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Décisions

CJCE, 5e ch., 30 mars 2000, n° C-265/97 P

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Coöperatieve Vereniging De Verenigde Bloemenveilingen Aalsmeer (BA), Commission des Communautés européennes

Défendeur :

Florimex (BV), Vereniging van Groothandelaren in Bloemkwekerijproducten

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Moitinho de Almeida

Avocat général :

M. Saggio

Juges :

MM. Sevón, Puissochet, Wathelet, Jann (Rapporteur)

Avocats :

Mes van der Wal, Keijser.

Comm. CE, du 2 juill. 1992

2 juillet 1992

LA COUR (cinquième chambre),

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 19 juillet 1997, la Coöperatieve Vereniging De Verenigde Bloemenveilingen Aalsmeer BA (ci-après la "VBA") a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 14 mai 1997, Florimex et VGB/Commission (T-70-92 et T-71-92, Rec. p. II-693, ci-après l'"arrêt attaqué"), par lequel celui-ci a annulé la décision de la Commission (IV-32.751 - Florimex/Aalsmeer II et IV-32.990 - VGB/Aalsmeer, ci-après la "décision litigieuse"), contenue dans une lettre du 2 juillet 1992, refusant de donner une suite favorable aux plaintes introduites par Florimex BV (ci-après "Florimex") et la Vereniging van Groothandelaren in Bloemkwekerijproducten (ci-après la "VGB") concernant la redevance d'utilisation des installations de la VBA qu'elle impose sur les livraisons de produits effectuées par des fournisseurs qui ne sont pas membres de cette dernière.

Les faits devant le Tribunal

2. Il ressort de l'arrêt attaqué que la VBA est une association coopérative de droit néerlandais regroupant des cultivateurs de fleurs et de plantes ornementales. Elle représente plus de 3 000 entreprises, dont la grande majorité est néerlandaise et une petite minorité belge (point 1).

3. La VBA organise, dans son enceinte à Aalsmeer (Pays-Bas), des ventes à la criée de produits de la floriculture. Ces produits sont soumis aux dispositions du règlement (CEE) n° 234-68 du Conseil, du 27 février 1968, portant établissement d'une organisation commune des marchés dans le secteur des plantes vivantes et des produits de la floriculture (JO L 55, p. 1) (point 2).

4. Les installations de la VBA à Aalsmeer servent principalement au déroulement des ventes à la criée elles-mêmes, mais une partie de son enceinte est réservée à la location de "locaux commerciaux" destinés à l'exercice du commerce de gros des produits de la floriculture, notamment au triage et à l'emballage de ces produits. Les locataires sont surtout des grossistes en fleurs coupées (point 4).

5. Florimex est une entreprise de commerce de fleurs établie à Aalsmeer à proximité du complexe de la VBA. Elle importe des produits de la floriculture en provenance d'États membres de la Communauté européenne et de pays tiers, afin de les revendre essentiellement à des grossistes établis aux Pays-Bas (point 5).

6. La VGB est une association regroupant de nombreux grossistes néerlandais en produits de la floriculture, dont Florimex, ainsi que des grossistes établis dans l'enceinte de la VBA (point 6).

7. L'article 17 des statuts de la VBA oblige ses membres à vendre par son intermédiaire tous les produits propres à la consommation cultivés dans leurs exploitations. Une redevance ou commission ("redevance de criée") est facturée aux membres au titre des services fournis par la VBA. En 1991, cette redevance s'élevait à 5,7 % du produit de la vente (point 7).

8. Jusqu'au 1er mai 1988, la réglementation des criées de la VBA comportait, en son article 5, points 10 et 11, des dispositions de nature à empêcher l'utilisation de ses locaux pour les livraisons, achats et ventes de produits de la floriculture ne transitant pas par ses propres criées (point 8).

9. Dans la pratique, l'autorisation de la VBA pour les opérations commerciales dans son enceinte portant sur de tels produits n'était accordée que dans le cadre de certains contrats types dénommés "handelsovereenkomsten" (contrats commerciaux) ou moyennant paiement d'une redevance de 10 % (point 9).

10. Par ces contrats commerciaux, la VBA accordait à certains distributeurs la possibilité de vendre et de livrer à des acheteurs agréés par elle certains produits de la floriculture acquis auprès d'autres criées néerlandaises ou des fleurs coupées d'origine étrangère, moyennant paiement d'une redevance (points 10 et 11).

11. À la suite d'une plainte de Florimex, la Commission a adopté, le 26 juillet 1988, la décision 88-491-CEE relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité CEE (IV-31.379 - Bloemenveilingen Aalsmeer) (JO L 262, p. 27).

12. Dans le dispositif de cette décision, la Commission a déclaré, notamment, que les accords conclus par la VBA, en vertu desquels les distributeurs établis dans son enceinte et leurs fournisseurs étaient tenus de ne négocier ou de ne faire livrer dans celle-ci des produits de la floriculture qui n'ont pas été achetés par l'intermédiaire de la VBA qu'avec son autorisation et aux conditions fixées par elle et de ne stocker de tels produits dans l'enceinte de la VBA que contre paiement d'une redevance fixée par celle-ci, constituaient des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE).

13. Elle a par ailleurs constaté que les redevances visant à prévenir l'utilisation abusive des installations de la VBA imposées par elle aux distributeurs établis dans son enceinte ainsi que les contrats commerciaux conclus entre la VBA et ces distributeurs constituaient également, dans leur forme notifiée à la Commission, de telles infractions (point 18).

14. À partir du 1er mai 1988, la VBA a formellement supprimé les obligations d'achat et les restrictions à la libre disposition des marchandises découlant de sa réglementation des criées, ainsi que les régimes des redevances contestés, tout en introduisant une "redevance d'utilisation" ("facilitaire heffing"). La VBA a également introduit des versions modifiées des contrats commerciaux (point 19).

15. Dans sa version à la date des faits du litige, l'article 4, point 15, de la réglementation des criées disposait que la livraison de produits dans l'enceinte de la criée pouvait être soumise à une redevance d'utilisation. Au titre de cette disposition, la VBA a arrêté, avec effet au 1er mai 1988, un régime de redevances d'utilisation qui a été modifié par la suite. Ce régime était applicable à l'approvisionnement direct des distributeurs établis dans l'enceinte de la VBA, étant entendu que les marchandises en cause étaient écoulées sans faire appel aux services de la VBA (point 20).

16. Le régime, tel qu'il était en vigueur en 1991, comportait les éléments suivants:

a) la redevance est due par le fournisseur, c'est-à-dire par la personne qui introduit elle-même les produits dans l'enceinte de la criée ou par l'entreprise qui a donné mandat à cet effet. La livraison est contrôlée à l'entrée de l'enceinte. Le fournisseur est tenu d'indiquer le nombre et la nature des produits introduits, mais pas leur destination;

b) la redevance, qui est sujette à révision annuelle, est perçue sur la base du nombre de tiges (fleurs coupées) ou de plantes fournies et fixée à des montants variant en fonction des différentes catégories de produits;

c) elle est déterminée par la VBA sur la base des prix annuels moyens réalisés au cours de l'année précédente pour les catégories concernées. Selon la VBA, un coefficient d'environ 4,3 % du prix annuel moyen de la catégorie concernée est appliqué;

d) selon les "modalités relatives à la redevance d'utilisation", introduites par la VBA à partir de février 1990, les fournisseurs peuvent verser une redevance de 5 % au lieu du régime décrit sous b) et c);

e) un locataire de locaux commerciaux qui introduit des marchandises dans l'enceinte de la VBA est exonéré de la redevance d'utilisation lorsqu'il a acheté les produits en cause auprès d'une autre criée aux fleurs de la Communauté ou lorsqu'il les a importés pour son propre compte aux Pays-Bas, à condition de ne pas les revendre à des distributeurs dans l'enceinte de la criée (point 21).

