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Décisions

CJCE, 5e ch., 30 mars 2000, n° C-266/97 P

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Coöperatieve Vereniging De Verenigde Bloemenveilingen Aalsmeer

Défendeur :

Vereniging van Groothandelaren in Bloemkwekerijproducten, Florimex (BV), Inkoop Service Aalsmeer (BV), M. Verhaar (BV), Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Moitinho de Almeida

Avocat général :

M. Saggio

Juges :

MM. Sevón, Puissochet, Wathelet, Jann

Avocats :

Mes van der Wal, Keijser.

Comm. CE, du 20 déc. 1993

20 décembre 1993

LA COUR,

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 19 juillet 1997, la Coöperatieve Vereniging De Verenigde Bloemenveilingen Aalsmeer BA (ci-après la "VBA") a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 14 mai 1997, VGB e.a./Commission (T-77-94, Rec. p. II-759, ci-après l'"arrêt attaqué"), par lequel celui-ci a annulé la décision de la Commission, contenue dans une lettre du 20 décembre 1993 (ci-après la "décision litigieuse"), refusant de donner une suite favorable aux plaintes introduites par la Vereniging van Groothandelaren in Bloemkwekerijproducten (ci-après la "VGB"), Florimex BV (ci-après "Florimex"), Inkoop Service Aalsmeer BV (ci-après "Inkoop Service Aalsmeer") et M. Verhaar BV (ci-après "Verhaar") concernant les contrats commerciaux conclus par la VBA avec certains de ses fournisseurs.

2. Par acte déposé au greffe de la Cour le 30 octobre 1997, la VGB, Florimex, Inkoop Service Aalsmeer et Verhaar ont formé un pourvoi incident contre l'arrêt attaqué, en tant que celui-ci a rejeté leurs moyens et arguments concernant le refus de la Commission de faire droit à leurs plaintes dirigées contre les contrats relatifs au centre commercial Cultra (ci-après les "accords Cultra") conclus par la VBA avec certains grossistes.

Les faits devant le Tribunal

3. Il ressort de l'arrêt attaqué que la VBA est une association coopérative de droit néerlandais regroupant des cultivateurs de fleurs et de plantes ornementales qui organise, dans son enceinte à Aalsmeer (Pays-Bas), des ventes à la criée de produits de la floriculture. Une partie de son enceinte est réservée à la location, notamment aux grossistes en fleurs coupées et aux distributeurs de plantes d'appartement, de "locaux commerciaux" consacrés à l'exercice du commerce de gros des produits de la floriculture (point 1).

4. La VGB est une association regroupant de nombreux grossistes néerlandais en produits de la floriculture ainsi que des grossistes établis dans l'enceinte de la VBA (point 2).

5. Florimex est une entreprise de commerce de fleurs établie à Aalsmeer à proximité du complexe de la VBA. Elle importe des produits de la floriculture en provenance d'États membres de la Communauté européenne et de pays tiers, afin de les revendre essentiellement à des grossistes établis aux Pays-Bas (point 3).

6. Verhaar est un grossiste en produits de la floriculture établi dans l'enceinte de la VBA. Inkoop Service Aalsmeer est une filiale de Verhaar établie dans le centre commercial Cultra, dans l'enceinte de la VBA (point 4).

7. L'article 17 des statuts de la VBA oblige ses membres à vendre par son intermédiaire tous les produits propres à la consommation cultivés dans leurs exploitations. Une redevance ou commission ("redevance de criée") est facturée aux membres au titre des services fournis par la VBA. En 1991, cette redevance s'élevait à 5,7 % du produit de la vente (point 5).

8. Jusqu'au 1er mai 1988, l'article 5, points 10 et 11, de la réglementation des criées de la VBA empêchait l'utilisation de ses locaux pour les livraisons, achats et ventes de produits de la floriculture ne transitant pas par ses propres criées. Dans la pratique, l'autorisation, par la VBA, d'opérations commerciales dans son enceinte portant sur des produits ne transitant pas par ses criées n'était accordée que dans le cadre de certains contrats types dénommés "handelsovereenkomsten" (contrats commerciaux) ou moyennant paiement d'une redevance de 10 % (point 6).

9. Par ces contrats commerciaux, la VBA accordait à certains distributeurs la possibilité de vendre et de livrer à des acheteurs agréés par elle certains produits de la floriculture acquis auprès d'autres criées néerlandaises ou des fleurs coupées d'origine étrangère moyennant paiement d'une redevance (points 7 et 8).

10. À la suite d'une plainte de Florimex, la Commission a adopté, le 26 juillet 1988, la décision 88-491-CEE relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité CEE (IV-31.379 Bloemenveilingen Aalsmeer) (JO L 262, p. 27, ci-après la "décision de 1988") (point 13).

11. Dans le dispositif de la décision de 1988, la Commission a déclaré, notamment, que les accords conclus par la VBA, en vertu desquels les distributeurs établis dans son enceinte et leurs fournisseurs étaient tenus, d'une part, de ne négocier ou de ne faire livrer dans celle-ci des produits de la floriculture qui n'ont pas été achetés par l'intermédiaire de la VBA qu'avec son autorisation et aux conditions fixées par elle et, d'autre part, de ne stocker de tels produits dans l'enceinte de la VBA que contre paiement d'une redevance fixée par celle-ci, constituaient des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE).

