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Décisions

TPICE, 4e ch. élargie, 15 mars 2000, n° T-25/95

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Cimenteries CBR (SA), Cembureau Association européenne du ciment, Fédération de l'industrie cimentière belge (ASBL), Eerste Nederlandse Cementindustrie (NV), Vereniging Nederlandse Cementindustrie, Ciments luxembourgeois (SA), Dyckerhoff (AG), Syndicat national de l'industrie cimentière, Vicat (SA), Groupe Origny (SA), Ciments français (SA), Heidelberger Zement (AG), Lafarge Coppée (SA), Aalborg Portland, Alsen (AG), Alsen (AG), Bundesverband der Deutschen Zementindustrie (eV), Unicem (SpA) Fratelli Buzzi (SpA), Compañia Valenciana de Cementos Portland (SA), The Rugby Group (Plc), British Cement Association, Asland (SA), Castle Cement (Ltd), Heracles General Cement Company (SA), Corporación Uniland (SA), Agrupación de Fabricantes de Cemento de España, Irish Cement (Ltd), Cimpor Cimentos de Portugal (SA), Secil Companhia Geral de Cal e Cimento (SA), Associação Técnica da Indústria de Cimento, Titan Cement Company (SA), Italcementi Fabbriche Riunite Cemento (SpA), Holderbank Financière Glarus (AG), Hornos Ibéricos Alba (SA), Aker RGI ASA, Scancem (publ) (AB), Cementir Cementerie del Tirreno (SpA), Blue Circle Industries (Plc), Enosi Tsimentoviomichanion Ellados, Tsimenta Chalkidos

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

TPICE n° T-25/95

15 mars 2000

TABLE DES MATIERES

Faits à l'origine du litige (1)

Procédure (23)

Conclusions des parties (30)

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 23 septembre 1993, en ce qu'elle emporte clôture de la partie internationale de la procédure à l'encontre de douze entreprises allemandes et de six entreprises espagnoles (77)

Sur les conclusions en annulation de la décision attaquée (85)

I - Sur les moyens tirés de différentes violations de formes substantielles au cours de la procédure administrative (85)

Sur le premier moyen, tiré de violations des droits de la défense et du principe d'égalité de traitement en ce que l'intégralité de la CG et des documents s'y rapportant n'a pas été accessible au cours de la procédure administrative (87)

A - Observations liminaires (88)

B - Sur la notification partielle de la CG (104)

1. Sur l'unicité de la CG et le droit des parties requérantes à un accès à l'intégralité de celle-ci (105)

2. Sur l'existence d'un lien indissociable entre les ententes nationales et internationales et le droit des parties requérantes à un accès à l'intégralité de la CG (110)

3. Sur la prétendue violation du principe d'égalité de traitement (122)

C - Sur l'inaccessibilité de certaines parties de la CG et de certains documents du dossier d'instruction susceptibles de contenir des éléments à décharge (124)

1. Sur l'organisation de l'accès au dossier au cours de la procédure administrative (127)

1.1. Sur les irrégularités alléguées dans l'organisation de l'accès au dossier au cours de la procédure administrative en ce qui concerne les documents accessibles (128)

1.2. Sur les irrégularités dans l'organisation de l'accès au dossier au cours de la procédure administrative, tirées de ce que les parties requérantes n'auraient pas eu accès à certains documents (140)

2. Sur les différentes mesures d'organisation de la procédure ordonnées par le Tribunal (158)

2.1. Observations liminaires (158)

2.2. Différentes mesures ordonnées (163)

2.3. Sur les conditions d'exécution, par la Commission, des mesures d'organisation de la procédure (173 )

2.3.1. Mesure d'organisation de la procédure du 19 janvier au 2 février 1996 (174)

2.3.2. Mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996 (176)

2.3.3. Mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997 (185)

2.3.4. Conclusions provisoires (210)

2.3.5. Circonstances particulières qui auraient affecté l'effet utile des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 (212)

3. Cadre analytique pour l'appréciation d'un argument tiré de la violation des droits de la défense en raison de l'inaccessibilité d'un prétendu élément à décharge au cours de la procédure administrative (237)

4. Application des principes au cas d'espèce (249)

5. Arguments généraux relatifs à une violation des droits de la défense au cours de la procédure administrative (267)

6. Conclusions (280)

D - Sur l'utilisation, dans la décision attaquée, de documents à charge non communiqués aux parties requérantes au cours de la procédure administrative ou non identifiés dans la CG (281)

1. Observations liminaires (281)

2. Documents ni cités ni mentionnés dans la décision attaquée (286)

3. Documents mentionnés dans la décision attaquée pour décrire un fait ou un comportement, mais non utilisés pour constater une infraction (288)

4. Documents étayant la constatation d'une infraction dans la décision attaquée, mais ne se rapportant pas à des infractions imputées aux parties requérantes se prévalant desdits documents (304)

5. Documents utilisés dans la décision attaquée dans le cadre d'une infraction imputée à la partie requérante qui s'en prévaut (318)

6. Conclusions (379)

E - Sur le défaut de communication aux parties requérantes de documents non compris dans le dossier d'instruction (380)

1. Observations liminaires (380)

2. Réponses à la CG d'autres destinataires de celle-ci (384)

2.1. Utilisation alléguée des réponses à la CG comme éléments à charge (386)

2.2. Eléments à décharge qui auraient pu figurer dans les réponses à la CG (404)

3. Procès-verbaux des auditions relatives aux ententes nationales (408)

4. Dossier de la Commission relatif à la notification du système belgo-néerlandais des points de parité (411)

5. Dossier de la Commission relatif aux aides d'Etat accordées par la République hellénique et à l'accord intergouvernemental helléno-britannique (416)

6. Notes internes de la Commission ne figurant pas dans le dossier d'instruction (418)

7. Mémoires en défense de la Commission (430)

8. Conclusions (435)

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, tirés respectivement d'une violation des droits de la défense, d'une violation du principe d'égalité de traitement et d'une violation de l'article 190 du traité, liées à l'abandon par la Commission des griefs nationaux et, à l'égard de certaines entreprises, des griefs internationaux (436)

A - Sur l'abandon des griefs nationaux (438)

B - Sur l'abandon des griefs internationaux à l'égard de certaines entreprises (461)

Sur le cinquième moyen, tiré de l'irrégularité procédurale que la Commission aurait commise en abandonnant certains griefs internationaux vis-à-vis d'Irish Cement (472)

Sur le sixième moyen, tiré d'une violation des droits de la défense résultant du caractère incomplet et imprécis de la CG (475)

A - Observations liminaires (475)

B - Sur le caractère prétendument incomplet de la CG (477)

1. Sur le prétendu défaut d'indication, dans la CG, de l'intention de la Commission d'imposer des amendes aux associations professionnelles (478)

2. Sur le traitement réservé à l'accord CBS (489)

3. Sur la prétendue absence d'explication de la compétence territoriale de la Commission (494)

4. Sur la prétendue absence d'analyse du marché et de définition précise des marchés en cause (497)

C - Sur le manque allégué de précision de la CG en ce qui concerne la participation de certaines parties requérantes à différents griefs visés dans la CG (504)

1. Participation des parties requérantes concernées à l'infraction constituée par l'accord Cembureau et durée de cette infraction (506)

1.1. Participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (510)

1.1.1. Destinataires de la CG membres de Cembureau (511)

1.1.2. Destinataires non membres directs de Cembureau ou considérés comme non membres directs de Cembureau dans la CG (516)

1.1.2.1. Destinataires de la CG, non membres directs de Cembureau, qui auraient participé à des ententes bi- ou multilatérales (518)

1.1.2.2. Destinataires de la CG, non membres directs de Cembureau, qui auraient participé aux activités de l'ECEC (528)

1.1.2.3. Destinataires de la CG, non membres directs de Cembureau, qui auraient participé aux activités de l'EPC (537)

1.1.3. Conclusions provisoires (542)

1.2. Appartenance à une association nationale, membre direct de Cembureau, en tant que critère d'imputation de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (544)

1.3. Durée de la participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (569)

1.4. Conclusions (581)

2. Degré de précision de la CG quant à la participation des parties requérantes aux échanges d'informations sur les prix et quant à la durée de cette infraction (582)

3. Degré de précision de la CG quant à la participation des parties requérantes aux ententes bi- et multilatérales visées à l'article 3 de la décision attaquée (585)

4. Degré de précision de la CG quant à la participation des parties requérantes à la constitution de l'ETF et aux mesures prises dans le cadre de celle-ci, visées à l'article 4 de la décision attaquée, et quant à la durée de ces infractions (594)

5. Degré de précision de la CG quant à la participation des parties requérantes aux pratiques concertées dans le cadre des comités à l'exportation, visées aux articles 5 et 6 de la décision attaquée, et quant à la durée de ces infractions (615)

Sur le septième moyen, tiré de violations des droits de la défense et de l'article 3 du règlement n° 1, résultant du défaut de traduction de certains documents (627)

Sur le huitième moyen, tiré d'une violation des droits de la défense résultant d'une traduction incorrecte et d'une citation incorrecte de certains documents (647)

Sur le neuvième moyen, tiré de violations des droits de la défense et de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 99-63, résultant du caractère inapproprié du délai de réponse à la CG (652)

Sur le dixième moyen, tiré de violations des droits de la défense, de l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17, et des articles 7, paragraphe 1, 8, paragraphe 1, et 9 du règlement n° 99/63, résultant de l'organisation défectueuse des auditions (657)

A - Observations liminaires (657)

B - Sur la première branche, tirée d'une violation des droits de la défense et des articles 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et 7, paragraphe 1, du règlement n° 99-63 (659)

1. Sur le schéma des auditions imposé par le conseiller-auditeur (662)

2. Sur les prétendues irrégularités commises à l'occasion des auditions concernant les griefs internationaux (664)

3. Sur les prétendues irrégularités commises à l'occasion des auditions concernant les griefs nationaux (675)

4. Autres irrégularités qui auraient été commises à l'occasion des auditions (682)

C - Sur la deuxième branche, tirée d'une violation de l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 99-63 (691)

D - Sur la troisième branche, tirée d'une violation de l'article 9 du règlement n° 99-63 (696 )

Sur le onzième moyen, tiré d'une violation du principe de l'enquête d'office (702)

Sur le douzième moyen, tiré d'une violation des droits de la défense en raison d'une durée excessive de la procédure administrative (706)

Sur le treizième moyen, tiré d'une violation de l'article 6 de la CEDH (712)

Sur le quatorzième moyen, tiré d'une violation du principe de la présomption d'innocence (725)

Sur le quinzième moyen, tiré d'une violation du droit des parties de ne pas témoigner contre elles-mêmes (731)

Sur le seizième moyen, tiré d'une violation de l'article 10 du règlement n° 17 en ce que la consultation du comité consultatif aurait été irrégulière (740)

Sur les dix-septième, dix-huitième, dix-neuvième et vingtième moyens, tirés de violations, respectivement, du principe de subsidiarité, du principe de bonne administration, du principe de sécurité juridique et du principe de confiance légitime au cours de la procédure administrative (751)

Sur le vingt et unième moyen, tiré d'une violation du principe de collégialité lors de l'adoption de la décision attaquée (758)

Sur le vingt-deuxième moyen, tiré d'une authentification et d'une notification irrégulières de la décision attaquée (762)

II - Sur le moyen tiré d'un détournement de pouvoir (776)

III - Sur les moyens tirés de violations des articles 85, paragraphe 1, et 190 du traité, du principe d'égalité de traitement et des droits de la défense, en ce que la Commission constate, à l'article 1er de la décision attaquée, l'existence d'un accord contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité et la participation des différentes parties requérantes mises en cause (782)

Observations liminaires (782)

Infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (785)

Définition du marché pertinent (825)

A - Marché du produit pertinent (827)

B - Marché géographique pertinent (832)

C - Violation de l'article 190 du traité (836)

Concordance entre la CG et la décision attaquée (852)

Existence de l'accord Cembureau (861)

A - Violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité (862)

1. Documents mentionnés au paragraphe 18 de la décision attaquée (872)

1.1. Notes internes de Blue Circle (875)

1.2. Déclaration de M. Kalogeropoulos au cours de la réunion du conseil d'administration d'Heracles du 25 juin 1986 (902)

1.3. Aveu de Cembureau (914)

1.4. Conclusions (920)

2. Conclusion de l'accord Cembureau dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et confirmation de cet accord dans le cadre des réunions des chefs de délégation des 19 mars et 7 novembre 1984 (921)

2.1. Compétence des chefs de délégation pour conclure l'accord Cembureau (923)

2.2. Conclusion de l'accord Cembureau dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (929)

2.2.1. Lettre de convocation pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (930)

2.2.2. Modifications apportées à l'ordre du jour pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (942)

2.2.3. Contenu des documents concernant le déroulement de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (955)

2.2.4. Conclusions concernant la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (1003)

2.3. Confirmation de l'accord Cembureau au cours de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (1004)

2.4. Confirmation de l'accord Cembureau au cours de la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984 (1028)

2.5. Absence de prise en compte des autres réunions des chefs de délégation (1047)

2.6. Arguments généraux concernant la force probante des documents mentionnés aux paragraphes 18 et 19 de la décision attaquée (1050)

2.7. Eléments postérieurs aux réunions des chefs de délégation qui seraient de nature à démontrer qu'aucun accord Cembureau n'a été conclu au cours de la réunion du 14 janvier 1983 ou confirmé au cours des réunions des 19 mars et 7 novembre 1984 (1061)

2.8. Qualification d'accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (1071)

2.9. Objet et nature de l'accord Cembureau (1079)

3. Nature infractionnelle de l'accord Cembureau: restriction à la concurrence et effets sur les échanges entre Etats membres (1085)

4. Conclusions (1095)

B - Violation de l'article 190 du traité (1096)

C - Violation des droits de la défense à l'occasion de l'accès au dossier (1110)

1. Eléments à charge (1111)

2. Eléments à décharge (1113)

2.1. Eléments invoqués de manière concordante par plusieurs parties requérantes (1114)

2.2. Affaire T-25-95, CBR/Commission (1133)

2.3. Affaire T-26-95, Cembureau/Commission (1143)

2.4. Affaire T-30-95, FIC/Commission (1152)

2.5. Affaires T-31-95, ENCI/Commission, et T-32-95, VNC/Commission (1167)

2.6. Affaire T-35-95, Dyckerhoff/Commission (1171)

2.7. Affaire T-36-95, SFIC/Commission (1181)

2.8. Affaire T-37-95, Vicat/Commission (1190)

2.9. Affaire T-39-95, Ciments français/Commission ( 1196)

2.10. Affaire T-42-95, Heidelberger/Commission (1198)

2.11. Affaire T-43-95, Lafarge/Commission (1204)

2.12. Affaire T-44-95, Aalborg/Commission (1209)

2.13. Affaire T-48-95, BDZ/Commission (1218)

2.14. Affaire T-50-95, Unicem/Commission (1220)

2.15. Affaire T-51-95, Buzzi/Commission (1226)

2.16. Affaire T-57-95, Heracles/Commission (1228)

2.17. Affaires T-53-95, Rugby/Commission, T-56-95, Castle /Commission, T-70-95, Aker/Commission, et T-71-95, Euroc/Commission (1238)

2.18. Affaire T-60-95, Irish Cement/Commission (1243)

2.19. Affaires T-61-95, Cimpor/Commission, T-62-95, Secil/Commission, et T-63-95, ATIC/Commission (1252)

2.20. Affaire T-65-95, Italcementi/Commission (1256)

2.21. Affaire T-68-95, Holderbank/Commission (1268)

2.22. Affaire T-69-95, Hornos Ibéricos/Commission (1272)

2.23. Affaire T-87-95, Cementir/Commission (1277)

2.24. Affaire T-88-95, Blue Circle/Commission (1285)

3. Conclusions (1295)

Participation des parties requérantes à l'accord Cembureau (1296)

A - Observations liminaires (1296)

B - Appartenance à une association nationale membre de Cembureau en tant que critère d'imputation de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (1307)

C - Compétence des chefs de délégation et des associations d'entreprises pour conclure l'accord Cembureau (1312)

D - Imputation d'une même infraction à la fois à des entreprises et à des associations (1322 )

E - Participation de Cembureau et de ses membres directs à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (1331)

1. Preuve de la participation de Cembureau et de ses membres directs à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (1332)

1.1. Succession de certains membres directs de Cembureau (1334)

1.2. Parties requérantes ayant participé à une ou plusieurs des réunions des chefs de délégation (1342)

1.2.1. Participation aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu puis confirmé (1342)

1.2.2. Manifestations de distanciation et autres circonstances invoquées pour contester toute participation à l'accord Cembureau (1354)

1.2.3. Inopposabilité alléguée de certains documents aux membres directs de Cembureau (1396)

1.2.4. Conclusions sur la participation de Cembureau et de ses membres directs, à l'exception d'Unicem, à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (1400)

1.3. Situation d'Unicem, membre direct de Cembureau qui n'a participé à aucune des réunions des chefs de délégation (1404)

2. Violation du principe d'égalité de traitement (1418)

3. Violation de l'article 190 du traité (1423)

4. Violation des droits de la défense à l'occasion de l'accès au dossier (1429)

4.1. Eléments à charge (1429)

4.2. Eléments à décharge (1432)

4.2.1. Affaire T-26-95, Cembureau/Commission (1433)

4.2.2. Affaire T-87-95, Cementir/Commission (1435)

F - Participation d'Unicem, des membres indirects de Cembureau et de Buzzi à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (1439)

G - Conclusions (1449)

IV - Sur les moyens tirés de violations des articles 85, paragraphe 1, et 190 du traité, du principe d'égalité de traitement et des droits de la défense, en ce que la Commission constate l'existence de deux infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité, portant sur des échanges d'informations sur les prix au niveau de Cembureau, et la participation des différentes parties requérantes mises en cause (décision attaquée, article 2, paragraphes 1 et 2) (1450)

Observations liminaires (1450)

Accords d'échange d'informations sur les prix à l'occasion des réunions de Cembureau (décision attaquée, article 2, paragraphe 1) (1458)

A - Sur la concordance entre la CG et la décision attaquée (1460)

B - Sur l'existence d'accords d'échange d'informations sur les prix lors des réunions des chefs de délégation et du comité exécutif de Cembureau (1467)

1. Réunions des chefs de délégation de Cembureau (1470)

2. Réunions du comité exécutif de Cembureau (1478)

C - Sur le caractère infractionnel des échanges d'informations sur les prix intervenus lors des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984 (1501)

D - Sur la participation des parties requérantes à l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée (1538)

Pratiques concertées d'échanges périodiques d'informations sur les prix [décision attaquée, article 2, paragraphe 2, sous a) et sous b)] (1576)

A - Sur la correspondance entre la CG et la décision attaquée (1579)

B - Sur l'identification des informations visées à l'article 2, paragraphe 2, sous b), de la décision attaquée (1607)

C - Sur le caractère infractionnel des échanges périodiques d'informations sur les prix (1620)

D - Sur la participation des parties requérantes à l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée (1683)

E - Sur la durée de l'infraction retenue à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée (1738)

Accès au dossier (1756)

Conclusions (1817)

V - Sur les moyens tirés de violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité et des droits de la défense, en ce que la Commission constate l'existence de trois pratiques concertées franco-italiennes contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité et la participation des parties requérantes mises en cause [décision attaquée, article 3, paragraphe 1, sous a), sous b) et sous c)] (1819)

Observations liminaires (1819)

Pratique concertée entre Lafarge et Buzzi constatée à l'article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision attaquée (1829)

A - Introduction (1829)

B - Sur la correspondance entre la CG et la décision attaquée (1831)

C - Sur l'existence d'une pratique concertée anticoncurrentielle entre Lafarge et Buzzi portant sur le partage du marché du sud de la France (1836)

D - Sur la durée de l'infraction (1869)

Pratique concertée entre Ciments français et Buzzi constatée à l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la décision attaquée (1877)

A - Introduction (1877)

B - Sur l'existence d'une pratique concertée anticoncurrentielle entre Ciments français et Buzzi (1878 )

C - Sur la durée de l'infraction (1917)

Pratique concertée entre Vicat et Buzzi constatée à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée (1922)

A - Introduction (1922)

B - Sur l'existence d'une pratique concertée anticoncurrentielle entre Vicat et Buzzi (1924)

C - Sur la durée de l'infraction (1960)

Accès au dossier (1971)

A - Affaire T-37-95, Vicat/Commission (1973)

B - Affaire T-39-95, Ciments français/Commission (1992)

C - Affaire T-51-95, Buzzi/Commission (1999)

Conclusions (2034)

VI - Sur les moyens tirés de violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité, du principe d'égalité de traitement et des droits de la défense, en ce que la Commission constate l'existence d'une entente ibérique contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité et la participation des différentes parties requérantes mises en cause (décision attaquée, article 3, paragraphe 2) (2036)

Observations liminaires (2036)

Infraction visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée (2041)

A - Analyse de la Commission (2041)

B - Accord entre Oficemen, Cimpor et Secil portant sur le contrôle des mouvements de ciment entre l'Espagne et le Portugal et sur le respect de leurs marchés domestiques respectifs (2053)

1. Conclusion de l'accord (2054)

2. Mise en œuvre de l'accord (2067)

2.1. Réunions tenues entre Oficemen, Cimpor et Secil (2070)

2.2. Refus de vente de Cimpor (2083)

2.3. Conclusions (2092)

3. Circonstances particulières de l'espèce qui excluraient l'existence d'un accord (2093)

4. Position particulière de Secil (2107)

5. Conclusion (2111)

C - Caractère infractionnel du comportement des parties requérantes (2112)

D - Durée de l'infraction (2124)

Violation du principe d'égalité de traitement (2133)

Violation des droits de la défense à l'occasion de l'accès au dossier (2136)

A - Documents à charge (2136)

B - Documents à décharge (2137)

1. Affaire T-59-95, Oficemen/Commission (2140)

2. Affaires T-61-95, Cimpor/Commission, et T-62-95, Secil/Commission (2142)

Conclusion (2165)

VII - Sur les moyens tirés de violations des articles 85, paragraphe 1, et 190 du traité, du principe d'égalité de traitement et des droits de la défense, en ce que la Commission constate l'existence d'une entente franco-allemande contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité et la participation des différentes parties requérantes mises en cause [décision attaquée, article 3, paragraphe 3, sous a)] (2166)

Observations liminaires (2166)

Accord de répartition du marché de la Sarre (2172)

Pratiques concertées entre différents producteurs et associations français et allemands entre 1982 et 1984 (2226)

A - Pourparlers entre le SFIC et le BDZ (2236)

B - Pressions exercées sur Cedest par le SFIC et les autres producteurs français concernés (2252 )

C - Concertation entre Cedest, Dyckerhoff et Heidelberger (2282)

D - Concertation entre Lafarge et Dyckerhoff (2295)

E - Concertation entre Dyckerhoff et Ciments français (2316)

Réglementation générale des livraisons de ciment entre la France et l'Allemagne (2331)

A - Conclusion d'un accord en 1984 (2336)

B - Poursuite de l'entente au-delà de 1986 (2390)

Durée de la participation de certaines parties requérantes à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a) (2421)

Accès au dossier (2444)

Conclusion (2469)

VIII - Sur les moyens tirés de violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité et des droits de la défense, en ce que la Commission constate l'existence d'une pratique concertée entre le SFIC et le BDZ contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité [décision attaquée, article 3, paragraphe 3, sous b)] (2471)

Pratique concertée entre le SFIC et le BDZ (2471)

Accès au dossier (2493)

IX - Sur les moyens tirés de violations des articles 85, paragraphe 1, et 190 du traité, du principe d'égalité de traitement, des droits de la défense, et d'un détournement de procédure et de pouvoir, en ce que la Commission constate l'existence, dans le cadre de l'ETF, d'accords et de pratiques concertées contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, et la participation des différentes parties requérantes mises en cause [décision attaquée, article 4, paragraphes 1, 2, 3, sous a) et sous b), et 4, sous a) à h)] (2504)

Observations liminaires (2504)

Accord relatif à la constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1) (2513)

A - Sur la concordance entre la CG et la décision attaquée (2518)

B - Sur le caractère infractionnel de l'accord constitutif de l'ETF (2530)

C - Sur la participation, à l'accord constitutif de l'ETF, des parties requérantes visées à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée ( 2592)

1. Observations liminaires (2592)

2. Situation de CBR (2596)

3. Situation de Cembureau (2607)

4. Situation de Dyckerhoff (2614)

5. Situation du SFIC (2621)

6. Situation de Ciments français (2626)

7. Situation de Heidelberger (2633)

8. Situation de Lafarge (2648)

9. Situation d'Aalborg (2651)

10. Situation du BDZ (2661)

11. Situation d'Unicem (2674)

12. Situation d'Asland (2684)

13. Situation d'Uniland (2692)

14. Situation d'Oficemen (2705)

15. Situation d'Irish Cement (2726)

16. Situation d'Italcementi (2745)

17. Situation d'Aker et d'Euroc (2755)

18. Situation de Cementir (2767)

D - Sur la durée de l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée (2783)

E - Sur l'accès au dossier (2816)

1. Observations liminaires (2816)

2. Affaire T-26-95, Cembureau/Commission (2818)

3. Affaire T-35-95, Dyckerhoff/Commission (2822)

4. Affaire T-36-95, SFIC/Commission (2851)

5. Affaire T-39-95, Ciments français/Commission (2858)

6. Affaire T-42-95, Heidelberger/Commission (2867)

7. Affaire T-43-95, Lafarge/Commission (2870)

8. Affaire T-44-95, Aalborg/Commission (2888)

9. Affaire T-48-95, BDZ/Commission (2899)

10. Affaire T-50-95, Unicem/Commission (2902)

11. Affaire T-55-95, Asland/Commission (2911)

12. Affaires T-58-95, Uniland/Commission, et T-59-95, Oficemen/Commission (2917)

13. Affaire T-60-95, Irish Cement/Commission (2928)

14. Affaire T-65-95, Italcementi/Commission (2938)

15. Affaire T-68-95, Holderbank/Commission (2949)

16. Affaires T-70-95, Aker/Commission, et T-71-95, Euroc/Commission (2958)

17. Affaire T-88-95, Blue Circle/Commission (2962)

Accord relatif à la constitution de la société commerciale commune Interciment (décision attaquée, article 4, paragraphe 2) (2968)

A - Introduction (2968)

B - Sur le caractère infractionnel de la constitution d'Interciment (2973)

C - Sur la participation, à l'accord constitutif d'Interciment, des parties requérantes visées à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée (2997)

1. Observations liminaires (2997)

2. Situation de CBR, de Dyckerhoff, de Lafarge, d'Italcementi, d'Aker et d'Euroc (2999)

3. Situation du SFIC, du BDZ et d'Oficemen (3022)

4. Situation de Ciments français (3033)

5. Situation de Heidelberger (3039)

6. Situation d'Unicem (3047)

7. Situation d'Asland (3057)

8. Situation d'Uniland (3066)

9. Situation de Cementir (3076)

D - Sur la durée de l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée (3081)

E - Sur l'accès au dossier (3105)

Mesures de défense du marché italien (décision attaquée, article 4, paragraphe 3) (3133)

A - Pratiques concertées ayant visé à soustraire Calcestruzzi aux producteurs grecs, et en particulier à Titan [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a)] (3135)

1. Sur l'existence des pratiques concertées (3138)

2. Sur la participation aux pratiques concertées des parties requérantes en cause (3190)

2.1. Situation de CBR, de Dyckerhoff, d'Aalborg, d'Uniland, d'Irish Cement (3193)

2.2. Situation de Ciments français (3208)

2.3. Situation de Heidelberger (3216)

2.4. Situation de Lafarge (3224)

2.5. Situation du BDZ et d'Oficemen (3234)

2.6. Situation d'Unicem (3245)

2.7. Situation d'Asland (3254)

2.8. Situation d'Italcementi (3264)

2.9. Situation de Holderbank (3271)

2.10. Situation d'Aker et d'Euroc (3276)

2.11. Situation de Cementir (3283)

2.12. Situation de Blue Circle (3291)

3. Sur la durée de l'infraction (3301)

4. Sur l'accès au dossier (3311)

B - Accord relatif aux conventions signées en avril 1987 avec Calcestruzzi [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous b)] (3343)

1. Sur l'existence de l'infraction (3345)

2. Sur l'accès au dossier (3387)

Mesures destinées à déplacer le surplus de la production grecque et à freiner dans les Etats membres les importations de ciment en provenance de Grèce (décision attaquée, article 4, paragraphe 4) (3397)

A - Pratique concertée visée à l'article 4, paragraphe 4, sous a), de la décision attaquée (3402)

B - Accords et pratique concertée visés à l'article 4, paragraphe 4, sous b) à h), de la décision attaquée (3437)

1. Accord entre Blue Circle et Titan visé à l'article 4, paragraphe 4, sous b), de la décision attaquée (3451)

2. Accord entre Holderbank et Titan visé à l'article 4, paragraphe 4, sous c), de la décision attaquée (3515)

3. Accord entre Holderbank et Heracles visé à l'article 4, paragraphe 4, sous d), de la décision attaquée (3547)

4. Accord entre Lafarge et Titan visé à l'article 4, paragraphe 4, sous e), de la décision attaquée (3570)

5. Accord entre Lafarge et Heracles visé à l'article 4, paragraphe 4, sous f), de la décision attaquée (3601)

6. Pratique concertée entre CBR, Heracles et Titan visée à l'article 4, paragraphe 4, sous g), de la décision attaquée (3619)

7. Accord entre Aker, Euroc et Titan visé à l'article 4, paragraphe 4, sous h), de la décision attaquée (3648)

Qualification d'accord unique et continu des accords et pratiques concertées visés à l'article 4 de la décision attaquée (3680)

A - Sur la concordance entre la CG et la décision attaquée (3689)

B - Sur le caractère unique des infractions retenues à l'article 4 de la décision attaquée (3694 )

C - Sur la participation à l'accord unique relatif à l'ETF (3719)

1. Situation de CBR (3720)

2. Situation de Cembureau (3727)

3. Situation de Ciments français (3733)

4. Situation d'Unicem (3740)

5. Situation d'Uniland (3746)

6. Situation d'Italcementi (3753)

7. Situation de Cementir (3758)

D - Sur la violation du principe d'égalité de traitement (3763)

Conclusions (3769)

X - Sur les moyens tirés de violations des articles 85, paragraphe 1, et 190 du traité et des droits de la défense, en ce que la Commission constate l'existence, dans le cadre de l'ECEC, de pratiques concertées contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité et la participation des différentes parties requérantes mises en cause (article 5 de la décision attaquée) (3771)

Observations liminaires (3771)

Décision attaquée (3773)

Sur le caractère infractionnel des activités de l'ECEC visées à l'article 5 de la décision attaquée (3783)

A - Affiliation directe ou indirecte des membres de l'ECEC à Cembureau (3795)

B - Rapports entre l'ECEC et l'EPC (3803)

C - Absence de limitation des activités de l'ECEC à la grande exportation (3822)

Conclusions (3849)

XI - Sur les moyens tirés de violations des articles 85, paragraphe 1, et 190 du traité et des droits de la défense, en ce que la Commission constate l'existence, dans le cadre de l'EPC, d'une pratique concertée contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, et la participation des différentes parties requérantes mises en cause (article 6 de la décision attaquée) (3851)

Observations liminaires (3851)

Décision attaquée (3854)

Pratique concertée visant à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs à l'intérieur de la Communauté (3864)

A - Liens entre l'EPC et Cembureau (3875)

B - Notes internes de Ciments français (3882)

C - Documents émanant de la structure de l'EPC, dont il ressortirait que les membres de ce comité avaient eux-mêmes établi un lien entre les marchés internes et les activités de l'EPC (3894)

Continuité de la pratique concertée (3934)

Participation des différentes parties requérantes concernées à la pratique concertée (3940 )

Durée de la participation à l'infraction des parties requérantes concernées autres qu'Heracles et Titan (3973)

Violation de l'article 190 du traité (3981)

Accès au dossier (3985)

A - Documents à charge (3985)

B - Documents à décharge (3989)

1. Affaire T-52-95, Valenciana/Commission (3990)

2. Affaire T-69-95, Hornos Ibéricos/Commission (4006)

3. Affaire T-88-95, Blue Circle/Commission (4011)

Conclusions (4015)

XII - Sur les moyens tirés d'erreurs d'appréciation et de violations des articles 85, paragraphe 1, et 190 du traité, du principe d'égalité de traitement et des droits de la défense, en ce que la Commission a qualifié d'accord unique et continu l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée et a constaté la participation des différentes parties mises en cause à cet accord unique et continu (4016)

Décision attaquée (4019)

Participation des parties requérantes concernées à l'accord unique et continu Cembureau (4024)

A - Accord unique Cembureau (4025)

1. Identité d'objet entre les mesures mises en cause aux articles 2 à 6 de la décision attaquée et l'accord Cembureau (4026)

1.1. Echanges d'informations (article 2 de la décision attaquée) (4029)

1.2. Ententes franco-italiennes (décision attaquée, article 3, paragraphe 1) (4033)

1.3. Entente ibérique (décision attaquée, article 3, paragraphe 2) (4043)

1.4. Entente franco-allemande (décision attaquée, article 3, paragraphe 3) (4045)

1.5. Eléments de l'accord unique relatif à l'ETF (article 4 de la décision attaquée) (4050 )

1.6. ECEC (article 5 de la décision attaquée) (4054)

1.7. EPC (article 6 de la décision attaquée) (4055)

1.8. Conclusions (4057)

2. Elément subjectif (4059)

2.1. Démonstration de l'élément subjectif par rapport aux différentes catégories de parties requérantes concernées (4059)

2.2. Eléments de rattachement avancés dans la décision attaquée (4069)

2.3. Démonstration de la participation des membres indirects de Cembureau, d'Unicem et de Buzzi à l'accord Cembureau à travers leur participation à une mesure de mise en œuvre de cet accord (4074)

2.3.1. Présence d'un membre du personnel d'une entreprise aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et/ou confirmé (4082)

2.3.2. Autres éléments de rattachement (4089)

2.3.3. Cas particulier d'Unicem et de Buzzi (4102)

2.4. Conclusions (4114)

3. Arguments généraux mettant en cause le recours à la notion d'accord unique (4115)

4. Circonstances particulières qui seraient de nature à démontrer que les différentes ententes bi- et multilatérales ne constituaient pas des mesures de mise en œuvre de l'accord unique Cembureau (4140)

5. Circonstances particulières qui démontreraient que certaines parties requérantes s'étaient distanciées de l'accord unique Cembureau ou que leur participation à celui-ci ne constituait pas une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité (4165)

B - Continuité de l'infraction unique (4214)

1. Décision attaquée (4215)

2. Point de départ de l'infraction (4222)

2.1. Cembureau et ses membres directs (4222)

2.2. Membres indirects de Cembureau (4248)

2.3. Conclusions (4267)

3. Continuité de l'infraction (4268)

3.1. Situation de CBR (4286)

3.2. Situation de Cembureau (4290)

3.3. Situation de la FIC (4294)

3.4. Situation de la VNC (4298)

3.5. Situation de Ciments luxembourgeois (4302)

3.6. Situation de Dyckerhoff (4306)

3.7. Situation du SFIC (4310)

3.8. Situation de Vicat (4314)

3.9. Situation de Ciments français (4318)

3.10. Situation de Heidelberger (4322)

3.11. Situation de Lafarge (4326)

3.12. Situation d'Aalborg (4330)

3.13. Situation du BDZ (4334)

3.14. Situation d'Unicem (4338)

3.15. Situation de Valenciana (4343)

3.16. Situation de la BCA (4346)

3.17. Situation d'Asland (4350)

3.18. Situation d'Uniland (4354)

3.19. Situation d'Oficemen (4359)

3.20. Situation d'Irish Cement (4363)

3.21. Situation de Cimpor (4367)

3.22. Situation de Secil (4370)

3.23. Situation de l'ATIC (4373)

3.24. Situation d'Italcementi (4377)

3.25. Situation de Holderbank (4382)

3.26. Situation d'Hornos Ibéricos (4386)

3.27. Situation d'Aker (4391)

3.28. Situation d'Euroc (4395)

3.29. Situation de Cementir (4399)

3.30. Situation de Blue Circle (4403)

3.31. Situation de l'AGCI (4408)

3.32. Situation d'Halkis (4414)

Violation du principe d'égalité de traitement (4418)

Violation de l'article 190 du traité (4436)

A - En ce qui concerne la qualification d'accord unique et continu donnée à l'accord Cembureau (4436 )

B - En ce qui concerne la participation des différentes parties requérantes à l'accord unique et continu Cembureau (4448)

Violation des droits de la défense à l'occasion de l'accès au dossier (4475)

A - Affaire T-25-95, CBR/Commission (4479)

B - Affaire T-30-95, FIC/Commission (4484)

C - Affaire T-37-95, Vicat/Commission (4486)

D - Affaire T-39-95, Ciments français/Commission (4498)

E - Affaire T-42-95, Heidelberger/Commission (4500)

F - Affaire T-50-95, Unicem/Commission (4502)

G - Affaire T-55-95, Asland/Commission (4510)

H - Affaire T-65-95, Italcementi/Commission (4512)

I - Affaire T-88-95, Blue Circle/Commission (4514)

Conclusions finales (4516)

XIII - Sur les moyens tirés de violations des articles 85, paragraphe 1, et 190 du traité et des droits de la défense, en ce que la Commission constate l'existence, dans le cadre du WCC, d'infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité et la participation des différentes parties requérantes mises en cause (article 7 de la décision attaquée) (4519)

Observations liminaires (4519)

Protection des marchés intérieurs et exportation coordonnée des surplus de production en dehors de la Communauté (4531)

Système d'échange d'informations individualisées (4593)

Affectation du commerce interétatique (4604)

Participation des parties requérantes aux infractions visées à l'article 7 de la décision attaquée (4618)

Prescription des faits retenus à l'article 7 de la décision attaquée (4670)

Accès au dossier (4675)

Conclusions générales (4692)

XIV - Sur le moyen tiré de l'illégalité de l'injonction formulée à l'article 8 de la décision attaquée (4694)

Sur les conclusions subsidiaires tendant à l'annulation ou à la réduction des amendes (4714)

I - Sur le moyen tiré d'une motivation insuffisante ou contradictoire de la décision attaquée en ce qui concerne les amendes (4722)

II - Sur les moyens tirés de violations de l'article 190 du traité, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et du principe d'égalité de traitement, en ce que la Commission a infligé une amende unique pour le groupe des infractions constatées sur le marché du ciment gris (4753)

III - Sur les moyens tirés de violations de l'article 190 du traité, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et du principe de proportionnalité dans l'appréciation du caractère délibéré des infractions (4767)

IV - Sur le moyen tiré d'une violation des dispositions du règlement n° 2988-74 sur la prescription (4788)

V - Sur les moyens tirés de violations de l'article 190 du traité, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité, ainsi que d'erreurs manifestes d'appréciation, quant à la durée de l'infraction retenue sur le marché du ciment gris (4804)

VI - Sur les moyens tirés de violations de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et du principe de proportionnalité en ce qui concerne la durée de l'infraction constatée sur le marché du ciment blanc (4816)

VII - Sur les moyens tirés de violations de l'article 190 du traité, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement, ainsi que d'erreurs manifestes d'appréciation, dans l'évaluation de la gravité de l'infraction commise sur le marché du ciment gris (4821)

Sur les circonstances aggravantes retenues au paragraphe 65, point 5, de la décision attaquée (4822 )

Sur la circonstance atténuante retenue au paragraphe 65, point 6, de la décision attaquée (4840 )

Sur le défaut de prise en compte de certaines circonstances atténuantes (4843)

A - Taille et influence sur le marché de l'entreprise contrevenante (4843)

B - Absence ou faible importance des effets anticoncurrentiels des infractions (4852)

C - Comportement sur le marché pendant la période considérée (4868)

D - Absence de bénéfice tiré de l'infraction ( 4878)

E - Situation du marché du ciment pendant la période considérée (4887)

F - Légitime défense (4894)

G - Coopération au cours de la procédure administrative (4902)

H - Souci de respecter le droit communautaire de la concurrence (4907)

I - Nouveauté de la question (4911)

J - Premier rang mondial de l'industrie européenne du ciment (4916)

K - Existence d'obstacles juridiques et techniques aux échanges intracommunautaires de ciment (4918)

L - Arrivée d'un nouveau concurrent sur le marché (4920)

M - Absence de déductibilité fiscale des amendes (4922)

N - Situation financière du contrevenant (4924)

VIII - Sur les moyens tirés de violations de l'article 190 du traité, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement, ainsi que d'erreurs manifestes d'appréciation, dans l'évaluation des responsabilités respectives des entreprises dans l'infraction commise sur le marché du ciment gris (4927)

IX - Sur les moyens tirés de violations de l'article 190 du traité, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et du principe de proportionnalité dans l'évaluation des responsabilités respectives des entreprises dans l'infraction commise sur le marché du ciment blanc (4990)

X - Sur les moyens tirés de violations de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement, ainsi que d'erreurs manifestes d'appréciation, en ce qui concerne le chiffre d'affaires pris en compte aux fins du calcul des amendes (5005 )

XI - Sur les moyens tirés de violations de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et des principes d'équité, de proportionnalité et d'égalité de traitement, violations liées à la fixation des amendes en écus et au choix du taux de conversion (5051)

XII - Sur les moyens tirés de violations de divers principes généraux du droit communautaire (5059)

XIII - Sur le moyen tiré d'une violation des droits de la défense liée à un accès incomplet au dossier de la Commission au cours de la procédure administrative (5090)

XIV - Conclusions (5114)

Sur les demandes tendant au remboursement de l'amende, majorée des intérêts de retard, et au remboursement des frais occasionnés par la constitution d'une garantie bancaire (5116)

Sur les dépens (5119)

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

Faits à l'origine du litige

1. Les présentes affaires concernent la décision 94-815-CE de la Commission, du 30 novembre 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (Affaire IV/33.126 et 33.322 Ciment) (JO L 343, p. 1, ci-après "décision attaquée"), dans laquelle des amendes ont été infligées à 42 entreprises et associations d'entreprises actives dans le secteur du ciment gris et du ciment blanc, pour violation du paragraphe 1 de l'article 85 du traité CE (devenu article 81 CE).

2. D'avril 1989 à juillet 1990, la Commission a effectué certaines vérifications auprès de producteurs européens de ciment et d'associations professionnelles du secteur, au titre de l'article 14, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"). Elle leur a également adressé des demandes de renseignements, en vertu de l'article 11 de ce règlement. Elle a enfin transmis à Cembureau Association européenne du ciment (ci-après "Cembureau") une communication des griefs relative à une procédure d'application de l'article 15, paragraphe 1, du règlement n° 17.

3. Le 12 novembre 1991, elle a engagé la procédure administrative et a arrêté les griefs, au titre de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17. Le 25 novembre 1991, elle a adressé aux 76 entreprises et associations d'entreprises concernées la communication des griefs (ci-après "CG") prévue à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99-63"). Cette communication des griefs distingue essentiellement deux ordres de griefs, à savoir les comportements au niveau international (partie I, chapitres 1 et 2; partie II, section A, chapitres 10, 11 et 12, et sections B et C) et les comportements au niveau national (partie I, chapitres 3 à 9; partie II, section A, chapitres 13 à 19).

4. Le texte de la CG, contenu dans un seul document, n'a pas été envoyé dans son intégralité à chacune des entreprises et associations d'entreprises impliquées dans la procédure. Les chapitres relatifs aux comportements au niveau international ont été communiqués à 61 d'entre elles, 15 entreprises italiennes ne recevant pas cette partie au motif qu'elles ne faisaient partie d'aucun organisme international. Les chapitres relatifs aux comportements au niveau national ont uniquement été envoyés aux entreprises et associations d'entreprises établies dans l'État membre en question.

5. L'index complet de la CG, ainsi qu'une liste de l'ensemble des pièces répertoriées sous les numéros de dossiers IV/33.126, IV/33.322 et IV/27.997, mentionnant pour chaque destinataire les documents qui lui étaient accessibles (ci-après "liste"), ont été transmis à chaque destinataire de la CG. Ces derniers ont pu avoir accès, dans les locaux de la Commission, aux pièces des trois dossiers susvisés, sur la base de la liste et des mentions figurant sur celle-ci. La Commission leur a en outre remis un ensemble de copies de documents provenant desdits dossiers. Le 9 juillet 1992, la Commission a communiqué à toutes les entreprises et associations d'entreprises destinataires de la partie internationale de la CG le compte rendu de la réunion de la European Task Force du 19 août 1986 (cité au paragraphe 25, point 14, de la décision attaquée), dont elle avait pris connaissance par le biais de la réponse à la CG adressée par Aker RGI ASA (anciennement Aker A/S, aussi dénommée "Aker" dans la décision attaquée, ci-après "Aker") et Scancem (publ) AB (anciennement Euroc AB, aussi dénommée "Euroc" dans la décision attaquée, ci-après "Euroc"), et a invité toutes ces destinataires à faire connaître leurs observations sur ce document.

6. Après avoir reçu la CG et après avoir accédé aux dossiers de la Commission, certaines d'entre elles ont demandé à la Commission de leur communiquer les chapitres manquant dans le texte de la CG qui leur avait été envoyé et de leur donner accès à l'ensemble des pièces des dossiers, à l'exception des documents internes et confidentiels. La Commission a refusé de faire droit à cette demande.

7. Le 12 février 1992, Cimenteries CBR SA (aussi dénommée "CBR" dans la décision attaquée, ci-après "CBR"), Blue Circle Industries plc (ci-après "Blue Circle"), le Syndicat national de l'industrie cimentière (SFIC) (anciennement Syndicat national des fabricants de ciments et de chaux, aussi dénommé "Syndicat français de l'industrie cimentière" ou "SFIC" dans la décision attaquée, ci-après "SFIC"), Eerste Nederlandse Cementindustrie NV (ENCI) (aussi dénommée "ENCI" dans la décision attaquée, ci-après "ENCI"), Vereniging Nederlandse Cementindustrie (VNC) (aussi dénommée "VNC" dans la décision attaquée, ci-après "VNC") et la Fédération de l'industrie cimentière belge ASBL (aussi dénommée "Fédération de l'industrie cimentière" ou "FIC" dans la décision attaquée, ci-après "FIC") ont, d'une part, saisi le Tribunal de recours en annulation de la décision de la Commission portant refus de communication des documents demandés (affaires T-10-92, T-11-92, T-12-92, T-14-92 et T-15-92) et, d'autre part, sollicité en la procédure de référé l'adoption de mesures provisoires visant à suspendre la procédure engagée contre eux par la Commission (affaires T-10-92 R, T-11-92 R, T-12-92 R, T-14-92 R et T-15-92 R).

8. Par ordonnance du 23 mars 1992, Cimenteries CBR e.a./Commission (T-10-92 R, T-11-92 R, T-12-92 R, T-14-92 R et T-15-92 R, Rec. p. II-1571), le président du Tribunal a rejeté les demandes de mesures provisoires et a prorogé respectivement aux 27 et 31 mars 1992 le délai de réponse à la CG imparti aux parties requérantes aux procédures en référé.

9. Toutes les parties requérantes aux présentes procédures ont, le 31 mars 1992 au plus tard, présenté des observations sur la CG que leur avait adressée la Commission.

10. Par ordonnance du 11 septembre 1992 (non publiée au Recueil), l'affaire T-14-92, ENCI et Vereniging Nederlandse Cementindustrie/Commission, a été radiée du registre du Tribunal à la suite d'un désistement des parties requérantes. Dans l'attente de l'arrêt du Tribunal sur les autres recours toujours pendants, la Commission a suspendu l'audition devant faire suite aux réponses à la CG.

11.

Par arrêt du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR e.a./Commission (T-10-92, T-11-92, T-12-92 et T-15-92, Rec. p. II-2667), le Tribunal a déclaré ces recours irrecevables.

12. Le 5 février 1993, le conseiller-auditeur a invité les entreprises et associations d'entreprises destinataires de la CG à participer aux auditions organisées du 1er mars au 1er avril 1993. Ces auditions ont été organisées en trois séries de séances: une série de séances consacrées au marché du ciment, auxquelles toutes les entreprises et associations d'entreprises ont pu participer, une série de séances consacrées à la partie internationale de la CG, auxquelles seules les entreprises et associations d'entreprises ayant reçu cette partie de la CG ont pu participer, et une série de séances consacrées aux parties nationales, auxquelles ont pu assister, pour chaque partie séparément, les entreprises et associations d'entreprises de l'État membre en question. Dans la lettre de convocation aux auditions, la Commission a précisé que, si une entreprise désirait développer son point de vue en particulier, elle devait indiquer de façon précise les parties correspondantes de la CG ainsi que les secrets d'affaires concernés au sens des articles 19 à 21 du règlement n° 17.

13. Dans le courant du mois de février 1993, certaines entreprises et associations d'entreprises, dont Blue Circle et Groupe Origny SA (venant aux droits de Cedest SA depuis le 1er janvier 1994, aussi dénommée "Cedest" dans la décision attaquée, ci-après "Cedest") ont informé la Commission qu'elles n'entendaient pas bénéficier de la possibilité de développer oralement leur point de vue sur les griefs retenus contre elles.

14. Le 23 septembre 1993, à la suite de l'examen des réponses écrites à la CG et des explications avancées oralement au cours des auditions du mois de mars 1993, la Commission a décidé d'abandonner les griefs relatifs à la partie internationale de la CG (partie I, chapitres 1 et 2; partie II, section A, chapitres 10, 11 et 12, et sections B et C) à l'encontre de douze entreprises allemandes et de six entreprises espagnoles nommément désignées et, en conséquence, de clore la procédure ouverte le 12 novembre 1991 à leur égard. Elle a également décidé d'abandonner vis-à-vis des autres destinataires de la CG les griefs relatifs aux ententes nationales (CG, partie I, chapitres 3 à 9; partie II, section A, chapitres 13 à 19) et, en conséquence, de clore la procédure ouverte le 12 novembre 1991 relativement auxdits griefs.

15. Le 27 septembre 1993, elle a informé toutes les entreprises et associations d'entreprises impliquées de sa décision d'abandonner les griefs relatifs aux ententes nationales. En conséquence, elle leur a précisé: "[...] les indications contenues sous la lettre c) de la IIe partie (applicabilité de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17) au point 93, point b), relatives au 'fait qu'il est impossible de séparer les ententes nationales des ententes européennes, les unes et les autres formant un ensemble indissociable deviennent également sans objet et ne seront plus prises en considération dans la suite de la procédure qui est poursuivie selon la voie habituelle pour tous les autres chapitres des griefs qui vous ont été adressés."

16. Le 5 octobre 1994, la Commission a consulté le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes (ci-après "comité consultatif"). Elle l'a à nouveau consulté le 23 novembre 1994.

17. Le 30 novembre 1994, elle a adopté la décision attaquée, dans laquelle elle distingue deux marchés, celui du ciment gris et celui du ciment blanc. Les 42 entreprises et associations d'entreprises destinataires de cette décision sont toutes visées par les passages de celle-ci consacrés au marché du ciment gris (paragraphes 6, 8 à 37, 42 à 60, 64 et 65, et articles 1er à 6, 8 et 9). Seules six entreprises destinataires de la décision attaquée sont également visées par les passages de celle-ci consacrés au marché du ciment blanc (paragraphes 7, 38 à 41, 42, 43, 61 à 63 et 65, et articles 7, 8 et 10).

18. S'agissant du marché du ciment gris, la décision attaquée constate l'existence d'un accord général ayant pour objet le respect des marchés domestiques et la réglementation des transferts de ciment d'un pays à l'autre. Cet accord aurait été conclu à Paris le 14 janvier 1983, au cours d'une réunion des représentants des producteurs européens de ciment membres de Cembureau. La décision attaquée constate, en son article 1er, l'existence dudit accord (ci-après "accord Cembureau") et la participation à celui-ci de toutes les entreprises et associations d'entreprises destinataires de la décision attaquée, en violation de l'interdiction édictée par l'article 85, paragraphe 1, du traité. L'accord Cembureau serait unique et continu (décision attaquée, paragraphe 46), en ce qu'il aurait été mis en œuvre dans le cadre d'ententes bilatérales ou multilatérales. L'existence de ces ententes ainsi que la participation à celles-ci des différentes entreprises et associations d'entreprises sont constatées aux articles 2 à 6 de la décision attaquée.

19. La décision attaquée relève ainsi l'existence d'ententes entre Cembureau et ses membres ayant pour objet des échanges d'informations visant à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau (paragraphes 16, 17 et 47, et article 2, paragraphes 1 et 2). Elle retient également l'existence d'ententes transfrontalières particulières, portant respectivement sur les relations franco-italiennes [paragraphes 20 et 48, et article 3, paragraphe 1, sous a), sous b) et sous c)], sur les relations hispano-portugaises (paragraphes 21 et 49, et article 3, paragraphe 2) et sur les relations franco-allemandes [paragraphes 22 et 50, et article 3, paragraphe 3, sous a) et sous b)]. Elle met en lumière la concertation qui aurait vu le jour entre plusieurs producteurs européens en réaction aux importations de ciment et de clinker grecs dans des États membres de la Communauté au milieu des années 80, concertation qui aurait donné lieu à la constitution d'un groupe dénommé European Task Force (ci-après "ETF"), à la constitution d'une société commune d'achat et de vente (ci-après "Joint Trading Company" ou encore "Interciment"), à l'adoption de mesures de défense du marché italien et à l'adoption de mesures visant à acheter les quantités de ciment ou de clinker susceptibles de déstabiliser le marché (ci-après "mesures persuasives" ou encore "carrot actions") [paragraphes 24 à 29 et 53 à 57, et article 4, paragraphes 1, 2, 3, sous a) et sous b), et 4, sous a) à h)]. Elle reproche enfin à plusieurs entreprises et associations d'entreprises d'avoir participé à des pratiques concertées contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, dans le cadre de deux comités institués par la profession pour discuter des problèmes liés à l'exportation, le European Cement Export Committee (ci-après "ECEC") et le European Export Policy Committee (ci-après "EPC") (paragraphes 30 à 37 et 58 à 60, et articles 5 et 6).

20. L'article 9 de la décision attaquée inflige une amende à chacune des 42 entreprises et associations d'entreprises qui en sont les destinataires, en raison de leur participation à l'infraction visée à l'article 1er, mise en œuvre par les comportements faisant l'objet des articles 2 à 6. Les montants des amendes ainsi imposées varient de 40 000 à 32 492 000 écus, s'élevant au total à une somme de 242 420 000 écus.

21. S'agissant du marché du ciment blanc, la décision attaquée constate la participation de six entreprises à la commission de diverses infractions dans le cadre d'un comité regroupant les producteurs européens de ciment blanc qui exportent leurs produits, le White Cement Committee (ci-après "WCC") (paragraphes 38 à 41 et 61 à 63, et article 7). Son article 10 inflige aux six entreprises des amendes dont les montants varient de 554 000 à 1 088 000 écus et qui s'élèvent au total à 5 546 000 écus.

22. La décision attaquée comprend les dispositions suivantes:

"Article premier

Cembureau Association européenne du ciment, Fédération de l'industrie cimentière, SA Cimenteries CBR, Aalborg Portland A/S, Syndicat français de l'industrie cimentière, Lafarge Coppée SA, Société des ciments français SA, Vicat SA, Cedest SA, Bundesverband der Deutschen Zementindustrie, Heidelberger Zement AG, Dyckerhoff AG, Alsen-Breitenburg Zement- und Kalkwerke GmbH, Nordcement AG, Association of the Greek Cement Industry, Titan Cement Company SA, Heracles General Cement Company, Halkis Cement Company SA, Irish Cement Ltd, Italcementi Fabbriche Riunite Cemento SpA, Unicem SpA, Cementir Cementerie del Tirreno SpA, SA des Ciments luxembourgeois, Vereniging Nederlandse Cementindustrie, Eerste Nederlandse Cementindustrie NV, British Cement Association, Blue Circle Industries plc, The Rugby Group plc et Castle Cement Ltd à partir du 14 janvier 1983, F.lli Buzzi SpA à partir du 11 mai 1983, ATIC Associação Técnica da Indústria [de] Cimento, Cimpor Cimentos de Portugal SA, Secil Companhia Geral de Cal e Cimento SA, Agrupación de Fabricantes de Cementos de España Oficemen, Asland SA, Corporación Uniland SA, Hispacement SA, Hornos Ibéricos Alba SA et Compañia Valenciana de Cementos Portland SA à partir du 1er janvier 1986, Holderbank Financière Glar[u]s SA à partir du 28 mai 1986 et Aker A/S et Euroc AB à partir du 9 juin 1986, ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant à un accord ayant pour objet le respect des marchés domestiques et la réglementation des transferts de ciment d'un pays à l'autre.

Article 2

1. Cembureau Association européenne du ciment, Fédération de l'industrie cimentière, Aalborg Portland A/S, Syndicat français de l'industrie cimentière, Bundesverband der Deutschen Zementindustrie, Association of the Greek Cement Industry, Irish Cement Ltd, Italcementi Fabbriche Riunite Cemento SpA, Unicem SpA, Cementir Cementerie del Tirreno SpA, SA des Ciments luxembourgeois, Vereniging Nederlandse Cementindustrie, British Cement Association, du 14 janvier 1983 au 14 avril 1986, et ATIC Associação Técnica da Indústria [de] Cimento et Agrupación de Fabricantes de Cementos de España Oficemen, du 1er janvier 1986 au 14 avril 1986, ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant à des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix, visant à faciliter l'exécution de l'accord visé à l'article 1er, aux réunions des chefs de délégation et du comité exécutif de Cembureau.

2. Cembureau Association européenne du ciment, Fédération de l'industrie cimentière, Aalborg Portland A/S, Syndicat français de l'industrie cimentière, Bundesverband der Deutschen Zementindustrie, Association of the Greek Cement Industry, Irish Cement Ltd, Italcementi Fabbriche Riunite Cemento SpA, Unicem SpA, Cementir Cementerie del Tirreno SpA, SA des Ciments luxembourgeois, Vereniging Nederlandse Cementindustrie, British Cement Association, du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1988, et ATIC Associação Técnica da Indústria [de] Cimento et Agrupación de Fabricantes de Cementos de España Oficemen, du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1988, ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant à des pratiques concertées visant à faciliter l'exécution de l'accord visé à l'article 1er et portant sur:

a) la circulation d'informations sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs belges et néerlandais et des prix, rabais inclus, du producteur luxembourgeois;

b) la circulation d'informations sur les barèmes individuels des prix des producteurs danois et irlandais, sur les barèmes de la profession en vigueur en Grèce, en Italie et au Portugal et sur les moyennes de prix pratiqués en Allemagne, en France, en Espagne et au Royaume-Uni.

Article 3

1. a) Lafarge Coppée SA et F.lli Buzzi SpA ont, du 26 novembre 1988 au 31 décembre 1988, enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en participant à une pratique concertée portant sur le partage du marché du sud de la France et sur la limitation de leur autonomie de comportement concernant les sources de production.

b) Société des ciments français SA et F.lli Buzzi SpA ont, du 17 mars 1988 au 31 décembre 1988, enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en participant à une pratique concertée portant sur des informations sur les prix en vigueur et sur une prévision de hausse des prix, en vue d'une limitation de leur autonomie de comportement.

c) Vicat SA et F.lli Buzzi SpA ont, du 11 mai 1983 au 31 décembre 1988, enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en participant à une pratique concertée portant sur des échanges d'informations sur les prix en vue d'une limitation de leur autonomie de comportement en ce qui concerne les livraisons de ciment dans le sud de la France.

2. Agrupación de fabricantes de Cementos de España Oficemen, Cimpor Cimentos de Portugal SA et Secil Companhia Geral de Cal e Cimento SA ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, du 1er janvier 1986 au 24 avril 1989, en participant à un accord portant sur le contrôle du mouvement de ciment entre l'Espagne et le Portugal et sur le respect des marchés domestiques respectifs.

3. a) Syndicat français de l'industrie cimentière, Lafarge Coppée SA, Société des ciments français SA, Cedest SA, Bundesverband der Deutschen Zementindustrie, Dyckerhoff AG, Heidelberger Zement AG ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, du 23 juin 1982 au 30 septembre 1989 au moins, en participant à des accords et à des pratiques concertées portant sur la réglementation des livraisons de ciment de France vers l'Allemagne et d'Allemagne vers la France.

b) Syndicat français de l'industrie cimentière et Bundesverband der Deutschen Zementindustrie ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, du 1er janvier 1985 au 30 septembre 1989, en participant à une pratique concertée portant sur l'échange d'informations visant à contrôler le respect des limitations quantitatives à l'exportation entre la France et l'Allemagne ainsi que leur destination aux différents Länder allemands.

Article 4

1. Cembureau Association européenne du ciment, le groupe Holderbank Financière Glar[u]s SA, Blue Circle Industries plc, Agrupación de Fabricantes de Cementos de España Oficemen, Asland SA, Corporación Uniland SA, Hispacement SA, Syndicat français de l'industrie cimentière, Lafarge Coppée SA, Société des ciments français SA, Bundesverband der Deutschen Zementindustrie, Dyckerhoff AG, Heidelberger Zement AG, SA Cimenteries CBR, Aker A/S et Euroc AB, Aalborg Portland A/S, Irish Cement Ltd, Italcementi Fabbriche Riunite Cemento SpA, Unicem SpA, Cementir Cementerie del Tirreno SpA ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, à partir du 28 mai 1986, en participant à l'accord portant sur la constitution de la Cembureau Task Force ou European Task Force.

2. Le groupe Holderbank Financière Glar[u]s SA, Blue Circle Industries plc, Agrupación de Fabricantes de Cementos de España Oficemen, Asland SA, Corporación Uniland SA, Hispacement SA, Syndicat français de l'industrie cimentière, Lafarge Coppée SA, Société des ciments français SA, Bundesverband der Deutschen Zem entindustrie, Dyckerhoff AG, Heidelberger Zement AG, Aker A/S et Euroc AB, SA Cimenteries CBR, Italcementi Fabbriche Riunite Cemento SpA, Unicem SpA, Cementir Cementerie del Tirreno SpA ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, du 9 juin 1986 au 26 mars 1993, en participant à un accord portant sur la constitution de la Joint Trading Company, Interciment SA, ayant pour but d'exécuter les mesures persuasives et dissuasives à l'encontre de ceux qui menaçaient la stabilité des marchés des pays membres.

3. a) Cembureau Association européenne du ciment, le groupe Holderbank Financière Glar[u]s SA, Blue Circle Industries plc, Agrupación de Fabricantes de Cementos de España Oficemen, Asland SA, Corporación Uniland SA, Hispacement SA, Syndicat français de l'industrie cimentière, Lafarge Coppée SA, Société des ciments français SA, Bundesverband der Deutschen Zementindustrie, Dyckerhoff AG, Heidelberger Zement AG, SA Cimenteries CBR, Aker A/S et Euroc AB, Aalborg Portland A/S, Irish Cement Ltd, Italcementi Fabbriche Riunite Cemento SpA, Unicem SpA, Cementir Cementerie del Tirreno SpA ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, du 17 juin 1986 au 15 mars 1987, en participant à des pratiques concertées visant à soustraire Calcestruzzi comme client aux producteurs grecs et à Titan en particulier.

b) Italcementi Fabbriche Riunite Cemento SpA, Unicem SpA, Cementir Cementerie del Tirreno SpA ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, du 3 avril 1987 au 3 avril 1992, en participant à un accord portant sur les contrats et les conventions signés les 3 et 15 avril 1987 ayant pour but d'éviter des importations de ciment grec de la part de Calcestruzzi.

4. Les entreprises suivantes ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant à des accords et à des pratiques concertées visant à déplacer le surplus de la production grecque et à freiner les importations de ciment grec dans les États membres. En particulier:

a) Blue Circle Industries plc, Castle Cement Ltd, The Rugby Group plc, du 16 juin 1986 au 5 septembre 1986, en participant à une pratique concertée visant à empêcher et/ou à réduire les importations de ciment grec au Royaume-Uni;

b) Blue Circle Industries plc et Titan Cement Company SA, du 4 juillet 1986 au 31 décembre 1989, en participant à un accord visant à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Titan vers les États-Unis et le Nigeria et à éviter des ventes directes de ces produits de la part de Titan sur les marchés européens;

c) le groupe Holderbank Financière Glar[u]s SA et Titan Cement Company SA, du 19 juin 1986 au 31 décembre 1990, en participant à un accord visant à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Titan vers les États-Unis et l'Afrique et à éviter des ventes directes de ces produits de la part de Titan sur les marchés européens;

d) le groupe Holderbank Financière Glar[u]s SA et Heracles General Cement Company, du 9 mai 1986 au 31 décembre 1990, en participant à un accord visant à éviter des ventes directes de ciment de la part d'Heracles sur les marchés européens et à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Heracles vers d'autres marchés;

e) Lafarge Coppée SA et Titan Cement Company SA, du 22 juillet 1986 au 31 décembre 1991, en participant à un accord visant à déplacer des quantités de clinker produit par Titan vers le Canada et à éviter des ventes directes de Titan sur les marchés européens;

f) Lafarge Coppée SA et Heracles General Cement Company, du 1er juin 1988 au 15 juin 1991, en participant à un accord visant à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Heracles hors Europe et à éviter des ventes directes de ces produits de la part d'Heracles sur les marchés européens;

g) SA Cimenteries CBR, Heracles General Cement Company et Titan Cement Company SA, du 4 mai 1988 au 31 décembre 1990, en participant à une pratique concertée relative à des livraisons, à travers UMAR, de clinker destiné aux sociétés CBR et ENCI en Belgique et aux Pays-Bas et visant à éviter des ventes directes des deux producteurs grecs sur les marchés européens;

h) Aker A/S et Euroc AB et Titan Cement Company SA, du 28 janvier 1987 au 31 décembre 1990, en participant à un accord visant à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Titan vers l'Afrique, les États-Unis et les Bahamas et à éviter des ventes directes de ces produits de la part de Titan sur les marchés européens.

Article 5

Fédération de l'industrie cimentière, Aalborg Portland A/S, Syndicat français de l'industrie cimentière, Dyckerhoff AG, Alsen-Breitenburg Zement- und Kalkwerke GmbH, Nordcement AG, Association of the Greek Cement Industry, Irish Cement Ltd, Italcementi[ Fabbriche Riunite Cemento] SpA, Unicem SpA, Cementir Cementerie del Tirreno SpA, Eerste Nederlandse Cementindustrie NV, du 14 mars 1984 au 22 septembre 1989, et Castle Cement Ltd, ATIC Associação Técnica da Indústria [de] Cimento et Agrupación de Fabricantes de Cementos de España Oficemen, du 1er janvier 1986 au 22 septembre 1989, ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant, dans le cadre [de l']ECEC, à des pratiques concertées portant sur l'échange d'informations, sur la situation de l'offre et la situation de la demande dans les pays tiers importateurs, sur les prix praticables à l'exportation, sur la situation des importations dans les pays membres et sur la situation de l'offre et de la demande des marchés internes et visant à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté.

Article 6

Lafarge Coppée SA, Titan Cement Company SA, Heracles General Cement Company, Halkis Cement Company SA, du 1er juillet 1981 au 19 mai 1989, Société des ciments français SA, du 1er juillet 1981 au 17 février 1989, Blue Circle Industries plc, du 1er juillet 1981 au 12 octobre 1987, Hispacement SA, Hornos Ibéricos Alba SA, Compañia Valenciana de Cementos Portland SA et sa filiale Cementos del Mar SA, du 1er janvier 1986 au 19 mai 1989, ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant, dans le cadre [de l']EPC, à une pratique concertée continue portant sur l'examen de la situation de marchés communautaires, le partage des marchés des pays tiers, la fixation des prix pour les produits destinés à la grande exportation, l'échange de données individualisées sur les disponibilités à l'exportation et sur les exportations effectuées dans les pays tiers et visant à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté.

Article 7

Italcementi Fabbriche Riunite Cemento SpA, Dyckerhoff AG, Lafarge Coppée SA, Société des ciments français SA, SA Cimenteries CBR, du 6 mai 1982 au 26 mai 1988, et Compañia Valenciana de Cementos Portland SA, du 1er janvier 1986 au 26 mai 1988, ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant, dans le cadre du WCC, à la pratique concertée et à l'accord relatifs au respect des marchés domestiques, à la pratique concertée continue relative à la canalisation vers l'exportation dans les pays tiers des surplus de production, à une pratique concertée continue relative aux échanges d'informations individualisées par entreprise sur les capacités productives, les productions, les ventes internes et à l'exportation, les prix internes pour le ciment blanc et pour le ciment gris et les prix à l'exportation.

Article 8

Les entreprises mentionnées aux articles 1er à 7 mettent fin immédiatement aux infractions visées auxdits articles (si elles ne l'ont pas déjà fait) et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre des marchés du ciment gris et du ciment blanc, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet identique ou similaire, y compris tout échange d'informations commerciales confidentielles visant à contrôler l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant au partage des marchés dans la Communauté.

Article 9

Les amendes suivantes sont infligées aux associations et aux entreprises concernées en raison de l'infraction constatée à l'article 1er, laquelle a été mise en œuvre en particulier pour les comportements décrits aux articles 2, 3, 4, 5 et 6:

1.Cembureau Association européenne du ciment

une amende de

100 000 écus

2.Holderbank Financière Glar[u]s SA

une amende de

5 331 000 écus

3.Aker A/S une amende de

40 000 écus

4.Euroc AB une amende de

40 000 écus

5.Bundesverband der Deutschen Zementindustrie

une amende de

100 000 écus

6.Alsen-Breitenburg Zement- und Kalkwerke GmbH

une amende de

3 841 000 écus

7.Dyckerhoff AG une amende de

12 296 000 écus

8.Heidelberger Zement AG une amende de

15 652 000 écus

9.Nordcement AG une amende de

1 850 000 écus

10.Fédération de l'industrie cimentière

une amende de

100 000 écus

11.SA Cimenteries CBR une amende de

7 196 000 écus

12.Aalborg Portland A/S une amende de

4 008 000 écus

13.Agrupación de Fabricantes de Cementos de

España Oficemen une amende de

70 000 écus

14.Asland SA une amende de

5 337 000 écus

15.Hispacement SA une amende de

102 000 écus

16.Hornos Ibéricos Alba SA une amende de

1 784 000 écus

17.Corporación Uniland SA une amende de

1 971 000 écus

18.Compañia Valenciana de Cementos Portland SA

une amende de

1 312 000 écus

19.Syndicat français de l'industrie cimentière

une amende de

100 000 écus

20.Cedest SA une amende de

2 522 000 écus

21.Société des ciments français SA

une amende de

24 716 000 écus

22.Lafarge Coppée SA une amende de

22 872 000 écus

23.Vicat SA une amende de

8 272 000 écus

24.Association of the Greek Cement Industry

une amende de

100 000 écus

25.Halkis Cement Company SA une amende de

1 856 000 écus

26.Heracles General Cement Company

une amende de

5 748 000 écus

27.Titan Cement Company SA une amende de

5 625 000 écus

28.Irish Cement Ltd une amende de

3 524 000 écus

29.F.lli Buzzi SpA une amende de

3 652 000 écus

30.Cementir Cementerie del Tirreno SpA

une amende de

8 248 000 écus

31.Italcementi Fabbriche Riunite Cemento SpA

une amende de

32 492 000 écus

32.Unicem SpA une amende de

11 652 000 écus

33.SA des Ciments luxembourgeois une amende de

1 052 000 écus

34.Vereniging Nederlandse Cementindustrie

une amende de

100 000 écus

35.Eerste Nederlandse Cementindustrie NV

une amende de

7 316 000 écus

36.ATIC Associação Técnica da Indústria [de] Cimento

une amende de

70 000 écus

37.Cimpor Cimentos de Portugal SA

une amende de

9 324 000 écus

38.Secil Companhia Geral de Cal e Cimento SA

une amende de

3 017 000 écus

39.British Cement Association une amende de

100 000 écus

40.Blue Circle Industries plc une amende de

15 824 000 écus

41.Castle Cement Ltd une amende de

7 964 000 écus

42.The Rugby Group plc une amende de

5 144 000 écus

Article 10

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises concernées en raison de l'infraction constatée à l'article 7:

1.Italcementi Fabbriche Riunite Cemento SpA

une amende de

1 088 000 écus

2. Dyckerhoff AG une amende de

988 000 écus

3.Lafarge Coppée SA une amende de

1 028 000 écus

4.Société des ciments français SA

une amende de

1 052 000 écus

5.SA Cimenteries CBR une amende de

836 000 écus

6.Compañia Valenciana de Cementos Portland SA

une amende de

554 000 écus

Article 11

Les amendes infligées aux articles 9 et 10 sont payables dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision au compte bancaire suivant [...]

Le montant de ces amendes porte intérêt de plein droit à compter de l'expiration du délai précité, au taux appliqué par l'Institut monétaire européen à ses opérations en écus le premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été adoptée, majoré de trois points et demi, soit 9,25 %.

Article 12

Sont destinataires de la présente décision [...]"

Procédure

23. Le 13 janvier 1995, Ciments français SA (aussi dénommée "Société des ciments français SA" ou "Ciments français" ou "SCF" dans la décision attaquée, ci-après "Ciments français") a averti la Commission de l'existence d'une erreur matérielle dans le calcul de l'amende qui lui était infligée dans le cadre du marché du ciment gris. Le 6 février 1995, elle s'est inquiétée du maintien de cette erreur dans la seconde notification de la décision attaquée. Le 17 février 1995, la Commission lui a fait part de sa décision du 13 février 1995 de rejeter sa demande de rectification du montant de l'amende.

24. Le 6 février 1995, Castle Cement Ltd (ci-après "Castle"), Aker et Euroc ont demandé au membre de la Commission en charge de la politique de la concurrence si, dans le cas où l'amende serait annulée en tout ou en partie, la Commission verserait un intérêt sur les sommes déjà payées dans l'attente du résultat du recours. Après réception de la seconde notification en février 1995, elles ont demandé à la Commission, le 13 février 1995, de confirmer quelles seraient les conséquences de cette seconde notification quant au paiement de l'amende ou à la fourniture d'une garantie bancaire. Aucune réponse ne leur a été apportée en ce qui concerne leurs demandes relatives au versement dintérêts.

25. Par requêtes séparées déposées au greffe du Tribunal entre le 14 février 1995 et le 12 avril 1995, CBR (T-25-95), Cembureau (T-26-95), la FIC (T-30-95), ENCI (T-31-95), la VNC (T-32-95), Ciments luxembourgeois SA (aussi dénommée "SA des Ciments luxembourgeois" ou "Ciments luxembourgeois" dans la décision attaquée, ci-après "Ciments luxembourgeois") (T-34-95), Dyckerhoff AG (anciennement Dyckerhoff Zement GmbH, ci-après "Dyckerhoff") (T-35-95), le SFIC (T-36-95), Vicat SA (ci-après "Vicat") (T-37-95), Cedest (T-38-95), Ciments français (T-39-95), Heidelberger Zement AG (ci-après "Heidelberger") (T-42-95), Lafarge Coppée (aussi dénommée "Lafarge Coppée SA" ou "Lafarge" dans la décision attaquée, ci-après "Lafarge") (T-43-95), Aalborg Portland A/S (ci-après "Aalborg") (T-44-95), Alsen AG (anciennement Alsen-Breitenburg Zement- und Kalkwerke GmbH, aussi dénommée "Alsen-Breitenburg" dans la décision attaquée, ci-après "Alsen-Breitenburg") (T-45-95), Alsen AG (anciennement Nordcement AG, aussi dénommée "Nordcement" dans la décision attaquée, ci-après "Nordcement") (T-46-95), Bundesverband der Deutschen Zementindustrie e.V. (aussi dénommé "Bundesverband" ou "BDZ" dans la décision attaquée, ci-après "BDZ") (T-48-95), Unicem SpA (ci-après "Unicem") (T-50-95), Fratelli Buzzi SpA (ci-après "Buzzi") (T-51-95), Compañia Valenciana de Cementos Portland SA (ci-après "Valenciana") (T-52-95), The Rugby Group plc (aussi dénommée "Rugby" dans la décision attaquée, ci-après "Rugby") (T-53-95), British Cement Association (ci-après "BCA") (T-54-95), Asland SA (ci-après "Asland") (T-55-95), Castle (T-56-95), Heracles General Cement Company SA (aussi dénommée "Heracles" dans la décision attaquée, ci-après "Heracles") (T-57-95), Corporación Uniland SA (ci-après "Uniland") (T-58-95), Agrupación de Fabricantes de Cemento de España (Oficemen) (aussi dénommée "Oficemen" dans la décision attaquée, ci-après "Oficemen") (T-59-95), Irish Cement Ltd (ci-après "Irish Cement") (T-60-95), Cimpor Cimentos de Portugal SA (ci-après "Cimpor") (T-61-95), Secil Companhia Geral de Cal e Cimento SA (ci-après "Secil") (T-62-95), ATIC Associação Técnica da Indústria de Cimento (ci-après "ATIC") (T-63-95), Titan Cement Company SA (aussi dénommée "Titan" dans la décision attaquée, ci-après "Titan") (T-64-95), Italcementi Fabbriche Riunite Cemento SpA (ci-après "Italcementi") (T-65-95), Holderbank Financière Glarus AG (aussi dénommée "Holderbank Financière Glaris SA" dans la décision attaquée, ci-après "Holderbank") (T-68-95), Hornos Ibéricos Alba SA (Hisalba) (aussi dénommée "Hornos Ibéricos" ou "Hisalba" dans la décision attaquée, ci-après "Hornos Ibéricos") (T-69-95), Aker (T-70-95), Euroc (T-71-95), Cementir Cementerie del Tirreno SpA (ci-après "Cementir") (T-87-95), Blue Circle (T-88-95), Enosi Tsimentoviomichanion Ellados (anciennement Association of the Greek Cement Industry, ainsi dénommée dans la décision attaquée, ci-après "AGCI") (T-103-95) et Tsimenta Chalkidos AE (anciennement Halkis Cement Company, aussi dénommée "Halkis" dans la décision attaquée, ci-après "Halkis") (T-104-95) ont introduit les présents recours.

26. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 mai 1995, Halkis a introduit, sur la base des articles 185 et 186 du traité CE (devenus articles 242 CE et 243 CE), une demande en référé visant à un sursis à l'exécution de la décision attaquée, dans la mesure où celle-ci lui inflige une amende. Par ordonnance du président du Tribunal du 11 août 1995, Tsimenta Chalkidos/Commission (T-104-95 R, Rec. p. II-2235), cette demande a été rejetée.

27. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 mai 1995, Cementir a introduit un second recours tendant spécifiquement à l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle porte fixation, en son article 9, du montant de l'amende qui lui est infligée (affaire T-116-95). Par ordonnance du 10 juin 1998, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a déclaré ce recours irrecevable (Rec. p. II-2261).

28. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d'ouvrir les procédures orales dans l'ensemble des présentes affaires, sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, il a invité les parties à produire certaines pièces et à répondre à certaines questions. Les parties ont déféré à ces demandes.

29. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors des audiences qui se sont déroulées les 16, 18, 23, 25, 30 septembre 1998, ainsi que les 2, 7, 9, 14, 16 et 21 octobre 1998.

Conclusions des parties

30. CBR (T-25-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler les articles 1er, 4, 7, 8, 9 et 10 de la décision attaquée;

à titre subsidiaire, annuler les amendes qui lui ont été infligées ou en réduire les montants;

condamner la Commission aux dépens.

31. Cembureau (T-26-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne;

condamner la Commission aux dépens;

ordonner toutes mesures d'instruction nécessaires.

32. La FIC (T-30-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler les articles 1er, 2, 5, 8 et 9 de la décision attaquée en ce qu'ils la concernent;

à titre subsidiaire, annuler l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

condamner la Commission aux dépens.

33. ENCI (T-31-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler la décision attaquée, à tout le moins dans la mesure où elle la concerne;

à titre subsidiaire, réduire le montant de l'amende qui lui a été infligée;

condamner la Commission aux dépens, y compris des intérêts sur l'amende indûment payée.

34. La VNC (T-32-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler la décision attaquée, à tout le moins dans la mesure où elle la concerne;

à titre subsidiaire, réduire le montant de l'amende qui lui a été infligée;

condamner la Commission aux dépens, y compris des intérêts sur l'amende indûment payée.

35. Ciments luxembourgeois (T-34-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler, dans la mesure où ils la concernent, les articles 1er, 2, paragraphes 1 et 2, et 9 de la décision attaquée;

à titre subsidiaire, réduire le montant de l'amende qui lui a été infligée;

condamner la Commission aux dépens.

36. Dyckerhoff (T-35-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler, dans la mesure où ils la concernent, les articles 1er, 3, paragraphe 3, sous a), 4, paragraphes 1, 2 et 3, sous a), 5, 7, 8, 9 et 10, de la décision attaquée;

à titre subsidiaire, réduire les montants des amendes qui lui ont été infligées;

condamner la Commission aux dépens.

37. Le SFIC (T-36-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

interroger la Commission et, le cas échéant, le comité consultatif sur la nature et l'étendue des informations qui étaient accessibles et qui ont été fournies aux membres de ce comité, en particulier quant au montant des amendes envisagées;

interroger la Commission sur la régularité de la délibération du collège de ses membres, en particulier sur les conditions dans lesquelles ceux-ci ont eu accès ou ont été informés des arguments en défense qu'avaient fait valoir la partie requérante et les autres destinataires de la CG;

constater que le comité consultatif n'a pas été mis en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause;

constater que le principe de collégialité de la Commission n'a pas été respecté;

annuler totalement ou partiellement les articles 1er, 2, 3, paragraphe 3, 4, paragraphes 1 et 2, 5 et 9 de la décision attaquée, dans la mesure où lesdits articles le concernent;

condamner la Commission aux dépens.

38. Vicat (T-37-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler totalement ou partiellement les articles 1er, 3, paragraphe 1, sous c), et 9 de la décision attaquée, dans la mesure où lesdits articles la concernent;

à titre subsidiaire, supprimer l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

condamner la Commission aux dépens.

39. Cedest (T-38-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler totalement ou partiellement les articles 1er, 3, paragraphe 3, sous a), et 9, point 20, de la décision attaquée, dans la mesure où ils la concernent;

à titre subsidiaire, supprimer l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

condamner la Commission aux dépens.

40. Ciments français (T-39-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler la décision attaquée;

à titre subsidiaire, réduire les montants des amendes qui lui ont été infligées;

condamner la Commission aux dépens.

41. Heidelberger (T-42-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne;

à titre subsidiaire, annuler l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

condamner la Commission aux dépens.

42. Lafarge (T-43-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler la décision attaquée ou, à tout le moins, ses articles 1er, 3, paragraphe 1, sous a), 3, paragraphe 3, sous a), 4, paragraphes 1, 2 et 3, sous a), 4, paragraphe 4, sous e) et sous f), 6 et 7;

à titre subsidiaire, annuler les amendes qui lui ont été infligées, ou, à tout le moins, en réduire les montants;

prendre toute mesure appropriée;

condamner la Commission aux dépens.

43. Aalborg (T-44-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler les articles 1er, 2, 4, paragraphes 1 et 3, sous a), 5, 8 et 12 de la décision attaquée, pour autant qu'ils la concernent;

à titre subsidiaire, annuler l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

condamner la Commission aux dépens.

44. Alsen-Breitenburg (T-45-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne;

à titre subsidiaire, réduire le montant de l'amende qui lui a été infligée;

condamner la Commission aux dépens.

45. Nordcement (T-46-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne;

à titre subsidiaire, réduire le montant de l'amende qui lui a été infligée;

condamner la Commission aux dépens.

46. Le BDZ (T-48-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler les articles 1er, 2, 3, paragraphe 3, 4, paragraphes 1, 2 et 3, sous a), ainsi que l'article 9, point 5, de la décision attaquée;

condamner la Commission aux dépens.

47. Unicem (T-50-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision attaquée, à tout le moins en ce qui la concerne;

à titre subsidiaire, supprimer l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

condamner la Commission aux dépens et au remboursement, à la partie requérante, des frais et intérêts supportés pour la constitution de la garantie, en totalité ou pour la partie de l'amende objet d'une éventuelle réduction.

48. Buzzi (T-51-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler totalement ou partiellement la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne;

à titre subsidiaire, annuler l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

condamner la Commission aux dépens;

la condamner au remboursement des dépenses auxquelles elle a dû faire face durant la procédure administrative;

la condamner au remboursement des dépenses occasionnées par la constitution d'une garantie pour le paiement de l'amende infligée;

autoriser la partie requérante à faire comparaître son administrateur délégué, M. Franco Buzzi, devant le Tribunal.

49. Valenciana (T-52-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler totalement ou partiellement la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne;

à titre subsidiaire, réduire les amendes qui lui ont été infligées;

condamner la Commission aux dépens.

50. Rugby (T-53-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler les articles 1er, 2, 4, 8 et 9 de la décision attaquée, dans la mesure où ils la concernent;

à titre subsidiaire, annuler l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

condamner la Commission aux dépens.

51. La BCA (T-54-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision attaquée en ce qu'elle la concerne;

condamner la Commission aux dépens.

52. Asland (T-55-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler totalement ou partiellement la décision attaquée;

à titre subsidiaire, annuler l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

condamner la Commission aux dépens, y compris les dépenses et intérêts afférents au cautionnement ou au paiement éventuel de tout ou partie de l'amende.

53. Castle (T-56-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler totalement ou partiellement la décision attaquée en ce quelle la concerne;

annuler lamende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

condamner la Commission aux dépens.

54. Heracles (T-57-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler la décision attaquée;

à titre subsidiaire, annuler l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

ordonner à la Commission de présenter toutes les notes, tous les mémoires et tous les projets de documents d'ordre interne préparés par les membres de la Commission ou les fonctionnaires de la Commission, les procès-verbaux des réunions de la Commission et les avis du comité consultatif, réunions relatives:

à la diffusion des moyens de la défense de la partie requérante, tels qu'ils sont exposés dans sa réponse à la CG et les comptes rendus de l'audition au sein de la Commission et du comité consultatif, dans des langues autres que le grec, langue de rédaction de l'original;

au calcul du montant de l'amende qui lui a été infligée, en particulier le projet de décision de la Commission présenté au comité consultatif, projet qui contient, d'après les informations dont la partie requérante dispose, sans cependant pouvoir le prouver, le paragraphe suivant (non repris dans la décision attaquée): "Il faut tenir compte de l'argument des producteurs grecs suivant lequel ils ont été contraints par les circonstances de signer les contrats avec certains producteurs européens au sujet de la vente de ciment et de clinker. Par conséquent, la Commission estime qu'elle ne peut infliger des amendes à Titan et à Heracles en ce qui concerne les accords et pratiques concertées relatifs à l'achat de ciment et de clinker grecs visés au point 56";

condamner la Commission aux dépens.

55. Uniland (T-58-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler en ce qui la concerne la décision attaquée, à tout le moins ses articles 1er, 4, paragraphes 1, 2 et 3, sous a), et 9;

à titre subsidiaire, réduire le montant de l'amende qui lui a été infligée;

condamner la Commission aux dépens, y compris les frais résultant de la constitution et du maintien de la garantie du paiement de l'amende.

56. Oficemen (T-59-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision attaquée, dans la mesure où elle la concerne;

subsidiairement, annuler les articles 1er, 2, 3, paragraphe 2, 4, paragraphes 1, 2 et 3, sous a), 5 et 9 de la décision attaquée, dans la mesure où ils la concernent;

subsidiairement encore, annuler l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

condamner la Commission aux dépens, y compris les frais résultant de la constitution et du maintien de la garantie du paiement de l'amende.

57. Dans sa réplique, Oficemen (T-59-95) demande en outre au Tribunal d'inviter la Commission à transmettre l'ensemble de la documentation relative à la correspondance et les rapports versés au dossier instruit par elle, afin de vérifier si la formalité obligatoire consistant à recueillir l'avis du comité consultatif, imposée par le règlement n° 17, a bien été accomplie.

58. Irish Cement (T-60-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision attaquée;

annuler l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

condamner la Commission aux dépens.

59. Cimpor (T-61-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision attaquée en ce qui la concerne et annuler en conséquence l'amende qui lui a été infligée;

à titre subsidiaire, réduire le montant de cette amende;

condamner la Commission aux dépens;

ordonner toutes mesures d'instruction nécessaires.

60. Secil (T-62-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision attaquée en ce qui la concerne et annuler par conséquent l'amende qui lui a été infligée;

subsidiairement, réduire le montant de cette amende;

condamner la Commission aux dépens;

ordonner toutes mesures d'instruction nécessaires et, en particulier, enjoindre à la Commission de verser au dossier copie des chapitres de la CG qui ne lui ont pas été notifiés ainsi que tous les éléments nécessaires au contrôle de la légalité de l'article 9 de la décision attaquée.

61. L'ATIC (T-63-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler en ce qui la concerne la décision attaquée et, spécialement, ses articles 1er, 2, paragraphes 1 et 2, sous b), et 5;

à titre subsidiaire, réduire le montant de l'amende qui lui a été infligée;

condamner la Commission aux dépens.

62. Titan (T-64-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler ou modifier en ce qui la concerne la décision attaquée, en annulant l'amende qui lui a été infligée ou en réduisant son montant;

condamner la Commission aux dépens;

ordonner toutes mesures autres ou complémentaires que de droit.

63. Italcementi (T-65-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler totalement ou partiellement la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne;

à titre subsidiaire, annuler les amendes qui lui ont été infligées ou en réduire les montants;

annuler la décision de la Commission du 23 septembre 1993, en ce qu'elle décide la clôture de la partie internationale de la procédure à l'encontre des douze entreprises allemandes et des six entreprises espagnoles qui y sont mentionnées;

condamner la Commission aux dépens.

64. Holderbank (T-68-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne;

à titre subsidiaire, annuler l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

condamner la Commission aux dépens.

65. Hornos Ibéricos (T-69-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne;

à titre subsidiaire, annuler l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

condamner la Commission aux dépens;

inviter la Commission à produire le dossier complet et tous les documents sur lesquels elle s'est fondée pour justifier la décision attaquée et, notamment, toute analyse de la situation du marché mondial du ciment, ainsi que toute étude de la Commission sur les raisons économiques qui ont poussé la partie requérante à participer à l'EPC;

autoriser la requérante à examiner ces pièces, dans la mesure où elles ne contiennent pas des secrets d'affaires d'autres parties ni ne se réfèrent à des documents internes de la Commission.

66. Aker (T-70-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler totalement ou partiellement la décision attaquée en ce qu'elle la concerne;

annuler l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

condamner la Commission aux dépens.

67. Euroc (T-71-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler totalement ou partiellement la décision attaquée en ce quelle la concerne;

annuler lamende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

condamner la Commission aux dépens.

68. Cementir (T-87-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

à titre principal, annuler totalement ou partiellement la décision attaquée;

à titre subsidiaire, annuler l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

condamner la Commission aux dépens.

69. Blue Circle (T-88-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision attaquée;

subsidiairement, l'annuler partiellement et réduire en conséquence l'amende qui lui a été infligée;

condamner la Commission aux dépens.

70. L'AGCI (T-103-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler ou modifier la décision attaquée, au moins en ce qui la concerne, de manière à supprimer l'amende qui lui a été infligée ou en réduire le montant;

condamner la Commission aux dépens;

ordonner toute autre mesure nécessaire.

71. Halkis (T-104-95) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

statuer sur le présent recours indépendamment de tout autre recours connexe dirigé contre la décision attaquée, qui risque d'obscurcir les éléments de fait ainsi que l'appréciation juridique des moyens à l'appui du recours qu'elle a formé;

annuler la décision attaquée, ou, à tout le moins, la réformer;

condamner la Commission aux dépens.

72. Dans les affaires T-25-95 et T-30-95, la Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

déclarer le recours irrecevable pour autant qu'il concerne les règles de concurrence loyale;

le rejeter pour le surplus;

condamner la partie requérante aux dépens.

73. Dans les affaires T-26-95, T-31-95, T-32-95, T-34-95, T-35-95, T-36-95, T-37-95, T-38-95, T-39-95, T-42-95, T-43-95, T-44-95, T-45-95, T-46-95, T-48-95, T-50-95, T-51-95, T-52-95, T-53-95, T-54-95, T-55-95, T-56-95, T-57-95, T-58-95, T-59-95, T-60-95, T-61-95, T-62-95, T-63-95, T-64-95, T-68-95, T-69-95, T-70-95, T-71-95, T-87-95, T-88-95, T-103-95 et T-104-95, elle conclut à ce qu'il lui plaise:

rejeter le recours comme non fondé;

condamner la partie requérante aux dépens.

74. Dans l'affaire T-65-95, elle conclut à ce qu'il lui plaise:

déclarer le recours irrecevable en ce qu'il vise la décision de la Commission du 23 septembre 1993;

le rejeter comme non fondé en ce qu'il vise la décision attaquée;

condamner la partie requérante aux dépens.

75. Les parties ayant été entendues sur ce point, le Tribunal (quatrième chambre élargie) estime qu'il y a lieu de joindre les présentes affaires aux fins de l'arrêt, conformément à l'article 50 de son règlement de procédure.

76. Tous les recours tendent à l'annulation de la décision attaquée. Une seule partie requérante, Italcementi, demande également l'annulation de la décision du 23 septembre 1993 par laquelle la Commission a clôturé la partie internationale de la procédure à l'encontre de douze entreprises allemandes et de six entreprises espagnoles. Il convient d'examiner d'abord les conclusions d'Italcementi dirigées contre cette dernière décision.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 23 septembre 1993, en ce qu'elle emporte clôture de la partie internationale de la procédure à l'encontre de douze entreprises allemandes et de six entreprises espagnoles

77. Le 23 septembre 1993, la Commission a décidé d'abandonner les griefs relatifs à la partie internationale de la CG à l'encontre de douze entreprises allemandes et de six entreprises espagnoles. Elle a également décidé d'abandonner les griefs de la CG relatifs aux ententes nationales à l'encontre de tous les destinataires de la CG. Le 27 septembre 1993, elle les a tous informés de sa décision d'abandonner les griefs relatifs aux ententes nationales (voir ci-dessus points 14 et 15).

78. Italcementi (T-65-95) reproche à la Commission de ne pas lui avoir transmis la décision du 23 septembre 1993 de clore la procédure à l'encontre de douze entreprises allemandes et de six entreprises espagnoles. Elle aurait pris connaissance de cette décision en lisant la décision attaquée, la lettre de la Commission du 27 septembre 1993 (décision attaquée, paragraphe 4, point 2) n'en faisant nullement état. La décision attaquée ne contiendrait pas non plus de motivation justifiant ce choix. Italcementi soutient avoir ainsi été privée du droit de présenter ses observations et de former un recours à l'encontre de ladite décision. Or, celle-ci aurait constitué un acte préparatoire essentiel de la décision attaquée, en l'absence duquel cette dernière aurait été différente, tant sur la forme que sur le fond. La partie requérante estime que son recours est recevable, en tant que dirigé contre la décision du 23 septembre 1993. D'une part, elle aurait formé ce recours dans le délai prévu à l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE), lequel aurait commencé à courir à partir du moment où elle a pu prendre connaissance de cette décision. D'autre part, elle aurait un intérêt à agir contre ladite décision, qui contredirait le caractère collectif de la responsabilité imputée par la Commission à l'ensemble des cimentiers européens et violerait le principe de non-discrimination. Elle demande encore qu'il soit enjoint à la Commission de produire le texte de sa décision du 23 septembre 1993. Elle conclut que, s'il est fait droit aux conclusions en annulation de celle-ci, la décision attaquée doit également être annulée.

79. Il est exact que la lettre de la Commission du 27 septembre 1993 ne mentionne pas la décision du 23 septembre 1993 d'abandonner les griefs internationaux à l'encontre de douze entreprises allemandes et de six entreprises espagnoles, ainsi que la Commission l'a d'ailleurs reconnu lors de l'audience dans l'affaire T-65-95.

80. Il convient cependant de rappeler que, selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation au sens de l'article 173 du traité les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie qui introduit un recours, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (voir arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60-81, Rec. p. 2639, point 9, et arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 11 ci-dessus, point 28).

81. Or, en l'espèce, la décision de la Commission d'abandonner les griefs internationaux à l'égard de douze entreprises allemandes et de six entreprises espagnoles ne produit pas de tels effets à l'égard d'Italcementi.

82. Elle ne constitue donc pas pour celle-ci un acte attaquable au sens de l'article 173 du traité. Par suite, les conclusions en annulation dirigées contre elle sont irrecevables.

83. En tout état de cause, dans la mesure où les critiques d'Italcementi visent en réalité à dénoncer des irrégularités d'un acte préparatoire de la décision attaquée, irrégularités qui auraient affecté la légalité de cette dernière en raison d'une violation des droits de la défense de la partie requérante, ainsi que de violations de l'obligation de motivation et du principe de non-discrimination, lesdites critiques doivent être examinées dans le cadre des conclusions en annulation de la décision attaquée (voir ci-après points 461 à 471). En effet, selon une jurisprudence constante, les éventuelles irrégularités affectant un acte préparatoire, qui en tant que tel ne peut faire l'objet d'un recours en annulation, peuvent être invoquées à l'appui du recours dirigé contre l'acte définitif, à savoir, en l'espèce, la décision attaquée, la décision du 23 septembre 1993 constituant une étape dans l'élaboration de celle-ci (arrêt IBM/Commission, cité au point 80 ci-dessus, point 12; arrêts du Tribunal Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 11 ci-dessus, point 47, et du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T-39-92 et T-40-92, Rec. p. II-49, points 46 à 62).

84. Les conclusions examinées étant irrecevables, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'Italcementi visant à la communication de la décision du 23 septembre 1993.

Sur les conclusions en annulation de la décision attaquée

I Sur les moyens tirés de différentes violations de formes substantielles au cours de la procédure administrative

85. Toutes les parties requérantes, sauf Halkis, soulèvent des moyens tirés de violations de formes substantielles au cours de la procédure administrative. Ces moyens, au nombre total de 22, ne sont cependant pas invoqués par chacune d'elles. Lors de l'examen de chaque moyen, seront précisées les parties requérantes qui le soulèvent.

86. Le premier moyen est tiré d'une violation des droits de la défense, en ce que l'intégralité de la CG et des documents s'y rapportant n'a pas été accessible au cours de la procédure administrative. Une partie requérante soutient que la communication partielle des griefs viole aussi le principe d'égalité de traitement. Les deuxième, troisième et quatrième moyens sont tirés, respectivement, d'une violation des droits de la défense, d'une violation du principe d'égalité de traitement et d'une violation de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE), liées à l'abandon par la Commission des griefs nationaux et, à l'égard de certaines entreprises, des griefs internationaux (voir ci-dessus points 14 et 15). Le cinquième moyen est tiré de l'irrégularité procédurale que la Commission aurait commise en abandonnant certains griefs internationaux. Le sixième moyen est pris d'une violation des droits de la défense résultant du caractère imprécis et incomplet de la CG. Le septième moyen est pris d'une violation des droits de la défense et du règlement n° 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385, ci-après "règlement n° 1"), violation résultant du défaut de traduction de certains documents communiqués aux parties requérantes au cours de la procédure administrative. Le huitième moyen est tiré d'une violation des droits de la défense résultant de la traduction et de la citation incorrectes de certains documents. Le neuvième moyen est pris d'une violation des droits de la défense et de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 99-63, résultant du caractère prétendument inapproprié du délai de réponse à la CG. Le dixième moyen est pris d'une violation des droits de la défense, de l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et des articles 7, paragraphe 1, 8, paragraphe 1, et 9 du règlement n° 99-63, résultant de l'organisation défectueuse des auditions. Le onzième moyen est tiré d'une violation du principe de l' enquête d'office. Le douzième moyen est pris d'une violation des droits de la défense en ce que la durée de la procédure administrative aurait été excessive. Le treizième moyen est tiré d'une violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (ci-après "CEDH"). Le quatorzième moyen est pris d'une méconnaissance par la Commission du principe de la présomption d'innocence et le quinzième moyen est tiré d'une violation du droit des parties de ne pas témoigner contre elles-mêmes. Le seizième moyen est tiré d'une violation de l'article 10 du règlement n° 17 en ce que la Commission aurait commis des irrégularités dans la consultation du comité consultatif. Les dix-septième, dix-huitième, dix-neuvième et vingtième moyens sont tirés de violations, respectivement, des principes de subsidiarité, de bonne administration, de sécurité juridique et de confiance légitime au cours de la procédure administrative. Le vingt et unième moyen est tiré de ce que la Commission aurait violé le principe de collégialité en adoptant la décision attaquée. Enfin, le vingt-deuxième moyen est pris d'une authentification et d'une notification irrégulières de la décision attaquée.

Sur le premier moyen, tiré de violations des droits de la défense et du principe d'égalité de traitement en ce que l'intégralité de la CG et des documents s'y rapportant n'a pas été accessible au cours de la procédure administrative

87. Dans le cadre du premier moyen, il est d'abord reproché à la Commission de ne pas avoir assuré l'accès des parties requérantes à l'intégralité de la CG (B). Il lui est reproché ensuite d'avoir, en ne rendant pas accessibles certaines parties de la CG et de nombreuses pièces du dossier, empêché des parties requérantes de bénéficier d'éléments à décharge (C). Il lui est reproché encore d'avoir utilisé, dans la décision attaquée, des documents à charge non communiqués aux parties requérantes ou non visés dans la CG (D). Enfin, il lui est fait grief de ne pas avoir communiqué des documents qui, bien que ne faisant pas partie du dossier, auraient néanmoins pu être utiles à l'exercice des droits de la défense (E). Avant d'examiner les arguments correspondants, il convient d'énoncer quelques observations préliminaires (A).

A Observations liminaires

88. Il y a lieu de rappeler la façon dont les griefs ont été communiqués au cours de la procédure administrative et les conditions dans lesquelles les destinataires de la CG ont eu accès au dossier au cours de celle-ci.

89. Sur la base des documents et des informations recueillis par ses services au cours des vérifications effectuées auprès des producteurs de ciment européens et des associations professionnelles regroupant ces producteurs, entre avril 1989 et juillet 1990, et sur la base des réponses aux demandes de renseignements adressées en vertu de l'article 11 du règlement n° 17 ainsi qu'à une communication des griefs adressée en application de l'article 15, paragraphe 1, du même règlement (voir ci-dessus point 2), la Commission a conclu à l'existence probable d'un système d'accords ou de pratiques concertées, tant au niveau européen qu'au niveau de différents États membres, entre les producteurs européens de ciment.

90. Dans ce contexte, la Commission a décidé d'ouvrir des procédures en constatation d'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité à l'encontre d'un groupe de 76 entreprises et associations d'entreprises de l'industrie cimentière. Dans le cadre de ces procédures, elle a adressé, dans le courant du mois de novembre de l'année 1991, à l'ensemble de ces entreprises et associations d'entreprises, la CG prévue à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 99-63.

91. La première page de la CG mentionne trois numéros d'affaire: 27.997, 33.126 et 33.322. Les affaires 33.126 et 33.322 sont identifiées comme les affaires "Ciment". L'affaire 27.997 concerne les "Common Price and Marketing Arrangements" (ci-après "CPMA"). Il s'agit d'arrangements de prix et de conditions de vente adoptés dans le cadre de l'association britannique, la Cement Makers' Federation (ci-après "CMF"), et notifiés par cette dernière à la Commission en juin 1973.

92. La CG distingue deux ordres de griefs: des comportements au niveau international (ci-après "ententes internationales") et des comportements au niveau national (ci-après "ententes nationales"). Elle est subdivisée en deux grandes parties: une partie "les faits" (partie I) et une partie "appréciation juridique" (partie II). La partie "les faits" comporte neuf chapitres. Le chapitre 1 est consacré au marché du ciment. Le chapitre 2 concerne les ententes internationales. Les chapitres 3 à 9 se rapportent aux différentes ententes nationales: Italie (chapitre 3), Royaume-Uni (chapitre 4), France (chapitre 5), Allemagne (chapitre 6), Grèce (chapitre 7), Espagne (chapitre 8) et Portugal (chapitre 9). La partie "appréciation juridique" de la CG est subdivisée en trois titres (A, B et C). Le titre A, intitulé "Article 85, paragraphe 1, du traité CEE" comporte les chapitres 10 à 19 de la CG. Les chapitres 10 à 12 ont trait aux ententes internationales et les chapitres 13 à 19 portent sur les différentes ententes nationales: Italie (chapitre 13), Royaume-Uni (chapitre 14), France (chapitre 15), Allemagne (chapitre 16), Grèce (chapitre 17), Espagne (chapitre 18) et Portugal (chapitre 19). Le titre B concerne l'inapplicabilité de l'article 85, paragraphe 3, du traité et le titre C l'applicabilité de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

93. Les CPMA (dossier 27.997), relevant des griefs nationaux, sont traités dans les chapitres relatifs au Royaume-Uni (chapitres 4 et 14).

94. Les chapitres relatifs aux ententes internationales (chapitres 2, 10, 11 et 12) ainsi que l'index complet de la CG ont été communiqués à chacune des parties requérantes. Les chapitres relatifs aux ententes nationales (chapitres 3 à 9 et 13 à 19) n'ont été envoyés qu'aux entreprises et associations d'entreprises établies sur le territoire de l'État membre en question. Ainsi, les destinataires de la CG qui étaient établis sur le territoire d'un État membre sur lequel il existait, selon la CG, une entente nationale entre les producteurs de ciment de ce pays ont reçu communication des chapitres de la CG relatifs aux ententes internationales et des chapitres de la CG concernant cette entente nationale, à l'exclusion des chapitres concernant les autres ententes nationales. Un destinataire de la CG qui était établi dans un État membre qui ne faisait pas l'objet d'un traitement spécifique dans la CG, a reçu communication des seuls chapitres de la CG relatifs aux ententes internationales.

95. La Commission n'a pas annexé à la CG les documents sur lesquels elle se fondait dans ses conclusions ni les autres documents qu'elle considérait comme pertinents. Étant donné le nombre élevé des documents en question, elle a préparé une boîte de documents qui était mise à la disposition de chaque destinataire de la CG au moment de la consultation du dossier à la fin de 1991 (ci-après "boîte"). A ce même moment, au plus tard, les destinataires de la CG ont reçu la liste (voir ci-dessus point 5). Rugby (T-53-95) fait toutefois valoir qu'elle n'a reçu communication de la liste (voir ci-dessus point 5) que par lettre de la Commission du 4 juin 1992.

96. La liste (voir ci-dessus point 5), qui se référait aux trois numéros d'affaire (27.997, 33.126 et 33.322), comportait les mentions suivantes: une numérotation continue des documents (de 1 à 3147 pour le dossier 33.322, de 1 à 20845 pour le dossier 33.126, et de 1 à 40 pour le dossier 27.997), un code d'identification des documents (de 1 à 12), un code d'accessibilité des documents ["A" (accessible), "PA" (partiellement accessible) et "NA" (non accessible)], la mention des parties vis-à-vis desquelles les documents en question étaient accessibles et non accessibles, et l'indication du classeur dans lequel les documents en question étaient répertoriés.

97. Il ressort de la liste (voir ci-dessus point 5) que les dossiers dans les affaires "Ciment" (33.126 et 33.322) comportaient les documents suivants: griefs et documents cités à l'appui de ceux-ci (code d'identification "1"), demandes de renseignements en vertu de l'article 11 du règlement n° 17 et réponses à celles-ci (codes d'identification "4.1" et "4.2"), correspondance menée avec certaines entreprises hors article 11 du règlement n° 17 (code d'identification "5.1"), rapports de vérification et documents annexés à de tels rapports (code d'identification "6.1"), documents publiés (code d'identification "9") et des documents internes de la Commission (code d'identification "10"). Le dossier dans l'affaire CPMA (IV/27.997) comportait une notification (code d'identification "2"), des documents internes de la Commission (code d'identification "10") et l'avis du comité consultatif (code d'identification "11").

98. L'ensemble des pièces figurant sur la liste (voir ci-dessus point 5) sera dénommé "dossier d'instruction".

99. En ce qui concerne l'accès au dossier d'instruction au cours de la procédure administrative, chaque entreprise ou association d'entreprises a eu accès aux pièces que la Commission avait recueillies auprès de ladite entreprise ou association d'entreprises, ainsi qu'aux pièces relatives aux chapitres de la CG qui lui avaient été communiqués. Comme toutes les parties requérantes dans les présentes affaires ont reçu communication des chapitres relatifs aux ententes internationales (CG, chapitres 2 et 10 à 12), elles ont toutes eu accès aux pièces, classifiées comme accessibles sur la liste (voir ci-dessus point 5), se rapportant à ces chapitres de la CG.

2.3.2. Mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996

100. La boîte (voir ci-dessus point 95) ne comportait pas tous les documents, se rapportant aux ententes internationales, qui avaient été classifiés sur la liste (voir ci-dessus point 5) comme accessibles à tous les destinataires ("A" ou "A: tous" ou "A: producteurs européens"). Elle comportait, selon la Commission, les documents les plus importants concernant les ententes internationales.

101. Pour ce qui concerne l'accès aux pièces relatives aux ententes nationales au cours de la procédure administrative, la Commission a constitué un dossier national pour chaque pays concerné par les chapitres nationaux de la CG, à savoir l'Italie, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, la Grèce, l'Espagne et le Portugal. Les parties requérantes n'ont eu accès qu'au dossier national de l'État membre sur le territoire duquel elles étaient établies.

102. Toute demande visant à obtenir un accès supplémentaire aux chapitres nationaux de la CG et/ou au dossier d'instruction s'est heurtée, au cours de la procédure administrative, à un refus de la part de la Commission. Cette attitude de la Commission a donné lieu à l'introduction de différents recours devant le Tribunal en février 1992 (voir ci-dessus points 6 et 7).

103. Par décision du 23 septembre 1993, la Commission a décidé d'abandonner les griefs relatifs aux ententes nationales et de clore la procédure relative à ces chapitres de la CG. Cette disjonction des griefs a eu pour effet que l'affaire CPMA (27.997) a été close, dès lors que le grief relatif aux CPMA était un grief national visé aux chapitres de la CG relatifs au Royaume-Uni (chapitres 4 et 14). Pour cette raison, la décision attaquée concerne uniquement l'affaire "33.126 et 33.322 Ciment".

B Sur la notification partielle de la CG

104. Les 30 parties requérantes suivantes reprochent à la Commission de ne pas leur avoir notifié l'intégralité de la CG: CBR (T-25-95), Cembureau (T-26-95), la FIC (T-30-95), ENCI (T-31-95), la VNC (T-32-95), Ciments luxembourgeois (T-34-95), Dyckerhoff (T-35-95), Ciments français (T-39-95), Heidelberger (T-42-95), Lafarge (T-43-95), Aalborg (T-44-95), Alsen-Breitenburg (T-45-95), Nordcement (T-46-95), le BDZ (T-48-95), Buzzi (T-51-95), Valenciana (T-52-95), Asland (T-55-95), Castle (T-56-95), Heracles (T-57-95), Uniland (T-58-95), Oficemen (T-59-95), Irish Cement (T-60-95), Cimpor (T-61-95), Secil (T-62-95), l'ATIC (T-63-95), Italcementi (T-65-95), Aker (T-70-95), Euroc (T-71-95), Blue Circle (T-88-95) et l'AGCI (T-103-95). Elles estiment en premier lieu que la CG, se présentant comme un document unique, aurait dû leur être adressée dans son intégralité. En second lieu, elles soutiennent que la CG elle-même fait état d'un lien indissociable entre ententes nationales et ententes internationales, de sorte que les destinataires de la CG auraient dû recevoir communication de tous les chapitres nationaux de celle-ci. Enfin, Cembureau estime que le défaut de communication de l'intégralité de la CG viole le principe d'égalité de traitement.

1. Sur l'unicité de la CG et le droit des parties requérantes à un accès à l'intégralité de celle-ci

105. Les parties requérantes concernées soutiennent que, conformément à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 99-63 et à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17, elles auraient dû recevoir, au cours de la procédure administrative, tous les chapitres de la CG relatifs aux ententes nationales. En effet, lorsque la Commission émet une seule et unique CG, tous les destinataires de celle-ci devraient pouvoir prendre connaissance de la totalité des griefs.

106. Il y a lieu de constater que les dispositions auxquelles se réfèrent les requérantes et qui prévoient l'obligation de la Commission de communiquer par écrit aux entreprises et associations d'entreprises les griefs retenus contre elles consacrent le principe fondamental du droit communautaire selon lequel les droits de la défense doivent être respectés dans toute procédure susceptible d'aboutir à des sanctions. Le respect effectif de ce principe général exige que les entreprises et les associations d'entreprises concernées aient été mises en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85-76, Rec. p. 461, point 11; arrêts du Tribunal Cimenteries CBR e.a./ Commission, cité au point 11 ci-dessus, point 39, du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30-91, Rec. p. II-1775, ci-après "arrêt Solvay/Commission, T-30-91", point 59, et ICI/Commission, T-36-91, Rec. p. II-1847, ci-après "arrêt ICI/Commission, T-36-91", point 69). Ainsi, la CG doit fournir tous les éléments nécessaires aux entreprises et associations d'entreprises concernées pour qu'elles puissent faire valoir utilement leur défense avant que la Commission adopte une décision définitive (voir, notamment, arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C-89-85, C-104-85, C-114-85, C-116-85, C-117-85 et C-125-85 à C-129-85, Rec. p. I-1307, point 42, ci-après "arrêt Pâtes de bois II"; arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T-352-94, Rec. p. II-1989, point 63).

107. En l'espèce, la Commission n'a pas repris dans la décision attaquée les griefs de la CG relatifs aux ententes nationales. En effet, elle avait pris la décision, dès le 23 septembre 1993, d'abandonner les griefs relatifs à ces ententes et de clore la procédure relative aux chapitres correspondants de la CG (voir ci-dessus point 14).

108. Dans ces circonstances, les parties requérantes ne sauraient tirer argument de l'unicité de la CG pour démontrer que la non-communication des chapitres relatifs aux ententes nationales autres que celui de l'État membre sur le territoire duquel le destinataire concerné de la CG était établi a violé leurs droits de la défense. Une violation des droits de la défense au cours de la procédure administrative s'apprécie, en effet, à la lumière des griefs retenus par la Commission dans la CG et dans la décision attaquée (voir, en ce sens, les arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, point 60, et ICI/Commission, T-36-91, point 70).

109. L'argument selon lequel la Commission était tenue de communiquer aux destinataires de la CG la totalité des griefs en raison de l'unicité de la CG doit donc être rejeté.

2. Sur l'existence d'un lien indissociable entre les ententes nationales et internationales et le droit des parties requérantes à un accès à l'intégralité de la CG

110. Les parties requérantes identifiées ci-dessus au point 104 soutiennent que le défaut de notification des chapitres relatifs aux ententes nationales de la CG autres que celui de l'État membre sur le territoire duquel le destinataire concerné de la CG était établi constitue une violation de leurs droits de la défense, dans la mesure où la Commission aurait déduit l'existence des ententes internationales l'accord Cembureau et ses mesures de mise en œuvre d'éléments qui figuraient dans les chapitres de la CG relatifs aux ententes nationales. Dans l'optique de la CG, l'existence et le fonctionnement des ententes internationales auraient dépendu, en outre, de l'existence d'ententes nationales mettant en œuvre cet accord. Les ententes nationales et internationales auraient même constitué un accord unique. Le lien indissociable entre les ententes nationales et internationales ressortirait du texte de la CG. Ainsi, le paragraphe 93, sous b), de celle-ci aurait souligné qu'"il [était] impossible de séparer les ententes nationales des ententes européennes, les unes et les autres formant un ensemble indissociable". En outre, les paragraphes 58 et 59 de la CG (voir ci-après point 119) mettraient en exergue le lien indissociable entre les différentes infractions. La décision de la Commission du 23 septembre 1993 d'abandonner les griefs relatifs aux ententes nationales et de clore la procédure relative à ces chapitres de la CG n'aurait pas remédié à la violation des droits de la défense, dès lors qu'il existerait un lien indéniable entre les griefs relatifs aux ententes nationales et les griefs relatifs aux ententes internationales.

111. Il y a lieu de relever que les chapitres de la CG relatifs aux ententes nationales ont été présentés comme des chapitres distincts (chapitres 3 à 9 et 13 à 19), ce qui a permis à la Commission de notifier des "CG partielles" aux différents destinataires de la CG.

112. Malgré cette présentation, les chapitres relatifs aux ententes nationales contiennent tous des éléments concernant les ententes internationales. Ainsi, le chapitre français de la partie "les faits" de la CG [chapitre 5, paragraphe 44, sous f)] relève que les exportations de ciment en provenance de Grèce ont été discutées au sein du bureau du Syndicat national des fabricants de ciment et de chaux (ci-après "SNFCC") et que les "dates des réunions du bureau [...] sont à mettre en rapport avec les dates des activités de [la] 'Cembureau Task Force or European Task Force mentionnées à la section 2 [du chapitre 2 de la CG relatif aux ententes internationales]". De même, le chapitre relatif au Royaume-Uni de la partie "les faits" de la CG contient un paragraphe sur "les décisions adoptées par la CMF et les CPMA contre les importations de ciment grec" (CG, chapitre 4, paragraphe 39). Le chapitre relatif au Royaume-Uni de la partie "appréciation juridique" de la CG dispose: "Toutes les mesures adoptées par les producteurs britanniques dans le cadre de la CMF et des CPMA, telles que décrites aux paragraphes 20 et 39 et examinées au paragraphe 61, sous h), constituaient des accords et/ou pratiques concertées qui restreignent la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1" (CG, chapitre 14, paragraphe 75). Il convient de préciser que les paragraphes 20 et 61, sous h), de la CG auxquels se réfère cet extrait sont des paragraphes des chapitres 2 et 10 de la CG relatifs aux ententes internationales et sont intitulés respectivement "'The carrot actions' adoptées par Cembureau Task Force: 'Absorption of destabilizer's tonnage" et "'Cembureau Task Force or European Task Force".

113. Le chapitre de la partie "les faits" de la CG relatif à l'Allemagne contient une partie sur les échanges d'informations entre le SFIC et le BDZ [chapitre 6, paragraphe 49, sous a), iii)] ainsi qu'une partie sur l'entente franco-allemande [chapitre 6, paragraphe 49, sous b), iv)]. Ces points sont repris au chapitre de la partie "appréciation juridique" de la CG relatif à l'Allemagne (chapitre 16, paragraphe 84). Les chapitres de la CG consacrés à l'Italie discutent en détail l'accord conclu entre les producteurs italiens et Calcestruzzi en vue de protéger l'industrie italienne contre les importations de ciment en provenance de Grèce [CG, chapitre 3, paragraphe 35; chapitre 13, paragraphe 70, sous b)]. Le chapitre de la partie "les faits" de la CG relatif à la Grèce traite du problème des exportations au départ de celle-ci (CG, chapitre 7, paragraphe 53). Enfin, les chapitres consacrés à l'Espagne et au Portugal contiennent une partie consacrée à l'entente ibérique [CG, chapitre 8, paragraphe 55, sous c); chapitre 9, paragraphe 56, sous b); chapitre 18, paragraphe 87; chapitre 19, paragraphe 90].

114. Les références aux ententes internationales et les explications qui ont été fournies concernant ces ententes dans les chapitres relatifs aux ententes nationales de la CG n'impliquent toutefois pas que la Commission était tenue de communiquer les chapitres nationaux aux parties requérantes avant d'adopter la décision attaquée, laquelle constate des infractions uniquement en ce qui concerne les ententes internationales. En effet, l'examen des chapitres relatifs aux ententes nationales auxquels les parties requérantes n'ont pas eu accès n'était pas nécessaire pour la préparation de la défense des parties requérantes contre les griefs internationaux, dès lors que les chapitres relatifs aux ententes nationales ne contenaient aucun élément à charge, se rapportant aux ententes internationales, qui ne fût pas aussi mentionné dans les chapitres internationaux de la CG. Il sera vérifié ultérieurement si les chapitres nationaux de la CG contenaient d'éventuels éléments à décharge pour les parties requérantes concernées.

115. En outre, les parties requérantes ne sauraient prétendre que, dans la CG, la Commission a fondé sur les ententes nationales l'existence de l'accord Cembureau et de ses mesures de mise en œuvre. Au contraire, l'accord Cembureau et ses mesures de mise en œuvre au niveau international ont été considérés dans la CG comme des infractions distinctes sur la base des documents visés dans les chapitres internationaux de la CG (chapitres 2 et 10 à 12). Il convient de souligner à cet égard que les chapitres de la CG relatifs aux ententes internationales (chapitres 2 et 10 à 12) ne contiennent aucune référence aux ententes nationales.

116.

Toutefois, il ressort des chapitres nationaux, et en particulier du chapitre consacré à l'Allemagne, que, pour leur bon fonctionnement, les ententes nationales dépendaient de l'existence d'une entente au niveau international.

117. Ainsi, dans le chapitre de la partie "appréciation juridique" relatif à l'Allemagne, la Commission a expliqué (CG, chapitre 16, paragraphe 84): "Les producteurs de ciment allemands étaient particulièrement intéressés à éviter des exportations vers d'autres pays de la Communauté dont les producteurs étaient membres de Cembureau, puisque ces exportations auraient été contraires au 'principe' Cembureau qui a fait l'objet d'une discussion dans la première partie de la présente communication des griefs. Il conviendrait de noter qu'un accord [allemand] de répartition des marchés de cette importance n'aurait jamais pu être mis en œuvre avec une telle rigidité et une telle stabilité au cours des 30 dernières années, si ledit 'principe' n'avait pas permis d'isoler le marché allemand des importations de ciment. Le 'principe' en cause, en éliminant ou en limitant les flux transfrontières, était la condition nécessaire au maintien des accords et pratiques restrictifs dans les États membres dont les producteurs étaient membres de Cembureau. L'échange d'informations sensibles entre les organisations françaises et allemandes et la coordination des exportations vers les pays du Benelux représentent quelques-uns des facteurs qui ont aidé les leaders allemands dans le domaine du ciment à maintenir un contrôle strict sur leur marché durant toutes ces années et affecté en même temps le commerce du ciment entre les États [...] Il en résulte que les accords [allemands] concernant l'échange d'informations relatives au marché ainsi que le partage des marchés locaux et des clients ont des effets sensibles sur les échanges interétatiques à la fois par eux-mêmes et comme conséquence ou complément sur une base locale ou régionale du 'principe Cembureau de respect des marchés domestiques européens', en consolidant des compartimentations de caractère national qui font obstacle à l'interpénétration économique visée par le traité".

