CJCE, 5e ch., 16 novembre 2000, n° C-291/98 P
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Sarrió (SA)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. La Pergola
Rapporteur :
M. Wathelet
Avocat général :
M. Mischo
Juges :
MM. Edward, Jann, Sevón
Avocats :
Mes Mazzoni, Siragusa, Moretti.
LA COUR (cinquième chambre),
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 28 juillet 1998, Sarrió SA a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 14 mai 1998, Sarrió/Commission (T-334-94, Rec. p. II-1439, ci-après l'"arrêt attaqué"), par lequel celui-ci a partiellement annulé la décision 94-601-CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/C-33.833 - Carton) (JO L. 243, p. 1, ci-après la "décision"), et a rejeté le recours pour le surplus.
Les faits
2. Par la décision, la Commission a infligé des amendes à 19 fabricants fournisseurs de carton dans la Communauté, du chef de violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE).
3. Il ressort de l'arrêt attaqué que cette décision faisait suite aux plaintes informelles déposées, en 1990, par la British Printing Industries Federation, organisation professionnelle représentant la majorité des fabricants de boîtes imprimées du Royaume-Uni, et par la Fédération française du cartonnage, ainsi qu'aux vérifications auxquelles avaient procédé, en avril 1991, sans avertissement préalable, des agents de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204), dans les locaux de plusieurs entreprises et associations professionnelles du secteur du carton.
4. Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et à la suite de demandes de renseignements et de documents ont amené la Commission à conclure que les entreprises concernées avaient, du milieu de l'année 1986 à avril 1991 au moins (dans la plupart des cas), participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. En conséquence, elle a décidé d'engager une procédure en application de cette dernière disposition et a, par lettre du 21 décembre 1992, adressé une communication des griefs à chacune des entreprises concernées, qui, toutes, ont répondu par écrit. Neuf entreprises ont demandé à être entendues oralement.
5. Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision, qui comprend les dispositions suivantes:
"Article premier
Buchmann GmbH, Cascades SA, Enso-Gutzeit Oy, Europa Carton AG, Finnboard - the Finnish Board Mills Association, Fiskeby Board AB, Gruber & Weber GmbH & Co KG, Kartonfabriek De Eendracht NV (dont le nom commercial est BPB de Eendracht NV), NV Koninklijke KNP BT NV (anciennement Koninklijke Nederlandse Papierfabrieken NV), Laakmann Karton GmbH & Co KG, Mo Och Domsjö AB (MoDo), Mayr- Melnhof Gesellschaft mbH, Papeteries de Lancey SA, Rena Kartonfabrik AS, Sarrió SpA, SCA Holding Ltd [anciennement Reed Paper & Board (UK) Ltd], Stora Kopparbergs Bergslags AB, Enso Española SA (anciennementTampella Española SA) et Moritz J. Weig GmbH & Co KG ont enfreint l'article 85 paragraphe 1 du traité CE en participant:
-dans le cas de Buchmann et de Rena, de mars 1988 environ jusqu'à fin 1990 au moins,
-dans le cas de Enso Española, de mars 1988 au moins jusqu'à fin avril 1991 au moins,
-dans le cas de Gruber & Weber, de 1988 au moins jusqu'à fin 1990,
-dans les autres cas, à compter de mi-1986 jusqu'à avril 1991 au moins,
à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de 1986, en vertu desquels les fournisseurs de carton de la Communauté européenne:
-se sont rencontrés régulièrement dans le cadre de réunions secrètes et institutionnalisées, afin de négocier et d'adopter un plan sectoriel commun de restriction de la concurrence,
-ont décidé d'un commun accord des augmentations régulières des prix pour chaque qualité de produit dans chaque monnaie nationale,
-ont planifié et mis en œuvre des augmentations de prix simultanées et uniformes dans l'ensemble de la Communauté européenne,
-se sont entendus pour maintenir les parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles,
-ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire, afin d'assurer la mise en œuvre desdites augmentations de prix concertées,
-ont échangé des informations commerciales sur les livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet et les taux d'utilisation des machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus.
Article 2
Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange d'informations commerciales:
a)par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de commercialisation d'autres fabricants;
b)par lequel, même si aucune information individuelle n'est communiquée, une réaction commune du secteur dans le domaine des prix ou un contrôle de la production seraient promus, facilités ou encouragés
ou
c)qui permettrait aux entreprises concernées de suivre l'exécution ou le respect de tout accord exprès ou tacite sur les prix ou le partage des marchés dans la Communauté.
Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure non seulement toutes données permettant d'identifier le comportement de fabricants déterminés, mais aussi toutes données relatives à l'état des entrées de commandes et des commandes en carnet, au taux prévu d'utilisation des capacités de production (dans les deux cas, même si elles sont agrégées) ou à la capacité de production de chaque machine.
Tout système d'échange de ce type sera limité à la collecte et à la diffusion, sous une forme agrégée, de statistiques sur la production et les ventes qui ne puissent être utilisées pour promouvoir ou faciliter un comportement commun du secteur.
Les entreprises s'abstiendront également de tout échange d'informations intéressant la concurrence autre que les échanges admis, ainsi que de toute réunion ou contact en vue d'examiner l'importance des informations échangées ou la réaction possible ou probable du secteur ou de fabricants individuels à ces informations.
Un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision est accordé pour procéder aux modifications nécessaires de tout système éventuel d'échange d'informations.
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes pour les infractions constatées à l'article 1er:
...
xv)Sarrió SpA, une amende de 15 500 000 écus;
..."
6. Il ressort, en outre, des faits tels qu'énoncés dans l'arrêt attaqué:
"13 Selon la décision, l'infraction s'est déroulée au sein d'un organisme dénommé "Groupe d'étude de produit Carton" (ci-après "GEP Carton"), composé de plusieurs groupes ou comités.
14 Cet organisme a été doté, au milieu de l'année 1986, d'un " 'Presidents Working Group " (ci-après " PWG ") réunissant des représentants de haut niveau des principaux fournisseurs de carton de la Communauté (environ huit).
15 Le PWG avait notamment pour activités la discussion et la concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix et les capacités. En particulier, il a pris des décisions d'ordre général concernant le calendrier et le niveau des augmentations de prix à mettre en œuvre par les fabricants.
16 Le PWG faisait rapport à la " President Conference " (ci-après " PC ") à laquelle participait (plus ou moins régulièrement) la quasi-totalité des directeurs généraux des entreprises concernées. La PC s'est réunie deux fois par an pendant la période en cause.
17 À la fin de l'année 1987 a été créé le " Joint Marketing Committee " (ci-après " JMC "). Son objet principal consistait, d'une part, à déterminer si, et, dans l'affirmative, comment, des augmentations de prix pouvaient être mises en œuvre et, d'autre part, à définir les modalités des initiatives en matière de prix décidées par le PWG pays par pays et pour les principaux clients en vue d'établir un système de prix équivalent en Europe.
18 Enfin, le comité économique (ci-après " COE ") débattait, notamment, des fluctuations de prix sur les marchés nationaux et des commandes en carnet et faisait rapport sur ses conclusions au JMC ou, jusqu'à la fin de l'année 1987, au prédécesseur du JMC, le Marketing Committee. Le COE était composé de directeurs commerciaux de la plupart des entreprises en cause et se réunissait plusieurs fois par an.
19 Il ressort, en outre, de la décision que la Commission a considéré que les activités du GEP Carton étaient soutenues par un échange d'informations par l'intermédiaire de la société fiduciaire Fides, dont le siège est à Zurich (Suisse). Selon la décision, la plupart des membres du GEP Carton fournissaient à la Fides des rapports périodiques sur les commandes, la production, les ventes et l'utilisation des capacités. Ces rapports étaient traités dans le cadre du système Fides et les données agrégées étaient envoyées aux participants.
20 La requérante Sarrió SA (ci-après " Sarrió ") est le fruit d'une fusion survenue en 1990 entre la division carton du plus gros fabricant italien Saffa et le fabricant espagnol Sarrió (point 11 des considérants de la décision). Sarrió a également acquis, en 1991, le fabricant espagnol Prat Carton (même point).
21 Sarrió a été considérée comme responsable de la participation de Prat Carton à l'entente reprochée pour toute la durée de cette participation (point 154 des considérants de la décision).
22 Sarrió fabrique principalement du carton GD, mais produit aussi du carton GC."
7. Seize des dix-huit autres entreprises mises en cause ainsi que quatre entreprises finlandaises, membres du groupement professionnel Finnboard et, à ce titre, tenues pour solidairement responsables du paiement de l'amende infligée à celui-ci, ont introduit des recours contre la décision (affaires T-295-94, T-301-94, T-304-94, T-308-94 à T-311-94, T-317-94, T-319-94, T-327-94, T-337-94, T-338-94, T-347-94, T-348-94, T-352-94 et T-354-94, ainsi que affaires jointes T-339-94 à T-342-94).
