CCE, 5 juillet 2000, n° 2001-135
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Nathan-Bricolux
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1216-1999 (2), et notamment, son article 3 et son article 15, paragraphe 2, vu la décision de la Commission du 26 juin 1998 d'engager la procédure dans cette affaire, après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et au règlement n° 99-63-CEE de la Commission du 25 juillet 1963 relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (3), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit:
I. LES FAITS
A. INTRODUCTION
(1) Par lettre du 21 avril 1997, les autorités françaises ont informé la Commission que, lors d'enquêtes réalisées en France dans le secteur de la distribution du matériel éducatif, elles avaient constaté l'existence d'accords anticoncurrentiels concernant plusieurs États membres. Par lettre du 7 juillet 1997, ces autorités ont transmis à la Commission des documents rassemblés au cours de leur enquête.
(2) La Commission a demandé à deux producteurs concurrents français de matériel éducatif et à leurs distributeurs dans plusieurs États membres des renseignements relatifs à leurs relations commerciales, en vertu de l'article 11 du règlement n° 17.
(3) La présente procédure concerne les accords passés entre la société Éditions Nathan et ses distributeurs exclusifs, Bricolux SA en Belgique wallonne, Smartkids en Suède, et Borgione Centro Didattico en Italie.
B. LES PARTIES
(4) Éditions Nathan (ci-après dénommée "Nathan") est une société de droit français, filiale de la société Librairie Fernand Nathan - Fernand Nathan et Compagnie, elle-même filiale du groupe CEP Communication au moment des faits. Après l'absorption de CEP Communication par Havas en 1998, elle- même absorbée par Vivendi, Éditions Nathan est contrôlée en dernier lieu par Vivendi. Vivendi est un groupe diversifié dans des secteurs tels que l'environnement, la construction et, au sein de son pôle communication, l'édition et le multimédia, avec un chiffre d'affaires de 41,5 milliards d'euros en 1999. L'activité de Nathan se développe sur les marchés de l'édition, de l'achat, de la vente et de la diffusion de livres, ouvrages et articles à usage éducatif et culturel. Son chiffre d'affaires en 1996 était de [...] * de francs français ([...] * d'écus). Ses activités dans le domaine du matériel éducatif sont poursuivies dans une division commerciale spécifique, différente de celle des manuels scolaires.
(5) Bricolux SA est une entreprise de droit belge, spécialisée dans la distribution de fournitures scolaires classiques et de matériel éducatif aux écoles en Belgique wallonne et, via une filiale, au Luxembourg. En 1996, son chiffre d'affaires s'établissait à [...]* de francs belges ([...]* d'écus).
(6) Borgione Centro Didattico srl est une société de droit italien qui distribue du matériel pédagogique depuis 1977. En 1996, son chiffre d'affaires était de [...]* de lires italiennes ([...]* d'écus).
(7) Smartkids AB, créée en 1995 est une société de droit suédois qui distribue en Suède le matériel éducatif Nathan depuis 1996. Son chiffre d'affaires en 1997 était de [...]*) de couronnes suédoises ([...]* d'écus).
C. MARCHÉ EN CAUSE
(8) Les accords liant Nathan à ses distributeurs exclusifs concernent le marché du matériel éducatif destiné aux établissements accueillant la petite enfance et déterminent les conditions dans lesquelles les produits contractuels sont distribués dans plusieurs États membres.
1. Produit
(9) Le matériel éducatif inclut des produits conçus pour et ayant pour but principal de contribuer, à travers des activités pédagogiques animées par du personnel qualifié dans les établissements destinés à cet effet, à l'apprentissage et à l'éveil des facultés cognitives, sensitives, motrices et sociales des enfants d'un âge inférieur à neuf ans (4).
(10) Les produits, pris dans leur ensemble, ont vocation à satisfaire tous les besoins de supports pédagogiques des établissements. Ils sont commercialisés essentiellement à l'appui d'un catalogue annuel qui regroupe en un seul support d'offre des centaines d'articles avec d'importants écarts de prix entre eux (5).
(11) Le matériel éducatif peut être regroupé en quatre segments principaux correspondant à des aires de développement différentes, satisfaisant des besoins pédagogiques précis et distincts (6).
- matériels d'éveil et de manipulation, comprenant, notamment les puzzles, lotos, jeux d'encastrements et matériels d'éveil sensoriel,
- matériels d'apprentissage fondamentaux concernant le langage, le graphisme, la technologie, les mathématiques, les activités créatives, etc.,
- équipements d'espaces d'activités tels que les mobiliers de peinture, les coins d'activités et le mobilier de rangement, etc.,
- équipements des espaces de vie comprenant notamment, les jeux en plein air, les matériels de cours de récréation, les cycles et porteurs ainsi que les lits et couchettes adaptés aux établissements.
(12) Du côté de l'offre, les catalogues annuels incluent à la fois des produits de fabrication propre et des produits acquis pour la revente. Aussi le marché est-il structuré en deux niveaux: celui de la production et vente à des distributeurs (premier niveau) et celui de l'achat pour la revente à la demande finale (second niveau). Par exemple, des entreprises bien implantées sur le marché français comme la CAMIF ou Celda qui sont des distributeurs purs, sont en concurrence avec d'autres entreprises qui sont fabricants et distributeurs à la fois, comme Asco, Nathan et Wesco.
(13) Dans le cadre des distributeurs purs (la CAMIF, par exemple), l'achat de produits est diversifié auprès de plusieurs fournisseurs et intégré dans une offre unique au sein du catalogue annuel. Dans le cas des fabricants distributeurs (Wesco, par exemple), l'offre dans le catalogue annuel inclut des produits de fabrication propre et des produits acquis pour la revente qui viennent compléter cette offre. Dans les deux cas, la couverture de l'ensemble des besoins des établissements est visée. Il est néanmoins possible qu'un fournisseur se spécialise dans l'un des segments. Nathan est perçu et réputé comme un spécialiste dans le segment du mobilier adapté à l'enfance et dans celui des jeux éducatifs, sur le marché français. Il bénéficie aussi de la notoriété que lui confère sa forte présence en tant qu'éditeur de livres et manuels scolaires destinés aux écoles primaires et secondaires ([10 et 50 %]* du total des ventes en France). Les ventes de matériel éducatif bénéficient ainsi de la notoriété des manuels.
(14) La demande provient, notamment, des écoles maternelles et primaires, crèches, hôpitaux, centres de loisirs et centres d'éducation spécialisée accueillant la petite enfance. La vente à ces établissements s'appuie sur la prospection commerciale sur place et sur la démonstration. Les produits, les prix, les canaux et les méthodes de distribution ne diffèrent pas substantiellement parmi les différentes catégories d'établissements, qui constituent une demande dissociable par rapport à la vente au détail destinée au grand public.
(15) L'importance relative de chaque segment du marché des produits dépend du contenu des programmes pédagogiques, en particulier pour les établissements scolaires qui constituent la part principale de la demande. Ces programmes déterminent l'importance relative du sport, de la musique, de l'acquisition des mécanismes du langage ou des mathématiques (7). À son tour, l'importance de chaque aire de développement pédagogique détermine le choix et la part relative du segment de matériel éducatif à même d'y satisfaire dans les achats des établissements (8).
(16) Les choix des autorités chargées de l'équipement des établissements dans le secteur public et ceux des enseignants, animateurs et directeurs d'établissements dans le secteur privé influent aussi directement sur le volume et la composition précise des achats de matériel éducatif des établissements; cela n'est pas le cas pour la vente au détail au grand public.
(17) Contrairement aux articles vendus dans le commerce de détail, le matériel éducatif vendu aux établissements doit se prêter à l'usage collectif. Cela se traduit dans l'utilisation de matières résistantes et de formes adaptées à cet usage. En outre, n'étant pas destiné à être vendu en rayon pour le consommateur final, l'emballage joue un rôle commercial moindre que pour des articles voisins vendus dans le commerce de détail (jouets, jeux, matériel graphique).
(18) Les différences dans l'emballage des produits, dans les canaux et les méthodes de distribution (catalogue, action commerciale ou démonstration ciblée) et les besoins spécifiques des établissements distinguent aussi le matériel éducatif par rapport aux marchés voisins des fournitures scolaires classiques (crayons, papiers, livres, etc.), manuels scolaires et de l'équipement audiovisuel ou informatique, quand bien même ces derniers font aussi l'objet d'achats de la part des établissements accueillant la petite enfance et entrent dans l'arbitrage que ceux-ci effectuent dans le cadre de leur budget.
(19) En conclusion, il apparaît donc que la fabrication et la distribution de matériel éducatif destiné aux établissements accueillant la petite enfance constituent un marché distinct par rapport aux marchés voisins pouvant être identifiés.
(20) Ce marché est à son tour divisé en segments de produits qui satisfont à des exigences pédagogiques distinctes ou présentent des écarts de prix considérables. Nathan a modifié l'appréciation qu'elle avait fournie à la Commission selon laquelle le matériel éducatif englobait des marchés de produits distincts. Contrairement à l'appréciation initiale communiquée par Nathan à la Commission (9), ces segments ne sont pas des marchés de produits distincts de matériel éducatif. C'est donc bien le matériel éducatif qui constitue le marché pertinent en l'espèce.
2. Marché géographique
(21) Hormis les produits où la composante linguistique est prépondérante, les producteurs et les importateurs intègrent la pluralité des cultures et des pratiques dans la conception du matériel. La production et la vente de matériel éducatif au premier niveau de distribution n'ont pas une dimension uniquement nationale. Pour les principales entreprises actives sur le marché français, les achats en provenance d'autres États membres (produits revendus tels quels ou composants) représentent 25 % environ du total.
(22) À l'instar d'autres fabricants, Nathan produit et distribue des produits dont l'utilisation n'est pas subordonnée à la connaissance d'une langue. Cela rend possible leur diffusion hors de la France. Les ventes de producteurs français via des distributeurs établis dans d'autres États membres représentent 12 % de leurs ventes dans la Communauté. De même faut-il signaler la forte internationalisation du marché belge au niveau des sources d'approvisionnement des distributeurs, l'essentiel des produits distribués étant importé d'autres États membres.
(23) En revanche, les conditions de concurrence au second niveau de distribution (vente aux établissements) ne sont pas homogènes dans le marché commun. Tous les États membres disposent d'établissements accueillant la petite enfance. Néanmoins, les orientations réglementaires, pouvant être déterminées au niveau national ou local, jouent un rôle crucial dans la détermination des programmes pédagogiques des établissements (10). La nature du matériel éducatif acheté et la périodicité de son renouvellement peuvent différer selon les États membres.
