TPICE, 1re ch. élargie, 22 mars 2000, n° T-125/97
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
The Coca-Cola Company, Coca-Cola Enterprises (Inc)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, The Virgin Trading Company (Ltd), République fédérale d'Allemagne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vesterdorf
Juges :
Mme Tiili, MM. Pirrung, Meij, Vilaras
Avocats :
Mes Siragusa, Levy, Lasok, Reynolds, Forrester
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Parties
1. La requérante, The Coca-Cola Company (ci-après "TCCC"), et la société de droit anglais Cadbury Schweppes plc (ci-après "CS") sont titulaires de droits sur diverses marques de boissons gazeuses non alcoolisées commercialisées en Grande-Bretagne et dans d'autres pays. Elles fournissent à des entreprises tierces d'embouteillage les concentrés et les ingrédients utilisés pour préparer des boissons commercialisées sous ces marques et les autorisent à distribuer leurs boissons dans un territoire déterminé.
2. Amalgamated Beverages Great Britain (ci-après "ABGB"), entreprise filiale de TCCC et de CS, était chargée de l'embouteillage, de la distribution, de la promotion et de la commercialisation des boissons de ces sociétés et faisait réaliser ces activités par sa filiale, la société Coca-Cola & Schweppes Beverages Ltd (ci-après "CCSB").
3. Coca-Cola Enterprises Inc. (ci-après "CCE") est la première entreprise mondiale d'embouteillage des produits de TCCC. Elle a été créée en 1986, lorsque TCCC a commencé à regrouper ses activités d'embouteillage aux États-Unis, et son capital a été ouvert au public à concurrence de 51 %. Hormis ses activités aux États-Unis, CCE est devenue, à la suite d'une série d'acquisitions à partir de 1993, l'embouteilleur de TCCC en Belgique, aux Pays-Bas et en France.
Cadre factuel et juridique du litige
4. Les présents recours s'inscrivent dans le cadre plus large des procédures en matière de concurrence engagées par la Commission au titre des articles 85 et 86 du traité CE (devenus articles 81 CE et 82 CE), impliquant TCCC et-ou ses embouteilleurs en Europe. La première affaire a pour origine une procédure engagée en septembre 1987, au titre de l'article 86 du traité, contre une filiale italienne de TCCC, The Coca-Cola Export Corporation (ci-après "TCCEC"), au cours de laquelle la Commission a considéré que celle-ci détenait une position dominante sur le marché des boissons gazeuses non alcoolisées au cola (ci-après les "colas"). Dans le cadre de cette procédure, TCCEC, tout en exprimant des réserves sur l'existence d'un marché pertinent des colas et sa position dominante alléguée sur ce marché, s'est engagée à respecter certaines obligations spécifiques concernant les accords conclus avec des distributeurs dans les États membres (voir communiqué de presse IP-90-7). Cet engagement a été repris par CCE dans la décision qui fait l'objet des présents recours.
5. Il ressort du dossier que la position dominante alléguée de TCCC sur le marché des colas a, de nouveau, été mise en cause à la suite d'une plainte pour violation de l'article 86 du traité, déposée en 1993 [...] contre sa filiale, l'embouteilleur français Coca-Cola Beverages SA (ci-après "CCBSA"). Il résulte également du dossier que, en août 1995, la Commission avait fait valoir que CCBSA dominait le marché français des colas et s'était livrée à des pratiques abusives au sens de l'article 86 du traité.
6. Le 9 août 1996, la Commission a reçu de CCE une notification, au titre du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO L 395, p. 1).
7.L'opération notifiée portait sur l'accord de CS et TCCC de procéder à la liquidation d'ABGB par la vente de leurs participations respectives dans celle-ci à CCE, qui, à l'époque des faits, n'exerçait aucune activité commerciale en Grande-Bretagne.
8. Par sa décision 97-540-CE, du 22 janvier 1997, la Commission a déclaré l'opération notifiée compatible avec le Marché commun, conformément à l'article 8, paragraphe 2, du règlement n° 4064-89, et le fonctionnement de l'accord sur l'Espace économique européen (affaire n° IV-M.794 Coca-Cola-Amalgamated Beverages GB) (JO L 218, p. 15, ci-après la "décision" ou la "décision attaquée").
9. Dans les motifs de cette décision, la Commission a, entre autres constatations, fait les suivantes : premièrement, TCCC est en mesure d'exercer une influence déterminante sur CCE et, dès lors, elle contrôle cette entreprise au sens de l'article 3, paragraphe 3, du règlement n° 4064-89 ; deuxièmement, les colas vendus en Grande-Bretagne constituent le marché pertinent aux fins de l'évaluation de la concentration notifiée et, troisièmement, CCSB occupe une position dominante sur le marché britannique des colas. Elle a, toutefois, conclu (point 214) ce qui suit :
" Bien que l'opération proposée entraîne une modification structurelle qui peut également entraîner un changement du comportement de CCSB sur le marché [...] il n'est pas possible d'opérer une distinction suffisamment claire entre les possibilités qui découleraient directement du projet et celles qui existent déjà dans la structure actuelle de CCSB pour conclure que l'opération proposée renforce la position dominante de CCSB sur le marché des colas en Grande-Bretagne au sens de l'article 2 du règlement [n° 4064-89]."
10. Dans sa décision, la Commission a, en outre, relevé que CCE s'était engagée à ce que, aussi longtemps qu'elle contrôlerait CCSB, cette dernière respecte les mêmes engagements que ceux pris en 1989 par TCCEC (voir ci-dessus point 4), consistant à renoncer à certaines pratiques commerciales considérées comme illégales lorsqu'elles sont employées par une entreprise en position dominante. Selon le point 212 de la décision, "ces engagements répondraient à certaines des préoccupations exprimées par des tiers au cours de la procédure".
Procédure
11. C'est dans ces circonstances que, par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 22 avril 1997, TCCC et CCE ont introduit deux recours en annulation contre la décision (affaires n° T-125-97 et T-127-97).
12. Par actes déposés au greffe du Tribunal le 2 juin 1997, la Commission a soulevé, dans les deux affaires, une exception d'irrecevabilité. Les 5 et 8 septembre 1997, CCE et TCCC ont déposé leurs observations sur cette exception.
13. Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 29 septembre 1997, Virgin Trading Company Ltd (ci-après "Virgin") a demandé à intervenir dans les deux affaires à l'appui des conclusions de la Commission.
14. Par lettres du 16 octobre 1997, TCCC et CCE ont contesté l'intérêt à intervenir de Virgin et demandé, en application de l'article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure, le traitement confidentiel d'un certain nombre des documents déposés au Tribunal dans le cadre des présentes affaires.
15. Par lettres du 30 octobre 1997, la République fédérale d'Allemagne a demandé à intervenir dans les deux affaires à l'appui des conclusions de la Commission.
16. Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 3 novembre 1997, CCE et TCCC ont demandé à intervenir dans les affaires T-125-97 et T-127-97 au soutien l'une de l'autre.
17. Par lettres du 10 novembre 1997, la Commission a considéré que, en ce qui concerne les demandes en intervention de Virgin, les demandes de traitement confidentiel de TCCC et de CCE n'étaient pas justifiées et qu'aucun traitement confidentiel ne saurait être accordé vis-à-vis de la République fédérale d'Allemagne.
18. Par lettre du 12 novembre 1997, la Commission s'est opposée aux demandes d'intervention susmentionnées de CCE et de TCCC.
19. Par demandes déposées au greffe du Tribunal les 19 et 21 novembre 1997, CCE et TCCC ont sollicité le traitement confidentiel de certains de leurs documents, à l'égard l'une de l'autre.
20. Par lettre du 7 juillet 1998, TCCC s'est référée, à l'appui de la recevabilité de son recours, à des documents émanant de certaines autorités de la concurrence afin de démontrer que la décision attaquée et, notamment, les constatations contenues dans celle-ci portant sur la définition du marché pertinent avaient déjà été prises en compte par des juridictions et autorités de la concurrence en France, en Italie et en Lituanie au détriment de ses intérêts [...] Par lettre du 28 août 1998, la Commission a pris position sur le contenu de ces documents.
