, la requérante fait valoir que tous les courriers de PEM faisant état des prétendus aménagements auxquels elle aurait procédé sont particulièrement vagues. La requérante soutient, également, qu'elle a informé la Commission, par lettre du 5 novembre 1993, qu'à l'issue de sa visite des installations de PEM le 22 octobre 1993, elle s'est rendue compte qu'aucune amélioration du processus de fabrication n'avait été effectuée. Elle aurait dû attendre une lettre du 20 mai 1994 pour savoir quels étaient les aménagements réalisés par PEM pour améliorer la qualité de son calcium-métal . La requérante se serait étonnée à cette occasion de voir que PEM avait étendu à l'ensemble de sa production la technique du refroidissement du calcium-métal primaire sous argon, investissement qu'elle juge disproportionné par rapport à ses besoins. Compte tenu du fait que le refroidissement sous argon permettrait d'économiser 5 % du métal, PEM aurait agi ainsi pour répondre, non aux besoins d'IPS, mais à ses propres besoins.
- Appréciation du Tribunal
121. La requérante ne nie pas l'existence des aménagements énumérés par la Commission. Elle se limite à contester, en premier lieu, qu'elle en ait été informée, en deuxième lieu, que, au 22 octobre 1993, PEM ait réalisé une amélioration du processus de fabrication et, en dernier lieu, que PEM ait fait des aménagements dans le seul intérêt d'IPS.
122. En ce qui concerne, en premier lieu, le manque d'information concernant les aménagements réalisés par PEM, il suffit de constater que PEM a annoncé à la requérante son intention de réaliser des progrès technologiques en juillet 1993 (lettre du 2 juillet 1993), qu'en septembre 1993 (lettre du 30 septembre 1993), soit trois mois plus tard, PEM a invité la requérante à vérifier sur place le progrès dans la réalisation des aménagements, qu'en décembre 1993 (télécopie du 20 décembre 1993), PEM a décrit certains des aménagements et qu'un exposé plus détaillé est contenu dans la lettre du 20 mai 1994 mentionnée par la requérante.
123. En deuxième lieu, et pour ce qui est du courrier envoyé à la Commission, selon lequel IPS aurait constaté que, au 22 octobre 1993, PEM n'avait effectué aucune amélioration du processus de fabrication, il convient de souligner que, dans ledit courrier, IPS n'a pas nié l'existence d'aménagements chez PEM, mais s'est limitée à indiquer que les aménagements effectués "n'étaient pas susceptibles d'améliorer la teneur en calcium du produit de PEM". Or, une telle affirmation est contestée par PEM dans sa lettre du 2 décembre 1993, envoyée à la Commission, dans laquelle PEM affirme que les aménagements réalisés jusqu'à cette date avaient permis d'améliorer sensiblement la qualité du calcium-métal, notamment en ce qui concerne la teneur en aluminium et la réduction du taux d'oxygène. En tout état de cause, la requérante ne nie pas que les aménagements finaux, énoncés dans la lettre de PEM du 20 mai 1994, étaient susceptibles d'améliorer le calcium-métal de cette dernière.
124. Enfin, et en troisième lieu, quant au fait que PEM aurait réalisé des aménagements dans son propre intérêt, il suffit de constater que le fait qu'un aménagement qui convienne à IPS entraîne aussi des économies pour PEM n'est pas critiquable. En effet, ainsi qu'il a été jugé par le Tribunal dans son arrêt Industrie des poudres sphériques-Conseil, précité, point 258, il doit être constaté que lesdits investissements étaient également destinés à satisfaire les demandes d'IPS. A cet égard, selon les indications de la requérante elle-même, le défournement à chaud des lingots de calcium était de nature à contribuer à l'oxydation du calcium. Or, à supposer même que PEM ait éventuellement pu résoudre ce problème plus tôt, il n'en demeure pas moins que le défournement de ses lingots à froid était de nature à résoudre, comme cela a été suggéré par la requérante elle-même, le problème d'oxydation du calcium-métal de PEM.
125. Dans ces conditions, la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que les aménagements réalisés par PEM démontrent que cette dernière a effectivement tenté d'améliorer la qualité de son produit.
126. Dès lors, ce grief doit être rejeté.
h) Sur le fait que l'expertise confirmerait la réalité des pratiques dilatoires de PEM
- Arguments de la requérante
127. La requérante soutient que c'est à tort que la Commission n'a pas pris en compte l'expertise de M. Laurent pour conclure à l'existence de pratiques dilatoires de la part de PEM.
128. Elle fait valoir que l'expertise, commandée par ses services auprès de M. Laurent, confirme les pratiques dilatoires de PEM. Cette expertise porterait sur les possibilités pour PEM de mettre au point un produit susceptible de satisfaire IPS. A cet égard, l'expert remarquerait, tout d'abord, que la détermination de l'origine des difficultés rencontrées par la requérante a fait l'objet de tergiversations. Il noterait ensuite que la méthodologie proposée par PEM pour remédier rapidement au problème n'a pas été suivie. Ainsi, de nombreuses négligences auraient été recensées, à savoir la non-réalisation, en 1993, d'un essai sur du calcium-métal nucléaire afin de servir de référence pour la suite des travaux, l'absence de prise en considération des résultats obtenus par IPS avec du calcium-métal canadien obtenu à partir d'un procédé analogue à celui utilisé par PEM, l'absence d'une chasse systématique à l'oxygène ainsi que d'une recherche d'un produit totalement homogène et la non-quantification des progrès réalisés. L'expert signalerait, enfin, que PEM semblait disposer d'une méthode analytique lui permettant de suivre les améliorations apportées à la qualité de son calcium-métal standard.
- Appréciation du Tribunal
129. Il convient, d'abord, de souligner que, tel que cela est reconnu par M. Laurent à la page 13 de son rapport, celui-ci ne repose que sur l'examen des correspondances échangées entre IPS et PEM, son auteur ne disposant daucune connaissance personnelle des installations de PEM. Ensuite, ses conclusions ont été contredites par le rapport de l'expert de PEM, le professeur Winand. Ce dernier rapport est fondé sur l'analyse d'une seule lettre de PEM à IPS, celle du 20 mai 1994, tandis que celui de M. Laurent est fondé sur un examen de l'ensemble du dossier. Or, il convient de constater que la lettre de PEM examinée par le professeur Winand reprend les éléments essentiels des relations entre les deux sociétés pour la période allant de décembre 1992 à avril 1994. Dans ces conditions, on ne saurait accorder moins de crédit au rapport du professeur Winand qu'à celui de M. Laurent. Il s'ensuit que, comme le Tribunal l'a conclu dans son arrêt Industrie des poudressphériques-Conseil, précité, le rapport Laurent n'est pas déterminant (voir, à cet égard, points 259 et 260 dudit arrêt).
130. En outre, il y a lieu de constater que les principales affirmations contenues dans le rapport Laurent, à savoir le traitement du problème de la chaux, le problème de la compacité du calcium-métal de PEM et l'existence chez PEM d'une méthode pour mesurer l'oxygène, ont déjà fait l'objet d'un examen dans le présent arrêt et ont été jugées non fondées.
131. Il s'ensuit que la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne concluant pas que l'expertise de M. Laurent confirmait l'existence de pratiques dilatoires de la part de PEM.