L'arrêt attaqué
8. Dans son recours devant le Tribunal, la requérante a conclu à l'annulation de la décision et subsidiairement de son article 2 ainsi qu'à la suppression ou, du moins, à la réduction de l'amende qui lui a été infligée.
Sur la demande d'annulation de la décision
9. À l'appui de sa demande d'annulation de la décision, la requérante a invoqué devant le Tribunal neuf moyens, lesquels ont tous été rejetés par le Tribunal, à l'exception du dernier moyen tiré d'une absence de participation de Prat Carton à l'infraction.
10. À cet égard, le Tribunal a conclu:
" 250 ... il doit être retenu que la Commission a prouvé que Prat Carton a participé, au cours de la période allant de juin 1990 à février 1991, à une collusion sur les prix ainsi qu'à une collusion sur les temps d'arrêt. Toutefois, la participation de Prat Carton à la collusion sur les parts de marché au cours de cette même période n'est pas suffisamment établie. Enfin, pour la période antérieure, soit de la mi-1986 à juin 1990, la Commission n'a pas démontré la participation de Prat Carton aux éléments constitutifs de l'infraction."
11. Compte tenu des moyens invoqués dans le pourvoi, il convient de limiter l'exposé des motifs de l'arrêt attaqué, relativement à la demande d'annulation de la décision, aux seuls développements concernant les moyens tirés d'une absence de concertation sur les prix de transaction et d'une violation des exigences de motivation, d'une absence de participation à une entente visant le gel des parts de marché et le contrôle de l'offre ainsi que d'une erreur d'appréciation de la Commission en ce qui concerne le système d'échange d'information de la Fides.
Sur le moyen tiré d'une absence de concertation sur les prix de transaction et d'une violation des exigences de motivation
12. La requérante a contesté devant le Tribunal que sa participation à une concertation relative aux prix annoncés ait porté sur les prix de transaction. Elle a également fait valoir que la Commission n'avait pas clairement spécifié si la concertation sur les prix, imputée à Sarrió, était une concertation sur les prix annoncés, ce qu'elle reconnaissait, ou une concertation qui s'étendait également aux prix de transaction, ce qui aurait constitué une violation des exigences de motivation et une atteinte aux droits de la défense.
13. Le Tribunal a répondu:
"50 Avant de répondre à l'argument de la requérante selon lequel la concertation n'a pas porté sur les prix de transaction, il y a lieu d'apprécier si la Commission a effectivement soutenu dans la décision que la concertation a porté sur de tels prix.
51 À cet égard, il convient de constater, en premier lieu, que l'article 1er de la décision ne précise en rien le prix qui a été l'objet des augmentations concertées.
52 En second lieu, il ne ressort pas de la décision que la Commission ait soutenu que les producteurs avaient fixé, voire entendu fixer, des prix de transaction uniformes. En particulier, les points 101 et 102 des considérants consacrés aux "effets des initiatives concertées en matière de prix sur le niveau des prix" attestent que la Commission a considéré que les initiatives en matière de prix concernaient les prix de catalogue et visaient à produire une augmentation des prix de transaction. Il y est notamment relevé: " Même si tous les producteurs restaient déterminés à appliquer intégralement l'augmentation, les possibilités qu'avaient les clients de passer à une qualité ou à un produit moins onéreux pouvaient amener certains producteurs à faire à leurs clients traditionnels des concessions sur la date d'entrée en vigueur des augmentations ou à leur consentir un avantage supplémentaire sous la forme de rabais ou de réduction en cas de grosse commande, pour leur faire accepter l'intégralité de l'augmentation du prix de base. Il était par conséquent inévitable que les augmentations de prix ne puissent faire sentir immédiatement tous leurs effets ". (Point 101, sixième alinéa, des considérants).
53 Il découle ainsi de la décision que la Commission a considéré que le but de la collusion entre les producteurs en matière de prix était que les augmentations concertées de prix annoncées aient pour conséquence une augmentation des prix de transaction. À cet égard, il ressort du point 101, premier alinéa, des considérants de la décision que 'les producteurs ne se contentaient pas d'annoncer les augmentations de prix convenues mais, à quelques exceptions près, [qu']ils prenaient également des mesures concrètes pour faire en sorte qu'elles soient effectivement imposées aux clients. La situation de la présente espèce se distingue donc de celle examinée par la Cour dans l'arrêt Ahlström Osakeyhtiö ea/Commission, précité, puisque la Commission ne soutient pas dans la décision, à la différence de la décision ayant donné lieu à ce dernier arrêt, que les entreprises se sont concertées directement sur les prix de transaction.
54 Cette analyse de la décision est confortée par les documents produits par la Commission.
...
57 En outre, la requérante a reconnu lors de l'audience que les prix annoncés ont servi de base initiale pour les négociations des prix de transaction avec les clients, circonstance qui confirme que le but ultime était l'augmentation des prix de transaction. À cet égard, il suffit de souligner que la fixation de prix de catalogue uniformes convenue entre les producteurs serait absolument dépourvue de pertinence si ces prix devaient effectivement ne produire aucun effet sur les prix de transaction.
58 Quant à l'argument de la requérante selon lequel les incertitudes relatives à l'objet de la concertation constitueraient en soi une violation des exigences de motivation, il y a lieu de rappeler que l'article 1er de la décision ne précise en rien le prix qui a été l'objet de la collusion.
59 Dans une telle situation, le dispositif de la décision doit être compris à la lumière de l'exposé de ses motifs, conformément à une jurisprudence bien établie (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie ea/Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73, 55-73, 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, points 122 à 124).
60 En l'espèce, il ressort de ce qui précède que la Commission a suffisamment expliqué dans les considérants de la décision que la concertation portait sur les prix de catalogue et avait pour but une hausse des prix de transaction.
61 Par conséquent, le moyen doit être rejeté comme non fondé."
Sur le moyen tiré d'une absence de participation à une entente visant le gel des parts de marché et le contrôle de l'offre
14. La requérante a fait valoir devant le Tribunal que la Commission ne disposait pas de preuves de l'existence d'une concertation visant le gel des parts de marché ni de celle d'une concertation visant à contrôler l'offre et, en tout état de cause, n'avait pas prouvé la participation de la requérante à de telles concertations.
15. La requérante a ajouté que le comportement effectif des entreprises n'était pas conciliable avec les affirmations de la Commission.
16. S'agissant de l'existence de concertations visant à geler les parts de marché et à contrôler l'offre, le Tribunal a conclu:
"106 Sur la base de ce qui précède, il doit être conclu que la Commission a prouvé à suffisance de droit l'existence d'une collusion sur les parts de marché entre les participants aux réunions du PWG ainsi que celle d'une collusion sur les temps d'arrêt entre ces mêmes entreprises. Dans la mesure où il n'est pas contesté que Sarrió a participé aux réunions du PWG et où cette entreprise est expressément mentionnée dans les principales preuves à charge (déclarations de Stora et annexe 73 à la communication des griefs), la Commission a tenu à bon droit la requérante pour responsable d'une participation à ces deux collusions."
17. Quant au comportement effectif de la requérante, le Tribunal a jugé:
"115 Les deuxième et troisième branches du moyen, selon lesquelles le comportement effectif des entreprises n'est pas conciliable avec les affirmations de la Commission relatives à l'existence des deux collusions contestées, ne sauraient davantage être accueillies.
116 En premier lieu, l'existence de collusions entre les membres du PWG sur les deux aspects de la "politique du prix avant le tonnage" ne saurait être confondue avec la mise en œuvre de celles-ci. En effet, les preuves fournies par la Commission ont une telle valeur probante que des renseignements relatifs au comportement effectif de la requérante sur le marché ne peuvent pas affecter les conclusions de la Commission relatives à l'existence même de collusions sur les deux aspects de la politique litigieuse. Tout au plus, les allégations de la requérante pourraient tendre à démontrer que son comportement n'a pas suivi celui convenu entre les entreprises réunies au sein du PWG.
117 En second lieu, les conclusions de la Commission ne sont pas contredites par les renseignements fournis par la requérante. Il doit être souligné que la Commission admet explicitement que la collusion sur les parts de marché n'impliquait aucun mécanisme officiel de sanction ou de compensation [...] pour renforcer l'accord sur les parts de marché et que les parts de marché de certains grands producteurs ont faiblement augmenté d'année en année (voir, notamment, points 59 et 60 des considérants de la décision). De plus, la Commission convient que, l'industrie ayant tourné à pleine capacité jusqu'au début de 1990, pratiquement aucun temps d'arrêt n'a été nécessaire jusqu'à cette date (point 70 des considérants de la décision).
