CJCE, 23 mai 2000, n° C-209/98
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Entreprenørforeningens Affalds-Miljøsektion
Défendeur :
Københavns Kommune
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rodriguez Iglesias
Présidents de chambre :
MM. Moitinho de Almeida, Edward, Sevón
Avocat général :
M. Léger
Juges :
MM. Kapteyn, Gulmann, Jann, Ragnemalm (rapporteur), Wathelet
Avocats :
Mes Hansen, Schwarz.
LA COUR
1. Par ordonnance du 27 mai 1998, parvenue à la Cour le 8 juin suivant, l'Østre Landsret a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 90 du traité CE (devenu article 86 CE), lu en combinaison avec les articles 34 du traité CE (devenu, après modification, article 29 CE) et 86 du traité CE (devenu article 82 CE), des articles 36 et 130 R, paragraphe 2, du traité CE (devenus, après modification, articles 30 CE et 174, paragraphe 2, CE), des articles 7, paragraphe 3, et 10 de la directive 75-442-CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la directive 91-156-CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L 78, p. 32, ci-après la "directive 75-442"), ainsi que du règlement (CEE) n° 259-93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne (JO L 30, p. 1, ci-après le "règlement"), notamment ses articles 2, sous j), et 13.
2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un recours introduit par la société danoise Sydhavnens Sten & Grus ApS (ci-après "Sydhavnens Sten & Grus"), à l'encontre de Københavns Kommune (la commune de Copenhague) au sujet du système de collecte de déchets de chantier non dangereux organisé par la défenderesse au principal.
La réglementation communautaire
La directive 75-442
3. L'article 4, premier alinéa, de la directive 75-442 dispose :
"Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l'homme et sans que soient utilisés des procédés ou méthodes susceptibles de porter préjudice à l'environnement ..."
4. Aux termes de l'article 7, paragraphe 3, de la directive 75-442 :
"Les États membres peuvent prendre les mesures nécessaires pour empêcher des mouvements de déchets qui ne sont pas conformes à leurs plans de gestion. Ils informent la Commission et les États membres de ces mesures."
5. L'article 10 de la directive 75-442 prévoit :
"Aux fins de l'application de l'article 4, tout établissement ou toute entreprise qui effectue les opérations visées à l'annexe II B doit obtenir une autorisation."
6. Les opérations visées à l'annexe II B de la directive 75-442 sont celles débouchant sur une possibilité de valorisation des déchets.
Le règlement
7. Aux termes de l'article 2, sous j), du règlement, on entend par "centre autorisé" aux fins de ce règlement, "tout établissement ou entreprise autorisé ou agréé conformément à l'article 6 de la directive 75-439-CEE, aux articles 9, 10 et 11 de la directive 75-442-CEE, ou à l'article 6 de la directive 76-403-CEE".
8. L'article 13 du règlement traite des transferts de déchets à l'intérieur des États membres. Il prévoit, notamment, que les titres II, VII et VIII du règlement ne s'appliquent pas aux transferts de déchets à l'intérieur d'un État membre mais que les États membres peuvent néanmoins les appliquer dans leur ressort.
9. Aux termes de l'article 13, paragraphe 2, du règlement :
"Les États membres établissent toutefois un système approprié de surveillance et de contrôle des transferts de déchets dans leur ressort. Ce système devrait tenir compte de la nécessité d'assurer la cohérence avec le système communautaire établi par le présent règlement."
Le litige au principal
10. Sydhavnens Sten & Grus est une société dont l'activité consiste, depuis 1983, d'une part, à acheter et à vendre des matériaux extraits du domaine maritime ou de gravières et, d'autre part, à recycler des déchets de chantier ne présentant pas de dangers pour l'environnement, sous forme de béton, briques et asphalte.
11. En 1993, Sydhavnens Sten & Grus a sollicité, au titre de l'article 33 du miljøbeskyttelseslov (loi danoise sur la protection de l'environnement), un agrément pour pouvoir exercer ses activités sur le territoire de la commune de Copenhague, en particulier celles de recyclage de déchets de chantier.
12. Sydhavnens Sten & Grus a obtenu l'agrément sollicité de la commune de Copenhague, par lettre du 7 juillet 1994, et a conclu un contrat avec Københavns Havn (port de Copenhague) en vue d'établir à Prøvestenen, sur le territoire de la commune de Copenhague, des installations de tri et de trituration pour les déchets de chantier.
13. En vertu de cet agrément, Sydhavnens Sten & Grus était qualifiée sur le plan environnemental pour traiter les déchets de chantier, sans toutefois disposer du droit de traiter les déchets produits sur le territoire de la commune de Copenhague. Pour cela, elle devait en outre être spécifiquement agréée à cet effet par cette dernière.
14. Le 29 août 1994, Sydhavnens Sten & Grus a demandé à la commune de Copenhague de bien vouloir lui conférer l'agrément requis.
15. Le 28 décembre 1994, la commune de Copenhague a rejeté la demande d'agrément, en indiquant que le traitement des déchets de chantier produits sur son territoire devait avoir principalement lieu dans une station de traitement située à Grøften.
16. Sydhavnens Sten & Grus a réitéré sa requête le 13 janvier 1995 mais s'est vu notifier un refus définitif de la commune de Copenhague. Sydhavnens Sten & Grus ne peut donc réceptionner que les déchets de chantier en provenance des communes voisines et n'a, en principe, pas accès à ceux produits dans la commune de Copenhague, en dépit du fait que ses installations y sont situées.