132. Dès lors, ce grief doit être rejeté.
i) Conclusion
133. Il découle de tout ce qui précède que la Commission n'a pas commis d'erreurs de fait et d'erreurs manifestes d'appréciation entraînant une violation de l'article 86 du traité en concluant que PEM a réellement tenté de fournir IPS en calcium-métal et a finalement réussi à lui proposer un produit adapté aux besoins techniques de cette dernière.
134. Au surplus, il convient de constater que, pour la période allant de 1991 jusqu'au mois d'octobre 1994, date d'adoption des droits antidumping, le Tribunal a constaté dans l'arrêt Industrie des poudres sphériques-Conseil, précité (point 255), que le producteur communautaire PEM avait fait des efforts d'adaptation non négligeables en vue de satisfaire les besoins techniques de la requérante.
135. Dès lors, la première branche du deuxième moyen et les trois premières branches du troisième moyen doivent être rejetées.
3. Sur le caractère abusif de l'offre de PEM du 21 juin 1995 (deuxième branche du deuxième moyen)
136. La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation entraînant une violation de l'article 86 du traité en considérant que l'offre commerciale de PEM du 21 juin 1995 ne revêtait pas un caractère abusif. A cet égard, la requérante relève que: a) l'offre d'une qualité de calcium-métal primaire spécialement produite pour elle n'a pas été démontrée; b) la Commission n'aurait pas pris en compte le contexte dans lequel l'offre de calcium-métal nucléaire a été faite; c) le surcoût du produit offert n'est pas justifié et d) le prix proposé par PEM l'exclut du marché du calcium-métal divisé.
a) Sur l'offre d'une qualité de calcium-métal primaire spécialement produite pour la requérante
- Arguments de la requérante
137. La requérante fait valoir que l'offre d'une qualité de calcium-métal primaire spécialement produite pour ses installations n'est pas démontrée. Elle conteste l'analyse de la Commission selon laquelle cette qualité de produit aurait été développée par PEM à partir de celui testé chez IPS en février-mars 1995. En effet, selon la requérante, le seul produit qui lui a été proposé est en réalité le calcium-métal nucléaire de PEM, produit dont les dénominations auraient varié au fil du temps pour s'appeler calcium-métal distillé puis calcium-métal à basse teneur en oxygène et enfin calcium-métal nucléaire.
138. Dès lors, en affirmant que, sur la base de ces essais, PEM a développé un nouveau produit pour les seuls besoins d'IPS, la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation qui doit entraîner l'annulation de la décision.
- Appréciation du Tribunal
139. Il suffit de relever que, tel qu'il résulte du tableau figurant à la page 10 de la décision, le calcium-métal à basse teneur en oxygène proposé par PEM dans son offre du 21 juin 1995 se distingue du calcium-métal nucléaire produit par PEM à plusieurs égards, à savoir la teneur en calcium (celle du calcium-métal nucléaire est de 99,3 % minimum alors que celle du calcium-métal proposé par PEM est de 98,5 % minimum), la teneur en aluminium (celle du calcium-métal nucléaire est de 0,005 % maximum alors que celle du calcium-métal proposé par PEM est de 0,05 % maximum ), la teneur en magnésium (celle du calcium-métal nucléaire est de 0,7 % maximum alors que celle du calcium-métal proposé par PEM est de 1 % maximum), la teneur en oxygène (non mesurée pour le calcium-métal nucléaire alors que celle du calcium-métal proposé par PEM est de 0,2 % maximum) et la granulométrie (le calcium-métal nucléaire se présente en morceaux de moins de 100 mm, en grenaille de 0-6 mm et de 0-2,4 mm et en copeaux alors que le calcium-métal proposé par PEM se présente en morceaux de moins de 70 mm avec une teneur en fines inférieures à 0,2 mm de 2 % maximum ).
140. Dans ces conditions, et compte tenu du fait que la requérante ne conteste pas la réalité de ces différences, il y a lieu de conclure que la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en concluant que le produit proposé par PEM dans son offre du 21 juin 1995 constitue un produit différent du calcium-métal nucléaire, et cela même si les deux produits doivent être obtenus moyennant la distillation du calcium-métal standard.
141. Dès lors, le présent grief doit être rejeté.
b) Sur la prise en compte du contexte dans lequel l'offre du calcium-métal du 21 juin 1995 a été effectuée
- Arguments des parties
142. La requérante estime que, dans la décision, la Commission n'a pas pris en compte le contexte dans lequel l'offre du 21 juin 1995 a été effectuée. Ainsi, la Commission se serait satisfaite de la proposition commerciale de PEM sans rechercher les raisons pour lesquelles cette dernière n'avait pas pu adapter son calcium-métal standard. En raisonnant de la sorte, la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation qui devrait entraîner l'annulation de la décision.
143. En effet, selon la requérante, il importe moins de savoir si PEM dispose d'un produit susceptible de la satisfaire que de savoir si cette entreprise avait fait des efforts pour en diminuer l'oxygène.
144. La requérante soutient, dans ce contexte, que l'offre d'un calcium-métal nucléaire, par nature plus cher que le calcium standard, marque l'aboutissement des pratiques d'exclusion de PEM. A ce titre, la requérante souligne que la première offre de ce produit, le 21 juillet 1994, est intervenue au lendemain de l'imposition des droits antidumping provisoires, peu de temps après que PEM a reconnu qu'il n'y avait aucune raison pour que sa qualité s'écarte de celle de Timminco. De plus, les essais sur ce type de calcium-métal sont intervenus plus de deux ans après le début de la reprise des relations commerciales entre IPS et PEM. Elle s'interroge aussi sur les raisons pour lesquelles, lors de la négociation du mandat des deux experts, PEM a dissimulé pendant plusieurs semaines la nature du calcium-métal destiné à être testé.
145. Selon la Commission, la requérante déforme la teneur de la décision, car, dans celle-ci, il n'est pas affirmé que la proposition d'un calcium-métal nucléaire devait satisfaire IPS, ni le contraire. La Commission note que des offres commerciales ont été faites par PEM en date du 21 juillet 1994 et en date du 21 juin 1995 et que toutes deux ont été refusées par IPS.
- Appréciation du Tribunal
146. Il convient de relever que, selon la requérante, la question qui se pose est de savoir si PEM a effectivement tenté d'adapter son calcium-métal standard pour en diminuer l'oxygène. A cet égard, il suffit de constater qu'il a été jugé ci-dessus (voir points 133 à 135) que la Commission avait examiné si PEM avait effectivement fait des efforts en vue d'adapter son calcium-métal standard aux besoins techniques d'IPS, notamment en ce qui concerne la teneur en oxygène, et que cet examen n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation entraînant une violation de l'article 86 du traité. Il a été, notamment, constaté (voir points 92 à 94 ci-dessus) que PEM a effectué sept livraisons de calcium-métal afin qu'il soit étudié lors de différents essais, qui ont été réalisés aux mois d'avril, de juin, de septembre et de novembre 1993 ainsi qu'aux mois de février et de mars 1995, et que des aménagements ont été réalisés dans l'usine de PEM et sur son système de production afin de les adapter aux besoins d'IPS. Il s'ensuit que la Commission a bien tenu compte du contexte dans lequel l'offre du 21 juin 1995 a été faite en vérifiant si PEM avait effectivement tenté d'adapter son calcium-métal standard.