118 En troisième lieu, il est de jurisprudence constante que le fait qu'une entreprise ne se plie pas aux résultats des réunions ayant un objet manifestement anticoncurrentiel n'est pas de nature à la priver de sa pleine responsabilité du fait de sa participation à l'entente, dès lors qu'elle ne s'est pas distanciée publiquement du contenu des réunions (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfileurope/Commission, T-141-89, Rec. p. II-791, point 85). À supposer même que le comportement sur le marché de la requérante n'ait pas été conforme au comportement convenu, cela n'affecte donc en rien sa responsabilité du chef d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité."
Sur le moyen tiré d'une erreur d'appréciation commise par la Commission en ce qui concerne le système d'échange d'informations de la Fides
18. La requérante a fait valoir devant le Tribunal que le système d'échange d'informations de la Fides n'était pas de nature à promouvoir des comportements collusoires et qu'il n'était donc pas incompatible avec l'article 85 du traité.
19. Le Tribunal a rejeté ce moyen comme irrecevable pour les motifs suivants:
"155 Le Tribunal rappelle que, aux termes de l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.
156 Le moyen tiré d'une erreur d'appréciation de la Commission en ce qui concerne le système d'échange d'informations de la Fides n'a été invoqué pour la première fois par la requérante qu'au stade de la réplique et il n'est pas fondé sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure."
Sur la demande d'annulation de l'article 2 de la décision
20. À cet égard, le Tribunal a annulé, à l'égard de la requérante, l'article 2, premier à quatrième alinéa, de la décision, sauf en ce qui concerne les passages suivants:
"Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange d'informations commerciales:
a)par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de commercialisation d'autres fabricants.
Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure toutes données permettant d'identifier le comportement de fabricants déterminés."
Sur la demande d'annulation de l'amende ou de réduction de son montant
21. À l'appui de sa demande d'annulation de l'amende ou de réduction de son montant, la requérante a invoqué devant le Tribunal dix moyens dont trois sont tirés respectivement d'un défaut de motivation et d'une violation des droits de la défense en ce qui concerne le calcul de l'amende, d'une erreur de méthode dans le calcul de l'amende et d'un calcul erroné de la partie de l'amende correspondant à l'infraction imputée à Prat Carton ainsi que de la violation de l'obligation de motivation à cet égard.
Sur le moyen tiré d'un défaut de motivation et d'une violation des droits de la défense en ce qui concerne le calcul de l'amende
22. Devant le Tribunal, la requérante a reproché à la Commission de ne pas avoir mentionné dans sa décision les critères dont elle avait fait application, la plaçant ainsi dans l'impossibilité de contrôler de manière efficace la légalité de la décision, ce qui aurait constitué une violation manifeste de ses droits de la défense.
23. Le Tribunal a répondu:
"341 Il ressort d'une jurisprudence constante que l'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T-49-95, Rec. p. II-1799, point 51).
342 Pour ce qui est d'une décision infligeant, comme en l'espèce, des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence, la portée de l'obligation de motivation doit être notamment déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance SPO ea/Commission, précitée, point 54).
343 De plus, lors de la fixation du montant de chaque amende, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation, et elle ne saurait être considérée comme tenue d'appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise (voir, dans le même sens, arrêt Martinelli/Commission, précité, point 59).
344 Dans la décision, les critères pris en compte pour déterminer le niveau général des amendes et le montant des amendes individuelles figurent, respectivement, aux points 168 et 169 des considérants. En outre, pour ce qui est des amendes individuelles, la Commission explique au point 170 des considérants que les entreprises ayant participé aux réunions du PWG ont, en principe, été considérées comme des 'chefs de file' de l'entente, alors que les autres entreprises ont été considérées comme des 'membres ordinaires' de celle-ci. Enfin, aux points 171 et 172 des considérants, elle indique que les montants des amendes infligées à Rena et à Stora doivent être considérablement réduits pour tenir compte de leur coopération active avec la Commission et que huit autres entreprises, dont la requérante, peuvent également bénéficier d'une réduction dans une proportion moindre, du fait qu'elles n'ont pas, dans leurs réponses à la communication des griefs, nié les principales allégations de fait sur lesquelles la Commission fondait ses griefs.
345 Dans ses écritures devant le Tribunal ainsi que dans sa réponse à une question écrite de celui-ci, la Commission a expliqué que les amendes ont été calculées sur la base du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises destinataires de la décision sur le marché communautaire du carton en 1990. Des amendes d'un niveau de base de 9 ou de 7,5 % de ce chiffre d'affaires individuel ont ainsi été infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme les 'chefs de file' de l'entente et aux autres entreprises. Enfin, la Commission a tenu compte de l'éventuelle attitude coopérative de certaines entreprises au cours de la procédure devant elle. Deux entreprises ont bénéficié à ce titre d'une réduction des deux tiers du montant de leurs amendes, tandis que d'autres entreprises ont bénéficié d'une réduction d'un tiers.
346 Il ressort, par ailleurs, d'un tableau fourni par la Commission et contenant des indications quant à la fixation du montant de chacune des amendes individuelles que, si celles-ci n'ont pas été déterminées en appliquant de manière strictement mathématique les seules données chiffrées susmentionnées, lesdites données ont cependant été systématiquement prises en compte aux fins du calcul des amendes.
347 Or, la décision ne précise pas que les amendes ont été calculées sur la base du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises sur le marché communautaire du carton en 1990. De plus, les taux de base appliqués de 9 et de 7,5 % pour calculer les amendes infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme des "chefs de file" et à celles considérées comme des "membres ordinaires" ne figurent pas dans la décision. N'y figurent pas davantage les taux des réductions accordées à Rena et à Stora, d'une part, et à huit autres entreprises, d'autre part.
348 En l'espèce, il y a lieu de considérer, en premier lieu, que, interprétés à la lumière de l'exposé détaillé, dans la décision, des allégations factuelles formulées à l'égard de chaque destinataire de la décision, les points 169 à 172 des considérants de celle-ci contiennent une indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par chacune des entreprises en cause (voir, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Petrofina/Commission, T-2-89, Rec. p. II-1087, point 264).
349 En second lieu, lorsque le montant de chaque amende est, comme en l'espèce, déterminé sur la base de la prise en compte systématique de certaines données précises, l'indication, dans la décision, de chacun de ces facteurs permettrait aux entreprises de mieux apprécier, d'une part, si la Commission a commis des erreurs lors de la fixation du montant de l'amende individuelle et, d'autre part, si le montant de chaque amende individuelle est justifié par rapport aux critères généraux appliqués. En l'espèce, l'indication dans la décision des facteurs en cause, soit le chiffre d'affaires de référence, l'année de référence, les taux de base retenus et les taux de réduction du montant des amendes, n'aurait comporté aucune divulgation implicite du chiffre d'affaires précis des entreprises destinataires de la décision, divulgation qui aurait pu constituer une violation de l'article 214 du traité. En effet, le montant final de chaque amende individuelle ne résulte pas, comme la Commission l'a elle-même souligné, d'une application strictement mathématique desdits facteurs.
350 La Commission a d'ailleurs reconnu, lors de l'audience, que rien ne l'aurait empêchée d'indiquer, dans la décision, les facteurs qui avaient été pris systématiquement en compte et qui avaient été divulgués pendant une conférence de presse tenue le jour même de l'adoption de cette décision. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d'une décision doit figurer dans le corps même de celle-ci et que des explications postérieures fournies par la Commission ne sauraient, sauf circonstances particulières, être prises en compte (voir arrêt du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, T-61-89, Rec. p. II-1931, point 131, et, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T- 30-89, Rec. p. II-1439, point 136).
351 Malgré ces constatations, il doit être relevé que la motivation relative à la fixation du montant des amendes contenue aux points 167 à 172 des considérants de la décision est, au moins, aussi détaillée que celles contenues dans les décisions antérieures de la Commission portant sur des infractions similaires. Or, bien que le moyen tiré d'un vice de motivation soit d'ordre public, aucune critique n'avait, au moment de l'adoption de la décision, été soulevée par le juge communautaire quant à la pratique suivie par laCommission en matière de motivation des amendes infligées. Ce n'est que dans l'arrêt du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission (T-148-89, Rec. p. II-1063, point 142), et dans deux autres arrêts rendus le même jour, Société métallurgique de Normandie/Commission (T-147-89, Rec. p. II-1057, publication sommaire) et Société des treillis et panneaux soudés/Commission (T-151-89, Rec. p. II-1191, publication sommaire), que le Tribunal a, pour la première fois, souligné qu'il est souhaitable que les entreprises puissent connaître en détail le mode de calcul de l'amende qui leur est infligée, sans être obligées, pour ce faire, d'introduire un recours juridictionnel contre la décision de la Commission.