21. Par ordonnances du 18 mars 1999, le président de la première chambre du Tribunal a fait droit aux demandes d'intervention de Virgin et de la République fédérale d'Allemagne dans les deux affaires et a rejeté celles de TCCC et de CCE.
22. S'agissant des demandes de confidentialité de TCCC et de CCE à l'égard l'une de l'autre, elles ont été admises, provisoirement, par la même ordonnance, aux fins de la procédure sur l'exception d'irrecevabilité.
23. Par décision du Tribunal du 9 avril 1999, les deux affaires ont été renvoyées à la première chambre élargie.
24. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale aux fins de statuer sur l'exception d'irrecevabilité. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure au titre de l'article 64 de son règlement de procédure, il a invité la Commission et CCE à répondre à certaines questions écrites et la Commission à déposer le procès-verbal de la réunion du comité consultatif du 7 janvier 1997 ainsi que tout autre document remis aux membres dudit comité aux fins de cette réunion. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience du 8 juillet 1999.
25. En application de l'article 50 du règlement de procédure du Tribunal, les affaires T-125-97 et T-127-97 sont jointes aux fins de l'arrêt.
Conclusions des parties
26. Dans sa requête, TCCC conclut à ce qu'il plaise au Tribunal : déclarer la décision nulle et de nul effet dans la mesure où, dans cette décision, la Commission constate : l'offre de colas correspond en Grande-Bretagne à un marché concerné, CCSB occupe une position dominante sur ce marché et TCCC contrôle CCE au sens de l'article 3, paragraphe 3, du règlement n° 4064-89 ; subsidiairement, déclarer la décision nulle et de nul effet dans sa totalité dans la mesure où une déclaration en ce sens est nécessaire pour annuler les constatations visées ci-dessus et déclarer que l'acquisition d'ABGB par CCE est autorisée conformément à l'article 10, paragraphe 6, du règlement n° 4064-89 ; et, dans l'un ou l'autre de ces cas, déclarer nul et non avenu l'engagement donné à la Commission par CCE le 17 février 1997, ainsi que la constatation sur laquelle la Commission s'est fondée pour demander et obtenir cet engagement, à savoir que CCSB occupe une position dominante sur un marché concerné correspondant à l'offre de colas en Grande-Bretagne ; condamner la Commission aux dépens ; prendre toute autre mesure que le Tribunal jugera appropriée.
27. Dans ses observations sur l'exception d'irrecevabilité, TCCC demande au Tribunal, d'une part, soit de rejeter cette exception, soit de déclarer que l'engagement ainsi que les constatations contestés de la Commission, contenus dans la décision attaquée, sont dépourvus d'effets juridiques et, d'autre part, de condamner la Commission aux dépens en application de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure.
28. Dans sa requête, CCE conclut à ce qu'il plaise au Tribunal : déclarer que la décision est nulle et de nul effet dans la mesure où la Commission constate dans cette décision : TCCC contrôle CCE au sens de l'article 3, paragraphe 3, du règlement n° 4064-89, l'offre de colas en Grande-Bretagne constitue un marché distinct et CCSB est en position dominante sur ce marché ; subsidiairement, déclarer que les "décisions" suivantes, selon lesquelles : TCCC contrôle CCE au sens de l'article 3, paragraphe 3, du règlement n° 4064-89, l'offre de colas en Grande-Bretagne constitue un marché distinct et CCSB est en position dominante sur ce marché, contenues dans la décision sont nulles ; condamner la Commission aux dépens.
29. Dans ses observations sur l'exception d'irrecevabilité, CCE demande au Tribunal de déclarer son recours recevable et, en tout état de cause, de condamner la Commission aux dépens en application de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure.
30. Dans les deux affaires, la Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal : rejeter les recours comme irrecevables ; condamner les requérantes aux dépens.
31. Dans ses mémoires en intervention, déposés le 12 mai 1999, Virgin conclut à ce qu'il plaise au Tribunal : rejeter les recours comme irrecevables ; condamner les requérantes aux dépens.
32. Dans ses mémoires en intervention, déposés le 12 mai 1999, la République fédérale d'Allemagne conclut à ce qu'il plaise au Tribunal rejeter les recours comme irrecevables.
Sur l'exception d'irrecevabilité
Argumentation des parties dans l'affaire T-125-97
33. TCCC soutient qu'elle est directement et individuellement concernée par la décision attaquée et que celle-ci constitue un acte attaquable au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, quatrième alinéa, CE).
34. En ce qui concerne sa qualité à agir, TCCC expose, en premier lieu, qu'elle est manifestement concernée par la décision attaquée. La constatation principale de la Commission selon laquelle CCSB, en sa qualité de seul embouteilleur britannique des produits de TCCC, occupe une position dominante sur le marché des colas en Grande-Bretagne serait fondée sur le fait que CCSB embouteille et distribue le produit de celle-ci, à savoir le "Coca-Cola". En deuxième lieu, tant la constatation selon laquelle CCSB est en position dominante que l'engagement de CCE auraient comme effet de restreindre radicalement le comportement commercial de CCSB au détriment de la vente des produits de TCCC.
35. Enfin, si la constatation contestée de la Commission selon laquelle TCCC contrôle CCE était fondée, il s'ensuivrait que TCCC serait individuellement et directement concernée par la décision attaquée (arrêts de la Cour du 29 mars 1979, NTN Toyo Bearing ea-Conseil, 113-77, Rec. p. 1185, point 9, et du 28 février 1984, Ford-Commission, 228-82 et 229-82, Rec. p. 1129, point 13).
36. S'agissant de l'existence d'un acte attaquable, TCCC soutient que la constatation de l'existence d'une position dominante dans la décision entraîne, pour CCSB, des conséquences importantes et durables, susceptibles d'exercer des effets juridiques préjudiciables, au sens de l'arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM-Commission (60-81, Rec. p. 2639, ci-après l'"arrêt IBM").
37. En premier lieu, cette constatation imposerait à CCSB une "responsabilité particulière", de sorte qu'un comportement généralement considéré comme légal dans le marché en cause pourrait être considéré comme un abus de position dominante, ce qui, en l'espèce, aurait pour effet de restreindre la liberté commerciale de cette société.
38. En deuxième lieu, cette constatation pourrait être utilisée par la Commission dans des affaires pendantes et futures. A cet égard, TCCC soutient ne pas avoir connaissance d'un cas dans lequel la Commission aurait modifié ses vues sur la définition du marché ou l'existence d'une position dominante dans des affaires successives, concernant la même entreprise [décisions de la Commission 80-182-CEE, du 28 novembre 1979 (IV-29.672 Floral), et 82-203-CEE, du 27 novembre 1981 (IV-30.188 Moët et Chandon (London) Ltd), relatives à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (respectivement JO 1980, L 39, p. 51, et JO 1982, L 94, p. 7]. Selon TCCC, la perspective d'une action engagée tant contre elle que contre CCSB n'est pas hypothétique. En effet, Virgin Cola Company, concurrent de TCCC, aurait saisi la Commission d'une plainte, pour abus d'une position dominante au Royaume-Uni en violation de l'article 86 du traité. La constatation d'une position dominante de CCSB dans la décision attaquée aurait ainsi comme effet de priver TCCC de la possibilité de contester ce grief avancé par Virgin Cola Company dans sa plainte. De même, en août 1995, la Commission aurait engagé une procédure contre CCBSA en faisant valoir que celle-ci avait exploité abusivement sa position dominante sur le marché français des colas. Or, la question capitale de la définition du marché du produit aurait été laissée en suspens dans l'attente de l'issue de la procédure ayant abouti à l'adoption de la décision attaquée.