118. Indépendamment de la question de savoir si le lien indissociable entre les ententes nationales et les ententes internationales, dont fait état le paragraphe 93, sous b), de la CG, ne concerne, comme le prétend la Commission, que la détermination du niveau de l'amende, il convient de constater que ce lien n'existe, en tout état de cause, que dans un seul sens. En effet, les ententes nationales présentent, en tant que "conséquence ou complément sur une base locale ou régionale" de l'accord Cembureau, un lien indissociable avec cet accord, tandis que l'accord Cembureau et ses mesures de mise en œuvre au niveau international ne dépendent en rien de l'existence des ententes nationales.

119. Enfin, les parties requérantes ne sauraient tirer argument des paragraphes 58 et 59 de la CG. Le paragraphe 58, qui introduit l'appréciation juridique de la CG, précise que "les accords et les pratiques concertées ci-dessous décrites tombent sous l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, et les entreprises en cause sont des entreprises au sens dudit article, puisqu'elles exercent des activités économiques dans les secteurs de la production et de la commercialisation du ciment". Certes, ce paragraphe est censé concerner tous les griefs visés dans la CG, tant au niveau national qu'au niveau international. Cependant, son contenu n'est pas de nature à démontrer un quelconque lien entre tous ces griefs. Il concerne simplement l'application de l'article 85 du traité à tous ces griefs et la définition de la notion d'entreprise au sens de cette disposition. Le paragraphe 59 de la CG, qui est le premier paragraphe de l'appréciation juridique concernant les ententes internationales décrites au chapitre 2, sections 1 et 2 (c'est-à-dire l'accord Cembureau et l'ETF), expose: "Dans le cadre de Cembureau et à travers cette association, les producteurs européens de ciment ont convenu des plans, des dispositifs et des mesures, arrêtés dans la structure institutionnelle de Cembureau et dans le cadre d'un système de réunions et de contacts permanents bilatéraux et multilatéraux promus par les institutions de Cembureau visant au respect des marchés nationaux respectifs, à la répartition des marchés conformément à des quotas ou à des volumes cibles ou à des mesures temporaires visant à régulariser et à contrôler les volumes des ventes, à l'échange d'informations sur les prix et les exportations et importations pour leur permettre de mieux coordonner leur action. La Commission estime que l'ensemble des arrangements arrêtés dans le cadre de Cembureau et des réunions et contacts bilatéraux et multilatéraux a constitué un 'accord unique et continu, à partir des dates ci-dessous indiquées, au sens de l'article 85, paragraphe 1." Force est de constater que ce paragraphe 59 ne fait nullement référence aux griefs repris dans les chapitres nationaux de la CG. En effet, l'"accord unique" visé dans celle-ci ne concerne que les ententes internationales. La circonstance que les ententes internationales ont été qualifiées d'"accord unique" n'illustre donc pas le prétendu caractère indissociable des ententes internationales et nationales.

120. Il s'ensuit que, dans la CG, l'existence de l'accord Cembureau et de ses mesures de mise en œuvre ne repose nullement sur l'existence des ententes nationales. Le lien indissociable entre ententes internationales et nationales tel qu'allégué par certaines parties requérantes (voir ci-dessus point 110) n'a donc pas été établi.

121. L'argument des parties requérantes concernées selon lequel un tel lien aurait nécessité une prise de connaissance des chapitres nationaux de la CG pour la préparation de leur défense à l'égard des griefs relatifs aux ententes internationales doit donc également être rejeté.

3. Sur la prétendue violation du principe d'égalité de traitement

122. Cembureau (T-26-95) estime que le principe d'égalité de traitement de toutes les parties mises en cause par la CG a été violé, faute de communication de l'intégralité de celle-ci à l'ensemble des parties concernées.

123. Cet argument doit être rejeté. Le principe d'égalité de traitement s'oppose à l'application de règles différentes à des situations comparables ou bien à l'application de la même règle à des situations différentes (arrêts de la Cour du 14 février 1995, Schumacker, C-279-93, Rec. p. I-225, point 30, et du 27 juin 1996, Asscher, C-107-94, Rec. p. I-3089, point 40). Or, en l'espèce, tous les destinataires de la CG ne se trouvaient pas dans la même situation: si certains, comme Cembureau, n'étaient visés que par les griefs internationaux, d'autres étaient aussi supposés avoir participé à une entente nationale dans l'État membre où ils étaient établis. La Commission était donc fondée à adresser à cette dernière catégorie de destinataires, en plus des chapitres internationaux de la CG, les chapitres nationaux se rapportant à l'État membre sur le territoire duquel ils étaient établis.

C Sur l'inaccessibilité de certaines parties de la CG et de certains documents du dossier d'instruction susceptibles de contenir des éléments à décharge

124. Les 39 parties requérantes suivantes reprochent à la Commission de ne pas leur avoir donné accès à des parties de la CG et à des documents du dossier d'instruction qui auraient pu contenir des éléments à décharge: CBR (T-25-95), Cembureau (T-26-95), la FIC (T-30-95), ENCI (T-31-95), la VNC (T-32-95), Ciments luxembourgeois (T-34-95), Dyckerhoff (T-35-95), le SFIC (T-36-95), Vicat (T-37-95), Cedest (T-38-95), Ciments français (T-39-95), Heidelberger (T-42-95), Lafarge (T-43-95), Aalborg (T-44-95), Alsen-Breitenburg (T-45-95), Nordcement (T-46-95), le BDZ (T-48-95), Unicem (T-50-95), Buzzi (T-51-95), Valenciana (T-52-95), Rugby (T-53-95), Asland (T-55-95), Castle (T-56-95), Heracles (T-57-95), Uniland (T-58-95), Oficemen (T-59-95), Irish Cement (T-60-95), Cimpor (T-61-95), Secil (T-62-95), l'ATIC (T-63-95), Titan (T-64-95), Italcementi (T-65-95), Holderbank (T-68-95), Hornos Ibéricos (T-69-95), Aker (T-70-95), Euroc (T-71-95), Cementir (T-87-95), Blue Circle (T-88-95) et l'AGCI (T-103-95).

125. Elles prétendent que, en ne leur donnant pas accès à ces éléments, la Commission a violé leurs droits de la défense.

126. Il convient de rappeler que les parties requérantes, sous réserve de la question de savoir si elles ont été privées d'un accès à un élément à décharge contenu dans un chapitre de la CG, n'ont pas établi que la Commission ait violé leurs droits de la défense en ne leur communiquant pas, au cours de la procédure administrative, les chapitres de la CG relatifs aux États membres autres que celui sur le territoire duquel le destinataire concerné de la CG était établi (voir ci-dessus points 104 à 123). Dans ces conditions, il conviendra d'abord de vérifier si l'accès au dossier d'instruction a été assuré dans des conditions régulières au cours de la procédure administrative (1). Seront ensuite rappelées les mesures d'organisation de la procédure prises par le Tribunal en relation avec l'argumentation examinée (2). Sera alors exposé le cadre analytique d'appréciation d'un argument tiré de l'inaccessibilité d'un prétendu élément à décharge au cours de la procédure administrative (3). Cette analyse couvrira aussi bien les documents du dossier d'instruction qui n'ont pas été accessibles que les parties non notifiées de la CG. Les parties requérantes concernées estiment en effet que tant les documents du dossier d'instruction que les parties de la CG qui sont restés occultés au cours de la procédure administrative auraient pu contenir des éléments à leur décharge. Après avoir été dégagés, les principes d'analyse seront appliqués au cas d'espèce (4). Enfin, seront examinés les arguments généraux relatifs à une violation des droits de la défense au cours de la procédure administrative, arguments qui ont été invoqués dans les mémoires déposés à la suite des mesures d'organisation de la procédure (5).

1. Sur l'organisation de l'accès au dossier au cours de la procédure administrative

127. Certaines parties requérantes soulèvent des critiques concernant la composition et la consultation du dossier auquel elles ont eu accès au cours de la procédure administrative. L'organisation de l'accès au dossier d'instruction aurait connu des irrégularités même en ce qui concerne les documents accessibles (1.1). Les 39 parties requérantes visées ci-dessus au point 124 soutiennent par ailleurs que l'organisation de l'accès au dossier au cours de la procédure administrative a connu des irrégularités du fait qu'elles n'ont pas eu accès à certains documents (1.2).

1.1. Sur les irrégularités alléguées dans l'organisation de l'accès au dossier au cours de la procédure administrative en ce qui concerne les documents accessibles

128. ENCI, la VNC, Dyckerhoff, Uniland, Oficemen, Cimpor, Holderbank, Aker et Euroc font valoir que, même en ce qui concerne les documents auxquels elles pouvaient avoir accès, l'organisation de cet accès a connu des irrégularités. Les différents vices relevés démontreraient que leurs droits de la défense ont été violés au cours de la procédure administrative et, partant, que la décision attaquée doit être annulée.

129. ENCI et la VNC reprochent d'abord à la Commission de ne pas avoir intégré dans le dossier d'instruction les pièces recueillies auprès d'elles durant la procédure administrative, alors qu'il se serait agi de pièces à décharge.

130. Cependant, force est de constater qu'ENCI et la VNC n'établissent pas la réalité de leurs allégations. En outre, à supposer celles-ci exactes, leurs droits de la défense n'auraient en rien été violés, puisque, en tout état de cause, elles auraient pu se prévaloir au cours de la procédure administrative de pièces à décharge recueillies auprès d'elles par la Commission. Leur argument doit dès lors être rejeté.

131. Holderbank prétend qu'elle n'a pas eu un accès suffisant au dossier en raison de l'illisibilité de la pagination de certaines copies des documents qu'elle a pu consulter. Comme les documents cités dans la CG étaient identifiés par leur seule pagination dans le dossier de la Commission, cette partie requérante aurait été dans l'impossibilité de déterminer les éléments de preuve utilisés par la Commission à l'appui de ces griefs et, partant, de préparer utilement sa défense.

132. Il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas la lisibilité du contenu des éléments de preuve auxquels elle a eu accès, mais uniquement la lisibilité de leur pagination. Or, dans les parties de la CG relatives à l'accord Cembureau et à l'ETF, qui sont les seules parties se rapportant à des griefs retenus à l'encontre de Holderbank dans la décision attaquée (articles 1er et 4), les différents éléments de preuve ont été identifiés non pas par une référence à une quelconque pagination, mais par la mention de leur nature (compte rendu d'une réunion, note interne, lettre, télex, etc.), leur date et/ou leur origine. En outre, il n'est pas contesté que les documents se trouvant dans la boîte (voir ci-dessus point 95) suivaient l'ordre de la CG. Une éventuelle illisibilité de la pagination de certaines copies de documents n'a donc pas pu empêcher cette partie requérante de mettre ces pièces en rapport avec le passage de la CG où elles étaient mentionnées. En conséquence, l'argument de Holderbank doit être rejeté.

133. Uniland et Oficemen soutiennent que, dans la CG, les documents n'ont pas été identifiés par la numérotation qui leur avait été attribuée dans le dossier d'instruction. La mise en rapport des documents figurant dans la boîte (voir ci-dessus point 95) avec les passages pertinents de la CG aurait ainsi été extrêmement difficile. Cette dernière critique est également formulée par Holderbank, Hornos Ibéricos, Aker et Euroc.

134. Il n'est pas contesté que les documents se trouvant dans la boîte (voir ci-dessus point 95) suivaient l'ordre de la CG. En outre, dans celle-ci, les documents ont été identifiés par leur nature, leur date et/ou leur origine. Dans ces circonstances, la mise en rapport des documents figurant dans la boîte (voir ci-dessus point 95) avec les passages pertinents de la CG n'a pas pu poser de problèmes spécifiques. L'argument doit donc être rejeté.

135. ENCI, la VNC et Uniland font encore observer que certains documents contenus dans la boîte (voir ci-dessus point 95) étaient illisibles. Dyckerhoff se plaint aussi du manque de lisibilité de certains des documents. Elle souligne à cet égard que, alors qu'elle avait demandé à la Commission, par lettres des 24 et 31 janvier 1992, de lui adresser une copie lisible des pièces en cause, les nouvelles copies envoyées par la Commission le 11 février 1992 étaient tout aussi illisibles que les premières.

136. Il doit toutefois être observé que rien n'empêchait ENCI, la VNC et Uniland de demander à la Commission qu'elle leur adressât une nouvelle copie des pièces qu'elles avaient du mal à lire. N'ayant pas saisi cette occasion au cours de la procédure administrative, elles ne sauraient à présent se prévaloir d'une violation de leurs droits de la défense. En ce qui concerne la prétendue illisibilité des documents auxquels Dyckerhoff a eu accès au cours de la procédure administrative, il doit être constaté que, ainsi que cette partie requérante le reconnaît, la Commission lui a adressé, par lettre du 11 février 1992, une nouvelle copie des pièces dont elle avait déploré l'illisibilité dans ses courriers des 24 et 31 janvier 1992. Si ces nouvelles copies se sont, à leur tour, avérées illisibles, c'est en raison de la mauvaise qualité des originaux, dont la Commission ne saurait être tenue pour responsable. En tout état de cause, l'éventuelle illisibilité des originaux n'impliquait aucune violation des droits de la défense des parties requérantes, puisqu'elle s'imposait tant aux parties requérantes qu'à la Commission. Cette dernière n'a donc pas eu des documents illisibles ou difficilement lisibles une connaissance différente de celle que les parties requérantes ont pu acquérir en les consultant. Les arguments d'ENCI, de la VNC, de Dyckerhoff et d'Uniland doivent donc être rejetés.

137. Enfin, Cimpor prétend que la liste (voir ci-dessus point 5) comporte des erreurs. A titre d'exemple, elle affirme que la note sur la réunion du 23 janvier 1987 entre les producteurs portugais et l'association espagnole (décision attaquée, paragraphe 21, point 4; documents n° 33.322/1406 à 1408) ne lui a été accessible qu'en partie, bien qu'elle figurât sur la liste (voir ci-dessus point 5) parmi les documents intégralement accessibles.

138. Il convient de relever que les documents n° 33.322/1406 à 1408 figurent effectivement, sur la liste (voir ci-dessus point 5), parmi des documents déclarés accessibles à Cimpor. Cependant, celle-ci n'établit pas qu'elle n'a eu qu'un accès partiel auxdits documents. Son argument manque donc en fait et doit, par conséquent, être rejeté. A titre surabondant, il sera souligné que Cimpor, qui s'est vu offrir l'accès aux originaux de ces documents à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, et qui aurait pu saisir cette occasion pour expliquer dans quelle mesure elle avait eu un accès partiel aux documents en question et dans quelles conditions ses droits de la défense auraient été violés, ne s'est plus prévalue de cet argument.

139. Il ressort de tout ce qui précède que les parties requérantes n'ont pas établi que l'organisation de l'accès au dossier a connu des irrégularités en ce qui concerne les documents accessibles au cours de la procédure administrative.

1.2. Sur les irrégularités dans l'organisation de l'accès au dossier au cours de la procédure administrative, tirées de ce que les parties requérantes n'auraient pas eu accès à certains documents

140. Les 39 parties requérantes identifiées ci-dessus au point 124 reprochent à la Commission de ne pas leur avoir donné accès à certains documents. Se référant à l'arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission (T-7-89, Rec. p. II-1711, point 54), elles relèvent qu'elles n'ont pas eu accès, au cours de la procédure administrative, à tous les documents du dossier d'instruction autres que les notes internes de la Commission et les documents contenant des secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles. En outre, en violation des principes dégagés dans les arrêts "Carbonate de soude", et notammment dans les arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91 (points 93 et 94) et ICI/Commission, T-36-91 (points 103 et 104), la Commission ne leur aurait pas communiqué des versions non confidentielles des documents qui, selon elle, auraient contenu des secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles, ni préparé une liste permettant aux entreprises et associations d'entreprises concernées d'évaluer l'opportunité de demander accès à des documents spécifiques. Les documents restés inaccessibles ayant pu contenir des éléments à décharge, ces vices devraient conduire à la constatation d'une violation des droits de la défense et à l'annulation de la décision attaquée. CBR, la FIC, ENCI, la VNC, Dyckerhoff, le SFIC, Heidelberger, Asland, Secil, l'ATIC et Hornos Ibéricos se réfèrent aussi au principe général d'égalité des armes (arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, point 83, et ICI/Commission, T-36-91, point 93).

141. En l'espèce, il est constant que chacune des parties requérantes n'a pas eu accès, au cours de la procédure administrative, à la grande majorité des documents du dossier d'instruction. Environ trois quarts de la totalité des documents répertoriés sur la liste (voir ci-dessus point 5) leur sont restés inaccessibles.

142. L'accès au dossier dans les affaires de concurrence a pour objet de permettre aux destinataires d'une CG de prendre connaissance des éléments de preuve détenus par la Commission, afin qu'ils puissent se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue, dans la CG, sur la base de ces éléments (voir, en dernier lieu, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission, C-51-92 P, non encore publié au Recueil, point 75). L'accès au dossier relève ainsi des garanties procédurales visant à protéger les droits de la défense et à assurer, en particulier, l'exercice effectif du droit d'être entendu, prévu aux articles 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17, et 2 du règlement n° 99-63. Le respect de ces droits dans toute procédure susceptible d'aboutir à des sanctions constitue un principe fondamental du droit communautaire, qui doit être observé en toutes circonstances, même s'il s'agit d'une procédure de caractère administratif (arrêts du Tribunal Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 11 ci-dessus, points 38 et 39, du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, T-65-89, Rec. p. II-389, point 30, Solvay/Commission, T-30-91, cité au point 106 ci-dessus, point 59, ICI/Commission, T-36-91, cité au point 106 ci-dessus, point 69, et du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-37-91, Rec. p. II-1901, ci-après "arrêt ICI/Commission, T-37-91", point 49).

143. Dans le cadre de la procédure contradictoire organisée par le règlement n° 17, il ne saurait appartenir à la seule Commission de décider quels sont les documents utiles à la défense des parties impliquées dans une procédure d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité (arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, point 81, et ICI/Commission, T-36-91, point 91). Eu égard au principe général d'égalité des armes, il ne saurait être admis que la Commission puisse décider seule d'utiliser ou non des documents contre les parties requérantes, alors que celles-ci n'y ont pas eu accès et n'ont donc pas pu prendre la décision correspondante de les utiliser ou non pour leur défense (arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, point 83, et ICI/Commission, T-36-91, point 93).

144. Il s'ensuit que la Commission, afin de permettre aux entreprises et associations d'entreprises en cause de se défendre utilement contre les griefs formulés contre elles dans la CG, est tenue de leur rendre accessible l'intégralité du dossier d'instruction, à l'exception des documents contenant des secrets d'affaires d'autres entreprises ou d'autres informations confidentielles et des documents internes de la Commission (arrêt du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, cité au point 140 ci-dessus, point 54; arrêt BPB Industries et British Gypsum/Commission, cité au point 142 ci-dessus, point 29; conclusions de l'avocat général M. Léger sous l'arrêt de la Cour du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, C-310-93 P, Rec. p. I-865, I-867, point 116, et sous l'arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185-95 P, Rec. p. I-8417, I-8422, point 150).

145. A la lumière de ces principes, il convient de vérifier si la Commission a régulièrement donné accès à son dossier d'instruction au cours de la procédure administrative.

146. Comme le relèvent CBR et Heracles, la Commission semble avoir fondé son refus de donner accès à l'intégralité du dossier d'instruction sur des considérations tenant à la confidentialité des documents en question. Ainsi, elle semble avoir considéré au cours de la procédure administrative que tous les documents obtenus par elle dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par le règlement n° 17 n'étaient accessibles aux parties tierces que lorsqu'elle les avait retenus contre ces dernières dans la CG (voir ordonnance Cimenteries CBR e.a./Commission, citée au point 8 ci-dessus, point 42, et arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 11 ci-dessus, point 30).

147. Il convient de rappeler que le droit des entreprises et associations d'entreprises à la protection de leurs secrets d'affaires doit être mis en balance avec la garantie du droit d'accéder à la totalité du dossier (arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, point 88, et ICI/Commission, T-36-91, point 98). Dès lors, si la Commission considérait que certains documents de son dossier d'instruction contenaient des secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles, elle aurait dû préparer, ou faire préparer par les entreprises ou associations d'entreprises dont émanaient les documents en question, des versions non confidentielles de ceux-ci (arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, point 92, et ICI/Commission, T-36-91, point 102). Si la préparation de versions non confidentielles de tous les documents s'avérait difficile, elle aurait dû transmettre aux parties concernées une liste suffisamment précise des documents posant problème pour permettre aux entreprises ou associations d'entreprises de déterminer, en connaissance de cause, si les documents décrits étaient susceptibles d'être pertinents pour leur défense (voir arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, points 93 et 94, et ICI/Commission, T-36-91, points 103 et 104).

148. Il convient de constater que la Commission n'a pas, en l'espèce, procédé de cette manière. D'une part, elle n'a pas mis à la disposition des entreprises et associations d'entreprises concernées des versions non confidentielles des documents qui, selon elle, contenaient des secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles. D'autre part, comme le soulignent à juste titre Cembureau, ENCI, la VNC, Dyckerhoff, Ciments français, Valenciana, Asland, Uniland, Oficemen, Irish Cement, l'ATIC, Holderbank, Hornos Ibéricos et l'AGCI, la liste des documents que la Commission a remise aux destinataires de la CG ne présentait pas un degré de précision suffisant. En effet, ne contenant aucune description du contenu des documents qui y étaient répertoriés (voir ci-dessus point 96), elle ne permettait pas aux entreprises et associations d'entreprises concernées d'évaluer l'opportunité de demander accès à des documents spécifiques.

149. La Commission ne saurait donc prétendre, comme elle le fait dans les affaires l'opposant à Dyckerhoff, Heidelberger, Valenciana, Asland, Holderbank et Hornos Ibéricos, que, en l'espèce, il ne peut être question d'un accès irrégulier au dossier d'instruction, dès lors que les destinataires de la CG auraient pu, sur la base de la liste sur laquelle tous les documents de son dossier d'instruction étaient répertoriés, demander un accès plus étendu au dossier. En tout état de cause, dans les cas où des entreprises ou associations d'entreprises ont demandé un accès supplémentaire aux documents du dossier d'instruction, la Commission n'a pas accueilli ces demandes, ce qui a même conduit certaines entreprises à introduire un recours devant le Tribunal (voir arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 11 ci-dessus). Il s'ensuit que, dans les présentes affaires, la circonstance que certaines parties requérantes n'ont pas demandé, au cours de la procédure administrative, que la Commission leur accordât un accès plus étendu au dossier d'instruction ou leur fît parvenir des documents déterminés ne saurait avoir un effet de forclusion quant à la possibilité de se prévaloir devant le Tribunal d'une violation, sur ce point, de leurs droits de la défense, vu l'inutilité manifeste d'une telle démarche à l'époque (arrêt Solvay/Commission, T-30-91, cité au point 106 ci-dessus, point 96).

150. Dans le cadre des présentes procédures, la Commission soutient que, au cours de la procédure administrative, elle a rendu accessibles aux destinataires de la CG tous les documents pertinents, c'est-à-dire tous ceux présentant un rapport avec les accusations portées contre eux, que ces documents fussent à charge ou à décharge (conclusions de l'avocat général M. Warner sous l'arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, Distillers Company/Commission, 30-78, Rec. p. 2229, 2295, et arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322-81, Rec. p. 3461, points 5 à 10), à l'exception des notes internes de la Commission et des documents contenant des informations confidentielles et des secrets d'affaires.

151. Il s'ensuit que la Commission elle-même soutient que, pour son appréciation de l'accessibilité des divers documents du dossier d'instruction, elle s'est fondée sur le critère de la pertinence des documents en question. En procédant ainsi, elle a donc fait un tri des documents du dossier d'instruction qui, selon elle, étaient utiles à la défense de l'entreprise ou de l'association d'entreprises en cause.

152. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de conclure que, en l'espèce, la Commission n'a pas donné aux parties requérantes un accès régulier au dossier d'instruction, indépendamment du point de savoir si elle a fondé son refus de donner accès aux documents restés inaccessibles sur le critère de leur non-pertinence ou sur celui de leur confidentialité, ou sur une combinaison de ces deux critères.

153. Il y a d'ailleurs lieu de mentionner que, au cours des audiences tenues dans les affaires T-25-95, T-45-95, T-46-95 et T-60-95, la Commission a elle-même reconnu que l'organisation de l'accès au dossier au cours de la procédure administrative dans les présentes affaires n'a pas été à la hauteur du standard de transparence qui devrait caractériser l'enquête sur une entente entre entreprises et associations d'entreprises. Elle a fait cette déclaration à l'occasion d'un commentaire sur l'éventuelle utilité de la note interne de Cimpor du 17 février 1983 rédigée par M. Toscano Jr (documents n° 33.322/314 à 344) pour la défense des parties requérantes (voir ci-après point 1123). Elle a admis que cette note, dans la mesure où elle se rapportait à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 visée au paragraphe 19, sous a), de la décision attaquée, aurait dû être accessible aux parties requérantes au cours de la procédure administrative. Au cours des audiences dans les affaires T-31-95, T-32-95, T-38-95, T-52-95, T-53-95 et T-56-95, elle a également reconnu avoir commis des erreurs dans l'organisation de l'accès au dossier d'instruction au cours de la procédure administrative.

154. La FIC et Italcementi ont, dans des mémoires datés, pour la première, du 10 novembre 1998 et, pour la seconde, du 6 novembre 1998, demandé qu'il soit pris acte, également dans leurs affaires, des déclarations faites par la Commission concernant l'accès au dossier à l'occasion, respectivement, des audiences tenues dans les affaires T-25-95, T-45-95, T-46-95 et T-60-95 et dans les affaires T-25-95, T-31-95, T-32-95, T-52-95 et T-60-95. Le SFIC et Vicat ont invité le Tribunal, par lettres, respectivement, du 27 octobre 1998 et du 9 février 1999, à prendre en compte, dans leur affaire, les déclarations faites par la Commission à propos de la note interne de Cimpor du 17 février 1983 rédigée par M. Toscano Jr (documents n° 33.322/314 à 344), à l'occasion d'audiences tenues dans d'autres affaires. Lafarge et Blue Circle ont formulé une demande similaire pour ce qui concerne leurs affaires dans des lettres datées respectivement du 16 novembre 1998 et du 2 décembre 1998. Cimpor et Secil ont, respectivement par lettres des 11 novembre 1998 et 17 novembre 1998, demandé au Tribunal de tenir compte dans leurs affaires des déclarations faites dans les affaires T-25-95, T-30-95 et T-60-95. Dans sa lettre du 20 novembre 1998, Cementir a demandé au Tribunal de prendre en considération dans le cadre de son affaire les déclarations faites par la Commission concernant l'accès au dossier à l'occasion des audiences tenues dans les affaires T-25-95 et T-60-95. Ciments français a formulé une demande similaire pour ce qui concerne son affaire dans une lettre datée du 4 novembre 1998. Italcementi a demandé, en outre, dans son mémoire du 6 novembre 1998, que la procédure orale soit rouverte en application de l'article 62 du règlement de procédure. Cembureau et Cementir ont également demandé la réouverture de la procédure orale, par lettres adressées au greffe du Tribunal, respectivement, le 1er décembre 1998 et le 20 novembre 1998. Les différentes déclarations de la Commission dans les affaires T-25-95, T- 31-95, T-32-95, T-52-95 et T-60-95 constitueraient, selon Cembureau, Italcementi et Cementir, un fait nouveau.

155. Il convient de relever que les déclarations de la Commission selon lesquelles l'accès au dossier d'instruction n'a pas été assuré dans des conditions régulières au cours de la procédure administrative vont dans le même sens que la constatation faite par le Tribunal sur la seule base des arguments avancés, au cours de la procédure écrite et de la procédure orale, par les parties requérantes visées au point précédent (voir ci-dessus point 152). Dans ces conditions, les demandes des parties requérantes concernées tendant à ce que le Tribunal tienne compte de déclarations faites par la Commission dans d'autres affaires "Ciment" sont sans objet. En ce qui concerne les demandes visant à la réouverture de la procédure orale, il convient de souligner que la Commission n'a reconnu dans aucune des présentes affaires "Ciment", ni dans ses mémoires ni à l'audience, qu'elle a violé les droits de la défense des parties requérantes au cours de la procédure administrative en ne donnant pas accès à certaines pièces du dossier d'instruction (voir ci-après points 237 et suivants). Pour cette raison, ses déclarations ne constituent pas un fait nouveau de nature à exercer une influence sur l'issue de la procédure (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 décembre 1995, Bosman e.a., C-415-93, Rec. p. I-4921, point 53, et du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C-199-92 P, non encore publié au Recueil, points 127 et 128, ICI/Commission, C-200-92 P, non encore publié au Recueil, ci-après "arrêt ICI/Commission, C-200-92 P", points 60 et 61, Hoechst/Commission, C-227-92 P, non encore publié au Recueil, points 104 et 105, et Shell/Commission, C-234-92 P, non encore publié au Recueil, points 63 et 64). Il n'y a dès lors pas lieu de rouvrir la procédure orale dans les affaires T-26-95, T-65-95 et T-87-95, ni, par conséquent, de faire droit aux demandes d'Italcementi tendant, en vue de la préparation d'une nouvelle procédure orale, au versement au dossier, dans l'affaire T-65-95, des procès-verbaux d'audience dans les affaires T-25-95, T-31-95, T-32-95, T-52-95 et T-60-95, ainsi que des transcriptions intégrales des débats qui se sont déroulés au cours de ces audiences.

156. Contrairement à ce que prétendent les parties requérantes, la constatation selon laquelle, au cours de la procédure administrative, la Commission n'a pas donné aux parties requérantes un accès régulier au dossier d'instruction ne saurait en elle-même conduire à l'annulation de la décision attaquée vis-à-vis des 39 parties requérantes qui ont présenté l'argumentation correspondante. En effet, l'accès au dossier n'est pas une fin en soi, mais vise à protéger les droits de la défense. Ainsi, le droit d'accès au dossier est inséparable du principe des droits de la défense et conditionné par lui (conclusions de l'avocat général M. Léger sous l'arrêt du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, citées au point 144 ci-dessus, points 97 et 98).

157. En l'espèce, il conviendra donc d'examiner si la défense des parties requérantes a été affectée par le fait qu'elles ont eu un accès irrégulier aux documents du dossier d'instruction au cours de la procédure administrative.

2. Sur les différentes mesures d'organisation de la procédure ordonnées par le Tribunal

2.1. Observations liminaires

158. Il a déjà été constaté que la Commission n'a pas donné un accès régulier au dossier d'instruction au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus point 152). En outre, et sans qu'une irrégularité ait été constatée à cet égard (voir ci-dessus points 104 à 123), il est constant que les parties requérantes n'ont pas eu accès aux chapitres de la CG relatifs aux ententes nationales autres que celui concernant l'entente nationale localisée sur le territoire de l'État membre où elles étaient établies (voir ci-dessus point 94).

159. Il y a donc lieu d'examiner si les droits de la défense des 39 parties requérantes concernées ont été violés en raison du fait qu'elles n'ont pas eu accès à certains passages de la CG et à des documents du dossier d'instruction qui auraient pu contenir des éléments à décharge.

160. La Commission prétend que l'affirmation des parties requérantes selon laquelle leurs droits de la défense ont été effectivement violés est purement théorique. Se référant à l'arrêt du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, cité au point 142 ci-dessus (point 35), elle estime que l'assertion incertaine et hypothétique des parties requérantes, selon laquelle il devait exister des éléments à décharge dans les chapitres de la CG et les documents du dossier d'instruction qui leur sont restés inaccessibles au cours de la procédure administrative, doit être rejetée.

161. Cet argument liminaire de la Commission ne peut être accueilli. Il ne saurait être exigé des parties requérantes qui ont soulevé un moyen tiré d'une violation de leurs droits de la défense que, dans leur requête, elles développent une argumentation élaborée ou détaillent un faisceau d'indices pour démontrer que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent si elles avaient eu accès à certains éléments qui, en fait, ne leur ont jamais été communiqués. Une telle approche reviendrait en effet à exiger d'elles une probatio diabolica (conclusions de l'avocat général M. Léger sous l'arrêt du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, citées au point 144 ci-dessus, point 119).

162. Précisément afin de permettre aux 39 parties requérantes concernées d'identifier les éventuels éléments à décharge qui ne leur ont pas été rendus accessibles au cours de la procédure administrative, le Tribunal a ordonné au cours des présentes procédures différentes mesures d'organisation de celles-ci.

2.2. Différentes mesures ordonnées

163. Par décision notifiée aux parties dans chacune des affaires entre le 19 janvier et le 2 février 1996 (ci-après "mesure d'organisation de la procédure du 19 janvier au 2 février 1996"), le Tribunal a invité la Commission à produire différents documents. La Commission s'est exécutée le 29 février 1996. Dans chacune des affaires, elle a déposé la CG telle que notifiée à la partie requérante concernée, le procès-verbal de l'audition de celle-ci, la liste (voir ci-dessus point 5), la boîte (voir ci-dessus point 95) et la correspondance échangée au cours de la procédure administrative entre l'institution et la partie requérante concernée. Les affaires n'ayant pas été jointes au cours de la procédure écrite et orale, aucune des parties requérantes ne pouvait prendre connaissance des documents déposés par la Commission dans les autres affaires. La mesure ordonnée n'a donc pas permis aux 39 parties requérantes invoquant une violation de leurs droits de la défense (voir ci-dessus point 124) d'expliciter leur argumentation à cet égard.

164. Par décision notifiée aux parties dans les 39 affaires concernées (voir ci-dessus point 124), le 2 octobre 1996 (ci-après "mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996"), le Tribunal a, dans ces conditions, invité la Commission à autoriser les parties requérantes en question à consulter, dans ses locaux, les chapitres nationaux de la CG et, pour chaque entente nationale, à leur donner un accès au dossier national identique à celui dont les destinataires de la CG établis sur le territoire de l'État membre concerné avaient bénéficié pendant la procédure administrative. Les parties requérantes ont été invitées à identifier les passages de la CG et les pièces pertinentes qui ne leur avaient pas été communiqués au cours de la procédure administrative et à expliquer en quoi la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent si ces éléments leur avaient été rendus accessibles pendant ladite procédure. Elles ont été invitées à joindre à leur éventuel mémoire la copie de chaque pièce commentée. La Commission a, quant à elle, été invitée à déposer un mémoire en réponse dans chacune des affaires concernées.

165. Il est ainsi apparu que tous les documents figurant dans les dossiers relatifs aux ententes nationales faisaient partie des dossiers 27.997, 33.126 et 33.322, tels que répertoriés sur la liste (voir ci-dessus point 5). Il s'agissait de sous-ensembles de documents tirés du dossier d'instruction de la Commission.

166. Par décision notifiée le 27 février 1997, le Tribunal a invité la Commission à préciser exactement les documents rendus accessibles aux parties requérantes à la suite de l'adoption de la mesure du 2 octobre 1996, en les identifiant sur la liste (voir ci-dessus point 5). La Commission a répondu à cette demande par lettres des 8 et 17 avril 1997.

167. Bien que la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996 eût permis aux 39 parties requérantes concernées de prendre connaissance de l'intégralité de la CG et du dossier 27.997 se rapportant à un grief national relatif aux CPMA (voir ci-dessus points 91 et 93), elle ne leur a toutefois rendu accessible qu'un quart environ de l'ensemble des dossiers 33.126 et 33.322.

168. Cette constatation a amené le Tribunal à ordonner une nouvelle mesure d'organisation de la procédure tendant à obtenir la communication du surplus du dossier d'instruction. Ainsi, par décision notifiée aux parties dans les 39 affaires concernées (voir ci-dessus point 124), les 18 et 19 juin 1997 (ci-après "mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997"), il a invité la Commission à déposer au greffe, au plus tard le 30 septembre 1997, l'original de l'ensemble des documents répertoriés sur la liste dans les dossiers 33.126 et 33.322, à l'exception des documents contenant des secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles, et des documents internes de la Commission. Pour chaque document interne figurant sur la liste (voir ci-dessus point 5), la Commission était invitée à en préciser la nature. Elle était également invitée à insérer dans le dossier des versions non confidentielles ou des résumés non confidentiels en lieu et place des documents confidentiels (voir ci-après point 186).

169. Les 39 parties requérantes concernées ont été invitées à consulter, au greffe du Tribunal, la version originale et non confidentielle des documents déposés par la Commission. Elles étaient autorisées à déposer un mémoire se limitant à identifier avec précision toute pièce non rendue accessible pendant la procédure administrative qui aurait pu affecter leur défense et à expliquer brièvement les raisons pour lesquelles ladite procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent si la pièce en question leur avait été rendue accessible. Elles étaient invitées à joindre à leur éventuel mémoire la copie de chaque pièce commentée. La Commission a été invitée à déposer un mémoire en réponse dans les affaires concernées.

170. Toutes les parties requérantes concernées par les mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 ont déposé des observations après consultation du dossier de la Commission, à l'exception de Ciments luxembourgeois. La Commission a, quant à elle, présenté ses observations en réponse dans chacune des affaires correspondantes.

171. Avant d'entamer l'examen de l'argumentation que les parties requérantes ont développée dans leurs mémoires, il convient de souligner que, dans ceux-ci, Dyckerhoff, Vicat, Heidelberger, Lafarge, Unicem, Blue Circle et l'AGCI ont formulé quelques commentaires étrangers aux mesures d'organisation de la procédure, sans référence précise à un document du dossier d'instruction. Ces commentaires doivent être écartés. En effet, des observations déposées en réponse à des mesures d'organisation de la procédure ne sauraient aboutir à une prolongation de l'ensemble de la procédure écrite. Pour les mêmes motifs, des documents qui ne proviennent pas du dossier d'instruction doivent être écartés des débats. Seront ainsi écartées, d'une part, les pièces figurant aux annexes IV, V et VI des observations de Lafarge du 10 février 1997, déposées à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996, et, d'autre part, les pièces figurant en annexes 87 et 88 aux observations de Lafarge du 28 janvier 1998, déposées à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997. Il convient, au demeurant, d'ajouter que ces documents ne portent pas de références à la numérotation des dossiers 33.126 et 33.322 indiquée sur la liste (voir ci-dessus point 5). Lafarge ne saurait non plus prétendre, comme elle le fait dans ses observations du 28 janvier 1998, que les documents qu'elle produit en annexes IV, V et VI à ses observations du 10 février 1997 correspondent aux documents n° 33.126/16473 et 16474 produits en annexe 41 à ses observations du 28 janvier 1998. En effet, la correspondance alléguée n'apparaît pas à la lecture desdits documents.

172. De même, la seule mention d'un document du dossier d'instruction, sans commentaire précis sur l'incidence de sa non-communication sur l'exercice des droits de la défense, ne satisfait pas aux conditions posées par les mesures d'organisation de la procédure. Dès lors, faute de pouvoir faire l'objet d'une appréciation du Tribunal au titre desdites mesures, le renvoi par Lafarge aux documents n° 33.126/20386 à 20394 (observations sur la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996, p. 65) et aux documents n° 33.126/767 à 7886, 16316 à 16765 et 33.322/1 à 3147, énumérés en bloc sans commentaires particuliers (observations sur la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, p. 18 à 30), doit être écarté.

2.3. Sur les conditions d'exécution, par la Commission, des mesures d'organisation de la procédure

173. Compte tenu de l'objectif des mesures d'organisation de la procédure ordonnées, il convient d'examiner si la Commission en a respecté les termes.

2.3.1. Mesure d'organisation de la procédure du 19 janvier au 2 février 1996

174. Dans leurs mémoires déposés, respectivement, le 7 février 1997 et le 13 février 1997, Rugby, d'une part, et Castle, Aker et Euroc, d'autre part, ont affirmé que la Commission n'avait pas correctement répondu aux demandes du Tribunal (voir ci-dessus point 163). La Commission n'aurait en effet communiqué ni les dossiers concernant les ententes nationales, ni l'intégralité du dossier concernant les ententes internationales. Elle n'aurait, en outre, pas communiqué certaines pièces de la correspondance échangée entre les parties requérantes et ses services.

175. A cet égard, force est de constater que la première critique est devenue sans objet à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996, 18 et 19 juin 1997. S'agissant de la seconde critique, les parties requérantes concernées n'indiquent pas en quoi le défaut de production de la totalité de la correspondance échangée entre elles-mêmes et la Commission aurait pu violer leurs droits de la défense. Les deux critiques doivent donc être écartées.

2.3.2. Mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996

176. A la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996, les 39 parties requérantes concernées ont eu accès à l'intégralité de la CG ainsi qu'au dossier 27.997, relatif aux CPMA visés aux chapitres de la CG concernant le Royaume-Uni (chapitres 4 et 14). L'argument formulé par Uniland et Oficemen dans leurs mémoires déposés à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, selon lequel les documents du dossier 27.997 seraient restés inaccessibles, doit donc d'ores et déjà être rejeté.

177. Les 39 parties requérantes concernées ont aussi eu accès, à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996, aux documents des dossiers 33.126 et 33.322 relatifs aux ententes nationales (voir ci-dessus points 164 à 167).

178. Dans leurs observations, Cembureau, ENCI, la VNC, Dyckerhoff, le SFIC, Vicat, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, le BDZ, Unicem, Valenciana, Rugby, Castle, Cimpor, Secil, l'ATIC, Titan, Italcementi, Holderbank, Hornos Ibéricos, Aker, Euroc, Cementir et Blue Circle soutiennent en substance que la Commission ne leur a pas donné un accès suffisant au dossier d'instruction dans le cadre de la mesure d'organisation de la procédure en cause.

179. Cependant, ces observations sont devenues sans objet. En effet, à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, les parties requérantes concernées ont eu, ainsi que cela sera constaté ci-après aux points 210 et 211, un accès complet au dossier d'instruction (dossiers 27.997, 33.126 et 33.322), à l'exception des documents contenant des secrets d'affaires et d'autres informations confidentielles, ainsi que des documents internes de la Commission.

180. Cembureau, Rugby, Castle, l'ATIC, Aker et Euroc estiment que, à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996, la Commission aurait dû rendre accessibles aux parties requérantes concernées les observations que les destinataires des chapitres nationaux de la CG avaient formulées dans leurs mémoires en réponse à la CG. Selon le SFIC, Castle, Irish Cement, Cimpor, Secil, l'ATIC, Aker et Euroc, il en serait de même pour ce qui concerne les procès-verbaux des auditions concernant les ententes nationales.

181. Toutefois, la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996 ne peut être interprétée dans le sens ainsi proposé. Il y a lieu de souligner que les mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 se sont limitées aux chapitres nationaux de la CG et aux documents figurant dans le dossier d'instruction, tels que répertoriés sur la liste (voir ci-dessus point 5). En effet, par ces mesures, le Tribunal a voulu vérifier si les droits de la défense des parties requérantes ont été violés au moment de la préparation de leur réponse à la CG. Les arguments des parties requérantes relatifs à une violation de leurs droits de la défense du fait qu'elles n'auraient pas eu accès, au cours de la procédure administrative, à des documents non répertoriés sur la liste (voir ci-dessus point 5) seront examinés ultérieurement (voir ci-après points 380 à 435).

182. Vicat, Unicem, Asland et Hornos Ibéricos critiquent encore l'utilisation de l'exception tirée du caractère confidentiel de certaines pièces à l'occasion de l'accès aux dossiers nationaux organisé à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996. Des parties substantielles de certains documents auraient été occultées en raison de leur caractère confidentiel. Les parties requérantes reprochent à la Commission de ne pas leur avoir transmis une version non confidentielle des documents non accessibles. Unicem reproche en particulier à l'institution d'avoir interdit l'accès à certains documents se rapportant à des événements datant de cinq à dix ans et ne comportant donc plus la moindre indication sensible sur le plan commercial. Asland reproche à la Commission de ne pas s'être enquise, auprès des entreprises et/ou associations d'entreprises concernées, du statut des pièces dont la confidentialité avait été réclamée en 1990 ou en 1991. Sur ce point, elle se réfère, à titre d'exemple, aux documents n° 33.322/2897 à 2902, qui lui ont été rendus accessibles partiellement lors de la consultation du dossier dans les locaux de la Commission le 12 novembre 1996, alors que l'entreprise concernée par ces documents, à savoir Hispacement, avait levé depuis plus de trois ans sa réserve de confidentialité. Vicat et Hornos Ibéricos se réfèrent aux mêmes documents d'Hispacement pour soutenir que la Commission a recouru d'une manière arbitraire à la réserve de confidentialité.

183. Il y a lieu de rappeler que la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996 visait à accorder aux 39 parties requérantes concernées (voir ci-dessus point 124), pour chaque entente nationale, un accès au dossier national identique à celui que les destinataires de la CG établis sur le territoire de l'État membre concerné avaient eu pendant la procédure administrative. Dans le cadre de cette mesure, la Commission n'avait donc pas à se renseigner auprès des entreprises et/ou associations d'entreprises concernées sur l'opportunité de maintenir ou non la confidentialité de certaines pièces qui avait été réclamée au cours de la procédure administrative.

184. Toutefois, dans le cadre de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, le Tribunal a demandé à la Commission d'inviter les entreprises et les associations d'entreprises auprès desquelles des documents versés au dossier avaient été recueillis à "actualiser" leur appréciation quant à l'opportunité de maintenir la confidentialité réclamée à l'époque pour certains documents. Lors de leur consultation du dossier au greffe du Tribunal, Vicat, Unicem, Asland et Hornos Ibéricos ont donc pu accéder à toutes les pièces pour lesquelles la demande de confidentialité avait été levée par les entreprises et/ou associations d'entreprises concernées au cours de la procédure devant le Tribunal, voire même plus tôt (par exemple, pour les documents d'Hispacement: documents n° 33.322/2897 à 2902), et faire valoir leurs observations éventuelles à partir de ces pièces. Les arguments de ces quatre parties requérantes (voir ci-dessus point 182) sont donc devenus sans objet.

2.3.3. Mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997

185. La mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997 portait sur l'intégralité des dossiers 33.126 et 33.322, à l'exception des documents contenant des secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles, et des documents internes à la Commission (arrêt du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, cité au point 142 ci-dessus, point 29).

186. En ce qui concerne les documents ou catégories de documents qualifiés d'internes sur la liste (voir ci-dessus point 5) (code d'identification n° 10), la Commission a été invitée à préciser la nature de chacun d'eux et à insérer ces précisions en lieu et place des documents qu'elles visaient dans les classeurs ordonnés conformément à la numérotation de la liste (voir ci-dessus point 5). En ce qui concerne les documents comprenant des secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles, le Tribunal a invité la Commission à contacter les entreprises et associations d'entreprises auprès desquelles elle avait recueilli des documents faisant partie du dossier d'instruction, en leur demandant de préciser les éventuels éléments qui ne devaient pas être divulgués à des tiers, en motivant à chaque reprise la demande de confidentialité et en préparant une version non confidentielle ou un résumé non confidentiel des documents contenant ces éléments. Il a été demandé à la Commission d'insérer dans le dossier les versions non confidentielles ou les résumés non confidentiels ainsi produits dans les classeurs ordonnés conformément à la numérotation de la liste (voir ci-dessus point 5), en lieu et place des documents contenant lesdits éléments confidentiels.

187. Après avoir reçu communication des dossiers 33.126 et 33.322, le Tribunal a constaté que, ainsi que le soulignaient dans leurs observations Dyckerhoff, Ciments français, Lafarge, Unicem, l'ATIC et Italcementi, la Commission n'avait pas précisé la nature des documents n° 33.126/19057 à 19156, classés sur la liste (voir ci-dessus point 5) comme des documents internes de la Commission, parmi un ensemble de documents n° 33.126/19026 à 19156. En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a expliqué qu'il s'agissait d'une erreur de numérotation commise au greffe de la Direction Générale Concurrence (DG IV) au moment de l'enregistrement de tous les documents du dossier d'instruction, les documents n° 33.126/19057 à 19156 n'existant pas.

188. Il y a lieu d'admettre sur ce point les explications fournies par la Commission. En effet, le sommaire et la pagination du classeur n° 49 du dossier d'instruction de celle-ci, établis par le greffe de la DG IV, visent les pages 33.126/18612 à 19056, tandis que le sommaire et la pagination du classeur n° 50 visent les pages 33.126/19157 à 19433. Il peut donc être considéré qu'une erreur de numérotation s'est produite lors de la constitution du classeur n° 50.

189. Plusieurs parties requérantes font valoir que la Commission n'a toujours pas accordé l'accès à l'intégralité du dossier d'instruction.

190. Force est de constater que l'argument des parties requérantes repose sur une erreur de fait, quand ces parties affirment ne pas avoir eu accès à certaines pièces, alors que celles-ci figurent effectivement au dossier d'instruction transmis au Tribunal. Tel est le cas du document n° 33.126/19865 invoqué par Ciments français, des documents n° 33.126/5236 et 12012, 33.322/56, 57, 1881, 1882 et 2463 invoqués par Lafarge, des documents n° 33.126/4595, 4621, 4633, 4650, 4713 et 4796, 33.322/30 à 32, 207 à 209, 237, 1090, 1091 et 1184 invoqués par Uniland et Oficemen, du document n° 33.126/166 invoqué par Oficemen, ainsi que des documents n° 33.126/11248, 11249, 17568 à 17576, 17994, 18007 et 19865, et 33.322/1760 à 1769 invoqués par Italcementi.

191. Ciments français, Lafarge, Unicem et Italcementi font encore valoir que la Commission a omis de transmettre au Tribunal les documents n° 33.126/895 à 911. Elles relèvent, par ailleurs, que le document n° 33.126/3434 du dossier d'instruction est resté inaccessible. Selon Ciments français et Italcementi, le dossier transmis au Tribunal ne comportait pas non plus les documents n° 33.126/10241 à 10243. Unicem dénonce enfin l'absence des documents n° 33.126/19422 et 19423.

192. Interrogée sur ce point par une question écrite du Tribunal, la Commission affirme qu'elle a transmis tous ces documents au Tribunal. Elle suppose que, si les pages ne figurent plus à l'endroit où elles devraient se trouver, c'est qu'elles ont été déplacées pendant la consultation du dossier.

193. Cette explication peut être admise, d'autant que la Commission, avant les audiences, a retransmis une copie des pages en question, lesquelles faisaient ainsi partie de chaque dossier dans les 39 affaires concernées.

194. Lafarge relève encore le prétendu caractère incomplet des documents n° 33.126/1691 et 33.322/3. Cependant, il doit être constaté qu'aucune partie de ces documents n'a été occultée. L'argument de la requérante manque donc en fait.

195. Lafarge, Uniland et Oficemen soutiennent qu'elles n'ont pas eu accès aux documents n° 33.126/1 à 165 et 11494 à 11517. Uniland et Oficemen formulent la même critique en ce qui concerne les documents n° 33.322/1092 à 1183 et 1185 à 1194, et Unicem en ce qui concerne le document n° 33.126/19056.

196. Il convient cependant d'observer que tous ces documents sont des notes internes de la Commission, dont la nature a été précisée dans le dossier remis au Tribunal. Or, en tant que notes internes, lesdits documents pouvaient valablement être exclus de la consultation mise en œuvre en exécution de la mesure d'organisation de la procédure (arrêts du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, cité au point 140 ci-dessus, points 53 et 54, et du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, cité au point 144 ci-dessus, point 22; ordonnance du Tribunal du 10 décembre 1997, NMH Stahlwerke e.a./Commission, T-134-94, T-136-94, T-137-94, T-138-94, T-141-94, T-145-94, T-147-94, T-148-94, T-151-94, T-156-94 et T-157-94, Rec. p. II-2293, point 35).

197. Plusieurs parties requérantes prétendent qu'elles n'ont pas pu accéder aux documents suivants, pour lesquels les sociétés auprès desquelles ils avaient été saisis avaient, à la suite de la mesure d'organisation de la procédure, confirmé leur demande de traitement confidentiel: documents n° 33.126/682 à 684 et 711 à 716 invoqués par Lafarge, Uniland, Oficemen et Italcementi, documents n° 33.322/58 à 70 invoqués par Lafarge, documents n° 33.126/4596 à 4620, 4634 à 4649, 4659 à 4712 et 4719 à 4795 invoqués par Uniland, Oficemen et Italcementi, et documents n° 33.322/33 à 55 et 210 à 236 invoqués par Lafarge, Uniland et Oficemen.

198. Il y a lieu d'observer que les documents n° 33.126/682 à 684 et 711 à 716 comprennent, respectivement, un résumé du "business plan d'Inter-Béton", entreprise commune entre CBR et Obourg pour la fabrication et la distribution de béton, et le contrat de gestion d'Inter-Béton. Les documents n° 33.322/58 à 70 comprennent un "plan stratégique pour Cimpor". Les documents n° 33.126/4596 à 4620, 4634 à 4649, 4659 à 4712 et 4719 à 4795 sont des documents que Lafarge estime toujours couverts par la protection des secrets d'affaires [budget pluriannuel 1989-1991, par Gilbert Liduena, Lafarge, 18 octobre 1988 (documents n° 33.126/4642 à 4649 et 4659 à 4712); scénarios d'impasse trois scénarios possibles (documents n° 33.126/4596 à 4620); stratégie face à l'industrie cimentière grecque, Lafarge, DEP, 12 avril 1988 (documents n° 33.126/4634 à 4641); étude Sud-Est/Vallée de Seine, introduction méthodologie, document de travail, Lafarge, DEP, F. Phélip, 21 avril 1989 (documents n° 33.126/4719 à 4724); document de travail de l'étude Sud-Est/Vallée de Seine, direction études et plan, F. Phélip, Lafarge, 21 avril 1989 (documents n° 33.126/4725 à 4730); Vallée de Seine, DEP Lafarge, M. Morel, 21 avril 1989 (documents n° 33.126/4731 à 4766); Sud-Est, DEP Lafarge, M. Morel, 21 avril 1989 (documents n° 33.126/4767 à 4795)]. Les documents n° 33.322/33 à 55 et 210 à 236 sont des études internes de Cimpor qui illustrent la stratégie commerciale de cette société et qui expriment des options de base quant au positionnement de la société sur le marché.

199. Lors de la consultation du dossier dans le cadre de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, les 39 parties requérantes concernées ont eu accès à une version non confidentielle ou à un résumé non confidentiel des documents susvisés. Elles ont donc pu avoir, à travers ces versions non confidentielles ou résumés, un aperçu suffisant des documents en question, pour évaluer leur degré de pertinence aux fins de l'exercice de leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative. Le fait que la Commission ait toujours accédé aux différentes demandes de traitement confidentiel et n'ait jamais examiné le bien-fondé de telles demandes, point qui a été souligné par Uniland et Oficemen, est totalement dénué de pertinence à cet égard, dans la mesure où Lafarge, Uniland, Oficemen et Italcementi n'apportent aucun indice de nature à démontrer que les documents auraient pu présenter un intérêt pour leur défense. Le grief tiré de l'inaccessibilité de ces documents lors de la consultation du dossier doit donc être rejeté.

200. De même, mais d'une manière générale, Ciments français fait valoir que les lettres d'avocat invoquant la confidentialité de certaines pièces non reprises dans le dossier d'instruction ne portent pas de référence aux numéros des documents manquants. Cependant, elle ne présente pas le moindre indice visant à établir que les documents concernés par sa critique, qu'elle n'identifie même pas, auraient pu présenter un intérêt pour sa défense au cours de la procédure administrative. Dans ces conditions, son argument doit être rejeté pour manque de précision.

201. L'ATIC fait valoir que, pour ce qui concerne les documents confidentiels, rares sont ceux qui ont été remplacés par des résumés. De même, Cimpor et Secil font observer que, sur l'ensemble des documents rendus accessibles à la suite de la mesure d'organisation de la procédure, un bon nombre a été remplacé par des feuilles indiquant uniquement le numéro et la nature du document. Cet argument, qui n'a été étayé par aucune référence précise à des documents du dossier d'instruction, doit aussi être rejeté pour manque de précision.

202. Dans ce même contexte, Italcementi se réfère aux documents n° 33.126/436 à 439, 4491 à 4592, 11215 à 11218, 11224 à 11241, 11250 à 11252, 17476 à 17483, 17995 à 18006, 18102 à 18109, aux pages 12 à 19 du document n° 33.126/4982, ainsi qu'aux documents n° 33.322/1636, 1638 à 1755, 1757, 1759, 1770 à 1789 et 1792 à 1796. A la lecture des lettres d'avocats insérées dans le dossier, elle prend acte de ce que l'absence de certains de ces documents s'explique par la réserve de confidentialité réitérée par les entreprises concernées dans la perspective de la consultation du dossier organisée par la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997. Elle considère cependant que les lettres d'avocats, qui ne font pas référence à la numérotation donnée par la Commission aux documents composant son dossier, ne permettent pas de savoir si tous les documents manquants sont couverts par le sceau de la confidentialité. Elle souligne que, alors que le Tribunal, dans sa mesure d'organisation de la procédure, a donné des instructions très précises aux entreprises et associations d'entreprises concernées quant au traitement des documents confidentiels, certaines lettres d'avocats non seulement ne sont pas accompagnées de la version non confidentielle des documents pour lesquels elles ont réclamé le maintien de la réserve de confidentialité, mais encore s'avèrent si vagues qu'elles ne permettent aucune identification, même sommaire, du contenu de ces documents. Elle se réfère, à titre d'exemple, à la lettre du 5 août 1997 adressée par les avocats de Valenciana à la Commission afin que celle-ci n'accorde pas aux tiers un accès aux actes du conseil d'administration de cette société, lettre qui a conduit à extraire du dossier les documents n° 33.322/1825 à 1880, sans que figurent dans le dossier accessible à Italcementi l'ordre du jour de ces conseils d'administration ou l'objet des décisions qui y ont été adoptées.

203. Lafarge dénonce aussi le traitement confidentiel des documents n° 33.322/1825 à 1880 ainsi que des documents n° 33.322/911 à 918.

204. Il y a lieu de constater que les documents n° 33.322/1792 à 1796 ne figurent pas dans le dossier d'instruction rendu accessible par la Commission et qu'il n'existe, à l'endroit où ils devraient se trouver, aucune indication ni explication quant à leur inaccessibilité. Il convient toutefois de relever que, par la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, le Tribunal a également invité la Commission à lui transmettre les documents du dossier d'instruction pour lesquels les parties concernées avaient demandé un traitement confidentiel. Après vérification des classeurs contenant les documents confidentiels du dossier d'instruction ainsi transmis par la Commission, il doit être constaté que le traitement confidentiel avait été sollicité par Asland pour les documents n° 33.322/1792 à 1796. Il s'agit d'un document intitulé "details of balance sheet of Zemland Investment AG" qui ne présente aucun lien avec un quelconque grief retenu à l'encontre d'Italcementi dans la décision attaquée et qui, manifestement, n'a donc pu avoir une quelconque utilité pour la défense de cette entreprise au cours de la procédure administrative. Dans ces conditions, Italcementi ne saurait tirer aucun argument de l'exécution imparfaite de la mesure d'organisation de la procédure pour ce qui concerne ce document.

205. S'agissant des documents n° 33.322/1825 à 1880 invoqués par Lafarge et Italcementi, il est exact que, contrairement aux instructions données par le Tribunal en juin 1997, la lettre du 5 août 1997 des avocats de Valenciana, visant à obtenir le maintien du traitement confidentiel desdits documents, n'est assortie ni d'une version non confidentielle ni d'un résumé non confidentiel de ceux-ci et ne comporte par ailleurs aucune indication quant à l'ordre du jour ou à l'objet des réunions visées. De même, en ce qui concerne les documents n° 33.322/911 à 918, il a seulement été précisé qu'il s'agit d'un accord-cadre de coopération entre Cimpor et Ciments français. Toutefois, Lafarge et Italcementi ne fournissent pas le moindre élément d'explication quant à l'intérêt que ces documents auraient pu revêtir pour leur défense au cours de la procédure administrative. En tout état de cause, après vérification des classeurs contenant les documents confidentiels du dossier d'instruction, il doit être constaté que le contenu des documents n° 33.322/1825 à 1880 et 33.322/911 à 918 ne présente aucun lien avec un quelconque grief retenu à l'encontre de Lafarge et d'Italcementi dans la décision attaquée. Ces documents n'auraient donc pas pu être utiles pour la défense de Lafarge et d'Italcementi au cours de la procédure administrative. Dans ces conditions, Lafarge et Italcementi ne sauraient tirer argument de l'exécution imparfaite de la mesure d'organisation de la procédure en ce qui concerne lesdits documents.

206. Pour tous les autres documents cités ci-dessus au point 202, le traitement confidentiel des documents en question avait été demandé et Italcementi a eu accès, à la suite de la mesure d'organisation de la procédure, à une version non confidentielle ou à un résumé non confidentiel. A l'endroit du dossier d'instruction où devraient se trouver les documents n° 33.126/436 à 439 figure une lettre du 28 août 1997 des avocats de la société Obourg, qui énumère cinq pièces qualifiées de secrets d'affaires par cette société [contrat de gestion Inter-Béton entre Obourg et CBR du 10 octobre 1967; convention entre les futurs actionnaires de NCGCP (Nouvelle Gralex) du 2 juillet 1985 et son avenant n° 1 du 12 juillet 1985; convention entre Obourg et CBR pour la gestion commune de la nouvelle Gralex; business plan d'Inter-Béton, de Gralex et d'Obourg-Calcaire; calculs des prix de revient pour le clinker et le ciment vendus par Obourg en novembre 1988], et qui est accompagnée d'un bref résumé non confidentiel du contenu de ces cinq documents. Aux endroits du dossier où devraient se trouver les documents n° 33.126/4491 à 4592, ainsi que les pages 12 à 19 du document n° 33.126/4982, figure chaque fois une lettre du 16 septembre 1997 des avocats de Lafarge, qui énumère différents documents que cette société estime toujours couverts par la protection des secrets d'affaires [préparation à l'avenir du groupe Lafarge, activités cimentières et associées, synthèse des notes établies par les membres du comité exécutif au cours du premier trimestre 1986, Philippe Agid, 25 avril 1986 (documents n° 33.126/4491 à 4509); scénario de déstabilisation concurrentielle en Europe éléments clés risque d'impasse diagnostics, Lafarge, mars 1988 (documents n° 33.126/4510 à 4592); extrait du budget pluriannuel 1989-1991, par Gilbert Liduena, Lafarge, 18 octobre 1988 (documents n° 33.126/4982, p. 12 à 19)], et qui est accompagnée d'un résumé non confidentiel desdits documents. Les documents n° 33.126/ 11215 à 11218, 11224 à 11241 et 11250 à 11252 (relatifs à la politique commerciale de Blue Circle) ont, pour leur part, été remplacés dans le dossier par une version non confidentielle. A l'endroit du dossier où devraient se trouver les documents n° 33.126/17476 à 17483 et 17995 à 18006, figurent, respectivement, huit et douze pages assorties, dans le coin supérieur droit, de la mention "non-confidential version". A l'endroit du dossier où devraient se trouver les documents n° 33.126/18102 à 18109 figure une lettre du 12 septembre 1997 dans laquelle les avocats de CBR soulignaient que l'agent de la Commission, destinataire de la lettre, leur avait "indiqué que la société Obourg SA avait demandé la confidentialité pour le contrat de gestion Inter-Béton qu'elle avait conclu avec CBR le 10 octobre 1967". Il leur semblait "nécessaire, pour des motifs de cohérence et de respect envers cette autre partie au contrat, d'étendre la confidentialité aux deux avenants au contrat, à savoir le 'premier complément confidentiel au contrat de gestion d'Inter-Béton du 10 octobre 1967 (blocage de titres)' et le 'deuxième complément confidentiel au contrat de gestion d'Inter-Béton'[, ces] deux avenants [ayant] été fournis par CBR à la Commission en annexe 5 A à la réponse à la demande de renseignements du 19 mars 1990". Il leur semblait "d'autant plus raisonnable de réserver un caractère confidentiel à ces deux avenants que ceux-ci [avaient] trait à des questions dépourvues de toute pertinence dans le cadre de la présente affaire". Aux endroits du dossier où devraient se trouver les documents n° 33.322/1636, 1638 à 1755, 1757, 1759, 1770 à 1789 et 1792 à 1796 figure à chaque fois une lettre du 28 juillet 1997 des avocats d'Asland qui identifie, parmi les documents figurant aux pages 1508 à 1810 du dossier 33.322, ceux dont cette société souhaite maintenir la confidentialité, parce qu'"ils se rapportent à des opérations de restructuration interne de la société, ne comportent aucun lien avec les infractions dénoncées, ne présentent aucun intérêt pour la solution de la présente affaire et font partie intégrante de la stratégie et de la politique interne adoptées par Asland pendant la période de référence", et ceux pour lesquels Asland ne voit aucune objection à ce qu'ils soient désormais rendus accessibles aux tiers.

207. Dans ces conditions, faute pour Italcementi d'apporter le moindre indice visant à établir que les documents énumérés ci-dessus au point 202, qui ont fait l'objet d'un traitement confidentiel dans le respect des instructions données par le Tribunal, auraient pu présenter un intérêt pour sa défense au cours de la procédure administrative, le grief qu'elle prétend tirer de l'inaccessibilité de ces documents lors de la consultation du dossier à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997 doit être rejeté. Il convient d'ajouter que les différentes lettres d'avocats mentionnées au point précédent énuméraient chaque fois avec précision les documents visés par la réserve de confidentialité, en les identifiant systématiquement par leur intitulé. A défaut de preuve contraire, il y a donc lieu de considérer que la Commission a correctement exécuté les demandes de traitement confidentiel figurant dans ces lettres, en ne soustrayant à la consultation des parties que les documents visés par ces demandes.

208. Enfin, Holderbank invoque une atteinte à la protection des secrets d'affaires, dont la Commission se serait rendue coupable lors de l'exécution de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997. Elle fait ainsi valoir que, bien que sa filiale Obourg et elle aient fait savoir à la Commission que le contrat de création de la société Inter-Béton, qui se trouvait dans le dossier d'instruction, ne devait pas être porté à la connaissance de tiers parce qu'il comportait des secrets d'affaires (voir lettres du 3 septembre 1997 de la requérante à la Commission et du 28 août 1997 de sa filiale Obourg à la Commission, jointes en annexe 7 aux observations de la requérante du 8 décembre 1997), la Commission a rendu cette pièce accessible à tous. Elle souligne que, si son intervention lors de sa consultation du dossier du 29 octobre 1997 a permis de faire en sorte que cette pièce échappe aux consultations ultérieures des autres requérantes, il n'en demeure pas moins que ses concurrents et ceux de sa filiale Obourg, qui ont consulté le dossier avant le 29 octobre 1997, ont vu ce contrat, de sorte que son retrait ultérieur du dossier n'a pas réparé l'atteinte à la protection de ses secrets d'affaires. Elle juge cet incident d'autant plus incompréhensible que les autres documents que sa filiale et elle avaient qualifiés de secrets d'affaires avaient été retirés du dossier par la Commission avant le début des consultations.

209. A cet égard, il convient d'admettre qu'il est regrettable que la Commission ait permis la consultation temporaire de ce document confidentiel par des tiers. Cependant, l'argument invoqué par Holderbank ne présente aucune pertinence dans le cadre de l'appréciation du bien-fondé de son recours. En effet, ce comportement de la Commission n'est nullement de nature à affecter la légalité de la décision attaquée.

2.3.4. Conclusions provisoires

210. Il résulte de tout ce qui précède que les 39 parties requérantes concernées par l'argumentation examinée (voir ci-dessus point 124) ont eu, au cours de la procédure écrite devant le Tribunal, un accès complet à la CG et un accès au dossier d'instruction égal à celui qu'elles auraient dû avoir au cours de la procédure administrative. Elles ont eu accès à l'intégralité du dossier d'instruction, à l'exception des documents contenant des secrets d'affaires d'autres entreprises ou d'autres informations confidentielles et des documents internes de la Commission. L'institution a en outre précisé la nature des documents internes du dossier d'instruction et a rendu accessible, en ce qui concerne les documents pour lesquels un traitement confidentiel avait été sollicité, une version non confidentielle ou un résumé non confidentiel. Les rares anomalies dans l'exécution de la mesure d'organisation de la procédure qui ont été décelées ci-dessus aux points 204 et 205 se rapportent à des documents qui, manifestement, n'auraient pas été utiles à la défense des parties requérantes au cours de la procédure administrative.

211. Il y a donc lieu de conclure que, à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997, les 39 parties requérantes concernées ont disposé de tous les éléments nécessaires pour expliciter leur argumentation, selon laquelle leurs droits de la défense auraient été violés en raison du fait que les chapitres de la CG et les documents du dossier d'instruction demeurés inaccessibles au cours de la procédure administrative auraient contenu des éléments à leur décharge. En outre, par ces mesures d'organisation de la procédure, il a été fait droit aux demandes de Dyckerhoff, d'Aalborg, de Rugby, de Castle, d'Heracles, d'Aker, d'Euroc et d'Italcementi tendant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de produire les documents se trouvant dans les dossiers 27.997, 33.126 et 33.322. Enfin, le reproche qu'Hornos Ibéricos a adressé à la Commission d'avoir refusé, le 6 janvier 1995, l'accès au dossier d'instruction est devenu sans objet.

2.3.5. Circonstances particulières qui auraient affecté l'effet utile des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997

212. Certaines parties requérantes invoquent, dans les mémoires qu'elles ont déposés à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997, des circonstances particulières qui auraient affecté l'effet utile de ces mesures d'organisation de la procédure.

213. En premier lieu, Blue Circle déplore le laps de temps extrêmement court qui lui a été imparti pour analyser la documentation rendue accessible à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996. Unicem, Titan et Blue Circle formulent la même critique en ce qui concerne la documentation rendue accessible à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, soulignant qu'elles n'ont pas disposé d'un temps suffisant pour coordonner l'examen de tous ces documents avec celui des documents rendus accessibles auparavant. Blue Circle ajoute qu'elle n'a pas été en mesure, pour la préparation de son mémoire à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, de fournir à ses conseils la moindre assistance pour l'analyse de la masse de documents commerciaux, aucun de ses employés n'ayant été disponible au cours de cette période.

214. Il convient de constater, en ce qui concerne la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996, que Blue Circle a pu consulter les dossiers relatifs aux griefs nationaux le 27 novembre 1996. Cette partie requérante, qui a déposé le 10 février 1997 ses observations sur la pertinence des documents contenus dans ce dossier, a donc disposé d'un délai de deux mois et demi pour la préparation de celles-ci. Unicem, Titan et Blue Circle ont ensuite disposé de six semaines à la suite de la consultation du dossier d'instruction pour préparer leur mémoire dans le cadre de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997.

215. Ces parties requérantes ont ainsi disposé de délais raisonnables, au regard du délai de deux mois prévu par l'article 173 du traité pour l'introduction d'un recours en annulation. Il convient de souligner que l'objet des mesures d'organisation de la procédure était limité. Il était de permettre aux 39 parties requérantes concernées d'identifier les éléments à décharge dans les documents qui avaient été occultés au cours de la procédure administrative et d'expliquer comment cette procédure aurait pu aboutir à un résultat différent si elles avaient eu accès à ces éléments au cours de celle-ci. La préparation des mémoires à la suite des mesures d'organisation de la procédure ne nécessitait pas un examen attentif de chaque document rendu accessible. En effet, il ressort d'une lecture du seul intitulé de nombreux documents du dossier d'instruction qu'ils ne présentent aucun rapport avec les griefs retenus à l'encontre d'Unicem, de Titan ou de Blue Circle dans la décision attaquée.

216. S'agissant de l'argument tiré de l'impossibilité matérielle, pour Blue Circle, d'assister ses conseils dans l'exécution de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, il doit être relevé que, sauf cas de force majeure, non établi en l'espèce, les difficultés et aléas liés à l'organisation interne d'une partie ne peuvent être utilement invoqués par celle-ci, dès lors qu'elle a bénéficié d'un délai raisonnable pour l'exercice de ses droits de la défense. En tout état de cause, Blue Circle ne peut raisonnablement soutenir en l'espèce que, au cours du délai accordé pour déposer des observations à la suite de la consultation par ses conseils du dossier au greffe du Tribunal, aucun de ses employés n'a été en mesure de consacrer le moindre moment pour aider ces derniers dans l'analyse des documents qu'ils avaient sélectionnés.

217. Il s'ensuit que les arguments d'Unicem, de Titan et de Blue Circle tirés du laps de temps insuffisant qui leur aurait été imparti pour la préparation d'un mémoire à la suite des mesures d'organisation de la procédure doivent être rejetés.

218. En second lieu, Dyckerhoff, le BDZ, Asland, Uniland, Oficemen, Holderbank, Hornos Ibéricos et Blue Circle critiquent l'illisibilité de certaines pièces auxquelles ils ont eu accès à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996. Asland cite à titre d'exemple les documents n° 33.322/1012 et suivants. Le BDZ, Castle, Holderbank et Hornos Ibéricos dénoncent aussi le fait que les documents consultés étaient des copies et non des originaux. Holderbank critique en particulier le refus explicite de la Commission de rendre accessibles les originaux. Comme la Commission affirme que Holderbank a pu accéder aux originaux, cette partie requérante, dans sa lettre du 27 mai 1997, demande au Tribunal de procéder à l'audition du fonctionnaire concerné de la Commission. Elle explique que certains documents ont subi une réduction à la photocopie avant d'être rendus accessibles à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996. Il serait en outre impossible de vérifier si les copies mises à la disposition des parties requérantes étaient toutes complètes et il y aurait même lieu de supposer que tel n'était pas le cas de certaines d'entre elles. Holderbank se réfère en particulier au document n° 33.126/14929.

219. Uniland, Oficemen et Italcementi critiquent l'illisibilité de certains documents qui ont été accessibles à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997. Uniland et Oficemen citent à cet effet les documents n° 33.126/879, 11411 à 1144 (sic), 5803, 5804, 5885, 5886, 6499, 7157 à 7163, 14762, 14789, 15124, 15125, 15319, 15320, 15356, 15357, 15391 à 15393, 19554, 19555, 20026 à 20032 et 20168 à 20171.

220. Force est de constater que les parties requérantes ne se plaignent pas de l'illisibilité des documents contenus dans le dossier 27.997, rendu accessible à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996. Quant aux documents des dossiers 33.126 et 33.322, leurs originaux ont été accessibles aux parties requérantes à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997 (voir ci-dessus points 168 et 169). Les observations quant à l'illisibilité des copies que les parties requérantes ont pu consulter à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996 sont donc devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu non plus d'ordonner la mesure d'instruction demandée par Holderbank. Quant à l'éventuelle illisibilité dont pourraient être affectés les originaux des documents dont disposait la Commission au cours de la procédure administrative, elle n'est pas imputable à la Commission et n'a pas pu nuire à la réalisation des objectifs assignés à l'accès au dossier d'instruction accordé aux parties requérantes par les mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997. En effet, une telle illisibilité s'impose tant aux parties requérantes qu'à la Commission. Cette dernière n'a donc pas eu des documents illisibles une connaissance différente de celle que les parties requérantes ont pu acquérir en les consultant.

221. Les arguments de Dyckerhoff, du BDZ, d'Asland, d'Uniland, d'Oficemen, d'Italcementi, de Holderbank, d'Hornos Ibéricos et de Blue Circle, tirés de l'illisibilité de certaines pièces auxquelles elles ont eu accès à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997, ne peuvent donc être accueillis.

222. En troisième lieu, Unicem, Titan et Blue Circle critiquent le fait qu'il n'a été fourni aucune traduction des documents qui ont été rendus accessibles à la suite des mesures d'organisation de la procédure, alors que ces documents ont été rédigés dans une multitude de langues. Cette circonstance aurait compliqué la préparation de leurs observations dans le délai qui leur était imparti. De même, Valenciana dénonce le fait qu'elle n'a pas reçu de traduction des chapitres nationaux de la CG, autres que les chapitres espagnols, ni des pièces auxquelles ces chapitres se réfèrent, ni davantage des autres pièces du dossier.

223. Il y a lieu de rappeler que le régime linguistique prévu à l'article 3 du règlement n° 1 s'applique uniquement aux textes adressés par les institutions à des destinataires déterminés (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T-148-89, Rec. p. II-1063, point 21). La Commission n'était donc pas tenue de fournir aux parties requérantes une traduction des différentes pièces recueillies au cours de l'enquête administrative. Ces pièces ne constituent pas, en effet, des communications de la Commission aux parties requérantes, même si la Commission a été tenue de les rendre accessibles au cours de la procédure pendante devant le Tribunal. La Commission n'avait pas non plus à fournir à Valenciana une traduction des chapitres nationaux de la CG autres que ceux relatifs à l'Espagne (chapitres 8 et 18), dès lors que cette entreprise ne figurait pas parmi les destinataires de ces autres chapitres nationaux. Le grief formulé par Unicem, Valenciana, Titan et Blue Circle doit donc être rejeté.

224. En quatrième lieu, Valenciana, Asland, Uniland, Oficemen et Hornos Ibéricos dénoncent l'absence d'une liste indiquant la teneur des documents constituant le dossier d'instruction.

225. Il convient de rappeler que les parties requérantes n'ont disposé ni au cours de la procédure administrative ni au cours de la procédure devant la Tribunal d'une liste indiquant la teneur des documents constituant le dossier d'instruction. La seule liste dont elles disposaient était celle remise aux destinataires de la CG au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus point 5).

226. Cependant, cette circonstance n'a pas affecté leurs droits de la défense au cours de la procédure devant le Tribunal. En effet, à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997, elles ont eu accès à l'ensemble des documents du dossier d'instruction, à l'exception de ceux contenant des secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles et des documents internes de la Commission. Elles ont en outre eu accès à des versions ou à des résumés non confidentiels des documents considérés comme confidentiels, et la Commission a indiqué la nature des documents internes contenus dans ses dossiers. L'absence d'une liste contenant une description de la teneur de chaque document n'a pas pu les empêcher d'identifier, au cours de la procédure devant le Tribunal, parmi les documents du dossier d'instruction, ceux qui auraient pu être utiles à leur défense au cours de la procédure administrative et, partant, de démontrer que leurs droits de la défense ont été violés au cours de la procédure administrative.

227. Dès lors, pour autant que l'argument invoqué par les parties requérantes dénonce l'absence d'une liste indiquant la teneur des documents constituant le dossier d'instruction, au cours de la procédure devant le Tribunal, il doit être rejeté. Pour autant qu'il porte sur l'absence d'une liste détaillée au cours de la procédure administrative, il sera examiné ultérieurement (voir ci-après points 272 à 275).

228. En cinquième lieu, Dyckerhoff, Vicat, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, Asland, Uniland, Oficemen et Blue Circle relèvent plusieurs erreurs d'archivage ou de classification, qui auraient accentué les difficultés qu'elles ont rencontrées lors de la préparation des mémoires à la suite des mesures d'organisation de la procédure. Dyckerhoff, Vicat, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Aalborg et Asland critiquent la façon dont les dossiers nationaux ont été composés. Ciments français insiste notamment sur le classement arbitraire des pièces selon leur caractère prétendument national ou international (documents n° 33.126/10827, 10828, 17157 à 17159, 17166 à 17170, 17178, 17179 et 19881 à 19887). Selon Aalborg, il n'existe pas de distinction logique entre les prétendues ententes nationales et les prétendues ententes internationales. A titre d'exemple, elle cite les documents n° 33.126/19201 et 19202 qu'elle a trouvés dans le dossier grec, alors qu'ils se rapportent à un organisme gréco-espagnol de coopération à la grande exportation. Ciments français dénonce aussi le fait que de nombreux documents sont numérotés uniquement sur la première page, en particulier dans le dossier relatif à l'Espagne. Ciments français et Lafarge critiquent d'une manière générale le manque complet de transparence dans la composition des dossiers 33.126 et 33.322. Heidelberger, pour sa part, soutient que la numérotation du dossier d'instruction est extrêmement opaque. Elle mentionne à cette occasion l'absence de numérotation de certains documents figurant dans le classeur L du dossier déposé par la Commission au greffe du Tribunal en exécution de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997. Elle vise le document n° 33.126/9571, qui comporterait 32 pages, le document n° 33.126/4982, qui serait subdivisé en de nombreux sous-numéros, et le classeur XLI du dossier. Dyckerhoff, Unicem, Castle, Holderbank, Hornos Ibéricos et Cementir invoquent l'illisibilité de la numérotation des documents. Cementir ajoute que l'illisibilité de la numérotation d'une série de documents, auxquels elle a eu accès à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996, l'a contrainte à un examen minutieux destiné à identifier les "nouveaux" documents qui lui ont été rendus accessibles à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997. Le BDZ critique l'existence de différentes numérotations sur les documents consultés. Asland fait observer que certaines pièces figuraient en double ou en triple dans les dossiers nationaux, avec une pagination différente mais un même numéro de référence sur la liste (voir ci-dessus point 5). A titre d'exemple, elle renvoie aux pages 64 à 70, 105 à 111 et 182 à 188 du dossier relatif au Portugal, qui portent les n° 33.322/2897 et suivants. Hornos Ibéricos soutient encore que le dossier qui a été mis à sa disposition semble avoir été manipulé. Ainsi, différentes pièces du dossier contiendraient des annotations ajoutées par les services de la Commission. Elle cite à cet égard les documents n° 33.322/170, 172 et 489 ainsi que les documents n° 33.126/11988, 17359, 17441, 17578, 17579, 17582, 17586, 17658, 17936 et 17996.

229. Italcementi formule des observations similaires concernant le dossier d'instruction qu'elle a pu consulter à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997. Elle a relevé, lors de la consultation de ce dossier, la présence de documents non numérotés (ainsi, dans le classeur XVIII, le document n° 33.126/6857 bis contient, en annexe 5, des pages non numérotées; dans le classeur XX figurent, après le document n° 33.126/6891, sept pages non numérotées; dans le classeur XXII figurent, après le document n° 33.126/8384 bis, quatre pages non numérotées; dans le classeur XXIV, le document n° 33.126/9416 est suivi de sept pages non numérotées et le document n° 33.126/9571 de 33 pages non numérotées; dans le classeur XXVII, le document n° 33.126/10743 est suivi de 17 pages non numérotées et le document n° 33.126/10745 de deux pages non numérotées; dans le classeur XXVIII figurent, après le document n° 33.126/11206, deux pages non numérotées; dans le classeur XXX, les documents n° 33.126/11912 et 12230 sont chaque fois suivis d'une page non numérotée; dans le classeur XXXVI, les documents n° 33.126/14411 et 14502 sont suivis d'une page non numérotée; dans le classeur XLII, le document n° 33.126/16934 est suivi de trois pages non numérotées; dans le classeur XLIII, le document n° 33.126/16971 est suivi de cinq pages non numérotées; dans le classeur XLVII, le document n° 33.126/18099 est suivi d'une page non numérotée). Cette partie requérante a d'ailleurs pu constater que, en présence de documents de plusieurs pages, tels que des brochures, des bilans de société, des contrats ou des listings de ventes ou de prix, la Commission s'est contentée de numéroter la première page du document en question ou de le numéroter de manière alternée ou non consécutive [par exemple, classeur XXXVII, où certains documents imprimés recto verso comportent, au verso, des numéros supérieurs de plusieurs unités par rapport aux numéros imprimés au recto (par exemple, recto 33.126/14982 verso 33.126/14991, recto 33.126/14983 verso 33.126/14990, recto 33.126/14984 verso 33.126/14989); classeur LI où certains contrats ne sont numérotés que sur la couverture (par exemple 33.126/19556), alors que d'autres sont numérotés à chaque page (par exemple 33.126/19561 à 19577)]. Quant au classeur VIII du dossier 33.322, il serait dans un désordre tel qu'il serait impossible de vérifier avec exactitude s'il est complet.

230. Blue Circle souligne le désordre du dossier, l'absence de certaines pages et la double numérotation de certaines pièces. Uniland et Oficemen font valoir que le classeur LI, relatif à l'affaire 33.126, n'est pas mentionné dans la liste (voir ci-dessus point 5) des documents établie par la Commission. De même, la consultation de cette liste donnerait à penser que, dans le classeur XXXVII, seuls les documents n° 33.126/14740 à 14742 concernent SIPAC, alors que celle-ci serait visée à partir du document n° 33.126/14739. En consultant le dossier le 17 décembre 1997, Uniland et Oficemen auraient découvert des documents relatifs à l'affaire 33.126 dans des classeurs se rapportant à l'affaire 33.322. Ainsi, les documents n° 2448 à 2477 de l'affaire 33.126, qui auraient dû figurer dans le classeur VII de cette affaire, se trouveraient dans les classeurs I et II de l'affaire 33.322. La numérotation désordonnée des pièces figurant dans les classeurs IV et V de l'affaire 33.322 aurait, pour sa part, rendu leur examen difficile. Uniland et Oficemen expliquent, en effet, que l'on passe sans transition du document n° 1018 au document n° 1039 puis, plus loin, du document n° 1050 au document n° 1069 puis, un peu plus loin encore, du document n° 1072 au document n° 1012, lequel est immédiatement suivi du document n° 1038 et d'une numérotation décroissante jusqu'au document n° 1019, celui-ci étant à son tour suivi de six pages non numérotées, impossibles à classer. Certaines pages de ces classeurs seraient, en outre, impossibles à classifier. Les documents n° 33.126/11123 à 11127 qui, à lire la liste établie par la Commission (voir ci-dessus point 5), auraient dû figurer dans le classeur XXVIII, figureraient dans le classeur XXVII. Quant au classeur XXIX de l'affaire 33.126, il contiendrait des erreurs de numérotation, les numéros 11694 à 11699 ayant été utilisés pour désigner deux séries différentes de documents.

231. Ces critiques sont dénuées de pertinence pour l'appréciation de l'argumentation examinée. En effet, les parties requérantes n'ont nullement expliqué en quoi la façon dont les dossiers ont été composés a affecté leurs droits de la défense en l'espèce. En ce qui concerne le grief relatif à la numérotation et à des "manipulations" des documents, force est de constater que, même à supposer les allégations des parties établies, l'absence de numérotation ou la numérotation incomplète ou désordonnée de l'une ou l'autre pièce, ou l'ajout par la Commission d'une annotation sur l'une ou l'autre pièce du dossier d'instruction, n'ont pas pu nuire à la réalisation des objectifs assignés à l'accès au dossier d'instruction accordé aux parties requérantes par les mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997. En effet, les parties requérantes auraient pu invoquer des pièces du dossier dont la numérotation était illisible ou qui avaient été "annotées" par la Commission, en les joignant à leurs observations, et expliquer en quoi ces pièces auraient été pertinentes pour leur défense au cours de la procédure administrative. Il en va de même du désordre constaté, de façon ponctuelle, dans certaines parties du dossier d'instruction.

232. Quant au grief tiré d'une prétendue attribution, par la Commission, d'une même numérotation (33.126/11694 à 11699) à deux séries distinctes de documents, il procède d'une altération manuscrite, sur certaines des copies effectuées par Uniland et Oficemen, de la numérotation des pièces originales du dossier de la Commission. Après vérification dans le dossier original de la Commission, il ressort en effet sans équivoque que les documents numérotés de 33.126/11694 à 11699 dans ce dossier concernent uniquement des extraits de notes manuscrites prises (selon toute vraisemblance par Cembureau) lors de la réunion des chefs de délégation du 30 mai 1983 à Kerkyra (documents n° 33.126/11694 à 11696), une lettre du 20 janvier 1984 de J. Bailly (président de Cembureau) à M. Bertran (président d'Asland) (document n° 33.126/11697), le compte rendu fait par "PD" (M. Philippe Dutron, de Cembureau, vraisemblablement) le 13 mars 1984, d'un entretien téléphonique avec M. d'Agostino (Italcementi) relatif aux exportations de ciment de l'Italie vers la Suisse (document n° 33.126/11698), et la liste des participants à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 à Noordwijk (document n° 33.126/11699). L'autre série de documents, dont Uniland et Oficemen soutiennent qu'elle est également couverte par la numérotation allant de 33.126/11694 à 11699 et qui se rapporte à d'autres extraits de notes manuscrites prises lors de la réunion des chefs de délégation du 30 mai 1983 à Kerkyra, porte la numérotation 33.126/11689 à 11693. Enfin, comme le relèvent Uniland et Oficemen, la liste (voir ci-dessus point 5) ne mentionne pas un classeur LI. Elle mentionne toutefois deux classeurs L, de sorte que le second classeur L auquel la liste (voir ci-dessus point 5) fait référence est en réalité le classeur LI.

233. Il résulte de ce qui précède que l'ensemble des arguments reproduits ci-dessus aux points 228 à 230 doit être rejeté.

234. Enfin, en sixième lieu, Blue Circle souligne qu'elle a cherché à éviter d'invoquer, dans les observations qu'elles a déposées à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, des documents qui avaient été légitimement qualifiés de confidentiels au cours de la procédure administrative. A cet égard, elle reproche à la Commission d'avoir refusé de lui fournir une liste de ces documents. Elle joint aux observations qu'elle a déposées à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997 (annexe 3) les échanges de correspondance pertinents à cet égard, au cours desquels elle justifiait cette demande par son souci, compte tenu du laps de temps court qui lui était imparti pour faire valoir ses observations à la suite de la consultation du surplus du dossier, de distinguer les documents auxquels l'accès lui avait été refusé pendant la procédure administrative en raison de la demande de traitement confidentiel qui avait été formulée à leur égard par la ou les parties concernées, de ceux auxquels elle n'avait pas eu accès parce que la Commission avait décidé qu'ils n'étaient pas pertinents pour sa défense.

235. Il convient de relever que, si la Commission n'a pas mis à la disposition de Blue Circle la liste que celle-ci demandait, elle lui a cependant fourni, par lettre du 13 novembre 1997 (annexe 3 aux observations de la requérante déposées à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997), les critères lui permettant de déterminer les documents qui avaient été couverts par une réserve de confidentialité pendant la procédure administrative. Une identification plus précise des documents qualifiés de confidentiels au cours de ladite procédure aurait été totalement dépourvue d'intérêt, dans la mesure où, dans le cadre de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, les entreprises et les associations d'entreprises concernées ont été invitées à "actualiser" leur appréciation quant à l'opportunité de maintenir la confidentialité réclamée à l'époque pour certains documents. De nombreux documents classés confidentiels au cours de la procédure administrative ont donc été rendus accessibles aux parties requérantes à l'occasion de la consultation du dossier d'instruction au greffe du Tribunal. La mise à la disposition, par la Commission, de la liste des documents qualifiés de confidentiels lors de la procédure administrative n'aurait certainement pas conduit Blue Circle à se priver de la possibilité d'invoquer l'un ou l'autre des documents qui aurait figuré sur cette liste, mais dont la confidentialité aurait été levée depuis lors. L'examen des documents joints par la partie requérante en annexe à ses observations montre d'ailleurs qu'elle n'a pas hésité contrairement à ce qu'elle affirme dans ces observations à se prévaloir de documents qui avaient été classés comme confidentiels pendant la procédure administrative, mais pour lesquels les entreprises et/ou associations d'entreprises concernées avaient consenti à ce qu'ils fussent rendus accessibles aux tiers dans le cadre de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997. Il convient de se référer, à titre d' exemple, aux documents n° 33.126/16936 à 16938, figurant à l'annexe 5-10 aux observations de la partie requérante, qui comportent la mention "confidentiel". L'argument de Blue Circle doit donc être rejeté.

236. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucune des circonstances particulières invoquées par les différentes parties requérantes n'a pu nuire à la réalisation des objectifs assignés à l'accès à l'intégralité de la CG et du dossier d'instruction qui leur a été accordé par les mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997.

3. Cadre analytique pour l'appréciation d'un argument tiré de la violation des droits de la défense en raison de l'inaccessibilité d'un prétendu élément à décharge au cours de la procédure administrative

237. Par les mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997, les 39 parties requérantes concernées par l'argumentation examinée (voir ci-dessus point 124) ont été invitées à expliciter d'une manière détaillée leur argumentation selon laquelle les parties de la CG et du dossier d'instruction auxquelles elles n'ont pas eu accès au cours de la procédure administrative auraient été utiles à leur défense.

238. Avant d'entamer l'examen concret des différents arguments développés par ces parties requérantes, il y a lieu d'indiquer d'une manière générale les circonstances dans lesquelles un accès incomplet à la CG et/ou au dossier d'instruction au cours de la procédure administrative conduira à la constatation d'une violation des droits de la défense.

239. Les 39 parties requérantes concernées soutiennent que l'accès irrégulier qu'elles ont eu au dossier d'instruction doit nécessairement conduire à l'annulation de la décision attaquée. Elles se réfèrent, à cet égard, aux arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, et ICI/Commission, T-36-91. Elles rappellent que, dans ces deux arrêts (respectivement points 84 et 94), le Tribunal a constaté que la Commission avait "violé les droits de la défense de la requérante, en excluant de la procédure des documents dont elle disposait et qui étaient éventuellement susceptibles d'être utiles à la défense de la requérante". Elles soulignent que, dans chacun de ces arrêts, le Tribunal a annulé la décision contestée après avoir considéré (respectivement points 98 et 108 des arrêts) qu'une violation des droits de la défense au stade de la procédure administrative ne pouvait être régularisée lors de la procédure devant le Tribunal.

240. Il doit être rappelé qu'une annulation totale ou partielle de la décision attaquée ne peut être prononcée que moyennant la constatation que l'accès irrégulier au dossier d'instruction accordé aux parties requérantes au cours de la procédure administrative les a empêchées de prendre connaissance de documents qui étaient susceptibles d'être utiles à leur défense et a de la sorte violé leurs droits de la défense (arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, points 80, 81, 84, 98 et 100, et ICI/Commission, T-36-91, points 90, 91, 94, 108, 110 et 115). L'ampleur de la partie du dossier d'instruction à laquelle les parties requérantes n'ont pas eu accès au cours de la procédure administrative ne suffit pas en tant que telle pour fonder une telle constatation.

241. Lorsqu'une partie requérante conteste, dans le cadre d'un recours en annulation d'une décision définitive de la Commission, un refus de celle-ci de communiquer une ou plusieurs pièces du dossier, il appartient au Tribunal de se faire communiquer celles-ci et de les examiner (conclusions de l'avocat général M. Léger sous l'arrêt du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, citées au point 144 ci-dessus, point 121). Sans que le Tribunal puisse alors se substituer à la Commission (arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, point 98, et ICI/Commission, T-36-91, point 113), cet examen doit d'abord porter sur la question de savoir si les pièces qui n'ont pas été accessibles au cours de la procédure administrative présentent un lien objectif avec un grief retenu à l'encontre de la partie requérante concernée dans la décision attaquée. Si un tel lien fait défaut, les pièces en question ne présentent aucune utilité pour la défense de la partie requérante qui s'en prévaut. Si, en revanche, des pièces présentent un tel lien, il convient alors d'examiner si leur non-divulgation a pu affecter la défense de cette partie au cours de la procédure administrative. A cet effet, il y aura lieu d'examiner les éléments de preuve avancés par la Commission à l'appui de ce grief (arrêts Solvay/Commission, T-30-91, cité au point 106 ci-dessus, points 61 à 65, ICI/Commission, T-36-91, cité au point 106 ci-dessus, points 71 à 75, et ICI/Commission, T-37-91, cité au point 142 ci-dessus, points 51 à 56) et d'apprécier si les pièces non divulguées ont pu avoir au regard des éléments de preuve avancés par la Commission une importance qui n'aurait pas dû être négligée (arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, point 68, et ICI/Commission, T-36-91, point 78). Il y aura violation des droits de la défense s'il existait une chance même réduite que la procédure administrative pût aboutir à un résultat différentdans l' hypothèse où la partie requérante aurait pu se prévaloir du document au cours de cette procédure administrative (arrêt du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, cité au point 140 ci-dessus, point 56; arrêts Solvay/Commission, T-30-91, cité au point 106 ci-dessus, point 68, et ICI/Commission, T-36-91, cité au point 106 ci-dessus, point 78; conclusions de l'avocat général M. Léger sous l'arrêt du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, citées au point 144 ci-dessus, point 120).

242. L'examen de la question de savoir si une pièce non accessible au cours de la procédure administrative était susceptible d'être utile à la défense d'une partie requérante nécessite donc, sauf dans les cas où la pièce n'a aucun lien objectif avec un grief retenu à l'encontre de la partie requérante, un examen provisoire des éléments de preuve retenus par la Commission au soutien de sa constatation d'une infraction dans la décision attaquée.

243. Il convient de souligner que le Tribunal s'est livré à un examen provisoire des éléments de preuve retenus par la Commission dans sa décision également dans ses arrêts dans les affaires "Carbonate de soude" (arrêts du Tribunal du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30-91, cité au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-31-91, Rec. p. II-1821, ci-après "arrêt Solvay/Commission, T-31-91", Solvay/Commission, T-32-91, Rec. p. II-1825, ci-après "arrêt Solvay/Commission, T-32-91", ICI/Commission, T-36-91, cité au point 106 ci-dessus, et ICI/Commission, T-37-91, cité au point 142 ci-dessus), même si les parties requérantes estiment pouvoir déduire d'une lecture isolée de certains extraits de ces arrêts (notamment arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, point 98, et ICI/Commission, T-36-91, point 108) que l'accès irrégulier au dossier d'instruction entraîne nécessairement l'annulation de la décision attaquée. Il y a lieu de rappeler que, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Solvay/Commission, T-32-91, précité, et ICI/Commission, T-37-91, cité au point 142 ci-dessus, la Commission avait constaté dans deux décisions distinctes du 19 décembre 1990 des infractions à l'article 86 du traité CE (devenu article 82 CE), à l'encontre de Solvay et d'ICI, sur le marché du carbonate de soude. Elle reprochait à Solvay d'avoir abusé de sa position dominante sur ce marché de référence sur le marché de l'Europe de l'Ouest et à ICI d'avoir fait de même sur le marché du Royaume-Uni. En outre, elle avait constaté, dans une troisième décision du même jour, l'existence d'une pratique concertée, contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, entre Solvay et ICI. Elle retenait que cette pratique avait existé du 1er janvier 1973 jusqu'au début de 1989 et avait concerné le partage du marché ouest-européen de la soude. Dans le cadre de ladite pratique, l'Europe de l'Ouest continentale aurait été attribuée à Solvay et le Royaume-Uni ainsi que l' Irlande à ICI. C'est cette dernière décision qui a donné lieu aux arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, et ICI/Commission, T-36-91.

244. Dans ces arrêts, le Tribunal avait à examiner un moyen tiré d'une violation des droits de la défense en ce que les parties n'avaient, au cours de la procédure administrative, pas eu accès au dossier concernant le prétendu abus de position dominante commis par l'autre partie. Les parties requérantes estimaient que ces dossiers auraient pu contenir des éléments à leur décharge. Face à cette argumentation, le Tribunal a d'abord examiné les éléments de preuve qui avaient été retenus par la Commission. Cette dernière avait d'abord constaté qu'ICI et Solvay avaient conclu un accord de partage de marché en 1949. Bien que cet accord eût été formellement abrogé en 1972, la Commission avait estimé dans sa décision qu'il existait d'amples preuves de collusion dont il pouvait être inféré que l'entente originale de 1949 avait continué à être mise en œuvre sous la forme d'une pratique concertée après 1972 (voir arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, point 61, et ICI/Commission, T-36-91, point 71). Ainsi, pour établir la pratique concertée, la Commission s'était fondée sur quatre éléments, à savoir, premièrement, l'absence de commerce de la soude de la part d'ICI et de Solvay au-delà de la Manche pendant toute la période considérée, deuxièmement, la coïncidence exacte de cette absence de concurrence avec les termes de l'accord conclu en 1949, troisièmement, la conclusion et la mise en œuvre d'accords d'achat pour revente, consistant en la livraison de soude par Solvay à ICI, pendant la période allant de 1983 à 1989, et, quatrièmement, des contacts fréquents entre Solvay et ICI en vue de coordonner leur stratégie dans le secteur de la soude (arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, point 65, et ICI/Commission, T-36-91, point 75).

245. Ensuite, dans ces affaires, le Tribunal a constaté que la seule preuve documentaire directe de l'infraction constatée, pour la période allant de 1973 à 1982, était l'accord de 1949. En effet, les contrats d'achat pour revente dataient de la période allant de 1983 à 1989. En outre, pour cette même première période, des documents relatifs à des réunions faisaient défaut (arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, point 74, et ICI/Commission, T-36-91, point 84). Le Tribunal a examiné la valeur probante de l'accord de 1949. Il a constaté (arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/ Commission, T-30-91, point 73, et ICI/Commission, T-36-91, point 83) que cet accord avait été formellement résilié en 1972 et que la Commission n'était pas en droit de négliger la possibilité que les deux entreprises aient voulu respecter le traité par cette résiliation. L'accord de 1949 constituait donc, selon le Tribunal, un élément de preuve faible pour retenir, à partir du 1er janvier 1973, l'infraction incriminée à l'encontre d'ICI et de Solvay. Le seul autre indice de l'existence d'une pratique concertée, à tout le moins pour la période allant de 1973 à 1982, résultait du comportement des entreprises concernées sur le marché, à savoir l'absence de commerce de la soude de la part d'ICI et de Solvay au-delà de la Manche. Toutefois, en raison de la faiblesse des moyens de preuve documentaires relatifs, en particulier, à l'année 1973 et aux premières années qui ont suivi, le Tribunal a considéré que la Commission, pour établir à suffisance de droit la pratique concertée reprochée à ICI et à Solvay, aurait dû envisager, dès le stade de la CG, une appréciation économique globale et approfondie, notamment du marché en cause ainsi que de l'importance et du comportement des entreprises agissant sur ce marché. Il a estimé que cette appréciation, pour être complète, objective et équilibrée, aurait dû au moins tenir compte, d'une part, des fortes positions que détenaient Solvay et ICI sur leurs marchés géographiques respectifs et, d'autre part, des pratiques de fidélisation des clients qui leur étaient reprochées dans le cadre des procédures ouvertes au titre de l'article 86 du traité (arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, point 76, et ICI/Commission, T-36-91, point 86). C'est dans ce contexte que le Tribunal a jugé que les documents concernant l'infraction à l'article 86 du traité prétendument commise par ICI auraient été utiles pour la défense de Solvay pour infirmer la thèse de l'existence d'une pratique concertée entre Solvay et ICI. En effet, ces documents auraient pu expliquer que le comportement passif reproché à Solvay était fondé sur des décisions autonomes de celle-ci, motivées par la difficulté de pénétrer un marché dont l'accès était bloqué par une entreprise en position dominante (arrêt Solvay/Commission, T-30-91, cité au point 106 ci-dessus, point 77). Pour les mêmes motifs, les documents concernant l'infraction à l'article 86 du traité prétendument commise par Solvay auraient été utiles pour la défense d'ICI (arrêt ICI/Commission, T-36-91, cité au point 106 ci-dessus, point 87). Comme il existait une chance qu'ICI et Solvay, si elles avaient eu accès aux documents en question au cours de la procédure administrative, aient pu influencer les appréciations portées par la Commission, au moins en ce qui concerne la valeur probante du comportement parallèle et passif qui leur était reproché pour le début et donc pour la durée de l'infraction, le Tribunal a constaté une violation des droits de la défense et a annulé la décision en question (arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, points 98 et 99, et ICI/Commission, T-36-91, points 108 et 109).

246. En revanche, dans l'arrêt ICI/Commission, T-37-91, cité au point 142 ci-dessus, qui se rapportait à la décision de la Commission constatant une infraction à l'article 86 du traité commise par ICI, le Tribunal a rejeté le moyen tiré de l'accès insuffisant au dossier. Il a jugé (point 61) que la constatation de la position dominante dans la décision attaquée avait été fondée sur la part de marché d'ICI et que l'abus de cette position ressortait de preuves documentaires directes, telles que les systèmes de remise appliqués par ICI ainsi que les clauses d'approvisionnement exclusif imposées par celle-ci à ses clients. Après avoir évalué la force probante des moyens de preuve avancés par la Commission, il a jugé (point 63) que la défense d'ICI n'avait pas pu être affectée par le fait qu'elle n'avait pas eu accès au cours de la procédure administrative aux documents provenant des producteurs continentaux. Aucun indice ne permettait en effet de présumer que ces documents auraient pu infirmer les constatations faites par la Commission dans sa décision, dans laquelle elle avait retenu un abus de position dominante d'ICI.

247. Il y a donc lieu de conclure que, lorsqu'une partie requérante soutient dans le cadre d'un recours en annulation que ses droits de la défense ont été violés en raison du fait que, au cours de la procédure administrative, elle n'a pas eu accès à un document du dossier d'instruction qui, selon elle, aurait pu être utile à sa défense, le Tribunal doit se faire communiquer le document identifié. Il doit alors mettre le document en rapport avec les griefs retenus à l'encontre de la partie requérante dans la décision attaquée. Si le document en question ne présente aucun lien objectif avec un grief retenu dans la décision attaquée, la procédure administrative n'aurait pas pu aboutir à un résultat différent pour la partie requérante si elle avait eu accès à ce document au cours de cette procédure. Dans de telles circonstances, le moyen de la partie requérante concernée doit être rejeté. Si, en revanche, le document invoqué a un lien objectif avec un des griefs retenus à l'encontre de la partie requérante dans la décision attaquée, le Tribunal doit apprécier, à la lumière des éléments de preuve avancés par la Commission au soutien des griefs visés dans la décision attaquée, si le document aurait eu quelque chance même réduite de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent dans l'hypothèse où la partie requérante aurait pu s'en prévaloir au cours de cette procédure administrative. Si, à la lumière des éléments de preuve réunis, le Tribunal estime que le document avait une telle chance de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent, il conclura à une violation des droits de la défense (voir ci-après points 2205 à 2212, 2224, 2225, 2284 à 2290, 2384, 2385, 2469, 3406 à 3435 et 3996 à 4005).

248. Enfin, en aucun cas, il ne saurait être admis que les droits de la défense d'une partie requérante ont été violés du fait que la Commission ne lui a pas communiqué un document susceptible de contenir des éléments à sa décharge, si ce document émane de cette partie requérante ou si ce document était manifestement en la possession de cette partie requérante au cours de la procédure administrative (voir, par analogie, arrêt du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, cité au point 144 ci-dessus, point 25, et arrêt ICI/Commission, T-37-91, cité au point 142 ci-dessus, point 64). En effet, si un document dont dispose un destinataire de la CG contient des éléments à sa décharge, rien ne l'empêche d'invoquer ce document au cours de la procédure administrative. Pour l'organisation de sa défense, une partie n'est pas limitée aux seules pièces du dossier de la Commission qui lui sont accessibles. Il lui est loisible d'utiliser toute pièce qui lui semble utile pour réfuter les allégations de la Commission.

4. Application des principes au cas d'espèce

249. Il convient de constater, en premier lieu, que plusieurs documents auxquels se réfèrent les parties requérantes dans les mémoires déposés à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 sont des documents qui étaient déjà accessibles au cours de la procédure administrative. Il s'agit de documents qui ont été classés "A" ("A: tous" ou "A: producteurs européens") sur la liste (voir ci-dessus point 5). Même si, souvent, ces documents ne se trouvaient pas dans la boîte (voir ci-dessus point 95), ils étaient accessibles au cours de la procédure administrative et les parties requérantes auraient pu se fonder sur eux pour étayer les arguments développés dans leurs mémoires en réponse à la CG. Les parties requérantes ne sauraient donc prendre appui sur ces documents pour invoquer une violation de leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative.

250. Les parties requérantes identifiées ci-après se sont ainsi référées, dans leurs mémoires, aux documents suivants, qui leur ont été accessibles au cours de la procédure administrative: la FIC aux documents n° 33.126/4858 à 4861, 4911 à 4913, 19205 et 19218; ENCI aux documents n° 33.126/12519, 12627, 12642, 12648 à 12654 et au document n° 33.126/4470, identique au document n° 33.126/12627, lequel a été classé "A: producteurs européens" sur la liste (voir ci-dessus point 5); Dyckerhoff aux documents n° 33.126/18959, 18960, 19195 et 19196 ainsi qu'aux documents n° 33.126/16509, 16515 et 16516, qui correspondent aux documents n° 33.126/18857, 18821 et 18822, lesquels ont été classés "A: producteurs européens" sur la liste (voir ci-dessus point 5); Heidelberger aux documents n° 33.126/14809, 14826, 19202, 19218, 19220 à 19233, 19250 et 19264 à 19279; Aalborg aux documents n° 33.126/15134, 15135, 15170 et 15201; Buzzi aux documents n° 33.126/4982, 14809, 14812, 14813, 14815, 14817, 14820, 14822, 14824, 14898 et 15174; Valenciana aux documents n° 33.126/4911 à 4913; Asland aux documents n° 33.126/19202, 19205 et 19218; Heracles aux documents n° 33.126/18755 à 18763; Uniland et Oficemen aux documents n° 33.126/11026, 11027, 11080 à 11084, 19195, 19196, 19754, 19762, 19770, 19776, 19817, 19819, 19827, 20011, 20019, 20065, 20071 et 20072; Rugby et Castle aux documents n° 33.126/14331 à 14333; Titan aux documents n° 33.126/4858, 4859, 10982, 10985, 18755 à 18763, 18771 à 18779, 18842, 18843 et 18848 ainsi qu'aux documents n° 33.126/13119 et 16155, qui correspondent respectivement aux documents n° 33.126/18862 et 19007, lesquels ont été classés "A: producteurs européens" sur la liste (voir ci-dessus point 5); Holderbank aux documents n° 33.126/10959, 19195 et 19196, et, enfin, Blue Circle aux documents n° 33.126/19220 à 19347 et 19875 à 19877 ainsi qu'aux documents n° 33.322/1503 à 1505 qui correspondent aux documents n° 33.126/16786 à 16789, lesquels ont été classés "A" sur la liste (voir ci-dessus point 5).

251. En deuxième lieu, plusieurs parties requérantes invoquent des passages de la CG et des documents du dossier d'instruction qui ne présentent aucun rapport avec les griefs retenus contre elles dans la décision attaquée. Il s'agit donc d'éléments qui n'auraient présenté aucune utilité pour leur défense (voir ci-dessus points 241 et 247).

252. Ainsi, certaines parties requérantes se réfèrent à des documents qui concernent les "règles de concurrence loyale" (CG, chapitre 10, paragraphe 60). Dans ce contexte, le SFIC mentionne les documents n° 33.126/2412 à 2415 et Aalborg le document n° 33.126/14806. Il convient toutefois de souligner que les discussions sur la concurrence "loyale ou saine ou correcte", évoquées au paragraphe 17 de la décision attaquée, n'ont pas fait l'objet d'un grief spécifique dans le dispositif de celle-ci. Dans ces conditions, les commentaires que les parties requérantes précitées auraient pu formuler sur la base des documents susvisés, si ceux-ci leur avaient été accessibles au cours de la procédure administrative, n'auraient pas pu conduire ladite procédure à un résultat différent.

253. Heidelberger se réfère à des documents qui démontreraient que l'affirmation de la Commission selon laquelle il y aurait eu une entente entre les producteurs allemands, belges et néerlandais pour se répartir le marché néerlandais (décision attaquée, paragraphe 23) n'est pas fondée. Elle cite ainsi les documents n° 33.126/832, 3720, 8165, 8728, 8729 et 8915. Toutefois, comme le précise le paragraphe 51 de la décision attaquée, la Commission n'a pas pris position dans la décision attaquée sur les faits exposés au paragraphe 23 relatif à l'entente Belgique-Allemagne-Pays-Bas. Aucun grief ne lui ayant été reproché sur cette base, Heidelberger ne saurait prétendre en l'espèce avoir subi une violation de ses droits de la défense en raison d'un défaut d'accès aux documents précités au cours de la procédure administrative.

254. Ensuite, plusieurs parties requérantes invoquent des documents se rapportant à une infraction qui a été visée par la décision attaquée, mais à laquelle, selon celle-ci, elles n'auraient pas participé.

255.

Vicat se réfère aux documents n° 33.126/2088 à 2096, 6590, 6591, 6608, 6690, 6691, 7640, 10811 à 10813, 10827, 10828, 11052, 11053, 11066, 11073 à 11075, 11077, 11078, 13111, 15342 à 15347, 15386, 15387, 16445, 16446 à 16449, 16460 et 16461 pour démontrer qu'elle n'a participé ni directement ni indirectement à l'ETF. Cependant, comme la Commission ne lui a imputé aucune participation aux activités de l'ETF dans la décision attaquée, les documents en question ne présentent aucune pertinence pour sa défense.

256. Hornos Ibéricos et Blue Circle se réfèrent à plusieurs documents ayant un rapport direct avec l'entente ibérique visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée. Hornos Ibéricos invoque les documents n° 33.322/124 à 133, 170, 905, 966 à 973, 1019, 1020, 1027, 1080 à 1089, 1319 à 1322, 1395, 1396 et 1409, ainsi que le chapitre 9 "Portugal" de la CG. Blue Circle renvoie aux documents n° 33.322/2898 à 2903. Or, Hornos Ibéricos et Blue Circle ne sont pas visées par la disposition précitée. Dès lors, à supposer que les documents auxquels elles se réfèrent leur aient permis de démontrer, au cours de la procédure administrative, que l'entente ibérique n'existait pas, cette procédure n'aurait pas pu conduire à un résultat différent pour elles.

257. Rugby, Castle, Aker et Euroc font valoir qu'il ressort des chapitres nationaux de la CG et des documents n° 33.126/3213 à 3222 que l'échange d'informations organisé dans le cadre de Cembureau n'a pas pu avoir d'effet sensible sur la concurrence et ne servait pas à faciliter le fonctionnement de l'accord Cembureau. Titan soutient qu'il ressort des documents n° 33.126/3332 à 3334, 4919, 11121 à 11123 et 17881 à 17886 que les informations sur les prix échangées à travers Cembureau n'avaient aucune valeur commerciale. A supposer même que l'allégation de Rugby, Castle, Titan, Aker et Euroc soit exacte, le fait pour les parties requérantes de ne pas avoir eu accès au cours de la procédure administrative à ces éléments n'a pas pu nuire à leur défense, dès lors qu'elles n'ont pas été visées par l'article 2 de la décision attaquée, qui incrimine les échanges d'informations sur les prix organisés dans le cadre de Cembureau.

258. Uniland et Oficemen se réfèrent aux documents n° 33.126/11080 à 11084, 13104 à 13106, 13108, 13109, 19817 à 19832 et 20065 à 20071, qui ont tous un rapport direct avec les carrot actions visées à l'article 4, paragraphe 4, de la décision attaquée. Toutefois, comme elles ne sont pas visées par cette infraction, ces documents n'ont aucune pertinence pour leur défense.

259. Aker et Euroc soutiennent que le paragraphe 46 du chapitre "les faits" de la CG relatif à l'entente française (chapitre 5) est de nature à démontrer que l'ECEC n'était pas un instrument au service des politiques commerciales d'exportation des cimentiers communautaires, conçu pour défendre la règle de respect des marchés domestiques. Cependant, elles n'ont pas été visées par l'article 5 de la décision attaquée relatif aux pratiques concertées dans le cadre de l'ECEC. Le passage de la CG invoqué par ces parties requérantes ne présente donc manifestement aucune pertinence pour leur défense.

260. En troisième lieu, pour ce qui concerne les documents se rapportant à des infractions retenues contre la partie requérante qui se prévaut desdits documents, il convient de souligner que, à la différence des affaires ayant donné lieu aux arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, et ICI/Commission, T-36-91, la Commission s'est fondée dans la présente espèce, tant dans la CG que dans la décision attaquée, uniquement sur des preuves documentaires directes pour établir les différentes infractions et la participation des différents destinataires de la décision attaquée à une ou plusieurs de celles-ci. Pour apprécier le moyen tiré d'une violation des droits de la défense en raison du fait que les parties requérantes n'auraient pas eu un accès suffisant à la CG et au dossier d'instruction au cours de la procédure administrative, il y aura lieu d'apprécier d'abord la force probante de ces éléments de preuve et, ensuite, d'examiner si les éléments demeurés inaccessibles auraient pu conduire à une décision différente si les parties requérantes avaient pu se prévaloir de ces documents au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus points 241 et 247 et ci-après point 263).

261. Comme dans le cadre de son examen des moyens au fond le Tribunal est, en tout état de cause, appelé à se prononcer sur les éléments de preuve avancés par la Commission pour établir les différentes infractions visées par la décision attaquée, il y aura lieu, pour des raisons d'économie de procédure, d'apprécier, dans le cadre de l'examen des moyens au fond concernant les infractions retenues, le bien-fondé de l'argumentation développée par les parties requérantes sur la base de documents se rapportant directement à ces infractions. Toutefois, l'appréciation des moyens de forme ne sera pas confondue avec celle des moyens au fond avancés par les parties requérantes. Dans le cadre de l'examen du moyen tiré d'une violation des droits de la défense, le Tribunal procédera à l'examen des éléments de preuve retenus par la Commission uniquement afin d'apprécier si, à la lumière de ces éléments de preuve, le fait de ne pas avoir eu accès, au cours de la procédure administrative, à un document déterminé qui serait prétendument à décharge a pu affecter la défense des parties requérantes.

262. L'examen des arguments invoqués par les parties requérantes en ce qui concerne les documents se rapportant directement à des infractions retenues contre elles dans la décision attaquée sera donc réservé.

263. Il convient toutefois d'indiquer d'ores et déjà que, dans un cas où, comme en l'espèce, la Commission s'est fondée, tant dans la CG que dans la décision attaquée, uniquement sur des preuves documentaires directes pour établir les différentes infractions et la participation des destinataires de la décision attaquée à une ou plusieurs de celles-ci, les parties requérantes doivent démontrer que des éléments demeurés inaccessibles au cours de la procédure administrative contredisent la teneur de ces preuves ou, à tout le moins, leur donnent un éclairage différent (voir, dans ce sens, arrêt ICI/Commission, T-37-91, cité au point 142 ci-dessus, point 63). En effet, c'est uniquement dans de telles circonstances que des pièces non accessibles au cours de la procédure administrative auraient pu influencer les appréciations portées par la Commission sur les preuves documentaires retenues dans la décision attaquée.

264. Il s'ensuit déjà que, les infractions ayant été établies dans la CG et la décision attaquée sur la base de preuves documentaires et non sur la base d'un parallélisme de comportement constaté sur le marché, l'argument développé par certaines parties requérantes (CBR, Cembureau, la FIC, Dyckerhoff, le SFIC, Vicat, Aalborg, Unicem, Castle, Heracles, Oficemen, Irish Cement, Titan, Italcementi, Holderbank, Hornos Ibéricos, Aker, Euroc, Cementir, et Blue Circle), selon lequel elles auraient pu présenter au cours de la procédure administrative une explication économique alternative du comportement des producteurs de ciment sur le marché sur la base de documents qui leur sont restés inaccessibles, ne peut être accueilli. A la lumière du système de preuve retenu dans la CG et dans la décision attaquée, un tel argument n'aurait eu, en effet, aucune chance de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent.

265. En quatrième lieu, plusieurs parties requérantes se réfèrent à des documents émanant d'elles-mêmes ou dont elles avaient manifestement connaissance au cours de la procédure administrative. Pour les raisons exposées ci-dessus au point 248, toute argumentation que les parties requérantes développent sur la base de tels documents doit être rejetée.

266. Ainsi, ENCI invoque un extrait d'un prétendu projet de procès-verbal du conseil d'administration de CBR (document n° 33.126/723) ainsi qu'un prétendu plan d'entreprise 1989-1991 de CBR (documents n° 33.126/732 et 733). Comme le souligne à juste titre la Commission, le document n° 33.126/723 est un extrait du projet de procès-verbal du conseil d'administration d'ENCI elle-même, qui s'est tenu le 22 février 1989 dans les bureaux de CBR, société qui contrôle ENCI. L'extrait cité rapporte un exposé fait par M. Platschorre, haut dirigeant d'ENCI. En outre, le plan d'entreprise joint au procès-verbal (documents n° 33.126/732 et 733) concerne le groupe ENCI et ne peut être considéré comme un plan d'entreprise de CBR. ENCI disposait donc déjà de ces documents au cours de la procédure administrative et aurait pu en tirer des arguments si elle estimait qu'ils contenaient des éléments à sa décharge. Dans ces circonstances, une violation de ses droits de la défense ne saurait être retenue. Pour les mêmes motifs, tout argument fondé sur la correspondance entre Vicat et M. Schuhmacher, président de Heidelberger (documents n° 33.126/3594 à 3597), invoqué par Vicat doit être écarté. Il en est de même pour ce qui concerne la lettre du président du BDZ du 20 mai 1985 (document n° 33.126/14762), invoquée par le BDZ. Ciments français, quant à elle, se réfère à une lettre du 20 décembre 1983 du BDZ à l'association française de l'époque, le SNFCC (document n° 33.126/14762). Force est toutefois de constater que cette lettre a été adressée au président du SNFCC, lequel n'était autre que M. Poitrat, président de Ciments français à ce moment-là. La lettre est d'ailleurs adressée au siège de Ciments français ("p.a. Société des Ciments français"). En outre, le président de Ciments français a répondu à cette lettre (document n° 33.126/14763). Le document en question ayant été adressé au président de Ciments français, cette dernière ne saurait à présent l'invoquer à l'appui d'un argument tiré de la violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative, même pour illustrer un argument qu'elle prétend tirer du contenu d'autres documents. En ce qui concerne la correspondance entre Secil et Cimpor des 31 août et 1er septembre 1987 et une télécopie de Cimpor à Secil de septembre 1987 (documents n° 33.322/1018 à 1020 et 1031), invoquée par Secil, il doit être observé que cette dernière partie requérante, qui disposait déjà de ces documents au cours de la procédure administrative, ne saurait non plus prendre appui sur ces documents pour invoquer une violation de ses droits de la défense.

5. Arguments généraux relatifs à une violation des droits de la défense au cours de la procédure administrative

267. L'appréciation des arguments relatifs aux documents se rapportant directement à des infractions retenues étant réservée, il convient d'examiner les autres arguments, de nature générale, formulés dans les mémoires déposés.

268. En premier lieu, Cembureau, le SFIC, Unicem, Valenciana, Asland, Titan, Cementir et Blue Circle font valoir que les mesures d'organisation de la procédure ne sont pas de nature à réparer le vice de forme ayant entaché la décision attaquée. En effet, une violation des droits de la défense intervenue au stade de la procédure administrative ne saurait être régularisée lors de la procédure devant le Tribunal (arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, point 98, et ICI/Commission, T-36-91, point 108). Valenciana, Rugby, Asland, Cementir et Blue Circle ajoutent que, à la suite des mesures d'organisation de la procédure, elles se sont vues contraintes de rechercher, parmi les pièces auxquelles elles avaient eu accès devant le Tribunal, celles qui étaient de nature à lever les charges pesant sur elles, ce qui aurait entraîné un renversement de la charge de la preuve. Asland fait encore observer que, si le Tribunal devait ne pas annuler la décision attaquée malgré le vice de forme substantiel dont elle est affectée, il autoriserait implicitement la Commission à violer impunément les droits fondamentaux consacrés par l'article 6 de la CEDH.