12. Elle a par ailleurs constaté que les redevances visant à prévenir l'utilisation abusive des installations de la VBA imposées par elle aux distributeurs établis dans son enceinte ainsi que les contrats commerciaux conclus entre la VBA et ces distributeurs constituaient également, dans leur forme notifiée à la Commission, de telles infractions (point 14).

13. À partir du 1er mai 1988, la VBA a formellement supprimé les obligations d'achat et les restrictions à la libre disposition de la marchandise découlant de sa réglementation des criées, tout en introduisant une "redevance d'utilisation" ("facilitaire heffing"). La VBA a également introduit des versions modifiées des contrats commerciaux (point 15).

14. La redevance d'utilisation est perçue, sur la base du nombre de tiges (fleurs coupées) ou de plantes fournies, sur les livraisons faites par des tiers aux distributeurs établis dans l'enceinte de la VBA. Cette dernière détermine le montant de la redevance sur la base des prix annuels moyens réalisés au cours de l'année précédente pour les différents produits de la floriculture concernés. Selon la VBA, un coefficient d'environ 4,3 % du prix annuel moyen de la catégorie en cause est appliqué. Au lieu d'une redevance perçue par tige ou par plante, un fournisseur peut opter pour une redevance de 5 %, comprenant l'encaissement des créances par la VBA (point 16).

15. Par circulaire du 29 avril 1988, la VBA a supprimé, avec effet au 1er mai 1988, les restrictions prévues jusqu'alors dans les contrats commerciaux. Il existe depuis lors trois types de contrats commerciaux. Tous ces contrats appliquent une redevance de 3 % de la valeur brute des marchandises fournies aux clients dans l'enceinte de la VBA. Selon cette dernière, il s'agit en grande partie de produits qui ne sont pas suffisamment cultivés aux Pays-Bas (points 17 et 18).

16. Dans la pratique, les petits distributeurs, en général des détaillants, sont exclus des ventes à la criée. Toutefois, ils ont la possibilité de faire des achats dans le centre commercial Cultra, établi dans l'enceinte de la VBA, qui comprend six magasins "cash and carry", dont deux grossistes en fleurs coupées et séchées, deux grossistes (dont Inkoop Service Aalsmeer) en plantes d'appartement, un grossiste en plantes de jardin et un grossiste en plantes de culture hydroponique. À l'exception de l'entreprise vendant des plantes de culture hydroponique, ces grossistes sont contractuellement tenus de se procurer leurs marchandises par l'intermédiaire de la VBA (point 20).

17. Le 19 juillet 1988, la VBA a notifié à la Commission certaines modifications de sa réglementation, relatives notamment à la nouvelle redevance d'utilisation, mais cette notification ne concernait pas les nouveaux contrats commerciaux. Le 15 août 1988, des modifications supplémentaires de la réglementation de la VBA ont été notifiées à la Commission (points 21 et 23).

18. Les accords Cultra ont également fait l'objet d'une notification à la Commission le 15 août 1988 (point 24).

19. Par lettres des 18 mai, 11 octobre et 29 novembre 1988, Florimex a formellement déposé une plainte devant la Commission contre la redevance d'utilisation. La VGB a introduit une plainte similaire par lettre du 15 novembre 1988 (points 25 et 26).

20. Par lettres du 3 mai 1989, Florimex et la VGB se sont opposées à l'intention de la Commission, qui envisageait d'adopter une décision favorable quant à la redevance d'utilisation et aux accords Cultra, et ont introduit des plaintes formelles en ce qui concerne les contrats commerciaux (point 29).

21. Le 3 mai 1989, Verhaar et Inkoop Service Aalsmeer ont également déposé une plainte devant la Commission relative aux accords Cultra et aux nouveaux contrats commerciaux (point 30).

22. Le 7 février 1990, la VBA a notifié à la Commission les nouveaux contrats commerciaux (point 31).

23. Par lettre du 24 octobre 1990, la Commission a informé les plaignantes de son intention de rendre une décision favorable à la VBA, notamment à propos de l'obligation de vendre à la criée faite aux membres de la VBA et de la redevance d'utilisation. Elle a également indiqué que le dossier concernant les accords Cultra serait clôturé sans décision formelle. De même, la Commission a annoncé son intention de clôturer le dossier concernant les nouveaux contrats commerciaux sans prendre de décision formelle (point 32).

24. Les plaignantes ont réitéré leurs arguments par lettres des 26 novembre et 17 décembre 1990, ainsi que lors d'un entretien qui a eu lieu avec les services responsables de la Commission le 27 novembre 1990. Elles ont notamment demandé à la Commission de traiter d'une manière formelle les plaintes déposées devant elle (point 33).

25. Par lettre du 4 mars 1991, la Commission a fait savoir aux plaignantes, conformément à l'article 6 du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268), que les éléments recueillis ne lui permettaient pas de donner une suite favorable à leurs plaintes concernant la redevance d'utilisation imposée par la VBA (point 34).

26. Les considérations de fait et de droit qui ont conduit la Commission à cette conclusion sont exposées en détail dans un document annexé à ladite lettre du 4 mars 1991 (point 35).

27. Dans ce document, la Commission a conclu:

"Il ressort d'une comparaison des redevances de criée et des redevances d'utilisation qu'une large égalité de traitement est garantie entre les fournisseurs. Certes, une part que l'on ne peut déterminer avec précision des redevances de criée est constituée par l'indemnité qui doit être versée en échange du service fourni par la criée, mais, pour autant qu'en l'occurrence une comparaison avec les redevances d'utilisation soit possible quant au taux, ce service a pour contrepartie des obligations d'approvisionnement. Les distributeurs qui ont conclu des contrats commerciaux avec la VBA assument également ces obligations d'approvisionnement. Par conséquent, les règles relatives aux redevances d'utilisation ne comportent pas d'effets qui ne soient pas compatibles avec le Marché commun" (point 37).