39. TCCC ajoute que la constatation litigieuse risque d'accroître la probabilité de sa condamnation à une amende dans une affaire ultérieure et invoque, à cet égard, l'arrêt de la Cour du 15 mars 1967, Cimenteries CBR e.a-Commission (8-66 à 11-66, Rec. 1967, p. 93).
40. En troisième lieu, TCCC soutient qu'il existe un risque grave que les juridictions nationales, en particulier celles du Royaume-Uni, se considèrent liées par la constatation litigieuse, ce qui lui porterait préjudice par rapport aux propriétaires de marques concurrentes ainsi qu'à CCSB, par rapport à de futurs plaignants (communication de la Commission du 13 février 1993 relative à la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l'application des articles 85 et 86 traité, JO C 39, p. 6, point 20, et arrêt de la Cour du 28 février 1991, Delimitis, C-234-89, Rec. p. I-935). A cet égard, TCCC invoque l'arrêt du 29 juin 1978, BP-Commission (77-77, Rec. p. 1513), dans lequel la Cour a déclaré recevable le recours de la partie requérante qui soutenait que la constatation par la Commission d'une exploitation abusive d'une position dominante pouvait être invoquée contre elle devant les juridictions nationales par un plaignant potentiel, dans une action ultérieure (voir aussi arrêts de la Cour du 1er février 1979, Deshormes-Commission, 17-78, Rec. p. 189, du 24 novembre 1987, RSV-Commission, 223-85, Rec. p. 4617, et du 31 mai 1988, Rousseau-Cour des comptes, 167-86, Rec. p. 2705, point 7 ; arrêt du Tribunal du 18 septembre 1996, Postbank-Commission, T-353-94, Rec. p. II-921).
41. En quatrième lieu, TCCC souligne que la législation de certains États membres, telle que celle du Royaume-Uni, prévoit que les décisions de la Commission ont un caractère obligatoire pour les juridictions nationales. A cet égard, TCCC se réfère à l'arrêt rendu par la High Court of Justice (Royaume-Uni) dans l'affaire British Leyland Motor Corp. Ltd-Wyatt Interpart Co. Ltd, selon lequel, d'une part, un arrêt de la Cour de justice se prononçant sur une constatation de la Commission portant sur l'exploitation abusive par une entreprise de sa position dominante a force de chose jugée en vertu de l'European Communities Act de 1972 et, d'autre part, une décision de la Commission qui n'est pas contestée devant le juge communautaire doit avoir le même effet qu'un arrêt de la Cour de justice (1979 CMLR 79). Elle cite également la décision rendue dans l'affaire Iberian UK Ltd-BPB Industries Ltd, dans laquelle la High Court of Justice a conclu qu'il serait contraire à l'ordre public de permettre à des personnes qui ont été parties à des procédures communautaires relatives à la concurrence de contester de nouveau devant une juridiction nationale le bien-fondé d'une décision de la Commission (1996 CMLR 601).
42. En ce qui concerne l'engagement auquel CCE a souscrit, TCCC soutient qu'il produit des effets juridiques et constitue, dès lors, un motif distinct et indépendant de la recevabilité de son recours, conformément à la jurisprudence (arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö ea-Commission, dit "Pâte de bois", C-89-95, C-104-85, C-114-85, C-116-85, C-117-85 et C-125-85 à C-129-85, Rec. p. I-1307). Cet engagement aurait pour conséquence d'empêcher CCSB de recourir à des stratégies commerciales potentiellement rentables dont peuvent toujours profiter ses concurrents tout en l'exposant au risque de se voir condamner à des amendes.
43. TCCC fait valoir, ensuite, que l'autorisation par la décision attaquée de l'opération notifiée n'enlève rien à la recevabilité de son recours, aucun argument en sens contraire ne pouvant être tiré de l'arrêt du Tribunal du 17 septembre 1992, NBV et NVB-Commission (T-138-89, Rec. p. II-2181, ci-après l'"arrêt NBV et NVB").
44. En premier lieu, tant la constatation de l'existence d'une position dominante que l'engagement litigieux de CCE entraîneraient des effets négatifs, indépendants de l'autorisation de la concentration notifiée, et affecteraient cette société dans la mesure où ils la contraindraient à assumer des obligations spéciales et à mettre fin à tout comportement qui pourrait passer pour abusif.
45. En deuxième lieu, à la différence des parties requérantes dans l'arrêt NBV et NVB, TCCC ne serait pas une partie ayant obtenu gain de cause dans le cadre de la procédure devant la Commission.
46. En troisième lieu, dans l'arrêt NBV et NVB, l'argument des requérantes selon lequel les considérants de la décision litigieuse pourraient être invoqués contre elles dans le cadre des procédures engagées devant les juridictions nationales aurait été fondé sur la prémisse que les juridictions nationales, tout en se ralliant à l'appréciation de la Commission concernant les effets restrictifs des accords notifiés, rejetteraient, cependant, le volet de ladite décision portant sur l'absence d'affectation des échanges intracommunautaires. Or, en l'espèce, le risque que des juridictions nationales invoquent la constatation de l'existence d'une position dominante au détriment de TCCC n'impliquerait pas le rejet simultané par ces juridictions de tout autre aspect de la décision attaquée.
47. Subsidiairement, au cas où le recours serait jugé irrecevable, TCCC demande au Tribunal, afin d'éviter d'être exposée aux risques évoqués ci-dessus, de dire pour droit que la constatation par la Commission de l'existence d'une position dominante était, en l'espèce, inutile et qu'elle est dépourvue d'effets juridiques.
48. A cet égard, TCCC souligne que la Commission, en adoptant la décision attaquée sur la base de l'article 8, paragraphe 2, du règlement n° 4064-89, n'avait pas besoin de se prononcer définitivement sur les questions de la position dominante et de l'étendue du marché concerné. De telles constatations ne sont, selon TCCC, nécessaires que si la Commission prend une décision au titre de l'article 8, paragraphe 3, du règlement n° 4064-89, déclarant une concentration incompatible avec le Marché commun (arrêt de la Cour du 2 mars 1983, GVL-Commission, 7-82, Rec. p. 483, point 23). A cet égard, TCCC se réfère à la pratique de la Commission consistant à ne pas se prononcer sur des questions qu'il est inutile de débattre, notamment lorsqu'il est évident que l'opération notifiée n'a pas d'effets anticoncurrentiels sur le marché, comme c'était le cas en l'espèce.
49. TCCC conclut que l'absence de contrôle juridictionnel des constatations litigieuses porterait atteinte à la sécurité juridique, dès lors que les entreprises concernées devraient soit reconnaître leur bien-fondé, soit les considérer comme dépourvues d'effets juridiques. Or, TCCC estime avoir le droit de connaître sans ambiguïté ses droits et obligations, afin de pouvoir prendre des décisions en toute connaissance de cause (arrêts de la Cour du 9 juillet 1981, Gondrand Frères et Garancini, 169-80, Rec. p. 1931, point 17, et du 18 mars 1975, Deuka, 78-74, Rec. p. 421).
50. La Commission soutient que le recours, dans la mesure où il ne porte pas sur le dispositif de la décision mais uniquement sur certains de ses motifs, doit être rejeté comme manifestement irrecevable. Elle rappelle que les motifs d'un acte ne sauraient être contestés que s'ils constituent le support nécessaire du dispositif d'un acte faisant grief (arrêt NBV et NVB, point 31). Or, le dispositif de la décision attaquée, dans la mesure où il déclare l'opération notifiée compatible avec le Marché commun sans être assorti d'aucune condition ou charge au sens de l'article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 4064-89, ne produirait aucun effet juridique susceptible de faire grief.
51. La Commission expose que la responsabilité particulière de CCSB de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence non faussée dans le Marché commun (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin-Commission, 322-81, Rec. p. 3461) découle de l'effet direct de l'article 86 du traité sans qu'il soit nécessaire qu'elle prenne une décision afférente à cette question. A cet égard, la Commission ajoute que le dispositif de la décision attaquée ne contient aucune constatation de position dominante.