269. Il convient de souligner que les mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 ne tendaient nullement à réparer un vice dont serait entachée la procédure administrative. Leur objet était de permettre aux 39 parties requérantes identifiées ci-dessus au point 124 de démontrer que la procédure administrative était entachée d'un vice de forme, consistant en une violation de leurs droits de la défense, en raison du fait qu'elles n'avaient pas eu accès, au cours de cette procédure, à des passages de la CG et à des documents du dossier d'instruction contenant prétendument des éléments à leur décharge. L'identification de ces éléments impliquait toutefois nécessairement que les parties requérantes concernées fussent en mesure de prendre connaissance, au cours de la procédure devant le Tribunal, des passages de la CG et des documents du dossier d'instruction demeurés inaccessibles au cours de la procédure administrative.

270. Un renversement de la charge de la preuve ne peut par ailleurs être allégué. En effet, conformément aux principes dégagés par la jurisprudence (arrêts du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T-43-92, Rec. p. II-441, point 79, et du 14 mai 1998, Enso-Gutzeit Oy/Commission, T-337-94, Rec. p. II-1571, points 87 et 151 à 153; arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic, C-49-92 P, non encore publié au Recueil, point 86, Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 154, et Montecatini/Commission, C-235-92 P, non encore publié au Recueil, point 179), la Commission a établi dans la CG et dans la décision attaquée, sur la base de preuves documentaires directes dont il conviendra ultérieurement d'apprécier la force probante , les différentes infractions visées par la décision attaquée et la participation des parties requérantes à une ou plusieurs de celles-ci. Loin de renverser la charge de la preuve, les mesures d'organisation de la procédure ont permis aux parties requérantes concernées d'invoquer des passages de la CG et des documents du dossier d'instruction restés inaccessibles au cours de la procédure administrative, qui seraient de nature à contredire ou à éclairer différemment (voir ci-dessus point 263) les preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée pour constater les infractions précitées et/ou pour démontrer la participation des parties requérantes à une ou plusieurs de celles-ci, afin de démontrer que la procédure administrative aurait eu une chance même réduite d'aboutir à un résultat différent si elles avaient eu accès à ces éléments au cours de la procédure administrative.

271. En second lieu, Valenciana, Asland, Uniland, Oficemen et Hornos Ibéricos dénoncent l'absence d'une liste indiquant la teneur des documents constituant le dossier d'instruction. L'absence de cette liste les aurait empêchées d'identifier, avec un minimum de certitude, la teneur des documents mis à leur disposition et, en conséquence, d'examiner de manière approfondie les documents qui auraient pu intéresser leur défense. Ces parties requérantes soulignent que l'attitude de la Commission contraste singulièrement, sur ce point, avec celles des autorités espagnoles de la concurrence.

272. Il convient de rappeler que les parties requérantes n'ont disposé ni au cours de la procédure administrative ni au cours de la procédure devant le Tribunal d'une liste indiquant la teneur des documents constituant le dossier d'instruction. La seule liste dont elles disposaient est celle remise aux destinataires de la CG qui ont consulté le dossier au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus point 5).

273. Au cours de la procédure administrative, une liste qui identifie le contenu des documents du dossier constitue un moyen, pour les entreprises ou associations d'entreprises concernées, de déterminer ceux des documents qui, classés comme inaccessibles, pourraient être pertinents pour leur défense (arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, points 93 et 94, et ICI/Commission, T-36-91, points 103 et 104). L'objet d'une telle liste est dès lors de permettre aux entreprises ou associations d'entreprises concernées par une procédure en constatation d'infraction d'évaluer l'opportunité de revendiquer l'accès à des documents classés comme non accessibles, nonobstant cette classification.

274. Il s'ensuit que le fait que la Commission n'a pas préparé une liste contenant une description de chaque pièce du dossier ne peut constituer en tant que tel une violation des droits de la défense. En effet, seuls les documents auxquels se réfère la liste (voir ci-dessus point 5), et non la liste elle-même, peuvent contenir des éléments utiles à la défense d'une entreprise ou d'une association d'entreprises.

275. L'argument des parties requérantes doit donc être rejeté en tant qu'il concerne la procédure administrative. Pour autant que cet argument dénonce l'absence d'une liste au cours de la procédure devant le Tribunal, il a déjà été examiné ci-dessus aux points 225 à 227.

276. En troisième lieu, Rugby, Castle, Aker et Euroc constatent qu'un certain nombre de documents qui étaient qualifiés d'accessibles sur la liste (voir ci-dessus point 5) ne figuraient pas dans la boîte(voir ci-dessus point 95).

277. Toutefois, les parties requérantes concernées ont pu constater, en comparant les numéros des documents figurant dans la boîte (voir ci-dessus point 95) avec les numéros des documents qualifiés d'accessibles sur la liste (voir ci-dessus point 5), qu'un certain nombre de documents accessibles ne figuraient pas dans ladite boîte. Cette constatation pouvait également être faite sur la base de la comparaison du volume des documents qualifiés d'accessibles sur la liste (voir ci-dessus point 5) et des documents figurant dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Rien n'aurait empêché les parties requérantes, à ce moment, de demander accès aux documents accessibles ne figurant pas dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Dès lors, le fait que certains documents qualifiés d'accessibles sur la liste (voir ci-dessus point 5) ne figuraient pas dans la boîte (voir ci-dessus point 95) n'a pas pu nuire à leur défense.

278. En quatrième lieu, Vicat, Ciments français, Lafarge, Rugby, Castle, Aker, Euroc et Cementir critiquent l'utilisation qui a été faite de l'exception tirée du caractère confidentiel de certaines pièces lors de l'accès au dossier d'instruction dans le cadre de la procédure administrative. Ciments français explique que la Commission a abusivement utilisé cette exception pour lui refuser l'accès à des documents dont le contenu traitait de sujets abordés dans la CG ou était à l'évidence public. Vicat, Ciments français et Lafarge relèvent que des documents identiques ont été classés non accessibles sous les n° 33.126/11040 à 11045 et accessibles sous les n° 33.126/18857 à 18862. Ciments français ajoute que ces mêmes documents ont encore été classés non accessibles sous les n° 33.126/16150 à 16155 et 16509 à 16514 et que les documents classés non accessibles sous les n° 33.126/14361 et 14362 étaient accessibles sous les n° 33.126/10997 et 10998. Lafarge se réfère encore aux documents n° 33.126/2720, 2721, 2850, 2851 et 3245 à 3248. Rugby, Castle, Aker, Euroc et Cementir dénoncent aussi l'incohérence de l'approche suivie par la Commission, qui a classifié la même pièce une fois comme "non accessible" et l'autre fois comme "accessible".

279. Il convient d'observer que ces critiques ne sont pertinentes que dans la mesure où elles permettraient d'établir que les droits de la défense ont été violés. L'argument de Ciments français selon lequel la Commission aurait abusivement utilisé l'exception de confidentialité pour lui refuser l'accès à différents documents démontre uniquement que l'accès au dossier d'instruction a été irrégulier, constatation déjà opérée par le Tribunal (voir ci-dessus point 152). Ciments français n'explique toutefois pas en quoi cette circonstance aurait affecté ses droits de la défense au cours de la procédure administrative. En outre, alors même que le Tribunal a mis les parties requérantes concernées en mesure de consulter l'ensemble des pièces du dossier d'instruction à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997, elles n'ont pas expliqué en quoi le double classement des pièces mentionnées au point précédent aurait affecté leurs droits de la défense en l'espèce. Par conséquent, les critiques sur l'utilisation prétendument abusive de l'exception de confidentialité au cours de la procédure administrative doivent être considérées comme dénuées de pertinence.

6. Conclusions

280. L'examen des arguments invoqués par les 39 parties requérantes identifiées ci-dessus au point 124 sur la base de documents se rapportant directement à des infractions retenues contre elles dans la décision attaquée est réservé. Les autres arguments invoqués par ces mêmes parties au soutien de leur allégation d'une violation des droits de la défense, en ce que la Commission aurait refusé de donner accès à des documents du dossier d'instruction et à des parties de la CG contenant prétendument des éléments à décharge, doivent être rejetés.

D Sur l'utilisation, dans la décision attaquée, de documents à charge non communiqués aux parties requérantes au cours de la procédure administrative ou non identifiés dans la CG

1. Observations liminaires

281. Hornos Ibéricos (T-69-95) soutient qu'elle n'a pas pu identifier les éléments de preuve nouveaux sur lesquels la Commission s'est appuyée dans la décision attaquée. Elle n'aurait pas pu se prononcer sur ces éléments de preuve au cours de la procédure administrative, dans la mesure où la Commission aurait modifié, dans la décision attaquée, la méthode utilisée pour faire référence aux éléments de preuve.

282. Cet argument doit être rejeté. En effet, dans les parties de la CG relatives à l'accord Cembureau et à l'EPC (chapitres 1, 2, 10, et 12), qui sont les seules parties de la CG se rapportant à des griefs retenus à l'encontre de Hornos Ibéricos dans la décision attaquée (articles 1er et 6), les différents éléments de preuve ont été identifiés par une référence à la nature des documents (compte rendu d'une réunion, note interne, lettre, télex, etc.), à leur date et/ou à leur origine. Dans la décision attaquée, les documents sur lesquels la Commission s'est fondée pour établir les différentes infractions ont été identifiés de la même façon. La seule modification par rapport à la CG tient à ce que la décision attaquée mentionne en outre, pour chaque document, un numéro se rapportant à la pagination que le document en question prend dans les dossiers 33.126 ou 33.322. Or, le simple ajout d'un numéro à chaque document mentionné dans la décision attaquée ne peut pas avoir empêché Hornos Ibéricos d'identifier les éventuels nouveaux éléments de preuve sur lesquels elle n'aurait pas eu l'occasion de se prononcer au cours de la procédure administrative. Au contraire, comme tous les documents se trouvant dans la boîte (voir ci-dessus point 95), qui suivaient l'ordre de la CG, ainsi que tout autre document accessible à la partie requérante au cours de la procédure administrative, mentionnaient un numéro se rapportant à leur pagination dans les dossiers 33.126 ou 33.322, l'ajout de cette numération pour chaque pièce utilisée dans la décision attaquée a nécessairement facilité la tâche de cette partie requérante au moment de la rédaction de la requête, lorsqu'il s'est agi d'identifier les éventuels éléments de preuve nouveaux.

283. La VNC (T-32-95), le SFIC (T-36-95), Ciments français (T-39-95), Heidelberger (T-42-95), Lafarge (T-43-95), Aalborg (T-44-95), Unicem (T-50-95), Castle (T-56-95), Uniland (T-58-95), Oficemen (T-59-95), Cimpor (T-61-95), Secil (T-62-95), Italcementi (T-65-95), Holderbank (T-68-95), Aker (T-70-95), Euroc (T-71-95) et Blue Circle (T-88-95) estiment qu'ils n'ont pas eu accès au cours de la procédure administrative à certains documents, précisés dans leurs requêtes, qui ont été utilisés à charge dans la décision attaquée. Ils estiment que, pour ce motif, la décision attaquée doit être annulée à leur égard.

284. Sur ce point, il convient de souligner qu'un document ne peut être considéré comme un document à charge à l'égard d'une partie requérante que lorsqu'il est utilisé par la Commission à l'appui de la constatation d'une infraction à laquelle cette partie requérante aurait participé. Il ne suffit pas qu'une partie requérante démontre qu'elle n'a pas pu se prononcer au cours de la procédure administrative sur un document utilisé à un quelconque endroit dans la décision attaquée. Pour que l'argumentation examinée puisse être accueillie, il faut, en effet, que la partie requérante démontre que la Commission a utilisé, dans la décision attaquée, un élément de preuve nouveau pour retenir une infraction à laquelle la partie requérante aurait participé.

285. Aux fins de la présente analyse, et avant de tirer les conclusions de celle-ci (6), quatre catégories de documents seront distinguées: documents qui n'ont été ni cités ni mentionnés dans la décision attaquée (2); documents qui, bien qu'ils aient été mentionnés dans la décision attaquée pour décrire un fait ou un comportement, n'ont pas servi à constater une infraction dans la décision attaquée (3); documents qui, bien qu'ils étayent la constatation d'une infraction dans la décision attaquée, ne se rapportent pas à des infractions imputées aux parties requérantes se prévalant des documents en question (4); documents utilisés dans la décision attaquée dans le cadre d'une infraction imputée à la partie requérante qui s'en prévaut (5).

2. Documents ni cités ni mentionnés dans la décision attaquée

286. Oficemen dénonce l'utilisation par la Commission des documents n° 33.322/1582 à 1588 comme éléments de preuve nouveaux. Or, force est de constater que ces documents n'ont été ni cités ni mentionnés dans la décision attaquée. Il en est de même des documents n° 33.322/59, 71 à 78, 80 à 83, 86, 87, 91, 94, 169, 171, 178 à 180, 1226 à 1234, 1312, 1313, 1315, 1523 à 1527, 1531, 1636 à 1796, 1819 et 2952 à 2956, et des documents n° 33.126/11507 à 11516, 11494 à 11504, 13077 à 13129, 13132 à 13177, 19393 à 19401 et 19878 à 19901, auxquels se réfèrent Cimpor et Secil, et du document n° 33.126/18951, invoqué par Italcementi. L'organigramme de Cembureau qui, selon Unicem, serait mentionné au paragraphe 15, point 4, de la décision attaquée, n'a pas non plus été mentionné dans celle-ci.

287. Il doit être constaté qu'aucun des documents susvisés n'a été utilisé comme élément à charge dans la décision attaquée. L'argument des parties requérantes concernées doit donc être rejeté.

3. Documents mentionnés dans la décision attaquée pour décrire un fait ou un comportement, mais non utilisés pour constater une infraction

288. Le SFIC, Lafarge, Aalborg, Uniland, Oficemen, Italcementi, Holderbank et Blue Circle invoquent, dans leur requête, des documents qui ont été mentionnés dans la décision attaquée pour décrire un fait ou un comportement, mais qui n'ont pas été utilisés pour constater une infraction. Toutefois, de tels documents ne sauraient être considérés comme des éléments à charge.

289. Blue Circle reproche à la Commission de s'être fondée, au paragraphe 9, point 6, de la décision attaquée, sur un tableau comparatif des prix du ciment dans différents États, qui ne lui a pas été communiqué au cours de la procédure administrative. Il apparaît que le tableau en question a été porté à la connaissance de la Commission par l'industrie italienne au cours de l'audition du 2 mars 1993, à laquelle Blue Circle n'a pas voulu participer (décision attaquée, paragraphe 3, point 2). Or, la Commission fait état de ce tableau, au paragraphe 9, point 6, de la décision attaquée, uniquement pour illustrer les différences de coûts de production et, partant, de prix entre les différents pays membres de Cembureau. Le tableau en question n'est donc pas un élément de preuve invoqué par la Commission à l'appui de sa démonstration de l'une ou l'autre des infractions retenues dans la décision attaquée.

290. Blue Circle reproche par ailleurs à la Commission de ne pas avoir mentionné dans la CG les documents n° 33.126/6042 et 6043 (note interne de Vicat du 1er septembre 1982; décision attaquée, paragraphe 11, point 4). Italcementi se réfère quant à elle à tous les documents mentionnés au paragraphe 11, point 4, de la décision attaquée. A cet égard, il y a lieu d'observer que les documents cités à cet endroit de la décision attaquée démontrent que certains producteurs de ciment européens étaient en mesure de vendre du ciment à plus de 200 kilomètres de leur implantation. Toutefois, ces documents n'ont pas été utilisés par la Commission pour constater l'une ou l'autre infraction visée par le dispositif de la décision attaquée.

291. Aalborg et Blue Circle se réfèrent aux documents n° 33.126/296 à 298, 2388 à 2405, 9434 à 9450 et 11725 (décision attaquée, paragraphe 23, points 3 et 5), qui concernent l'entente entre les marchés belge, néerlandais et allemand. Néanmoins, cette entente n'a, en définitive, pas été sanctionnée dans la décision attaquée. Quant à l'accord intergouvernemental helléno-britannique, dont fait état le document n° 33.126/2907 (décision attaquée, paragraphe 28, point 13), également invoqué par Aalborg et par Blue Circle, il ne constitue pas davantage un grief sanctionné par la décision attaquée.

292. Blue Circle reproche en outre à la Commission de ne pas avoir mentionné dans la CG les documents n° 33.126/11617 à 11633 (décision attaquée, paragraphe 17, point 3), sur lesquels elle se serait pourtant fondée dans le cadre du paragraphe 17 de la décision attaquée intitulé "Les discussions sur la concurrence 'loyale ou saine ou correcte". Cependant, comme les discussions sur la concurrence "loyale ou saine ou correcte" n'ont fait l'objet d'aucun grief spécifique dans le dispositif de la décision attaquée, les documents invoqués ne sauraient être considérés comme des éléments à charge à l'égard desquels les parties requérantes auraient dû avoir la possibilité de se prononcer au cours de la procédure administrative.

293. Blue Circle mentionne encore les documents n° 33.126/11523 et 11524. Il s'agit d'une demande de production de documents adressée par la Commission à Cembureau (décision attaquée, paragraphe 18, point 4). Toutefois, à l'évidence, une telle demande ne constitue pas un élément retenu à la charge d'une quelconque partie requérante. Seule la réponse à cette demande a été exploitée comme élément à charge dans la décision attaquée, à savoir le document n° 33.126/11525 (décision attaquée, paragraphe 18, point 4).

294. S'agissant des documents n° 33.126/19210 à 19217 (décision attaquée, paragraphe 27, point 2), également invoqués par Blue Circle, qui correspondent au contrat conclu le 30 avril 1986 entre Calcestruzzi et Titan, ils n'ont pas été exploités dans la décision au soutien d'une quelconque infraction.

295. Il en est de même du document n° 33.126/4365 (décision attaquée, paragraphe 35, point 5), encore invoqué par Blue Circle, qui correspond à une liste de vérification des documents trouvés dans le bureau du directeur commercial de Ciments français.

296. Lafarge dénonce pour sa part l'utilisation, au soutien de la constatation d'une "infraction", de documents du dossier du Bundeskartellamt allemand relatif à une décision de celui-ci en date du 12 septembre 1988. Elle se réfère à cet égard aux documents n° 33.126/20384 à 20394, 20416, 20417, 20418 à 20443, 20481, 20492 à 20495 et 20497 à 20499. Lors de l'audience, en réponse à une question du Tribunal, Lafarge a précisé que l'infraction en question était l'entente sur le marché du ciment du Sud-Ouest de l'Allemagne, qui aurait été visée dans les chapitres de la CG consacrés au marché allemand (chapitres 6 et 16). L'argument de cette partie requérante doit être rejeté. En effet, l'entente sur le marché du ciment du Sud-Ouest de l'Allemagne n'est pas visée dans la décision attaquée et la Commission n'a jamais reproché à Lafarge d'y avoir pris part. A supposer même que les critiques de Lafarge portent sur l'utilisation par la Commission des documents du dossier du Bundeskartellamt allemand relatif à sa décision du 12 septembre 1988, dans le cadre de l'établissement de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, à savoir l'entente franco-allemande, force serait de constater que la décision du Bundeskartellamt du 12 septembre 1988 et les documents relatifs à cette décision n'ont pas été utilisés dans la CG et dans la décision attaquée pour établir l'existence de l'entente franco-allemande et/ou la participation de Lafarge à celle-ci. Ils ont uniquement été cités par la Commission pour démontrer que Lafarge était intéressée par le marché du ciment du sud-ouest de l'Allemagne en raison de la situation particulière de sa filiale Wössingen sur ce marché (CG, chapitre 2, paragraphe 12; décision attaquée, paragraphe 22, point 11; voir ci-après point 2380). Dans ces circonstances, il ne saurait être question d'une violation des droits de la défense de Lafarge.

297. Le SFIC dénonce l'utilisation dans la décision attaquée des déclarations de Ciments français lors de l'audition (décision attaquée, paragraphe 22, point 15) comme moyens de preuve nouveaux. Il s'agit d'une explication avancée par Ciments français au cours des auditions, explication selon laquelle l'évolution de l'écart de livraisons entre la France et l'Allemagne après 1986 ne pourrait être mise en rapport avec l'existence d'une prétendue entente franco-allemande. Cependant, cette explication a été rejetée par la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 22, point 15), de sorte qu'elle ne figure pas parmi le faisceau de preuves documentaires sur lequel la Commission s'est fondée, au paragraphe 22, points 1 à 12, pour établir l'existence des différentes infractions se rattachant à l'entente franco-allemande. Les déclarations de Ciments français reproduites au paragraphe 22, point 15, de la décision attaquée ne sauraient dès lors être considérées comme des éléments de preuve nouveaux.

298. Aalborg, Uniland, Oficemen, Italcementi, Holderbank et Blue Circle invoquent les documents n° 33.126/19009 et 19010 (décision attaquée, paragraphe 25, point 43). Il s'agit d'un compte rendu de l'entrevue du 6 novembre 1986 entre des représentants de l'industrie cimentière européenne et M. Sutherland, membre de la Commission en charge de la politique de la concurrence, à propos du "problème grec". Il doit cependant être constaté que ce document vise les actions de lobbying qui ont été menées à cette époque sur cette question, mais qui n'ont aucunement été dénoncées par la Commission dans la décision attaquée (voir note en bas de page n° 115 de la décision attaquée). Ledit document n'a donc pas constitué un élément à charge. Pareillement, n'ont pas constitué des éléments à charge les documents n° 33.126/18844 et 18845 (décision attaquée, paragraphe 25, point 19), également invoqués par Blue Circle, dès lors qu'ils concernent aussi les actions de lobbying à propos du "problème grec".

299. Aalborg et Blue Circle se réfèrent aussi au document n° 33.126/22289 a, cité sous la numérotation 33.126/22289 bis au paragraphe 30, point 6, de la décision attaquée. Il s'agit d'une lettre du 31 décembre 1992 par laquelle M. Gac a informé la Commission de la dissolution du European Cement Manufacturers Export Committee (ci-après "ECMEC") à partir du 1er janvier 1993. Toutefois, cette pièce n'a été invoquée par la Commission à l'appui d'aucune des infractions sanctionnées dans la décision attaquée.

300. Les mêmes parties requérantes invoquent ensuite le télex de Holderbank du 13 août 1986 mentionné au paragraphe 25, point 20, de la décision attaquée. Le télex fait état de l'étude de Blue Circle sur la possibilité d'investir dans l'entreprise Halkis (document n° 33.126/18846). Or, ce document n'a pas non plus été utilisé par la Commission à l'appui de l'une quelconque des infractions sanctionnées dans la décision attaquée. Il n'a donc pas constitué un élément à charge.

301. Oficemen se plaint de ce que les documents n° 33.126/11260 à 11267, 11269 et 11270 ne lui ont pas été accessibles au cours de la procédure administrative. Il y a lieu de constater que ces documents correspondent au contrat de bail entre Blue Circle et l'ECMEC, auquel il a été fait référence dans la décision attaquée pour expliquer un fait matériel non contesté, à savoir que l'ECMEC a siégé dans les bureaux de Blue Circle (décision attaquée, paragraphe 30, point 4). Lesdits documents n'ont toutefois pas été utilisés comme un élément à charge dans la décision attaquée. En effet, il n'ont pas été pris en compte pour qualifier d'infractionnels les comportements au sein de l'ECEC et de l'EPC (articles 5 et 6 de la décision attaquée).

302. Blue Circle se réfère enfin à des documents relatifs aux activités de l'EPC qui ont été mentionnés dans les notes en bas de page n° 183 et 184 de la décision attaquée, mais sur lesquels la Commission ne s'est fondée ni pour constater l'infraction visée à l'article 6, ni pour constater une participation, à cette infraction, de Blue Circle ou d'une quelconque autre partie requérante. Il s'agit des documents n° 33.126/11421 à 11430, 12762 à 12770, 12788 à 12799, 12805 à 12807, 12815, 12817 à 12832, 12967 à 13050, 14062 à 14085, 14094 à 14097, 14148 à 14154, 18169 à 18172, 18179, 18180 et 18188 à 18191, mentionnés dans la note en bas de page n° 183 (décision attaquée, paragraphe 37, point 5) et des documents n° 33.126/12732 à 12734, 12761, 12808 à 12814, 12864 à 12874, 12876 à 12904, 12915 à 12966, 13854 à 14021, 14027 à 14029, 14043 à 14061, 14086 à 14092, 14098 à 14147, 14155 à 14169, 14175 à 14180, 14186 à 14229, 14237 à 14243 et 14270 à 14284, cités dans la note en bas de page n° 184 (décision attaquée, paragraphe 37, point 6). Ces documents ne constituent donc pas non plus des documents à charge utilisés par la Commission dans la décision attaquée.

303. Il ressort de tout ce qui précède qu'aucun des documents mentionnés sous cette rubrique ne peut être considéré comme un document à charge utilisé par la Commission dans la décision attaquée. Le SFIC, Lafarge, Aalborg, Uniland, Oficemen, Italcementi, Holderbank, et Blue Circle ne sauraient donc se référer à l'un ou l'autre de ces documents pour démontrer que la Commission ne leur aurait pas accordé la possibilité, au cours de la procédure administrative, de se prononcer sur certains documents à charge retenus dans la décision attaquée.

4. Documents étayant la constatation d'une infraction dans la décision attaquée, mais ne se rapportant pas à des infractions imputées aux parties requérantes se prévalant desdits documents

304. Le SFIC, Ciments français, Aalborg, Uniland, Oficemen, Holderbank, Aker, Euroc et Blue Circle se réfèrent, dans leurs requêtes, à des documents qui, bien qu'ils étayent la constatation d'une infraction dans la décision attaquée, ne se rapportent pas à des infractions qui ont été imputées aux parties requérantes se prévalant des documents en question. Comme il s'agit de documents qui, dans la décision attaquée, n'ont pas été utilisés à charge contre les parties requérantes concernées, celles-ci ne sauraient prétendre que leurs droits de la défense ont été violés en raison du fait qu'elles n'auraient pas pu prendre position sur ces documents au cours de la procédure administrative.

305. Ainsi, Aker et Euroc font valoir qu'elles n'ont pas eu accès à une série de documents relatifs aux échanges d'informations sur les prix, en particulier aux documents n° 33.126/15065 à 15305 (décision attaquée, paragraphe 16, points 8 à 22). Blue Circle, quant à elle, reproche à la Commission de ne pas avoir mentionné dans la CG le document n° 33.126/11592 (décision attaquée, paragraphe 16, point 3) relatif aux échanges d'informations ponctuels et les documents n° 33.126/15066, 15099 à 15102, 15104 à 15107, 15109, 15111, 15112, 15115 à 15122, 15126, 15127, 15129 à 15167 et 15170 à 15305 (décision attaquée, paragraphe 16, points 8 à 21) relatifs aux échanges d'informations périodiques. A cet égard, il suffit de relever que les infractions constituées par les échanges d'informations sur les prix (décision attaquée, article 2, paragraphes 1 et 2) n'ont pas été retenues à charge contre ces parties requérantes. Partant, les documents relatifs à ces griefs ne sauraient être qualifiés d'éléments à charge en ce qui les concerne.

306. De même, les documents n° 33.322/1410 à 1412 (décision attaquée, paragraphe 21, point 5), invoqués par Ciments français, les documents n° 33.322/1311, 1314, 1397 à 1399, 1406 à 1408, 1410 à 1412 et 2901 (décision attaquée, paragraphe 21, points 2 à 6), invoqués par Aalborg et Blue Circle, et les documents n° 33.322/79, 84, 85, 88 à 90, 158 à 162, 170, 172, 177, 181, 252, 270 à 276, 485, 486, 493 à 495, 512, 513, 530 à 532, 537, 538, 549, 550, 566 et 567 (décision attaquée, paragraphe 21, points 5 à 8), invoqués par Blue Circle, se rapportent à l'entente ibérique dénoncée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée, entente qui n'a pas été imputée à ces parties requérantes et sur laquelle, contrairement à ce qu'Aalborg prétend, la Commission ne s'est pas fondée, pas plus que sur les autres prétendues mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau, pour établir l'existence même dudit accord. En effet, la Commission a déduit l'existence de l'accord Cembureau exclusivement du faisceau des preuves documentaires directes mentionnées aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée.

307. Les documents n° 33.126/818 et 819 (décision attaquée, paragraphe 22, point 11), invoqués par Aalborg, et les documents n° 33.126/3573 (décision attaquée, paragraphe 22, point 10), 33.126/16556 (décision attaquée, paragraphe 22, point 11), et 33.126/15161 à 15163 et 15168 à 15170 (décision attaquée, paragraphe 22, point 15), invoqués par Blue Circle, se rapportent tous à l'entente franco-allemande visée à l'article 3, paragraphe 3, de la décision attaquée, entente qui n'a pas non plus été imputée à ces parties requérantes. Les documents relatifs à l'entente franco-allemande ne sauraient donc être qualifiés d'éléments à charge à l'encontre d'Aalborg et de Blue Circle.

308. Ciments français, quant à elle, se réfère aux statistiques du BDZ citées au paragraphe 22, point 18, de la décision attaquée. Ces statistiques n'ont toutefois pas été utilisées à charge contre elle. Elles doivent être mises en rapport avec l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, à laquelle, selon cette disposition, ont uniquement participé le SFIC et le BDZ.

309. Aalborg se réfère encore à la réponse de Holderbank à la question 7/e de la Commission relative aux lettres du 22 septembre 1986 de Holderbank quant au paiement de quote-parts d'actions dans Interciment (décision attaquée, paragraphe 26, point 9), et à la lettre du 3 mai 1993 de l'avocat de Holderbank relative à la dissolution d'Interciment (décision attaquée, paragraphe 26, point 16). Ces documents se rapportent à l'infraction relative à l'accord constitutif d'Interciment, visée à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, infraction qui n'a pas été reprochée à Aalborg.

310. Aalborg soutient toutefois que la Commission s'est fondée sur la lettre du 3 mai 1993 de l'avocat de Holderbank pour fixer la date de cessation des infractions alléguées (décision attaquée, paragraphe 65, point 4). Il s'agirait donc d'un élément utilisé contre elle dans la décision attaquée. Le SFIC, qui, lui, est visé par l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, estime aussi que la lettre est un élément de preuve nouveau à charge, qui aurait dû lui être accessible au cours de la procédure administrative et qui aurait dû être mentionné dans la CG.

311. Ces arguments doivent être rejetés. En effet, cette lettre ne saurait être considérée comme un document à charge. Il convient de rappeler à cet égard que, dans ses considérations relatives à la fixation des amendes, la Commission souligne, au paragraphe 65, point 4, de la décision attaquée: "Si la Commission est en mesure d'établir la date de début de l'infraction constituée par l'accord ou principe Cembureau, elle n'est pas certaine que l'infraction ait jamais réellement cessé et donc elle ne peut pas établir une date de fin de l'infraction. Toutefois, puisque la dernière manifestation apparente et connue de la Commission de l'accord est constituée par la dissolution, le 26 mars 1993, d'Interciment SA, la Commission retient cette date pour déterminer la période de référence de l'amende." Il ressort sans équivoque de cet extrait que, si la Commission n'avait pas disposé des indications fournies par la lettre du 3 mai 1993, elle aurait estimé, aux fins de la fixation des amendes, que l'infraction constituée par l'accord Cembureau était toujours en cours au moment de l'adoption de la décision attaquée, comme elle l'avait fait dans la CG (paragraphe 93). Ladite lettre a donc conduit la Commission à réduire la période de référence retenue pour le calcul des amendes au bénéfice de l'ensemble des destinataires de la décision attaquée, dont le SFIC et Aalborg, qui n'ont dès lors aucun intérêt à chercher à écarter cette pièce du débat.

312. Ensuite, Ciments français, Aalborg, Uniland et Oficemen se réfèrent aux documents n° 33.126/12145 à 12159 et 12161 à 12342 (décision attaquée, paragraphe 27, point 6). Ils concernent les accords conclus entre Calcestruzzi et les trois producteurs italiens de ciment, Italcementi, Unicem et Cementir. Or, il ressort du paragraphe 55, point 2, de la décision attaquée, que la Commission s'est appuyée sur ces documents pour établir l'infraction dénoncée à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, à savoir l'accord entre les producteurs italiens de ciment en vue d'éviter des importations par Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce. Cette infraction n'ayant pas été imputée à Ciments français, Aalborg, Uniland et Oficemen, celles-ci ne sauraient prétendre que leurs droits de la défense ont été violés en raison du fait qu'elles n'ont pas pu se prononcer sur les documents susvisés.

313. Uniland, Oficemen et Blue Circle s'appuient encore sur le document n° 33.126/19208 (décision attaquée, paragraphe 27, point 10). Blue Circle invoque aussi les documents n° 33.126/19203 et 19204 (décision attaquée, paragraphe 27, points 8 et 9). En réalité, le document n° 33.126/19208 correspond non pas, contrairement à ce que la décision attaquée indique, au télex du 2 juin 1987 par lequel Calcestruzzi aurait réitéré à Titan sa demande de rencontre avec les producteurs italiens de ciment pour résoudre le problème lié à l'inexécution du contrat d'achat de ciment en provenance de Grèce, mais à un télex du 29 janvier 1987 de Titan à Calcestruzzi, dont il n'est pas fait état dans la décision attaquée. Le télex du 2 juin 1987 de Calcestruzzi à Titan, dont un large extrait est reproduit au paragraphe 27, point 10, de la décision attaquée, correspond, en fait, au document n° 33.126/19218, document qui figurait dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Il soutient la démonstration de la Commission relative à l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 3, sous b), à savoir l'accord entre les producteurs italiens de ciment en vue d'éviter des importations par Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce. Il en est de même des documents n° 33.126/19203 [télex de Titan à Calcestruzzi du 20 mai 1987 (décision attaquée, paragraphe 27, points 9)] et 33.126/19204 [télex d'Italcementi à Titan du 13 mai 1987 (décision attaquée, paragraphe 27, point 8)] mentionnés par Blue Circle. L'infraction visée à l'article 4, paragraphe 3, sous b), n'ayant pas été imputée à Uniland, Oficemen et Blue Circle, les documents précités ne sauraient être considérés comme des éléments retenus à leur charge dans la décision attaquée.

314. Aalborg se réfère en outre aux documents n° 33.126/10926 à 10941, 14446 à 14453 et 20057 à 20064 (décision attaquée, paragraphe 28, points 15, 17 et 19), qui se rapportent aux infractions visées respectivement à l'article 4, paragraphe 4, sous b), sous d) et sous f), de la décision attaquée, infractions qui n'ont nullement été reprochées à la requérante. De même Uniland invoque les documents n° 33.126/10908 à 10913, 10927 à 10935, 10937 à 10940, 10897 à 10901, 10903 à 10905, 19562 à 19574 et 19576 à 19579 (décision attaquée, paragraphe 28, point 15), 19501, 19502, 19504 à 19510, 19482, 19483, 19485 à 19487, 19489, 19814 à 19816, 19818, 19820 à 19826 et 19828 à 19843 (décision attaquée, paragraphe 28, point 16), 20058, 20060, 20061, 20064 et 20066 à 20070 (décision attaquée, paragraphe 28, point 17), 19708, 19711 à 19716, 19718 à 19721 et 14407 (décision attaquée, paragraphe 28, point 18), 14455 à 14465, 14467 à 14469 et 14446 à 14453 (décision attaquée, paragraphe 28, point 19), 18118 à 18121 et 18125 à 18127 (décision attaquée, paragraphe 28, point 20), 7631 (décision attaquée, paragraphe 28, point 21), 19622 à 19627, 19629, 19586, 19588 à 19590, 19592 à 19595, 19598 à 19600, 19602, 19604, 19606, 19608, 19618 à 19620, 19631, 19633, 19634, 19636 à 19644, 19646 à 19650, 19652 et 19654 (décision attaquée, paragraphe 28, point 22), se rapportant tous à des contrats ou à des opérations d'achat de ciment en provenance de Grèce, dénoncés par la Commission, au titre de carrot actions, à l'article 4, paragraphe 4, sous b) à h), de la décision attaquée. Aucune de ces infractions n'a toutefois été reprochée à Uniland. Aalborg et Uniland ne sauraient donc prétendre que leurs droits de la défense ont été violés en raison du fait qu'elles n'ont pas pu se prononcer sur les documents susvisés.

315. Blue Circle se réfère encore aux documents n° 33.126/19482 à 19489, 19501 à 19511 et 19814 à 19843 (décision attaquée, paragraphe 28, point 16) se rapportant à l'accord incriminé, à l'article 4, paragraphe 4, sous c), de la décision attaquée, à Titan et à Holderbank, aux documents n° 33.126/20057 à 20071 (décision attaquée, paragraphe 28, point 17), qui se rapportent à l'accord incriminé, à l'article 4, paragraphe 4, sous d), de la décision attaquée, à Heracles et à Holderbank, aux documents n° 33.126/14407 et 14417 (décision attaquée, paragraphe 28, point 18) se rapportant à l'accord incriminé, à l'article 4, paragraphe 4, sous e), de la décision attaquée, à Lafarge et à Titan, aux documents n° 33.126/14446 à 14453, 18179 et 18180 (décision attaquée, paragraphe 28, point 19), se rapportant à l'accord incriminé, à l'article 4, paragraphe 4, sous f), de la décision attaquée, à Lafarge et à Heracles, aux documents n° 33.126/7629 à 7631, 18117 à 18121 et 18125 à 18127 (décision attaquée, paragraphe 28, points 20 et 21), se rapportant à la pratique concertée incriminée, à l'article 4, paragraphe 4, sous g), de la décision attaquée, à CBR, à Heracles et à Titan, et aux documents n° 33.126/19585 à 19620, 19621 à 19629 et 19631 à 19656 (décision attaquée, paragraphe 28, point 22), se rapportant à l'accord incriminé, à l'article 4, paragraphe 4, sous h), de la décision attaquée, à Titan, à Aker et à Euroc. Cependant, dès lors que ces documents ont été utilisés dans la décision attaquée à l'appui d'infractions qui n'ont pas été imputées à Blue Circle, ils ne peuvent être considérés comme des éléments retenus à charge contre elle.

316. Blue Circle reproche enfin à la Commission de ne pas avoir mentionné dans la CG différents documents concernant l'ECEC. Il s'agit des documents n° 33.126/12524 à 12534, 18201 à 18204 (décision attaquée, paragraphe 31, point 3) et des documents n° 33.126/3410 à 3412, 3422 à 3433, 6139 à 6142, 12544 à 12674, 12706 à 12709, 12721 à 12728, 14027 à 14029, 14245 à 14249, 14257 à 14262, 14289 à 14298, 14300, 14301, 14303 à 14309, 14311 à 14316, 16766 et 16790 à 16824 (décision attaquée, paragraphe 33, points 1 à 5). Cependant, comme il ne lui a pas été fait grief d'avoir participé aux pratiques concertées dans le cadre de l'ECEC, visées à l'article 5 de la décision attaquée, ces documents ne peuvent être considérés comme des éléments qui ont été utilisés à charge contre elle. Il en est de même d'autres documents qu'elle invoque (documents n° 33.126/3418 à 3421, 12607 à 12610, 12614 à 12616, 12627 à 12634, 12667 à 12674, 14184, 14257 à 14262, 14266, 14267, 14303 à 14315, 18218 et 18219; décision attaquée, paragraphe 32, points 1 à 3), qui concernent le lien entre l'EPC, auquel Blue Circle a participé, et l'ECEC, dès lors que ce lien entre les deux comités à l'exportation a été exploité uniquement pour qualifier d'infractionnelles les activités de l'ECEC [décision attaquée, paragraphe 58, point 3, sous b)].

317. Il s'ensuit qu'aucun des documents identifiés ci-dessus par le SFIC, Ciments français, Aalborg, Uniland, Oficemen, Holderbank, Aker, Euroc et Blue Circle n'a été utilisé contre eux comme un document à charge. Ces parties requérantes ne sauraient donc se référer à l'un ou à l'autre de ces documents pour démontrer que la Commission ne leur aurait pas accordé la possibilité, au cours de la procédure administrative, de se prononcer sur certains documents à charge retenus dans la décision attaquée.

5. Documents utilisés dans la décision attaquée dans le cadre d'une infraction imputée à la partie requérante qui s'en prévaut

318. En premier lieu, il convient de relever que tous les documents utilisés dans la décision attaquée dans le cadre d'une infraction imputée à une partie requérante ne constituent pas forcément des pièces retenues à charge contre elle, sur lesquelles elle aurait dû avoir la possibilité de se prononcer au cours de la procédure administrative. En effet, il ne saurait être question d'une violation de ses droits de la défense si un document auquel elle n'a pas eu accès a uniquement été utilisé dans la décision attaquée pour étayer la participation à la même infraction d'une autre partie requérante ou s'il a été utilisé pour réfuter un argument spécifique invoqué par une telle partie requérante au cours de la procédure administrative.

319. Ainsi, le document n° 33.126/15983 (décision attaquée, paragraphe 25, point 9) invoqué par Uniland, Holderbank et Blue Circle n'a été utilisé que pour démontrer la participation d'Italcementi à la réunion de Stockholm du 9 juin 1986. Il s'agit d'une lettre d'Italcementi du 21 mars 1990 en réponse à une demande de renseignements de la Commission, dans laquelle l'entreprise italienne déclare: "En ce qui concerne la réunion de Stockholm, M. Pesenti [d'Italcementi] se souvient d'y avoir participé, en marge d'une réunion de Cembureau, avec les représentants d'autres producteurs européens." Ce document ne comporte aucune indication de nature à incriminer Uniland, Holderbank ou Blue Circle. Il ne s'agit donc pas d'un élément retenu à charge contre celles-ci. Dans la mesure où les documents n° 33.126/18771 et 18755 (décision attaquée, paragraphe 25, point 9), également invoqués par Blue Circle, confirment la présence de chefs de délégation espagnol et suisse, à la réunion de Stockholm du 9 juin 1986, ils ne constituent pas non plus des éléments retenus à charge contre Blue Circle.

320. Uniland et Blue Circle se réfèrent encore aux documents n° 33.126/14828 à 14860 mentionnés au paragraphe 29, point 4, de la décision attaquée. Il s'agit de documents du SFIC sur lesquels la Commission se fonde, à cet endroit de la décision attaquée, pour réfuter les allégations de ce syndicat selon lesquelles il n'aurait participé à aucune réunion de l'ETF et aurait totalement ignoré les activités de celle-ci. Il ne s'agit donc pas d'éléments à charge utilisés contre Uniland et Blue Circle dans la décision attaquée.

321. Dans ce même contexte, Blue Circle reproche à la Commission de ne pas avoir visé dans la CG les documents n° 33.126/12808 à 12814, 12915 à 12966, 12967 à 12970, 12987 à 12998 et 13004 à 13011, mentionnés au paragraphe 35, point 3, de la décision attaquée, pour étayer son argumentation selon laquelle Valenciana aurait participé aux réunions de l'EPC après le 1er janvier 1986. Il apparaît toutefois que les documents en cause n'ont pas été exploités à charge contre Blue Circle dans la décision attaquée. Il en est de même pour ce qui concerne les documents n° 33.126/2035 à 2043, 2063 à 2069 et 2436 à 2447, également invoqués par Blue Circle, qui ont été mentionnés (décision attaquée, paragraphe 44, point 3) afin de réfuter un argument spécifique que la FIC avait soulevé lors de l'audition.

322. En second lieu, force est de constater que plusieurs parties requérantes ont identifié dans leur requête des documents qui, dans la décision attaquée, ont été utilisés contre elles, mais qui, au cours de la procédure administrative, ne leur auraient pas été accessibles ou qui n'auraient pas été suffisamment précisés dans la CG.

323. Il convient de rappeler que, en principe, seuls les documents qui ont été cités ou mentionnés dans la CG constituent des moyens de preuve valables (arrêt de la Cour du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C-62-86, Rec. p. I-3359, point 21; arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T-11-89, Rec. p. II-757, point 55, et ICI/Commission, T-13-89, Rec. p. II-1021, ci-après "arrêt ICI/Commission, T-13-89", point 34). Toutefois, les documents annexés à la CG, qui n'y sont pas mentionnés, peuvent être retenus dans la décision contre la partie requérante, si celle-ci a pu déduire raisonnablement à partir de la CG les conclusions que la Commission entendait en tirer (arrêt du 10 mars 1992, Shell/Commission, précité, point 56, et arrêt ICI/Commission, T-13-89, précité, point 35).

324. En l'espèce, la CG ne comportait pas d'annexes. La Commission a mis à la disposition de chaque destinataire, au moment de l'accès au dossier, au moyen de la boîte (voir ci-dessus point 95), un jeu de documents étayant la CG. Les documents ainsi communiqués étaient assimilables à des annexes à la CG. Ils constituent donc des moyens de preuve opposables aux parties requérantes dans la mesure où celles-ci ont pu déduire raisonnablement à partir de la CG les conclusions que la Commission entendait en tirer (arrêts cités au point 323 ci-dessus, AKZO/Commission, point 21, et ICI/Commission, T-13-89, point 34).

325. Le SFIC fait d'abord valoir que, bien que la CG repose sur différents documents identifiés dans celle-ci, la Commission aurait dû préciser à l'encontre de quels destinataires lesdits documents étaient invoqués. Cet argument doit être rejeté. En effet, dès lors qu'un destinataire de la CG était spécifiquement visé par un grief formulé dans cette CG, il aurait dû réaliser que les documents cités à l'appui de ce grief le concernaient.

326. En ce qui concerne les éléments de preuve utilisés à l'appui de la constatation de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée, Blue Circle reproche à la Commission de ne pas avoir mentionné, dans la CG, la déclaration de M. Kalogeropoulos à la réunion du conseil d'administration d'Heracles du 25 juin 1986 (décision attaquée, paragraphe 18, point 5; documents n° 33.126/19875 à 19877; voir ci-après point 816). Or, il y a lieu de constater que le passage de cette déclaration repris au paragraphe 18, point 5, de la décision attaquée a été littéralement cité au paragraphe 9 de la CG. En outre, les documents en question figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Dans ces circonstances, ils doivent être considérés comme un élément de preuve opposable à Blue Circle comme aux autres destinataires de la décision attaquée.

327. Lafarge, Unicem, Cimpor et Italcementi se réfèrent aux documents n° 33.126/11332 à 11337, qui correspondent respectivement aux deux notes internes de Blue Circle dont le contenu est exposé au paragraphe 18, points 2 et 3, de la décision attaquée, dans la partie "les faits" relative à l'existence de l'accord Cembureau. Ces notes figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95). En outre, les notes qui font état d'un principe Cembureau de respect des marchés domestiques (documents n° 33.126/11332 à 11334 et 11335 à 11337) ont été citées au paragraphe 9 de la CG intitulé "The Cembureau agreement or Cembureau principle of not transhipping to internal European markets". Dans ces conditions, les notes de Blue Circle précitées constituent des éléments de preuve opposables à tous les destinataires de la décision attaquée.

328. Unicem, Irish Cement et Blue Circle font encore valoir que, au cours de la procédure administrative, elles n'ont pas eu l'occasion de répliquer aux observations de Cembureau sur ces mêmes notes. Ces observations, contenues dans les documents n° 33.126/11525 et 13568 à 13573 (décision attaquée, paragraphe 18, point 4), étaient expressément mentionnées au paragraphe 9 de la CG. Elles figuraient, en outre, dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Unicem, Irish Cement et Blue Circle ne sauraient dès lors prétendre avoir été privées, au cours de la procédure administrative, de la possibilité de faire valoir leurs observations sur ces pièces.

329. Italcementi et Blue Circle reprochent encore à la Commission de ne pas avoir invoqué dans la CG plusieurs documents relatifs aux réunions des chefs de délégation. Elles visent, à propos de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, le document n° 33.126/11581 (liste des participants à la réunion du 14 janvier 1983; décision attaquée, paragraphe 19, point 4), ainsi que les documents n° 33.126/11578 et 11579 (aide-mémoire pour la conduite de la réunion; décision attaquée, paragraphe 19, point 6). Blue Circle se réfère encore à différents documents concernant la modification de l'ordre du jour initial pour la réunion du 14 janvier 1983, à savoir les documents n° 33.126/11580 (projet d'ordre du jour de cette réunion; décision attaquée, paragraphe 19, point 3), 33.126/11559 (télex de Cembureau à M. Van Hove du 17 novembre 1982; décision attaquée, paragraphe 19, point 3), 33.126/11558 (télex de M. Van Hove à Cembureau du 17 novembre 1982; décision attaquée, paragraphe 19, point 3) et n° 33.126/11565 (procès-verbal de la réunion du comité exécutif du 22 décembre 1982; décision attaquée, paragraphe 19, point 3). A propos de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, Italcementi et Blue Circle se réfèrent aux documents suivants: document n° 33.126/11715 (tableau annexé à la lettre de convocation pour la réunion; décision attaquée, paragraphe 19, point 7) et documents n° 33.126/11699 et 11700 (liste des participants à la réunion concernée; décision attaquée, paragraphe 19, point 8). Blue Circle mentionne encore les documents n° 33.126/11714 et 11730 (lettre de convocation pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 7) et Italcementi les documents n° 33.126/11717 à 11727 (documents annexés à la convocation pour la réunion du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 7). A propos de la réunion du 7 novembre 1984, Italcementi et Blue Circle se réfèrent aux documents n° 33.126/11748 (lettre de convocation pour la réunion; décision attaquée, paragraphe 19, point 12) et 33.126/11751 (projet de préambule pour la réunion, décision attaquée, paragraphe 19, point 12). Italcementi se réfère encore au document n° 33.126/11749 (ordre du jour pour la réunion du 7 novembre 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 12) et Blue Circle au document n° 33.126/11752 (liste des participants à la réunion du 7 novembre 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 13).

330. Ces documents figuraient tous dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Dans la CG (chapitre 2, paragraphe 9), la Commission avait souligné: "Plusieurs documents de Cembureau relatifs aux réunions de son organe appelé 'Head Delegates' font état du fait que le 'Cembureau Agreement or Principle' a été développé et établi au sein de cette association européenne du ciment." Sur ce point, elle s'était référée explicitement (même paragraphe) aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars 1984 et 7 novembre 1984. Dans ces conditions, les parties requérantes étaient en mesure de réaliser que tous les documents figurant dans la boîte (voir ci-dessus point 95) qui visaient leur présence à ces réunions et/ou dévoilaient la teneur des discussions menées au cours de ces réunions pourraient être retenus contre elles dans la décision de la Commission. Les documents visés au point précédent constituent donc des éléments de preuve opposables à tous les destinataires de la décision attaquée.

331. En ce qui concerne les éléments de preuve retenus par la Commission pour la constatation de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée, à savoir l'entente ibérique, Cimpor soutient d'abord que, dans la partie internationale de la CG, aucune allusion n'a été faite aux documents n° 33.322/155 à 157. Ces documents correspondent au compte rendu de Cimpor de la réunion tenue le 22 juillet 1985 entre des représentants des producteurs portugais et espagnols. Ce compte rendu, qui rapporte que les représentants des producteurs de ciment d'Espagne et du Portugal ont manifesté leur adhésion non équivoque au principe selon lequel il ne devait pas y avoir de mouvements de ciment de l'Espagne vers le Portugal et du Portugal vers l'Espagne, a été utilisé par la Commission aux paragraphes 21, points 2 et 11, et 49, point 1, de la décision attaquée, dans le cadre de l'infraction constatée à l'article 3, paragraphe 2, de celle-ci. Il avait été mentionné au paragraphe 11 de la partie internationale de la CG (chapitre 2) relatif à l'entente ibérique et un extrait avait même été littéralement cité à cet endroit. Ce document, qui figurait en outre dans la boîte (voir ci-dessus point 95), constitue donc un élément de preuve opposable à Cimpor.

332. Oficemen, Cimpor et Secil critiquent l'utilisation du document d'Hispacement (documents n° 33.322/2898 à 2903) au paragraphe 21, points 2 et 11, de la décision attaquée. Elles soulignent que, si ce document était en partie reproduit dans le chapitre de la CG relatif à l'Espagne [chapitre 8, paragraphe 55, sous c)], auquel Oficemen a eu accès au cours de la procédure administrative, et dans le chapitre de la CG relatif au Portugal [chapitre 9, paragraphe 56, sous b)], auquel Cimpor et Secil ont eu accès au cours de la même procédure, il n'était en revanche nullement mentionné dans la partie internationale de la CG. Il ne constituerait donc pas un élément de preuve recevable.

333. Il convient de rappeler que le paragraphe 55, sous c), du chapitre 8 de la CG consacré à l'Espagne est intitulé "Mouvements de ciment entre l'Espagne et le Portugal". Le paragraphe 56, sous b), du chapitre 9 de la CG consacré au Portugal est intitulé "Mouvements de ciment entre le Portugal et l'Espagne". Dans ces passages de la CG, il est expliqué que des représentants des cimentiers espagnols et portugais ont marqué leur adhésion totale au principe d'exclusion de tout mouvement de ciment entre les deux pays, dans les deux sens. Lesdits passages se réfèrent explicitement au document d'Hispacement (documents n° 33.322/2898 à 2903) invoqué par Oficemen, Cimpor et Secil dans les termes suivants: "Cette adhésion totale de manière à exclure tout mouvement réciproque de ciment entre les deux pays aurait été ratifiée par un accord pris dans la 'dernière décade du mois d'octobre 85' ou dans le mois de décembre 85. Effectivement, dans le document n° 17-4 trouvé à Hispacement [documents n° 33.322/2898 à 2903] de la réunion du 28 mai 1986 entre Secil et Hispacement, on lit: 'M. Bordado me signale que les présidents des sociétés cimentières portugaises se sont réunis dans les locaux d'Oficemen avec leurs homologues espagnols au mois de décembre de l'année dernière et que la décision a été prise à cette occasion de s'interdire toute exportation d'un pays à l'autre." Partant, Oficemen, à la lecture du paragraphe 55, sous c), du chapitre de la CG relatif à l'Espagne, et Cimpor et Secil, à la lecture du paragraphe 56, sous b), du chapitre de la CG relatif au Portugal, étaient nécessairement en mesure de réaliser que ces passages et le document d'Hispacement (documents n° 33.322/2898 à 2903), auquel il était explicitement fait référence, devaient être mis en rapport avec le grief relatif à l'entente ibérique figurant dans les chapitres internationaux de la CG [CG, chapitre 2, paragraphe 11, et chapitre 10, paragraphe 61, sous c)]. En effet, cette entente ibérique portait, selon les termes de la CG, sur les "accords convenus entre l'association des producteurs espagnols Oficemen [...] et les producteurs portugais Cimpor et Secil (par. 11) dans le but de ne pas livrer dans leurs territoires de vente traditionnels réciproques" [CG, chapitre 10, paragraphe 61, sous c)]. Compte tenu du lien évident existant entre le document d'Hispacement (documents n° 33.322/2898 à 2903) et le grief relatif à l'entente ibérique, et malgré l'emplacement de la référence à ce document dans la CG, la Commission était en droit d'exploiter, dans la décision attaquée, à l'encontre des parties requérantes concernées, les parties dudit document qui avaient été accessibles au cours de la procédure administrative à Oficemen, Cimpor et Secil (voir ci-après points 369 à 372).

334. Cimpor et Secil critiquent aussi l'utilisation des documents n° 33.322/1311 et 1314 comme des éléments à charge dans la décision attaquée. Il s'agit du compte rendu de la réunion du conseil d'administration d'Oficemen, mentionné au paragraphe 21, point 3, de la décision attaquée, au soutien de la constatation de la tenue d'une réunion entre Oficemen, Cimpor et Secil, le 20 janvier 1986, réunion ayant eu pour objet une information réciproque sur l'évolution des exportations entre l'Espagne et le Portugal. Toutefois, au paragraphe 11 de la CG (chapitre 2), la Commission avait déjà relevé: "Pour remédier à l'inconvénient représenté par les exportations, des réunions entre Portugais et Espagnols ont eu lieu [notamment le] 20.1.1986." Dans ces circonstances, Cimpor et Secil ont pu raisonnablement prévoir les conclusions que la Commission allait tirer des documents n° 33.322/1311 et 1314, qui figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95).

335.

Ensuite, Cimpor et Secil soutiennent que, dans la partie internationale de la CG, aucune allusion n'a été faite à d'autres éléments de preuve avancés par la Commission au paragraphe 21, points 4 et 5, de la décision attaquée (documents n° 33.322/162, 163 à 166, 170, 172, 1406 à 1408 et 1410 à 1412). Cimpor critique encore l'utilisation des documents n° 33.322/181 et 252 au paragraphe 21, point 7, de ladite décision.

336. Les documents n° 33.322/163 à 166 et 33.322/1406 à 1408, d'une part, et les documents n° 33.322/1410 à 1412, d'autre part, se rapportent respectivement aux comptes rendus des réunions des 23 janvier et 6 mars 1987 entre les producteurs portugais et espagnols. La CG faisait explicitement état de la tenue de ces réunions à la fois au paragraphe 11 du chapitre 2 de la CG, consacré au grief international relatif à l'entente ibérique, et au paragraphe 56, sous b), intitulé "Mouvements de ciment entre le Portugal et l'Espagne" du chapitre 9 de la CG relatif au Portugal. Bien que le paragraphe 56, sous b), figure dans un chapitre national de la CG, Cimpor et Secil ont nécessairement réalisé que ce passage de la CG devait être mis en rapport avec le grief relatif à l'entente ibérique figurant dans les chapitres internationaux de la CG [CG, chapitre 2, paragraphe 11, et chapitre 10, paragraphe 61, sous c)]. D'ailleurs, le paragraphe 11 du chapitre 2 de la CG relatif à l'entente ibérique énonce: "La solution [au] problème [des exportations de ciment vers l'Espagne faites par les distributeurs, détaillants et transporteurs portugais] semble avoir été trouvée au cours de la réunion du 23.1.1987: à moyen terme, politique d'augmentation des prix du ciment portugais; à court terme, politique de découragement des opérateurs portugais qui se livrent aux exportations frontalières." La réunion du 6 mars 1987 était, elle aussi, explicitement identifiée, au paragraphe 11 de la CG, parmi les réunions hispano-portugaises ayant visé à "remédier à l'inconvénient représenté par les exportations" portugaises (CG, paragraphe 11). Dans ces circonstances, Cimpor et Secil ont pu mettre les documents n° 33.322/163 à 166, qui figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95), et les documents n° 33.322/1406 à 1408 et 1410 à 1412, qui figuraient dans le dossier portugais auquel elles ont eu accès au cours de la procédure administrative, en rapport avec l'entente ibérique visée dans les chapitres internationaux de la CG [CG, chapitre 2, paragraphe 11, et chapitre 10, paragraphe 61, sous c)] et ont pu prévoir les conclusions que la Commission entendait tirer de ces différents documents dans le cadre de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée. Il ne saurait donc être question d'une violation des droits de la défense.

337. Quant aux documents n° 33.322/162, 181 et 252, d'une part, et aux documents n° 33.322/170 et 172, d'autre part, ils ont été utilisés par la Commission au soutien de sa thèse selon laquelle, à l'occasion des réunions entre représentants des producteurs portugais et espagnols qui se sont tenues dans la période allant du 6 mars 1987 au 24 avril 1989, l'état des exportations de ciment du Portugal vers l'Espagne a été examiné. Comme ces réunions ont été explicitement identifiées, au paragraphe 11 de la CG, parmi les réunions hispano-portugaises ayant visé à "remédier à l'inconvénient représenté par les exportations" portugaises (CG, paragraphe 11), et comme la CG mentionnait au même endroit que, à "chaque réunion, une analyse des exportations mensuelles de ciment portugais en Espagne [avait] été faite pour chaque localité d'entrée", Cimpor et Secil ont pu raisonnablement prévoir les conclusions que la Commission allait tirer de ces documents, qui figuraient tous dans la boîte (voir ci-dessus point 95), au paragraphe 21, points 5 et 7, de la décision attaquée.

338. Cimpor soutient encore que, dans la partie internationale de la CG, aucune allusion n'a été faite aux documents n° 33.322/512, 513, 549, 550, 566, 567, 1397 et 1398, qui ont été utilisés au paragraphe 21, points 6 et 8, de la décision attaquée.

339. Les documents n° 33.322/512, 513, 549, 550, 566 et 567 sont des télex de 1988 et 1989 émanant de ou adressés à Cimpor, qui, selon la décision attaquée, "montrent que Cimpor a refusé toute demande de ciment provenant de l'Espagne [en 1988 et 1989] avec la formule standard 'nous n'avons pas de disponibilité pour l'exportation" (décision attaquée, paragraphe 21, point 8). Ces documents étaient identifiés par leur numérotation sous le chapitre portugais de la CG [voir CG, chapitre 9, paragraphe 56, sous c): "Refus de vente"], qui portait sur les refus, au moyen de la formule standard précitée, des demandes de ciment provenant de l'Espagne. Le chapitre de la CG relatif au Portugal a été communiqué à Cimpor au cours de la procédure administrative et les documents en question figuraient tous dans le dossier portugais auquel elle a eu accès au cours de ladite procédure. Dans la mesure où la Commission indiquait, au paragraphe 11 de la partie internationale de la CG (chapitre 2) relatif à l'entente ibérique, qu'"une série de télex de 1988 et 1989 [montraient] que Cimpor, le producteur plus directement intéressé à l'exportation, [avait] refusé toute demande de ciment provenant de l'Espagne avec la formule standard 'Nous n'avons pas de disponibilité pour l'exportation", Cimpor pouvait raisonnablement mettre ces documents en rapport avec le paragraphe 11 de la CG et prévoir les conclusions que la Commission entendait en tirer dans le cadre de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée.

340. Quant aux documents n° 33.322/1397 et 1398, ils sont des télex communiquant le nom des personnes devant assister à la réunion hispano-portugaise du 27 juillet 1988. Cette réunion était clairement mentionnée, au paragraphe 11 de la partie internationale de la CG (chapitre 2), parmi les réunions hispano-portugaises ayant visé à "remédier à l'inconvénient représenté par les exportations" portugaises. La réunion en question a aussi été mentionnée au paragraphe 56, sous b), du chapitre 9 de la CG relatif au Portugal dans le contexte des problèmes liés aux mouvements de ciment entre le Portugal et l'Espagne. En outre, les deux documents examinés faisaient partie du dossier national auquel Cimpor a eu accès au cours de la procédure administrative. Dans ces circonstances, cette entreprise a pu prévoir que la Commission allait se fonder sur eux pour constater, dans la décision attaquée (paragraphe 21, point 6), qu'une réunion avait eu lieu, le 27 juillet 1988, entre représentants de producteurs espagnols et portugais. Les deux documents constituent donc également des éléments de preuve opposables à Cimpor.

341. Oficemen met en avant, pour sa part, les documents n° 33.322/92, 93, 95, 96, 177, 270 à 276, 492, 493 à 495, 527 à 529, 530 à 532, 537, 538 et 575. Cimpor et Secil dénoncent l'utilisation des documents n° 33.322/79, 84, 85, 88 à 90, 92, 93, 95, 177 et 270 à 276 comme moyens de preuve dans la décision attaquée. Cimpor critique aussi l'utilisation des documents n° 33.322/158, 159, 160, 161, 485, 486, 490 à 492, 493 à 495, 496 à 511, 514, 515, 516, 517, 523, 524, 525, 526, 527 à 529, 530 à 532, 533 à 536, 537, 538, 539 à 541, 543 à 545, 546 à 548, 551 à 553, 554 à 556, 571 à 574 et 575 dans la décision attaquée.

342. Il doit toutefois être relevé que le document n° 33.322/575, à savoir un télex de Tracoisa à Cimpor du 13 mars 1989, mentionné au paragraphe 21, point 8, de la décision attaquée, a été explicitement cité au paragraphe 11 de la partie internationale de la CG (chapitre 2). Il en est de même des documents n° 33.322/490 à 492, 496 à 511, 514, 515, 516, 517, 523, 524, 525, 526, 533 à 536, 539 à 541, 543 à 545, 546 à 548, 551 à 553, 554 à 556 et 571 à 574. Il s'agit de télex qui, aux termes du paragraphe 11 de la CG et du paragraphe 21, point 8, de la décision attaquée, démontrent que Cimpor a satisfait des demandes ponctuelles de ciment, pendant les années 1988 et 1989, pour les destinations suivantes: Afrique, Guinée, Sénégal, Lybie, Madagascar, Porto Rico, États-Unis et Antilles. Ces télex, ainsi que celui du 13 mars 1989, figuraient en outre dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Ils constituent donc des moyens de preuve opposables à Oficemen (documents n° 33.322/492 et 575) et à Cimpor (documents n° 33.322/490 à 492, 496 à 511, 514, 515, 516, 517, 523, 524, 525, 526, 533 à 536, 539 à 541, 543 à 545, 546 à 548, 551 à 553, 554 à 556, 571 à 574 et 575).

343. Les documents n° 33.322/485, 486, 493 à 495, 527 à 529, 530 à 532, 537 et 538 sont des télex de 1988 et 1989 émanant de ou adressés à Cimpor. Ils sont évoqués au paragraphe 21, point 8, de la décision attaquée pour montrer que Cimpor a refusé toute demande de ciment provenant de l'Espagne en 1988 et 1989. Ces documents se trouvaient aussi dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Dans la mesure où la Commission indiquait, au paragraphe 11 de la CG (chapitre 2), qu'"une série de télex de 1988 et 1989 [montraient] que Cimpor, le producteur plus directement intéressé à l'exportation, [avait] refusé toute demande de ciment provenant de l'Espagne avec la formule standard 'Nous n'avons pas de disponibilité pour l'exportation", Oficemen et Cimpor pouvaient raisonnablement mettre lesdits documents en rapport avec les passages pertinents de la CG, et en déduire les conclusions que la Commission entendait en tirer. Les documents n° 33.322/92, 93, 95 et 96, d'une part, et les documents n° 33.322/158 et 159, 160, 161 et 270 à 276, d'autre part, mentionnés au paragraphe 21, point 6, de la décision attaquée, confirment la tenue de réunions entre des cimentiers portugais et des représentants des producteurs espagnols, les 28 octobre 1988, 12 janvier, 23 février et 24 avril 1989, d'une part, et les 10 novembre 1987, 5 février, 21 avril, 10 mai et 27 juillet 1988, d'autre part. Le paragraphe 11 de la CG (chapitre 2) mentionnait que, à ces dates, des réunions entre Espagnols et Portugais avaient eu lieu "pour remédier à l'inconvénient représenté par les exportations" de ciment du Portugal vers l'Espagne. Les documents n° 33.322/92, 93, 95, 96, 158, 159, 160, 161 et 270 à 276 figuraient tous dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Oficemen, Cimpor et Secil pouvaient, à partir du paragraphe 11 de la partie internationale de la CG, raisonnablement prévoir les conclusions que la Commission allait tirer dans la décision attaquée des documents n° 33.322/92, 93, 95, 96 et 270 à 276. Cimpor pouvait également prévoir, à la lecture du paragraphe 11 de la partie internationale de la CG, que les documents n° 33.322/158, 159, 160 et 161 allaient être exploités contre elle dans le cadre de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée.

344. Quant aux documents n° 33.322/79, 84, 85 et 88 à 90, mentionnés au paragraphe 21, point 6, de la décision attaquée, ils confirment la tenue de réunions entre des cimentiers portugais et des représentants des producteurs espagnols, le 25 juin 1987 (document n° 33.322/79), le 10 novembre 1987 (document n° 33.322/84), le 5 février 1988 (document n° 33.322/85), le 21 avril 1988 (document n° 33.322/88), le 10 mai 1988 (document n° 33.322/89) et le 27 juillet 1988 (document n° 33.322/90). Le paragraphe 11 (chapitre 2) de la CG mentionnait que, à ces dates, des réunions entre Espagnols et Portugais avaient eu lieu "pour remédier à l'inconvénient représenté par les exportations" de ciment portugais vers l'Espagne. Dans ces circonstances, Cimpor et Secil pouvaient raisonnablement prévoir les conclusions que la Commission allait tirer, dans la décision attaquée, des documents susvisés, qui figuraient tous dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Enfin, le paragraphe 11 (chapitre 2) de la CG mentionnait que, à "chaque réunion, une analyse des exportations mensuelles de ciment portugais en Espagne [avait] été faite pour chaque localité d'entrée". Comme le document n° 33.322/177, également contenu dans la boîte (voir ci-dessus point 95), confirmait ce fait, Oficemen, Cimpor et Secil auraient dû également prévoir les conclusions que la Commission allait en tirer au paragraphe 21, point 7, de la décision attaquée, qui constitue une paraphrase de l'extrait de la CG précité.

345. En ce qui concerne ensuite les éléments de preuve utilisés au soutien de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, à savoir l'entente franco-allemande, le SFIC, Ciments français et Heidelberger dénoncent l'utilisation dans la décision attaquée d'une note de celle-ci en date du 12 août 1987 (décision attaquée, paragraphe 22, point 10; document n° 33.126/3573) comme prétendu moyen de preuve nouveau. S'il est, certes, incontestable que cette note n'est pas mentionnée dans la CG, force est de constater qu'elle figurait néanmoins dans la boîte (voir ci-dessus point 95). S'agissant donc d'un document assimilable à une annexe à la CG, il suffit de vérifier si les parties requérantes concernées ont raisonnablement pu déduire, à partir de la CG, les conclusions que la Commission entendait tirer de cette note. Or, les parties requérantes devaient faire cette déduction, dans la mesure où la CG comportait un paragraphe 12 intitulé "La mise en œuvre du 'Cembureau agreement or principle' of not transhipping to internal European markets: France-Allemagne", dans lequel la Commission se référait explicitement à la lettre de Ciments français du 22 septembre 1986 (décision attaquée, paragraphe 22, point 10; documents n° 33.126/3574 à 3576) qui figurait en annexe à la note de Heidelberger du 12 août 1987 (voir ci-après point 2396).

346. En ce qui concerne les éléments de preuve utilisés au soutien des différentes infractions visées à l'article 4 de la décision attaquée, à savoir la constitution de l'ETF et les mesures prises dans le cadre de celle-ci, Holderbank et Blue Circle citent d'abord le compte rendu manuscrit rédigé par M. Dutron, directeur de Cembureau, à la suite de la réunion du 28 mai 1986 à Rome (décision attaquée, paragraphe 25, point 1; documents n° 33.126/10982 et 10983). Blue Circle mentionne aussi le compte rendu dactylographié de la même réunion (décision attaquée, paragraphe 25, point 1; document n° 33.126/18771). Elle se réfère en outre à la liste des participants à la réunion de Zurich Céligny du 3 au 5 juin 1986 (décision attaquée, paragraphe 25, point 2; document n° 33.126/18756). Ces réunions ainsi que leur contenu étaient clairement évoqués au paragraphe 17, sous a) et sous b), de la section "les faits" de la CG consacrée à l'ETF (chapitre 2, section 2), et les documents en question figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Holderbank et Blue Circle ont donc raisonnablement pu mettre ces documents en rapport avec les passages pertinents de la CG et en déduire les conclusions que la Commission entendait en tirer pour ce qui concerne les différentes infractions visées à l'article 4 de la décision attaquée.

347. Holderbank se réfère aussi au procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 25, point 22; documents n° 33.126/18849 à 18862), au compte rendu manuscrit de Lafarge, relatif à la réunion de l'ETF du 11 février 1987 à Genève (décision attaquée, paragraphe 25, point 46; documents n° 33.126/4911 à 4913) et au compte rendu de Lafarge de la réunion du 17 mars 1987 du sous-groupe de travail de l'ETF "Mesures de défense" (décision attaquée, paragraphe 25, point 47; documents n° 33.126/4858 à 4861). Ces différentes réunions étaient toutes évoquées dans la CG [respectivement au paragraphe 17, sous e) et sous g), de la section "les faits" de la CG consacrée à l'ETF (chapitre 2, section 2)], avec une brève présentation de leur ordre du jour. En outre, les différents documents cités par cette partie requérante à propos de ces trois réunions figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Holderbank a donc raisonnablement pu mettre ces documents en rapport avec les passages pertinents de la CG et en déduire les conclusions que la Commission entendait en tirer pour ce qui concerne les différentes infractions visées à l'article 4 de la décision attaquée. Pour ces mêmes motifs, le compte rendu manuscrit de Lafarge, relatif à la réunion de l'ETF du 11 février 1987 à Genève (décision attaquée, paragraphe 25, point 46; documents n° 33.126/4911 à 4913) constitue un moyen de preuve opposable à Aalborg.

348. Blue Circle reproche encore à la Commission de s'être fondée dans la décision attaquée sur les documents n° 33.126/18821 et 18822 (décision attaquée, paragraphes 25, points 9 et 10, et 26, point 2), 33.126/18857 à 18861 (décision attaquée, paragraphe 26, point 2) et 33.126/18755 (décision attaquée, paragraphe 25, points 9 et 10) afin de démontrer sa participation à la réunion de Stockholm du 9 juin 1986 ainsi que le contenu des discussions qui s'y étaient déroulées. Elle reproche aussi l'utilisation dans la décision attaquée du compte rendu de la réunion des chefs de délégation à Baden-Baden, le 9 septembre 1986. Elle vise particulièrement le document n° 33.126/18861, dont pourrait être inférée sa présence à la réunion de Stockholm (décision attaquée, paragraphe 25, point 9). Les réunions de Stockholm et de Baden-Baden ainsi que leur contenu étaient clairement évoqués au paragraphe 17, sous c) et sous e), de la section "les faits" de la CG consacrée à l'ETF (chapitre 2, section 2), et les documents en question figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Blue Circle a donc raisonnablement pu mettre ces documents en rapport avec les passages pertinents de la CG et en déduire les conclusions que la Commission entendait en tirer pour ce qui concerne les différentes infractions visées à l'article 4 de la décision attaquée.

349. Blue Circle se réfère aussi à différents documents concernant d'autres réunions mentionnées au paragraphe 25 de la décision attaquée. Il s'agit de documents concernant la réunion de l'ETF du 17 juin 1986 à Londres, mentionnés au paragraphe 25, point 11, de la décision attaquée (documents n° 33.126/18781 à 18790), de documents concernant la réunion de l'ETF du 2 juillet 1986 à Milan, mentionnés au paragraphe 25, point 12, de la décision attaquée (documents n° 33.126/18756, 18757 et 18791 à 18794), de documents concernant la réunion de l'ETF du 8 juillet 1986 à Genève, mentionnés au paragraphe 25, point 13, de la décision attaquée (documents n° 33.126/18757 et 18795), de documents concernant la réunion de l'ETF du 19 août 1986 à Genève, mentionnés au paragraphe 25, point 14, de la décision attaquée (documents n° 33.126/18757, 18758 et 18795 à 18811), d'un document concernant la réunion de l'ETF à Baden-Baden, le 9 septembre 1986, mentionné au paragraphe 25, point 21, de la décision attaquée (document n° 33.126/18848), de documents concernant la réunion des chefs de délégation à Bruxelles, le 6 novembre 1986, mentionnés au paragraphe 25, point 39, de la décision attaquée (documents n° 33.126/19007 et 19008), de documents concernant la réunion de l'ETF à Milan, le 9 janvier 1987, mentionnés au paragraphe 25, point 44, de la décision attaquée (documents n° 33.126/18759, 18921 et 18922), de documents concernant la réunion de l'ETF à Genève, le 11 février 1987, mentionnés au paragraphe 25, point 45, de la décision attaquée (documents n° 33.126/18760, 18939 à 18944 et 18946 à 18949), et de documents concernant la réunion du 17 mars 1987 du sous-groupe de travail de l'ETF "Mesures de défense", mentionnés au paragraphe 25, point 47, de la décision attaquée (documents n° 33.126/4858 à 4861). Ces différentes réunions étaient toutes évoquées au paragraphe 17, sous d), sous f) et sous g), de la section "les faits" de la CG consacrée à l'ETF (chapitre 2, section 2), avec une brève présentation de leur ordre du jour. En outre, les différents documents cités par cette partie requérante à propos de ces réunions figuraient tous dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Blue Circle a donc raisonnablement pu mettre ces documents en rapport avec les passages pertinents de la CG et en déduire les conclusions que la Commission entendait en tirer pour ce qui concerne les différentes infractions visées à l'article 4 de la décision attaquée.

350. Blue Circle se prévaut encore des documents n° 33.126/4487 à 4490 (décision attaquée, paragraphe 25, point 48) qui correspondent à la note interne du 1er juin 1987 rédigée par Lafarge à la suite des réunions de Luxembourg du 25 au 28 mai 1987, et dans laquelle il est notamment indiqué, à propos du sort futur de l'ETF: "[...] l'outil a été forgé, autant le maintenir prêt à l'emploi". Ces documents figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95) qui a été remise à Blue Circle au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus point 95). Blue Circle a pu raisonnablement prévoir les conclusions que la Commission entendait en tirer, dès lors que, au paragraphe 61, sous h), de la CG, relatif à l'"appréciation juridique" de l'ETF (chapitre 10), celle-ci soulignait que "les infractions commises par les entreprises en cause [dans l'ETF] à partir de 1986 [étaient] d'autant plus graves qu'elles [avaient] eu une longue durée", sans fixer, comme elle l'avait fait pour d'autres griefs, de date de fin d'infraction, et que, au paragraphe 93, sous b), de la CG, concernant l'applicabilité de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, elle "[estimait] que presque la totalité de ces ententes [continuaient]". Les documents en question doivent donc être considérés comme des moyens de preuve opposables à Blue Circle.

351. Italcementi se réfère à différents documents concernant des réunions mentionnées au paragraphe 25 de la décision attaquée. Il s'agit du projet d'ordre du jour pour la réunion de l'ETF à Milan, le 2 juillet 1986 (décision attaquée, paragraphe 25, point 12; document n° 33.126/18794), de l'ordre du jour pour la réunion de l'ETF à Genève, le 19 août 1986 (décision attaquée, paragraphe 25, point 14; document n° 33.126/18811), et du compte rendu de la réunion des chefs de délégation à Bruxelles, le 6 novembre 1986 (décision attaquée, paragraphe 25, point 39; documents n° 33.126/19007 et 19008). Dès lors que tous les documents précités figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95), et que la Commission faisait état, au paragraphe 17, sous d) et sous f), de la section "les faits" de la CG consacrée à l'ETF (chapitre 2, section 2), de la tenue des réunions en question et de leur ordre du jour, Italcementi a raisonnablement pu déduire, à partir de la CG, les conclusions que la Commission entendait tirer des documents en cause pour les infractions visées à l'article 4, paragraphes 1 à 3, de la décision attaquée.

352. Le SFIC soutient que, dans la partie internationale de la CG, aucune allusion n'a été faite aux ordres du jour et aux procès-verbaux de trois de ses réunions, qui se sont tenues les 8 juillet, 9 septembre et 7 octobre 1986 (documents n° 33.126/14828 à 14860; procès-verbaux cités au paragraphe 29, point 4, de la décision attaquée), lesquels ont été retenus contre lui pour lui imputer les infractions visées à l'article 4, paragraphes 1 à 3, sous a), de la décision attaquée. Cependant, force est de constater que les documents en question, qui émanent du SFIC et qui figuraient dans le dossier relatif à la France, auquel celui-ci a eu accès au cours de la procédure administrative, étaient largement évoqués au chapitre de la CG consacré à la France, dans le passage relatif aux exportations de ciment en provenance de Grèce [chapitre 5, paragraphe 44, sous f)], qui conclut, à propos de ces pièces, qu'"en tout cas, les dates des réunions du Bureau [du SFIC] ayant à l'ordre du jour 'Exportations de ciment de la Grèce' sont à mettre en rapport avec les dates des activités de 'Cembureau Task Force or European Task Force' mentionnées à la section 2 ci-dessus". Il ressort de ce passage que ces documents, bien qu'évoqués au chapitre de la CG relatif à la France, ont été clairement mis en relation, par la Commission, non seulement avec les griefs concernant les producteurs français, mais aussi avec les griefs internationaux relatifs à l'ETF. A la lecture de ces indications, le SFIC devait donc se rendre compte que ces documents, malgré leur emplacement dans la CG, étaient susceptibles d'être avancés par la Commission, dans la décision attaquée, également à l'appui des griefs retenus à sa charge dans le cadre de l'ETF, et qu'il était indiqué qu'il fît valoir ses commentaires sur les documents n° 33.126/14828 à 14860, tant par rapport aux griefs nationaux que par rapport aux griefs internationaux qui lui étaient reprochés dans la CG. Il s'agit donc d'éléments de preuve qui lui sont opposables. La Commission, dès lors qu' elle avait clairement établi, dans la CG, le lien entre ces pièces nationales et les griefs relatifs à l'ETF et que lesdites pièces avaient été soumises aux commentaires du SFIC au cours de la procédure administrative, était légalement fondée à en faire état dans la décision attaquée, nonobstant l'abandon des griefs nationaux.

353. En ce qui concerne en particulier les éléments de preuve utilisés par la Commission pour la constatation de l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, à savoir la constitution d'Interciment, Blue Circle soutient que la Commission n'a pas non plus suffisamment visé dans la CG les documents n° 33.126/18734 à 18739 et 18823 à 18832. Ces documents ont été mentionnés dans la décision attaquée, au soutien de la constatation qu'Interciment, société au capital de 50 000 SFR, avait été constituée le 24 juin 1986 par trois avocats suisses et qu'elle avait été enregistrée à Fribourg auprès de l'avocat qui avait souscrit la presque totalité des actions et qui en était l'administrateur unique (décision attaquée, paragraphe 26, points 3 et 5). Blue Circle mentionne également le document n° 33.126/18329 (décision attaquée, paragraphe 26, point 9) extrait de la réponse de Holderbank à une demande de renseignements dont la Commission déduit que Blue Circle a payé le montant correspondant à sa quote-part dans le capital d'Interciment. Cependant, il a été fait clairement état de ces faits au paragraphe 18 de la section "les faits" de la CG consacrée à l'ETF (chapitre 2, section 2). Blue Circle a donc raisonnablement pu mettre les documents n° 33.126/18734 à 18739, 18823 à 18832 et 18329, qui figuraient tous dans la boîte (voir ci-dessus point 95), en rapport avec les passages pertinents de la CG et en déduire les conclusions que la Commission entendait en tirer pour ce qui concerne l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée.

354. Blue Circle se plaint aussi du fait que, dans la CG, la Commission n'a pas mentionné le mémorandum du juriste interne de Blue Circle du 10 juillet 1986 (décision attaquée, paragraphe 26, point 13; documents n° 33.126/18842 et 18843). Toutefois, elle aurait pu prévoir, à la lecture du paragraphe 18 de la section "les faits" de la CG consacrée à l'ETF (chapitre 2, section 2), que cette note, qui figurait dans la boîte (voir ci-dessus point 95) et qui affirme que la constitution d'Interciment viole l'article 85, paragraphe 1, du traité, allait être exploitée comme un élément à charge dans la décision attaquée.

355. Les documents n° 33.126/10960 à 10962 (état des comptes de BCO, filiale suisse de Blue Circle, du 7 novembre 1986), 10958 (télex de Blue Circle à Cementia du 10 octobre 1987), 6647 (note manuscrite de Lafarge du 3 octobre 1986) et 2915 (avis juridique de provenance française, non daté) (décision attaquée, paragraphe 26, points 7, 11, 12 et 13), invoqués par Holderbank et également utilisés par la Commission dans le cadre de l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, étaient explicitement mentionnés dans la CG (CG, paragraphe 18 et note en bas de page n° 14) et figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Le seul fait qu'ils n'étaient pas identifiés dans la CG par leur pagination ne saurait, à cet égard, constituer une violation des droits de la défense de cette partie requérante. Holderbank invoque encore les documents n° 33.126/16218 et 16220 (décision attaquée, paragraphe 26, point 8), qui se rapportent à la souscription par Italcementi de sa quote-part de capital dans Interciment et à la revente ultérieure de ses actions à Holderbank. Ces circonstances factuelles étaient clairement évoquées au paragraphe 18 de la CG et les documents en question figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Holderbank a donc raisonnablement pu mettre lesdits documents en rapport avec les passages pertinents de la CG et en déduire les conclusions que la Commission entendait en tirer pour ce qui concerne l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée.

356. En ce qui concerne l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, Italcementi dénonce le fait que, au cours de la procédure administrative, elle n'a pas eu accès aux documents n° 33.126/12145 à 12342. Ces documents, cités au paragraphe 27, point 6, de la décision attaquée, correspondent aux conventions conclues en avril 1987 entre Calcestruzzi et trois cimentiers italiens, Unicem, Cementir et Italcementi. Si, certes, ces documents étaient classés comme inaccessibles aux parties autres qu'Unicem lors de la procédure administrative, à l'exception du document n° 33.126/12160, la plupart d'entre eux étaient accessibles à Italcementi lors de la consultation du dossier relatif à l'Italie au cours de cette même procédure, à savoir les documents n° 33.126/12145 à 12166, 12180 à 12188, et 12231 à 12341. En tout état de cause, Italcementi, en tant que partie signataire des conventions en question, connaissait le contenu de ces documents. Elle reconnaît d'ailleurs avoir eu connaissance de ces documents, mais estime que ceux-ci auraient dû lui être rendus accessibles au cours de la procédure administrative, afin qu'elle pût vérifier la copie détenue par la Commission dans son dossier. Elle ne démontre pas ni même ne prétend que la Commission, lorsqu'elle fait allusion à ces documents au paragraphe 27, point 6, de la décision attaquée, ait travesti leur version originale. Ensuite, force est de constater que le paragraphe 35 du chapitre "les faits" de la CG consacré à l'Italie, qui a été accessible à cette partie requérante au cours de la procédure administrative, indiquait: "L'accord [entre les producteurs italiens et Calcestruzzi] a été 'finalisé' les 3 et 15 avril 1987, dates auxquelles une série de conventions ont été signées." Le paragraphe 70, sous b), du chapitre "appréciation juridique" de la CG relatif à l'Italie, également accessible à Italcementi au cours de la procédure administrative, concluait quant à lui: "[...] les accords signés entre les producteurs [italiens] et Calcestruzzi [...] constituent des restrictions de concurrence au sens de l'article 85[, paragraphe 1, du traité]." En outre, dans la CG, les conventions conclues en avril 1987 étaient aussi mises en relation avec les griefs internationaux relatifs à l'ETF. En effet, le paragraphe 19, sous d), de la section "les faits" de la CG consacrée à l'ETF (chapitre 2, section 2), accessible à Italcementi au cours de la procédure administrative, énonçait: "Italcementi, Unicem, Cementir et Calcestruzzi ont signé un accord [...] en vertu duquel les trois cimentiers s'engagent à satisfaire tous les besoins en ciment du groupe Calcestruzzi et celui-ci s'engage à satisfaire la presque totalité de ses besoins en ciment auprès des cimentiers signataires." Le paragraphe 61, sous h), iv), de la partie internationale "appréciation juridique" de la CG relève: "Les pressions exercées sur Calcestruzzi et la non-exécution de la part de Calcestruzzi du contrat d'achat de ciment de Titan sont l'effet d'accords et/ou pratiques concertées entre les producteurs italiens Italcementi, Unicem, et Cementir [...] visant à soustraire aux producteurs grecs un client important pour pénétrer sur le marché italien." Italcementi, qui disposait, en tant que partie signataire, d'une copie des conventions conclues en avril 1987, a donc raisonnablement pu prévoir les conclusions que la Commission allait en tirer pour ce qui concerne l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée. Dans ces circonstances, les documents n° 33.126/12145 à 12342 constituent des éléments de preuve opposables à Italcementi.

357. Italcementi fait encore valoir que le document n° 33.126/19208, mentionné au paragraphe 27, point 10, de la décision attaquée, n'a pas été suffisamment visé dans la CG. Il convient de rappeler (voir ci-dessus point 313) que ce document, mentionné dans la décision attaquée dans le cadre de l'exposé des faits relatifs aux mesures de défense du marché italien, correspond en réalité non pas, comme la décision attaquée l'indique, au télex du 2 juin 1987 par lequel Calcestruzzi aurait réitéré sa demande à Titan d'une rencontre avec les producteurs italiens pour résoudre le problème lié à l'inexécution du contrat d'achat de ciment en provenance de Grèce, mais à un télex du 29 janvier 1987 de Titan à Calcestruzzi, dont il n'est pas fait état dans la décision attaquée. Le télex du 2 juin 1987 de Calcestruzzi à Titan, dont un large extrait est reproduit au paragraphe 27, point 10, de la décision attaquée, correspond, en fait, au document n° 33.126/19218 qui figurait dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Dans le cadre du grief qui a ultérieurement été visé à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, la CG [paragraphe 19, sous d)] fait état de réunions entre les producteurs italiens et Titan sollicitées par Calcestruzzi. A la lecture de ce passage de la CG, Italcementi a donc raisonnablement pu prévoir les conclusions que la Commission allait tirer du document concerné dans le cadre de l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée.

358. En ce qui concerne, en particulier, les carrot actions visées à l'article 4, paragraphe 4, de la décision attaquée, Blue Circle reproche à la Commission de ne pas avoir mentionné dans la CG le "Memorandum of Understanding" (document n° 33.126/11096) évoqué au paragraphe 28, point 9, de la décision attaquée. Il s'agit d'un document, figurant dans la boîte (voir ci-dessus point 95), qui confirme le contenu d'un autre document, à savoir la note interne de Blue Circle intitulée "document de discussion importations à bas prix réunion du 7 juillet 1986" (documents n° 33.126/10992 à 10994) et figurant aussi dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Cette note interne était explicitement mentionnée au paragraphe 20, sous a), de la section "les faits" de la CG consacrée à l'ETF (chapitre 2, section 2) et les extraits de ce document ont été cités au même paragraphe de la CG. Dans ces circonstances, Blue Circle a raisonnablement pu mettre le document n° 33.126/11096 en rapport avec les passages pertinents de la CG et en déduire les conclusions que la Commission entendait en tirer pour ce qui concerne l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 4, sous a), de la décision attaquée.

359. Ensuite, les documents n° 33.126/19864 et 19865 (décision attaquée, paragraphe 28, point 9), invoqués par Blue Circle, correspondent à une note de Heracles sans date, sur papier à en-tête de la "Sheraton Park Tower London", qui a été exploitée par la Commission dans le cadre de l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 4, sous a), de la décision attaquée. Ils figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95) et étaient explicitement mentionnés au paragraphe 20, sous a), de la section "les faits" de la CG consacrée à l'ETF (chapitre 2, section 2). Il s'agit donc également d'un moyen de preuve opposable à cette partie requérante.

360. Concernant l'infraction visée à l'article 5 de la décision attaquée, à savoir les pratiques concertées dans le cadre de l'ECEC, Cimpor et Italcementi se réfèrent à la note interne de Blue Circle du 9 avril 1981 évoquée au paragraphe 30, point 1, de la décision attaquée dans le cadre de l'historique de la naissance des comités à l'exportation (documents n° 33.126/11338 à 11340; la date du 4 avril 1981 mentionnée dans la décision attaquée est erronée). La note n'a aucune pertinence pour la défense de Cimpor dès lors que cette entreprise n'est pas visée par l'article 5 de la décision attaquée. En tout état de cause, la note interne de Blue Circle figurait dans la boîte (voir ci-dessus point 95). En outre, elle est citée au paragraphe 24 de la CG relatif à l'ECMEC. Dans ces conditions, elle constitue un élément de preuve opposable aux parties requérantes.

361. Concernant l'infraction visée à l'article 6 de la décision attaquée, à savoir la pratique concertée dans le cadre de l'EPC, Blue Circle considère que la lettre de M. Gac du 30 mars 1990 (décision attaquée, paragraphe 35, point 2; documents n° 33.126/16766 à 16777) est un élément de preuve nouveau. Cet argument doit être rejeté. En effet, il a été fait explicitement référence à ce document, qui figurait en outre dans la boîte (voir ci-dessus point 95), au paragraphe 24 de la CG (chapitre 2, section 4) relatif à l'historique de la naissance de l'ECMEC et de l'EPC.

362. Blue Circle soutient également que le compte rendu de la réunion de l'EPC du 20 octobre 1988 (décision attaquée, paragraphe 36, point 8; documents n° 33.126/18179 et 18180), mentionné pour démontrer que les problèmes intra-européens ont été discutés dans le cadre de l'EPC, n'a pas été suffisamment visé dans la CG. Force est de constater que, au paragraphe 28 (chapitre 2, section 4) de la CG intitulé "Le respect des marchés intérieurs", il a été fait explicitement état de la réunion de l'EPC du 20 octobre 1988. Dans ces circonstances, Blue Circle aurait pu prévoir que la Commission exploiterait le compte rendu de cette réunion, qui figurait dans la boîte (voir ci-dessus point 95), afin de démontrer que l'EPC ne s'occupait pas seulement des exportations en dehors de l'Europe, mais aussi du commerce intra-européen.

363. Ciments français soutient que ses notes manuscrites relatives à la réunion de l'EPC du 20 octobre 1988, citées au paragraphe 36, point 7, de la décision attaquée (documents n° 33.126/12791 à 12799), ainsi que le compte rendu de cette réunion, évoqué au paragraphe 36, point 8, de la décision attaquée (documents n° 33.126/18179 et 18180), qui ont été utilisés par la Commission pour démontrer que les problèmes intra-européens avaient été discutés dans le cadre de l'EPC, n'étaient pas cités dans la CG. Il doit être relevé que les "notes manuscrites de l'EPC meeting du 20 octobre 1988" sont expressément citées au paragraphe 28 (chapitre 2, section 4) de la CG intitulé "Le respect des marchés intérieurs". Quant au compte rendu de cette réunion, s'il n'a pas été explicitement cité ou mentionné dans la CG, il figurait néanmoins dans la boîte (voir ci-dessus point 95) et Ciments français a pu raisonnablement prévoir, à la lecture du passage précité de la CG qui mentionnait la tenue de la réunion du 20 octobre 1988, les conclusions que la Commission entendait en tirer afin de démontrer que l'EPC ne s'occupait pas seulement des exportations en dehors de l'Europe, mais aussi du commerce intra-européen.

364. Force est toutefois de constater que certaines parties requérantes ont identifié dans leur requête des documents qui ont été retenus contre elles dans la décision attaquée, sans qu'elles aient disposé de ces documents au cours de la procédure administrative ou sans qu'elles aient pu prévoir les conclusions que la Commission allait en tirer. Conformément à une jurisprudence constante, ces documents à charge doivent être éliminés en tant que moyens de preuve. Cette élimination, loin d'avoir pour conséquence l'annulation de la décision entière, n'aurait d'importance que dans la mesure où le grief correspondant formulé par la Commission ne pourrait être prouvé que par référence à ces documents (arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107-82, Rec. p. 3151, points 24 à 30; arrêts Solvay/Commission, T-30-91, cité au point 106 ci-dessus, point 58, et ICI/Commission, T-37-91, cité au point 142 ci-dessus, point 71). Cette question relève d'autres moyens, ayant trait au bien-fondé des appréciations de fait opérées par la Commission.

365. En ce qui concerne d'abord les éléments de preuve utilisés aux fins de la constatation de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée, Unicem se plaint particulièrement de ne pas avoir eu accès au "Members Directory" de Cembureau. Ce document, qui ne figure pas dans le dossier d'instruction, a été invoqué par la Commission au paragraphe 45, point 13, de la décision attaquée pour réfuter l'allégation de cette partie requérante selon laquelle aucun de ses représentants n'aurait jamais eu la qualification de chef de délégation. Il s'agit d'un document sur lequel la Commission s'est appuyée pour démontrer la participation d'Unicem à l'accord Cembureau. Comme ce document n'était pas mentionné dans la CG et ne figurait pas non plus dans la boîte (voir ci-dessus point 95), il ne peut être considéré comme un moyen de preuve opposable à Unicem. Il conviendra d'apprécier, lors de l'examen au fond de la légalité de l'article 1er de la décision attaquée, si la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau est suffisamment établie, en l'absence de cet élément de preuve (voir ci-après points 1429 à 1431).

366. Italcementi et Blue Circle se réfèrent à une série de documents relatifs aux réunions des chefs de délégation qui ont été mentionnés au paragraphe 19 de la décision attaquée. Il s'agit d'un paragraphe clé de la décision attaquée pour ce qui concerne l'établissement de l'existence de l'accord Cembureau. Les parties requérantes en question se réfèrent ainsi aux documents n° 33.126/11560 à 11577 et 11587 à 11633 relatifs à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 6), aux documents n° 33.126/11697, 11698, 11701 à 11713 et 11732 relatifs à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 11) et aux documents n° 33.126/11739 à 11747, 11750, 11756 à 11773 et 11774 à 11789 relatifs à la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 15). Comme ces documents n'étaient pas mentionnés dans la CG et ne figuraient pas, à l'exception de quelques pages, dans la boîte (voir ci-dessus point 95), il conviendra d'apprécier, lors de l'examen au fond de la légalité de l'article 1er de la décision attaquée, si cette infraction est suffisamment établie en l'absence de ces éléments de preuve (voir ci-après points 1111 et 1112).

367. En ce qui concerne ensuite les éléments de preuve utilisés à l'appui de l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, à savoir les échanges périodiques d'informations sur les prix organisés dans le cadre de Cembureau, la VNC prétend que les documents n° 33.126/15136 à 15157 ne constituent pas des moyens de preuve qui lui sont opposables. Force est de constater que ces documents ont été exploités au paragraphe 16, points 8 et 18, de la décision attaquée, pour établir l'infraction liée aux échanges d'informations susvisés. Aucun de ces documents n'était mentionné dans la CG ni ne figurait dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Ces documents ne peuvent donc pas être considérés comme des moyens de preuve opposables à la VNC. Il conviendra d'apprécier, lors de l'examen au fond de la légalité de l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, si l'infraction qu'il retient à charge de la VNC est suffisamment établie en l'absence de ces éléments de preuve (voir ci-après points 1579 à 1593).

368. Aalborg soutient que les documents n° 33.126/15096 à 15305, cités au paragraphe 16, points 8 à 22, de la décision attaquée, constituent des moyens de preuve nouveaux. Il s'agit des éléments de preuve utilisés par la Commission pour démontrer l'existence de l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, et la participation d'Aalborg à celle-ci. Il y a lieu de constater que, à l'exception des documents n° 33.126/15096 et 15097, aucun de ces documents n'était mentionné dans la CG ni ne figurait dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Ces documents ne peuvent pas être considérés comme des moyens de preuve opposables à Aalborg. Il conviendra d'apprécier, lors de l'examen au fond de la légalité de l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, si l'infraction qu'il retient à charge d'Aalborg est suffisamment établie en l'absence de ces éléments de preuve (voir ci-après points 1579 à 1593 et 1684 à 1691).

369. En ce qui concerne les éléments de preuve avancés par la Commission au soutien de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée, Oficemen, Cimpor et Secil se plaignent de ce que, au cours de la procédure administrative, une partie du document n° 33.322/2901 leur est restée inaccessible. Ce document, qui fait partie du compte rendu (documents n° 33.322/2898 à 2903) d'une visite chez Secil, les 28 et 29 mai 1986, de deux employés d'Hispacement, avait en effet était classifié sur la liste (voir ci-dessus point 5) comme "PA" (partiellement accessible) à ces trois parties requérantes. L'extrait du document n° 33.322/2901 sur lequel se fonde la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 21, point 2) est le suivant: "M. Bordado me signale que les présidents des sociétés cimentières portugaises se sont réunis dans les locaux d'Oficemen avec leurs homologues espagnols au mois de décembre de l'année dernière et que la décision a été prise à cette occasion de s'interdire toute exportation d'un pays à l'autre. Il me confirme que Secil est fermement disposée à exécuter cet arrangement. Il me dit que dernièrement Cimpor a reçu plusieurs demandes d'exporter en Espagne dans l'Extremadura. Celles-ci ont constitué une tentation pour Cimpor qui jusqu'à présent a résisté, en prenant en compte le préjudice que les sociétés cimentières des deux pays pourraient supporter en adoptant cette décision."

370. Force est toutefois de constater que la version communiquée aux parties requérantes au cours de la procédure administrative ne comportait que la première phrase de l'extrait précité. Sur la base de la partie du document n° 33.322/2901 qui est restée occultée à Oficemen, Cimpor et Secil au cours de la procédure administrative, la Commission constate au paragraphe 49, point 2, de la décision attaquée, à propos de l'entente ibérique: "L'accord a effectivement été appliqué. En effet, le représentant de Secil a déclaré à Hispacement [...] que son entreprise était déterminée à respecter l'accord avec les Espagnols et que Cimpor avait résisté aux tentations d'exporter malgré les commandes qui lui parvenaient d'Espagne [...]" La Commission a donc utilisé dans la décision attaquée un extrait de document qui n'avait pas été rendu accessible au moment de la CG en tant qu'élément à charge à l'encontre d'Oficemen, de Cimpor et de Secil.

371. La Commission fait toutefois valoir qu'il ne saurait être question d'une violation des droits de la défense, dès lors que les parties requérantes ont reçu communication de l'intégralité du document n° 33.322/2901 le 3 mai 1993.

372. Toutefois, il doit être constaté que, à cette date, les auditions avaient déjà été clôturées. Comme les parties requérantes n'ont pas été invitées à faire des observations sur les passages du document qui avaient été occultés auparavant, elles n'ont pas été en mesure de se prononcer utilement sur les parties du document n° 33.322/2901 sur lesquelles la Commission s'est fondée au paragraphe 49, point 2, de la décision attaquée. Il s'ensuit que la dernière partie de l'extrait reproduit au paragraphe 21, point 2, de celle-ci ne constitue pas un moyen de preuve qui leur est opposable. Il conviendra donc d'apprécier, lors de l'examen au fond de la légalité de l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée, si l'infraction qu'il constate est suffisamment établie en l'absence des passages du document n° 33.126/2901 qui sont restés inaccessibles lors des phases écrite et orale de la procédure administrative (voir ci-après points 2041 à 2092 et 2136).

373. Oficemen considère ensuite que les documents n° 33.322/512, 513, 549, 550, 566 et 567 cités au paragraphe 21, point 8, de la décision attaquée constituent des éléments de preuve nouveaux. Ces documents se rapportent à des télex de 1988 et de 1989 montrant que Cimpor a refusé des demandes de ciment provenant de l'Espagne en utilisant la formule standard "nous n'avons pas de disponibilité pour l'exportation". Si ces documents étaient identifiés par leur numérotation sous le chapitre de la CG relatif au Portugal [voir CG, chapitre 9, paragraphe 56, sous c) ("Refus de vente")], il n'en demeure pas moins que ce chapitre de la CG n'a pas été communiqué à Oficemen au cours de la procédure administrative. En outre, les documents en question n'étaient pas mentionnés dans la partie internationale de la CG, en particulier à son paragraphe 11, consacré à l'entente ibérique, et ils ne se trouvaient pas dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Sur la liste (voir ci-dessus point 5), ils étaient catalogués "A: Cimpor. PA: tiers", parmi le "bloc" de documents numérotés de 33.322/497 à 33.322/577. Dans ces conditions, ces documents ne sauraient être retenus comme éléments de preuve opposables à Oficemen. Il conviendra donc d'apprécier, lors de l'examen au fond de la légalité de l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée, si l'infraction qu'il constate est suffisamment établie en l'absence des documents n° 33.322/512 et 513, 549, 550, 566 et 567 (voir ci-après points 2068 à 2092 et 2136).

374. Cimpor estime que le document n° 33.322/1399 ne lui est pas opposable. Ce document, cité au paragraphe 21, point 6, de la décision attaquée, est un télex communiquant le nom des personnes devant assister à la réunion hispano-portugaise du 27 juillet 1988. Il ne figurait ni dans la boîte (voir ci-dessus point 95) ni dans le dossier portugais auquel Cimpor a eu accès au cours de la procédure administrative. Il ne saurait donc être retenu comme élément de preuve opposable à Cimpor. Il conviendra d'apprécier, lors de l'examen au fond de la légalité de l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée, si l'infraction qu'il constate est suffisamment établie en l'absence du document n° 33.322/1399 (voir ci-après points 2068 à 2092 et 2129).

375. En ce qui concerne les éléments de preuve avancés par la Commission au soutien de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, de la décision attaquée, le SFIC dénonce l'utilisation dans la décision attaquée du modèle statistique du BDZ adressé par celui-ci à la Commission le 4 mai 1993 (décision attaquée, paragraphe 22, point 18). Force est de constater que la Commission mentionne ces statistiques dans le cadre de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée. Comme la partie requérante n'a pas pu prendre position sur cet élément de preuve, il ne lui est pas opposable. Il conviendra, lors de l'examen au fond de la légalité de l'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, d'apprécier, le cas échéant, l'incidence de l'inopposabilité de cet élément de preuve sur le bien-fondé de la constatation par la Commission de l'infraction en cause (voir ci-après point 2493).

376. En ce qui concerne les éléments de preuve avancés par la Commission au soutien de la constatation de l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, à savoir la constitution de l'ETF, Uniland, Oficemen, Italcementi et Blue Circle se plaignent de ce que le document n° 33.126/18950 (décision attaquée, paragraphe 25, point 48) ne leur a pas été accessible au cours de la procédure administrative. Ce document est une télécopie adressée le 23 février 1987 par Holderbank à différents membres de l'ETF, pour convenir de dates de réunions des chefs de délégation et de l'ETF, et a été cité par la Commission pour démontrer que des tentatives de réunion de l'ETF avaient encore eu lieu à cette époque. Il n'a pas été mentionné dans la CG et ne figurait pas dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Il était classé "A: Holderbank. Ciments d'Obourg. NA: tiers" sur la liste (voir ci-dessus point 5). Cet élément de preuve n'est pas opposable à Uniland, Oficemen, Italcementi et Blue Circle. Il conviendra d'apprécier, lors de l'examen au fond de la légalité de l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, si l'infraction qu'il constate et la durée de celle-ci sont suffisamment établies en l'absence du document n° 33.126/18950 (voir ci-après point 2807).

377. Holderbank se prévaut aussi des documents n° 33.126/4487 à 4490 (décision attaquée, paragraphe 25, point 48) qui correspondent à la note interne du 1er juin 1987 rédigée par Lafarge à la suite des réunions de Luxembourg du 25 au 28 mai 1987, note dans laquelle il est notamment indiqué, à propos du sort futur de l'ETF: "[...] l'outil a été forgé, autant le maintenir prêt à l'emploi." Bien que ces documents aient figuré, selon la Commission, dans la boîte (voir ci-dessus points 95 et 350), Holderbank a fermement nié ce fait au cours de la procédure devant le Tribunal. En l'absence de preuve d'une communication effective, au cours de la procédure administrative, desdits documents, ceux-ci ne constituent pas un élément de preuve opposable à Holderbank. Il conviendra d'apprécier, lors de l'examen au fond de la légalité de l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, si l'infraction qu'il constate et la durée de celle-ci sont suffisamment établies en l'absence des documents n° 33.126/4487 à 4490 (voir ci-après point 2808).

378. En ce qui concerne les éléments de preuve utilisés à l'appui de l'infraction visée à l'article 6 de la décision attaquée, à savoir la pratique concertée dans le cadre de l'EPC, Blue Circle soutient que les comptes rendus des réunions de l'EPC du 12 novembre 1981 (documents n° 33.126/11432 à 11440) et du 10 novembre 1982 (documents n° 33.126/11417 à 11420), mentionnés au paragraphe 37, point 5, de la décision attaquée, n'ont pas été suffisamment visés dans la CG. Force est de constater que ces documents, utilisés par la Commission pour démontrer que, dans le cadre de l'EPC, les prix à l'exportation ont été fixés collectivement, ne sont pas mentionnés dans la CG et ne figuraient pas non plus dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Ces éléments de preuve ne sont donc pas opposables à Blue Circle. Il conviendra donc d'apprécier, lors de l'examen au fond de la légalité de l'article 6 de la décision attaquée, si l'infraction qu'il constate et la participation à celle-ci de Blue Circle sont suffisamment établies en l'absence des documents n° 33.126/11417 à 11420 et 11432 à 11440 (voir ci-après points 3987 et 3988).

6. Conclusions

379. L'utilisation, dans la décision attaquée, des documents identifiés ci-dessus aux points 365 à 378 doit être qualifiée d'illégale pour violation des droits de la défense des parties requérantes concernées. L'appréciation des conséquences de cette violation des droits de la défense sera effectuée lors de l'examen au fond de la légalité de la décision attaquée. Tous les autres arguments avancés dans le cadre du grief examiné doivent être rejetés.

E Sur le défaut de communication aux parties requérantes de documents non compris dans le dossier d'instruction

1. Observations liminaires

380. Plusieurs parties requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir communiqué, au cours de la procédure administrative, certains documents qui, ne faisant pas partie du dossier d'instruction proprement dit, auraient néanmoins été utiles pour la préparation de leur défense au cours de la procédure administrative. Ainsi, elles dénoncent le fait de ne pas avoir eu accès aux réponses à la CG d'autres destinataires de celle-ci (2), aux procès-verbaux des auditions relatives aux ententes nationales (3), au dossier de la Commission relatif à la notification du système belgo-néerlandais des points de parité (4), au dossier de la Commission relatif aux aides d'État grecques et à l'accord intergouvernemental helléno-britannique (5), à quelques notes internes de la Commission (6) et aux mémoires en défense dans les autres affaires "Ciment" (7).

381. Avant d'entamer l'examen des différents arguments développés, il convient de distinguer deux cas de figure.

382. Premièrement, certaines parties requérantes reprochent à la Commission le fait de ne pas avoir eu accès au cours de la procédure administrative à des documents ne figurant pas dans le dossier d'instruction et qui auraient été utilisés comme des éléments à charge dans la décision attaquée. Étant donné que des documents non communiqués aux parties concernées au cours de la procédure administrative ne constituent pas des moyens de preuve opposables (arrêts cités au point 323 ci-dessus, AKZO/Commission, point 21, du 10 mars 1992, Shell/Commission, points 55 et 56, et ICI/Commission, T-13-89, points 34 et 35), il y aura lieu, s'il s'avère que la Commission s'est fondée, dans la décision attaquée, sur des documents ne figurant pas dans le dossier d'instruction et n'ayant pas été communiqués aux parties requérantes, d'éliminer lesdits documents en tant que moyens de preuve (arrêts AEG/Commission, cité au point 364 ci-dessus, points 24 à 30, Solvay/Commission, T-30-91, cité au point 106 ci-dessus, point 58, et ICI/Commission, T-37-91, cité au point 142 ci-dessus, point 71).

383. Deuxièmement, certaines parties requérantes estiment que la Commission a violé leurs droits de la défense en ne leur communiquant pas au cours de la procédure administrative des documents qui, bien que ne figurant pas dans le dossier d'instruction, auraient pu contenir des éléments à leur décharge. Toutefois, dans une procédure en constatation d'infraction à l'article 85 et/ou 86 du traité, la Commission n'est pas obligée de rendre accessibles, de sa propre initiative, des documents qui ne figurent pas dans son dossier d'instruction et qu'elle n'a pas l'intention d'utiliser à charge contre les parties concernées dans la décision définitive. Il s'ensuit qu'une partie requérante, qui apprend au cours de la procédure administrative que la Commission détient des documents qui pourraient être utiles pour sa défense, est obligée de présenter à l'institution une demande expresse d'accès à ces documents. L'omission d'agir ainsi au cours de la procédure administrative a un effet de forclusion sur ce point pour ce qui concerne le recours en annulation qui sera éventuellement introduit contre la décision définitive. Il convient de souligner à cet égard que les motifs contenus au point 96 de l'arrêt Solvay/Commission, T-30-91, cité au point 106 ci-dessus, selon lesquels une violation des droits de la défense est indépendante de la manière dont l'entreprise concernée s'est comportée lors de la procédure administrative, ne concernent que l'accès aux documents qui font partie du dossier d'instruction de la Commission. Dans l'hypothèse où la Commission a rejeté au cours de la procédure administrative une demande d'une partie requérante visant à l'accès à des documents ne figurant pas dans le dossier d'instruction, une violation des droits de la défense ne peut être constatée que s'il est établi que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent dans l'hypothèse où la partie requérante aurait eu accès aux documents en question au cours de cette procédure (arrêt du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, cité au point 140 ci-dessus, point 56; arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, point 68, et ICI/Commission, T-36-91, point 78).

2. Réponses à la CG d'autres destinataires de celle-ci

384. Aalborg (T-44-95), Rugby (T-53-95), Asland (T-55-95), Castle (T-56-95), Irish Cement (T-60-95), Holderbank (T-68-95), Aker (T-70-95) et Euroc (T-71-95) estiment que leurs droits de la défense ont été violés, du fait qu'elles n'ont pas eu accès, au cours de la procédure administrative, aux réponses à la CG des autres destinataires de celle-ci.

385. Les parties requérantes précitées estiment que leurs droits de la défense ont été violés, dès lors que la Commission exploite des extraits de différents mémoires en réponse à la CG comme des éléments à charge (2.1). Quatre parties requérantes, à savoir Castle, Irish Cement, Aker et Euroc, prétendent aussi que les réponses à la CG des autres destinataires de celle-ci auraient pu contenir des éléments à leur décharge (2.2).

2.1. Utilisation alléguée des réponses à la CG comme éléments à charge

386. Si la Commission entend se fonder sur un passage d'une réponse à une CG ou sur un document annexé à une telle réponse pour établir l'existence d'une infraction dans une procédure d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, les autres parties impliquées dans cette procédure doivent être mises en mesure de se prononcer sur un tel élément de preuve (arrêts cités au point 323 ci-dessus, AKZO/Commission, point 21, du 10 mars 1992, Shell/Commission, points 55 et 56, et ICI/Commission, T-13-89, points 34 et 35). Dans de telles circonstances, le passage en question d'une réponse à la CG ou le document annexé à cette réponse constitue en effet un élément à charge à l'encontre des différentes parties qui auraient participé à l'infraction.

387. Force est de constater, en premier lieu, que certaines parties requérantes invoquent des documents qui ont été mentionnés dans la décision attaquée pour décrire un fait ou un comportement, mais qui n'ont pas été utilisés ensuite pour la constatation d'une infraction. Partant, ces documents ne sauraient être considérés comme des éléments à charge.

388. En l'espèce, Castle, Irish Cement, Aker et Euroc dénoncent la référence, dans la décision attaquée, à la réponse de CBR à la CG dans le cadre du paragraphe 17 (point 4) intitulé "Les discussions sur la concurrence 'loyale ou saine ou correcte". Ces mêmes parties requérantes ainsi qu'Aalborg se réfèrent encore à des extraits de la réponse de Cembureau à la CG mentionnés aux points 6 à 8 du même paragraphe 17 de la décision attaquée. Castle, Aker et Euroc critiquent aussi la référence, au paragraphe 17, point 4, de la décision attaquée, aux "déclarations de la plupart des entreprises contenues dans les mémoires en réponse à la CG". Cependant, comme les discussions sur la concurrence "loyale ou saine ou correcte" n'ont fait l'objet d'aucun grief spécifique dans le dispositif de la décision attaquée, les documents en cause ne sauraient être considérés comme des éléments à charge sur lesquels les parties requérantes susvisées auraient dû avoir la possibilité de se prononcer au cours de la procédure administrative.

389. Irish Cement se réfère à d'autres extraits de réponses à la CG, qui ne font qu'affirmer un fait non utilisé au soutien de l'établissement d'une infraction dans la décision attaquée. Ainsi, l'extrait de la réponse de Titan à la CG, cité au paragraphe 16, point 14, de la décision attaquée, fait seulement état de la soumission à autorisation gouvernementale, en Grèce, des prix du ciment, jusqu'en mai 1989. Cet extrait ne saurait donc être considéré comme un élément à charge que la Commission aurait dû communiquer à Irish Cement au cours de la procédure administrative. Il en est de même de l'extrait de la réponse de Blue Circle à la CG, cité au paragraphe 24, point 3, et invoqué par Irish Cement, qui mentionne que M. Marshall a été nommé, à partir de juin 1985, chef de délégation pour le Royaume-Uni. En tout état de cause, Irish Cement a dû savoir, en tant que membre direct de Cembureau, que M. Marshall était devenu le chef de délégation pour le Royaume-Uni à partir de cette date.

390. En second lieu, Aker, Euroc et Castle se réfèrent à des extraits des réponses d'autres destinataires de la CG cités dans la décision attaquée qui étayent la constatation d'une infraction dans la décision attaquée. Toutefois, dans la mesure où ces extraits ne se rapportent pas à des infractions imputées aux parties requérantes, il ne s'agit pas de pièces utilisées à charge contre elles, de sorte qu'elles ne sauraient prétendre que leurs droits de la défense ont été violés. Les arguments présentés en ce sens par Aker et Euroc contre la constatation, par la Commission, des infractions visées aux articles 2, 3, 4, paragraphe 4, sous a) à g), 5, 6 et 7 de la décision attaquée, ainsi que ceux de Castle dirigés contre la constatation des infractions visées aux articles 2, 3, 4, paragraphes 1 à 3, et 4, sous b) à h), 6 et 7 de la même décision attaquée, doivent donc être rejetés.

391. En troisième lieu, les parties requérantes se réfèrent à des extraits des réponses à la CG que la Commission cite dans la décision attaquée dans le but de résumer un argument développé par un destinataire de la CG au cours de la procédure administrative, afin de pouvoir y répondre ensuite dans la décision attaquée. Cependant, ces extraits de réponses à la CG ne peuvent pas non plus être considérés comme des éléments à charge.

392. Irish Cement ne peut ainsi utilement invoquer les extraits des réponses à la CG de Cembureau, évoqués au paragraphe 16, point 9, et au paragraphe 18, points 6 et 7, de la décision attaquée, de la FIC, mentionnés au paragraphe 16, point 10, quatrième alinéa, et au paragraphe 18, point 7, de la décision attaquée, de CBR, du SFIC et de Blue Circle, mentionnés au paragraphe 18, points 7 et 8, de la décision attaquée, d'Heracles et de Ciments français, mentionnés au paragraphe 18, point 8, de la décision attaquée, ni ceux de l'ECMEC, mentionnés au paragraphe 24, point 3, de la décision attaquée. Pareillement, Castle, Aker et Euroc ne peuvent invoquer les références faites, dans la décision attaquée, aux réponses à la CG de Blue Circle (décision attaquée, paragraphes 11, point 6, 18, points 7 et 8, et 45, point 3), de Cembureau (paragraphes 18, points 6 et 7, et 44, points 2 et 3), de CBR (paragraphe 18, points 7 et 8), de la FIC (paragraphes 18, point 7, et 44, points 2 et 3), du SFIC (paragraphes 18, points 7 et 8, 29, point 4, et 44, points 2 et 3), d'Heracles, de Ciments français (paragraphes 18, point 8, 29, point 4, et 53, point 13), de l'ECMEC (paragraphe 24, point 3), d'Oficemen (paragraphe 29, point 3), de l'ATIC (paragraphe 44, point 2), de "certaines associations et entreprises" (paragraphe 44, point 4), de "certaines entreprises" (paragraphes 45, point 8, et 53, point 4), de la BCA (paragraphe 45, point 12), des "producteurs italiens" (paragraphe 45, points 13 et 14), d'Unicem et de Castle (paragraphe 46, point 2), et des "entreprises allemandes" (paragraphe 53, point 6).

393. En quatrième lieu, certaines parties requérantes se réfèrent à des extraits de réponses à la CG qui ont été exploités par la Commission uniquement pour démontrer la participation, à des infractions visées par la décision attaquée, des destinataires de la CG dont émanent ces réponses. Ainsi, Aalborg se prévaut du mémoire en réponse de CBR à la CG mentionné au paragraphe 28, point 21, de la décision attaquée. L'extrait dudit mémoire a été utilisé dans le cadre de l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 4, sous g), de la décision attaquée. Or, cette infraction n'a pas été imputée à Aalborg. La réponse à la CG en question ne constitue donc pas un élément utilisé à charge contre celle-ci. Aalborg, Castle, Irish Cement, Holderbank, Aker et Euroc se réfèrent aussi à un ou plusieurs extraits des mémoires en réponse à la CG de CBR, d'Aker, d'Euroc, de Blue Circle, de Lafarge, de Dyckerhoff, de Heidelberger, du BDZ et d'Asland, cités au paragraphe 25, point 9, de la décision attaquée. Toutefois, force est de constater que ces extraits contiennent uniquement l'aveu ou la négation, par l'entreprise ou l'association d'entreprises concernée, de sa participation à la réunion des chefs de délégation du 9 juin 1986 à Stockholm. Lesdits extraits ne sauraient dès lors être considérés comme des éléments à charge des parties requérantes précitées, dont celles-ci auraient dû obtenir communication au cours de la procédure administrative.

394. Holderbank, Aker et Euroc se réfèrent aussi à un compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986, produit à l'annexe 15 au mémoire en réponse à la CG d'Aker et d'Euroc, citée au paragraphe 25, point 14, de la décision attaquée. Ce compte rendu a été communiqué par la Commission, par lettre du 9 juillet 1992, à l'ensemble des entreprises et associations d'entreprises destinataires de la partie internationale de la CG, lesquelles ont été invitées à faire connaître les observations qu'il leur inspirait (décision attaquée, paragraphe 2, point 3; voir ci-dessus point 5). Holderbank, Aker et Euroc ne sauraient dès lors prétendre que leurs droits de la défense ont été violés au titre de ce document.

395. Asland prétend dans sa requête qu'elle n'a pas reçu celui-ci. Elle n'aurait dès lors pas pu expliquer à la Commission, avant l'adoption de la décision attaquée, qu'elle n'avait pas participé à la réunion du 19 août 1986 et, partant, qu'elle n'avait, à cette époque-là, aucun lien avec l'ETF. La Commission ayant produit en annexe 1 à son mémoire en défense dans l'affaire T-55-95 un accusé de réception, signé par Asland, se rapportant à l'envoi du compte rendu de ladite réunion, cette partie requérante a cependant retiré son argument au cours de l'audience.

396. Enfin, Aker et Euroc se réfèrent à l'extrait de la réponse à la CG de Blue Circle, mentionné au paragraphe 26, point 9, de la décision attaquée, dans lequel cette dernière a déclaré avoir remboursé à Holderbank sa quote-part d'un huitième dans les frais encourus pour constituer Interciment. Toutefois, cet élément n'a pas non plus été exploité à charge contre Aker et Euroc dans la décision attaquée.

397. Irish Cement se réfère à un extrait de la réponse à la CG de Cembureau cité au paragraphe 45, point 5, de la décision attaquée, selon lequel les chefs de délégation sont assimilables aux "représentants des gouvernements dans des organismes internationaux" désignés "pour exercer le droit de vote au sein de l'assemblée générale". Selon Irish Cement, cet extrait a été utilisé par la Commission à l'article 1er de la décision attaquée pour conclure qu'il existait un accord ayant pour objet le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes.