28. Par lettre du 17 avril 1991, les plaignantes ont répondu à la lettre du 4 mars 1991, en maintenant leurs plaintes quant à la redevance d'utilisation, aux accords Cultra et aux contrats commerciaux. Elles ont également fait valoir que ladite lettre ne traitait ni des accords Cultra ni des nouveaux contrats commerciaux, de sorte qu'une lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63 faisait défaut à cet égard (point 38).

29. Par décision du 2 juillet 1992, la Commission a définitivement rejeté les plaintes en ce qui concerne la redevance d'utilisation (point 39).

30. Par lettre du 5 août 1992, la Commission s'est adressée aux plaignantes dans les termes suivants:

"Sur la base des renseignements que vous avez fournis dans le cadre de vos recours ainsi que sur la base des informations que la Commission a obtenues par le biais des notifications et grâce à sa propre enquête, la direction générale de la concurrence a clôturé, du moins provisoirement, son enquête dans les présentes affaires en ce qui concerne les 'contrats types I, II et III et les "accords Cultra".

Il est peu vraisemblable, à la lumière des observations qui suivent, qu'une suite favorable sera réservée à vos demandes.

1. Les contrats commerciaux

Les contrats commerciaux sont axés sur l'obtention, jugée nécessaire par la VBA, d'une offre supplémentaire dans son enceinte. Pour pouvoir s'assurer cette offre supplémentaire, la VBA conclut ces contrats avec des commerçants qui sont disposés à s'engager à offrir une quantité déterminée de produits.

Les commerçants qui souscrivent de tels contrats commerciaux ne doivent pas acquitter la redevance d'utilisation pour les produits spécifiques qui sont énoncés dans le contrat. Ils paient une commission d'encaissement de 3 %. Pour les autres produits qu'ils offrent à la vente, ils doivent payer la redevance d'utilisation.

Pourvu qu'ils acquittent la redevance d'utilisation, tous les commerçants établis dans l'enceinte de la VBA peuvent offrir à la vente les produits que les titulaires de contrats commerciaux offrent également.

Une comparaison entre les charges financières imposées par la VBA aux commerçants parties aux contrats commerciaux et aux commerçants qui n'ont pas conclu de tels accords conduit à la conclusion que les titulaires de contrats commerciaux sont privilégiés. En revanche, ils contractent des obligations vis-à-vis de la VBA en ce qui concerne l'offre de certains produits.

On ne peut donc considérer que la VBA applique, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes, au sens de l'article 85, paragraphe 1, sous d) du traité CEE. En outre, le dossier ne contient pas de preuves concluantes de ce que le commerce entre États membres pourrait être sensiblement affecté, même s'il y avait restriction de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1.

2. Les accords Cultra

...

La VBA et les négociants établis dans le centre Cultra sont liés par des contrats qui ont pour objet et pour effet de restreindre la concurrence, et ce, tant en ce qui concerne la limitation des activités professionnelles de ces négociants qu'en ce qui concerne la limitation de leurs sources d'approvisionnement (ceci ne vaut pas pour le négociant en plantes d'hydroculture). Le dossier ne comporte cependant pas de preuves concluantes indiquant que le commerce entre États membres en est sensiblement affecté. La faible incidence économique sur les marchés en cause l'exclut. Étant donné que les renseignements que la Commission a pu obtenir à ce propos sont des secrets d'affaires des entreprises concernées, il n'est pas possible de vous permettre d'en prendre connaissance.

Eu égard à ces considérations, et dans la mesure où on peut déjà en juger, la poursuite de la procédure devrait aboutir à un rejet formel des plaintes.

Sur la base de cette appréciation, encore provisoire, de votre demande, j'ai donc l'intention de renoncer à une telle procédure formelle et de clore l'affaire. Je prendrai les mesures nécessaires à cet effet à moins que vous me fassiez savoir dans un délai de quatre semaines que vous entendez maintenir votre plainte en vue d'une poursuite de la procédure et que vous exposiez les arguments que vous entendez faire valoir dans ce but" (point 40).

31. Le 21 septembre 1992, Florimex et la VGB ont introduit devant le Tribunal les recours dans les affaires T-70-92 et T-71-92, dirigés contre la décision de la Commission du 2 juillet 1992. La lettre de la Commission du 5 août 1992 est annexée aux requêtes dans ces affaires et y est qualifiée par les requérantes de lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63 (point 41).

32. Le 22 décembre 1992, l'avocat desdites requérantes a répondu au nom des quatre plaignantes à la lettre du 5 août 1992, en précisant que les circonstances l'avaient empêché de réagir plus tôt. Il a fait valoir que ces dernières souhaitaient maintenir leurs plaintes et a également exprimé le souhait que la Commission prolonge le délai de quatre semaines mentionné dans ladite lettre (point 42).

33. Cette lettre du 22 décembre 1992 n'a donné lieu à aucune réponse de la part de la Commission. L'état de santé de l'avocat des plaignantes s'étant gravement détérioré, elles ont choisi un nouvel avocat le 3 novembre 1993. Celui-ci a, par lettre du 9 décembre 1993, demandé à la Commission de prendre position sur la lettre du 22 décembre 1992 (point 43).

