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Décisions

TPICE, 5e ch. élargie, 30 mars 2000, n° T-513/93

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Consiglio Nazionale degli Spedizionieri Doganali

Défendeur :

Commission des Communautés européennes, Associazione Italiana dei Corrieri Aerei Internazionali

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cooke

Juges :

Mme Lindh, MM. García-Valdecasas, Pirrung, Vilaras

Avocats :

Mes Pappalardo, Marzano, Tizzano, Magrone Furlotti, Osti

TPICE n° T-513/93

30 mars 2000

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNUATES EUROPEENNES,

Cadre juridique

1. En Italie, l'activité des expéditeurs en douane indépendants est réglementée par la loi n° 1612, du 22 décembre 1960, relative à la reconnaissance juridique de la profession d'expéditeur en douane et à l'institution des registres et du fonds de prévoyance en faveur des expéditeurs en douane (GURI n° 4, du 5 janvier 1961, ci-après la "loi n° 1612-1960"), et par des dispositions d'exécution, notamment par le décret du Ministre des Finances du 10 mars 1964 portant règles d'application de la loi n° 1612-1960 (GURI, supplemento ordinario, n° 102, du 26 avril 1964, ci-après le "décret du 10 mars 1964").

2. Cette activité comprend, notamment, l'accomplissement des formalités liées aux opérations de dédouanement (article 1er de la loi n° 1612-1960). Son exercice est subordonné à la possession d'un agrément et à une inscription au registre national des expéditeurs en douane. Celui-ci se compose de l'ensemble des registres départementaux tenus par les Consigli compartimentali (conseils départementaux des expéditeurs en douane), institués dans chaque département douanier (articles 2 et 4 à 12 de la loi n° 1612-1960).

3. La surveillance de l'activité des expéditeurs en douane est exercée par les conseils départementaux des expéditeurs en douane. Les membres de ceux-ci sont élus à bulletin secret par les expéditeurs en douane inscrits aux registres départementaux, pour un mandat de deux ans, renouvelable ; la présidence est assumée par l'inspecteur général, chef du département douanier (article 10 de la loi n° 1612-1960).

4. Les conseils départementaux des expéditeurs en douane sont chapeautés par le Consiglio Nazionale degli Spedizionieri Doganali (ci-après le "CNSD"), organisme de droit public, composé de neuf membres désignés à bulletin secret par les membres des conseils départementaux pour une durée de trois ans, renouvelable (article 13, paragraphe 2, de la loi n° 1612-1960). Le CNSD était présidé, jusqu'en 1992, par le directeur général des douanes et impôts indirects, qui en était membre de droit.

5. En vertu de l'article 32 du décret-loi n° 331, du 30 août 1992, les présidents des conseils départementaux et le président du CNSD sont des membres de ces organismes élus par leurs pairs.

6. Ne peuvent être élus comme membres des conseils départementaux ou du CNSD que des expéditeurs en douane inscrits sur les registres (articles 8, deuxième alinéa, et 22, deuxième alinéa, du décret du 10 mars 1964).

7. Aux termes de l'article 11 de la loi n° 1612-1960 :

"Chaque conseil départemental délibère au sujet du montant des rétributions dues pour les prestations professionnelles des expéditeurs en douane, montant à proposer au [CNSD] en vue de l'établissement du tarif.

Il n'est pas permis d'exiger, pour les prestations des expéditeurs en douane, des rétributions qui soient, d'une quelconque manière, inférieures ou supérieures à celles approuvées par le [CNSD].

Les éventuels litiges concernant l'application du tarif des prestations professionnelles doivent être soumis au jugement du conseil départemental."

8. L'article 14 de la loi n° 1612-1960 dispose :

"Le [CNSD] :

[...]

d) élabore le tarif des prestations professionnelles des expéditeurs en douane sur la base des propositions des conseils départementaux."

9. Selon les articles 38 à 40 du décret du 10 mars 1964, les expéditeurs en douane qui ne respectent pas les tarifs fixés par le CNSD s'exposent à des sanctions disciplinaires allant du blâme à la suspension temporaire du registre en cas de récidive, voire à la radiation du registre en cas de suspension prononcée deux fois en cinq ans par le conseil départemental.

10. Lors de la séance du 21 mars 1988, le CNSD a adopté le tarif des prestations professionnelles des expéditeurs en douane (ci-après le "tarif litigieux") dans les termes suivants :

"Article 1er

Le présent tarif prévoit les rétributions minimales et maximales qui doivent être appliquées, dans tous les cas, pour l'exécution des opérations douanières et pour les prestations en matière monétaire, commerciale et fiscale, y compris le contentieux fiscal.

La détermination concrète des rétributions, entre le minimum et le maximum, tiendra compte des caractéristiques, de la nature et de l'importance de la tâche concernée.

Article 2

Les rétributions fixées par le présent tarif doivent, dans tous les cas, être imputées ou reprises de manière à être distinguées de toute autre rubrique ou dépense exposée pour l'exécution du mandat.

[...]

Article 3

Les rétributions fixées par le présent tarif doivent être considérées comme calculées en référence à chaque opération douanière ou prestation professionnelle individuelle.

On entend par opérations douanières celles aptes à donner une destination douanière aux marchandises étrangères ou nationales, quel que soit le document dont elles ont été accompagnées.

[...]

Article 5

En référence à ce qui est indiqué à l'article 1er ci-dessus, aucune dérogation au présent tarif n'est permise à l'égard du mandant et ce tarif rend nul tout accord contraire, même lorsque, pour des raisons pratiques, interviennent deux ou plusieurs personnes, cela conformément aux articles 1708 et 1709 du Code civil [italien].