17. Par circulaire du 29 avril 1988, la VBA a supprimé, avec effet au 1er mai 1988, les restrictions prévues jusqu'alors dans les contrats commerciaux. Il existe depuis lors trois types de contrats commerciaux. Tous ces contrats appliquent une redevance de 3 % de la valeur brute des marchandises fournies aux clients dans l'enceinte de la VBA. Selon cette dernière, il s'agit en grande partie de produits qui ne sont pas suffisamment cultivés aux Pays-Bas (points 22 et 23).

18. Par lettres des 18 mai, 11 octobre et 29 novembre 1988, Florimex a formellement déposé une plainte devant la Commission contre la redevance d'utilisation. La VGB a introduit une plainte similaire par lettre du 15 novembre 1988 (points 29 et 30).

19. À l'issue de la procédure administrative, par lettre du 4 mars 1991 (ci-après la "lettre au titre de l'article 6"), la Commission a fait savoir aux plaignantes, conformément à l'article 6 du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268), que les éléments recueillis ne lui permettaient pas de donner une suite favorable à leurs plaintes concernant la redevance d'utilisation demandée par la VBA (point 37).

20. Les considérations de fait et de droit qui ont conduit la Commission à cette conclusion sont exposées en détail dans un document annexé à la lettre au titre de l'article 6. La Commission a également envoyé ce document à la VBA, le 4 mars 1991, en lui précisant qu'il s'agissait de l'avant-projet d'une décision qu'elle avait l'intention d'adopter au titre de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26 du Conseil, du 4 avril 1962, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles (JO 1962, 30, p. 993) (point 38).

21. Dans la partie "appréciation juridique" de ce document, la Commission a constaté, en premier lieu, que les dispositions relatives à l'approvisionnement en vue des ventes à la criée et les règles relatives à l'approvisionnement direct des distributeurs établis dans l'enceinte de la VBA font partie d'un ensemble de décisions et d'accords relatifs à l'offre de produits de la floriculture dans l'enceinte de la VBA qui relèvent de l'article 85, paragraphe 1, du traité. En second lieu, elle a relevé que ces décisions et accords sont nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 39 du traité CE (devenu article 33 CE), au sens de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26 (point 39).

22. Tout d'abord, quant à l'application de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26 en ce qui concerne l'approvisionnement direct des distributeurs établis dans l'enceinte de la VBA, la Commission a considéré, au point II, paragraphe 2, sous b), dudit document:

"Les redevances d'utilisation constituent un élément essentiel du système de distribution de la VBA, à défaut duquel sa capacité concurrentielle et, dès lors, également sa survie seraient compromises. Par conséquent, elles sont également nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 39.

Si la VBA, qui est spécialisée dans l'exportation, entend être à même de réaliser son but en tant qu'entreprise, en d'autres termes, si elle entend pouvoir se développer et se maintenir en tant que source importante d'approvisionnement pour le commerce international des fleurs, il est alors nécessaire, en raison du caractère périssable et fragile des produits négociés (`produits de la floriculture'), que les distributeurs à l'exportation se trouvent proches d'elle d'un point de vue géographique. La concentration géographique de la demande dans son enceinte, poursuivie par la VBA dans son propre intérêt, n'est pas seulement la conséquence du fait qu'une gamme complète de produits y est offerte, mais également et surtout celle du fait que ces distributeurs peuvent y disposer de services et d'installations qui favorisent l'exercice de leur commerce.

La concentration géographique de l'offre et de la demande dans l'enceinte de la VBA constitue un avantage économique qui est le résultat d'efforts importants, matériels et immatériels, accomplis par la VBA.

Si les distributeurs pouvaient profiter gratuitement de cet avantage, la survie de la VBA serait compromise, parce que la discrimination de traitement des fournisseurs liés à la VBA qui en résulterait empêcherait l'amortissement des dépenses inévitables pour la VBA et la couverture des dépenses courantes d'exploitation" (point 41).

23. Ensuite, en ce qui concerne la question de savoir si, par la redevance d'utilisation, la VBA se procurait un avantage injustifié ayant pour effet de restreindre la concurrence, la Commission a relevé, au point II, paragraphe 2, sous b), cinquième et sixième alinéas, du même document, qu'il n'était pas nécessaire de calculer les taux des redevances avec une précision mathématique en se fondant sur une répartition des différents coûts qui tienne compte de l'économie interne de l'entreprise, mais qu'il suffisait de comparer le taux des redevances facturées aux fournisseurs respectifs. La Commission a conclu, au point II, paragraphe 2, sous b), septième alinéa:

"Il ressort d'une comparaison des redevances de criée et des redevances d'utilisation qu'une large égalité de traitement est garantie entre les fournisseurs. Certes, une part que l'on ne peut déterminer avec précision des redevances de criée est constituée par l'indemnité qui doit être versée en échange du service fourni par la criée, mais, pour autant qu'en l'occurrence une comparaison avec les redevances d'utilisation soit possible quant au taux, ce service a pour contrepartie des obligations d'approvisionnement. Les distributeurs qui ont conclu des contrats commerciaux avec la VBA assument également ces obligations d'approvisionnement. Par conséquent, les règles relatives aux redevances d'utilisation ne comportent pas d'effets qui ne soient pas compatibles avec le Marché commun" (point 42).

24. Enfin, au point II, paragraphe 2, sous b), sixième alinéa, la Commission a considéré que l'effet de la redevance d'utilisation est analogue à celui du prix minimal de vente à la criée. Selon elle, "Plus le prix effectivement réalisé est réduit et plus la charge est importante. Cela a pour conséquence de décourager l'approvisionnement en période d'excès de l'offre, ce qui est certainement souhaitable" (point 43).

25. Par lettre du 17 avril 1991, Florimex et la VGB ont répondu à la lettre au titre de l'article 6 en maintenant leurs plaintes quant à la redevance d'utilisation (point 44).

26. Le 2 juillet 1992, la Commission a envoyé à l'avocat des requérantes une lettre recommandée avec accusé de réception, dans laquelle il est précisé que la motivation contenue dans celle-ci constitue un complément et une explicitation de celle contenue dans sa lettre au titre de l'article 6, à laquelle elle renvoie. La Commission poursuit en ces termes :

"Les éléments sur lesquels se fonde l'appréciation effectuée par la Commission, au titre du droit de la concurrence, sont constitués par l'ensemble des décisions et des accords relatifs à l'offre de produits de la floriculture dans l'enceinte de la VBA. Les règles relatives à l'approvisionnement direct des commerçants qui sont établis dans cette enceinte ne forment qu'une partie de cet ensemble. De l'avis de la Commission, l'ensemble des décisions et accords concernés sont en principe nécessaires pour la réalisation des buts qui sont indiqués à l'article 39 du traité CEE. Le fait que, jusqu'à présent, la Commission ne l'ait pas encore constaté dans une décision formelle au titre de l'article 2 du règlement n° 26-62 ne porte pas préjudice à l'attitude positive adoptée par la Commission à ce sujet" (points 45 et 46).

27. Le 21 septembre 1992, Florimex et la VGB ont respectivement introduit les recours T-70-92 et T-71-92 contre la décision litigieuse (point 52).

28. Par mémoire déposé le 16 octobre 1992 dans chacune de ces affaires, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal (point 53).

29. Par ordonnance du Tribunal (première chambre) du 6 juillet 1993, l'exception d'irrecevabilité a été jointe au fond (point 55).

30. Par ordonnance du Président de la première chambre du Tribunal du 13 juillet 1993, la VBA a été admise à intervenir dans les affaires jointes T-70-92 et T-71-92 (point 56).