398. Il ressort toutefois de la lecture du paragraphe 45, point 5, de la décision attaquée, que la Commission ne s'est pas fondée sur cette déclaration de Cembureau pour constater l'existence de l'accord Cembureau ou pour retenir la participation à cet accord des membres directs de Cembureau, parmi lesquels figure Irish Cement. La déclaration a été utilisée uniquement pour démontrer que l'accord engageait aussi les membres indirects de Cembureau. Il ne s'agit donc pas non plus d'un élément qui a été utilisé à charge contre Irish Cement dans la décision attaquée.

399. En cinquième lieu, Aalborg et Irish Cement se réfèrent à une réponse de Cembureau, mentionnée au paragraphe 18, point 4, de la décision attaquée, et relative à une procédure d'application de l'article 15, paragraphe 1, du règlement n° 17. Dans cette réponse, Cembureau avait fait valoir que la note de Blue Circle du 1er décembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 18, point 2; documents n° 33.126/11332 à 11334), qui fait état du "Cembureau Agreement or Cembureau Principle of not transhipping to internal European Markets", portait sur des "règles de bon voisinage encouragées par Cembureau", qu'il s'agissait d'un "mode de comportement qui [était] souhaité par les membres, mais ne [contenait] en lui-même aucune contrainte ni a fortiori aucune sanction" ou des règles "d'usage et d'éthique progressivement dégagées de la fréquentation des entreprises et de l'évolution économique dans les différents pays". Il ressort du paragraphe 45, points 4 et 6, de la décision attaquée que ces extraits de la réponse de Cembureau ont été utilisés comme éléments de preuve de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée. Toutefois, force est de constater que cette réponse de Cembureau (documents n° 33.126/13568 à 13573) a été évoquée et que des extraits de celle-ci ont même été cités littéralement dans la CG (paragraphe 9). De plus, le document en question figurait dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Il ne saurait dès lors être question d'une violation des droits de la défense.

400. Enfin, en sixième lieu, les parties requérantes ont identifié quelques extraits de réponses à la CG d'autres destinataires de celle-ci, qui, dans la décision attaquée, ont été exploités contre elles comme des éléments de preuve de l'une des infractions retenues.

401. A cet égard, Irish Cement se réfère aux annexes 2 a et 2 b à la réponse de Cembureau à la CG (décision attaquée, paragraphe 16, points 17 et 11), utilisées à charge par la Commission pour prouver l'infraction constituée par des échanges périodiques d'informations sur les prix entre les membres de Cembureau, infraction visée à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée. Ces documents, qui correspondent aux "Cement Price Reference Files" (ci-après "CPRF") respectivement du Luxembourg et du Danemark, ont été utilisés pour démontrer que les prix communiqués par Ciments luxembourgeois et Aalborg à Cembureau ont été communiqués aux membres de cette association, dont Irish Cement. Irish Cement se prévaut aussi des extraits des réponses à la CG de la FIC, cités au paragraphe 16, point 10, dernier alinéa, de la décision attaquée, d'Aalborg, cité au paragraphe 16, point 11, premier alinéa, et du BDZ, cité au paragraphe 16, point 13. Ces passages ont aussi été utilisés par la Commission pour constater l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée. Aalborg reproche quant à elle à la Commission de ne pas lui avoir donné accès à l'annexe 2 a au mémoire en réponse de Cembureau mentionnée au paragraphe 16, point 17, de la décision attaquée, c'est-à-dire au CPRF du Luxembourg. Cette même partie requérante dénonce encore le fait qu'elle n'a pas pu accéder au cours de la procédure administrative aux extraits du mémoire en réponse de la FIC mentionnés au paragraphe 16, point 10, de la décision attaquée, et à l'extrait du mémoire en réponse d'Irish Cement mentionné au paragraphe 16, point 15. Ces passages ont aussi été exploités par la Commission pour établir l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, à laquelle Aalborg aurait participé. Cependant, il doit être constaté que les documents ainsi invoqués par Aalborg et par Irish Cement n'ont pas été mentionnés dans la CG ni communiqués, au cours de la procédure administrative, à ces parties requérantes. Dans ces conditions, lesdits documents ne peuvent être considérés comme des moyens de preuve opposables à celles-ci (arrêts AEG/Commission, cité au point 364 ci-dessus, points 24 à 30, Solvay/Commission, T-30-91, cité au point 106 ci-dessus, point 58, et ICI/Commission, T-37-91, cité au point 142 ci-dessus, point 71). Il conviendra donc d'apprécier, lors de l'examen au fond de la légalité de l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, si l'infraction qu'il constate et la participation d'Aalborg et d'Irish Cement à celle-ci sont suffisamment établies en l'absence de ces éléments de preuve (voir ci-après points 1579 à 1593, 1684 à 1691 et 1711 à 1715).

402. Aker et Euroc se réfèrent à l'extrait de la réponse de Blue Circle à la CG, mentionné dans les termes suivants au paragraphe 26, point 10, de la décision attaquée: "[...] les membres [de l'ETF] avaient le droit d'examiner le bilan d'Interciment puisque la société a été constituée suivant leur instruction; en plus Holderbank avait le droit d'être remboursée, indépendamment de la souscription des actions." Elles invoquent également l'extrait de la réponse de Blue Circle à la CG, mentionné au paragraphe 26, point 15, de la décision attaquée, selon lequel cette dernière entreprise a admis "qu'Interciment était toujours prête à fonctionner mais qu'elle pouvait servir n'importe quel objectif". Force est de constater que la Commission s'est appuyée notamment sur ces éléments pour constater l'existence et la durée de l'infraction portant sur la constitution d'Interciment visée à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée. Dès lors, les extraits correspondants de la réponse à la CG, sur lesquels Aker et Euroc n'ont pas pu prendre position au cours de la procédure administrative, doivent aussi être écartés en tant que moyens de preuve. Il conviendra donc d'apprécier, lors de l'examen au fond de la légalité de l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, si l'infraction qu'il constate et la durée de celle-ci sont suffisamment établies en l'absence de ces éléments de preuve (voir ci-après, respectivement, points 3008 à 3014 et 3018 et points 3087 à 3098).

403. Rugby et Castle reprochent à la Commission de se référer, dans la décision attaquée (paragraphe 28, point 12, dernier alinéa), à la réponse de Blue Circle à la CG à titre d'élément à charge. Il convient de constater que, à cet endroit de la décision attaquée, la Commission constate, après avoir relevé les indications selon lesquelles Rugby et Castle auraient pris en charge une partie des coûts que Blue Circle avait supportés à l'occasion de mesures de défense prétendument prises par celle-ci contre les importations de ciment en provenance de Grèce: "Ces indications se trouvent indirectement confirmées par la réponse de Blue Circle à la [CG]: elle reconnaît qu'il y avait une pratique de solliciter des contributions des autres entreprises; en reconnaissant que cette tactique n'était pas toujours couronnée de succès, elle confirme qu'à d'autres occasions, des contributions ont été versées. Blue Circle se limite à affirmer qu'il n'y avait pas d'accord préalable avec les autres producteurs à l'occasion en question." Cet extrait de la réponse à la CG de Blue Circle a été utilisé par la Commission pour démontrer qu'il existait une pratique concertée entre Rugby, Castle et Blue Circle, visant à empêcher et/ou à réduire les importations au Royaume-Uni de ciment en provenance de Grèce. L'infraction correspondante est visée à l'article 4, paragraphe 4, sous a), de la décision attaquée. Dès lors que Rugby et Castle n'ont effectivement pas pu prendre position au cours de la procédure administrative sur l'extrait en question, celui-ci doit également être écarté en tant que moyen de preuve. Il conviendra donc, lors de l'examen au fond de la légalité de l'article 4, paragraphe 4, sous a), de la décision attaquée, d'apprécier, le cas échéant, l'incidence de l'inopposabilité de cet extrait sur le bien-fondé de la constatation de l'infraction en cause.

2.2. Éléments à décharge qui auraient pu figurer dans les réponses à la CG

404. Quatre parties requérantes, à savoir Castle, Irish Cement, Aker et Euroc prétendent que les réponses à la CG des autres destinataires de celle-ci auraient pu contenir des éléments à leur décharge. Elles soutiennent que la décision de la Commission de clore les procédures concernant les ententes nationales et de clore définitivement la procédure à l'égard de douze entreprises allemandes et de six sociétés espagnoles a été influencée par le contenu des mémoires en réponse à la CG. Ces mémoires auraient donc pu contenir aussi des informations pertinentes pour la défense des parties requérantes.

405. Sur ce point, il convient de rappeler que, dans la CG et dans la décision attaquée, la Commission s'est fondée sur des preuves documentaires directes pour constater les diverses infractions et la participation des requérantes à certaines de celles-ci. La circonstance que certaines entreprises, dont la situation n'est pas soumise à l'appréciation du Tribunal (arrêts Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 197, et Dunlop Slazenger/Commission, cité au point 270 ci-dessus, point 176), sont parvenues à démontrer dans leur réponse à la CG que leur participation aux infractions alléguées n'était pas suffisamment établie n'implique nullement que ces réponses contenaient des éléments de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée pour conclure à la participation de Castle, d'Irish Cement, d'Aker et d'Euroc à diverses infractions visées par la décision attaquée.

406.Enfin, Irish Cement soutient que la Commission a gravement abusé de ses pouvoirs en s'abstenant de prendre en compte sa réponse à la CG et de réfuter les preuves directes produites à l'appui de cette réponse.

407. Cependant, il convient de relever qu'Irish Cement ne fournit aucune indication autre que ses différents moyens et arguments mettant en cause la légalité au fond de la décision attaquée en ce qui la concerne. L'examen du présent argument se confond donc avec celui desdits moyens et arguments.

3. Procès-verbaux des auditions relatives aux ententes nationales

408. Le SFIC (T-36-95), Castle (T-56-95), Irish Cement (T-60-95), Cimpor (T-61-95), Secil (T-62-95), l'ATIC (T-63-95), Aker (T-70-95) et Euroc (T-71-95) reprochent à la Commission, dans les mémoires qu'ils ont déposés à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996, de ne pas leur avoir accordé l'accès aux procès-verbaux des auditions qui se sont déroulées, en ce qui concerne les ententes nationales, du 22 mars au 1er avril 1993. Holderbank (T-68-95), Aker et Euroc ont formulé une critique similaire dans leurs requêtes.

409. Cependant, les parties requérantes concernées n'ont identifié aucun passage de la décision attaquée dans lequel la Commission aurait exploité, à charge, un extrait d'un procès-verbal d'audition relatif à l'une ou l'autre entente nationale. En outre, elles ne démontrent pas avoir, au cours de la procédure administrative, expressément demandé la communication des procès-verbaux des auditions concernant les ententes nationales, et elles ne fournissent aucun indice de nature à établir que ces documents auraient pu contenir des éléments à leur décharge. A cet égard, la pertinence des procès-verbaux litigieux ne peut pas être présumée, dès lors que les griefs relatifs aux ententes nationales ne font pas l'objet de la décision attaquée.

410. Dès lors, l'argument tiré d'un défaut d'accès auxdits procès-verbaux doit être rejeté.

4. Dossier de la Commission relatif à la notification du système belgo-néerlandais des points de parité

411. Dyckerhoff (T-35-95), Aalborg (T-44-95), Rugby (T-53-95), Castle (T-56-95), Aker (T-70-95) et Euroc (T-71-95) soutiennent que, pour la préparation de leur défense au cours de la procédure administrative, elles auraient dû avoir accès au dossier de la Commission relatif à la notification du système belgo-néerlandais des points de parité. Dans les mémoires qu'elles ont déposés à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997, elles ont invité le Tribunal à ordonner une mesure d'organisation de la procédure ou d'instruction prescrivant à la Commission de leur donner accès à ce dossier. Dans un mémoire séparé du 25 juillet 1996, Dyckerhoff a formulé une demande similaire.

412. Il convient de relever que le système belgo-néerlandais des points de parité est un système de fixation des prix qui avait été notifié à la Commission le 16 juillet 1981. Les parties requérantes prétendent que les documents de ce dossier auraient pu servir à étayer leur thèse, selon laquelle seules des méthodes légales de régulation des échanges entre États membres avaient été à l'ordre du jour de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983. En d'autres termes, le dossier concernant le système belgo-néerlandais des points de parité constituerait un élément à leur décharge.

413. Toutefois, force est de constater que seules Dyckerhoff, Rugby, Castle, Aker et Euroc ont formulé une demande expresse au cours de la procédure administrative afin d'obtenir la communication de ce dossier. Aalborg est donc irrecevable à contester devant le Tribunal le fait qu'elle n'a pas eu accès audit dossier au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus point 383).

414. Il convient ensuite de constater que les parties requérantes n'ont pas démontré que, si elles avaient eu accès au dossier relatif à la notification du système belgo-néerlandais des points de parité, elles auraient pu invoquer des arguments de nature à affecter le résultat auquel est parvenue la décision attaquée. En effet, dans la décision attaquée, la Commission a explicitement rejeté l'argument selon lequel seules des méthodes légales de régulation des échanges entre États membres auraient été à l'ordre du jour de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 17, point 4).

415. L'argument des parties requérantes selon lequel le fait de ne pas avoir eu accès au dossier de la Commission relatif à la notification du système belgo-néerlandais des points de parité a nui à leur défense doit dès lors être rejeté. Les parties requérantes n'ayant par ailleurs fourni aucun indice accréditant l'utilité, pour leur défense, de ce dossier (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Baustahlgewebe/Commission, T-145-89, Rec. p. II-987, point 34), il y a lieu de rejeter également leurs demandes visant à ce que sa communication soit ordonnée dans le cadre de la procédure juridictionnelle.

5. Dossier de la Commission relatif aux aides d'État accordées par la République hellénique et à l'accord intergouvernemental helléno-britannique

416. Dyckerhoff (T-35-95), Castle (T-56-95), Aker (T-70-95), Euroc (T-71-95) et Blue Circle (T-88-95) prétendent que leurs droits de la défense ont été violés du fait qu'elles n'ont pas eu accès, au cours de la procédure administrative, au dossier relatif aux aides d'État accordées par la République hellénique ou au dossier relatif à l'accord intergouvernemental helléno-britannique de limitation des importations au Royaume-Uni de produits en provenance de Grèce. Dans son mémoire du 25 juillet 1996, Dyckerhoff invite le Tribunal à ordonner une mesure d'organisation de la procédure ou d'instruction, afin que la Commission donne accès à son dossier ayant trait aux discussions relatives aux aides d'État accordées par la République hellénique. Dans les mémoires déposés à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997, Castle, Aker et Euroc formulent une demande similaire. En outre, dans leurs mémoires, qu'elles ont déposés à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997, Rugby, Castle, Aker et Euroc demandent au Tribunal d'ordonner à la Commission la production du dossier relatif à l'accord de contingentement apparemment passé entre le Gouvernement du Royaume-Uni et le Gouvernement hellénique. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 26 août 1996, Blue Circle demande la communication de la correspondance échangée entre la Commission, d'une part, et le Gouvernement du Royaume-Uni ainsi que le Gouvernement hellénique, d'autre part [en particulier, courriers entre M. Clark, à l'époque ministre du Commerce au Department of Trade and Industry (ci-après "DTI"), et M. Sutherland, à l'époque membre de la Commission en charge de la politique de la concurrence], de la correspondance échangée entre ces deux gouvernements, ainsi que de tous documents de la Commission relatifs à la "question grecque" (niveau des importations au Royaume-Uni de ciment en provenance de Grèce, durant la période 1985-1986; aides d' État accordées par la République hellénique; limitation des importations au Royaume-Uni de produits en provenance de Grèce).

417. Il y a cependant lieu de constater que le fait de ne pas avoir eu accès aux documents précités n'a pas pu nuire à la défense des parties requérantes au cours de la procédure administrative. En effet, ou bien ces documents se rapportent aux actions de lobbying menées auprès des autorités communautaires, auquel cas il convient de souligner que la Commission n'a jamais contesté l'existence de telles actions et qu'elle n'a pris en considération que les mesures allant au-delà de ces actions de sensibilisation et/ou de pression (décision attaquée, note en bas de page n° 115); ou bien ces documents ont trait aux aides d'État accordées par la République hellénique, auquel cas il y a lieu de relever que la Commission a explicitement pris en considération cette circonstance dans la décision attaquée, mais a estimé que des aides d'État ne pouvaient nullement justifier des mesures de défense privées prises en violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité (décision attaquée, paragraphe 53, point 8); ou bien encore ces documents portent sur les négociations et la conclusion d'un accord conclu entre le Gouvernement du Royaume-Uni et le Gouvernement hellénique et visant à la limitation des importations au Royaume-Uni de produits en provenance de Grèce, auquel cas il faut préciser que la Commission a effectivement pris acte de ce que la limitation des importations au Royaume-Uni de produits en provenance de Grèce n'aurait pas été officiellement convenue entre les producteurs grecs et les producteurs britanniques, mais entre les gouvernements des deux États membres concernés (décision attaquée, paragraphe 28, point 13), ce qui ne l'a pas empêchée de considérer que les achats par certains producteurs d'Europe occidentale de ciment et de clinker en provenance de Grèce constituaient des mesures visant à freiner dans les autres États membres de la Communauté les importations en provenance de Grèce et qu'ils étaient le résultat d'accords entre producteurs (décision attaquée, paragraphe 28, point 14). Dans ces conditions, les commentaires que les parties requérantes auraient pu faire valoir à partir de ces différentes correspondances n'auraient fait que confirmer des indications pleinement prises en compte par la Commission, sans pouvoir conduire la procédure administrative à un résultat différent quant aux griefs retenus à la charge des parties requérantes précitées dans la décision attaquée. Quant aux demandes d'accès aux documents identifiés au point précédent, elles doivent être rejetées, dès lors que ces documents n'auraient pas pu être utiles pour la défense des parties requérantes au cours de la procédure administrative.

6. Notes internes de la Commission ne figurant pas dans le dossier d'instruction

418. Cimpor (T-61-95), Secil (T-62-95) et Blue Circle (T-88-95) soutiennent que différentes notes internes de la Commission auraient été utiles à leur défense.

419. Cimpor demande au Tribunal d'ordonner à la Commission la communication des informations, avis, commentaires et notes élaborés par les services de la Direction Générale Industrie (DG III) et de la DG IV, par le comité consultatif et par le conseiller-auditeur, qui contiendraient des appréciations relatives à la CG, aux réponses à la CG, aux auditions, aux critères utilisés pour l'abandon des griefs et pour l'application de sanctions et aux projets de la décision attaquée. Cimpor et Secil demandent au Tribunal d'ordonner à la Commission la communication de deux notes internes de la DG III adressées à la DG IV concernant le dossier "Ciment", l'une datée de la fin du mois d'août 1994 et l'autre du début du mois de novembre 1994.

420. Il convient de rappeler que la Commission n'est pas obligée de rendre accessibles au cours de la procédure des documents internes de l'institution (arrêt du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, cité au point 140 ci-dessus, point 54, et arrêt du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, cité au point 142 ci-dessus, point 29). En outre, au cours de la procédure devant le juge communautaire, des documents internes de la Commission ne sont pas portés à la connaissance des parties requérantes, sauf si les circonstances exceptionnelles de l'espèce l'exigent, sur la base d'indices sérieux qu'il leur appartient de fournir (ordonnance de la Cour du 18 juin 1986, BAT et Reynolds/Commission, 142-84 et 156-84, Rec. p. 1899, point 11; arrêt du Tribunal du 27 octobre 1994, Deere/Commission, T-35-92, Rec. p. II-957, point 31, et ordonnance NMH Stahlwerke e.a./Commission, citée au point 196 ci-dessus, point 35). Cette restriction à l'accès aux documents internes est justifiée par la nécessité d'assurer le bon fonctionnement de l'institution concernée dans le domaine de la répression des infractions aux règles de concurrence du traité (ordonnance NMH Stahlwerke e.a./Commission, citée au point 196 ci-dessus, point 36).

421. Or, Cimpor n'a fourni aucun indice de l'utilité, pour sa défense, d'informations, d'avis, de commentaires et de notes élaborés par les services de la DG III et de la DG IV, par le comité consultatif et par le conseiller-auditeur.

422. En ce qui concerne les deux notes internes de la DG III adressées à la DG IV, Cimpor et Secil visent à renforcer leur argumentation selon laquelle la réalité économique, et non l'existence d'une prétendue entente, limitait les échanges entre les États membres en général, et entre l'Espagne et le Portugal en particulier.

423. Aux termes de la décision attaquée, Cimpor et Secil ont participé à deux infractions, à savoir l'accord Cembureau (article 1er de la décision attaquée) et l'entente ibérique (décision attaquée, article 3, paragraphe 2). Force est de constater que, aussi bien dans la CG (paragraphes 9 et 61) que dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19, 45 et 46), la Commission s'est fondée non pas sur le comportement des entreprises concernées sur le marché, mais sur des preuves documentaires directes pour établir l'existence de l'accord Cembureau et la participation à celui-ci de ces deux entreprises. Il en est de même pour ce qui concerne l'entente ibérique [CG, paragraphes 11 et 61, sous c); décision attaquée, paragraphes 21 et 49].

424. Il s'ensuit que les éventuelles explications alternatives du faible niveau des échanges entre les États membres en général, et entre l'Espagne et le Portugal en particulier, que les parties requérantes pourraient, le cas échéant, avancer sur la base des notes internes de la DG III auxquelles elles demandent accès ne seraient pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée pour constater les infractions retenues aux articles 1er et 3, paragraphe 2, de la décision attaquée. Ces notes n'auraient donc pas pu être utiles pour la défense de Cimpor et de Secil au cours de la procédure administrative.

425. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu non plus d'admettre une exception à la règle générale selon laquelle les notes internes de la Commission ne sont pas accessibles aux parties requérantes (ordonnance BAT et Reynolds/Commission, citée au point 420 ci-dessus, point 11, arrêt Deere/Commission, cité au point 420 ci-dessus, point 31, et ordonnance NMH Stahlwerke e.a./Commission, citée au point 196 ci-dessus, point 35).

426. Il s'ensuit que l'argument de Cimpor et de Secil, selon lequel le fait de ne pas avoir eu accès aux notes internes de la Commission mentionnées ci-dessus au point 419 a nui à leur défense, doit être rejeté. Les demandes de communication de ces notes doivent donc être rejetées.

427. Blue Circle demande au Tribunal d'obliger la Commission à communiquer tous les documents internes et les lignes directrices qu'elle a établis en matière d'accès au dossier à la suite des arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, et ICI/Commission, T-36-91. Elle explique que ces lignes directrices seraient pertinentes pour sa défense, dans la mesure où elles pourraient faire apparaître que la Commission reconnaît elle-même que l'approche qu'elle a adoptée dans le cadre de la procédure administrative, et qu'elle persiste à défendre devant le Tribunal, ne correspond pas aux principes qu'elle s'est assignés à la suite de ces arrêts.

428. Il y a lieu de rappeler que la divulgation des notes internes de la Commission ne saurait être imposée à cette dernière. En toute hypothèse, les notes internes et les lignes directrices rédigées par la Commission en matière d'accès au dossier sont totalement dénuées de pertinence dans le cadre du présent moyen. En effet, les arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, et ICI/Commission, T-36-91, qui ont conduit la Commission à rédiger les documents internes et à définir des lignes directrices, dont la communication est demandée, sont postérieurs à l'adoption de la décision attaquée. Par suite, il ne saurait être question d'une violation des droits de la défense de la partie requérante au cours de la procédure administrative du fait d'un défaut d'accès à des documents rédigés postérieurement à celle-ci (arrêt du 6 avril 1995, Baustahlgewebe/Commission, cité au point 415 ci-dessus, point 30). Pour la procédure juridictionnelle, ces documents ne sont pas non plus pertinents, étant donné que des documents internes de la Commission ne peuvent pas influer sur le contenu des droits de la défense tel qu'il a été précisé notamment dans les arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, et ICI/Commission, T-36-91.

429. Il s'ensuit que l'argument de Blue Circle, selon lequel le fait de ne pas avoir eu accès aux notes internes de la Commission qu'elle invoque a nui à sa défense, doit être rejeté. La demande de communication de ces notes doit donc être rejetée.

7. Mémoires en défense de la Commission

430. Aalborg (T-44-95) reproche à la Commission de ne pas avoir donné une suite favorable à sa demande d'accès aux mémoires en défense de la Commission dans les présentes affaires autres que l'affaire T-44-95.

431. Cependant, il doit être constaté que la demande de cette partie requérante tendait à obtenir la communication de documents rédigés par la Commission après l'adoption de la décision attaquée. Par conséquent, la légalité de cette dernière ne peut en aucun cas être affectée par le refus de la Commission d'accorder l'accès demandé (arrêt du 6 avril 1995, Baustahlgewebe/Commission, cité au point 415 ci-dessus, point 30).

432. En outre, les différentes affaires n'ayant pas été jointes au cours des procédures écrite et orale, la Commission n'était nullement tenue de communiquer à Aalborg les mémoires en défense déposés dans les affaires autres que celle l'opposant à cette partie requérante. Au demeurant, au cours de la présente procédure, Aalborg n'a jamais demandé la jonction des différentes affaires pendantes. Au contraire, par lettre du 27 février 1996, elle a expressément demandé au Tribunal un traitement individuel de celles-ci. Enfin, par lettre du 10 décembre 1998, Aalborg a insisté pour que seuls ses propres moyens et arguments soient pris en considération par le Tribunal. Elle ne saurait donc reprocher à la Commission de ne pas lui avoir donné accès aux mémoires en défense dans les autres affaires.

433. La FIC (T-30-95) prétend quant à elle que la Commission, d'une part, répond à certains de ses arguments dans le cadre de l'affaire T-26-95, Cembureau/Commission, et, d'autre part, défend dans cette dernière affaire des thèses contredisant celles qu'elle défend dans la présente affaire. Elle considère que les commentaires de la Commission dans l'affaire T-26-95 ne peuvent lui être opposés et que le Tribunal ne peut en tenir compte pour juger la présente affaire.

434. Toutefois, ces affirmations, à les supposer fondées, ne sont pas de nature à démontrer l'existence d'une violation de ses droits de la défense dans le cadre de la procédure administrative. Elles concernent en effet le déroulement de la procédure juridictionnelle, lequel ne saurait, en tant que tel, affecter la légalité de la décision attaquée (arrêt du 6 avril 1995, Baustahlgewebe/Commission, cité au point 415 ci-dessus, point 30). En tout état de cause, à supposer que la Commission s'est contredite dans quelques mémoires en défense, seule la décision attaquée fait foi et non l'éventuelle interprétation de celle-ci par la Commission dans tel ou tel mémoire en défense.

8. Conclusions

435. L'utilisation, dans la décision attaquée, des extraits des réponses à la CG identifiés ci-dessus aux points 401 à 403 doit être qualifiée d'illégale pour violation des droits de la défense des parties requérantes concernées. L'appréciation des conséquences de cette violation des droits de la défense sera effectuée lors de l'examen au fond de la légalité de la décision attaquée. Tous les autres arguments avancés dans le cadre du grief examiné doivent être rejetés.

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, tirés respectivement d'une violation des droits de la défense, d'une violation du principe d'égalité de traitement et d'une violation de l'article 190 du traité, liées à l'abandon par la Commission des griefs nationaux et, à l'égard de certaines entreprises, des griefs internationaux

436. Il convient de rappeler que, par décision du 23 septembre 1993, la Commission a décidé d'abandonner les griefs de la CG relatifs aux ententes nationales à l'encontre de tous les destinataires de la CG. Le même jour, elle a également décidé d'abandonner vis-à-vis de douze entreprises allemandes et de six entreprises espagnoles les griefs relatifs aux ententes internationales de la CG et de clôturer la procédure ouverte à l'encontre de ces entreprises (voir ci-dessus point 14).

437. A l'encontre de cette manière de procéder, les parties requérantes identifiées ci-après invoquent trois moyens, tirés respectivement d'une violation des droits de la défense, d'une violation du principe d'égalité de traitement et d'une violation de l'article 190 du traité. Ces moyens seront examinés en distinguant l'abandon des griefs nationaux (A) et l'abandon de certains griefs internationaux (B).

A Sur l'abandon des griefs nationaux

438. La FIC (T-30-95), ENCI (T-31-95), la VNC (T-32-95), Ciments français (T-39-95), Lafarge (T-43-95), le BDZ (T-48-95), Rugby (T-53-95), Asland (T-55-95), Castle (T-56-95), Uniland (T-58-95), Oficemen (T-59-95), Italcementi (T-65-95), Hornos Ibéricos (T-69-95), Aker (T-70-95) et Euroc (T-71-95) soutiennent que la Commission a violé leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative en ne leur accordant pas la possibilité de faire connaître leur point de vue sur la décision du 23 septembre 1993 en ce que celle-ci abandonne les chapitres nationaux de la CG. Elles se réfèrent à cet égard à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17, et aux articles 2 et 4 du règlement n° 99-63 ainsi qu'à l'arrêt CB et Europay/Commission, cité au point 83 ci-dessus. Dans la mesure où le contexte factuel et juridique aurait été profondément modifié par la décision du 23 septembre 1993, les parties requérantes estiment que la Commission aurait dû émettre une nouvelle CG au cours de la procédure administrative, ce qu'elle n'a pas fait. Ce vice affecterait la légalité de la décision attaquée.

439. Il y a cependant lieu de souligner que, en principe, les entreprises et associations d'entreprises susvisées ne sauraient se plaindre d'une violation de leurs droits de la défense liée à l'abandon par la Commission de certains griefs au cours de la procédure administrative. En effet, l'abandon des griefs est précisément l'objectif poursuivi par les destinataires de la CG dans leur réponse à celle-ci. En outre, la jurisprudence reconnaît explicitement le pouvoir de la Commission d'abandonner des griefs (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100-80, 101-80, 102-80 et 103-80, Rec. p. 1825, point 14).

440. L'argument selon lequel l'abandon des griefs nationaux aurait totalement modifié le contexte factuel et juridique de la CG doit être rejeté. En effet, il a déjà été constaté que, dans l'optique de la CG, les griefs internationaux, à savoir l'accord Cembureau et ses mesures de mise en œuvre au niveau international, ne dépendent en rien de l'existence des ententes nationales (voir ci-dessus points 110 à 120). Dans ces circonstances, le fait que la Commission n'a pas émis une nouvelle CG après l'abandon des griefs nationaux ne saurait constituer une violation de l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et des articles 2 et 4 du règlement n° 99-63. En effet, les observations que les parties requérantes auraient pu faire valoir sur l'abandon des griefs nationaux n'auraient pas été utiles pour leur défense, dès lors que les griefs internationaux, seuls visés par la décision attaquée, n'ont en rien été affectés par cet abandon.

441. Les parties requérantes ne peuvent davantage tirer argument de l'arrêt CB et Europay/Commission, cité au point 83 ci-dessus. Dans cette dernière affaire, la Commission avait modifié les griefs initiaux et avait émis une CG supplémentaire au cours de la procédure administrative, qui n'avait pas été notifiée régulièrement à l'une des parties requérantes. Le Tribunal a alors constaté une violation des droits de la défense de cette partie requérante. Dans la présente affaire, les griefs internationaux n'ont subi aucune modification du fait de la décision de la Commission d'abandonner les griefs nationaux. La Commission n'était donc pas tenue de notifier une nouvelle CG aux parties requérantes avant d'adopter la décision attaquée.

442. Unicem (T-50-95), Italcementi (T-65-95) et Cementir (T-87-95) soutiennent que, malgré l'abandon des griefs nationaux, la Commission a fait "revivre", à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, un grief figurant dans les chapitres nationaux de la CG relatifs à l'Italie, à savoir l'accord portant sur les conventions conclues entre Calcestruzzi et les producteurs italiens de ciment.

443. Force est de constater que, dans la partie internationale de la CG (chapitres 2 et 10), la Commission a clairement formulé le grief visé à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée. Ainsi, au paragraphe 61, sous h), iv), de la CG (chapitre 10), elle a estimé: "Les pressions exercées sur Calcestruzzi et la non-exécution de la part de Calcestruzzi du contrat d'achat de ciment de Titan sont l'effet d'accords et-ou pratiques concertées entre les producteurs italiens Italcementi, Unicem, et Cementir [...]" Même si les chapitres de la CG relatifs à l'Italie (chapitres 3 et 13) formulaient le même grief, la Commission n'a pas fait "revivre" dans la décision attaquée un grief national abandonné, dès lors que l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée repose sur un grief qui, en tout état de cause, a été clairement formulé dans la partie internationale de la CG.

444. Unicem soutient que la Commission a aussi retenu, dans la décision attaquée, le grief national concernant l'Italie, relatif aux conventions SIPAC [CG, chapitre 3, paragraphe 35, sous a); chapitre 13, paragraphe 70, sous b), premier tiret].

445. Il y a lieu de relever que SIPAC est une filiale commune constituée par Cementir, Italcementi, Unicem et Calcestruzzi. Dans la CG, la Commission avait estimé que la constitution de SIPAC constituait une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité [CG, chapitre 13, paragraphe 70, sous b), premier tiret]. Ainsi que le reconnaît la Commission, la décision attaquée ne retient pas ce grief. En effet, dans cette décision, la Commission ne se prononce pas sur la question de savoir si SIPAC est ou non conforme à l'article 85, paragraphe 1, du traité. L'argument d'Unicem doit donc être rejeté.

446. Italcementi prétend que, si elle avait pu formuler ses commentaires sur l'abandon des griefs nationaux, elle n'aurait pas manqué de relever que cette décision devait impliquer l'abandon des griefs relatifs à l'accord que, selon l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, elle aurait conclu avec Unicem et Cementir en vue d'éviter des importations par Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce, dès lors que cet accord était visé, dans la CG, dans le chapitre national consacré au marché italien (CG, chapitre 3, paragraphe 35).

447. Toutefois, si l'accord en question était visé dans le chapitre de la CG relatif à l'Italie, il l'était également dans la partie internationale de la CG, au titre des griefs relatifs à l'ETF et à ses mesures d'application [CG, paragraphes 19, sous d), et 60, sous h), iv)]. Par conséquent, les commentaires que la partie requérante aurait pu faire valoir sur l'abandon des griefs nationaux n'auraient, de toute évidence, pas conduit la Commission à abandonner le grief international relatif à l'accord entre les producteurs italiens de ciment.

448. Le SFIC (T-36-95), Oficemen (T-59-95), Cimpor (T-61-95) et Secil (T-62-95) font valoir que la Commission, après avoir abandonné les griefs relatifs aux ententes nationales, aurait également dû écarter du dossier les pièces se rapportant à ces ententes. Or, la décision attaquée contiendrait quelques références à des pièces dites nationales. Le SFIC se réfère à cet égard aux procès-verbaux des réunions du bureau du SNFCC des 8 juillet, 9 septembre et 7 octobre 1986 (décision attaquée, paragraphe 29, point 4; documents n° 33.126/14828 à 14860), mentionnés au chapitre 5 ("La France") de la CG. Cimpor et Secil se réfèrent à des éléments de preuve cités au chapitre 9 ("Le Portugal") de la CG, à savoir les documents n° 33.322/79, 84, 85, 88, 89, 90, 92, 93, 95, 96, 162, 163 à 166, 170, 1314, 1406 à 1408, 1410 à 1412 et 2898 à 2903, tous mentionnés au paragraphe 21 de la décision attaquée. Cimpor se réfère à d'autres documents qui auraient également été utilisés par la Commission dans le cadre de l'entente ibérique (décision attaquée, paragraphe 21) et qui auraient été mentionnés seulement dans un chapitre national de la CG, à savoir le chapitre 9 ("Le Portugal"). Il s'agit des documents n° 33.322/59, 94, 155 à 157, 158, 159, 160, 161, 169, 171, 172, 177, 181, 252, 270 à 276, 1311 et 1397 à 1399. Enfin, Oficemen critique le fait que le document d'Hispacement (documents n° 33.322/2898 à 2903), auquel la Commission se réfère au paragraphe 21, points 2 et 11, de la décision attaquée, s'il était en partie reproduit dans le chapitre de la CG relatif à l'Espagne (paragraphe 55), n'était en revanche nullement mentionné dans la partie internationale de la CG.

449. Il a déjà été constaté dans le cadre de l'examen du premier moyen que les documents n° 33.322/59, 94, 169 et 171, invoqués par Cimpor, n'ont pas été utilisés par la Commission dans la décision attaquée (voir ci-dessus points 286 et 287). L'argument que Cimpor prétend tirer de ces documents repose donc sur une erreur de fait. En revanche, en ce qui concerne le document n° 33.322/1399, mentionné au paragraphe 21, point 6, de la décision attaquée, il a été constaté qu'il ne constitue pas un élément de preuve opposable à Cimpor (voir ci-dessus point 374). En ce qui concerne les autres documents auxquels se réfèrent les parties requérantes au point précédent, ils ont été mentionnés dans le chapitre national de la CG dont le SFIC, Oficemen, Cimpor et Secil ont reçu communication au cours de la procédure administrative. Ces documents, à l'exception de celui d'Hispacement (documents n° 33.322/2898 à 2903), qui n'a été que partiellement accessible (voir ci-dessus points 369 à 372), leur ont été totalement accessibles au cours de cette même procédure administrative. En outre, les parties requérantes concernées ont pu raisonnablement s'attendre à ce que la Commission utilise dans la décision attaquée les documents en question, qui, bien que mentionnés dans des chapitres de la CG relatifs à des griefs nationaux, contiennent des éléments de preuve quant aux griefs internationaux (pour les documents n° 33.322/155 à 157, voir ci-dessus point 331; pour les documents n° 33.322/2898 à 2903, voir ci-dessus points 332 et 333; pour les documents n° 33.322/162, 163 à 166, 170, 172, 181, 252, 1311, 1314, 1406 à 1408 et 1410 à 1412, voir ci-dessus points 334 à 337; pour les documents n° 33.322/1397 et 1398, voir ci-dessus point 340; pour les documents n° 33.322/79, 84, 85, 88, 89, 90, 92, 93, 95, 96, 158, 159, 160, 161, 177 et 270 à 276, voir ci-dessus points 341 à 344; pour les documents n° 33.126/14828 à 14860, voir ci-dessus point 352). Dans ces circonstances, il ne saurait être question d'une violation des droits de la défense. Pour ce qui concerne toutefois les parties des documents d'Hispacement (documents n° 33.322/2898 à 2903), qui n'ont pas été accessibles au cours de la procédure administrative, il a déjà été constaté (voir ci-dessus point 372) qu'il y aura lieu d'apprécier, lors de l'examen des moyens de fond, si l'infraction retenue à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée est suffisamment établie à l'encontre d'Oficemen, de Cimpor et de Secil en l'absence des passages du document n° 33.322/2901 qui sont restés inaccessibles lors des phases écrite et orale de la procédure administrative (voir ci-après points 2041 à 2092 et 2136).

450. Cimpor et Secil, se référant aux mêmes documents visés ci-dessus au point 448, prétendent qu'en renvoyant, dans la décision attaquée, à des éléments de preuve figurant dans le chapitre de la CG relatif au Portugal pour soutenir son grief relatif à l'entente ibérique la Commission reconnaît elle-même que le contenu des chapitres nationaux de la CG était pertinent pour apprécier les infractions visées aux chapitres internationaux de celle-ci. De même, le SFIC dénonce la prétendue incohérence de la thèse de la Commission qui, d'une part, soutient que les pièces du dossier ne constituent pas un tout indivisible ou indissociable, ce qui justifierait son refus de donner accès aux pièces relatives aux ententes nationales, et, d'autre part, se refuse à écarter du dossier les pièces relatives à la partie relative à la France, alors que les griefs se rapportant aux ententes françaises ont été abandonnés. Il se réfère à cet égard de nouveau aux procès-verbaux des réunions du bureau du SNFCC des 8 juillet, 9 septembre et 7 octobre 1986 (décision attaquée, paragraphe 29, point 4; documents n° 33.126/14828 à 14860) utilisés par la Commission dans le cadre des infractions visées à l'article 4, paragraphes 1 à 3, sous a), de la décision attaquée.

451. Il y a toutefois lieu de constater que, dès lors que, d'une part, la Commission avait clairement établi, dans la CG, le lien entre les documents auxquels se réfère le SFIC et les griefs relatifs à l'ETF, ainsi que le lien entre les documents auxquels se réfèrent Cimpor et Secil et les griefs relatifs à l'entente ibérique, et que, d'autre part, lesdits documents avaient été soumis aux commentaires du SFIC, de Cimpor et de Secil au cours de la procédure administrative, la Commission était légalement fondée à en faire état dans la décision attaquée, nonobstant l'abandon des griefs nationaux. Une même pièce peut, en effet, présenter un rapport avec différents griefs, en l'occurrence les griefs nationaux et internationaux. Le fait que les griefs nationaux avaient été abandonnés n'empêchait pas la Commission d'utiliser une telle pièce à l'appui des griefs internationaux visés dans la décision attaquée.

452. Le SFIC fait encore remarquer que, s'il a effectivement discuté la signification des pièces relatives à l'entente française au cours de la procédure administrative, ses commentaires ont été formulés exclusivement sous l'angle des griefs nationaux et non pas sous celui des griefs internationaux. La Commission aurait ignoré, dans la décision attaquée, les observations qu'il a formulées en réponse aux griefs nationaux et, notamment, celles relatives aux procès-verbaux des réunions du bureau du SNFCC des 8 juillet, 9 septembre et 7 octobre 1986 (documents n° 33.126/14828 à 14860).

453. Il convient de rappeler que la Commission avait clairement établi, dans la CG, le lien entre les documents auxquels se réfère le SFIC et les griefs relatifs à l'ETF (voir ci-dessus point 352). Il a été loisible au SFIC de formuler des commentaires sur ces documents, dans la mesure où ils étaient utilisés par la Commission non seulement dans le cadre des griefs nationaux, mais également dans celui des différentes infractions relatives à l'ETF. Quant à l'argument tiré de l'absence de prise en compte, par la Commission, des observations formulées par le SFIC au cours de la procédure administrative, il n'est étayé par aucun élément de preuve. Il doit donc être rejeté. En tout état de cause, force est de constater que, au paragraphe 29, point 4, de la décision attaquée, la Commission discute de manière détaillée les explications avancées par le SFIC pour justifier l'absence de développements, dans les procès-verbaux des trois réunions susvisées du SNFCC, sur la question des exportations à partir de la Grèce, alors que ce thème figurait à l'ordre du jour desdites réunions.

454. Italcementi (T-65-95) estime que la Commission, en retenant sa participation à des accords conclus entre Calcestruzzi, d'une part, et Unicem, Cementir et elle-même, d'autre part, alors qu'elle n'a pas retenu la participation de Calcestruzzi à la même infraction, a violé le principe de non-discrimination. De même, Unicem (T-50-95) fait valoir que Calcestruzzi aurait dû se voir imputer les infractions dénoncées à l'article 4, paragraphe 3, sous a) et sous b), de la décision attaquée. Elle ajoute que les accords visés à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée auraient aussi dû être imputés aux onze autres producteurs italiens appelés, dans la CG, à répondre de ce grief. Elle soutient encore que cette violation du principe d'égalité de traitement a également affecté ses droits de la défense, en ce qu'elle s'est vue contrainte de se défendre de façon isolée contre un grief tiré d'un comportement qui impliquait d'autres parties, dépositaires d'informations essentielles pour mener cette défense.

455. Ces arguments doivent être rejetés. En effet, la circonstance que des opérateurs qui se seraient trouvés dans une situation comparable à celle de la partie requérante n'ont fait l'objet d'aucune constatation d'infraction de la part de la Commission ne saurait permettre d'écarter l'infraction retenue à l'encontre de cette partie requérante, dès lors que ladite infraction a été correctement établie (arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146). Il sera examiné ultérieurement si les infractions visées à l'article 4, paragraphe 3, sous a) et sous b), de la décision attaquée et la participation d'Unicem et d'Italcementi à celles-ci ont effectivement été établies par la Commission (voir ci-après points 3138 à 3189, 3245 à 3253, 3264 à 3270 et 3343 à 3386). En outre, Unicem ne précise pas en quoi les circonstances qu'elle invoque à l'appui de son grief tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement ont pu l'empêcher d'accéder à des documents susceptibles d'être utiles à sa défense et, partant, affecter ses droits de la défense.

456. ENCI (T-31-95) et la VNC (T-32-95) soutiennent encore que l'abandon des poursuites à l'encontre des prétendues ententes nationales examinées dans la CG a engendré une inégalité de traitement à leur égard. Les entreprises concernées par ces prétendues ententes nationales se trouveraient dans une situation plus favorable que la leur, dans la mesure où la procédure portant sur l'analyse du marché néerlandais et du marché du Benelux n'était pas visée dans la CG et se poursuivrait à leur détriment.

457. Cet argument doit être rejeté. En effet, la CG ne contenait aucun chapitre national relatif aux Pays-Bas. En outre, les parties requérantes concernées n'ont pas établi la réalité de l'ouverture et de la poursuite d'une procédure portant sur une prétendue entente néerlandaise. Les entreprises et associations d'entreprises visées par un chapitre national de la CG ne se trouvaient donc pas dans la même situation qu'elles. Dans ces conditions, le fait que seules les entreprises et associations d'entreprises visées par la CG ont bénéficié de l'abandon des griefs nationaux ne peut être considéré comme une discrimination à l'encontre d'ENCI et de la VNC (arrêt Schumacker, cité au point 123 ci-dessus, point 30). Quant à l'entente Belgique-Pays-Bas-Allemagne, sur laquelle la Commission estime, au paragraphe 51 de la décision attaquée, ne pas devoir prendre position, il s'agit d'un grief international. ENCI et la VNC ne sauraient prétendre, en se référant à la poursuite d'une instruction concernant un grief international, que la décision d'abandonner les griefs nationaux a violé le principe d'égalité de traitement. En toute hypothèse, la décision de la Commission de ne pas prendre position dans la décision attaquée à propos de l'entente Belgique-Pays-Bas-Allemagne a concerné de la même manière toutes les parties requérantes visées par ce grief (voir décision attaquée, paragraphe 23), ce qui exclut en soi une violation du principe d'égalité de traitement.

458. Enfin, la FIC (T-30-95) soutient que la Commission a violé l'article 190 du traité en s'abstenant, dans la décision attaquée, de motiver l'abandon des griefs nationaux et sa conclusion selon laquelle cet abandon était sans influence sur le reste des griefs retenus, alors qu'elle avait au préalable estimé que l'ensemble des griefs formait un tout indissociable et démontrait l'existence d'un accord unique et continu. Cette violation serait d'autant plus grave qu'elle porterait sur le raisonnement fondant la décision attaquée. La FIC ajoute que le caractère préparatoire de la CG ne saurait suffire à expliquer l'abandon des griefs nationaux et le maintien des griefs internationaux. La BCA (T-54-95), Asland (T-55-95) et Italcementi (T-65-95) dénoncent aussi le fait que, dans la décision attaquée, la Commission n'a pas motivé l'abandon des griefs nationaux. Italcementi, quant à elle, fait encore valoir qu'il existe une contradiction entre le principe de l'infraction unique et continue et la décision du 23 septembre 1993 de ne pas poursuivre l'examen des griefs nationaux.

459. Il convient de souligner que la compréhension du raisonnement de la Commission en ce qui concerne les griefs internationaux, tant dans la CG que dans la décision attaquée, ne nécessitait nullement l'examen des griefs nationaux repris dans la CG. En effet, dans l'optique de la CG et de la décision attaquée, les griefs internationaux, à savoir l'accord Cembureau et ses mesures de mise en œuvre au niveau international, ne dépendaient en rien de l'existence des griefs nationaux (voir ci-dessus points 110 à 120). Dès lors que l'abandon des griefs nationaux n'affectait pas les griefs internationaux et était donc une circonstance étrangère à ceux-ci, seuls visés par la décision attaquée, la Commission n'était pas tenue de motiver cet abandon dans la décision attaquée. Quant à la prétendue contradiction relevée par Italcementi, les griefs nationaux n'ont, ni dans la CG, ni dans la décision attaquée, été considérés comme des éléments constitutifs de l'accord Cembureau unique et continu. Les arguments de la FIC, d'Asland et d'Italcementi doivent donc être rejetés.

460. Il résulte de tout ce qui précède que le troisième moyen ainsi que les deuxième et quatrième moyens, en tant que relatifs à l'abandon des griefs nationaux, doivent être rejetés.

B Sur l'abandon des griefs internationaux à l'égard de certaines entreprises

461. Il convient de rappeler que, par lettre du 27 septembre 1993, les parties requérantes ont été informées de l'abandon des griefs nationaux. Elles n'ont toutefois pas été informées de la décision de la Commission d'abandonner les griefs internationaux de la CG vis-à-vis de certaines entreprises allemandes et espagnoles.

462. Italcementi (T-65-95) reproche précisément à la Commission de ne pas lui avoir communiqué, au cours de la procédure administrative, sa décision de clore la procédure ouverte à l'encontre de douze entreprises allemandes et de six entreprises espagnoles. Elle explique qu'elle a ainsi été privée de la possibilité de formuler des observations sur cette décision au cours de la procédure administrative. Selon elle, de telles observations auraient pu conduire la procédure administrative à un résultat différent, dès lors que la décision du 23 septembre 1993 contredirait le caractère collectif de la responsabilité que la Commission impute à l'ensemble des cimentiers européens.

463. Le BDZ (T-48-95) et Asland (T-55-95) prétendent que la décision de la Commission du 23 septembre 1993 d'abandonner les griefs à l'encontre d'une série d'entreprises espagnoles et allemandes a aussi profondément modifié le cadre factuel et juridique des reproches soulevés dans la CG. De même, Aker (T-70-95) et Euroc (T-71-95) soutiennent que, lorsque la Commission a décidé, en septembre 1993, de clore la procédure à l'égard de ces entreprises, représentées à Cembureau, tout en maintenant les griefs internationaux à l'égard des autres entreprises destinataires de la CG, elle a nécessairement reformulé les griefs. Dans ces conditions, elle aurait dû donner à ces dernières l'occasion de présenter de nouvelles observations en défense.

464. Il y a lieu de constater que, si la lettre adressée le 27 septembre 1993 par la Commission aux destinataires de la CG ne faisait pas état de la décision de l'institution du 23 septembre 1993 d'abandonner les griefs à l'encontre de douze entreprises allemandes et de six entreprises espagnoles, les raisons avancées à présent par les parties requérantes ne permettent nullement de considérer que les observations qu'elles auraient pu faire valoir à l'époque au sujet de ladite décision auraient pu conduire la procédure administrative à un résultat différent, que ce soit d'une manière générale ou en ce qui les concerne.

465. A cet égard, il y a lieu de relever d'abord que la circonstance que la Commission a abandonné les griefs internationaux à l'encontre d'une série d'entreprises ne saurait être interprétée comme un changement d'appréciation de sa part quant au contenu même des griefs qui étaient formulés dans la partie internationale de la CG et qui ont été retenus dans la décision attaquée à l'encontre des parties requérantes concernées. En tout état de cause, les commentaires que le BDZ, Asland, Italcementi, Aker et Euroc auraient pu développer sur la décision de la Commission du 23 septembre 1993 d'abandonner les griefs internationaux à l'encontre d'une série de destinataires de la CG n'auraient pas pu occulter les éléments sur lesquels la Commission s'est fondée pour leur imputer les griefs internationaux qui leur ont été reprochés dans la CG, puis dans la décision attaquée.

466. Quant à l'argument tiré d'une prétendue responsabilité collective, invoqué par Italcementi, Aker et Euroc, il convient de souligner que les entreprises vis-à-vis desquelles la procédure a été clôturée sont toutes des membres indirects de Cembureau, à savoir des entreprises représentées au sein de Cembureau par leurs associations respectives, le BDZ et Oficemen. Or, la Commission n'a jamais considéré, ni dans la CG ni dans la décision attaquée, que toutes les entreprises représentées par leur association dans Cembureau ont participé aux infractions visées dans la partie internationale de la CG. En clôturant la procédure vis-à-vis de certains membres indirects de Cembureau, la Commission n'a donc nullement modifié les griefs.

467. Dans ces conditions, les arguments du BDZ, d'Asland, d'Italcementi, d'Aker et d'Euroc doivent être rejetés.

468. Enfin, Cembureau (T-26-95) et Italcementi relèvent que la Commission s'est abstenue, dans la décision attaquée, de motiver l'abandon des griefs internationaux au bénéfice de certaines entreprises.

469. Conformément à une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 190 du traité doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle et aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits (arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350-88, Rec. p. I-395, point 15, et arrêt du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, T-371-94 et T-394-94, Rec. p. II-2405, point 89). L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, point 63).

470. Or, pour la compréhension des griefs retenus contre eux par la décision attaquée, Cembureau et Italcementi n'avaient pas besoin de connaître les motifs qui avaient incité la Commission à abandonner les griefs internationaux vis-à-vis de certaines entreprises allemandes et espagnoles. Le Tribunal n'a pas davantage besoin de connaître ces motifs pour exercer son contrôle de la légalité de la décision attaquée. En tout état de cause, les parties requérantes ne peuvent prétendre que la Commission aurait dû motiver, dans la décision attaquée, l'abandon des griefs internationaux vis-à-vis de quelques entreprises espagnoles et allemandes, afin de permettre au Tribunal de contrôler si la Commission n'a pas violé le principe de non-discrimination. En effet, la question de la participation aux différentes infractions visées par la décision attaquée des entreprises qui font l'objet de la décision du 23 septembre 1993 n'est pas soumise à l'appréciation du Tribunal. En outre, la circonstance qu'un opérateur qui se serait trouvé dans une situation comparable à celle d'une partie requérante n'a fait l'objet d'aucune constatation d'infraction de la Commission ne saurait en toute hypothèse permettre d'écarter l'infraction retenue à l'encontre de cette partie requérante (arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146). Dans ces conditions, il n'y a pas lieu non plus d'accueillir la demande d'Italcementi visant à ce que la Commission produise la décision du 23 septembre 1993.

471. Il résulte de tout ce qui précède que les deuxième et quatrième moyens, en tant que relatifs à l'abandon des griefs internationaux à l'égard de certaines entreprises, doivent également être rejetés.

Sur le cinquième moyen, tiré de l'irrégularité procédurale que la Commission aurait commise en abandonnant certains griefs internationaux vis-à-vis d'Irish Cement

472. Irish Cement (T-60-95) déduit une irrégularité procédurale du fait que la décision attaquée ne mentionne pas sa participation à l'infraction relative à la constitution d'Interciment (décision attaquée, article 4, paragraphe 2), alors que la Commission aurait allégué une telle participation lors des auditions. Elle note par ailleurs que les ventes de clinker à Blue Circle, qui lui étaient reprochées au paragraphe 15 de la CG, ne sont plus qualifiées, dans la décision attaquée, de mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

473. Il convient toutefois de relever que la requérante ne saurait se prévaloir d'une irrégularité procédurale, au motif que certaines accusations portées contre elle par la Commission au cours de la procédure administrative ont été, en définitive, abandonnées dans la décision attaquée. En effet, le but poursuivi par les destinataires d'une CG est, précisément, d'amener la Commission à abandonner les griefs retenus contre eux (voir ci-dessus point 439).

474. Le cinquième moyen doit donc aussi être rejeté.

Sur le sixième moyen, tiré d'une violation des droits de la défense résultant du caractère incomplet et imprécis de la CG

A Observations liminaires

475. Certaines parties requérantes soutiennent d'abord que la CG comporte quelques lacunes (B). Des parties requérantes affirment par ailleurs que la CG ne précisait pas d'une manière suffisamment claire dans quelle mesure elles auraient participé à différents griefs (C). Plusieurs parties requérantes soutiennent aussi que des infractions ou des éléments d'infraction visés dans la décision attaquée ne correspondent pas aux griefs formulés dans la CG. Comme l'appréciation d'un défaut de concordance entre les griefs formulés dans la CG et les infractions retenues dans la décision attaquée nécessite un examen de tous les éléments constitutifs des infractions en cause, il y sera procédé à l'occasion de l'examen des différents moyens et arguments au fond.

476. Il convient de rappeler que la CG doit contenir un exposé des griefs libellé dans des termes suffisamment clairs, seraient-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission. Ce n'est, en effet, qu'à cette condition que la CG peut remplir la fonction qui lui est attribuée par les règlements communautaires et qui consiste à fournir tous les éléments nécessaires aux entreprises et associations d'entreprises pour qu'elles puissent faire valoir utilement leur défense avant que la Commission adopte une décision définitive (arrêts cités au point 106 ci-dessus, Pâtes de bois II, point 42, et Mo och Domsjö/Commission, point 63). C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'examiner le présent moyen.

B Sur le caractère prétendument incomplet de la CG

477. La FIC (T-30-95), la VNC (T-32-95) et Oficemen (T-59-95) reprochent à la Commission de ne pas avoir fait état, dans la CG, de son intention d'imposer des amendes aux associations professionnelles (1). La FIC, ENCI (T-31-95) et la VNC dénoncent le traitement qui a été réservé, dans la CG, à l'accord CBS conclu entre producteurs allemands, belges et néerlandais en ce qui concerne l'approvisionnement du marché néerlandais (2). Aker (T-70-95) et Euroc (T-71-95) font valoir que la CG n'exposait pas les éléments de fait et de droit fondant la prétendue compétence territoriale de la Commission pour l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité aux comportements d'entreprises établies en dehors de la Communauté (3). Enfin, Italcementi (T-65-95) et Hornos Ibéricos (T-69-95) soutiennent que la CG ne comportait pas une analyse du marché ni une définition précise des marchés en cause (4).

1. Sur le prétendu défaut d'indication, dans la CG, de l'intention de la Commission d'imposer des amendes aux associations professionnelles

478. La Commission a infligé une amende non seulement aux entreprises, mais aussi aux associations d'entreprises destinataires de la décision attaquée, pour leur participation à l'accord Cembureau (article 9 de la décision attaquée). Elle estime nécessaire de sanctionner aussi les associations d'entreprises "pour les dissuader de prendre l'initiative ou de faciliter de telles ententes dans le futur" (décision attaquée, paragraphe 65, point 8, premier tiret).

479. La FIC, la VNC et Oficemen font valoir qu'elles n'ont pas été informées au cours de la procédure administrative de l'intention de la Commission de leur imposer des amendes. Cette violation de leurs droits de la défense devrait entraîner l'annulation de l'article 9 de la décision attaquée à leur égard.

480. Il y a lieu de rappeler que la Commission n'est pas en droit d'infliger une amende à une entreprise ou à une association d'entreprises sans avoir au préalable informé, au cours de la procédure administrative, la partie concernée de son intention à cet égard. En effet, la CG doit mettre l'entreprise ou l'association d'entreprises concernée en mesure de se défendre non seulement contre une constatation de l'infraction mais également contre l'imposition d'une amende (arrêt Michelin/Commission, cité au point 150 ci-dessus, point 20, et conclusions de l'avocat général M. Fennelly dans les affaires C-395-96 P et C-396-96 P, CMB et Dafra-Lines/Commission, non encore publiées au Recueil, point 178). Au cas où, postérieurement à la notification de la CG, la Commission entend infliger une amende non visée par cette CG, elle est tenue de le communiquer à l'entreprise ou à l'association d'entreprises concernée par un complément à la CG respectant les règles procédurales applicables à toute CG. .

481. En l'espèce, la CG contient un seul paragraphe sur les amendes, à savoir le paragraphe 93. Dans celui-ci, la Commission se réfère d'abord aux dispositions de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, selon lesquelles elle peut imposer des amendes aux entreprises et associations d'entreprises (CG, paragraphe 93, premier alinéa). Il s'agit d'une citation presque littérale de l'article en cause. Le texte du paragraphe 93 de la CG ne contient aucune autre référence aux associations d'entreprises. La Commission fait état de ce que "c'est de propos délibéré, ou à tout le moins par négligence, que les entreprises en cause ont commis [...] les infractions visées par la présente communication" (CG, paragraphe 93, deuxième alinéa). Puis, dans ses considérations relatives à la gravité et à la durée des infractions (CG, paragraphe 93, troisième alinéa), elle se réfère à "quelques producteurs" et aux "entreprises intéressées", mais nullement aux associations d'entreprises. Elle souligne, en outre, le manque de coopération de la part des "entreprises" au cours de l'enquête.

482. La Commission soutient que, dans le contexte d'une CG qui décrit clairement la participation des associations d'entreprises à l'accord Cembureau, la paraphrase de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, au premier alinéa du paragraphe 93 de ladite CG, a dû suffire pour informer les associations d'entreprises au cours de la procédure administrative qu'elles étaient susceptibles de se voir infliger des amendes pour leur participation à l'accord Cembureau.

483. Cet argument ne peut être accueilli. Si la CG reprochait sans équivoque aux associations d'entreprises leur participation à l'accord Cembureau, il en allait de même pour ce qui concerne les entreprises (voir ci-après points 506 à 543). Or, la Commission a expliqué, au paragraphe 93, deuxième alinéa, de la CG, que les conditions d'ouverture (ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137-95 P, Rec. p. I-1611, point 53) pour l'imposition d'une amende étaient remplies dans le chef des entreprises, lorsqu'elle a indiqué que celles-ci avaient commis les infractions visées par la CG "de propos délibéré ou par négligence". En revanche, elle n'a fait aucune constatation du même type à l'égard des associations d'entreprises. De même, au paragraphe 93, troisième alinéa, la Commission, dans ses explications sur la détermination du montant de l'amende, ne s'est référée qu'aux comportements des entreprises. Si la paraphrase de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, au premier alinéa du paragraphe 93, avait suffi pour informer les associations d'entreprises qu'une amende leur serait imposée, il aurait dû en être de même à l'égard des entreprises. Il apparaît ainsi que, dans ses observations de la CG sur les conditions d'ouverture pour l'imposition d'une amende ainsi que sur la détermination du montant de l'amende, la Commission n'a pas exprimé son intention d'imposer des amendes également aux associations d'entreprises.

484. En outre, il doit être souligné qu'une CG doit fournir à son destinataire des indications quant au caractère délibéré ou négligent de l'infraction qu'il aurait commise et quant à la gravité et à la durée de cette infraction aux fins de la détermination du montant de l'amende, afin de lui permettre de prévoir qu'une amende pourrait lui être imposée (voir, en ce sens, arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 439 ci-dessus, point 21). L'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 traite d'ailleurs explicitement ces deux questions distinctes (ordonnance SPO e.a./Commission, citée au point 483 ci-dessus, point 53). Or, en l'espèce, toutes les indications de la CG relatives aux conditions d'ouverture pour l'imposition d'une amende ainsi qu'à la gravité et à la durée de l'infraction ne visaient que les entreprises. Les associations d'entreprises ne pouvaient donc pas prévoir que la Commission allait leur infliger également une amende.

485. Ensuite, il y a lieu de relever qu'il est de pratique courante que la Commission, lorsqu'elle constate qu'une association d'entreprises et ses membres ont participé à une même infraction, impose une amende soit aux entreprises membres de l'association d'entreprises, soit à l'association d'entreprises. Dans le second cas, elle peut retenir comme assiette, pour le calcul de l'amende, le chiffre d'affaires des membres de l'association, à tout le moins lorsque ses règles internes permettent à l'association d'engager ses membres (arrêts du Tribunal CB et Europay/Commission, cité au point 83 ci-dessus, points 136 et 137, du 21 février 1995, SPO e.a./Commission, T- 29-92, Rec. p. II-289, point 385, et du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T-213-95 et T-18-96, Rec. p. II-1739, point 253). Si, pour des raisons spécifiques, telles que celles mentionnées au paragraphe 65, point 8, de la décision attaquée, elle se propose de frapper d'amendes à la fois l'association d'entreprises et les entreprises membres de cette association, elle est tenue de faire clairement état de cette intention dans la CG ou dans un complément à celle-ci. En l'espèce, sous cet angle aussi, le paragraphe 93 de la CG n'était pas suffisamment précis pour permettre aux associations d'entreprises de prendre connaissance de l'intention de la Commission de leur infliger des amendes.

486. En outre, la Commission n'a pas contredit l'allégation d'Oficemen, contenue dans sa requête (point 60), selon laquelle cette association avait fait remarquer expressément, dans sa réponse à la CG, qu'elle partait du principe que la Commission n'avait pas l'intention d'infliger des amendes aux associations d'entreprises. Force est aussi de constater que la réponse de la FIC à la CG (annexe 6 à la requête) ne contient aucune considération relative aux amendes. Pourtant, la Commission n'a pas cru utile de prévenir, dans un complément à la CG, les associations d'entreprises qu'une amende pourrait leur être infligée.

487. Ainsi, en n'invitant pas, au cours de la procédure administrative, la FIC, la VNC et Oficemen à présenter leurs observations sur l'éventuel exercice de son pouvoir de leur imposer une amende en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission a violé une forme substantielle. Une violation de formes substantielles pouvant être soulevée d'office (arrêts de la Cour du 7 mai 1991, Interhotel/Commission, C-291-89, Rec. p. I-2257, point 14, et Commission/Sytraval et Brink's France, cité au point 469 ci-dessus, point 67), il y a lieu de constater une telle violation dans le cadre des recours introduits par les autres associations d'entreprises destinataires de la décision attaquée, qui, elles aussi, ont reçu notification au cours de la procédure administrative d'une CG ne mentionnant pas l'intention de la Commission de leur imposer une amende.

488. L'article 9 de la décision attaquée doit en conséquence être annulé dans la mesure où il impose une amende aux associations d'entreprises Cembureau, FIC, VNC, SFIC, BDZ, BCA, Oficemen, ATIC et AGCI.

2. Sur le traitement réservé à l'accord CBS

489. La FIC, ENCI et la VNC dénoncent le traitement qui a été réservé à l'accord CBS, conclu entre producteurs allemands, belges et néerlandais en ce qui concerne l'approvisionnement du marché néerlandais, et notifié à la Commission en 1975.

490. ENCI et la VNC soulignent qu'un examen séparé de la convention CBS avait été annoncé dans la CG, notamment dans la note de bas de page n° 10. En l'absence de tout chapitre concernant les Pays-Bas, la CG serait donc incomplète. ENCI et la VNC prétendent que la version en allemand de la CG corrobore leur argument, puisque la note de bas de page n° 10 de cette version indique explicitement que la convention CBS sera examinée dans un autre chapitre de la CG qui devait encore être rédigé.

491. Cet argument doit être rejeté. L'absence de tout chapitre de la CG consacré spécifiquement aux Pays-Bas s'explique, comme le relève la Commission, par le fait qu'aucun grief relatif au marché néerlandais n'a été retenu. ENCI et la VNC n'ayant nullement démontré qu'un grief propre au marché néerlandais aurait été retenu contre elles dans la décision attaquée, elles ne sauraient prétendre que la CG était incomplète en l'absence de chapitre "néerlandais". En effet, une telle absence n'a pas affecté leur défense au cours de la procédure administrative contre des griefs retenus dans la décision attaquée. Par ailleurs, l'accord CBS, dont il est question dans la note de bas de page n° 10 de la CG et aux paragraphes 23, point 2, et 51 de la décision attaquée, n'a lui-même donné lieu à un grief ni dans la CG ni dans la décision attaquée. Le fait que la Commission se réservait le droit d'ouvrir une procédure concernant l'accord CBS n'a pas pu nuire à la défense d'ENCI et de la VNC dans une procédure dans le cadre de laquelle aucun grief relatif à cet accord CBS n'a finalement été formulé. Enfin, les parties requérantes ne sauraient tirer aucun argument de la version en allemand de la CG. En effet, les parties requérantes étant établies aux Pays-Bas, la Commission leur a notifié la version en néerlandais de la CG, de sorte que seule cette version fait foi vis-à-vis d'elles.

492. La FIC soutient que la Commission a violé ses droits de la défense en mentionnant l'accord CBS à l'appui de sa thèse de l'existence d'une entente Belgique-Pays-Bas-Allemagne (décision attaquée, paragraphe 23, point 2), alors que l'institution n'aurait toujours pas réagi à la notification de cet accord. En tout état de cause, la Commission aurait cherché de la sorte à nuire à la crédibilité de la FIC et des autres parties concernées.

493. A cet égard, il est exact que, au paragraphe 23, point 2, de la décision attaquée, la Commission s'est référée à l'accord CBS dans le cadre de la description factuelle d'une entente Belgique-Pays-Bas-Allemagne. Toutefois, au paragraphe 51, elle a décidé de ne pas prendre position sur l'existence d'une telle entente, après avoir rappelé qu'elle "avait déjà annoncé à la page 34, note 10, de la [CG] que l'accord CBS serait examiné dans le cadre d'une procédure distincte". Elle n'a donc nullement fait référence à l'accord CBS dans le cadre d'un grief retenu dans la décision attaquée. Dans ces conditions, l'argument de la FIC doit être rejeté.

3. Sur la prétendue absence d'explication de la compétence territoriale de la Commission

494. Aker et Euroc font valoir que la CG n'exposait pas les éléments de fait et de droit fondant la prétendue compétence territoriale de la Commission pour l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité aux comportements d'entreprises établies en dehors de la Communauté. Partant, ces parties requérantes n'auraient pas eu l'occasion de se prononcer sur ce point lors de la procédure administrative, ce qui constituerait une violation de leurs droits de la défense.

495. Il est exact que la CG ne contient aucun développement quant à la compétence de la Commission pour appliquer les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité aux entreprises originaires de pays tiers. Cependant, les parties requérantes ont dû se rendre compte, à la lecture de la CG, des griefs précis qui leur étaient reprochés par la Commission [participation à l'accord Cembureau de respect des marchés domestiques CG, paragraphes 9 et 61, sous a) et participation à l'ETF ainsi qu'à ses mesures d'application CG, paragraphes 16, 17, 18, 19, sous d), 20, sous f), et 61, sous h); voir ci-après points 524 et 527]. Par lettre du 16 juillet 1992, la Commission a par ailleurs informé les deux parties requérantes que "la [CG] leur avait été adressée en raison de leur participation à Cembureau Task Force ou European Task Force dont l'objet était d'empêcher les livraisons de ciment grec dans la Communauté, d'absorber ce ciment ou de détourner en dehors de l'Europe le surplus de la production grecque" (décision attaquée, paragraphe 53, point 11). Conscientes des comportements qui leur étaient reprochés dans la CG, Aker et Euroc ont dans ces conditions eu l'occasion, au cours de la procédure administrative, de mettre en avant leur situation particulière tenant à leur localisation à l'extérieur de la Communauté, ainsi que les conséquences qu'il convenait, selon elles, d'en tirer quant au domaine d'application territorial de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

496. Leur argument doit donc être rejeté.

4. Sur la prétendue absence d'analyse du marché et de définition précise des marchés en cause

497. Hornos Ibéricos fait remarquer que la Commission aurait dû effectuer une analyse économique du marché, afin de vérifier s'il n'y avait pas d'explication autre que celle d'une concertation illégale en ce qui concerne les comportements reprochés (arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, points 71 et 72). La Commission soit n'aurait pas entrepris l'étude approfondie du marché qui était requise, ne respectant pas ainsi les exigences minimales de preuve, soit n'aurait jamais communiqué à la requérante les documents concernant cette étude, auquel cas il existerait une violation des droits de la défense.

498. Il doit être relevé que la Commission n'avait pas à rechercher, en ce qui concerne les comportements reprochés, une explication alternative à celle d'une concertation illégale. En effet, les infractions ont été établies dans la CG et dans la décision attaquée sur la base de preuves documentaires directes et non sur la base d'un parallélisme de comportements constaté sur le marché (voir ci-dessus point 264). Pour le surplus, force est de constater que la CG contient une analyse du marché. Le chapitre 1 de la CG, qui comporte neuf pages, est intitulé "Le marché du ciment". Il est subdivisé en quatre points: le produit, les caractéristiques de l'industrie, l'offre et la demande. La partie requérante ne conteste pas avoir reçu communication de ce chapitre au cours de la procédure administrative. L'argument doit donc être rejeté.

499. Italcementi allègue que la Commission n'a pas défini le marché géographique en cause dans la CG. Par cette omission, elle l'aurait privée de la possibilité de s'exprimer sur un élément essentiel de l'appréciation de son comportement.

500. Sur ce point, il y a lieu de constater que le chapitre 1 de la CG comporte un paragraphe 5 intitulé "Les échanges intracommunautaires", dans lequel la Commission constate que le faible niveau des échanges "est dû, plus qu'au coût de transport d'un produit lourd, à une longue tradition de respect des marchés voisins". Ainsi, la Commission a informé les destinataires de la CG que le marché géographique dépassait le niveau national, de sorte que les pratiques visées par la CG étaient susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres (CG, paragraphes 62, 65 et 68) et de violer les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Dans ces circonstances, le grief tiré du défaut de définition du marché géographique doit être rejeté (voir, en ce sens, arrêt SPO e.a./Commission, cité au point 485 ci-dessus, points 74 et 75).

501. Italcementi fait aussi valoir que, dans la CG, la Commission n'a pas distingué entre le ciment gris et le ciment blanc. En indiquant dans la décision attaquée (paragraphe 11, point 1) que le ciment blanc ne relève pas du même marché que le ciment gris, l'institution aurait modifié sa définition du marché, sans cependant procéder à une nouvelle notification des griefs aux parties.

502. Cet argument doit également être rejeté. La CG distinguait déjà le ciment gris et le ciment blanc (paragraphe 1). Par ailleurs, elle comprenait des développements séparés consacrés spécifiquement à une entente sur le marché du ciment blanc (chapitre 2, section 3, et chapitre 11). Les autres ententes visées par la CG concernaient toutes le marché du ciment gris. Déjà au stade de la CG, la Commission considérait donc que le ciment blanc ne relevait pas du même marché que le ciment gris.

503. Il résulte de tout ce qui précède que le présent moyen, pour autant qu'il se rapporte au défaut d'indication, dans la CG, de l'intention de la Commission d'imposer des amendes aux associations professionnelles, est fondé (voir ci-dessus points 478 à 488). Tous les autres arguments tirés du caractère incomplet de la CG doivent être rejetés.

C Sur le manque allégué de précision de la CG en ce qui concerne la participation de certaines parties requérantes à différents griefs visés dans la CG

504. La plupart des parties requérantes soutiennent que la CG n'a pas suffisamment précisé dans quelle mesure elles auraient participé à l'un ou à l'autre grief. Il convient toutefois de souligner qu'un tel argument, lorsqu'il s'avère bien fondé, ne peut conduire à la constatation d'une violation des droits de la défense que si le grief qui n'est pas reproché d'une manière suffisamment précise à la partie requérante concernée est ensuite retenu dans la décision attaquée. Une violation des droits de la défense au cours de la procédure administrative s'apprécie, en effet, à la lumière des griefs retenus par la Commission dans la CG et dans la décision attaquée (arrêts cités au point 106 ci-dessus, Solvay/Commission, T-30-91, point 60, et ICI/Commission, T-36-91, point 70). Ainsi, les arguments d'Unicem (T-50-95) et de Cementir (T-87-95), selon lesquels la CG ne précisait pas en quoi elles auraient participé au grief relatif aux règles de concurrence loyale, peuvent d'ores et déjà être rejetés dès lors que les discussions sur la concurrence "loyale ou saine ou correcte", évoquées au paragraphe 17 de la décision attaquée, n'ont pas fait l'objet d'un grief dans le dispositif de la décision attaquée.

505. Les autres arguments des différentes parties requérantes seront analysés ci-après dans l'ordre de constatation des infractions dans la décision attaquée.

1. Participation des parties requérantes concernées à l'infraction constituée par l'accord Cembureau et durée de cette infraction

506. Aux termes de la décision attaquée, Cembureau et ses membres sont convenus, dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, d'un accord de respect des marchés domestiques et de réglementation des ventes d'un pays à l'autre (décision attaquée, paragraphe 45, points 1 et 9), accord qui a été dénommé par la Commission "accord Cembureau". Selon la décision attaquée, ont participé à celui-ci Cembureau, les membres de Cembureau (ci-après "membres directs de Cembureau"), ainsi que certaines entreprises non membres de Cembureau, mais membres d'une association nationale elle-même membre de Cembureau (ci-après "membres indirects de Cembureau"). Toutefois, en ce qui concerne les membres indirects de Cembureau, "la Commission [n'a pris] en considération, aux fins de la [...] décision, que les entreprises représentées au sein de Cembureau par leur association qui [avaient], en plus de leur appartenance à l'association, clairement manifesté leur adhésion à l'accord en participant" à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau (décision attaquée, paragraphe 65, point 3, premier alinéa). Ainsi, les entreprises, membres indirects de Cembureau, qui ont participé à une ou plusieurs des infractions visées aux articles 3 à 6 de la décision attaquée ont été considérées, dans celle-ci, comme ayant participé à l'accord Cembureau. Buzzi, qui n'est membre ni direct ni indirect de Cembureau, aurait adhéré à l'accord Cembureau à travers sa participation aux ententes franco-italiennes visées à l'article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée (décision attaquée, paragraphe 65, points 3 et 4). La Commission a estimé (paragraphe 46, point 1, premier alinéa) que "l'ensemble des arrangements arrêtés dans le cadre de Cembureau et des réunions et contacts bilatéraux et/ou multilatéraux [constituait] un 'accord unique et continu". Cet accord unique et continu Cembureau est visé à l'article 1er de la décision attaquée.

507. CBR (T-25-95), ENCI (T-31-95), la VNC (T-32-95), Ciments luxembourgeois (T-34-95), Dyckerhoff (T- 35-95), le SFIC (T-36-95), Vicat (T-37-95), Ciments français (T-39-95), Heidelberger (T-42-95), Lafarge (T- 43-95), Aalborg (T-44-95), le BDZ (T-48-95), Unicem (T-50-95), Buzzi (T-51-95), Valenciana (T-52-95), Rugby (T-53-95), la BCA (T-54-95), Asland (T-55-95), Castle (T-56-95), Uniland (T-58-95), Cimpor (T-61-95), Secil (T-62-95), l'ATIC (T-63-95), Hornos Ibéricos (T-69-95), Aker (T-70-95), Euroc (T-71-95) et Blue Circle (T- 88-95) soutiennent que la CG ne les identifie pas comme des parties à l'accord Cembureau. Ils n'auraient donc pas pu se défendre au cours de la procédure administrative sur la question de leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée. Cette disposition devrait en conséquence être annulée à leur égard.

508. Dans le cadre du présent moyen, CBR, Vicat, Rugby et Castle font aussi valoir que la Commission ne les a pas informées au cours de la procédure administrative qu'elle allait se fonder sur leur appartenance à une association nationale, membre direct de Cembureau, pour présumer leur adhésion à l'accord Cembureau. La FIC (T-30-95), Ciments français, Aalborg, Lafarge, Unicem, Heracles, Uniland, Italcementi (T-65-95), Hornos Ibéricos, Aker, Euroc et l'AGCI (T-103-95) critiquent, quant à elles, le manque de précision de la CG pour ce qui concerne la durée de l'infraction retenue à l'article 1er de la décision attaquée.

509. Il convient d'examiner d'abord si la CG, dans ses chapitres 2 et 10, reproche d'une manière suffisamment claire aux parties requérantes susvisées une participation à l'accord Cembureau constaté à l'article 1er de la décision attaquée (1.1). Il y aura lieu de vérifier ensuite si, et dans quelle mesure, l'appartenance d'une entreprise à une association nationale est un facteur qui a été pris en considération par la Commission dans le cadre de l'établissement de la participation à l'infraction constatée à l'article 1er de la décision attaquée, et si la CG était suffisamment claire à cet égard (1.2). Il sera aussi examiné si la CG précise, de manière suffisamment claire, la durée de l'accord Cembureau constaté à l'article 1er de la décision attaquée (1.3). Il y aura lieu enfin de tirer les conclusions des constatations opérées (1.4).

1.1. Participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée

510. Il convient de distinguer, d'une part, les parties requérantes membres de Cembureau (1.1.1) et, d'autre part, celles non membres de cette association ou non considérées comme tels dans la CG (1.1.2).

1.1.1 Destinataires de la CG membres de Cembureau

511. La VNC, Ciments luxembourgeois, le SFIC, Aalborg, le BDZ, Unicem, la BCA et l'ATIC sont des membres directs de Cembureau.

512. Le paragraphe 6, deuxième alinéa, du chapitre 2 de la CG les mentionne expressément en cette qualité.

513. Le paragraphe 61, troisième alinéa, du chapitre 10 énonce:

"Ainsi qu'il ressort du paragraphe 9, Cembureau et ses membres ont arrêté le 'Cembureau Agreement or Cembureau Principle of not transhipping to internal European markets."

514. Le même paragraphe, sous a), premier alinéa, ajoute:

"Le 'Cembureau Agreement or Cembureau Principle of not transhipping to internal European markets (par. 9) constitue un accord et/ou une pratique concertée entre Cembureau et ses membres [...]"

515. Dans ces conditions, les huit parties requérantes susvisées, membres directs de Cembureau, ne sauraient prétendre que la CG ne les a pas identifiées comme des parties à l'accord Cembureau.

1.1.2. Destinataires non membres directs de Cembureau ou considérés comme non membres directs de Cembureau dans la CG

516. Les autres parties requérantes qui ont soulevé l'argumentation examinée ou bien ne sont pas membres directs de Cembureau (CBR, ENCI, Dyckerhoff, Vicat, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Buzzi, Valenciana, Rugby, Asland, Castle, Uniland, Cimpor, Secil, Hornos Ibéricos et Blue Circle), ou bien en sont membres directs, mais n'ont pas été considérées comme tels dans la CG (Aker et Euroc). Elles tirent argument du paragraphe 61, troisième alinéa, de la CG, aux termes duquel "Cembureau et ses membres ont arrêté" l'accord Cembureau, pour démontrer que la CG n'était pas suffisamment précise à leur égard pour ce qui concerne leur participation à cet accord.

517. Il convient d'analyser séparément la position des entreprises qui, selon la CG et la décision attaquée, ont participé à des ententes bi- ou multilatérales (CG, chapitre 10, paragraphe 61, et décision attaquée, articles 3 et 4), à savoir CBR, Dyckerhoff, Vicat, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Buzzi, Rugby, Asland, Castle, Uniland, Cimpor, Secil, Aker, Euroc et Blue Circle (1.1.2.1), celle des entreprises qui ont participé aux activités de l'ECEC (CG, chapitre 12, paragraphe 66, et décision attaquée, article 5), à savoir ENCI, Dyckerhoff et Castle (1.1.2.2), et celle des entreprises qui ont participé aux activités de l'EPC (CG, chapitre 12, paragraphe 67, et décision attaquée, article 6), à savoir Ciments français, Lafarge, Valenciana, Hornos Ibéricos et Blue Circle (1.1.2.3).

1.1.2 Destinataires de la CG, non membres directs de Cembureau, qui aurait participé à des ententes bi- ou multilatérales

518. En ce qui concerne la question de savoir si CBR, Dyckerhoff, Vicat, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Buzzi, Rugby, Asland, Castle, Uniland, Cimpor, Secil, Aker, Eurocet Blue Circle ont, à la lecture de la CG, pu se rendre compte qu'une participation à l'accord Cembureau leur était reprochée, il convient d'abord de se référer à la structure de la partie "les faits" de la CG relative à l'accord Cembureau et aux ententes bi- et multilatérales (CG, chapitre 2, sections 1 et 2), structure qui se présente comme suit:

"Chapitre 2 Les organisations internationales de cimentiers

Section 1 Cembureau

[...]

9. 'The Cembureau Agreement or Cembureau Principle of not transhipping to internal European markets'.

10. La mise en œuvre du 'Cembureau Agreement or Principle of not transhipping to internal European markets': France-Italie

11. La mise en œuvre du 'Cembureau Agreement or Principle of not transhipping to internal European markets': Espagne-Portugal

12. La mise en œuvre du 'Cembureau Agreement or Principle of not transhipping to internal European markets': France-Allemagne

[...]

Section 2 'Cembureau Task Force or European Task Force'

[...]"

519. Bien que la "Cembureau Task Force or European Task Force" soit ainsi présentée dans une section distincte de la CG, la note de bas de page afférente au titre de cette section mentionne:

"Cette Task Force devrait, du point de vue logique, faire partie de la section 1, car sa création n'est qu'une application du 'Cembureau Agreement or Cembureau Principle of not transhipping to internal European Market'. Elle est traitée dans une section séparée uniquement à cause de l'ampleur de l'exposé la concernant."

520. Le paragraphe 61, cinquième à onzième alinéa, de la partie "appréciation juridique" de la CG (chapitre 10), intitulé "Les ententes sur la règle du marché domestique", présente les différentes ententes bi- et multilatérales comme des applications du "Cembureau Agreement or Cembureau Principle of not transhipping to internal European markets". A propos de l'ETF, le onzième alinéa énonce: "L'application la plus flagrante et la plus grave de la règle du marché domestique a été faite à l'occasion du prétendu 'problème grec' (voir section 2, paragraphes 16 à 20). A cette occasion, Cembureau et tous les autres membres se sont mobilisés pour attaquer le membre qui avait osé violer la règle du marché domestique: on a constitué une Task Force, on a adopté des mesures de 'Market Regulations', des 'Stick actions' et des 'carrot actions' vis-à-vis des producteurs grecs."

521. Au chapitre 10 de la partie "appréciation juridique" de la CG, les participants aux ententes bi- et multilatérales (France-Italie; Espagne-Portugal; France-Allemagne; ETF) sont nommément désignés. Vicat, Ciments français, Lafarge et Buzzi sont identifiées comme ayant participé aux ententes franco-italiennes [CG, chapitre 10, paragraphe 61, sous b)], Cimpor et Secil comme ayant participé à l'entente ibérique [CG, chapitre 10, paragraphe 61, sous c)], Dyckerhoff, Ciments français, Heidelberger et Lafarge comme ayant participé à l'entente franco-allemande [CG, chapitre 10, paragraphe 61, sous d)], CBR, Dyckerhoff, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Rugby, Asland, Castle, Uniland, Aker, Euroc et Blue Circle comme ayant participé à une ou plusieurs infractions dans le cadre de l'ETF [CG, chapitre 10, paragraphe 61, sous h)].

522. Le paragraphe 61, premier et deuxième alinéas, de la CG énonce quant à lui:

"Le cas d'espèce est caractérisé par un ensemble d'accords et/ou de pratiques concertées résultant à l'origine de et conditionné par la fixation et l'adhésion des entreprises en cause à la règle commune du marché domestique et, ultérieurement, d'arrangements bilatéraux ou multilatéraux qui complètent cette règle ou concourent à son application.

Toute la documentation recueillie au cours de l'enquête démontre que les producteurs européens de ciment ont arrêté et accepté la 'règle du marché domestique sur la base d'une coopération réciproque permettant d'organiser le secteur."

523. Il apparaît ainsi que, même si la CG relève dans son paragraphe 61, troisième alinéa (chapitre 10), que "Cembureau et ses membres ont arrêté le 'Cembureau Agreement or Cembureau Principle of not transhipping to internal European markets", elle reproche par ailleurs d'une manière suffisamment claire une adhésion à l'accord Cembureau aux destinataires non membres directs de Cembureau auxquels elle impute une participation à une ou plusieurs ententes bi- et multilatérales.

524. Dans ces conditions, CBR, Dyckerhoff, Vicat, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Buzzi, Rugby, Asland, Castle, Uniland, Cimpor, Secil, Aker, Euroc et Blue Circle ont pu se rendre compte, à la lecture de la CG, qu'elles étaient considérées comme ayant adhéré, par leur participation à une ou plusieurs ententes bi- ou multilatérales, à l'accord Cembureau, qui, lui, avait été arrêté par Cembureau et ses membres. Elles ne sauraient donc prétendre que la CG leur reprochait uniquement une participation à une ou plusieurs de ces ententes et non à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée.

525. Vicat soutient encore que la CG ne vise aucun élément de preuve susceptible de caractériser sa participation à la conclusion de l'accord Cembureau. Son affirmation ne peut être retenue. En effet, les éléments de preuve invoqués par la Commission à l'appui du grief relatif à l'entente franco-italienne entre Vicat et Buzzi sont explicitement identifiés au paragraphe 10 et au paragraphe 61, sous b), de la CG et démontrent, selon celle-ci, l'adhésion de Vicat à l'accord Cembureau.

526. Enfin, Aker et Euroc relèvent que la lettre du 16 juillet 1992 dont fait état la décision attaquée (paragraphe 53, point 11) les a informées que la CG leur avait été adressée en raison de leur participation à l'ETF.

527. Toutefois, même si cette lettre les a informées que la CG leur avait été adressée en raison de leur participation à l'ETF, ces parties requérantes ont pu comprendre, à la lecture de la CG, que, à travers leur participation à l'ETF, elles étaient censées avoir adhéré aussi à l'accord Cembureau.

1.1.2.2. Destinataires de la CG, non membres directs de Cembureau, qui auraient participé aux activités de l'ECEC

528. Le paragraphe 66, cinquième alinéa, de la partie "appréciation juridique" de la CG énonce:

"L'accord de constitution d[e l]'ECEC et les accords et/ou pratiques concertées relatifs à l'exportation dans les pays tiers constituent des infractions à l'article 85 (1) commises par [l']ECMEC et par les membres d[e l]'ECEC au moins à partir de 1980 [...]"

529. Parmi les membres de l'ECEC nommément mentionnés au paragraphe 25 de la CG figurent ENCI, Dyckerhoff et Castle, entreprises non membres directs de Cembureau, qui dénoncent dans leur requête un manque de précision de la CG pour ce qui concerne leur participation à l'accord Cembureau.

530. ENCI relève à juste titre que la rédaction du paragraphe 66, cinquième alinéa, de la version en néerlandais de la CG qui lui a été notifiée et qui seule fait foi à son égard comportait une différence par rapport à celle des autres versions de la CG. 531.

Ce passage de la CG est en effet libellé dans les termes suivants:

"L'accord de constitution d[e l]'ECEC et les accords et/ou pratiques concertées relatifs à l'exportation dans les pays tiers constituent des infractions à l'article 85 (1) commises par [l']ECMEC et par les membres d[e l']ECMEC au moins à partir de 1980 [...]"

532. Toutefois, au paragraphe 25 de la partie "les faits" de la CG, la Commission énumère les membres de l'ECEC, parmi lesquels figure "pour les Pays-Bas, ENCI". De plus, au paragraphe 24 de la même partie, elle esquisse la genèse non seulement de l'ECEC mais aussi de l'EPC, précisant: "Au moins depuis 1980, il a été décidé que [ces] deux Committees auraient un secrétariat unique et la structure fournissant ce service de secrétariat a été appelée ECMEC."

533. Dès lors, à la lecture de ces deux paragraphes, un destinataire de la CG pouvait comprendre que, lorsqu'un grief était adressé aux membres de l'ECMEC, il l'était à la fois aux membres de l'ECEC et à ceux de l'EPC.

534. Il s'ensuit qu'ENCI, identifiée comme membre de l'ECEC au paragraphe 24 de la CG, ne saurait se plaindre d'un manque de précision de la CG pour ce qui concerne sa participation aux ententes dans le cadre de l'ECEC, même si ce grief, au paragraphe 66 de la version en néerlandais de la CG, était dirigé contre l'ECMEC et les membres de celui-ci.

535. Il ressort, en outre, de la CG que, à travers leur participation aux pratiques concertées dans le cadre de l'ECEC, les membres de l'ECEC/de l'ECMEC étaient censés avoir participé à l'accord Cembureau. En effet, le paragraphe 66, premier et quatrième alinéas, de la CG relève:

"Pour apprécier l'activité d[e l]'ECEC, il faut la situer dans son contexte. Ainsi qu'on l'a vu aux paragraphes 9 et [61], Cembureau a arrêté le 'Cembureau Agreement or Principle of not transhipping to internal European markets'. Pour le faire respecter, il fallait trouver des moyens pour canaliser les surplus de production des membres de Cembureau et éviter que ces surplus soient détournés vers les marchés européens. [...] Par conséquent, l'accord relatif à la constitution d[e l]'ECEC et les accords et/ou pratiques relatifs à la politique commerciale à suivre pour les exportations dans les pays tiers ne peuvent être considérés isolément mais comme formant un tout indissoluble avec l'entente relative au respect des marchés nationaux respectifs."

536. Il en résulte que, à la lecture de la CG, les membres de l'ECEC, dont ENCI, Dyckerhoff et Castle, pouvaient comprendre que leur participation aux activités de l'ECEC était considérée comme une manifestation de leur adhésion à l'accord Cembureau.

1.1.2.3. Destinataires de la CG, non membres directs de Cembureau, qui auraient participé aux activités de l'EPC

537. Le paragraphe 67 du chapitre 12 de la CG relatif à l'"appréciation juridique" des activités de l'EPC reproche aux membres de l'EPC d'avoir commis une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité en constituant ce comité et en participant à des accords et/ou pratiques concertées concernant la coopération à l'exportation dans les pays tiers. Parmi les membres de l'EPC nommément mentionnés au paragraphe 27 de la partie "les faits" de la CG figurent Ciments français, Lafarge, Valenciana, Hornos Ibéricos et Blue Circle, cinq entreprises non membres directs de Cembureau, qui dénoncent dans leur requête un manque de précision de la CG pour ce qui concerne leur participation à l'accord Cembureau.

538. En ce qui concerne les activités de l'EPC, le paragraphe 28 de la partie "les faits" de la CG, relatif à l'EPC et intitulé "Le respect des marchés intérieurs", énonce:

"Bien que la règle du respect des marchés nationaux respectifs ne [soit] pas mentionnée explicitement, elle ressort de façon claire [de différents documents]."

539. L eparagraphe 67, deuxième et quatrième alinéas, de la partie "appréciation juridique" de la CG relève quant à lui:

"La coopération entre les membres, réalisée à travers le partage des marchés, la fixation des prix et l'échange d'informations, en vue de canaliser dans les pays tiers leurs surplus de production n'est qu'une conséquence et un moyen de contrôle de l'application de la règle du marché domestique: règle du 'home market et coopération à l'exportation sont donc étroitement liées.

[...]

[... l'accord de constitution de l'EPC a] pour objet de restreindre, à travers la mise en œuvre de la règle du marché domestique, les possibilités de vente des membres [de l'EPC] à l'intérieur du marché commun."

540. Dans la mesure où la Commission estimait ainsi que la coopération des membres de l'EPC était un moyen de contrôle de l'application de la règle du marché domestique, elle reprochait nécessairement à ces membres d'avoir adhéré à la règle en cause.

541. Partant, à la lecture de la CG, les membres de l'EPC, dont Ciments français, Lafarge, Valenciana, Hornos Ibéricos et Blue Circle, pouvaient comprendre que leur participation aux activités de l'EPC avait constitué une manifestation de leur adhésion à l'accord Cembureau.

1.1.3. Conclusions provisoires

542. Il ressort de ce qui précède que toutes les parties requérantes qui ont soulevé le grief tiré du manque de précision de la CG quant à leur participation à l'accord Cembureau (voir ci-dessus point 507) ont pu savoir, à la lecture de la CG, que la Commission leur reprochait d'avoir participé à l'accord Cembureau. En effet, selon la CG, l'accord Cembureau avait été adopté par Cembureau et ses membres de sorte que les parties requérantes identifiées ci-dessus au point 511, qui sont tous des membres directs de Cembureau, ont dû comprendre que ce grief leur était reproché. En outre, pour ce qui concerne les parties requérantes identifiées ci-dessus au point 516, non membres directs de Cembureau, la CG leur reprochait d'une manière suffisamment claire d'avoir adhéré à l'accord Cembureau, à travers leur participation à une ou plusieurs mesures de mise en œuvre de cet accord.

543. Il convient encore de constater qu'au paragraphe 59 de la partie "appréciation juridique" de la CG, la Commission a qualifié "l'ensemble des arrangements arrêtés dans le cadre de Cembureau et des réunions et contacts bilatéraux et multilatéraux [...] [d']'accord unique et continu". Toutes les parties requérantes qui ont soulevé le présent grief (voir ci-dessus point 507) ont donc été informées, au cours de la procédure administrative, du grief tiré de leur participation à l'accord unique et continu Cembureau, qui est visé à l'article 1er de la décision attaquée. Elles ont donc pu faire connaître utilement leur point de vue sur ce grief au cours de la procédure administrative.

1.2. Appartenance à une association nationale, membre direct de Cembureau, en tant que critère d'imputation de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée

544. CBR, Vicat, Rugby et Castle soutiennent que la Commission ne les a pas informées au cours de la procédure administrative qu'elle allait se fonder sur l'appartenance d'une entreprise à une association nationale, membre direct de Cembureau, pour présumer l'adhésion de cette entreprise à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée.

545. Il y a lieu de considérer que tous les membres indirects de Cembureau qui ont fait valoir dans leur requête que la CG n'était pas suffisamment précise pour leur permettre de comprendre qu'une participation à l'accord Cembureau leur était reprochée, à savoir CBR, ENCI, Dyckerhoff, Vicat, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Valenciana, Rugby, Asland, Castle, Uniland, Cimpor, Secil, Hornos Ibéricos et Blue Circle, ont également soulevé l'argument, plus limité, tiré du défaut de précision de la CG sur les conséquences que la Commission allait tirer, dans la décision attaquée, de l'appartenance d'un destinataire à un membre direct de Cembureau.

546. Dans la décision attaquée (paragraphe 65, point 3, premier alinéa), la Commission affirme:

"Toutes les associations d'entreprises et les entreprises destinataires de la présente décision ont adhéré à l'accord ou au principe de respect des marchés domestiques concernant le marché du ciment gris, conclu le 14 janvier 1983 entre les associations et entreprises membres directs de Cembureau. Cet accord liait à partir de cette date lesdites entreprises ainsi que les entreprises membres des associations nationales concernées."

547. Elle estime donc que les membres indirects de Cembureau ont été représentés à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 par leur association nationale, membre direct de Cembureau, de sorte qu'ils étaient liés à partir de cette date par cet accord.

548. Elle considère, en effet (décision attaquée, paragraphe 44, point 5):

"[...] si ces associations assument des engagements, elles le font dans l'intérêt de leurs membres et au nom de ceux-ci et non dans l'intérêt d'elles-mêmes: en fait les producteurs de ciment sont les véritables acteurs qui agissent à travers leurs associations professionnelles."

549. Toutefois, pour les membres directs et indirects de Cembureau qui, au moment de la prétendue conclusion de l'accord Cembureau, le 14 janvier 1983, étaient établis en dehors du territoire de la Communauté, elle retient dans la décision attaquée (paragraphes 45, point 11, et 65, point 4, et article 1er) que leur participation à l'accord Cembureau constitue une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité à partir de la date à laquelle elle dispose de preuves qu'une telle participation a eu des effets dans la Communauté.

550. Enfin, pour Buzzi, la Commission prend, dans la décision attaquée (paragraphe 65, point 4, premier tiret; voir aussi paragraphe 65, point 3, premier alinéa), le 11 mai 1983 comme point de départ de sa participation à l'infraction constatée à l'article 1er:

"En fait, Buzzi n'était pas membre, direct ou indirect, de Cembureau. C'est donc le début de la pratique concertée à laquelle Buzzi a participé qui est à considérer comme fournissant la preuve de sa participation à l'accord ou principe Cembureau de respect des marchés domestiques."

551. Il résulte de ce qui précède que, dans la décision attaquée, l'appartenance à une association nationale membre de Cembureau a conduit la Commission à constater que les membres indirects de Cembureau qui ont pris part à une ou plusieurs des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau visées aux articles 3 à 6 de la décision attaquée ont participé à l'accord Cembureau à partir de la date de sa conclusion, le 14 janvier 1983. Cependant, contrairement à ce que prétendent CBR et Vicat, elle ne s'est pas fondée sur cette seule appartenance pour présumer l'adhésion des membres indirects de Cembureau à l'infraction visée à l'article 1er. En effet, elle n'a retenu cette infraction qu'à l'encontre des "entreprises représentées au sein de Cembureau par leur association qui [avaient], en plus de leur appartenance à l'association, clairement manifesté leur adhésion à l'accord en participant" à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau (décision attaquée, paragraphe 65, point 3, premier alinéa).

552. Néanmoins, force est de constater que l'appartenance à une association nationale, membre direct de Cembureau, a été prise en considération pour la détermination du point de départ de la participation des membres indirects de Cembureau à l'infraction. Ainsi, lorsque des membres indirects de Cembureau étaient représentés par un membre direct de Cembureau au moment où l'accord Cembureau a été convenu et confirmé, leur participation à une mesure de mise en œuvre dudit accord a constitué, selon la décision attaquée, la manifestation de leur participation à l'accord lui-même depuis le 14 janvier 1983. 553.

Les destinataires concernées de la CG auraient dû être informées de la prise en considération de cet élément au cours de la procédure administrative. En effet, le respect des droits de la défense exige que les entreprises en cause soient mises en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission (arrêts Hoffmann-La Roche/Commission, cité au point 106 ci-dessus, point 11, Pâtes de bois II, cité au point 106 ci- dessus, points 40 à 53, et CB et Europay/Commission, cité au point 83 ci-dessus, point 48). L'institution, tenue d'indiquer dans la CG, en tant qu'élément essentiel, la durée de l'infraction qu'elle envisage de constater (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 439 ci-dessus, point 15), doit fournir dans la CG toutes les indications pertinentes sur le point de départ de ladite infraction.

554. Il convient donc d'examiner si la CG mentionnait d'une manière suffisamment claire que l'appartenance à une association nationale, membre direct de Cembureau, était un fait pertinent pour la détermination du point de départ de la participation des membres indirects de Cembureau à l'infraction constituée par l'accord Cembureau.

555. Certes, les membres indirects de Cembureau savaient qu'ils étaient membres d'une association nationale elle- même membre de Cembureau. La question se pose toutefois de savoir s'ils ont pu déduire raisonnablement de la CG les conclusions que la Commission entendait tirer de leur appartenance à un membre direct de Cembureau (arrêts cités au point 323 ci-dessus, du 10 mars 1992, Shell/Commission, point 56, et ICI/Commission, T-13-89, point 35).

556. Force est de constater d'abord que, dans la CG, la Commission ne se réfère nullement à l'appartenance des membres indirects de Cembureau à une association nationale dans le cadre de la démonstration de leur participation à l'accord Cembureau. Ainsi, la CG n'annonce à aucun endroit que l'appartenance à une association nationale, membre direct de Cembureau, est un fait pertinent pour la détermination du début de la participation des membres indirects de Cembureau à l'infraction constituée par l'accord Cembureau (CG, paragraphes 9, 59 et 61). En outre, le texte même de la CG contient des éléments qui contredisent une telle lecture de la CG.

557. En premier lieu, la CG indique (paragraphe 61, troisième alinéa), que l'accord Cembureau a été "arrêté" par Cembureau et ses membres. Elle fait aussi état (paragraphe 59, premier alinéa) des dispositifs et des mesures "arrêtés dans la structure institutionnelle de Cembureau".

558. Pour ce qui concerne les non-membres de Cembureau, les termes utilisés sont différents: la Commission relève (paragraphe 61, premier alinéa) "l'adhésion des entreprises en cause à la règle commune du marché domestique". Ces entreprises ne portaient donc pas, selon la CG, la responsabilité de l'adoption de l'accord Cembureau. Elles étaient censées avoir adhéré à l'accord Cembureau à travers leur participation à une ou plusieurs mesures de mise en œuvre de cet accord (voir ci-dessus point 542).

559. L'organisation des auditions au cours de la procédure administrative a été déterminée par cette même approche (voir ci-après points 664 à 674). Ainsi, seuls Cembureau et les entreprises et associations d'entreprises qui, dans la CG, avaient été considérées comme des membres directs de Cembureau ont eu la possibilité de s'exprimer oralement au cours des auditions consacrées spécifiquement à l'accord Cembureau, dès lors que ces parties étaient censées avoir arrêté cet accord. Les membres indirects de Cembureau, ainsi que Buzzi, qui étaient censés avoir adhéré à l'accord Cembureau à travers leur participation à une mesure de mise en œuvre de celui-ci, se sont vu allouer un temps de parole uniquement dans le cadre des auditions consacrées aux mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau (voir ci-après points 665 et 666).

560. Comme une adhésion à un accord se réalise ex nunc, le recours au concept de l'adhésion pour les non- membres de Cembureau au cours de la procédure administrative confirme que, à ce stade, la Commission n'avait pas l'intention de se fonder sur l'appartenance des membres indirects de Cembureau à une association nationale pour leur imputer l'infraction constituée par l'accord Cembureau à compter de l'adoption de celui-ci.

561. En second lieu, au paragraphe 59 de la partie "appréciation juridique" de la CG, la Commission a annoncé que "l'ensemble des arrangements arrêtés dans le cadre de Cembureau et des réunions et contacts bilatéraux et multilatéraux a constitué un 'accord unique et continu, à partir des dates ci-dessous indiquées". Si la Commission considérait alors que la participation des membres indirects de Cembureau à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau constituait la manifestation de leur participation à cet accord à partir de la date à laquelle celui-ci avait été conclu, au motif qu'ils avaient été représentés par leurs associations nationales au cours de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, elle n'aurait pas fait référence, dans la CG, à "des dates" de départ pour leur participation à l'accord unique et continu Cembureau, mais à la date du 14 janvier 1983, comme elle l'a fait au paragraphe 65, point 3, premier alinéa, de la décision attaquée (voir ci-dessus point 546).

562. Il s'ensuit que, dans la CG, la Commission a considéré que les entreprises qui n'étaient pas des membres directs de Cembureau ont adhéré à l'accord Cembureau à compter de la date de leur participation à une mesure de mise en œuvre de cet accord. Elle ne faisait à cet égard aucune distinction entre les membres indirects de Cembureau et Buzzi, qui n'est membre ni direct ni indirect de l'association. En effet, comme l'accord Cembureau avait été arrêté par Cembureau et ses membres, toutes les autres entreprises, non membres de Cembureau, étaient censées avoir adhéré ex nunc à l'accord Cembureau à partir de la date de leur participation à une mesure de mise en œuvre. Dans la décision attaquée, toutefois, la construction de l'adhésion à l'accord Cembureau pour les non- membres de Cembureau à partir de la date de "leur" mise en œuvre n'a été retenue qu'à l'égard de Buzzi (paragraphe 65, point 4, et article 1er). A la différence des membres indirects de Cembureau, cette entreprise n'avait, en effet, pas été représentée au cours des réunions des chefs de délégation par une association nationale.

563. Il y a donc lieu de conclure que, en raison du défaut de concordance entre la CG et la décision attaquée, la Commission n'était pas en droit de retenir, dans cette dernière, l'appartenance des membres indirects de Cembureau à une association nationale membre de Cembureau comme critère d'imputation de l'infraction constituée par l'accord Cembureau.

564. Cette constatation ne saurait toutefois conduire à l'annulation de l'article 1er de la décision attaquée dans son intégralité à l'égard de tous les membres indirects de Cembureau destinataires de la décision attaquée. En effet dès lors que le fait qui est resté occulté au cours de la procédure administrative a conduit la Commission à constater, dans la décision attaquée, que les membres indirects de Cembureau qui ont pris part à une ou plusieurs des mesures de mise en œuvre visées aux articles 3 à 6 de la décision attaquée ont participé à l'accord Cembureau à partir du 14 janvier 1983 (voir ci-dessus points 551 et 552), le défaut de concordance entre la CG et la décision attaquée a affecté la défense des membres indirects de Cembureau dans la seule mesure où la décision attaquée retient comme point de départ pour leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée une date antérieure à la date de leur première mise en œuvre de l'accord Cembureau.

565. Cette conclusion ne porte donc pas à conséquence pour les membres indirects de Cembureau qui, selon la CG et la décision attaquée, ont participé à une infraction qualifiée de mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau qui a débuté avant ou à la date retenue à l'article 1er de la décision attaquée comme point de départ pour leur participation à l'infraction constituée par l'accord Cembureau. Ainsi, Dyckerhoff, Ciments français, Heidelberger et Lafarge ont été identifiées dans la CG [paragraphe 61, sous d)] et dans la décision attaquée [paragraphe 50, et article 3, paragraphe 3, sous a)] comme ayant participé à l'entente franco-allemande qui aurait commencé le 23 juin 1982. Dès lors, même si, dans la décision attaquée, la Commission n'avait attaché aucune importance à l'appartenance de ces entreprises au SFIC ou au BDZ, elle aurait également retenu le 14 janvier 1983 comme point de départ de leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée. En effet, les entreprises concernées seraient censées avoir adhéré à l'accord Cembureau à travers leur participation à l'entente franco-allemande. Le présent argument doit également être rejeté pour autant qu'il a été invoqué par Valenciana, Hornos Ibéricos et Blue Circle. En effet, aux termes de la CG (chapitre 12, paragraphe 67) et de la décision attaquée (paragraphe 59, et article 6), ces entreprises ont participé à une pratique concertée dans le cadre de l'EPC visant au respect des marchés nationaux respectifs de la Communauté, au moins à partir du 1er juillet 1981 pour ce qui concerne Blue Circle, et du 1er janvier 1986 pour ce qui concerne Valenciana et Hornos Ibéricos (CG, chapitre 12, paragraphe 67, et décision attaquée, article 6). Si la Commission avait considéré, sans se référer à une quelconque appartenance à une association nationale, que ces entreprises avaient adhéré à l'accord Cembureau à travers leur seule participation à une mesure de mise en œuvre de cet accord, elle aurait retenu le 14 janvier 1983 vis-à-vis de Blue Circle et le 1er janvier 1986 vis-à-vis de Valenciana et d'Hornos Ibéricos comme point de départ de leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée. Or, ces dates correspondent aux dates de départ mentionnées à cet article du dispositif de la décision attaquée pour ces entreprises. Pour les mêmes motifs, l'argument de Cimpor et de Secil doit être rejeté. Aux termes de la CG et de la décision attaquée, elles auraient participé à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau, à savoir l'entente ibérique, dont la date de départ a été fixée dans la CG et dans la décision attaquée au 1er janvier 1986 [CG, chapitre 10, paragraphe 61, sous c); décision attaquée, paragraphe 49, et article 3, paragraphe 2]. Cette date correspond à la date qui a été retenue à l'encontre de ces entreprises à l'article 1er de la décision attaquée.

566. En revanche, pour CBR, ENCI, Vicat, Rugby, Asland, Castle et Uniland, il y a lieu de constater que la Commission aurait retenu une autre date de départ pour leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée, dans l'hypothèse où, sans se fonder sur l'appartenance de ces entreprises à une association nationale, membre direct de Cembureau, elle aurait considéré que ces entreprises avaient adhéré à l'accord Cembureau à travers leur seule participation à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau. En effet, les mesures de mise en œuvre auxquelles auraient participé CBR, ENCI, Vicat, Rugby et Castle étant toutes postérieures au 14 janvier 1983, ce n'est qu'en se basant sur leur appartenance à une association nationale, membre direct de Cembureau, que la Commission a pu considérer que ces entreprises ont participé à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée à partir de cette date. Pour ce qui concerne Asland et Uniland, la Commission a aussi, par le biais de leur participation à Oficemen, retenu la date du 1er janvier 1986 comme point de départ de leur participation à cette même infraction, dès lors que le point de départ des mesures de mise en œuvre auxquelles ces deux sociétés auraient participé est postérieur à cette date.

567. L'article 1er de la décision attaquée sera donc annulé dans la mesure où il retient à l'encontre de CBR, ENCI, Vicat, Rugby, Asland, Castle et Uniland, en ce qui concerne le début de leur participation à l'infraction constituée par l'accord Cembureau, une date antérieure à la date de leur première mesure de mise en œuvre de cet accord. Pour Vicat, il y a lieu de considérer qu'elle a été à même de se défendre contre le grief tiré de son adhésion à l'accord Cembureau à travers sa participation, à partir du 11 mai 1983, à une prétendue entente franco-italienne avec Buzzi [décision attaquée, article 3, paragraphe 1, sous c)]. CBR, Rugby, Asland et Uniland ont pu se défendre sur la question de leur adhésion à l'accord Cembureau à travers leur participation, à partir du 28 mai 1986 pour CBR, Asland et Uniland (décision attaquée, article 4, paragraphe 1), et à partir du 16 juin 1986 pour ce qui concerne Rugby [décision attaquée, article 4, paragraphe 4, sous a)], à une ou plusieurs prétendues mesures prises dans le cadre de l'ETF. Enfin, ENCI et Castle ont pu se défendre sur le grief tiré de leur adhésion à l'accord Cembureau à travers leur participation, à partir du 14 mars 1984, aux prétendues pratiques concertées dans le cadre de l'ECEC (article 5 de la décision attaquée).

568. Il résulte de ce qui précède que l'article 1er de la décision attaquée doit, à ce stade, être annulé dans la mesure où il fixe le point de départ de la participation à l'infraction avant le 11 mai 1983 en ce qui concerne Vicat, avant le 14 mars 1984 en ce qui concerne ENCI et Castle, avant le 28 mai 1986 en ce qui concerne CBR, Asland et Uniland, et avant le 16 juin 1986 en ce qui concerne Rugby.

1.3. Durée de la participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée

569. La FIC, Ciments français, Aalborg, Unicem et Uniland (T-58-95) dénoncent, dans leur requête, le manque de précision de la CG pour ce qui concerne le point de départ de leur participation à l'accord Cembureau. Aker et Euroc critiquent le fait que, à la différence de la CG, la décision attaquée [paragraphe 65, point 3, sous a), point 4, et point 9, sous a)] les a considérées comme ayant participé directement à la conclusion de l'accord Cembureau dès son origine.

570. Ces arguments, pour autant qu'ils sont soulevés par des membres indirects de Cembureau, se confondent avec celui selon lequel la Commission n'avait pas suffisamment précisé dans la CG qu'elle allait se fonder sur l'appartenance des membres indirects à une association nationale pour retenir leur participation à l'accord Cembureau visé à l'article 1er de la décision attaquée, à partir d'une date antérieure à leur première prétendue mise en œuvre de cet accord. L'argument invoqué par Ciments français doit donc être rejeté (voir ci-dessus point 565), tandis que celui soulevé par Uniland sera accueilli (voir ci-dessus points 566 à 568).

571. Il convient encore d'examiner si, à la lecture de la CG, la FIC, Aalborg, Unicem, Aker et Euroc ont pu se rendre compte que la Commission leur reprochait d'avoir participé à l'accord Cembureau à partir de la date de départ fixée à l'article 1er de la décision attaquée.

572. La CG énonce [paragraphe 61, sous a)] que le "'Cembureau Agreement or Principle of not transhipping to internal European markets constitue un accord et/ou une pratique concertée entre Cembureau et ses membres, en vigueur au moins à partir de 1983". Dans son paragraphe 9, se référant explicitement à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, elle relève que "plusieurs documents de Cembureau relatifs aux réunions de son organe appelé 'Head Delegates font état du fait que le 'Cembureau Agreement or Principle a été développé et établi au sein de cette association européenne de ciment". Elle indique ainsi d'une manière suffisamment claire que l'accord Cembureau, visé ensuite à l'article 1er de la décision attaquée, constituait dans le chef de Cembureau et de ses membres, au moins à partir du 14 janvier 1983, une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

573.La FIC, Aalborg et Unicem, membres directs de Cembureau identifiés comme tels au paragraphe 6 de la CG, ne peuvent donc invoquer un prétendu manque de clarté de la CG en ce qui concerne le point de départ de l'infraction retenue à l'article 1er de la décision. Quant à Aker et Euroc, la CG ne les mentionne pas, dans son paragraphe 6, parmi les membres directs de Cembureau. Cependant, elles-mêmes ont déclaré, dans leur réponse à la CG, qu'elles avaient cette qualité (réponse conjointe d'Aker et d'Euroc à la CG, points 2.1.10 et 2.2.8; annexe 2 aux requêtes dans les affaires T-70-95 et T-71-95). Elles ne sauraient donc alléguer une violation de leurs droits de la défense liée au fait que la Commission les a traitées comme des membres directs de Cembureau dans la décision attaquée. L'argument d'Aker et d'Euroc doit donc être rejeté.

574. En ce qui concerne la fin de l'infraction constatée à l'article 1er de la décision attaquée, Ciments français, Lafarge, Uniland, Italcementi et Hornos Ibéricos soulignent que le paragraphe 65, point 4, de celle-ci a retenu le 26 mars 1993, soit une date postérieure à la date de notification de la CG. La Commission aurait de la sorte procédé à une extension illicite de la durée de l'infraction sans permettre aux entreprises concernées de faire connaître utilement leur point de vue sur cette question. Unicem et l'AGCI critiquent le fait qu'aucun terme final n'a été spécifié dans la CG pour l'accord Cembureau, tandis qu'Heracles prétend que la CG n'indiquait pas si, selon la Commission, l'accord Cembureau avait ou non cessé d'être en vigueur au moment de la rédaction de la CG.

575. Il convient de relever que l'article 1er de la décision attaquée ne fixe aucune date de fin de l'infraction. Au paragraphe 65, point 4, de la décision, la Commission indique en effet qu'elle n'est "pas certaine que l'infraction ait jamais réellement cessé". Ce n'est donc qu'aux fins du calcul de l'amende qu'elle retient la date du 26 mars 1993 comme date de fin de l'infraction.

576. Déjà au stade de la CG, elle s'était abstenue de fixer une date de fin d'infraction pour la plupart des infractions reprochées, y compris celle constituée par l'accord Cembureau. A cet égard, elle estimait au paragraphe 93 de la CG: "[...] presque la totalité [des] ententes continuent." Cette dernière indication s'appliquait donc aux infractions pour lesquelles la CG ne déterminait pas une date précise de fin d'infraction. Dans ces conditions, les destinataires de la CG étaient en mesure de comprendre que la Commission entendait constater dans la décision attaquée, notamment en ce qui concerne l'accord Cembureau, une durée d'infraction allant au-delà de la date de la CG. Partant, les droits de la défense des entreprises/associations concernées n'ont pas été violés.

577. Hornos Ibéricos critique encore le fait que, dans la décision attaquée (paragraphe 65, point 4), la durée de l'infraction retenue contre elle s'étend jusqu'au 26 mars 1993, date de dissolution d'Interciment, alors que la CG n'aurait mentionné aucun lien entre elle et Interciment.

578. Il ressort de la CG (voir ci-dessus points 537 à 541) qu'Hornos Ibéricos était censée avoir adhéré à l'accord Cembureau à travers sa participation aux activités infractionnelles de l'EPC. Comme la CG indiquait d'une manière suffisamment claire que la Commission estimait que l'infraction constituée par l'accord Cembureau se poursuivait au moment de sa rédaction, la Commission n'a pas violé les droits de la défense de la requérante en retenant, dans la décision attaquée, la date du 26 mars 1993. Il convient de souligner que, pas plus que la CG, la décision attaquée ne retient la participation de la requérante dans Interciment. La Commission a uniquement opposé à l'ensemble des destinataires de la décision attaquée la date de la dissolution d'Interciment comme date de fin de la période de référence de l'amende au motif qu'il se serait agi de la "dernière manifestation apparente et connue [de l'accord Cembureau]" (décision attaquée, paragraphe 65, point 4). L'argument d'Hornos Ibéricos doit donc être rejeté.

579. Enfin, Heracles (T-57-95) soutient que la lecture du paragraphe 37, deuxième alinéa, de la CG (relations Royaume-Uni-continent) lui a donné à penser que la Commission considérait que sa participation à l'accord Cembureau avait pris fin en 1986, lorsqu'elle aurait violé la règle de respect des marchés domestiques en exportant du ciment au Royaume-Uni.

580. Il convient de rappeler que, dans la CG, la Commission considérait que les infractions pour lesquelles elle n'indiquait pas de date précise de fin d'infraction se poursuivaient (voir ci-dessus point 576). Tel était le cas, notamment, de la participation d'Heracles à l'accord Cembureau. En outre, la CG retenait à l'encontre d'Heracles des griefs relatifs à sa participation à des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau bien au-delà de 1986 [participation dans le cadre de l'ETF à des carrot actions visées aux paragraphes 20 et 61, sous h), v), de la CG; participation aux activités de l'EPC visées aux paragraphes 27 et 67 de la CG]. Dans ces conditions, la requérante ne saurait prétendre que la lecture du paragraphe 37 de la CG l'a induite en erreur.

1.4. Conclusions

581. L'argumentation tirée par CBR, ENCI, Vicat, Rugby, Asland, Castle et Uniland du caractère imprécis de la CG en ce qui concerne leur participation à l'accord Cembureau justifie l'annulation partielle de l'article 1er de la décision attaquée (voir ci-dessus point 568). Pour le surplus, l'argumentation examinée doit être rejetée.

2. Degré de précision de la CG quant à la participation des parties requérantes aux échanges d'informations sur les prix et quant à la durée de cette infraction

582. La VNC (T-32-95), Ciments luxembourgeois (T-34-95), le SFIC (T-36-95), Aalborg (T-44-95), le BDZ (T- 48-95), Unicem (T-50-95), la BCA (T-54-95) et l'ATIC (T-63-95) reprochent à la Commission de ne pas avoir indiqué de manière suffisamment claire, dans la CG, si elle leur imputait le grief tiré des échanges d'informations sur les prix.

583. Il y a lieu d'observer que le paragraphe 8 de la partie "les faits" de la CG est intitulé "La circulation des prix entre les membres de Cembureau" et que le paragraphe 60 de la partie "appréciation juridique", qui renvoie au paragraphe 8, explique que "la circulation d'informations sur les tarifs, en vigueur au moins à partir de 1983, constitue une pratique concertée entre Cembureau et ses membres". Or, la VNC, Ciments luxembourgeois, le SFIC, Aalborg, le BDZ, Unicem, la BCA et l'ATIC ont tous été explicitement identifiés, au paragraphe 6 de la CG, comme étant des membres de Cembureau. Dans ces conditions, ils étaient en mesure de comprendre, à la lecture de la CG, que la Commission leur reprochait une participation aux échanges d'informations en cause.

584. Unicem estime encore que ses droits de la défense ont été violés, dès lors que la CG ne précisait pas la date à laquelle auraient cessé les échanges d'informations dans le cadre de Cembureau. Cet argument doit être rejeté pour les motifs énoncés ci-dessus au point 576.

3. Degré de précision de la CG quant à la participation des parties requérantes aux ententes bi- et multilatérales visées à l'article 3 de la décision attaquée

585. Cimpor (T-61-95) soutient que la lecture de la CG ne lui a pas permis de distinguer le grief tiré d'une répartition du marché portugais du grief relatif au marché ibérique. En effet, l'entente ibérique aurait été visée dans les chapitres internationaux de la CG et les deux griefs auraient été repris dans les chapitres de ladite CG relatifs au Portugal.

586. Cet argument doit être rejeté. Cimpor ne se plaint pas d'un manque de précision des passages des chapitres internationaux de la CG concernant l'entente ibérique [chapitre 2, paragraphe 11, et chapitre 10, paragraphe 61, sous c)], qui est visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée. Même si les chapitres 9 et 19 de la CG relatifs au Portugal reprennent quelques éléments de cette entente ibérique sous les titres "Mouvements de ciment entre le Portugal et l'Espagne" [paragraphes 56, sous b), et 90], une telle répétition et une explication supplémentaire ne peuvent avoir nui à la défense de la requérante.