[...]

Article 6

Le [CNSD] peut prévoir des dérogations particulières et-ou temporaires aux minima prévus par le présent tarif.

Article 7

Le [CNSD] assure la mise à jour du présent tarif, en fonction des indices [fournis par] l'Istat [Institut central de statistiques] secteur industriel à partir de la date de la décision concernée."

11. Ensuite, dans ses articles 8 à 12, le tarif litigieux détermine le barème à appliquer en fonction de la valeur ou du poids de la marchandise à dédouaner et, pour chaque échelon, prévoit soit un prix fixe, soit, dans la plupart des cas, une fourchette avec un prix minimal et un prix maximal à payer pour l'accomplissement des formalités douanières par l'expéditeur en douane. Le tarif litigieux introduit une augmentation substantielle des prix minimaux fixés par le tarif précédent qui, dans certains cas, atteint plus de 400 %.

12. Le tarif litigieux a été approuvé par le Ministre des Finances italien par décret du 6 juillet 1988 (GURI n° 168, du 19 juillet 1988, p. 19), auquel il est annexé, portant comme titre "Conseil national des expéditeurs en douane. Rétributions pour l'exécution des opérations douanières et pour les prestations professionnelles en matière monétaire, commerciale et fiscale, y compris le contentieux fiscal".

13. En application de l'article 6 susvisé, le CNSD a octroyé un certain nombre de dérogations au tarif litigieux, notamment, par décision du 12 juin 1990, en faveur de l'Associazione Italiana dei Corrieri Aerei Internazionali (ci-après l'"AICAI"), association de droit italien créée par des coursiers internationaux et ayant pour objet la représentation et le conseil de ses membres concernant l'ensemble des problèmes liés à la fourniture de services internationaux de courrier.

Faits à l'origine du litige

14. Le 21 juillet 1989, l'AICAI a déposé une plainte auprès de la Commission, dénonçant la décision du CNSD du 21 mars 1988 fixant le tarif litigieux. Elle soutenait que ce tarif, en premier lieu, faisait disparaître, pour les valeurs de marchandises les plus basses, la progressivité du barème existant antérieurement et augmentait les prix dans des proportions anormales, en deuxième lieu, avait pour effet d'imposer la facturation séparée de toute opération en douane afin de permettre le contrôle de son application effective, ce qui serait incompatible avec le système appliqué à l'échelle mondiale, et, en troisième lieu, prohibait toute dérogation.

15. Les 1er février et 28 mars 1990, la Commission a demandé au CNSD des informations sur la structure et le fonctionnement de celui-ci et des conseils départementaux, sur la base de l'article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204).

16. Le 30 juin 1993, la Commission a adopté la décision 93-438-CEE relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-33.407 CNSD) (JO L 203, p. 27, ci-après la "Décision"), qui est l'objet du présent recours. Dans la Décision, il a été conclu que "les expéditeurs en douane sont des entreprises qui exercent une activité économique" (considérant 40) ; que le CNSD est "une association d'entreprises" ; que "les décisions du CNSD [...] sont des décisions d'association d'entreprises, dont le but est de régler l'activité économique des membres" (considérant 41). Aux termes du considérant 45, les restrictions de concurrence découlant du tarif litigieux sont les suivantes : "la fixation d'un tarif minimal et maximal fixe, auquel on ne peut pas individuellement déroger, pour chaque opération effectuée par les expéditeurs en douane" et "l'imposition de modalités obligatoires pour la facturation de ce tarif, telle que la facturation individuelle". Selon le considérant 49, "le tarif fixé par le CNSD est susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres dans la mesure où ce tarif fixe justement le prix de toutes les opérations douanières relatives aux importations en Italie et aux exportations d'Italie". Dans l'article 1er de sa Décision, la Commission conclut que "le tarif pour les prestations professionnelles des expéditeurs en douane adopté par le [CNSD] lors de la séance du 21 mars 1988 et entré en vigueur le 20 juillet 1988 constitue une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité". Dans l'article 2, la Commission invite le CNSD à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre immédiatement fin à ladite infraction.

Procédure et conclusions des parties

17. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 septembre 1993, le requérant a introduit le présent recours.

18. Le 7 février 1994, l'AICAI a déposé une demande en intervention au soutien des conclusions de la partie défenderesse. Par ordonnance du 17 octobre 1994, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis l'AICAI à intervenir.

19. Le 28 novembre 1994, l'AICAI a présenté son mémoire en intervention. Le 16 janvier 1995, le requérant a présenté ses observations sur le mémoire en intervention de l'AICAI.

20. Le 19 décembre 1995, le Tribunal a invité les parties à répondre à certaines questions. Il a été déféré à cette invitation par l'AICAI et par le requérant le 15 janvier 1996 et par la Commission le 17 janvier 1996.

21. Par requête déposée au greffe de la Cour le 9 février 1996, la Commission a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que, en adoptant et en maintenant en vigueur une loi qui impose au CNSD, par l'attribution du pouvoir de décision correspondant, l'adoption d'une décision d'association d'entreprises contraire à l'article 85 du traité CE (devenu article 81 CE) en ce qu'elle fixe un tarif obligatoire pour tous les expéditeurs en douane, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 5 du traité CE (devenu article 10 CE) et 85 de ce même traité (affaire C-35-96).

22. Le 8 mars 1996, le requérant a demandé la suspension de la procédure jusqu'à l'arrêt de la Cour dans l'affaire C-35-96. Le 29 mars 1996, la Commission a donné son accord à cette suspension.