34. Par lettre du 20 décembre 1993, la Commission a répondu à la lettre du 9 décembre 1993 en rappelant les termes du dernier alinéa de sa lettre du 5 août 1992 et en précisant ce qui suit:

"Lors de la réception de la lettre du 22 décembre 1992, le délai de quatre semaines qui avait été accordé à votre cliente pour formuler des observations relatives au contenu de la lettre recommandée du 5 août 1992 était expiré depuis des mois.

La direction générale de la concurrence de la Commission a tenu compte d'office des informations qui avaient été fournies par votre lettre du 22 décembre 1992. Toutefois, un examen provisoire qui a été alors effectué n'a pas donné lieu à intervention au titre de l'article 85, paragraphe 1, ou de l'article 86 du traité" (point 44).

35. Par requête déposée le 16 février 1994, la VGB, Florimex, Inkoop Service Aalsmeer et Verhaar ont introduit un recours devant le Tribunal contre la décision litigieuse (point 45).

36. Par mémoire déposé le 4 mai 1994, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal (point 47).

37. Par ordonnance du Président de la première chambre du Tribunal du 4 juillet 1994, la VBA a été admise à intervenir à l'appui des conclusions de la Commission (point 49).

38. Par ordonnance du Tribunal (première chambre) du 14 juillet 1994, l'exception d'irrecevabilité a été jointe au fond (point 50).

L'arrêt attaqué

39. Quant à la recevabilité, le Tribunal a constaté, au point 69 de l'arrêt attaqué, que la Commission se fondait en substance sur trois arguments principaux, à savoir: en premier lieu, la lettre du 5 août 1992 relèverait de la première des trois phases de la procédure envisagées dans l'arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission (T-64-89, Rec. p. II-367), la procédure n'ayant, en l'espèce, jamais abouti à une lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63 et encore moins à un rejet formel des plaintes; en deuxième lieu, en raison de l'absence de réaction des requérantes à la lettre du 5 août 1992, la plainte devrait être considérée comme ayant déjà été classée avant la réception de leur lettre du 22 décembre 1992, les requérantes ayant, en raison de leur inaction, perdu la qualité de plaignantes; en troisième lieu, la lettre du 20 décembre 1993 ne ferait donc qu'informer les plaignantes de l'état de la procédure et ne constituerait pas une décision de rejet de leurs plaintes.

40. Tout d'abord, en ce qui concerne le premier argument, le Tribunal a considéré, au point 70, que la lettre de la Commission du 5 août 1992 devait être interprétée comme une lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63.

41. S'agissant ensuite du deuxième argument de la Commission, selon lequel les requérantes avaient déjà perdu la qualité de plaignantes à la date de leur lettre du 22 décembre 1992, le Tribunal a admis, au point 75, qu'une plaignante qui ne fait pas diligence pendant la procédure administrative, notamment en ne répondant pas dans le délai imparti à une lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63, puisse être considérée, dans l'intérêt de la sécurité juridique, comme étant d'accord pour que sa plainte soit classée définitivement, conformément à l'annonce faite par la Commission dans une telle lettre.

42. Le Tribunal a toutefois estimé, au point 76, que le consentement de la plaignante à ce que sa plainte soit classée ne saurait être présumé, de façon irréfragable, du seul fait que ledit délai a été dépassé. En effet, le Tribunal a considéré qu'il ne serait pas compatible avec le principe du respect des droits de la défense que la Commission puisse classer la plainte si des circonstances particulières peuvent légitimement expliquer le dépassement d'un délai que la Commission a fixé elle-même.

43. Le Tribunal a jugé, au point 77, que, dans le cas d'espèce, le dépassement du délai de quatre semaines fixé dans la lettre du 5 août 1992, pendant une période de vacances, ne justifiait pas en soi la conclusion que les requérantes étaient d'accord pour que leurs plaintes soient classées. En effet, il a relevé que les requérantes avaient, pendant une période de plus de trois années, insisté sur le maintien de leurs plaintes et demandé à maintes reprises que la Commission adopte une décision formelle.

44. Le Tribunal a considéré, au point 78, que cette analyse était corroborée par le fait que, le 21 septembre 1992, Florimex et la VGB avaient introduit devant lui les recours T-70-92 et T-71-92, dans lesquels elles faisaient grief à la Commission de ne pas avoir traité leurs plaintes concernant les contrats commerciaux et les accords Cultra dans sa décision du 2 juillet 1992 concernant la redevance d'utilisation et faisaient valoir qu'elles entendaient maintenir lesdites plaintes.

45. Au point 79, le Tribunal a par ailleurs constaté que la teneur de la lettre du 22 décembre 1992 finalement envoyée par les requérantes démontrait que celles-ci avaient toujours l'intention de maintenir leurs plaintes, puisqu'elles demandaient une prorogation du délai de réponse et l'adoption par la Commission d'une décision formelle.

46. Le Tribunal a estimé qu'il ne pouvait être exclu que le retard avec lequel l'avocat des requérantes avait répondu à la lettre du 5 août 1992 ait été occasionné par la maladie grave dont il souffrait à l'époque.

47. Dans de telles circonstances, le Tribunal a jugé, au point 81, que la Commission n'était pas fondée à considérer, sur le seul fondement du dépassement du délai fixé dans la lettre du 5 août 1992, et sans avoir pris contact avec les requérantes, que leurs plaintes devaient être regardées comme classées avant le 22 décembre 1992.