Les règlements communaux de 1992 et de 1998
17. Au Danemark, les communes sont compétentes en matière de déchets produits sur leur territoire. À ce titre, la commune de Copenhague a adopté successivement deux règlements, le premier entré en application le 1er janvier 1992 (ci-après le "règlement communal de 1992"), le second entré en application le 1er janvier 1998 (ci-après le "règlement communal de 1998"), sur le fondement desquels elle a refusé d'agréer Sydhavnens Sten & Grus. Ces deux règlements communaux établissent un régime de collecte des déchets de chantier aux fins de leur valorisation qui implique la conclusion, par la défenderesse au principal, d'accords avec un nombre limité d'entreprises relativement à la réception et au traitement des déchets produits sur son territoire. Les autres stations de réception, telles que celle exploitée par Sydhavnens Sten & Grus, sont, de ce fait, exclues du marché du traitement des déchets de chantier produits sur le territoire de la commune de Copenhague. La loi sur la protection de l'environnement et les règlements communaux prévoient une exception, qui vise à préserver les accords de recyclage déjà conclus.
18. Les règlements communaux mettent en œuvre un régime de collecte différent de celui normalement applicable pour les autres types de déchets au moins pour ce qui concerne le traitement des déchets. Le régime habituel prend la forme de contrats passés entre la commune de Copenhague et toutes les entreprises privées de transport et de réception des déchets satisfaisant aux exigences environnementales.
19. S'agissant des exportations et des importations de déchets de chantier, le règlement communal de 1992 ne contient pas de dispositions spécifiques. En revanche, le règlement communal de 1998 prévoit expressément qu'elles ne relèvent pas du régime communal. Elles sont donc, en principe, libres.
20. Ces règlements communaux font suite à l'adoption d'un plan de région visant à la mise en place, à Grøften, d'une station de trituration de grande capacité pour les déchets de chantier originaires de la grande région de Copenhague.
Le plan de région
21. Le plan de région a été élaboré par le Hovedstadsråd (conseil de la capitale) sur une demande formulée en 1988 par le ministère de l'Environnement. Celui-ci avait constaté qu'environ un tiers des déchets de chantier, correspondant à 20 % de l'ensemble des déchets pour tout le Danemark, était produit dans la grande région de Copenhague et que les quelques installations mobiles de trituration opérant dans la région n'étaient en mesure de prendre en charge qu'une partie relativement faible de ces déchets.
22. Selon les calculs de la commune de Copenhague, en 1988, seuls 16 % environ de la quantité estimée de déchets de chantier produits dans la commune, évaluée à 382 000 tonnes par an, avaient fait l'objet d'un recyclage, alors que les 84 % restants avaient été enfouis dans des décharges.
23. Le Hovedstadsråd a exploré les possibilités et les conditions de réutilisation des déchets de chantier dans la grande région de Copenhague. Il a conclu que, pour obtenir la meilleure qualité de recyclage, il était indispensable de recourir à des stations de traitement d'envergure convenable, de sorte que le nombre de stations de réutilisation des déchets devait, pour des raisons d'investissement et de rentabilité, être limité à un minimum.
La création d'une société gestionnaire du centre de traitement
24. Parallèlement à ces études, les autorités compétentes ont envisagé la création d'une société en vue de la gestion d'une station de retraitement régional. Un groupe de travail, composé de représentants de Miljøstyrelsen (direction de l'environnement) et du Hovedstadsråd, a publié, en juin 1989, un communiqué de presse par lequel toutes les personnes publiques ou privées intéressées par une participation au projet étaient invitées à se manifester.
25. Seules trois entreprises ont souhaité participer à la souscription des actions lors de la création de la société, dénommée Råstof og Genanvendelse Selskabet af 1990 A/S (ci-après "RGS"), chargée de la gestion de la station de retraitement régionale implantée à Grøften (ci-après le "centre de Grøften"). Il ne reste aujourd'hui que deux actionnaires de RGS, Entreprenørbilerne A/S et Renholdningsselskabet af 1898. Ce dernier est une institution autonome créée par des associations depropriétaires fonciers des communes de Copenhague et de Frederiksberg, mais ces deux communes comptent des représentants au sein des organes dirigeants de l'institution.
Les contrats passés par la commune de Copenhague
26. Il ressort de l'ordonnance de renvoi que, conformément aux règlements communaux de 1992 et de 1998, qui prévoient la passation d'accords avec un nombre limité d'entreprises pour le traitement des déchets de chantier, la commune de Copenhague a conclu avec trois entreprises gérant des installations de réception, dont RGS qui en est le principal bénéficiaire, des accords ayant pour objet la réception et le traitement des déchets de chantier non dangereux pour l'environnement produits sur son territoire. Ces accords ont pour effet d'exclure que d'autres entreprises pourtant qualifiées, comme Sydhavnens Sten & Grus, puissent traiter lesdits déchets.
27. Le projet de plan de gestion des déchets élaboré par la commune de Copenhague pour l'an 2000 prévoit que le droit quasi exclusif conféré à RGS doit faire l'objet d'un réexamen à l'expiration d'une période normale d'amortissement des installations du centre de Grøften.
Le recours et les questions préjudicielles
28. Le 21 novembre 1995, Sydhavnens Sten & Grus a formé un recours contre la commune de Copenhague devant l'Østre Landsret aux fins d'entendre juger, à titre principal, que la commune de Copenhague n'est pas autorisée à empêcher le transfert par un tiers de déchets de chantier à la station de réception exploitée par Sydhavnens Sten & Grus en vue de leur réutilisation. À titre subsidiaire, elle demande à l'Østre Landsret d'enjoindre la commune de Copenhague d'admettre le site exploité par Sydhavnens Sten & Grus comme station de réception dans le cadre du régime de collecte organisé par la défenderesse au principal.