587. Secil (T-62-95) affirme que la lecture de la CG ne lui a pas permis de déceler la date du début de l'entente ibérique visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée et la date de la fin de l'entente portugaise.

588. Il convient de constater que, au paragraphe 61, sous c), de la CG consacré à l'"entente ibérique", la Commission estimait:

"Les accords convenus entre l'association des producteurs espagnols Oficemen, assistée par les producteurs membres Valenciana, Asland, Cosmos, [Hornos Ibéricos], Valderrivas, et les producteurs portugais Cimpor et Secil [...] dans le but de ne pas livrer dans leurs territoires de vente traditionnels réciproques constituent, à partir du 1er janvier 1986, des restrictions aux ventes de ciment et une répartition de marché au sens de la lettre c) de l'article 85 (1)."

589. Le début de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée a donc clairement été mentionné dans la CG.

590. Quant au grief tiré de l'absence d'indication de la date de fin de l'entente portugaise, il est sans pertinence, dès lors que les griefs nationaux n'ont pas été repris dans la décision attaquée.

591. En ce qui concerne l'entente franco-allemande, Dyckerhoff (T-35-95), le SFIC (T-36-95), Heidelberger (T- 42-95) et le BDZ (T-48-95) font valoir que la CG ne précisait pas d'une manière suffisamment claire qu'il leur était reproché d'avoir participé à des accords et à des pratiques concertées portant sur la réglementation des livraisons de ciment de la France vers l'Allemagne et de l'Allemagne vers la France, infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée. Le SFIC et le BDZ reprochent encore à la Commission de ne pas avoir formulé de manière suffisamment claire dans la CG le grief visé à l'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, concernant leur participation à la pratique concertée portant sur l'échange d'informations visant à contrôler le respect des limitations quantitatives à l'exportation entre la France et l'Allemagne ainsi que la ventilation des exportations en cause en fonction du Land de destination. Ces parties requérantes auraient ainsi été empêchées de faire valoir utilement leur défense concernant leur participation à l'entente franco-allemande.

592. Cet argument doit aussi être rejeté. En effet, Dyckerhoff, le SFIC, Heidelberger et le BDZ ont été nommément identifiés au paragraphe 61, sous d), de la CG intitulé "L'entente franco-allemande" comme étant parties aux "accords et-ou pratiques concertées [...] concernant les livraisons françaises en Allemagne et les livraisons allemandes en France".

593. En outre, dans le même paragraphe 61, sous d) (troisième alinéa), de la CG, il avait été indiqué:

"Les échanges de données statistiques entre le [SFIC] et le BDZ constituent une pratique concertée restrictive de concurrence au sens de l'article 85 (1) [...] En fait, ces échanges sont à mettre en relation avec les accords et/ou pratiques relatives à la répartition du marché [franco-allemand] et visent à permettre aux deux associations intéressées le contrôle des quantités cibles admises à l'exportation ainsi que leur destination par Land."

4. Degré de précision de la CG quant à la participation des parties requérantes à la constitution de l'ETF et aux mesures prises dans le cadre de celle-ci, visées à l'article 4 de la décision attaquée, et quant à la durée de ces infractions

594. Dyckerhoff (T-35-95), le SFIC (T-36-95), Heidelberger (T-42-95), Aalborg (T-44-95), le BDZ (T-48-95), Unicem (T-50-95), Asland (T-55-95), Uniland (T-58-95) et Blue Circle (T-88-95) font valoir que leur participation à l'accord portant sur la constitution de l'ETF, infraction visée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, ne leur a pas été reprochée dans la CG.

595. Cet argument doit être rejeté. Le paragraphe 17 de la partie "les faits" de la CG est intitulé "Constitution et activité de 'Cembureau Task Force or European Task Force". Le paragraphe 61, sous h), premier alinéa, de la partie "appréciation juridique" indique que "[l]es accords et les pratiques convenus au sein de 'Cembureau Task Force' or European Task Force' (par. 16 à 20) doivent être considérés comme l'exécution d'un dessein unique préétabli par [...] Blue Circle [...] Asland, Uniland, [... le SFIC], [...], le BDZ, Heidelberger, Dyckerhoff, [...] Aalborg [...] Unicem [...] contre les producteurs grecs pour avoir enfreint la règle du marché domestique". Ces entreprises et associations devaient donc être conscientes que la Commission leur reprochait d'avoir préétabli un dessein unique contre les exportations grecques, dessein qui, à la lecture conjointe des paragraphes 17 et 61, sous h), de la CG, portait notamment sur l'accord constitutif de l'ETF.

596. Dyckerhoff, le SFIC, Heidelberger, le BDZ, Unicem, Asland, Uniland et Blue Circle soutiennent ensuite que la CG ne leur reprochait pas d'avoir participé à la constitution d'Interciment. Ces parties requérantes n'auraient donc pas pu se défendre contre le grief visé à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée.

597. Cet argument doit aussi être rejeté. En effet, les parties requérantes concernées ont été identifiées au paragraphe 61, sous h), i), quatrième alinéa, de la partie "appréciation juridique" de la CG comme des parties à l'accord de constitution d'Interciment.

598. Dyckerhoff, le SFIC, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, le BDZ, Unicem, Asland, Uniland et Blue Circle font également valoir que la CG ne leur reprochait pas d'avoir participé à des pratiques concertées visant à ce que Calcestruzzi ne soit plus cliente des producteurs grecs, en particulier de Titan. Ils n'auraient donc pas pu se défendre contre le grief visé à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée. Unicem n'aurait pas non plus eu l'occasion de se défendre contre le grief tiré d'une participation à l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée et se rapportant à l'accord conclu entre Unicem, Italcementi et Cementir, dont le but était d'éviter des importations par Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce.

599. Il y a lieu de souligner que, au paragraphe 19, sous d), troisième alinéa, de la partie "les faits" de la CG, intitulé "Les mesures de défense des marchés nationaux: Italie", la Commission relève:

"Dès la signature du contrat entre Titan et Calcestruzzi, les producteurs italiens de ciment, en particulier Italcementi, Unicem et Cementir, ont porté le problème au niveau de la Cembureau Task Force et ont demandé l'aide de leurs confrères européens. En effet, le problème des importations de ciment par Calcestruzzi se trouve inscrit dans toutes les réunions de la Cembureau Task Force."

600. Au paragraphe 61, sous h), iv), de la partie "appréciation juridique" de la CG, elle précise:

"Les pressions exercées sur Calcestruzzi et la non-exécution de la part de Calcestruzzi du contrat d'achat de ciment de Titan sont l'effet d'accords et/ou de pratiques concertées entre les producteurs italiens Italcementi, Unicem et Cementir et ceux-ci et les autres participants à la 'Cembureau Task Force' visant à soustraire aux producteurs grecs un client important pour pénétrer sur le marché italien."

601. Les griefs liés aux mesures de défense du marché italien étaient donc explicitement dirigés, notamment, contre Unicem, à laquelle la Commission reprochait d'avoir participé, d'une part, à des accords et/ou pratiques concertées avec les autres producteurs italiens et, d'autre part, à des accords et/ou pratiques concertées avec les autres membres de l'ETF. Cette partie requérante ne saurait donc se plaindre d'un manque de précision de la CG concernant sa participation aux infractions visées à l'article 4, paragraphe 3, sous a) et sous b), de la décision attaquée.

602. En ce qui concerne Dyckerhoff, le SFIC, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, le BDZ, Asland, Uniland et Blue Circle, ils étaient identifiés dans la CG [paragraphe 61, sous h), premier alinéa] comme des parties à un "dessein unique préétabli [...] contre les producteurs grecs", soit, en d'autres termes, comme des participants à la "Cembureau Task Force or European Task Force". Ils étaient donc en mesure de comprendre, à la lecture de la CG, que la Commission leur adressait, comme aux autres participants à l'ETF, le grief relatif aux pressions exercées sur Calcestruzzi. Ils ont donc pu se défendre contre le grief visé à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée portant sur les pratiques concertées visant à ce que Calcestruzzi ne soit plus cliente des producteurs grecs, en particulier de Titan.

603. Titan (T-64-95) soutient que la CG ne précisait pas clairement si elle était l'un des producteurs européens de ciment accusés de se livrer à des activités illégales dirigées contre les producteurs grecs ou, au contraire, une victime de ces activités illicites.

604. Il convient de relever que la CG ne reprochait nullement à Titan d'avoir été partie à l'accord constitutif de l'ETF [CG, paragraphe 61, sous h), premier alinéa], à l'accord constitutif d'Interciment [CG, paragraphe 61, sous h), i)] et aux mesures de défense du marché italien [CG, paragraphe 61, sous h), iv)].

605. En revanche, le paragraphe 61, sous h), v), de la partie "appréciation juridique" de la CG énonçait clairement:

"Tous les contrats énumérés au par. 20 [contrats dont un certain nombre concernait Titan] sont des accords contraires à l'article 85, paragraphe 1. En effet, ainsi qu'il ressort de l'exposé des paragraphes 16 à 20, ces contrats font partie des 'carrot actions adoptées par Cembureau Task Force dans le but de déplacer le surplus de la production grecque et leur stipulation a été subordonnée de façon claire à ce que les producteurs grecs cessent leurs livraisons directes en Europe."

606. A la lecture de ces extraits de la CG, Titan était donc en mesure de comprendre que, dans le cadre de l'ETF, la Commission lui reprochait d'avoir participé, à travers la conclusion des contrats la concernant, énumérés au paragraphe 20 de la CG, à des accords illicites avec des producteurs membres de l'ETF, en ce que, en échange de la conclusion de ces contrats, elle aurait promis de cesser ses livraisons directes en Europe. Il s'ensuit que l'argument de Titan doit être rejeté.

607. Blue Circle ne saurait davantage prétendre que la CG ne mentionnait pas d'une manière suffisamment claire sa participation aux carrot actions visées à l'article 4, paragraphe 4, sous a) et sous b), de la décision attaquée. Les accords mentionnés au paragraphe 20, sous a), de la partie "les faits" de la CG concernent, en effet, notamment, une entente entre les différents producteurs britanniques, visée à l'article 4, paragraphe 4, sous a), de la décision attaquée, et l'accord entre Blue Circle et Titan, visé à l'article 4, paragraphe 4, sous b), de la même décision.

608. Il convient de rappeler que, au paragraphe 61, sous h), v), de la partie "appréciation juridique" de la CG, la Commission estime:

"Tous les contrats énumérés au par. 20 sont des accords contraires à l'article 85, paragraphe 1. En effet, ainsi qu'il ressort de l'exposé des paragraphes 16 à 20, ces contrats font partie des 'carrot actions adoptées par Cembureau Task Force dans le but de déplacer le surplus de la production grecque et leur stipulation a été subordonnée de façon claire à ce que les producteurs grecs cessent leurs livraisons directes en Europe."

609. Blue Circle était donc en mesure de comprendre que, dans le cadre de l'ETF, la Commission lui reprochait d'avoir participé aux carrot actions qui sont retenues à l'article 4, paragraphe 4, sous a) et sous b), de la décision attaquée.

610. Unicem soutient que ses droits de la défense ont été violés, dès lors que la CG ne faisait état d'aucune date de fin d'infraction pour les griefs relatifs à l'ETF.

611. Elle ajoute que la CG ne mentionnait même pas une date de début d'infraction pour les griefs relatifs à la constitution d'Interciment (décision attaquée, article 4, paragraphe 2) et les mesures de défense du marché italien [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a) et sous b)].

612. Elle soutient encore que ses droits de la défense ont été violés en ce que sa prétendue participation à Interciment lui est reprochée, dans la décision attaquée, jusqu'au 26 mars 1993, date de la dissolution de cette société, qui est postérieure à la notification de la CG.

613. Il y a lieu d'observer que, dans la CG [paragraphe 61, sous h)], il était reproché à Unicem d'avoir participé aux "accords et [aux] pratiques convenus au sein de 'Cembureau Task Force or European Task Force" à partir de 1986. Unicem a donc pu valablement se défendre contre les griefs tirés de sa participation à la constitution d'Interciment (décision attaquée, article 4, paragraphe 2) et des mesures de défense du marché italien [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a) et sous b)] à compter du début de l'année 1986.

614. Ses arguments, pris d'une violation de ses droits de la défense en ce que la CG n'indiquait pas de date de fin pour les différentes infractions visées à l'article 4 de la décision attaquée et en ce que la Commission aurait fixé pour l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 2, une date de fin d'infraction postérieure à l'envoi de la CG, doivent être rejetés pour les motifs énoncés ci-dessus au point 576.

5. Degré de précision de la CG quant à la participation des parties requérantes aux pratiques concertées dans le cadre des comités à l'exportation, visées aux articles 5 et 6 de la décision attaquée, et quant à la durée de ces infractions

615. ENCI (T-31/95), Dyckerhoff (T-35/95), le SFIC (T-36/95), Aalborg (T-44/95), le BDZ (T-48/95) et Unicem (T-50/95) font valoir que la CG ne leur reprochait pas d'avoir participé à des pratiques concertées dans le cadre de l'ECEC. Ils n'auraient donc pas pu se défendre contre le grief visé à l'article 5 de la décision attaquée.

616. Cet argument doit être rejeté. En effet, en vertu du paragraphe 66 de la partie "appréciation juridique" de la CG, intitulé "Les ententes au sein d[e l]'ECEC", "l'accord de constitution d[e l]'ECEC et les accords et/ou pratiques concertées relatifs à l'exportation dans les pays tiers" étaient explicitement reprochés à l'"ECMEC et [aux] membres d[e l]'ECEC" (paragraphe 66, cinquième alinéa). Or, ENCI, Dyckerhoff, le SFIC, Aalborg, le BDZ et Unicem étaient nommément désignés dans la CG (paragraphe 25) comme des membres de l'ECEC.

617. ENCI souligne toutefois que, dans la CG qui lui a été notifiée, la Commission s'est limitée à déclarer que les ententes au sein de l'ECEC constituaient une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité par l'ECMEC et ses membres. Or, ENCI n'aurait jamais été membre de l'ECMEC. Elle rappelle que, en réponse à une demande de précisions concernant les griefs qui étaient spécifiquement retenus contre elle dans la CG, la Commission a expressément indiqué que seuls les griefs pour lesquels ENCI avait été nommément citée seraient mis à sa charge (lettre du 12 février 1992, annexe 15 à la requête). De même, dans l'affaire en référé (T-14-92 R, précitée), la Commission aurait confirmé que seuls les griefs pour lesquels ENCI avait été nommément citée dans la CG avaient été mis à sa charge (mémoire en défense de la Commission dans l'affaire T-14-92 R, point 24, annexe 17 à la requête). ENCI ajoute que, au cours des auditions, elle a précisé à plusieurs reprises qu'elle avait construit sa défense en considérant que seuls les griefs pour lesquels elle était nommément citée lui étaient reprochés. Lors desdites auditions, aucun représentant de la Commission ne lui aurait toutefois signalé qu'elle avait mal compris la CG et les commentaires de la Commission à cet égard.

618. Cet argument doit être rejeté pour les motifs énoncés ci-dessus aux points 530 à 534.

619. ENCI prétend par ailleurs qu'il est pratiquement impossible de déterminer avec précision les accusations concrètes contenues dans la CG et l'identité de ses prétendus auteurs et que ce défaut de précision caractérise également la décision attaquée.

620. Cet argument doit aussi être rejeté. Pour les raisons exposées ci-dessus aux points 528 à 536, il y a lieu de considérer qu'ENCI était en mesure de comprendre, à la lecture de la CG, que la Commission lui reprochait une participation à l'accord Cembureau et une participation aux ententes dans le cadre de l'ECEC. De même, la décision attaquée identifie nommément ENCI dans le cadre de ces deux infractions [participation à l'accord Cembureau (décision attaquée, paragraphes 45, point 10, 65, points 3 et 9, et article 1er); participation à l'ECEC (décision attaquée, paragraphes 31, point 3, 58, points 3 et 7, et article 5)].

621. Unicem soutient que ses droits de la défense ont été violés, dès lors que la CG ne faisait état d'aucune date de fin d'infraction pour les ententes au sein de l'ECEC.

622. Cet argument doit être rejeté pour les motifs énoncés ci-dessus au point 576.

623. S'agissant de la pratique concertée dans le cadre de l'EPC, Valenciana (T-52-95) et Blue Circle (T-88-95) font valoir que le caractère imprécis de la CG les a empêchées de prendre connaissance du grief tiré de leur participation à cette entente, qui est visée à l'article 6 de la décision attaquée.

624. Force est de constater que le paragraphe 67 de la CG, relatif à l'"appréciation juridique" des activités de l'EPC, retient que les membres de l'EPC ont commis une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité en constituant l'EPC et en participant à des accords et/ou pratiques concertées concernant la coopération à l'exportation dans les pays tiers.

625. Dans la mesure où Valenciana et Blue Circle ont été nommément mentionnées au paragraphe 27 de la partie "les faits" de la CG comme étant des membres de l'EPC, ces parties requérantes ne sauraient se plaindre d'un manque de précision de la CG pour ce qui concerne le grief tiré de leur participation à l'infraction visée à l'article 6 de la décision attaquée.

626. Il ressort de l'ensemble de ce qui précède que l'argumentation tirée d'un manque de précision de la CG doit être rejetée, sauf en ce qui concerne CBR, ENCI, Vicat, Rugby, Asland, Castle et Uniland, dont les droits de la défense ont été violés, dès lors que la CG ne leur permettait pas de comprendre que la Commission allait retenir une date antérieure à "leur" mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau comme point de départ de leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (voir ci-dessus points 566 à 568). Sur le septième moyen, tiré de violations des droits de la défense et de l'article 3 du règlement n° 1, résultant du défaut de traduction de certains documents

627. CBR (T-25-95), ENCI (T-31-95), la VNC (T-32-95), Dyckerhoff (T-35-95), Heidelberger (T-42-95), Aalborg (T-44-95), Unicem (T-50-95), Valenciana (T-52-95), Castle (T-56-95), Heracles (T-57-95), Uniland (T-58-95), Oficemen (T-59-95), Irish Cement (T-60-95), Cimpor (T-61-95), Secil (T-62-95), l'ATIC (T-63-95), Holderbank (T-68-95), Hornos Ibéricos (T-69-95), Aker (T-70-95) et Euroc (T-71-95) estiment que la Commission a violé l'article 3 du règlement n° 1 et leurs droits de la défense en omettant, au cours de la procédure administrative, de leur fournir la traduction de certains documents dans la langue de l'Etat membre sur le territoire duquel elles sont établies.

628. Dyckerhoff, Heidelberger, Valenciana, Castle, Uniland, Secil, Hornos Ibéricos, Aker et Euroc reprochent ainsi à la Commission d'avoir omis de fournir une traduction de certains éléments de preuve utilisés à l'appui de la CG. CBR, Dyckerhoff, Heidelberger, Aalborg, Valenciana, Castle, Oficemen, Irish Cement, Cimpor, Aker et Euroc lui reprochent de ne pas avoir traduit, dans la langue de l'Etat membre sur le territoire duquel elles sont établies, certains passages de la CG et, notamment, des extraits des documents cités dans celle-ci. Dyckerhoff, Aalborg, Valenciana, Oficemen, Cimpor et Secil critiquent aussi l'absence de traduction des procès-verbaux des auditions.

629. L'article 3 du règlement n° 1 dispose:

"Les textes adressés par les institutions à un Etat membre ou à une personne relevant de la juridiction d'un Etat membre sont rédigés dans la langue de cet Etat."

630. Le régime linguistique prévu à l'article 3 du règlement n° 1 s'applique seulement aux textes adressés par les institutions à des destinataires déterminés (arrêt Tréfilunion/Commission, cité au point 223 ci-dessus, point 21).

631. La Commission n'est pas tenue de fournir une traduction des annexes à la CG (arrêt Tréfilunion/Commission, cité au point 223 ci-dessus, point 21). Il ne s'agit pas de "textes" au sens de l'article 3 du règlement n° 1. En effet, ces documents n'émanent pas de la Commission, mais sont des pièces à conviction sur lesquelles la Commission s'appuie.

632. Dès lors, l'argument selon lequel la Commission a violé l'article 3 du règlement n° 1 en ne mettant pas à la disposition des destinataires de la CG une traduction des éléments de preuve sur lesquels celle-ci était fondée doit être rejeté.

633. S'agissant des documents que la Commission cite littéralement dans la CG à l'appui des griefs, ils ne peuvent davantage être considérés comme émanant de cette institution, bien que la CG soit un "texte" de la Commission au sens de l'article 3 du règlement n° 1 (arrêt Tréfilunion/Commission, cité au point 223 ci-dessus, point 21). Les passages de ces documents cités dans la CG émanent non pas de la Commission, mais de certains producteurs de ciment ou de leurs associations professionnelles. Au demeurant, la traduction que la Commission ferait éventuellement d'un document émanant d'une entreprise ou d'une association d'entreprises ne pourrait jamais être considérée comme une version authentique faisant foi.

634. Dès lors, la circonstance que la CG comporte diverses citations non traduites de documents émanant d'entreprises et d'associations d'entreprises ne saurait non plus être considérée comme une violation de l'article 3 du règlement n° 1.

635. Il convient encore d'ajouter que, pour l'appréciation de la force probante des éléments de preuve invoqués par la Commission à l'appui de sa CG et, partant, pour la préparation d'une défense contre une CG, s'impose un accès aux éléments de preuve mêmes plutôt qu'à une traduction non officielle de ceux-ci. Le respect des droits de la défense exige donc que les destinataires de la CG puissent accéder au cours de la procédure administrative à l'ensemble des documents à charge dans leurs versions originales (voir aussi ci-dessus points 323, 324 et 364). Ce principe n'impose toutefois pas à la Commission l'obligation de traduire dans la langue de l'Etat membre où les destinataires de la CG sont établis des documents cités dans la CG ou utilisés à l'appui de celle-ci. Il s'ensuit que l'argument des parties requérantes identifiées ci-dessus au point 627, tiré d'une violation de leurs droits de la défense, résultant du fait que la Commission a omis de fournir une traduction de certains éléments de preuve qu'elle cite dans la CG ou qu'elle a utilisés à l'appui de la CG, doit être rejeté.

636. En ce qui concerne l'absence de traduction des procès-verbaux des auditions, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99-63, les déclarations essentielles de chaque personne entendue sont consignées dans un procès-verbal qui est approuvé par elle après lecture. Les procès-verbaux d'audition ont uniquement pour but de reproduire par écrit les interventions verbales des différentes parties dans la langue utilisée par elles afin que ces parties puissent vérifier si leurs propres déclarations ont été correctement enregistrées (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48-69, Rec. p. 619, ci-après "arrêt ICI/Commission, 48-69", point 29). Ils ne constituent donc pas des textes au sens de l'article 3 du règlement n° 1, émanant de la Commission. Dans ces conditions, l'argument de Dyckerhoff, Aalborg, Valenciana, Oficemen, Cimpor et Secil selon lequel la Commission aurait violé l'article 3 du règlement n° 1 en omettant de fournir une traduction des procès-verbaux des auditions doit être rejeté. En outre, les parties requérantes concernées ont, au cours de l'audition, eu la possibilité d'écouter l'interprétation simultanée des différentes déclarations faites. Dès lors, elles ne sauraient non plus se plaindre d'une violation de leurs droits de la défense.

637. Aalborg fait valoir que, lorsque la Commission fait une traduction d'un extrait de document dans la CG, elle est tenue de mettre à la disposition des destinataires de la CG une traduction de l'intégralité de la pièce, afin de permettre une bonne compréhension du contexte de l'extrait. Elle se réfère à cet égard à la déclaration faite en grec par M. Kalogeropoulos au conseil d'administration d'Heracles du 25 juin 1986 (documents n° 33.126/19875 à 19877; voir ci-après point 816), dont un extrait est reproduit au paragraphe 9 de la CG, traduit dans la langue de l'Etat membre sur le territoire duquel la requérante, destinataire de la CG, est établie, à savoir le danois. Le reste du document n'existerait qu'en grec.

638. Cet argument doit être rejeté. Dès lors que la Commission n'est pas tenue de préparer des traductions des documents qu'elle cite dans la CG, elle ne peut pas non plus être obligée de traduire dans son intégralité un document dont elle traduit, de sa propre initiative et sans obligation, un extrait dans la langue de l'Etat membre sur le territoire duquel le destinataire de la CG est établi.

639. Heracles estime que la Commission aurait dû traduire sa réponse à la CG et ses interventions au cours des auditions de mars 1993 dans une langue autre que le grec. En omettant de le faire, l'institution aurait privé Heracles de la possibilité de faire connaître sa défense de façon satisfaisante aux membres de la Commission. Pour les mêmes motifs, le comité consultatif n'aurait pas été consulté de manière satisfaisante.

640. Cet argument doit être rejeté. Heracles a en effet omis de démontrer, à partir du contenu de la décision attaquée, qu'elle n'a pas été comprise correctement. En tout état de cause, la Commission est une institution multilingue qui doit être considérée comme capable de comprendre les documents qui lui sont présentés dans l'une des langues officielles de la Communauté. En outre, rien ne permet de constater que le comité consultatif n'a pas été en mesure de rendre son avis en pleine connaissance de cause des questions dont il avait été saisi.

641. Cimpor, Secil et l'ATIC dénoncent le fait que la liste (voir ci-dessus point 5) n'a pas été rédigée en portugais et leur a été communiquée en français. Il s'agirait d'une pièce de procédure fondamentale pour l'exercice de leurs droits de la défense. Cimpor et Secil font encore valoir que la lettre de la Commission du 17 février 1992, qui a prolongé le délai de réponse à la CG jusqu'au 23 mars 1992 ou jusqu'au 27 mars 1992 pour les destinataires de la CG qui s'étaient engagés à déposer le mémoire en réponse en 20 exemplaires, a aussi été rédigée en français. Secil ajoute que la convocation aux auditions, datée du 5 février 1993, n'a pas non plus été rédigée en portugais. Dyckerhoff reproche à la Commission de lui avoir communiqué la liste (voir ci-dessus point 5) en français et non en allemand.

642. En ce qui concerne ces documents, il y a effectivement lieu de constater une violation de l'article 3 du règlement n° 1. Il s'agit de textes émanant de la Commission qui devaient être rédigés dans la langue de l'Etat membre sur le territoire duquel le destinataire de la CG était établi.

643. Toutefois, lorsqu'une institution adresse à une personne relevant de la juridiction d'un Etat membre un texte qui n'est pas rédigé dans la langue de cet Etat, l'irrégularité commise, pour regrettable qu'elle soit, ne vicie la procédure que si des conséquences préjudiciables en résultent pour cette personne dans le cadre de la procédure administrative (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41-69, Rec. p. 661, point 52; arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994, Parker Pen/Commission, T-77-92, Rec. p. II-549, point 74).

644. Or, tel n'a manifestement pas été le cas en l'espèce. En ce qui concerne la liste (voir ci-dessus point 5), qui a été adressée en français à Cimpor, à Secil et à l'ATIC, personnes morales de droit portugais, et à Dyckerhoff, société de droit allemand, elle comprenait une numérotation continue des documents, une indication de la nature des documents, une classification en documents "accessibles", "partiellement accessibles" et "non accessibles", et l'indication du classeur dans lequel les documents en question étaient répertoriés (voir ci-dessus point 96). Les parties requérantes concernées ne contestent pas avoir eu accès à tout document qualifié d'accessible sur la liste (voir ci-dessus point 5). Par suite, le fait que la liste (voir ci-dessus point 5) était rédigée en français ne les a pas empêchées d'accéder aux documents du dossier d'instruction dans les conditions spécifiées sur la liste (voir ci-dessus point 5). S'agissant de la lettre prolongeant les délais de réponse à la CG, le fait qu'elle n'a pas été rédigée en portugais n'a pas davantage empêché Cimpor et Secil de bénéficier d'une prolongation de délai. Ainsi, Cimpor a adressé à la Commission sa réponse à la CG le 24 mars 1992 (annexe 29 à la requête). Quant à Secil, elle a, par lettre du 20 février 1992, accusé réception de la lettre de la Commission du 17 février 1992 en rappelant que la Commission avait prorogé le délai de réponse jusqu'au 27 mars 1992 (annexe 12 à la requête). Enfin, le fait que la convocation aux auditions adressée à Secil n'a pas été rédigée en portugais n'a pas empêché cette dernière d'être présente auxdites auditions.

645. Dès lors, en l'absence de conséquences préjudiciables au cours de la procédure administrative, l'argument dirigé contre ces documents par les parties requérantes concernées ne peut être accueilli. Pour les mêmes motifs, celui tiré d'une violation des droits de la défense doit être rejeté.

646. Il résulte de tout ce qui précède que le septième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

Sur le huitième moyen, tiré d'une violation des droits de la défense résultant d'une traduction incorrecte et d'une citation incorrecte de certains documents

647. Castle (T-56-95), Aker (T-70-95) et Euroc (T-71-95) soutiennent que la Commission a violé leurs droits de la défense en traduisant ou en citant erronément certains documents dans la CG.

648. En premier lieu, la déclaration du président d'Heracles du 25 juin 1986 (CG, paragraphe 9; décision attaquée, paragraphe 18, point 5; documents n° 33.126/19875 à 19877; voir ci-après point 816) et la note manuscrite d'Italcementi sur le comité exécutif du 14 avril 1986 (CG, paragraphe 7, in fine; décision attaquée, paragraphe 17, point 9; document n° 33.126/3185) n'auraient pas été traduites correctement. En particulier, la déclaration du président d'Heracles, dans sa version originale et contrairement à la traduction de la Commission, ne ferait pas état de "négociations" et de "cartel britannique". En ce qui concerne la note d'Italcementi, la CG, dans sa version en anglais, aurait traduit l'extrait "trovare delle regole del gioco tra di noi per evitare concorrenza non corretta" en "rules must be established between us to prevent improper competition" ("des règles doivent être établies entre nous pour éviter une concurrence non correcte"). Or, la traduction exacte serait "to find rules of the game between us to prevent improper competition" ("trouver des règles du jeu entre nous pour éviter une concurrence non correcte").

649. Il est constant que les deux documents en cause figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Castle, Aker et Euroc disposaient donc de leurs versions originales au stade de la procédure administrative. Rien ne les empêchait donc d'attirer l'attention de la Commission, déjà à ce stade, sur d'éventuelles erreurs de traduction commises dans la CG. Dans ces conditions, il ne saurait être question d'une violation de leurs droits de la défense.

650. En second lieu, Castle, Aker et Euroc font valoir que, à la page 44 de la version en anglais de la CG (paragraphe 18), la Commission allègue à propos de la souscription au capital d'Interciment que, lors de la réunion des chefs de délégation du 6 novembre 1986, "it was agreed that non EEC-based compan[ies] would take up their shareholding for the present" ("il fut convenu que des sociétés non basées dans la Communauté lèveraient leurs titres maintenant"), alors que le texte de l'élément de preuve dont la Commission a extrait cette citation, à savoir les documents n° 33.126/19007 et 19008, indiquerait que "no EEC-based company would take up their shareholding for the present" ("aucune des sociétés basées dans la Communauté ne lèverait ses titres pour le moment").

651. Il y a lieu de constater que les documents n° 33.126/19007 et 19008 figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Les parties requérantes disposaient donc au cours de la procédure administrative de la version originale desdits documents, ce qui leur aurait permis de constater l'erreur de citation déjà lors de la procédure administrative et de faire valoir leurs arguments à ce propos dès ce stade. En toute hypothèse, l'erreur de citation a été corrigée dans la décision attaquée. Au paragraphe 26, point 10, de celle-ci, la Commission, se référant aux deux documents en cause, note que, à la réunion des chefs de délégation de Bruxelles du 6 novembre 1986, il a été décidé qu'"aucune société communautaire ne souscrirait au capital d'Interciment". Les parties requérantes prétendent que c'est à la suite de leurs interventions au cours des auditions (requête dans l'affaire T-56-95, point 5.5.3, et requêtes dans les affaires T-70-95 et T-71-95, point 4.5.3) que la Commission a été contrainte d'admettre qu'elle avait commis une erreur. Dans la mesure où c'est précisément l'exercice utile de leurs droits de la défense qui a amené la Commission à corriger une erreur commise dans la CG, l'argument de Castle, d'Aker et d'Euroc tiré d'une violation de leurs droits de la défense doit de toute évidence être rejeté (voir arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73, 55-73, 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, points 437 et 438, et arrêt du Tribunal du 7 octobre 1999, Irish Sugar Plc/Commission, T- 228-97, non encore publié au Recueil, point 34).

Sur le neuvième moyen, tiré de violations des droits de la défense et de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 99-63, résultant du caractère inapproprié du délai de réponse à la CG

652. Dyckerhoff (T-35-95), Heidelberger (T-42-95), Buzzi (T-51-95) et Secil (T-62-95) font valoir que la Commission a violé leurs droits de la défense et l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 99-63, en leur accordant un délai inapproprié pour la préparation de leur réponse à la CG. Elles rappellent qu'elles ont bénéficié d'un délai de réponse initial de deux mois et que, peu avant son expiration, ce délai a été prorogé d'un mois, puis une nouvelle fois d'un mois. Elles prétendent qu'elles auraient préparé leur réponse à la CG de manière beaucoup plus approfondie si le délai avait été fixé, dès le départ, à quatre mois. Heidelberger et Buzzi ajoutent qu'elles ont été obligées de rédiger la réponse à la CG sous la pression constante des délais sans jamais pouvoir compter, au moment même de la rédaction, sur une prolongation desdits délais. Heidelberger fait encore valoir qu'elle a renoncé à la traduction de plusieurs documents, eu égard au fait qu'il ne lui restait pas suffisamment de temps pour exploiter les documents en question avant l'expiration du délai.

653. Il y a lieu de rappeler que l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 99-63, qui vise à garantir aux destinataires de la CG un délai suffisant pour l'exercice utile de leurs droits de la défense, dispose que la Commission, en fixant ce délai, d'une durée minimale de deux semaines, doit prendre en considération le temps nécessaire à l'établissement des observations ainsi que l'urgence de l'affaire. Le délai accordé doit être apprécié concrètement en fonction de la difficulté du cas d'espèce (arrêts de la Cour, Suiker Unie e.a./Commission, cité au point 651 ci-dessus, points 94 à 99, et du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27-76, Rec. p. 207, points 272 et 273).

654. Au cours de la procédure administrative ayant conduit aux présentes procédures, les destinataires de la CG ont bénéficié, pour préparer leur réponse, d'un délai initial de deux mois prorogé à deux reprises d'un mois, soit un délai total de quatre mois, de la fin de novembre 1991 à la fin de mars 1992. Compte tenu de toutes les particularités des affaires en cause, ce délai de quatre mois était suffisant. Quant à l'argument selon lequel seul le délai de deux mois initialement fixé serait pertinent pour l'appréciation du présent moyen, il convient de constater que, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Suiker Unie e.a./Commission, cité au point 651 ci-dessus, qui était également une affaire complexe, la Cour a jugé (points 94 à 99 de l'arrêt) qu'un délai de deux mois était raisonnable. Par ailleurs, comme le relève la Commission, le délai initialement accordé n'a pas le caractère excessivement bref que tentent de lui assigner les parties requérantes concernées, s'il est comparé au délai de deux mois prévu à l'article 173, cinquième alinéa, du traité pour l'introduction d'un recours en annulation. Enfin, même si les parties requérantes concernées ont préparé une réponse à la CG en supposant qu'elles ne disposaient que d'un délai de deux mois, elles ont finalement disposé, après les prorogations, de deux mois supplémentaires pour remanier et approfondir leurs réponses.

655. L'argument de Heidelberger selon lequel elle aurait renoncé à la traduction de plusieurs documents doit aussi être rejeté. En effet, faute d'identifier ceux des documents qui, rédigés dans une langue autre que l'allemand, auraient pu être utiles pour sa défense, la partie requérante concernée ne démontre pas en quoi ses droits de la défense ont été affectés par la fixation du délai de réponse à la CG.

656. Il s'ensuit que le neuvième moyen doit être rejeté.

Sur le dixième moyen, tiré de violations des droits de la défense, de l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17, et des articles 7, paragraphe 1, 8, paragraphe 1, et 9 du règlement n° 99-63, résultant de l'organisation défectueuse des auditions

A Observations liminaires

657. Les auditions ont eu lieu du 1er mars au 1er avril 1993. Tous les destinataires de la CG ont été invités à participer à une "séance plénière" les 1er et 2 mars 1993, consacrée au marché du ciment. Du 3 au 18 mars 1993, des auditions ont eu lieu concernant la partie internationale de la CG. Ont pu y assister tous les destinataires de la CG qui avaient reçu communication de cette partie de la CG. Toutes les parties requérantes dans les présentes affaires ont donc été invitées à assister aux auditions consacrées au marché du ciment et à la partie internationale de la CG. Les auditions organisées du 22 mars au 1er avril 1993 ont eu trait aux différents chapitres nationaux de la CG. La participation à ces auditions était réservée aux entreprises et associations d'entreprises destinataires de ces chapitres nationaux de la CG (voir ci-dessus points 12 et 94).

658. Le présent moyen se décompose en trois branches. La première branche est tirée d'une violation des droits de la défense et des articles 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et 7, paragraphe 1, du règlement n° 99-63 (B). La deuxième branche est prise d'une violation de l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 99-63 (C) et la troisième d'une violation de l'article 9 de ce dernier règlement (D).

B Sur la première branche, tirée d'une violation des droits de la défense et des articles 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et 7, paragraphe 1, du règlement n° 99-63

659. ENCI (T-31-95), la VNC (T-32-95), le SFIC (T-36-95), Vicat (T-37-95), Ciments français (T-39-95), Heidelberger (T-42-95), Lafarge (T-43-95), Aalborg (T-44-95), Valenciana (T-52-95), Asland (T-55-95), Castle (T-56-95), Uniland (T-58-95), Oficemen (T-59-95), Irish Cement (T-60-95), Cimpor (T-61-95), Secil (T-62-95), l'ATIC (T-63-95), Aker (T-70-95) et Euroc (T-71-95) estiment que l'organisation des auditions au cours de la procédure administrative a violé leurs droits de la défense. Lafarge et Valenciana soutiennent en outre que l'attitude de la Commission a violé l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17. Valenciana, Oficemen, Aker et Euroc invoquent aussi une violation de l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 99-63.

660. L'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 dispose que la Commission doit donner aux entreprises et associations d'entreprises impliquées dans une procédure d'application de l'article 85, paragraphe 1, et/ou de l'article 86 du traité l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission. En vertu de l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 99-63, elle est tenue de donner "aux personnes qui l'ont demandé dans leurs observations écrites l'occasion de développer verbalement leur point de vue si celles-ci ont justifié d'un intérêt suffisant à cet effet ou si la Commission se propose de leur infliger une amende ou une astreinte". Ces deux dispositions réglementaires consacrent le principe fondamental du droit communautaire selon lequel les droits de la défense doivent être respectés dans toute procédure susceptible d'aboutir à des sanctions. Dès lors, les arguments des parties requérantes tirés, d'une part, d'une violation des droits de la défense et, d'autre part, d'une violation de l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17, et de l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 99-63 se confondent et doivent être analysés conjointement.

661. Les arguments des parties requérantes concernées peuvent être regroupés en quatre catégories. Ils seront examinés successivement. Il conviendra d'apprécier d'abord celui tiré de l'imposition unilatérale par le conseiller- auditeur d'un schéma pour le déroulement des auditions (1). Ensuite, seront examinées les prétendues irrégularités commises à l'occasion des auditions concernant les griefs internationaux (2) et à l'occasion des auditions concernant les griefs nationaux (3). Enfin, seront examinées les autres prétendues irrégularités commises à l'occasion des auditions (4).

1. Sur le schéma des auditions imposé par le conseiller-auditeur

662. Le SFIC, Heidelberger, Lafarge, Valenciana et Castle critiquent le fait que les auditions ont été organisées suivant un schéma imposé unilatéralement par le conseiller-auditeur. L'approche de la Commission les aurait empêchés d'organiser leur défense librement.

663. Cet argument doit être rejeté. Les auditions ont été organisées en suivant l'ordre de formulation des différents griefs dans la CG. Le respect d'un tel ordre facilite en principe la préparation de la défense des parties intéressées. En tout état de cause, le simple fait que la Commission impose un schéma pour le déroulement des auditions ne constitue pas en soi une violation des droits de la défense. Une telle violation ne pourra être constatée que si les parties requérantes concernées démontrent que l'organisation des auditions les a empêchées d'assister aux auditions se rapportant aux griefs qui leur sont adressés ou de développer verbalement des arguments à propos de tels griefs. Or, ces questions seront précisément examinées ci-après aux points 664 à 701.

2. Sur les prétendues irrégularités commises à l'occasion des auditions concernant les griefs internationaux

664. Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Asland, Uniland, Aker et Euroc soutiennent qu'elles n'ont pas eu la possibilité de s'exprimer oralement sur l'accord Cembureau, bien que cette infraction ait été retenue contre elles à l'article 1er de la décision attaquée. Aker et Euroc ajoutent que la seule partie des auditions auxquelles elles ont été invitées à présenter leurs observations était celle consacrée, les 11 et 12 mars 1993, à l'ETF.

665. Force est de constater que les parties requérantes mentionnées au point précédent ont pu assister aux auditions se rapportant aux chapitres de la CG dont elles ont reçu communication. Toutes ont donc pu assister aux auditions relatives aux ententes internationales. Toutefois, seuls Cembureau et les entreprises et associations d'entreprises qui, dans la CG, ont été considérées comme des membres directs de Cembureau ont eu la possibilité de s'exprimer oralement au cours des auditions qui se sont déroulées du 3 au 5 mars 1993 et qui étaient consacrées, notamment, à la conclusion de l'accord Cembureau. Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Asland, Uniland, qui ne sont pas des membres directs de Cembureau, ainsi qu'Aker et Euroc qui, dans la CG, n'étaient pas considérées comme des membres directs de Cembureau (voir ci-dessus point 516), se sont ainsi vu allouer, au cours des auditions qui se sont déroulées du 5 au 18 mars 1993, un temps de parole uniquement dans le cadre des auditions consacrées aux différentes mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau auxquelles elles auraient participé.

666. Il convient de rappeler que, dans l'optique de la CG, les entreprises non membres directs de Cembureau sont considérées comme ayant adhéré à l'accord Cembureau à travers leur participation à des "mesures de mise en œuvre" de cet accord, lequel a été arrêté par Cembureau et ses membres (voir ci-dessus points 511 à 542). Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Asland, Uniland, Aker et Euroc ont ainsi, dans le cadre des auditions relatives aux mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau auxquelles il leur était reproché d'avoir participé, disposé de la possibilité d'exprimer oralement leur point de vue non seulement sur la matérialité des faits reprochés, mais également sur le prétendu lien entre les faits reprochés et l'accord Cembureau. Rien ne les empêchait par ailleurs, au cours des auditions relatives aux mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau, de développer des arguments mettant en cause l'existence même de cet accord. Leur argument selon lequel elles n'auraient pas eu la possibilité de s'exprimer oralement sur l'accord Cembureau ou leur participation à celui-ci manque donc en fait et doit être rejeté.

667. Heidelberger prétend que le programme des auditions l'a induite en erreur. Aucun droit de parole ne lui ayant été accordé à propos de sa prétendue participation à l'accord Cembureau et à plusieurs mesures de mise en œuvre de cet accord, elle en aurait déduit qu'elle n'était pas concernée par ces griefs.

668. Pour les raisons exposées ci-dessus aux points 516 à 542, il y a lieu de considérer que Heidelberger était en mesure de comprendre, à la lecture de la CG, que la Commission lui reprochait une participation à l'accord Cembureau. En outre, la CG reprochait d'une manière suffisamment claire une participation de Heidelberger à l'entente franco-allemande et à des mesures prises dans le cadre de l'ETF (voir ci-dessus points 591 à 602), seules mesures de mise en œuvre reprochées à cette partie requérante dans la décision attaquée. Le programme des auditions parvenu à celle-ci un an environ après le dépôt de sa réponse à la CG, laquelle répondait à tous ces griefs, ne peut donc nullement l'avoir induite en erreur quant aux griefs qui lui étaient reprochés. En tout état de cause, Heidelberger a pu s'exprimer oralement le 8 mars 1993 sur sa prétendue participation à l'entente franco- allemande, puis les 11 et 12 mars 1993 sur sa prétendue participation à des mesures prises dans le cadre de l'ETF. Au cours de ces auditions, elle a pu développer ses arguments relatifs à l'existence de l'accord Cembureau et à sa participation à celui-ci. Dans ces conditions, son argument doit être rejeté.

669. Heidelberger se plaint encore de ne pas avoir eu droit à la parole au cours de la séance plénière des 1er et 2 mars 1993 séance à laquelle elle ne conteste pas avoir participé, au cours de laquelle il fut question du marché du ciment.

670. Cet argument doit également être rejeté. En effet, rien n'empêchait Heidelberger de contester, au cours des auditions pendant lesquelles elle a été autorisée à présenter ses observations, à savoir, notamment, celles des 8, 11 et 12 mars 1993, l'analyse du marché du ciment présentée par la Commission au chapitre 1 de la CG.

671. Heidelberger soutient enfin que, dès lors que la Commission, aux termes de la décision attaquée, considérait les différentes actions bilatérales et multilatérales qu'elle dénonce comme constitutives d'un accord unique et continu, elle-même aurait dû avoir la possibilité de s'exprimer au cours des auditions relatives à l'ensemble des prétendues mesures de mise en œuvre de cet accord.

672. Cependant, il doit être constaté que la Commission n'a jamais considéré que Heidelberger a participé à tous les éléments constitutifs de l'accord unique et continu Cembureau. Aux termes de la décision attaquée, la requérante n'a participé qu'à deux mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau, à savoir l'entente franco- allemande [décision attaquée, article 3, paragraphe 3, sous a)] et l'ETF [décision attaquée, article 4, paragraphes 1 à 3, sous a)]. Or, il est constant que Heidelberger a pu s'exprimer au cours des auditions des 8, 11 et 12 mars 1993 à propos de ces mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau. Le fait qu'elle n'a pas pu se prononcer oralement sur des griefs qui ne lui étaient pas adressés n'a pas pu nuire à sa défense.

673. Lafarge, quant à elle, prétend encore avoir disposé d'un laps de temps insuffisant pour couvrir la partie internationale du dossier au cours des auditions. Il existerait un décalage manifeste entre la place qui lui a été accordée lors des auditions et la responsabilité globale qui lui a finalement été imputée dans la décision attaquée.

674. Force est de constater que le temps de parole imparti aux différentes entreprises et associations d'entreprises au cours des auditions était fonction du nombre de griefs qui leur étaient adressés dans la CG. Lafarge s'est vu impartir un temps de parole de 30 minutes pour chacune des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau qui lui ont été reprochées dans la décision attaquée. Dans ces circonstances, elle ne saurait invoquer un décalage entre la place qui lui fut accordée lors des auditions et la responsabilité globale finalement imputée. Elle n'avance, en outre, aucun élément concret de nature à démontrer que le temps de parole imparti était insuffisant. En effet, elle ne démontre nullement que le prétendu manque de temps de parole l'aurait empêchée de formuler ou d'élaborer un argument qui aurait pu faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. L'argument de Lafarge ne peut donc être accueilli.

3. Sur les prétendues irrégularités commises à l'occasion des auditions concernant les griefs nationaux

675. Le SFIC, Vicat, Ciments français, Lafarge, Valenciana, Castle, Uniland, Oficemen, l'ATIC, Aker et Euroc dénoncent le fait qu'ils n'ont pas pu assister aux auditions relatives aux ententes nationales des autres Etats membres concernés.

676. Il est constant que la participation aux auditions relatives aux ententes nationales a été restreinte. Elle a été réservée aux entreprises et à l'association de l'Etat membre en cause et donc aux entreprises et à l'association qui avaient reçu communication des chapitres nationaux concernés de la CG.

677. Toutefois, le fait que des parties requérantes n'ont pas pu assister aux auditions concernant les ententes nationales autres que celle de l'Etat membre sur le territoire duquel elles sont établies n'a pas pu nuire à leur défense. Il convient de rappeler à cet égard que, nonobstant le fait que le paragraphe 93, sous b), de la CG fait état d'un lien indissociable entre ententes nationales et ententes internationales, l'accord Cembureau et ses mesures de mise en œuvre au niveau international ne dépendent en rien de l'existence des ententes nationales (voir ci-dessus points 110 à 120). Par ailleurs, les griefs nationaux n'ont pas été repris dans la décision attaquée et les parties requérantes concernées n'ont pas démontré que la décision attaquée repose sur des informations recueillies au cours des auditions relatives aux ententes nationales.

678. Dans ces conditions, l'argument soulevé par les onze parties requérantes susvisées doit être rejeté.

679. Heidelberger dénonce le fait que, au cours des auditions relatives aux ententes nationales, les entreprises et associations d'entreprises concernées n'ont pas été autorisées à s'exprimer sur les ententes internationales. Uniland reproche à la Commission de ne pas lui avoir permis de se prononcer sur les griefs internationaux lors de l'audition consacrée au marché espagnol.

680. Il y a lieu de rappeler que Heidelberger a pu développer oralement ses arguments relatifs à toutes les infractions qui lui sont reprochées dans la décision attaquée au cours des auditions consacrées aux ententes internationales (voir ci-dessus point 668). Quant à Uniland, elle a, selon la décision attaquée, participé à l'infraction constituée par l'accord Cembureau (article 1er) et à des infractions dans le cadre de l'ETF [article 4, paragraphes 1 à 3, sous a)]. Elle a eu l'occasion de s'exprimer sur ces griefs lors de l'audition consacrée à l'ETF, les 11 et 12 mars 1993. Dans ces circonstances, le fait que les parties requérantes concernées n'ont pas pu se prononcer sur les griefs internationaux lors des auditions consacrées aux marchés nationaux n'a pas pu nuire à leur défense.

681. Lafarge déplore avoir dû se contenter d'un temps de parole de 70 minutes pour sa présentation concernant l'entente française. Cet argument est dénué de pertinence, dès lors que le grief relatif à l'entente française n'est pas retenu dans la décision attaquée.

4. Autres irrégularités qui auraient été commises à l'occasion des auditions

682. Irish Cement, Cimpor, Secil et l'ATIC prétendent qu'elles auraient dû avoir l'occasion de participer à toutes les auditions. Le droit d'être entendu serait également un droit d'entendre. Cependant, en l'absence d'éléments montrant que la Commission se serait fondée dans la décision attaquée sur des informations obtenues au cours des auditions auxquelles ces parties requérantes n'ont pas pu participer, et en l'absence de tout indice confirmant que des éléments à la décharge de ces parties requérantes auraient pu être communiqués au cours de ces mêmes auditions, cet argument doit être rejeté.

683. Le SFIC soutient que la Commission s'est fondée sur des réponses "auto-incriminantes" données au cours des auditions pour constater l'infraction relative aux échanges d'informations entre le SFIC et le BDZ [décision attaquée, article 3, paragraphe 3, sous b)]. En réalité, le paragraphe de la décision attaquée auquel se réfère le SFIC (paragraphe 22, point 18) mentionne des explications avancées au cours des auditions par le BDZ, et non par le SFIC. Il ne saurait donc être question d'une "auto-incrimination" du SFIC. De surcroît, la Commission n'a pas fondé l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée sur des déclarations faites par le BDZ au cours des auditions. Après avoir évoqué les réponses du BDZ au cours des auditions, elle indique (décision attaquée, paragraphe 22, point 18): "Malgré les arguments développés par écrit et oralement par le [BDZ], la Commission n'a pas réussi à trouver des explications valables en ce qui concerne l'allocation des quantités importées aux différents Länder." Elle expose ensuite (paragraphe 22, point 18, cinquième et sixième alinéas) pourquoi les arguments du BDZ doivent être rejetés. Dès lors, loin de baser l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée sur des éléments apportés par le BDZ au cours des auditions, la Commission, dans le passage concerné de la décision attaquée, a uniquement exposé les raisons pour lesquelles elle rejette les explications concernant les échanges des données statistiques entre le SFIC et le BDZ que ce dernier avait développées au cours des auditions. L'argument du SFIC ne peut donc pas être accueilli.

684. ENCI et la VNC reprochent à la Commission de ne pas avoir adopté une attitude impartiale à leur égard durant l'audition du 8 mars 1993, en refusant de prendre en considération les arguments qu'elles avançaient. Elles se réfèrent à cet égard à une déclaration de M. Guerrin faite au cours de l'audition.

685. Force est de constater que, à cette occasion, M. Guerrin a déclaré: "[...] la Commission [...] n'est pas en mesure de suivre un certain nombre d'observations émises [par les participants aux auditions]." Cependant, si la Commission est tenue de donner l'occasion aux destinataires d'une CG de prendre position et de se défendre à l'égard des griefs qui leur sont adressés, elle n'est pas obligée d'accueillir favorablement tous les arguments présentés. Par conséquent, ENCI et la VNC ne sauraient invoquer une violation de leurs droits de la défense du fait de l'observation formulée par M. Guerrin.

686. Lafarge soutient que, au cours des auditions, elle n'a pas été autorisée à s'expliquer sur sa stratégie concurrentielle, au-delà des griefs imputés, alors qu'elle en avait expressément fait la demande.

687. Il doit être souligné que Lafarge était libre d'organiser comme elle le désirait le temps de parole qui lui avait été imparti. Il s'ensuit que l'argument examiné doit aussi être rejeté.

688. Aker et Euroc critiquent enfin le fait que, au cours des auditions, leur filiale britannique Castle et elles-mêmes n'ont pas été traitées par la Commission comme des entités distinctes.

689. Cet argument, dont Aker et Euroc ne tirent aucune conclusion de fait ou de droit, doit être rejeté.

690. Il résulte de tout ce qui précède que la première branche du dixième moyen doit être rejetée.

C Sur la deuxième branche, tirée d'une violation de l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 99-63

691. Valenciana (T-52-95) fait valoir que la Commission a violé l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 99-63, en lui accordant un délai insuffisant pour la préparation des auditions.

692. L'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 99-63 dispose que "la Commission convoque les personnes à entendre pour la date qu'elle fixe", sans fournir aucune indication quant au délai à respecter.

693. Il est constant que Valenciana a été convoquée par lettre du 5 février 1993 (annexe 12 à la requête) aux auditions qui se sont tenues à partir du 1er mars 1993. La Commission ne conteste pas que la partie requérante a reçu cette lettre le 6 février 1993. Valenciana a ainsi disposé d'un délai de 22 jours entre la convocation aux auditions et la tenue de celles-ci.

694. Valenciana ne produit aucun élément de nature à démontrer que ce délai de 22 jours n'a pas suffi pour la préparation des auditions. Par ailleurs, comme il ressort de sa réponse du 11 décembre 1997 à une question écrite du Tribunal, elle n'a même pas demandé à la Commission, avant la tenue des auditions, de reporter celles-ci au motif qu'elle ne disposait pas de suffisamment de temps pour la préparation de son exposé oral.

695. Il s'ensuit que la deuxième branche du dixième moyen doit être rejetée.

D Sur la troisième branche, tirée d'une violation de l'article 9 du règlement n° 99-63

696. Lafarge (T-43-95) fait valoir que la Commission a violé l'article 9, paragraphe 3, du règlement n° 99-63 en lui refusant le droit d'être entendue séparément à propos des griefs relatifs au marché franco-allemand. Aalborg (T- 44-95) reproche à la Commission de ne pas avoir bénéficié d'une audition séparée, en violation de la même disposition.

697. Ces arguments doivent être rejetés pour manque de précision. Les parties requérantes concernées n'expliquent pas en quoi leurs droits de la défense ont été violés du fait d'une absence d'audition séparée. En tout état de cause, en vertu de l'article 9, paragraphe 3, du règlement n° 99-63, la Commission est libre d'entendre les personnes séparément ou en présence d'autres personnes convoquées (conclusions de l'avocat général M. Darmon sous l'arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, Rec. p. I-1445, point 155).

698. Lafarge dénonce encore le fait que les documents relatifs à l'ETF, qu'elle avait présentés lors des auditions, n'ont pas été annexés au procès-verbal d'audition.

699. L'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99-63 dispose que "les déclarations essentielles de chaque personne entendue sont consignées dans un procès-verbal". Lafarge n'ayant pas identifié les documents qui auraient dû être joints au procès-verbal ni expliqué pourquoi ces documents auraient dû être assimilés à une déclaration essentielle au sens de la disposition précitée, son argument doit être rejeté.

700. Il s'ensuit que la troisième branche du dixième moyen doit aussi être rejetée.

701. Il résulte de tout ce qui précède que ce dixième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

Sur le onzième moyen, tiré d'une violation du principe de l'enquête d'office

702. Dyckerhoff (T-35-95) soutient que la décision attaquée porte atteinte au principe de l'enquête d'office. D'une part, la Commission aurait négligé d'examiner la question des aides d'Etat grecques, alors qu'il se serait agi de l'unique raison ayant amené Dyckerhoff à participer aux réunions des producteurs européens de ciment analysées dans la décision attaquée. D'autre part, elle n'aurait pas suffisamment examiné les dossiers relatifs aux discussions sur le système des points de parité, alors que ces dossiers contiendraient l'explication de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983. Elle n'aurait donc pas respecté son obligation d'examiner avec soin et impartialité tous les moyens de preuve pertinents.

703. L'argument relatif à la question des aides d'Etat grecques doit être rejeté. La Commission a pris en considération ces aides accordées par l'Etat grec à son industrie du ciment dans les années 80, comme le démontrent le paragraphe 24, point 2, la note en bas de page n° 115, ainsi que, d'une manière générale, le paragraphe 25 de la décision attaquée. Au paragraphe 53, point 8, de celle-ci, la Commission expose en détail les raisons qui l'amènent à rejeter les observations formulées par certaines entreprises au cours de la procédure administrative, selon lesquelles "l'article 85, paragraphe 1, ne serait pas applicable aux membres de l'[ETF] du fait que ceux-ci auraient agi en état de légitime défense contre les exportations des producteurs grecs qui recevaient des aides illicites de la part des autorités de leur pays". Pour le reste, il y a lieu de renvoyer ci-après aux points 2552 à 2561 quant à l'appréciation au fond de l'argumentation de cette partie requérante.

704. S'agissant de l'autre argument, relatif au système des points de parité, il doit être rejeté pour les motifs énoncés ci-dessus aux points 414 et 415.

705. Il s'ensuit que le onzième moyen doit être rejeté.

Sur le douzième moyen, tiré d'une violation des droits de la défense en raison d'une durée excessive de la procédure administrative

706. Unicem (T-50-95) fait valoir que ses droits de la défense ont été violés en raison de la durée excessive de la procédure administrative. Elle souligne qu'une partie des griefs de la Commission a trait à des comportements qui avaient fait l'objet d'une notification à la Commission le 16 juillet 1981. S'agissant même de la procédure la plus récente, la période écoulée entre les premières vérifications (avril 1989) et l'adoption de la décision attaquée (novembre 1994) aurait été trop longue. Au cours de cette période, Unicem aurait perdu dans de nombreux cas la mémoire des événements, de même qu'une bonne partie de la documentation pertinente. Dans sa réplique, elle fait encore valoir que la CG se réfère à des faits qui remontent à juillet 1981, alors que les premières vérifications de la Commission n'ont été effectuées qu'en avril 1989.

707. Il convient de rappeler que le respect par la Commission d'un délai raisonnable lors de l'adoption de décisions à l'issue des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général de droit communautaire(arrêt SCK et FNK/Commission, cité au point 485 ci-dessus, point 56). Le caractère raisonnable de la durée de la procédure administrative s'apprécie en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, des différentes étapes procédurales que la Commission a suivies, de la conduite des parties au cours de la procédure, de la complexité de l'affaire ainsi que de son enjeu pour les différentes parties intéressées(arrêt SCK et FNK/Commission, cité au point 485 ci-dessus, point 57).

708. En l'espèce, la notification à la Commission du 16 juillet 1981, à laquelle Unicem se réfère, porte sur le système belgo-néerlandais de fixation des prix fondé sur les points de parité (décision attaquée, paragraphe 17, point 4), système qui n'a fait l'objet d'aucun grief spécifique, tant dans la CG que dans la décision attaquée. Elle doit, dès lors, être considérée comme totalement étrangère à la procédure administrative ouverte par la Commission. En outre, le fait que, dans la CG, la Commission se réfère à des événements datant de 1981 n'est nullement pertinent pour l'appréciation du respect du délai raisonnable au cours de la procédure administrative qui n'a commencé qu'en avril 1989.

709. La procédure administrative a duré cinq ans et huit mois entre les premières vérifications, en avril 1989, et l'adoption de la décision attaquée, le 30 novembre 1994. Il y a lieu de considérer que chacune des étapes de cette procédure administrative a respecté le principe du délai raisonnable.Ainsi, un délai de 31 mois entre les vérifications en avril 1989 et la notification de la CG en novembre 1991 était raisonnable, si l'on tient compte de l'ampleur et de la difficulté d'une enquête portant sur la quasi-totalité de l'industrie européenne du ciment. Le délai d'un an environ écoulé ensuite entre le dépôt des réponses à la CG, en mars 1992, et la tenue des auditions entre le 1er mars et le 1er avril 1993 était aussi raisonnable. Il convient de souligner à cet égard que différentes entreprises et associations d'entreprises ont introduit un recours devant le Tribunal en mars 1992 en vue d'obtenir l'annulation du refus de la Commission de leur communiquer l'intégralité de la CG et du dossier d'instruction, recours sur lequel le Tribunal a statué, le 18 décembre 1992 (voir ci-dessus points 6 à 11). Le fait qu'il a fallu 20 mois à la Commission après la fin des auditions pour adopter la décision attaquée, le 30 novembre 1994, ne constitue pas une violation du principe du respect du délai raisonnable dans une procédure administrative en matière de politique de la concurrence, dès lors que la décision attaquée devait être adressée à 42 entreprises et associations d'entreprises différentes, qu'elle constatait 24 infractions différentes et qu'elle avait dû être rédigée dans les neuf langues officielles de la Communauté.

710. L'argument d'Unicem selon lequel elle aurait perdu dans de nombreux cas, compte tenu de la longueur de la procédure administrative, la mémoire des événements, de même qu'une bonne partie de la documentation pertinente, doit aussi être rejeté. En effet, cet argument est dénué de pertinence pour ce qui concerne les réunions des chefs de délégation de 1983 et 1984 au cours desquelles l'accord Cembureau aurait été conclu et confirmé, dès lors qu'Unicem a toujours nié avoir assisté à ces réunions (décision attaquée, paragraphe 45, point 13). Ensuite, les mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau auxquelles Unicem aurait participé sont les infractions commises dans le cadre de l'ETF (article 4 de la décision attaquée) et dans celui de l'ECEC (article 5 de la décision attaquée). Les événements reprochés pour ce qui concerne les activités de l'ETF et de l'ECEC se poursuivaient encore au moment des vérifications en avril 1989, de sorte qu'Unicem n'aurait pas dû rencontrer de problème pour la préparation de sa défense à cet égard.

711. Il s'ensuit que le douzième moyen doit être rejeté.

Sur le treizième moyen, tiré d'une violation de l'article 6 de la CEDH

712. L'article 6 de la CEDH dispose:

"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi [...]"

713. Il y a lieu de rappeler que les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect (arrêts de la Cour du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, 11-70, p. 1125, point 4, du 18 juin 1991, ERT, C-260-89, Rec. p. I-2925, point 41, et Bosman e.a., cité au point 155 ci-dessus, point 79). A cet effet, le juge communautaire s'inspire des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'Homme, auxquels les Etats membres ont coopéré et adhéré. La CEDH revêt, à cet égard, une signification particulière (arrêts de la Cour du 15 mai 1986, Johnston, 222-84, Rec. p. 1651, point 18, et du 29 mai 1997, Kremzow, C-299-95, Rec. p. I-2629, point 14; arrêt SCK et FNK/Commission, cité au point 485 ci-dessus, point 53). Par ailleurs, aux termes du paragraphe 2 de l'article F du traité sur l'Union européenne (devenu article 6 UE), "l'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la [CEDH] et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, en tant que principes généraux du droit communautaire".

714. Aalborg (T-44-95), Asland (T-55-95) et Blue Circle (T-88-95) estiment que leur droit fondamental d'être jugées par une juridiction indépendante et impartiale a été violé. Les exigences d'indépendance et d'impartialité auxquelles doit satisfaire un tribunal au sens de l'article 6 de la CEDH s'opposeraient à ce que la Commission exerce à la fois les fonctions d'instruction et de décision en matière de concurrence. Les parties requérantes soulignent le caractère pénal de l'amende imposée par la Commission.

715. Asland affirme que la violation de son droit fondamental résulte de deux éléments. D'une part, les caractéristiques de la procédure dans le cadre de laquelle la Commission applique l'article 85, paragraphe 1, du traité violeraient l'article 6 de la CEDH, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme, ainsi que les traditions constitutionnelles des Etats membres, dès lors que la Commission cumule les fonctions d'instruction et de décision, sans que ses décisions soient susceptibles de faire l'objet d'un contrôle ultérieur de pleine juridiction, le seul contrôle exercé ensuite par le juge communautaire étant un contrôle de légalité. D'autre part, l'obligation de payer l'amende ou de constituer une garantie bancaire à concurrence du montant de cette amende avant que le Tribunal se prononce sur la validité de la décision attaquée constituerait aussi une violation de son droit à être jugée par un tribunal impartial. A cet égard, l'article 185 du traité et l'article 192 du traité CE (devenu article 256 CE) devraient, conformément à l'article F du traité sur l'Union européenne, être réinterprétés dans le contexte de la CEDH et des traditions constitutionnelles des Etats membres comme signifiant que le caractère exécutoire des amendes imposées dépend de la décision du Tribunal sur la légalité.

716. Blue Circle quant à elle souligne également l'impossibilité pour le Tribunal d'instruire l'affaire de novo.

717. Il ressort d'une jurisprudence constante que la Commission n'est pas un "tribunal" au sens de l'article 6 de la CEDH(arrêts de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125, point 81, et Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 439 ci-dessus, point 7; arrêt du 10 mars 1992, Shell/Commission, cité au point 323 ci-dessus, point 39). Par ailleurs, l'article 15, paragraphe 4, du règlement n° 17 dispose explicitement que les décisions de la Commission infligeant des amendes pour violation du droit de la concurrence n'ont pas un caractère pénal (arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T-83-91, Rec. p. II-755, point 235).

718. Même si la Commission ne constitue pas un "tribunal" au sens de l'article 6 de la CEDH, et même si les amendes imposées par la Commission n'ont pas un caractère pénal, il n'en reste pas moins que la Commission est tenue de respecter les principes généraux de droit communautaire au cours de la procédure administrative(arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 439 ci-dessus, point 8, et du 10 mars 1992, Shell/Commission, cité au point 323 ci-dessus, point 39). Toutefois, le fait que la Commission exerce à la fois les fonctions d'instruction et de constatation d'infraction à l'article 85 et/ou à l'article 86 du traité ne constitue pas en soi une violation d'un principe général de droit communautaire(arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Enso Española/Commission, T-348-94, Rec. p. II-1875, point 56). Dès lors, l'argument d'Aalborg, d'Asland et de Blue Circle, selon lequel la décision attaquée serait illégale au motif qu'elle a été prise dans le cadre d'un système dans lequel la Commission cumule les fonctions d'instruction et de décision, doit être rejeté.

719. Les arguments qu'Asland et Blue Circle tirent des prétendues limites du contrôle de légalité exercé par le juge communautaire doivent aussi être rejetés. En effet, lorsque le Tribunal contrôle la légalité d'une décision constatant une infraction à l'article 85, paragraphe 1, et/ou à l'article 86 du traité, il peut être appelé par les parties requérantes à procéder à un examen exhaustif, tant de la constatation matérielle des faits que de leur appréciation juridique par la Commission. En outre, s'agissant des amendes, il dispose d'une compétence de pleine juridiction en vertu de l'article 172 du traité CE (devenu article 229 CE) et de l'article 17 du règlement n° 17 (arrêt Enso Española/Commission, cité au point 718 ci-dessus, points 62 à 64).

720. Quant à l'argument d'Asland selon lequel le caractère exécutoire de l'amende qui lui a été imposée constitue une violation de son droit à être jugée par un tribunal impartial, il met en cause la légalité des articles 185 et 192 du traité qui consacrent expressément le caractère exécutoire des décisions de la Commission comportant une obligation pécuniaire. Il est irrecevable, dès lors que le juge communautaire n'est pas compétent pour connaître de la légalité des dispositions du traité (ordonnance du Tribunal du 14 juillet 1994, Roujansky/Conseil, 584-93, Rec. p. II-585, point 15).

721. Le SFIC (T-36-95) et Vicat (T-37-95) excipent encore d'une violation du principe d'impartialité résultant de ce que le même fonctionnaire a mené les investigations, instruit le dossier, rédigé la CG et préparé le projet de décision. Cet argument ne peut non plus être accueilli, dès lors que la décision attaquée n'a pas été prise par le fonctionnaire visé par le SFIC et Vicat, mais par le collège des membres de la Commission. En outre, les garanties procédurales prévues par le droit communautaire n'imposent pas à la Commission de se doter d'une organisation interne empêchant qu'un seul et même fonctionnaire puisse agir dans une même affaire en qualité d'enquêteur et de rapporteur (arrêt du 10 mars 1992, Shell/Commission, cité au point 323 ci-dessus, point 40).

722. CBR (T-25-95) soutient enfin que le refus de la Commission de donner accès, au cours de la procédure administrative, à l'ensemble des pièces à charge et à décharge constitue une violation manifeste de l'article 6 de la CEDH, lequel lui confère le droit de disposer de tous les éléments, recueillis par les autorités compétentes, qui sont de nature à la disculper ou à lui permettre d'obtenir une atténuation de sa peine. De même, Lafarge (T-43-95) et Blue Circle (T-88-95) estiment que le fait qu'elles n'ont pas eu accès à l'intégralité du dossier et à l'intégralité de la CG constitue une violation de l'article 6 de la CEDH.

723. En réalité, ces arguments se confondent avec les arguments de CBR, de Lafarge et de Blue Circle invoqués dans le cadre du premier moyen, déjà examiné par le Tribunal, tiré d'une violation des droits de la défense en ce que l'intégralité de la CG et du dossier d'instruction n'a pas été accessible au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus points 87 à 435).

724. Il résulte de ce qui précède que le treizième moyen doit être rejeté.

Sur le quatorzième moyen, tiré d'une violation du principe de la présomption d'innocence

725. ENCI (T-31-95), la VNC (T-32-95), Lafarge (T-43-95), Aalborg (T-44-95), Castle (T-56-95), Aker (T-70-95) et Euroc (T-71-95) prétendent que la Commission a eu un préjugé selon lequel toute l'industrie européenne avait agi en violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Elle aurait ainsi violé le principe de la présomption d'innocence. ENCI, la VNC et Aalborg n'avancent aucun élément particulier pour étayer cette affirmation. Lafarge, Castle, Aker et Euroc se fondent quant à elles sur des extraits de presse antérieurs à l'adoption de la décision attaquée et dévoilant la teneur de celle-ci, ainsi que sur une réponse de M. Van Miert, membre de la Commission, du 15 septembre 1993 à une question écrite du Parlement européen (JO 1993, C 320, p. 31 et 32), réponse qualifiant de "cartel" les ententes visées par la décision attaquée.

726. Il convient de constater que l'argumentation avancée n'est pas pertinente pour la solution du litige. En effet, l'existence d'une infraction doit être appréciée en fonction des seuls éléments de preuve réunis par la Commission. Lorsque la matérialité d'une infraction est effectivement établie au terme de la procédure administrative, la preuve d'une manifestation prématurée par la Commission, au cours de cette procédure, de sa conviction selon laquelle ladite infraction existe n'est pas de nature à priver de sa réalité la preuve de l'infraction elle-même. La seule question pertinente est donc celle de savoir, au fond, si la preuve de l'infraction est ou non rapportée.

727. En tout état de cause, les éléments invoqués par les différentes parties requérantes identifiées ci-dessus au point 725 ne sont pas de nature à démontrer que la Commission a préjugé sa décision. Il convient de relever à cet égard que la Commission, en tant que collège, délibère sur la base d'un projet de décision. Manifestement, dans la présente affaire, les services de la Commission n'ont pas pu empêcher des fuites vers la presse concernant le contenu du projet de décision. En ce qui concerne la réponse de M. Van Miert du 15 septembre 1993 à une question écrite du Parlement européen, celle-ci fait état de ce que: "[l]a Commission étudie actuellement la suite à donner à ce dossier et tiendra compte, le moment venu, de la position spécifique de chacune des entreprises concernées, notamment des entreprises de plus petite dimension, et de leur comportement particulier au sein du cartel". Bien que le choix du mot "cartel" dans la réponse du membre de la Commission concerné puisse paraître malheureux, l'extrait dans son ensemble contredit directement l'allégation selon laquelle la Commission aurait déjà préjugé sa décision à cette époque.

728. Le quatorzième moyen doit donc être rejeté en tant qu'il est présenté par les sept parties requérantes susvisées.

729. Italcementi (T-65-95) et Blue Circle (T-88-95) prétendent par ailleurs que la Commission n'a pas établi, au- delà de tout doute raisonnable, que les accusations portées contre elles étaient fondées. La Commission aurait supposé, en se fondant sur une véritable présomption de culpabilité, que tous les comportements adoptés par les producteurs européens de ciment l'avaient été en application de l'accord Cembureau. En recourant à la thèse de l'accord unique et continu, elle aurait tenté d'éviter d'avoir à produire des preuves suffisantes pour établir certaines allégations. Blue Circle souligne que la Commission a considéré à tort, à la suite de la notification de la CG, que la charge de la preuve était passée à la partie requérante. Il ressortirait de plusieurs extraits de la décision attaquée [paragraphe 11, point 6; paragraphe 22, point 14, troisième alinéa; paragraphe 22, point 15; paragraphe 28, point 12, sous c); paragraphe 28, point 21, quatrième alinéa] que l'institution a considéré qu'il incombait aux entreprises de démontrer que les allégations contenues dans la CG étaient fausses. En outre, elle n'aurait pas abordé ou aurait simplement rejeté les explications données par la partie requérante dans sa réponse à la CG, sans expliquer pourquoi elle considérait que ces explications n'étaient pas plausibles.

730. Il apparaît en réalité que ces arguments d'Italcementi et de Blue Circle se rapportent à la question de la preuve des infractions reprochées. Ils seront donc examinés dans le cadre des moyens au fond, avec lesquels ils se confondent.

Sur le quinzième moyen, tiré d'une violation du droit des parties de ne pas témoigner contre elles-mêmes

731. Unicem (T-50-95) prétend que la Commission a violé le principe selon lequel les parties peuvent refuser, au cours de la procédure administrative, de fournir des réponses qui les incrimineraient. Elle se réfère à cet égard à la réponse fournie par Cembureau à l'occasion d'une vérification effectuée en vertu de l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17 (décision attaquée, paragraphe 18, point 4; document n° 33.126/11525) ainsi qu'à une réponse de Cembureau à une communication des griefs relative à une procédure d'application de l'article 15, paragraphe 1, du règlement n° 17 (décision attaquée, paragraphe 18, point 4; documents n° 33.126/13568 à 13573). De même, Castle (T-56-95), Aker (T-70-95) et Euroc (T-71-95) font observer que la Commission s'est appuyée dans la décision attaquée, dans une large mesure, sur des preuves figurant dans des réponses aux demandes de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17, en méconnaissance du droit des entreprises et associations d'entreprises de ne pas témoigner contre elles-mêmes. Elles se réfèrent sur ce point à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, et notamment à l'arrêt du 25 février 1993, Funke (série A, n° 256-A, p. 22), qui reconnaît le droit pour tout accusé au sens de l'article 6 de la CEDH de se taire et de ne point contribuer à sa propre condamnation. Les principes dégagés dans cet arrêt seraient même en contradiction avec la jurisprudence de la Cour et du Tribunal. Castle, Aker et Euroc joignent à leur requête (annexe 5.20 dans l'affaire T-56-95 et annexe 5.17 dans les affaires T-70-95 et T-71-95) une liste des réponses à la CG sur lesquelles la Commission se serait fondée dans la décision attaquée.

732. Il convient de rappeler que la Commission ne peut pas imposer à une partie impliquée dans une procédure de constatation d'infraction à l'article 85, paragraphe 1, et/ou à l'article 86 du traité "l'obligation de fournir des réponses par lesquelles celle-ci serait amenée à admettre l'existence de l'infraction dont il appartient à la Commission d'établir la preuve" (arrêt de la Cour du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374-87, Rec. p. 3283, point 35; arrêt du Tribunal du 8 mars 1995, Société générale/Commission, T-34-93, Rec. p. II-545, point 74; voir, par analogie, arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 25 février 1993, Funke, série A, n° 256-A, p. 22).

733. Toutefois, en l'espèce, les réponses auxquelles se réfèrent Unicem, Castle, Aker et Euroc n'émanent pas de ces parties requérantes. Celles-ci ne sont donc pas fondées à prétendre que la Commission a violé, au cours de la procédure administrative, leur droit de ne pas témoigner contre elles-mêmes.

734. Pour autant que, par le présent moyen, les parties requérantes concernées dénonceraient l'utilisation par la Commission de réponses données par d'autres entreprises et associations d'entreprises et qui auraient incriminé celles-ci, il y a lieu de constater que toutes les réponses visées par Castle (annexe 5.20 à la requête), Aker (annexe 5.17 à la requête) et Euroc (annexe 5.17 à la requête) constituent des réponses à des demandes de renseignements en vertu de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 17. Or, les entreprises et associations d'entreprises sont libres de répondre ou de ne pas répondre à des questions qui leur sont posées au titre de cette disposition (arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, LVM e.a./Commission, T-305-94, T-306-94, T-307-94, T- 313-94, T-314-94, T-315-94, T-316-94, T-318-94, T-325-94, T-328-94, T-329-94 et T-335-94, non encore publié au Recueil, ci-après "arrêt PVC", point 456). Cette conclusion ne saurait être modifiée par le fait qu'une sanction est prévue à l'article 15, paragraphe 1, sous b), première partie de la phrase, du règlement n° 17. En effet, une telle sanction ne s'applique que dans l'hypothèse où, ayant accepté de répondre, l'entreprise fournirait un renseignement inexact. Dès lors, par des demandes de renseignements au titre de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 17, la Commission ne saurait être regardée comme imposant à une entreprise l'obligation de fournir des réponses par lesquelles celle-ci serait amenée à admettre l'existence de l'infraction dont il appartient à la Commission d'établir la preuve (arrêt PVC, précité, point 457).

735. Pour ce qui concerne les réponses auxquelles se réfère Unicem (voir ci-dessus point 731), Cembureau était libre, au cours de la procédure administrative, de répondre ou de ne pas répondre aux questions qui lui étaient posées au cours d'une vérification effectuée en vertu de l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17. Il était tout aussi libre de répondre ou de ne pas répondre à la communication des griefs relative à une procédure d'application de l'article 15, paragraphe 1, du règlement n° 17.

736. Il s'ensuit qu'Unicem, Castle, Aker et Euroc n'ont pas démontré que la Commission a méconnu au cours de la procédure administrative le droit de certaines entreprises ou associations d'entreprises de ne pas témoigner contre elles-mêmes.

737. Le SFIC (T-36-95) soutient encore qu'une CG qui ne précise pas suffisamment les griefs retenus à l'encontre de chacun de ses destinataires est de nature à amener les parties intéressées à avouer leur participation à des infractions que la Commission n'entendait pas leur imputer, en tentant d'exercer de façon légitime leurs droits de la défense. De même, Secil (T-62-95) allègue que l'imprécision des griefs a transformé la phase contradictoire de la procédure en un prolongement de la phase d'instruction inquisitoire, dans laquelle la Commission aurait uniquement cherché à obtenir de nouveaux éléments à l'encontre des entreprises et associations concernées. Blue Circle (T-88-95) dénonce également l'imprécision de la CG.

738. Il a déjà été constaté (voir ci-dessus points 504 à 626) que la CG visait d'une manière suffisamment précise la participation du SFIC, de Secil et de Blue Circle aux différentes infractions qui leur ont été reprochées dans la CG et dans la décision attaquée. Dans ces conditions, l'argument présenté par ces trois parties requérantes est dépourvu de fondement et doit être rejeté.

739. Il résulte de ce qui précède que le quinzième moyen doit être rejeté.

Sur le seizième moyen, tiré d'une violation de l'article 10 du règlement n° 17 en ce que la consultation du comité consultatif aurait été irrégulière

740. ENCI (T-31-95), le SFIC (T-36-95), Vicat (T-37-95), Ciments français (T-39-95), Lafarge (T-43-95), le BDZ (T-48-95), Buzzi (T-51-95), Valenciana (T-52-95), Asland (T-55-95), Uniland (T-58-95) et Oficemen (T-59-95) font valoir que la Commission a commis des irrégularités dans la consultation du comité consultatif. Ainsi, ENCI, le SFIC, Lafarge, le BDZ, Valenciana, Asland, Uniland et Oficemen dénoncent le fait que le comité consultatif n'a pas été informé des montants précis des amendes. Vicat, Ciments français et Buzzi ajoutent qu'elles croient savoir que le comité consultatif n'a été consulté que sur un pourcentage du chiffre d'affaires et non sur un montant précis des amendes exprimé en écus.

741. Le SFIC affirme en outre ne pas être en mesure de vérifier si tous les membres du comité consultatif ont eu connaissance des principales pièces du dossier et ont eu accès à tous les procès-verbaux des auditions ainsi qu'au rapport du conseiller-auditeur. Il demande au Tribunal de prendre des mesures d'organisation de la procédure afin de vérifier si ces documents ont été communiqués au comité consultatif.

742. Il convient de rappeler que la consultation du comité consultatif, prévue à l'article 10, paragraphes 3 à 6, du règlement n° 17, constitue une formalité substantielle dont la violation affecte la légalité de la décision finale de la Commission s'il est établi que l'absence de transmission de certains éléments essentiels n'a pas permis au comité consultatif de rendre son avis en pleine connaissance de cause, c'est-à-dire sans avoir été induit en erreur sur un point essentiel par des inexactitudes ou des omissions (arrêt du Tribunal du 10 juillet 1991, RTE/Commission, T-69-89, Rec. p. II-485, point 23).

743. En l'espèce, les parties requérantes concernées, à l'exception du SFIC, dénoncent uniquement une communication incomplète au comité consultatif des éléments se rapportant aux amendes. Dans ces conditions, le moyen, s'il était fondé, ne pourrait conduire qu'à l'annulation de l'article 9 de la décision attaquée, en tant qu'il impose des amendes aux parties requérantes concernées. Dès lors que cette dernière disposition doit déjà être annulée dans la mesure où elle impose une amende aux associations d'entreprises (voir ci-dessus points 478 à 488), le présent moyen est devenu sans objet pour autant qu'il a été formulé par le BDZ et Oficemen. Le moyen invoqué par le SFIC est également sans objet dans la mesure où il dénonce une communication incomplète au comité consultatif des éléments se rapportant aux amendes.

744. Pour autant que le seizième moyen a été invoqué par ENCI, Vicat, Ciments français, Lafarge, Buzzi, Valenciana, Asland et Uniland, il convient de relever d'abord que la Commission a expliqué au cours de la procédure devant le Tribunal que le comité consultatif s'est réuni le 23 novembre 1994 pour examiner la question des amendes. A la suite d'une question écrite du Tribunal, elle a expliqué, par lettre du 11 décembre 1997, que les montants exacts des amendes proposées n'ont pas été communiqués au comité afin d'éviter des fuites vers la presse. L'institution aurait toutefois indiqué un chiffre global approximatif en écus, représentant la totalité des amendes à imposer, et elle aurait informé les membres du comité consultatif qu'elle allait imposer une amende de 5 % du chiffre d'affaires aux entreprises citées au paragraphe 65, point 9, sous a), de la décision attaquée et de 3,5 % aux entreprises mentionnées au paragraphe 65, point 9, sous b), de la même décision.

745. Afin de contrôler la véracité de ces déclarations, le Tribunal a, par mesure d'organisation de la procédure du 9 septembre 1998, demandé à la Commission de produire la lettre de convocation pour la réunion du comité consultatif du 23 novembre 1994 ainsi que les extraits des documents se rapportant aux amendes qui ont été présentés au comité pour cette réunion et le compte rendu de celle-ci.

746. En exécution de cette mesure d'organisation de la procédure, la Commission a déposé au greffe du Tribunal, le 14 septembre 1998, la lettre de convocation pour la réunion en cause, ainsi que l'avant-projet de la partie de la décision relative aux amendes, présenté au cours de ladite réunion. Les textes transmis sont des copies des textes dont les membres du comité ont effectivement reçu communication. Pour cette raison, ils comportent certaines notes manuscrites ajoutées au cours de la réunion. La Commission a aussi transmis au Tribunal l'avis du comité consultatif rendu au terme de celle-ci. Cet avis fait fonction de compte rendu de la réunion.

747. Il ressort de l'examen de ces documents que, au cours de sa réunion du 23 novembre 1994, le comité consultatif a été informé des critères envisagés pour l'imposition des amendes (point 1 de l'avis). La majorité des membres du comité consultatif a estimé que "la Commission [avait] appliqué de manière cohérente [ces] critères [...] en rapport aussi bien avec la gravité qu'[avec] la durée des infractions commises" (point 2 de l'avis). Les notes manuscrites portées par un membre du comité consultatif sur l'avant-projet de la partie de la décision relative aux amendes confirment l'assertion de la Commission selon laquelle le comité a été informé que la catégorie des entreprises mentionnées au paragraphe 65, point 9, sous a), de la décision attaquée portait une responsabilité grave et devait être frappée d'une amende de 5 %, tandis que la catégorie des entreprises mentionnées au paragraphe 65, point 9, sous b), serait frappée d'une amende de 3,5 %, dès lors qu'elle portait une responsabilité moins grave.

748. Dans ces circonstances, même si les membres du comité consultatif n'ont pas été informés du montant exact des amendes exprimé en écus que la Commission allait imposer aux entreprises en cause, la Commission a transmis au comité consultatif l'ensemble des éléments essentiels nécessaires à l'élaboration d'un avis sur les amendes (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, Boehringer Mannheim/Commission, 45-69, Rec. p. 769, points 19 à 21). Le fait que la Commission a finalement retenu des pourcentages d'amendes moins élevés dans la décision attaquée, à savoir, respectivement, un pourcentage de 4 % pour la catégorie des entreprises mentionnées au paragraphe 65, point 9, sous a), de la décision attaquée, et de 2,8 % pour la catégorie des entreprises mentionnées au paragraphe 65, point 9, sous b), de la décision attaquée, n'a, à l'évidence, pas nui aux intérêts des parties requérantes qui ont soulevé le présent moyen.

749. Quant à l'allégation plus générale du SFIC selon laquelle les membres du comité consultatif n'auraient pas eu connaissance des principales pièces du dossier, elle doit être rejetée pour manque de précision. En ce qui concerne plus précisément les procès-verbaux d'audition, le SFIC n'a avancé aucun élément de nature à démontrer que leur communication aurait été nécessaire pour permettre au comité consultatif de rendre son avis en pleine connaissance de cause (arrêt RTE/Commission, cité au point 742 ci-dessus, point 23). Enfin, en ce qui concerne le rapport du conseiller-auditeur, il convient de rappeler que ce document ne doit pas obligatoirement être communiqué au comité consultatif (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Montedipe/Commission, T-14-89, Rec. p. II-1155, point 40). Il y a donc lieu de rejeter l'argument du SFIC reproduit ci-dessus au point 741, sans qu'il soit nécessaire d'adopter les mesures d'organisation de la procédure sollicitées.

750. Il résulte de tout ce qui précède que le seizième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dix-septième, dix-huitième, dix-neuvième et vingtième moyens, tirés de violations, respectivement, du principe de subsidiarité, du principe de bonne administration, du principe de sécurité juridique et du principe de confiance légitime au cours de la procédure administrative

751. Certaines parties requérantes soutiennent que la procédure administrative est viciée par des violations de différents principes, à savoir les principes de subsidiarité, de bonne administration, de sécurité juridique et de confiance légitime. Ces violations justifieraient l'annulation de la décision attaquée.

752. Selon Ciments français (T-39-95), en renvoyant tardivement aux autorités nationales l'instruction d'une procédure dont la complexité et la durée étaient excessives, la Commission aurait violé le principe de bonne administration et aggravé l'incertitude des entreprises concernées. La décision de renvoyer les griefs nationaux aux autorités nationales aurait remis en cause l'objet même de la procédure. Lafarge (T-43-95) et Oficemen (T- 59-95) estiment que les principes de bonne administration exigeaient que la Commission achevât l'enquête relative aux griefs nationaux, au lieu de disjoindre les griefs nationaux et de laisser l'ouverture d'une nouvelle affaire à la discrétion des autorités nationales. Elles doutent de la compatibilité de l'abandon non motivé des griefs nationaux avec le principe de subsidiarité, dans la mesure où l'affaire relèverait manifestement de la catégorie des affaires d'intérêt communautaire.

753. Lafarge reproche aussi à la Commission d'avoir engendré une insécurité juridique dans le chef des entreprises poursuivies, en se réservant le droit de transmettre le dossier relatif aux ententes nationales aux diverses autorités nationales, sans toutefois indiquer si elle y avait réellement procédé ou non. Elle relève que, si la Commission avait effectivement abandonné les griefs nationaux, elle aurait dû prendre une décision formelle de non-lieu.

754. Cette argumentation n'est pas fondée. Il convient de rappeler que la Commission a respecté le principe du délai raisonnable au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus points 706 à 711). Par ailleurs, en abandonnant les griefs nationaux, elle n'a pas modifié la nature des griefs internationaux qui, seuls, ont finalement donné lieu à la constatation d'infractions et à l'imposition d'amendes (voir ci-dessus points 439 et 440). Dans sa lettre du 27 septembre 1993, elle a indiqué qu'elle avait "informé les autorités nationales compétentes de cette décision en leur laissant le soin de prendre, le cas échéant, les mesures qui leur paraîtr[aient] opportunes pour mettre fin aux pratiques en cause". Cette décision de laisser les autorités nationales poursuivre, le cas échéant, des participants à d'éventuelles ententes nationales, loin de méconnaître le principe de sécurité juridique ou celui de bonne administration, a au contraire donné l'assurance aux parties concernées que, sur le plan communautaire, la Commission ne les sanctionnerait pas du chef de telles infractions. Quant à l'incertitude juridique alléguée en ce qui concerne l'attitude qu'adopteraient les autorités nationales, elle ne saurait avoir aucune incidence sur la légalité de la constatation d'infractions liées à des griefs internationaux, indépendants des griefs nationaux. De surcroît, l'allégation d'une telle incertitude se heurte aux dispositions de l'article 9, paragraphe 3, du règlement n° 17, en vertu duquel, indépendamment de toute "décision de renvoi" de la Commission, les autorités nationales sont toujours compétentes, en l'absence de procédure pendante devant la Commission, pour appliquer les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, et de l'article 86 du traité. En ce qui concerne l'invocation du principe de subsidiarité, il suffit de relever que Lafarge et Oficemen n'avaient aucun intérêt à ce que la Commission poursuivît à son terme une procédure qui aurait pu conduire à la constatation, également, d'infractions liées à des ententes nationales. Enfin, les entreprises en cause ne pouvaient prétendre à une décision de la Commission constatant que "leurs comportements nationaux" ne violaient pas l'article 85, paragraphe 1, du traité, dès lors qu'elles n'avaient pas notifié ces comportements en vue d'obtenir une attestation négative, conformément à l'article 2 du règlement n° 17.

755. Ciments français prétend encore que la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime en retenant à la charge des entreprises poursuivies des concertations entre les chefs de délégation de Cembureau sur des problèmes de dumping et de système de points de parité, alors qu'elle aurait très largement suscité et encouragé de telles concertations.

756. Ce moyen est également mal fondé. En effet, dans la décision attaquée, la Commission ne reproche nullement à l'industrie européenne du ciment les discussions qu'elle a tenues, au cours de certaines réunions des chefs de délégation, sur le dumping et sur le système des points de parité. Les réunions des chefs de délégation visées au paragraphe 19 de la décision attaquée sont dénoncées par la Commission au seul motif que, parallèlement à ces thèmes de discussion non contestés, les participants ont, selon l'institution, conclu puis confirmé un accord anticoncurrentiel de respect des marchés domestiques et de réglementation des transferts de ciment d'un pays à l'autre.

757. Il résulte de tout ce qui précède que les dix-septième, dix-huitième, dix-neuvième et vingtième moyens doivent être rejetés.

Sur le vingt et unième moyen, tiré d'une violation du principe de collégialité lors de l'adoption de la décision attaquée

758. Le SFIC (T-36-95) doute que tous les membres de la Commission aient eu effectivement accès à l'ensemble des observations formulées par les destinataires de la CG, à tous les procès-verbaux des auditions, ainsi qu'au rapport du conseiller-auditeur. Le principe de collégialité aurait ainsi été violé. Dans ses observations sur le rapport d'audience, le SFIC demande au Tribunal de prendre des mesures d'organisation de la procédure, afin de vérifier si les membres de la Commission ont eu accès à ces documents.

759. Il importe de rappeler que le fonctionnement de la Commission est régi par le principe de collégialité (arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Commission/Allemagne, C-191-95, Rec. p. I-5449, point 33). Ce principe implique, d'une part, que les décisions soient délibérées en commun et, d'autre part, que tous les membres du collège soient collectivement responsables, sur le plan politique, de l'ensemble des décisions arrêtées (arrêts de la Cour du 23 septembre 1986, AKZO Chemie/Commission, 5-85, Rec. p. 2585, point 30, et du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C-137-92 P, Rec. p. I-2555, point 63).

760. En vertu du principe de collégialité, les éléments sur lesquels la Commission fonde ses décisions doivent être disponibles pour tous les membres du collège (arrêt Commission/Allemagne, cité au point 759 ci-dessus, points 48 et 49). Le SFIC n'ayant apporté aucun indice concret d'atteinte au principe de collégialité, son assertion selon laquelle les membres de la Commission n'auraient pas eu accès aux réponses à la CG, aux procès-verbaux d'audition et au rapport du conseiller-auditeur avant l'adoption de la décision attaquée est purement hypothétique.

761. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le vingt et unième moyen, sans qu'il soit nécessaire de prendre les mesures d'organisation de la procédure sollicitées (arrêts du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, cité au point 142 ci-dessus, point 35, et du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, cité au point 144 ci-dessus, points 91 à 94).

Sur le vingt-deuxième moyen, tiré d'une authentification et d'une notification irrégulières de la décision attaquée

762. CBR (T-25-95), Heidelberger (T-42-95), Unicem (T-50-95), Valenciana (T-52-95) et Italcementi (T-65-95) estiment que des irrégularités ont été commises lors de l'authentification et/ou de la notification de la décision attaquée.

763. En premier lieu, Heidelberger dit ignorer, d'une manière générale, si la Commission a respecté toutes les prescriptions internes relatives à la procédure et à l'adoption des décisions. Les problèmes rencontrés par l'institution lors de l'authentification et de la notification de la décision attaquée renforceraient les craintes de la requérante quant à une irrégularité procédurale.

764. L'argument de Heidelberger n'est étayé par aucun élément concret qui permette d'en apprécier le bien-fondé. Il doit donc être rejeté pour manque de précision.

765. En second lieu, Unicem et Italcementi invoquent un vice dans l'authentification de la version en italien de la décision attaquée. Selon elles, l'existence de cette irrégularité résulte de ce que la décision attaquée a fait l'objet de deux notifications, la première en décembre 1994, la seconde en février 1995, et que la lettre d'accompagnement de la seconde notification aux entreprises italiennes faisait état d'une "erreur au stade de l'authentification" ("un errore nella fase di autentificazione"). CBR s'interroge aussi sur la nature exacte de l'erreur que la Commission a commise et qui justifie la seconde notification de la décision attaquée, du 2 février 1995. Elle demande dès lors au Tribunal de vérifier si l'erreur invoquée par la Commission porte effectivement sur l'authentification de la version en italien de la décision attaquée.

766. Il convient de rappeler que l'authentification d'une décision constatant une infraction aux règles de concurrence communautaires constitue une forme substantielle au sens de l'article 173 du traité (arrêts Commission/BASF e.a., cité au point 759 ci-dessus, point 76, et ICI/Commission, T-37-91, cité au point 142 ci- dessus, point 89).

767. Dans la présente espèce, le Tribunal a estimé que les indices d'atteinte au principe de l'intangibilité de la décision attaquée avancés par les parties requérantes concernées (voir ci-dessus point 765) étaient suffisamment sérieux et probants pour justifier l'adoption d'une mesure d'organisation de la procédure (arrêt SPO e.a./Commission, cité au point 485 ci-dessus, point 55). Par lettre du 11 novembre 1997, il a donc invité la Commission à expliquer en quoi avait consisté l'erreur d'authentification dont faisait état la lettre d'accompagnement de la seconde notification de la décision attaquée aux entreprises italiennes. La Commission a aussi été invitée à communiquer la version authentifiée de la décision attaquée en italien.

768. Par lettre du 22 décembre 1997, la Commission a expliqué que l'erreur en question s'est produite lors de la réimpression de la décision attaquée en vue de sa notification. La version ayant fait l'objet de la première notification aux entreprises italiennes aurait ainsi comporté une page 233 identique à la page 231, alors que la véritable page 233 aurait manqué. L'authentification de la décision attaquée n'aurait toutefois pas été entachée d'erreur. En effet, la version en italien de la décision attaquée, jointe en annexe au procès-verbal de la réunion de la Commission du 30 novembre 1994, ne contiendrait pas l'erreur dont était affectée le texte de la décision attaquée notifiée aux entreprises italiennes. La Commission a joint à sa lettre du 22 décembre 1997 une copie de la version authentifiée de la décision attaquée en italien, en précisant qu'elle tenait l'original à la disposition du Tribunal, au cas où il souhaiterait la vérifier.

769. Dans le cadre de l'audience tenue le 30 septembre 1998 dans l'affaireT-65-95, le Tribunal a demandé à la Commission la production, pour le 6 octobre 1998, de l'original de la version authentifiée de la décision attaquée en italien. CBR et Unicem ont été informées de cette mesure d'organisation de la procédure au cours des audiences qui se sont tenues, respectivement, le 14 octobre et le 30 septembre 1998. La Commission a donné suite à la demande du Tribunal dans le délai qui lui était imparti.

770. CBR, Unicem et Italcementi n'ont pas contesté l'explication avancée par la Commission pour justifier les deux notifications qui ont eu lieu après l'adoption de la décision attaquée. Au cours des audiences tenues, respectivement, dans les affaires T-25-95, T-50-95 et T-65-95, elles ont toutefois demandé au Tribunal de vérifier la conformité entre, d'une part, la copie de la version en italien de la décision attaquée qui a été jointe à la lettre de la Commission du 22 décembre 1997 et dont elles ont reçu communication et, d'autre part, l'original de la version authentifiée de la décision attaquée en italien.

771. Force est de constater la parfaite conformité de ces deux documents. L'examen de la version authentifiée ne fait en outre ressortir aucune irrégularité qui aurait été commise par la Commission au moment de l'authentification.

772. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter l'argument de CBR, d'Unicem et d'Italcementi.

773. En troisième lieu, Valenciana estime que la notification de la décision attaquée a été irrégulière. Elle reproche à la Commission de ne pas avoir précisé, lors de la seconde notification, si le délai de recours visé à l'article 173 du traité était censé courir à partir de la première ou de la seconde notification. Elle soutient que, les explications fournies par la Commission dans sa lettre du 13 février 1995 (annexe 6 à sa requête) ne permettant pas de réduire l'incertitude, elle a considéré que le délai de recours avait commencé à courir à compter de la première notification et que, dès lors, elle disposait de moins de temps pour introduire son recours.

774. Interrogée par le Tribunal sur les différences entre le texte de la décision attaquée qui a fait l'objet de la première notification et le texte qui a fait l'objet de la seconde notification, Valenciana a uniquement fait valoir dans sa lettre du 11 décembre 1997 que le texte de la seconde notification, à la différence de celui de la première, ne comportait aucun chiffre dans les tableaux et dans les indications figurant au paragraphe 23, points 3 à 5, de la décision attaquée. Il n'est donc pas contesté que le texte de la seconde notification est identique, dans sa version en espagnol, au texte de la première, sauf pour ce qui concerne quelques données confidentielles qui ont été occultées dans le texte ayant fait l'objet de la seconde notification. Dès lors, même si le délai pour l'introduction d'un recours contre la décision attaquée commençait à courir à partir de la première notification, et non comme le prétend la Commission à partir de la seconde notification, Valenciana a bénéficié d'un délai correspondant au délai prévu à l'article 173 du traité, augmenté du délai de distance, pour l'introduction d'un recours contre tous les éléments de la décision attaquée. L'argument de Valenciana doit donc être rejeté.

775. Il résulte de tout ce qui précède que le vingt-deuxième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

II Sur le moyen tiré d'un détournement de pouvoir

776. Ciments français (T-39-95), Lafarge (T-43-95), Oficemen (T-59-95) et Halkis (T-104-95) invoquent un détournement de pouvoir.

777. Halkis soutient que la Commission a détourné ses pouvoirs en lui imposant une amende pour une infraction à laquelle elle n'a pas participé. Ainsi formulé, le moyen se confond avec le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation portant sur la participation d'Halkis à l'accord Cembureau. Il sera donc examiné dans le cadre de l'examen des moyens au fond relatifs à la participation de cette partie requérante audit accord (voir ci-après points 4096 à 4101 et 4210 à 4213).

778. Ciments français, Lafarge et Oficemen estiment que l'abandon par la Commission des griefs nationaux ne peut s'expliquer que par le désir de la Commission d'échapper aux conséquences de l'arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 11 ci-dessus, et d'éviter une annulation de la décision attaquée pour une violation des droits de la défense résultant de l'accès incomplet à la CG et au dossier d'instruction.

779. Il convient de rappeler qu'une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise dans le but exclusif, ou tout au moins déterminant, d'atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, T-143-89, Rec. p. II-917, point 68).

780. Or, de tels indices font défaut en l'espèce. En effet, Ciments français, Lafarge et Oficemen n'ont apporté aucun élément concret de nature à jeter un doute sur l'affirmation de la Commission selon laquelle sa décision d'abandonner la poursuite des ententes nationales se justifiait par les réponses écrites à la CG et les explications avancées oralement au cours des auditions.

781. Il s'ensuit que le présent moyen doit être rejeté.

III Sur les moyens tirés de violations des articles 85, paragraphe 1, et 190 du traité, du principe d'égalité de traitement et des droits de la défense, en ce que la Commission constate, à l'article 1er de la décision attaquée, l'existence d'un accord contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité et la participation des différentes parties requérantes mises en cause

Observations liminaires

782. Aux termes de l'article 1er de la décision attaquée, tous les destinataires de celle-ci "ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité [...] en participant à un accord ayant pour objet le respect des marchés domestiques et la réglementation des transferts de ciment d'un pays à l'autre". L'accord ainsi constaté est également dénommé "accord Cembureau".

783. Dans le cadre des moyens examinés, certaines parties requérantes critiquent la délimitation du marché du produit et du marché géographique sur lesquels la Commission a constaté l'infraction. Certaines parties requérantes invoquent un manque de concordance entre la CG et la décision attaquée pour ce qui concerne l'accord Cembureau. Plusieurs parties requérantes contestent l'existence même de cet accord. Toutes nient avoir participé à celui-ci.

784. Avant d'examiner le bien-fondé des différents arguments avancés, il y a lieu d'exposer les différentes constatations de fait et de droit sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la décision attaquée pour retenir l'infraction.

Infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée

785. L'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée est une entente sur le marché du ciment gris. La Commission considère en effet que, "[d]u point de vue des produits, le ciment gris, le ciment blanc et le clinker constituent des marchés séparés, chacun de ces produits répondant à des besoins différents" (décision attaquée, paragraphe 11, point 1). Dans la décision attaquée, elle constate ainsi des infractions non seulement sur le marché du ciment gris (articles 1er à 6), mais aussi sur celui du ciment blanc (article 7).

786. D'un point de vue géographique, elle soutient que "le marché du ciment peut être vu comme un ensemble de marchés tournant autour des différentes usines, juxtaposés les uns aux autres et couvrant toute l'Europe" (décision attaquée, paragraphe 11, point 2).

787. Elle estime (décision attaquée, paragraphe 11, point 7, premier et second alinéas):

"L'ensemble des marchés qui se chevauchent sont interdépendants les uns des autres et toute action qui se vérifie sur un marché donné risque de se propager, comme une vague, sur les marchés les plus lointains [...]

Il ressort de ce qui précède que l'Europe constitue le marché en cause formé par un ensemble de marchés juxtaposés et interdépendants."

788. L'infraction litigieuse est constituée par un accord qui, selon la Commission, a été conclu dans le cadre de Cembureau, association professionnelle des fabricants européens de ciment (décision attaquée, paragraphes 18, 19 et 45). Cet accord aurait été conclu dans le cadre de la réunion des chefs de délégation de Cembureau du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 45, point 1), les "chefs de délégation" étant les représentants des membres de Cembureau exerçant le droit de vote à l'assemblée générale de cette association (décision attaquée, paragraphe 15, point 4).

789. L'objet de l'accord aurait été le "respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre, à savoir la répartition des marchés" (décision attaquée, paragraphe 45, point 9, et article 1er).

790. Dans la décision attaquée, la Commission se fonde uniquement sur des preuves documentaires directes, identifiées et commentées aux paragraphes 18, 19 et 45.

791. Elle constate d'abord que le but et le contenu de l'accord Cembureau ressortent de la lettre de convocation à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, signée par M. Gil Braz de Oliveira (décision attaquée, paragraphe 19, point 2; documents n° 33.126/11552 et 11553), ainsi que du projet d'exposé introductif du président pour cette même réunion (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n° 33.126/11583 à 11585).

792. La lettre de convocation énonce:

"Etant donné la conjoncture de récession généralisée dans ses ventes intérieures, les transferts de ciments entre pays membres pourront avoir des conséquences nuisibles pour notre industrie si certaines mesures appropriées ne sont pas prises à temps, comme c'est, par exemple, le cas des échanges entre la Belgique et les Pays-Bas qui seront réglés par un protocole à être publié prochainement dans le Journal officiel de la CEE."

793. Le projet d'exposé introductif du président indique:

" Nous serons [...] en mesure d'apprécier les risques pouvant résulter d'un accroissement de certaines importations conjointement avec une réduction marquée du niveau de certains prix, cela avant que ce phénomène n'ait eu le temps de s'étendre en volume et en gravité.

Notre objectif n'est évidemment pas de prendre ici des décisions de caractère collectif, ni de porter un jugement sur l'état de choses constaté, ni de jouer un rôle d'arbitrage, mais toujours avec votre aide d'évoquer des solutions possibles susceptibles de tempérer l'évolution des marchés et de proposer, au moins sur le plan des principes, certaines règles du jeu que nous avons tous intérêt à respecter.

Ce que nous attendons ensuite de vous tous, c'est que ces échanges de vues vous encouragent à répandre autour de vous des paroles de sagesse et que s'organisent, chaque fois que nécessaire, des dialogues bi- ou multilatéraux dans chaque cas d'espèce."

794. Il termine en soulignant:

"Il est presque inutile de vous dire qu'il n'y aura pas de compte rendu de nos débats."

795. De même, l'aide-mémoire pour la conduite de la réunion en cause (décision attaquée, paragraphe 19, point 6; documents n° 33.126/11578 et 11579) précise:

"13 h 15/13 h 30 Clôture de la réunion qui ne donnera pas lieu à procès-verbal."

796. La Commission estime que d'autres documents relatifs à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 soulignent aussi le caractère illicite des discussions tenues au cours de cette réunion.

797. Elle se réfère à cet égard aux modifications intervenues dans le projet d'ordre du jour pour la réunion du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; documents n° 33.126/11558, 11559, 11565, 11580 et 11656).

798. Initialement, le projet d'ordre du jour daté du 16 novembre 1982 contenait notamment le point suivant:

" 2. Commerce intra-européen

A. Analyse de la situation

1. Données

2. Situation des prix Prix nationaux

3. Motivation et organisation du commerce transfrontalier. Développements prévus

B. Mesures possibles pour contrôler le commerce intra

[...]"

799. Par télex du 17 novembre 1982 (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; document n° 33.126/11559), M. Van Hove, président du comité de liaison des industries cimentières de la CEE (ci-après "CLC"), a été informé que le président de Cembureau, M. Bailly, sollicitait son avis sur le point 2 de l'ordre du jour, qu'il voulait rédiger "de manière suffisamment explicite sans risques de susciter des réactions".

800. Par télex du même jour (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; document n° 33.126/11558), il a répondu:

"Les mots suivants qui étaient repris dans votre télex de ce 17 novembre doivent disparaître de tout document officiel: [...] organisation du commerce transfrontalier [...] contrôle commerce intra [...]"

801. A la réunion du comité exécutif du 22 décembre 1982, le point 2 de l'ordre du jour pour la réunion du 14 janvier 1983 a été arrêté comme suit (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; document n° 33.126/11656):

" 2. Commerce intra-européen

A. Analyse de la situation

[...]

iii) Motivation et nature du commerce Développements

prévus

B. Moyens possibles pour maintenir un commerce loyal

[...]"

802. La Commission soutient que l'accord Cembureau a été confirmé à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 45, point 2). A l'appui de cette affirmation, elle invoque le mémorandum à l'intention du président pour la réunion du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729) et les notes de séance de cette réunion (décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737).

803. Le mémorandum à l'intention du président souligne, sous le point 2 intitulé "Situation du marché européen":

" L'écart entre [les prix] extrêmes, qui reste de 1 à 2, constitue inévitablement une tentation.

Il est donc souhaitable de réduire progressivement cet écart, essentiellement en augmentant les prix les plus bas [...] et en même temps par une modération de l'évolution des prix élevés."

804. Il constate par ailleurs:

" Les points chauds sont toujours:

les exportations de l'Allemagne vers la Grande-Bretagne et l'Irlande;

les exportations de la France vers l'Allemagne;

les exportations de l'Espagne vers l'Irlande et la Grande-Bretagne.

On peut y ajouter un point chaud nouvellement mentionné, à savoir les exportations de l'Italie vers la Suisse."

805. Les notes de séance de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 concluent:

"[...] il a été convenu que la présentation visuelle de la gamme des prix était un moyen efficace de mettre en relief les causes potentielles de conflit qui existent."

806. En ce qui concerne ces notes de séances, la Commission estime (décision attaquée, paragraphe 45, point 2, premier alinéa):

"[Elles] font apparaître que Cembureau et ses membres ont réexaminé collectivement les tensions dues aux flux transfrontaliers, qu'ils ont poursuivi l'objectif de réduire les échanges de ciment entre les pays membres de Cembureau et que cet objectif a été atteint. En effet, ces notes affirment [...] que 'la pression due au commerce intermembres s'est affaiblie nettement grâce à l'amélioration des contacts bilatéraux. Les quantités exportées sont plutôt en diminution mais il reste la menace en provenance des outsiders."

807. S'agissant de l'accord Cembureau, elle considère (même point, second alinéa):

"Le contenu de [l']accord a été encore confirmé à la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984 [...] au cours de laquelle la canalisation des surproductions grecques et espagnoles a été soutenue par Cembureau et ses membres pour éviter la déstabilisation des marchés européens."

808. Au soutien de cette affirmation, elle se réfère aux extraits suivants des "Summary notes" du 12 novembre 1984 relatives à la réunion du 7 novembre 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 14; documents n° 33.126/11754 et 11755):

"Importations de l'Europe de l'Est

[...]

Développements du marché mondial

Situation

[...]

Accord grec-espagnol

Celui-ci est unanimement considéré comme une condition de base si l'on veut obtenir des meilleurs prix à l'exportation et éviter le risque d'une déstabilisation en Europe. Des négociations se sont poursuivies pendant plusieurs mois entre quatre sociétés espagnoles et trois grecques, bien que la dynamique des discussions n'ait pas été racontée. Certains résultats ont été atteints, mais jusqu'à présent il n'y a pas eu d'effet sur les prix. Des discussions ont eu lieu aussi avec le Japon et la Corée. L'impression générale, toutefois, est que le problème essentiel est d'obtenir un accord ferme entre les plus grands exportateurs européens.

[...]

Conclusions générales

La situation était sérieuse et les prix à l'exportation trop bas. Il y avait un surplus de capacité en Europe et en Extrême-Orient, qui doit être utilisé de façon responsable. On doit se féliciter des efforts consentis par l'industrie du ciment grecque et espagnole pour arriver à un accord et les autres pays membres sont prêts, si la demande leur en était faite, à soutenir complètement leurs efforts. Des petites quantités pouvant venir d'autres pays ne devraient pas déranger le marché si la confiance mutuelle prévalait."

809. Dans la décision attaquée, la Commission estime que l'existence de l'accord Cembureau de même que son contenu sont confirmés par certains documents qui ne se rapportent pas directement aux réunions des chefs de délégation susmentionnées. Elle se réfère sur ce point à deux notes internes de Blue Circle, l'une du 1er décembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 18, point 2; documents n° 33.126/11332 à 11334) et l'autre sans date (décision attaquée, paragraphe 18, point 3; documents n° 33.126/11335 à 11337).

810. La première, intitulée "Stratégie contre les importations et le futur de l'industrie du ciment au Royaume-Uni" discute du problème de surproduction de ciment en Europe occidentale:

"Actuellement 22 millions de tonnes de surproduction de l'Europe occidentale peuvent être canalisées dans les marchés d'outre-mer en fonction de la demande du produit, mais il existe des fortes probabilités que ces quantités tombent à 15 millions de tonnes ou moins au début de 1985 et il est probable qu'à cause de cette menace le principe de Cembureau de respect des marchés domestiques européens tombe."

811. Elle propose notamment la mesure de défense suivante contre les importations de ciment:

"Construire effectivement des silos dans les territoires 'ennemis'. Une option croyable, possible et efficace jusqu'à un certain point, mais a) qui pourrait se révéler longue et coûteuse b) qui pourrait pousser tout le pays objet de la mesure à adopter des rétorsions plus graves et donc rompre complètement l'accord Cembureau et dans ces cas [Blue Circle] sera fatalement le plus grand perdant."

812. La seconde note de Blue Circle, intitulée "Menaces d'importations", énonce:

"Supposant que la politique de Cembureau de respect des marchés domestiques tienne et que notre supposition que les importations de l'Allemagne de l'Ouest pourraient ne pas se révéler avantageuses, trois autres seules menaces résiduelles pourraient se manifester [...]"

813. Au cours d'une vérification effectuée au titre de l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, Cembureau a déclaré (décision attaquée, paragraphe 18, point 4; document n° 33.126/11525):

"Il n'existe aucun 'Cembureau Agreement or Principle' ni a fortiori aucun document qui contiendrait des règles d'application. Lorsque l'expression est citée dans un document, elle se réfère non pas à une quelconque pratique anticoncurrentielle, mais au respect des règles d'usage et d'éthique progressivement dégagées de la fréquentation des entreprises et de l'évolution économique dans les différents pays."

814. Dans sa réponse à une communication des griefs adressée en vertu de l'article 15, paragraphe 1, du règlement n° 17, Cembureau a fait valoir, à propos de la note de Blue Circle du 1er décembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 18, point 4; documents n° 33.126/13568 à 13573):

"Ce document [...] fait allusion, sans plus, aux règles de bon voisinage encouragées par Cembureau. La référence au 'Cembureau principle of not transhipping to internal European markets se réfère à un mode de comportement qui est souhaité par les membres, mais ne contient en lui-même aucune contrainte ni a fortiori aucune sanction.

La référence à un 'Cembureau agreement' ne vise que le même principe, et renvoie à des règles 'd'usage et d'éthique progressivement dégagées de la fréquentation des entreprises et de l'évolution économique dans les différents pays'."

815. La Commission considère que Cembureau lui-même a ainsi fini par admettre indirectement l'existence de l'accord Cembureau (décision attaquée, paragraphe 45, point 4).

816. Elle se réfère en outre (décision attaquée, paragraphe 18, point 5; documents n° 33.126/19875 à 19877) à la déclaration suivante, que M. Kalogeropoulos, président d'Heracles, a faite le 25 juin 1986 (et non pas le 15 juin 1986, comme indiqué par erreur dans la décision attaquée) au cours de la réunion du conseil d'administration de cette société:

"[...] il a existé et continue à exister une entente de tous les producteurs européens de ciment selon laquelle personne ne doit intervenir dans les frontières nationales des autres [...] Par cette façon de penser ces trente dernières années et par cette tactique, les Européens n'ont jamais dû faire face à une concurrence active et à une baisse de prix."

817. Elle estime finalement (décision attaquée, paragraphe 45, point 5):

"[...] la règle du respect des marchés domestiques et de réglementation des ventes d'un pays à l'autre constitue un accord entre entreprises directement ou par l'intermédiaire de leur association, contraire à l'article 85, paragraphe 1, résultant du concours de volontés visant à respecter le marché domestique des autres et à réglementer les transferts de ciment d'un pays à l'autre et, donc, [à] limiter la liberté commerciale des entreprises."

818. Selon elle, l'accord a aussi des effets directs sur les échanges entre Etats membres (décision attaquée, paragraphe 52).

819. La Commission considère que "l'ensemble des arrangements arrêtés dans le cadre de Cembureau et des réunions et contacts bilatéraux et/ou multilatéraux [...] a constitué un 'accord unique et continu" (décision attaquée, paragraphe 46, point 1, premier alinéa).

820. Dès lors, non seulement le concours de volontés qui se serait produit entre Cembureau et ses membres au cours des réunions des chefs de délégation, mais aussi tous les comportements visés aux articles 2 à 6 de la décision attaquée, constitueraient un accord unique et continu.

821. C'est cet accord unique et continu qui est visé à l'article 1er de la décision attaquée.

822. En ce qui concerne la durée de l'infraction, la Commission se réfère (décision attaquée, paragraphe 45, point 6) à la déclaration précitée de M. Kalogeropoulos:

"[M. Kalogeropoulos] affirme que l'accord de respect des marchés domestiques existerait depuis une trentaine d'années.

Ne disposant pas, au sujet d'une durée aussi longue du comportement en question, de preuves autres que cette déclaration, la Commission estime que cet accord a pris effet à partir du 14 janvier 1983, date de la réunion au cours de laquelle ont été discutées 'certaines règles du jeu que nous avons tous intérêt à respecter [...], règles confirmées aux réunions suivantes des chefs de délégation."

823. S'agissant de la date de fin de l'infraction, la Commission indique qu'elle ne dispose pas d'éléments de fait pour la déterminer et qu'elle n'est même pas certaine que l'infraction ait réellement cessé (décision attaquée, paragraphe 45, point 6, et paragraphe 65, point 4).

824. Sur ce point, elle conclut (décision attaquée, paragraphe 65, point 4):

"[...] puisque la dernière manifestation apparente et connue de la Commission de l'accord est constituée par la dissolution, le 26 mars 1993, d'Interciment SA [dont la constitution fait l'objet de l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée], la Commission retient cette date pour déterminer la période de référence de l'amende."

Définition du marché pertinent

825. Dyckerhoff (T-35-95), Ciments français (T-39-95), Heidelberger (T-42-95), Lafarge (T-43-95), Aalborg (T- 44-95), Unicem (T-50-95), Buzzi (T-51-95), Asland (T-55-95), Castle (T-56-95), Uniland (T-58-95), Oficemen (T-59-95), Irish Cement (T-60-95), Italcementi (T-65-95), Aker (T-70-95), Euroc (T-71-95), Cementir (T-87-95) et Blue Circle (T-88-95) estiment que, en retenant comme marché pertinent le marché du ciment gris, qui serait de dimension européenne, la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation. Lafarge et Aalborg contestent que ce marché constitue un marché distinct (A). Dyckerhoff, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, Unicem, Buzzi, Asland, Castle, Uniland, Oficemen, Irish Cement, Italcementi, Aker, Euroc, Cementir et Blue Circle font valoir que le marché du ciment est très local, de sorte que l'Europe ne pourrait constituer le marché géographique concerné (B).

826. CBR (T-25-95), Ciments français, Asland et Blue Circle estiment que la Commission a violé l'article 190 du traité en ne définissant pas d'une manière suffisamment claire le marché du produit et le marché géographique pertinents (C).

A Marché du produit pertinent

827. Lafarge et Aalborg contestent la définition du marché du produit concerné retenue au paragraphe 11, point 1, de la décision attaquée.

828. Lafarge soutient que cette définition repose sur un raisonnement économique absurde, selon lequel le clinker et le ciment seraient deux produits substituables. En outre, elle ne tiendrait pas compte de la distinction existant entre le ciment gris et le ciment blanc.

829. Il y a lieu de relever que la Commission n'a jamais prétendu que le clinker, le ciment gris et le ciment blanc sont des produits substituables. Au contraire, elle souligne au paragraphe 11, point 1, de la décision attaquée que "[d]u point de vue des produits, le ciment gris, le ciment blanc et le clinker constituent des marchés séparés, chacun de ces produits répondant à des besoins différents". Elle précise simplement (même point) qu'"il faut toutefois tenir compte du fait que le clinker peut avoir une influence sur les deux autres marchés, en ce sens que le clinker est le produit intermédiaire indispensable pour fabriquer le ciment gris et le ciment blanc". Le fait que la Commission a expliqué que le clinker intervient dans la fabrication du ciment n'implique pas que, selon elle, ces deux produits sont substituables et relèvent du même marché.

830. Aalborg souligne que, dans chaque pays, il existe non seulement des normes différentes pour le ciment, mais également des usages et des traditions spécifiques en matière de construction. Il serait ainsi erroné de prétendre, comme le fait la Commission (décision attaquée, paragraphe 6, point 9), qu'il existe un ou plusieurs types de ciment standard communs à tous les marchés nationaux. Aalborg ajoute que, si la Commission a choisi de ne pas distinguer les marchés des différents types de ciment gris, il n'y avait pas davantage de raison de distinguer le marché du ciment gris et celui du ciment blanc.

831. Cet argument doit aussi être rejeté. En effet, les considérations d'Aalborg, qui se limitent à contester de manière générale la définition du marché, sans proposer une définition alternative du ou des marchés pertinents, n'infirment pas l'analyse détaillée que la Commission a consacrée, respectivement, aux paragraphes 6 et 7 de la décision attaquée, au "produit ciment gris" et au "produit ciment blanc", et dont il ressort clairement que "le ciment blanc a un marché différent du marché du ciment gris" (décision attaquée, paragraphe 7, point 2), "chacun de ces produits répondant à des besoins différents" (décision attaquée, paragraphe 11, point 1).