L'arrêt attaqué

31. Par l'arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli le recours et annulé la décision litigieuse.

32. À titre liminaire, il a constaté, au point 137 de l'arrêt attaqué, que, dans le document annexé à la lettre au titre de l'article 6, qui faisait partie intégrante de la motivation de la décision litigieuse, la Commission avait constaté que la redevance d'utilisation ne relevait pas de l'article 85, paragraphe 1, du traité au seul motif qu'elle constituait "un élément essentiel du système de distribution de la VBA", lequel était, selon la Commission, "nécessaire à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 39 du traité", au sens de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26.

33. Pour cette raison, le Tribunal a considéré, au point 138, qu'il n'était pas appelé à se prononcer sur les arguments invoqués par la VBA à l'audience, relatifs à la non-application de l'article 85, paragraphe 1, du traité ou à l'application éventuelle de l'article 2, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement n° 26, mais seulement sur la légalité de la conclusion à laquelle était parvenue la Commission dans la décision litigieuse, selon laquelle la redevance d'utilisation relevait de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26.

34. En examinant les moyens tirés de l'inapplicabilité de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26 et d'un défaut de motivation à cet égard, le Tribunal a analysé, en particulier, la motivation de la décision litigieuse et a émis quelques considérations liminaires.

35. Il a notamment constaté, au point 146, que l'affaire qui lui était soumise concernait la réglementation d'une coopérative agricole qui imposait une redevance sur les transactions entre deux catégories de tiers, à savoir, d'une part, les grossistes indépendants établis dans l'enceinte de la VBA, et, d'autre part, les fournisseurs souhaitant livrer à ces acheteurs soit des produits d'autres producteurs agricoles communautaires, soit des produits en provenance de pays tiers se trouvant en libre pratique dans la Communauté. Une telle redevance allait, selon le Tribunal, au-delà des rapports internes entre les membres de la coopérative et constituait, en raison de sa nature, une entrave au commerce entre les grossistes indépendants et les cultivateurs ou producteurs qui n'étaient pas membres de la coopérative concernée.

36. Au point 147, le Tribunal a relevé que, précédemment, la Commission n'avait jamais constaté qu'un accord entre les membres d'une coopérative, qui affectait le libre accès des non-membres aux canaux de distribution des producteurs agricoles, était nécessaire à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 39 du traité.

37. Le Tribunal a ajouté, aux points 148 à 150 de l'arrêt attaqué, tout d'abord que, dans sa pratique décisionnelle antérieure, la Commission avait généralement conclu que les accords qui ne figuraient pas au nombre des moyens prévus par le règlement constitutif de l'organisation commune pour la réalisation des objectifs visés par l'article 39 n'étaient pas nécessaires au sens de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26, ensuite, que l'organisation commune des marchés dans le secteur des plantes vivantes et des produits de la floriculture établie par le règlement n° 234-68 ne prévoyait pas la possibilité pour les coopératives agricoles d'imposer une telle redevance à des tiers et, enfin, que la Commission avait confirmé qu'elle n'avait pas connaissance de l'existence d'une redevance analogue à la redevance d'utilisation dans d'autres secteurs agricoles. Le Tribunal a donc estimé, au point 151, qu'il incombait à la Commission de développer son raisonnement d'une manière particulièrement explicite, dès lors que la portée de sa décision allait sensiblement plus loin que celle des décisions précédentes. Il s'est référé à cet égard à l'arrêt du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique ea/Commission (73-74, Rec. p. 1491, points 31 à 33).

38. Au point 152, le Tribunal a considéré, en outre, en faisant référence à l'arrêt du 12 décembre 1995, Oude Luttikhuis ea (C-399-93, Rec. p. I-4515, points 23 à 28), que l'obligation de motivation était d'autant plus exigeante que, s'agissant d'une dérogation à la règle d'application générale de l'article 85, paragraphe 1, du traité, l'article 2 du règlement n° 26 doit être interprété de manière restrictive.

39. Toujours à titre liminaire, le Tribunal a relevé, au point 153, que l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26 ne s'appliquait que si l'accord entre les membres d'une coopérative favorisait la réalisation de tous les objectifs de l'article 39. À l'appui de cette considération, il a cité les arrêts du 15 mai 1975, Frubo/Commission (71-74, Rec. p. 563, points 22 à 27), et Oude Luttikhuis ea, précité, point 25. Aussi, la motivation de la Commission aurait-elle dû faire apparaître de quelle manière ledit accord satisfaisait à chacun des objectifs de l'article 39 ou, à tout le moins, faire ressortir la manière dont la Commission avait pu concilier ces objectifs parfois divergents de façon à permettre l'application de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26.

40. C'est à la lumière de ces considérations que le Tribunal a examiné la motivation de la décision litigieuse en ce qui concerne ce qu'il a considéré comme étant les trois arguments principaux invoqués pour justifier la redevance d'utilisation au regard de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26, à savoir la nécessité d'assurer la survie de la VBA, l'existence d'une contrepartie à l'imposition de la redevance d'utilisation et l'effet analogue à celui d'un prix minimal de vente à la criée qu'aurait la redevance d'utilisation.

41. S'agissant de la nécessité d'assurer la survie de la VBA, le Tribunal a d'abord admis, au point 156, que la forme juridique de coopérative adoptée par la VBA répondait, en principe, aux objectifs énoncés à l'article 39 du traité. Tout en doutant de la réalité de la menace concernant la survie de la VBA en cas d'absence de la redevance d'utilisation, le Tribunal a cependant accepté, au point 159, l'hypothèse selon laquelle une telle absence pourrait inciter certains membres actuels de la VBA à la quitter et qu'un tel développement comporterait le risque d'une remise en question de la viabilité même du système de la VBA.

42. Le Tribunal a toutefois considéré qu'il ne s'ensuivait pas automatiquement que la redevance d'utilisation, ou un système de vente à la criée qui nécessite une telle redevance, remplisse toutes les conditions de l'article 39 du traité. Il a notamment relevé, au point 161, que cette redevance était susceptible d'avoir des effets désavantageux vis-à-vis d'autres producteurs agricoles communautaires qui n'étaient pas membres de la VBA, mais dont les intérêts étaient également visés par l'article 39 du traité.

43. En particulier, le Tribunal a considéré, au point 162, qu'une redevance perçue par une coopérative agricole sur les livraisons des producteurs non membres aux acheteurs indépendants avait normalement pour effet d'augmenter les prix de telles transactions et constituait à tout le moins un obstacle important à la liberté des autres producteurs agricoles de vendre par les canaux de distribution en question.

44. Au point 163, le Tribunal en a tiré la conclusion que, même si le système de la VBA répondait à certains des objectifs de l'article 39 du traité, la redevance d'utilisation était susceptible d'aller à certains égards à l'encontre de ces objectifs, tels que ceux mentionnés notamment à l'article 39, paragraphe 1, sous b), d) et e), en entravant le relèvement du revenu individuel des producteurs qui n'étaient pas membres de la VBA, en faisant obstacle à la sécurité des approvisionnements par ces autres producteurs, et en empêchant l'évolution favorable des prix du point de vue des consommateurs.

45. Le Tribunal a par ailleurs constaté, au point 164, que, si, pour certains producteurs, des ventes directes aux acheteurs établis dans son enceinte étaient moins coûteuses ou plus efficaces que le système actuel de la VBA, la redevance d'utilisation, en tant que moyen essentiel pour dissuader ses membres, notamment les plus importants, de quitter la VBA, pourrait avoir des effets négatifs sur le développement rationnel de l'agriculture, le relèvement du revenu individuel des producteurs agricoles et les prix de livraison aux consommateurs, contrairement aux objectifs énoncés à l'article 39, paragraphe 1, sous a), b) et e) respectivement. Selon le Tribunal, une telle disposition aurait pour effet de restreindre outre mesure la liberté d'un membre d'une coopérative agricole de quitter celle-ci et serait difficilement compatible avec les objectifs énoncés à l'article 39 du traité.