29. C'est dans ces circonstances que l'Østre Landsret a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
"1) a) L'article 90, pris ensemble avec les articles 34 et 86 du traité CE, doit-il être entendu sous réserve d'une éventuelle application de l'article 36 ou, au reste, d'autres intérêts dignes de protection, voir première question, sous c) en ce sens qu'il s'oppose à l'instauration d'un régime local qui, visant à assurer un flux suffisamment important de déchets de chantier non dangereux pour l'environnement, destinés à la valorisation (recovery), entre bâtisseurs privés et certaines entreprises spécialement choisies pour leur utilisation rationnelle et économiquement rentable des déchets, exclut d'autres entreprises de la collecte et de la réception du même type de déchets provenant dusecteur de la construction sur le territoire de la commune, même si ces autres entreprises ont obtenu une autorisation de traitement de ce même type de déchets conformément à la directive 75-442-CEE, telle que modifiée par l'article 10 de la directive 91-156 ?
b) En cas de réponse affirmative à la première question, sous a) :
Un régime tel que décrit à la première question, sous a), est-il contraire à l'article 90 du traité CE, pris ensemble avec les articles 34 et 86 dudit traité, dans l'hypothèse où la réglementation communale qui sous-tend le régime prévoit que les déchets exportés ou importés ne relèvent pas du régime local évoqué dans la première question, sous a)?
c) En cas de réponse affirmative à la première question, sous a) :
L'article 36 du traité ou, au reste, des intérêts dignes de protection, tels que le souci de combattre à la source les nuisances et de mettre en place les possibilités de traitement et d'élimination requises voir article 130 R, paragraphe 2, du traité , habilite-t-il une municipalité à instaurer un régime tel que celui décrit à la première question, sous a), étant entendu que ce régime (et l'obligation pour les producteurs de déchets de recourir à ce régime) est justifié par l'intérêt de favoriser une valorisation des déchets relevant de ce régime, notamment en vue de garantir la capacité nécessaire de traitement ?
2) Les dispositions de l'article 10 de la directive 75-442, telle que modifiée par la directive 91-156, prises ensemble avec les articles 13 et 2, sous j), du règlement (CEE) n° 259-93 doivent-elles être interprétées en ce sens qu'elles font obligation aux autorités de traiter sur un pied d'égalité les entreprises ayant obtenu l'autorisation au sens dudit article 10, pour ce qui a trait à la conclusion de contrats relatifs à la réception et à la valorisation de certains déchets de chantier ne présentant pas de dangers pour l'environnement ?
3) a) L'article 7, paragraphe 3, de la directive 75-442, telle que modifiée par la directive 91-156, doit-il être entendu en ce sens que cette disposition, et la faculté qu'elle confère d'empêcher les mouvements de déchets, autorise un régime local tel que celui décrit à la première question, sous a), et, dans ce cadre, habilite la municipalité dont il s'agit à interdire le transport des déchets de chantier non dangereux pour l'environnement, aux fins de leur valorisation (recovery), si un tel transport est contraire au plan de gestion des déchets établi par la municipalité ?
b) L'article 7, paragraphe 3, de la directive 75-442, telle que modifiée par la directive 91-156, doit-il être interprété en ce sens que les mesures prises par un État membre ou par des autorités compétentes au seinde cet État, et qui sont nécessaires pour empêcher les mouvements de déchets qui ne sont pas conformes aux plans de gestion des déchets établis par les autorités, ne sont valables et ne peuvent être maintenues vis-à-vis des particuliers ou des entreprises affectés par ces mesures que si la Commission des Communautés européennes a été informée desdites mesures ?"
Sur la première question
30. Il y a lieu de constater, à titre liminaire, que la première question, prise dans son ensemble, porte sur la compatibilité d'une réglementation communale, telle que les règlements communaux de 1992 et de 1998, premièrement, avec les règles relatives à la liberté d'exporter visées à l'article 90 du traité, lu en combinaison avec l'article 34 du traité, et, deuxièmement, avec les règles sur la concurrence visées aux articles 90 et 86 du traité.
Sur les règles relatives à la liberté d'exporter
31. Aux fins de vérifier la compatibilité d'une réglementation, telle que celle en cause au principal, avec les règles sur la liberté d'exportation, il y a lieu de relever que, les dispositions de l'article 34 du traité visant directement les États membres et l'application de la dérogation énoncée à l'article 90, paragraphe 2, du traité n'ayant pas été soulevée dans l'ordonnance de renvoi ni évoquée par les parties au litige au principal pour justifier une éventuelle restriction des exportations, il suffit d'examiner la réglementation à la lumière de l'article 34 du traité sans qu'il soit nécessaire de le lire en combinaison avec l'article 90 du traité.
32. La question posée doit donc être comprise en ce sens que la juridiction de renvoi demande en substance, en premier lieu, si l'article 34 du traité s'oppose à un régime de collecte et de réception des déchets de chantier non dangereux destinés à être valorisés, tel que celui établi par la commune de Copenhague, en vertu duquel un nombre limité d'entreprises sont autorisées à traiter les déchets produits dans la commune, et, le cas échéant, si ce régime peut être justifié soit par l'une des exceptions visées à l'article 36 du traité, soit au titre de la protection de l'environnement, en vertu, notamment, des dispositions de l'article 130 R, paragraphe 2, du traité.
33. La juridiction de renvoi invite la Cour à envisager dans sa réponse deux hypothèses distinctes, selon que ledit régime s'applique ou non aux exportations et aux importations.
34. Il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour, l'article 34 du traité prohibe toutes les mesures nationales qui ont pour objet ou pour effet de restreindre spécifiquement les courants d'exportation et d'établir ainsi une différence de traitement entre le commerce intérieur d'un État membre et son commerce d'exportation, de manière à assurer un avantage particulier à la production nationale, ou au marché intérieur de l'État intéressé (voir arrêt du 10 mars 1983, Inter-Huiles e.a., 172-82, Rec. p. 555, point 12).
35. Sydhavnens Sten & Grus soutient que, en réservant l'exclusivité du traitement des déchets à un nombre limité d'entreprises chargées de les recycler autant que possible sur place, la réglementation en cause a pour effet de restreindre les exportations d'une manière contraire au traité.
36. La commune de Copenhague fait valoir que le règlement communal de 1998 prévoit que les exportations sont libres et que cela était déjà le cas sous l'empire du règlement communal de 1992, de sorte que le régime en cause n'est pas contraire à l'article 34 du traité.
37. Il y a lieu de considérer, à titre liminaire, que le seul fait que l'exclusivité du traitement des déchets de chantier produits dans une commune soit conférée à un nombre limité d'entreprises n'a pas nécessairement pour effet de créer une entrave aux exportations contraire à l'article 34 du traité, dès lors que les producteurs de déchets conservent la faculté de les exporter (voir, en ce sens, arrêt Inter-Huiles e.a., précité, point 11).