B Marché géographique pertinent

832. Dyckerhoff, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, Unicem, Buzzi, Asland, Castle, Uniland, Oficemen, Irish Cement, Italcementi, Aker, Euroc, Cementir et Blue Circle contestent que l'Europe constitue le marché géographique pertinent (décision attaquée, paragraphe 11, points 1 et 7). Elles soutiennent que le marché du ciment est constitué d'une mosaïque de marchés régionaux strictement délimités, sans zone de chevauchement, et totalement indépendants les uns des autres.

833. Il convient toutefois d'observer que la définition du marché en cause ne joue pas le même rôle selon qu'il s'agit d'appliquer l'article 85 ou 86 du traité. Dans le cadre de l'application de l'article 86 du traité, la définition adéquate du marché en cause est une condition nécessaire et préalable au jugement porté sur un comportement prétendument anticoncurrentiel (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission, T-68-89, T-77-89 et T-78-89, Rec. p. II-1403, point 159). En effet, avant d'établir l'existence d'un abus de position dominante, il faut établir l'existence d'une position dominante sur un marché donné, ce qui suppose que celui-ci ait été préalablement délimité. Dans le cadre de l'application de l'article 85 du traité, c'est pour déterminer si l'accord, la décision d'association d'entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun qu'il faut définir le marché en cause (arrêt SPO e.a./Commission, cité au point 485 ci-dessus, point 74).

834. C'est pourquoi, dans le cadre de l'application de l'article 85 du traité, les griefs formulés par les parties requérantes à l'encontre de la définition du marché retenue par la Commission ne sauraient revêtir une dimension autonome par rapport à ceux relatifs à l'affectation du commerce entre Etats membres et à l'atteinte à la concurrence (arrêts du Tribunal SPO e.a./Commission, cité au point 485 ci-dessus, point 75, Enso Española/Commission, cité au point 718 ci-dessus, point 232, et du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T-374-94, T-375-94, T-384-94 et T-388-94, Rec. p. II-3141, points 90 à 105).

835. L'examen des différents arguments selon lesquels la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que l'Europe constituait le marché géographique pertinent doit donc être réservé. Ces arguments seront pris en considération lors de l'examen des arguments relatifs à l'affectation des échanges entre Etats membres et à l'atteinte à la concurrence, formulés dans le cadre du moyen tiré d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir ci-après points 1085 à 1094).

C Violation de l'article 190 du traité

836. Asland dénonce la prétendue absence d'étude économique du marché et des effets de l'accord Cembureau. Elle rappelle que la définition du marché en cause est une condition nécessaire et préalable à tout jugement porté sur un comportement prétendument anticoncurrentiel (arrêt SIV e.a./Commission, cité au point 833 ci-dessus, point 159).

837. L'argument d'Asland doit être rejeté. Force est de constater que, dans la décision attaquée, la Commission s'est livrée, aux paragraphes 6 à 14, à une analyse économique détaillée du marché du ciment. Les marchés pertinents tant du point de vue du produit que du point de vue géographique ont été définis au paragraphe 11 de la décision attaquée. Enfin, la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue, dès qu'il apparaît qu'il a pour objet de restreindre, d'empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence (arrêts de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56-64 et 58-64, Rec. p. 429, 496, du 11 janvier 1990, Sandoz prodotti farmaceutici/Commission, C-277-87, Rec. p. I-45, publication sommaire, Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 99, Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 178, et Montecatini/Commission, cité au point 270 ci-dessus, point 122; arrêts du Tribunal CB Europay/Commission, cité au point 83 ci-dessus, points 85 et 87, et du 6 avril 1995, Cockerill Sambre/Commission, T-144-89, Rec. p. II-947, point 67). Or, aux termes mêmes de l'article 1er de la décision attaquée, l'accord Cembureau a été sanctionné en raison de son objet anticoncurrentiel.

838. CBR reproche à la Commission de privilégier, dans la décision attaquée, une conception européenne du marché en cause, sans avoir pris en compte les arguments et les études économiques qu'elle lui avait soumis durant la procédure administrative pour démontrer que divers éléments, comme l'existence d'ententes nationales et de barrières aux échanges franco-belges, les coûts liés au transport et au passage des frontières, la crainte de représailles de la part des producteurs du marché voisin convoité, limitaient son marché géographique naturel. Elle fait particulièrement grief à la Commission d'avoir rejeté les présentations économiques qui lui avaient été faites au cours de la procédure administrative, au motif que ces analyses n'étaient pas unanimes quant à la distance de transport économiquement acceptable (décision attaquée, paragraphe 11, point 3, deuxième alinéa). Elle ajoute que l'argument de la Commission tiré de la complexité de la théorie des jeux (décision attaquée, paragraphe 11, point 6, cinquième alinéa) et de la diversité des conclusions des études économiques précitées traduit clairement la volonté de l'institution de refuser d'examiner sérieusement les arguments économiques présentés par CBR. Celle-ci reproche ensuite à la Commission d'avoir tiré des conclusions générales des quelques exemples isolés et atypiques qu'elle mentionne au paragraphe 11, point 4, de la décision attaquée. Enfin, s'agissant des différences de prix entre États membres, dans lesquelles la Commission voit, au paragraphe 11, point 6, de la décision attaquée, une incitation à l'exportation, CBR, après avoir souligné que les différences de prix entre la Belgique, les Pays-Bas et l'Allemagne figuraient parmi les plus basses et que les prix ont varié au cours des années, prétend que les chiffres avancés à propos du marché belge, aux paragraphes 9, point 6, et 11, point 6, de la décision attaquée, ne sont pas étayés par les tableaux reproduits à l'annexe 9 à ladite décision soit parce que ces tableaux ne couvrent qu'une seule année, soit parce qu'ils ne fournissent aucune indication sur la situation belge.

839. Il y a lieu de constater que, au paragraphe 11 de la décision attaquée, la Commission expose de manière détaillée et cohérente les raisons qui l'ont conduite à conclure que le marché géographique en cause était, en l'espèce, le marché européen, "formé par un ensemble de marchés juxtaposés et interdépendants" (décision attaquée, paragraphe 11, point 7, dernier alinéa), en discutant les différentes observations formulées par les destinataires de la CG au cours de la procédure administrative, dont celles de CBR.

840. Ainsi, s'agissant des distances de transport économiquement acceptables, la Commission, après avoir relevé l'absence d'unanimité des producteurs européens de ciment sur cette question (décision attaquée, paragraphe 11, point 3, premier alinéa), affirme qu'elle "n'est pas en mesure, pour sa part, de déterminer cette distance, car elle doit se limiter à des constatations factuelles" (même point, deuxième alinéa).

841. En ce qui concerne l'existence d'oligopoles sur les différents marchés, la Commission énonce (décision attaquée, paragraphe 11, point 6, cinquième alinéa):

"La dernière observation concerne l'existence d'oligopoles sur les différents marchés et, par conséquent, le fait que chaque acteur doit tenir compte, avant de décider d'entrer sur le marché d'un autre, des réactions des concurrents et des mesures de rétorsion que ceux-ci peuvent envisager. Sans vouloir entrer dans la théorie des jeux et dans le 'dilemme des prisonniers', [...] il n'est pas sûr que chaque acteur gagne plus en restant sur son propre marché, car la théorie des jeux démontre aussi que chaque acteur décide d'envahir le marché des autres et de risquer la rétorsion lorsqu'il estime que ses bénéfices à long terme sont supérieurs en étant présent sur plusieurs marchés plutôt que sur un seul. En outre, les jeux entre oligopolistes ne sont pas simples à résoudre, car beaucoup d'éléments d'incertitude entrent en ligne de compte et pas seulement la rétorsion possible de tel ou tel autre acteur."

842. Contrairement à ce que CBR prétend, la Commission n'a donc pas rejeté purement et simplement la théorie des jeux en raison de sa complexité. Elle a uniquement entendu en relativiser la portée.

843. S'agissant des différents obstacles liés au passage des frontières, elle prend en considération, au paragraphe 11, point 4, de la décision attaquée, les commentaires des producteurs belges, qui "ont fait valoir les grandes difficultés pour livrer en France à cause des frais d'attente à la douane, des différents poids admis dans les deux pays, des normes différentes, etc. (voir procès-verbal de l'audition du 8 mars 1993, annexe VII/B, p. 7 et 8, et annexe VIII)".

844. S'agissant encore des différences de prix entre le marché belge et ses marchés voisins, la Commission indique (décision attaquée, paragraphe 9, point 6, deuxième alinéa):

"[...] les tableaux 7, projetés au cours de l'audition du 2 mars 1993 par l'industrie italienne, et élaborés sur la base de données Cembureau (voir annexe 9), montrent l'évolution des prix dans les pays de la Communauté de 1981 à 1991 et permettent de constater qu'entre les prix du Royaume-Uni et les prix allemands, français et belges il y avait en 1981 une différence de +/- 30 écus à la tonne (le prix britannique étant de +/- 70 écus) et de 15 à 20 écus à la tonne en 1991, que la différence de prix entre la France, la Belgique et l'Allemagne, qui était presque nulle en 1981, s'est progressivement élargie à partir de 1982 jusqu'à atteindre +/- 12 écus à la tonne en 1986 pour redescendre à +/- 7 écus à la tonne en 1991 [...]"

845. Il doit d'abord être souligné que le seul fait que les différents tableaux et graphiques dont la Commission a tiré ces dernières tendances, nullement contestées par la partie requérante, n'ont pas tous été joints à la décision attaquée ne constitue pas une violation de l'obligation de motivation de ladite décision.

846. Pour le surplus, la Commission n'est pas tenue de fournir, dans la décision, une réponse détaillée à tous les arguments formulés par les différents destinataires de la CG au cours de la procédure administrative. Il suffit que l'exposé des motifs permette au juge communautaire d'exercer son contrôle juridictionnel de la légalité de la décision attaquée et fournisse aux entreprises et aux associations concernées les informations nécessaires afin qu'elles puissent apprécier si la décision est ou non bien fondée (arrêts de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43-82 et 63-82, Rec. p. 19, point 22, et du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds/Commission, 142-84 et 156-84, Rec. p. 4487, point 72; arrêt du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T-44-90, Rec. p. II-1, point 42).

847. En l'espèce, il résulte de l'exposé ci-dessus de la décision attaquée que la Commission a fourni aux entreprises intéressées et au Tribunal toutes les informations nécessaires à l'appréciation du bien-fondé de la définition du marché géographique pertinent retenue. Dans ces conditions, le moyen tiré par CBR d'une violation de l'obligation de motivation quant à la définition du marché géographique en cause doit être rejeté.

848. Enfin, Ciments français prétend relever une contradiction dans la définition du marché géographique de référence. Selon elle, la Commission semble estimer, au paragraphe 11, points 2, 6 et 7, de la décision attaquée, qu'il existe à la fois un marché européen du ciment et une multitude de marchés locaux. Or, le marché du ciment serait régional. Dès lors, attribuer au marché en cause une dimension européenne reviendrait à inclure dans le même marché des entreprises qui ne sont pas des concurrents actuels ou potentiels et, partant, à nier le concept de marché géographique. Au surplus, le choix, par la Commission, de la dimension européenne du marché en cause contredirait sa décision de dissocier les ententes nationales des ententes internationales.

849. Il convient de rappeler que la Commission affirme au paragraphe 11, point 2, de la décision attaquée que, "du point de vue géographique, le marché du ciment peut être vu comme un ensemble de marchés, tournant autour des différentes usines, juxtaposés les uns aux autres et couvrant toute l'Europe". Elle explique ensuite, sur la base d'exemples concrets, ce qui l'amène à conclure à la dimension européenne du marché du ciment (paragraphe 11, points 3 et 4), puis à considérer que les différents éléments (obstacles naturels, coûts et distances de transport, faiblesse des exportations, considérations de rentabilité, structure oligopolistique des marchés, séparation géographique des marchés) qui ont été mis en avant par les destinataires de la CG au cours de la procédure administrative ne sont pas de nature à infirmer sa conception européenne du marché en cause (paragraphe 11, points 5 et 6).

850. Elle déduit finalement de ses constatations (décision attaquée, paragraphe 11, point 7):

"L'ensemble des marchés qui se chevauchent sont interdépendants les uns des autres et toute action qui se vérifie sur un marché donné risque de se propager, comme une vague, sur les marchés les plus lointains. Ceci est démontré par les faits suivants. Les réunions des chefs de délégation de Cembureau [...], réunissant [...] toute l'industrie européenne, même l'industrie non concernée directement au moment des faits, ont eu lieu pour éviter que le phénomène des échanges intracommunautaires ne s'étende en volume et en gravité et pour conseiller de réduire les écarts de prix entre les marchés dans le but de limiter les tentations d'exporter. Les accords entre producteurs grecs et espagnols au sein de Cement Marketing Association ont été appréciés comme étant fondamentaux pour l'équilibre en Europe. La réaction aux exportations grecques au Royaume-Uni et en Italie a été une réaction collective de l'industrie européenne parce qu'on a estimé que la coopération entre toute l'industrie européenne était essentielle pour sauvegarder la stabilité de cette industrie et pas seulement celle des pays menacés.

Il ressort de ce qui précède que l'Europe constitue le marché en cause formé par un ensemble de marchés juxtaposés et interdépendants."

851. Aucune contradiction dans la motivation de la définition du marché géographique en cause ne peut être décelée dans cette présentation. Aucune contradiction n'existe non plus entre la définition européenne du marché contenue dans la décision attaquée et l'initiative prise par la Commission de séparer, au cours de la procédure administrative, les griefs nationaux et les griefs internationaux. A cet égard, il doit être rappelé que les griefs internationaux, seuls visés par la décision attaquée, ne dépendent en rien de l'existence des ententes nationales qui avaient également été mises en cause dans la CG (voir ci-dessus points 110 à 120).

Concordance entre la CG et la décision attaquée

852. CBR (T-25-95) prétend que la Commission, après avoir soutenu dans la CG que les "règles du jeu" sur lesquelles les membres de Cembureau se seraient entendus à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 se rapportaient au système de fixation des prix fondé sur les points de parité (Basing Points System, ci- après "BPS"), a modifié son approche. A la suite des commentaires développés par CBR au cours de la procédure administrative quant à la légalité de ce système et des discussions qui se sont tenues à son sujet au cours de ladite réunion des chefs de délégation, l'institution aurait finalement considéré, dans la décision attaquée, que les "règles du jeu" en question visaient un accord de respect des marchés domestiques.

853. Aalborg (T-44-95) fait valoir que l'objet de l'accord Cembureau n'a pas été suffisamment précisé dans la CG. En outre, elle aurait ignoré, au cours de la procédure administrative, que la Commission allait attacher une importance capitale aux réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984.

854. Il y a lieu de relever que la Commission dénonçait, dans la CG, la conclusion de l'accord Cembureau et la fixation de règles de concurrence loyale (paragraphes 8, 9, 60 et 61) dans le cadre des réunions des chefs de délégation. Ces dernières règles n'ont cependant fait l'objet d'aucun grief dans la décision attaquée.

855. Sous le titre "Les ententes sur la règle du marché domestique", la Commission, au paragraphe 61 de la CG, porte l'appréciation suivante sur les faits relatés au paragraphe 9 de la CG, à savoir en grande partie la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983:

"Ainsi qu'il ressort du par. 9, Cembureau et ses membres ont arrêté le 'Cembureau Agreement or Cembureau principle of not transhipping to internal European markets; ils ont favorisé les accords pour les exportations dans les pays tiers pour prévenir 'the risk of a destabilisation in Europe par la destination dans les pays Cembureau du surplus de production; ils ont sollicité des contacts bi- ou multilatéraux entre les membres pour que les mesures appropriées soient adoptées pour éviter que, en dehors du 'commerce inter-Etats de caractère traditionnel, voire structurel tel que c'est le cas par exemple pour les exportations d'Allemagne et de Belgique vers les Pays-Bas, 'les transferts de ciment entre pays membres puissent 'avoir des conséquences nuisibles pour l'industrie cimentière."

856. Il s'ensuit que, dès le stade de la CG, la Commission indiquait clairement que, selon elle, l'accord Cembureau avait trait au respect des marchés domestiques et à la réglementation des ventes d'un pays à l'autre et que cette "règle du jeu" avait été convenue lors de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983. La CG mentionnait, dès lors, d'une manière suffisamment précise l'objet de l'accord Cembureau visé à l'article 1er de la décision attaquée.

857. Quant à l'argument d'Aalborg selon lequel elle aurait ignoré au cours de la procédure administrative l'importance que la Commission allait attacher aux réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984, il y a lieu de relever que la CG exposait en détail les éléments de fait relatifs à ces réunions, en ce qui concerne tant la "circulation des prix entre membres de Cembureau" (CG, paragraphe 8) que le "Cembureau Agreement or Cembureau principle of not transhipping to internal European markets" [CG, paragraphe 9, sous a) et sous b)]. Aalborg, qui ne nie pas avoir participé, en sa qualité de membre direct de Cembureau, aux deux réunions en question, devait donc nécessairement être consciente de l'importance toute particulière attachée par la Commission à celles-ci.

858. La FIC (T-30-95) et Aalborg prétendent encore que, dans la CG, la Commission ne s'est pas prononcée sur la qualification d'accord ou de pratique concertée de la prétendue règle de respect des marchés domestiques arrêtée au sein de Cembureau.

859. Il y a lieu de constater que, dans la CG [paragraphe 61, sous a)], la Commission a expliqué que "[l]e 'Cembureau agreement or principle of not transhipping to internal European markets (par. 9) constitue un accord et/ou une pratique concertée". Dès lors, les destinataires des chapitres internationaux de la CG, dont la FIC et Aalborg, ont été informés au cours de la procédure administrative que le "Cembureau agreement or principle of not transhipping to internal European markets" pourrait être qualifié d'accord au stade de la décision attaquée. Ils ont donc été mis en mesure de se défendre contre une telle qualification juridique des comportements concernés.

860. Il s'ensuit que les différents arguments relatifs à un manque de concordance entre la CG et la décision attaquée pour ce qui concerne l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée doivent être rejetés.

Existence de l'accord Cembureau

861. BR (T-25-95), Cembureau (T-26-95), la FIC (T-30-95), ENCI (T-31-95), la VNC (T-32-95), Ciments luxembourgeois (T-34-95), Dyckerhoff (T-35-95), le SFIC (T-36-95), Vicat (T-37-95), Cedest (T-38-95), Ciments français (T-39-95), Heidelberger (T-42-95), Lafarge (T-43-95), Aalborg (T-44-95), le BDZ (T-48-95), Unicem (T-50-95), Rugby (T-53-95), Castle (T-56-95), Heracles (T-57-95), Uniland (T-58-95), Oficemen (T- 59-95), Irish Cement (T-60-95), Cimpor (T-61-95), Secil (T-62-95), l'ATIC (T-63-95), Titan (T-64-95), Italcementi (T-65-95), Holderbank (T-68-95), Aker (T-70-95), Euroc (T-71-95), Cementir (T-87-95), Blue Circle (T-88-95), l'AGCI (T-103-95) et Halkis (T-104-95) soutiennent que la Commission a violé l'article 85, paragraphe 1, du traité en constatant, à l'article 1er de la décision attaquée, l'existence d'un accord Cembureau (A). Cembureau, Dyckerhoff, le SFIC et Heidelberger affirment que la constatation de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée repose sur une motivation insuffisante ou contradictoire, en violation de l'article 190 du traité (B). Enfin, des parties requérantes concernées par les mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 (voir ci-dessus points 164 et 168) ont invoqué, dans les mémoires qu'elles ont déposés à la suite desdites mesures, différents documents qui, d'après elles, auraient été utiles à leur défense s'ils leur avaient été accessibles au cours de la procédure administrative. Italcementi et Blue Circle dénoncent aussi la violation de leurs droits de la défense en raison d'un accès insuffisant aux éléments à charge du dossier (C).

A Violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité

862. Il convient de rappeler que la Commission s'est fondée uniquement sur les preuves documentaires directes mentionnées aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée pour établir l'existence de l'accord Cembureau.

863. Une première série d'arguments des parties requérantes concernées consistent à contester la valeur probante des documents mentionnés au paragraphe 18 de la décision attaquée, lesquels font état d'un accord ou d'un principe Cembureau de respect des marchés domestiques européens [notes internes de Blue Circle (décision attaquée, paragraphe 18, points 2 et 3; documents n° 33.126/11332 à 11334 et 11335 à 11337)] ou de l'existence d'une entente entre les producteurs européens de ciment [déclaration de M. Kalogeropoulos au cours de la réunion du conseil d'administration d'Heracles du 25 juin 1986 (décision attaquée, paragraphe 18, point 5; documents n° 33.126/19875 à 19877)]. Les parties requérantes avancent une lecture alternative des documents en question, compatible avec les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Elles affirment que Cembureau n'a jamais reconnu l'existence d'un accord ou principe Cembureau (1). Une deuxième série d'arguments concernent spécifiquement les réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau aurait été conclu et confirmé. Les parties requérantes soulignent l'incompétence des chefs de délégation pour conclure un tel accord et elles contestent la force probante de plusieurs documents mentionnés aux paragraphes 19 et 45 de la décision attaquée. La licéité des discussions menées au cours des réunions des chefs de délégation ressortirait non seulement des documents mentionnés dans ces deux paragraphes, mais également de documents que la Commission aurait omis d'examiner. Plusieurs parties requérantes invoquent encore des arguments spécifiques contredisant l'existence d'un accord Cembureau (2). Une troisième série d'arguments visent à contester la nature infractionnelle du prétendu accord Cembureau et à reprocher à la Commission de ne pas avoir recherché une explication alternative des volumes réduits du commerce interétatique de ciment (3). Ces différents arguments seront examinés successivement. Les conclusions seront ensuite tirées des constatations opérées (4).

864. Au préalable, il convient de relever que certaines parties requérantes soulèvent des arguments concernant la valeur probante de documents qui se rapportent à des comportements qui ne sont pas incriminés dans la décision attaquée.

865. Ainsi, Cembureau, Blue Circle, la FIC et Italcementi mettent en cause la valeur probante de la note manuscrite d'Italcementi relative à la réunion du comité exécutif du 14 avril 1986 (décision attaquée, paragraphe 17, point 9; document n° 33.126/3185). Blue Circle mentionne aussi le projet de procès-verbal de la réunion du comité exécutif du 9 novembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 17, point 5; documents n° 33.322/286 à 294).

866. Irish Cement prétend que la Commission ne peut déduire du projet de procès-verbal de la réunion du comité exécutif du 9 novembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 17, point 5; documents n° 33.322/286 à 294), et particulièrement des interventions de MM. Bertrán et Van Hove au cours de cette réunion, que l'accord Cembureau a été confirmé lors de celle-ci.

867. Force est de constater que la Commission ne s'est fondée sur aucun des documents ainsi invoqués pour établir l'existence, la conclusion ou la confirmation de l'accord Cembureau. Ces documents ont uniquement été visés au paragraphe 17, points 5 et 9, de la décision attaquée pour illustrer les discussions ayant eu lieu entre les producteurs européens de ciment, pendant la période en cause, sur la concurrence "loyale ou saine ou correcte". Or, ces discussions n'ont pas fait l'objet d'un grief dans la décision attaquée. Les arguments concernant la valeur probante des documents correspondants sont donc dénués de pertinence pour l'appréciation de la légalité de l'article 1er ou de tout autre article de la décision attaquée.

868. Heidelberger relève que les notes manuscrites citées par la Commission au paragraphe 19, point 6, in fine, de la décision attaquée (documents n° 33.126/11587 à 11592) ne comportent aucune indication quant à l'identité de leur auteur et sont en grande partie illisibles, ce qui les priverait de toute valeur probante. En outre, ces notes seraient relatives à la préparation d'une réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1982. Elles seraient donc totalement étrangères à la réunion des chefs de délégation mise en cause au paragraphe 19, sous a), de la décision attaquée.

869. Toutefois, dans la mesure où ces notes ne figurent pas parmi les preuves documentaires sur lesquelles la Commission s'est appuyée, aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée (voir ci-dessus points 790 à 817), pour établir l'existence de l'accord Cembureau, il n'y a pas lieu de s'interroger sur leur valeur probante en ce qui concerne l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée.

870. Heidelberger prétend encore que les conclusions que la Commission tire, dans la CG (p. 20, note en bas de page n° 5), des notes manuscrites intitulées "Preparation Meeting Head Delegates 7.11.84" (décision attaquée, paragraphe 19, point 15; document n° 33.126/11758), quant à l'existence d'une concertation au sein de Cembureau sur la "restructuration et la réduction des capacités productives dans certains pays excédentaires", ne sont nullement étayées par les "Summary notes" du 12 novembre 1984 se rapportant à la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 14; documents n° 33.126/11754 et 11755).

871. Il y a lieu de relever que, dans la CG, la Commission, après avoir affirmé que les notes manuscrites en question faisaient "transparaître que la restructuration et la réduction des capacités productives dans certains pays excédentaires [avaient] été convenues au sein de Cembureau", ajoutait toutefois qu'elle "ne [disposait] pas, à part ces indices et quelques autres, d'éléments de preuve de cette concertation" (CG, p. 20, note en bas de page n° 5). En outre, le grief tiré d'une concertation, au niveau de Cembureau, sur la restructuration et la réduction des capacités productives n'a pas été retenu dans la décision attaquée. Il s'ensuit que l'argument de Heidelberger est dénué de pertinence.

1. Documents mentionnés au paragraphe 18 de la décision attaquée

872. Au paragraphe 18, points 2 et 3, de la décision attaquée, sous le titre "L'accord Cembureau ou le principe Cembureau de respect des marchés domestiques européens", la Commission évoque d'abord deux notes internes de Blue Circle, l'une du 1er décembre 1983 (documents n° 33.126/11332 à 11334) et l'autre sans date (documents n° 33.126/11335 à 11337), qui sont les seuls documents cités dans la décision attaquée faisant explicitement état d'un accord ou d'un principe Cembureau de respect des marchés domestiques européens. Dans le même paragraphe, point 5, elle mentionne aussi la déclaration de M. Kalogeropoulos, président d'Heracles, au cours de la réunion du conseil d'administration de cette société du 25 juin 1986 (documents n° 33.126/19875 à 19877), déclaration qui fait état de l'existence d'"une entente de tous les producteurs européens de ciment selon laquelle personne ne doit intervenir dans les frontières nationales des autres". Elle se réfère en outre (point 4) aux déclarations de Cembureau lui-même sur l'accord ou principe Cembureau (documents n° 33.126/11525 et 13568 à 13573).

873. Dans son appréciation juridique des comportements visés à l'article 1er de la décision attaquée, elle se fonde directement sur les documents précités (décision attaquée, paragraphe 45). Dans son optique, il s'agit en effet d'éléments de preuve clés pour l'établissement de l'existence de l'accord Cembureau.

874. Il convient d'analyser successivement les différents arguments des parties requérantes concernant les documents en question.

1.1. Notes internes de Blue Circle

875. En premier lieu, Italcementi conteste la valeur probante des notes de Blue Circle (documents n° 33.126/11332 à 11334 et 11335 à 11337). Ces notes se rapporteraient à des déclarations unilatérales d'un producteur, lesquelles ne viseraient ni les sujets ni l'objet de la prétendue entente. Selon Cembureau, les notes de Blue Circle ne mentionnent pas l'existence d'un accord Cembureau, l'auteur semblant envisager les solutions à un certain nombre de difficultés d'ordre commercial. Lafarge conteste également leur valeur probante, aux motifs que Blue Circle n'est pas membre de Cembureau et que leur auteur n'a pas assisté aux réunions des chefs de délégation. Aalborg, Uniland et Oficemen relèvent aussi l'absence de l'auteur des notes à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983.

876. Il y a lieu de constater que, contrairement à ce que prétendent Italcementi et Cembureau, les deux notes internes en question font état d'un accord, d'un principe ou d'une politique de respect des marchés domestiques européens, qu'elles relient à Cembureau.

877. Par ailleurs, bien que Blue Circle ne soit pas un membre direct de Cembureau, il convient de souligner son rôle au sein de cette association. Ainsi, il n'est pas contesté que son président, Sir John Milne, a assumé de 1975 à 1985, au sein de Cembureau, la fonction de chef de délégation pour l'industrie du ciment du Royaume-Uni, avant de devenir lui-même président de Cembureau. En sa qualité de chef de délégation, il a participé aux trois réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau aurait été conclu et confirmé. M. G. Marshall, directeur général adjoint de Blue Circle, lui a succédé dans sa fonction de chef de délégation britannique, lorsqu'il est devenu président de Cembureau. En ce qui concerne M. Reiss, auteur des notes internes, il ressort de la réponse de Blue Circle à une question écrite du Tribunal, déposée au greffe du Tribunal le 12 décembre 1997, qu'il occupait, au moment de la rédaction desdites notes, le poste de directeur régional à la division des exportations de Blue Circle. De plus, il est constant qu'il a participé à de nombreuses réunions de l'EPC (décision attaquée, paragraphe 45, point 3; documents n° 33.126/11339, 11417 à 11440, 11442 à 11455, 13845 à 13850, 14035 à 14042, 14062 à 14085, 14094 à 14097, 14148 à 14154 et 14401 à 14418), souvent accompagné de M. Marshall, directeur général adjoint (documents n° 33.126/11365, 11447 et 14062). Bien que, comme le prétend Blue Circle, les documents n° 33.126/11417 à 11440 et 13845 à 13850 ne lui soient pas opposables en raison de leur inaccessibilité au cours de la procédure administrative, la présence de M. Reiss à différentes réunions de l'EPC ressort à suffisance des autres documents mentionnés au paragraphe 45, point 3, de la décision attaquée.

878. Dans ces conditions, la Commission était fondée à considérer que la "valeur probante [des notes de Blue Circle était] démontrée par le rôle de Blue Circle au sein de Cembureau et par le rôle de M. Reiss au sein de Blue Circle" (décision attaquée, paragraphe 45, point 3, premier alinéa). En effet, eu égard au rôle de premier ordre des dirigeants de Blue Circle dans Cembureau et vu les fonctions occupées par M. Reiss au sein de Blue Circle, il était permis de conclure que l'auteur des notes avait, en toute connaissance de cause, fait état d'un accord, d'un principe ou d'une politique portant sur le respect des marchés domestiques européens et mis cet accord, ce principe ou cette politique en rapport avec l'association européenne Cembureau.

879. Il est toutefois exact que, comme le soutient Italcementi, les notes internes de Blue Circle n'identifient pas les parties qui ont souscrit à l'accord, au principe ou à la politique de Cembureau portant sur le respect des marchés domestiques européens. Il conviendra d'examiner ultérieurement si la participation des différentes entreprises et associations d'entreprises à l'entente visée à l'article 1er de la décision attaquée est effectivement établie.

880. En second lieu, CBR, la FIC, Ciments français, Oficemen et Blue Circle soutiennent que les expressions "principe Cembureau" ou "accord Cembureau" utilisées par l'auteur des deux notes internes pouvaient en réalité correspondre à un "jargon" désignant des circonstances économiques limitant naturellement la possibilité pour le ciment de dépasser les frontières entre les pays producteurs. Ciments français ajoute que le caractère marginal des flux intracommunautaires résultait des caractéristiques factuelles de l'industrie européenne du ciment et non pas d'un accord entre les producteurs européens.

881. Cet argument ne peut être accueilli. Des termes ou expressions comme "accord", "principe" ou "politique de Cembureau" ne peuvent désigner un fait économique. En outre, si l'auteur des notes s'était effectivement référé à un fait économique limitant naturellement la possibilité pour le ciment de dépasser les frontières, il n'aurait pas évoqué le risque que l'"accord Cembureau" soit complètement rompu en raison de mesures de rétorsion que pourrait prendre un pays "cible" en réponse à la présence de Blue Circle sur leur territoire (note du 1er décembre 1983, point 4) ou que la "politique de Cembureau de respect des marchés domestiques" ne tienne pas (note non datée; voir ci-dessus points 809 à 812).

882. En troisième lieu, Cementir prétend que les deux notes internes portent sur des importations en provenance d'Europe de l'Est et d'Espagne faisant l'objet de dumping. Blue Circle fait valoir qu'elles concernent les importations faisant l'objet de dumping qui proviennent de pays subventionnant leur production de ciment.

883. Il y a lieu de constater que la note de Blue Circle du 1er décembre 1983 concerne notamment les importations en provenance d'Espagne faisant l'objet de dumping. Son point 1 mentionne une mesure déjà prise contre ces importations: "[p]lainte antidumping, laquelle, si couronnée de succès en 1984, pourrait devenir inutile à long terme si l'Espagne adhère à la CEE".

884. S'agissant de la note non datée, elle fait état d'importations en provenance d'Allemagne de l'Est et de Pologne. Il ne peut être exclu que celles-ci faisaient l'objet de dumping.

885. Toutefois, les constatations qui précèdent ne sont nullement de nature à affecter la conclusion de la Commission selon laquelle, dans le cadre de Cembureau, un accord portant sur le respect des marchés domestiques européens a été conclu, ni à exclure que les deux notes internes de Blue Circle se référaient à cet accord. En effet, les deux notes, intitulées "Stratégie contre les importations et le futur de l'industrie du ciment au Royaume-Uni" et "Menaces d'importations", concernaient le problème général des importations de ciment au Royaume-Uni. Il était, dès lors, normal qu'elles traitent à la fois le problème des importations en provenance des pays Cembureau et celui des importations en provenance d'autres pays. En tout état de cause, même les importations en provenance des pays hors Cembureau constituaient une menace pour le principe du respect des marchés domestiques européens tel que décrit dans les notes de Blue Circle. En effet, des importations faisant l'objet de dumping risquaient d'accroître les excédents de production européens, lesquels auraient alors dû être canalisés en dehors de l'Europe en vue de sauvegarder le principe Cembureau de respect des marchés domestiques européens. A cet égard, la note du 1er décembre 1983 exposait clairement que l'impossibilité de trouver des débouchés sur les marchés d'outre-mer pour les surproductions de l'Europe occidentale risquait de faire tomber ce principe. Enfin, même des importations faisant l'objet de dumping, en provenance de pays non membres, à l'époque, de la Communauté, pouvaient constituer une violation du principe Cembureau de respect des marchés domestiques européens. En effet, toute l'industrie européenne du ciment était représentée au sein de Cembureau. Ainsi, le chef de délégation espagnol a participé à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 4; document n° 33.126/11581) et à celle du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 8; documents n° 33.126/ 11699 et 11700). Pour cette raison, la Commission a considéré que les producteurs espagnols étaient liés par l'accord Cembureau à partir du 14 janvier 1983, bien que leur participation ne constituât pas, à ce moment, une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité (décision attaquée, paragraphe 45, point 11), à défaut d'effets significatifs, dans la Communauté, de leur comportement.

886. Il s'ensuit que, même si les notes de Blue Circle avaient trait à des problèmes d'importations de ciment en provenance d'Espagne et d'Europe de l'Est faisant l'objet de dumping, une telle circonstance n'affecterait nullement la légalité de l'article 1er de la décision attaquée, dès lors que les notes en question mettaient les importations de ciment en rapport avec la survie de l'accord, du principe ou de la politique de Cembureau de respect des marchés domestiques européens.

887. Quant à l'argument de Blue Circle selon lequel les notes concernaient les importations de ciment faisant l'objet de dumping en provenance de pays subventionnant leur production de ciment, il manque en fait. En effet, le problème de l'octroi possible d'aides d'Etat à des producteurs d'autres pays a été évoqué une seule fois dans la note du 1er décembre 1983 (point 4), et seulement dans le contexte d'une éventuelle réaction d'un pays "cible" dans lequel Blue Circle aurait décidé de construire des silos à titre de contre-mesure à l'égard des importations de ciment en provenance dudit pays.

888. En quatrième lieu, la FIC et Blue Circle ont souligné à l'audience que l'auteur des notes, M. Reiss, s'occupait des exportations de Blue Circle. Les notes qu'il a rédigées feraient ainsi référence à un accord concernant le marché non européen qui avait pour objet d'éviter que le ciment européen exporté vers des pays tiers ne fût réimporté en Europe. La FIC a encore affirmé que l'utilisation du terme "transhipment" dans les notes corrobore cette interprétation de celles-ci. Le "transhipping" se référerait en effet au "pays de transit", à savoir le pays non européen. En outre, la référence, au point 4 de la note du 1er décembre 1983, aux "économies latines non productrices de pétrole" se rapporterait aux économies d'Amérique du Sud et confirmerait ainsi que l'accord ou principe Cembureau ne concernait pas le marché communautaire.

889. Il y a d'abord lieu d'observer que les parties requérantes n'ont jamais avancé une telle explication des notes de Blue Circle avant l'ouverture de la procédure orale dans les affaires T-3095 et T-88-95.

890. De toute manière, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de cette argumentation, il faut la rejeter.

891. En effet, l'accord concernant le marché non européen, auquel se réfèrent les parties requérantes, aurait nécessité l'approbation des opérateurs de pays tiers achetant du ciment produit en Europe. En effet, lorsque du ciment produit en Europe est vendu sur un marché d'outre-mer, l'acheteur reste libre de le réexporter vers la Communauté. Dans ces conditions, un accord comme celui allégué par Blue Circle et la FIC, qui aurait impliqué le consentement de parties hors Cembureau, n'aurait pas été dénommé accord, principe ou politique "Cembureau" par l'auteur des notes.

892. Par ailleurs, indépendamment de la référence à Cembureau, si l'interprétation de la FIC et de Blue Circle était exacte, l'auteur des notes aurait normalement décrit l'objet de l'accord comme étant le respect du marché européen, dans la mesure où cet accord aurait visé à éviter que le ciment produit en Europe et exporté vers des pays tiers ne fût réimporté en Europe. Dans ce contexte, la référence au respect des marchés domestiques européens, au pluriel dans la note du 1er décembre 1983, confirme la lecture de la Commission selon laquelle l'accord, le principe ou la politique Cembureau concernait les échanges intra-européens.

893. En outre, l'interprétation de la FIC et de Blue Circle est contredite par l'extrait suivant de la note du 1er décembre 1983:

"Actuellement, 22 millions de tonnes de surproduction de l'Europe occidentale peuvent être canalisées dans les marchés d'outre-mer en fonction de la demande du produit, mais il existe des fortes probabilités que ces quantités tombent à 15 millions de tonnes ou moins au début de 1985 et il est probable qu'à cause de cette menace le principe de Cembureau de respect des marchés domestiques européens tombe."

894. Si l'interprétation de la FIC et de Blue Circle était exacte, une réduction de la demande sur le marché d'outre- mer n'aurait posé aucun problème pour l'accord Cembureau. En effet, moins les quantités de ciment exporté sont importantes, plus faible est le risque que le ciment exporté soit réimporté dans le marché européen. De plus, la FIC n'établit pas que, à l'époque, les importations de ciment en provenance des pays d'Amérique du Sud constituaient une menace pour l'industrie européenne du ciment. Il y a dès lors lieu d'interpréter la référence aux "économies latines non productrices de pétrole" comme étant une référence aux économies latines européennes. Cette interprétation est corroborée par la référence, au point 1 de la note du 1er décembre 1983, aux importations de ciment en provenance d'Espagne.

895. En toute hypothèse, les différentes interprétations suggérées par Blue Circle et la FIC sont contradictoires, en ce que le "fait économique" qui limiterait "naturellement la possibilité pour le ciment de dépasser les frontières" (voir ci-dessus point 880) n'empêcherait pas que le ciment vendu par les producteurs européens de ciment sur les marchés d'outre-mer, et notamment sur celui de l'Amérique du Sud, ne soit réimporté en Europe.

896. En cinquième lieu, Irish Cement et Cementir estiment que la référence, dans la note interne non datée de Blue Circle (décision attaquée, paragraphe 18, point 3; documents n° 33.126/11335 à 11337), à des importations ouest-allemandes contredit l'existence de l'accord Cembureau.

897. Toutefois, l'existence d'importations ouest-allemandes ne saurait donner un éclairage différent à l'allusion explicite et univoque à la "politique de Cembureau de respect des marchés domestiques", faite par l'auteur de cette note. En outre, force est de constater que, dans le mémorandum rédigé à l'intention du président de Cembureau en vue de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729), les exportations de l'Allemagne vers la Grande-Bretagne et l'Irlande, qualifiées de "point chaud", ont été perçues comme problématiques (voir ci-dessus point 804). Il y a donc lieu de conclure que l'accord, le principe ou la politique Cembureau de respect des marchés domestiques européens, dont font état les deux notes internes de Blue Circle, n'a pas été couronné de succès partout. Cependant, le fait qu'une entente ne soit pas respectée par tous ne signifie pas pour autant qu'elle n'existe pas (voir, en ce sens, l'arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T-347-94, Rec. p. II-1751, point 135).

898. En sixième lieu, la FIC relève que l'auteur de la note de Blue Circle du 1er décembre 1983 dresse un tableau très négatif de la situation, alors que cette note est rédigée quatre mois seulement avant la réunion du 19 mars 1984 qui constaterait, d'après sa lecture de la décision attaquée, le succès du prétendu accord Cembureau. Cette constatation affecterait la valeur probante des documents en question.

899. Cet argument ne peut non plus être accueilli. Le contenu des documents concernant la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 va dans le même sens que celui des deux notes de Blue Circle. Ainsi, bien que les notes de séance de cette réunion (décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737) mentionnent que "[l]a pression due au commerce intermembres s'est affaiblie nettement grâce à l'amélioration des contacts bilatéraux [et que] les quantités exportées sont plutôt en diminution, [il] reste [néanmoins] la menace en provenance des outsiders" (voir ci-dessus point 806). En outre, dans le mémorandum à l'intention du président pour la réunion du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729), différents "points chauds" sont identifiés, dont l'un est aussi évoqué dans la note non datée de Blue Circle, à savoir les exportations de l'Allemagne (voir ci-dessus point 897). Dans le même document, il est également constaté (voir ci-dessus point 803): "L'écart entre [les prix dans les différents pays de Cembureau], qui reste de 1 à 2, constitue inévitablement une tentation. Il est donc souhaitable de réduire cet écart." Or, le premier alinéa de la note de Blue Circle du 1er décembre 1983 évoque le problème des prix britanniques élevés de la façon suivante: "La seule et unique raison pour laquelle nous subissons des importations est notre prix. [...] la cause réside en fait dans notre prix ex works d'environ 40 GBP face aux importants surplus européens disponibles à 17 GBP fob ou 25 GBP livrés en silo au Royaume-Uni." Il n'est donc pas surprenant que Blue Circle dresse un bilan plutôt négatif de la situation quelques mois avant la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984.

900. Enfin, en septième lieu, Cementir conteste la force probante de la note non datée de Blue Circle, notamment au motif qu'elle n'est pas datée.

901. Cet argument doit aussi être rejeté. Le simple fait qu'un document n'est pas daté n'implique pas qu'il ne peut contenir des indices de l'existence d'une infraction. En outre, l'autre note de Blue Circle, qui, elle, est datée du 1er décembre 1983, ainsi que la documentation relative aux réunions des chefs de délégation (voir ci-dessus points 790 à 808) permettent de situer dans le temps la "politique de Cembureau de respect des marchés domestiques" à laquelle se réfère la note non datée.

1.2. Déclaration de M. Kalogeropoulos au cours de la réunion du conseil d'administration d'Heracles du 25 juin 1986

902. En premier lieu, CBR, la FIC, Ciments français, Lafarge, Aalborg, Heracles, Uniland, Oficemen, Irish Cement et Blue Circle font valoir que la déclaration faite par M. Kalogeropoulos, président d'Heracles, au cours du conseil d'administration de cette société, le 25 juin 1986 (décision attaquée, paragraphe 18, point 5; documents n° 33.126/19875 à 19877), n'est nullement de nature à établir, et contredit même, l'existence du prétendu accord Cembureau. Selon ces parties requérantes, la déclaration porte sur une prétendue entente qui aurait existé depuis 30 ans. Il ne s'agirait donc pas de l'entente visée à l'article 1er de la décision attaquée, laquelle aurait existé depuis le 14 janvier 1983. Les parties requérantes concernées soulignent que la déclaration ne contient aucune référence à Cembureau. Elles expliquent que M. Kalogeropoulos était un homme politique qui venait d'accéder à la présidence d'Heracles et qui était peu au fait de la réalité de l'industrie du ciment. Le président d'Heracles aurait cherché à trouver des explications externes à des difficultés internes à son entreprise, dues en réalité à certaines erreurs stratégiques, afin de justifier l'octroi d'aides d'Etat à son entreprise.

903. Il convient de constater que la déclaration de M. Kalogeropoulos, bien qu'elle ne se réfère pas à Cembureau, comporte un indice non équivoque de l'existence d'une entente entre producteurs européens de ciment, ayant pour objet le respect des marchés domestiques. Le président d'Heracles souligne en effet qu'"il a existé et continue à exister une entente de tous les producteurs européens de ciment selon laquelle personne ne doit intervenir dans les frontières nationales des autres".

904. En ce qui concerne le point de départ de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée, il doit être relevé que le fait que la Commission a retenu le 14 janvier 1983 comme point de départ de cette infraction et non une date antérieure, vu la durée de 30 ans de l'entente à laquelle se réfère M. Kalogeropoulos, ne fait nullement grief aux parties requérantes et n'affecte pas la force probante de la déclaration pour ce qui concerne l'existence même d'une entente entre producteurs européens de ciment.

905. Dans la décision attaquée, la Commission explique que, à défaut de preuves autres que la déclaration de M. Kalogeropoulos sur une durée aussi longue de l'accord Cembureau, elle "estime que cet accord a pris effet à partir du 14 janvier 1983, date de la réunion au cours de laquelle ont été discutées 'certaines règles du jeu que [tous avaient] intérêt à respecter" (décision attaquée, paragraphe 45, point 6).

906. Cette approche de la Commission ne peut être contestée. L'existence, en 1986, d'une entente entre les producteurs européens de ciment portant sur le respect des marchés domestiques depuis une trentaine d'années n'exclut pas que, dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, un concours de volontés se soit réaffirmé sur le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre.

907. S'agissant de l'argument selon lequel M. Kalogeropoulos n'aurait pas été au fait de la réalité de l'industrie cimentière, il n'est pas crédible que l'intéressé ait fait une déclaration devant le conseil d'administration de son entreprise sans être informé de l'environnement industriel et commercial dans lequel cette dernière opérait. En outre, le document examiné ne comporte aucune référence à des aides d'Etat dont pourrait bénéficier Heracles ni aucun indice de nature à démontrer que les critiques formulées par M. Kalogeropoulos à l'adresse des producteurs britanniques et européens visaient à occulter des erreurs stratégiques commises dans le passé. En tout état de cause, la déclaration du président d'Heracles ne contient nullement une justification d'un comportement antérieur de cette société. Elle esquisse la stratégie actuelle de celle-ci pour ce qui concerne ses exportations vers le marché britannique et explique pourquoi ces ventes transfrontalières ont suscité de vives réactions auprès des autres producteurs européens.

908. En second lieu, Lafarge s'est encore fondée, à l'audience, sur le document "Exports of Greek cement to England" (document n° 33.126/11116) du 3 octobre 1986, signé par M. Kalogeropoulos pour Heracles et par M. Canellopoulos pour Titan. Selon la partie requérante, M. Kalogeropoulos a nié dans ce document que les exportations de ciment au départ de la Grèce aient été subventionnées. Comme il s'agirait d'une "grossière contre-vérité", ce document réduirait la confiance que l'on pourrait accorder au président d'Heracles. Il s'ensuivrait qu'aucune valeur probante ne pourrait être attachée à la déclaration de celui-ci en date du 25 juin 1986.

909. Le document "Exports of Greek cement to England" (document n° 33.126/11116) est un document adressé aux producteurs ou aux autorités britanniques, dans lequel les producteurs grecs relativisent la menace représentée par leurs exportations pour les producteurs britanniques. Force est de constater qu'il ne prend pas position sur la question de savoir si les producteurs grecs ont bénéficié d'aides d'Etat. Il mentionne uniquement à ce propos: "Il ne fait l'objet d'aucun doute que l'industrie cimentière grecque possède, selon les normes internationales, des installations modernes et très performantes alors que l'industrie britannique est en grande partie dépassée d'un point de vue technologique, consomme environ 30 % de carburant en plus par tonne de ciment et emploie deux fois plus de personnel. Partant, la compétitivité grecque repose sur la technologie moderne et l'efficacité, qui ont été réalisées grâce à des investissements considérables et beaucoup d'efforts." Le document ne précise toutefois pas si l'industrie grecque a bénéficié d'aides d'Etat pour réaliser ces investissements importants. L'argument de Lafarge manque donc en fait et doit être rejeté.

910. En troisième lieu, Cementir insiste sur le fait que la déclaration du président d'Heracles est postérieure de plus de trois ans à la prétendue conclusion de l'accord Cembureau. Elle ne pourrait donc constituer un élément de preuve de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée.

911. Cet argument doit aussi être rejeté. La circonstance invoquée par Cementir n'affecte pas la valeur probante de la déclaration quant à l'existence d'une entente entre tous les producteurs européens de ciment sur le respect des marchés domestiques. Au contraire, le fait que, en juin 1986, le président d'Heracles affirme qu'"il a existé et continue à exister une entente entre tous les producteurs européens de ciment selon laquelle personne ne doit intervenir dans les frontières nationales des autres" concorde parfaitement avec les conclusions tirées par la Commission quant à l'illicéité de l'objectif des réunions des chefs de délégation de 1983 et de 1984.

912. Enfin, en quatrième lieu, Aalborg soutient que, dans sa déclaration, le président d'Heracles s'est nécessairement référé à une entente liant certains et non tous les producteurs européens de ciment.

913. Il y a lieu de constater que la déclaration du président d'Heracles démontre en réalité l'existence de deux ententes étroitement liées, à savoir, d'une part, l'entente ponctuelle survenue en 1986 entre les producteurs britanniques et une série d'autres producteurs européens de ciment, en vue de faire face à la menace constituée, à partir de 1986, par les exportations au départ de la Grèce, et, d'autre part, l'entente générale et de longue date entre "tous les producteurs européens de ciment", selon laquelle "personne ne [devait] intervenir dans les frontières nationales des autres", et qui explique précisément le soutien accordé aux producteurs britanniques par les autres producteurs d'Europe occidentale dans leur lutte contre les importations de ciment en provenance de Grèce. L'argument d'Aalborg doit donc être rejeté.

1.3. Aveu de Cembureau

914. Cembureau affirme qu'il n'a jamais reconnu l'existence de l'accord Cembureau. Contrairement à ce que prétend la Commission au paragraphe 45, point 4, de la décision attaquée, il aurait, tout au long de la procédure administrative, défendu le point de vue selon lequel il "n'existe aucun 'Cembureau Agreement or Principle ni a fortiori aucun document qui contiendrait des règles d'application" (réponse fournie par Cembureau au cours d'une vérification au titre de l'article 14 du règlement n° 17; décision attaquée, paragraphe 18, point 4; document n° 33.126/11525). Tout autre commentaire fourni par Cembureau sur le prétendu accord Cembureau n'aurait été que pure spéculation de sa part. Ciments français, Uniland, Oficemen et Cementir soutiennent aussi que Cembureau a toujours nié l'existence de l'accord Cembureau.

915. Il y a toutefois lieu de rappeler que Cembureau, bien qu'il ait formellement nié l'existence de l'accord Cembureau, a néanmoins expliqué dans le cadre d'une vérification au titre de l'article 14 du règlement n° 17 (décision attaquée, paragraphe 18, point 4; document n° 33.126/11525):

"Lorsque l'expression est citée dans un document, elle se réfère non pas à une quelconque pratique anticoncurrentielle, mais au respect des règles d'usage et d'éthique progressivement dégagées de la fréquentation des entreprises et de l'évolution économique dans les différents pays."

916. De même, en réponse à une communication des griefs en vertu de l'article 15, paragraphe 1, du règlement n° 17, il a fait valoir à propos de la note de Blue Circle du 1er décembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 18, point 4; documents n° 33.126/13568 à 13573):

"[Ce document] fait allusion, sans plus, aux règles de bon voisinage encouragées par Cembureau. La référence au 'Cembureau principle of not transhipping to internal European markets' se réfère à un mode de comportement qui est souhaité par les membres, mais ne contient en lui-même aucune contrainte ni a fortiori aucune sanction.

La référence à un 'Cembureau agreement' ne vise que le même principe, et renvoie à des règles 'd'usage et d'éthique progressivement dégagées de la fréquentation des entreprises et de l'évolution économique dans les différents pays'."

917. Il ressort de ce qui précède que Cembureau a uniquement nié l'existence d'un accord formel Cembureau et non l'existence d'un concours de volontés dans le chef de Cembureau et de ses membres. Ainsi, il a reconnu, au cours de la procédure administrative, que l'accord ou principe Cembureau se référait au respect des règles de bon voisinage qui avaient été "encouragées par Cembureau" lui-même, et qui étaient, en outre, "souhaité[es] par les membres" (décision attaquée, paragraphe 18, point 4; documents n° 33.126/13568 à 13573). Or, un concours de volontés entre une association et ses membres à propos de règles de bon voisinage ou de règles d'usage et d'éthique constitue un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, même si l'effet obligatoire de l'accord fait défaut (arrêt Van Landewyck e.a./Commission, cité au point 717 ci-dessus, points 85 et 86).

918. Cembureau ne saurait prétendre que la description qu'il a fournie de l'accord Cembureau n'est que pure spéculation de sa part. En effet, lorsqu'il décrit le contenu des règles de bon voisinage "encouragées" par lui- même, il le fait en connaissance de cause. A la lumière des documents déjà analysés (voir ci-dessus points 875 à 913) et des documents concernant les réunions des chefs de délégation (voir ci-après points 929 à 1095), il ne peut être prétendu que les règles de bon voisinage ou les règles d'usage et d'éthique alléguées portaient sur autre chose que le respect des marchés domestiques.

919. Il y a donc lieu de conclure que la Commission était fondée à considérer dans la décision attaquée que Cembureau, à travers les périphrases utilisées au cours d'une vérification au titre de l'article 14 du règlement n° 17 et dans une réponse à une communication des griefs en vertu de l'article 15, paragraphe 1, du règlement n° 17, n'a fait "qu'admettre l'existence de l'accord de respect des marchés domestiques et de réglementation de ventes" (décision attaquée, paragraphe 45, point 4).

1.4. Conclusions

920. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucune des circonstances invoquées par les parties requérantes n'est de nature à affecter la valeur probante des deux notes internes susvisées de Blue Circle, de la déclaration de M. Kalogeropoulos, président d'Heracles, du 25 juin 1986, et des déclarations de Cembureau au cours de la procédure administrative. Il convient de constater, au contraire, que ces documents constituent des indices objectifs et concordants de l'existence d'une entente entre producteurs européens de ciment ayant pour objet le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre.

2. Conclusion de l'accord Cembureau dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et confirmation de cet accord dans le cadre des réunions des chefs de délégation des 19 mars et 7 novembre 1984

921. Selon la Commission, l'accord Cembureau a été conclu par Cembureau et ses membres dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 45, point 1). Il s'agirait d'un accord restreignant la concurrence et affectant les échanges entre Etats membres, en violation des dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité (décision attaquée, paragraphe 45, point 5, paragraphe 52 et article 1er). Le contenu de l'accord aurait été confirmé aux réunions des chefs de délégation des 19 mars et 7 novembre 1984 (décision attaquée, paragraphe 45, point 2).

922. Avant d'examiner les arguments relatifs aux preuves documentaires sur lesquelles ces constatations de la Commission reposent ainsi que tous les autres arguments relatifs aux réunions des chefs de délégation concernées, il y a lieu d'examiner l'argument de différentes parties requérantes concernant l'incompétence des chefs de délégation pour conclure un accord commercial.

2.1. Compétence des chefs de délégation pour conclure l'accord Cembureau

923. CBR, Cembureau, la FIC, la VNC, Dyckerhoff, le SFIC, Vicat, Heidelberger, Lafarge, le BDZ, Rugby, Castle, l'ATIC, Italcementi, Aker, Euroc et Cementir, soulignant le caractère parfaitement licite de l'objet de Cembureau, de sa structure et de ses activités, affirment que les chefs de délégation n'avaient pas compétence pour conclure un accord en violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité. En vertu des statuts de Cembureau, seules les décisions de l'assemblée générale auraient pu engager les membres de cette association. Lafarge précise qu'aucun organe de Cembureau, qu'il s'agisse de l'assemblée générale ou des chefs de délégation, n'était habilité à adopter des décisions de politique commerciale ou industrielle susceptibles de s'imposer à l'industrie du ciment. La VNC souligne quant à elle que les réunions des chefs de délégation ne constituaient pas un organe de Cembureau. Ces réunions auraient uniquement donné lieu à des discussions informelles.

924. Il convient de relever que l'article 6, premier alinéa, des statuts de Cembureau, en vigueur au cours de la période prise en considération par la décision attaquée, énonce:

"Le pouvoir de décision des membres en ce qui concerne les activités de l'association s'exerce au sein de l'assemblée générale qui est constituée de représentants désignés par les membres. Avant chaque réunion de l'assemblée générale, les membres désigneront le représentant de leur pays qui exercera le droit de vote."

925. Les représentants des membres de Cembureau qui exercent le droit de vote à l'assemblée générale sont appelés "chefs de délégation".

926. Cette dénomination a été confirmée par Cembureau dans son mémoire en réponse à la CG, page 7 (décision attaquée, paragraphe 15, point 4):

"Comme c'est le cas pour les représentants des gouvernements dans des organismes internationaux et en dépit du fait que le titre de 'head delegate n'est pas statutaire [...], une personne fut nommée 'chef de délégation ('head delegate) pour exercer le droit de vote au sein de l'assemblée générale. Cembureau tenait à jour une liste de ces chefs de délégation."

927. Même si les chefs de délégation ne constituaient pas en tant que tels un organe statutaire de Cembureau, ils disposaient, au cours de la période considérée par la décision attaquée, d'un poids considérable et même prépondérant au sein de Cembureau, dans la mesure où ils exerçaient le droit de vote à l'assemblée générale de cette association. En outre, ils représentaient de fait l'industrie du ciment des différents pays membres de Cembureau. Les réunions des chefs de délégation constituaient dès lors un cadre de fait permettant la conclusion d'un accord tel que celui visé à l'article 1er de la décision attaquée.

928. L'argument tiré d'une incompétence statutaire de Cembureau ou des chefs de délégation pour conclure l'accord Cembureau doit en conséquence être rejeté. Dans ces conditions, il y a lieu uniquement d'examiner si les chefs de délégation ont effectivement conclu un accord en violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, dans le cadre de la réunion du 14 janvier 1983, et si cet accord a été confirmé au cours des réunions des 19 mars et 7 novembre 1984. Admettre l'argument des parties requérantes concernées reviendrait à priver l'article 85, paragraphe 1, du traité de tout effet utile, puisque les statuts d'une entreprise ou d'une association d'entreprises ne permettent jamais la conclusion d'accords ayant un objet illicite.

2.2. Conclusion de l'accord Cembureau dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983

929. CBR, Cembureau, la FIC, ENCI, la VNC, Ciments luxembourgeois, Dyckerhoff, le SFIC, Vicat, Cedest, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, Unicem, Rugby, Castle, Heracles, Uniland, Oficemen, Irish Cement, Cimpor, Secil, l'ATIC, Titan, Italcementi, Holderbank, Aker, Euroc, Cementir, Blue Circle et l'AGCI soutiennent que les documents sur lesquels la Commission se fonde ne prouvent pas que l'accord Cembureau ait été conclu dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983. Pour parvenir à cette conclusion, ils examinent séparément les différents documents qui sont mentionnés aux paragraphes 19 et 45 de la décision attaquée et qui concernent cette réunion.

2.2.1. Lettre de convocation pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983

930. Cembureau, Ciments français, Lafarge, Irish Cement et Cementir reprochent à la Commission d'avoir retenu, parmi les éléments de preuve relatifs à la conclusion de l'accord Cembureau, la lettre de convocation de M. Gil Braz de Oliveira pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, lettre en date du 16 novembre 1982 (décision attaquée, paragraphe 19, point 2; documents n° 33.126/11552 et 11553).

931. Au paragraphe 19, point 2, de la décision attaquée, la Commission cite l'extrait suivant de cette lettre:

"Lors de la dernière réunion du comité exécutif, le 5 novembre, un sujet a été soulevé, lequel, selon l'avis unanime des membres, mérite une attention toute particulière, justifiant une réunion exceptionnelle au niveau des head delegates de Cembureau. Etant donné la conjoncture de récession généralisée dans ses ventes intérieures, les transferts de ciments entre pays membres pourront avoir des conséquences nuisibles pour notre industrie si certaines mesures appropriées ne sont pas prises à temps, comme c'est, par exemple, le cas des échanges entre la Belgique et les Pays-Bas qui seront réglés par un protocole à être publié prochainement dans le Journal officiel de la CEE [...]"

932. La Commission estime qu'il ressort de ce courrier qu'il était prévu que la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 porterait sur les problèmes posés par le commerce intra-européen et qu'il faudrait trouver des "règles du jeu" pour limiter et réglementer ces transferts (décision attaquée, paragraphe 45, points 1 et 9, et 46, point 2).

933. Cembureau, Ciments français, Lafarge, Irish Cement et Cementir font toutefois valoir que la lettre de convocation a été adressée par son auteur, en son nom personnel, aux seuls chefs de délégation danois (M. Larsen) et irlandais (M. Dempsey). La lettre de convocation "officielle", également du 16 novembre 1982, pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (documents n° 33.126/11554 à 11557), produite par Cembureau en annexe 3.3 à sa requête, ne comprendrait pas le passage cité au paragraphe 19, point 2, de la décision attaquée et démontrerait la licéité de l'objet de la réunion du 14 janvier 1983.

934. Comme le soulignent les parties requérantes concernées, il existe effectivement deux versions de la lettre de convocation. La version citée dans la décision attaquée est signée par M. Gil Braz de Oliveira, membre délégué du comité exécutif de Cembureau (décision attaquée, paragraphe 19, point 2; documents n° 33.126/11552 et 11553). Il est constant que cette lettre de convocation à été envoyée à Aalborg ainsi qu'à Irish Cement. Dans ce courrier, M. Gil Braz de Oliveira les a informées de la date proposée pour la prochaine réunion des chefs de délégation, à savoir le 14 janvier 1983, "à la demande du président de Cembureau, Monsieur Jean Bailly". Dans ces circonstances, les parties requérantes ne sauraient raisonnablement soutenir que M. Gil Braz de Oliveira s'adressait à elles à titre personnel.

935. Quant à la lettre "officielle" de convocation, elle ne contredit nullement la teneur de la lettre de M. Gil Braz de Oliveira.

936. Bien qu'elle ne fasse pas explicitement état des "transferts de ciment entre pays membres", elle mentionne néanmoins que, "[l]ors des réunions que le comité exécutif et le groupe de coordination ont tenues la semaine passée, [...] il est apparu clairement que les producteurs de ciment européens ont à faire face à des problèmes sérieux" et que "des mesures appropriées doivent être prises en conséquence pour éviter que l'industrie cimentière ne suive le même chemin désastreux que connaissent d'autres industries lourdes et traditionnelles en Europe".

937. En outre, le fait qu'il était prévu que la réunion du 14 janvier 1983 porterait notamment sur les transferts de ciment entre pays membres de Cembureau est confirmé par le télex que MM. Collis et Dutron, directeurs de Cembureau, ont adressé à M. Van Hove (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; document n° 33.126/11559) le 17 novembre 1982, lendemain de l'envoi de la lettre de convocation de M. Gil Braz de Oliveira.

938. Dans ce télex, il était demandé à M. Van Hove de donner son avis sur le point 2 de l'ordre du jour qui devait être rédigé "de manière suffisamment explicite sans risques de susciter des réactions".

939. Or, le point 2 du projet d'ordre du jour initial visait expressément le "commerce intra-européen" et l'une de ses subdivisions se référait aux mesures possibles pour contrôler le commerce transfrontalier (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; documents n° 33.126/11559 et 11580; voir ci-après points 942 à 954).

940. Il résulte de ce qui précède que les arguments visant à contester la valeur probante de la lettre de convocation de M. Gil Braz de Oliveira ne sauraient être accueillis. Il y a lieu au contraire de constater que ladite lettre est un élément de preuve pertinent, dans la mesure où elle énonçait que les membres du comité exécutif de Cembureau considéraient que les transferts de ciment intra-européens pourraient "avoir des conséquences nuisibles" pour l'industrie du ciment et qu'il fallait convoquer une réunion exceptionnelle des chefs de délégation, le 14 janvier 1983, pour prendre les "mesures appropriées".

941. Certaines parties requérantes prétendent toutefois que les "mesures appropriées" envisagées concernaient le système des points de parité et non le principe du respect des marchés domestiques. Cette argumentation sera examinée ci-après aux points 977 à 987.

2.2.2. Modifications apportées à l'ordre du jour pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983

942. Il y a lieu de rappeler que le point 2 de l'ordre du jour initial pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 a été modifié à la suite d'une intervention de M. Van Hove à la demande du président de Cembureau, M. Bailly (voir ci-dessus points 797 à 801).

943. Cembureau, la FIC, Ciments luxembourgeois, le SFIC, Lafarge, Aalborg et Irish Cement prétendent que les modifications proposées par M. Van Hove au point 2 ("Commerce intra-européen") du projet d'ordre du jour pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 étaient purement formelles et insignifiantes. Ces modifications n'auraient pas visé à cacher le contenu réel de la réunion. La FIC explique encore qu'elles tendaient uniquement à introduire une plus grande rigueur dans la rédaction de l'ordre du jour pour la réunion du 14 janvier 1983, afin que ce dernier reflétât correctement le sujet que M. Van Hove devait traiter lors de la réunion. Le souci d'éviter de "susciter des réactions", dont fait état la demande adressée à M. Van Hove (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; document n° 33.126/11559), serait résulté, selon la FIC et Irish Cement, de l'existence de tensions considérables entre certains membres de Cembureau, plus particulièrement entre les membres espagnol et irlandais. Irish Cement ajoute que le président de Cembureau craignait à l'époque des réactions du membre espagnol au dépôt d'une plainte antidumping par l'industrie irlandaise avec le soutien du CLC, dont M. Van Hove était le président.

944. Il y a lieu de rappeler que le télex du 17 novembre 1982 envoyé par MM. Collis et Dutron, directeurs de Cembureau, à M. Van Hove mentionne: "M. Bailly [président de Cembureau] souhaite recevoir vos avis en ce qui concerne la formulation du point 2 que nous voudrions rédiger de manière suffisamment explicite sans risques de susciter des réactions." (Décision attaquée, paragraphe 19, point 3; document n° 33.126/11559.)

945. Dans le projet d'ordre du jour initial du 16 novembre 1982 (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; documents n° 33.126/11559 et 11580), ce point était rédigé comme suit:

" 2. Commerce intra-européen

A. Analyse de la situation

1. Données

2. Situation des prix Prix nationaux

3. Motivation et organisation du commerce transfrontalier Développements prévus

B. Mesures possibles pour contrôler le commerce intra

1. Soutien des gouvernements contre le dumping

2. Justification d'accords de prix raisonnables Intervention du comité de liaison

3. Etudes et séminaires Dumping, rentabilité

4. Autres mesures"

946. Les discussions ainsi prévues au sein d'une association regroupant des concurrents directs de tous les Etats membres, portant sur des mesures visant à "contrôler" ou à "organiser" le commerce intra-européen, risquaient à l'évidence de se heurter à l'article 85, paragraphe 1, du traité. A cet égard, il y a lieu de relever que, de l'aveu même de Cembureau (affaire T-2695, requête, point 3.1), M. Van Hove était l'expert du droit communautaire de la concurrence au sein de cette association.

947. Il doit être souligné ensuite que la demande adressée à M. Van Hove portait uniquement sur le point 2 du projet d'ordre du jour (voir ci-dessus point 944). Les autres points du projet d'ordre du jour, à savoir "1. Importations de l'Europe de l'Est", "3. Conditions du marché mondial" et "4. Conclusions et décisions", étaient vagues, en comparaison avec le point 2, et ne soulevaient pas de problèmes sous l'angle de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

948. Or, force est de constater que les modifications proposées par M. Van Hove au point 2 de l'ordre du jour ont porté uniquement sur des formulations qui étaient de nature à dévoiler un objectif anticoncurrentiel poursuivi par les participants à la réunion du 14 janvier 1983.

949. En effet, par télex du 17 novembre 1982 (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; document n° 33.126/11558), M. Van Hove a suggéré:

"Les mots suivants qui étaient repris dans votre télex de ce 17 novembre doivent disparaître de tout document officiel:

[...] Organisation du commerce transfrontalier

[...] Contrôle commerce intra

[...] Justification d'accords de prix raisonnables [...]"

950. Ces modifications proposées par M. Van Hove et reprises dans l'ordre du jour final (voir ci-dessus points 797 à 801) visaient donc à éliminer le risque que l'ordre du jour permît de déduire le contenu réel des discussions à intervenir entre les chefs de délégation.

951. Au demeurant, d'autres documents attestent le même souci de Cembureau d'occulter le contenu réel de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983. Ainsi, le projet d'exposé introductif du président pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n° 33.126/11583 à 11585) souligne qu'"[i]l est presque inutile de [...] dire qu'il n'y aura pas de compte rendu [des] débats", tandis que l'aide-mémoire pour la conduite de cette réunion (décision attaquée, paragraphe 19, point 6; documents n° 33.126/11578 et 11579) précise: "13 h 15/13 h 30 Clôture de la réunion qui ne donnera pas lieu à procès-verbal" (voir ci-après points 962 à 976).

952. L'argument tiré des tensions qui auraient existé entre les producteurs espagnols et irlandais, à cause, notamment, de prétendues pratiques de dumping de la part des producteurs espagnols, doit être rejeté. En effet, toutes les références, dans le projet initial, au dumping ont été maintenues dans l'ordre du jour adopté à la suite des modifications apportées par M. Van Hove. En outre, ces dernières modifications n'étaient pas de nature à produire un effet plus bénéfique sur les relations entre les producteurs espagnols et irlandais que le projet initial d'ordre du jour.

953. Quant à l'argument de la FIC selon lequel les modifications apportées au point 2 sur les indications de M. Van Hove visaient à mentionner correctement le sujet que ce dernier allait traiter, il doit aussi être rejeté. En effet, ni le projet initial, ni les modifications proposées, ni l'ordre du jour final n'ont fait état des titres des exposés prévus pour la réunion ni, a fortiori, des différents orateurs.

954. Il ressort de tout ce qui précède que la Commission était fondée à considérer que les modifications apportées au projet d'ordre du jour pour la réunion du 14 janvier 1983 tendaient à occulter le contenu réel des discussions à intervenir, lesquelles devaient notamment porter sur des mesures de contrôle du commerce intra-européen de ciment (décision attaquée, paragraphes 19, point 3, 45, point 1, et 65, point 5).

2.2.3. Contenu des documents concernant le déroulement de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983

955. En premier lieu, CBR, Cembureau, la FIC, Ciments luxembourgeois, Dyckerhoff, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, Castle, Heracles, Aker, Euroc, Cementir et l'AGCI prétendent qu'il ressort du projet d'exposé introductif du président pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n° 33.126/11583 à 11585) que l'objectif de cette réunion n'était pas de décider ou de prescrire aux membres directs et indirects de Cembureau un certain comportement collectif sur le marché. Loin d'établir l'existence de l'accord Cembureau, le projet d'exposé introductif prouverait l'inexistence d'un tel accord. Les parties requérantes se réfèrent sur ce point à l'extrait suivant du document en question: "Notre objectif n'est évidemment pas de prendre ici des décisions de caractère collectif."

956. Cembureau se réfère encore au document intitulé "Réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983 Notes pour le président" (décision attaquée, paragraphe 17, point 3; documents n°s 33.126/11630 à 11633), et en particulier au point 4, intitulé "Questions à prendre en considération par le comité exécutif", qui confirmerait qu'aucune décision ou action concrète n'a été adoptée au cours de la réunion du 14 janvier 1983.

957. La FIC ajoute qu'aucun des documents relatifs aux réunions des chefs de délégation ne fait référence ou ne mentionne l'établissement d'un accord portant sur le respect des marchés domestiques.

958. Il convient de rappeler que, pour qu'il y ait un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (arrêts cités au point 270 ci-dessus, Commission/Anic, point 130, et Montecatini/Commission, point 162; arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfileurope/Commission, T-141-89, Rec. p. II-791, point 95). Ainsi, le juge communautaire a considéré qu'un "gentlemen's agreement" constituait un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (arrêts ACF Chemiefarma/Commission, cité au point 643 ci-dessus, points 106 à 114, et Tréfileurope/Commission, précité, point 96). La qualification d'accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité ne dépend donc nullement du caractère contraignant dudit accord.

959. En l'espèce, le président a souligné, dans son projet d'exposé introductif pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983:

"Notre objectif [est] d'évoquer des solutions possibles susceptibles de tempérer l'évolution des marchés et de proposer [...] certaines règles du jeu que nous avons tous intérêt à respecter."

960. Même si le président n'a pas ainsi proposé l'adoption de décisions formelles ou d'un accord formel au sein de Cembureau, il a exprimé le souhait que les participants à la réunion s'entendent sur des "règles du jeu". Or, la fixation, par des opérateurs économiques, de "règles du jeu" pour leur comportement sur le marché constitue indéniablement, à la lumière de la jurisprudence citée au point 958 ci-dessus, un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

961. En ce qui concerne l'argument de Cembureau tiré du point 4 du document intitulé "Réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983 Notes pour le président", les questions à prendre en considération par le comité exécutif concernaient les "importations de l'Europe de l'Est" et les "conditions du marché mondial", qui correspondaient respectivement aux premier et troisième points de l'ordre du jour de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983. Toutefois, le passage du document intitulé "Réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983 Notes pour le président" mis en exergue par la partie requérante ne contient aucun renvoi au comité exécutif pour ce qui concerne le point 2 de l'ordre du jour intitulé "Commerce intra-européen", ce qui confirme que les chefs de délégation ont eux-même pris les "mesures appropriées" au cours de leur réunion du 14 janvier 1983 pour résoudre les problèmes liés aux échanges de ciment entre pays membres de Cembureau.

962. En second lieu, CBR, Cembureau, la FIC, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, Irish Cement, Cementir et Blue Circle prétendent que la Commission ne saurait se fonder sur le passage du projet d'exposé introductif de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 dans lequel le président annonce qu'il n'y aura pas de compte rendu des débats pour conclure à la volonté des participants d'entourer de secret leurs actions/décisions et, partant, pour conclure à l'objet illicite de la réunion en cause.

963. CBR, Cembureau et Irish Cement se prévalent de la nature préparatoire du projet d'exposé introductif du président pour nier toute valeur probante à ce document.

964. Il est constant (requête de Cembureau dans l'affaire T-26-95, point 2.5) que ce projet d'exposé introductif a été rédigé par les directeurs de Cembureau, MM. Dutron et Collis. Aucun élément ne permet de conclure qu'il ne reflétait pas les opinions de M. Bailly, président de Cembureau. Au contraire, il ressort déjà du télex du 17 novembre 1982 envoyé par MM. Collis et Dutron à M. Van Hove (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; document n° 33.126/11559) qu'il y a eu une concertation étroite entre le président de Cembureau et les auteurs du projet d'exposé introductif du président pour la préparation de la réunion du 14 janvier 1983. Ce télex énonce en effet: "M. Bailly souhaite recevoir vos avis en ce qui concerne la formulation du point 2 que nous voudrions rédiger de manière suffisamment explicite sans risques de susciter des réactions" (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; document n° 33.126/11559). Eu égard au fait que MM. Dutron et Collis s'acquittaient normalement de la rédaction de comptes rendus des réunions organisées dans le cadre de Cembureau et notamment des réunions du comité exécutif (requête de Cembureau dans l'affaire T-26-95, points 2.5 et 2.15), il doit être admis que le passage du projet d'exposé introductif dans lequel il était annoncé qu'il n'y aurait pas de compte rendu des débats reflétait l'intention du président de Cembureau. Dans la mesure où il n'a pas été démontré qu'un procès- verbal formel de la réunion fut néanmoins établi (voir ci-après points 970 à 976), il convient de conclure que le président de Cembureau a effectivement annoncé au cours de la réunion du 14 janvier 1983 qu'il n'y aurait pas de compte rendu et que cette déclaration a reçu l'approbation, à tout le moins tacite, des participants à la réunion.

965. Heidelberger et Aalborg font valoir que l'annonce litigieuse du président peut s'expliquer par le fait qu'il n'était pas prévu d'adopter des décisions. 966.

Cet argument doit être rejeté. Il ressort en effet de différents documents [lettre de convocation de M. Gil Braz de Oliveira (décision attaquée, paragraphe 19, point 2; documents n° 33.126/11552 et 11553); lettre de convocation "officielle" pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (documents n° 33.126/11554 à 11557); projet d'exposé introductif du président (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n° 33.126/11583 à 11585)] que la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 était une réunion extraordinaire destinée à faire face à des problèmes d'une extrême importance, notamment ceux liés aux échanges de ciment entre pays membres de Cembureau. L'objectif de la réunion était de fixer des "règles du jeu" visant à "tempérer l'évolution des marchés" (projet d'exposé introductif du président). En outre, à supposer même qu'il n'ait pas été prévu que des décisions fussent prises au cours de la réunion, cette circonstance n'aurait pas expliqué l'intérêt de ne pas établir un compte rendu de la réunion. En effet, un compte rendu de réunion ne se limite pas à reproduire les décisions prises au cours de la réunion. Il reflète normalement le contenu des différentes interventions qui ont eu lieu au cours de celle-ci.

967. Cembureau et Irish Cement expliquent que les réunions des chefs de délégation avaient un caractère informel par rapport aux réunions du comité exécutif, au terme desquelles un procès-verbal formel et détaillé était toujours établi sur la base d'enregistrements. Par son annonce du non-établissement d'un compte rendu de la réunion du 14 janvier 1983, le président aurait donc simplement voulu souligner le caractère distinct de cette réunion par rapport à une réunion du comité exécutif. Lafarge soutient pour sa part que l'annonce du président traduit en réalité la volonté d'aplanir, en ne les reconnaissant pas explicitement, les tensions existant au sein de Cembureau en raison des problèmes de dumping liés, notamment, aux importations en provenance d'Espagne et d'Allemagne de l'Est.

968. Toutefois, les explications fondées sur le caractère informel de la réunion du 14 janvier 1983 ne peuvent davantage être retenues, dès lors que, contrairement à la réunion du 14 janvier 1983, les autres réunions des chefs de délégation visées par la décision attaquée ont donné lieu à la rédaction de "notes de séance" ou de "Summary notes" [notes de séance de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737); "Summary notes" du 12 novembre 1984 se rapportant à la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 14; documents n° 33.126/11754 et 11755)].

969. De même, en ce qui concerne l'explication avancée par Lafarge relative aux tensions qui auraient existé au sein de Cembureau, force est de constater que l'évocation, au cours des réunions des chefs de délégation des 19 mars et 7 novembre 1984, des tensions suscitées par les exportations en provenance d'Espagne et d'Allemagne de l'Est n'a pas empêché la rédaction de "notes de séance" ou de "summary notes".

970. Ensuite, Cembureau, la FIC, Aalborg, Irish Cement, Cementir et Blue Circle font valoir que, contrairement à ce que la Commission prétend, il existe un ou même plusieurs procès-verbaux de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983. Cela démontrerait que les propos du président contenus dans son projet d'exposé introductif n'ont pas été suivis d'effet.

971. Cembureau, la FIC, Irish Cement et Blue Circle invoquent à cet égard le document "Réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983 Notes pour le président" (décision attaquée, paragraphe 17, point 3; documents n° 33.126/11630 à 11633), rédigé le 18 janvier 1983 par M. Collis, directeur de Cembureau. Cembureau, la FIC, Ciments français et Irish Cement se réfèrent encore à un document de cinq pages dénommé "Note de Cimpor" dans la décision attaquée, également distribué aux participants à la réunion du comité exécutif de Cembureau du 25 mars 1983 (décision attaquée, paragraphe 17, point 2; documents n° 33.322/308 à 312). Aalborg se prévaut de l'existence d'un compte rendu de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, invoquant un document sans intitulé (décision attaquée, paragraphe 17, point 3; documents n° 33.126/11617 à 11629). Cembureau soutient qu'il est fait référence à la réunion du 14 janvier 1983 dans le compte rendu de la réunion du CLC du 17 mars 1983 (annexe 3.17 à la requête dans l'affaire T-26-95). Cementir relève uniquement l'existence d'un compte rendu sans aucune référence à un document précis.

972. Il convient de constater que deux documents font état de l'intention de ne pas rédiger un compte rendu de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983. A l'instar du passage litigieux du projet d'exposé introductif du président (voir ci-dessus point 962), l'aide-mémoire pour la conduite de la réunion du 14 janvier 1983 mentionne: "13 h 15/13 h 30 Clôture de la réunion qui ne donnera pas lieu à procès-verbal".

973. Par ailleurs, aucun des documents mentionnés ci-dessus au point 971 ne peut être considéré comme un compte rendu officiel de la réunion. En ce qui concerne, d'abord, le document intitulé "Réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983 Notes pour le président", il contient, comme son intitulé l'indique, des notes rédigées à l'intention du président de Cembureau. Il ne s'agit donc pas d'un compte rendu de la réunion des chefs de délégation destiné aux participants à la réunion. S'agissant du compte rendu de la réunion du CLC du 17 mars 1983, il ne comporte pas la moindre allusion aux discussions de la réunion du 14 janvier 1983, contrairement à ce que Cembureau prétend. En ce qui concerne le document sans intitulé auquel se réfère Aalborg, bien que son contenu corresponde en grande partie aux "notes pour le président", il ne contient aucune référence explicite à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et ne saurait donc être considéré comme un compte rendu officiel de cette réunion. Quant à la "[n]ote de Cimpor", elle ne contient qu'une référence manuscrite à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, et il est constant qu'elle a été distribuée au cours de la réunion du comité exécutif du 25 mars 1983. En réalité, le compte rendu officiel de la réunion des chefs de délégation de Cembureau, s'il avait existé, aurait connu une autre voie de distribution, à savoir une distribution aux chefs de délégation mêmes, et Cembureau, ou un membre de Cembureau, aurait donc été à même de produire un document ainsi distribué.

974. CBR admet qu'il n'existe pas de compte rendu formel de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983. Néanmoins, plusieurs documents relateraient le contenu des présentations faites au cours de ladite réunion. Même en l'absence de transcription fidèle de l'exposé sur le système des points de parité lors de la réunion du 14 janvier 1983, le document sur la base duquel cet exposé a été réalisé, à savoir les notes de M. Van Hove (décision attaquée, paragraphe 17, point 3; documents n° 33.126/11602 à 11613), aurait circulé entre les membres de Cembureau. La Commission aurait d'ailleurs suivi une pratique identique dans le cadre de ses auditions, par exemple lors des auditions de mars 1993, au cours desquelles elle aurait fait circuler des documents relatifs aux exposés du professeur Encaoua et de l'expert M. Bensaid en les intitulant "procès-verbal de l'audition".

975. Il doit être constaté que CBR admet elle-même que le système des points de parité n'a pas été le seul sujet de discussion abordé au cours de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (réplique dans l'affaire T- 25-95, point 19). Dès lors, les notes de M. Van Hove ne sauraient être considérées comme le compte rendu, même informel, de la réunion.

976. Sur la base de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la déclaration selon laquelle il ne serait pas établi un compte rendu de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, qui ressort du projet d'exposé introductif pour cette réunion et de l'aide-mémoire pour la conduite de celle-ci, a été faite au cours de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et a reçu l'approbation, à tout le moins tacite, des participants à cette réunion. Dès lors que les autres réunions des chefs de délégation qui sont visées par la décision attaquée, à savoir celles des 19 mars et 7 novembre 1984, ont donné lieu à la rédaction de "notes de séance" ou de "Summary notes" et que le projet d'ordre du jour pour la réunion du 14 janvier 1983 a fait l'objet de modifications visant à occulter le contenu réel des discussions (voir ci-dessus point 954), la Commission était fondée à considérer que l'absence de compte rendu de la réunion du 14 janvier 1983 reflétait la volonté des participants d'entourer de secret leurs actions/décisions et, partant, l'objet illicite de la réunion en cause (décision attaquée, paragraphes 19, point 3, 45, point 1, et 65, point 5).

977. En troisième lieu, CBR, Cembureau, la FIC, Dyckerhoff, Ciments luxembourgeois, le SFIC, Vicat, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, Unicem, Castle, Heracles, Oficemen, Irish Cement, Cimpor, Secil, Titan, Italcementi, Aker, Euroc, Cementir, Blue Circle et l'AGCI insistent sur le caractère licite de l'objet des discussions qui ont eu lieu au cours de la réunion du 14 janvier 1983. Ainsi, CBR, Cembureau, la FIC, Dyckerhoff, le SFIC, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, Unicem, Castle, Heracles, Oficemen, Irish Cement, Cimpor, Secil, Titan, Italcementi, Aker, Euroc, Cementir et l'AGCI soutiennent que les participants à la réunion en question ont recherché des solutions visant à assurer, dans un contexte de récession de l'industrie européenne du ciment, les conditions d'une saine concurrence, compatibles avec les règles du traité, comme le système des points de parité. Les discussions auraient notamment porté sur l'établissement éventuel d'un système de points de parité général analogue à celui qui avait été notifié le 16 juillet 1981 à la Commission par les producteurs de ciment belges et néerlandais et qui aurait été accueilli favorablement par celle-ci. CBR, Cembureau, la FIC, Dyckerhoff, le SFIC, Vicat, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, Unicem, Castle, Heracles, Irish Cement, Cimpor, Secil, Aker, Euroc, Cementir et Blue Circle expliquent encore que, au cours de la réunion du 14 janvier 1983, une réflexion a été menée, d'une part, sur les problèmes causés par les importations, souvent dans le cadre de pratiques de dumping, de ciment en provenance de pays non membres de la Communauté, notamment, d'Espagne et de pays d'Europe de l'Est, et, d'autre part, sur la préparation d'une plainte antidumping. Le SFIC et Unicem soutiennent aussi que la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 concernait également la protection des producteurs contre les importations subventionnées par un Etat membre.

978. Au soutien de leur argumentation, les parties requérantes suivantes se réfèrent, outre à la lettre de convocation de M. Gil Braz de Oliveira (décision attaquée, paragraphe 19, point 2; documents n° 33.126/11552 et 11553) et à l'aide-mémoire pour la conduite de la réunion du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 6; documents n° 33.126/11578 et 11579), à des documents particuliers:

Ciments français, Heracles, Irish Cement, Cementir et Blue Circle: la "[n]ote de Cimpor", distribuée aux participants à la réunion du comité exécutif de Cembureau du 25 mars 1983 (décision attaquée, paragraphe 17, point 2; documents n° 33.322/308 à 312);

Cembureau, Lafarge, Irish Cement et Unicem: document intitulé "Réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983 Notes pour le président" (décision attaquée, paragraphe 17, point 3; documents n° 33.126/11630 à 11633);

Cembureau (annexe 3.17 à sa requête) et Aalborg (annexe 13 à sa requête): projet de procès-verbal de la réunion du CLC du 17 mars 1983;

Aalborg et Unicem: document sans intitulé concernant la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 17, point 3; documents n° 33.126/11617 à 11629);

Cembureau (annexe 3.1 à sa requête), Irish Cement (point 3.2.5.2.1 de sa requête) et Cementir (annexe 14 à sa requête): projet de compte rendu de la réunion du comité exécutif du 5 novembre 1982;

Cembureau (annexe 3.16 à sa requête) et Irish Cement (point 3.2.5.2.2 de sa requête): projet de compte rendu de la réunion du comité exécutif du 25 mars 1983;

Cembureau et Irish Cement: lettre d'Irish Cement à Cembureau du 5 janvier 1983 mentionnant le dépôt d'une plainte antidumping (décision attaquée, paragraphe 19, point 6; document n° 33.126/11572);

Cembureau, Unicem, Cementir et Blue Circle: données diffusées lors de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 [informations sur les prix, les productions et les volumes d'exportations d'une série de pays d'Europe de l'Est et du Moyen-Orient; tableaux relatifs aux "Imports from Eastern Europe", aux "Domestic Prices (taxes excluded)" et aux "Member trade data: imports (intra-trade)"; décision attaquée, paragraphe 19, point 6; documents n° 33.126/11593 à 11601];

Unicem: document intitulé "Préparation pour la réunion des chefs de délégation 14 janvier 1983" (décision attaquée, paragraphe 16, point 2; document n° 33.126/11590) et notes de M. Van Hove pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 17, point 3; documents n° 33.126/11602 à 11613);

Cembureau: lettre de Cembureau du 7 janvier 1983 aux chefs de délégation concernant la réunion du 14 janvier 1983 (annexe 3.9 à sa requête) et lettre de Cembureau du 28 décembre 1982 concernant la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (annexe 3.7 à sa requête) à laquelle était attaché le projet d'ordre du jour définitif pour la réunion du 14 janvier 1983;

la FIC (annexe 15 à sa requête): lettre du président du CLC et de la FIC, du 18 février 1983, en préparation de la 88e réunion du conseil d'administration de la FIC.

979. Il ressort de la lettre de convocation de M. Gil Braz de Oliveira et des modifications qui ont été apportées au projet d'ordre du jour pour la réunion du 14 janvier 1983 que cette réunion a été convoquée, notamment, pour discuter des transferts de ciment intra-européens qui pouvaient avoir des "conséquences nuisibles" pour l'industrie du ciment, afin que des "mesures appropriées" puissent être prises (décision attaquée, paragraphe 19, point 2; documents n° 33.126/11552 et 11553) pour contrôler le "commerce intra" (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; document n° 33.126/11559).

980. Le projet d'exposé introductif du président pour la réunion du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n° 33.126/11583 à 11585) confirme qu'il était prévu que les "échanges entre membres" seraient analysés. Il ressort de ce projet qu'il était nécessaire d'apprécier "les risques pouvant résulter d'un accroissement de certaines importations conjointement avec une réduction marquée du niveau de certains prix, [...] avant que ce phénomène n'ait eu le temps de s'étendre en volume et en gravité". L'objectif de la réunion était "d'évoquer des solutions possibles susceptibles de tempérer l'évolution des marchés et de proposer, au moins sur le plan des principes, certaines règles du jeu que [tous les participants avaient] intérêt à respecter". Le projet d'exposé introductif soulignait encore: "Ce que nous attendons ensuite de vous tous, c'est que ces échanges de vue vous encouragent à répandre autour de vous des paroles de sagesse et que s'organisent, chaque fois que nécessaire, des dialogues bi- ou multilatéraux dans chaque cas d'espèce."

981. Selon la Commission, les "règles du jeu" que les producteurs de ciment avaient "tous intérêt à respecter" étaient le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre, à savoir la répartition des marchés (décision attaquée, paragraphe 45, points 1 à 6 et 9).

982. L'exactitude de cette interprétation ressort de l'ensemble des éléments de preuve mentionnés aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée et, notamment, des notes internes de Blue Circle (décision attaquée, paragraphe 18, points 2 et 3; documents n° 33.126/11332 à 11334 et 11335 à 11337; voir ci-dessus points 875 à 901), de la déclaration du 25 juin 1986 de M. Kalogeropoulos, président d'Heracles (décision attaquée, paragraphe 18, point 5; documents n° 33.126/19875 à 19877; voir ci-dessus points 902 à 913), de l'aveu de Cembureau (décision attaquée, paragraphe 18, point 4; documents n° 33.126/11525 et 13568 à 13573; voir ci- dessus points 914 à 919), de la volonté des participants à la réunion du 14 janvier 1983 d'entourer de secret leurs actions/décisions, qui résulte du projet d'exposé introductif du président pour la réunion du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n° 33.126/11583 à 11585; voir ci-dessus points 962 à 976) et des modifications qui ont été apportées à l'ordre du jour pour cette réunion (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; documents n° 33.126/11558, 11559 et 11656; voir ci-dessus points 942 à 954), ainsi que des documents relatifs à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (voir ci-après points 1004 à 1027).

983. En effet, il convient de constater que cette dernière réunion portait aussi, notamment, sur la situation du marché européen.

984. Ainsi, le mémorandum à l'intention du président pour la réunion du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729) et les notes de séance de cette réunion (décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737) mentionnent comme point 2 de l'ordre du jour: la "[s]ituation du marché européen". Le mémorandum à l'intention du président mentionne des "points chauds", à savoir, "[l]es exportations de l'Allemagne vers la Grande-Bretagne et l'Irlande, [l]es exportations de la France vers l'Allemagne, [l]es exportations de l'Espagne vers l'Irlande et la Grande-Bretagne et [...] les exportations de l'Italie vers la Suisse". Le même document relève: "L'écart entre [les prix des différents pays] qui reste de 1 à 2 constitue inévitablement une tentation. Il est donc souhaitable de réduire progressivement cet écart, essentiellement en augmentant les prix les plus bas [...] et en même temps par une modération de l'évolution des prix élevés." Quant aux notes de séance de la réunion, elles concluent: "La pression due au commerce intermembres s'est affaiblie nettement grâce à l'amélioration des contacts bilatéraux. Les quantités exportées sont plutôt en diminution, mais il reste la menace en provenance des outsiders." Auparavant, elles avaient souligné que "la présentation visuelle de la gamme des prix était un moyen efficace de mettre en relief les causes potentielles de conflit qui [existaient]".

985. Il ressort donc clairement des éléments précités que les chefs de délégation avaient pour objectif de fixer des "règles du jeu" afin de "contrôler le commerce intra". Les échanges d'informations sur les prix devaient mettre en perspective les "causes potentielles de conflit". Les exportations qui avaient néanmoins lieu étaient qualifiées de "points chauds", à l'exception du "commerce inter-Etats de caractère traditionnel, voire structurel, tel que [c'était] le cas par exemple pour les exportations d'Allemagne et de Belgique vers les Pays-Bas" (décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729), soit, en d'autres termes, à l'exception des échanges contrôlés. L'objectif consistant à réduire les exportations de ciment entre les pays membres de Cembureau devait être atteint par l'"amélioration des contacts bilatéraux" (décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737), mesure proposée par le président de Cembureau dans son projet d'exposé introductif pour la réunion du 14 janvier 1983 pour faire respecter les "règles du jeu".

986. En ce qui concerne les documents auxquels se réfèrent les parties requérantes (voir ci-dessus point 978), ils sont uniquement de nature à démontrer que le système des points de parité et les problèmes des importations d'Europe de l'Est et d'Espagne ont aussi été discutés au cours de la réunion du 14 janvier 1983, ce que la Commission n'a jamais contesté (décision attaquée, paragraphe 19, points 2 à 15). Ils ne démontrent pas que les discussions se soient limitées à ces deux points. Ils ne donnent donc pas un éclairage différent au faisceau des preuves documentaires examinées ci-dessus aux points 979 à 985 et dont il ressort que, au cours de la réunion du 14 janvier 1983, les participants se sont entendus sur le principe du respect des marchés domestiques et de la réglementation des ventes d'un pays à l'autre.

987. Enfin, le SFIC et Unicem n'avancent aucun élément de preuve à l'appui de leur argument selon lequel la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 concernait également la protection des producteurs contre les importations subventionnées par un Etat membre. En tout état de cause, le fait que les discussions aient aussi concerné des importations subventionnées ne serait pas de nature à donner un éclairage différent au faisceau des preuves documentaires examinées ci-dessus aux points 979 à 985.

988. En quatrième lieu, Dyckerhoff, Irish Ciment et Blue Circle soulignent qu'il ressort de la "Note de Cimpor", distribuée aux participants à la réunion du comité exécutif de Cembureau du 25 mars 1983, qu'un évident souci de respecter les articles 85 et 86 du traité prévalait dans le chef des participants à la réunion du 14 janvier 1983. A cet égard, Dyckerhoff et Irish Cement, ainsi que la FIC, se réfèrent aussi au document intitulé "Réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983 Notes pour le président" rédigé le 18 janvier 1983 par M. Collis, directeur de Cembureau. Le SFIC soutient que la présence de M. Van Hove à la réunion du 14 janvier 1983 confirme la volonté des participants à cette réunion de respecter les règles de concurrence communautaires.

989. Il y a lieu de constater que les deux documents concernés comportent l'indication selon laquelle "[l]es articles 85 et 86 portant sur la politique de concurrence sont clairs et on ne peut envisager aucune action en contravention à ces articles". Toutefois, aucun d'eux ne peut être considéré comme un compte rendu officiel de la réunion du 14 janvier 1983. Même s'il était établi qu'une telle réflexion avait été menée au cours de la réunion, une telle constatation ne permettrait pas d'écarter le faisceau des preuves documentaires directes réunies dans la décision attaquée (voir ci-dessus points 979 à 985), dont il ressort que, au cours de cette réunion, les chefs de délégation se sont entendus sur le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre, et, partant, ont conclu un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, accord qui avait un objet anticoncurrentiel. Ainsi, loin de démontrer la licéité des discussions qui ont eu lieu au cours de la réunion des chefs de délégation, les documents invoqués sont de nature à démontrer le caractère délibéré de l'infraction commise.

990. En cinquième lieu, Cembureau et Lafarge prétendent que, d'après le projet d'exposé introductif du président pour la réunion du 14 janvier 1983, le rôle de Cembureau devait se limiter à prêter une assistance particulière dans la recherche de la documentation nécessaire.

991. Il y a lieu de relever que ledit projet d'exposé introductif se veut plus précis que ce que ces deux parties requérantes tentent de faire croire, puisqu'il indique que le rôle de Cembureau se limitera à une simple fonction de documentation "à ce moment", c'est-à-dire chaque fois que les participants jugeront nécessaire d'organiser des dialogues bi- ou multilatéraux pour garantir le respect des règles du jeu convenues. Or, cette allusion au rôle futur de Cembureau dans les discussions bi- ou multilatérales qui seraient menées par la suite ne saurait occulter ni le rôle joué par Cembureau dans l'organisation de la réunion du 14 janvier 1983 ni la manifestation, au cours de cette réunion, d'un concours de volontés autour de la règle de respect des marchés domestiques et de réglementation des ventes d'un pays à l'autre.

992. En sixième lieu, la FIC et le SFIC insistent sur la distinction entre le commerce intermembres de Cembureau et le commerce intracommunautaire. Les documents sur lesquels la Commission s'est fondée dans la décision attaquée pour démontrer l'existence du prétendu accord Cembureau se rapporteraient au commerce intermembres de Cembureau et non au commerce intracommunautaire.

993. Il convient de constater que les documents mentionnés aux paragraphes 19 et 45 de la décision attaquée ne contiennent aucun indice de nature à démontrer que les discussions sur les échanges intermembres n'ont pas porté sur les échanges intracommunautaires. Au contraire, il ressort clairement des "points chauds" identifiés dans le mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 ainsi que des notes de séance pour cette réunion que les discussions ont effectivement porté sur les échanges intracommunautaires (voir ci-dessus point 984). L'argument doit donc être rejeté.

994. En septième lieu, Cembureau, Aalborg, Irish Cement et Cementir soulignent que la Commission n'a pas estimé que les discussions menées lors de la réunion des chefs de délégation du 30 mai 1983 étaient illicites, alors que cette réunion aurait eu le même objet que celle du 14 janvier 1983. Cembureau et Aalborg se réfèrent à cet égard à la lettre de convocation du 5 avril 1983 pour la réunion du 30 mai 1983 (document n° 33.126/11643). Irish Cement se réfère au compte rendu de cette réunion (annexe 3.20 à sa requête). Les discussions du 14 janvier 1983 devraient donc également être considérées comme licites.

995. Il y a lieu de constater que la lettre de convocation pour la réunion du 30 mai 1983 énonçait: "Le comité exécutif a décidé qu'il fallait organiser une réunion spéciale des chefs de délégation durant l'assemblée générale à Kerkyra pour mettre à jour la situation en relation avec les questions examinées à la réunion du 14 janvier 1983." Le projet d'ordre du jour pour cette réunion (document n° 33.126/11655) comportait trois points: "1. Importations de l'Europe de l'Est, 2. Marché mondial du ciment et 3. Autres questions."

996. Le fait qu'aucun élément ne démontre que le principe portant sur le respect des marchés domestiques européens a été discuté au cours de la réunion des chefs de délégation du 30 mai 1983 n'implique pas nécessairement que de telles discussions n'ont pas eu lieu. En effet, eu égard à la volonté des chefs de délégation d'entourer de secret leurs actions/décisions à ce sujet (voir ci-dessus point 976), il ne peut être exclu que des discussions concernant les échanges intracommunautaires aient eu lieu dans le cadre des discussions concernant le point de l'ordre du jour "3. Autres questions". Surtout, même si de telles discussions n'avaient pas eu lieu, cette circonstance ne permettrait pas d'écarter les preuves documentaires directes analysées ci-dessus aux points 979 à 985 et mentionnées aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée, dont il ressort que, lors de la réunion du 14 janvier 1983, un concours de volontés s'est manifesté sur le principe de respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre.

997. En huitième lieu, Dyckerhoff, Heracles et Titan soutiennent que l'absence de référence, dans les différents documents invoqués par la Commission en ce qui concerne les réunions des chefs de délégation des 19 mars et 7 novembre 1984, à un accord conclu le 14 janvier 1983 contredit la thèse selon laquelle l'accord Cembureau aurait été conclu au cours de la réunion du 14 janvier 1983. CBR, la FIC, Heidelberger, Lafarge et l'AGCI prétendent que la discussion des "points chauds" au cours de la réunion du 19 mars 1984 (mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984) contredit aussi ce fait.

998. Cet argument doit être rejeté. La Commission n'a jamais prétendu qu'un accord formel Cembureau a été conclu au cours de la réunion du 14 janvier 1983. L'accord Cembureau auquel elle se réfère est un concours de volontés informel constituant un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir jurisprudence citée au point 958 ci-dessus) et portant sur "le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre, à savoir la répartition des marchés" (décision attaquée, paragraphe 45, point 9). Or, il ressort sans équivoque des preuves documentaires directes mentionnées ci-dessus aux points 979 à 985 et analysées aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée que ce concours de volontés s'est manifesté au cours de la réunion du 14 janvier 1983. L'absence de référence, dans les documents relatifs aux réunions des 19 mars et 7 novembre 1984, à ce concours de volontés n'est pas de nature à donner un éclairage différent à ces preuves documentaires directes.

999. En ce qui concerne la référence aux "points chauds", il ressort du mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 que les échanges de ciment entre les pays membres de Cembureau, à l'exception du commerce inter-Etats traditionnel, voir structurel, ont reçu une telle qualification. Sont ainsi identifiées comme "points chauds", "[l]es exportations de l'Allemagne vers la Grande-Bretagne et l'Irlande, [l]es exportations de la France vers l'Allemagne, [l]es exportations de l'Espagne vers l'Irlande et la Grande-Bretagne et [...] les exportations de l'Italie vers la Suisse". Ces "points chauds" ne donnent pas un éclairage différent au faisceau des preuves documentaires réunies, dont il ressort que, dans le cadre de la réunion du 14 janvier 1983, l'accord Cembureau a été conclu. En effet, ils ne démontrent pas qu'un accord Cembureau n'existait pas, mais seulement que la règle du jeu portant sur le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre n'a pas été couronnée de succès partout. Le fait qu'une entente n'est pas respectée par tous ne signifie pas pour autant qu'elle n'existe pas (arrêt Mayr-Melnhof, cité au point 897 ci- dessus, point 135).

1000. En neuvième lieu, Dyckerhoff avance deux éléments qui, selon elle, contrediraient la thèse selon laquelle un accord de respect des marchés domestiques aurait été conclu le 14 janvier 1983:

le fait que, au cours de la réunion du 19 mars 1984, le président de Cembureau a estimé "souhaitable de réduire progressivement" les écarts entre extrêmes, s'agissant des prix en vigueur dans les différents pays membres de Cembureau (mémorandum à l'intention du président);

le fait que, au cours de cette même réunion, certains participants ont estimé "inutile de tenir un pareil débat au sein de Cembureau" (notes de séance du 2 avril 1984).

1001.Comme elle, Aalborg souligne que des participants à la réunion du 19 mars 1984 ont estimé inutile de discuter du commerce intra-européen dans ce forum (notes de séance du 2 avril 1984).

1002. Il y a lieu de relever que Dyckerhoff ne saurait prétendre que le président n'avait plus besoin d'exprimer un souhait de réduction progressive des écarts de prix, si l'accord Cembureau avait effectivement été conclu le 14 janvier 1983. En effet, cet accord ne concerne pas une entente de fixation de prix entre producteurs de ciment européens. Il convient de rappeler à cet égard que les discussions menées par les producteurs européens de ciment, pendant la période en cause, sur la concurrence "loyale ou saine ou correcte" (décision attaquée, paragraphe 17) n'ont pas fait l'objet, dans la décision attaquée, d'une constatation d'infraction. L'objet de l'accord était "le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre, à savoir la répartition des marchés" (décision attaquée, paragraphe 45, point 9). Comme l'écart entre extrêmes, qui restait de 1 à 2, constituait inévitablement une "tentation" (décision attaquée, paragraphe 19, point 9; mémorandum à l'intention du président) pour le commerce intra-européen, et donc une menace directe pour l'accord Cembureau, le souhait émis par le président de voir cet écart progressivement réduit confirme la thèse de la conclusion de l'accord Cembureau lors de la réunion du 14 janvier 1983. Quant à l'allusion, dans les notes de séance du 2 avril 1984, à l'inutilité de "tenir un pareil débat au sein de Cembureau", elle se rapporte exclusivement, selon lesdites notes de séance, à la question des "exportations 'sauvages complémentaires [de l'Allemagne] vers les Pays-Bas et la Belgique", pour lesquelles "les discussions précédentes entre chefs de délégation n'[ont] pas modifié cet état de choses". Tout au plus, cette indication démontre une violation du principe de respect des marchés domestiques, à laquelle une solution n'a pu être apportée au cours des réunions des chefs de délégation. Une telle constatation ne permet pas d'écarter le faisceau des preuves documentaires réunies par la Commission (voir ci-dessus points 979 à 985).

2.2.4. Conclusions concernant la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983

1003. Les éléments présentés par la Commission aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée lui permettaient de conclure à juste titre que, dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité avait été conclu, ayant pour objet "le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre, à savoir la répartition des marchés" (décision attaquée, paragraphe 45, point 9).

2.3. Confirmation de l'accord Cembureau au cours de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984

1004. La Commission considère que l'accord Cembureau a été confirmé au cours de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 45, point 2). Elle se fonde à cet égard sur le mémorandum à l'intention du président pour la réunion du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729) et sur les notes de séance de cette réunion (décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737).

1005. En premier lieu, Cembureau, la FIC, Aalborg, Irish Cement et Cementir font valoir qu'il ressort du projet de compte rendu de la réunion du comité exécutif du 9 novembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 17, point 5; documents n° 33.322/286 à 294) que la réunion du 19 mars 1984 a été convoquée afin de traiter les problèmes examinés lors de la précédente réunion des chefs de délégation du 30 mai 1983, à savoir, respectivement, les importations en provenance d'Europe de l'Est et d'Espagne faisant l'objet de dumping et les développements sur les marchés mondiaux du ciment. Il ne pourrait donc être question d'une confirmation d'un accord conclu au cours de la réunion du 14 janvier 1983. CBR, Cembureau, Ciments luxembourgeois, Dyckerhoff, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Unicem, Heracles, Oficemen, l'ATIC, Titan, Italcementi et l'AGCI affirment qu'aucune mesure ou décision n'a été prise lors de la réunion du 19 mars 1984. Ils nient donc que le prétendu accord Cembureau ait été confirmé à l'occasion de cette réunion. Tout au plus, les documents concernant celle-ci démontreraient l'existence de contacts bilatéraux entre certains producteurs et non pas l'existence d'un accord impliquant l'ensemble de l'industrie européenne du ciment.

1006. Il convient de constater que le projet de compte rendu de la réunion du comité exécutif du 9 novembre 1983 énonce:

"Il est convenu de convoquer une réunion extraordinaire des chefs de délégation au cours de la matinée qui précédera la 4e réunion de développement du marché (19 mars 1984), pour discuter plus avant des questions examinées aux réunions précédentes."

1007. L'utilisation du mot "réunions précédentes" au pluriel démontre que la réunion du 19 mars 1984 portait aussi sur les points ayant fait l'objet de discussions non seulement au cours de la réunion du 30 mai 1983, mais aussi au cours de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983.

1008. En ce qui concerne la question de savoir si la confirmation, au cours de la réunion du 19 mars 1984, du concours de volontés intervenu le 14 janvier 1983 ressort ou non du mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, ainsi que des notes de séance de cette réunion, il convient de souligner que le fait de qualifier de "points chauds", dans le mémorandum à l'intention du président, les exportations de l'Allemagne vers la Grande-Bretagne et l'Irlande, de la France vers l'Allemagne, de l'Espagne vers l'Irlande et la Grande-Bretagne et de l'Italie vers la Suisse montre déjà que ces exportations, à la différence du commerce inter-Etats traditionnel ou structurel, ou en d'autres termes du commerce inter-Etats contrôlé, étaient perçues comme ne respectant pas une règle de conduite voulue par les participants à la réunion. Dans les notes de séance de cette réunion, les exportations non traditionnelles ou non structurelles ont d'ailleurs été appelées "exportations 'sauvages". L'explication fournie dans le mémorandum à l'intention du président en ce qui concerne les "points chauds" est la suivante: "L'écart [entre les prix dans les différents pays membres de Cembureau] qui reste de 1 à 2 constitue inévitablement une tentation. Il est donc souhaitable de réduire progressivement cet écart, essentiellement en augmentant les prix les plus bas [...] et en même temps par une modération de l'évolution des prix élevés." Les notes de séance précisent quant à elles qu'il a été convenu que les échanges d'informations sur les prix devaient mettre en perspective les "causes potentielles de conflit".

1009. Il s'ensuit que, à l'instar des participants à la réunion du 14 janvier 1983, les participants à la réunion du 19 mars 1984 cherchaient à réduire et à contrôler les quantités de ciment exportées entre pays membres de Cembureau. Même s'il existait encore quelques "points chauds", il ressort des conclusions générales des notes de séance de la réunion du 19 mars 1984 que les participants à celle-ci ont constaté: "La pression due au commerce intermembres s'est affaiblie nettement grâce à l'amélioration des contacts bilatéraux. Les quantités exportées sont plutôt en diminution, mais il reste la menace en provenance des outsiders." L'objectif de réduction des exportations de ciment entre les pays membres de Cembureau a donc été atteint par l'"amélioration des contacts bilatéraux", qui était l'une des mesures proposées par le président de Cembureau dans son projet d'exposé introductif pour la réunion du 14 janvier 1983 pour faire respecter les "règles du jeu".

1010. Il ressort donc sans équivoque des extraits du mémorandum à l'intention du président pour la réunion du 19 mars 1984 et des notes de séance de cette réunion que le concours de volontés intervenu au cours de la réunion du 14 janvier 1983 a été confirmé au cours de la réunion du 19 mars 1984. Même si, comme le prétendent certaines parties requérantes, aucune décision formelle n'a été prise au cours de la réunion en question, ce concours de volontés constituait un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (arrêts ACF Chemiefarma/Commission, cité au point 643 ci-dessus, point 112, Van Landewyck e.a./Commission, cité au point 717 ci-dessus, point 86, Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 130, Montecatini/Commission, cité au point 270 ci-dessus, point 162, et Tréfileurope/Commission, cité au point 958 ci-dessus, point 95).

1011. En second lieu, CBR prétend que la réalité de l'affirmation de la Commission selon laquelle, pour appliquer l'accord Cembureau, seules devaient agir les entreprises concernées par un "point chaud" (décision attaquée, paragraphe 45, point 8, cinquième alinéa) n'est établie par aucun élément.

1012. Il convient de rappeler que, dans le projet d'exposé introductif du président pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, il était proposé aux participants à cette réunion de fixer certaines "règles du jeu", de "répandre" autour d'eux des "paroles de sagesse" et d'organiser, chaque fois que nécessaire, des "dialogues bi- ou multilatéraux". Par ailleurs, dans les notes de séance du 2 avril 1984, relatives à la réunion du 19 mars 1984, il était souligné que "la pression due au commerce inter-membres [s'était] affaiblie nettement grâce à l'amélioration des contacts bilatéraux".

1013. A la lumière de ces différentes indications documentaires, la Commission était fondée à conclure au paragraphe 45, point 8, cinquième alinéa, de la décision attaquée:

"Il était inhérent à la proposition faite au cours de la réunion du 14 janvier 1983 que seules devaient agir les entreprises concernées par un 'point chaud, à savoir par le non-respect du principe du marché domestique, de telles sources de friction devant faire l'objet de discussions bilatérales [...]"

1014. En troisième lieu, Cembureau soutient que le rapprochement du mémorandum préparé à l'intention du président en vue de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, d'une part, et des notes de séance du 2 avril 1984, d'autre part, amène à conclure que les discussions, notamment celles relatives à la fixation des prix, ne se sont pas déroulées en réunion comme le prévoyait le mémorandum préparé pour le président.

1015. Il doit toutefois être constaté que la décision attaquée ne contient aucun grief spécifique concernant une entente de fixation de prix (voir ci-dessus point 1002). Les observations de la partie requérante ne donnent donc nullement un éclairage différent aux preuves documentaires directes invoquées par la Commission (voir ci-dessus points 1008 à 1010), qui attestent sans équivoque un concours de volontés portant sur le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre au cours de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984.

1016. En quatrième lieu, Cembureau s'appuie sur les données diffusées lors de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 pour chercher à démontrer l'inexactitude de l'allégation de la Commission selon laquelle l'accord Cembureau aurait été confirmé lors de cette réunion. Il relève que ces données se répartissaient en trois catégories: les informations relatives aux prix du ciment, celles concernant la production, les importations et les exportations entre producteurs européens et celles relatives aux importations en provenance d'Europe de l'Est. La première catégorie aurait regroupé des données générales, lesquelles n'auraient donc pas été susceptibles d'influencer les échanges ou de fausser la concurrence. La deuxième aurait regroupé des données circulant déjà dans le domaine public et faisant par ailleurs l'objet d'un service spécifique de Cembureau, service recueillant les données statistiques produites par les autorités douanières des Etats membres et d'autres pays européens; ces données auraient été comparables à celles qui avaient été distribuées lors de la réunion du 14 janvier 1983 et elles auraient montré un accroissement du commerce entre pays membres de Cembureau qui contredisait le contenu du prétendu accord Cembureau. Quant aux données de la troisième catégorie, elles auraient été analogues à celles distribuées au cours de la réunion du 14 janvier 1983.

1017. Il doit cependant être constaté que les documents attestant la diffusion de différents éléments d'information au cours de la réunion du 19 mars 1984 ne donnent pas un éclairage différent aux preuves documentaires directes qui démontrent que, parallèlement à des échanges d'informations, éventuellement licites, les chefs de délégation ont réaffirmé au cours de ladite réunion leur concours de volontés portant sur le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre (voir ci-dessus points 1008 à 1010).

1018. L'argument tiré du prétendu accroissement du commerce intracommunautaire de ciment doit aussi être rejeté, dès lors que le commerce aurait pu se développer différemment en l'absence d'accord restrictif (arrêt Consten et Grundig/Commission, cité au point 837 ci-dessus).

1019. En cinquième lieu, Cembureau et Irish Cement soutiennent que les références qui sont faites aux "causes potentielles de conflit" et à "la pression due au commerce intermembres" dans les notes de séance du 2 avril 1984 visent essentiellement le danger et les préoccupations liés au comportement de l'industrie du ciment espagnole à cette époque. De même, Ciments français soutient que ces notes de séance, lorsqu'elles traitent des mouvements commerciaux entre les pays membres, se réfèrent principalement aux flux du ciment exporté d'Espagne vers l'Irlande et le Royaume-Uni.

1020. En ce qui concerne d'abord les références faites aux "causes potentielles de conflit" et à "la pression due au commerce intermembres" dans les notes de séance du 2 avril 1984, force est de constater qu'elles figurent chaque fois dans des conclusions de portée générale qui ne visent pas les seules importations en provenance de l'Espagne, mais la situation générale du marché européen (décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737). Le contenu même des notes de séance atteste que l'évaluation de la situation du marché européen ne s'est pas limitée au problème des exportations en provenance d'Espagne. En effet, il ressort de ces notes que, outre les importations espagnoles à destination de certains pays de la Communauté, les "exportations 'sauvages" de l'Allemagne vers les Pays-Bas et la Belgique et le "différend entre la Suisse et l'Italie" ont été traités lors de la réunion. En tout état de cause, l'interprétation proposée par Cembureau, Ciments français et Irish Cement n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux différents passages du mémorandum à l'intention du président pour cette réunion ainsi qu'aux notes de séance s'y rapportant, qui démontrent sans équivoque que l'accord Cembureau a été confirmé au cours des débats (voir ci-dessus points 1008 à 1010).

1021. En sixième lieu, Lafarge relève que la Commission a retenu de manière distincte, à l'article 2 de la décision attaquée, les échanges d'informations sur les prix auxquels font référence le mémorandum à l'intention du président pour la réunion du 19 mars 1984 et les notes de séance relatives à celle-ci. Selon elle, ces documents ne pourraient donc pas être rattachés au prétendu accord sur le respect des marchés domestiques.

1022. Cet argument doit être rejeté. Un même élément de preuve peut en effet présenter un rapport avec plusieurs infractions. En tout état de cause, la Commission n'a pas fondé sa démonstration relative à la confirmation de l'accord Cembureau lors de la réunion du 19 mars 1984 sur les seuls passages des documents relatifs à ladite réunion, qui font état d'échanges d'informations sur les prix. Il ressort du paragraphe 45, point 2, de la décision attaquée, qu'elle a surtout pris en compte les discussions relatives aux tensions dues aux flux transfrontaliers, "les points chauds" évoqués dans le mémorandum à l'intention du président, ainsi que les conclusions figurant dans les notes de séance du 2 avril 1984, selon lesquelles la pression due au commerce intermembres s'était affaiblie nettement grâce à l'amélioration des contacts bilatéraux, les quantités exportées étant plutôt en diminution, sous réserve de la menace des outsiders.

1023. En septième lieu, Lafarge souligne que, dans les notes de séance du 2 avril 1984, il est fait état du souci de ne pas instituer des échanges d'informations contraires au droit communautaire de la concurrence.

1024. Cet argument est dénué de pertinence. Le grief retenu à l'article 1er de la décision attaquée ne porte pas, en effet, sur des échanges d'informations, mais sur un accord de respect des marchés domestiques et de réglementation des ventes d'un pays à l'autre (voir ci-dessus point 1017).

1025. Enfin, en huitième lieu, Unicem souligne que les informations annexées à la lettre de convocation pour la réunion du 19 mars 1984 étaient destinées à l'éventuelle action antidumping relative aux importations en provenance des pays de l'Est.

1026. Il y a lieu de constater que le premier point de l'ordre du jour pour la réunion du 19 mars 1984 était intitulé "Importations en provenance de l'Europe de l'Est" (document n° 33.126/11716). Toutefois, nonobstant le fait que les documents auxquels se réfère Unicem aient pu être destinés à la préparation d'une action antidumping pour faire face à ces importations, l'accord Cembureau a été confirmé dans le cadre des discussions relatives au deuxième point de l'ordre du jour portant sur la "situation du marché européen" (document n° 33.126/11716).

1027. Il y a donc lieu de conclure que les éléments présentés par la Commission aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée lui permettaient de conclure à juste titre que, au cours de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, le concours de volontés portant sur le principe du respect des marchés domestiques et de la réglementation des ventes d'un pays à l'autre a été réaffirmé (décision attaquée, paragraphe 45, point 9).

2.4. Confirmation de l'accord Cembureau au cours de la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984

1028. Selon la Commission, l'accord Cembureau a encore été confirmé à la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984 (décision attaquée, paragraphe 45, point 2, second alinéa). Elle se fonde à cet égard sur les "Summary notes" du 12 novembre 1984 se rapportant à cette réunion (décision attaquée, paragraphe 19, point 14; documents n° 33.126/11754 et 11755).

1029. En premier lieu, CBR, Cembureau, la FIC, Ciments luxembourgeois, Dyckerhoff, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, Unicem, Heracles, Oficemen, Irish Cement, l'ATIC, Titan, Cementir et l'AGCI contestent le bien-fondé même de cette affirmation. Il ressortirait des documents mentionnés au paragraphe 19, points 12 à 14, de la décision attaquée que la réunion a été consacrée, d'une part, aux importations d'Europe de l'Est et, d'autre part, au développement du marché mondial du ciment. L'accord gréco-espagnol auquel se réfèrent les "Summary notes" du 12 novembre 1984 concernant la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 14; documents n° 33.126/11754 et 11755) serait un accord ayant pour seul objet la stabilisation des prix à l'exportation en dehors de l'Europe. Outre les documents mentionnés au paragraphe 19, points 12 à 14, de la décision attaquée, Cembureau se réfère à différents tableaux distribués au cours de la réunion du 7 novembre 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 15; documents n° 33.126/11774 à 11789) et au projet de compte rendu de la réunion du comité exécutif du 8 novembre 1984 (annexe 4.11 à la requête de Cembureau). La FIC invoque aussi la note du 12 novembre 1984 adressée à son conseil d'administration par M. Van Hove (décision attaquée, paragraphe 44, point 3, in fine; documents n° 33.126/2063 à 2069 et 2436 à 2447), laquelle mentionne, à propos des réunions du comité exécutif et des chefs de délégation des 7 et 8 novembre 1984, qu'"[a]ucun problème interne à la CEE n'a été ni traité ni même évoqué".

1030. Il y a lieu de constater que, à la différence des réunions du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984, le commerce intra-européen ne constituait pas un point séparé de l'ordre du jour de la réunion du 7 novembre 1984. Les deux points de l'ordre du jour de cette dernière réunion étaient: "1. Importations de l'Europe de l'Est [...] 2. Développement du marché mondial". De même, le projet de compte rendu de la réunion du comité exécutif du 8 novembre 1984 mentionne que la réunion du 7 novembre 1984 était "consacrée aux importations de l'Europe de l'Est et [à] la menace continue de leur augmentation ainsi qu'à la détérioration de la situation sur le marché mondial". Quant à la note du 12 novembre 1984 invoquée par la FIC, elle indique qu'"[a]ucun problème interne à la CEE n'a été ni traité ni même évoqué" au cours de la réunion du 7 novembre 1984.

1031. Il ressort toutefois des "Summary notes" du 12 novembre 1984 que les participants à la réunion du 7 novembre 1984 ont soutenu la conclusion d'un accord entre exportateurs grecs et espagnols.

1032. Ces "Summary notes" précisent à propos dudit accord:

"Celui-ci est unanimement considéré comme une condition de base si l'on veut obtenir des meilleurs prix à l'exportation et éviter le risque d'une déstabilisation en Europe."