52. Quant aux conséquences qu'une telle constatation dans les motifs de la décision attaquée peut avoir sur le traitement des affaires futures au titre de l'article 86 du traité, la Commission fait valoir que toute décision d'application dudit article contient une appréciation motivée de l'existence d'une position dominante et d'un abus de celle-ci, qui peut faire l'objet d'un recours devant le juge communautaire.
53. Ensuite, sur l'argument de la requérante selon lequel la constatation de l'existence d'une position dominante l'exposerait à des risques de condamnation à des amendes dans d'autres affaires, la Commission soutient que, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence en la matière, une telle constatation n'implique pas en soi un reproche quelconque à l'égard de l'entreprise concernée (arrêt Michelin-Commission, précité, point 57). En tout état de cause, s'agissant d'un intérêt qui porte sur une situation juridique future incertaine, il ne saurait non plus justifier la recevabilité du recours (arrêt NBV et NVB, point 33).
54. La Commission indique que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, un juge national est lié uniquement par le dispositif d'une décision déclarant une opération de concentration compatible avec le Marché commun et non par des constatations qui ne constituent pas le support nécessaire de ce dispositif. En outre, ainsi que le Tribunal l'a souligné dans l'arrêt NBV et NVB, les juridictions nationales pourraient toujours, en cas de doute, saisir la Cour de justice d'une question préjudicielle.
55. Quant à l'argument selon lequel, en vertu de la législation de certains États membres, telle que celle du Royaume-Uni, ses décisions auraient un caractère obligatoire pour les tribunaux nationaux, la Commission rétorque que la jurisprudence citée par la requérante concerne des décisions de constatation d'un abus de position dominante qui, par définition, ne peuvent pas être mises en cause devant une juridiction nationale si elles n'ont pas été attaquées devant les juridictions communautaires ou si le recours a été rejeté, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En outre, il serait incompatible avec les principes d'autonomie et de primauté du droit communautaire de faire dépendre la recevabilité d'un recours en annulation des spécificités des droits nationaux.
56. La Commission conteste, enfin, que l'engagement pris par CCE puisse justifier la recevabilité du recours, dès lors que ledit engagement ne fait pas partie du dispositif de la décision, n'est assorti d'aucune condition ou charge au sens de l'article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 4064-89 et ne constitue pas non plus le support nécessaire dudit dispositif. Cette analyse serait corroborée, par ailleurs, par deux lettres de M. Drauz, directeur de la Merger Task Force de la Commission (ci-après la "MTF"), des 8 et 9 janvier 1997, adressées à CCE.
57. Dans ses observations sur l'exception d'irrecevabilité, TCCC soutient que la thèse principale de la Commission, dans la mesure où elle se base sur la place qu'occupent les constatations contestées dans la décision attaquée et non pas sur les effets juridiques qu'elles produisent, est contraire à l'arrêt IBM. En outre, dans l'arrêt Pâte de bois, précité, la Cour, en partant des effets juridiques intrinsèques des engagements en général et sans faire référence au fait que l'engagement litigieux n'était pas mentionné dans le dispositif de la décision en cause mais était joint en annexe à celle-ci, aurait jugé que ledit engagement constituait un acte attaquable.
58. TCCC conteste, également, l'argumentation de la Commission selon laquelle les constatations contestées ne constituent pas un "support nécessaire" du dispositif de la décision et ne peuvent donc pas être soumises au contrôle juridictionnel. En premier lieu, une telle argumentation méconnaîtrait le fait que la constatation de l'existence d'une position dominante dans une décision de la Commission, si elle est fondée, exerce des effets juridiques même si elle ne constitue pas le "support nécessaire" du dispositif de cette décision. En second lieu, ce serait sur la base de la constatation que CCSB occupe une position dominante que la Commission a conclu que, faute d'éléments de preuve suffisants démontrant que l'opération notifiée renforcerait cette position dominante, ladite opération devait être déclarée compatible avec le Marché commun (point 215 de la décision).
59. TCCC soutient aussi que, contrairement à la thèse de la Commission, l'effet direct de l'article 86 du traité ne fait pas obstacle à ce qu'un recours formé contre une décision prise en application de cette disposition soit déclaré recevable.
60. En particulier, la question de savoir si une entreprise occupe une position dominante ne pourrait être résolue qu'après un examen complexe du cadre juridique, économique et factuel, fondé sur une comparaison de nombreux facteurs. En l'espèce, le fait que l'examen de la question de la position dominante contestée a nécessité 63 paragraphes dans la décision attaquée montrerait l'importance de la constatation litigieuse dans la présente affaire et ferait craindre que cette question ne soit plus réexaminée par la Commission dans des futures procédures impliquant CCSB. En outre, l'existence de cette position dominante n'aurait pas recueilli l'unanimité des membres du comité consultatif [avis du comité consultatif en matière de concentration entre entreprises rendu lors de sa 42e réunion, le 7 janvier 1997, relatif à l'avant-projet de décision concernant l'affaire IV-M.794 Coca-Cola Enterprises Inc.-Amalgamated Beverages Great Britain (JO 1997, C 243, p. 12)].
61. Selon TCCC, la thèse de la Commission selon laquelle toute décision future prise en application de l'article 86 du traité, constatant l'existence d'une position dominante, doit toujours être motivée est dépourvue de pertinence, dès lors que la question qui se pose en l'espèce est celle de savoir si une telle motivation reposera sur des constatations contenues dans des décisions antérieures impliquant la même entreprise, comme ce fut le cas dans la décision 92-163-CEE, du 24 juillet 1991 (IV-31.043 Tetra Pak II) (JO 1992, L 72, p. 1, paragraphes 93 et 98). En outre, dans sa communication des griefs dans l'affaire postérieure n° IV-M.833, The Coca-Cola Company-Carlsberg A-S, la Commission se serait déjà référée aux constatations concernant la définition du marché pertinent contenues dans la décision attaquée.
62. S'agissant des effets de la décision attaquée dans le cadre des procédures devant les juridictions nationales, TCCC soutient que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, il ne résulte pas de l'arrêt NBV et NVB qu'un juge national doit tenir compte uniquement du dispositif d'une décision d'application des règles de la concurrence. A l'appui de sa thèse, TCCC invoque, d'une part, la décision du 23 mai 1997, du conseil belge de la concurrence, n° 97-C-C-12, dans l'affaire P&G-Tambrands et, d'autre part, la décision de l'autorité italienne de la concurrence "Finmeccanica-Aviofer" (Bullettin n° 52-26, 1997) dans lesquelles lesdites autorités se sont fondées, pour définir le marché du produit concerné, sur les constatations et les considérations relatives au marché pertinent, contenues dans des décisions antérieures de la Commission.
63. Elle ajoute que, même si une décision de la Commission ne s'impose pas aux juridictions nationales, il n'en reste pas moins que celles-ci, ainsi que les autorités nationales de la concurrence, sont, de fait, liées par des décisions antérieures de la Commission concernant les mêmes parties. Quant à l'argument de la Commission selon lequel une question préjudicielle de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE) permettrait à TCCC d'obtenir un contrôle juridictionnel des constatations contestées, il serait aussi dépourvu de pertinence. En effet, si une juridiction nationale, dans le cadre d'une affaire future impliquant les mêmes parties, décidait de tenir compte des constatations contenues dans la décision attaquée, aucune question relative à la validité ou à l'interprétation de cette dernière ne serait soulevée au sens de l'article 177 du traité.
64. Enfin, TCCC conteste que l'engagement litigieux a été souscrit volontairement et qu'il visait uniquement à répondre à des soucis exprimés par des tiers. En effet, il ressortirait de la décision d'ouverture de la seconde phase de la procédure que la Commission avait, dès le début, considéré les observations des tiers comme l'élément le plus préoccupant sur le plan de la concurrence (points 24 à 27). En tout état de cause, il résulterait de l'arrêt Pâte de bois, précité, qu'un engagement n'est pas un acte unilatéral, dépourvu de lien avec une décision d'application des règles de la concurrence, car les obligations créées par un tel engagement devraient être assimilées à des injonctions de cessation d'infractions. La Cour aurait ainsi estimé que, en prenant cet engagement, les requérantes s'étaient bornées, pour des raisons qui leur étaient personnelles, à acquiescer à une décision que la compétence de la Commission l'aurait autorisée à prendre unilatéralement.