352 Il s'ensuit que lorsqu'elle constate, dans une décision, une infraction aux règles de la concurrence et inflige des amendes aux entreprises ayant participé à celle-ci la Commission doit, si elle a systématiquement pris en compte certains éléments de base pour fixer le montant des amendes, indiquer ces éléments dans le corps de la décision afin de permettre aux destinataires de celle-ci de vérifier le bien-fondé du niveau de l'amende et d'apprécier l'existence d'une éventuelle discrimination.
353 Dans les circonstances particulières relevées au point 351 ci-dessus, et compte tenu du fait que la Commission s'est montrée disposée à fournir, lors de la procédure contentieuse, tout renseignement pertinent relatif au mode de calcul des amendes, l'absence de motivation spécifique dans la décision sur le mode de calcul des amendes ne doit pas, en l'espèce, être considérée comme constitutive d'une violation de l'obligation de motivation justifiant l'annulation totale ou partielle des amendes infligées. Enfin, la requérante n'a pas démontré qu'elle aurait été empêchée de faire utilement valoir ses droits de la défense.
354 Par conséquent, le présent moyen ne saurait être retenu."
Sur le moyen tiré d'une erreur de méthode dans le calcul de l'amende
24. La requérante a soutenu devant le Tribunal que la Commission, en fixant le montant de l'amende, avait omis de tenir compte des effets des fluctuations monétaires, tant la peseta espagnole que la lire italienne ayant subi une forte dévaluation par rapport à l'écu et aux autres monnaies européennes depuis 1990. La requérante a ajouté que des facteurs tels que les fluctuations des monnaies, qui sont étrangers à l'infraction à sanctionner et qui ne sont pas imputables à l'auteur de cette infraction, ne devaient pas pouvoir influencer le montant de l'amende. La décision aurait entraîné également des disparités de traitement injustifiées, les fluctuations monétaires altérant complètement le rapport entre les différentes amendes infligées. Afin d'éviter des différences de traitement injustifiées, rien n'exigeait que la Commission exprimât le montant de l'amende en écus; elle aurait dû l'exprimer en monnaie nationale.
25. Le Tribunal a répondu:
"392 L'article 4 de la décision dispose que les amendes infligées sont payables en écus.
393 Il y a lieu de relever que rien n'empêche la Commission d'exprimer le montant de l'amende en écus, unité monétaire convertible en monnaie nationale. Cela permet d'ailleurs aux entreprises de comparer plus facilement les montants des amendes infligées. De plus, la conversion possible de l'écu en monnaie nationale différencie cette unité monétaire de l''unité de compte mentionnée à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, dont la Cour a expressément reconnu que, n'étant pas une monnaie de paiement, elle impliquait nécessairement la détermination du montant de l'amende en monnaie nationale (arrêt société anonyme générale sucrière ea/Commission, précité, point 15).
394 Quant à la légalité de la méthode de la Commission consistant à convertir en écus le chiffre d'affaires de référence des entreprises au taux de change moyen de cette même année (1990), les critiques formulées par la requérante ne sauraient être retenues.
395 Tout d'abord, la Commission doit normalement utiliser une seule et même méthode de calcul des amendes infligées aux entreprises sanctionnées pour avoir participé à une même infraction (voir arrêt Musique Diffusion française ea/Commission, précité, point 122).
396 Ensuite, afin de pouvoir comparer les différents chiffres d'affaires communiqués, exprimés dans les monnaies nationales respectives des entreprises concernées, la Commission doit convertir ces chiffres d'affaires dans une seule et même unité monétaire. La valeur de l'écu étant déterminée en fonction de la valeur de chaque monnaie nationale des États membres, la Commission a converti à bon droit en écus le chiffre d'affaires de chacune des entreprises.
397 À bon droit également, elle s'est fondée sur le chiffre d'affaires de l'année de référence (1990) et a converti ce chiffre d'affaires en écus sur la base des taux de change moyens de la même année. D'une part, la prise en compte du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises au cours de l'année de référence, à savoir la dernière année complète de la période d'infraction retenue, a permis à la Commission d'apprécier la taille et la puissance économique de chaque entreprise ainsi que l'ampleur de l'infraction commise par chacune d'entre elles, ces éléments étant pertinents pour apprécier la gravité de l'infraction commise par chaque entreprise (voir arrêt Musique Diffusion française ea/Commission, précité, points 120 et 121). D'autre part, la prise en compte, aux fins de la conversion en écus des chiffres d'affaires en cause, des taux de change moyens de l'année de référence retenue a permis à la Commission d'éviter que les éventuelles fluctuations monétaires survenues depuis la cessation de l'infraction affectent l'appréciation de la taille et de la puissance économique relatives des entreprises ainsi que l'ampleur de l'infraction commise par chacune d'entre elles et, partant, l'appréciation de la gravité de cette infraction. L'appréciation de la gravité de l'infraction doit en effet porter sur la réalité économique telle qu'elle apparaissait à l'époque de la commission de ladite infraction.
398 Par conséquent, l'argument selon lequel le chiffre d'affaires de l'année de référence aurait dû être converti en écus sur la base du taux de change à la date d'adoption de la décision ne peut être accueilli. La méthode de calcul de l'amende consistant à utiliser le taux de change moyen de l'année de référence permet d'éviter les effets aléatoires des modifications des valeurs réelles des monnaies nationales qui peuvent survenir, et sont effectivement survenues en l'espèce, entre l'année de référence et l'année de l'adoption de la décision. Si cette méthode peut signifier qu'une entreprise déterminée doit payer un montant, exprimé en monnaie nationale, nominalement supérieur ou inférieur à celui qui aurait dû être payé dans l'hypothèse d'une application du taux de change de la date d'adoption de la décision, cela n'est que la conséquence logique des fluctuations des valeurs réelles des différentes monnaies nationales.
399 Il convient d'ajouter que plusieurs entreprises destinataires de la décision possèdent des cartonneries dans plus d'un pays (voir points 7, 8 et 11 des considérants de la décision). En outre, les entreprises destinataires de la décision exercent généralement leurs activités dans plus d'un État membre, par l'intermédiaire de représentations locales. Elles opèrent par conséquent dans plusieurs devises nationales. La requérante elle-même réalise une partie considérable de son chiffre d'affaires sur les marchés d'exportation. Or, lorsqu'une décision comme la décision litigieuse sanctionne des violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité et que les entreprises destinataires de la décision exercent généralement leurs activités dans plusieurs États membres, le chiffre d'affaires de l'année de référence converti en écus au taux de change moyen utilisé au cours de cette même année est constitué par la somme des chiffres d'affaires réalisés dans chacun des pays où l'entreprise est active. Il rend donc parfaitement compte de la réalité de la situation économique des entreprises concernées au cours de l'année de référence.
400 Il convient enfin de vérifier si, comme le prétend la requérante, le plafond prévu par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, correspondant à '10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent, a été dépassé en raison des fluctuations monétaires survenues postérieurement à l'année de référence.
401 Conformément à la jurisprudence de la Cour, le pourcentage exprimé dans cette disposition se rapporte au chiffre d'affaires global de l'entreprise en cause (arrêt Musique Diffusion française ea/Commission, précité, point 119).
402 Au sens de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, l''exercice social précédent est celui qui précède la date de la décision, soit, en l'espèce, le dernier exercice complet de chacune des entreprises concernées à la date du 13 juillet 1994.
403 À la lumière de ces éléments, force est de constater, sur la base des renseignements fournis par la requérante en réponse à une question écrite posée par le Tribunal, que le montant de l'amende converti en monnaie nationale au taux de change pratiqué au moment de la publication de la décision ne dépasse pas 10 % du chiffre d'affaires global réalisé par la requérante en 1993.
404 Au vu de ce qui précède, le présent moyen doit être rejeté."
Sur le moyen tiré, d'une part, d'un calcul erroné de la partie de l'amende correspondant à l'infraction imputée à Prat Carton et, d'autre part, de la violation de l'obligation de motivation à cet égard
26. La requérante a fait valoir devant le Tribunal que la Commission avait calculé erronément la part de l'amende correspondant à l'infraction prétendument commise par Prat Carton, en retenant le même pourcentage de chiffre d'affaires que celui prévu pour la requérante, soit 9 %, réduit d'un tiers en raison de la coopération de l'entreprise au cours de l'instruction de l'affaire. Or, la participation limitée de Prat Carton aux réunions du JMC de juin 1990 à mars 1991 et le fait qu'elle n'a pas été "chef de file" auraient dû justifier une réduction du montant de l'amende.
27. La requérante a également dénoncé le manque de transparence et l'absence de motivation en ce qui concerne le calcul de la partie de l'amende correspondant à l'infraction imputée à Prat Carton.