(24) Le cadre réglementaire régissant les achats des établissements diffère aussi d'un État membre à l'autre. Ainsi, les dotations budgétaires dont disposent les établissements et les procédures de passation de marchés ont une incidence déterminante sur leurs choix, selon qu'ils appartiennent au secteur public, au secteur privé sous contrat ou au secteur privé libre (11). Le rapport entre le pourcentage d'enfants accueillis dans des établissements publics ou privés (subventionnés ou non) est aussi très variable selon les États membres (12).
(25) L'existence de compétences réglementaires et budgétaires en matière d'éducation qui sont exercées au niveau local dans la plupart des États membres, peut ainsi délimiter des marchés plus étroits que le marché national. Par exemple, la répartition de compétences en matière d'enseignement, les différences dans les programmes et les habitudes culturelles scindent le marché belge entre les communautés française et flamande (voir considérant 34).
(26) En outre, si la qualité des produits et leur adéquation pédagogique sont une condition nécessaire pour le développement des ventes, celle-ci doit aussi s'appuyer impérativement sur la présence commerciale locale, notamment aux fins de la démonstration sur place. De surcroît, eu égard à l'importance des coûts de transaction par rapport à la valeur des commandes qu'aurait une mise en concurrence effective de fournisseurs de plusieurs États membres, voire de plusieurs régions dans certains États membres, les établissements compte tenu des contraintes budgétaires, s'approvisionnent essentiellement au niveau local, régional ou national.
(27) Par exemple, les ventes directes ou indirectes au client final dans d'autres États membres de la part des distributeurs qui n'interviennent qu'au second niveau sur le marché français sont insignifiantes (moins de 1 % du total dans le marché commun). En comparaison, la part des ventes dans le marché commun, hors de la France, des producteurs/distributeurs français intervenant sur les deux niveaux de distribution (Nathan, Edrasco/Asco, Wesco) est douze fois plus importante.
(28) Il découle de ces facteurs que la dimension géographique pertinente pour le marché de la production et de la distribution de gros du matériel éducatif concerne plusieurs États membres au niveau de l'offre, comme l'attestent les accords que Nathan a conclu et qui font l'objet de la présente procédure. La vente au détail et la demande finale, cependant, sont plutôt confinées à une dimension nationale ou régionale.
3. Position des parties
(29) La valeur du marché pertinent dans les États membres concernés doit être approchée par une estimation d'ordre de grandeur (13). En raison d'une grande dispersion de l'offre et de la demande, par ailleurs hétérogène, les statistiques publiques ne dissocient pas les achats de matériel éducatif d'autres dépenses de fonctionnement des centres scolaires et ne retracent pas les achats d'établissements scolaires privés et, a fortiori, ceux d'autres centres accueillant la petite enfance tels que les colonies de vacances et les hôpitaux, par exemple.
(30) En 1997, Nathan a réalisé un chiffre d'affaires total de [entre 75 000 000 et 100 000 000 de francs français]* sur le marché du matériel éducatif dans la Communauté, dont [entre 65 millions et 90 millions de francs français]* en France. Les ventes à Borgione, Smartkids et Bricolux, pour une valeur de [...]* représentaient [moins de 10 %]* du total des ventes dans la Communauté et [moins de 10 %]* des ventes de Nathan en France.
a) Communauté
(31) À titre indicatif, il est possible d'estimer pour 1997 un ordre de grandeur de 3 774 millions de francs français pour le total du marché communautaire en valeur (14). Nathan et Edrasco/Asco, premier et deuxième fabricants/distributeurs français auraient détenu environ 5 % du total en 1997, dont [moins de 5 %] * pour Nathan.
b) France
(32) Sur la base des estimations des entreprises interrogées, les neufs principaux intervenants détiendraient 57,6 % du marché français. La valeur de celui-ci peut être estimée à 654 862 000 francs français en 1997 (15). Le ratio de dépenses en matériel éducatif par enfant qui en résulte est de 89 francs français, toutes catégories d'établissements confondues. En conséquence, la part de marché de Nathan se situerait à [entre 5 et 15 %]*.
(33) Peu de données agrégées fiables existent en ce qui concerne les différents segments du marché des produits. Au sein des différentes catégories d'établissements, sur l'ensemble du matériel éducatif destiné aux écoles maternelles publiques françaises, Nathan détenait [entre 5 et 15 %]* en 1995. Sur le plan des différents segments de produits, la position de Nathan en France était alors importante sur les segments du matériel d'apprentissage et des jeux [entre 10 et 25 %]* et du mobilier [entre 25 et 35 %]*(16).
c) Belgique francophone
(34) La répartition des compétences en matière d'enseignement, les différences dans les programmes et les habitudes culturelles scindent le marché belge entre les communautés française et flamande. Aussi, les distributeurs interrogés vendent-ils soit en Flandre et à Bruxelles soit en Wallonie et à Bruxelles, mais pas en Wallonie et en Flandre. On peut également remarquer que les produits Nathan sont distribués par des distributeurs différents en Flandre et en Wallonie, tout comme les produits Asco.
(35) En Belgique francophone, objet de l'exclusivité territoriale conférée à Bricolux, la valeur totale du marché se situe aux alentours de 42 542 000 francs français (17). Cela fait apparaître une part de marché de [entre 5 et 15 %]* pour Bricolux sur des produits Nathan en 1997 (18).
d) Italie
(36) La valeur du marché italien pour 1997 peut être estimée à 491 003 000 francs français, tous établissements confondus (19), même si Borgione opère comme distributeur de matériel scolaire seulement pour des centres provinciaux du ministère italien de l'éducation (Direzioni Didattiche, 59 %), des municipalités (comuni, 31 %) et d'autres revendeurs (10 %). Le matériel Nathan représente [entre 20 % et 30 %]* de son chiffre d'affaires.
(37) Compte tenu des ventes en produits Nathan, majorées de la marge commerciale de Borgione, la part de Nathan se situerait [en-deça de 5 %]*. Tout comme Borgione (20), les distributeurs italiens contactés confirment ne pas effectuer de ventes de matériel éducatif en dehors de l'Italie.
e) Suède
(38) Compte tenu de la population d'un âge inférieur à neuf ans, la taille du marché peut être estimée à 102 430 000 francs français pour 1997. Par rapport à des ventes de produits Nathan estimées à [moins de 5 millions]* de couronnes suédoises, la part de marché sur ces derniers aurait été [inférieure à 5 %]* cette année-là.
D. LE RÉSEAU DE DISTRIBUTION DE NATHAN EN EUROPE ET LES ACCORDS CONCLUS AVEC SES DISTRIBUTEURS EXCLUSIFS
1. Réseau de distribution Nathan
(39) Nathan assure directement [entre 50 et 70 %]* des flux de distribution de ses produits en France, soit via des représentants (agents commerciaux VRP) à hauteur de [moins de 30 %]*, soit par commande sur catalogue au siège [entre 30 % et 40 %] * du total. Des grossistes [moins de 5 %]* et des libraires détaillants [moins de 50 %]* revendent aussi les produits Nathan aux différents établissements ou à des particuliers (21). Nathan est donc actif sur le marché en amont de la production et de la vente à ses distributeurs et aussi, de façon significative, sur celui en aval de la distribution directe aux établissements en France. Aussi une source concurrente d'approvisionnement en produits Nathan pour la revente en France se situe-t-elle potentiellement dans la réimportation de produits commercialisés via le réseau en dehors de la France.
(40) Dans la Communauté, les produits Nathan sont distribués dans onze États membres via un réseau d'une vingtaine de distributeurs. Les ventes à ceux-ci représentent [moins de 20 %]* environ du chiffre d'affaires de Nathan sur le matériel éducatif. En Espagne/Portugal, en Italie, en Belgique wallonne et francophone, en Suède, en Finlande et, pour certains produits, au Royaume-Uni/Irlande, un distributeur local jouit de l'exclusivité territoriale pour la revente (22).
2. Accords de distribution conclus avec certains distributeurs exclusifs
a) Italie
(41) Le contrat de distribution conclu entre Nathan et Borgione le 1er avril 1993 confère à ce dernier l'exclusivité des matériels éducatifs Nathan figurant à son catalogue annuel "matériel éducatif" pour l'Italie. Il stipule le prix de cession [inférieur à 55 %]* appliqué par Nathan à Borgione sur la base du prix taxes incluses figurant au catalogue Nathan pour la France. Ces prix sont garantis pendant un an. Le contrat, conclu initialement pour une durée de deux ans, est reconduit depuis.
(42) Selon l'article 2 du contrat, cette exclusivité concerne: "la vente directe à tous les établissements de langue italienne préélémentaires et élémentaires, notamment écoles, haltes-garderies, crèches, centres de loisirs, situés dans les territoires italiens...". Borgione s'engage, de son côté "à ne pas commercialiser ces produits en dehors du territoire objet de l'exclusivité" et "à ne pas commercialiser des produits concurrents aux produits édités par Nathan" (article 3 du contrat).
(43) Aux termes de l'article 3 du contrat, Borgione s'engage aussi: "À fournir à Nathan la liste des prix auxquels Borgione propose les produits Nathan sur son secteur. Ces prix, convertis en francs français, sont supérieurs de 5 % au maximum au prix de vente en France des mêmes produits par Nathan".
(44) Cette disposition afférente aux prix maximaux est complétée par l'article 10 du contrat qui stipule que, en ce qui concerne les conditions commerciales appliquées à la vente du matériel Nathan, "Borgione ... s'abstiendra de tout comportement commercial (promotion, rabais, ristourne, liquidation ... ) de nature à porter atteinte à la marque Nathan. Borgione pourra solder les articles Nathan arrivés en fin d'exploitation".
(45) D'après les estimations de Nathan, les différentiels entre le prix de vente pratiqué par Borgione et celui du catalogue Nathan pour la France en 1997 vont de [- 15 à - 25 %]* à [+ 15 % à + 25 %]* (23).
b) Suède
(46) Smartkids opère comme distributeur en Suède depuis 1995. Environ la moitié de son chiffre d'affaires en 1997 se faisait sur du matériel Nathan. Smartkids opère sur un marché relativement éparpillé et se situe en Suède au troisième rang des distributeurs de matériel éducatif, hors manuels et logiciels.
(47) Le contrat de distribution conclu entre Nathan et Smartkids le 1er juillet 1996 confère à ce dernier l'exclusivité des matériels éducatifs Nathan figurant à son catalogue annuel "Matériel éducatif" pour "la vente à tous les établissements suédois préélémentaires et élémentaires, notamment écoles, haltes-garderies, crèches, centres de loisirs situés en Suède" (article 2).