23. Par ordonnance du 6 mai 1996 de la cinquième chambre élargie du Tribunal, la présente procédure a été suspendue jusqu'à l'arrêt de la Cour dans l'affaire C-35-96.

24. Le 18 juin 1998, la Cour a prononcé son arrêt Commission-Italie (C-35-96, Rec. p. I-3851, ci-après l'"arrêt du 18 juin 1998"), dans lequel elle a jugé que, "en adoptant et en maintenant en vigueur une loi qui impose au [CNSD], par l'attribution du pouvoir de décision correspondant, l'adoption d'une décision d'association d'entreprises contraire à l'article 85 du traité CE, consistant à fixer un tarif obligatoire pour tous les expéditeurs en douane, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 5 et 85 du même traité".

25. Le 2 juillet 1998, le Tribunal a, au titre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure, invité les parties à lui communiquer leur position sur les conséquences à tirer de l'arrêt du 18 juin 1998 pour la présente affaire.

26. Il a été déféré à cette invitation par l'AICAI le 21 juillet et par le requérant et la Commission le 22 juillet 1998.

27. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale.

28. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 17 juin 1999.

29. Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- déclarer la nullité de la Décision ;

- condamner la Commission aux dépens.

30. La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours comme non fondé ;

- condamner le requérant aux dépens.

31. La partie intervenante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours comme non fondé ;

- condamner le requérant aux dépens.

Sur le fond

32. Le requérant invoque un seul moyen, tiré de la violation par la Commission de l'article 85 du traité en ce que celle-ci, dans la Décision, a méconnu les conditions d'application de cette disposition. Ce moyen peut être divisé en trois branches. Dans une première branche, le requérant soutient, d'une part, que les expéditeurs en douane ne sont pas des entreprises au sens de l'article 85 du traité et, d'autre part, que l'ordre professionnel des expéditeurs en douane, c'est-à-dire le CNSD, ne constitue pas une association d'entreprises au sens du même article. Dans une deuxième branche, il fait valoir que les décisions du CNSD ont été qualifiées à tort de décisions d'associations d'entreprises et que le tarif litigieux ne comporte aucun élément restrictif de la concurrence au sens de l'article 85 du traité. Enfin, dans une troisième branche, il affirme que le tarif litigieux n'est pas susceptible d'affecter le commerce intra-communautaire.

Première branche : sur la qualification des expéditeurs en douane d'entreprises et du CNSD d'association d'entreprises au sens de l'article 85 du traité

Arguments des parties

33. Le requérant soutient que les membres d'une profession libérale et, en particulier, les expéditeurs en douane, ne sont pas des entreprises au sens de l'article 85 du traité parce que, d'une part, leur activité revêtant un caractère intellectuel, ils n'agissent pas à travers une structure organisée de production et, d'autre part, ils n'exercent pas une activité économique à leurs propres risques. L'exercice de l'activité d'expéditeur en douane serait, par ailleurs, soumis à une réglementation imposant des conditions d'accès à la profession.

34. Il conclut que, les expéditeurs en douane n'étant pas des entreprises, les ordres professionnels qui les regroupent ne sont pas des associations d'entreprises. Par ailleurs, de tels ordres professionnels étant des personnes morales de droit public dotées de pouvoirs normatifs en matière d'organisation et de contrôle, ils ne pourraient pas être qualifiés d'associations d'entreprises au sens de l'article 85 du traité.

35. La Commission fait valoir que, selon la jurisprudence, la nature économique de l'activité exercée est le seul critère permettant de définir une entreprise.

Appréciation du Tribunal

36. Selon une jurisprudence constante, la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (arrêts de la Cour du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41-90, Rec. p. I-1979, point 21, du 16 novembre 1995, Fédération française des sociétés d'assurance ea, C-244-94, Rec. p. I-4013, point 14, et du 11 décembre 1997, Job Centre, C-55-96, Rec. p. I-7119, point 21), et constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné (arrêt du 18 juin 1998, point 36).

37. Or, ainsi que la Cour l'a jugé dans l'arrêt du 18 juin 1998 (point 37), l'activité des expéditeurs en douane présente un caractère économique. En effet, ceux-ci offrent, contre rémunération, des services consistant à effectuer des formalités douanières, concernant surtout l'importation, l'exportation et le transit de marchandises, ainsi que d'autres services complémentaires, comme des services relevant des domaines monétaire, commercial et fiscal. En outre, ils assument les risques financiers afférents à l'exercice de cette activité (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie ea-Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, point 541). En cas de déséquilibre entre dépenses et recettes, l'expéditeur en douane est appelé à supporter lui-même les déficits.

38. La Cour a également jugé dans l'arrêt du 18 juin 1998 (point 38) que, "dans ces conditions, la circonstance que l'activité d'expéditeur en douane serait intellectuelle, nécessiterait une autorisation et pourrait être poursuivie sans la réunion d'éléments matériels, immatériels et humains n'est pas de nature à l'exclure du champ d'application des articles 85 et 86 du traité CE".

39. S'agissant de la qualification du requérant d'association d'entreprises au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, l'activité des expéditeurs en douane étant une activité économique et les expéditeurs en douane étant, dès lors, considérés comme des entreprises au sens de l'article 85 susvisé, il y a lieu de conclure que le CNSD est une association d'entreprises au sens de cet article.En outre, la Cour a jugé, dans son arrêt du 18 juin 1998 (point 40), que le statut de droit public d'un organisme national tel que le CNSD ne fait pas obstacle à l'application de l'article 85 du traité.Cet article s'applique, selon ses propres termes, à des accords entre entreprises et à des décisions d'associations d'entreprises. Dès lors,le cadre juridique dans lequel s'effectue la conclusion de tels accords et sont prises de telles décisions ainsi que la qualification juridique donnée à ce cadre par les différents ordres juridiques nationaux sont sans incidence sur l'applicabilité des règles communautaires de la concurrence et, notamment, de l'article 85 du traité(arrêt de la Cour du 30 janvier 1985, BNIC, 123-83, Rec. p. 391, point 17).