28. Le Tribunal a jugé, à cet égard:
"409 Selon les explications fournies par la Commission, l'amende infligée à la requérante correspond à 6 % de la somme des chiffres d'affaires réalisés en 1990 respectivement par la requérante et Prat Carton (taux de 9 % retenu à l'encontre des entreprises "chefs de file", réduit d'un tiers en raison de l'attitude de la requérante considérée comme coopérative). Même si dans un tel cas il est souhaitable que la décision contienne une motivation plus ample de la méthode de calcul appliquée, il convient, pour les motifs déjà énoncés (voir ci- dessus points 351 à 353), de rejeter l'argument de la requérante tiré d'une violation de l'article 190 du traité.
410 Il y a lieu de rappeler ensuite (voir ci-dessus point 250) que la Commission a établi la participation de Prat Carton à la collusion sur les prix et à la collusion sur les temps d'arrêt au cours de la période allant de juin 1990 à février 1991. Il a en revanche été retenu que la Commission n'a pas suffisamment établi laparticipation de Prat Carton à une collusion sur les parts de marché au cours de la même période ni sa participation, entre le milieu de 1986 et le mois de juin 1990, à l'un des éléments constitutifs de l'infraction décrits à l'article 1er de la décision.
411 En considération du fait que Prat Carton n'a participé qu'à certains éléments constitutifs de l'infraction et pour une durée plus limitée que celle retenue par la Commission, il y a lieu de procéder à une réduction du montant de l'amende infligée à la requérante.
412 En l'espèce, aucun des autres moyens invoqués par la requérante ne justifiant une réduction de l'amende, le Tribunal, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, fixera le montant de cette amende à 14 000 000 écus."
Le pourvoi
29. Par son pourvoi, la requérante demande l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de l'affaire devant le Tribunal pour le cas où la Cour estimerait que le litige n'est pas en état d'être jugé, ainsi que l'annulation de la décision et, à titre subsidiaire, la réduction du montant de l'amende qui lui a été infligée.
30. À l'appui de son pourvoi, la requérante invoque cinq moyens tirés respectivement
-d'une interprétation erronée de la décision en ce qui concerne l'infraction effectivement reprochée;
-d'une interprétation et d'une application erronées du droit communautaire en ce qui concerne l'effet automatiquement anticoncurrentiel de la participation de Sarrió aux réunions des producteurs; à titre subsidiaire, de l'absence de prise en considération du fait que Sarrió n'a pas mis en œuvre l'entente; et, à titre encore plus subsidiaire, d'une qualification erronée de l'infraction commise;
-de l'absence de prise en considération du défaut de motivation dans le calcul de l'amende et d'une contradiction entre les motifs et le dispositif;
-de l'absence de prise en considération de l'erreur de méthode dans le calcul de l'amende;
-d'une contradiction entre les motifs et le dispositif en ce qui concerne la réduction de l'amende octroyée.
Sur le premier moyen
31. Par son premier moyen, la requérante fait grief au Tribunal d'avoir mal interprété la décision en considérant, au point 53 de l'arrêt attaqué, que cette dernière ne met pas en cause une concertation concernant directement les prix de transaction, mais la participation à une entente portant sur les prix annoncés, avec pour conséquence une augmentation des prix de transaction.
32. Or, la distinction entre la collusion sur les prix annoncés et celle sur les prix de transaction aurait une importance particulière dans le cadre de l'examen d'une infraction aux règles de concurrence, mise en lumière par la Cour dans l'arrêt du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö ea/Commission (C-89-85, C-104-85, C-114-85, C-116-85, C-117-85 et C-125-85 à C-129-85, Rec. p. I-1307).
33. Selon la requérante, la Commission ayant infligé une amende unique pour toutes les infractions reprochées, cette amende aurait dû être réduite s'il avait été démontré que la requérante avait été sanctionnée pour des faits qu'elle n'avait pas commis. Le Tribunal, au contraire, en s'arrêtant à la distinction entre la concertation directe et la concertation indirecte sur les prix pratiqués, n'aurait pas jugé nécessaire de vérifier s'il existait des preuves afférentes aux prix de transaction et, partant, contrôlé si l'infraction commise par la requérante avait effectivement eu un champ plus limité que ce qui avait été affirmé par la Commission.
34. La Commission excipe de l'irrecevabilité du moyen. Le fait de demander l'annulation de l'arrêt attaqué au motif qu'il constate que la requérante a été rendue coupable d'une entente sur les prix annoncés, plutôt que sur les prix de transaction, comme l'aurait établi à tort la décision, impliquerait, en effet, une appréciation de nature purement factuelle sur le comportement de la requérante, ce qui échappe à la compétence de la Cour.
35. Ce moyen d'irrecevabilité ne saurait être accueilli. En faisant grief au Tribunal d'avoir retenu une interprétation erronée de la décision, la requérante soulève une question de droit susceptible d'être examinée dans le cadre d'un pourvoi.
36. Quant au fond, la Commission estime que le Tribunal a interprété correctement la décision de laquelle il ressort que les accords sur les prix se répercutaient sur les prix effectivement appliqués par la requérante à ses clients (voir point 101 des motifs et article 1er de la décision ainsi que les points 56, 57 et 60 de l'arrêt attaqué), sans qu'ait été pour autant exclue toute possibilité d'écart entre les prix annoncés et les prix pratiqués en fonction des nécessités commerciales.
37. À cet égard, il y a lieu de constater que, pour interpréter la décision et apprécier l'étendue de l'infraction qui était reprochée à la requérante, le Tribunal a porté son examen à la fois sur le dispositif de la décision et l'exposé des motifs dont elle est assortie (voir points 51 à 53 de l'arrêt attaqué).
38. Au terme de cet examen, le Tribunal est parvenu à la conclusion que l'infraction en cause consistait en une collusion sur la fixation des prix catalogue, mais que celle-ci était destinée à obtenir une hausse des prix facturés (point 53 de l'arrêt attaqué), impact dont la requérante a reconnu l'existence lors de l'audience devant le Tribunal (point 57 de l'arrêt attaqué). Ainsi que l'a souligné, à juste titre, le Tribunal, au point 57 de l'arrêt attaqué,
"la fixation de prix de catalogue uniformes convenue entre les producteurs serait absolument dépourvue de pertinence si ces prix devaient effectivement ne produire aucun effet sur les prix de transaction".
39. L'argumentation de la requérante n'est pas de nature à remettre en cause la conclusion du Tribunal selon laquelle ce sont les prix catalogue qui étaient fixés en commun, même si l'objectif poursuivi par l'entente était de tendre à une uniformisation des prix de transaction. En effet, la requérante n'a pas établi et n'a d'ailleurs pas cherché à établir l'existence d'une quelconque contradiction dans les motifs ni d'une inexactitude matérielle, au regard des pièces du dossier qui ont été soumises au Tribunal, qui serait de nature à vicier la motivation même de l'arrêt attaqué.
40. Il y a lieu, en conséquence, de rejeter le premier moyen.
Sur le deuxième moyen
41. Par son deuxième moyen, la requérante fait grief, à titre principal, au Tribunal d'avoir rejeté son argumentation, selon laquelle sa participation aux réunions des différentes instances fonctionnant au sein du GEP Carton, association professionnelle poursuivant des buts essentiellement licites, ne pouvait suffire à établir sa participation à une entente sur le maintien des parts de marché et sur des arrêts programmés de production destinés à contrôler l'offre.
42. Selon la requérante, la participation d'une entreprise à une réunion ayant un objet anticoncurrentiel ne constitue pas, en elle-même, un comportement susceptible d'être sanctionné et il appartiendrait à la Commission d'apporter la preuve que l'entreprise a mis en œuvre les décisions adoptées au cours d'une telle réunion. Exiger de l'entreprise qu'elle prouve qu'elle a effectivement pris ses distances par rapport auxdites décisions, c'est-à-dire qu'elle ne les a ni approuvées ni mises en œuvre, serait lui faire porter la charge d'une preuve impossible à administrer.
43. Elle ajoute que le Tribunal a commis une erreur de droit en affirmant, au point 118 de l'arrêt attaqué, que
"le fait qu'une entreprise ne se plie pas aux résultats des réunions ayant un objet manifestement anticoncurrentiel n'est pas de nature à la priver de sa pleine responsabilité du fait de sa participation à l'entente, dès lors qu'elle ne s'est pas distanciée publiquement du contenu des réunions... À supposer même que le comportement sur le marché de la requérante n'ait pas été conforme au comportement convenu, cela n'affecte donc en rien sa responsabilité du chef d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité".