(48) Le contrat stipule le prix de cession appliqué par Nathan à Smartkids sur la base [inférieure à 55 %]* du prix hors taxes (TVA exclue) figurant au catalogue Nathan pour la France. Ces prix sont garantis pendant un an. Smartkids s'engage à "ne pas commercialiser ces produits en dehors du territoire objet de l'exclusivité", à "ne pas commercialiser des produits concurrents aux produits édités par Nathan. À ne diffuser aucun produit Asco" et à se mettre d'accord avec Nathan sur la non-concurrence d'autres produits diffusés par Smartkids (article 3 du contrat).
(49) Aux termes de l'article 3 du contrat, Smartkids s'engage: "À fournir à Nathan la liste des prix auxquels Smartkids propose les produits Nathan en Suède. Ces prix hors taxes, convertis en francs français, devront être inférieurs au (sic) égaux aux prix Nathan hors taxes multipliés par un facteur de 1,6".
(50) Tout comme dans le cas de Borgione, le contrat de Nathan avec Smartkids stipule, en ce qui concerne les conditions commerciales appliquées à la clientèle, que ce dernier: "s'abstiendra de tout comportement commercial (promotion, rabais, ristourne, liquidation ... ) de nature à porter atteinte à la marque Nathan. Smartkids pourra solder les articles du catalogue Nathan arrivés en fin d'exploitation".
(51) D'après les estimations de Nathan, les différentiels entre le prix de vente pratiqué par Smartkids et celui du catalogue Nathan pour la France en 1997 vont de [+ 40 % à + 50 %]* à [+ 75 % à + 85 %]* (24).
3. Belgique francophone
(52) Depuis 1986, Bricolux distribue le matériel Nathan en Belgique. Les relations commerciales entre Nathan et Bricolux restent fondées sur les usages commerciaux et ne sont pas formalisées par un contrat écrit. Depuis août 1992, les parties sont en négociation sur un tel contrat, n'ayant pu à ce jour coucher par écrit en un seul document les termes régissant leur relation commerciale. Il ressort des courriers échangés entre les parties que Bricolux jouit de l'exclusivité territoriale de fait dans la distribution des matériels éducatifs Nathan figurant à son catalogue annuel "Matériel éducatif" pour le territoire de la Belgique francophone.
(53) Un projet de contrat proposé par Nathan, daté du 12 novembre 1992, (2 septembre 1993 d'après Bricolux) comportait, dans son article 3, pour Bricolux de "ne pas commercialiser ces produits (Nathan) en dehors du territoire objet de l'exclusivité". L'exclusivité concernait aussi des établissements préélémentaires et élémentaires, et comportait l'obligation pour Bricolux de servir toute commande émanant de revendeurs.
(54) Aux termes du projet de contrat du 2 septembre 1993, Bricolux devait aussi "fournir à Nathan la liste des prix auxquels Bricolux propose les produits Nathan sur son secteur. Ces prix, convertis en francs français, devront être équivalents au prix de vente en France des mêmes produits par Nathan avec une variation possible de + ou - 10 %".
(55) Bricolux a répondu, par lettre du 5 novembre 1993, dans les termes suivants: "S'il est clair que le but à terme est d'arriver à vendre un produit Nathan au même prix en Europe, il est tout aussi évident que ce projet n'est pas simple à réaliser. ..." (25).
(56) Dans un courrier du 13 janvier 1994, Nathan (26), prenant acte de l'absence de signature du contrat précité, en vue de définir les conditions régissant ses relations commerciales avec Bricolux pour 1994, a accepté la proposition de fixation de l'évolution des prix par Bricolux en ces termes: "Nous acceptions pour 1994 que les prix de ventes maximaux pour des produits Nathan soient en Belgique les prix de vente français, convertis en francs belges, + 15 %. Mais nous souhaitons que chaque fois que cela sera possible, vous pratiquiez les mêmes prix qu'en France". Cette lettre stipule un prix d'achat pour Bricolux [inférieur à 55 %]* sur le prix catalogue Nathan France hors taxes pour 1994 ([moins de 55 %]* taxes incluses).
(57) La recherche de conditions commerciales similaires pour les produits Nathan en Europe se retrouve dans un courrier à Bricolux où Nathan fait état de leurs conversations: "Nous avons également évoqué le problème des remises aux revendeurs. Il me semble que la remise de [...]* accordée par Bricolux à ses distributeurs est trop élevée. Je vous rappelle que Nathan accorde une remise de [entre 15 % et 25 %]* aux libraires, ce qui permet une maîtrise du prix de vente aux écoles". Lorsqu'il est arrivé en 1991 à Larousse, filiale comme Nathan de CEP Communication, de commercialiser ponctuellement du matériel Nathan en Belgique, Larousse s'est engagé auprès de Bricolux dans les termes suivants: "Si le matériel éducatif apparaît dans les catalogues Nathan et MDI, notre rôle se bornera soit à vous transmettre la commande pour son exécution, soit à l'honorer au titre de dépannage. Nous alignerons nos prix de vente sur ceux pratiqués par Bricolux" (27).
(58) Dans un courrier daté du 24 janvier 1994 où Bricolux rejetait, avec d'autres dispositions du projet de contrat, toute clause permanente de fixation de prix de revente, Bricolux a fait état d'avoir suivi les instructions de Nathan pour la fixation de certains produits dans les termes suivants: "Nous tenons quand même à vous signaler que nous avons marqué notre accord pour respecter en 1994 les points jaunes c'est-à- dire des prix de revente en baisse ou les mêmes qu'en 1993" (28). Sur ces produits, Bricolux répercutait mécaniquement la baisse ou le gel des prix en France sur les mêmes articles, à coefficient de marge inchangé.
(59) Après réception de cette information, en réponse à une question de la Commission sur l'existence et le caractère ponctuel d'opérations promotionnelles, Bricolux expliquait que: "Lors d'une foire professionnelle (au maximum deux fois par an), nous pouvons également faire une remise. Mais, en général, nous ne faisons pas ponctuellement des opérations promotionnelles, on ne vend pas du matériel didactique comme la vente en foire" (29).
(60) D'après les estimations de Nathan, les différentiels entre le prix de vente pratiqué par Bricolux et celui du catalogue Nathan pour la France en 1997 vont de [- 60 à - 50 %]* à [+ 25 % à + 35 %]* (30).
(61) Parmi ses revendeurs de matériel Nathan, Bricolux a conclu en 1990 un contrat d'exclusivité avec la librairie La Découverte à Bruxelles. Ce contrat ayant été rompu par Bricolux en janvier 1993, La Découverte s'est approvisionnée en matériel Nathan auprès d'un autre distributeur en France, la librairie Vauban à Maubeuge (31). Les livraisons avaient lieu en France, à l'initiative de La Découverte, en vue de la revente en Belgique wallonne et à Bruxelles. Afin de faire cesser ce commerce parallèle vers son territoire exclusif, Bricolux a écrit à la librairie Vauban en ces termes: "En confirmation de notre conversation téléphonique et de la lettre que vous a adressée Monsieur Grimbert de Nathan, nous tenons à mettre les choses au point comme suit: ... Dans ces conditions, nous exigeons une lettre de votre part nous assurant que vous n'effectuerez plus AUCUNE (sic) livraison à La Découverte. ... c'est tout simplement que depuis près de deux ans, nous pistons La Découverte pour connaître ses sources et que c'est seulement en ce début mars que nous détenons la preuve formelle que c'est bien la librairie VAUBAN qui est en cause" (32).
(62) La lettre de Nathan à laquelle fait référence Bricolux date du 21 mars 1995 et précise à Vauban: "Suite à notre conversation téléphonique du 20 mars, je tiens à vous confirmer que nous avons en Belgique un distributeur exclusif, avec qui nous développons depuis plusieurs années notre présence sur ce marché. Nous ne souhaitons pas qu'il soit déstabilisé par des interventions commerciales extérieures. Ce distributeur peut, pour des raisons tout à fait légitimes qu'il ne manque pas de nous exposer avant toute prise de décisions, refuser de servir certains clients" (33).
(63) En réponse aux souhaits de Vauban de continuer à approvisionner La Découverte, Bricolux la menaçait en ces termes: "Comme votre lettre (du 14 avril 1995) semble indiquer que vous continuerez votre action sur la Belgique, nous vous confirmons que nous allons inonder les mairies et les écoles du Nord de la France en catalogues Nathan et Bricolux à des prix qui vont, sans conteste, vous faire passer pour des usuriers auprès de toute votre clientèle. Voyez si vraiment le jeu en vaut la chandelle et si vous souhaitez une guerre commerciale au finish. Informez-vous donc auprès de Nathan; ils vous confirmeront que (...), nous avons de puissants moyens de matérialiser nos souhaits" (34).
(64) Que Bricolux ait envisagé de faire une concurrence active en dehors de son territoire exclusif, uniquement en réponse à la concurrence qu'il subissait sur son propre territoire, est attesté par son courrier du 20 novembre 1995 aux autorités françaises de la concurrence, qui ont ensuite renvoyé l'affaire à la Commission: "Il est évident que si un libraire ayant pignon sur rue à Bruxelles, distribue des catalogues Nathan français qu'il reçoit de la librairie Vauban, y ajoute un prix courant en francs belges et vend dans notre clientèle, il nous cause bien sûr un lourd préjudice financier et moral puisqu'il y va de la perte de notre crédibilité". Bricolux omet de signaler que ces ventes à sa clientèle en général, pour concurrencer les siennes, doivent s'appuyer sur des prix ou des services plus attrayants que ceux qu'il offre. La lettre se poursuit ainsi: "... Si je peux comprendre qu'ils ne peuvent refuser de vendre dans leur magasin, ce qui serait contraire au traité de Rome, il leur est bien sûr interdit de faire des offres et de facturer en Belgique une marchandise Nathan ou Asco dont ils savent que ces ventes sont protégées par un contrat d'exclusivité ... si en Belgique nous avons des contrats d'exclusivité, en France le marché est totalement libre. Qui nous empêcherait donc demain de saupoudrer le Nord de la France de nos catalogues Bricolux, Nathan et Asco avec des prix tels qu'ils feraient passer la librairie Vauban pour de fieffés coquins ?" (35).
(65) À défaut de s'engager dans une concurrence active, des solutions alternatives au problème que posait Nathan ont été aussi évoquées en parallèle avec Nathan. Des moyens ont été envisagés dès 1995 pour éviter que Bricolux "soit perturbé" par Vauban, comme expliqué à Bricolux par Nathan: "Vauban: j'étudie avec le directeur commercial pour la France un moyen de faire pression pour l'empêcher de livrer La Découverte et les écoles belges. Là encore, je vous informerai de la suite que nous donnons à ce dossier. Malheureusement, les directives européennes nous empêchent de ne pas les livrer" (36). Il apparaît donc que Vauban livrait aussi les écoles belges directement, ce qu'il s'agissait d'empêcher.