40. Il s'ensuit que la première branche du moyen unique doit être rejetée.

Deuxième branche : sur la qualification des décisions du CNSD de décisions d'associations d'entreprises et sur le caractère restrictif de la concurrence du tarif litigieux, au sens de l'article 85 du traité

Arguments des parties

41. En premier lieu, le requérant fait valoir que le CNSD a la nature d'un organisme public doté de pouvoirs normatifs. Dès lors, les décisions du CNSD, comme celle portant adoption du tarif litigieux, constitueraient des décisions étatiques au moyen desquelles cet organisme accomplirait des fonctions publiques. A l'appui de cette thèse, le requérant fait observer que les décisions du CNSD ont la nature de règlements d'après le droit italien et que l'appartenance au CNSD est obligatoire. Enfin, le requérant affirme que la fixation du tarif litigieux constitue un acte étatique en elle-même, indépendamment du décret ministériel qui porte approbation dudit tarif, et qu'elle ne pourrait être séparée de ses autres fonctions publiques.

42. En second lieu, le requérant rappelle que, selon la jurisprudence, les règles communautaires de la concurrence ne s'appliquent pas aux comportements des entreprises lorsque ces comportements sont imputables aux autorités nationales ou imposés par ces dernières (arrêts de la Cour du 13 décembre 1991, GB-Inno-BM, C-18-88, Rec. p. I-5941, point 20, et du 19 mai 1993, Corbeau, C-320-91, Rec. p. I-2533, point 10). Il ajoute que, aux termes de l'arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, Commission et France-Ladbroke Racing (C-359-95 P et C-379-95 P, Rec. p. I-6265, point 33), "si un comportement anticoncurrentiel est imposé aux entreprises par une législation nationale ou si celle-ci crée un cadre juridique qui, lui-même, élimine toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part, les articles 85 et 86 [du traité] ne sont pas d'application. Dans une telle situation, la restriction de concurrence ne trouve pas sa cause, ainsi que l'impliquent ces dispositions, dans des comportements autonomes des entreprises".

43. A cet égard, le requérant fait valoir que, en l'espèce, le comportement anticoncurrentiel qui lui est reproché lui a été imposé par sa législation nationale. La Cour l'aurait elle-même reconnu dans son arrêt du 18 juin 1998, selon lequel une loi émanant de l'Etat italien "[imposait] au CNSD, par l'attribution d'un pouvoir de décision correspondant, l'adoption d'une décision d'association d'entreprises contraire à l'article 85 du traité, consistant à fixer un tarif obligatoire pour tous les expéditeurs en douane" sans lui laisser la moindre autonomie décisionnelle. Le requérant en déduit que, dans cet arrêt, toute responsabilité de sa part a été exclue par la Cour qui a retenu, à bon droit, celle de l'Etat italien.

44. Le requérant soutient que la Commission elle-même semble partager sa position à l'égard de cette importante question dans la mesure où elle a reconnu, lors de l'audience, qu'il ne disposait d'aucune marge de manœuvre en ce qui concerne l'application de la loi n° 1612-1960 et que son comportement était imposé par l'Etat italien.

45. Enfin, le requérant expose que, en tout état de cause, la fixation d'un tarif minimal par un ordre professionnel ne peut être considérée comme une restriction de la concurrence au sens de l'article 85 du traité. Ainsi, l'exigence de la Commission de dispenser les expéditeurs en douane d'appliquer un tel tarif serait incompatible avec les objectifs poursuivis par la réglementation d'une profession libérale. Il existerait une différence entre la notion de concurrence entre entreprises et la notion de concurrence entre membres d'une profession libérale dans la mesure où la seconde se fonderait sur les qualités intellectuelles et professionnelles de ceux qui offrent le service concerné. Si la fixation d'un tarif minimal des expéditeurs en douane devait être considérée comme une restriction de la concurrence au sens de l'article 85 du traité, cette conclusion s'appliquerait dans tous les cas dans lesquels des ordres professionnels fixent des prix minimaux et maximaux.

46. La Commission fait valoir que la nature du CNSD et de ses fonctions est sans incidence sur l'applicabilité de l'article 85 du traité. Elle soutient que la décision fixant le tarif litigieux contient les éléments essentiels d'une entente entre entreprises, puisqu'elle se présente sous la forme spécifique d'une décision d'association d'entreprises à laquelle vient s'ajouter par la suite un acte de l'Etat membre.

47. La Commission souligne que la Cour elle-même, dans l'arrêt du 18 juin 1998 (point 51), en affirmant que "le CNSD a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité", a tranché la question de l'application de cette disposition au comportement du requérant. Cette affirmation serait, d'après la Commission, incompatible avec la non-applicabilité de l'article 85 du traité et, partant, empêcherait, au cas d'espèce, l'application de la jurisprudence établie dans l'arrêt Commission et France-Ladbroke Racing, précité (point 33).

48. La Commission estime que, dans la présente affaire, l'entente constitue un comportement autonome des entreprises intéressées. En rappelant que l'approbation par décret n'est pas obligatoire, elle soutient que la fixation du tarif litigieux n'est pas un acte de l'autorité publique, mais une décision prise par le CNSD dans le cadre de son pouvoir autonome, comme le confirme le fait que la dérogation octroyée à l'AICAI n'a fait l'objet d'aucun acte public de contrôle.