46. Après avoir ainsi établi que la Commission se trouvait confrontée à une situation complexe, opposant les intérêts divergents des petits et des grands membres de la VBA, ainsi que des autres producteurs agricoles communautaires et des intermédiaires concernés, le Tribunal a relevé, au point 165, que, dans de telles circonstances, la motivation de la Commission ne pouvait se limiter à la seule considération que la survie de la VBA dans sa forme actuelle serait menacée sans la redevance d'utilisation. Cette motivation devait, selon le Tribunal, également prendre en compte les effets de la redevance d'utilisation vis-à-vis des autres producteurs communautaires, ainsi que l'intérêt communautaire au maintien d'une concurrence non faussée.

47. Aux points 166 à 168, le Tribunal a constaté l'absence d'une telle motivation ainsi que d'une motivation explicite, d'une part, quant à la question de savoir de quelle manière la redevance d'utilisation ou un système de ventes à la criée qui ne pouvait pas survivre sans une telle redevance répondaient à chacun des différents objectifs énoncés à l'article 39, paragraphe 1, sous a) à e), du traité et, d'autre part, quant à la question de savoir la manière dont la Commission avait concilié ces différents objectifs afin que la redevance d'utilisation puisse être considérée comme "nécessaire" à leur réalisation au sens de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26.

48. S'agissant de la question de savoir si la redevance d'utilisation était justifiée par une contrepartie réelle et proportionnée, le Tribunal a estimé, au point 170, que, dans le cadre de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26, l'intérêt communautaire à assurer la survie de la VBA ne saurait être concilié avec l'intérêt communautaire, également légitime, à garantir l'accès des autres producteurs agricoles aux canaux de distribution que si la redevance d'utilisation était perçue de façon proportionnée, en contrepartie d'un service ou d'un autre avantage dont la valeur pouvait légitimer son montant.

49. En effet, au point 171, le Tribunal a considéré que, si la redevance d'utilisation n'était pas justifiée par une telle contrepartie réelle, ou si son montant excédait la valeur de la contrepartie ainsi accordée, elle aurait pour effet de désavantager certains producteurs agricoles au profit des membres existants de la VBA et constituerait une restriction déguisée de la concurrence, dénuée de justification objective suffisante. Étant donné que l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26 doit être interprété de manière restrictive, le Tribunal a jugé qu'une redevance ayant de tels effets ne saurait être regardée comme "nécessaire" à la réalisation des objectifs de l'article 39 du traité, au sens de cette disposition.

50. Aux points 172 à 175, le Tribunal a précisé que la concentration de l'offre et de la demande dans l'enceinte de la VBA était le seul avantage invoqué en contrepartie de la redevance d'utilisation perçue par cette dernière.

51. Le Tribunal en a conclu, au point 178, que la motivation de la décision litigieuse devait permettre aux parties et, le cas échéant, au Tribunal de vérifier que la redevance en question n'allait pas au-delà d'une rémunération adéquate pour cet avantage économique.

52. À cet égard, le Tribunal a relevé, au point 179, que l'avantage économique représenté par la concentration de la demande n'était décrit dans la décision litigieuse qu'en termes très généraux, sans que soit précisé de quelle manière la valeur de cet avantage et le montant de la redevance d'utilisation qui en résultait pourraient être calculés et chiffrés de façon concrète.

53. Le Tribunal a écarté, aux points 180 et 181, la justification tirée du fait que la redevance d'utilisation correspondait approximativement à la redevance de criée, ce qui établirait une égalité de traitement entre les fournisseurs concernés, dans la mesure où ceux qui vendaient à la criée, s'ils bénéficiaient de tous les services de la VBA, acceptaient également à l'endroit de cette dernière une obligation d'approvisionnement que les autres fournisseurs n'assumaient pas.

54. À défaut de calculs chiffrés, dans la décision litigieuse, des différents coûts liés à l'utilisation par différents fournisseurs des divers services et facilités offerts par la VBA, le Tribunal a considéré qu'il n'était pas en mesure de contrôler si la redevance d'utilisation allait au-delà d'une rémunération adéquate de cet avantage et si le montant prévu était nécessaire à la réalisation des objectifs de l'article 39 du traité.

55. Concernant la motivation de la décision litigieuse selon laquelle l'effet de la redevance d'utilisation serait analogue à celui d'un prix minimal de vente à la criée, le Tribunal a relevé, au point 185, que cette considération ne constituait pas une motivation suffisante pour établir que la redevance d'utilisation était nécessaire à la réalisation des objectifs de l'article 39 au sens de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26.

56. En effet, le Tribunal a constaté, au point 186, l'absence d'une motivation expliquant le bien-fondé de l'approche selon laquelle la protection des prix minimaux d'une coopérative agricole organisée sur la base de ventes à la criée l'emportait sur l'intérêt d'autres producteurs agricoles, non membres de la coopérative, à vendre leurs produits librement aux distributeurs indépendants. Selon le Tribunal, la décision litigieuse ne contenait pas non plus de motivation démontrant que tous les objectifs de l'article 39 du traité étaient ainsi remplis.

57. De l'ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal a conclu, au point 187, que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse, pour ce qui concerne l'application de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26, devait être retenu comme fondé.

58. Le Tribunal a également accueilli le moyen tiré d'une inégalité de traitement entre les fournisseurs tiers et les titulaires des contrats commerciaux quant aux taux respectifs de la redevance d'utilisation et de celle prévue par les contrats commerciaux.

59. À cet égard, le Tribunal a constaté, au point 192, que les contrats commerciaux n'imposaient pas d'obligations concrètes d'approvisionnement au commerçant, qui justifieraient l'application d'un taux moins élevé que celui de la redevance d'utilisation. En effet, la seule "obligation" résiderait dans le fait que, si le titulaire d'un contrat commercial ne vendait pas les produits contractuels à la satisfaction de la VBA, le contrat, qui était d'une durée d'un an, n'était tout simplement pas prolongé.

60. Le Tribunal en a conclu, au point 194, que la décision litigieuse ne contenait pas de motivation suffisante lui permettant de contrôler le bien-fondé de la constatation de la Commission selon laquelle la différence de traitement entre les deux groupes de fournisseurs en cause était objectivement justifiée.

61. Dans ces conditions, le Tribunal a annulé la décision litigieuse sans qu'il ait été nécessaire d'examiner les autres moyens invoqués devant lui par Florimex et la VGB.

Sur la demande de déposer des observations écrites à la suite des conclusions de M. l'avocat général

62. Par lettre du 2 décembre 1999 adressée au greffe de la Cour, la VBA a demandé de pouvoir déposer des observations écrites à la suite des conclusions présentées le 8 juillet par M. l'avocat général, qui ne lui étaient parvenues que quelques jours auparavant. Elle se prévaut, à cet égard, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme concernant la portée de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier de l'arrêt Vermeulen c. Belgique du 20 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996 I, p. 224.

63. Pour les raisons données par la Cour dans l'ordonnance du 4 février 2000, Emesa Sugar (C-17-98, non encore publiée au Recueil), il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande.

Sur le pourvoi

64. À l'appui de son pourvoi, la VBA soulève huit moyens.

65. Les premier, quatrième, cinquième et sixième moyens concernent à la fois l'intensité du contrôle effectué par le Tribunal sur la décision litigieuse et l'exactitude de son appréciation. Les deuxième et troisième moyens se réfèrent à la délimitation, par le Tribunal, de l'objet du litige. Les septième et huitième moyens concernent d'autres critiques précises que le Tribunal a émises à l'égard de la décision litigieuse.