65. La partie intervenante, Virgin, se rallie aux arguments de la Commission.
66. La République fédérale d'Allemagne soutient, également, que les constatations contestées ne constituent pas des actes attaquables au sens de la jurisprudence. Elle se réfère, à cet égard, à la jurisprudence allemande selon laquelle la constatation, dans une décision, de la participation d'une entreprise à un oligopole ne produit pas de conséquences négatives pour cette dernière, l'acquisition d'un tel pouvoir de marché étant en réalité la preuve d'une "haute performance" de celle-ci et constituant même un atout de publicité. En outre, dans le cadre du contrôle des concentrations en Allemagne, les entreprises concernées doivent accepter des constatations relatives à l'existence d'un pouvoir de marché comme c'est le cas dans un marché dominé par un oligopole.
Argumentation des parties dans l'affaire T-127-97
67. CCE soutient que, d'une part, les trois constatations faites par la Commission dans la décision attaquée, à savoir, premièrement, que TCCC exerce un contrôle sur CCE, deuxièmement, qu'il existe un marché séparé des colas et, troisièmement, que CCSB occupe une position dominante sur ce marché, ainsi que, d'autre part, l'engagement concernant la conduite concurrentielle de CCSB constituent des décisions ou des parties d'une décision et sont attaquables au sens de l'article 173 du traité.
68. CCE fait valoir que la place des constatations contestées dans le corps de la décision attaquée est dépourvue de pertinence pour ce qui est de la question de la recevabilité du recours. A cet égard, elle invoque l'arrêt IBM et l'ordonnance de la Cour du 30 septembre 1987, Brother Industries ea-Commission (229-86, Rec. p. 3757), selon laquelle les considérants d'une décision peuvent être révélateurs de l'existence d'un acte contestable, distinct de la décision elle-même. En outre, les constatations contestées, contrairement à ce qui était le cas dans l'arrêt NBV et NVB, serviraient à étayer le dispositif de la décision attaquée.
69. En particulier, la constatation selon laquelle TCCC contrôlerait CCE modifierait manifestement la position juridique de cette dernière dans la mesure où, chaque fois qu'elle voudrait réaliser de nouvelles acquisitions, les activités et le chiffre d'affaires de TCCC devraient être pris en compte pour analyser les effets sur la concurrence. Quant à l'argument de la Commission selon lequel cette constatation ne fait pas partie du dispositif de la décision attaquée et n'en constitue pas le support nécessaire, CCE rétorque que la seconde phase de la procédure a été ouverte précisément parce que la Commission était convaincue de la réalité d'un tel contrôle.
70. Il en serait de même de la constatation contestée selon laquelle CCSB occupe une position dominante sur le marché britannique des colas. Une telle constatation imposerait à CCE et à CCSB une responsabilité particulière au sens de l'arrêt Michelin-Commission, précité. En outre, cette constatation, combinée avec celle du contrôle exercé par TCCC, exposerait CCE à l'imposition d'amendes dans le cadre de procédures futures, même au cas où TCCC serait seule responsable des infractions aux règles de la concurrence. En outre, même s'il est vrai que l'article 1er de la décision attaquée ne se réfère pas expressément à la constatation de l'existence d'une position dominante, il devrait cependant être lu comme signifiant que, malgré l'existence d'une telle position, l'opération notifiée est déclarée compatible avec le Marché commun.
71. S'agissant de l'engagement litigieux, CCE soutient qu'il constitue un acte attaquable au sens de l'article 173 du traité. Non seulement il produirait des effets juridiques à l'égard de CCE et de CCSB, mais il servirait également à étayer la constatation selon laquelle TCCC contrôle CCE puisqu'il ne s'appliquerait qu'aux filiales de TCCC dans lesquelles celle-ci possède plus de 51 % du capital (arrêt Pâte de bois, précité). CCE souligne que, contrairement à ce que soutient la Commission, celle-ci lui a demandé de prendre cet engagement le lendemain de la réunion du comité consultatif du 7 janvier 1997 (voir lettre du 8 janvier 1997, jointe en annexe 2 à la requête). Or, la Commission aurait présenté l'engagement litigieux au comité comme si CCE l'avait déjà souscrit. En outre, la Commission aurait déjà invoqué ledit engagement dans le cadre d'une autre procédure relevant de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité (autorisation des accords de licence entre CS et CCE, IP-97-148).
72. CCE soutient, ensuite, qu'elle a un intérêt légitime à l'annulation de la décision en ce que celle-ci risque de constituer un précédent tant pour la Commission que pour les juridictions et les autorités de la concurrence nationales. Contrairement à ce que soutient la Commission, il ne s'agirait pas de cas futurs et incertains, car celle-ci serait déjà saisie de deux plaintes impliquant CCE. Ainsi, dans sa décision 95-421-CE, du 21 décembre 1994, déclarant la compatibilité avec le Marché commun d'une concentration (affaire n° IV-M.484 Krupp-Thyssen-Riva-Falck-Tadfin-AST) (JO 1995, L 251, p. 18), la Commission aurait fait référence à une décision antérieure adoptée sur la base du traité CECA afin de constater que le marché géographique était mondial (point 42). Dans sa décision 95-354-CE, du 14 février 1995, relative à une procédure d'application du règlement n° 4064-89 (affaire n° IV-M.477 Mercedes-Benz-Kässboher) (JO L 211, p. 1), la Commission aurait expressément invoqué deux décisions antérieures afin d'étayer sa conclusion selon laquelle il y avait deux marchés pertinents à distinguer (points 14 et 65). En outre, dans son arrêt du 9 novembre 1994, Scottish Football-Commission (T-46-92, Rec. p. II-1039), le Tribunal aurait déclaré recevable le recours de la requérante qui cherchait à se protéger du risque d'être exposée à d'autres décisions de la Commission prises en application de l'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après le"règlement n° 17"). Selon CCE, une décision de la Commission qui contient une appréciation au sujet d'une situation de fait particulière, eu égard aux règles de la concurrence, exerce une influence incontestable sur les juridictions et autorités nationales même si elle ne les lie pas juridiquement.
73. Enfin, CCE considère que, en vertu du principe de primauté du droit communautaire, un juge national ne peut pas déclarer invalide une décision de la Commission et, en application de l'obligation de coopération loyale découlant de l'article 5 du traité CE, les autorités nationales sont censées éviter de prendre des décisions qui vont à l'encontre de celles prises par les institutions communautaires (arrêt rendu par la High Court of Justice, Iberian UK Ltd-BPB Industries, 1996 CMLR 601, et décision du conseil de la concurrence français du 29 octobre 1996, n° 96-D-67).
74. La Commission fait valoir que le recours est également manifestement irrecevable parce qu'il ne vise pas le dispositif de la décision attaquée, mais certains de ses motifs, qui ne constituent pas des actes attaquables au sens de l'article 173 du traité. Elle soutient que les arguments de CCE soulevés à l'appui de la recevabilité de son recours doivent être rejetés pour les mêmes raisons que celles exposées dans le cadre du recours dans l'affaire T-125-97.
75. La Commission conteste, également, l'argument de CCE selon lequel la constatation de l'exercice d'un contrôle de fait de TCCC sur CCE produirait des effets juridiques, au cas où cette dernière procéderait à de nouvelles acquisitions en Europe, en faisant valoir qu'il s'agit de situations futures et incertaines. De plus, selon la Commission, une telle constatation ne fait pas partie du dispositif de la décision attaquée et n'en constitue pas non plus un support nécessaire.