49. Lors de l'audience, la Commission a souligné que, même si le CNSD était tenu par la législation nationale d'adopter le tarif litigieux, il n'en demeure pas moins que l'article 85 du traité est applicable et que ce tarif constitue une infraction à cette disposition. A cet égard, la Commission fait valoir que soutenir que l'existence de la loi nationale empêche l'applicabilité de l'article 85 équivaudrait à inverser le rapport entre les ordres juridiques communautaire et national et à affirmer la primauté du droit national sur le droit communautaire. Les infractions des entreprises à l'article 85 du traité, même en présence d'une obligation législative, découleraient de la primauté du droit communautaire sur le droit national. Une autre question serait de savoir si l'existence de la loi nationale peut atténuer la responsabilité du CNSD.

50. Enfin, la Commission affirme que les effets manifestement restrictifs de la concurrence du tarif litigieux découlent de la fixation dans ce tarif, d'une part, d'un seuil de prix minimal et, d'autre part, de modalités de facturation obligatoires. Concernant celles-ci, la Commission précise que l'obligation imposée par l'article 3 du tarif litigieux, selon laquelle les sommes à verser aux expéditeurs en douane doivent être calculées pour chaque opération douanière et chaque prestation professionnelle individuelle, est contraire à l'article 85 du traité en ce qu'elle prohibe l'application d'un tarif forfaitaire.

51. L'AICAI soutient que la responsabilité que l'arrêt du 18 juin 1998 a imputée à la République italienne n'exclut pas la responsabilité solidaire du requérant. A cet égard, elle fait valoir que, selon la jurisprudence, l'intervention d'un acte de l'autorité publique, destiné à conférer un effet obligatoire à un accord vis-à-vis de l'ensemble des opérateurs économiques concernés, ne saurait avoir pour effet de soustraire celui-ci à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité (arrêt BNIC, précité, point 23).

52. L'AICAI ajoute que, après l'adoption de la Décision, le CNSD a continué à appliquer le tarif litigieux. En effet, par note du 15 septembre 1997 adressée à tous les conseils départementaux des expéditeurs en douane, le CNSD aurait confirmé que ledit tarif était pleinement en vigueur. Estimant que les prémisses qui avaient mené à la Décision avaient changé, le CNSD aurait demandé à la Commission une dérogation à l'application de l'article 85 du traité. N'ayant pas reçu de réponse, le CNSD aurait conclu que le tarif litigieux demeurait applicable. L'AICAI aurait ainsi déposé une nouvelle plainte devant la Commission le 1er août 1997.

Appréciation du Tribunal

53. Les arguments soulevés par le requérant pris du prétendu caractère public du CNSD et de ses décisions ne peuvent être retenus. En effet, comme il a déjà été indiqué, lors de l'examen de la première branche (voir point 39 ci-dessus), la Cour a jugé, dans son arrêt du 18 juin 1998 (point 40), que le statut de droit public d'un organisme national tel que le CNSD ne fait pas obstacle à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

54. Il convient, sur cette question, d'ajouter que, comme la Cour l'a constaté dans son arrêt du 18 juin 1998 (points 41 à 43), les membres du CNSD sont des représentants des expéditeurs professionnels que rien dans la réglementation nationale concernée n'empêche d'agir dans l'intérêt exclusif de la profession. D'une part, les membres du CNSD ne peuvent être que des expéditeurs en douane inscrits sur les registres (articles 13 de la loi n° 1612-1960, 8, deuxième alinéa, et 22, deuxième alinéa, du décret du 10 mars 1964). A cet égard, il importe de souligner que, depuis la modification introduite par le décret-loi n° 331, du 30 août 1992, le directeur général des douanes ne participe plus au CNSD en qualité de président. En outre, le Ministre des Finances italien, qui est chargé de la surveillance de l'organisation professionnelle concernée, ne peut intervenir dans la désignation des membres des conseils départementaux et du CNSD. D'autre part, le CNSD est chargé d'établir le tarif des prestations professionnelles des expéditeurs en douane sur la base des propositions des conseils départementaux [article 14, sous d), de la loi n° 1612-1960], et aucune règle dans la législation nationale en cause n'oblige ni même n'incite les membres tant du CNSD que des conseils départementaux à tenir compte de critères d'intérêt public.

55. Il en découle que les membres du CNSD ne sauraient être qualifiés d'experts indépendants (voir, en ce sens, les arrêts de la Cour du 17 novembre 1993, Reiff, C-185-91, Rec. p. I-5801, points 17 et 19, du 9 juin 1994, Delta Schiffahrts- und Speditionsgesellschaft, C-153-93, Rec. p. I-2517, points 16 et 18, et du 17 octobre 1995, DIP ea, C-140-94 à C-142-94, Rec. p. I-3257, points 18 et 19) et qu'ils ne sont pas tenus par la loi de fixer les tarifs en prenant en considération, en plus des intérêts des entreprises ou des associations d'entreprises du secteur qui les ont désignés, l'intérêt général et les intérêts des entreprises des autres secteurs ou des usagers des services en question (arrêts Reiff, précité, points 18 et 24, Delta Schiffahrts- und Speditionsgesellschaft, précité, point 17, DIP ea, précité, point 18, et arrêt du 18 juin 1998, point 44).

56. Par conséquent, les décisions du CNSD ne constituent pas des décisions étatiques au moyen desquelles cet organisme accomplirait des fonctions publiques et, partant, l'argument du requérant tiré de la non-application de l'article 85 du traité en raison du caractère public du CNSD et des décisions de celui-ci n'est pas fondé.