(66) Deux ans après, Bricolux a porté à la connaissance de Nathan la poursuite d'importations parallèles en Belgique à partir de la France: "En confirmation de nos entretiens de 1995 et 1996 concernant l'importation parallèle en Belgique des produits Nathan, nous vous confirmons que La Découverte distribue toujours le catalogue français 1997 Nathan avec des prix belges comme nous et s'approvisionne toujours chez Vauban ou chez un autre libraire français. Je croyais que les remises supprimées ne permettraient plus ce genre de fantaisie" (37).
(67) L'association de Nathan aux démarches comminatoires vis-à-vis de la librairie Vauban est confirmée par Bricolux dans une autre lettre plus de deux ans après les premières pressions exercées sur la librairie Vauban: "M. Grimbert m'a soutenu qu'en supprimant les remises à Vauban la chose deviendra caduque. Vous verrez sur le document annexe qu'il n'en est rien et que La Découverte continue à vendre du Nathan court-circuitant nos propres accords et nous causant un préjudice moral et commercial" (38)
II. APPRÉCIATION JURIDIQUE
A. ARTICLE 81, PARAGRAPHE 1, DU TRAITÉ
(68) Aux termes de l'article 81, paragraphe 1, du traité : "Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises ... qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte le prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction ... et répartir les marchés et les sources d'approvisionnement ..."
1. Accords entre entreprises
(69) Nathan, ses distributeurs exclusifs Bricolux, Borgione, Smartkids et ses autres distributeurs dans d'autres États membres accomplissent l'activité économique de produire ou d'acheter des biens pour la revente et sont donc des entreprises au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité.
(70) Nathan a conclu avec Borgione un accord de distribution exclusive pour le territoire de l'Italie qui régit leur relation commerciale depuis 1993 et dont les termes sont décrits aux considérants 41 à 45 de la présente décision. Nathan a aussi conclu avec Smartkids un accord de distribution exclusive pour le territoire de la Suède qui régit leur relation commerciale depuis 1995 et dont les termes sont décrits aux considérants 46 à 51. Bricolux, en accord avec Nathan, distribue depuis 1986 le matériel éducatif Nathan en Belgique wallonne et francophone dans des termes et selon la pratique qui ressortent de la description figurant aux considérants 52 à 67. De même, Nathan vend ses produits pour la revente à des distributeurs indépendants sans exclusivité territoriale en France et dans d'autres États membres (voir considérants 39 et 40).
(71) Les stipulations des contrats d'exclusivité conclus entre Nathan et ses distributeurs Borgione et Smartkids, tout comme les termes selon lesquels Nathan et Bricolux, conjointement, interprètent ou mettent en œuvre l'exclusivité commerciale de Bricolux dans la distribution du matériel Nathan au sein du réseau de distribution Nathan, sont des accords entre entreprises au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité.
2. Objet ou effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence
(72) Les accords conclus entre Nathan, Borgione, Smartkids et Bricolux ont pour objet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun dans la mesure où ils visent à isoler les territoires en empêchant ou en restreignant les ventes parallèles à l'intérieur ou à l'extérieur de ceux-ci et à fixer des niveaux de prix de revente.
a) Restrictions des ventes parallèles à l'intérieur des territoires contractuels et vers l'extérieur de ceux-ci
(73) En vertu des accords conclus avec Borgione et Smartkids, Nathan leur confie, pour l'Italie et la Suède respectivement, l'exclusivité de la vente à tous les établissements préélémentaires et élémentaires, hormis ceux dépendant du ministère français de l'éducation nationale. Cette exclusivité fait aussi partie des accords existant entre Nathan et Bricolux, pour la Belgique wallonne et francophone. Dans ce cadre, Nathan s'engage à transmettre à ces distributeurs les commandes émanant de ces secteurs et, donc, à ne pas approvisionner directement ces territoires.
(74) Les accords entre Nathan, Borgione et Smartkids comportent pour ces derniers l'obligation de ne pas commercialiser ces produits en dehors du territoire objet de l'exclusivité.
(75) En ce qui concerne des accords destinés à l'intérieur de la Communauté, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé qu'"un accord ayant pour objet de priver le revendeur de la liberté de choisir ses clients en lui imposant de revendre aux seuls clients établis dans le territoire contractuel est restrictif de concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité" (39).
(76) Cette obligation de respect absolu du territoire exclusif présente aussi dans les accords avec Bricolux, est confirmée par la mise en œuvre qu'en font Nathan et Bricolux. En effet, ce dernier s'abstient de vendre en dehors de son territoire exclusif et n'envisage de le faire que comme moyen de représailles commerciales vis-à-vis d'un autre distributeur, Vauban, qui transgresse son exclusivité en vendant des produits Nathan directement ou indirectement vers la Belgique wallonne et francophone, comme il ressort des lettres de Bricolux (voir considérants 63 et 64). En l'occurrence, il s'agissait de la vente et de la livraison en France à La Découverte, un distributeur concurrent de Bricolux revendant en Belgique.
(77) C'est l'exclusivité de Bricolux qui est invoquée par Nathan auprès de Vauban à l'occasion des ventes d'un distributeur belge concurrent vers le territoire de Bricolux afin que celui-ci n'y soit pas déstabilisé par des interventions commerciales extérieures de la part d'autres distributeurs (voir considérant 62). L'exclusivité, telle que comprise par Nathan, s'oppose légitimement, donc, à de telles ventes. C'est expressément la clientèle des écoles belges dans le territoire de Bricolux que Nathan vise à préserver en étudiant les moyens de pression pour empêcher Vauban de la livrer (voir considérant 65). Ce sont aussi ces mêmes accords d'exclusivité entre eux et les assurances données par Nathan qu'invoque Bricolux auprès de Nathan pour se plaindre à nouveau de leur violation par les ventes à son concurrent belge (voir considérant 67).
(78) La Cour a jugé qu'"un accord qui impose au revendeur de ne pas revendre les produits contractuels en dehors du territoire contractuel a pour objet d'exclure les importations parallèles à l'intérieur de la Communauté et de restreindre ainsi la concurrence dans le marché commun. De telles clauses, qui s'insèrent dans des contrats de distribution à l'intérieur de la Communauté, constituent donc, par leur nature même, une restriction de concurrence." (40)
(79) Les accords entre Nathan et ses distributeurs exclusifs empêchant la commercialisation en dehors du territoire, tels qu'illustrés par leur mise en œuvre, visent donc à empêcher ou à restreindre les ventes à des distributeurs concurrents susceptibles de vendre à l'intérieur d'un territoire exclusif ou à des clients situés dans ce territoire. Par ce biais, ils excluent le commerce parallèle et confèrent une protection territoriale absolue au sein des territoires exclusifs.
(80) De même, en empêchant ces distributeurs exclusifs de commercialiser les produits Nathan à l'extérieur de leur territoire, les accords visent à protéger le réseau de distribution Nathan et les différents territoires des États membres en dehors de la Belgique francophone, de l'Italie et de la Suède, contre les ventes de Bricolux, Borgione et Smartkids. Ces territoires incluent notamment la France, la protection concernant, dans ce cas, les deux cents distributeurs indépendants de Nathan (libraires et grossistes), voire les ventes de Nathan elle-même.
(81) Il est constant que, compte tenu du différentiel entre le prix payé par les distributeurs français, [de 15 à 25 %]* de remise sur le prix de catalogue (voir considérants 39 et 57), et celui payé par les distributeurs exclusifs hors France, [inférieurs à 55 %]* hors taxes ou [inférieur à 65 %]* taxes incluses (voir considérants 41, 48 et 56), ces derniers sont à même de concurrencer potentiellement les distributeurs français.
(82) Il apparaît que Borgione et Bricolux, qui tous deux se situent en zone frontalière de la France, ont pratiqué des prix inférieurs de [...]* (voir considérants 45 et 60) à ceux du catalogue Nathan en France sur certains produits. Des distributeurs français concurrents auraient difficilement pu offrir des prix plus bas sur les mêmes produits. La possibilité d'offrir des prix plus bas en France est d'ailleurs évoquée par Bricolux à titre d'avertissement uniquement pour le cas où son territoire exclusif ne serait pas respecté (voir considérants 63 et 64).
(83) C'est d'ailleurs le souci de restreindre la concurrence hors territoire exclusif qui explique la demande faite par Nathan à Bricolux pour qu'il pratique le même prix qu'en France (voir considérant 56) ou son admonestation lorsque Nathan estime que les remises [...]* que Bricolux accorde à ses distributeurs sont trop élevées par rapport à celles de [15 à 25 %]* que Nathan accorde aux siens en France. Ce même souci d'harmonisation de prix des produits Nathan se retrouve chez Larousse Belgique, filiale comme Nathan du groupe CEP Communication à l'époque des faits (voir considérant 57).
(84) En principe, le bénéfice dégagé par Nathan sur ses ventes totales ne devrait pas dépendre directement des remises ou des prix que Bricolux pratique ensuite dans son territoire exclusif. Toutefois, les ventes directes ou indirectes d'un distributeur qui réexporte hors territoire exclusif peuvent concurrencer les ventes directes de Nathan en France ([entre 50 et 70 %]* du total) ou celles de ses distributeurs ([entre 30 et 50 %]* restants), qui peuvent laisser une marge commerciale plus ample pour Nathan que celles faites à Bricolux et Borgione.
(85) Dans ce contexte, l'obligation de ne pas commercialiser les produits contractuels en dehors du territoire exclusif empêche les clients potentiels, notamment français, de bénéficier de tels prix plus bas et restreint la concurrence avec les distributeurs libraires locaux et avec Nathan lui-même, dans son activité de distributeur direct aux établissements. Ce sont aussi les établissements belges qui pâtissent, en dernier ressort, de la restriction de concurrence qui résulte de la limitation des ventes de distributeurs français soit vers ces clients sis dans le territoire de Bricolux, soit vers des distributeurs belges concurrents de Bricolux s'approvisionnant en France pour revendre en Belgique.
b) Fixation de niveaux de prix de revente
(86) La restriction à la liberté de commercialiser en dehors du territoire exclusif ou vers celui-ci est complétée et appuyée, dans le cas de Borgione et de Smartkids, par l'interdiction de toute promotion, tout rabais, toute ristourne ou toute liquidation de nature à porter atteinte à la marque Nathan(voir considérants 44 et 50). Même à défaut de définition explicite et objective du niveau à partir duquel une promotion, un rabais ou une ristourne nuisent à l'image de marque, l'autonomie de Borgione et de Smartkids d'accorder des rabais est restreinte, comme ils ne sauraient l'ignorer, par rapport à une situation où ils seraient totalement libres de fixer leur prix total, à savoir, le prix de catalogue moins les rabais, ristournes ou promotions. La concurrence sur les prix en est faussée ou restreinte d'autant, ainsi que la Commission l'a estimé dans le passé à l'égard de ce genre de clause dans sa décision 87-17-CEE (IV/30937 - Pronuptia) (41). Aussi cette clause peut-elle être invoquée notamment au cas où ils accorderaient des remises plus importantes que celles que Nathan accorde à ses distributeurs en France, ce que Nathan a enjoint à Bricolux de ne pas faire.