48. Enfin, quant au troisième argument de la Commission, le Tribunal a estimé, au point 85, que, dans les circonstances spécifiques de l'espèce, la lettre du 20 décembre 1993, lue dans son contexte, devait être considérée comme un rejet définitif des plaintes quant au fond. Il a donc jugé que le recours était recevable.

49. Quant aux contrats commerciaux, le Tribunal a, en premier lieu, examiné l'argument selon lequel la VBA n'appliquait pas, à l'égard de ses partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes, au sens de l'article 85, paragraphe 1, sous d), du traité. Il a rappelé, au point 116, que, dans sa lettre du 5 août 1992, la Commission avait conclu, après avoir effectué une comparaison des charges financières imposées par la VBA aux commerçants parties aux contrats commerciaux et aux commerçants qui n'avaient pas conclu de tels accords, que les premiers étaient privilégiés. Le Tribunal a estimé que les calculs produits par la VBA, qui portaient sur la détermination du loyer de certains titulaires des contrats commerciaux qui étaient aussi locataires de la VBA, n'étaient pas de nature à infirmer cette conclusion, dès lors que la redevance d'utilisation n'était pas imposée aux locataires de la VBA.

50. En renvoyant à son arrêt rendu le même jour dans les affaires jointes Florimex et VGB/Commission (T-70-92 et T-71-92, Rec. p. II-693, points 192 et 193), le Tribunal a rappelé, au point 118, que, contrairement à ce qu'affirmait la Commission, il n'avait pas été établi que les titulaires de contrats commerciaux acceptaient des obligations à l'endroit de la VBA de nature à justifier la différence de taux entre le régime de 3 % dont bénéficiaient certains fournisseurs tiers et celui de la redevance d'utilisation.

51. Le Tribunal en a conclu que la lettre du 5 août 1992 était entachée d'une erreur de fait ou d'appréciation, dans la mesure où il était constaté que la différence de taux entre la redevance d'utilisation et la redevance de 3 % applicable aux contrats commerciaux était justifiée par l'existence de telles obligations.

52. En second lieu, en ce qui concerne l'argument de la Commission, selon lequel le dossier ne contenait pas de preuves concluantes de ce que le commerce entre États membres pourrait être sensiblement affecté, le Tribunal a rappelé tout d'abord, au point 120, que, dans la décision de 1988, la Commission avait considéré que les anciens contrats commerciaux alors en vigueur faisaient partie intégrante de l'ensemble de la réglementation de la VBA et que cet ensemble était susceptible d'affecter le commerce entre États membres.

53. Ensuite, le Tribunal a constaté, au point 123, que, au lieu d'une obligation exclusive d'achat, la VBA avait retenu, dans ses nouveaux contrats commerciaux, le principe selon lequel l'approvisionnement direct des distributeurs établis dans son enceinte était en règle générale soumis à une redevance perçue par elle, à savoir soit la redevance d'utilisation, soit la redevance de 3 % prévue par les contrats commerciaux.

54. Dans ces circonstances, le Tribunal a estimé, aux points 124 et 125, que les effets des contrats commerciaux ne pouvaient être appréciés que dans le cadre de l'ensemble de la réglementation de la VBA.

55. Enfin, dans la mesure où il est constant que la réglementation de la VBA dans son ensemble était de nature à affecter le commerce entre États membres, le Tribunal a jugé, au point 126, qu'il était indifférent que, considérés isolément, les contrats commerciaux affectent ou non le commerce entre États membres dans une mesure suffisante.

56. Le Tribunal a donc annulé la décision litigieuse dans la mesure où elle avait rejeté les plaintes des requérantes relatives aux contrats commerciaux.

57. S'agissant des accords Cultra, le Tribunal était appelé à statuer uniquement sur la légalité de la constatation de la Commission selon laquelle la faible incidence économique sur les marchés des fleurs coupées et séchées ainsi que des plantes de jardin et d'appartement excluait que les accords Cultra aient un effet sensible sur le commerce entre États membres, de sorte que l'article 85, paragraphe 1, du traité ne s'appliquait pas.

58. À cet égard, il a d'abord relevé, au point 134, que les accords Cultra n'étaient pas orientés vers les exportations, mais visaient la revente par des grossistes de produits d'origine néerlandaise aux détaillants dont la plupart étaient eux-mêmes établis aux Pays-Bas.

59. Le Tribunal a estimé, au point 135, que, même à supposer, ainsi que les requérantes le soutenaient, que les ventes aux détaillants allemands représentaient une proportion des ventes Cultra, ce fait ne suffisait pas en soi à établir l'existence d'un effet sensible sur le commerce entre États membres, dès lors que les requérantes n'avaient fourni aucun élément concret de nature à établir l'importance des ventes en cause, ni en termes de parts de marché ni en termes de chiffre d'affaires.

60. Ensuite, quant à l'argument essentiel des requérantes, selon lequel l'effet des accords Cultra ne pouvait être apprécié que dans le cadre de l'ensemble de la réglementation de la VBA, en tenant compte du fait que lesdits accords représentaient, conjointement avec la redevance d'utilisation et les contrats commerciaux, un obstacle important à la pénétration du marché néerlandais par des exportations en provenance d'autres États membres, le Tribunal a considéré, au point 143, que les accords Cultra ne constituaient pas une partie essentielle de la réglementation de la VBA concernant les ventes à la criée ou de l'approvisionnement direct des distributeurs établis dans son enceinte, notamment en vue de l'exportation des produits concernés, mais relevaient plutôt d'une activité supplémentaire et distincte, à savoir la revente des produits de la VBA aux détaillants par la méthode "cash and carry". Le Tribunal en a conclu que ces accords étaient sans lien direct avec les autres aspects de la réglementation de la VBA susceptibles dans leur ensemble d'affecter le commerce entre États membres.