57. Il reste néanmoins la question de savoir si, comme le soutient le requérant, l'article 85, paragraphe 1, du traité a, en tout état de cause, été erronément appliqué dans la Décision, en ce que, en l'absence de comportement autonome de la part du CNSD et de ses membres, l'adoption du tarif litigieux ne constituerait pas une décision d'association d'entreprises au sens de l'article susvisé. Cette question n'a pas fait l'objet d'une analyse spécifique de la Cour dans son arrêt du 18 juin 1998.

58. Il ressort de la jurisprudence que les articles 85 du traité et 86 du traité (devenu article 82 CE) ne visent que des comportements anticoncurrentiels qui ont été adoptés par les entreprises de leur propre initiative (arrêts de la Cour du 20 mars1985, Italie-Commission, 41-83, Rec. p. 873, points 18 à 20, du 19 mars 1991, France-Commission, C-202-88, Rec. p. I-1223, point 55, GB-Inno-BM, précité, point 20, et Commission et France-Ladbroke Racing, précité, point 33).Si un comportement anticoncurrentiel est imposé aux entreprises par une législation nationale ou si celle-ci crée un cadre juridique qui, lui-même, élimine toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part, les articles 85 et 86 ne sont pas d'application. Dans une telle situation, la restriction de concurrence ne trouve pas sa cause, ainsi que l'impliquent ces dispositions, dans des comportements autonomes des entreprises (arrêt Commission et France-Ladbroke Racing, précité, point 33, et arrêt du Tribunal du 7 octobre 1999, Irish Sugar-Commission, T-228-97, non encore publié au Recueil, point 130).

59. En revanche, les articles 85 et 86 du traité peuvent s'appliquer s'il s'avère que la législation nationale laisse subsister la possibilité d'une concurrence susceptible d'être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes des entreprises (arrêts de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck ea-Commission, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125, point 126, et Commission et France-Ladbroke Racing, précité, point 34, et arrêt Irish Sugar-Commission, précité, point 130)

60. En outre, il convient de rappeler que la possibilité d'exclure un comportement anticoncurrentiel déterminé du champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en raison du fait qu'il a été imposé aux entreprises en question par la législation nationale existante ou que celle-ci a éliminé toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part, a été appliquée de manière restrictive par les juridictions communautaires (arrêts Van Landewyck ea-Commission, précité, points 130 et 133, Italie-Commission, précité, point 19, arrêt de la Cour du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie ea-Commission, 240-82 à 242-82, 261-82, 262-82, 268-82 et 269-82, Rec. p. 3831, points 27 à 29, et arrêt du Tribunal du 18 septembre 1996, Asia Motor France ea-Commission, T-387-94, Rec. p. II-961, points 60 et 65).

61. Dès lors, il convient de déterminer si les effets restrictifs de la concurrence reprochés par la Commission et constatés par la Cour trouvent leur origine uniquement dans la loi nationale ou, au moins pour une part, dans le comportement du requérant. Il y a, dès lors, lieu d'examiner si le cadre juridique applicable en l'espèce élimine toute possibilité de comportement concurrentiel de la part du CNSD.

62. Il est constant que l'article 14 de la loi n° 1612-1960 imposait au CNSD d'adopter un tarif, ainsi qu'il a été reconnu par la Cour dans son arrêt du 18 juin 1998 (point 60). Toutefois, ni la loi ni les dispositions d'exécution ne prévoient des niveaux ou des plafonds de prix déterminés que le CNSD devrait nécessairement prendre en compte lors de l'établissement du tarif. La législation nationale ne définit pas non plus de critères sur la base desquels le CNSD doit élaborer le tarif.

63. A cet égard, il convient de constater que, lorsque le requérant a adopté le tarif litigieux, il a introduit une augmentation substantielle des prix minimaux par rapport aux prix en vigueur, laquelle, dans certains cas, atteignait 400 %. Il s'ensuit que le CNSD jouissait d'un large pouvoir de décision concernant la détermination des prix minimaux. De plus, la conséquence de cette augmentation a été, comme le requérant le reconnaît lui-même dans sa requête (p. 22), que les expéditeurs en douane, depuis l'entrée en vigueur du tarif litigieux, ont commencé à appliquer les prix minimaux alors que, jusqu'en 1988, ils avaient facturé leurs prestations aux prix maximaux. Il en résulte que le CNSD avait fixé le tarif précédent de manière à laisser subsister la possibilité d'une certaine concurrence, susceptible d'être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes des expéditeurs en douane. Dès lors, si, avec le tarif précédent, un certain degré de concurrence existait, en augmentant de la sorte les prix minimaux, le CNSD a encore restreint la concurrence subsistante d'une manière contraire à l'article 85 du traité.

64. Il est également constant que ni la loi ni les dispositions d'exécution ne cherchent à imposer aux expéditeurs en douane des modalités particulières de facturation de leurs services à leurs clients, ni ne chargent le CNSD d'imposer une telle obligation à leur égard. En particulier, elle ne prévoit pas la facturation obligatoire de chaque prestation professionnelle ou opération douanière individuelle de manière séparée.

65. Or, le CNSD a décidé de fixer des modalités de facturation obligatoires pour préserver l'effet utile du tarif litigieux. Plus précisément, l'article 3 dudit tarif prévoit que les sommes à verser aux expéditeurs en douane doivent être calculées pour chaque opération douanière ou prestation professionnelle individuelle, interdisant ainsi l'application d'un tarif forfaitaire. Une telle obligation limite la liberté des expéditeurs en douane en ce qui concerne leur organisation interne, les empêche de réduire les coûts de facturation et exclut l'éventuelle application de réductions tarifaires à leurs clients. Cette disposition constitue, dès lors, une restriction de la concurrence au sens de l'article 85 du traité.