(87) En revanche, la Commission n'estime plus, désormais, que l'obligation d'appliquer un prix de revente maximal, à savoir, en l'espèce un coefficient multiplicateur du prix de vente pratiqué en France par Nathan sur les mêmes produits(voir considérants 43 et 49), soit restrictive de concurrence en tant que telle(voir la communication de la Commission sur l'applications des règles de concurrence communautaires aux restrictions verticales) (42). Toutefois, le prix maximal imposé sert de plafond pour établir une fourchette de prix de revente dont l'interdiction de rabais promotionnels est le plancher. Il en résulte que les accords fixent ainsi un niveau déterminé, quoique ample, de prix effectif (rabais et ristournes compris) de revente.
(88)Or, la fixation d'un niveau de prix de revente fausse l'évolution des prix sur le marché et a pour objet de restreindre la concurrence. D'une part, le distributeur ne peut faire abstraction des engagements contractuels qui limitent sa liberté dans la définition de sa politique de prix. D'autre part, la politique de Nathan vise à harmoniser artificiellement les prix et rabais par rapport à ceux pratiqués en France. La fixation de prix visant à fausser l'évolution normale des prix sur le marché est explicitement visée par l'article 81, paragraphe 1, point a), du traité, ainsi que le rappelle le Tribunal de première instance des Communautés européennes (43).
(89) Il est évident, néanmoins, que ni Borgione ni Smartkids n'ont respecté le plafonnement du prix de revente inclus dans l'accord qui les lie à Nathan, ce dont on ne saurait conclure que ce plafonnement n'y figure pas ni que cette obligation ne pourrait pas être invoquée par Nathan, dans le but d'harmoniser les remises poursuivi par Nathan dans le cas de Bricolux. Toutefois, en ce qui concerne Bricolux, il n'y a pas de preuve que la fixation de niveaux de prix de vente ait été acceptée ni mise en œuvre par Bricolux en application de son accord avec Nathan, malgré les tentatives répétées de ce dernier.
(90) En conclusion, les accords entre Nathan et ses distributeurs incluent des restrictions de concurrence qui, en interdisant la commercialisation hors territoire ou en limitant la liberté de fixer les prix et conditions commerciales de revente, dans le cas de Borgione et Smartkids, se renforcent mutuellement. Par ce biais, Nathan vise à développer la vente de ses produits dans la Communauté, pour autant que cela ne concurrence pas ses ventes dans son marché principal, à savoir la France. Isolément ou en combinaison, ces dispositions des accords ont pour objet de restreindre la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité.
3. Caractère sensible de l'affectation du commerce entre États membres
(91) Les accords visés par la présente procédure stipulent les conditions dans lesquelles Nathan vend des produits qu'il fabrique et distribue en France à des distributeurs pour la revente dans d'autres États membres. Les accords passés entre Nathan et ses distributeurs en Belgique francophone, en Italie et en Suède stipulent les conditions dans lesquelles Bricolux, Borgione et Smartkids revendent les produits acquis auprès de Nathan en restreignant leurs ventes vers d'autres États membres. Dans les autres États membres, les produits vendus par Nathan sont distribués par une vingtaine de distributeurs indépendants alors que, en France, ils sont distribués par environ deux cents distributeurs indépendants. Les restrictions visant à empêcher ou à faire cesser leurs ventes vers les territoires exclusifs sont de nature à affecter les courants d'échanges entre la France, la Belgique, l'Italie et la Suède.
(92) Toutefois, les accords comme ceux de Nathan qui concernent les ventes transfrontalières, ne sont visés par l'article 81, paragraphe 1, du traité que s'ils sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres, cette affectation ne devant pas être insignifiante(44). Selon la Cour de justice, cette condition implique que les accords "doivent, sur la base d'un ensemble d'éléments de fait et de droit, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant que les accords puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle sur les courants d'échanges entre États membres, et cela de manière à faire craindre qu'ils puissent entraver la réalisation d'un marché unique entre États membres" (45).
(93) L'influence que peut exercer l'accord entre Nathan et ses distributeurs sur le commerce entre États membres s'apprécie notamment en considération de la position et de l'importance des parties sur le marché du matériel éducatif(46). Dans une affaire ayant trait à des accords visant à cloisonner les marchés des États membres par des interdictions d'exportation, en plus de la position du producteur sur son marché national, entre 5 et 6,1 % en l'espèce, et de l'ampleur de sa production, la Cour de justice a jugé pertinent que la Commission examine aussi l'existence d'exportations constatées et la politique de prix suivie pour établir le danger d'une affectation sensible des échanges entre les États membres concernés[voir la décision 76-915-CEE de la Commission (IV/29018 - Miller International Schallplatten GmbH) (47) et l'arrêt de la Cour de justice dans cette affaire (48)].
(94) La part de marché en France, qui est le marché principal de Nathan que les accords avec Bricolux, Borgione et Smartkids permettent de protéger des ventes directes et indirectes de ces derniers, est [entre 5 et 15 %]* (voir considérant 33). Sur certains segments du marché, elle se situe à [entre 10 et 35 %]*. La part de marché sur son territoire que réalise Bricolux avec des produits Nathan est de [entre 5 et 15 %]* environ (voir considérant 35). En outre, Nathan est en situation de concurrence potentielle avec ses distributeurs en France (voir considérant 39).
(95) Sans dépasser la valeur de ses ventes en France, où il est l'un des trois principaux producteurs, le volume de ventes de Nathan hors France à l'intérieur du marché commun, [inférieur à 15 %]*, et celui effectué dans les territoires de Bricolux de Borgione et de Smartkids, [inférieur à 10 %]* du montant de ses ventes en France, sont suffisamment importants pour que sa position en France, où il distribue vers les établissements le matériel éducatif qu'il produit, puisse être compromise par des réimportations que ses accords visent à restreindre ou à empêcher, notamment au départ de la Belgique ou de l'Italie, qui jouxtent le territoire français. Il n'est toutefois pas possible d'estimer quel aurait été ce chiffre si Bricolux et Borgione avaient pu pratiquer sans entraves des ventes hors territoire. En tout cas, l'inclusion des restrictions dans les accords témoigne que Nathan pouvait estimer que le volume potentiel était bien plus élevé.
(96) De surcroît, l'existence d'un prix à l'exportation considérablement plus bas, à savoir [inférieur à 55 %]* environ du prix hors taxes en France, que celui de [15 à 25 %]* pratiqué par Nathan à ses distributeurs en France(voir considérants 39, 41 et 57), même si elle peut être justifiée par le volume d'achat ainsi que les prix sensiblement plus bas qu'en France qu'appliquent Bricolux en Belgique et Borgione en Italie, à savoir [...]* à [...]* de moins (voir considérants 45 et 60), sont des éléments de fait qui rendent économiquement possibles les réimportations en France, n'étaient les restrictions à la commercialisation hors territoire.
(97) Par ailleurs, Nathan achète lui-même des produits pour incorporation ou pour la revente en France auprès d'entreprises dans les différents États membres et est en concurrence avec des entreprises qui font de même. Ces achats atteignent 20 à 25 % environ de leurs coûts ou ventes pour les principaux concurrents sur le marché français (voir considérant 21). Il s'ensuit que la restriction de concurrence visant à protéger Nathan sur le marché français est de nature à affecter le volume des achats de ses concurrents et donc les courants d'échanges entre États membres y afférents.
(98) Cette conjonction d'éléments de fait et de droit permet d'envisager que les accords entre Nathan et ses distributeurs peuvent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle sur les courants d'échange entre au moins la France, la Belgique, l'Italie et la Suède, et cela de manière à faire craindre qu'ils puissent entraver la réalisation d'un marché unique entre États membres.
(99) En conséquence, même si la position des produits Nathan est moins forte sur les marchés italien et suédois qu'en France et en Belgique francophone, les accords sont susceptibles d'affecter sensiblement les courants d'échanges entre États membres et la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité sur, au moins, le marché français et le marché belge francophone.
B. ARTICLE 81, PARAGRAPHE 3, DU TRAITÉ
(100) Les dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité peuvent être déclarées inapplicables à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs.
1. Exemption par catégorie: règlements (CEE) n° 1983-83 (accords de distribution exclusive) et (CE) n° 2790-1999 (accords verticaux)
(101)Le huitième considérant du règlement (CEE) n° 1983-83 de la Commission (49) rappelle "que d'autres dispositions restrictives de concurrence, et en particulier celles qui limitent la liberté du concessionnaire exclusif de déterminer ses prix et ses conditions de revente ..., ne peuvent pas être exemptées au titre du présent règlement". Les accords Nathan, Borgione et Smartkids limitent la liberté de fixer les prix et les conditions commerciales de revente du concessionnaire exclusif, ce qui exclut l'application du règlement (CEE) n° 1983-83.
(102) Par ailleurs, l'article 3, point d), deuxième alinéa, dudit règlement prévoit que l'exemption par catégorie ne s'applique pas "lorsque les parties ou l'une d'entre elles restreignent la possibilité pour les intermédiaires d'acheter les produits contractuels à l'intérieur du marché commun, en particulier lorsqu'elles exercent des droits ou prennent des mesures en vue d'entraver l'approvisionnement de revendeurs en produits visés au contrat en dehors du territoire concédé ou la vente desdits produits dans le territoire concédé".
(103)L'interdiction de commercialiser les produits Nathan en dehors du territoire exclusif empêche les ventes passives des distributeurs exclusifs en dehors de la Belgique wallonne et francophone, de l'Italie et de la Suède. D'autre part, Nathan et Bricolux ont adressé des menaces à Vauban pour qu'il ne vende pas des produits Nathan à destination du territoire exclusif de Bricolux, y compris pour des produits livrés en France, pour la revente en Belgique.
(104) Ces dispositions excluent, par conséquent, l'application du règlement (CEE) n° 1983-83, en vigueur à l'époque des faits, et du règlement (CE) n° 2790-1999 (50), conformément à son article 4, à leurs accords.
2. Exemption individuelle en vertu de l'article 81, paragraphe 3
(105) La Commission peut accorder aux entreprises une exemption individuelle en vertu de l'article 81, paragraphe 3, à l'interdiction énoncée à l'article 81, paragraphe 1. Cette exemption ne peut être accordée que si les entreprises ont notifié leur accord à la Commission ou si l'accord est dispensé de notification en vertu de l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 17.