147. Quant à l'argument d'IPS tiré de la corrélation entre les étapes de la procédure antidumping et l'offre commerciale, il convient de souligner qu'un tel argument, soulevé par la requérante dans le cadre de son premier moyen, est examiné et rejeté dans le cadre dudit moyen.
148. Pour ce qui est de l'argument de la requérante selon lequel des essais sur ce type de calcium-métal distillé auraient pu être menés dès la reprise des relations commerciales entre les deux parties, il suffit de rappeler que de tels essais n'ont pu être réalisés que tardivement en raison du refus d'IPS de prendre en considération ce type de produit.
149. Enfin, quant à l'argument tiré du fait que PEM aurait dissimulé pendant plusieurs semaines la nature du calcium-métal destiné à être testé, il convient de constater qu'il ressort du dossier que, dès le début de la négociation du mandat des deux experts devant assister à l'essai du calcium-métal distillé proposé par PEM, cette dernière a clairement indiqué et répété dans plusieurs de ses lettres qu'il s'agissait d'un "calcium pauvre en oxygène, obtenu par distillation du calcium-métal standard".
150. Partant, la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation puisqu'elle a pris en compte le contexte dans lequel l'offre du 21 juin 1995 a été faite.
151. Il s'ensuit que le présent grief doit être rejeté.
c) Sur le caractère injustifié du surcoût du produit offert par PEM
- Arguments des parties
152. La requérante soutient que c'est à tort que la Commission affirme qu'IPS a refusé d'accepter un prix sur lequel les coûts supplémentaires qui découlent de la spécification unique de sa demande sont répercutés. Il serait également erroné de dire que l'existence d'un tel surcoût aurait été vérifiée par la Commission et qu'il n'y aurait rien de discriminatoire de la part de PEM à demander une majoration de prix pour prendre en compte les besoins particuliers d'IPS.
153. La requérante fait valoir, en premier lieu, que ce surcoût n'est pas techniquement justifié. Ainsi, le surcoût relatif à l'analyse d'oxygène n'aurait aucune raison d'être, dès lors que le procédé de PEM nécessiterait uniquement un contrôle par sondage et non pas lot par lot. S'agissant du criblage, il s'agirait d'une opération très simple réalisée par tous les producteurs de calcium livrant des morceaux et qui ne ferait pas l'objet de surcoût de leur part. Quant aux fines, étant donné qu'elles présenteraient un problème général de sécurité, leur élimination serait indispensable. S'agissant enfin du système de refroidissement à l'argon, IPS serait à l'origine de cet investissement qui aurait permis à PEM de réaliser des économies substantielles. En second lieu, la requérante soutient que PEM ne devait pas répercuter le surcoût occasionné par les demandes particulières d'IPS, à savoir l'échantillonnage et l'analyse de la teneur en oxygène, le criblage, le contrôle de la teneur en fines et le système de refroidissement à l'argon, parce qu'il s'agit de demandes normales formulées auprès de chacun des ses fournisseurs sans susciter de frais supplémentaires et ne constituant que la traduction du soin que PEM se doit d'apporter à ses produits.
154. La requérante soutient, enfin, que l'affirmation contenue dans la décision selon laquelle les producteurs russes facturent également un surcoût est inexacte, la décision mentionnant sur ce point une lettre d'un producteur russe demandant la prise en charge de la moitié du coût de mise au point d'un procédé destiné à réduire le taux d'oxygène. En effet, la requérante aurait démontré que le prix payé pour ces approvisionnements est bien resté le même et qu'aucun surcoût n'a été facturé.
155. La Commission considère que le surcoût est proportionnel aux travaux effectués par PEM pour mettre au point un calcium-métal compatible avec les installations d'IPS. A cet égard, la non-répercussion du surcoût occasionné par ces exigences dans le cas du producteur russe ne signifierait pas pour autant qu'il doive en être ainsi pour PEM.
156. La partie intervenante fait valoir que les coûts spécifiques liés à l'abaissement de la teneur en oxygène n'ont pas été répercutés dans un souci d'apaisement de ses relations avec la requérante et en vue de nouer des relations durables de fournisseur à client.
- Appréciation du Tribunal
157. Il convient de distinguer, d'une part, les arguments de la requérante tendant à démontrer que le surcoût n'est pas techniquement justifié et, d'autre part, ceux tendant à démontrer que, le surcoût ne répondant pas à une demande anormale de sa part, il ne devrait pas lui être répercuté.
158. Pour ce qui est, en premier lieu, du caractère techniquement justifié du surcoût, il convient de souligner, à titre liminaire, que la requérante ne conteste pas les affirmations de PEM contenues au point 2.2.2 de sa lettre à la Commission du 20 octobre 1995, selon lesquelles les seuls suppléments par rapport au prix du calcium-métal standard inclus dans sa proposition du 21 juin 1995 correspondent au surcoût induit par des exigences d'IPS étrangères au processus de fabrication en tant que tel et par des demandes totalement originales par rapport à celles des autres clients de PEM. Cette dernière n'avait pas, dès lors, inclus dans son prix le coût relatif à l'existence d'une étape de purification supplémentaire. La requérante ne conteste pas non plus l'affirmation selon laquelle ses exigences ont engendré exactement le même surcoût quelle que soit la variété du calcium-métal standard livré dès lors que, outre la basse teneur en oxygène non reflétée dans le prix proposé par PEM, elles ne portent pas sur des éléments inhérents à la substance du produit mais, au contraire, concernent la forme externe de ce dernier.
159. D'après cette même lettre, le surcoût contenu dans le prix proposé par PEM correspond à trois postes, à savoir les exigences analytiques, les exigences granulométriques et l'emballage. A cet égard, la requérante ne conteste pas l'affirmation de PEM selon laquelle les coûts découlant du système de refroidissement à l'argon, des manutentions supplémentaires dues à une qualité supérieure, de l'amortissement des matériels supplémentaires ou des modifications des installations de PEM ainsi que de l'entretien correspondant, qui, selon PEM, devraient, en toute rigueur, se rajouter aux trois postes mentionnés ci-dessus, n'ont pas été inclus dans la proposition commerciale du 21 juin 1995.
160. En ce qui concerne les exigences analytiques, il convient de constater que PEM, selon elle, doit prélever un échantillon sur chaque palette (400 kg) à l'usine, distiller l'échantillon sur place et ensuite analyser le résidu de la distillation dans son laboratoire central, ce qui entraînerait un surcoût par tonne de 962,5 FRF. A cet égard, la requérante ne nie pas la réalité du surcoût découlant de ces exigences analytiques, mais la pertinence de procéder à un contrôle de la teneur en oxygène lot par lot. Or, il y a lieu de souligner que les exigences analytiques résultent des demandes d'IPS et ont été décidées avec celle-ci à la suite d'une réunion organisée par les services de la Commission le 20 juin 1995 .
161. En ce qui concerne les exigences granulométriques, à savoir le criblage et le contrôle de la teneur en fines, il ressort du dossier qu'IPS a demandé que les morceaux obtenus soient criblés sur une grille de mailles de 7 cm x 7 cm et que la teneur en fines inférieures à 0,2 mm soit, au maximum, de 2 % au départ de l'usine. Or, cette opération exige la présence permanente d'une personne pour surveiller l'installation de débitage-criblage alors que, pour les clients habituels de PEM, cette surveillance permanente n'est pas nécessaire, ce qui entraîne un surcoût de 1 490 FRF par tonne.