38. Il convient d'examiner le régime applicable sous chacun des deux règlements communaux.
39. Le règlement communal de 1992 ne comporte aucune disposition expresse relative aux exportations. Il ressort cependant du dossier qu'il impose aux producteurs de déchets de chantier non dangereux de confier leurs déchets à un transporteur agréé, tenu lui-même de les remettre uniquement à l'un des trois centres autorisés.
40. Il y a lieu de considérer que, en l'absence d'une dérogation expresse relative aux exportations, une réglementation telle que le règlement communal de 1992 est susceptible d'être interprétée comme comportant une interdiction implicite d'exporter, contraire à l'article 34 du traité (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 1985, Commission/France, 173-83, Rec. p. 491, point 7). Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si tel était le cas dans l'affaire au principal.
41. Quant au règlement communal de 1998, même s'il prévoit expressément la possibilité d'exporter les déchets, Sydhavnens Sten & Grus considère qu'il restreint autant les exportations que le précédent. Le fait qu'il contienne une exonération formelle des exportations ne mettrait pas fin à l'infraction à l'article 34 du traité. Il n'en serait autrement, selon Sydhavnens Sten & Grus, que si un accès réel à la collecte et à la revente des déchets de construction était assuré aux intermédiaires.
42. À cet égard, il y a lieu de constater qu'une réglementation communale qui empêche des intermédiaires, pourtant qualifiés, de participer à la collecte des déchets en cause en vue de la revente dans d'autres États membres constitue une entrave aux exportations contraire à l'article 34 du traité (voir, en ce sens, arrêt du 9 février 1984, Rhône-Alpes Huiles, 295-82, Rec. p. 575).
43. La question de savoir si, dans l'affaire au principal, les producteurs de déchets peuvent avoir recours à des intermédiaires pour exporter leurs déchets a fait l'objet d'affirmations contraires de la part des intervenants devant la Cour. Selon Sydhavnens Sten & Grus, les intermédiaires qualifiés, tels qu'elle-même, ne peuvent pas avoir accès à la collecte des déchets de chantier en vue de leur exportation. La commune de Copenhague affirme, au contraire, que les exportations peuvent être effectuées par le biais d'intermédiaires. Il appartient, dès lors, à la juridiction de renvoi de vérifier si la réglementation en cause, qu'elle résulte du règlement communal de 1992 ou du règlement communal de 1998, permet aux producteurs de déchets de chantier non dangereux d'exporter leurs déchets, en utilisant, s'ils le souhaitent, des intermédiaires.
44. Dans l'hypothèse où il serait jugé que la réglementation en cause a pour effet de restreindre les exportations de manière contraire à l'article 34 du traité, la juridiction de renvoi s'interroge sur la possibilité de la justifier en invoquant, d'une part, l'article 36 du traité et, d'autre part, la protection de l'environnement telle que celle-ci est prévue, en particulier, à l'article 130 R, paragraphe 2, du traité.
45. Concernant la dérogation prévue à l'article 36 du traité, il convient de relever qu'une telle justification serait pertinente si le transport des déchets de chantier sur une plus grande distance, du fait de leur exportation, et leur traitement dans un autre État membre que celui où ils sont produits constituaient un danger pour la santé et la vie des personnes ou des animaux, ou pour la préservation des végétaux.
46. Cependant, force est de constater que, en l'espèce, il s'agit de déchets non dangereux et qu'aucun élément tendant à démontrer l'existence d'un danger pour la santé et la vie des personnes ou des animaux, ou pour la préservation des végétaux n'a été allégué, les intervenants devant la Cour s'étant, sur ce point, contentés de mentionner qu'une entrave éventuelle contraire à l'article 34 du traité serait justifiée par l'application de l'article 36 du traité.
47. Il s'ensuit que l'exception visée à l'article 36 du traité relative à la santé et à la vie des personnes et des animaux, et à la préservation des végétaux ne saurait, dans ces conditions, justifier une restriction aux exportations contraire à l'article 34 du traité.
48. Quant à la justification fondée sur la protection de l'environnement, et notamment le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, visé à l'article 130 R, paragraphe 2, du traité, il convient de souligner que la protection de l'environnement ne permet pas de justifier toute restriction aux exportations notamment dans le cas de déchets destinés à être valorisés (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 1998, Dusseldorp e.a., C-203-96, Rec.p. I-4075, point 49). Il en est ainsi a fortiori lorsqu'il s'agit, comme dans l'affaire au principal, de déchets de chantier non dangereux pour l'environnement.
49. Or, il ressort du dossier qu'aucun argument tendant à démontrer que l'exportation des déchets en cause constituerait une atteinte à l'environnement n'a été présenté.
50. Dans ces circonstances, des restrictions aux exportations contraires à l'article 34 du traité, telles que celles alléguées dans le litige au principal, ne sauraient être justifiées par la nécessité de protéger l'environnement notamment par l'application du principe de la correction, par priorité à la source, visé à l'article 130 R, paragraphe 2, du traité.
51. Il y a donc lieu de répondre à la première partie de la première question que l'article 34 du traité s'oppose à un régime de collecte et de réception des déchets de chantier non dangereux destinés à être valorisés, en vertu duquel un nombre limité d'entreprises sont autorisées à traiter les déchets produits dans une commune, si ce régime constitue, en droit ou en fait, une entrave à l'exportation en ce sens qu'il ne permet pas aux producteurs de déchets d'exporter ceux-ci, notamment par le biais d'intermédiaires. Une telle entrave ne peut être justifiée sur le fondement de l'article 36 du traité ou aux fins de protéger l'environnement, notamment par l'application du principe de la correction, par priorité à la source, visé à l'article 130 R, paragraphe 2, du traité, en l'absence de tout indice d'un danger pour la santé ou la vie des personnes ou des animaux, ou pour la préservation des végétaux, ou d'un danger pour l'environnement.