61. Enfin, en ce qui concerne la possibilité que les accords Cultra, pris isolément, affectent le commerce entre États membres en rendant sensiblement plus difficile la pénétration du marché national néerlandais par des concurrents venant d'autres États membres, le Tribunal a jugé, au point 144, que les requérantes n'avaient pas fourni d'éléments concrets suffisants pour lui permettre de constater que lesdits accords étaient susceptibles d'avoir un effet significatif à cet égard.

62. Le Tribunal a donc rejeté les moyens et arguments des requérantes relatifs aux accords Cultra.

Sur la demande de déposer des observations écrites à la suite des conclusions de M. l'avocat général

63. Par lettre du 2 décembre 1999 adressée au greffe de la Cour, la VBA a demandé à déposer des observations écrites à la suite des conclusions présentées le 8 juillet par M. l'avocat général, qui ne lui étaient parvenues que quelques jours auparavant. Elle se prévaut, à cet égard, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme concernant la portée de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier de l'arrêt Vermeulen c. Belgique du 20 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996 I, p. 224.

64. Pour les raisons données par la Cour dans l'ordonnance du 4 février 2000, Emesa Sugar (C-17-98, non encore publiée au Recueil), il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande.

Sur le pourvoi principal

65. À l'appui de son pourvoi, la VBA invoque cinq moyens.

Sur le premier moyen

66. Par son premier moyen, la VBA fait valoir que c'est à tort que le recours a été déclaré recevable par le Tribunal. Ce dernier aurait notamment commis une erreur de droit en jugeant que le principe du respect des droits de la défense interdit de classer des plaintes lorsque les auteurs de celles-ci ne répondent pas à une lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63 dans le délai qui leur est imparti à cet effet si des circonstances particulières peuvent légitimement expliquer le dépassement d'un tel délai.

67. À cet égard, la VBA estime que les délais sont fixés dans l'intérêt d'une bonne administration et de la sécurité juridique, notamment celle de l'entreprise visée par la plainte. Par ailleurs, il n'existerait pas, en l'espèce, de circonstances particulières pouvant légitimement expliquer le dépassement du délai.

68. En premier lieu, le fait que le délai se soit situé pendant une période de vacances ne saurait constituer, selon la VBA, une telle circonstance, étant donné qu'il incombait aux plaignantes d'adresser à la Commission une demande de prolongation dudit délai. En deuxième lieu, le fait que les plaignantes avaient maintenu leurs plaintes pendant plusieurs années ne constituerait pas non plus une circonstance particulière. L'introduction des recours dans les affaires T-70-92 et T-71-92 par Florimex et la VGB permettrait tout aussi bien de conclure que ces dernières entendaient se concentrer sur cet aspect du dossier et que, pour le surplus, elles renonçaient à réagir à la lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63. En troisième lieu, la VBA fait valoir que l'avocat des plaignantes s'est occupé intensivement du dossier, même pendant la période qui a suivi l'envoi de ladite lettre, malgré ses problèmes de santé.

69. Dans ces circonstances, la VBA considère que l'affirmation du Tribunal, selon laquelle il ne pouvait exclure que l'absence de réponse dans le délai fixé par la Commission ait été en rapport avec la maladie grave dont ledit avocat souffrait à l'époque, est purement spéculative et ne trouve aucun fondement dans le dossier.

70. Il y a lieu de relever, tout d'abord, que la VBA n'a pas remis en cause la constatation du Tribunal selon laquelle la lettre de la Commission du 5 août 1992 devait être considérée comme lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63.

71. Il convient de constater, ensuite, que, en jugeant que des circonstances particulières pouvaient interdire à la Commission de classer une plainte lorsque la plaignante n'a pas répondu à une lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63 dans le délai que la Commission lui avait imparti, le Tribunal a correctement mis en balance les exigences d'une bonne administration et de la sécurité juridique, d'une part, et celles de la sauvegarde des garanties procédurales offertes aux plaignantes, d'autre part.

72. Il y a lieu de considérer, enfin, que c'est à juste titre que le Tribunal a jugé que des circonstances telles que celles de l'espèce constituaient des circonstances particulières pouvant légitimement expliquer le dépassement du délai fixé dans la lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63.

73. Il en résulte que c'est à bon droit que le Tribunal a estimé que, dans les circonstances spécifiques de l'espèce, la lettre du 20 décembre 1993, lue dans son contexte, était à considérer comme un rejet définitif des plaintes quant au fond.

74. Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté.

Sur les deuxième à cinquième moyens

75. Par ses deuxième à cinquième moyens, la VBA remet en cause la constatation du Tribunal selon laquelle la lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63 était entachée d'une erreur de fait ou d'appréciation, dans la mesure où il y était précisé que la différence de taux entre la redevance d'utilisation et la redevance de 3 % applicable aux contrats commerciaux était justifiée par l'existence d'obligations des titulaires des contrats commerciaux à l'endroit de la VBA.

76. Par son deuxième moyen, la VBA fait valoir que l'éventuelle différence de taux ne résulte pas d'un accord conclu entre deux ou plusieurs entreprises. Elle soutient qu'elle a décidé unilatéralement de conclure des contrats commerciaux prévoyant un prélèvement de 3 % et d'appliquer la redevance d'utilisation à l'approvisionnement direct.