162. A cet égard, la requérante ne nie pas la réalité d'un tel surcoût mais se borne à relever, sans en apporter la preuve, que l'élimination de fines ne constitue pas une demande particulière d'IPS.
163. S'agissant du système de refroidissement à l'argon, il y a lieu de rappeler que ce surcoût n'a pas été inclus dans la proposition commerciale de PEM du 21 juin 1995.
164. Enfin, la requérante ne conteste pas la réalité des coûts d'emballage supplémentaires, résultant du fait que la granulométrie du calcium-métal produit pour IPS ne permet de mettre que 100 kg par fût au lieu des 150 kg habituels chez PEM, s'élevant à 518,92 FRF par tonne.
165. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'a pas démontré que le surcoût inclus dans la proposition commerciale de PEM du 21 juin 1995 n'est pas techniquement justifié.
166. Pour ce qui est, en second lieu, de l'argument de la requérante selon lequel le surcoût ne devrait pas lui être imputé, il suffit de constater que, à supposer même que les autres fournisseurs d'IPS n'incluent pas ce genre de frais supplémentaires dans leurs prix de vente, rien n'oblige une entreprise, qu'elle se trouve ou non en position dominante, à ne pas répercuter ses coûts de production sur son prix de vente, d'autant que ces coûts résultent d'une adaptation de son procédé de production aux besoins techniques d'un client en particulier.
167. Il s'ensuit que la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en affirmant que la majoration de prix pratiquée par PEM afin de prendre en compte les besoins particuliers d'IPS n'était pas discriminatoire.
168. Dès lors, le présent grief doit être rejeté.
d) Sur le fait que le prix proposé par PEM dans son offre du 21 juin 1995 exclurait la requérante du marché
- Arguments des parties
169. La requérante fait valoir que la thèse de la Commission selon laquelle PEM n'aurait pas fixé le prix de vente du calcium-métal offert à IPS à un niveau tel qu'elle serait exclue du marché du calcium-métal divisé est dénuée de fondement.
170. En effet, et en premier lieu, le prix de revient du calcium-métal primaire serait compris entre 28 et 30 FRF par kilo pour PEM et fixé pour IPS à 37 FRF (prix proposé par PEM dans son offre du 21 juin 1995), alors que ces deux entreprises vendraient leur calcium-métal divisé entre 42 et 46 FRF le kilo. La marge de PEM serait de 14 à 18 FRF par kilo et de seulement 5 à 9 FRF pour IPS. La marge nécessaire pour se maintenir sur le marché étant de 9 à 11 FRF, IPS se retrouverait ainsi mise à mal. La requérante précise que ces indications sur les marges respectives des deux entreprises, réalisées sur la base de données communiquées par PEM et d'un coût de fabrication jugé équivalent, ont bien été transmises à la Commission dans le cadre de l'enquête menée à la suite de sa plainte. En outre, la requérante note que, à l'époque de cette enquête, le prix de vente du calcium-métal primaire standard de PEM était de 33 FRF. En plaçant le prix de vente du calcium-métal primaire offert à IPS à 37 FRF, PEM se serait ainsi ménagé une marge importante sur celui-ci.
171. Dans ce contexte, la requérante conteste la référence faite dans la décision à l'augmentation par PEM du prix du calcium-métal divisé après l'adoption des droits antidumping. S'il est vrai que le prix du calcium-métal divisé de PEM serait en effet passé de 36 à 46 FRF dans un premier temps, il serait néanmoins redescendu à 42 FRF, niveau qui ne serait pas viable pour IPS.
172. PEM critique les éléments avancés par la requérante en ce qu'ils seraient erronés et procéderaient à un amalgame entre les offres faites à IPS et des prix de référence pratiqués par PEM avec d'autres clients. Elle fait valoir que la référence au prix de revient de son calcium-métal primaire est sans objet, une comparaison plus sensée devant opposer les prix de vente des différentes variétés de calcium-métal primaire et ceux du calcium-métal divisé. A cet égard, elle avance que le prix de vente de son calcium-métal primaire standard en juin 1995 était de 35 FRF par kilo (et non pas 33 FRF comme le prétend IPS) et le prix de vente à IPS de son calcium-métal à basse teneur en oxygène de 37 FRF. Etant donné que le prix de vente du calcium-métal divisé pratiqué par IPS devait, pour rester compétitif avec celui de PEM, s'élever à 46 FRF, la marge serait de 11 FRF pour PEM et de 9 FRF pour IPS. Dans ce contexte, les marges des deux entreprises se situeraient dans la fourchette de 9 à 11 FRF permettant de se maintenir sur le marché, sur laquelle se base la requérante.
173. Quant à l'affirmation de la requérante selon laquelle le prix du calcium-métal divisé serait passé de 46 à 42 FRF, la partie intervenante rétorque qu'elle n'a pas réalisé une telle baisse de prix. La moyenne du prix du calcium-métal divisé en 1995 serait de 46,08 FRF et, en 1996, de 45,25 FRF, cette diminution s'expliquant par la baisse de la demande en volume.
174. La requérante répond qu'il est fort improbable que PEM se vende son calcium-métal primaire au prix de 35 FRF. Quant à l'affirmation de PEM selon laquelle, dans ces conditions, la marge d'IPS serait portée à 9 FRF, la requérante rappelle que cette somme constitue le minimum susceptible d'être supporté par une entreprise de broyage et que PEM a estimé le coût de transformation subi par IPS entre 12 et 14 FRF lors d'une réunion avec les actionnaires d'IPS.
175. La Commission fait valoir qu'IPS a acquis du calcium-métal primaire de pays tiers à des prix voisins de celui proposé par PEM à cette époque, voire supérieurs, et que, une fois instaurés les droits antidumping, le prix du calcium-métal divisé a davantage augmenté que celui du calcium-métal primaire, renforçant ainsi la position concurrentielle d'IPS.
176. En second lieu, la requérante considère que l'arrêt de la Cour du 24 juin 1986, AKZO-Commission (53-85, Rec. p. 1965), ne pouvait fonder le refus de la Commission de constater la pratique abusive de PEM dans la mesure où cet arrêt n'envisage que l'hypothèse d'une réduction du prix pratiqué par une entreprise en position dominante et non celle de son augmentation. En l'espèce, la requérante souligne que la situation est différente de celle examinée dans cet arrêt et la pratique abusive caractérisée: PEM propose à un prix anormalement élevé son calcium-métal primaire tout en offrant à un prix tellement bas le produit dérivé qu'elle obligerait ses concurrents à vendre à perte.
- Appréciation du Tribunal
177. Le Tribunal constate que la requérante soutient, en substance, que le prix du calcium-métal à basse teneur en oxygène proposé par PEM dans son offre du 21 juin 1995, à savoir 37 FRF par kilo, est anormalement élevé et, de ce fait, abusif. Ce prix, combiné à celui très bas du calcium-métal divisé offert par PEM sur le marché du produit dérivé, obligerait ses concurrents à vendre à perte pour tenter de se maintenir sur ce dernier marché.
178. La requérante considère donc que PEM a procédé à ce qu'on appelle, en doctrine, des "prix-ciseaux" ou "squeeze". Il y aurait pratique de prix-ciseaux lorsqu'une entreprise qui dispose d'une position dominante sur le marché d'un avant-produit et utilise elle-même une partie de sa production pour la fabrication d'un produit plus élaboré, tout en vendant l'excédent de l'avant-produit sur le marché, fixe les prix auxquels elle vend l'avant-produit aux tiers à un niveau tel que ces derniers ne disposent pas d'une marge de transformation suffisante pour demeurer compétitifs sur le marché du produit transformé.