Sur les règles de concurrence visées aux articles 90 et 86 du traité
52. La juridiction de renvoi demande en substance, en second lieu, si l'article 90 du traité, lu en combinaison avec l'article 86 du traité, s'oppose à l'instauration d'un régime local, tel que le régime en cause au principal, qui prévoit qu'un nombre limité d'entreprises spécialement choisies peuvent procéder au traitement des déchets de chantier non dangereux pour l'environnement destinés à être valorisés, produits dans la zone concernée, permettant ainsi d'assurer un flux suffisamment important de tels déchets vers ces entreprises, et exclut d'autres entreprises pourtant qualifiées pour effectuer ledit traitement.
53. Il convient de relever, d'une part, que, en vertu de la réglementation en cause au principal, trois entreprises ont été autorisées à réceptionner les déchets de chantier produits sur le territoire de la commune de Copenhague en vue de leur valorisation et que les autres entreprises, et notamment Sydhavnens Sten & Grus, en sont exclues. En dehors de ces trois entreprises, aucune entreprise au Danemark ne peut recevoir de déchets de chantier produits dans la commune en vue de leur traitement.
54. Il s'ensuit que ces trois entreprises doivent être considérées comme des entreprises investies par l'État membre concerné d'un droit exclusif, au sens de l'article 90,paragraphe 1, du traité(voir, en ce sens, arrêts du 19 mai 1993, Corbeau, C-320-91, Rec. p. I-2533, point 8, et du 10 février 2000, Deutsche Post, C-147-97 et C-148-97, non encore publié au Recueil, point 37).
55. Il y a lieu de rappeler, d'autre part, que, en vertu de l'article 90, paragraphe 1, du traité, les États membres, s'agissant des entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du traité notamment en matière de concurrence.
56. Afin d'examiner si une réglementation, telle que la réglementation en cause au principal, est contraire à l'article 90 du traité, lu en combinaison avec l'article 86 du traité, il convient de vérifier si elle crée une position dominante dans le chef du bénéficiaire du droit spécial ou exclusif et si elle occasionne un abus.
Sur l'existence d'une position dominante
57. En ce qui concerne l'éventuelle existence d'une position dominante, la Cour a souligné à de nombreuses reprises qu'une importance fondamentale doit être accordée à la détermination du marché en cause et à la délimitation de la partie substantielle du Marché commun où l'entreprise est en mesure de se livrer éventuellement à des pratiques abusives faisant obstacle à une concurrence effective (voir, par exemple, arrêt du 17 juillet 1997, GT-Link, C-242-95, Rec. p. I-4449, point 36).
58. Selon Sydhavnens Sten & Grus, le marché en cause est le marché pour la réception et le traitement des déchets de chantier produits sur le territoire de la commune de Copenhague. Ce marché formerait une partie substantielle du marché commun étant donné l'importance de la partie du territoire danois concernée et le fait que le centre de Grøften compterait parmi les plus grandes installations d'Europe.
59. La commune de Copenhague et le gouvernement danois considèrent que la Cour ne détient pas d'informations suffisantes lui permettant de se prononcer sur la question et qu'il appartient à la juridiction de renvoi d'y répondre.
60. À cet égard, il incombe à la juridiction de renvoi de définir le marché en cause au regard des éléments de faits dont elle dispose, d'une part, en fonction des caractéristiques du produit ou service en cause et, d'autre part, par référence à une zone géographique définie dans laquelle il est commercialisé et où les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes pour pouvoir apprécier le jeu de la puissance économique de la ou les entreprises concernées (voir arrêt du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27-76, Rec. p. 207, point 11).
61. Pour ce qui concerne le produit ou service en cause, la juridiction de renvoi devra, en particulier, vérifier si le traitement des déchets de chantier non dangereux pour l'environnement constitue un marché distinct du traitement d'autres types de déchets.
62. Pour ce qui concerne le marché géographique, il devra être tenu compte du fait qu'une exclusivité a été octroyée à trois entreprises, dont RGS, gestionnaire du centre de Grøften, qui en est le principal bénéficiaire. Les producteurs de déchets de la commune ne peuvent, s'ils veulent faire traiter leurs déchets au Danemark, que s'adresser à l'une de ces trois entreprises. Cette circonstance pourrait avoir pour effet de restreindre le marché à la zone sur laquelle s'étend l'exclusivité.
63. Cependant, étant donné l'importance de la commune de Copenhague dans la grande région de Copenhague, dont les déchets de chantier représentent environ un tiers des déchets de chantier produits au Danemark, le juge de renvoi devra vérifier si l'exclusivité pourrait avoir pour effet de restreindre la concurrence effective non seulement dans la zone de la commune, mais dans une zone plus large.
64. Par la suite, ayant défini les limites de la zone affectée, il sera nécessaire d'examiner si cette zone constitue une partie substantielle du Marché commun en tenant compte, en particulier, du volume de déchets de chantier produits et traités dans la commune de Copenhague et de l'importance qu'ils représentent au regard de l'ensemble des activités de traitement de déchets de chantier au Danemark (voir, en ce sens, arrêts du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova, C-179-90, Rec. p. I-5889, point 15, et GT-Link, précité, point 37).
65. Ce n'est que si la juridiction de renvoi estime que les entreprises concernées détiennent une position dominante sur un marché ainsi défini qu'il sera nécessaire d'examiner la question d'un éventuel abus.
Sur l'existence d'un abus
66. Il y a lieu de rappeler que le simple fait de créer une position dominante par l'octroi de droits spéciaux ou exclusifs, au sens de l'article 90, paragraphe 1, du traité, n'est pas, en tant que tel, incompatible avec l'article 86 du traité. Un État membre n'enfreint les interdictions édictées par ces deux dispositions que lorsque l'entreprise en cause est amenée, par le simple exercice des droits exclusifs qui lui ont été conférés, à exploiter sa position dominante de façon abusive ou lorsque ces droits sont susceptibles de créer une situation dans laquelle cette entreprise est amenée à commettre de tels abus (voir, par exemple, arrêt du 21 septembre 1999, Brentjens', C-115-97 à C-117-97, non encore publié au Recueil, point 93).