44. À titre subsidiaire, la requérante fait valoir que, s'il est vrai que, selon une jurisprudence constante, l'adhésion à un accord ayant un objet anticoncurrentiel suffit en soi à engager la responsabilité d'une entreprise pour violation de l'article 85 du traité, il ne saurait toutefois être soutenu que l'entreprise qui n'a fait qu'adhérer à l'accord devrait être traitée de la même façon que celle qui a également mis en œuvre ledit accord. Or, le Tribunal n'aurait pas tenu compte, aux points 115 à 118 de l'arrêt attaqué, de l'absence de toute preuve quelconque quant à la mise en œuvre, par la requérante, des décisions arrêtées en matière de stabilisation des parts de marché et de contrôle de l'offre, ne serait-ce que pour distinguer sa responsabilité dans l'infraction de celle d'autres entreprises qui y auraient donné suite.
45. Enfin, à titre encore plus subsidiaire, la requérante fait grief au Tribunal d'avoir considéré que l'infraction qui lui était reprochée était la participation à une entente, alors que le seul reproche qui aurait pu être formulé à son encontre était d'avoir participé à un échange d'informations, ce qui constituerait une infraction beaucoup moins grave.
46. La requérante conteste, à cet égard, l'argumentation du Tribunal selon laquelle son moyen tiré d'une erreur d'appréciation commise par la Commission en ce qui concerne le système d'échange d'informations de la Fides était irrecevable parce que présenté pour la première fois au stade de la réplique (voir points 155 et 156 de l'arrêt attaqué). La requérante se réfère, en ce sens, au point 46 de la requête en première instance.
47. À cet égard, il y a lieu de constater que le Tribunal, après avoir examiné les pièces du dossier de la Commission et, en particulier, les déclarations de Stora Kopparbergs Bergslags AB (ci-après "Stora"), a conclu que la Commission avait correctement établi l'existence d'une collusion entre les participants aux réunions du PWG tant sur les parts de marché (points 76 à 87 de l'arrêt attaqué) que sur les temps d'arrêt de la production. Le Tribunal a rejeté les critiques formulées par la requérante notamment à l'encontre des déclarations de Stora (points 107 à 113 de l'arrêt attaqué).
48. Force est de constater que la requérante n'a pas remis en cause les conclusions du Tribunal quant à l'existence même de la double collusion visée ci-dessus. Ses critiques concernent, en réalité, la mise en œuvre ou la prétendue absence de mise en œuvre, dans son chef, des décisions anticoncurrentielles.
49. À cet égard, après avoir constaté que la Commission avait retenu comme infraction la collusion sur la stabilisation des parts de marché et le contrôle de l'offre et non pas sa mise en œuvre à proprement parler et que la requérante avait participé à cette collusion, ce qui relève d'une appréciation de fait, le Tribunal a pu valablement estimer que les allégations de la requérante quant à son comportement effectif sur le marché n'étaient pas de nature à affecter sa responsabilité du chef d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité (point 118, dernière phrase, de l'arrêt attaqué).
50. Il convient d'admettre, ainsi que l'a fait le Tribunal, que la participation d'une entreprise à des réunions ayant un objet anticoncurrentiel a objectivement pour effet de créer ou de renforcer une entente et que la circonstance qu'une entreprise ne donne pas suite aux résultats de ces réunions n'est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à l'entente, à moins qu'elle se soit distanciée publiquement de leur contenu. Or, il ressort de l'arrêt attaqué que de telles preuves de distanciation publique n'ont pas été rapportées devant le Tribunal.
51. Il y a lieu, en conséquence, de considérer, au regard de l'infraction pour laquelle la requérante a été sanctionnée, que les allégations de cette dernière devant le Tribunal sur son comportement effectif sur le marché étaient inopérantes et qu'il n'y a dès lors aucune raison de faire grief au Tribunal de ne pas avoir tenu compte de ces allégations dans l'appréciation de sa responsabilité. En tout état de cause, ainsi que le Tribunal l'a souverainement constaté, d'une part, il n'a jamais été prétendu que la collusion sur les parts de marché avait conduit à un gel complet de celles-ci; d'autre part, avant 1990, la limitation de l'offre par des arrêts concertés de production n'avait pas été nécessaire, en raison du dynamisme de la demande, de sorte que le fait que, en 1990 et 1991, Sarrió n'a pas arrêté temporairement sa production ne prouve en aucune manière qu'elle était étrangère à la collusion reprochée (point 117 de l'arrêt attaqué).
52. Enfin, en ce qui concerne le grief selon lequel le Tribunal aurait considéré à tort comme irrecevable le moyen tiré d'une erreur d'appréciation commise par la Commission, relatif au système d'échange d'informations de la Fides, il y a lieu de constater, ainsi que l'a souligné la Commission, que le point 46 de la requête, auquel se réfère la requérante, ne concerne pas une quelconque appréciation de la Commission à cet égard, mais exprime la position de la requérante selon laquelle l'échange d'informations et la concertation sur les prix annoncés auraient dû être sanctionnés avec moins de rigueur que la concertation sur les prix pratiqués.
53. Il découle de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.
Sur le troisième moyen
54. Par son troisième moyen, la requérante fait grief au Tribunal d'avoir commis une erreur de droit en s'abstenant d'annuler la décision pour insuffisance de motivation, alors qu'il avait constaté, au point 347 de l'arrêt attaqué, que la Commission avait omis de faire apparaître dans la décision les facteurs qu'elle avait systématiquement pris en compte pour fixer le montant des amendes.
55. La requérante ajoute que de telles données devaient, selon une jurisprudence constante rappelée par le Tribunal au point 350 de l'arrêt attaqué, figurer dans le corps même de la décision sans que des explications postérieures fournies par la Commission à la presse ou lors de la procédure devant le Tribunal pussent, sauf circonstances particulières, être prises en compte. Or, le Tribunal a précisément constaté, au même point 350, que la Commission avait reconnu, lors de l'audience, que rien ne l'aurait empêchée d'indiquer les éléments en cause dans la décision. Le Tribunal ne pouvait, dans ces conditions, tenir compte du fait "que la Commission s'[était] montrée disposée à fournir, lors de la procédure contentieuse, tout renseignement pertinent relatif au mode de calcul des amendes" (point 353 de l'arrêt attaqué).
56. La requérante fait également grief au Tribunal d'avoir tenu compte du fait que la Commission, lorsqu'elle a pris la décision, ne connaissait pas encore l'interprétation qu'il a donnée, en matière de fixation des amendes, des exigences de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE) dans ses arrêts Tréfilunion/Commission, Société métallurgique de Normandie/Commission et Société des treillis et panneaux soudés/Commission, précités (ci-après les "arrêts treillis soudés"), rappelés au point 351 de l'arrêt attaqué, ainsi que du fait que la motivation de la décision était comparable à celle de décisions antérieures de la Commission (point 351 de l'arrêt attaqué).
57. Selon la requérante, cette position serait erronée en droit. Le fait que la portée de l'obligation de motivation n'avait pas encore été clarifiée par le Tribunal ne signifiait pas que cette obligation n'existait pas à charge de la Commission. Le Tribunal ne pouvait, de surcroît, dégager des règles valant pour l'avenir sans les appliquer immédiatement au cas dont il était saisi et maintenir ainsi les effets d'une décision de la Commission dont il avait lui-même constaté l'insuffisance de motivation.
58. Selon la Commission, le troisième moyen est irrecevable. Elle renvoie à l'arrêt de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission (C-219-95 P, Rec. p. I-4411, point 31), duquel il ressort que la Cour, lorsqu'elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d'un pourvoi, ne saurait substituer, pour des motifs d'équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l'exercice de sa pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit communautaire.
59. La Commission ajoute qu'elle dispose d'un pouvoir d'appréciation dans la fixation des amendes (voir arrêt Ferriere Nord/Commission, précité, points 32 et 33), dont l'existence permet d'éviter que les entreprises puissent connaître a priori le montant exact de l'amende qui risque de leur être infligée en cas de comportement illicite, ce qui les pousserait à agir de manière licite ou illicite à partir de simples considérations financières (voir arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150-89, Rec. p. II-1165, point 59).
60. Les points 349 à 353 de l'arrêt attaqué seraient, selon la Commission, superfétatoires, en ce qu'ils rappellent les conséquences des arrêts treillis soudés. La Commission estime, au demeurant, que la lecture que fait la requérante de ces arrêts est erronée. Dans ces arrêts, le Tribunal aurait, comme dans l'arrêt attaqué, exprimé le souhait d'une plus grande transparence quant à la méthode de calcul suivie. Ce faisant, le Tribunal n'aurait pas érigé le défaut de transparence en défaut de motivation de la décision. Tout au plus, la position du Tribunal découlerait-elle du principe de bonne administration, sans que la méconnaissance d'un tel principe puisse constituer en elle-même un motif d'annulation de la décision.
61. Il importe, d'abord, d'exposer les différentes étapes du raisonnement tenu par le Tribunal en réponse au moyen tiré de la violation de l'obligation de motivation concernant le calcul des amendes.