(106) Les accords de distribution exclusive existant entre Nathan et ses distributeurs n'ont pas été notifiés à la Commission et ne remplissent pas les conditions cumulatives de l'article 81, paragraphe 3.
(107) Quand bien même les accords d'exclusivité territoriale amélioreraient la distribution des produits contractuels sur les marchés de la Belgique francophone, de l'Italie et de la Suède, l'interdiction absolue de commercialisation hors territoire n'est pas de nature à améliorer la production ou la distribution de matériel éducatif ou, en tout cas, n'est pas indispensable à cette fin. L'objectif légitime de concentration des efforts de vente sur le territoire concédé est suffisamment atteint par la restriction de commercialisation active.
(108) Il est exclu que les restrictions à la liberté des distributeurs exclusifs de pratiquer des ventes passives à l'extérieur de ces territoires réservent aux établissements accueillant la petite enfance, notamment en France, une part équitable des bénéfices qui pourraient en résulter. Il est constant, au contraire, que l'interdiction de commercialisation hors territoire prive ces établissements des prix et conditions commerciales favorables que Bricolux et Borgione auraient pu proposer en concurrence avec les distributeurs français, de l'autre côté des frontières que les accords avec Nathan cherchent à maintenir étanches.
(109) En effet, la demande finale que constituent les établissements accueillant la petite enfance est faiblement mobile d'une zone géographique à une autre. Dans ce contexte de marché, l'arbitrage est essentiellement le fait d'intermédiaires revendeurs. Il en résulte que la concurrence dans les marchés en cause s'appuie principalement sur la possibilité que des revendeurs puissent vendre sans limitation géographique. Par conséquent, les limitations de cette possibilité privent les établissements de toute part équitable des bénéfices potentiels d'un accord d'exclusivité territoriale par rapport à une situation où le consommateur final effectue un arbitrage territorial effectif. Or, Nathan, de concert avec Bricolux, a cherché à éviter que des revendeurs belges concurrents de ce dernier ne soient approvisionnés et à préserver la clientèle des écoles belges au seul profit de Bricolux. Il est donc exclu que les utilisateurs (revendeurs ou établissements) en retirent un quelconque bénéfice.
(110) La restriction de la liberté de Borgione et de Smartkids de fixer leur niveau de prix et de remises n'est pas indispensable pour améliorer la distribution des produits. Elle conduit à fixer artificiellement un niveau ou une fourchette de prix par référence à la France, avec l'équivalent d'un prix minimal imposé pour les ventes à des grossistes, qui ne correspond à aucune réalité économique du marché local et qui ne réserve aucune participation des établissements à d'éventuels avantages de l'accord. Ceux-ci se trouvent privés de la possibilité d'obtenir des prix plus bas tant sur le territoire exclusif qu'en France, où Nathan distribue une part prépondérante de ses produits.
(111) D'autre part, pour ce qui est des rabais et promotions, si le souci de maintenir une image de marque semble légitime, il n'en suffit pas moins de constater que Nathan est libre de fixer le prix de vente à ses distributeurs qu'il juge adéquat par rapport au coût objectif et au positionnement souhaité de ses produits sur le marché. Il existe donc des moyens moins restrictifs de l'autonomie des parties qu'une telle clause pour atteindre l'objectif recherché.
(112) Il en résulte que l'ensemble des conditions de l'article 81, paragraphe 3, ne sont pas remplies.
C. OBSERVATIONS PRINCIPALES DE NATHAN ET DE BRICOLUX APRÈS RÉCEPTION DE LA COMMUNICATION DES GRIEFS
(113) Certains griefs ou appréciations inclus dans la communication des griefs de la Commission du 26 juin 1998 ayant été abandonnés ou circonscrits dans la présente décision, seules sont reprises ici les observations relatives aux motifs retenus pour la constatation de l'infraction.
1. Dimension géographique du marché pertinent, position des parties et effet des accords sur le commerce entre États membres
a) Nathan fait valoir que la demande a tendance à s'adresser aux fournisseurs présents sur le marché national. Cela, joint aux frais de transport et aux barrières linguistiques, conforte une dimension nationale du marché, d'où Nathan tire la conséquence que les pratiques qui lui sont reprochées ne peuvent affecter le commerce entre États membres ou la concurrence de manière sensible.
(114) La Commission constate que certains facteurs peuvent expliquer que la demande finale des établissements soit effectivement mobile à l'intérieur de la Communauté. Il n'empêche que les accords en cause concernent les ventes à des distributeurs dans d'autres États membres que la France où Nathan fabrique et vend ses produits aux établissements ou à des libraires. Que des ventes transfrontalières à des distributeurs dans d'autres États membres, exclusifs ou non, de la part de Nathan et de ses concurrents en France ont effectivement lieu et qu'elles sont significatives ressort amplement des faits constatés, sauf à soutenir que Nathan vend sur un marché qui n'existe pas.
(115) Pour ce qui est de l'affectation sensible du commerce entre États membres au sens de l'article 81, paragraphe 1, et de la concurrence, la Commission renvoie à son analyse figurant aux considérants 89 à 97.
b) En ce qui concerne la position de Nathan sur les différents territoires concernés, Nathan a relevé que ses produits ne représentaient qu'une fraction des ventes de Bricolux, Borgione et Smartkids dans leurs territoires. En recalculant des données de la communication des griefs, Nathan a estimé à [moins de 10 %]* la part de ses produits dans leurs territoires exclusifs. Pour la France, elle a signalé l'existence d'autres segments de demande que celui des écoles maternelles sur lequel sa part totale du marché français était calculée. Bricolux estime, quant à elle, que sa part de marché en matériel éducatif est de 1,2 %.
(116) Nathan a modifié l'appréciation qu'elle avait fournie à la Commission selon laquelle le matériel éducatif englobait des marchés de produits distincts, qu'avait reprise, avec les parts de Nathan sur chacun de ces marchés, la communication des griefs du 26 juin 1998. La Commission a tenu compte des observations de Nathan en modifiant son appréciation contenue dans les griefs sur l'existence de marchés de produits distincts, dans certains desquels la part de Nathan pouvait atteindre [entre 25 et 35 %]*, pour retenir seulement l'existence de segments différents de produits.
(117) À la suite des observations de Nathan et de Bricolux, la Commission a procédé à une enquête auprès des principaux producteurs et distributeurs français, belges et italiens, dont les résultats ont été transmis pour commentaires à Nathan et à Bricolux. Après examen des commentaires, c'est essentiellement le contenu de cette enquête qui a été repris aux considérants 31 à 38 pour quantifier la part de marché des produits Nathan sur les marchés concernés (51).
(118) Les bases différentes de calcul expliquent les écarts par rapport aux estimations de la communication des griefs et à celles de Nathan sur la base de ces estimations, aussi bien lorsque la part de marché résultante est moindre que celle estimée par Nathan (Italie, Suède) que lorsqu'elle est plus importante (France et Belgique francophone):
- Nathan n'a pas contesté l'estimation basse [inférieure à 10 %]* de sa part dans les achats des écoles maternelles en France. Toutefois, Nathan a signalé l'existence d'autres segments de demande que les écoles maternelles, sans toutefois proposer une quantification objective du volume total,
- pour la Belgique francophone, l'écart de l'estimation de la Commission pour 1997 par rapport à la propre estimation pour 1996 de Nathan, [inférieure à 10 %]* (52), ou de Bricolux, 1,2 %, peut s'expliquer notamment, outre par la différence des chiffres d'affaires entre 1997 et 1996, par les bases différentes de calcul et par le fait que Bricolux exclut nombre d'articles du périmètre du marché,
- pour l'Italie, l'estimation de la Commission pour 1997, [inférieure à 5 %]*, se situe sensiblement en dessous de l'estimation de [moins de 5 %] (120) pour 1996 faite par Nathan (53). L'écart s'explique notamment par l'inclusion dans le périmètre du marché d'autres établissements que les écoles publiques, où ses produits ne sont que peu ou pas vendus par Borgione,
- pour la Suède, l'estimation de la Commission pour 1997, [inférieure à 5 %]*, se situe sensiblement en dessous de celle fournie par Nathan pour 1996, à savoir [moins de 5 %]* du marché, à partir des estimations de Smartkids (54).
2. Concernant les entraves au commerce parallèle, plus particulièrement en ce qui concerne les entraves aux ventes de Vauban, Nathan signale la poursuite des ventes de Vauban entre 1995 et 1997 et le fait qu'elle n'a pas pris des mesures de rétorsion à son encontre dans cette période.
(119) Il est vrai que la Commission n'a pas la preuve que Nathan ait effectivement mis en œuvre les moyens de pression qu'elle a étudiés ou évoqués avec Bricolux (cessation des approvisionnements, suppression des remises) ni qu'elle ait donné suite aux demandes de Bricolux en ce sens. Il n'empêche que Nathan a fait valoir l'exclusivité de Bricolux en Belgique francophone auprès de Vauban au sujet des ventes en France de ce dernier à des clients belges. Les références dans le courrier envoyé par Nathan en date du 21 mars 1995 à Vauban et les appels de son directeur des exportations (voir considérant 62) impliquent que les ventes de Vauban sont jugées contraires à cette exclusivité, tout comme l'estime Bricolux (voir considérant 67).
(120) La Commission en conclut que l'interdiction des ventes passives vers le territoire exclusif fait partie des accords entre Nathan et Bricolux, que la Commission estime restrictifs. La mise en œuvre de représailles contre d'autres entreprises n'aurait été qu'une circonstance aggravante dans la mise en œuvre des restrictions ainsi qu'indiqué dans ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA (55) ("lignes directrices sur les amendes").
3. Sur l'existence de concurrence potentielle entre Nathan et ses distributeurs, Nathan fait valoir que la Commission lui reproche l'absence de distributeur en France, ce qui revient à décider comment elle doit organiser la distribution de ses produits.
(121) La Commission a pu constater que d'autres concurrents de Nathan en France assurent eux-mêmes la distribution dans d'autres États membres. La Commission constate aussi que Nathan a en France une part prépondérante dans la vente aux clients finals des produits qu'elle fabrique ou achète pour la revente dans ses catalogues. Il apparaît d'ailleurs que l'absence de fabrication propre n'est aucunement un obstacle à la présence active de concurrents directs de Nathan sur le marché français de la distribution aux écoles. De même, la vente au client final demande une expertise, une organisation commerciale et des moyens logistiques différents de ceux requis pour la fabrication et la vente aux seuls revendeurs. Dans ces conditions, c'est un fait qu'un distributeur peut être en concurrence avec son fournisseur, pour autant que ses services soient plus efficaces. Dans son évaluation, la Commission doit prendre en compte le contexte économique réel des accords. Cela ne saurait être assimilé à une immixtion dans le degré d'intégration verticale de Nathan.