Sur les premier, quatrième, cinquième et sixième moyens

66. Par son premier moyen, la VBA fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en posant des exigences trop sévères en matière de motivation de la décision litigieuse. Ce faisant, le Tribunal aurait méconnu le pouvoir discrétionnaire dont disposerait la Commission lorsqu'elle statue en application des dispositions combinées de l'article 39 du traité et de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 26.

67. La VBA relève à cet égard que les cinq objectifs de la politique agricole commune, énoncés à l'article 39, paragraphe 1, du traité, peuvent s'avérer antagoniques et entrer en conflit avec le droit de la concurrence. Dans ce contexte, l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 26 doit, selon la VBA, être interprété comme donnant la primauté aux objectifs énoncés à l'article 39 du traité. La VBA se réfère à cet égard à l'arrêt du 15 octobre 1996, Ijssel-Vliet (C-311-94, Rec. p. I-5023, point 31).

68. La VBA considère que l'étendue de l'obligation de motivation varie en fonction de l'acte dont il s'agit et que, dans une décision rejetant une plainte en matière de concurrence, la Commission n'est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les auteurs de cette plainte, mais peut se limiter à exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision arrêtée.

69. Quant à l'intensité du contrôle de la légalité de la décision litigieuse, la VBA soutient que le Tribunal aurait dû se borner à vérifier si la Commission avait commis une erreur d'appréciation manifeste. Selon elle, le Tribunal a, sous le couvert d'une analyse de l'exposé des motifs de ladite décision, examiné de manière très détaillée l'exactitude de l'appréciation au fond portée par la Commission. Ainsi, le Tribunal aurait enfreint l'article 173, deuxième alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, deuxième alinéa, CE).

70. Ce serait par ailleurs en méconnaissance des compétences de la Commission, qui avait estimé que l'ensemble des réglementations de la VBA relevait de l'article 85, paragraphe 1, du traité, mais satisfaisait aux conditions énoncées à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 26, que le Tribunal a jugé que la redevance d'utilisation en tant que telle relevait de l'article 85, paragraphe 1, du traité et qu'il était donc nécessaire d'examiner si les conditions énoncées à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 26 étaient remplies à son égard.

71. En outre, la VBA fait valoir que, conformément à l'arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992, Automec/Commission (T-24-90, Rec. p. II-2223), la Commission n'est pas tenue de constater une infraction et peut rejeter une plainte pour défaut d'intérêt communautaire. Si, dans des affaires comme celle de l'espèce, la Commission était tenue de prouver que la réglementation d'une association coopérative est nécessaire à la réalisation de chacun des objectifs de la politique agricole commune, elle serait portée à rejeter de plus en plus souvent les plaintes sur le fondement de cette jurisprudence. La VBA doute qu'une telle tendance soit conforme à l'intérêt général.

72. En réponse au premier moyen, Florimex et la VGB soutiennent que, dans le cadre du règlement n° 26, la Commission ne jouit pas d'une compétence discrétionnaire, mais ne peut que constater s'il est satisfait ou non aux conditions de son article 2, paragraphe 1. Cette disposition constituant une exception à l'article 85, paragraphe 1, du traité, qui doit être interprétée de manière restrictive, le Tribunal ne pouvait pas, selon Florimex et la VGB, se contenter d'un contrôle marginal de la décision litigieuse. En conséquence, l'obligation de motivation devait être strictement respectée.

73. Selon Florimex et la VGB, le Tribunal a effectivement fait une distinction entre l'exigence de motivation et l'appréciation quant au fond. En outre, l'analyse selon laquelle la redevance d'utilisation était frappée, en tant que telle, par l'interdiction prévue à l'article 85, paragraphe 1, du traité n'aurait pas été propre au Tribunal, mais aurait été amplement exposée par Florimex et la VGB au cours de la procédure.

74. La Commission fait valoir que la présente affaire soulève essentiellement un problème institutionnel, qui concerne la répartition des compétences entre elle-même et le Tribunal, ainsi que la portée et l'intensité du contrôle juridictionnel sur les décisions portant rejet d'une plainte introduite par des particuliers contre d'autres particuliers. Selon la Commission, ce contrôle ne doit être que marginal. Par conséquent, elle s'associe entièrement au premier moyen invoqué par la VBA.

75. Par son quatrième moyen, la VBA soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la décision litigieuse était fondée sur une interprétation de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26 plus large que celle que la Commission lui avait donnée dans des décisions antérieures.

76. La VBA fait valoir qu'il est erroné de considérer que toute restriction convenue ou arrêtée dans le cadre d'une coopérative agricole doit être par elle-même nécessaire à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 39 du traité. Au contraire, si une telle coopérative contribue à la réalisation des objectifs visés à l'article 39 du traité et si, compte tenu de l'importance de celle-ci, la redevance d'utilisation s'avère indispensable et proportionnée dans ce cadre, il n'est plus nécessaire, selon la VBA, de contrôler la redevance d'utilisation au regard des objectifs énoncés à l'article 39 du traité.

77. La VBA conteste par ailleurs le raisonnement du Tribunal selon lequel la Commission aurait conclu que les accords qui ne figurent pas au nombre des moyens prévus par le règlement constitutif de l'organisation commune pour la réalisation des objectifs visés à l'article 39 ne sont pas nécessaires. En effet, la VBA fait valoir que toute organisation commune de marchés n'est pas assortie d'un ensemble réglementaire complet et exhaustif. En l'espèce, le règlement n° 234-68 aurait une portée plus restreinte que l'organisation commune des marchés dans la plupart des autres secteurs agricoles.

78. Florimex et la VGB soutiennent, en revanche, que l'écoulement des produits agricoles est affecté par l'imposition d'une redevance dans la relation entre des tiers non membres de la coopérative et les acheteurs. Elles font valoir, en invoquant les points 12 et 13 de l'arrêt Oude Luttikhuis ea, précité, que le fait que la coopérative en tant que telle n'est pas considérée comme une pratique restrictive de la concurrence ne signifie pas que les dispositions statutaires de cette coopérative soient automatiquement soustraites à l'interdiction prévue à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

79. La Commission argue que les considérations liminaires formulées par le Tribunal reposent sur une prémisse triplement erronée : d'abord, il ne serait pas exact de qualifier la redevance d'utilisation de redevance sur des transactions entre tiers. Ladite redevance serait au contraire la contrepartie de la possibilité offerte aux producteurs non membres de la coopérative de livrer et de vendre des fleurs dans l'enceinte de la VBA. Ensuite, il serait également inexact d'affirmer que la redevance d'utilisation relève en tant que telle de l'interdiction énoncée à l'article 85, paragraphe 1, du traité, une telle analyse ne ressortant pas, en tout état de cause, de la décision litigieuse. Enfin, il serait erroné de présumer que la réglementation relative à la redevance d'utilisation ne peut être justifiée en vertu de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26 que si elle contribue à la réalisation de chacun des objectifs de l'article 39 du traité, chaque objectif devant faire l'objet d'une motivation séparée.

80. Par son cinquième moyen, la VBA réfute la conclusion du Tribunal selon laquelle l'exposé des motifs de la décision litigieuse, en ce qui concerne la survie de la VBA dans sa forme actuelle, ne suffit pas, à lui seul, pour démontrer que la redevance d'utilisation était nécessaire à la réalisation des objectifs de l'article 39 du traité.

81. Ce serait de manière erronée que le Tribunal aurait examiné les effets de la redevance d'utilisation en relevant que celle-ci était susceptible d'avoir des effets désavantageux vis-à-vis d'autres producteurs agricoles communautaires qui n'étaient pas membres de la VBA et qu'elle aurait pour effet d'augmenter les prix des transactions entre ces derniers et les acheteurs indépendants. Cette appréciation des faits ne trouve, selon la VBA, aucun soutien dans le dossier. La conclusion selon laquelle la redevance d'utilisation entravait le relèvement du revenu individuel des producteurs qui n'étaient pas membres de la VBA serait donc également incorrecte.