77. À cet égard, il convient de constater que le Tribunal s'est limité à examiner les deux arguments sur lesquels la Commission avait fondé le rejet des plaintes portant sur les contrats commerciaux, à savoir celui selon lequel la VBA n'appliquait pas, à l'égard de ses partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes, au sens de l'article 85, paragraphe 1, sous d), du traité, et celui selon lequel il n'y avait pas de preuves concluantes d'une affectation sensible du commerce entre États membres. En revanche, le Tribunal n'était pas appelé à se prononcer sur la question de savoir s'il existait ou non un accord entre entreprises.

78. Or, il y a lieu de rappeler qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt ou de l'ordonnance dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent cette demande (voir, notamment, ordonnance du 9 juillet 1998, Smanor e.a./Commission, C-317-97 P, Rec. p. I-4269, point 20).

79. Permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu'elle n'a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à l'autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d'un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d'un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l'appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges (voir, notamment, ordonnance du 17 juillet 1998, Sateba/Commission, C-422-97, Rec. p. I-4913, point 30).

80. Il s'ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté comme irrecevable.

81. Par son troisième moyen, la VBA soutient qu'il n'y a pas de discrimination entre les titulaires de contrats commerciaux et les fournisseurs qui pratiquent l'approvisionnement direct, dans la mesure où il existe des différences entre leurs situations. En effet, les titulaires de contrats commerciaux devraient supporter des charges locatives plus élevées, ils seraient exonérés de la norme d'achat, raison pour laquelle ils devraient payer un supplément de loyer à la VBA, et ils seraient tenus d'assurer une offre complémentaire spécifique.

82. Par son quatrième moyen, la VBA fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant que la redevance d'utilisation n'était pas imposée aux locataires de la VBA.

83. Ainsi, le Tribunal n'aurait pas effectué la comparaison entre le loyer que doivent acquitter les locataires d'un espace commercial qui ont conclu un contrat commercial avec la VBA et le loyer qui est acquitté par les autres locataires. Contrairement à ce qui ressort de l'arrêt du Tribunal, la redevance d'utilisation serait également imposée aux négociants établis dans l'enceinte de la VBA lorsqu'ils acheminent des produits qui ne proviennent pas de la VBA et les livrent ensuite à d'autres négociants qui sont également établis dans son enceinte.

84. Par son cinquième moyen, la VBA reproche au Tribunal d'avoir procédé à une constatation manifestement erronée en considérant qu'il n'avait pas été établi que les titulaires de contrats commerciaux assumaient des obligations à l'endroit de la VBA de nature à justifier la différence de taux entre le régime de 3 % dont bénéficiaient certains fournisseurs tiers et le taux de la redevance d'utilisation. Dans la mesure où, au point 119 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a constaté une erreur de fait ou d'appréciation dans la lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63, sa conclusion serait par ailleurs en contradiction avec celle à laquelle il est parvenu dans les affaires jointes T-70-92 et T-71-92, dans lesquelles il a déclaré que la motivation de la décision litigieuse n'établissait pas à suffisance de droit l'existence de telles obligations.

85. En se référant aux textes des différents contrats commerciaux, produits en première instance, la VBA fait valoir qu'elle ne donne des surfaces commerciales en location qu'à des acheteurs qui présentent un intérêt pour elle, à l'exclusion des commerçants en fleurs qui souhaitent s'installer dans son enceinte pour des raisons autres que l'acquisition de produits provenant de la VBA. Les titulaires de contrats commerciaux se trouveraient dans une situation particulière dans la mesure où ils seraient destinés à assurer une offre complémentaire. Étant donné que l'activité des titulaires de tels contrats concerne des produits qui ne sont pas vendus dans l'enceinte de la VBA, ils seraient exonérés de l'obligation d'achat des produits de cette dernière. Cependant, ils payeraient un supplément locatif en compensation de cette exonération.

86. La VBA soutient que les contrats commerciaux sont conclus pour des produits qui sont désignés spécifiquement. L'exonération de la redevance d'utilisation ne s'appliquerait qu'à ces produits, qui sont soumis à un prélèvement de 3 %. Selon elle, si le titulaire d'un contrat commercial n'assure pas l'offre complémentaire du produit tel que précisé au contrat, la VBA mettra fin à celui-ci, les contrats commerciaux étant toujours conclus pour la durée d'une année.

87. Dans ces conditions, la VBA prétend que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que les titulaires des contrats commerciaux bénéficiaient d'un avantage injustifié.

88. La Commission soutient que l'arrêt attaqué est en contradiction avec l'arrêt Florimex et VGB/Commission précité, en ce que, dans celui-ci, le Tribunal a considéré, à tort selon la Commission, que la redevance d'utilisation, prise isolément, méconnaissait l'article 85, paragraphe 1, du traité, tandis que, dans l'arrêt attaqué, le Tribunal a admis que la redevance d'utilisation faisait partie intégrante de l'ensemble de la réglementation de la VBA en matière d'approvisionnement.

89. En revanche, la Commission fait valoir que les contrats commerciaux sont dissociables de la réglementation de la VBA dans la mesure où ils sont conclus avec certains commerçants et comportent des conditions spécifiques.

90. Par ces moyens, qu'il convient d'examiner ensemble, la VBA conteste les constatations du Tribunal selon lesquelles, d'une part, les contrats commerciaux ne prévoient pas d'obligations spécifiques de livraison et, d'autre part, la redevance d'utilisation n'est pas imposée à ses locataires. De telles constatations sont relatives aux faits du litige.