67. La Cour a ainsi jugé qu'un État membre pouvait, sans enfreindre l'article 86 du traité, accorder des droits exclusifs à certaines entreprises dans la mesure où ces dernières n'exploitaient pas leur position dominante de façon abusive ou n'étaient pas nécessairement amenées à commettre de tels abus (voir arrêt du 18 juin 1998, Corsica Ferries France, C-266-96, Rec. p. I-3949, point 41).
68. À cet égard, il y a lieu de relever, tout d'abord, que l'octroi d'un droit exclusif sur une partie du territoire national pour des objectifs environnementaux, tels que la création de la capacité nécessaire pour le recyclage de déchets de chantier, ne constitue pas en soi un abus de position dominante.
69. Il convient d'examiner ensuite si le droit exclusif ne conduit pas néanmoins à un abus de position dominante.
70. Selon la commune de Copenhague, la réglementation en cause n'aboutit à aucune violation des règles de concurrence visées à l'article 86 du traité, qu'il s'agisse des prix ou des autres conditions commerciales appliquées par les trois entreprises investies du droit exclusif.
71. S'agissant des prix pratiqués par ces trois entreprises, il y a lieu de relever que la commune de Copenhague a fait valoir, sans être contredite, que ceux-ci étaient fixés librement par les entreprises concernées et que, dans les cas où la commune estimait que les prix étaient excessifs, elle pouvait demander aux autorités de la concurrence d'intervenir. Par ailleurs, s'agissant des autres conditions commerciales, aucun comportement abusif n'a été invoqué.
72. Selon Sydhavnens Sten & Grus, l'exclusivité conduit cependant à un abus de position dominante en limitant les débouchés et en favorisant le centre de Grøften au détriment des concurrents.
73. Le gouvernement danois fait valoir que, même si l'exclusivité donnait lieu à une restriction de concurrence, elle serait justifiée, en vertu de l'article 90, paragraphe 2, du traité, par la nécessité de garantir l'accomplissement d'une tâche d'intérêt économique général, à savoir la gestion des déchets de chantier. Selon le gouvernement danois, cette tâche nécessitait de créer les capacités suffisantes pour le traitement des déchets de chantier produits dans la commune de Copenhague.
74. À cet égard, il y a lieu de relever qu'il résulte en effet de la combinaison des paragraphes 1 et 2 de l'article 90 du traité que le paragraphe 2 peut être invoqué pour justifier l'octroi, par un État membre, à une entreprise chargée de la gestion de services d'intérêt économique général, de droits exclusifs contraires notamment à l'article 86 du traité, dans la mesure où l'accomplissement de la mission particulière qui lui a été impartie ne peut être assuré que par l'octroi de tels droits et pour autant que le développement des échanges n'est pas affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté [voir, concernant des droits exclusifs contraires à l'article 37 du traité CE (devenu, après modification, article 31 CE), arrêt du 23 octobre 1997, Commission/France, C-159-94, Rec. p. I-5815, point 49].
75. Il convient de considérer que la gestion de certains déchets peut faire l'objet d'un service d'intérêt économique général, en particulier lorsque ce service a pour but de faire face à un problème environnemental.
76. Il ressort du dossier que la commune de Copenhague a, conformément à la législation nationale, confié à trois entreprises la tâche de traiter les déchets de chantier produits dans la commune et que ces entreprises ont l'obligation de recevoir ces déchets et de les traiter aux fins de leur réutilisation, pour autant que celle-ci soit possible. Dans ces conditions, force est de reconnaître qu'une mission d'intérêt économique général a été confiée à ces entreprises.
77. Il y a lieu d'examiner ensuite si l'exclusivité octroyée aux trois entreprises est nécessaire à l'accomplissement de la mission d'intérêt économique général qui leur a été impartie dans des conditions économiquement acceptables (voir arrêts Corbeau, précité, points 14 et 16, et Brentjens', précité, point 107).
78. Il ressort des éléments portés à la connaissance de la Cour que, lorsque le centre de Grøften a été créé et qu'une exclusivité a été octroyée à un nombre limité d'entreprises, la commune de Copenhague faisait face à un problème environnemental jugé sérieux, à savoir l'enfouissement de la plupart des déchets de chantier dans le sol, alors même que ces déchets auraient pu être recyclés. Le recyclage ne pouvait avoir lieu en raison d'un manque d'entreprises susceptibles de traiter lesdits déchets. Afin de prendre en charge les volumes de déchets produits dans la commune et de les recycler en assurant une haute qualité de recyclage, la commune a jugé qu'il était nécessaire de créer un centre d'une grande capacité. Par ailleurs, afin d'assurer la rentabilité de ce centre nouvellement créé, elle a considéré qu'il fallait lui assurer un flux significatif de déchets en lui octroyant l'exclusivité de leur traitement.
79. Il est vrai que l'exclusivité a pour effet d'exclure des entreprises pourtant qualifiées désirant entrer sur le marché, telles que Sydhavnens Sten & Grus. Cependant, en l'absence d'entreprises capables de traiter les déchets en cause au principal, la commune de Copenhague a pu juger nécessaire de créer un centre d'une capacité importante. Par ailleurs, pour assurer que des entreprises soient intéressées à participer à la gestion d'un centre d'une grande capacité, une exclusivité limitée, à la fois dans le temps, à la période d'amortissement prévisible des investissements et, dans l'espace, au territoire de la commune a pu également être jugée nécessaire.
80. En effet, une mesure ayant un effet moins restrictif sur la concurrence, telle qu'une réglementation imposant simplement aux entreprises de faire recycler leurs déchets, n'aurait pas nécessairement garanti le recyclage de la plupart des déchets produits dans la commune, en raison même de l'insuffisance des capacités de traitement desdits déchets.