76. Les parties intervenantes Virgin et la République fédérale d'Allemagne soulèvent les mêmes arguments que ceux soulevés dans le cadre du recours dans l'affaire T-125-97.
Appréciation du Tribunal
77. Selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation au sens de l'article 173 du traité les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêt IBM, point 9, arrêt de la Cour du 31 mars 1998, France e.a-Commission, C-68-94 et C-30-95, Rec. p. I-1375, point 62, et arrêt du Tribunal du 4 mars 1999, Assicurazioni Generali et Unicredito-Commission, T-87-96, non encore publié au Recueil, point 37).
78. Pour déterminer si un acte ou une décision produit de tels effets, il y a lieu de s'attacher à sa substance (ordonnance de la Cour du 13 juin 1991,Sunzest-Commission, C-50-90, Rec. p. I-2917, point 12, et arrêt France ea-Commission, précité, point 63).
79. Il s'ensuit, en l'espèce, que le seul fait que la décision attaquée déclare l'opération notifiée compatible avec le Marché commun et ne fait donc pas grief, en principe, aux requérantes ne dispense pas le Tribunal d'examiner si les constatations contestées produisent des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de celles-ci.
Sur la constatation de l'existence d'une position dominante
80. Il y a lieu de relever tout d'abord que, comme la Commission l'a souligné, les obligations imposées aux entreprises par l'article 86 du traité (arrêt Michelin-Commission, précité, point 57, arrêts du Tribunal du 10 juillet 1990, Tetra Pak-Commission, T-51-89, Rec. p. II-309, point 23, du 17 juillet 1998, ITT Promedia-Commission, T-111-96, Rec. p. II-2937, point 139, et du 7 octobre 1999, Irish Sugar-Commission, T-228-97, non encore publié au Recueil, point 112) ne présupposent pas que la position dominante de ces entreprises ait été constatée dans une décision de la Commission, mais découlent directement de cette disposition. En effet, dès lors qu'une entreprise se trouve en position dominante, elle est, conformément à la jurisprudence susmentionnée, tenue, le cas échéant, d'adapter en conséquence son comportement afin de ne pas porter atteinte à une concurrence effective sur le marché, indépendamment de l'adoption éventuelle par la Commission d'une décision à cette fin.
81. Ensuite, la constatation par la Commission de l'existence d'une position dominante, même si elle est de nature à exercer, en fait, une influence sur la politique et la stratégie commerciale future de l'entreprise concernée, ne produit pas d'effets juridiques obligatoires au sens de l'arrêt IBM. Une telle constatation résulte de l'analyse de la structure du marché et de la concurrence qui y règne au moment de l'adoption par la Commission de chaque décision.Le comportement que l'entreprise considérée comme étant en position dominante sera, par la suite, amenée à adopter afin d'éviter une infraction éventuelle à l'article 86 du traité est ainsi fonction d'une série de paramètres qui traduisent, à chaque moment, les conditions de concurrence prévalant sur le marché.
82. En outre, dans le cadre d'une éventuelle décision d'application de l'article 86 du traité, la Commission devra, de nouveau, définir le marché pertinent et procéder à une nouvelle analyse des conditions de concurrence, qui ne sera pas nécessairement fondée sur les mêmes considérations que celles ayant été à la base de la constatation antérieure de l'existence d'une position dominante.
83. Ainsi, en l'espèce, le fait que, dans l'hypothèse d'une décision d'application de l'article 86 du traité, la Commission puisse, ainsi qu'elle l'a elle-même déclaré lors de l'audience, être influencée par la constatation litigieuse ne signifie pas que, pour cette seule raison, cette constatation produit des effets juridiques obligatoires au sens de l'arrêt IBM. Contrairement à ce que soutient TCCC, celle-ci n'est pas privée de son droit d'introduire un recours en annulation devant le Tribunal pour contester une éventuelle décision de la Commission constatant un comportement abusif de CCSB.
84. S'agissant des effets que la constatation de l'existence d'une position dominante peut avoir à l'égard de l'application des règles de la concurrence par les juridictions nationales, il y a lieu de rappeler que la décision attaquée n'a pas été prise sur le fondement de l'article 86 du traité, mais sur celui du règlement n° 4064-89 et n'affecte en rien la compétence conférée aux juges nationaux de faire application de l'article 86 susvisé.
85. En tout état de cause, la possibilité qu'un juge national puisse, en appliquant directement l'article 86 du traité à la lumière de la pratique décisionnelle de la Commission, arriver à la même constatation de l'existence d'une position dominante de CCSB ne signifie pas non plus que la constatation litigieuse produit des effets juridiques obligatoires. En effet, un juge national devant apprécier des agissements postérieurs à la décision attaquée de CCSB dans le cadre d'un différend opposant cette dernière à une partie tierce n'est pas lié par les constatations antérieures de la Commission. En effet, rien ne l'empêche de conclure que, contrairement à ce que la Commission avait constaté à l'époque de l'adoption de la décision attaquée, CCSB n'est plus en position dominante.
86. Ces conclusions ne sont pas infirmées par la jurisprudence citée par TCCC à l'appui de la recevabilité de son recours. En premier lieu, concernant l'arrêt BP-Commission, précité, force est de constater que cet arrêt porte sur le droit d'une entreprise de contester devant le juge communautaire la légalité d'une décision de la Commission lui reprochant d'avoir violé l'article 86 du traité, même si aucune amende ne lui est infligée. En effet, dans la mesure où une décision constatant l'abus d'une position dominante peut servir de base à une éventuelle action en indemnité introduite par des tiers devant le juge national, il existe un intérêt incontestable pour son destinataire à introduire un recours en annulation contre celle-ci. Or, en l'espèce, les requérantes ne justifient pas avoir un tel intérêt, la décision attaquée n'ayant pas mis en cause la compatibilité de l'opération notifiée avec le Marché commun ni relevé l'existence de comportements abusifs de CCSB.
87. Quant à la pertinence de l'arrêt Deshormes-Commission, précité, il y a lieu de relever que, dans cet arrêt, la requérante placée, sur le plan du déroulement de sa carrière, dans une situation complexe s'est vue reconnaître un intérêt légitime, né et actuel à attaquer une décision dont les effets ne se matérialiseraient qu'après sa mise à la retraite. Or, en l'espèce, il y a lieu de constater que la simple constatation, dans les motifs de la décision attaquée, de l'existence d'une position dominante de CCSB ne détermine en aucune manière l'évolution éventuelle de la position de celle-ci sur le marché et est dépourvue d'effets juridiques définitifs pour le futur.Pour le même motif, l'arrêt Rousseau-Cour des comptes, précité, est également dépourvu de pertinence.
88. Dans l'arrêt RSV-Commission, précité, la Cour a, certes, admis que la requérante avait un intérêt légitime à former un recours en annulation contre une décision de la Commission ordonnant la restitution d'une aide illégale qui lui avait été accordée par le royaume des Pays-Bas, alors même qu'elle était tenue, en application du droit néerlandais et des procédures nationales déjà engagées contre elle, de rembourser le montant d'aide reçu en cas de faillite ou de sursis de paiement. Cette solution a, toutefois, été justifiée par la considération que, si la requérante pouvait, sur la base des moyens de droit interne, s'opposer à cette restitution, la décision en cause constituerait pour le gouvernement néerlandais l'unique justification de sa demande de remboursement (points 9 et 10). Or, en l'espèce, la constatation litigieuse n'est à la base d'aucune autre décision prise par la Commission à l'encontre de CCSB pour violation des règles de concurrence.
89. S'agissant de l'arrêt Postbank-Commission, précité, il y a lieu de relever que, si le recours contre une décision de la Commission d'autoriser des parties tierces à produire devant les juridictions nationales des documents contenant des informations qualifiées de confidentielles par la requérante a été déclaré recevable, c'est parce que le Tribunal a considéré qu'une telle décision pouvait constituer une violation des articles 214 du traité CE (devenu article 287 CE) et 20 du règlement n° 17. Or, en l'espèce, la simple constatation de l'existence d'une position dominante ne saurait être constitutive d'une violation des dispositions du droit communautaire.