82. La VBA critique, par ailleurs, la conclusion du Tribunal selon laquelle la Commission aurait dû fournir une motivation plus détaillée sur la question de savoir si la redevance d'utilisation constituait un moyen pour dissuader les membres de la VBA de la quitter et pouvait ainsi avoir des effets négatifs sur certains des objectifs énoncés à l'article 39 du traité. Cette conclusion serait incompatible avec la prémisse sur laquelle serait fondé le raisonnement du Tribunal, lequel a admis l'hypothèse selon laquelle la redevance d'utilisation était nécessaire afin d'éviter que la criée ne perde son utilité.

83. Florimex et la VGB font valoir que c'est à juste titre que le Tribunal a examiné si la réglementation concrète satisfaisait à toutes les conditions de l'article 39 du traité, même si la coopérative en tant que telle répondait en principe aux objectifs énoncés par cette disposition. Quant aux effets restrictifs exercés sur la concurrence par la réglementation concernant la redevance d'utilisation, Florimex et la VGB soutiennent que cette question a été examinée en profondeur devant le Tribunal.

84. La Commission s'associe aux arguments de la VBA en faisant valoir que, s'il est admis que l'association coopérative répond aux objectifs de l'article 39, il doit nécessairement en aller de même du système de vente à la criée, qui nécessite une redevance d'utilisation.

85. Quant aux effets restrictifs prétendument exercés sur la concurrence par la redevance d'utilisation, la Commission admet qu'il s'agit d'une appréciation du Tribunal portant sur les faits, mais elle soutient que des constatations de fait qui ne trouvent aucun soutien dans le dossier et qui sont manifestement inexactes ne sauraient échapper à la censure de la Cour.

86. Par ailleurs, la constatation selon laquelle la redevance d'utilisation entrave le relèvement du revenu individuel des producteurs qui ne sont pas membres de la VBA ne serait pas pertinente en l'espèce, dès lors que les requérantes en première instance sont des grossistes. De même, la Commission soutient que les considérations sur les intérêts des autres producteurs agricoles communautaires et sur l'intérêt communautaire au maintien d'une concurrence non faussée ainsi que sur le régime de sortie de la coopérative applicable à ses membres n'ont pas de rapport avec l'objet des plaintes.

87. Par son sixième moyen, la VBA fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en déclarant qu'une redevance instituée dans l'intérêt de la survie de la VBA ne pouvait être admise qu'à la condition qu'elle soit perçue de manière proportionnelle au service rendu ou à l'avantage offert, en tant que contrepartie de celui-ci.

88. La VBA critique ce raisonnement en soutenant que toute entreprise peut, normalement, définir les conditions d'accès à son site ou à ses installations. Aucune des dérogations possibles à cette règle ne trouverait à s'appliquer dans la présente affaire.

89. Il serait par ailleurs inexact d'affirmer que les fournisseurs tiers auprès desquels la redevance d'utilisation était perçue ne bénéficiaient pas des nombreux services offerts par la VBA.

90. En tout état de cause, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en exigeant que la décision litigieuse soit motivée d'une manière qui lui permette de vérifier que la redevance en question était une rémunération adéquate et que son montant n'excédait pas la valeur de l'avantage économique dont bénéficiaient les fournisseurs tiers qui pratiquaient l'approvisionnement direct.

91. Florimex et la VGB considèrent, en revanche, qu'il est correct de considérer la redevance d'utilisation comme étant une restriction déguisée à la concurrence, dans la mesure où elle empêchait l'accès des tiers au marché. Pour entrer dans le champ d'application de l'exception prévue à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 26, elle devait donc être justifiée par une contrepartie et proportionnée à la valeur de celle-ci.

92. La Commission, à l'instar de la VBA, soutient que l'exigence selon laquelle la redevance d'utilisation devait être justifiée par une contrepartie réelle et équitable ne repose sur aucun fondement juridique. Dans la mesure où il critique l'absence de chiffres et de calculs concrets relatifs au montant de la redevance d'utilisation dans la motivation de la décision litigieuse, le raisonnement du Tribunal ne porterait pas sur la motivation en tant que telle de celle-ci, mais sur l'appréciation des faits qui sont à la base de cette motivation.

93. En ce qui concerne ces quatre moyens qu'il convient d'examiner ensemble, il y a lieu tout d'abord de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE) doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement ou individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, notamment, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95, Rec. p. I-1719, point 63).

94. S'agissant d'une décision de la Commission rejetant une plainte en matière de concurrence sur le fondement de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26, il convient de constater ensuite que c'est à juste titre que le Tribunal a exigé, en invoquant les arrêts précités Frubo/Commission et Oude Luttikhuis ea, que la motivation de la décision fasse apparaître de quelle manière l'accord entre les membres d'une coopérative satisfaisait à chacun des objectifs énoncés à l'article 39 du traité ou encore la manière dont la Commission a pu concilier ces objectifs de façon à permettre l'application de cette disposition dérogatoire, qui doit être interprétée de manière restrictive.

95. Par ailleurs, la primauté de la politique agricole par rapport aux objectifs du traité dans le domaine de la concurrence, invoquée par la requérante, ne saurait dispenser la Commission d'un examen visant à établir que les objectifs énoncés à l'article 39 du traité sont effectivement atteints par ledit accord.

96. Enfin, la référence que fait la requérante à l'arrêt du Tribunal Automec/Commission, précité, est dénuée de pertinence. En effet, au point 80 de cet arrêt, le Tribunal a constaté que, lorsque la Commission a pris une décision de classement d'une plainte, sans mener d'instruction, le contrôle de légalité auquel le Tribunal doit procéder vise à vérifier que la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, n'est entachée d'aucune erreur de droit, non plus que d'aucune erreur manifeste d'appréciation ni de détournement de pouvoir. À la lumière de ces principes, le Tribunal a alors examiné si la Commission avait correctement motivé sa décision en se référant, notamment, à l'intérêt communautaire que présentait l'affaire comme critère de priorité.

97. Il en résulte que la motivation d'une décision de rejet d'une plainte en raison du défaut d'intérêt communautaire de celle-ci n'échappe pas non plus au contrôle juridictionnel.

98. Au demeurant, ce n'est pas sur une argumentation de cette nature que s'est appuyée la Commission pour rejeter la plainte dont elle était saisie, mais sur une motivation tirée de l'applicabilité de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26. Il s'ensuit que le Tribunal n'a commis aucune erreur de droit en examinant la question de savoir si cette motivation était cohérente et complète.

99. Il ressort des considérations qui précèdent que la Commission était tenue de motiver sa décision en démontrant de quelle manière les accords conclus dans le cadre de la VBA étaient nécessaires à la réalisation de chacun des objectifs énoncés à l'article 39 du traité ou, en tout état de cause, la manière dont ces objectifs pouvaient être conciliés. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner le bien-fondé des motifs de l'arrêt du Tribunal portant sur l'incidence des mesures instaurées par le règlement n° 234-68 ainsi que sur la portée de la décision litigieuse, qui excédait, selon le Tribunal, celle des décisions précédentes.

100. En effet, ces considérations n'ont en l'espèce pas eu d'incidence sur l'étendue de l'obligation de motivation de la décision litigieuse que le Tribunal a correctement appréciée en se référant à l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26.

101. Quant à la motivation de la décision litigieuse en ce qui concerne la survie de la VBA, il y a lieu de constater que le grief invoqué par la requérante et par la Commission selon lequel le Tribunal aurait, de manière erronée en droit, procédé à un examen isolé de la redevance d'utilisation est dépourvu de fondement.