D. ARTICLE 3, PARAGRAPHE 1, DU RÈGLEMENT n° 17
(122) En vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, la Commission peut, quand elle a constaté une infraction aux dispositions de l'article 81 du traité, obliger par voie de décision les entreprises à mettre fin à l'infraction constatée.
(123) D'après les informations communiquées dans sa réponse à la communication des griefs, Nathan, tout en rejetant l'existence d'une infraction, a modifié les stipulations litigieuses contenues dans ses accords avec Borgione, Smartkids et Bricolux. Toutefois, Nathan n'a pas informé ses distributeurs non exclusifs qu'ils peuvent effectuer des ventes passives directes ou à des revendeurs à destination des territoires concédés en exclusivité au sein de son réseau de distribution dans la Communauté.
(124) Or, la restriction de ces ventes passives fait aussi partie de l'infraction constatée par la présente décision, à laquelle il est nécessaire de mettre fin.
E. ARTICLE 15 DU RÈGLEMENT N° 17
(125) En vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut infliger des amendes, dans les limites définies par cet article, lorsque, de propos délibéré ou par négligence, les entreprises ont commis une infraction aux dispositions de l'article 81 du traité. Pour déterminer le montant de l'amende, la Commission doit tenir compte de tous les éléments pertinents et, en particulier, de la gravité et de la durée de l'infraction. La Commission prend aussi en considération l'existence d'éventuelles circonstances aggravantes et/ou atténuantes.
(126) L'infraction a été commise de propos délibéré. Les stipulations restrictives de concurrence ont été sciemment incluses dans des contrats conclus entre Nathan, Borgione et Smartkids. Nathan et ses distributeurs exclusifs n'ont pu ignorer l'inclusion de stipulations interdisant la commercialisation hors territoire exclusif dans leurs accords ni l'objet anticoncurrentiel desdites stipulations.
(127) Dans le cas de Bricolux, les échanges de courriers entre Bricolux et Nathan montrent notamment que les parties ont cherché de propos délibéré à empêcher qu'un distributeur concurrent, Vauban, ne continue de vendre du matériel à la librairie La Découverte, qui revendait à son tour en Belgique en concurrence avec Bricolux. Bien que non assorties de représailles commerciales, les initiatives de Bricolux, d'une part, et de Nathan, d'autre part, vis-à-vis de Vauban visaient bien à dissuader ce dernier de vendre directement ou indirectement à destination de la Belgique, pour y restreindre la concurrence au profit de Bricolux. À son tour, ce dernier s'est sciemment abstenu de vendre hors territoire et n'a proféré que des menaces en ce sens visant à dissuader Vauban de poursuivre ses ventes.
(128) La volonté manifeste et répétée de la part de Nathan, soit contractuellement, soit par des courriers, de prendre des initiatives pour harmoniser les niveaux de prix et les conditions commerciales pratiqués par ses distributeurs vise aussi, de propos délibéré, à restreindre la concurrence.
(129) Il convient de sanctionner par une amende le comportement de Nathan et de Bricolux seuls. Même si Borgione et Smartkids sont aussi parties aux accords que la Commission estime infractionnels et même s'ils peuvent avoir objectivement intérêt à leur mise en œuvre, il n'en reste pas moins que la conclusion desdits accords avec plusieurs distributeurs, y compris la mise en œuvre de restrictions vis-à-vis de tiers, s'articule autour d'un acteur unique, à savoir Nathan. Dans le cas de Bricolux, toutefois, celui-ci a pris l'initiative de demander le respect des accords à Nathan et de l'inciter à prendre des mesures de rétorsion contre d'autres revendeurs de produits Nathan.
(130) En conséquence, la Commission envisage d'infliger une amende à Nathan et à Bricolux:
- dans le cas de Bricolux, eu égard au fait qu'il s'agit d'une petite entreprise, que celle-ci a coopéré avec la Commission pendant l'instruction, en lui fournissant sur demande ou spontanément nombre de documents probatoires sans lesquels l'infraction n'aurait pu être établie, et que la demande de mise en œuvre des accords, selon les preuves dont dispose la Commission, n'a concerné qu'un seul distributeur concurrent, et compte tenu du caractère discrétionnaire des décisions en matière d'amendes symboliques, prévu par les lignes directrices sur les amendes, le montant de l'amende infligée à Bricolux revêtira un caractère symbolique de 1 000 euros,
- dans le cas de Nathan, la fixation du montant de l'amende tient compte des facteurs examinés aux considérants 131 à 134.
1. Gravité de l'infraction
(131) La fixation de niveau de prix et de conditions commerciales de revente ainsi que le cloisonnement de marchés nationaux sont, en principe, des infractions graves, dont le caractère contraire aux objectifs de la Communauté est établi par une abondante pratique décisionnelle et jurisprudentielle. Toutefois, dans le cas d'espèce, il y a lieu de considérer que, dans la partie du marché commun où des restrictions ont été mises en œuvre, à savoir la Belgique francophone et la France, cette mise en œuvre n'a pas été systématique, d'après le informations dont dispose la Commission. Il en résulte que l'infraction peut être qualifiée de peu grave, en l'espèce. Il est approprié de fixer un montant de 84 000 euros en fonction de la gravité.
2. Durée de l'infraction
(132) Considérée dans son ensemble, la période où les contrats ont été en vigueur jusqu'à leur modification va de 1993 à 1998. Toutefois, les preuves de la mise en œuvre et du suivi des accords remontent à 1995 seulement. Il en résulte que l'infraction s'est maintenue sur une durée moyenne, et il apparaît approprié d'imposer une majoration de 20 % (c'est-à-dire 16 000 euros).
3. Montant de base de l'amende
(133) Il en résulte que le montant de base de l'amende doit être de 100 000 euros.
4. Circonstances aggravantes et atténuantes
(134) Nathan a affirmé sa volonté de mettre fin à l'infraction après réception de la communication de griefs. En outre, Nathan a coopéré avec la Commission pendant l'instruction, en lui fournissant sur demande nombre de documents probatoires sans lesquels l'infraction n'aurait pu être établie. Il résulte de l'ensemble de ces circonstances atténuantes que le montant de base de l'amende doit être minoré de 40 % (soit 40 000 euros).
5. Montant de l'amende infligée à Nathan
(135) Le montant de l'amende infligée à Nathan pour les infractions constatées par la présente décision doit donc être de 60 000 euros,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
L'entreprise Éditions Nathan a commis une infraction à l'article 81 du traité en incluant dans ses accords avec ses distributeurs des restrictions concernant, d'une part, leurs ventes passives en dehors de leurs territoires concédés en exclusivité et les ventes passives d'autres distributeurs vers ces territoires et, d'autre part, la liberté de fixation de niveaux de prix et de conditions commerciales de revente.
L'entreprise Bricolux SA a commis une infraction à l'article 81 du traité, en accord avec Éditions Nathan, en restreignant ses ventes à l'extérieur de son territoire exclusif et en incitant Éditions Nathan à restreindre les ventes d'autres distributeurs dans sont territoire exclusif.
Article 2
Une amende de 60 000 euros est infligée à Éditions Nathan et une amende de 1 000 euros est infligée à Bricolux SA pour les infractions visées à l'article 1er.
Ces amendes sont payables en euros, sur le compte n° 642-0029000-95 de la Commission européenne à l'agence Banco Bilbao Vizcaya Argentaria BBVA, avenue des Arts 43, B-1040 Bruxelles, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
À l'expiration de ce délai, des intérêts de retard seront automatiquement dus, au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement au premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée, majoré de 3,5 points de pourcentage, soit au taux de 7,79 %.
Article 3
Éditions Nathan et Bricolux SA sont tenues, dans la mesure où elles ne l'ont pas déjà fait, de mettre fin aux infractions mentionnées à l'article 1er, notamment en informant les distributeurs d'Éditions Nathan qu'ils peuvent effectuer des ventes passives à destination des territoires concédés en exclusivité au sein du réseau de distribution d'Éditions Nathan dans la Communauté.
Article 4
Les entreprises suivantes sont destinataires de la présente décision:
Éditions Nathan, 9, rue Méchain F - 75676 Paris Cedex 14
Bricolux SA, Rue Saint Isidore 2, Zone industrielle B - 6900 Marloie.
La présente décision forme titre exécutoire, conformément à l'article 256 du traité CE.
* Certaines parties du présent texte ont été adaptées de manière à ne pas divulguer des informations confidentielles; ces parties ont été mises entre crochets et sont suivies d'un astérisque.
(1) JO 13 du 21.2.1962, p. 204/62.
(2) JO L 148 du 15.6.1999, p. 5.
(3) JO 127 du 20.8.1963, p. 2268/63.
(4) Bien entendu, les besoins des enfants de deux ans et le matériel à même d'y satisfaire ne seront pas les mêmes que ceux des enfants de huit ans, sauf en cas d'éducation spécialisée. Neuf ans est considéré comme la limite au-delà de laquelle le contenu des activités pédagogiques vise davantage l'acquisition de connaissances que l'éveil des facultés des enfants. Par exemple, Nathan, estimait que ses produits s'adressent aux crèches et aux enfants d'un âge compris entre deux et six ans (déclaration de la directrice du département "matériel éducatif" de Nathan aux autorités françaises transmise par Nathan à la Commission).
(5) À titre d'exemple, des encastrements en bois étaient vendus à 95 francs français dans le catalogue Nathan 1997, soit 33 fois moins cher que des structures d'assemblage en plastique pour favoriser la motricité.
(6) Les activités des établissements visant un développement équilibré des enfants, il s'ensuit que, en règle générale, les produits servant à appuyer la démarche pédagogique sur une aire, par exemple la motricité, ne sont pas substituables par ceux qui en appuient une autre, par exemple, l'initiation aux mathématiques.
(7) En ce qui concerne les activités artistiques, à six ans, les élèves espagnols y consacreront 70 heures par an contre 143 heures par an pour les élèves belges. (Voir le rapport Eurydice, "L'enseignement préscolaire et primaire dans l'Union européenne" - Office des publications officielles des Communautés européennes, 1994).
(8) Par exemple, l'inclusion d'activités d'éveil à la musique dans les programmes d'enseignement incitera les producteurs, appuyés par des équipes de recherche en pédagogie, à développer des produits adaptés. Selon un concurrent actif dans le secteur: "Le matériel éducatif est conçu en tenant compte des attentes des enseignants et des éducateurs et en collant le plus possible aux programmes scolaires". Dans sa réponse du 1er octobre 1997 à la demande de renseignements de la Commission, Nathan lie aussi la conception du matériel et des segments au programme officiel du ministère.