62. Le Tribunal a tout d'abord rappelé, au point 341 de l'arrêt attaqué, la jurisprudence constante selon laquelle l'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir, notamment, outre la jurisprudence citée par le Tribunal, arrêt du 15 avril 1997, Irish Farmers Association ea, C-22-94, Rec. p. I-1809, point 39).
63. Le Tribunal a ensuite précisé, au point 342 de l'arrêt attaqué, que, s'agissant d'une décision infligeant, comme en l'espèce, des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence, la portée de l'obligation de motivation doit être notamment déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions dépend d'un grand nombre d'éléments tels que les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO ea/Commission, C-137-95 P, Rec. p. I-1611, point 54).
64. À cet égard, le Tribunal a considéré, au point 348 de l'arrêt attaqué,
"que, interprétés à la lumière de l'exposé détaillé, dans la décision, des allégations factuelles formulées à l'égard de chaque destinataire de la décision, les points 169 à 172 des considérants de celle-ci contiennent une indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par chacune des entreprises en cause (voir, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Petrofina/Commission, T-2-89, Rec. p. II-1087, point 264)".
65. Toutefois, aux points 349 à 353 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a atténué, non sans ambiguïté, la portée de l'affirmation contenue au point 348.
66. En effet, il ressort des points 349 et 350 de l'arrêt attaqué que la décision ne comporte pas l'indication de données précises prises en compte systématiquement par la Commission pour fixer le montant des amendes, qu'elle était pourtant en mesure de divulguer et qui auraient permis aux entreprises de mieux apprécier si la Commission avait commis des erreurs lors de la fixation du montant de l'amende individuelle et sice montant était justifié par rapport aux critères généraux appliqués. Le Tribunal a ajouté, au point 351 de l'arrêt attaqué, que, selon ses arrêts treillis soudés, il est souhaitable que les entreprises puissent connaître en détail le mode de calcul de l'amende qui leur est infligée, sans être obligées, pour ce faire, d'introduire un recours juridictionnel contre la décision de la Commission.
67. Il a enfin conclu, au point 353 de l'arrêt attaqué, à une "absence de motivation spécifique dans la décision sur le mode de calcul des amendes", qui était justifiée par les circonstances particulières de l'espèce, à savoir la divulgation des éléments de calcul lors de la procédure contentieuse et le caractère novateur de l'interprétation de l'article 190 du traité contenue dans les arrêts treillis soudés.
68. Avant d'examiner, au regard des arguments avancés par la requérante, le bien-fondé des appréciations du Tribunal concernant les conséquences sur le respect de l'obligation de motivation qui pourraient découler de la divulgation des éléments de calcul lors de la procédure contentieuse et du caractère novateur des arrêts treillis soudés, il convient de vérifier si le respect de l'obligation de motivation, prévue à l'article 190 du traité, exigeait de la Commission qu'elle fasse figurer dans la décision, en sus des éléments d'appréciation lui ayant permis de déterminer la gravité et la durée de l'infraction, un exposé plus détaillé du mode de calcul des amendes.
69. À cet égard, il y a lieu de souligner que, s'agissant des recours dirigés contre les décisions de la Commission infligeant des amendes à des entreprises pour violation des règles de concurrence, le Tribunal est compétent à un double titre.
70. D'une part, il est chargé de contrôler leur légalité, au titre de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE). Dans ce cadre, il doit notamment contrôler le respect de l'obligation de motivation, prévue à l'article 190 du traité, dont la violation rend la décision annulable.
71. D'autre part, le Tribunal est compétent pour apprécier, dans le cadre du pouvoir de pleine juridiction qui lui est reconnu par les articles 172 du traité CE (devenu article 229 CE) et 17 du règlement n° 17, le caractère approprié du montant des amendes. Cette dernière appréciation peut justifier la production et la prise en considération d'éléments complémentaires d'information dont la mention dans la décision n'est pas comme telle requise en vertu de l'obligation de motivation prévue à l'article 190 du traité.
72. En ce qui concerne le contrôle du respect de l'obligation de motivation, il convient de rappeler que l'article 15, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 17 prévoit que, "Pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci".
73. Dans ces conditions, au regard de la jurisprudence mentionnée aux points 341 et 342 de l'arrêt attaqué, les exigences de la formalité substantielle que constitue l'obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction. En l'absence de tels éléments, la décision serait viciée pour défaut de motivation.
74. Or, le Tribunal a jugé à bon droit, au point 348 de l'arrêt attaqué, que la Commission avait satisfait à ces exigences. Il convient, en effet, de constater, ainsi que l'a fait le Tribunal, que les points 167 à 172 des motifs de la décision énoncent les critères utilisés par la Commission pour calculer les amendes. Ainsi, le point 167 concerne notamment la durée de l'infraction; il contient également, ainsi que le point 168, les considérations sur lesquelles la Commission s'est fondée pour apprécier la gravité de l'infraction et le montant général des amendes; le point 169 comporte les éléments pris en compte par la Commission pour déterminer l'amende à infliger à chaque entreprise; le point 170 désigne les entreprises devant être considérées comme les "chefs de file" de l'entente, portant une responsabilité particulière par rapport aux autres entreprises; enfin, les points 171 et 172 tirent les conséquences sur le montant des amendes de la coopération de différents fabricants avec la Commission lors de ses vérifications en vue de l'établissement des faits ou en réponse à la communication des griefs.
75. La circonstance que des informations plus précises, telles que les chiffres d'affaires réalisés par les entreprises ou les taux de réduction retenus par la Commission, ont été communiquées ultérieurement, lors d'une conférence de presse ou au cours de la procédure contentieuse, n'est pas de nature à remettre en cause la constatation contenue au point 348 de l'arrêt attaqué. En effet, des précisions apportées par l'auteur d'une décision attaquée, complétant une motivation déjà en elle-même suffisante, ne relèvent pas à proprement parler du respect de l'obligation de motivation, même si elles peuvent être utiles au contrôle interne des motifs de la décision, exercé par le juge communautaire, en ce qu'elles permettent à l'institution d'expliciter les raisons qui sont à la base de sa décision.
76. Certes, la Commission ne saurait, par le recours exclusif et mécanique à des formules arithmétiques, se priver de son pouvoir d'appréciation. Toutefois, il lui est loisible d'assortir sa décision d'une motivation allant au- delà des exigences rappelées au point 73 du présent arrêt, entre autres en indiquant les éléments chiffrés qui ont guidé, notamment quant à l'effet dissuasif recherché, l'exercice de son pouvoir d'appréciation dans la fixation des amendes infligées à l'encontre de plusieurs entreprises ayant participé, avec une intensité variable, à l'infraction.
77. En effet, il peut être souhaitable que la Commission use de cette faculté pour permettre aux entreprises de connaître en détail le mode de calcul de l'amende qui leur est infligée. De façon plus générale, cela peut servir la transparence de l'action administrative et faciliter l'exercice par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction, qui doit lui permettre d'apprécier, au-delà de la légalité de la décision attaquée, le caractère approprié de l'amende infligée. Cependant, cette faculté, comme l'a souligné la Commission, n'est pas de nature à modifier l'étendue des exigences découlant de l'obligation de motivation.
78. En conséquence, le Tribunal ne pouvait, sans violer la portée de l'article 190 du traité, considérer, au point 352 de l'arrêt attaqué, que "la Commission doit, si elle a systématiquement pris en compte certains éléments de base pour fixer le montant des amendes, indiquer ces éléments dans le corps de la décision". De même, il ne pouvait, sans se contredire dans les motifs, après avoir constaté, au point 348 de l'arrêt attaqué, que la décision comportait une "indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par chacune des entreprises en cause", faire état, au point 353 de l'arrêt attaqué, de "l'absence de motivation spécifique dans la décision sur le mode de calcul des amendes".
79. Toutefois, l'erreur de droit ainsi commise par le Tribunal n'est pas de nature à entraîner l'annulation de l'arrêt attaqué dès lors que, compte tenu de ce qui précède, le Tribunal a valablement rejeté, nonobstant les points 349 à 353 de l'arrêt attaqué, le moyen tiré de la violation de l'obligation de motivation concernant le calcul des amendes.
80. Dès lors qu'il n'incombait pas à la Commission, au titre de l'obligation de motivation, d'indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul des amendes, il n'y a pas lieu d'examiner les différents griefs formulés par la requérante et qui reposent sur cette prémisse erronée.