1033. Elles concluent ensuite:

"La situation était sérieuse et les prix à l'exportation trop bas. Il y avait un surplus de capacité en Europe et en Extrême-Orient, qui doit être utilisé de façon responsable. On doit se féliciter des efforts consentis par l'industrie du ciment grecque et espagnole pour arriver à un accord et les autres pays membres sont prêts, si la demande leur en était faite, à soutenir complètement leurs efforts. Des petites quantités pouvant venir d'autres pays ne devraient pas déranger le marché si la confiance mutuelle prévalait."

1034. Par leur soutien à l'accord gréco-espagnol, les chefs de délégation ont donc poursuivi un objectif double.

1035. Ils cherchaient en premier lieu à obtenir de meilleurs prix à l'exportation. Les prix du ciment sur le marché mondial étaient considérés comme trop bas. Le niveau bas des prix à l'exportation était causé non seulement par un surplus de capacité en Europe et en Extrême-Orient, mais aussi par la lutte entre les Grecs et les Espagnols sur les marchés à l'exportation. A cet égard, la note du 12 novembre 1984 de M. Van Hove relève que la lutte entre les Grecs et les Espagnols "conditionne les prix sur les marchés extérieurs". C'est pourquoi l'accord gréco- espagnol a été unanimement considéré comme une condition de base pour obtenir de meilleurs prix à l'exportation. Dans le même sens, le projet de compte rendu de la réunion du comité exécutif du 8 novembre 1984 énonce que "[l]e président souligna l'importance des efforts fournis par les exportateurs espagnols et grecs pour ramener les prix à des niveaux raisonnables et la manifestation frappante au cours de la réunion du soutien que les autres membres étaient disposés à leur fournir à cette fin".

1036. En soutenant l'accord gréco-espagnol, les chefs de délégation visaient en second lieu à "éviter le risque d'une déstabilisation en Europe". Dans leurs conclusions générales, ils ont mis en rapport le risque d'une déstabilisation en Europe avec l'existence d'un "surplus de capacité", lequel devait, selon eux, être utilisé "de façon responsable". En effet, à un moment où les prix sur le marché mondial chutaient considérablement, le risque était réel que les producteurs européens qui exportaient normalement hors de l'Europe leur surplus de production fussent tentés d'aller à la recherche de débouchés en Europe pour une partie au moins de leur surproduction. L'objectif de la réunion des chefs de délégation était donc de rétablir les prix sur le marché mondial à des "niveaux raisonnables" (projet de compte rendu de la réunion du comité exécutif du 8 novembre 1984) afin d'éviter un tel détournement. Ainsi, comme cela ressortait par ailleurs de la note interne de Blue Circle du 1er décembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 18, point 2; documents n° 33.126/11332 à 11334), le respect des marchés domestiques et la canalisation des exportations allaient de pair.

1037. Dès lors, bien que le problème des échanges de ciment entre Etats membres ne figurât pas à l'ordre du jour de la réunion du 7 novembre 1984, la Commission a pu à juste titre conclure à propos de l'accord Cembureau (décision attaquée, paragraphe 45, point 2, second alinéa), au terme d'une appréciation correcte des éléments de preuve relatifs à cette réunion:

"Le contenu de cet accord a été encore confirmé à la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984 [...], au cours de laquelle la canalisation des surproductions grecques et espagnoles a été soutenue par Cembureau et ses membres pour éviter la déstabilisation des marchés européens."

1038. En second lieu, Heidelberger et Unicem prétendent que les allusions, dans les "Summary notes" du 12 novembre 1984, à la nécessité "d'obtenir un accord ferme entre les plus grands exportateurs européens", ainsi qu'aux "négociations [...] entre quatre sociétés espagnoles et trois grecques" (voir ci-dessus point 808) contredisent l'existence de l'accord Cembureau.

1039. Cet argument doit être rejeté. L'accord et les négociations en question concernent les marchés à la grande exportation et ne contredisent donc en rien l'existence et la conclusion antérieures d'un accord portant sur le respect des marchés domestiques européens. Au contraire, il ressort de l'analyse qui précède (voir ci-dessus points 1030 à 1037), concernant la réunion du 7 novembre 1984, que, par leur soutien à la conclusion d'un accord entre exportateurs grecs et espagnols, les chefs de délégation voulaient éviter que l'accord Cembureau tombât.

1040. En troisième lieu, l'AGCI prétend que la Commission ne pouvait se fonder sur le fait que, au cours de la réunion du 7 novembre 1984, des informations avaient été échangées au sujet de l'accord gréco-espagnol relatif à la Cement Marketing Association (ci-après "CMA") pour établir l'existence d'un accord illicite de respect des marchés domestiques. D'une part, l'existence d'une concurrence gréco-espagnole sur les marchés à la grande exportation remonterait au début des années 70, ce qui interdirait de voir dans la présence des producteurs de ces deux pays sur lesdits marchés la preuve d'une mise en œuvre de l'accord Cembureau sous la forme d'une canalisation de leur production vers les pays tiers. D'autre part, l'accord relatif à la CMA n'aurait pas été mis en cause dans la décision attaquée. Par conséquent, la Commission ne pourrait s'appuyer sur l'existence d'un accord licite pour démontrer l'existence d'un autre accord, illicite. Titan reproche également à la Commission d'avoir "laissé croire" qu'un accord licite pût constituer la preuve de l'existence d'un accord illicite. L'AGCI, se référant à l'intervention de son représentant lors de la réunion du comité exécutif de Cembureau du 9 novembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 17, point 6), ajoute que le fait d'encourager la coopération sur les marchés d'outre- mer n'avait rien de répréhensible sous l'angle de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

1041. Il doit être constaté que l'argument tiré de l'existence d'une concurrence entre les producteurs grecs et espagnols à partir des années 70 n'est nullement de nature à donner un éclairage différent aux "Summary notes" du 12 novembre 1984, dont il ressort que les chefs de délégation ont soutenu l'accord gréco-espagnol en vue d'"éviter le risque d'une déstabilisation en Europe", et ont ainsi confirmé l'accord Cembureau (voir ci-dessus points 1030 à 1037).

1042. S'agissant de l'argument selon lequel la Commission aurait établi l'existence de l'accord Cembureau sur la base de l'accord CMA, il convient de relever que la Commission ne s'est pas fondée sur les discussions menées au cours de la réunion du 7 novembre 1984 pour établir l'existence même de l'accord Cembureau. Dans la décision attaquée, elle a uniquement prétendu que, au cours de ladite réunion, le contenu de l'accord Cembureau avait été confirmé. Ainsi, elle a affirmé que le concours de volontés portant sur "le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre, à savoir la répartition des marchés" (décision attaquée, paragraphe 45, point 9), qui s'était déjà manifesté les 14 janvier 1983 et 19 mars 1984, avait encore une fois été confirmé le 7 novembre 1984, non pas parce que les discussions qui avaient eu lieu au cours de cette dernière réunion portaient sur la CMA, mais bien parce que ces discussions visaient à "éviter le risque d'une déstabilisation en Europe" (décision attaquée, paragraphes 19, point 14, et 45, point 2, second alinéa).

1043. Enfin, sont dépourvues de pertinence les observations de l'AGCI selon lesquelles une coopération d'entreprises sur les marchés à la grande exportation hors Communauté ne violait pas l'article 85, paragraphe 1, du traité, dès lors que l'accord CMA n'a pas fait l'objet d'un grief spécifique dans la décision attaquée. 1044.

En quatrième et dernier lieu, Halkis estime que la référence à l'accord gréco-espagnol ne pouvait plus être utilisée par la Commission pour déclarer que, lors de la réunion du 7 novembre 1984, l'accord Cembureau avait été confirmé, dès lors que cet accord non seulement n'a jamais existé, mais encore n'a pas été retenu dans la décision attaquée comme une manifestation du principe de respect des marchés domestiques.

1045. Cet argument doit également être rejeté. Il y a lieu de rappeler que la Commission ne s'est pas fondée sur l'existence et l'application mêmes de l'accord gréco-espagnol pour conclure que l'accord Cembureau avait été confirmé lors de la réunion du 7 novembre 1984, mais uniquement sur le fait que, d'après les "Summary notes" du 12 novembre 1984, les participants à cette réunion avaient unanimement considéré l'accord gréco-espagnol comme une condition de base pour "éviter le risque d'une déstabilisation en Europe".

1046. Il y a lieu de conclure que les éléments présentés par la Commission aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée lui permettaient de conclure à juste titre que, au cours de la réunion du 7 novembre 1984, le concours de volontés portant sur le principe du respect des marchés domestiques et de la réglementation des ventes d'un pays à l'autre avait été réaffirmé (décision attaquée, paragraphe 45, point 9).

2.5. Absence de prise en compte des autres réunions des chefs de délégation

1047. Cembureau, la FIC, Irish Cement et Cementir déplorent que la Commission n'ait pas pris en considération les réunions des chefs de délégation du 30 mai 1983 et du 10 juin 1985 et le fait qu'il n'a en rien été question du commerce intracommunautaire au cours de ces réunions, alors qu'elle fonde son argumentation sur le rôle prépondérant des réunions des chefs de délégation dans la conclusion et la mise en œuvre du prétendu accord Cembureau. Pareille attitude traduirait une sélection et une analyse arbitraires et partiales des éléments de preuve dont la Commission disposait. Pour sa part, Titan reproche à la Commission d'avoir passé sous silence la réunion des chefs de délégation du 30 mai 1983, au cours de laquelle aucune question litigieuse n'aurait été évoquée.

1048. Au soutien de l'affirmation selon laquelle le commerce intracommunautaire n'aurait pas été discuté au cours des réunions des 30 mai 1983 et 10 juin 1985, il est fait référence, en ce qui concerne la première, à la lettre de convocation du 5 avril 1983 (document n° 33.126/11643), au projet d'ordre du jour du 17 mai 1983 (documents n° 33.126/11654 et 11655) ainsi qu'au rapport fait sur cette réunion lors de la réunion du même jour du comité exécutif (annexe 3.20 à la requête de Cembureau) et, en ce qui concerne la seconde réunion, à la lettre de convocation et aux documents y annexés (documents n° 33.126/11793 à 11796) ainsi qu'aux documents distribués au cours de cette réunion (documents n° 33.126/11799 et 11800).

1049. Toutefois, il ne saurait être reproché à la Commission de s'être abstenue de prendre en considération des données factuelles qui ne fournissaient aucune indication complémentaire de nature à corroborer le faisceau de preuves documentaires directes dont elle disposait pour établir la conclusion et la confirmation de l'accord Cembureau au cours des réunions des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984. En tout état de cause, à supposer même que le commerce intracommunautaire n'ait pas été discuté au cours des réunions des 30 mai 1983 et 10 juin 1985, cette circonstance ne serait pas de nature à donner un éclairage différent au faisceau des preuves documentaires, dont il ressort qu'un accord de respect des marchés domestiques a été conclu, puis confirmé, lors des réunions des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus points 872 à 1046).

2.6. Arguments généraux concernant la force probante des documents mentionnés aux paragraphes 18 et 19 de la décision attaquée

1050. En premier lieu, différentes parties requérantes mettent en cause la force probante de certains éléments de preuve, au motif qu'elles n'en auraient pas eu connaissance avant la procédure administrative.

1051. Ainsi, Vicat fait valoir que la Commission n'a pas cherché à établir qu'elle avait connaissance des différents documents relatifs aux réunions des chefs de délégation. Cementir et l'AGCI soulignent que les deux notes internes de Blue Circle (décision attaquée, paragraphe 18, points 2 et 3; documents n° 33.126/11332 à 11334 et 11335 à 11337) n'émanent pas d'elles-mêmes et que, au moment des faits, ni elles ni les autres membres de Cembureau n'en avaient eu connaissance. L'AGCI ajoute qu'elle n'a eu connaissance, au moment des faits, ni de la correspondance échangée entre le président de Cembureau et M. Van Hove (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; documents n° 33.126/11558 et 11559), ni de l'existence et du contenu du mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729).

1052. Dans le même contexte, la VNC soutient que les documents et déclarations avancés par la Commission ne lui sont pas opposables, soit parce qu'il s'agit de documents provenant de producteurs de ciment avec lesquels elle n'avait aucun lien, soit parce qu'ils n'émanent pas de Cembureau, soit parce que la VNC n'y était pas nommément citée. Le BDZ prétend que ses propres documents ne contiennent aucun compte rendu des réunions des chefs de délégation mises en cause par la Commission, ni la moindre allusion au contenu du prétendu accord Cembureau. Ciments français, quant à elle, fait valoir que le chef de délégation français n'a eu connaissance ni de la lettre de convocation de M. Gil Braz de Oliveira pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 2; documents n° 33.126/11552 et 11553), ni des télex échangés entre le secrétariat de Cembureau et M. Van Hove, le 17 novembre 1982 (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; documents n° 33.126/11558 et 11559), ni du projet d'exposé introductif du président pour la réunion du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n° 33.126/11583 à 11585). Titan fait aussi valoir que, à l'époque, elle n'a pas eu connaissance de la lettre de convocation de M. Gil Braz de Oliveira pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du projet d'exposé introductif du président pour cette réunion.

1053. Il doit toutefois être constaté que les circonstances évoquées ci-dessus aux points 1050 à 1052 n'affectent pas la valeur probante des documents mentionnés aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée pour ce qui concerne l'établissement de l'existence même d'une infraction. La valeur probante d'un document dépend en effet de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et de son contenu (conclusions du juge M. Vesterdorf faisant fonction d'avocat général sous l'arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Rhône- Poulenc/Commission, T-1-89, Rec. p. II-867, II-869, II-956; arrêts du Tribunal du 24 octobre 1991, Atochem/Commission, T-3-89, Rec. p. II-1177, points 31 à 38, et du 11 mars 1999, Empresa Nacional Siderúrgica/Commission, T-157-94, non encore publié au Recueil, point 312). Les circonstances invoquées par les parties requérantes concernées peuvent tout au plus être prises en considération dans le cadre de l'appréciation de leur participation à l'infraction. Il sera examiné ultérieurement si la participation des parties requérantes concernées à l'accord Cembureau a été établie à suffisance de fait et de droit dans la décision attaquée.

1054. En deuxième lieu, Blue Circle fait valoir que la Commission, en invoquant des parties de documents dans la décision attaquée, aurait dénaturé le sens de certains d'entre eux.

1055. L'argument de Blue Circle n'est étayé par aucun élément concret qui permette d'en apprécier le bien-fondé. Il doit donc être rejeté pour manque de précision.

1056. En troisième lieu, Cembureau, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Unicem, Heracles, Uniland, Oficemen et Irish Cement soutiennent que, pour établir que l'accord Cembureau avait été conclu au cours de la réunion du 14 janvier 1983, la Commission s'est fondée sur des documents préparatoires, notamment la convocation à cette réunion (décision attaquée, paragraphe 19, point 2; documents n° 33.126/11552 et 11553), le projet d'ordre du jour (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; document n° 33.126/11580) et le projet d'exposé introductif (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n° 33.126/11583 à 11585). Or, des documents préparatoires n'auraient pas de force probante, car ils refléteraient tout au plus l'opinion de leur auteur sans rien dévoiler de ce qui s'est effectivement produit au cours de la réunion en cause. Heidelberger ajoute que le fait qu'un des participants à la réunion du 14 janvier 1983 a exprimé le souhait de proposer certaines règles du jeu ne constitue ni la preuve d'un accord ni la preuve de la teneur de ces règles du jeu. Pour les mêmes motifs, Ciments français et Unicem contestent la valeur probante du mémorandum rédigé à l'intention du président de Cembureau en vue de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729).

1057. Cembureau ajoute que le projet d'exposé introductif du président pour la réunion du 14 janvier 1983 et le mémorandum rédigé à l'intention du président en vue de la réunion du 19 mars 1984, et notamment l'allusion, contenue dans ce second document, à des "points chauds", reflètent uniquement l'opinion personnelle de leurs auteurs, à savoir MM. Collis et Dutron, directeurs de Cembureau, plutôt que celles du président et des participants aux réunions en question.

1058. Italcementi, quant à elle, affirme que les documents relatifs aux trois réunions des chefs de délégation mises en cause dans la décision attaquée ne permettent pas d'établir l'existence d'un concours de volontés entre les participants à ces différentes réunions, puisqu'il s'agit de documents préparatoires, de notes manuscrites et de mémorandums dont elle n'est même pas certaine qu'ils ont été soumis intégralement à l'attention des chefs de délégation.

1059. Il convient d'abord de relever la contradiction dans le raisonnement défendu par la plupart de ces parties requérantes concernées. Celles-ci dénient aux documents préparatoires aux différentes réunions des chefs de délégation toute valeur probante, mais elles se fondent sur ces mêmes documents pour chercher à démontrer la licéité des discussions menées au cours de ces réunions (voir ci-dessus points 955 à 1026).

1060. En tout état de cause, la Commission ne s'est pas uniquement fondée, dans la décision attaquée, sur des documents préparatoires aux réunions des chefs de délégation. Elle s'est fondée, notamment, sur des notes de séance du 2 avril 1984 relatives à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737) et sur les "Summary notes" du 12 novembre 1984 concernant la réunion du 7 novembre 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 14; documents n° 33.126/11754 et 11755). Or, il ressort de ces documents, ainsi que des notes internes de Blue Circle (documents n° 33.126/11332 à 11334 et 11335 à 11337), de la déclaration du président d'Heracles et de l'aveu de Cembureau (décision attaquée, paragraphe 18, point 4; documents n° 33.126/11525 et 13568 à 13573), que les propositions du président de Cembureau, qui ressortent des documents préparatoires aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983 et 19 mars 1984, ont été faites au cours de ces réunions et ont, en outre, rencontré l'approbation des participants à celles-ci. La preuve de l'existence du concours de volontés portant sur le respect des marchés domestiques et de réglementation des ventes d'un pays à l'autre repose ainsi sur le faisceau des éléments de preuve concordants mentionnés aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée.

2.7. Eléments postérieurs aux réunions des chefs de délégation qui seraient de nature à démontrer qu'aucun accord Cembureau n'a été conclu au cours de la réunion du 14 janvier 1983 ou confirmé au cours des réunions des 19 mars et 7 novembre 1984

1061. Plusieurs parties requérantes prétendent que différents documents démontrent que l'accord Cembureau n'a pas pu être conclu dans le cadre de la réunion du 14 janvier 1983 ou confirmé au cours des réunions des 19 mars et 7 novembre 1984.

1062. En premier lieu, Cembureau, la FIC, Dyckerhoff, Aalborg, Irish Cement, Titan et l'AGCI se réfèrent à la note manuscrite d'Italcementi sur le comité exécutif tenu à Paris le 14 avril 1986 (décision attaquée, paragraphe 17, point 9; document n° 33.126/3185) qui mentionne: "[...] il faut trouver des règles du jeu entre nous pour éviter une concurrence non correcte." Le fait qu'il fallait "trouver des règles du jeu" le 14 avril 1986 démontrerait que ces règles n'avaient pas été arrêtées au cours de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983.

1063. Cet argument doit être rejeté. Il convient de constater que la phrase citée de la note d'Italcementi est précédée de considérations à propos des importations faisant l'objet de dumping. Les observations qui suivent immédiatement cette phrase concernent aussi le dumping. Par ailleurs, il ressort du même document que c'est le délégué espagnol, M. Bertrán, de l'entreprise Asland, qui a déclaré qu'il fallait "trouver des règles du jeu [...] pour éviter une concurrence non correcte". A cet égard, il y a lieu de relever qu'une plainte antidumping avait été introduite par l'industrie communautaire contre les producteurs de ciment espagnols en avril 1985 (JO 1985, C 84, p. 5).

1064. Il ressort donc de ce qui précède que, contrairement à ce que prétend la Commission (décision attaquée, paragraphe 17, point 10), la déclaration de M. Bertrán a été faite dans le contexte d'une discussion relative à des problèmes causés par des importations faisant l'objet de dumping. Même si de telles importations dans les autres Etats membres, en provenance d'Espagne, montrent que les producteurs espagnols n'ont pas toujours respecté l'accord Cembureau, il n'en reste pas moins qu'une telle constatation n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux éléments de preuve sur lesquels la Commission s'est fondée aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée, dont il ressort que, au cours de la réunion du 14 janvier 1983, un concours de volontés s'est manifesté sur le principe du respect des marchés domestiques européens et de la réglementation des ventes d'un pays à l'autre (voir, notamment, ci-dessus points 979 à 985). En outre, le fait que M. Bertrán, représentant d'une industrie qui avait fait l'objet d'une plainte antidumping, a assuré les autres participants à la réunion qu'il estimait nécessaire d'éviter une concurrence non correcte s'intègre parfaitement dans l'optique d'un accord Cembureau préexistant.

1065. En second lieu, Titan relève que, lors de la réunion du comité exécutif du 9 novembre 1983, M. Bertrán a encouragé la création d'une coopération entre les membres de Cembureau, sans cependant faire état d'un quelconque manque de respect des règles de coopération qui auraient été arrêtées lors de la réunion du 14 janvier 1983.

1066. Cet argument doit aussi être rejeté. En effet, le document auquel se réfère Titan a trait au problème de la faiblesse des prix sur le marché à la grande exportation et sur la nécessité d'une coopération des membres de Cembureau pour faire face à ce problème. La coopération à laquelle s'est référé M. Bertrán au cours de la réunion du comité exécutif du 9 novembre 1983 se rapportant au marché hors Europe, la déclaration en question n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux éléments de preuve sur lesquels la Commission s'est fondée aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée (voir, notamment, ci-dessus points 979 à 985).

1067. En troisième lieu, Ciments français estime que la thèse de la Commission selon laquelle l'accord Cembureau a été conclu par Cembureau et ses membres lors de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, puis confirmé lors de celle du 19 mars 1984, est inconciliable avec le fait que, pour Holderbank et les industries espagnole, portugaise et norvégienne, qui ont participé à cette réunion, la Commission dit ne pas disposer de preuves que leur participation à l'accord Cembureau a eu un quelconque effet à l'intérieur de la Communauté avant 1986 (décision attaquée, paragraphe 65, point 4).

1068. Cet argument est dépourvu de pertinence. En effet, même à supposer que la Commission ait commis une erreur ou une incohérence dans l'imputation de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée à Holderbank, à Aker et aux entreprises et associations espagnoles et portugaises, cette circonstance n'affecterait pas la valeur probante des éléments de preuve mentionnés aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée, dont il ressort que, au cours des réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984, un concours de volontés s'est manifesté sur le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre (voir, notamment, ci-dessus points 979 à 985, 1008 à 1010 et 1030 à 1037).

1069. Enfin, en quatrième lieu, Aalborg prétend que l'affirmation de la Commission selon laquelle elle n'est pas certaine que l'infraction ait jamais réellement cessé et ne peut donc établir une date de fin d'infraction (décision attaquée, paragraphe 65, point 4) confirme l'inexistence de l'accord Cembureau. En effet, si l'accord Cembureau avait constitué une réalité influant sur les comportements, la Commission aurait été en mesure de constater s'il y avait été mis fin ou non.

1070. Cet argument doit être rejeté. Le fait que la Commission ne dispose pas d'un élément de preuve de la fin de l'accord visé à l'article 1er de la décision attaquée n'affecte pas la valeur probante des éléments de preuve mentionnés aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée, dont il ressort que, au cours des réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984, un concours de volontés s'est manifesté sur le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre (voir, notamment, ci- dessus points 979 à 985, 1008 à 1010 et 1030 à 1037).

2.8. Qualification d'accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité

1071. En premier lieu, CBR, la FIC, Dyckerhoff, Heidelberger et Italcementi soutiennent que la Commission ne pouvait qualifier l'accord Cembureau d'accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. CBR estime que la Commission n'a pas démontré l'expression de volontés qui distingue l'accord de la pratique concertée. Elle ajoute que le simple encouragement de Cembureau à l'adoption de certaines règles de bon voisinage ne démontrait pas, en l'absence de preuve d'une adhésion des membres de Cembureau, que ceux-ci avaient accepté de souscrire à une telle suggestion. Dyckerhoff, Heidelberger et Italcementi soutiennent que la Commission n'a pas fourni la preuve de la convergence des points de vue des différents participants aux réunions des chefs de délégation sur l'objet des discussions menées. La FIC fait valoir que le caractère vague et discordant de la terminologie utilisée par l'auteur des notes internes de Blue Circle pour désigner le prétendu accord Cembureau démontre que la qualification exacte de cet accord est incertaine.

1072. Il ressort du faisceau des preuves documentaires mentionnées aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée que, au cours de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, un concours de volontés s'est manifesté sur le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes de ciment d'un pays à l'autre et qu'il s'est confirmé au cours des réunions des chefs de délégation des 19 mars et 7 novembre 1984. Un tel concours de volontés constitue un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (arrêts ACF Chemiefarma/Commission, cité au point 643 ci-dessus, point 112, Van Landewyck e.a./Commission, cité au point 717 ci-dessus, point 86, Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 130, Montecatini/Commission, cité au point 270 ci-dessus, point 162, et Tréfileurope/Commission, cité au point 958 ci-dessus, point 95). L'utilisation des termes "accord", "principe" ou "politique" de Cembureau de respect des marchés domestiques européens dans les notes internes de Blue Circle ne fait que refléter l'existence de ce concours de volontés et donc de l'accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Toutefois, il sera examiné ultérieurement si toutes les parties requérantes peuvent être considérées comme ayant participé à l'accord concerné.

1073. En second lieu, Cembureau, Lafarge et Castle prétendent que la Commission n'a pas apporté la preuve de la transmission d'une consigne générale aux membres indirects de Cembureau, à laquelle elle fait allusion au paragraphe 45, point 8, de la décision attaquée. Aker et Euroc estiment qu'il n'existe aucune preuve d'instructions et de recommandations données par les chefs de délégation, par les associations professionnelles nationales ou par Cembureau lui-même aux entreprises ou associations d'entreprises n'ayant pas participé à la réunion.

1074. Il y a lieu de rappeler que le projet d'exposé introductif du président pour la réunion du 14 janvier 1983 invitait les participants à la réunion à "répandre autour [d'eux] des paroles de sagesse". A cet égard, la manifestation d'un concours de volontés au cours de réunions des chefs de délégation était indépendante de l'éventuelle transmission, après la réunion, par les chefs de délégation, de "paroles de sagesse" aux membres indirects de Cembureau. Toutefois, le fait que des membres indirects de Cembureau aient, le cas échéant, ignoré les "règles du jeu" convenues au cours de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 est pertinent pour l'examen de la question de savoir si ces entreprises ont adhéré à l'accord Cembureau. Cette question sera examinée ultérieurement.

1075. En troisième lieu, Italcementi fait valoir que les mesures bilatérales mises en cause dans la décision attaquée ne sont pas de nature à établir l'existence d'un accord illicite impliquant l'ensemble de l'industrie européenne du ciment. L'existence d'un concours de volontés ne pourrait être démontrée par la mise en œuvre de cette volonté commune.

1076. Cet argument doit être rejeté. Il suffit de rappeler que l'existence de l'accord Cembureau a été à juste titre retenue dans la décision attaquée sur la base des preuves documentaires directes mentionnées aux paragraphes 18, 19 et 45 (voir, notamment, ci-dessus points 979 à 985, 1008 à 1010 et 1030 à 1037 ci-dessus). La Commission ne s'est donc pas fondée sur les mesures de mise en œuvre reprochées aux différents destinataires de la décision attaquée pour établir l'existence de l'accord Cembureau, bien que ces mesures confirment, selon la décision attaquée, l'existence du concours de volontés portant sur le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes de ciment d'un pays à l'autre (décision attaquée, paragraphe 45, point 5).

1077. Enfin, en quatrième lieu, Italcementi fait valoir que les éléments avancés par la Commission aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée ne sont pas non plus de nature à démontrer l'existence d'une pratique concertée contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

1078. Cet argument est dépourvu de pertinence. En effet, à l'article 1er de la décision attaquée, la Commission retient à juste titre l'existence non pas d'une pratique concertée mais d'un accord.

2.9. Objet et nature de l'accord Cembureau

1079. ENCI et la VNC reprochent à la Commission de ne pas avoir démontré que le prétendu accord Cembureau portait aussi sur le marché néerlandais. Une telle preuve ne pourrait en tout cas être déduite du mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729). En effet, ce mémorandum indiquerait expressément que les discussions n'ont pas porté sur les exportations d'Allemagne et de Belgique vers les Pays-Bas. Aucun autre document relatif aux réunions des chefs de délégation n'évoquerait la situation du marché néerlandais.

1080. Toutefois, il doit être constaté que le dossier ne contient aucun indice démontrant qu'un marché national représenté au sein de Cembureau a été soustrait à l'application de l'accord conclu le 14 janvier 1983 et confirmé les 19 mars et 7 novembre 1984.

1081. En ce qui concerne spécifiquement le marché néerlandais, il y a lieu de constater la présence du chef de délégation néerlandais, M. Platschorre, à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 4; document n° 33.126/11581) et à celle du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 8; documents n° 33.126/11699 et 11700). Aucun indice ne montre que M. Platschorre se soit distancié ouvertement du contenu des réunions en cause. Au contraire, il ressort des documents relatifs à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 que l'accord Cembureau portait aussi sur le marché néerlandais. Ainsi, après qu'il leur eut été rappelé que les discussions ne porteraient pas "sur le commerce inter-Etats de caractère traditionnel, voire structurel, [...] par exemple [...] les exportations d'Allemagne et de Belgique vers les Pays-Bas" (mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984), les participants à cette réunion ont pu constater au cours de celle-ci que, à de telles exportations, s'ajoutaient des "exportations 'sauvages complémentaires vers les Pays-Bas" (notes de séance du 2 avril 1984). Sur ce point, il convient d'observer que le fait de qualifier de "sauvages" certaines exportations vers les Pays-Bas révélait déjà que ces exportations, à la différence des exportations traditionnelles ou structurelles vers ce même pays, ou en d'autres termes les exportations contrôlées, étaient perçues comme ne respectant pas une règle de conduite en vigueur sur le marché néerlandais, portant sur le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre.

1082. Il s'ensuit que l'argument d'ENCI et de la VNC doit être rejeté.

1083. L'AGCI prétend que l'accord Cembureau traduit, en réalité, la position commune arrêtée par un groupe restreint d'entreprises, à savoir le "groupe des huit" constitutif du "noyau dur" de l'ETF (décision attaquée, paragraphe 25, point 21; document n° 33.126/18848). Agissant exclusivement dans leur intérêt personnel et à l'insu des autres membres de Cembureau, ces huit entreprises auraient cherché à se coaliser pour faire face aux importations en provenance d'autres Etats membres, comme la Grèce. Sur ce point, l'AGCI se réfère à différents éléments (participation de directeurs de Cembureau aux réunions préparatoires à l'ETF du 28 mai 1986 à Rome et du 3 au 5 juin 1986 à Zurich/Céligny; envoi d'une copie confidentielle des procès-verbaux des réunions de l'EPC à Blue Circle; appartenance du président de Cembureau et du président de l'EPC à Blue Circle) qui attesteraient, selon elle, que les cadres dirigeants de Cembureau travaillaient sous les directives et pour le compte de ce cercle restreint de grands producteurs, indépendamment des autres membres de Cembureau, à l'insu et à l'encontre des intérêts de ces derniers. Titan reproche à la Commission de ne pas avoir examiné ce qu'il fallait entendre par l'expression "groupe des huit".

1084. Cette argumentation ne permet pas d'écarter les preuves documentaires directes mentionnées ci-dessus aux points 979 à 985, qui attestent sans équivoque que l'accord Cembureau a été conclu en janvier 1983, soit bien avant l'apparition de la "menace grecque", laquelle ne s'est concrétisée qu'à partir de 1986, non pas dans le cadre restreint d'un groupe d'entreprises, mais dans celui d'une réunion des chefs de délégation de Cembureau rassemblant les représentants de l'ensemble de l'industrie européenne du ciment et, notamment, un représentant de l'AGCI. L'argument de l'AGCI doit donc être rejeté.

3. Nature infractionnelle de l'accord Cembureau: restriction à la concurrence et effets sur les échanges entre Etats membres

1085. Il ressort de tout ce qui précède que les éléments de preuve présentés par la Commission aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée lui permettaient de conclure à juste titre que l'accord Cembureau avait été conclu dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 45, point 1) et que le contenu de cet accord avait été confirmé au cours des réunions des chefs de délégation des 19 mars et 7 novembre 1984 (décision attaquée, paragraphe 45, point 2). Ces mêmes éléments de preuve montrent que l'objet de l'accord Cembureau était "le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre, à savoir la répartition des marchés" (décision attaquée, paragraphe 45, point 9).

1086. L'accord Cembureau avait dès lors un objet en soi anticoncurrentiel. Il relevait d'une catégorie d'accords explicitement interdite à l'article 85, paragraphe 1, sous c), du traité. Dans la mesure où les chefs de délégation représentaient l'ensemble de l'industrie européenne du ciment (voir ci-dessus points 924 à 927), il était de toute évidence susceptible d'affecter de façon sensible le commerce entre Etats membres.

1087. Ciments luxembourgeois, Dyckerhoff, Lafarge, Aalborg, Alsen-Breitenburg, Nordcement, Unicem, Castle, Uniland, Oficemen, Irish Cement, Cimpor, Secil, Italcementi, Aker, Euroc, Cementir et Blue Circle font valoir que l'existence d'une entente doit être appréciée dans son contexte économique. Le faible niveau des échanges de ciment s'expliquerait non pas par l'existence d'une entente visant au respect des marchés domestiques, mais par une série de raisons économiques, telles que les coûts du transport et les frais de docks élevés, les normes de spécification, les obstacles administratifs, le coût des investissements à l'exportation. En outre, la réalité économique démontrerait que les parties requérantes n'avaient aucun intérêt à conclure l'accord Cembureau et que, si un tel accord avait été conclu, il n'aurait pas pu restreindre considérablement la concurrence. S'agissant du marché du Royaume-Uni, Blue Circle ajoute que la Commission elle-même a estimé dans sa CG (paragraphe 74, point 7) que les restrictions imposées par les CPMA (voir ci-dessus point 91) ont eu pour effet d'isoler et de diviser le marché national et de rendre difficile, voire impossible, la pénétration de ce marché par les producteurs continentaux. Aalborg et Blue Circle reprochent enfin à la Commission de ne pas avoir tenu compte, dans son appréciation des éléments relatifs à l'existence de l'entente Cembureau, de l'accroissement des échanges transfrontaliers de ciment pendant la période mise en cause.

1088. Il y a lieu de rappeler que l'appréciation de la conformité d'un comportement à l'article 85, paragraphe 1, du traité doit se faire dans son contexte économique (arrêt de la Cour du 30 juin 1966, Société technique minière, 56-65, Rec. p. 337, 358, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1997, VGB e.a./Commission, T-77-94, Rec. p. II-759, point 140). Toutefois, les allégations des parties requérantes, à supposer même qu'elles soient fondées, ne sont pas de nature à prouver que le contexte économique excluait toute possibilité de concurrence efficace (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Van Landewyck e.a./Commission, cité au point 717 ci-dessus, point 153, du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission, 240-82 à 242-82, 261-82, 262-82, 268-82 et 269-82, Rec. p. 3831, points 24 à 29, et Montecatini/Commission, cité au point 270 ci-dessus, point 127). De plus, l'objet en soi anticoncurrentiel qui caractérise la conclusion d'un accord de respect mutuel des marchés domestiques, explicitement interdit à l'article 85, paragraphe 1, sous c), du traité, ne peut être écarté au moyen d'une analyse du contexte économique dans lequel l'entente se situe (voir, en ce sens, arrêts Tréfilunion/Commission, cité au point 223 ci-dessus, point 109, et European Night Services e.a./Commission, cité au point 834 ci-dessus, point 136). En effet, une analyse économique ne peut pas effacer la réalité incontournable de preuves documentaires comme celles mentionnées aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée. En toute hypothèse, si l'analyse économique proposée par les parties requérantes était exacte, elle soulignerait en réalité la gravité de l'infraction commise, dès lors que, par la conclusion de l'accord Cembureau, les chefs de délégation ont essayé d'éliminer le peu de concurrence effective qui subsistait sur le marché.

1089. Quant à l'argument d'Aalborg et de Blue Circle tiré du prétendu accroissement du commerce intracommautaire de ciment, il doit être rejeté pour les motifs exposés ci-dessus au point 1018.

1090. Heidelberger, Titan et Italcementi reprochent à la Commission de ne pas avoir examiné si le comportement des opérateurs sur le marché ne pouvait pas s'expliquer autrement que par une concertation.

1091. Toutefois, dès lors que la Commission n'a pas fondé l'existence de l'entente sur un parallélisme de comportements constatés sur le marché, mais sur des preuves documentaires établissant un accord (voir, notamment, ci-dessus points 979 à 985, 1008 à 1010 et 1030 à 1037), elle n'avait pas à examiner si le comportement des opérateurs sur le marché pouvait s'expliquer autrement que par cette entente.

1092. Enfin, Dyckerhoff, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, Unicem, Buzzi, Asland, Castle, Uniland, Oficemen, Irish Cement, Italcementi, Aker, Euroc, Cementir et Blue Circle affirment que, contrairement aux indications de la décision attaquée (paragraphe 11, points 1 et 7), l'Europe ne constituait pas le marché géographique pertinent. Elles soutiennent que le marché du ciment était constitué, à l'époque, par une mosaïque de marchés régionaux strictement délimités, sans zone de chevauchement, et totalement indépendants les uns des autres.

1093. Il convient de rappeler (voir ci-dessus point 834) que, dans le cadre de l'application de l'article 85 du traité, les griefs formulés par les parties requérantes à l'encontre de la définition du marché retenue par la Commission ne sauraient revêtir une dimension autonome par rapport à ceux relatifs à l'affectation du commerce entre Etats membres et à l'atteinte à la concurrence (arrêts SPO e.a./Commission, cité au point 485 ci-dessus, point 75, Enso Española/Commission, cité au point 718 ci-dessus, point 232, et European Night Services e.a./Commission, cité au point 834 ci-dessus, points 90 à 105).

1094. En l'espèce, la contestation de la définition du marché pertinent est donc totalement inopérante, dès lors que la Commission a conclu à juste titre, sur la base des documents mentionnés aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision atttaquée, que l'accord Cembureau faussait la concurrence et était susceptible d'affecter de façon sensible le commerce entre Etats membres (voir ci-dessus points 1085 et 1086). Au demeurant, l'existence même de l'accord Cembureau à un niveau paneuropéen contredit directement l'affirmation des parties requérantes concernées selon laquelle le marché géographique de référence du ciment n'aurait pas été l'Europe.

4. Conclusions

1095. Il ressort de tout ce qui précède que les éléments présentés par la Commission aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée lui permettaient de conclure à juste titre que, d'une part, l'accord Cembureau avait été conclu dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 45, point 1), puis confirmé au cours des réunions des chefs de délégation des 19 mars et 7 novembre 1984 (décision attaquée, paragraphe 45, point 2), et que, d'autre part, il violait les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité (décision attaquée, paragraphe 45, point 5, et article 1er).

B Violation de l'article 190 du traité

1096. Cembureau (T-26-95) fait valoir que, ni dans la partie de la décision attaquée consacrée à l'exposé des faits, ni dans l'appréciation juridique de cette même décision, la Commission n'a exposé dans quelle mesure les différents éléments de preuve de la conclusion et de la confirmation du prétendu accord Cembureau se trouvaient en corrélation. Il soupçonne la Commission d'avoir voulu pallier ce défaut de motivation en modifiant son argumentation et en reliant entre eux, pour la première fois dans son mémoire en défense, les éléments de preuve avancés.

1097. Il convient d'observer que, au paragraphe 45 de la décision attaquée, intitulé "Le respect des marchés domestiques" et compris dans la partie consacrée à l'appréciation juridique, la Commission soutient d'abord (point 1):

"Dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, Cembureau et ses membres ont convenu un accord de respect des marchés domestiques et de réglementation des ventes d'un pays à l'autre [...]"

1098. Dans le même paragraphe (point 2), elle explique que le contenu de cet accord a été confirmé au cours des réunions des chefs de délégation des 19 mars et 7 novembre 1984.

1099. Ainsi, il ressort déjà de la lecture du paragraphe 45, points 1 et 2, de la décision attaquée, que la Commission fonde son appréciation juridique relative à l'accord Cembureau sur les éléments de fait contenus aux paragraphes 18 et 19, intitulés respectivement "L'accord Cembureau ou le principe Cembureau de respect des marchés domestiques européens" et "Les réunions des chefs de délégation de Cembureau".

1100. En outre, dans le même paragraphe 45, elle se réfère à différents éléments de preuve précis à l'appui de son argumentation. Elle soutient en particulier (point 1) que le but et le contenu de l'accord Cembureau ressortent de la lettre de convocation pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 2; documents n°s 33.126/11552 et 11553) ainsi que du projet d'exposé introductif du président pour cette même réunion (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n°s 33.126/11583 à 11585). Elle s'appuie par ailleurs (point 2) sur les notes de séance du 2 avril 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n°s 33.126/11733 à 11737) pour démontrer que l'accord Cembureau a été confirmé lors de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, et sur les "Summary notes" du 12 novembre 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 14; documents n°s 33.126/11754 et 11755) pour conclure qu'il l'a encore été lors de la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984. Elle affirme ensuite (point 3) que l'existence même de l'accord Cembureau ainsi que son contenu sont confirmés par les deux notes internes de Blue Circle auxquelles elle se réfère au paragraphe 18, points 2 et 3, de la décision attaquée (documents n°s 33.126/11332 à 11334 et 11335 à 11337). Elle considère (point 4) que Cembureau lui-même a admis indirectement l'existence de l'accord Cembureau dans la déclaration qu'il a faite à l'occasion d'une vérification au titre de l'article 14 du règlement n° 17 et dans une réponse à une communication des griefs en vertu de l'article 15, paragraphe 1, du règlement n° 17 (décision attaquée, paragraphe 18, point 4; documents n°s 33.126/11525 et 13568 à 13573). Elle ajoute (point 6) que, selon la déclaration du 25 juin 1986 du président d'Heracles, M. Kalogeropoulos (décision attaquée, paragraphe 18, point 5; documents n°s 33.126/19875 à 19877), l'accord de respect des marchés domestiques existait depuis une trentaine d'années. Toutefois, comme elle ne dispose pas d'autres preuves corroborant une durée aussi longue du comportement en question, elle considère que l'accord Cembureau n'a pris effet qu'à compter du 14 janvier 1983, date de la réunion des chefs de délégation.

1101. Dans ces conditions, l'argument tiré par Cembureau d'un défaut de motivation de la Commission quant à la corrélation existant entre les différents éléments de preuve avancés pour établir la conclusion et la confirmation de l'accord Cembureau ne saurait être accueilli.

1102. Heidelberger (T-4295) fait valoir que, dans sa motivation, la Commission ne précise pas si le reproche formulé en ce qui concerne la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 porte sur la conclusion ou sur la simple proposition d'un accord de respect des marchés domestiques. Heidelberger ainsi que Dyckerhoff (T- 35-95) estiment que la motivation de la décision attaquée est contradictoire, en ce qu'elle se réfère à des termes comme "consigne générale" et "proposition" (décision attaquée, paragraphe 45, point 8) pour désigner une prétendue décision ferme arrêtée lors de la réunion du 14 janvier 1983.

1103. Cet argument doit être rejeté. En effet, il ressort sans équivoque du point 45, point 1, de la décision attaquée que la Commission reproche aux participants à la réunion du 14 janvier 1983 d'avoir conclu un accord de respect des marchés domestiques et non pas simplement d'avoir proposé un tel accord. Les allusions, au paragraphe 45, point 8, quatrième et cinquième alinéas, de la décision attaquée, à la "consigne générale" et à la "proposition faite au cours de la réunion du 14 janvier 1983" se rapportent au contenu du projet d'exposé introductif du président pour cette même réunion, dans lequel il était proposé de fixer des "règles du jeu". Or, la Commission a clairement exposé, dans la décision attaquée, qu'un concours de volontés s'est réalisé au cours de la réunion du 14 janvier 1983 concernant ces "règles du jeu", celles-ci portant sur le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre.

1104. Dyckerhoff estime encore qu'il est contradictoire de considérer, d'une part, que l'accord Cembureau est impérativement entré en vigueur, pour tous les membres directs et indirects de Cembureau, le 14 janvier 1983, et, d'autre part, que cet accord a été confirmé lors des réunions ultérieures des chefs de délégation.

1105. Il doit toutefois être constaté que la Commission ne s'est pas contredite en affirmant que le concours de volontés intervenu dans le cadre de la réunion du 14 janvier 1983 a été confirmé au cours des réunions des 19 mars et 7 novembre 1984. La confirmation d'un accord suppose en effet, par hypothèse, qu'il a été conclu antérieurement.

1106. Le SFIC (T-36-95) soutient que la motivation de la décision attaquée est circulaire. Pour démontrer l'existence de l'accord Cembureau, la Commission présenterait comme des mesures d'exécution de celui-ci des actions décentralisées qui, en réalité, n'auraient pas un caractère anticoncurrentiel. Le SFIC rappelle que, dans la CG, la Commission utilisait déjà un raisonnement pyramidal pour mettre en cause l'accord Cembureau à partir de l'existence d'ententes nationales, raisonnement qui serait devenu artificiel depuis l'abandon, par la Commission, de la procédure relative aux griefs nationaux.

1107. Cet argument ne peut pas non plus être accueilli. En effet, il ressort sans équivoque tant de la CG [paragraphes 9 et 61, sous a)] que de la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) que la Commission a, dès l'origine, établi l'existence de l'accord Cembureau sur la base d'un faisceau concordant de preuves documentaires directes, et non pas sur l'existence d'ententes locales, bi- ou multilatérales décentralisées.

1108. Enfin, Heracles (T-57-95) soutient que la Commission n'a pas suffisamment examiné, dans la décision attaquée, les arguments qu'elle avait invoqués dans sa réponse à la CG.

1109. Cet argument n'est étayé par aucun élément concret qui permette d'en apprécier le bien-fondé. Il doit donc être rejeté pour manque de précision. En tout état de cause, la Commission n'est pas tenue de fournir, dans la décision, une réponse détaillée à tous les arguments formulés par les différents destinataires de la CG au cours de la procédure administrative. Il suffit que l'exposé des motifs permette au juge communautaire d'exercer son contrôle juridictionnel de la légalité de la décision attaquée et fournisse aux entreprises et aux associations concernées les informations nécessaires afin qu'elles puissent apprécier si la décision est ou non bien fondée (arrêts cités au point 846 ci-dessus, VBVB et VBBB/Commission, point 22, BAT et Reynolds/Commission, point 72, et La Cinq/Commission, point 42). Or, les paragraphes 18, 19, 28, 35, 36, 45, 46, 56 et 59 de la décision attaquée donnent à Heracles ainsi qu'au Tribunal une indication suffisante pour connaître les principaux éléments de fait et de droit qui sont à la base du raisonnement ayant conduit la Commission à tenir cette partie requérante pour responsable des infractions visées aux articles 1er, 4, paragraphe 4, sous d), sous f), et sous g), et 6, de la décision attaquée.

C Violation des droits de la défense à l'occasion de l'accès au dossier

1110. Italcementi (T-65-95) et Blue Circle (T-88-95) dénoncent le fait qu'elles n'ont pas eu accès, au cours de la procédure administrative, à des documents à charge qui ont été mentionnés au paragraphe 19 de la décision attaquée au soutien de la constatation de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (1). Dans les observations qu'ils ont déposées à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997, CBR (T-25-95), Cembureau (T-26-95), la FIC (T-30-95), ENCI (T-31-95), la VNC (T-32-95), Dyckerhoff (T-35-95), le SFIC (T-36-95), Vicat (T-37-95), Ciments français (T-39-95), Heidelberger (T-42-95), Lafarge (T-43-95), Aalborg (T-44-95), le BDZ (T-48-95), Unicem (T-50-95), Buzzi (T-51-95), Rugby (T-53-95), Asland (T-55-95), Castle (T-56-95), Heracles (T-57-95), Uniland (T-58-95), Oficemen (T-59-95), Irish Cement (T-60-95), Cimpor (T-61-95), Secil (T-62-95), l'ATIC (T-63-95), Titan (T-64-95), Italcementi, Holderbank (T- 68-95), Hornos Ibéricos (T-69-95), Aker (T-70-95), Euroc (T-71-95), Cementir (T-87-95) et Blue Circle soutiennent qu'ils n'ont pas eu accès, au cours de la procédure administrative, à des éléments à décharge se rapportant à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (2).

1. Eléments à charge

1111. Italcementi et Blue Circle font valoir que leurs droits de la défense ont été violés au cours de la procédure administrative, dès lors qu'elles n'ont pas eu accès à une série de documents relatifs aux réunions des chefs de délégation, documents à charge mentionnés au paragraphe 19 de la décision attaquée (voir ci-dessus point 366). Elles se réfèrent à cet égard aux documents n° 33.126/11560 à 11577 et 11587 à 11633 relatifs à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 6), aux documents n° 33.126/11697, 11698, 11701 à 11713 et 11732 relatifs à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 11) et aux documents n° 33.126/11739 à 11747, 11750, 11756 à 11773 et 11774 à 11789 relatifs à la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 15).

1112. Toutefois, même si l'on écarte les documents auxquels se réfèrent Italcementi et Blue Circle, il ressort de l'analyse développée ci-dessus aux points 861 à 1095 que la Commission a suffisamment démontré l'existence de l'accord Cembureau.

2. Eléments à décharge

1113. Il convient d'examiner d'abord certains arguments relatifs à des éléments à décharge invoqués de manière concordante par plusieurs parties requérantes à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997. Compte tenu de la diversité des autres arguments soulevés, ainsi que des documents auxquels ils se rapportent, il sera procédé ensuite à un examen individualisé desdits arguments, successivement dans le cadre d'une ou de plusieurs affaires.

2.1. Eléments invoqués de manière concordante par plusieurs parties requérantes

1114. En premier lieu, dans les observations qu'ils ont déposées à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996, CBR, Cembureau, ENCI, la VNC, le SFIC, Vicat, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, Asland, Castle, Heracles, Irish Cement, Titan, Italcementi, Aker, Euroc, Cementir et Blue Circle soutiennent que les chapitres nationaux des griefs ainsi que les documents y afférents constituaient dans leur ensemble des éléments à décharge. A cet égard, ils font observer qu'aucun des documents auxquels la Commission a accordé accès à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996 ne fait état d'un accord Cembureau. Ils estiment que, si un tel accord était l'explication ou l'impulsion à l'origine du comportement des entreprises concernées, il y aurait été fait référence de manière répétée.

1115. De même, dans les observations qu'elles ont déposées à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, Dyckerhoff, Aalborg, Unicem, Heracles, Italcementi, Cementir et Blue Circle soulignent l'absence de référence à un accord Cembureau dans le "solde" du dossier d'instruction.

1116. Il convient de rappeler que, dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), la Commission a établi l'existence de l'accord Cembureau sur la base de preuves documentaires directes. L'argument reproduit ci-dessus aux points 1114 et 1115 doit être rejeté, dans la mesure où les parties requérantes concernées n'expliquent pas en quoi l'absence de référence directe ou indirecte à l'accord Cembureau dans les pièces qui ne leur ont pas été accessibles au cours de la procédure administrative est de nature à donner un éclairage différent à ces preuves documentaires directes.

1117. En second lieu, dans les observations qu'ils ont déposées à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996, CBR, Cembureau, la FIC, ENCI, la VNC, Dyckerhoff, Aalborg, Irish Cement, Italcementi, Cementir et Blue Circle font valoir que les documents relatifs à la société Norcim, figurant dans le dossier relatif à la France, auraient été utiles à leur défense. Ils font observer que Norcim a envisagé, pendant la période prise en considération par la décision attaquée, des exportations de ciment vers le Royaume-Uni, les Pays-Bas et le Danemark. Les difficultés rencontrées par Norcim pour exporter sur ces marchés n'auraient pas été liées à l'existence d'un prétendu accord de respect des marchés domestiques, mais à divers facteurs, comme le manque de compétitivité de ses prix et les différences entre les normes nationales de certification de la qualité des ciments. En outre, lorsque Norcim a été confrontée à des exportations des producteurs du Benelux, elle n'aurait pas protesté contre ce qui aurait été une violation de l'accord Cembureau, mais aurait recherché quelle attitude elle pouvait adopter vis-à-vis des clients passés à la concurrence étrangère. Le comportement de Norcim aurait donc été inconciliable avec l'existence du prétendu accord Cembureau.

1118. Au soutien de leur argumentation, CBR se réfère aux documents n° 33.126/5626 à 5636, 5641 à 5644, 5648 à 5663, 5682 à 5694, 5699 à 5702, 5705 à 5724 et 13484 à 13486, Cembureau aux documents n° 33.126/5626, 5627, 5638, 5644, 5653, 5658, 5661, 5668, 5673, 5674, 5678, 5689, 5690, 5695, 5696, 5699, 5700, 5712, 5713, 5718, 5722, 5727, 5728, 5746, 5748, 13485, 13495, 13545 et 13557, la FIC aux documents n° 33.126/5660 à 5674, 5677 à 5679, 5680, 5681 et 13495 à 13497, ENCI et la VNC aux documents n° 33.126/5626 à 5634, 5651 à 5656, 5660 à 5663, 5671 à 5674, 5682 à 5687, 5705 à 5708, 5712 et 5713, Dyckerhoff aux documents n° 33.126/5637 à 5644, 5651 à 5669, 5671 à 5674, 5676 à 5681, 5695 à 5698, 5709 à 5724, 5734 à 5737, 5741 à 5746, 13484 à 13486, 13511 et 13512, Aalborg aux documents n° 33.126/5626 à 5637, 5641, 5644, 5657 à 5659, 5671, 5674 et 13484 à 13486, Irish Cement aux documents n° 33.126/5626, 5627, 5638, 5644, 5653, 5658, 5661, 5668, 5673, 5674, 5678, 5684, 5689, 5690, 5695, 5696, 5699, 5700, 5712, 5713, 5718, 5722, 5727, 5728, 5746, 5748, 13485, 13495, 13545 et 13557, Italcementi aux documents n° 33.126/5651, 5653, 5680, 5681, 5705, 5706, 13484, 13485, 13487, 13500, 13503 et 13506, Cementir aux documents n° 33.126/5626 à 5634 et 5682 à 5687, et Blue Circle aux documents n° 33.126/5671 à 5724, 13498 à 13509, 13532 et 13542.

1119. BR ajoute encore que la connaissance du règlement intérieur de Norcim (documents n° 33.126/5626 à 5634) lui aurait permis de contester la validité de l'argument que la Commission tire de l'existence d'exportations du Nord de la France vers les Pays-Bas pour tenter de démontrer la nature européenne du marché géographique de référence retenu dans la CG et dans la décision attaquée.

1120. Il convient toutefois de rappeler que la Commission n'a jamais prétendu que l'accord Cembureau et ses mesures d'application avaient eu pour effet de supprimer tout échange intracommunautaire de ciment et toute tentation de commerce interétatique. Aux termes mêmes de l'article 1er de la décision attaquée, l'accord Cembureau a été sanctionné en raison de son objet anticoncurrentiel. Ainsi, tout au plus, les documents mentionnés ci-dessus aux points 1118 et 1119 démontrent que Norcim, qui ne figure pas parmi les destinataires de la décision attaquée, n'a pas toujours respecté l'accord Cembureau.

1121. En outre, l'accord Cembureau n'interdisait pas le "commerce inter-Etats de caractère traditionnel, voire structurel" [mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729], mais s'opposait aux exportations "sauvages" [notes de séance concernant la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737], à savoir les exportations non contrôlées ou non réglementées. L'existence d'importations ou d'exportations dans un cas précis n'est donc pas non plus de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes de l'existence de l'accord Cembureau (CG, paragraphes 9 et 61; décision attaquée, paragraphes 18, 19 et 45). Enfin, le comportement de Norcim ne fait que confirmer la dimension européenne du marché géographique en cause.

1122. En troisième lieu, dans les observations qu'ils ont déposées à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, CBR, Cembureau, la FIC, Dyckerhoff, le SFIC, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, le BDZ, Unicem, Heracles, Uniland, Oficemen, Irish Cement, Secil, l'ATIC, Italcementi et Cementir soutiennent que la note de M. Toscano Jr (de Cimpor) du 17 février 1983 concernant la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (documents n° 33.322/314 à 344) aurait été utile pour leur défense, parce qu'elle renforcerait leur argument, selon lequel il n'a pas été discuté du principe de respect des marchés domestiques au cours de cette réunion. Le document confirmerait leur thèse, selon laquelle il a été question, pendant cette réunion, des problèmes de dumping. S'agissant d'une note interne de Cimpor, il n'y aurait aucune raison de supposer qu'elle ne rend pas compte avec exactitude de tous les échanges de vues qui ont eu lieu au cours de la réunion du 14 janvier 1983. Ciments luxembourgeois, qui n'a pas déposé des observations à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 (voir ci-dessus point 170), s'est référée à l'audience à ladite note de M. Toscano Jr au soutien de son argument tiré d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

1123. Comme la Commission l'a reconnu à l'audience (voir ci-dessus point 153), la note de M. Toscano Jr du 17 février 1983 présente un lien avec l'infraction retenue à l'article 1er de la décision attaquée. Il s'agit, en effet, d'un document qui se rapporte à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983.

1124. Il convient dès lors d'apprécier si, à la lumière des éléments de preuve avancés par la Commission au soutien du grief retenu à l'article 1er de la décision attaquée, le document aurait eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent dans l'hypothèse où les parties requérantes concernées auraient pu s'en prévaloir au cours de ladite procédure (voir ci-dessus point 247).

1125. La Commission a estimé, à juste titre, que les pièces documentaires mentionnées aux paragraphes 9 et 61 de la CG et aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée, et notamment celles visées ci-dessus aux points 979 à 985, démontrent qu'un concours de volontés portant sur le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre est intervenu au cours de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, et donc que l'accord Cembureau visé à l'article 1er de la décision attaquée a été conclu dans le cadre de cette réunion. Ces mêmes documents, notamment ceux indiqués ci-dessus aux points 1008 à 1010 et 1030 à 1037 attestent, en outre, que cet accord a été confirmé au cours des réunions des chefs de délégation des 19 mars et 7 novembre 1984.

1126. En réalité, la note de M. Toscano Jr n'était pas susceptible de donner un éclairage différent aux éléments de preuve retenus par la Commission aux paragraphes 9 et 61 de la CG et aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée au soutien de sa constatation de l'existence de l'accord Cembureau.

1127. Le document en question comporte les notes prises au cours de la réunion (documents n° 33.322/314 à 317) par M. Toscano Jr et huit annexes (documents n° 33.322/318 à 344) constituées par les documents distribués au cours de la réunion.

1128. Si M. Toscano Jr avait eu l'intention de rédiger un compte rendu exhaustif de celle-ci, ses notes feraient état de tous les points discutés, avec éventuellement, pour certains points, une référence à l'une ou l'autre des huit annexes susvisées.

1129. A cet égard, force est de constater que ces notes ne contiennent aucune référence aux discussions relatives aux systèmes de formation des prix. Or, il ressort du projet d'ordre du jour final pour la réunion (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; document n° 33.126/11656), des documents mentionnés au paragraphe 17, points 2 et 3, de la décision attaquée et des déclarations de différentes parties requérantes au cours de la procédure devant le Tribunal (voir ci-dessus point 977) que de telles discussions ont eu lieu au cours de la réunion. Bien que les suggestions de M. Van Hove concernant la concurrence loyale fassent partie de l'annexe 8 (document n° 33.322/344), les notes ne contiennent une référence à cette annexe que dans le contexte des problèmes de dumping discutés au cours de la réunion: "M. Van Hove, du comité de liaison des industries du ciment dans la CEE, a fait un exposé synthétique des règles du marché commun en matière de protection contre le dumping, faisant observer que tous les membres de la CEE sont associés dans Cembureau. La synthèse présentée figure en annexe 8."

1130. Dans ces conditions, la note de M. Toscano Jr ne saurait être considérée comme un reflet fidèle et exhaustif des discussions qui ont eu lieu au cours de la réunion du 14 janvier 1983. Tout au plus, le document en question prouve qu'il a été discuté du problème des importations de ciment faisant l'objet de dumping, point qui n'a jamais été contesté par la Commission (voir ci-dessus point 986). Il ne démontre pas toutefois que les discussions se soient limitées à ce point. La note n'est donc pas de nature à jeter un éclairage différent sur les preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), et qui démontrent que, au cours de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, un concours de volontés s'est manifesté, portant sur la règle du respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre.

1131. Il convient encore de souligner que, tant dans la CG (paragraphe 7 et 8) que dans la décision attaquée (paragraphe 17, points 2 et 3), la Commission s'est référée à deux autres documents se rapportant à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, à savoir le document "Réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983 Notes pour le président" (décision attaquée, paragraphe 17, point 3; documents n° 33.126/11630 à 11633) et la "[n]ote de Cimpor" pour la réunion du comité exécutif de Cembureau du 25 mars 1983 (documents n° 33.322/308 à 312) qui, à l'instar de la note de M. Toscano Jr (documents n° 33.322/314 à 344), ne contiennent aucune trace d'une discussion sur la règle du respect des marchés domestiques et de la réglementation des ventes d'un pays à l'autre. Plusieurs parties requérantes considèrent même que l'un ou l'autre de ces documents constitue le compte rendu officiel de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (voir ci-dessus points 970 et 971). Toutefois, dans la décision attaquée, la Commission n'attache aucun crédit à la défense de plusieurs parties au cours de la procédure administrative, selon laquelle il ressortirait de ces documents que seules des suggestions licites auraient été faites au cours de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 17, point 4). La Commission ne comprend en effet pas pourquoi, dans de telles circonstances, "il ne devait pas y avoir de compte rendu de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983" (décision attaquée, paragraphe 17, point 4). En d'autres termes, l'existence de ces deux documents n'a pas détourné la Commission de sa conclusion selon laquelle un concours de volontés s'est exprimé lors de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 autour du principe Cembureau de respect des marchés domestiques et de réglementation des ventes d'un pays à l'autre, et selon laquelle ce concours de volontés a été confirmé aux réunions des chefs de délégation des 19 mars et novembre 1984.

Il y a donc lieu de conclure que si les parties requérantes concernées avaient eu accès à la note de M. Toscano Jr au cours de la procédure administrative, les commentaires qu'elles auraient pu faire valoir à partir de cette note n'auraient pas eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Le fait que ce document n'a pas été accessible aux parties requérantes concernées au cours de la procédure administrative n'a donc pas nui à leur défense (voir ci-dessus point 247).

2.2. Affaire T-25-95, CBR/Commission

1133. En premier lieu, CBR considère, dans ses observations du 10 février 1997, que les chapitres nationaux de la CG et les documents y afférents lui auraient permis, au cours de la procédure administrative, de contester la nature européenne du marché géographique. Elle se réfère à cet égard, premièrement, aux documents n° 33.126/17160 à 17172 et 17635 à 17637 du dossier concernant le Royaume-Uni, dont il ressortirait que les producteurs de ciment britanniques cherchaient à utiliser les CPMA (voir ci-dessus point 91) en vue de rendre les importations moins attractives, deuxièmement, aux chapitres de la CG consacrés à l'Italie (chapitre 13), au Royaume-Uni (chapitre 14), à la France (chapitre 15), à l'Espagne (chapitre 18) et au Portugal (chapitre 19), dont il ressortirait que les ententes nationales constituaient des obstacles aux importations dans ces territoires et, troisièmement, à la note de Ciments français du 11 septembre 1986 (documents n° 33.126/4115 à 4122), qui contredirait les constatations de la Commission selon lesquelles il aurait existé de larges différences de prix sur une longue période, susceptibles de répondre à l'attente, de la part d'exportateurs, d'un profit durable (décision attaquée, paragraphes 9 et 11, point 6).

1134. Il convient de rappeler que, pour conclure à l'existence de l'accord Cembureau, la Commission s'est fondée sur un ensemble de preuves documentaires directes mentionnées aux paragraphes 9 et 61 de la CG et aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée. Si la partie requérante avait pu formuler des considérations relatives au marché de référence au cours de la procédure administrative sur la base des documents cités au point précédent, celle-ci n'aurait pas pu aboutir à un résultat différent. En effet, l'existence même de l'accord Cembureau conclu sur un plan paneuropéen, qui ressort des preuves documentaires précitées, contredit directement la thèse de CBR selon laquelle le marché géographique de référence du ciment ne serait pas l'Europe.

1135. A titre surabondant, il y a lieu de souligner que, loin de renforcer la thèse de CBR, les documents qu'elle invoque démontrent que le ciment fait l'objet de transactions transfrontalières et que les importations intracommunautaires exercent une pression concurrentielle. Enfin, même s'il devait s'avérer qu'il n'existait pas d'"écart significatif" entre les prix de vente en Belgique et en France en 1983, en 1984 et en 1985 (document n° 33.126/4115 mentionné ci-dessus au point 1133), cette circonstance ne serait pas de nature à affecter la définition du marché géographique de référence retenue dans la décision attaquée. 1136.

S'agissant, en deuxième lieu, de l'existence de l'accord Cembureau, CBR relève, dans ses observations du 10 février 1997, que les dates des prétendues ententes nationales ne coïncident nullement avec la date du prétendu accord Cembureau. Elle se réfère à cet égard au règlement intérieur de Norcim (documents n° 33.126/5626 à 5634) et à différents documents concernant la prétendue entente britannique (documents n° 33.126/17017 à 17051).

1137. Cependant, l'absence de concordance entre les dates de conclusion des ententes nationales et l'accord Cembureau n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour établir l'existence de l'accord Cembureau. En outre, à supposer même que, sur la base d'une telle argumentation, la partie requérante ait pu démontrer l'absence de lien entre les ententes nationales et l'accord Cembureau, l'inaccessibilité des documents en question ne pouvait pas nuire à sa défense, dès lors que les griefs nationaux n'ont finalement pas été visés par la décision attaquée et que la Commission ne s'est pas fondée sur la constatation de telles ententes pour établir l'existence de l'accord Cembureau.

1138. Dans ses observations du 12 novembre 1997, CBR présente plusieurs documents qui démontreraient que les interventions des représentants de CBR, notamment lors de la réunion du 14 janvier 1983, s'inscrivaient dans le cadre d'une volonté générale de trouver une solution aux problèmes rencontrés par l'industrie du ciment dans le respect des règles européennes en matière de concurrence. Elle mentionne à cet égard deux notes internes émanant de Lafarge, à savoir une note du 16 juin 1982 (document n° 33.126/6962) et une note du 1er décembre 1982 (document n° 33.126/6966)

1139. Toutefois, ces notes internes ne permettent pas non plus d'établir une violation des droits de la défense de CBR.

1140. En ce qui concerne la note du 16 juin 1982, CBR tire argument de ce qu'elle énonce: "Indép. All forte pression et CBR a refusé de leur tordre le cou comme demandait D." Néanmoins, il y a lieu de rappeler que l'accord Cembureau n'interdisait pas toute exportation de ciment vers un pays membre de Cembureau. En effet, le principe du respect des marchés domestiques n'interdisait pas le " commerce inter-Etats de caractère traditionnel, voire structurel" (mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 à 11729), mais s'opposait aux exportations "sauvages", à savoir les exportations non contrôlées ou non réglementées, les exportations "sauvages" d'Allemagne vers la Belgique ayant été évoquées explicitement au cours de la réunion du 19 mars 1984 (notes de séance de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737). L'existence d'importations allemandes en Belgique dans un cas précis n'était donc pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes de l'existence de l'accord Cembureau.

1141. En ce qui concerne la note interne de Lafarge du 1er décembre 1982, CBR tire argument d'un extrait de celle- ci aux termes duquel M. Van Hove "semble attacher une importance exagérée aux dires de la CEE". Cependant, il importe de replacer cet extrait dans le contexte du passage de la note qui le contient: "Il [M. Van Hove] semble attacher une importance exagérée aux dires de la CEE, est-ce à cause de la proximité ou bien avec une idée derrière la tête: celle de faire sauter le verrou des frontières sans être dénoncé par la profession comme le fauteur de désordre." Il apparaît alors que, loin de démontrer l'inexistence de l'accord Cembureau, la note commentée par CBR confirme que le "verrou des frontières" constituait une réalité et qu'il fallait éviter le "désordre" sur le marché. 1142.

Aucune des deux notes internes de Lafarge invoquées par CBR n'est donc de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG (paragraphes 9 et 61) et la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour constater l'existence de l'accord Cembureau. Toutefois, il sera examiné ultérieurement si ces documents donnent un éclairage différent à la question de la participation de CBR à l'accord Cembureau (voir ci-après points 4479 à 4483).

2.3. Affaire T-26-95, Cembureau/Commission

1143. Premièrement, Cembureau fait observer, dans ses observations du 10 février 1997, que l'analyse du marché présentée dans les chapitres nationaux de la CG et dans les dossiers nationaux concernés (plus précisément l'analyse des marchés allemand, français, britannique, italien, espagnol, portugais et grec) présente des liens manifestes avec l'analyse du marché européen du ciment figurant dans les chapitres internationaux de la CG. Selon lui, les chapitres nationaux de la CG et les documents y afférents auraient donc dû lui être rendus accessibles pendant la procédure administrative.

1144. Il convient de rappeler que, pour conclure à l'existence de l'accord Cembureau, la Commission s'est fondée sur un ensemble de preuves documentaires directes mentionnées aux paragraphes 9 et 61 de la CG et aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée. Si la partie requérante avait pu formuler des considérations relatives au marché de référence au cours de la procédure administrative sur la base de l'analyse du marché présentée dans les chapitres nationaux de la CG et dans les dossiers nationaux concernés, cette procédure n'aurait pas pu aboutir à un résultat différent. En effet, l'existence même de l'accord Cembureau conclu sur un plan paneuropéen, qui ressort des preuves documentaires susvisées et non d'une analyse des comportements des producteurs de ciment sur le marché, confirme la définition du marché géographique de référence retenue dans la décision attaquée (paragraphe 11).

1145. Deuxièmement, Cembureau soutient, dans ses observations du 10 février 1997, que différents documents concernant les griefs nationaux fournissent des motifs susceptibles de réfuter les allégations de la Commission selon lesquelles le marché européen du ciment était artificiellement partagé en raison d'une prétendue entente internationale. Il se réfère d'abord à deux extraits du paragraphe 49 du chapitre 6 de la CG consacré à l'Allemagne ainsi qu'à une série de documents du dossier relatif à ce pays, qui ont trait à des sanctions infligées par le Bundeskartellamt à différents producteurs nationaux du chef d'ententes illicites pendant les années 80. Ces différents éléments prouveraient l'existence d'ententes nationales, mais non celle d'une entente européenne. En ce qui concerne le dossier relatif au Royaume-Uni, rien ne prouverait que l'industrie du ciment se soit préoccupée des importations avant que le problème grec surgît en 1986. Ce dossier renforcerait ainsi l'incertitude quant à la question de savoir si les importations en provenance d'Allemagne constituaient une menace qui aurait pu faire l'objet de discussions lors de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984. Il ressortirait encore de plusieurs pièces du dossier concernant le Royaume-Uni (documents n° 33.126/17073 à 17075, 17080 à 17091, 17160 à 17174, 17178, 17179, 17203 à 17205, 17624, 17625, 17631 à 17633 et 17641 à 17654) que la CMF et ses membres étaient à l'époque profondément soucieux de respecter les dispositions du droit de la concurrence et que, à cette fin, des avis juridiques détaillés ainsi que des contacts avec les autorités britanniques et européennes avaient été régulièrement pris. S'agissant de l'accès au dossier concernant l'Italie, il aurait permis à Cembureau de faire valoir que le faible niveau des importations sur ce marché résultait non pas du prétendu accord Cembureau, mais d'une surcapacité du marché national et des mesures prises sur le plan réglementaire pour pallier les conséquences de celle-ci (documents n°s 33.126/12485 à 12505). Le dossier espagnol révélerait pour sa part qu'il n'a existé aucun lien entre les accords "Hispacement" (société commune espagnole à l'exportation) et le prétendu accord Cembureau (CG, paragraphe 88). En ce qui concerne ce marché, le faible niveau des importations devrait en fait être imputé à sa structure oligopolistique, caractérisée par une intégration verticale (documents n°s 33.322/1372 à 1382, 1391, 1392, 1523, 1524, 1724, 1727, 1728, 1730, 1732, 1791 et 1819).

1146. Il convient cependant de constater qu'aucune des observations que Cembureau aurait pu, estime-t-il, formuler à partir des documents qu'il invoque n'aurait été de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est appuyée dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour établir l'existence de l'accord Cembureau. Il convient d'ajouter que l'absence d'allusion, dans le dossier relatif au Royaume-Uni, aux préoccupations des producteurs du marché de ce pays, antérieurement à l'année 1986, à l'égard des importations n'aurait pas affecté la valeur probante du mémorandum préparé à l'intention du président de Cembureau pour la réunion du 19 mars 1984 [CG, paragraphe 9, sous b); décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 à 11729], selon lequel figuraient à cette époque, parmi les "points chauds", les " exportations de l'Allemagne vers la Grande-Bretagne et l'Irlande".

1147. Troisièmement, Cembureau soutient, dans ses observations du 10 février 1997, que les documents des dossiers nationaux ayant trait aux importations de ciment étayent son argumentation selon laquelle aucun accord Cembureau n'existait. Outre les documents relatifs à Norcim (voir ci-dessus point 1118), il se réfère aux documents n°s 33.126/14798, 14806 et 14807 figurant dans le dossier relatif à la France, dont il ressortirait que les préoccupations exprimées portaient sur le dumping pratiqué sur les exportations en provenance d'Europe centrale, et non sur les échanges intracommunautaires. Le seul document du dossier concernant la France qui aurait fait état de discussions consacrées à la défense contre les importations serait l'extrait du compte rendu de la réunion du SFIC du 7 juillet 1987 (document n° 33.126/14879). Ce document traiterait cependant exclusivement de la qualité inférieure des importations et du risque que couraient les consommateurs si des spécifications n'étaient pas fixées par l'industrie du ciment à l'égard du ciment importé. Il ne présenterait donc aucun lien avec un prétendu accord Cembureau. Il ressortirait aussi des documents du dossier concernant le Royaume-Uni (documents n°s 33.126/17631 à 17633) que l'Office of Fair Trading (ci-après "OFT") estimait que l'arrivée d'importations en 1986 constituait un fait nouveau justifiant une révision des CPMA (voir ci-dessus point 91). La Commission se serait d'ailleurs elle-même fait l'écho de cet aperçu du marché britannique au paragraphe 37, premier alinéa, du chapitre 4 de la CG, en remarquant que ce pays avait, jusqu'en 1985, un excédent de production, ce qui, d'après Cembureau, militait vraisemblablement contre des importations. Il existerait donc une discordance chronologique entre la preuve contenue dans le dossier relatif au Royaume-Uni, selon laquelle cet État membre ne se serait pas trouvé menacé par des importations jusqu'en 1986, et les allégations de la Commission, selon lesquelles le prétendu accord Cembureau aurait été conclu en 1983 pour faire face à une crise en rapport avec les échanges entre les membres de Cembureau. Il ressortirait encore du dossier concernant l'Espagne (documents n°s 33.322/1318 et 1412) que la référence faite aux "règles du jeu" dans la note manuscrite d'Italcementi sur la réunion du comité exécutif du 14 avril 1986 à Paris (décision attaquée, paragraphe 17, point 9; document n° 33.126/3185) visait la question des mesures antidumping et non le prétendu accord Cembureau. Enfin, Cembureau soutient que, si le dossier relatif au Portugal contient effectivement un certain nombre de références à des réunions de Cembureau (documents n°s 33.322/88, 89, 92 et 96), rien ne laisse supposer que ces réunions avaient un quelconque rapport avec le prétendu accord Cembureau.

1148. Il convient cependant d'observer que les discussions relatives à la nécessité de spécifications techniques pour le ciment importé dans l'intérêt des consommateurs ne sont nullement de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour conclure à l'existence de l'accord Cembureau. Il en est de même pour ce qui concerne la circonstance que la surproduction qu'aurait connue le marché britannique aurait limité les importations jusqu'en 1986.

1149. Quant aux documents concernant l'Espagne, il doit être rappelé que l'allusion de M. Bertrán à des "règles du jeu", rapportée dans la note manuscrite d'Italcementi sur la réunion du comité exécutif de Cembureau du 14 avril 1986, a été faite, contrairement à ce que prétend la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 17, point 10), dans le contexte d'une discussion à propos des problèmes causés par des importations faisant l'objet de dumping (voir ci-dessus point 1064). Toutefois, cette erreur dans l'interprétation de la note manuscrite en question n'a aucune incidence sur la légalité de l'article 1er de la décision attaquée (voir ci-dessus point 1064). Il y a encore lieu de souligner que le document en question n'a pas été intégré dans le faisceau de preuves documentaires directes dont la Commission a déduit l'existence de l'accord Cembureau. La note d'Italcementi est uniquement invoquée par la Commission, dans la décision attaquée (paragraphe 17, point 9), pour illustrer les discussions qui se sont tenues entre les producteurs européens de ciment, pendant la période en cause, sur la concurrence "loyale ou saine ou correcte", le paragraphe 17 étant d'ailleurs intitulé "Les discussions sur la concurrence 'loyale ou saine ou correcte". Or, ces discussions n'ont fait l'objet d'aucune constatation d'infraction dans la décision attaquée. Par conséquent, à supposer même que Cembureau ait pu, grâce à ses commentaires, détourner la Commission de son erreur dans l'interprétation de la note d'Italcementi, ces commentaires n'auraient pas pu conduire la procédure administrative à un résultat plus favorable pour ce qui concerne l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée.

1150. Quatrièmement, Cembureau fait valoir, dans ses observations du 28 novembre 1997, que l'objet principal de la réunion du 14 janvier 1983 était le dumping et que ce thème a été examiné et discuté non seulement au point 1 ("Importations de l'Europe de l'Est"), mais aussi au point 2 ("Commerce intra-européen") de l'ordre du jour de cette réunion (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; document n° 33.126/11656). Ce second point de l'ordre du jour aurait par ailleurs été consacré à une série de questions juridiques touchant à la concurrence et au commerce intracommunautaires, avec, notamment, une présentation du système des points de parité (le BPS notifié à la Commission en 1981), au regard des articles 85 et 86 du traité. Selon Cembureau, plusieurs documents auxquels il n'a pas eu accès au cours de la procédure administrative renforceraient ainsi le doute sur l'interprétation de la Commission selon laquelle le point 2 de l'ordre du jour aurait eu trait à des discussions ayant prétendument conduit à la conclusion de l'accord Cembureau. Cembureau invoque à cet égard les documents n° 33.126/15443 à 15528 (documents relatifs à une rencontre franco-allemande des 6 et 7 décembre 1983), les documents n° 33.126/8164 à 8166 (projet de procès-verbal de la réunion du 15 septembre 1983 du comité de direction de CBR) et les documents n° 33.126/5295 et 5296 (note du 13 mai 1983 de M. Steinbach sur des mesures antidumping contre la République démocratique allemande, la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie et l'Espagne).

1151. Il convient de constater que la Commission n'a jamais nié la tenue, au cours de la réunion du 14 janvier 1983, de discussions liées aux préoccupations des différentes industries du ciment à l'égard des importations faisant l'objet de dumping, ainsi que de discussions ayant trait aux systèmes de formation des prix (BPS notamment) (décision attaquée, paragraphe 19, points 2 à 15). Les commentaires que Cembureau aurait pu développer à partir des différents documents qu'il invoque, si ceux-ci lui avaient été rendus accessibles au cours de la procédure administrative, pour démontrer que les participants à la réunion avaient discuté de dumping et de systèmes de formation des prix n'auraient donc fait que confirmer des indications pleinement prises en compte par la Commission, sans pouvoir occulter la réalité se dégageant des preuves documentaires directes sur lesquelles l'institution s'est fondée dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour établir que, par-delà ces sujets de discussion éventuellement légitimes, les participants à la réunion du 14 janvier 1983 se sont accordés sur un principe illicite de respect des marchés domestiques et de réglementation des ventes d'un pays à l'autre.

2.4. Affaire T-30-95, FIC/Commission

1152. Premièrement, la FIC soutient, dans ses observations du 10 février 1997, que les chapitres nationaux de la CG contredisent la thèse avancée par la Commission, dans les chapitres internationaux de la CG et dans la décision attaquée, quant à l'existence de l'accord Cembureau. La Commission aurait en effet affirmé, dans les chapitres nationaux, que les marchés nationaux étaient isolés par des cartels nationaux ou régionaux qui rendaient toute importation difficile, voire impossible [CG, chapitre 13, paragraphe 72 (marché italien), chapitre 14, paragraphes 74 et 77 (marché britannique), chapitre 15, paragraphe 81 (marché français), chapitre 16, paragraphe 84 (marché allemand), chapitre 18, paragraphe 89 (marché espagnol), et chapitre 19, paragraphe 91 (marché portugais)], et qui auraient eu pour effet d'éliminer tout incitant à l'exportation [CG, chapitre 15, paragraphe 81 (marché français), et chapitre 16, paragraphe 84 (marché allemand)].

1153. En outre, la FIC soutient que la lecture des chapitres nationaux lui aurait permis de constater la présence de "barrières naturelles" à l'importation, à savoir le fait que de nombreux producteurs de ciment des Etats en cause disposaient de filiales, tant dans leur pays d'origine que dans d'autres pays de la Communauté (concentration de l'offre au niveau de grands groupes internationaux), et que la plupart de ces producteurs possédaient des usines de fabrication de béton prêt à l'emploi et contrôlaient de ce fait une partie importante de la demande de ciment dans leurs pays respectifs (politique d'intégration verticale) [CG, chapitre 3, paragraphe 32 (marché italien), chapitre 4, paragraphe 37 (marché britannique), chapitre 5, paragraphe 42 (marché français), chapitre 6, paragraphes 47 et 48 (marché allemand), et chapitre 8, paragraphe 54 (marché espagnol)]. Elle estime que, si elle avait eu accès à ces éléments au cours de la procédure administrative, elle aurait pu faire valoir pour sa défense que, dès lors que les entreprises avaient des raisons économiques de ne pas exporter, il ne leur était pas nécessaire d'adopter un principe illégal pour se prémunir contre un risque apparemment bien faible.

1154. Il convient de rappeler que, dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), la Commission a établi l'existence de l'accord Cembureau sur la base de preuves documentaires directes. Les explications alternatives fondées sur l'analyse économique des marchés, l'existence d'accords nationaux ou régionaux et les obstacles naturels au commerce interétatique, que la partie requérante aurait pu fournir quant au faible volume d'échanges intracommunautaires de ciment, n'auraient pas été de nature à donner un éclairage différent auxdites preuves documentaires directes (voir ci-dessus points 263 et 264). Au contraire, des explications à propos des "barrières naturelles" aux échanges interétatiques de ciment (forte concentration de l'offre et politique d'intégration verticale) auraient été de nature à souligner la gravité de l'infraction commise, dès lors que, par la conclusion de l'accord Cembureau, les chefs de délégation ont essayé d'éliminer le peu de concurrence effective qui subsistait sur le marché (voir ci-dessus point 1088).

1155. Deuxièmement, la FIC souligne, dans ses observations du 10 février 1997, l'antériorité des prétendus cartels nationaux par rapport à la conclusion du soi-disant accord Cembureau. Elle insiste sur l'absence de lien entre ces ententes nationales et l'accord Cembureau.

1156. Cet argument n'aurait pas été de nature à faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent, pour les motifs exposés ci-dessus au point 1137.

1157. Troisièmement, la FIC fait état, dans ses observations du 20 janvier 1998, d'une lettre du 23 décembre 1981 adressée par M. Van Hove, président du CLC, aux membres de ce comité, et intitulée "CEE Système de formation des prix" (documents n° 33.126/3242 et 3243). Le rapprochement du contenu de cette lettre avec le document n° 33.322/344 figurant parmi les annexes à la note de M. Toscano Jr concernant la réunion du 14 janvier 1983 (voir ci-dessus point 1122) confirmerait sans équivoque que les "suggestions pour une concurrence loyale" faites par M. Van Hove lors de cette réunion (décision attaquée, paragraphe 17, point 3) se rapportaient au BPS (voir ci-dessus point 852).

1158. Il convient de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a rejeté l'argument selon lequel "'les suggestions formulées dans le but de garantir une concurrence loyale ne seraient autres que les suggestions soumises à la Commission dans le cadre de la procédure de notification effectuée par les cimentiers belges et néerlandais le 16 juillet 1981" (décision attaquée, paragraphe 17, point 4). En outre, les "suggestions pour une concurrence loyale" ne figurent pas parmi les éléments sur lesquels la Commission s'est appuyée pour établir l'existence de l'accord Cembureau. Ces suggestions sont uniquement évoquées, au paragraphe 17, point 3, de la décision attaquée, pour illustrer les discussions sur la concurrence "loyale ou saine ou correcte", discussions qui n'ont, en définitive, pas donné lieu à la constatation d'une infraction dans la décision attaquée. Par conséquent, les observations que la FIC aurait pu formuler, si elle avait eu accès aux documents qu'elle avance sur ce point, n'auraient pas pu faire déboucher la procédure administrative sur un résultat différent.

1159. Quatrièmement, la FIC se réfère, dans ses observations du 20 janvier 1998, à une note de Heidelberger sur les réunions des chefs de délégation et du comité exécutif des 7 et 8 novembre 1984 (documents n° 33.126/5312 à 5315), dont il ressortirait que, au cours de la réunion du 7 novembre 1984, seules des questions relatives aux prix à la grande exportation et aux importations en provenance des pays de l'Est faisant l'objet de dumping ont été traitées. A aucun moment, le principe Cembureau de respect des marchés domestiques n'aurait été confirmé au cours de cette réunion.

1160. Il convient de faire observer que la note de Heidelberger, qui est un compte rendu succinct des réunions des chefs de délégation et du comité exécutif des 7 et 8 novembre 1984, énonce: "Les conditions de concurrence sur le marché à l'exportation n'ont pas cessé de s'aggraver. La Grèce et l'Espagne sont les concurrents les plus féroces et ils attirent de plus en plus tous les pays de la zone pacifique qui sont en excédent de production dans cette guerre des prix." Les observations que la FIC aurait pu faire valoir à partir de ce document, si celui-ci lui avait été accessible pendant la procédure administrative, n'auraient pas été de nature à donner un éclairage différent aux "Summary notes" du 12 novembre 1984 (documents n° 33.126/11754 et 11755), dont la Commission a, à juste titre, déduit que l'accord Cembureau avait été confirmé au cours de la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984, dès lors que ces "Summary notes" attestent que, au cours de cette réunion, la canalisation des surproductions grecques et espagnoles avait été soutenue par Cembureau et ses membres pour éviter la déstabilisation des marchés européens [CG, paragraphe 9, sous c); décision attaquée, paragraphe 45, point 2]. En tout état de cause, ces observations n'auraient nullement donné un éclairage différent aux preuves documentaires sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour constater que, dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, l'accord Cembureau avait été conclu.

1161. Cinquièmement, la FIC soutient, dans ses observations du 10 février 1997, que les documents des dossiers nationaux apportent de nouveaux éléments quant à la volonté des membres de Cembureau de respecter les règles du droit de la concurrence. Ainsi, il ressortirait des documents concernant le chapitre de la CG relatif au Royaume-Uni que l'industrie du ciment britannique a toujours veillé minutieusement au respect du droit, en particulier du droit de la concurrence. La FIC se réfère, à cet égard, aux procès-verbaux des réunions de la CMF du 4 septembre 1985 (documents n°s 33.126/17086 à 17091), du 2 octobre 1985 (documents n°s 33.126/17092 à 17098), du 16 octobre 1985 (documents n°s 33.126/17099 à 17102), du 6 août 1986 (documents n°s 33.126/17160 à 17165), du 3 septembre 1986 (documents n°s 33.126/17166 à 17172), du 16 septembre 1986 (documents n°s 33.126/17173 et 17174), du 5 novembre 1986 (documents n°s 33.126/17180 à 17184), du 11 février 1987 [documents n°s 33.126/17203 à 17205; voir également communiqué de presse du 12 février 1987 relatif à cette réunion (document n° 33.126/17858)] et du 4 mars 1987 (documents n°s 33.126/17206 à 17209). Compte tenu du souci constant de la CMF de ne rien faire qui fût contraire au droit de la concurrence, il serait difficile d'admettre qu'elle ait pu accepter de violer ces mêmes règles en concluant l'accord Cembureau. Dans ses observations du 20 janvier 1998, la FIC prend appui sur une série de documents qui traduiraient clairement, selon elle, la volonté des industries du ciment européennes de respecter le droit de la concurrence et qui auraient donc constitué autant d'éléments utiles à sa défense au cours de la procédure administrative. Elle se réfère tout d'abord à un document d'Hispacement d'août 1984 (documents n°s 33.322/3081 à 3087), relatif à une discussion de l'accord envisagé entre les producteurs espagnols et grecs à propos de la CMA (voir ci-dessus point 1040), et qui attesterait que les parties à cet accord ont pris en considération les "possibles infractions aux lois (espagnole et européenne) sur les pratiques restrictives de concurrence". Elle fait ensuite état d'un document d'Italcementi relatif à un projet de compte rendu de la réunion du comité exécutif de Cembureau des 5 et 6 décembre 1985 (documents n°s 33.126/3190 à 3196) qui relate une déclaration de M. Bertrán suggérant que le CLC examine, lors de sa prochaine réunion, "l'opportunité de définir, en accord avec la DG IV de la CEE, des règles de 'concurrence loyale afin d'être prêts à réagir en cas de nécessité". Enfin, elle se fonde de nouveau sur le compte rendu des réunions des chefs de délégation et du comité exécutif des 7 et 8 novembre 1984 trouvé chez Heidelberger (documents n°s 33.126/5312 à 5315), document qui fait état du souci de "traiter le sujet dans le respect du droit des ententes".

1162. Cependant, l'accès aux diverses pièces avancées par la FIC, qui traduiraient le souci de différentes parties (la CMF, les parties à l'accord portant sur la CMA, M. Bertrán d'Asland, et Heidelberger) de respecter le droit de la concurrence, ne lui aurait en aucune manière permis de convaincre la Commission de son propre souci d'agir constamment dans la légalité. En tout état de cause, aucune de ces pièces, relatives à des aspects d'ordre national (documents n° 33.126/17086 à 17102, 17160 à 17174, 17180 à 17184, 17203 à 17209 et 17858), à la politique de grande exportation (documents n° 33.322/3081 à 3087), aux mesures antidumping (documents n° 33.126/3190 à 3196) ou au thème des concentrations d'entreprises (documents n° 33.126/5312 à 5315), plutôt qu'au commerce intracommunautaire, n'aurait donné un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est appuyée dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour établir l'existence de l'accord Cembureau.

1163. Sixièmement, la FIC prétend, dans ses observations du 10 février 1997, qu'aucun document des dossiers nationaux ne permet de conclure que Cembureau a joué le moindre rôle dans la surveillance des importations. Les documents relatifs aux chapitres nationaux de la CG montreraient que les premiers concernés par les importations en provenance de Grèce, à savoir les producteurs britanniques et italiens, ont tenté de faire face à ce problème par leurs propres moyens. Ainsi, l'unique réaction collective des producteurs de ciment britanniques, lorsqu'ils furent confrontés aux importations en provenance de Grèce, aurait pris la forme de contacts avec leurs autorités gouvernementales et parlementaires et avec la Commission, sans la moindre intervention de Cembureau. La FIC se réfère à cet égard aux procès-verbaux des réunions de la CMF du 6 août 1986 (documents n°s 33.126/17160 à 17165), du 3 septembre 1986 (documents n°s 33.126/17166 à 17172), du 8 octobre 1986 (documents n°s 33.126/17178 et 17179) et du 5 novembre 1986 (documents n°s 33.126/17180 à 17184). Ces contacts directs, sans la moindre implication de Cembureau, entre producteurs européens et autorités publiques, ou entre autorités des différents États membres menacés par les importations en provenance de Grèce, seraient encore confirmés par le procès-verbal de la réunion d'Oficemen du 18 septembre 1986 (documents n°s 33.322/1319 à 1323) et par les procès-verbaux de la réunion de la CMF du 8 octobre 1986 (documents n°s 33.126/17178 et 17179) et du 3 juin 1987 (documents n°s 33.126/17219 à 17225). Pour faire face aux importations en provenance de Grèce, les producteurs italiens se seraient pour leur part concentrés sur la maîtrise de leur demande intérieure de ciment, en acquérant des sociétés de production de béton prêt à l'emploi ou en concluant des accords avec ces dernières. Ils auraient apparemment aussi conclu des accords avec les producteurs yougoslaves de ciment, visant à acheter directement une partie de leur production pour éviter des importations de leur part. Aucun document du dossier relatif à l'Italie ne contiendrait de références à une intervention de Cembureau (documents n°s 33.126/2945 à 2948, 2949 à 2951, 15990 à 15997, 12145 à 12341 et 16235 à 16282). En conclusion, la FIC estime que l'ensemble des documents qu'elle invoque lui aurait permis de faire valoir que l'absence de tout rôle coordinateur ou instigateur de Cembureau dans la lutte contre les importations en provenance de Grèce était une confirmation supplémentaire de l'inexistence du prétendu accord Cembureau.

1164. Il convient de rappeler que, pour conclure à l'existence de l'accord Cembureau, la Commission ne s'est nullement fondée sur l'implication de Cembureau dans des mesures de surveillance des importations, en particulier les mesures visant à résoudre le problème posé par les importations en provenance de Grèce, mais sur un ensemble de preuves documentaires directes. Les différents documents mis en avant par la FIC n'auraient pu, en aucune manière, donner un éclairage différent à ces preuves documentaires directes.

1165. Enfin, septièmement, la FIC se fonde, dans ses observations du 10 février 1997, sur le procès-verbal de la réunion du 13 février 1986 du comité exécutif d'Oficemen (documents n° 33.322/1311 à 1318), qui confirmerait que la seule explication plausible de la référence, dans la note d'Italcementi relative à la réunion du 14 avril 1986 du comité exécutif de Cembureau (décision attaquée, paragraphe 17, point 9; document n° 33.126/3185), à la nécessité d'adopter des "règles du jeu" pour éviter une "concurrence non correcte" devait être recherchée dans la lutte contre les importations en provenance des pays de l'Est faisant l'objet de dumping, et non pas dans un quelconque principe de respect des marchés domestiques de la Communauté, contrairement à ce que la Commission aurait toujours refusé d'admettre.

1166. Toutefois, cet argument n'aurait pas été de nature à faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 1149.

2.5. Affaires T-31-95, ENCI/Commission, et T-32-95, VNC/Commission

1167. Dans les mémoires qu'elles ont déposés à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996, ENCI et la VNC soulignent l'antériorité des prétendus cartels nationaux par rapport à la conclusion du prétendu accord Cembureau.

1168. Cependant, cet argument n'aurait pas été de nature à faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 1137.

1169. Dans les mémoires qu'elles ont déposés à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, ENCI et la VNC se réfèrent à quatre documents qui contrediraient l'existence de l'accord Cembureau. En premier lieu, elles se réfèrent au procès-verbal de la réunion du comité de direction de la société belge Obourg du 26 juin 1987 (documents n°s 33.126/375 à 379), dans lequel il est fait mention d'importations aux Pays-Bas de ciment en provenance d'Espagne et de France. Au point 2 du procès-verbal, il est encore indiqué: "Les mesures de rétorsion contre les cimentiers d'Espagne sont difficiles à envisager, tandis que celles contre les Français sont passées en revue avant décision ultérieure." En deuxième lieu, ENCI et la VNC invoquent le document intitulé "Information de base 1987" de la Compagnie des ciments belges (ci-après "CCB") (documents n°s 33.126/1629 et 1634 à 1641), qui relève à propos du marché du ciment: "[Aux Pays-Bas] la concurrence de certains ciments allemands reste très vive sur le marché. En Zeelande, nous rencontrons du ciment français ensaché." (Point 1.1.2.) Le même document ajoute (points 2.1.1 et 2.1.2): "La crise prolongée dans le bâtiment et les travaux publics rend très active la concurrence, notamment allemande [sur les marchés belge et néerlandais]." Il fait par ailleurs état d'exportations de ciment de la CCB vers les Pays-Bas (point 4.1). En troisième lieu, les mêmes parties requérantes se réfèrent au document intitulé "Information annuelle 1989" de la CCB (documents n°s 33.126/1768 à 1783), qui confirme, en ce qui concerne les Pays-Bas (point 1.1.2): "La concurrence de certains ciments allemands reste très vive sur le marché. En Zeelande, nous rencontrons du ciment français ensaché et vrac. On signale aussi des importations de ciments espagnols et grecs et en quantité plus limitée des importations de ciment de la RDA, de la Pologne et de la Yougoslavie." Ce document précise (points 2.1.1 et 2.1.2) que, "malgré une reprise sensible de la construction en 1988, la concurrence allemande est restée présente" sur les marchés belge et néerlandais, et que, aux Pays-Bas, "on signale aussi l'apparition de ciments espagnols et grecs". Enfin, en quatrième lieu, les parties requérantes susvisées invoquent un document de Heidelberger (document n° 33.126/3447), dans lequel est constatée une augmentation des ventes de ce producteur de ciment sur le marché néerlandais de 36,6 % en 1987.

1170. Il convient de rappeler que la Commission n'a jamais prétendu que l'accord Cembureau et ses mesures d'application avaient eu pour effet de supprimer tout échange intracommunautaire de ciment et toute tentation de commerce interétatique. Aux termes mêmes de l'article 1er de la décision attaquée, l'accord Cembureau a été sanctionné en raison de son objet anticoncurrentiel. En outre, il n'interdisait pas "le commerce inter-Etats de caractère traditionnel, voire structurel [...] par exemple [...] les exportations d'Allemagne et de Belgique vers les Pays-Bas" (mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729), mais s'opposait aux exportations "sauvages", à savoir les exportations non contrôlées ou non réglementées, les exportations "sauvages" vers les Pays-Bas et la Belgique ayant été évoquées explicitement au cours de la réunion du 19 mars 1984 (notes de séance concernant la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737). Le fait que les documents mentionnés au point précédent attestent l'existence de certaines exportations "sauvages" vers les Pays-Bas et la Belgique, dont les chefs de délégation avaient connaissance, démontre tout au plus que l'accord Cembureau n'a pas toujours été respecté par certains producteurs communautaires, mais n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG (paragraphes 9 et 61) et la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour constater l'existence de l'accord Cembureau.

2.6. Affaire T-35-95, Dyckerhoff/Commission

1171. Premièrement, Dyckerhoff prétend, d'une part, que l'examen des dossiers nationaux et des chapitres nationaux de la CG indique que la Commission part elle-même du principe selon lequel les marchés sont délimités de façon nationale et, d'autre part, que le dossier comporte de nombreux indices supplémentaires des frontières naturelles des marchés du ciment. Dans ses observations du 7 février 1997, Dyckerhoff cite à cet égard des passages des chapitres nationaux de la CG relatifs à l'Italie (chapitre 3, paragraphes 32 à 35), au Royaume-Uni (chapitre 4, paragraphes 37 à 41), à la France (chapitre 5, paragraphes 42 à 46) et à la Grèce (chapitre 7, paragraphes 50 à 53), ainsi que les documents n°s 33.126/2985, 3017 à 3032, 3099 à 3105, 3158 à 3166, 5626 à 5634, 5789, 5791, 11993, 12083 à 12087, 12136 à 12140, 12142 et 12143, 14496, 14528, 14530, 17035 à 17051, 17863 à 17865, 19398 à 19401 et 19394, et les documents n°s 27.997/1 à 7, qui démontreraient que la large limitation des marchés du ciment résulte de l'existence d'accords nationaux et d'entreprises communes, de réglementations étatiques en matière de prix et de l'intégration verticale des marchés nationaux permettant à de nombreux producteurs locaux de contrôler la demande sur leur marché. Dans ses observations du 5 janvier 1998, Dyckerhoff signale que le "solde" du dossier d'instruction comporte de nombreux indices supplémentaires confirmant la réalité des frontières naturelles des marchés du ciment. Elle souligne que les documents n°s 33.126/299, 2105 à 2113, 4132 à 4139 et 5677 à 5679 font état d'obstacles administratifs et économiques qui entravaient les échanges entre les États membres, que les documents n°s 33.126/5883, 8139, 10279 à 10283, 12139 à 12141 et 13297 à 13319 attestent l'existence de réglementations nationales et d'organisations nationales des marchés qui rendaient l'accès à ces marchés nationaux pratiquement impossible, que les documents n°s 33.126/6112 à 6128, 6746 à 6765 établissent que l'effet de cloisonnement des marchés a été renforcé par les réglementations nationales des prix, que les documents n°s 33.126/8630 à 8639, 14691 à 14711, 16931 à 18140, 18296 à 18311, 18338 à 18340, 18359 à 18361, 18379, 18380, 18398 à 18400 et 18417 à 18419 permettent de constater qu'il existait des participations croisées entre les producteurs européens de ciment qui offraient une possibilité plus avantageuse de débouchés sur des marchés régionaux et nationaux que la réalisation d'opérations ponctuelles de vente transfrontalière.

1172. Cependant, ces arguments n'auraient pas été de nature à faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 1154.

1173. Deuxièmement, Dyckerhoff, dans ses observations du 5 janvier 1998, invoque les documents n° 33.126/272 à 275, 719, 1852, 4125 à 4127, 5926, 5938, 6888, 6897, 7129, 14627, 14630, 14637, 14661, 14663, 14691, 14711 et 18173, qui prouveraient l'existence d'une activité d'exportation en dépit des barrières naturelles du marché existant par ailleurs. Or, ces activités n'auraient pas fait l'objet de discussions critiques ou de sanctions dans le cadre de Cembureau, ce qui contredirait l'existence de l'accord Cembureau. 1174.

1174. Il convient de rappeler que le principe du respect des marchés domestiques n'interdisait pas "le commerce inter-Etats de caractère traditionnel, voire structurel [...] par exemple [...] les exportations d'Allemagne et de Belgique vers les Pays-Bas" (mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984), mais s'opposait aux exportations "sauvages" (notes de séance de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984), à savoir les exportations non contrôlées ou non réglementées. L'existence d'exportations dans un cas précis n'est donc pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour établir l'existence de l'accord Cembureau.

1175. Troisièmement, dans ses observations du 7 février 1997, Dyckerhoff déduit l'inexistence de l'accord Cembureau, d'une part, de l'absence de causalité entre cet accord et les concertations nationales et, d'autre part, de l'absence de lien entre les documents relatifs aux prétendues ententes nationales et le prétendu accord Cembureau. La réalité du premier élément serait établie par le contenu de certains passages des chapitres nationaux de la CG (chapitre 4, paragraphes 37 et 38) et du document n° 33.126/5726, qui démontreraient que les CPMA (voir ci-dessus point 91) et certaines ententes nationales existaient bien avant la réunion du 14 janvier 1983. La réalité du second élément serait établie par l'absence de référence à un accord européen dans les documents relatifs aux prétendues ententes nationales et par le fait que les associations nationales et les groupements nationaux se sont préoccupés des importations en provenance d'autres États membres. A cet égard, Dyckerhoff présente des éléments relatifs à la France, au Portugal et à l'Espagne, ainsi qu'à la Grèce. En ce qui concerne la France, elle mentionne les documents relatifs à Norcim (voir ci-dessus point 1118). En ce qui concerne le Portugal et l'Espagne, elle fait état des paragraphes 54 à 56 de la CG et de documents qui indiqueraient l'existence d'un principe réciproque de non-livraison entre l'Espagne et le Portugal (documents n°s 33.322/513, 575, 996 à 1010, 1037, 1038, 1400, 1406, 1407 et 2901). Elle souligne également que les documents relatifs à cette concertation bilatérale ne font nullement référence à un accord au niveau européen. En outre, une correspondance par télex datant de 1988 (documents n°s 33.322/527 à 529) ferait état d'un refus de Cimpor de livrer du ciment dans les pays du Benelux, sans que ce refus soit justifié par le respect du prétendu accord Cembureau. En ce qui concerne la Grèce, Dyckerhoff affirme que le dossier concernant ce pays contient des pièces relatives au prétendu principe Cembureau qui ne lui ont pas été communiquées au cours de la procédure administrative (documents n°s 33.126/19875 à 19887).

1176. Il doit cependant être constaté que le contenu des différents documents invoqués par Dyckerhoff ne démontre pas l'existence d'une violation de ses droits de la défense. En effet, l'absence de référence à l'accord Cembureau, le fait que certaines ententes nationales sont antérieures à cet accord et les préoccupations des associations nationales et groupements nationaux pour les importations en provenance d'autres Etats membres ne sont pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour établir l'existence de l'accord Cembureau.

1177. En outre, si la partie requérante, sur la base des documents mentionnés ci-dessus au point 1175, avait pu démontrer au cours de la procédure administrative l'absence de lien entre les ententes nationales et l'accord Cembureau, cette procédure n'aurait pas pu aboutir à un résultat différent, dès lors que la preuve de l'existence de l'accord Cembureau ne dépend en rien de celle des ententes nationales.

1178. Enfin, Dyckerhoff ne saurait prétendre que ses droits de la défense ont été violés dans la mesure où la Commission ne lui aurait pas donné accès à des documents du dossier concernant la Grèce, relatifs au prétendu accord Cembureau (documents n° 33.126/19875 à 19877). Ces documents correspondent à la déclaration de M. Kalogeropoulos au cours de la réunion du conseil d'administration d'Heracles, le 25 juin 1986. Or, il y a lieu de constater que le passage de cette déclaration, repris au paragraphe 18, point 5, de la décision attaquée, a été littéralement cité au paragraphe 9 de la partie internationale de la CG. En outre, les documents en question figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Dans ces circonstances, ils doivent être considérés comme des éléments de preuve opposables à Dyckerhoff. Quant aux documents n° 33.126/19878 à 19887, il suffit de relever que la Commission ne les a retenus ni dans la CG ni dans la décision attaquée pour démontrer l'existence de l'accord Cembureau. En outre, Dyckerhoff ne fournit aucun indice de nature à établir que ces documents auraient pu contenir des éléments à sa décharge.

1179. Quatrièmement, dans ses observations du 5 janvier 1998, Dyckerhoff se réfère à différents documents dont il ressortirait que la défense contre les importations de ciment en provenance d'Europe de l'Est faisant l'objet de dumping a été au centre des réflexions communes du secteur européen et des discussions rapportées en 1983 et 1984. Elle mentionne à cet égard la lettre d'invitation du 16 novembre 1982 en vue de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (document n° 33.322/346), un compte rendu de la réunion de la FIC du 8 décembre 1982 (documents n° 33.126/2026 à 2033), le compte rendu de la réunion franco-allemande des 6 et 7 décembre 1983 (documents n° 33.126/15494 à 15496), un procès-verbal du conseil d'administration de la FIC du 10 octobre 1984 (documents n° 33.126/2056 à 2062), le compte rendu de la réunion du comité exécutif de Cembureau du 8 novembre 1984 (documents n° 33.126/10485 et 10486), des documents émanant du BDZ (documents n° 33.126/5198 à 5208 et 5243 à 5251), une note interne de Blue Circle (documents n° 33.126/10840 et 10841) et une lettre de Heidelberger à Cembureau du 1er décembre 1987 (documents n° 33.126/3604 et 3605).

1180. Toutefois, ces documents ne sont pas de nature à donner un éclairage différent aux diverses preuves documentaires directes citées dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), dont il ressort que, au cours de leur réunion du 14 janvier 1983, les chefs de délégation se sont entendus sur le principe du respect des marchés domestiques et de la réglementation des ventes d'un pays à l'autre. Tout au plus, les documents invoqués prouvent que les problèmes de dumping et les importations de ciment d'Europe de l'Est ont aussi été discutés au cours de la réunion du 14 janvier 1983, ce que la Commission n'a d'ailleurs jamais contesté (décision attaquée, paragraphe 19, points 2 à 15). Par conséquent, les observations que la partie requérante aurait pu faire valoir si elle avait eu accès aux documents invoqués n'auraient pas pu aboutir à un résultat différent au terme de la procédure administrative.

2.7. Affaire T-36-95, SFIC/Commission

1181. Premièrement, le SFIC se prévaut, dans ses observations du 10 février 1997, des pièces du dossier consacré au Royaume-Uni, relatives aux CPMA (voir ci-dessus point 91) (dossier IV/27.997 et documents n° 33.126/17017 à 17034, 17863 à 17865 et 17867 à 17873). Ce système de prix, notifié à la Commission et approuvé par les autorités britanniques de la concurrence, présenterait des analogies avec le BPS (voir ci-dessus point 852) qui avait été lui aussi notifié à la Commission en 1981 et qui fut évoqué lors de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983. Le SFIC estime que ces pièces lui auraient été utiles pour démontrer la licéité du BPS et, plus largement, des discussions qui furent l'objet de la réunion Cembureau du 14 janvier 1983. Il en irait de même du document italien relatif au système de péréquation des prix rendus du ciment, à savoir le système "Incontro Nolo" (documents n° 33.126/11913 à 11919), lequel présenterait également une certaine analogie avec le BPS.

1182. Dans ses observations du 7 janvier 1998, le SFIC se prévaut encore d'une série de pièces qui lui ont été rendues accessibles à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997 (documents n° 33.126/623 à 632, 673, 674, 730, 1175 à 1178, 1219 à 1221, 1552 à 1554, 1960, 1961, 2026 à 2028, 2050, 2051, 2058, 2066, 2084, 2545 à 2553, 2591 à 2609, 2682, 2683, 5038 à 5051, 5105 à 5119, 8098 à 8104, 8131, 8132, 8146 à 8148, 8151, 9031 à 9048, 9050 à 9053, 9068 à 9074 et 9103 à 9112) et qui démontreraient la licéité des discussions intervenues au cours de la réunion du 14 janvier 1983 sur les systèmes de formation des prix, en particulier sur le BPS mis sur pied par les industries belge, néerlandaise et allemande. Selon le SFIC, l'un ou l'autre des documents n° 33.126/2545 à 2553, 2591 à 2609, 2682, 2683, 9050 à 9053, 9068 à 9074 et 9103 à 9112 indiquerait en outre que l'examen de l'applicabilité du BPS et l'analyse de la Commission quant à sa compatibilité avec le droit européen de la concurrence n'étaient pas limités aux marchés belge, néerlandais et allemand, mais qu'ils portaient sur l'ensemble des marchés communautaires. Dès lors, l'accès à ces documents au cours de la procédure administrative se serait imposé et lui aurait permis d'étayer, par des faits concrets, ses affirmations selon lesquelles la Commission était informée des réflexions menées par les producteurs européens autour du BPS et selon lesquelles l'évocation de ce système de formation des prix au cours de la réunion du 14 janvier 1983 était parfaitement légitime, puisque rien ne permettait de présumer, à cette époque, la réaction officielle de la Commission à ce sujet. D'autres pièces du dossier d'instruction de la Commission (documents n° 33.126/2047, 2413 et 16410 à 16413) attesteraient les préoccupations, pendant la période considérée, des producteurs européens de ciment à l'égard des importations en provenance des pays d'Europe de l'Est faisant l'objet de dumping.

1183. Il doit toutefois être constaté que les documents invoqués ne sont pas de nature à donner un éclairage différent aux diverses preuves documentaires directes citées dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), dont il ressort que, au cours de leur réunion du 14 janvier 1983, les chefs de délégation se sont entendus sur le principe du respect des marchés domestiques et de la réglementation des ventes d'un pays à l'autre. Ils prouvent tout au plus que les problèmes du dumping et du BPS ont aussi été discutés au cours de la réunion du 14 janvier 1983. Il y a lieu d'ajouter que la Commission n'a jamais contesté ni la tenue, au cours de la réunion du 14 janvier 1983, de discussions sur les systèmes de formation des prix, en particulier sur le BPS, et sur les mesures antidumping (décision attaquée, paragraphe 19, points 2 à 15), ni l'existence de contacts entre certaines industries européennes et ses services à propos du système des points de parité (décision attaquée, paragraphe 17, point 4).

1184. Deuxièmement, le SFIC fait état, dans ses observations du 7 janvier 1998, du procès-verbal de la réunion du 27 juin 1982 du comité de direction de la FIC (documents n° 33.126/1890, 1896 et 1897), qui confirmerait ses explications quant à la nature extrastatutaire des réunions des chefs de délégation.

1185. Sans qu'il y ait lieu de procéder à une analyse détaillée du contenu de ce procès-verbal, il suffit de relever que celui-ci se rapporte à un argument qui avait été soulevé dans certains mémoires en réponse à la CG, dont celui du SFIC, et qui est pleinement discuté par la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 44, point 3). Partant, des commentaires additionnels du SFIC sur ce point n'auraient pas pu conduire la procédure administrative à un résultat différent.

1186. Troisièmement, le SFIC fait valoir, dans ses observations du 7 janvier 1998, que différentes pièces auxquelles il n'a pas eu accès au cours de la procédure administrative (documents n° 33.126/2575 à 2585 et 2591 à 2609), en particulier une étude universitaire de 1977 sur le mode de fixation des prix dans l'industrie du ciment, qui critique l'étude Phlips, seule citée par la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 10), lui auraient permis d'étayer son argumentation en défense fondée sur l'analyse économique du marché du ciment.

1187. Cependant, des explications alternatives du SFIC fondées sur l'analyse économique du marché du ciment n'auraient pas été de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour conclure à l'existence de l'accord Cembureau (voir ci-dessus points 263 et 264).

1188. Quatrièmement, le SFIC se prévaut, dans ses observations du 7 janvier 1998, des notes rédigées par Secil à la suite de l'assemblée générale de Cembureau du 11 au 13 juin 1985 (documents n° 33.322/119 à 123), qui montreraient que les membres de Cembureau étaient préoccupés par les besoins de restructuration de l'industrie et par l'attitude réservée des gouvernements en matière de libération des prix.

1189. Toutefois, le SFIC ne précise nullement en quoi l'accès à ces pièces aurait pu conduire la procédure administrative à un résultat différent. En tout état de cause, ces pièces n'auraient pu donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes de l'accord Cembureau. Le fait de ne pas avoir eu accès auxdites pièces au cours de la procédure administrative n'a donc pas nui à la défense du SFIC.

2.8. Affaire T-37-95, Vicat/Commission

1190. Premièrement, Vicat constate que, dans chaque chapitre de la CG consacré à une entente nationale particulière, la Commission a retenu l'existence d'ententes nationales ayant pour effet de rendre difficiles, voire impossibles, les importations en provenance d'autres Etats membres. Elle cite ainsi des passages extraits des chapitres de la CG consacrés à l'Italie (chapitres 3 et 13), à l'Espagne (chapitres 8 et 18), au Royaume-Uni (chapitres 4 et 14), au Portugal (chapitres 9 et 19) et à l'Allemagne (chapitres 6 et 16). L'absence d'accès à ces passages de la CG aurait privé Vicat de la possibilité de faire valoir une explication alternative de la faiblesse des échanges transfrontaliers de ciment invoquée à de nombreuses reprises par la Commission pour établir l'existence de l'accord Cembureau.

1191. Il convient de rappeler que, dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), la Commission s'est fondée sur des preuves documentaires directes pour établir l'accord Cembureau. Ainsi, les éventuelles explications alternatives du faible niveau des échanges entre les pays membres de Cembureau que Vicat aurait pu avancer si elle avait eu accès à l'intégralité de la CG au cours de la procédure administrative n'auraient pas été de nature à donner un éclairage différent à ces preuves documentaires (voir ci-dessus points 263 et 264).

1192. Deuxièmement, Vicat mentionne, dans ses observations du 7 février 1997, des documents qui démontreraient l'autonomie des ententes nationales alléguées par rapport à Cembureau et au rôle que la Commission aurait cherché à lui attribuer. Elle souligne l'absence de référence à Cembureau et à l'accord Cembureau dans les pièces qu'elle a pu consulter à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996, ainsi qu'à l'antériorité des prétendus cartels nationaux par rapport à la conclusion du prétendu accord Cembureau. Vicat se réfère ainsi aux chapitres de la CG consacrés à l'Italie (chapitres 3 et 13) et au Portugal (chapitres 9 et 19), aux documents n° 33.126/2921 à 2931, 3017 à 3032, 3053 à 3059, 3099 à 3108, 3110 à 3126, 3150 à 3154, 3158 à 3160, 3163 à 3166, 3365, 11990, 11991, 12081 à 12096, 12136 à 12140, 12142 et 12143, relatifs aux griefs concernant l'Italie, aux documents n° 33.322/1226 à 1228, 1300 à 1310, 1329 à 1332 et 1365 à 1368, relatifs aux griefs concernant l'Espagne, aux documents n° 33.322/905, 1019 et 1020, 1072, 1406 à 1408, 1410 à 1412, 2897 à 2903 et 2905, relatifs aux griefs concernant le Portugal, et aux documents n° 33.126/17017 à 17053, 17202 à 17205, 17620 à 17623 et 17863 à 17865, relatifs aux griefs concernant le Royaume-Uni.

1193. Il convient de relever que cet argument n'aurait pas été de nature à faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent, pour les motifs énoncés ci-dessus aux points 1176 et 1177. 1194.

Troisièmement, dans ses observations du 8 janvier 1998, Vicat mentionne une note interne de Ciments français du 22 septembre 1988 relative à l'organisation de Cembureau (documents n° 33.126/4037 à 4039), dont le contenu démontrerait que Cembureau et les chefs de délégation n'ont pu jouer aucun rôle dans les domaines mis en cause par la Commission dans la décision attaquée.

1195. L'interprétation de cette note interne de Ciments français proposée par Vicat ne saurait être accueillie. En effet, il ne peut être déduit d'un document daté du 22 septembre 1988, faisant état des modifications structurelles de Cembureau envisagées à la fin de l'année 1987 et de la situation existant à cette époque, que Cembureau et les chefs de délégation ne pouvaient jouer aucun rôle dans les domaines visés dans la décision attaquée à l'époque des faits litigieux, c'est-à-dire en 1983 et 1984, soit plusieurs années avant que fût rédigée cette note interne. L'absence d'accès à ce document au cours de la procédure administrative n'a donc pas affecté les droits de la défense de Vicat.

2.9. Affaire T-39-95, Ciments français/Commission

1196. Ciments français se prévaut, dans ses observations du 21 novembre 1997, du contenu de certains documents qui confirmeraient que les discussions au cours de la réunion de Cembureau du 14 janvier 1983 et du comité exécutif du 25 mars 1983 portaient sur l'étude d'un nouveau système de prix pour le ciment et non sur une prétendue règle du respect des marchés domestiques. Elle se réfère à cet égard à un extrait du procès-verbal d'une réunion du CLC du 7 juillet 1977 (documents n° 33.126/2545 à 2548), à une lettre du 21 novembre 1977 du chef de délégation néerlandais au délégué général du CLC (documents n° 33.126/2569 à 2571), à une lettre de M. Van Hove du 22 février 1978 (documents n° 33.126/9049 à 9058), à une lettre du 15 juin 1978 adressée au nom des producteurs allemands, belges et néerlandais à M. Witlox, de la Commission (documents n° 33.126/7858 à 7860), à un mémorandum du 21 décembre 1978 relatif à l'étude d'un nouveau système de prix du ciment (documents n° 33.126/7861 à 7875), à une lettre de M. Van Hove du 23 décembre 1981 (documents n° 33.126/3242 et 3243), à un projet de lettre à la Commission daté du 21 juin 1983 (documents n° 33.126/5038 à 5051), à un rapport du conseil d'administration de la FIC du 5 juillet 1983 (documents n° 33.126/2050 à 2053) et à une note sur l'historique des relations entre la Commission et les producteurs de ciment belges, non datée et retrouvée au siège de la société Ciments d'Obourg (documents n° 33.126/630 à 632). Ciments français déduit de l'ensemble de ces documents que la Commission ne pouvait en aucun cas considérer les discussions sur les systèmes de formation des prix au sein de Cembureau en 1983, notamment au cours des réunions du 14 janvier et du 25 mars 1983, comme constituant la preuve d'un prétendu accord général de respect des marchés domestiques.

1197. Il doit cependant être constaté que les commentaires formulés par Ciments français sur la base des documents qu'elle cite ne permettent pas de conclure à une violation de ses droits de la défense. La Commission n'a nullement considéré que les discussions sur la mise en place d'un nouveau système de formation des prix lors de la réunion du 14 janvier 1983 ont donné lieu à la conclusion de l'accord Cembureau. Elle a toujours indiqué que, outre les éventuelles discussions relatives à un tel système de formation des prix, les chefs de délégation de Cembureau ont conclu, lors de cette réunion du 14 janvier 1983, un accord de répartition des marchés, dénommé accord Cembureau. Les documents à présent mentionnés par Ciments français n'apportent aucun éclairage nouveau aux preuves documentaires directes retenues par la Commission tant dans la CG (paragraphes 9 et 61) que dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour établir l'existence de cet accord. Il s'ensuit que l'argument examiné doit être rejeté.

2.10. Affaire T-42-95, Heidelberger/Commission

1198. Dans ses observations du 10 février 1997, Heidelberger déclare, premièrement, que les documents relatifs aux griefs nationaux de la CG montrent que les associations nationales et les entreprises d'un Etat membre déterminé n'étaient concernées que par la situation du marché de cet Etat membre. En outre, les documents relatifs aux chapitres nationaux de la CG feraient état de l'existence d'ententes nationales et bilatérales, mais nullement d'un accord paneuropéen. Dès lors, les dossiers nationaux ne permettraient pas de conclure à l'existence d'une entente au niveau européen qui aurait abouti au cloisonnement des marchés nationaux en application d'un prétendu principe Cembureau. Au soutien de son argumentation, Heidelberger se réfère aux documents n° 33.126/2921 à 2925, 3017 à 3036, 3081 à 3083, 12508, 12509, 19188, 19194 et 19218.

1199. Toutefois, le contenu de ces documents ne démontre pas l'existence d'une violation des droits de la défense de Heidelberger. L'absence de référence à l'accord Cembureau dans les pièces qui n'étaient pas accessibles à celle-ci au cours de la procédure administrative et l'existence de documents portant sur les mesures qui auraient été arrêtées par les entreprises et leurs associations sur le seul plan national, à les supposer établies par les documents invoqués par Heidelberger, ne sont pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour conclure à l'existence de l'accord Cembureau.

1200. Deuxièmement, Heidelberger mentionne, dans ses observations du 20 février 1998, plusieurs documents dont le contenu démontrerait que les participants à la réunion du 14 janvier 1983 n'ont pas conclu l'accord Cembureau. Elle cite un compte rendu de la réunion de la FIC du 8 décembre 1982 (document n° 33.126/2027) et une note interne de CBR portant sur la préparation de la réunion du 14 janvier 1983 et établissant que les problèmes intracommunautaires à discuter lors de cette réunion concernaient le BPS (voir ci-dessus point 852) et les aides à l'exportation (document n° 33.126/8132). Elle se réfère, en outre, aux documents émanant d'Obourg, de CBR, de Schwenk, du BDZ, du SFIC et de la FIC démontrant que les préoccupations de l'époque portaient sur les importations faisant l'objet de dumping (documents n° 33.126/186, 2059, 2067, 2102, 15443 à 15446, 8166, 5295, 5212 et 5213).