91. Or, il résulte des articles 168 A du traité CE (devenu article 225 CE) et 51 du statut CE de la Cour de justice que le pourvoi ne peut s'appuyer que sur des moyens portant sur la violation de règles de droit, à l'exclusion de toute appréciation des faits (voir, notamment, arrêt du 28 mai 1998, New Holland Ford/Commission, C-8-95, Rec. p. I-3175, point 25).

92. En effet, le Tribunal est seul compétent, d'une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l'inexactitude matérielle de ces constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d'autre part, pour apprécier ces faits (arrêt New Holland Ford/Commission, précité, point 25). Encore faut-il que cette inexactitude apparaisse de façon manifeste des pièces du dossier sans qu'il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits (arrêt New Holland Ford/Commission, précité, point 72).

93. En l'espèce, les arguments invoqués par la VBA ne révèlent pas l'existence d'une erreur matérielle manifeste dans les constatations de fait opérées par le Tribunal à cet égard.

94. Quant à la prétendue contradiction entre l'arrêt attaqué et l'arrêt Florimex et VGB/Commission, précité, dans lequel le Tribunal aurait qualifié d'insuffisance de motivation ce qu'il aurait considéré, dans l'arrêt attaqué, comme une erreur de fait ou d'appréciation, il y a lieu de renvoyer à l'arrêt rendu ce jour, VBA/Florimex e.a. (C-265-97, points 140 à 143), dont il résulte, d'une part, que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la décision litigieuse ne contenait pas de motivation suffisante sur ce point et, d'autre part, que ladite décision était entachée à cet égard d'une erreur manifeste d'appréciation. C'est donc à bon droit que, dans l'arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la Commission avait commis une erreur d'appréciation à ce sujet.

95. S'agissant de l'argument de la Commission qui prétend qu'il y aurait contradiction entre, d'une part, l'affirmation, au point 125 de l'arrêt attaqué, selon laquelle la redevance d'utilisation fait partie intégrante de la réglementation de la VBA et, d'autre part, l'examen prétendument isolé de la redevance d'utilisation dans l'arrêt Florimex et VGB/Commission, précité, il suffit de constater que, dans l'arrêt attaqué, le Tribunal était uniquement appelé à examiner si les effets des contrats commerciaux devaient être appréciés dans le cadre de l'ensemble de la réglementation portant sur l'approvisionnement dans l'enceinte de la VBA. En répondant à cette question par l'affirmative, le Tribunal n'a commis aucune erreur de droit et n'a pas préjugé de la question de savoir si la redevance d'utilisation pouvait, par elle-même, enfreindre l'article 85, paragraphe 1, du traité.

96. Il s'ensuit que les troisième à cinquième moyens du pourvoi doivent être rejetés.

97. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté dans sa totalité.

Sur le pourvoi incident

98. En ce qui concerne le rejet du recours en tant qu'il portait sur les accords Cultra, la VGB, Florimex, Inkoop Service Aalsmeer et Verhaar forment un pourvoi incident contre l'arrêt attaqué en faisant valoir que, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, ces accords privilégient clairement la vente de produits de la VBA, lesquels sont des produits néerlandais. Lesdits accords exerceraient donc une influence potentielle sur les courants d'échanges entre États membres. En outre, les bénéficiaires des accords Cultra exporteraient sur une grande échelle. Il ne serait pas vrai que seuls des petits détaillants ont recours aux vendeurs ayant conclu de tels accords. Le Tribunal n'ayant pas pris en considération cet élément, il aurait commis une erreur de droit.

99. À cet égard, il suffit de constater que, par ces arguments, les auteurs du pourvoi incident tentent de remettre en cause les constatations de fait auxquelles le Tribunal est parvenu aux points 134 à 139 ainsi qu'aux points 144 et 145 de l'arrêt attaqué. Ainsi qu'il vient d'être précisé aux points 90 à 92 du présent arrêt, de telles constatations ne sauraient être utilement contestées à l'occasion d'un pourvoi.

100. Il y a lieu par conséquent de rejeter le pourvoi incident.

Sur les dépens

101. Aux termes de l'article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n'est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Selon l'article 69, paragraphe 2, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée au dépens, s'il est conclu en ce sens. La VGB, Florimex, Inkoop Service Aalsmeer et Verhaar ayant conclu à la condamnation de la VBA et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de l'association et des sociétés susdites afférents au pourvoi. En revanche, ces dernières ayant succombé en leur pourvoi incident, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux de la VBA afférents au pourvoi incident. La Commission, qui a succombé en l'essentiel de ses moyens, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1) Le pourvoi principal et le pourvoi incident sont rejetés.

2) La Coöperatieve Vereniging De Verenigde Bloemenveilingen Aalsmeer BA (VBA) supportera ses propres dépens ainsi que ceux de la Vereniging van Groothandelaren in Bloemkwekerijproducten (VGB), de Florimex BV, d'Inkoop Service Aalsmeer BV et de M. Verhaar BV afférents au pourvoi.

3) La Vereniging van Groothandelaren in Bloemkwekerijproducten (VGB), Florimex BV, Inkoop Service Aalsmeer BV et M. Verhaar BV supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux de la Coöperatieve Vereniging De Verenigde Bloemenveilingen Aalsmeer BA (VBA) afférents au pourvoi incident.

4) La Commission des Communautés européennes supportera ses propres dépens.