81. Dans de telles conditions, il convient de considérer que, même dans l'hypothèse où l'octroi de l'exclusivité conduirait à une restriction de concurrence sur une partie substantielle du Marché commun, cette exclusivité pourrait être considérée comme étant nécessaire à l'accomplissement d'une mission de service d'intérêt économique général.
82. Au demeurant, rien dans le dossier n'indique que l'exclusivité octroyée en l'espèce soit de nature à nécessairement amener les entreprises en cause à exploiter leur position dominante de façon abusive.
83. Ainsi, il y a lieu de répondre à la seconde partie de la première question que l'article 90 du traité, lu en combinaison avec l'article 86 du traité, ne s'oppose pas à l'instauration d'un régime local, tel que le régime en cause au principal, qui, afin de résoudre un problème environnemental résultant de l'absence de capacité de traitement des déchets de chantier non dangereux destinés à être valorisés, prévoit qu'un nombre limité d'entreprises spécialement choisies peuvent procéder au traitement de tels déchets produits dans la zone concernée, permettant ainsi d'assurer un flux suffisamment important de tels déchets vers ces entreprises, et exclut d'autres entreprises pourtant qualifiées pour effectuer ledit traitement.
Sur la deuxième question
84. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande en substance si la directive 75-442 et le règlement doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent aux États membres de conclure des contrats avec toutes les entreprises autorisées, au sens de l'article 10 de la directive 75-442, aux fins de la réception et de la valorisation des déchets de chantier non dangereux pour l'environnement.
85. En ce qui concerne la directive 75-442, la Cour a jugé, dans l'arrêt du 17 mars 1993, Commission/Conseil (C-155-91, Rec. p. I-939, point 20), que l'harmonisation prévue par l'article 1er de la directive 75-442 a pour objet principal d'assurer, dans le souci de protéger l'environnement, l'efficacité de la gestion des déchets dans la Communauté, quelle qu'en soit l'origine, et n'a qu'accessoirement des effets sur les conditions de la concurrence et des échanges.
86. L'article 10 de la directive 75-442 impose aux États membres de prévoir que seules les entreprises autorisées pourront effectuer certaines opérations de valorisation. Cet article requiert donc des États membres qu'ils prévoient une procédure d'autorisation aux fins de la protection de l'environnement mais ne les oblige pas à traiter avec toutes les entreprises autorisées.
87. S'agissant du règlement, celui-ci ne vise pas non plus à harmoniser les conditions de la concurrence et ne contient pas de dispositions à cet effet. Ainsi qu'il ressort, en particulier, de ses quatrième, cinquième et sixième considérants, il a pour objet d'organiser la surveillance et le contrôle des transferts transfrontaliers et d'établir des règles minimales communes en matière de surveillance et de contrôle des transferts de déchets à l'intérieur d'un État membre de la Communauté.
88. Il y a donc lieu de répondre à la deuxième question que ni la directive 75-442 ni le règlement n'imposent aux États membres de conclure des contrats avec toutes les entreprises autorisées, au sens de l'article 10 de la directive 75-442, aux fins de la réception et de la valorisation des déchets de chantier non dangereux pour l'environnement.
Sur la troisième question
89. La troisième question porte, en premier lieu, sur la faculté des États membres, en vertu de l'article 7, paragraphe 3, de la directive 75-442, de prendre des mesures interdisant certains transports de déchets de chantier non dangereux et, en second lieu, sur les conséquences de l'obligation faite aux États membres, par le même article, d'informer la Commission de telles mesures.
Sur l'interdiction des opérations de transport non conformes au plan de gestion
90. Par la première partie de sa troisième question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 7, paragraphe 3, de la directive 75-442 doit être interprété en ce sens qu'il permet à un État membre de prendre des mesures relatives au transport de déchets, y compris des mesures d'interdiction de transport de déchets de chantier non dangereux destinés à être valorisés, si le transport n'est pas conforme à son plan de gestion.
91. Selon Sydhavnens Sten & Grus, il résulte de la directive 75-442 et du règlement que le transfert des déchets non dangereux destinés à être valorisés ne peut pas faire l'objet de restrictions. La commune de Copenhague ne pourrait donc pas empêcher le transport de déchets de chantier non dangereux qui ne serait pas conforme à son plan de gestion.
92. Il y a lieu de relever que l'article 7, paragraphe 3, de la directive 75-442 autorise expressément les États membres à prendre les mesures nécessaires pour empêcher des mouvements de déchets qui ne seraient pas conformes à leurs plans de gestion tels que définis à l'article 7, paragraphes 1 et 2. Ce faisant, cette disposition prévoit que les États membres peuvent prendre des mesures contraignantes afin d'assurer la mise en œuvre de leurs plans de gestion. Elle doit donc être interprétée comme autorisant une interdiction d'effectuer certains transferts de déchets.
93. Il s'ensuit qu'une mesure interdisant le transport de déchets de chantier non dangereux qui ne serait pas conforme à un plan de gestion des déchets doit être considérée comme licite dès lors que ce plan est compatible avec les règles du traité et de la directive 75-442.
94. La compatibilité d'un régime, tel que celui établi par la commune de Copenhague, avec les règles de l'article 34 du traité et celles de l'article 90 du traité a été examinée aux points 30 à 83 du présent arrêt, dans le cadre de la réponse à la première question. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que ce régime respecte également les dispositions de la directive 75-442.
95. Il y a donc lieu de répondre à la première partie de la troisième question que l'article 7, paragraphe 3, de la directive 75-442 doit être interprété en ce sens qu'il permet à un État membre de prendre des mesures relatives au transport de déchets, y compris des mesures d'interdiction de transport de déchets de chantier non dangereux destinés à être valorisés, si le transport n'est pas conforme à son plan de gestion, sous réserve que ce plan soit compatible avec les règles du traité et de la directive 75-442.
Sur l'obligation d'informer la Commission
96. Par la seconde partie de sa troisième question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 7, paragraphe 3, de la directive 75-442 doit être interprété en ce sens qu'il confère aux particuliers un droit qu'ils pourraient faire valoir devant les juridictions nationales, afin de s'opposer à une mesure visant à empêcher des mouvements de déchets non conformes à un plan de gestion des déchets, au motif que cette mesure n'aurait pas été communiquée à la Commission.