179. Néanmoins, il y a lieu de constater que, compte tenu des considérations avancées ci-dessus concernant le caractère justifié de surcoût inclus dans la proposition de prix de PEM du 21 juin 1995, les griefs de la requérante concernant le prétendu effet d'éviction du prix proposé par PEM doivent être rejetés faute pour la requérante d'avoir démontré l'existence de la prémisse même de son raisonnement, à savoir l'existence de prix abusifs de la matière première. En effet, à défaut pour PEM soit de pratiquer des prix abusifs pour la matière première, à savoir le calcium-métal primaire à basse teneur en oxygène, soit de pratiquer des prix prédatoires pour le produit dérivé, à savoir le calcium-métal divisé, le fait que la requérante ne puisse pas, vraisemblablement du fait de ses coûts de transformation plus élevés, rester concurrentielle dans la vente du produit dérivé ne saurait justifier la qualification des pratiques de prix de PEM d'abusives. A cet égard, il convient de souligner qu'un producteur, même en position dominante, n'est pas obligé de vendre ses produits au-dessous de ses coûts de production.
180. En outre, la requérante n'a pas démontré que le prix du calcium-métal à basse teneur en oxygène est de nature à éliminer un concurrent efficace du marché du calcium-métal divisé.
181. En effet, le prix de vente à IPS du calcium-métal à basse teneur en oxygène était de 37 FRF, alors que le prix de vente du calcium-métal divisé pratiqué par IPS devait, pour rester compétitif avec celui de PEM, s'élever à 46 FRF, prix pratiqué par PEM en 1995, tel que cela ressort des pièces du dossier (annexe 6 à la duplique), et IPS étant en défaut de prouver son affirmation de ce qu'un tel prix était descendu à 42 FRF. Dès lors, la différence, pour IPS, entre le prix du calcium-métal à basse teneur en oxygène et le prix du calcium-métal divisé qu'elle devait pratiquer pour rester compétitive sur le marché est de 9 FRF. Dans ce contexte, force est de constater que la fourchette de 9 à 11 FRF correspondant à l'estimation, avancée par la requérante, de la marge nécessaire pour se maintenir sur le marché serait respectée.
182. Il résulte de ce qui précède que le prix de 37 FRF proposé par PEM dans son offre commerciale du 21 juin 1995 n'était pas en soi de nature à exclure un transformateur de calcium-métal primaire du marché du calcium-métal divisé.
183. Néanmoins, la requérante rétorque qu'il est fort improbable que PEM se vende son propre calcium-métal primaire au prix de 35 FRF. A cet égard, il convient de souligner que, à défaut pour la requérante de prouver que le prix pratiqué par PEM sur le marché du calcium-métal divisé est de nature à exclure ses concurrents, la façon selon laquelle PEM, entreprise verticalement intégrée, alloue sa marge bénéficiaire est sans aucune importance pour ce qui est de ses effets sur ses concurrents. La requérante ne prétendant pas que PEM mène une politique de prix prédatoires sur le marché du calcium-métal divisé, ses doutes quant à la question de savoir si PEM se vend son propre calcium-métal primaire au prix de 35 FRF ne sauraient remettre en cause la légalité de la décision.
184. La requérante fait également valoir que, si le coût de transformation du calcium-métal est, au minimum, de 9 FRF pour une entreprise de broyage, PEM aurait elle-même estimé, lors d'une réunion d'actionnaires des deux compagnies, que ce coût se situerait pour IPS entre 12 et 14 FRF. A cet égard, d'une part, il convient de constater que, dans sa lettre du 10 janvier 1996 à la Commission, PEM nie avoir eu connaissance du compte rendu de la réunion avec les actionnaires d'IPS invoqué par la requérante et que, en effet, ce compte-rendu n'est pas signé par PEM. D'autre part, à supposer même que PEM ait su que les coûts de transformation de la requérante étaient supérieurs à ceux d'une entreprise de broyage, ce qui n'est pas démontré, cela ne saurait être de nature à faire considérer l'offre de prix du 21 juin 1995 comme abusive.
185. En effet, le fait que les clients d'IPS ne soient pas prêts à supporter le supplément de prix provenant des coûts de transformations plus élevés d'IPS découle soit de ce que son produit étant équivalent à celui de ses concurrents, il est trop cher pour le marché et elle n'est donc pas suffisamment efficace dans sa production pour survivre sur le marché, soit de ce que, son produit étant meilleur que celui de ses concurrents et fabriqué efficacement, il n'est toutefois pas suffisamment apprécié par les clients pour justifier son offre sur le marché. A cet égard, la requérante ne conteste pas l'affirmation de la Commission (page 2 de la décision) selon laquelle les qualités physiques de son produit lui ont permis, au moins jusqu'à l'introduction des droits antidumping en octobre 1994, de pratiquer un prix qui pouvait atteindre un niveau de 25 % au-dessus des prix des produits concurrents.
186. Dès lors, ce grief doit être rejeté.
187. Il découle de ce qui précède que la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation entraînant une violation de l'article 86 du traité en considérant que l'offre du 21 juin 1995 n'était pas de nature à éliminer IPS du marché.
188. Partant, la seconde branche du deuxième moyen doit être rejetée.
189. Les deuxième et troisième moyens doivent être rejetés dans leur intégralité.
Sur le premier moyen, tiré d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une violation des articles 86 et 190 du traité, en ce que la Commission aurait méconnu le lien entre les pratiques dilatoires de PEM et l'utilisation de l'instrument antidumping
190. La requérante soutient que le recours à la procédure antidumping par PEM constitue un abus de position dominante et un élément de la stratégie de PEM pour exclure IPS du marché, conjointement avec ses pratiques dilatoires. Elle reproche à la Commission d'avoir commis une erreur manifeste d'appréciation entraînant une violation de l'article 86 et une violation de l'article 190 du traité en ne relevant pas dans la décision le lien entre les pratiques dilatoires de PEM et l'utilisation de l'instrument antidumping.
1. Sur la recevabilité
Arguments de la Commission
191. La Commission conteste la recevabilité du premier moyen en tant qu'il se fonde sur l'article 190 du traité au motif que la requête se borne à affirmer une violation de cet article sans plus l'étayer.
Appréciation du Tribunal
192. Il convient de rappeler qu'en vertu de l'article 19, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice, applicable au Tribunal en vertu de l'article 46, premier alinéa, du même statut, et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l'objet du litige et l'exposé sommaire des moyens invoqués. Cette présentation doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d'exercer son contrôle juridictionnel. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu'un recours soit recevable au regard des dispositions rappelées ci-dessus, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d'une façon cohérente et compréhensible, de la requête elle-même (ordonnance du Tribunal du 28 avril 1993, de Hoe-Commission, T-85-92, Rec. p. II-523, point 20).
193. Plus particulièrement, la Cour a jugé que la seule énonciation abstraite des moyens dans la requête ne répond pas aux exigences de son statut et du règlement de procédure et que les termes "exposé sommaire des moyens", employés dans ces textes, signifient que la requête doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est basé (arrêt de la Cour du 15 décembre 1961, Fives Lille Cail e. a.-Haute Autorité, 19-60, 21-60, 2-61 et 3-61, Rec. p. 561, 588, ainsi qu'ordonnance de Hoe-Commission, précitée, point 21).