(9) Réponse de Nathan du 1er octobre 1997 à la demande de renseignements de la Commission (voir considérant 116).
(10) L'âge de la première scolarisation varie de deux à quatre ans selon les systèmes éducatifs, et le nombre d'heures totales d'enseignement varie selon des tranches d'âge et au sein de ces mêmes tranches d'âge. Pour un élève de six ans, 1080 heures par an de scolarisation sont prévues en Italie contre 773 heures par an au Royaume- Uni (voir le rapport Eurydice précité).
(11) Dans les premiers s'opère généralement un regroupement par région administrative d'achats du matériel fourni ultérieurement à chaque établissement. Les deux derniers groupes disposent d'une plus grande autonomie. La plus ou moins grande concentration des commandes peut aussi modifier le pouvoir de négociation vis-à-vis des producteurs et distributeurs.
(12) De 13,6 % d'élèves français à 39,5 % d'élèves belges dans l'enseignement privé (subventionné ou non) et de 86,4 % d'élèves français à 60,5 % d'élèves belges dans l'enseignement public (voir le rapport Eurydice précité).
(13) Voir le document intitulé "Enquête sur le marché du matériel éducatif", transmis par la Commission à Nathan et à Bricolux le 30 septembre 1999.
(14) Estimation faite à partir d'un ratio de dépenses par enfant, équivalant à celui de la France, en incluant toutes les catégories d'établissements, à savoir 89 francs français et une population de 42,4 millions d'enfants d'un âge inférieur à neuf ans dans les quinze États membres en 1997. Attendu que ce ratio diffère selon les États membres, l'extrapolation du ratio français à l'ensemble de la Communauté revient à l'utiliser en tant que moyenne entre les États membres où la dépense par enfant est moindre et ceux où elle est plus importante. L'estimation pour la Communauté est fournie en tant qu'ordre de grandeur, les parts de marché à prendre en compte étant celles des différents territoires exclusifs.
(15) Cette estimation est faite à partir de la somme des chiffres d'affaires des neuf principaux intervenants, communiquée à la Commission, majorée des 42,4 % restants qui, en moyenne de leurs estimations, sont détenus par d'autres intervenants de moindre importance (voir l'"Enquête sur le marché du matériel éducatif" précitée).
(16) Voir l'étude intitulée "Ressources et dépenses des écoles maternelles publiques", Nielsen, juillet 1996, p. 83 et suivantes. Toutefois, le marché analysé dans cette étude est plus vaste que le marché pertinent dans le cas d'espèce. L'étude y inclut des livres du matériel audiovisuel où la composante linguistique est déterminante. Le chiffrage [entre 5 et 15 %] qui ne se rapporte qu'au écoles publiques, est donc sous-estimé pour ce qui est du seul matériel éducatif. Le faible écart [inférieur à 5 %] avec la part du marché tous établissements et segments de matériel éducatif confondus, en 1997 s'explique aussi par le fait que Nathan est plus présent que ses concurrents sur d'autres segments tels que les crèches, haltes-garderies, hôpitaux et colonies de vacances, qui représentent 24,2 % du total de la demande.
(17) 478 000 enfants recensés par la Communauté française, avec une dépense de 89 francs français par enfant (ratio pour la France). Il convient de noter que le ratio pour la France est bien supérieur aux estimations de Bricolux (ratio par élève: 75 francs belges, lettre du 26 septembre 1997) et de Viroux - concurrent de Bricolux - (ratio par élève: 300 francs belges, lettre du 17 juin 1999) concernant le ratio par élève en Belgique francophone.
(18) Lettre de Nathan du 28 octobre 1999 en réponse au document intitulé "Enquête sur le marché du matériel éducatif", transmis à Nathan et à Bricolux le 30 septembre 1999, chiffrant à [moins de 5 millions] de francs français ses ventes à Bricolux pour 1997, majoré du coefficient de [...]appliqué par Bricolux comme marge brute.
(19) En l'absence d'estimations compatibles fournies par les entreprises italiennes interrogées, l'estimation est faite à partir du ratio de dépenses par enfant de 89 francs français, calculé pour la France, qui inclut toutes les catégories d'établissements.
(20) Lettre de Borgione du 2 octobre 1997 annexée à la communication des griefs.
(21) Dans une déclaration de la directrice du département "matériel éducatif" de Nathan aux autorités françaises transmise par Nathan à la Commission, il était expliqué: "Nous travaillons également avec des libraires (environ 200). ... Nos clients peuvent soit utiliser le bon de commande qui est dans notre catalogue, soit aller voir leur libraire. Ce dernier est rémunéré par une remise de l'ordre de [15 % à 25 %] par rapport à notre prix de catalogue et selon le chiffre d'affaires réalisé".
(22) Abacus est, depuis 1989, le distributeur exclusif de fait du matériel Nathan en Espagne et au Portugal. Depuis 1993, le Notthingham Group distribue en exclusivité certains produits du catalogue Nathan au Royaume- Uni et en Irlande. Leur relation commerciale avec Nathan n'est toutefois pas formalisée par un contrat écrit. Dans sa réponse à la demande de renseignements de la Commission, le Notthingham Group estime même n'être pas un distributeur exclusif de Nathan.
(23) Observations de Nathan du 27 octobre 1998, p. 13, annexe 6.
(24) Observations de Nathan du 27 octobre 1998, p. 13, annexe 6.
(25) Projet de contrat du 2 septembre 1993. Lettre de Bricolux à Nathan du 5 novembre 1993.
(26) Lettre de Nathan à Bricolux.
(27) Lettre de Mme Marrot, Nathan à M. Collard, Bricolux, du 25 février 1993. Lettre de M. Hublau, directeur général de Larousse Belgique à M. Collard, Bricolux, le 9 décembre 1991.
(28) Lettre de Bricolux à Nathan du 24 janvier 1994. Dans une télécopie du 12 janvier 1994 de Nathan (Mme Marrot) à Bricolux (M. Collard), dans lequel Nathan fait valoir: "l'accord de Bricolux pour que dans les catalogues belges et luxembourgeois nous gardions les marques jaunes relatives à la baisse des prix (ou stagnation) car vous la répercutez sur vos prix en francs belges", figure une mention manuscrite signée Alain Collard spécifiant: "OK, pas de problème pour laisser les marques jaunes".
(29) Lettre de Bricolux à la Commission du 2 décembre 1997, en réponse à la demande de renseignements du 24 novembre 1997.
(30) Observations de Nathan du 27 octobre 1998, p. 14, annexe 6.
(31) Lettre de Bricolux du 26 septembre 1997.
(32) Lettre de M. Collard, Bricolux, à Madame Cagnon, Librairie Vauban, le 23 mars 1995. M. Grimbert occupait le poste de directeur des exportations du département "Matériel éducatif" de Nathan.
(33) Lettre transmise par Nathan le 14 janvier 1999, avec ses commentaires, pour préciser des points exposés lors de l'audition du 3 décembre 1998.
(34) Lettre de Bricolux à Vauban du 4 mai 1995, transmise par Bricolux, avec ses commentaires, le 11 décembre 1998, pour préciser des points exposés lors de l'audition du 3 décembre 1998.
(35) Lettre de Bricolux à M. Alvain, service de la concurrence, Lille, transmise par Bricolux, avec ses commentaires, le 11 décembre 1998, pour préciser des points exposés lors de l'audition du 3 décembre 1998.
(36) Télécopie de Mme Marrot, responsable des exportations Nathan à M. Collard, Bricolux, le 25 octobre 1995, avec ses commentaires, le 11 décembre 1998, pour préciser des points exposés lors de l'audition du 3 décembre 1998 et envoyée pour commentaires à Nathan, avec réponse le 14 janvier 1999, pour préciser des points exposés lors de l'audition du 3 décembre 1998.
(37) Télécopie de M. Collard, Bricolux, à "Service export Nathan" le 23 mai 1997.
(38) Télécopie de M. Collard, Bricolux, à M. Langlois-Meurinne, directeur général de Nathan, le 30 mai 1997.
(39) Voir, en dernier lieu, l'arrêt du 28 avril 1998 dans l'affaire C-306-96 Javico International et Javico AG contre Yves Saint Laurent Parfums SA, Recueil 1998, p. I-1983, point 13, avec des références, notamment, aux arrêts du 21 février 1984, dans l'affaire 86-82, Hasselblad contre Commission, Recueil 1984, p. 883, point 46, et du 24 octobre 1995 dans l'affaire C-70-93, Bayerische Motorenwerke, Recueil 1995, p. I-3439, points 19 et 21.
(40) Voir l'arrêt "Javico", précité, point 14, avec des références aux arrêts du 8 février 1990 dans l'affaire C- 279-87, Tipp-Ex contre Commission, Recueil 1990, p. I-261, point 22, et du 1er février 1978 dans l'affaire 19-77, Miller contre Commission, Recueil 1978, p. 131, point 7.
(41) JO L 13 du 15.1.1987, p. 39, considérant 12, point c).
(42) JO C 365 du 26.11.1998, p. 3.
(43) Arrêt du 10 mars 1992 dans l'affaire T-13-89, ICI contre Commission, Recueil 1992, p. II-1021, points 310 et 311.
(44) Voir l'arrêt "Javico", précité, points 15 à 17, avec référence à l'arrêt du 9 juillet 1969 dans l'affaire 5-69 Völk, Recueil 1969, p. 295, point 5.
(45) Arrêt "Javico", précité, point 16.
(46) Arrêt du 10 juin 1980 dans l'affaire 99-79, Lancôme et Cosparfrance Nederland, Recueil 1980, p. 2511, point 24.
(47) JO L 357 du 29.12.1976, p. 40, considérants 4, 15 et 16.
(48) Arrêt du 1er février 1978 dans l'affaire 19-77, Miller International Schallplatten contre Commission, Recueil 1978, p. 131, points 8, 9, 10 et 15.
(49) JO L 173 du 30.6.1983, p. 1.
(50) JO L 336 du 29.12.1999, p. 21.
(51) Hormis pour la Belgique francophone. Pour cette dernière, la Commission a repris dans le calcul le montant de 2336234 francs français fourni par Nathan pour ses ventes à Bricolux pour l'année 1997.
(52) Réponse de Nathan du 27 octobre 1998 à la communication des griefs, annexe 5, et observations de Bricolux du 30 octobre 1998, p. 9.
(53) Réponse de Nathan du 27 octobre 1998, annexe 1.
(54) Réponse de Nathan du 27 octobre 1998, annexe 5.
(55) JO C 9 du 14.1.1998, p. 3.