102. En effet, sans procéder à des constatations de fait précises, le Tribunal a cependant émis des considérations générales concernant les effets que la redevance d'utilisation était susceptible de produire vis-à-vis d'autres producteurs agricoles communautaires qui n'étaient pas membres de la VBA.

103. Eu égard aux effets que la redevance d'utilisation était susceptible de produire à l'égard de certains opérateurs dont les intérêts sont au nombre de ceux visés à l'article 39 du traité, le Tribunal a pu à bon droit considérer qu'une motivation justifiant une telle redevance par ses effets bénéfiques à l'endroit des seuls membres de la VBA était insuffisante.

104. En effet, si les dispositions statutaires qui régissent les rapports entre une coopérative et ses membres ne sont pas automatiquement soustraites à l'interdiction énoncée à l'article 85, paragraphe 1, du traité (arrêt Oude Luttikhuis ea, précité, point 13), il doit en aller de même, à plus forte raison, de dispositions ayant des effets à l'égard de tiers qui n'ont pas souscrit à celles-ci.

105. Il résulte par ailleurs de l'arrêt Oude Luttikhuis ea, précité, que l'examen des restrictions établies par une coopérative ne doit pas uniquement porter sur les effets de celles-ci, pris dans leur ensemble, ainsi que l'a affirmé la requérante.

106. En outre, contrairement à ce que soutient la Commission, les considérations sur les intérêts des autres producteurs agricoles communautaires et sur l'intérêt communautaire au maintien d'une concurrence non faussée ont clairement un rapport avec l'objet des plaintes. En effet, l'applicabilité de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26, qui a des conséquences directes sur la situation de Florimex et de la VGB, dépend précisément de la prise en compte de ces intérêts.

107. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le Tribunal a jugé que la motivation de la décision litigieuse, en ce qui concerne la survie de la VBA, était insuffisante pour établir que la redevance d'utilisation était nécessaire à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article 39 du traité.

108. Quant à la question de savoir si la redevance d'utilisation devait être justifiée par une contrepartie réelle et proportionnée, il y a lieu de relever que la constatation du Tribunal, selon laquelle la concentration de l'offre et de la demande dans l'enceinte de la VBA est le seul avantage invoqué en contrepartie de ladite redevance, est une constatation de fait qui ne saurait être remise en cause à l'occasion d'un pourvoi.

109. Au demeurant, il convient de constater que, dans le point de la décision litigieuse examinant ladite question, il s'agissait de savoir si, par la redevance d'utilisation, la VBA se procurait un avantage injustifié ayant pour effet de restreindre la concurrence. La Commission a considéré à cet égard que les différentes redevances d'utilisation ne sauraient faire l'objet de reproches en ce qu'elles garantissaient l'égalité de traitement de l'approvisionnement en vue de la vente aux enchères et de l'approvisionnement direct des distributeurs établis dans l'enceinte de la VBA.

110. Or, même si, dans l'arrêt attaqué, le Tribunal est allé plus loin que la Commission en explicitant la manière dont la redevance d'utilisation pouvait constituer une restriction déguisée de la concurrence, il s'est borné, dans la suite de son raisonnement, à suivre l'analyse de la Commission, selon laquelle les différents modes d'approvisionnement devaient être traités de manière égale.

111. À cet égard, le Tribunal n'a pas considéré comme suffisante la motivation tirée du fait que les fournisseurs vendant à la criée et les fournisseurs tiers payaient approximativement le même taux de redevance. Étant donné que la concentration de l'offre et de la demande dans l'enceinte de la VBA était le seul avantage dont bénéficiaient ces derniers, le Tribunal a jugé que l'égalité de traitement entre tous les fournisseurs n'était pas établie.

112. Or, il convient de constater que la décision litigieuse énonce clairement les raisons pour lesquelles la Commission considérait qu'était assurée l'égalité de traitement entre les fournisseurs vendant à la criée et les fournisseurs tiers auxquels était imposée la redevance d'utilisation.

113. Il s'ensuit que, sur ce point, la décision litigieuse est suffisamment motivée.

114. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la violation de l'article 190 du traité et l'erreur manifeste d'appréciation constituent deux moyens distincts susceptibles d'être invoqués dans le cadre du recours prévu à l'article 173 du traité. Le premier, qui vise un défaut ou une insuffisance de motivation, relève de la violation des formes substantielles, au sens de cette disposition, et constitue un moyen d'ordre public qui doit être soulevé par le juge communautaire. En revanche, le second, qui porte sur la légalité au fond de la décision litigieuse, relève de la violation d'une règle de droit relative à l'application du traité, au sens du même article 173, et ne peut être examiné par le juge communautaire que s'il est invoqué par le requérant (voir arrêt Commission/Sytraval et Brink's France, précité, point 67).

115. Or, il ressort de l'arrêt attaqué que le Tribunal a en réalité reproché à la Commission d'avoir commis une erreur manifeste d'appréciation. Ainsi, il n'a pas opéré la distinction nécessaire entre l'exigence de motivation et la légalité au fond de la décision.

116. Il y a lieu toutefois de constater que cette erreur de droit est sans influence sur la solution du litige.

117. En effet, la décision litigieuse est effectivement entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et celle-ci a été soulevée par les demanderesses en première instance.

118. D'une part, la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il suffisait de comparer le taux des redevances auxquelles étaient assujettis les fournisseurs respectifs pour s'assurer qu'une égalité de traitement était garantie entre eux. En effet, une telle méthode ne tient pas compte du fait que les fournisseurs qui n'étaient pas membres de la VBA ne bénéficiaient que du seul avantage résultant de la concentration de l'offre et de la demande, tandis que ses membres pouvaient recourir à de nombreux autres services.

119. D'autre part, il résulte des points 108, 113 et 114 de l'arrêt attaqué que Florimex et la VGB ont reproché à la Commission d'avoir commis une erreur d'appréciation en ce qui concerne la contrepartie de la redevance d'utilisation.

120. Il s'ensuit que, quand bien même le Tribunal aurait dû rejeter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse, il était tenu d'accueillir le moyen relatif à l'erreur manifeste d'appréciation qui est fondé.

121. Or, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si les motifs d'un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit communautaire, mais que son dispositif apparaît fondé pour d'autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté (voir arrêts du 9 juin 1992, Lestelle/Commission, C-30-91, Rec. p. I-3755, point 28, et du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C-294-95, Rec. p. I-5863, point 52).

122. Il s'ensuit que les premier, quatrième, cinquième et sixième moyens du pourvoi doivent être rejetés.

Sur les deuxième et troisième moyens

123. Par ses deuxième et troisième moyens, la VBA remet en cause les points 137 et 138 de l'arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a jugé qu'il n'était pas tenu de se prononcer sur les arguments de la VBA relatifs à la non-application de l'article 85, paragraphe 1, du traité ou à l'application éventuelle de l'article 2, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement n° 26, mais qu'il avait uniquement à se prononcer sur la légalité de la conclusion à laquelle la Commission était parvenue dans sa décision litigieuse, selon laquelle la redevance d'utilisation relevait de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26.

124. D'une part, la VBA estime que la Commission n'a pas limité son appréciation à l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26. En effet, dans le document annexé à la lettre au titre de l'article 6, cité au point 41 de l'arrêt attaqué, la Commission aurait constaté que la redevance d'utilisation était un élément essentiel du système de distribution de la VBA, ce qui serait une condition d'application de l'article 2, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement n° 26. La VBA considère, par conséquent, que le rejet de la plainte comporte implicitement l'application de cette disposition.