194. Dans le cas d'espèce, la requérante ne s'est pas limitée à faire une énonciation abstraite de ce moyen dans la requête, mais a explicité en quoi consiste le moyen en y faisant ressortir les éléments essentiels de fait et de droit. La requérante expose de façon claire quelles sont les questions que, selon elle, la Commission n'a pas examinées dans la décision. Le fait que la requérante ait utilisé les mêmes arguments pour prétendre à la violation de l'article 190 du traité et à la violation de l'article 86 n'a pas empêché la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d'exercer son contrôle juridictionnel.
195. Il s'ensuit que le premier moyen doit être déclaré recevable dans son intégralité.
2. Sur le fond
a) Sur la violation de l'article 190 du traité
- Arguments des parties
196. La requérante fait valoir que la Commission devait examiner la question de savoir si le recours par PEM à une procédure antidumping prise conjointement avec ses pratiques visant à exclure IPS du marché pouvait aussi constituer un comportement abusif. Or, la décision ne contiendrait aucun élément permettant de s'assurer que ce contrôle a bien été effectué. Il en résulterait qu'en ne procédant à aucune vérification sur cette question la Commission a enfreint l'obligation de motivation de l'article 190 du traité.
197. La Commission souligne que la décision est suffisamment motivée car elle comprend les éléments essentiels de motivation du rejet de ce volet de la plainte. Cela est démontré par le fait que la requête contient des critiques de la motivation qu'il n'aurait pas été possible de formuler si celle-ci avait été inexistante.
- Appréciation du Tribunal
198. Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 190 du traité doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêts de la Cour du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek-Commission, 296-82 et 318-82, Rec. p. 809, point 19; du 14 février 1990, Delacre ea-Commission, C-350-88, Rec. p. I-395, points 15 et 16, du 29 février 1996, Belgique-Commission, C-56-93, Rec. p. I-723, point 86, et du 2 avril 1998, Commission-Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, point 63).
199. S'agissant plus particulièrement d'une décision de la Commission rejetant une plainte, le Tribunal a jugé que la Commission n'est pas obligée, dans la motivation des décisions qu'elle est amenée à prendre pour assurer l'application des règles de concurrence, de prendre position sur tous les arguments que les intéressés invoquent à l'appui de leur demande, mais il suffit qu'elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision(arrêts du Tribunal du 29 juin 1993, Asia Motor France e.a.- Commission, T-7-92, Rec. p. II-669, point 31, et du 27 novembre 1997, Tremblay e.a.-Commission, T-224-95, Rec. p. II-2215, point 57).
200. En l'espèce, tel que cela ressort de l'examen des deuxième et troisième moyens, la Commission, dans la décision, a fait un examen minutieux de la prétendue existence de pratiques dilatoires de PEM, ce qui constitue la prémisse du prétendu emploi abusif de la procédure antidumping par PEM. Par ailleurs, les points de la décision litigieuse qui ont trait au grief relatif à l'emploi abusif de la procédure antidumping sont libellés comme suit:
"Dès le début de la procédure, la Commission a insisté sur le fait que le recours à un instrument légitime du droit communautaire, tel que la procédure en matière de dumping, ne peut pas être considéré en soi comme constitutif d'un abus au sens de l'article 86 du traité.
En ce qui concerne la prétendue tentative de PEM dans la procédure antidumping de communiquer des éléments trompeurs à la Commission, il convient de rappeler que la procédure antidumping, et notamment le règlement [n°] 2423-88, donne à la Commission les pouvoirs nécessaires en vue de vérifier les données soumises par les parties intéressées dans le cadre d'une enquête. Dans le cas d'espèce, [la requérante] a été pleinement associé[e] à la procédure et, par ailleurs, a exercé un recours devant le Tribunal de première instance contre le règlement tel qu'adopté par le Conseil. Il appartient au Tribunal, non pas à la Commission, de juger le bien-fondé des mesures adoptées contre la Chine et la Russie.
Par conséquent, ce volet de la plainte doit être rejeté."
201. Il convient de souligner que les points mentionnés, lus avec l'ensemble de la décision, contiennent les motifs du rejet du grief relatif à l'emploi abusif de la procédure antidumping et ont permis au requérant de connaître suffisamment les justifications de la mesure prise afin de défendre ses droits. En effet, d'une part, la Commission donne sa position sur la possibilité juridique de considérer le recours à la procédure antidumping comme contraire à l'article 86 et, d'autre part, elle se prononce sur la légalité de la procédure antidumping en tant que telle.
202. La requérante a, dès lors, été en mesure d'identifier les faits et considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision.
203. Il s'ensuit que la décision litigieuse est suffisamment motivée. Dès lors, le présent grief doit être rejeté.
b) Sur la violation de l'article 86 du traité
- Arguments des parties
204. La requérante critique la décision en ce qu'elle énonce que le recours à un instrument légitime du droit communautaire, tel que la procédure en matière de dumping, ne peut être considéré, en soi, comme constitutif d'un abus au sens de l'article 86 du traité. En effet, une telle affirmation, énoncée dès le début de la procédure, marquerait bien l'absence de tout examen des rapports éventuels entre la procédure antidumping et les comportements de PEM à l'égard de son concurrent.
205. La requérante fait valoir que la question principale posée à la DG IV était de vérifier dans quelle mesure PEM a commis un abus de position dominante en recourant à la procédure antidumping conjointement avec ses pratiques d'exclusion. A cet égard, les vérifications entreprises par la Commission seraient insuffisantes dans la mesure où elles ne contrôleraient que la concordance et la cohérence des documents communiqués par PEM lors des enquêtes "antidumping" et "concurrence".
206. La requérante s'appuie sur la décision 91-299-CEE de la Commission, du 19 décembre 1990, relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CEE (IV-33.133-C: carbonate de soude - Solvay) (JO 1991, L 152, p. 21, ci-après la "décision Solvay"), dans laquelle la Commission aurait relevé les incidences que peut avoir sur la politique commerciale d'une entreprise sa volonté de maintenir des mesures antidumping, et sur l'arrêt Extramet II, dans lequel la Cour auraitreconnu le lien étroit existant entre le domaine relatif au dumping et celui relatif à la concurrence pour apprécier la validité d'un règlement antidumping et aurait annulé un règlement instituant des droits antidumping définitifs au motif que les institutions communautaires n'avaient pas examiné l'éventuelle contribution de PEM au préjudice subi du fait de son refus de vente à la requérante. Dans ses conclusions, l'avocat général, M. Jacobs, aurait d'ailleurs précisé que les institutions doivent tenir compte des éléments pertinents de la politique de la concurrence dans les affaires de dumping ( conclusions de l'avocat général M. Jacobs sous l'arrêt Extramet II, Rec. p. I-3828).
207. La requérante souligne les éléments qui démontreraient la volonté de PEM d'utiliser la procédure antidumping pour exclure IPS du marché.