81. Il y a lieu, en conséquence, de rejeter le troisième moyen.
Sur le quatrième moyen
82. Le quatrième moyen invoqué par la requérante est tiré d'un défaut de motivation. D'une part, le Tribunal se serait livré à une appréciation purement abstraite du grief relatif à l'utilisation de l'écu pour la fixation du montant des amendes et à l'inégalité de traitement dont auraient été victimes les entreprises dont la monnaie nationale s'est dépréciée entre 1990, année de référence retenue par la Commission pour fixer le montant des amendes, et 1994, année d'adoption de la décision. D'autre part, il n'aurait pas répondu au grief dirigé à l'encontre de la méthode suivie par la Commission pour calculer le montant de l'amende, du fait de la prise en considération du chiffre d'affaires de la dernière année complète de l'infraction, converti en écus par application du taux de change moyen durant cette année, plutôt que du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédant l'adoption de la décision, visé à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, pour ce qui concerne la limite de 10 % du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise sanctionnée.
83. La requérante ajoute que le choix du chiffre d'affaires de la dernière année de l'infraction ne serait pas de nature à garantir, en toutes circonstances, le caractère proportionné de l'amende à la gravité de l'infraction et à la puissance économique des entreprises sanctionnées, en particulier en raison des fluctuations des taux de change.
84. À cet égard, force est de constater que les points 392 à 404 de l'arrêt attaqué concernent précisément l'utilisation de l'écu pour la fixation du montant des amendes et la question de l'éventuelle discrimination entre les entreprises impliquées dans la même entente. Le grief tiré du défaut de motivation ne saurait en conséquence être retenu.
85. Quant à la légalité de la prise en considération d'une double année de référence, l'une pour la détermination du montant maximal de l'amende, l'autre pour l'appréciation de la taille et de la puissance économique de l'entreprise au moment de l'infraction, il convient de préciser, d'une part, que le plafond prévu à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, pour les amendes d'un montant supérieur à un million d'unités de compte et correspondant à "10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent", se rapporte, ainsi que l'a souligné le Tribunal au point 402 de l'arrêt attaqué, à l'exercice social qui précède la date de la décision. Il est, au demeurant, cohérent de se référer à cet exercice lorsqu'il s'agit de déterminer le montant maximal de l'amende susceptible d'être infligée à une entreprise ayant commis une infraction aux règles de concurrence.
86. D'autre part, lorsqu'il s'agit d'apprécier la taille et la puissance économique d'une entreprise au moment de l'infraction, il convient nécessairement de se référer au chiffre d'affaires réalisé à cette époque et donc d'utiliser les taux de change de celle-ci et non ceux applicables au moment de l'adoption de la décision infligeant l'amende. Dans le cas contraire, la taille respective des entreprises ayant pris part à l'infraction serait faussée par la prise en compte de faits extrinsèques et aléatoires, tels que l'évolution des monnaies nationales au cours de la période ultérieure (voir arrêt du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49-92 P, Rec. p. I-4125, point 165).
87. En l'occurrence, la requérante n'a pas démontré en quoi le Tribunal, en ne remettant pas en cause la méthode de calcul de la Commission fondée sur le chiffre d'affaires de la dernière année complète couverte par l'infraction, aurait violé le règlement n° 17 ou les principes généraux de droit.
88. D'abord, le règlement n° 17 n'interdit pas d'utiliser l'écu pour la fixation des amendes. Ensuite, ainsi que le Tribunal l'a constaté aux points 395 à 399 de l'arrêt attaqué, la Commission a utilisé une seule et même méthode de calcul des amendes infligées aux entreprises sanctionnées pour avoir participé à une même infraction et cette méthode lui a permis d'apprécier la taille et la puissance économique de chaque entreprise ainsi que l'ampleur de l'infraction commise en fonction de la réalité économique telle qu'elle apparaissait à l'époque de la commission de cette dernière.
89. Enfin, en ce qui concerne, en particulier, les fluctuations monétaires, il s'agit d'un aléa susceptible de générer des avantages comme des désavantages, auquel les entreprises sont habituellement appelées à devoir faire face dans le cadre de leurs activités commerciales et dont l'existence, comme telle, n'est pas de nature à rendre inapproprié le montant d'une amende légalement fixé en fonction de la gravité de l'infraction et duchiffre d'affaires réalisé au cours de la dernière année de l'époque de sa commission. En tout état de cause, le montant maximal de l'amende déterminé, en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, en fonction du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédant l'adoption de la décision constitue une limite aux conséquences préjudiciables éventuelles des fluctuations monétaires.
90. Il convient, en conséquence de rejeter le quatrième moyen.
Sur le cinquième moyen
91. Par son cinquième moyen, la requérante estime que la réduction de l'amende à laquelle a procédé le Tribunal est insuffisante au regard de ses constatations concernant la participation de sa filiale Prat Carton à l'entente.
92. Selon la requérante, pour fixer le montant de l'amende à 14 millions d'écus, compte tenu des rectifications qu'il a opérées quant à la durée de l'infraction commise par Prat Carton et quant à l'étendue de sa participation à la collusion, laquelle n'aurait été que marginale, le Tribunal a nécessairement adopté une autre méthode de calcul que celle de la Commission, ce qui aurait entraîné une discrimination entre les entreprises impliquées dans l'entente.
93. En effet, si le Tribunal avait fait application de la méthode de calcul de la Commission, compte tenu des rectifications opérées quant à l'implication de Prat Carton dans l'infraction, le montant de l'amende aurait été inférieur de 250 000 écus.
94. La Commission ne conteste pas le montant de la réduction supplémentaire qui aurait résulté de l'application de sa méthode de calcul, mais fait valoir que la fixation de l'amende relève de la compétence de pleine juridiction du Tribunal.
95. À cet égard, il ressort du point 250 de l'arrêt attaqué que le Tribunal a estimé que la participation de Prat Carton à l'infraction n'était établie qu'en ce qui concerne la collusion sur les prix et sur les temps d'arrêt, mais non sur le gel des parts de marché, et qu'elle couvrait uniquement la période de juin 1990 à février 1991. Aussi le Tribunal a-t-il jugé:
"411 En considération du fait que Prat Carton n'a participé qu'à certains éléments constitutifs de l'infraction et pour une durée plus limitée que celle retenue par la Commission, il y a lieu de procéder à une réduction du montant de l'amende infligée à la requérante.
412 En l'espèce, aucun des autres moyens invoqués par la requérante ne justifiant une réduction de l'amende, le Tribunal, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, fixera le montant de cette amende à 14 000 000 écus."
96. Il importe de rappeler qu'il n'appartient pas à la Cour, lorsqu'elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d'un pourvoi, de substituer, pour des motifs d'équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l'exercice de sa pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit communautaire (arrêt Ferriere Nord/Commission, précité, point 31).
97. Toutefois, l'exercice d'une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes qui leur sont infligées, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.
98. Or, en l'occurrence, il est constant que les amendes ont été fixées par la Commission, à l'égard de l'ensemble des entreprises impliquées dans l'infraction, selon une méthode de calcul qui n'a pas été remise en cause par le Tribunal. Si celui-ci entendait s'écarter spécifiquement, à l'égard de la requérante, de cette méthode ou de certaines appréciations chiffrées de la Commission, il aurait fallu qu'il s'en explique dans l'arrêt attaqué.
99. Il y a lieu, en conséquence, de considérer comme établie la violation par le Tribunal du principe d'égalité de traitement au point 412 de l'arrêt attaqué et d'accueillir le cinquième moyen.
100. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi doit être accueilli en ce qui concerne le point 412 et le point 2 du dispositif de l'arrêt attaqué.
101. Selon l'article 54, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d'être jugé, soit renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il statue. L'affaire étant en état d'être jugée, il y a lieu de statuer définitivement sur le montant de l'amende à infliger à la requérante.
Sur le recours en annulation
102. Compte tenu des points 282 à 411 de l'arrêt attaqué et, en particulier, de ce que la requérante ne peut être tenue pour responsable d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité que pour une collusion sur les prix et sur les temps d'arrêt, d'une part, et pour la période allant de juin 1990 à février 1991, d'autre part, il y a lieu de fixer le montant de l'amende infligée à la requérante à la somme de 13 750 000 euros.
Sur les dépens
103. Aux termes de l'article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.
104. Ayant succombé en la plupart de ses moyens dans le cadre du pourvoi, il y a lieu de condamner la requérante à ses propres dépens ainsi qu'aux deux tiers de ceux de la Commission afférents à la présente instance.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) Le point 2 du dispositif de l'arrêt du Tribunal de première instance du 14 mai 1998, Sarrió/Commission (T- 334-94), est annulé.
2) Le montant de l'amende infligée à Sarrió SA est fixé à la somme de 13 750 000 euros.
3) Le pourvoi est rejeté pour le surplus.
4) Sarrió SA est condamnée à ses propres dépens ainsi qu'aux deux tiers de ceux de la Commission des Communautés européennes afférents à la présente instance.
5) La Commission des Communautés européennes supportera un tiers de ses propres dépens afférents à la présente instance.