66. Enfin, même si la législation nationale ne prévoit pas expressément la possibilité d'établir des dérogations au tarif, il convient de relever que, lors de l'adoption du tarif litigieux, le CNSD s'est conféré la faculté d'accorder des dérogations aux prix minimaux prévus par celui-ci (article 6) et de créer, ainsi, une concurrence des prix dans les secteurs concernés. Cette faculté a été mise en pratique à plusieurs reprises.

67. En effet, par décision du 16 décembre 1988, premièrement, le CNSD a accordé aux expéditeurs en douane la possibilité de regrouper journellement, dans l'application du tarif, pour chaque importation et section douanière, tous les bulletins d'importation avec "dette ad valorem", en fonction de la section correspondante, avec un supplément de 15 000 lires italiennes (ITL) pour chaque bulletin supplémentaire. Deuxièmement, le CNSD a accordé aux entreprises et aux groupes industriels réalisant, au cours de l'année, au moins 8 000 opérations de dédouanement relatives à certaines marchandises une réduction des rétributions minimales correspondantes. Troisièmement, il a accordé une réduction de 50 % sur certaines majorations prévues pour les prestations rendues à certains navires. Enfin, le CNSD a éliminé les prix minimaux prévus pour les opérations douanières concernant les journaux quotidiens.

68. Ensuite, par décision du 18 avril 1989, le CNSD a décidé, d'une part, d'accorder aux expéditeurs en douane la possibilité d'appliquer une réduction de 15 % sur toutes leurs rétributions lorsqu'ils agissent pour le compte d'un mandant ou d'un intermédiaire. Le CNSD a prévu, d'autre part, que cette réduction s'élève à 30 % lorsque les expéditeurs prêtent certains services aux agents consignataires du navire et aux correspondants.

69. Par la suite, par décision du 11 juillet 1989, le CNSD a exclu du champ d'application du tarif litigieux, sans limitation dans le temps, certaines catégories de prestations douanières, à savoir l'assistance aux navires militaires, aux hydroptères et aux bateaux de pêche à moteur ; les plis, la correspondance, les effets personnels et le mobilier, les billets de banque ayant cours légal, les timbres-poste et les papiers timbrés ; la presse quotidienne et périodique ; les échantillons de marchandises dont la valeur en douane n'excède pas 350 000 ITL, non compris les frais de transport et les frais accessoires.

70. Enfin, par décision du 12 juin 1990, le CNSD a octroyé une dérogation spécifique au tarif litigieux et à ses modalités de facturation à l'AICAI, lui permettant d'exclure du champ d'application dudit tarif les marchandises transportées par les coursiers, d'une valeur allant jusqu'à 350 000 ITL, non compris les frais de transport et les frais accessoires, et d'accorder une réduction des prix minimaux pouvant aller jusqu'à 70 % pour les opérations relatives à des marchandises d'une valeur allant jusqu'à 2 500 000 ITL. Par ailleurs, l'AICAI était déchargée de l'obligation de facturer individuellement, tant à l'envoyeur qu'au destinataire, le montant dû pour la déclaration en douane.

71. Force est de conclure que, par certaines de ces dérogations, le CNSD a abrogé l'essence même du tarif litigieux en supprimant ces prix minimaux et en octroyant de réelles exonérations ou libéralisations des prix, à caractère général ou particulier, sans aucune limite dans le temps. Ces circonstances démontrent que le CNSD jouissait d'une marge d'appréciation dans l'exécution de la législation nationale de sorte que la nature et la portée de la concurrence dans ce secteur d'activité dépendait en pratique de ses propres décisions.

72. Il découle de tout ce qui précède, d'une part, que, si la législation italienne comportait des limitations importantes à la concurrence et rendait difficile la pratique, par les expéditeurs en douane, d'une véritable concurrence en termes de prix, elle n'empêchait pas, en tant que telle, la subsistance d'une certaine concurrence, susceptible d'être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes des expéditeurs en douane et, d'autre part, que le CNSD jouissait d'une marge de manœuvre pour accomplir les obligations que la législation susvisée lui imposait, en vertu de laquelle il aurait pu et dû agir de façon à ne pas restreindre la concurrence existante. Partant, c'est à juste titre que, dans la Décision, la Commission a considéré que le tarif litigieux constituait une décision d'une association d'entreprises comportant des effets restrictifs de la concurrence, prise par le CNSD de sa propre initiative.

73. Cette conclusion n'est pas contredite par le fait que la Cour a jugé dans l'arrêt du 18 juin 1998 (point 60) que la République italienne a imposé au CNSD l'adoption d'une décision d'association d'entreprises contraire à l'article 85 du traité. Il suffit, à cet égard, de constater que la portée de cette affirmation est clairement limitée par les termes "par l'attribution d'un pouvoir de décision correspondant", qui confirment que le CNSD jouissait d'un pouvoir de décision autonome dont, comme il a été établi ci-dessus, il aurait dû user pour appliquer la législation italienne tout en préservant le degré de concurrence que la mise en œuvre de celle-ci pouvait laisser subsister.