90. Quant à l'argument de TCCC selon lequel la constatation de l'existence d'une position dominante n'est nécessaire que si la Commission prend une décision au titre de l'article 8, paragraphe 3, du règlement n° 4064-89, déclarant une opération notifiée incompatible avec le Marché commun, il doit être rejeté comme dépourvu de pertinence. En effet, lorsque la Commission envisage de déclarer une opération notifiée compatible avec le Marché commun, elle est tenue, au vu des particularités de chaque opération, de motiver suffisamment sa décision afin de permettre aux tiers, le cas échéant, de contester le bien-fondé de son analyse devant le juge communautaire. S'il est vrai que, comme TCCC l'a souligné, il ressort de la pratique décisionnelle de la Commission que, en règle générale, celle-ci ne procède à une analyse détaillée de la définition du marché pertinent et des acteurs présents sur celui-ci que si elle envisage de rendre une décision d'incompatibilité, rien ne l'empêche, compte tenu de l'obligation de motivation susmentionnée, d'effectuer une telle analyse lorsqu'elle adopte une décision de compatibilité, notamment s'il s'agit d'une décision prise en vertu de l'article 8, paragraphe 2, du règlement n° 4064-89.
91. Enfin, s'agissant du risque invoqué par les requérantes de se voir exposer à l'imposition d'amendes pour violation des règles de concurrence, il y a lieu de rappeler que ce n'est pas la seule constatation de l'existence d'une position dominante de CCSB à un moment donné qui peut, éventuellement, exposer les requérantes à un tel risque, mais l'adoption par celles-ci de comportements constituant une exploitation abusive d'une telle position. La référence, par TCCC, à l'arrêt Cimenteries CBR ea-Commission, précité, n'est pas pertinente à cet égard. En effet, si, selon la Cour, les parties à un accord sont recevables à contester une décision de la Commission prise en vertu de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17, c'est parce qu'une telle décision les prive définitivement de la protection légale que leur confère le même article, en son paragraphe 5, et les expose à un grave risque de sanctions pécuniaires (p. 105 et 106 ; voir, aussi, arrêt du Tribunal du 27 février 1992, Vichy-Commission, T-19-91, Rec. p. II-415, point 16). Cependant, cette immunité est accordée uniquement à l'égard de l'activité décrite dans la notification et ne confère aucune protection à l'égard des agissements futurs, autres que ceux faisant l'objet dudit accord. Or, en l'espèce, la constatation litigieuse ne prive pas les requérantes d'une protection légale qui leur aurait été accordée par une disposition spécifique et ne vise pas non plus à encadrer un comportement particulier de CCSB, déjà soumis à l'examen de la Commission.
92. Il résulte des considérations qui précèdent que la simple constatation de l'existence d'une position dominante de CCSB dans la décision attaquée est dépourvue d'effets juridiques obligatoires de sorte que les requérantes ne sont pas recevables pour contester son bien-fondé.
Sur la constatation relative à la définition du marché pertinent
93. Les requérantes n'étant pas recevables à contester la constatation de l'existence d'une position dominante de CCSB, elles ne le sont pas non plus, à plus forte raison, pour contester la constatation préliminaire de l'existence d'un marché des colas.
Sur l'engagement litigieux
94. Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que, s'il est vrai que CCE a fait valoir dans ses mémoires écrits que l'engagement litigieux produisait des effets juridiques à son égard, seule TCCC a conclu dans sa requête à l'annulation de la décision attaquée du fait de l'incorporation dans ses motifs dudit engagement. Dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, CCE a précisé qu'elle n'avait pas demandé l'annulation formelle de l'engagement litigieux au motif que celui-ci "[faisait] partie intégrante de la décision litigieuse et ne [constituait] pas un acte juridique distinct". Elle a ajouté à l'audience que l'engagement litigieux était, en fait, un acte pris par elle-même et ne pouvait, par conséquent, faire l'objet d'un recours en annulation.
95. Il s'ensuit que, dans la mesure où CCE n'a pas conclu à l'annulation de la décision en ce qu'elle avait trait à l'engagement litigieux, seuls les arguments de TCCC concernant les effets juridiques prétendument produits par ledit engagement seront pris en considération aux fins de l'appréciation du Tribunal.
96. A cet égard, il convient, tout d'abord, de rejeter la thèse de la Commission selon laquelle les requérantes ne sont pas recevables à contester la légalité de l'engagement litigieux au motif que celui-ci n'a pas fait l'objet d'une condition formelle au sens de l'article 8, paragraphe 2, du règlement n° 4064-89. En effet, il résulte de la jurisprudence en la matière qu'un tel engagement peut faire l'objet d'un recours en annulation s'il résulte de l'analyse de sa substance qu'il vise à produire des effets juridiques obligatoires, au sens de l'arrêt IBM (voir, aussi, France ea-Commission, précité, points 60 à 69). En outre, il convient de relever que la Commission elle-même a déclaré, dans ses réponses écrites aux questions du Tribunal, que certains engagements, mentionnés uniquement dans les motifs des décisions prises au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064-89, pouvaient, le cas échéant, produire de tels effets.
97. Par conséquent, afin de déterminer si l'engagement litigieux produit des effets juridiques obligatoires, il y a lieu d'examiner si la déclaration de compatibilité de l'opération notifiée a été conditionnée par celui-ci, en ce sens que, en cas de violation de ses termes, la Commission pourrait révoquer sa décision, comme elle a déclaré dans ses réponses écrites aux questions du Tribunal pouvoir le faire à propos de certaines décisions de compatibilité adoptées au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064-89.
98. Il résulte de l'examen du dossier et des réponses des parties aux questions orales du Tribunal que la décision de la Commission, du 13 septembre 1996, d'engager la procédure au sens de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064-89 a été prise en raison, entre autres, des objections sérieuses soulevées lors de la première phase de la procédure par des parties tierces, portant sur la compatibilité de l'opération notifiée avec le Marché commun [voir annexe 3 aux observations de TCCC sur l'exception d'irrecevabilité et, en particulier, points 23 et suivants de la décision de la Commission au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c) du règlement n° 4064-89].
99. Il résulte, également, du dossier que, par lettre envoyée à la Commission le lendemain d'une réunion des requérantes avec le membre de la Commission en charge des questions de concurrence, M. Van Miert, le 19 décembre 1996, CCE a proposé de prendre une série d'engagements dans la mesure où cela aurait été nécessaire pour que la Commission autorise l'opération notifiée. Cette lettre était rédigée dans les termes suivants :
" Ces propositions sont censées rencontrer les préoccupations exprimées dans la communication des griefs dans le cas où il est jugé approprié de proposer l'interdiction de l'opération. [...] Toutefois, sans préjudice de cette décision, les parties ont, à tout moment, manifesté leur volonté de chercher à rencontrer les préoccupations exprimées par la Commission dans la communication des griefs en présentant des modifications à l'opération, raisonnables et proportionnées et qui ont un caractère fondamentalement structurel [...]. Les parties pensent que les engagements proposés, exposés ci-après, qui ont pour elles des conséquences commerciales importantes, réalisent cet objectif et rencontrent les préoccupations spécifiques identifiées dans la communication des griefs [...]. Si ces propositions sont acceptables pour la Commission, les parties sont disposées à les développer formellement sous la forme d'engagement écrit. Sur cette base, nous espérons qu'il sera possible de présenter l'opération à la Commission en vue d'obtenir une déclaration de compatibilité en application de l'article 8, paragraphe 2, du règlement relatif au contrôle des concentrations." (Jointe en annexe 13 à la requête T-125-97.)