97. Selon Sydhavnens Sten & Grus, un État membre ne peut appliquer des mesures visant à empêcher les mouvements de déchets qui ne sont pas conformes à son plan de gestion s'il n'a pas informé la Commission de ces mesures conformément à l'article 7, paragraphe 3, de la directive 75-442. À l'appui de son interprétation, elle fait référence à l'article 6, paragraphe 6, de la directive 94-62-CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 1994, relative aux emballages et aux déchets d'emballages (JO L 365, p. 10), qui prévoit que la Commission doit confirmer certaines mesures instaurées par les États membres en matière de recyclage et de valorisation des emballages.
98. Force est de constater cependant que, contrairement aux dispositions de l'article 6, paragraphe 6, de la directive 94-62, la directive 75-442 n'impose aucune obligation spécifique à la Commission à la suite d'une communication de l'information. Elle se borne à imposer aux États membres l'obligation de communiquer à la Commission les mesures qu'ils ont prises sans fixer de procédure de contrôle communautaire de ces mesures et sans subordonner leur mise en vigueur à l'accord ou à l'absence d'opposition de la Commission.
99. L'obligation imposée aux États membres par l'article 7, paragraphe 3, de la directive 75-442 vise à permettre à la Commission d'être informée sur les mesures nationales concernées afin d'examiner si elles sont compatibles ou non avec le droit communautaire et de tirer, le cas échéant, les conséquences pertinentes.
100. Ni le libellé ni le but de cette disposition ne permettent donc de considérer que le non-respect de l'obligation de communication préalable qui incombe aux États membres entraîne à lui seul l'illégalité des mesures ainsi adoptées (voir en ce sens, s'agissant de l'article 3, paragraphe 2, de la directive 75-442, dans sa version antérieure à la directive 91-156, arrêt du 13 juillet 1989, Enichem Base e.a., 380-87, Rec. p. 2491, point 22).
101. Il résulte de ce qui précède que l'article 7, paragraphe 3, de la directive 75-442 concerne les relations entre les États membres et la Commission, mais qu'il n'engendre, en revanche, aucun droit dans le chef des particuliers qui soit susceptible d'être lésé en cas de violation, par un État membre, de l'obligation de communication à la Commission des mesures concernées.
102. Il convient donc de répondre à la seconde partie de la troisième question que l'article 7, paragraphe 3, de la directive 75-442 doit être interprété en ce sens qu'il ne confère aux particuliers aucun droit qu'ils pourraient faire valoir devant les juridictions nationales, afin de s'opposer à une mesure visant à empêcher des mouvements de déchets non conformes à un plan de gestion, au motif que cette mesure n'aurait pas été communiquée à la Commission.
Sur les dépens
103. Les frais exposés par les gouvernements danois et néerlandais ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
statuant sur les questions à elle soumises par l'Østre Lansdret, par ordonnance du 27 mai 1998, dit pour droit :
1. L'article 34 du traité CE (devenu, après modification, article 29 CE) s'oppose à un régime de collecte et de réception des déchets de chantier non dangereux destinés à être valorisés, en vertu duquel un nombre limité d'entreprises sont autorisées à traiter les déchets produits dans une commune, si ce régime constitue, en droit ou en fait, une entrave à l'exportation en ce sens qu'il ne permet pas aux producteurs de déchets d'exporter ceux-ci, notamment par le biais d'intermédiaires. Une telle entrave ne peut être justifiée sur le fondement de l'article 36 du traité CE (devenu, après modification, article 30 CE) ou aux fins de protéger l'environnement, notamment par l'application du principe de la correction, par priorité à la source, visé à l'article 130 R, paragraphe 2, du traité CE(devenu, après modification, article 174, paragraphe 2, CE), en l'absence de tout indice d'un danger pour la santé ou la vie des personnes ou des animaux, ou pour la préservation des végétaux, ou d'un danger pour l'environnement.
2. L'article 90 du traité CE (devenu article 86 CE), lu en combinaison avec l'article 86 du traité CE (devenu article 82 CE), ne s'oppose pas à l'instauration d'un régime local, tel que le régime en cause au principal, qui, afin de résoudre un problème environnemental résultant de l'absence de capacité de traitement des déchets de chantier non dangereux destinés à être valorisés, prévoit qu'un nombre limité d'entreprises spécialement choisies peuvent procéder au traitement de tels déchets produits dans la zone concernée, permettant ainsi d'assurer un flux suffisamment important de tels déchets vers ces entreprises, et exclut d'autres entreprises pourtant qualifiées pour effectuer ledit traitement.
3. Ni la directive 75-442-CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets, telle que modifiée par la directive 91-156-CEE du Conseil, du 18 mars 1991, ni le règlement (CEE) n° 259-93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne, n'imposent aux États membres de conclure des contrats avec toutes les entreprises autorisées, au sens de l'article 10 de ladite directive, aux fins de la réception et de la valorisation des déchets de chantier non dangereux pour l'environnement.
4. L'article 7, paragraphe 3, de la directive 75-442, telle que modifiée par la directive 91-156, doit être interprété en ce sens qu'il permet à un État membre de prendre des mesures relatives au transport de déchets, y compris des mesures d'interdiction de transport de déchets de chantier non dangereux destinés à être valorisés, si le transport n'est pas conforme à son plan de gestion, sous réserve que ce plan soit compatible avec les règles du traité et de ladite directive.
5. L'article 7, paragraphe 3, de la directive 75-442, telle que modifiée par la directive 91-156, doit être interprété en ce sens qu'il ne confère aux particuliers aucun droit qu'ils pourraient faire valoir devant les juridictions nationales, afin de s'opposer à une mesure visant à empêcher des mouvements de déchets non conformes à un plan de gestion, au motif que cette mesure n'aurait pas été communiquée à la Commission.