74. Enfin, l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité au comportement du requérant n'est pas mise en cause par la position exprimée par la Commission lors de l'audience, selon laquelle ce dernier ne disposait d'aucune marge de manœuvre en ce qui concerne l'exécution de la loi n° 1612-1960 et son comportement était imposé par l'Etat. Il suffit de constater que, en l'espèce, il revient au Tribunal de contrôler la légalité de l'acte attaqué, et ce contrôle doit tenir compte de la motivation de cet acte au sens de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE). Or, selon la Décision (considérant 42), c'est précisément en considération du fait que le CNSD décide d'une manière autonome du tarif, de son niveau et de ses modalités d'application que la Commission a considéré que le comportement du requérant n'était pas une mesure étatique, mais une décision d'une association d'entreprises susceptible de rentrer dans le champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité.Par ailleurs, en tout état de cause, la question de savoir si le CNSD disposait ou non d'une marge de manœuvre dans l'application de la législation italienne doit être considérée, en l'espèce, comme une question de fait qu'il appartient au seul Tribunal d'apprécier.

75. Il s'ensuit que la deuxième branche du moyen unique doit être rejetée.

Troisième branche : sur la question de savoir si le commerce entre Etats membres est susceptible d'être affecté

Arguments des parties

76. Le requérant soutient que, le recours aux expéditeurs en douane n'étant pas obligatoire, l'affirmation contenue dans la Décision, selon laquelle "le tarif entrave les échanges entre le marché italien et les autres marchés communautaires du fait qu'il rend plus chères et plus compliquées les opérations douanières", est dépourvue de tout fondement. En outre, il fait valoir que, avec la réalisation du marché intérieur, il n'existe plus d'opérations de douane dans le cadre des échanges entre Etats membres et, ainsi qu'il résulte du règlement (CEE) n° 3904-92 du Conseil, du 17 décembre 1992, concernant des mesures d'adaptation de la profession des agents et commissionnaires en douane au marché intérieur (JO L 394, p. 1), les expéditeurs en douane n'effectuent plus aucune opération donnant lieu au paiement d'une rétribution en application du tarif professionnel. Aucun préjudice ne serait donc causé au commerce entre Etats membres.

77. La Commission soutient que l'entrave aux échanges n'est pas écartée par le caractère non obligatoire du recours aux expéditeurs en douane, puisque le fait qu'un opérateur économique puisse se passer de leurs services n'élimine pas le caractère restrictif du comportement de nature à entraver les échanges.

Appréciation du Tribunal

78. Les arguments du requérant selon lesquels le tarif litigieux n'est pas susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres ne peuvent être retenus.

79. Pour ce qui est de la période antérieure à la réalisation du marché intérieur, c'est-à-dire avant le 31 décembre 1992, il suffit de constater que le tarif litigieux fixe le prix des opérations douanières relatives aux importations en Italie et aux exportations d'Italie, ce qui affecte nécessairement le commerce entre Etats membres.

80. Pour ce qui est de la période à compter du 31 décembre 1992, le CNSD fait valoir qu'il n'existe plus d'opérations de douane dans le cadre des échanges entre Etats membres.

81. A cet égard, comme la Cour l'a relevé dans son arrêt du 18 juin 1998 (points 49 et 50), divers types d'opérations d'importation ou d'exportation de marchandises à l'intérieur de la Communauté ainsi que d'opérations effectuées entre opérateurs communautaires exigent l'accomplissement de formalités douanières et peuvent, par conséquent, rendre nécessaire l'intervention d'un expéditeur en douane indépendant inscrit au registre.Ainsi en va-t-il des opérations dites de "transit interne" qui couvrent l'envoi de marchandises d'Italie vers un Etat membre, c'est-à-dire d'un point à un autre du territoire douanier de la Communauté, moyennant un transit par un pays tiers (par exemple, la Suisse). Ce type d'opérations revêt une importance particulière pour l'Italie, puisqu'une grande partie des marchandises expédiées des régions du nord-ouest du pays vers l'Allemagne et les Pays-Bas transite par la Suisse.

82. Quant à l'argument du requérant tiré de l'absence de caractère obligatoire du recours aux expéditeurs en douane professionnels, il y a lieu de relever que le propriétaire de la marchandise peut faire la déclaration en douane lui-même ou se faire représenter soit par un expéditeur en douane indépendant, soit par un expéditeur en douane salarié. Néanmoins, pour accomplir les formalités liées aux opérations de dédouanement et au contrôle douanier, dans tous les cas où un opérateur économique qui importe en Italie ou exporte d'Italie décide de se faire représenter par un expéditeur en douane et ne dispose pas d'un expéditeur en douane salarié ou lorsque son expéditeur en douane salarié n'est pas habilité à exercer dans le département où le dédouanement doit être effectué, il doit faire appel aux prestations des expéditeurs en douane professionnels, pour lesquels le tarif litigieux est obligatoire. En tout état de cause, comme il ressort du considérant 12 de la Décision, le marché à prendre en considération pour établir l'existence d'une infraction à l'article 85 du traité est celui des services fournis par les expéditeurs en douane professionnels et, dans ce marché, l'existence d'un tarif obligatoire constitue une restriction de nature à entraver les échanges entre Etats membres.

83. Enfin, il convient de rappeler que la Cour a constaté, dans son arrêt du 18 juin 1998 (point 45), que les décisions par lesquelles le CNSD a fixé un tarif uniforme et obligatoire pour tous les expéditeurs en douane sont susceptibles d'affecter les échanges intra-communautaires.

84. Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter la troisième branche du moyen unique.

85. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

86. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé et la Commission ayant conclu à la condamnation du requérant aux dépens, il y a lieu de condamner ce dernier aux dépens exposés par la Commission. La partie intervenante ayant conclu à la condamnation du requérant aux dépens liés à son intervention, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le requérant à supporter également les dépens exposés par celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie) déclare et arrête :

1. Le recours est rejeté.

2. Le requérant supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et par la partie intervenante Associazione Italiana dei Corrieri Aerei Internazionali.