208. La corrélation entre les étapes de la procédure antidumping et les différentes étapes des relations entre PEM et IPS serait particulièrement révélatrice. Ainsi, la requérante souligne, en premier lieu, que, au début de la procédure antidumping, PEM lui avait proposé de lui livrer un calcium-métal primaire de qualité contre l'engagement de ne pas contester la procédure antidumping. En second lieu, la requérante fait valoir que, tout au long de la procédure, PEM a tenu un double langage. D'un côté, PEM aurait demandé à la Commission l'instauration de droits antidumping en lui précisant ne pas pouvoir développer le calcium-métal primaire attendu par la requérante alors même que, de l'autre côté, PEM aurait indiqué à la requérante qu'elle travaillait toujours à la mise au point d'un produit compatible avec ses installations. Enfin, la requérante souligne que, peu après l'adoption des droits antidumping provisoires, les relations entre PEM et la requérante ont repris, mais que PEM aurait abandonné la possibilité de produire un calcium-métal primaire standard adéquat dès l'adoption des droits antidumping définitifs.
209. La Commission observe que le recours de PEM à la procédure antidumping s'explique tout autant par la volonté de rétablir la loyauté des prix sur le marché communautaire que par celle d'approvisionner ses clients tant sur le marché du calcium-métal primaire que sur celui du calcium-métal divisé. PEM aurait ainsi un intérêt commercial à livrer la requérante.
210. La partie intervenante conteste tant l'existence que la nature de l'interaction alléguée par la requérante entre les aspects "antidumping" et "concurrence" des différentes procédures. Selon la partie intervenante, une telle affirmation de la part de la requérante est surprenante dans la mesure où IPS s'est opposée à la demande du Tribunal de suspendre l'affaire T-2-95 jusqu'à la clôture de la procédure écrite dans la présente affaire, au motif que l'enquête menée par la DG IV n'avait aucun rapport avec celle menée par la direction générale "Relations extérieures" (DG I).
- Appréciation du Tribunal
211. La requérante fait valoir, d'abord, que la question principale était de vérifier dans quelle mesure PEM a commis un abus de position dominante en recourant à la procédure antidumping conjointement avec ses prétendues pratiques visant à exclure IPS du marché considéré.
212. Or, il a été jugé, lors de l'examen des deuxième et troisième moyens, que PEM n'a pas commis d'abus de position dominante par des pratiques d'exclusion d'IPS. Dès lors, l'argument de la requérante est dépourvu de fondement étant donné que l'élément sur lequel il s'appuie, à savoir l'existence de pratiques d'exclusion, n'a pas été établi.
213. S'agissant, ensuite, de l'argument de la requérante selon lequel le recours à la procédure antidumping par PEM constitue, en soi, un abus de position dominante, il convient de souligner que le recours à une voie de droit, et, en particulier, la participation d'une entreprise à une enquête diligentée par les institutions communautaires, ne saurait être jugé, en soi, contraire à l'article 86 du traité. En l'espèce, la procédure antidumping vise à rétablir une concurrence non faussée sur le marché dans l'intérêt communautaire et se traduit par une enquête approfondie menée par les institutions communautaires au cours de laquelle les parties intéressées sont entendues et peut aboutir à l'adoption d'un acte communautaire contraignant. Affirmer que le seul recours à une telle procédure est, en soi, contraire à l'article 86 du traité reviendrait à nier aux entreprises le droit de recourir à des instruments de droit qui ont été instaurés dans l'intérêt communautaire.
214. En outre, les éléments invoqués par la requérante pour prouver la volonté de PEM d'utiliser la procédure antidumping pour exclure IPS du marché n'ont pas été démontrés. Ainsi, la requérante n'a pas apporté la preuve du fait que PEM lui a demandé de ne pas contester la procédure antidumping en cours contre un engagement de sa part de lui livrer le produit attendu. Cette affirmation n'apparaîtrait que dans une correspondance d'IPS en date du 13 juillet 1993, formellement démentie par PEM dans un courrier du 19 juillet 1993. La lettre de PEM du 17 mai 1993 citée par la requérante dans la réplique ne ferait qu'indiquer qu'IPS a pris des engagements envers PEM sans établir que PEM les lui avait demandés.
215. Quant à l'existence du double langage que PEM aurait tenu avec IPS et la Commission, il suffit de constater que, comme l'affirme la Commission sans être démentie par la requérante, la DG IV a examiné les informations communiquées par PEM à la DG I dans le cadre de l'enquête antidumping et elle en a confirmé la véracité et la cohérence.
216. Pour ce qui est de l'argument de la requérante selon lequel PEM aurait abandonné la possibilité de produire un calcium-métal primaire standard adéquat dès l'adoption des droits antidumping définitifs, il suffit de constater que, tel qui a été jugé aux points 92 à 95 du présent arrêt, PEM n'a pas abandonné une telle possibilité et a réussi à offrir à IPS, le 21 juin 1995, un calcium-métal primaire à basse teneur en oxygène adapté aux besoins d'IPS.
217. Enfin, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la décision Solvay, précitée, puisque, dans cette décision, la Commission n'a relevé la volonté de l'entreprise en cause de maintenir des mesures antidumping que dans la partie en fait de cette décision et n'en a déduit aucune conséquence de droit. En outre, les faits étaient très différents, car, dans l'affaire Solvay, il était question de tentatives délibérées de fausser l'enquête dans le cadre d'une stratégie avérée d'exclusion de concurrents du marché. Pour ce qui est de l'arrêt Extramet II et des conclusions de l'avocat général M. Jacobs sous cet arrêt, précitées, s'il est vrai que l'annulation du règlement litigieux sanctionne l'absence d'examen par les institutions communautaires de l'éventuelle contribution de PEM au préjudice subi, la Cour n'a pas préjugé la conclusion sur ce point de l'examen des autorités communautaires. Cet examen du comportement de PEM a été réalisé par la Commission lors de la deuxième enquête antidumping, qui a abouti à l'adoption du règlement n° 2557-94, et a fait ressortir que le comportement de PEM n'avait pas contribué au préjudice de l'industrie communautaire. Cette analyse a été confirmée par le Tribunal dans son arrêt Industrie des poudres sphériques-Conseil, précité.
218. Il s'ensuit que la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation entraînant une violation de l'article 86 du traité en considérant que la participation de PEM à la procédure antidumping ne constituait pas un abus de position dominante ayant pour but d'exclure IPS du marché européen du calcium-métal.
219. Dès lors, le premier moyen doit être rejeté.
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des formes substantielles
Arguments des parties
220. La requérante reproche à la Commission d'avoir violé les formes substantielles lors de la procédure menant à l'adoption de la décision par son refus de lui communiquer certaines pièces du dossier dont cette institution s'est servie pour forger son opinion.
221. En effet, la requérante a demandé à la Commission, par lettre du 15 avril 1996, de lui communiquer divers documents mentionnés dans la communication du 18 mars 1996 faite au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63. Il s'agirait, d'une part, des pièces démontrant que PEM a étudié toutes les propositions et arguments techniques de la requérante et a effectué plusieurs essais d'un procédé modifié et, d'autre part, des notes internes fournies par PEM à la DG IV afin de souligner lecaractère urgent des aménagements à entreprendre dans son usine. Une telle demande a été refusée par la Commission par lettre du 7 juin 1996 en raison du caractère confidentielle des documents demandés. Or, selon la requérante, ces documents ne pouvaient être considérés comme confidentiels à son égard dans la mesure où ils se rapportent à des travaux destinés à lui assurer un approvisionnement satisfaisant. Ils auraient donc dû lui être communiqués.