100. Le lendemain de la réunion du comité consultatif du 7 janvier 1997, pendant laquelle l'engagement proposé par CCE a été discuté en détail, le directeur de la MTF a, par courrier du 8 janvier 1997, répondu à la lettre susmentionnée dans les termes suivants :
"Je me réfère à la lettre du 20 décembre 1990 adressée au commissaire Van Miert, dans laquelle vous offre formellement différents engagements que les parties étaient disposées à prendre. Nous vous invitons à confirmer par écrit l'engagement concernant le comportement futur, à savoir que tant que CCE contrôlera CCSB, cette dernière adoptera les restrictions proposées dans l'engagement donné à la Commission par la Coca-Cola Export Corporation en 1989. [...] Nous pensons qu'un tel engagement, s'il est correctement mis en œuvre, rencontrerait certaines préoccupations exprimées par des tiers."
101. Certes, ainsi qu'il ressort de l'avis du comité consultatif, celui-ci avait expressément invité la Commission "à prendre dûment en considération les observations formulées au cours de la réunion du comité, notamment en ce qui concerne les engagements que [The] Coca-Cola Export Corporation [avait] pris envers la Commission en 1989", et le courrier du 8 janvier 1997 pourrait être interprété comme exprimant l'intention de la Commission de faire dépendre l'autorisation de l'opération notifiée du respect par CCSB de ces mêmes obligations. Toutefois, force est de constater que le directeur de la MTF a, cependant, pris soin de dissiper tout doute à cet égard en soulignant dans cette même lettre que la décision autorisant l'opération notifiée ne serait pas conditionnée par l'engagement litigieux de CCE. ["La déclaration de compatibilité ne dépendait pas de votre confirmation, mais l'engagement serait visé dans la décision finale. Le comité consultatif a approuvé cette position" (voir annexe 13 à la requête T-125-97)].
102. Le 9 janvier 1997, le directeur de la MTF a envoyé pour approbation à CCE un extrait du projet de la décision attaquée relatif à l'engagement litigieux. Par lettre du 13 janvier 1997, le General Counsel de CCE a confirmé par écrit prendre cet engagement tout en approuvant la décision de la Commission d'autoriser l'opération notifiée sans l'assortir de condition ("CCE et les autres parties se félicitent de la décision d'approuver sans réserve l'opération proposée et je suis heureux de confirmer que tant que CCE contrôlera CCSB, cette dernière adoptera les engagements donnés à la Commission par The Coca-Cola Export Corporation en 1989. Nous espérons que ces garanties permettront de résoudre l'ensemble des questions non encore réglées avec la Commission, relatives à cette opération").
103. Le contenu de cet échange de correspondance entre la Commission et CCE est ainsi repris au point 212 de la décision attaquée. En effet, il ressort dudit point que la Commission a pris note, sans en faire une obligation formelle au sens de l'article 8, paragraphe 2, du règlement n° 4064-89, de l'engagement pris par CCE. ("En tout état de cause, la Commission relève cependant que CCE s'engage à ce que, aussi longtemps qu'elle contrôle CCSB, cette dernière respecte les engagements pris envers la Commission par The Coca-Cola Export Corporation en 1989. Ces engagements répondraient à certaines préoccupations exprimées par des tiers au cours de la procédure.")
104. Il résulte ainsi de ce qui précède que, en adoptant la décision attaquée, la Commission n'a pas, comme elle l'avait indiqué dans sa correspondance avec CCE, voulu faire dépendre l'autorisation accordée de l'engagement litigieux.
105. En tout état de cause, la thèse de TCCC selon laquelle cet engagement aurait été demandé par la Commission est contredite par le fait que, un mois après l'adoption de la décision attaquée, CCE a de nouveau proposé de prendre le même engagement afin d'obtenir, cette fois, l'autorisation des accords de licences exclusives conclus entre elle et CS, qui, bien qu'ils fassent partie intégrante de l'opération notifiée, devaient être examinés au regard de l'article 85 du traité (voir lettre de CCE à la Commission, du 17 février 1997, "Engagement donné volontairement par CCE en l'espèce joint sous sa forme finale comme convenu", et communication de presse de la Commission, IP-97-148).
106. Il s'ensuit que l'engagement litigieux est dépourvu d'effets juridiques obligatoires, en ce sens qu'une violation de ses termes n'affectera en rien la légalité de la décision attaquée et n'entraînera pas non plus sa révocation. Dès lors, il ne constitue pas un acte attaquable au sens de l'article 173 du traité, de sorte que le recours de TCCC, pour autant qu'il vise la légalité dudit engagement, doit être déclaré irrecevable.
Sur la constatation relative au contrôle que TCCC exerce sur CCE
107. S'agissant de la question de savoir si la constatation de la Commission selon laquelle TCCC contrôle CCE constitue un acte attaquable au sens de la jurisprudence susmentionnée (voir ci-dessus point 96), il y a lieu de relever que, pour constater que l'opération notifiée était de dimension communautaire au sens de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 4064-89, la Commission s'est fondée exclusivement sur le chiffre d'affaires réalisé par CCE et ABGB aux niveaux international et communautaire. Dès lors que le chiffre d'affaires de TCCC, en tant qu'entreprise concernée au sens de l'article 5, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 4064-89 n'a pas été pris en considération par la Commission pour fonder sa compétence exclusive pour contrôler l'opération notifiée, la constatation litigieuse est dépourvue d'effets juridiques à l'égard des requérantes (arrêt du Tribunal du 24 mars 1994, Air France-Commission, T-3-93, Rec. p. II-121, points 45 à 47).
108. Cette conclusion n'est pas infirmée par l'argument de CCE selon lequel la constatation litigieuse produirait des effets juridiques en ce qu'elle l'obligerait à notifier à la Commission tout projet futur de concentration, en raison du chiffre d'affaires total réalisé par elle et TCCC, sous peine de se voir imposer des amendes en vertu des articles 4 et 14 du règlement n° 4064-89, et en ce qu'elle l'exposerait à des amendes en vertu du règlement n° 17 pour des agissements anticoncurrentiels de TCCC. En effet, tout comme la constatation relative à l'existence d'une position dominante, la constatation relative à l'exercice par TCCC d'une influence déterminante sur CCE, au sens de l'article 3, paragraphe 3, du règlement n° 4064-89, dépend d'une série de facteurs, tels que la participation des actionnaires aux assemblées générales annuelles de CCE, qui sont en constante évolution. Par conséquent, la décision attaquée n'a pas comme effet de figer, pour l'avenir, la nature des relations commerciales ou des liens, structurels ou autres, entre TCCC et CCE. Ainsi, elle ne peut pas servir de base pour impliquer les requérantes dans d'éventuelles procédures d'application des règles de concurrence en raison du contrôle que, selon la Commission, TCCC exerçait sur CCE à l'époque de l'adoption de la décision attaquée.
109. Il s'ensuit que les recours sont irrecevables pour autant qu'ils visent à l'annulation de la constatation de la Commission selon laquelle TCCC contrôle CCE.
Sur les conclusions en annulation subsidiaires de TCCC
110. Dès lors que les constatations contestées de la Commission concernant la définition du marché pertinent, l'existence d'une position dominante de CCSB et le contrôle de CCE par TCCC ne produisent pas d'effets juridiques obligatoires affectant les intérêts de la requérante et ne constituent donc pas des actes attaquables au sens de l'article 173 du traité, les conclusions subsidiaires de TCCC visant à l'annulation de la décision attaquée dans sa totalité, pour autant qu'une telle annulation serait nécessaire pour annuler lesdites constatations, doivent, elles aussi, être déclarées irrecevables.
111. Il résulte de tout ce qui précède que les recours doivent être rejetés comme étant irrecevables dans leur totalité.
Sur les dépens
112. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu'une partie intervenante autre qu'un État membre supporte ses propres dépens.
113. Conformément aux conclusions des parties, il y a, dès lors, lieu de condamner TCCC et CCE aux dépens, respectivement, dans les affaires T-125-97 et T-127-97. La partie intervenante Virgin supportera ses propres dépens.
114. Conformément à l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la République fédérale d'Allemagne supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre élargie)
déclare et arrête :
Les recours sont rejetés comme irrecevables.