125. D'autre part, la VBA fait valoir que le Tribunal aurait dû vérifier si la Commission avait tenu compte du fait que le droit communautaire de la concurrence ne s'oppose pas à ce qu'une association coopérative applique et maintienne en vigueur des restrictions qui sont nécessaires afin d'assurer son bon fonctionnement et de soutenir sa puissance contractuelle vis-à-vis des producteurs (arrêt de la Cour du 15 décembre 1994, DLG, C-250-92, Rec. p. I-5641, points 34 et 35). Selon l'arrêt Oude Luttikhuis ea, précité, de telles restrictions n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

126. À cet égard, il suffit de constater que la Commission a fondé la décision litigieuse sur le seul motif que la redevance d'utilisation était un élément essentiel du système de distribution de la VBA, lequel était, selon la Commission, nécessaire à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 39 du traité, au sens de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26, et que c'est l'application de cette dernière disposition qui a fait l'objet du recours de Florimex et de la VGB devant le Tribunal. C'est donc à juste titre que le Tribunal ne s'est pas prononcé sur les arguments invoqués par la VBA relatifs à la non-application de l'article 85, paragraphe 1, du traité ou à l'application éventuelle de l'article 2, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement n° 26.

127. Les deuxième et troisième moyens du pourvoi doivent par conséquent être rejetés.

Sur le septième moyen

128. Par son septième moyen, la VBA fait valoir que c'est à tort que le Tribunal a jugé, aux points 184 à 186 de l'arrêt attaqué, que la Commission avait également fondé le rejet des plaintes de Florimex et de la VGB sur le motif que la redevance d'utilisation aurait un effet analogue à celui d'un prix minimal et qu'il en a déduit que cette considération ne constituait pas un motif suffisant.

129. À cet égard, la VBA soutient que le passage en question du document annexé à la lettre au titre de l'article 6 n'a pas de signification autonome et que le Tribunal ne pouvait s'y référer pour annuler la décision litigieuse.

130. La VBA invoque plusieurs arguments pour démontrer que la redevance d'utilisation ne peut avoir ni le même objet ni le même effet qu'une réglementation instituant un prix minimal.

131. Il y a lieu de constater que la requérante soutient elle-même, à juste titre, que cette partie de la motivation de la décision litigieuse n'a pas de signification autonome. En effet, même si le Tribunal s'est expressément référé à ce motif, ladite décision était fondée sur d'autres éléments et entachée à cet égard, ainsi qu'il a été constaté aux points 115 à 119 du présent arrêt, d'un vice justifiant son annulation.

132. Il s'ensuit que le grief invoqué par la VBA à l'encontre de cette partie du raisonnement du Tribunal est inopérant.

Sur le huitième moyen

133. Par son huitième moyen, la VBA soutient qu'une erreur de droit aurait été commise par le Tribunal en exigeant que les redevances que la VBA impose aux commerçants titulaires de contrats commerciaux soient égales à celles qu'elle impose aux tiers fournisseurs pratiquant l'approvisionnement direct, sauf à démontrer l'existence d'une différence entre les deux modes d'approvisionnement.

134. L'article 85 du traité n'interdirait pas à la VBA de faire une distinction entre les différentes manières d'assurer l'approvisionnement lorsqu'elle établit des redevances et, en vertu de sa liberté contractuelle, il lui serait loisible de choisir les entreprises avec lesquelles elle entend conclure des contrats commerciaux. En effet, l'article 85, paragraphe 1, du traité ne serait pas applicable aux accords qu'une entreprise conclut avec différentes autres entreprises et dans lesquels différents taux sont appliqués. En l'espèce, la VBA aurait décidé unilatéralement de conclure des contrats commerciaux et de percevoir une redevance d'utilisation sur l'approvisionnement direct. En revanche, elle ne se serait pas engagée à l'égard des tiers à appliquer et à maintenir ces différents taux.

135. La Commission réfute la constatation du Tribunal selon laquelle les contrats commerciaux ne prévoient pas d'obligation spécifique de livraison. De tels contrats préciseraient au contraire concrètement à quelles espèces de fleurs ils s'appliquent et ce ne serait que pour la livraison de tels produits qu'un commerçant bénéficierait du tarif réduit de 3 %. Un contrat commercial ne serait offert qu'à un commerçant disposé à livrer les espèces de fleurs recherchées.

136. Quant à la motivation de la décision litigieuse sur ce point, la Commission rappelle qu'elle n'est pas tenue d'examiner toutes les affirmations de l'auteur d'une plainte dans une décision portant rejet de celle-ci.

137. À cet égard, il y a lieu de relever que, aux points 191 à 194 de l'arrêt attaqué, le Tribunal, à l'instar de la Commission, a considéré que l'égalité de traitement devait être assurée entre les différents fournisseurs. Il a examiné le seul argument invoqué par la Commission et la VBA pour justifier la différence de taux de la redevance d'utilisation, à savoir l'existence d'obligations d'approvisionnement imposées aux titulaires de contrats commerciaux. Or, le Tribunal a constaté que de telles obligations spécifiques de livraison n'existaient pas. Une telle constatation est relative aux faits.

138. Or, il résulte des articles 168 A du traité CE (devenu article 225 CE) et 51 du statut CE de la Cour de justice que le pourvoi ne peut s'appuyer que sur des moyens portant sur la violation de règles de droit, à l'exclusion de toute appréciation des faits (voir, notamment, arrêt du 28 mai 1998, New Holland Ford/Commission, C-8-95 P, Rec. p. I-3175, point 25).

139. En effet, le Tribunal est seul compétent, d'une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l'inexactitude matérielle de ces constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d'autre part, pour apprécier ces faits (arrêt New Holland Ford/Commission, précité, point 25). Encore faut-il que cette inexactitude résulte de façon manifeste des pièces du dossier sans qu'il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits (arrêt New Holland Ford/Commission, précité, point 72).

140. En l'espèce, les arguments invoqués au soutien de la thèse selon laquelle les contrats commerciaux prévoyaient des obligations spécifiques de livraison, arguments qui, au demeurant, sont en substance identiques à ceux présentés devant le Tribunal, ne révèlent pas l'existence d'une erreur matérielle manifeste dans les constatations de fait opérées par le Tribunal à cet égard.

141. Il est vrai, en revanche, que le Tribunal a considéré que la décision litigieuse ne contenait pas de motivation suffisante lui permettant de contrôler le bien-fondé de la constatation selon laquelle la différence de traitement entre les deux catégories de fournisseurs était objectivement justifiée, alors que, dans le même temps, il faisait grief à la Commission d'avoir commis une erreur d'appréciation à ce propos.

142. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux contenus aux points 115 à 119 du présent arrêt, cette erreur de droit demeure sans influence sur la solution du litige.

143. En effet, d'une part, l'absence d'obligation d'approvisionnement constatée par le Tribunal en ce qui concerne les titulaires de contrats commerciaux fait apparaître que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant (voir point 23 du présent arrêt) qu'il y avait égalité de traitement entre ces derniers et les autres fournisseurs auxquels était imposée la redevance d'utilisation.

144. D'autre part, il ressort du point 188 de l'arrêt attaqué que Florimex et la VGB avaient précisément fait valoir, devant le Tribunal, que la différence entre le taux prévu par les contrats commerciaux et celui de la redevance d'utilisation était discriminatoire.

145. Il s'ensuit que le huitième moyen doit également être rejeté.

146. Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans sa totalité.

Sur les dépens

147. Aux termes de l'article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n'est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Selon l'article 69, paragraphe 2, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Florimex et la VGB ayant conclu à la condamnation de la VBA et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de Florimex et de la VGB. La Commission, qui a également succombé en ses moyens, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) La Coöperatieve Vereniging De Verenigde Bloemenveilingen Aalsmeer BA (VBA) supportera ses propres dépens ainsi que ceux de Florimex BV et de la Vereniging van Groothandelaren in Bloemkwekerijproducten (VGB) afférents à l'instance devant la Cour.

3) La Commission des Communautés européennes supportera ses propres dépens.