222. La Commission fait valoir que la décision précise l'ensemble des éléments à partir desquels l'institution a rejeté la plainte de la requérante et qu'une partie plaignante ne saurait utiliser une procédure contentieuse pour obtenir la communication de documents contenant des secrets d'affaires auxquels elle n'a pu accéder dans le cadre d'une procédure administrative.
223. La requérante rétorque que la Commission s'est effectivement basée sur les documents et notes internes de PEM pour démontrer la volonté de cette entreprise de lui livrer le calcium demandé et qu'il ne s'agit pas en l'espèce de demander au Tribunal la production de documents confidentiels mais seulement de savoir si la Commission pouvait, de sa propre autorité, décider de ne pas communiquer certaines pièces à la partie plaignante.
224. A cet égard, la requérante rapproche la solution dégagée dans l'arrêt de la Cour du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds-Commission (142-84 et 156-84, Rec. p. I-4487, points 19 et 20), de la pratique de la DG IV consacrée par l'arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, ICI-Commission (T-36-91, Rec. p. II-1847, points 102 et 103), pour conclure qu'il est possible de préserver la confidentialité de certains documents en supprimant, d'après les indications de l'auteur du document, les passages sensibles avant leur communication aux tiers intéressés. La requérante cite également l'ordonnance du Tribunal du 2 mai 1997, Peugeot-Commission (T-90-96, Rec. p. II-663), dans laquelle la Commission a informé l'entreprise de son intention de communiquer ses réponses aux parties plaignantes et a demandé à l'entreprise d'indiquer et de justifier lesquelles de ces informations devaient être considérées comme confidentielles. Selon la requérante, la Commission devait, en l'espèce, procéder de la sorte.
225. La Commission souligne que, dans sa lettre rejetant la demande de communication desdits documents, en date du 7 juin 1996, elle mentionnait la possibilité d'un recours auprès du conseiller-auditeur, ce qu'IPS n'a pas cru devoir faire.
226. La requérante rétorque qu'elle a bien demandé la saisine de celui-ci dans sa lettre du 15 avril 1996 mais qu'elle en a été découragée par la réponse de la Commission du 7 juin 1996 qui précisait qu'une telle démarche ne paraissait pas pertinente dans la mesure où elle ne permettrait pas, en l'espèce, de modifier le point de vue de la Commission précédemment exprimé dans la communication de la Commission faite au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63, compte tenu des éléments factuels et juridiques du dossier.
Appréciation du Tribunal
227. A titre liminaire, il y a lieu de souligner que la requérante avait la possibilité procédurale d'introduire un recours devant le conseiller-auditeur afin d'obtenir les documents demandés et n'a, toutefois, pas fait usage d'un tel droit. A cet égard, c'est à tort que la requérante soutient que, dans sa lettre du 7 juin 1996, la Commission l'aurait découragée d'introduire un recours devant celui-ci. Au contraire, la personne en charge de ce dossier à la Commission a invité la requérante à introduire un tel recours en lui indiquant : "En cas de persistance de désaccord de votre part sur la position exprimée ci-dessus à l'égard de vos demandes d'accès complémentaire à certaines pièces du dossier et d'audition orale, je vous suggère de vous adresser au conseiller-auditeur selon les procédures prévues par la décision de la Commission du 12 décembre 1994 relative au mandat des conseillers-auditeurs dans le cadre des procédures de concurrence devant la Commission (JO L 330, du 21 novembre 1994, p. 67)." Rien n'empêchait, dès lors, la requérante de décider de l'utilité d'introduire un tel recours, quoique ce dernier ne soit pas obligatoire.
228. Il convient, ensuite, de relever que, dans sa lettre du 7 juin 1996, la Commission a fait savoir à la requérante que les documents demandés par IPS "trait[aient] des procédés de fabrication spécifiques d'un fournisseur concurrent, ses coût et prix de revient, clients, prix et ventes. Ces informations ont été obtenues en application des pouvoirs conférés à la Commission par le règlement [n° 17] et ont un caractère confidentiel".
229. Or, il résulte d'une jurisprudence constante que le principe du caractère contradictoire de la procédure administrative devant la Commission dans le domaine des règles de concurrence applicables aux entreprises ne s'impose qu'à l'égard des entreprises susceptibles d'être sanctionnées par une décision de la Commission constatant une infraction à l'article 85 du traité CE (devenu article 81 CE) ou à l'article 86 du même traité, en ce sens que les droits des tiers, tels que consacrés par l'article 19 du règlement n° 17, sont limités au droit d'être associé à la procédure administrative (arrêt BAT et Reynolds-Commission, précité, points 19 et 20). Il en résulte que la Commission dispose d'un certain pouvoir d'appréciation pour tenir compte, dans sa décision, des observations écrites et, éventuellement, orales que les tiers présentent. En particulier, contrairement à ce que soutient la requérante, les tiers ne sauraient prétendre disposer d'un droit d'accès au dossier détenu par la Commission dans des conditions identiques à celles auxquelles peuvent prétendre les entreprises poursuivies (arrêt AKZO-Commission, précité, points 27 et 28, et arrêt du Tribunal du 15 juillet 1994, Matra Hachette-Commission, T-17-93, Rec. p. II-595, point 34). A cet égard, la Cour a souligné que le plaignant ne peut, en aucun cas, recevoir communication de documents qui contiennent des secrets d'affaires (arrêts AKZO-Commission, précité, point 28, et BAT et Reynolds-Commission, précité, point 21).
230. En tout état de cause, dans le cas d'espèce, les informations contenues dans les documents non communiqués à la requérante se trouvaient soit dans la décision, soit dans d'autres documents communiqués à la requérante. La non-communication des documents en question ne saurait, dès lors, impliquer l'irrégularité de la procédure dans son ensemble.
231. En effet, en ce qui concerne les documents prouvant que PEM a étudié toutes les propositions et arguments techniques de la requérante et effectué plusieurs essais d'un procédé modifié, il y a lieu de souligner que la Commission fait, dans la décision, une énumération détaillée des faits sur lesquels elle se base (page 14 de la décision) et que la requérante avait déjà eu connaissance de tels faits, notamment à travers la lettre du 20 mai 1994 envoyée par PEM à IPS.
232. En ce qui concerne le caractère urgent des aménagements, il suffit de signaler que, à supposer qu'un tel caractère soit essentiel pour prouver le grief de la requérante, la Commission a prouvé le caractère urgent des aménagements en se basant sur des documents figurant dans le dossier, à savoir les réponses aux courriers d'IPS, qui avaient été transmises à la requérante dans des délais corrects (voir page 14 de la décision).
233. Dès lors, même si la Commission n'avait pas disposé des documents ayant fait l'objet d'une demande de communication de la part d'IPS, la solution de l'affaire aurait été la même. Il s'ensuit que les droits de la requérante n'ont pas été mis à mal.
234. Dès lors, le quatrième moyen doit être rejeté.
235. Au vu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
236. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par la Commission, conformément aux conclusions en ce sens de cette dernière.
237. La partie intervenante, PEM, a conclu à la condamnation de la requérante aux dépens liés à son intervention. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la requérante à supporter les dépens exposés par PEM.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)
déclare et arrête:
1. Le recours est rejeté.
2. La requérante supportera ses propres dépens et ceux exposés par la Commission, ainsi que les dépens exposés par la partie intervenante Péchiney électrométallurgie.