1201. Toutefois, les documents invoqués ne sont pas de nature à donner un éclairage différent aux diverses preuves documentaires directes citées dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), dont il ressort que, au cours de leur réunion du 14 janvier 1983, les chefs de délégation se sont entendus sur le principe du respect des marchés domestiques et de la réglementation des ventes d'un pays à l'autre. Tout au plus, ces documents prouvent que les problèmes du dumping, du BPS et des aides à l'exportation ont aussi été discutés au cours de la réunion. Il y a lieu d'ajouter que la Commission n'a jamais contesté la tenue, au cours de cette réunion, de discussions sur les systèmes de formation des prix, en particulier sur le BPS, et sur les mesures antidumping (décision attaquée, paragraphe 19, points 2 à 15).

1202. Troisièmement, dans ses observations du 20 février 1998, Heidelberger présente des documents dont le contenu démontrerait que le marché européen du ciment ne faisait pas l'objet d'un réseau d'accords bi- et multilatéraux. Elle mentionne la version écrite d'un exposé fait à Vancouver en 1987, dont il ressortirait que tous les producteurs européens de ciment voulaient acquérir une plus grande part de marché en Europe (document n° 33.126/8618) et une note de Ciments français décrivant la situation de concurrence sur le marché international du ciment, dont il ressortirait que plusieurs producteurs européens de ciment voulaient envahir les marchés européens voisins (document n° 33.126/4380).

1203. L'interprétation du document n° 33.126/8618 proposée par Heidelberger ne saurait être accueillie. En effet, si l'allégation selon laquelle tous les producteurs européens de ciment voulaient acquérir une plus grande part de marché figure parmi les affirmations reprises dans cette note, le contexte dans lequel celle-ci se situe indique qu'elle n'a pas la portée que voudrait lui attribuer Heidelberger. Il s'agit en réalité de la seconde partie d'une phrase contenue au point 22 de cette note et libellée comme suit: "Tous les producteurs de ciment européens travaillent à une intégration plus poussée dans le domaine des bétons prêts à l'emploi et aggrégats et cherchent à acquérir une part de marché plus importante dans ces activités." Ladite constatation vise de toute évidence les "bétons prêts à l'emploi et aggrégats", et non le ciment. De même, Heidelberger ne démontre pas l'existence d'une violation de ses droits de la défense sur la base du contenu de la note de Ciments français (document n° 33.126/4380). Aucune date ne figure sur cette note, de sorte qu'il est difficile de déterminer l'époque à laquelle se rapportent les commentaires de Ciments français. Heidelberger n'a pas non plus donné la moindre indication à cet égard. En outre, le document ne permet pas de savoir si les exportations dont il fait état sont des exportations entre les membres de Cembureau ou des exportations de producteurs non européens. En tout état de cause, même s'il s'agissait d'exportations entre membres, il y aurait lieu de rappeler que la Commission n'a jamais prétendu que l'accord Cembureau avait eu pour effet de supprimer tout échange intracommunautaire de ciment et toute tentation de commerce interétatique. Aux termes mêmes de l'article 1er de la décision attaquée, l'accord Cembureau a été sanctionné en raison de son objet anticoncurrentiel. En outre, le principe du respect des marchés domestiques n'interdisait pas le " commerce inter-États de caractère traditionnel, voire structurel" (mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n°s 33.126/11728 et 11729), mais s'opposait aux exportations "sauvages" (notes de séance de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n°s 33.126/11733 à 11737), à savoir les exportations non contrôlées ou non réglementées. Dès lors, le contenu du document n° 33.126/4380 n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour établir l'existence de l'accord Cembureau.

2.11. Affaire T-43-95, Lafarge/Commission

1204. Dans le mémoire qu'elle a déposé le 28 janvier 1998, Lafarge insiste sur le fait que le compte rendu d'une discussion interne de CBR du 3 novembre 1982 (document n° 33.126/8132) démontre qu'aucune modification de l'ordre du jour de la réunion du 14 janvier 1983 n'a été orchestrée par M. Van Hove, président du CLC, contrairement aux allégations de la Commission (décision attaquée, paragraphe 19, point 3).

1205. Cet argument doit être rejeté. Le document invoqué est antérieur à l'adoption de l'ordre du jour et des tractations auxquelles il a donné lieu. La réunion interne de CBR, dont il constitue le compte rendu, date du 3 novembre 1982, alors que le projet d'ordre du jour et les modifications suggérées par M. Van Hove datent des 16 et 17 novembre 1982 (voir ci-dessus points 798 à 800). En outre, le document présenté par Lafarge indique: "préparation réunion Cembureau du 14 janvier 1983: ordre du jour sera fixé le 22 décembre 1982; opportunité de tenir une réunion DGR en vue de préparer cette réunion Cembureau sera appréciée en fonction de l'ordre du jour [...]" Contrairement à ce que suggère Lafarge, son contenu confirme donc le calendrier des événements qui ont précédé la convocation de la réunion du 14 janvier 1983, tel qu'il a été exposé dans la décision attaquée. Dans ces conditions, les arguments que cette partie requérante aurait pu formuler au cours de la procédure administrative n'auraient pas pu faire aboutir cette procédure à un résultat différent.

1206. Dans les mémoires qu'elle a déposés les 10 février 1997 et 28 janvier 1998, Lafarge cite par ailleurs des documents qui soutiendraient sa thèse selon laquelle les préoccupations des chefs de délégation concernaient en fait le dumping et les importations en provenance des pays tiers. Aucun accord Cembureau n'aurait donc été conclu ou confirmé dans le cadre des réunions des chefs de délégation. Lafarge se réfère ainsi à un document relatif à la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984 (documents n° 33.126/5312 à 5315), ainsi qu'à divers documents émanant principalement des producteurs de ciment allemands (documents n° 33.126/3854, 5156, 5200, 5203, 5215, 5230, 5231, 5233, 5234 à 5265, 5295, 5301, 5312 et 8164).

1207. Elle invoque encore une série de documents qui soutiendraient sa thèse selon laquelle les moyens licites d'assurer une concurrence loyale, dont les chefs de délégation auraient discuté, visaient en fait le BPS (voir ci-dessus point 852), qui avait fait l'objet d'une notification à la Commission et qui concernait non seulement les producteurs de ciment belges et néerlandais, mais aussi tous les autres producteurs européens. Elle estime inacceptable que l'institution lui ait refusé la possibilité de prendre connaissance de tous les documents relatifs aux négociations menées avec elle par l'industrie du ciment. Elle se réfère à cet égard aux documents n° 33.126/1219 à 1221,1552 à 1554, 2050, 2051, 2545 à 2553, 5038 à 5051, 5105 à 5119, 7858 à 7860, 8146 à 8148, 8151, 8170, 8171, 9050 à 9053, 9068 à 9073, 9078 à 9080 et 9103 à 9112.

1208. Les documents invoqués par Lafarge ne sont toutefois pas de nature à donner un éclairage différent aux diverses preuves documentaires directes citées dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), et qui établissent l'existence de l'accord Cembureau. Ils prouvent tout au plus que le BPS, les problèmes de dumping et les importations en provenance des pays tiers ont aussi été discutés au cours des réunions des chefs de délégation, ce que la Commission n'a d'ailleurs jamais contesté (décision attaquée, paragraphe 19, points 2 à 15). Par conséquent, les observations que Lafarge aurait pu faire valoir n'auraient pas pu faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent.

2.12. Affaire T-44-95, Aalborg/Commission

1209. Premièrement, Aalborg explique que les documents qu'elle a pu consulter à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 fournissent une explication alternative de l'objectif des réunions des producteurs de ciment européens pendant la période considérée. De nombreux documents confirmeraient clairement que, lors de ces réunions, les industries européennes du ciment ne se sont pas laissé guider par un principe de respect des marchés domestiques, mais qu'elles réfléchissaient à la manière de réguler légalement la formation des prix et de prévenir les importations "sauvages" ou celles faisant l'objet de dumping. Dans ses observations du 10 février 1997, Aalborg se réfère à cet égard au dossier de notification déposé par la CMF à la Commission en 1973 à propos de l'accord britannique CPMA (dossier IV/27.997; voir ci-dessus points 91 et 93) fondé sur le système des points de parité, dossier qui aurait finalement été classé sans suite après la résiliation de cet accord en 1987. Selon elle, la référence à ce dossier au cours de la procédure administrative lui aurait permis de démontrer qu'aucune preuve à charge ne pouvait être déduite de la description du système des points de parité, à laquelle M. Van Hove s'est livré au cours de cette réunion. Dans ses observations du 12 janvier 1998, Aalborg produit une série de documents (documents n°s 33.126/1078 à 1088, 1147 à 1163, 2569 à 2578, 2591 à 2597 et 5038 à 5051, 9010 à 9075 et 9078 à 9082) qui attesteraient les contacts étroits entretenus avec la Commission pendant de nombreuses années par l'industrie européenne du ciment, en particulier par l'industrie belge, sur l'introduction d'un système de formation des prix, le BPS (voir ci-dessus point 852), lequel devait couvrir les marchés de la Belgique, des Pays-Bas, d'une partie de l'Allemagne de l'Ouest et, éventuellement, du Nord de la France. Ces documents lui auraient permis de démontrer que le véritable objet des discussions menées au cours de la réunion du 14 janvier 1983 était la question de la possibilité d'instaurer à l'échelle européenne, dans le respect du droit communautaire de la concurrence, un système de formation des prix analogue à ce BPS, lequel avait été notifié à la Commission en 1981. Aalborg souligne que la Commission n'avait pas encore officiellement réagi à cette notification à la date du 14 janvier 1983.

1210. Aalborg se réfère encore, dans ses observations du 12 janvier 1998, à une lettre adressée par M. Van Hove aux membres du CLC le 18 février 1983 (documents n° 33.126/2412 à 2415), qui souligne explicitement, sous la rubrique "B. Importations Exportations de ciments entre les pays de la CEE", que "toute concertation sur les prix, livraisons par société, etc. sont interdites" et qui passe en revue une série de moyens, considérés comme légaux par cette partie requérante, susceptibles de concourir à l'instauration d'une concurrence loyale (action judiciaire sur la base de l'article 86 du traité; instauration d'un système de formation des prix, surveillé par la Commission; alignement occasionnel des prix sur ceux du concurrent...), sans faire état d'une solution axée sur le principe de respect des marchés domestiques. Aalborg met également en avant une série de documents (documents n° 33.126/4982/54 et 66, 5295, 5296 et 6160 à 6165) qui attesteraient que c'étaient les importations en provenance d'Europe de l'Est et d'Espagne faisant l'objet de dumping qui préoccupaient l'industrie européenne du ciment en 1983 et en 1984. Elle tente en particulier de démontrer, à la lumière d'un extrait du document n° 33.126/6162, selon lequel "les règles du jeu économique ne sont pas appliquées par les pays de l'Est et, en particulier, par l'Allemagne de l'Est", que les "règles du jeu" auxquelles il était fait allusion dans le projet d'exposé introductif du président pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n° 33.126/11583 à 11585) se rapportaient en réalité au dumping, et non pas au commerce intracommunautaire. Aalborg se réfère en outre à la notice du SFIC du 4 janvier 1988 intitulée "Plan du dossier 'Importations de ciment à prix de dumping" (document n° 33.126/14806), ainsi qu'à une lettre adressée le 19 janvier 1989 par Lafarge à la direction des relations économiques extérieures (documents n° 33.126/14799 et 14800).

1211. L'argument n'aurait cependant pas été de nature à faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 1183. A titre surabondant, il convient d'ajouter que le fait que le document n° 33.126/6162 mentionne que "les règles du jeu économique ne sont pas appliquées par les pays de l'Est et, en particulier, par l'Allemagne de l'Est" n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est appuyée dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour établir l'existence de l'accord Cembureau. Il est en effet constant que les producteurs d'Europe de l'Est ne respectaient pas leur marché domestique, mais exportaient des quantités de ciment vers le marché communautaire. Le document n° 33.126/6162 indique d'ailleurs lui-même que les pays d'Europe de l'Est "sont parfois lourdement endettés [...], ils sont donc obligés d'exporter afin de rembourser leur dette extérieure". Dès lors, le fait que les producteurs d'Europe de l'Est n'appliquaient pas les " règles du jeu économique" n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires qui démontrent que les chefs de délégation de Cembureau ont arrêté et confirmé de telles règles du jeu.

1212. Deuxièmement, Aalborg se prévaut, dans ses observations du 10 février 1997, de la notice du SFIC du 4 janvier 1988 intitulée "Plan du dossier 'Importations de ciment à prix de dumping" (document n° 33.126/14806), qui aurait été utile pour démontrer que l'allusion, consignée dans une note manuscrite d'Italcementi, de M. Bertrán, lors de la réunion du comité exécutif de Cembureau du 14 avril 1986 à Paris, à la nécessité de "trouver des règles du jeu [...] pour éviter une concurrence non correcte" (décision attaquée, paragraphe 17, point 9; document n° 33.126/3185), se référait aux problèmes des importations faisant l'objet de dumping en provenance de marchés extérieurs à la Communauté et non pas au commerce intracommunautaire. 1213.

Cet argument n'aurait toutefois pas été de nature à faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 1149.

1214. Troisièmement, Aalborg s'appuie, dans ses observations du 10 février 1997, sur les chapitres 6 et 16 de la CG, relatifs au marché allemand, dans lesquels la Commission décrit (paragraphe 47), puis dénonce (paragraphes 82 à 84), un accord du 15 février 1980 portant sur l'échange de statistiques, ainsi qu'un certain nombre de prétendus accords de partage du marché allemand, accords qui auraient été, selon la Commission, totalement inefficaces s'ils n'avaient pas été encadrés par le principe Cembureau de respect des marchés domestiques. La partie requérante estime que ces documents lui auraient permis d'illustrer le changement d'appréciation juridique intervenu dans le chef de la Commission entre la CG et la décision attaquée et, par voie de conséquence, la violation de ses droits de la défense qui en serait immanquablement résulté. A cet égard, elle relève que, dans la CG, la Commission estime que les accords allemands de 1980 s'inscrivaient déjà dans le cadre d'un principe général de respect des marchés domestiques à l'échelle européenne, alors qu'elle considère ensuite, dans la décision attaquée, que l'accord Cembureau a été conclu en 1983.

1215. Cet argument doit être rejeté. Tout d'abord, Aalborg n'aurait pas pu anticiper, au stade de la procédure administrative, le prétendu revirement qui aurait eu lieu dans la décision attaquée. En toute hypothèse, il convient de souligner que, tant dans la CG que dans la décision attaquée, la Commission considère que l'accord Cembureau est entré en vigueur à partir de 1983, même si elle déclare disposer d'indices selon lesquels l'accord de respect des marchés domestiques a pu exister bien avant 1983 (CG, paragraphes 9 et 61; décision attaquée, paragraphe 45, points 1 et 6). Partant, le grief d'Aalborg, tiré d'un prétendu revirement juridique de la Commission et d'une violation corrélative de ses droits de la défense est, en tout état de cause, dénué de pertinence. 1216.

1216. Enfin, quatrièmement, dans ses observations du 12 janvier 1998, Aalborg invoque les documents n° 33.126/1692, 1693, 2301, 2313, 2335, 2336, 2356, 3452 à 3463, 14809, 14810 et 14817, et les documents n° 33.322/1235, 2313 et 2335, qui démontreraient que des exportations et des importations intracommunautaires ont eu lieu après le 14 janvier 1983, ce qui contredirait l'existence de l'accord Cembureau.

1217. Il convient de rappeler que la Commission n'a jamais prétendu que l'accord Cembureau et ses mesures d'application avaient eu pour effet de supprimer tout échange intracommunautaire de ciment et toute tentation de commerce interétatique. Aux termes mêmes de l'article 1er de la décision attaquée, l'accord Cembureau a été sanctionné en raison de son objet anticoncurrentiel. En outre, l'accord Cembureau n'interdisait pas le " commerce inter-Etats de caractère traditionnel, voire structurel" (mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729), mais s'opposait aux exportations "sauvages" (notes de séance concernant la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737), à savoir les exportations non contrôlées ou non réglementées. L'existence d'importations ou d'exportations dans un cas précis n'est donc pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes de l'existence de l'accord Cembureau (CG, paragraphes 9 et 61; décision attaquée, paragraphes 18, 19 et 45).

2.13. Affaire T-48-95, BDZ/Commission

1218. Le BDZ prétend, dans ses observations du 10 février 1997, que les documents qu'il a pu consulter à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996 lui auraient permis de démontrer que les prétendues ententes nationales visées dans les griefs nationaux n'avaient aucun rapport avec l'accord Cembureau. Il souligne la faible force probante des documents provenant du dossier concernant la Grèce, qui viseraient une entente européenne, sans cependant en expliquer le contenu. Il se réfère à cet égard aux documents n° 33.126/19875 à 19887.

1219. Il doit toutefois être constaté que, si le BDZ avait pu démontrer au cours de la procédure administrative l'absence de lien entre ententes nationales et accord Cembureau, cette procédure n'aurait pas pu aboutir à un résultat différent, dès lors que la preuve de l'existence de l'accord Cembureau ne dépend en rien de celle des ententes nationales. Pour autant que l'argument du BDZ est fondé sur les documents n° 33.126/19875 à 19887, il doit être rejeté, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 1178.

2.14. Affaire T-50-95, Unicem/Commission

1220. Premièrement, Unicem soutient, dans ses observations du 28 novembre 1997, que les documents n° 33.126/8167, 8168 et 15494 à 15496 attestent clairement que, au cours de la réunion du 14 janvier 1983, à laquelle elle n'a pas participé, les discussions, y compris celles se rattachant au point 2 de l'ordre du jour "Commerce intra-européen", ont uniquement porté sur le dumping et sur les mesures à prendre pour y faire face.

1221. Cependant, cet argument n'aurait pas été de nature à faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 1180.

1222. Deuxièmement, Unicem met en avant, dans ses observations du 28 novembre 1997, les documents n° 33.126/299, 300, 304, 721, 2554, 6206 à 6208, 6244, 7440, 13399 à 13402, 13434 à 13484, 14549, 14621, 14627, 14630, 14636, 14637, 14640, 14646, 14661 à 14663, 14694, 14709 à 14711 et 16209. Ces documents démontreraient que la thèse de la Commission selon laquelle Cembureau aurait joué un rôle central dans la dynamique de la concurrence sur le marché du ciment était totalement dénuée de pertinence. En effet, la documentation diffusée par cette association, pendant la période au cours de laquelle le prétendu principe Cembureau aurait été applicable, notamment sur le volume, l'origine, la destination et les prix des exportations, aurait eu un caractère global et historique, totalement dépourvu de valeur commerciale, ne permettant ni l'identification des entreprises concernées ni un contrôle permanent des échanges transfrontaliers de ciment.

1223. Cependant, les commentaires qu'Unicem aurait pu formuler à partir de ces différents documents pour mettre en lumière le manque de précision des informations échangées par l'intermédiaire de Cembureau sur les exportations/importations intracommunautaires pendant la période en cause, et l'inaptitude de ces informations à permettre un contrôle constant des échanges transfrontaliers de ciment, n'auraient pas été de nature à donner un éclairage différent au faisceau des preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée, dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), pour établir l'existence de l'accord Cembureau.

1224. Enfin, troisièmement, Unicem soutient, dans ses observations du 28 novembre 1997, qu'il ressort clairement des dossiers nationaux que les caractéristiques spécifiques des différents marchés domestiques, conjuguées aux accords particuliers et aux contacts bilatéraux autonomes existant sur ces marchés, expliquent à elles seules l'absence de commerce intracommunautaire de ciment. En effet, ces caractéristiques auraient rendu difficiles, voire impossibles, les importations sur ces marchés et elles auraient eu pour effet d'éliminer tout incitant à l'exportation. Elles contrediraient ainsi la thèse de la Commission fondée sur l'existence de l'accord Cembureau. S'agissant du marché français, Unicem se réfère plus précisément aux documents n° 33.126/1394, 1395, 5648, 5674, 5688, 5695, 5696, 5747, 5748, 5751, 14806, 14807, 14809 à 14826, 14938 à 14976, 15025, 15026 et 15040 ainsi qu'aux paragraphes 78 et 81 de la CG. A propos du marché britannique, elle s'appuie sur les paragraphes 74 et 77 de la CG, ainsi que sur les documents n° 33.126/17641 à 17654. En ce qui concerne les marchés espagnol et portugais, elle se fonde sur le paragraphe 89 de la CG. Enfin, dans les chapitres de la CG consacrés au marché allemand, elle invoque plus précisément les paragraphes 47 et 84, tandis que, dans les chapitres consacrés au marché grec, elle vise le paragraphe 86.

1225. Cependant, cet argument n'aurait pas été de nature à faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 1191.

2.15. Affaire T-51-95, Buzzi/Commission

1226. Buzzi fait valoir, dans son mémoire du 27 novembre 1997, que certains documents mettent en évidence le rôle essentiel des conditions et des coûts du transport pour le marché du ciment. L'importance que revêtent les coûts du transport pour l'appréciation du caractère rentable des exportations de ciment serait confirmée par un document du SNFCC du 2 décembre 1986 (documents n° 33.126/6048 à 6050). Ce document aurait donc été utile pour démontrer que le marché géographique en cause ne pouvait pas avoir une dimension communautaire.

1227. Il convient de constater que, au cours de la procédure administrative, Buzzi a déjà insisté sur l'importance des coûts du transport pour les exportations (réponse de Buzzi à la CG, point 4.3). La Commission a toutefois relevé dans la décision attaquée (paragraphe 20, point 7) que Buzzi, malgré cet obstacle, affirmait avoir "exporté des quantités intéressantes ('interessanti quantità) de ciment dans le Sud de la France". Dans ces conditions, le fait que Buzzi n'a pas eu accès au cours de la procédure administrative au document du SNFCC du 2 décembre 1986 n'a pas affecté ses droits de la défense. Par ailleurs, force est de constater que le document en question confirme la définition du marché retenue dans la décision attaquée (paragraphe 11, point 7). Il indique en effet que des importations importantes dans la zone Anvers-Rotterdam-Amsterdam "ne laisserai[en]t pas la France à l'abri, en raison de [leur] effet perturbateur sur le marché du Benelux et de l'Allemagne occidentale, qui pourrait faire tache d'huile". Il s'ensuit qu'il n'aurait été d'aucune utilité pour la défense de Buzzi, s'il avait été accessible à celle-ci au cours de la procédure administrative.

2.16. Affaire T-57-95, Heracles/Commission

1228. Premièrement, Hearcles soutient, dans ses observations du 10 janvier 1997, qu'il ressort d'une série de documents figurant dans les dossiers nationaux que le prétendu accord destiné à empêcher les importations sur les marchés a procédé, en réalité, d'une série d'accords nationaux en vigueur dans de nombreux Etats membres, à l'exclusion de la Grèce, et non pas d'un accord Cembureau. Heracles affirme que les documents sur lesquels la Commission s'est fondée pour établir l'existence de l'accord Cembureau paraissent démontrer, lorsqu'ils sont replacés dans le contexte des dossiers nationaux, l'existence de différents accords nationaux (Royaume-Uni, France, Italie), régionaux (Sud de l'Allemagne), bilatéraux (France/Allemagne, France/Italie, Espagne/Portugal) et multilatéraux (Belgique/Pays-Bas/Allemagne), qui auraient tous été conclus par les parties concernées afin de consolider leurs accords locaux respectifs et non pas pour mettre en œuvre le prétendu accord Cembureau, et qui suffisaient, par eux-mêmes, à isoler les marchés nationaux, en rendant les importations difficiles, sinon impossibles. Les dossiers nationaux révéleraient que, dans de nombreux cas, les pratiques nationales qui étaient destinées à empêcher les importations étaient antérieures au prétendu accord Cembureau, que ces pratiques étaient mises en œuvre de manière totalement indépendante de ce prétendu accord, sans faire aucunement référence à celui-ci, qu'elles étaient sensiblement plus complexes que ledit accord, dans la mesure où elles étaient le fruit d'une coopération extrêmement étroite entre producteurs, étant liées à la structure de leur actionnariat, et que la nature de ces différentes coopérations visant à faire obstacle aux importations variait d'un Etat à l'autre, ce qui montrerait qu'elles ne pouvaient pas découler d'un prétendu principe unique Cembureau. S'agissant du marché britannique, Heracles se réfère au paragraphe 74 de la CG et aux documents n° 33.126/17017 à 17051, qui traitent des CPMA (voir ci-dessus point 91), adoptés en 1934 par la CMF et notifiés à la Commission en 1973. Elle fait encore valoir que, si elle avait eu accès aux documents relatifs aux ententes nationales, en particulier à ceux concernant l'entente britannique, elle aurait pu démontrer que la déclaration faite le 25 juin 1986 par M. Kalogeropoulos lors de la réunion de son conseil d'administration, et à laquelle la Commission se réfère au paragraphe 18, point 5, de la décision attaquée (documents n° 33.126/19875 à 19877), se rapportait non pas à l'accord Cembureau, mais aux divers arrangements nationaux, bilatéraux et multilatéraux conclus à cette époque entre les producteurs européens de ciment pour faire obstacle aux importations. Dans le dossier relatif à l'Allemagne, la partie requérante invoque plus précisément le paragraphe 84, puis les paragraphes 48 et 49 de la CG, qui illustrent les relations structurelles existant entre les principaux producteurs allemands, français, suisses, belges, néerlandais et luxembourgeois, relations qui pourraient expliquer, davantage que le prétendu accord Cembureau, les accords bilatéraux passés entre ces différents marchés en vue de limiter les importations. Heracles se réfère également aux chapitres de la CG qui abordent les ententes régionales allemandes, en particulier l'entente relative à l'attribution de quotas dans le Sud du pays. En ce qui concerne le marché français, elle renvoie aux paragraphes 42 et 44 de la CG, qui attestent l'existence de liens, à cette époque, entre les principaux producteurs nationaux, ainsi qu'aux paragraphes 78 et 79 de la CG, où la Commission estime que les différentes formes de coopération en vigueur sur ce marché ont eu pour objet et pour effet de fausser de manière sensible le jeu de la concurrence. Du dossier concernant l'Italie, elle extrait les paragraphes 32 à 34 de la CG, qui résument les accords de partage de marché et de coopération en vigueur sur ce marché à cette époque. Dans le dossier relatif à l'Espagne, elle relève le paragraphe 55 de la CG, qui illustre les relations bilatérales entre les producteurs espagnols et portugais.

1229. Il convient de constater que les commentaires et explications alternatives fondées sur l'existence, sur un certain nombre de marchés, d'accords nationaux, bilatéraux ou multilatéraux et sur la structure de l'actionnariat des producteurs européens de ciment, qu'Heracles aurait pu fournir à propos du faible volume d'importations intracommunautaires pendant la période mise en cause, n'auraient pas été de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour établir l'existence de l'accord Cembureau (voir ci-dessus points 263 et 264).

1230. L'argument tiré de ce que les ententes nationales étaient antérieures à l'accord Cembureau et qu'elles étaient mises en œuvre de manière totalement indépendante de celui-ci n'aurait pas été de nature à faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 1137. 1231.

Deuxièmement, Heracles soutient, dans ses observations du 24 novembre 1997, qu'il ressort de plusieurs documents qu'aucun accord Cembureau n'a été conclu lors de la réunion du 14 janvier 1983. Elle cite les documents n° 33.126/5295, 5296, 15443 à 15518 et 16410 à 16416, dont il ressortirait que les préoccupations majeures de l'industrie européenne du ciment tenaient à cette époque aux importations en provenance de pays non membres de la Communauté et non pas aux échanges intracommunautaires.

1232. Cet argument n'aurait pas été de nature à faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 1180.

1233. Enfin, troisièmement, Heracles invoque, dans ses observations du 24 novembre 1997, plusieurs documents qui démontreraient que, contrairement aux allégations de la Commission, le prétendu accord Cembureau n'a jamais été confirmé lors des réunions des chefs de délégation du 19 mars et du 7 novembre 1984. Elle cite ainsi la note du 12 novembre 1984 de M. Van Hove aux membres du conseil d'administration de la FIC (documents n° 33.126/2436 à 2447), qui, à propos de la réunion du 7 novembre 1984, énonce explicitement qu'"aucun problème interne à la CEE n'a été ni traité ni même évoqué" (extrait du document n° 33.126/2436). Le fait que les réunions des chefs de délégation n'abordaient que des sujets de préoccupation légitime des membres de Cembureau ressortirait encore des documents n° 33.322/119 à 123, relatifs à l'assemblée générale de Cembureau de juin 1985, qui montreraient que les échanges intracommunautaires n'ont même pas été discutés au cours de cette assemblée générale.

1234. Les commentaires qu'Heracles aurait pu faire valoir à partir de ces différents documents n'auraient, de toute évidence, pas été de nature à donner un éclairage différent au mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (CG, paragraphes 9 et 61; décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729) et aux notes de séance du 2 avril 1984 se rapportant à cette réunion (CG, paragraphes 9 et 61; décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737), lesquels montrent clairement que l'accord Cembureau a été confirmé lors de ladite réunion (voir ci- dessus points 1008 à 1010). 1235.

Quant à la réunion du 7 novembre 1984, la Commission a vu dans les discussions menées lors de cette réunion la preuve que l'accord Cembureau avait été une nouvelle fois confirmé, en ce que la canalisation des surproductions grecques et espagnoles en dehors de la Communauté avait été soutenue par Cembureau et par ses membres pour éviter la déstabilisation des marchés européens (CG, paragraphes 9 et 61; décision attaquée, paragraphes 19, point 14, et 45, point 2). En outre, la FIC avait mis en avant, lors de l'audition du 3 mars 1993, les documents n° 33.126/2436 à 2447, en soulignant particulièrement la mention explicite selon laquelle aucun problème interne à la Communauté n'avait été abordé lors de la réunion du 7 novembre 1984. Pour les raisons évoquées au paragraphe 44, point 3, de la décision attaquée, la Commission a toutefois estimé que ces documents et cette mention particulière n'étaient pas de nature à donner un éclairage différent au contenu des discussions menées lors de cette réunion. Partant, les commentaires qu'Heracles aurait pu développer au cours de la procédure administrative pour mettre en lumière le fait que les échanges intracommunautaires de ciment n'avaient pas été traités lors de la réunion du 7 novembre 1984 n'auraient pas pu conduire ladite procédure à un résultat différent sur ce point.

1236. Enfin, la Commission n'a jamais prétendu que les échanges intracommunautaires avaient été discutés au cours de l'assemblée générale de Cembureau de juin 1985.

1237. Par conséquent, les observations qu'Heracles aurait pu faire valoir si elle avait eu accès aux documents cités ci-dessus au point 1233 n'auraient pas conduit la procédure administrative à un résultat différent.

2.17. Affaires T-53-95, Rugby/Commission, T-56-95, Castle /Commission, T-70-95, Aker/Commission, et T- 71-95, Euroc/Commission

1238. Premièrement, Castle, Aker et Euroc font valoir, dans leurs mémoires du 10 février 1997, que les chapitres nationaux de la CG font apparaître que le faible niveau d'échanges intracommunautaires du ciment s'expliquait par le coût du transport et par des facteurs tels que le degré de concentration des marchés nationaux et régionaux, l'intégration verticale, les accords de livraisons croisées, les liens de participation minoritaire et autres formes de coopération. Le faible niveau des échanges s'expliquerait aussi par l'existence d'ententes nationales.

1239. Cependant, cet argument n'aurait pas été de nature à faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 1154.

1240. Deuxièmement, Rugby, Castle, Aker et Euroc font valoir, dans les mémoires qu'elles ont déposés à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, que des documents auxquels elles n'ont pas eu accès au cours de la procédure administrative montrent que les discussions qui ont eu lieu à la réunion du 14 janvier 1983 n'ont pas porté sur l'instauration d'une règle de respect des marchés domestiques mais ont concerné l'établissement d'un système de points de parité pour le ciment, ainsi que des problèmes de dumping, notamment de la part des pays d'Europe de l'Est. Les parties requérantes se réfèrent à cet égard à un extrait du procès-verbal d'une réunion du conseil d'administration de CBR de la fin de 1982 (document n° 33.126/8132), qui ferait apparaître que le système belgo-néerlandais de points de parité devait être étudié à la réunion du 14 janvier 1983. En outre, elles invoquent une note de M. Van Hove concernant un entretien que ce dernier a eu, le 16 février 1978, avec un fonctionnaire de laCommission à propos des systèmes de prix applicables en Belgique et aux Pays-Bas (documents n° 33.126/9049 à 9053). Il ressortirait de ce dernier document que certains producteurs de ciment discutaient avec la Commission d'un système de points de parité favorisant une concurrence loyale. Cette pièce infirmerait donc la thèse de la Commission selon laquelle les mentions d'une "concurrence loyale" dans certains documents visés au paragraphe 7 de la CG démontreraient l'objet illégal des activités de Cembureau. Rugby, Castle, Aker et Euroc se réfèrent aussi à une étude de l'application au secteur du ciment d'un système de points de parité, adressée à la Commission le 21 décembre 1978 par des représentants de producteurs de ciment allemands, belges et néerlandais (documents n° 33.126/7861 à 7875). Cette étude expliquerait pourquoi les hypothèses et conclusions de l'étude Phlips de 1976 n'étaient pas transposables au secteur du ciment alors que, dans la décision attaquée, la Commission se serait appuyée sur cette étude pour soutenir qu'un système de points de parité était anticoncurrentiel (décision attaquée, paragraphe 17, point 4, note en bas de page n° 53). De plus, les arguments utilisés par M. Van Hove, dans le cadre de l'exposé fait au cours de la réunion Cembureau du 14 janvier 1983 sur le système des points de parité (décision attaquée, paragraphe 17, point 3), seraient conformes aux conclusions de l'étude susvisée adressée à la Commission le 21 décembre 1978. Pour soutenir leur argumentation selon laquelle il aurait été discuté d'un système de points de parité pour le secteur du ciment et du problème des importations faisant l'objet de dumping au cours de la réunion du 14 janvier 1983, les parties requérantes se réfèrent encore aux documents suivants concernant la notification à la Commission du système de points de parité belgo-néerlandais: des extraits de comptes rendus de certaines réunions de la direction générale de CBR de janvier à mars 1981 (documents n° 33.126/8098 à 8104), une lettre de M. Van Hove du 23 décembre 1981 aux membres du CLC relevant de Cembureau (documents n° 33.126/3242 et 3243), dont il ressortirait que les autres membres de Cembureau suivaient étroitement les progrès des négociations entre la Commission et les producteurs de ciment concernés par le système de points de parité notifié, le projet de procès-verbal de la réunion du comité de direction de CBR du 15 décembre 1983 (documents n° 33.126/8170 à 8173), un extrait du compte rendu de la réunion de la direction générale de CBR du 20 décembre 1983 à propos de la préparation d'une réponse à la lettre de la Commission d'août 1983 dans laquelle cette dernière avait annoncé qu'elle gardait en suspens l'appréciation formelle de la notification du système de points de parité (documents n° 33.126/8146 à 8148) et un mémorandum intitulé "Historique des relations entre la Commission et les cimentiers belges" (documents n° 33.126/9078 à 9080). Ce dernier mémorandum montrerait que la première réaction officielle de la Commission à la notification du système de points de parité remontait au 1er août 1983, soit à une date postérieure à la réunion du 14 janvier 1983. Rugby soutient que cette information lui aurait permis de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission ne pouvait équitablement critiquer les échanges de vues au sein de Cembureau au sujet d'un système de points de parité pour l'Europe. Elle se réfère aussi à une note de CBR du 12 mars 1986 concernant la notification du système de points de parité à la Commission (document n° 33.126/9114). Castle, Aker et Euroc invoquent une lettre du 15 juin 1978 des représentants de producteurs de ciment allemands, belges et néerlandais adressée à un fonctionnaire de la Commission et concernant des systèmes de formation de prix pour le ciment (documents n° 33.126/7858 à 7860). Enfin, Rugby soutient qu'il ressort également des éléments précités qu'il a été discuté du système de points de parité au cours de la réunion du comité exécutif de Cembureau du 25 mars 1983.

1241. Il doit toutefois être constaté que les documents invoqués par Rugby, Castle, Aker et Euroc ne sont pas de nature à donner un éclairage différent aux diverses preuves documentaires directes retenues dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour établir l'existence de l'accord Cembureau. Tout au plus, ces documents tendent à démontrer qu'il a aussi été discuté des problèmes de dumping et du BPS (voir ci-dessus point 852) au cours de la réunion du 14 janvier 1983. Il y a lieu d'ajouter que la Commission n'a jamais contesté que, au cours de cette réunion, des discussions ont été également conduites sur les systèmes de formation des prix, en particulier sur le BPS, et sur les mesures antidumping (décision attaquée, paragraphe 19, points 2 à 15), et que des contacts avaient existé entre ses services et certaines industries européennes à propos du système de points de parité (décision attaquée, paragraphe 17, point 4). En outre, le fait que, dans la note concernant l'entretien que M. Van Hove a eu avec un fonctionnaire de la Commission, le 16 février 1978 (documents n°s 33.126/9049 à 9053), M. Van Hove a estimé que le système de points de parité pouvait favoriser une concurrence loyale n'aurait pas été utile pour la défense des parties requérantes concernées, dès lors que cette note ne dévoilait rien sur les discussions qui ont eu lieu au cours de la réunion du 14 janvier 1983, et que, en outre, les passages de la CG (paragraphes 7, 8 et 60) et de la décision attaquée (paragraphe 17) relatifs à la concurrence loyale n'ont pas donné lieu à un grief sanctionné par la décision attaquée. Pour les mêmes motifs, le fait que les parties requérantes concernées n'ont pas eu accès, au cours de la procédure administrative, à l'étude de l'application au secteur du ciment d'un système de points de parité, adressée à la Commission le 21 décembre 1978, n'a pas constitué une violation de leurs droits de la défense. En outre, le fait que la première réaction de la Commission à la notification du système belgo-néerlandais n'est intervenue que le 1er août 1983 n'a aucun rapport avec les discussions qui ont eu lieu au cours de la réunion du 14 janvier 1983.

1242. Quant à l'argument de Rugby selon lequel il ressortirait des documents mentionnés ci-dessus au point 1240 qu'il a été discuté du système de points de parité au cours de la réunion du comité exécutif de Cembureau du 25 mars 1983, force est de constater, d'une part, que la Commission ne conteste nullement qu'il a, notamment, été discuté d'un système de points de parité au cours de cette réunion (décision attaquée, paragraphe 17, points 2 et 4) et, d'autre part, que la Commission n'a jamais prétendu que l'accord Cembureau avait été conclu ou confirmé dans le cadre de cette réunion. En effet, dans l'optique de la CG et de la décision attaquée, la réunion du comité exécutif de Cembureau, le 25 mars 1983, avait un rapport avec les discussions sur la concurrence "loyale ou saine ou correcte". Il convient de rappeler que les passages de la CG (paragraphes 7, 8 et 60) et de la décision attaquée (paragraphe 17) relatifs à la concurrence loyale n'ont finalement pas donné lieu à la constatation d'une infraction dans la décision attaquée. Dès lors, même si Rugby était parvenue à démontrer au cours de la procédure administrative qu'il ressortait des documents invoqués que, au cours de la réunion du comité exécutif de Cembureau du 25 mars 1983, il avait été discuté d'un système de points de parité, cette procédure n'aurait pas pu aboutir à un résultat différent.

2.18. Affaire T-60-95, Irish Cement/Commission

1243. Premièrement, Irish Cement souligne, dans ses observations du 10 février 1997, que la Commission reconnaît elle-même, dans les différents chapitres nationaux de la CG, que les cartels nationaux ou régionaux qui existaient dans un certain nombre d'Etats membres suffisaient à isoler ces Etats membres des échanges intracommunautaires, parce qu'ils rendaient difficiles, voire impossibles, les importations d'autres pays de la Communauté et qu'ils éliminaient tout incitant à l'exportation. Irish Cement estime donc que l'accès aux chapitres nationaux de la CG, au cours de la procédure administrative, lui aurait permis de chercher à démontrer que, contrairement à ce que la Commission prétend, la véritable explication du faible volume d'échanges interétatiques de ciment résidait non pas dans la conclusion d'un prétendu accord Cembureau, mais dans l'existence d'une série de cartels nationaux indépendants. Elle se réfère plus précisément aux paragraphes 47 à 49 et 82 à 84 de la CG, en ce qui concerne le marché allemand, aux paragraphes 44 à 46 et 78 à 81 de la CG, en ce qui concerne le marché français, aux paragraphes 38 à 40 et 73 à 77 de la CG, en ce qui concerne le marché britannique, au paragraphe 72 de la CG, en ce qui concerne le marché italien, au paragraphe 89 de la CG, en ce qui concerne le marché espagnol, et au paragraphe 86 de la CG, en ce qui concerne le marché grec.

1244. Il convient de rappeler que, dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), la Commission s'est fondée sur des preuves documentaires directes pour établir l'accord Cembureau. Les éventuelles explications alternatives du faible niveau des échanges entre les pays membres de Cembureau qu'Irish Cement aurait pu avancer si elle avait eu accès à l'intégralité de la CG au cours de la procédure administrative n'auraient pas été de nature à donner un éclairage différent à ces preuves documentaires (voir ci-dessus points 263 et 264). En outre, à supposer même que les éléments invoqués aient permis à la partie requérante de démontrer l'absence de lien entre les ententes nationales et l'accord Cembureau, l'inaccessibilité des documents en question n'aurait pas nui à sa défense, dès lors que les griefs nationaux ne sont pas retenus par la décision attaquée, pour les raisons exposées ci-dessus au point 1137.

1245. Deuxièmement, Irish Cement soutient, dans ses observations du 5 janvier 1998, que la licéité des discussions menées lors de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 ainsi que de celles menées au cours des réunions des chefs de délégation du 19 mars et du 7 novembre 1984 est encore confirmée par une série de procès-verbaux de réunions du comité exécutif de Cembureau qui ont eu lieu entre mars 1983 et novembre 1984 (documents n° 33.322/1423 à 1444 et documents n° 33.126/7882 à 7886). Il ressortirait clairement de ces procès-verbaux que les discussions en question ont porté sur les importations en provenance d'Allemagne de l'Est et d'Espagne faisant l'objet de dumping. Ces documents auraient aussi été utiles à Irish Ciment pour démontrer que les déclarations faites par certains chefs de délégation à la réunion du 19 mars 1984, selon lesquelles "les points chauds [étaient] les exportations de l'Espagne vers l'Irlande et la Grande-Bretagne" et "l'avenir de Cembureau serait menacé si les problèmes des échanges entre pays membres n'étaient pas traités dans le cadre de l'association et réglés par celle-ci" [CG, paragraphe 9, sous b)], avaient trait, en réalité, à la préoccupation des membres de Cembureau à propos d'un litige majeur (plainte antidumping) opposant certains d'entre eux, aux tentatives de trouver une solution à l'amiable et au danger d'une scission, à long terme, si le dumping ne pouvait pas être empêché. Irish Cement ajoute que tous ces documents lui auraient également été utiles pour démontrer que les échanges d'informations sur les prix qui ont eu lieu au cours des réunions des chefs de délégation [décision attaquée, paragraphe 16, sous a)] avaient pour seul objet d'évaluer les dangers du dumping et d'illustrer les dossiers de plaintes antidumping déposés auprès de la Commission.

1246. Il doit toutefois être constaté que les documents invoqués ne sont pas de nature à donner un éclairage différent aux diverses preuves documentaires directes retenues dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour établir l'existence de l'accord Cembureau. Tout au plus, ces documents prouvent que les problèmes posés par les importations faisant l'objet de dumping ont aussi été discutés au cours des réunions en cause, point que la Commission n'a d'ailleurs jamais contesté (voir ci-dessus point 1180). Par conséquent, les observations que la partie requérante aurait pu faire valoir si elle avait eu accès auxdits documents n'auraient pas pu aboutir à un résultat différent au terme de la procédure administrative. S'agissant particulièrement de la réunion du 19 mars 1984, il convient d'ajouter que les documents produits par Irish Cement n'auraient pas pu donner un éclairage différent au fait que, parmi les "points chauds" évoqués dans le mémorandum à l'intention du président pour cette réunion, figuraient aussi les " exportations de l'Allemagne vers la Grande-Bretagne et l'Irlande" et les " exportations de la France vers l'Allemagne" [CG, paragraphe 9, sous b); décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729], soit des préoccupations touchant directement aux transferts intracommunautaires de ciment, que l'accord Cembureau entendait réglementer.

1247. Quant à l'objectif poursuivi par les échanges d'informations sur les prix intervenus au cours des réunions des chefs de délégation, les commentaires qu'Irish Cement aurait pu faire valoir sur la base des documents invoqués n'auraient pas pu donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes qui attestent que des échanges d'informations de ce type ont eu lieu, à ces réunions, afin d'"apprécier les risques pouvant résulter d'un accroissement de certaines importations conjointement avec une réduction marquée du niveau de certains prix" [projet d'exposé introductif du président pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n° 33.126/11583 à 11585), de "mettre en relief les causes potentielles de conflit qui existent" [notes de séance du 2 avril 1984 se rapportant à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737)] et de "réduire progressivement [l']écart" entre les prix pour éliminer la "tentation" d'exporter [mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729)].

1248. Troisièmement, Irish Cement se prévaut, dans ses observations du 10 février 1997, du procès-verbal de la réunion de la CMF du 16 octobre 1985 (documents n° 33.126/17099 à 17102), dont il ressortirait que deux producteurs britanniques, RTZ et Rugby, ont exprimé la crainte qu'un changement dans les accords existant sur le marché britannique incite à des importations de ciment sur ce marché. Elle y voit la preuve de l'absence d'accord international de restriction des importations.

1249. Il convient cependant de relever que les commentaires qu'Irish Cement aurait pu faire valoir à partir de cette pièce, si celle-ci lui avait été rendue accessible pendant la procédure administrative, n'auraient nullement été de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée pour établir l'existence de l'accord Cembureau (CG, paragraphes 9 et 61; décision attaquée, paragraphes 18, 19 et 45). La Commission n'a, en effet, jamais prétendu que l'accord Cembureau avait eu pour effet de supprimer tout échange intracommunautaire de ciment et toute tentation de commerce interétatique. Aux termes mêmes de l'article 1er de la décision attaquée, l'accord Cembureau a été sanctionné en raison de son objet anticoncurrentiel.

1250. Quatrièmement, Irish Cement se prévaut, dans ses observations du 5 janvier 1998, d'une déclaration conjointe du 3 octobre 1986 de M. Cannellopoulos, pour Titan, et de M. Kalogeropoulos, pour Heracles, sur le thème "Exports of Greek cement to England" (documents n° 33.126/11116 et 11117), déclaration aux termes de laquelle "[d]es menaces ont été entendues et des efforts entrepris pour former un front commun avec d'autres producteurs européens dans le but de bloquer les exportations grecques chaque fois que cela était possible, même dans des pays tiers, de miner l'industrie grecque du ciment et de désorganiser son propre marché domestique en acquérant l'une des sociétés grecques". Selon elle, cette déclaration signifie clairement que, à cette époque, il n'y avait pas d'accord Cembureau. En effet, si un tel accord avait existé, le "front commun avec d'autres producteurs européens", dont il est fait état dans cette déclaration conjointe, aurait déjà été une réalité et il n'aurait plus été nécessaire d'entreprendre des efforts en vue d'en former un. Irish Cement ajoute que cette déclaration contredit manifestement la prétendue déclaration faite par M. Kalogeropoulos lors de la réunion du 25 juin 1986 du conseil d'administration d'Heracles (décision attaquée, paragraphe 18, point 5; documents n° 33.126/19875 à 19877).

1251. Il y a toutefois lieu de constater que l'extrait documentaire avancé par la requérante n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée pour établir l'existence de l'accord Cembureau (CG, paragraphes 9 et 61; décision attaquée, paragraphes 18, 19 et 45). En effet, l'organisation d'une réaction collective de défense contre la menace spécifique que les importations grecques constituèrent pour les marchés d'Europe occidentale à partir de 1986 n'exclut nullement la préexistence d'un accord général de respect des marchés domestiques à l'échelle européenne (voir ci-dessus point 913).

2.19. Affaires T-61-95, Cimpor/Commission, T-62-95, Secil/Commission, et T-63-95, ATIC/Commission

1252. Premièrement, Cimpor et l'ATIC font valoir, dans leurs mémoires respectifs des 21 janvier et 7 février 1998, que certains documents font apparaître que, en 1983, la principale préoccupation de l'industrie européenne du ciment était le problème du dumping pratiqué dans le cadre des exportations des pays d'Europe orientale vers l'Europe occidentale. L'ATIC invoque à cet égard les notes de Vicat, datées des 21 et 22 décembre 1987 (documents n° 33.126/6160 à 6175), et Cimpor se réfère au "rapport de gestion 1988" de la société Ciments d'Obourg (document n° 33.126/186). Selon elles, ces documents leur auraient permis de réfuter la thèse de la Commission quant à la conclusion de l'accord Cembureau au cours de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983.

1253. Il doit cependant être constaté que les deux documents invoqués n'ont aucun rapport avec la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et ne dévoilent donc rien sur les discussions qui ont eu lieu au cours de cette réunion. A supposer même qu'ils présentent un rapport avec la réunion en question, ils ne seraient pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est appuyée pour établir que, parallèlement à des discussions sur le dumping, les chefs de délégation ont conclu, au cours de leur réunion du 14 janvier 1983, un accord de respect des marchés domestiques et de réglementation des ventes d'un pays à l'autre, accord qui a été confirmé au cours des réunions des chefs de délégation des 19 mars et 7 novembre 1984 (CG, paragraphes 9 et 61; décision attaquée, paragraphes 18, 19 et 45).

1254. Deuxièmement, Cimpor et Secil se réfèrent, dans leurs mémoires du 21 janvier 1998, à une correspondance interne de la FIC relative aux réunions du comité exécutif et des chefs de délégation de Cembureau des 7 et 8 novembre 1984 (documents n° 33.126/862 et 863), qui révélerait non seulement la préoccupation causée aux représentants de l'industrie européenne par les importations de ciment en provenance des pays d'Europe orientale, mais surtout le fait que Cembureau restait totalement étranger aux questions ayant trait à la concurrence entre ses membres. A ce propos, elles attirent l'attention sur la note en bas de page contenue dans le document, selon laquelle aucun problème interne à la Communauté n'aurait été traité ou évoqué au cours desdites réunions.

1255. Il y a lieu de rappeler que la preuve de l'accord Cembureau ne repose nullement sur les discussions qui auraient eu lieu au cours de la réunion du comité exécutif de Cembureau du 8 novembre 1984. Quant à la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984, le document n° 33.126/862 indique qu'"aucun problème interne à la CEE n'a été traité ni même évoqué". Il s'agit du même document que le document n° 33.126/2436 (voir ci-dessus point 1233). L'argument que Cimpor et Secil fondent sur cette mention n'aurait pas été de nature à faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. En effet, le document n° 33.126/862 n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux documents mentionnés dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), lesquels démontrent que l'accord Cembureau a été conclu au cours de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et confirmé au cours des réunions des 19 mars et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus points 979 à 985, 1008 à 1010, 1030 à 1037 et 1235).

2.20. Affaire T-65-95, Italcementi/Commission

1256. Premièrement, Italcementi souligne, dans ses observations du 10 février 1997, que les documents auxquels elle a pu avoir accès à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996 font ressortir que le contexte économique des prétendues ententes européennes était nettement plus complexe que celui décrit par la Commission dans la partie internationale de la CG, puis dans la décision attaquée, et que le volume limité des échanges transfrontaliers de ciment dans la Communauté s'expliquait aisément par une série de caractéristiques du marché, comme sa surcapacité structurelle (CG, paragraphes 37, 42, 47, 54 et 56, en ce qui concerne respectivement les marchés britannique, français, allemand, espagnol et portugais) et les participations croisées entre sociétés de différents Etats membres (CG, paragraphes 42, 54, 56 et 82, en ce qui concerne respectivement les marchés français, espagnol, portugais et allemand), sans qu'il soit nécessaire de recourir à une théorie fondée sur l'existence d'un prétendu principe de respect des marchés domestiques.

1257. Il convient de rappeler que, dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), la Commission a établi l'existence de l'accord Cembureau sur la base de preuves documentaires directes. Les explications alternatives fondées sur le contexte économique que la partie requérante aurait pu fournir quant au faible volume d'échanges intracommunautaires de ciment n'auraient pas été de nature à donner un éclairage différent auxdites preuves documentaires directes (voir ci-dessus points 263 et 264). Au contraire, celles tenant aux "barrières naturelles" aux échanges interétatiques de ciment, que la partie requérante aurait pu avancer si elle avait eu accès à l'intégralité de la CG au cours de la procédure administrative, auraient été de nature à souligner la gravité de l'infraction commise, dès lors que, par la conclusion de l'accord Cembureau, les chefs de délégation ont essayé d'éliminer le peu de concurrence effective qui subsistait sur le marché (voir ci-dessus point 1088).

1258. Deuxièmement, Italcementi soutient, dans ses observations du 10 février 1997, que les éléments des dossiers nationaux ramènent à leur juste proportion le rôle central prêté à Cembureau par la Commission dans l'altération du jeu de la concurrence européenne pendant la période dénoncée. En effet, il ressortirait de ces éléments que les différentes ententes nationales et régionales transfrontalières, dont la Commission, dans la CG, soupçonnait l'existence sur un certain nombre de marchés (marchés britannique, français, allemand, grec, espagnol et portugais), étaient totalement indépendantes de l'enceinte et des activités de Cembureau. La CG soulignerait d'ailleurs que ces différentes ententes nationales ou régionales suffisaient, par elles-mêmes, à supprimer ou à limiter l'interpénétration économique voulue par le traité et à entraver les flux commerciaux naturels entre États membres, sans devoir être chapeautées par un principe de respect des marchés domestiques à l'échelle européenne (CG, paragraphes 77, 81, 84, 86, 89 et 91, en ce qui concerne respectivement les marchés britannique, français, allemand, grec, espagnol et portugais). D'un point de vue logique, il serait donc impensable que les producteurs européens de ciment aient éprouvé la nécessité de tisser en arrière-plan une entente paneuropéenne destinée à restreindre la concurrence sur un marché où celle-ci était déjà structurellement compromise par une mosaïque de prétendus accords nationaux et régionaux, dont certains étaient très largement antérieurs à 1983 (documents n° 33.126/17863 et 17864, et paragraphes 46 et 82 de la CG, s'agissant respectivement des marchés français et allemand), date à partir de laquelle la Commission prétend disposer de preuves certaines de l'existence de l'accord Cembureau. Le dossier allemand serait particulièrement révélateur du caractère illogique et arbitraire du raisonnement tenu par la Commission pour considérer l'association Cembureau comme le "carrefour obligé" des différentes ententes existant au niveau local ou dans des régions transfrontalières de la Communauté. A cet égard, Italcementi relève que la Commission, après avoir précisé pourquoi elle estimait que le prétendu échange d'informations entre producteurs allemands par l'intermédiaire du BDZ, ainsi qu'entre le BDZ et le SFIC, et les prétendus cartels de répartition du marché du Sud de l'Allemagne étaient par eux-mêmes de nature à influencer les échanges intracommunautaires, bien qu'ayant tous une portée strictement nationale, a considéré que la décision des producteurs allemands de ne pas exporter procédait de leur souci de ne pas violer l'accord Cembureau. Ce faisant, l'institution n'aurait pas pris en compte le fait que les prétendus accords allemands remontaient à 1956, soit à une époque bien antérieure à la prétendue naissance du principe Cembureau (CG, paragraphes 82 et 84). Surtout, elle aurait retenu son analyse, alors que rien ne permettait, dans la description des faits (CG, paragraphes 47 à 49), de relier de tels accords locaux et régionaux à un accord Cembureau.

1259. Dans ses observations du 26 novembre 1997, Italcementi fait encore état d'une série de documents relatifs au marché belge (documents n° 33.126/851, 853 à 856, 874, 1135 à 1138, 1204 à 1206, 1543 à 1547, 1804, 1805, 1823, 1824, 2661 à 2664, 2691, 2692, 7784, 8055, 8154, 8155, 8207 à 8209, 8557, 8562, 9039, 9751, 10052, 10330, 10351, 10352, 10439, 10440, 18056 à 18061, 18067, 18081, 18082, 18100, 18101 et 18110 à 18113), dont il ressortirait que, sur ce marché également, il existait des ententes locales portant sur les parts de marché, sur les prix, sur les exportations à destination d'autres Etats membres de la Communauté ou de pays tiers, sur la fourniture de clinker, sur les marchés en amont (exploitation des gisements de calcaire), sur les marchés en aval (matériaux inertes, béton), sur les fournitures de ciment aux centrales à béton et sur le transport. Ces ententes auraient été totalement indépendantes de Cembureau, de ses activités et du prétendu principe qu'il aurait généré, et elles auraient été de nature, à elles seules, à éliminer toute concurrence. La note du 24 janvier 1989 sur les contacts entre Cimpor, Secil, Asland et Ready-Mix (document n° 33.322/178) fournirait pour sa part des précisions sur les ententes locales entre les deux producteurs portugais, lesquelles, parce qu'elles s'étendaient au marché en aval du béton, auraient conduit à renforcer l'effet de cloisonnement de ce marché à l'égard de la concurrence étrangère.

1260. Il convient de rappeler que, dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), la Commission a établi l'existence de l'accord Cembureau sur la base de preuves documentaires directes. A supposer même que les documents invoqués par Italcementi lui aient permis de démontrer l'absence de lien entre les ententes nationales et l'accord Cembureau, l'inaccessibilité des documents en question n'a pas pu nuire à sa défense, dès lors que les griefs nationaux ne sont pas visés par la décision attaquée et que la preuve de l'existence de l'accord Cembureau ne dépend en rien de celle des ententes nationales. En outre, même les commentaires qu'Italcementi aurait pu développer sur la base des documents qu'elle énumère, et qui démontreraient que les ententes nationales réduisaient les échanges entre Etats membres, n'auraient pas pu donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes utilisées par la Commission dans la CG et dans la décision attaquée pour établir l'existence de l'accord Cembureau (voir ci-dessus points 263 et 264). Au contraire, ces explications auraient été de nature à souligner la gravité de l'infraction commise, dès lors que, par la conclusion de l'accord Cembureau, les chefs de délégation ont essayé d'éliminer le peu de concurrence effective qui subsistait sur le marché (voir ci-dessus point 1088).

1261. Troisièmement, Italcementi souligne, dans ses observations du 10 février 1997, que, parmi les documents qu'elle a pu consulter, il n'existe aucune référence à une prétendue "macro-concertation" à l'échelle européenne. Au contraire, les seules allusions à Cembureau dans ces documents (documents n° 33.126/14855, 14858, 14859, 14861, 14870, 14871, 14889 et 14893) mettraient en lumière son rôle exclusif d'enceinte de discussions à caractère strictement technique et économique, mais en aucun cas commercial.

1262. Il y a cependant lieu de souligner que les commentaires qu'Italcementi aurait pu faire valoir, à partir de ces différents documents, pour mettre en lumière un tel rôle de Cembureau n'auraient pas été de nature à donner un éclairage différent au faisceau des preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée, dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), pour établir l'existence de l'accord Cembureau.

1263. Quatrièmement, Italcementi prétend, dans ses observations du 10 février 1997, que l'extrait du procès-verbal de la réunion du 23 juillet 1986 du conseil d'administration d'Heracles (documents n° 33.126/19879 et 19880) lui aurait permis de donner un éclairage différent à la déclaration de M. Kalogeropoulos au cours de la réunion du 25 juin 1986 du conseil d'administration de cette même entreprise, déclaration sur laquelle la Commission s'est appuyée pour démontrer l'existence de l'accord Cembureau (CG, paragraphe 9; décision attaquée, paragraphe 18, point 5; documents n° 33.126/19875 à 19877). En effet, ce document du 23 juillet 1986 contiendrait, parallèlement à la mention du cartel britannique et de l'entente européenne, dont ferait déjà état la déclaration du 25 juin 1986, une référence explicite à Cembureau, sans toutefois établir un lien entre les ententes et Cembureau. Selon Italcementi, la déclaration de M. Kalogeropoulos se contente de mentionner l'"entente de tous les producteurs européens de ciment", sans la dénommer "entente ou principe Cembureau". Cela démontrerait clairement que l'entente visée dans le procès-verbal était dénuée de tout lien avec Cembureau et que l'auteur de la déclaration, président d'Heracles, entendait vraisemblablement désigner par là, dans une formule quelque peu condensée, l'ensemble des ententes locales et régionales existant sur différents marchés nationaux de la Communauté.

1264. Il doit cependant être relevé que le fait que le procès-verbal de la réunion du 23 juillet 1986 du conseil d'administration d'Heracles (documents n° 33.126/19879 et 19880) n'établit pas un lien explicite entre Cembureau et l'entente européenne n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes, notamment les notes internes de Blue Circle (décision attaquée, paragraphe 18, points 2 et 3; documents n° 33.126/11332 à 11334 et 11335 à 11337) et les documents relatifs aux réunions des chefs de délégation de Cembureau mentionnés au paragraphe 19 de la décision attaquée, qui établissent sans équivoque un lien entre l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée et Cembureau.

1265. Cinquièmement, Italcementi prétend, dans ses observations du 10 février 1997, qu'une série de documents démontrent clairement que, dans leurs relations commerciales quotidiennes, les producteurs européens de ciment opéraient dans l'ignorance absolue de l'existence d'un prétendu principe supérieur de respect des marchés domestiques. En outre, différents documents témoigneraient de l'existence de certaines exportations intracommunautaires ou de la volonté d'effectuer de telles exportations, ce qui contredirait l'existence d'un prétendu accord Cembureau. Italcementi se réfère à cet égard à plusieurs documents espagnols (documents n° 33.322/406 à 408, 1607, 1608 et 2898 à 2901) et portugais (documents n° 33.322/155 à 157, 470 à 481, 483, 484, 575, 1021 et 1022). Le procès-verbal du conseil d'administration d'Asland du 24 septembre 1986 (documents n° 33.322/1607 et 1608), en faisant allusion aux efforts en cours pour "promouvoir une prise de conscience tant internationale que nationale quant à la nécessité de stimuler la solidarité entre producteurs, laquelle constitue la seule voie sérieuse, bien que difficile, pour neutraliser les conséquences liées aux importations", prouverait qu'une telle conscience internationale n'existait pas encore à l'époque et, partant, que les effets concrets du prétendu accord Cembureau sur le fonctionnement des industries nationales du ciment étaient passés totalement inaperçus. S'agissant des documents n° 33.322/470 à 481, 483 et 484, ils attesteraient que, par- delà les prétendus cartels national et ibérique, les producteurs portugais demeuraient libres d'exporter dans d'autres pays membres de Cembureau. Italcementi ajoute qu'elle a trouvé plusieurs documents [documents n° 33.126/14956 à 14976 (documents internes du SFIC, récapitulant les importations de ciment en France entre 1984 et 1988), 13487, 5680 et 5681 (procès-verbaux de réunions des directeurs commerciaux de la société française Norcim)] qui attesteraient que, à supposer même que l'accord Cembureau ait existé à partir de 1983 (quod non), celui-ci n'était visiblement pas appliqué en pratique, au vu de l'évolution des échanges transfrontaliers de ciment pendant la période en cause. Dans ses observations du 26 novembre 1997, Italcementi identifie encore une série de documents qui viendraient confirmer sa thèse sur ce point. Plusieurs documents (documents n°s 33.126/732 à 735, 1963, 1991, 2058 et 10193 à 10195) attesteraient ainsi les préoccupations de l'industrie belge en ce qui concerne les effets néfastes qu'une augmentation excessive de leurs prix intérieurs pourrait avoir sur les importations, en particulier celles en provenance d'Allemagne, ce qui démontrerait que de telles importations ne semblaient pas interdites par un prétendu principe de respect des marchés domestiques. Une série de documents relatifs aux exportations de l'Allemagne et de la France vers la Belgique et aux exportations de la Belgique vers le Royaume-Uni (documents n°s 33.126/375, 885, 886, 1404 à 1406, 1425, 6916, 6947, 6954, 7552, 7558, 7760, 7761, 8110, 8112 à 8118, 8131, 8132, 8382, 8519, 8540, 10193 à 10195 et 18099 bis) prouveraient quant à eux l'absence d'incidence pratique du prétendu principe Cembureau et feraient apparaître que les entreprises menacées, ou se sentant menacées, par les importations se défendaient notamment en accordant des rabais à leur clientèle, en organisant des mesures de représailles sur les marchés à l'origine de ces importations, en envisageant ou en réalisant des alliances, des acquisitions ou des prises de participation dans différents pays. Enfin, de nombreux autres documents (documents n°s 33.126/3973, 3974, 10837 à 10839 et 10857 à 10872) viendraient étayer la thèse d'Italcementi selon laquelle les obstacles aux exportations tenaient à des raisons strictement commerciales. En revanche, lorsque de telles exportations étaient possibles, elles auraient eu lieu, sans considération d'un prétendu accord de respect des marchés domestiques. Italcementi conclut en soulignant que tous les documents invoqués prouvent que les flux commerciaux internationaux de ciment répondaient pleinement aux logiques du marché (structure des marchés nationaux, différences entre les niveaux de prix, capacité de production déficitaire, barrières naturelles et techniques aux échanges...) et non pas à de prétendus principes visant à en limiter le volume.

1266. Il convient de rappeler que la Commission n'a jamais prétendu que l'accord Cembureau et ses mesures d'application avaient eu pour effet de supprimer tout échange intracommunautaire de ciment et toute tentation de commerce interétatique. Aux termes mêmes de l'article 1er de la décision attaquée, l'accord Cembureau a été sanctionné en raison de son objet anticoncurrentiel. En outre, cet accord n'interdisait pas le " commerce inter-Etats de caractère traditionnel, voire structurel" (mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729), mais s'opposait aux exportations "sauvages" (notes de séance concernant la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737), à savoir les exportations non contrôlées ou non réglementées. L'existence d'importations ou d'exportations dans un cas précis n'est donc pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes de l'existence de l'accord Cembureau (CG, paragraphes 9 et 61; décision attaquée, paragraphes 18, 19 et 45).

1267. S'agissant du document d'Asland du 24 septembre 1986 (documents n° 33.322/1607 et 1608), il doit être replacé dans son contexte, à savoir celui des menaces spécifiques que les importations en provenance de Grèce représentaient à cette époque. Les commentaires qu'Italcementi aurait pu fonder sur ce document, si celui-ci lui avait été rendu accessible pendant la procédure administrative, n'auraient dès lors pas été de nature à donner un éclairage différent au faisceau de preuves documentaires directes attestant la conclusion antérieure d'un accord général, à l'échelle européenne, de respect des marchés domestiques et de réglementation des ventes d'un pays à l'autre.

2.21. Affaire T-68-95, Holderbank/Commission

1268. Dans ses observations du 8 février 1997, Holderbank fait d'abord valoir que, si elle avait eu accès au cours de la procédure administrative aux chapitres de la CG concernant l'entente britannique (chapitres 4 et 14) ainsi qu'aux documents se rapportant à cette entente, elle aurait pu démontrer que l'absence d'exportation vers les autres États membres s'expliquait par des circonstances sans aucun rapport avec le prétendu accord Cembureau. Elle relève à cet égard que la Commission affirme elle-même aux paragraphes 38, 73 et 74 de la CG que le marché britannique était entièrement réparti, cloisonné et, partant, inaccessible aux concurrents étrangers, par l'effet des CPMA (voir ci-dessus point 91). Les paragraphes précités de la CG contrediraient donc l'existence du prétendu accord Cembureau.

1269. Ensuite, Holderbank identifie une série de documents du dossier relatif au Royaume-Uni essentiellement des échanges de correspondance, pendant la période 1986-1987, entre les membres de la CMF ainsi qu'avec l'OFT (voir ci-dessus point 1147) qui, s'ils lui avaient été rendus accessibles pendant la procédure administrative, lui auraient permis d'étayer son affirmation selon laquelle le marché britannique était, dans les faits, inaccessible aux producteurs continentaux. Elle cite en particulier la lettre du président de la CMF à l'OFT (documents n°s 33.126/17624 et 17625), aux termes de laquelle, en vertu du système de "prix rendus" ("delivered-price-system") singularisant le marché britannique par rapport à la majorité des marchés d'Europe occidentale, le ciment destiné aux clients britanniques devait être impérativement livré sur le chantier, ce qui engendrait des difficultés pratiques considérables pour les concurrents étrangers potentiels. Il ressortirait encore des documents n° 33.126/17625 et 17641 à 17653 que, contrairement aux allégations de la Commission, les prix britanniques étaient en réalité, compte tenu des coûts du transport, inférieurs à ceux pratiqués sur les marchés continentaux, notamment en Allemagne de l'Ouest, ce qui aurait été de nature à freiner les exportations vers le Royaume-Uni. Ces documents auraient donc permis à Holderbank de réfuter, dès le stade de la procédure administrative, le grief selon lequel l'absence d'activité d'exportation découlait d'une entente internationale. Les documents n° 33.126/17642 et 17643 feraient apparaître, pour leur part, une diminution, à l'époque considérée, de la demande nationale au Royaume-Uni. Cette circonstance serait également un élément à décharge, dès lors que la surcapacité croissante du marché britannique aurait eu pour effet d'augmenter la pression des coûts sur les producteurs locaux et de renforcer par là leur tendance à faire obstacle aux importations. Le document n° 33.126/17646, relatif aux importations en provenance de Grèce, de l'ex-Allemagne de l'Est et de Pologne, montrerait que, en raison notamment des mesures de rétorsion adoptées en matière de prix par les producteurs locaux, les producteurs étrangers ne pouvaient espérer importer au Royaume-Uni qu'en pratiquant du dumping. Holderbank conclut sur ce point en joignant à ses observations du 8 février 1997 une série de procès-verbaux de réunions de la CMF (documents n° 33.126/17062, 17090, 17099, 17100, 17134, 17141, 17142, 17147, 17149, 17158, 17163 à 17168, 17171, 17183, 17193, 17200, 17211, 17215, 17220, 17227, 17262, 17280, 17623, 17624, 17666, 17667 et 17696 à 17699), qui illustreraient de manière frappante la répartition et le cloisonnement du marché britannique.

1270. Enfin, elle identifie, dans le dossier relatif à la Grèce, une note du conseil d'administration d'Heracles du 29 septembre 1986 (documents n° 33.126/19881 et 19882) qui révélerait que la Commission a sorti de son contexte la déclaration de M. Kalogeropoulos du 25 juin 1986 (CG, paragraphe 9; décision attaquée, paragraphe 18, point 5; documents n° 33.126/19875 à 19877). Cette note attesterait en effet sans équivoque que les exportations de la Grèce vers le Royaume-Uni ont été empêchées par la seule entente britannique et non pas par une entente internationale.

1271. Il convient de rappeler que, dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), la Commission s'est fondée sur des preuves documentaires directes pour établir l'existence de l'accord Cembureau. Ni les explications alternatives d'une absence de commerce intracommunautaire de ciment, fondées sur l'existence, au Royaume-Uni, d'accords de répartition et de cloisonnement du marché domestique, ni les commentaires que Holderbank aurait pu développer à propos de la note du conseil d'administration d'Heracles du 29 septembre 1986 (documents n° 33.126/19881 et 19882) n'auraient été de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes de l'existence de l'accord Cembureau. Il convient d'ajouter que la note d'Heracles du 29 septembre 1986 indique simplement: "Jusqu'ici, en Angleterre, l'entente a 'terrorisé le marché et a empêché les grosses entreprises du domaine du béton prêt à l'emploi d'acheter du ciment grec sous peine d'ennuis." Rien ne permet donc d'affirmer que cette note se référait à l'entente britannique plutôt qu'à l'entente européenne. A supposer même que, comme Holderbank le prétend, l'auteur de la note ait voulu désigner l'entente britannique, cela n'exclut aucunement l'existence antérieure d'une entente européenne plus large, "soutenant" cette entente locale. Les critiques adressées par Holderbank, à la lumière de la note d'Heracles du 29 septembre 1986, à la déclaration de M. Kalogeropoulos, président de cette même entreprise, du 25 juin 1986, qui fait précisément état du double "jeu" d'ententes britannique et européenne (voir ci-dessus point 913) dans le contexte du problème grec, n'auraient dès lors pas pu donner un éclairage différent au faisceau des preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée pour conclure à l'existence de l'accord Cembureau.

2.22. Affaire T-69-95, Hornos Ibéricos/Commission

1272. Premièrement, Hornos Ibéricos, dans son mémoire du 10 février 1997, soutient que l'existence d'une entente britannique, et non un prétendu accord Cembureau, rendait impossible la pénétration du marché britannique par d'autres producteurs. Cette réalité ressortirait des chapitres de la CG relatifs au Royaume-Uni (chapitres 4 et 14) ainsi que d'une note du conseil d'administration d'Heracles du 29 septembre 1986 (documents n° 33.126/19881 et 19882). Le fait de ne pas avoir eu accès à ces éléments au cours de la procédure administrative aurait donc violé les droits de la défense de la requérante.

1273. Cet argument doit être rejeté, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 1271.

1274. Deuxièmement, Hornos Ibéricos se réfère, dans son mémoire du 10 février 1997, à une note interne de la DG III de la Commission de novembre 1994, dont il ressortirait que l'analyse du marché effectuée par la Commission dans la décision attaquée est erronée.

1275. Il convient de rappeler que les documents internes de la Commission sont, en principe, inaccessibles aux parties requérantes (arrêts du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, cité au point 144 ci- dessus, point 25, et du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, cité au point 140 ci-dessus, point 54; ordonnance NMH Stahlwerke e.a./Commission, citée au point 196 ci-dessus, point 35). Cette restriction d'accès aux documents internes est justifiée par la nécessité d'assurer le bon fonctionnement de l'institution concernée dans le domaine de la répression des infractions aux règles de concurrence du traité (ordonnance NMH Stahlwerke e.a./Commission, citée au point 196 ci-dessus, point 36).

1276. Force est de constater que la note interne à laquelle Hornos Ibéricos se réfère n'a pas été rendue accessible à la suite des mesures d'organisation de la procédure ordonnées par le Tribunal. La partie requérante, qui ne peut pas prouver qu'elle a reçu communication de la note interne de la DG III de manière licite, n'est pas recevable à fonder un quelconque argument sur le contenu de ladite note. En tout état de cause, même si Hornos Ibéricos avait, de manière licite, reçu communication de celle-ci déjà au cours de la procédure administrative, cette dernière n'aurait pas pu aboutir à un résultat différent. En effet, il s'agit d'une note adressée en novembre 1994 au directeur général de la DG IV de la Commission contenant quelques suggestions de la DG III en vue de l'adoption imminente de la décision attaquée. Si la partie requérante avait pu attirer l'attention de la Commission sur quelques éléments de la note avant l'adoption de la décision attaquée, cela n'aurait pas pu avoir un quelconque effet sur la décision attaquée, dès lors que c'est en pleine connaissance de tous les éléments de la note en question que la Commission a adopté la décision attaquée, le 30 novembre 1994. En outre, dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), la Commission s'est fondée sur des preuves documentaires directes pour constater l'infraction retenue à l'article 1er de la décision attaquée. Si Hornos Ibéricos avait pu faire valoir au cours de la procédure administrative, sur la base de la note interne de la DG III, que le marché concerné n'avait pas une dimension européenne, cela n'aurait pas été de nature à donner un éclairage différent à ces preuves documentaires directes, lesquelles démontrent l'existence de l'accord Cembureau et, en même temps, compte tenu du caractère européen de l'entente, la dimension européenne du marché en cause.

2.23. Affaire T-87-95, Cementir/Commission

1277. Premièrement, Cementir affirme, dans ses observations du 10 février 1997, qu'elle a trouvé dans les dossiers nationaux une série de documents qui prouveraient que le marché européen du ciment était naturellement segmenté en zones territoriales distinctes, que les échanges intracommunautaires de ciment se limitaient nécessairement aux zones frontalières ou, pour autant que possible, aux exportations par voie maritime ou fluviale, et que ces échanges pouvaient tout au plus concerner certaines entreprises déterminées, à l'exclusion de Cementir, laquelle ne faisait aucun commerce à l'exportation. Elle estime que, à la lumière de ces éléments factuels, la Commission aurait dû reconnaître que la conception "européenne" qu'elle avait du marché du ciment dénaturait la réalité des faits et que, par conséquent, il était arbitraire de supposer l'existence d'une seule concertation générale, dont les effets anticoncurrentiels se seraient propagés d'un bout à l'autre de l'Europe.

1278. Cementir ajoute que, si la Commission avait concentré son attention sur les comportements individuels existant sur les marchés nationaux, elle aurait peut-être découvert l'existence d'infractions commises par l'une ou l'autre entreprise sur certains segments, clairement circonscrits, de ces marchés, mais elle n'aurait jamais conclu à l'existence d'un accord de portée européenne visant à garantir le respect des marchés domestiques, accord dont aucune trace ne pourrait d'ailleurs être trouvée dans les documents consultés. A l'appui de ses propos, Cementir cite un document relatif à l'accord gréco-espagnol portant création de la CMA (voir ci-dessus point 1040) (documents n° 33.126/19220 à 19223), un procès-verbal de la réunion du 17 juillet 1986 de la CMF (documents n° 33.126/17157 à 17159), qui fait état des moyens mis en œuvre par les producteurs britanniques pour combattre les importations au Royaume-Uni de ciment en provenance de Grèce, des documents internes du SFIC relatifs aux importations en 1985, 1987 et 1988 (documents n° 33.126/14956 à 14976), le procès-verbal de la réunion du 23 juillet 1986 du conseil d'administration d'Heracles (documents n° 33.126/19878 à 19880) et une série de documents qui montreraient que les actions entreprises par différents producteurs italiens en vue de protéger le marché italien contre les importations grecques n'avaient aucun lien avec le prétendu accord Cembureau (documents n° 33.126/2945 à 2948, 2949 à 2951, 2934, 2935, 2954 à 2966, 3065 à 3068). Elle se réfère également à la décision de 1972 du Bundeskartellamt condamnant une entente locale. Elle invoque aussi, sans les identifier précisément, les passages de la CG indiquant que Lafarge contrôlait Wössinger Zement (Allemagne) et Asland (Espagne). Ces passages démontreraient que la politique d'exportation de ces différentes sociétés répondait à une stratégie de groupe et non pas à l'application d'un prétendu principe de respect des marchés domestiques. Enfin, Cementir renvoie aux chapitres 8 et 9 de la CG, qui feraient apparaître qu'Oficemen, Secil et Cimpor avaient conclu des accords portant sur les marchés portugais et espagnol, accords qui, de l'aveu même de la Commission, auraient eu pour effet de rendre quasiment impossibles les importations de ciment en provenance de l'étranger.

1279. Dans ses observations du 29 décembre 1997, elle met encore en avant un certain nombre de documents qui démontreraient l'existence, dès 1965, d'accords sur le marché belge (documents n° 33.126/860, 861 et 1543 à 1551) ainsi que de contacts bi- ou multilatéraux, d'accords ou de projets d'accords transfrontaliers portant, tantôt sur les marchés allemand, néerlandais et belge (documents n° 33.126/1119 à 1134, 1175 à 1179 et 1574 à 1577), tantôt sur les marchés français et belge (documents n° 33.126/837, 838 et 985 à 1009), tantôt sur les marchés français et espagnol (documents n° 33.126/4066 à 4069), tantôt sur les marchés français, allemand et luxembourgeois (documents n° 33.126/4251 à 4253 et 4263 à 4269). Tous ces documents confirmeraient que les accords, pratiques concertées et autres types de coopération qui ont pu exister dans certaines zones géographiques déterminées avaient une origine et une explication purement locales, sans aucun lien avec une prétendue entente européenne, à laquelle aucun de ces documents ne ferait d'ailleurs allusion. Enfin, un document de la FIC (documents n° 33.126/2105 à 2113), qui refléterait la conception que l'association belge avait du rôle de Cembureau et qui ferait apparaître que cette association était réticente à communiquer certaines informations à Cembureau, confirmerait pleinement les allégations de Cementir relatives à la fonction et aux compétences de Cembureau, d'une part, et à l'absence de concertation générale entre les producteurs européens au niveau de Cembureau, d'autre part.

1280. Il convient de rappeler que, dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), la Commission s'est fondée sur des preuves documentaires directes pour établir l'existence de l'accord Cembureau. Ces preuves documentaires démontrent que, dans le cadre de leur réunion du 14 janvier 1983, les chefs de délégation ont conclu un accord de respect des marchés domestiques et de réglementation des ventes d'un pays à l'autre, confirmé ultérieurement au cours des réunions des 19 mars et 7 novembre 1984. Si Cementir avait pu, sur la base des documents qu'elle invoque, formuler des considérations relatives au marché de référence au cours de la procédure administrative, celle-ci n'aurait pas pu aboutir à un résultat différent. En effet, l'existence même de l'accord Cembureau conclu sur un plan paneuropéen contredit directement la thèse de Cementir selon laquelle le marché géographique de référence du ciment ne serait pas l'Europe. En outre, ni l'absence d'allusion à l'accord Cembureau dans les différents documents avancés par Cementir, ni les explications alternatives fondées sur l'existence de barrières naturelles et techniques aux échanges transfrontaliers de ciment, de formes de coopération et d'accords locaux et régionaux parfois largement antérieurs à 1983 et prétendument étrangers à un accord européen de répartition des marchés, que Cementir aurait pu fournir pour justifier le faible volume du commerce intracommunautaire de ciment pendant la période en cause, ni les commentaires qu'elle aurait pu formuler sur le rôle et les compétences de Cembureau ainsi que sur la réticence de certaines associations à communiquer à Cembureau certaines informations n'auraient été de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est appuyée pour établir l'existence de l'accord Cembureau. Au contraire, les explications tirées de "barrières naturelles" aux échanges interétatiques de ciment, que Cementir aurait pu avancer si elle avait eu accès à l'intégralité de la CG au cours de la procédure administrative, auraient été de nature à souligner la gravité de l'infraction commise, dès lors que, par la conclusion de l'accord Cembureau, les chefs de délégation ont essayé d'éliminer le peu de concurrence effective qui subsistait sur le marché (voir ci-dessus point 1088).

1281. Deuxièmement, Cementir met en exergue, dans ses observations du 29 décembre 1997, une série de documents (documents n° 33.126/2056 à 2062) qui démontreraient que, à la suite d'une hausse de prix intervenue sur le marché belge en 1984, la clientèle locale a commencé à se tourner vers le ciment en provenance d'Allemagne, moins cher. Elle invoque en outre un document de CBR du 17 janvier 1986 (documents n° 33.126/10193 à 10198) faisant état d'importations en Belgique de ciment en provenance d'Allemagne, ce qui contredirait l'existence de l'accord Cembureau.

1282. Il convient de rappeler que la Commission n'a jamais prétendu que l'accord Cembureau avait eu pour effet de supprimer tout échange intracommunautaire de ciment et toute tentation de commerce interétatique. Aux termes mêmes de l'article 1er de la décision attaquée, l'accord Cembureau a été sanctionné en raison de son objet anticoncurrentiel. Par ailleurs, force est de constater que les exportations "sauvages" vers la Belgique ont été évoquées explicitement au cours de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (notes de séance de la réunion du 2 avril 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737). Le fait que le document de CBR du 17 janvier 1986 atteste l'existence de certaines exportations "sauvages" vers la Belgique, dont les chefs de délégation avaient connaissance, démontre tout au plus que l'accord Cembureau n'a pas toujours été respecté par certains producteurs communautaires, mais n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG (paragraphes 9 et 61) et la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour constater l'existence de l'accord Cembureau. Au contraire, le contenu de ce document est de nature à démontrer l'efficacité de l'accord Cembureau. En effet, la note en question énonce: "Les importations de ciment allemand en Belgique paraissent stabilisées, bien que restant à un niveau relativement élevé. Elles atteignaient 250 000 t en 1983, 220 000 t en 1984 et atteindront vraisemblablement 203 000 t en 1985."

1283. Troisièmement, Cementir produit, dans ses observations du 29 décembre 1997, une série de documents qui attesteraient la licéité des thèmes discutés lors des deux réunions des chefs de délégation auxquelles elle a pris part, à savoir celles du 14 janvier 1983 et du 7 novembre 1984. D'autres documents (documents n° 33.126/1175 à 1179, 2026 à 2049, 2050 à 2053, 2056 à 2062 et 5295) viendraient confirmer que le but de ces deux réunions était d'examiner l'évolution des importations faisant l'objet de dumping en provenance d'Europe de l'Est et les moyens licites pour y faire face (plainte auprès de la Commission), ainsi que les conditions sur le marché mondial du ciment. C'est aussi dans ce contexte qu'il aurait été fait allusion, lors de la réunion du 14 janvier 1983, au système belgo-néerlandais des points de parité, qui avait été notifié à la Commission en 1981, mais sur lequel celle-ci n'avait pas encore réagi officiellement à cette époque. Cementir estime que tous ces documents, s'ils lui avaient été rendus accessibles au cours de la procédure administrative, lui auraient permis de donner aux pièces sur lesquelles la Commission s'est fondée pour établir l'existence de l'accord Cembureau une interprétation totalement différente de celle défendue par la Commission dans la décision attaquée.

1284. Cet argument n'aurait pas été de nature à faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 1208.

2.24. Affaire T-88-95, Blue Circle/Commission

1285. Premièrement, Blue Circle fait valoir, dans son mémoire du 10 février 1997, que les chapitres nationaux de la CG et les documents s'y rapportant font état de l'existence d'ententes locales (nationales, bilatérales ou multilatérales) qui, comme la Commission l'admet d'ailleurs dans les chapitres nationaux de la CG, avaient pour effet de répartir les marchés concernés ou, à tout le moins, d'affecter de manière sensible les échanges interétatiques. Ces accords locaux ne présenteraient cependant pas le moindre lien avec une entente paneuropéenne. La Commission aurait donc erronément vu dans ces accords locaux la preuve de l'existence ou de la mise en œuvre d'un accord Cembureau. En outre, dès lors que les ententes décrites dans les chapitres nationaux de la CG empêchaient les échanges de ciment entre Etats membres, les dossiers nationaux auraient pu renforcer les observations faites en son nom par son expert en économie, le Dr Williamson, ainsi que son argumentation en défense, selon lesquelles les schémas d'échanges de ciment constatés sur le marché pendant la période en cause, et notamment les exportations au départ de la Grèce, s'expliquaient par des facteurs autres qu'une prétendue entente européenne. Blue Circle fait valoir encore qu'une série de preuves contenues dans les dossiers nationaux attestent que des accords bilatéraux comme l'accord gréco-espagnol ou l'accord hispano-portugais, que la Commission avait initialement rattachés à juste titre aux griefs nationaux, griefs abandonnés par la suite, ont été finalement "récupérés" à tort par l'institution comme éléments de preuve de l'existence d'un cartel Cembureau.

1286. A l'appui de chacun de ces arguments, Blue Circle avance des éléments ou documents tirés des dossiers relatifs à la Grèce, à l'Allemagne, à la France, à l'Italie, à l'Espagne et au Portugal, qu'elle identifie par référence, selon le cas, à la numérotation figurant dans le coin supérieur droit de la page, à leur intitulé ou à leur emplacement dans la CG. Aucun de ces documents n'est toutefois joint à ses observations.

1287. Il doit être constaté que, en ne joignant pas à ses observations les documents auxquels elle se réfère dans celles-ci, contrairement aux instructions clairement données dans la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996, Blue Circle a mis le Tribunal dans l'impossibilité d'identifier lesdits documents avec toute la précision nécessaire à l'appréciation de leur degré respectif de pertinence pour la défense de Blue Circle au cours de la procédure administrative. Il convient d'ajouter qu'elle a pourtant eu l'occasion de réparer son erreur à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, qui lui a accordé l'accès intégral au dossier de la Commission, y compris aux documents déjà visés par la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996, à l'exception des documents composant le dossier IV/27.997 [dossier de la CMF relatif aux CPMA (voir ci-dessus points 91 et 93)], sur lesquels Blue Circle ne s'est de toute façon pas appuyée dans ses observations du 10 février 1997.

1288. En tout état de cause, les explications alternatives fondées sur l'analyse économique des marchés ou sur l'existence d'une multitude d'accords locaux (nationaux, bilatéraux ou multilatéraux), que Blue Circle aurait pu fournir au sujet de la dynamique des échanges interétatiques de ciment pendant la période concernée, n'auraient pas été de nature à donner un éclairage différent au faisceau des preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée pour conclure à l'existence de l'accord Cembureau (CG, paragraphes 9 et 61; décision attaquée, paragraphes 18, 19 et 45). En outre, l'existence d'accords nationaux et d'autres accords locaux, tels que l'accord gréco-espagnol ou l'entente ibérique, n'est nullement entrée en ligne de compte dans la démonstration de la Commission relative à l'existence de l'accord Cembureau, qui a été exclusivement déduite des preuves documentaires mentionnées aux paragraphes 9 et 61 de la CG et aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée. Par conséquent, les commentaires que Blue Circle aurait pu faire valoir pour démontrer l'absence de lien entre les accords locaux et l'accord Cembureau n'auraient pas pu conduire la procédure administrative à un résultat différent pour ce qui concerne l'existence même de l'accord visé à l'article 1er de la décision attaquée.

1289. Deuxièmement, dans son mémoire du 12 décembre 1997, Blue Circle soutient que l'examen de la documentation qu'elle a pu consulter à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997 vient renforcer sa thèse selon laquelle l'Europe du ciment était parsemée d'accords locaux, nationaux, bilatéraux ou multilatéraux. Blue Circle estime que, si elle avait eu accès à l'intégralité du dossier et de la CG dès la procédure administrative, elle aurait pu attirer l'attention de la Commission sur l'existence de ces accords et sur leur autonomie totale par rapport à un prétendu accord Cembureau de respect des marchés domestiques et conduire ainsi la Commission à s'attaquer, le cas échéant, à ces seuls accords locaux, en n'en imputant la responsabilité qu'aux producteurs impliqués dans ceux-ci. L'analyse développée par la Commission dans la CG et dans la décision attaquée serait d'ailleurs radicalement contredite par une série de preuves documentaires (documents n°s 33.126/4226, 4227, 4379 à 4392, 6858 à 6865, 6908, 6912, 6913, 6920, 6921, 6923 à 6976, 7041, 7046 à 7048, 7766 à 7772, 8124 à 8138, 8152 et 16936 à 16938). Celles-ci attesteraient que divers grands producteurs européens de ciment poursuivaient des politiques actives, concurrentielles et expansionnistes visant à acquérir des participations de contrôle dans des sociétés étrangères. Cela traduirait, selon Blue Circle, une pratique totalement contradictoire avec l'exécution d'un prétendu accord de respect des marchés domestiques. Ces documents montreraient en outre que plusieurs sociétés détenaient des participations, parfois croisées, dans d'autres cimenteries européennes. Ils auraient donc permis à Blue Circle de fournir une explication alternative plausible de la faiblesse des échanges interétatiques de ciment pendant la période en cause. Certains des documents (documents n°s 33.126/6914, 6959, 8124 à 8138 et 8152), qui fournissent des détails sur l'une ou l'autre de ces opérations d' acquisition, révéleraient que, durant les mois précédant l'opération en question, il était fréquent que l'acquéreur et le vendeur entament des discussions sur les prix, les importations et les exportations, la possibilité d'actions communes, etc. Replacés dans leur contexte, ils traduiraient clairement la volonté de l'acquéreur non pas de mettre en œuvre l'accord Cembureau, mais de s'informer sur le marché convoité, afin d'évaluer la valeur des actions au centre de l'opération d'achat. Blue Circle souligne qu'aucun de ces documents ne fait état de Cembureau ou de l'existence d'un quelconque accord de respect des marchés domestiques, ni ne suggère l'existence d'un tel accord. Elle conclut que, si elle avait eu accès à ces documents au cours de la procédure administrative, elle aurait pu approfondir son analyse du marché européen du ciment et du réseau des principales relations et participations de contrôle qui existaient sur ce marché et réfuter ainsi la thèse de la Commission fondée sur l'existence d'un accord européen unique et continu de respect des marchés domestiques, en donnant au fonctionnement du marché une explication différente de celle défendue par la Commission.

1290. Une série d'autres preuves documentaires (documents n° 33.126/270, 781 à 807, 839 à 843, 847 à 849, 853 à 859, 1175 à 1245, 4066 à 4068, 4073, 5671 à 5724, 6883, 8124 à 8138, 8186, 13498 à 13509, 13532, 13542, 18517, 18533 et 18534, et documents n° 33.322/923 à 929) feraient clairement apparaître que le marché du ciment était traditionnellement fragmenté par une multitude d'accords locaux, nationaux, bilatéraux (notamment entre la France et la Belgique, entre la France et le Portugal, ainsi qu'entre la Belgique et les Pays-Bas) ou multilatéraux (notamment entre les pays du Benelux, l'Allemagne et la France) remontant, pour certains d'entre eux, à 1964. La documentation relative à tous ces accords viendrait contredire, en elle-même, la thèse de la Commission fondée sur l'existence d'un accord de dimension européenne, parce qu'elle offrirait une explication alternative plausible du faible volume d'échanges intracommunautaires de ciment. Blue Circle souligne que certains accords locaux dont font état les chapitres nationaux de la CG et les documents y afférents visaient explicitement à promouvoir le commerce à l'exportation (par exemple, documents relatifs aux accords de coopération franco-portugais et aux accords entre les pays du Benelux, la France et l'Allemagne, ainsi que documents relatifs à la société française Norcim).

1291. D'autres documents montreraient que de nombreux facteurs économiques, commerciaux, techniques ou juridiques, comme la variété des mécanismes nationaux de contrôle des prix (documents n° 33.126/3333, 3336 à 3338 et 3342 à 3345), la variabilité des coûts du transport (documents n° 33.126/1224 à 1238, 3524 à 3526 et 3536 à 3542), les différences de normes de qualité et de spécification (documents n° 33.126/3556, 5678 et 5699), la diversité des environnements fiscaux et des contrôles environnementaux (document n° 33.126/3589), ainsi que l'existence, sur certains marchés, de subsides ou d'avantages particuliers à l'industrie locale (document n° 33.126/5673), affectaient les échanges interétatiques de ciment et expliquaient donc la fragmentation des marchés observée pendant la période en cause.

1292. Enfin, l'existence des ententes locales, le réseau des participations croisées ainsi que les autres facteurs mentionnés ci-dessus, de nature à réduire les échanges entre Etats membres, démontreraient aussi que les producteurs européens de ciment n'avaient aucun intérêt à arrêter, au niveau de Cembureau, un principe de respect des marchés domestiques.

1293. Il convient de rappeler que, dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), la Commission s'est fondée sur des preuves documentaires directes pour établir l'existence de l'accord Cembureau. Ni l'absence d'allusion explicite ou implicite, dans les documents recensés par la partie requérante dans ses observations du 12 décembre 1997, à Cembureau, à l'accord Cembureau ou à quelque entente européenne de respect des marchés domestiques que ce soit, ni les explications alternatives, fondées sur l'existence, en Europe, d'une multitude d'accords nationaux, bilatéraux ou multilatéraux, parfois antérieurs à 1983, sur la structure de l'actionnariat des sociétés européennes du secteur du ciment ou sur l'existence d'obstacles économiques, commerciaux, juridiques et techniques au commerce interétatique du ciment, que Blue Circle aurait pu fournir à propos du faible volume d'échanges intracommunautaires de ciment pendant la période en cause, ni les commentaires qu'elle aurait pu faire valoir à partir des documents illustrant la politique expansionniste de divers groupes européens du secteur du ciment et les activités à l'exportation, individuelles ou communes, de différents producteurs européens n'auraient été de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est appuyée pour établir l'existence de l'accord Cembureau. Au contraire, les commentaires sur les facteurs de tous ordres qui contribuaient à la segmentation des marchés, que Blue Circle aurait pu avancer si elle avait eu accès à l'intégralité de la CG et du dossier d'instruction au cours de la procédure administrative, auraient été de nature à souligner la gravité de l'infraction commise, dès lors que, par la conclusion de l'accord Cembureau, les chefs de délégation ont essayé d'éliminer le peu de concurrence effective qui subsistait sur le marché (voir ci-dessus point 1088).

1294. Il convient d'ajouter que la Commission n'a jamais prétendu que l'accord Cembureau et ses mesures d'application avaient eu pour effet de supprimer tout échange intracommunautaire de ciment et toute tentation de commerce interétatique. Aux termes mêmes de l'article 1er de la décision attaquée, l'accord Cembureau a été sanctionné en raison de son objet anticoncurrentiel. En outre, l'accord Cembureau n'interdisait pas le " commerce inter-Etats de caractère traditionnel, voire structurel" (mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729), mais s'opposait aux exportations "sauvages" (notes de séance concernant la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737), à savoir les exportations non contrôlées ou non réglementées. L'existence d'importations ou d'exportations dans un cas précis n'est donc pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes de l'existence de l'accord Cembureau (CG, paragraphes 9 et 61; décision attaquée, paragraphes 18, 19 et 45). Enfin, s'agissant de l'argument tiré de l'absence de lien entre les accords locaux et l'accord Cembureau, il est renvoyé ci-dessus au point 1288.

3. Conclusions

Italcementi et Blue Circle ne sont pas parvenues à démontrer que leurs droits de la défense ont été violés au cours de la procédure administrative, en raison du fait qu'elles n'ont pas eu accès à des documents utilisés ensuite au soutien de la constatation de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée. En ce qui concerne les éléments à décharge qui figureraient dans les parties de la CG et du dossier d'instruction demeurées inaccessibles au cours de la procédure administrative, force est de constater que les 39 parties requérantes concernées par les mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 (voir ci-dessus points 124 et 158 à 172) ne sont pas parvenues à démontrer que les commentaires qu'elles auraient pu faire valoir sur la base de documents restés inaccessibles auraient eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent pour ce qui concerne l'existence de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (voir ci-dessus point 247). Dans ces circonstances, l'accès réduit à la CG et au dossier d'instruction qu'elles ont eu au cours de la procédure administrative n'a pas nui à leur défense contre le grief relatif à l'existence de l'accord Cembureau.

Participation des parties requérantes à l'accord Cembureau

A Observations liminaires

1296. La preuve de l'existence de l'accord Cembureau a été rapportée par la Commission (voir ci-dessus point 1095).

1297. Il convient de relever que la Commission a constaté que diverses mesures régies et conditionnées par l'accord Cembureau avaient été prises par différentes entreprises et associations d'entreprises (décision attaquée, paragraphe 46, point 1). Ainsi, elle a considéré que les échanges d'informations ponctuels et périodiques sur les prix dans le cadre de Cembureau (article 2 de la décision attaquée), les ententes franco-italiennes (décision attaquée, article 3, paragraphe 1), l'entente ibérique (décision attaquée, article 3, paragraphe 2), l'entente franco- allemande (décision attaquée, article 3, paragraphe 3), les mesures prises dans le cadre de l'ETF (article 4 de la décision attaquée), l'ECEC (article 5 de la décision attaquée) et l'EPC (article 6 de la décision attaquée) constituaient tous des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau. Elle a souligné (décision attaquée, paragraphe 46, point 2, deuxième alinéa): "[...] L'élément objectif est identique dans tous les cas, à savoir la règle commune de respect des marchés domestiques, les autres arrangements n'étant que des mesures d'application ou de complément de cette règle. L'élément subjectif est, lui aussi, identique, car la situation se caractérise par l'adhésion de l'industrie européenne du ciment, directement ou à travers les associations professionnelles nationales, à une règle commune et par la mise en application de cette règle, dans les divers cas concrets, par ceux qui sont les plus directement concernés." Pour cette raison, elle a estimé (décision attaquée, paragraphe 46, point 1, premier alinéa) que "l'ensemble des arrangements arrêtés dans le cadre de Cembureau et des réunions et contacts bilatéraux et/ou multilatéraux [... avait] constitué un 'accord unique et continu".

1298. L'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée se rapporte à cet accord unique et continu.

1299. Toutes les parties requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur d'appréciation ou une violation des dispositions de l'article 85, paragraphe 1, et/ou de l'article 190 du traité, en retenant leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée. Il convient dès lors d'examiner si, sur la base des éléments de preuve mentionnés dans la décision attaquée, la Commission a pu retenir à juste titre leur participation à l'accord Cembureau.

1300. Aux fins de la présente analyse, la situation de Cembureau et de ses membres directs doit être distinguée de celle des autres destinataires de la décision attaquée.

1301. En ce qui concerne Cembureau et ses membres directs, la décision énonce que l'accord Cembureau a été conclu par "Cembureau et ses membres" "[d]ans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983" (décision attaquée, paragraphe 45, point 1) et que ces mêmes parties ont confirmé le contenu de cet accord au cours des réunions des chefs de délégation des 19 mars et 7 novembre 1984 (décision attaquée, paragraphe 45, point 2). Pour cette raison, Cembureau et ses membres directs sont considérés comme des "parties directes à l'accord de respect des marchés domestiques et de réglementation des ventes d'un pays à l'autre" (décision attaquée, paragraphes 45, point 10, et 65, point 3, premier alinéa).

1302. Bien que Cembureau et tous ses membres directs aient, selon la Commission, participé à une ou plusieurs mesures de mise en œuvre visées aux articles 2 à 6 de la décision attaquée, la démonstration de leur participation à l'accord Cembureau ne dépend pas de leur participation à ces mesures. En effet, cette démonstration repose sur leur participation aux réunions des chefs de délégation et, s'agissant des membres directs, aussi sur leur adhésion à Cembureau (décision attaquée, paragraphes 44, point 4, 45, points 1 et 2, et 65, point 3, premier alinéa).

1303. Toutefois, pour les membres directs de Cembureau établis à l'extérieur de la Communauté à l'époque des réunions des chefs de délégation, la Commission a fixé le point de départ de leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée en fonction de leur participation à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau dans la Communauté (décision attaquée, paragraphes 45, point 11, et 65, point 4).

1304. En ce qui concerne les autres destinataires de la décision attaquée, l'article 1er de celle-ci vise plusieurs membres indirects de Cembureau ainsi que Buzzi.

1305. S'agissant des membres indirects de Cembureau, la Commission a considéré que les chefs de délégation nommés par les associations nationales ont représenté les membres de celles-ci au cours des réunions dans le cadre desquelles l'accord Cembureau a été conclu puis confirmé. La Commission rappelle à cet égard (décision attaquée, paragraphe 44, point 5): "[...] si ces associations assument des engagements, elles le font dans l'intérêt de leurs membres et au nom de ceux-ci et non dans l'intérêt d'elles-mêmes: en fait les producteurs de ciment sont les véritables acteurs qui agissent à travers leurs associations professionnelles." Elle ajoute (décision attaquée, paragraphe 65, point 3, premier alinéa): "Toutefois, la Commission ne prend en considération, aux fins de la [...] décision [attaquée], que les entreprises représentées au sein de Cembureau par leur association qui ont, en plus de leur appartenance à l'association, clairement manifesté leur adhésion à l'accord en participant" à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau. La preuve de la participation des membres indirects de Cembureau à l'accord Cembureau ressort donc de leur participation à une ou plusieurs mesures de mise en œuvre de celui-ci. Pour cette raison, les membres indirects sont considérés comme ayant "participé indirectement à [l]'accord [Cembureau], à travers leur participation aux différents arrangements et mesures convenus pour compléter l'accord général et/ou pour concourir à son application" (décision attaquée, paragraphe 45, point 10).

1306. Enfin, dans la décision attaquée, Buzzi, qui n'est ni membre direct ni membre indirect de Cembureau, est considérée comme ayant adhéré à l'accord Cembureau, à travers sa participation aux ententes franco-italiennes visées à l'article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée [décision attaquée, paragraphe 65, point 3, premier alinéa et troisième alinéa, sous c), et point 4, troisième alinéa, premier tiret].

B Appartenance à une association nationale membre de Cembureau en tant que critère d'imputation de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée

1307. CBR (T-25-95), ENCI (T-31-95), Dyckerhoff (T-35-95), Vicat (T-37-95), Ciments français (T-39-95), Heidelberger (T-42-95), Lafarge (T-43-95), Alsen-Breitenburg (T-45-95), Nordcement (T-46-95), Rugby (T- 53-95), Cimpor (T-61-95), Secil (T-62-95) et Hornos Ibéricos (T-69-95) font valoir que la Commission a commis une erreur de droit en retenant leur participation à l'accord Cembureau sur la base de leur affiliation à une association nationale membre direct de Cembureau.

1308. Il convient de rappeler que, selon la CG, l'accord Cembureau avait été arrêté par Cembureau et ses membres et que les membres indirects de Cembureau avaient adhéré ex nunc à l'accord Cembureau à partir de la date de leur participation à une mesure de mise œuvre de cet accord. Toutefois, la CG ne se fonde nullement sur l'appartenance des membres indirects de Cembureau à une association nationale pour leur imputer l'infraction constituée par l'accord Cembureau (voir ci-dessus points 554 à 562).

1309. Il s'ensuit que, dans la décision attaquée, la Commission n'était pas en droit de se fonder sur l'appartenance à une association nationale, membre de Cembureau, en tant que critère d'imputation de l'infraction visée à l'article 1er. Comme cela a déjà été souligné, le seul critère d'imputation sur lequel la Commission a pu légalement se fonder vis-à-vis des membres indirects de Cembureau est celui de l'adhésion à l'accord Cembureau à travers la participation à une mesure de mise en œuvre de celui-ci (décision attaquée, paragraphes 45, point 10, et 65, point 3; voir ci-dessus points 563 et 564). Il s'agit du même critère d'imputation que celui utilisé dans la CG.

1310. Il conviendra donc d'examiner si la participation des membres indirects de Cembureau à l'accord Cembureau ressort à suffisance de leur participation à une ou plusieurs mesures de mise en œuvre de l'accord (décision attaquée, paragraphe 65, point 3, premier alinéa).

1311. Dans ces circonstances, l'argumentation examinée est dépourvue d'objet et doit être rejetée.

C Compétence des chefs de délégation et des associations d'entreprises pour conclure l'accord Cembureau

1312. En premier lieu, CBR (T-25-95), Cembureau (T-26-95), la FIC (T-30-95), la VNC (T-32-95), Dyckerhoff (T- 35-95), le SFIC (T-36-95), Vicat (T-37-95), Ciments français (T-39-95), Heidelberger (T-42-95), Lafarge (T- 43-95), Aalborg (T-44-95), Alsen-Breitenburg (T-45-95), Nordcement (T-46-95), le BDZ (T-48-95), Unicem (T- 50-95), Rugby (T-53-95), la BCA (T-54-95), Irish Cement (T-60-95), Cimpor (T-61-95), Secil (T-62-95), l'ATIC (T-63-95), Italcementi (T-65-95), Cementir (T-87-95) et l'AGCI (T-103-95) font valoir qu'un accord comme l'accord Cembureau ne relève pas des activités prévues dans les statuts de Cembureau ni de celles prévues dans les statuts des différentes associations professionnelles nationales impliquées. Les chefs de délégation ne seraient ni un organe statutairement compétent de Cembureau ni un organe statutairement compétent de ces associations susceptibles d'engager valablement les membres de Cembureau. Par ailleurs, ils n'auraient jamais reçu un mandat des membres directs de Cembureau pour conclure l'accord Cembureau.

1313. L'argument tiré d'une incompétence statutaire de Cembureau et des chefs de délégation de Cembureau pour conclure l'accord Cembureau a déjà été rejeté (voir ci-dessus points 923 à 928). Pour les mêmes motifs, tout argument tiré de l'incompétence statutaire des membres directs de Cembureau doit également être rejeté. Comme la Commission a conclu à juste titre, sur la base des éléments de preuve avancés aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée, que, dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, l'accord Cembureau a été conclu et que, au cours des réunions des chefs de délégation des 19 mars et 7 novembre 1984, il a été confirmé (voir ci-dessus point 1095), la seule question qui subsiste est celle de savoir si les chefs de délégation ont agi au nom et pour le compte des membres directs de Cembureau.

1314. Il ressort de l'article 6, premier alinéa, des statuts de Cembureau en vigueur au cours de la période considérée par la décision attaquée que les membres de Cembureau désignaient, avant l'assemblée générale de Cembureau, le représentant chargé d'exercer leur droit de vote. Les représentants des membres directs de Cembureau ainsi désignés étaient dénommés "chefs de délégation". Ce fait a été confirmé par Cembureau dans son mémoire en réponse à la CG, page 7 (décision attaquée, paragraphe 15, point 4): "Comme c'est le cas pour les représentants des gouvernements dans des organismes internationaux et en dépit du fait que le titre de 'head delegate n'est pas statutaire [...], une personne fut nommée 'chef de délégation ('head delegate) pour exercer le droit de vote au sein de l'assemblée générale. Cembureau tenait à jour une liste de ces 'chefs de délégation."

1315. Il s'ensuit que les chefs de délégation étaient mandatés par les membres directs pour prendre des décisions dans le cadre de l'assemblée générale de Cembureau. Leur pouvoir de représentation effectif ne se limitait toutefois pas aux seules assemblées générales de Cembureau.

1316. En effet, il ressort du télex du 17 novembre 1982 (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; document n° 33.126/11558), de M. Van Hove à MM. Collis et Dutron, directeurs de Cembureau, que les chefs de délégation représentaient les membres directs de Cembureau également au cours des réunions des chefs de délégation organisées par Cembureau. Dans ce télex, M. Van Hove, chef de délégation belge, suggérait "d'être invité [à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983] comme président du CLC pour les problèmes CEE et que la Belgique puisse désigner une autre personne comme Head Delegate".

1317. Cette constatation est corroborée par la lettre de convocation "officielle" pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (document n° 33.126/11554), qui a été envoyée à tous les membres directs de Cembureau. Il ressort sans équivoque de cette lettre que les chefs de délégation étaient invités à la réunion du 14 janvier 1983 non à titre personnel, mais en leur qualité de représentant d'un membre direct de Cembureau. En effet, elle énonçait: "La seule chance d'obtenir des résultats positifs est que tous les membres se sentent concernés et prennent part à une réflexion d'ensemble. C'est dans cet esprit que je vous invite à [la] réunion [des chefs de délégation] qui se tiendra dans les locaux de Cembureau à Paris le 14 janvier à 9 heures."

1318. Dans ces circonstances, la Commission était en droit de considérer que, lorsque les chefs de délégation avaient conclu puis confirmé l'accord Cembureau au cours de leurs réunions des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984, ils représentaient et engageaient les membres directs de Cembureau.

1319. En second lieu, la FIC prétend que, par nature, une association professionnelle n'est pas en mesure de conclure un accord restrictif de la concurrence, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, puisqu'elle n'exerce aucune activité commerciale ou productive. Dans le même sens, Cembureau soutient qu'une association doit exercer une activité commerciale pour que l'article 85, paragraphe 1, du traité lui soit applicable. L'ATIC, quant à elle, souligne qu'elle n'aurait pas pu développer, en vertu de ses statuts, un quelconque type d'activité commerciale.

1320. Comme le relève à juste titre la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 44, point 2), il n'est pas nécessaire que les associations professionnelles aient une activité commerciale ou productive propre pour que l'article 85, paragraphe 1, du traité leur soit applicable (arrêts de la Cour du 15 mai 1975, Fruit- en Groentenimporthandel et Frubo/Commission, 71-74, Rec. p. 563, points 28 à 32, ci-après "arrêt Frubo", Van Landewyck e.a./Commission, cité au point 717 ci-dessus, points 87 et 88, du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, Rec. p. 3369, point 19, du 30 janvier 1985, BNIC, 123-83, Rec. p. 391, points 20 et 26, et arrêt CB et Europay/Commission, cité au point 83 ci-dessus, points 76 et 77). En effet, l'article 85, paragraphe 1, du traité s'applique aux associations dans la mesure où leur activité ou celle des entreprises qui y adhèrent tend à produire les effets qu'il vise à réprimer. Toute autre interprétation aurait pour effet de priver l'article 85, paragraphe 1, du traité d'une portée réelle(arrêt Frubo, précité, points 30 et 31).

1321. Il s'ensuit que l'argument doit être rejeté.

D Imputation d'une même infraction à la fois à des entreprises et à des associations

1322. Cembureau (T-26-95), le SFIC (T-36-95), Vicat (T-37-95), le BDZ (T-48-95), Cimpor (T-61-95), Secil (T- 62-95), l'ATIC (T-63-95) et Italcementi (T-65-95) font valoir que la Commission a commis une erreur de droit en retenant la participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée à la fois des associations et des membres de ces associations. Secil explique qu'une même infraction ne peut être qualifiée à la fois d'accord et de décision au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la première qualification concernant des entreprises et la seconde des associations. Une même infraction devrait donc être qualifiée soit d'accord entre entreprises, soit de décision d'associations d'entreprises. Cembureau, le SFIC, Vicat, le BDZ, Cimpor, Secil et l'ATIC prétendent que la Commission n'a pas respecté les conditions posées par la jurisprudence pour que l'imputation d'une même infraction à une association et à ses membres soit admise. Ils expliquent que ce type d'imputation est uniquement admissible lorsque la Commission parvient à démontrer l'existence d'un comportement de l'association distinct et autonome par rapport à celui de ses membres. Dans ces circonstances, l'approche suivie par la Commission constituerait aussi une violation du principe non bis in idem. Selon Italcementi, dans la logique de la description de la décision attaquée, il faudrait d'ailleurs qualifier l'infraction de décision d'association et non pas d'accord entre entreprises. Dès lors, la Commission aurait dû démontrer qu'Italcementi avait marqué son accord sur ce qui avait été décidé au niveau de l'association et qu'elle y avait adhéré. La participation d'Italcementi à l'accord Cembureau n'aurait donc pu être fondée sur sa seule qualité de membre de Cembureau.

1323. Force est de constater que, contrairement à ce que prétend Secil, la Commission n'a pas qualifié l'accord Cembureau à la fois d'accord et de décision d'associations d'entreprises. Elle considère en effet, dans la décision attaquée (paragraphe 45, point 5), que "la règle du respect des marchés domestiques et de réglementation des ventes d'un pays à l'autre constitue un accord".

1324. Toutefois, à l'article 1er de la décision attaquée, elle retient non seulement la participation d'entreprises à l'accord qui y est constaté, mais également celle de plusieurs associations d'entreprises et d'une association d'associations d'entreprises et d'entreprises, à savoir Cembureau.

1325. A cet égard, il y a lieu de relever que les termes de l'article 85, paragraphe 1, du traité n'excluent pas les accords entre associations d'entreprises et entreprises du champ d'application des interdictions qu'il pose. Pour retenir conjointement la participation d'une association et de ses membres à une même infraction, la Commission doit établir, dans le chef de l'association, l'existence d'un comportement distinct de celui de ses membres (arrêt de la Cour du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, 89-85, 104-85, 114-85, 116-85, 117-85 et 125-85 à 129-85, Rec. p. 5193, ci-après "arrêt Pâtes de bois I").

1326. En l'espèce, le rôle distinct joué par les associations dans le cadre de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée ne fait aucun doute. Celui de Cembureau a consisté à prendre l'initiative des réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu puis confirmé et à préparer lesdites réunions (décision attaquée, paragraphe 19). Le rôle distinct des associations nationales membres de Cembureau a consisté à conclure puis à confirmer, avec Cembureau, l'accord Cembureau. Quant aux membres indirects de Cembureau, ils ont adhéré à l'accord par le biais des mesures de mise en œuvre de cet accord. Cette adhésion a été rendue possible par le fait que les associations nationales ont été invitées à répandre autour d'elles des "paroles de sagesse" [projet d'exposé introductif du président pour la réunion du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n° 33.126/11583 à 11585)], circonstance qui souligne également le rôle distinct joué par les associations nationales. Enfin, Cembureau et les associations nationales ont joué un rôle distinct de celui des membres indirects de Cembureau dans la mise en œuvre de l'accord Cembureau. En effet, seuls Cembureau et ses membres directs sont visés par les infractions constituées par les échanges d'informations sur les prix constatées à l'article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision attaquée (voir ci-après points 1450 à 1452).

1327. En revanche, dans la décision attaquée, les entreprises membres des associations visées par la décision attaquée ne sont pas considérées comme ayant conclu l'accord Cembureau. Elles ont, selon la décision attaquée (paragraphes 45, point 10, et 65, point 3, premier alinéa), adhéré à l'accord Cembureau à travers leur participation à une ou plusieurs des mesures de mise en œuvre visées aux articles 3 à 6 de la décision attaquée.

1328. Au vu du rôle distinct joué par les associations et par les entreprises dans la conclusion et dans la mise en œuvre de l'accord visé à l'article 1er de la décision attaquée, la Commission était en droit d'imputer cette infraction à la fois aux associations et aux membres de ces associations. Pour les mêmes raisons, il ne saurait être question d'une violation du principe non bis in idem.

1329. Enfin, quant à l'argument d'Italcementi, indépendamment du point de savoir si l'"accord" Cembureau pouvait également être qualifié de décision d'association(s) d'entreprises, la Commission était en droit de qualifier d'accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité le comportement visé à l'article 1er de la décision attaquée, dès lors qu'elle avait établi l'existence d'un concours de volontés entre les participants aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus point 1072). Il convient d'ajouter que la participation d'Italcementi à l'accord Cembureau a été établie non seulement sur la base de sa qualité de membre de Cembureau, mais aussi sur la base de sa présence à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, au cours de laquelle l'accord Cembureau a été confirmé (décision attaquée, paragraphe 19, point 8, paragraphe 45, points 1, 2, et 10, et paragraphe 65, point 3, premier alinéa). Italcementi ne saurait donc prétendre que sa participation à l'accord Cembureau a été fondée sur sa seule qualité de membre de Cembureau.

1330. Les arguments examinés doivent donc tous être rejetés.

E Participation de Cembureau et de ses membres directs à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée

1331. Il conviendra d'examiner d'abord si la Commission a démontré la participation de Cembureau et de ses membres directs à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (1). Sera examiné ensuite l'argument tiré d'une violation du principe de non-discrimination soulevé par certains membres directs de Cembureau (2). Seront également examinés les arguments de Cembureau et de ses membres directs relatifs à l'insuffisance de motivation de la décision attaquée (3) et à la violation des droits de la défense au cours de la procédure administrative en raison d'un accès insuffisant à certains passages de la CG et à certains documents du dossier d'instruction (4).

1. Preuve de la participation de Cembureau et de ses membres directs à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée

1332. es membres directs de Cembureau sont identifiés au paragraphe 15, point 2, deuxième alinéa, de la décision attaquée. L'article 1er de la décision attaquée vise les membres directs suivants: la FIC, la VNC, Ciments luxembourgeois, le SFIC, Aalborg, le BDZ, Unicem, la BCA, Oficemen, Irish Cement, l'ATIC, Italcementi, Aker, Euroc, Cementir et l'AGCI.

1333. Il y a lieu d'examiner d'abord l'argument d'Aalborg et de la BCA selon lequel elles ont été tenues pour responsables d'actes commis par une autre entité juridique (1.1). Il conviendra d'analyser ensuite, séparément, la situation des parties requérantes qui ont participé à une ou plusieurs réunions des chefs de délégation (1.2), puis celle d'Unicem, qui n'a participé à aucune de ces réunions (1.3).

1.1. Succession de certains membres directs de Cembureau

1334. En premier lieu, Aalborg (T-44-95) reproche à la Commission de l'avoir tenue pour responsable des agissements de la société Aktieselskabet Aalborg Portland-Cement Fabrik, laquelle lui a cédé son site de production de ciment le 1er janvier 1990. Elle souligne que cette société n'a pas cessé d'exister juridiquement, étant devenue une société holding détenant, sous un nouveau nom, 50 % des actions d'Aalborg. Comme l'accord Cembureau n'a pas été retranscrit sur papier, Aalborg n'aurait pas été en mesure d'en prendre connaissance lors de la cession. Elle dénonce par ailleurs un défaut de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne une responsabilité retenue contre elle du fait d'actes commis par une autre entreprise.

1335. Il convient de relever qu'Aalborg a reconnu à l'audience que sa constitution, en date du 26 juin 1990, et la reprise par elle, avec effet rétroactif au 1er janvier 1990, de la cimenterie de la société Aktieselskabet Aalborg Portland-Cement Fabrik s'inscrivaient dans le cadre d'une réorganisation du groupe auquel elle appartient. Dès lors, il doit être considéré que la partie requérante et la société Aktieselskabet Aalborg Portland-Cement Fabrik constituent une même entité économique aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité (arrêt de la Cour du 28 mars 1984, CRAM et Rheinzink/Commission, 29-83 et 30-83, Rec. p. 1679, point 9). Il s'ensuit que la Commission était en droit de tenir Aalborg pour responsable des activités de la société Aktieselskabet Aalborg Portland-Cement Fabrik.

1336. Quant au prétendu défaut de motivation, il y a lieu de constater que la CG (annexe 5 à la requête) a été adressée à Aalborg. A l'audience, celle-ci a reconnu que, dans sa réponse à la CG, elle n'a pas soutenu devant la Commission qu'elle ne pouvait pas être tenue pour responsable des activités d'Aktieselskabet Aalborg Portland- Cement Fabrik. Dans de telles circonstances, et puisque cette dernière entreprise et la partie requérante constituaient une même entité économique aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, l'institution n'était pas tenue d'expliquer davantage, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle tenait Aalborg pour responsable des comportements d'Aktieselskabet Aalborg Portland-Cement Fabrik.

1337. En second lieu, la BCA (T-54-95) reproche à la Commission de la tenir pour responsable des prétendues activités illégales menées par un autre organisme, la CMF (voir ci-dessus point 91), qui représentait auprès de Cembureau les intérêts de l'industrie britannique du ciment jusqu'au 1er juin 1988. Elle souligne que les activités exercées par la BCA, prises dans leur ensemble, étaient fondamentalement différentes de celles de la CMF.

1338. Il y a lieu de constater que, dans la décision attaquée (paragraphe 45, point 12), la Commission expose les raisons qui l'ont conduite à considérer que la BCA devait répondre des comportements de la CMF. Elle relève ainsi que les membres de la CMF étaient membres de la Cement and Concrete Association (ci-après "CCA") et que, le 1er juin 1988, la CMF a été dissoute, et ses activités ainsi que la représentation des intérêts des producteurs britanniques de ciment ont été transférées à la CCA, laquelle, à la même date, aurait changé ses statuts et sa dénomination en BCA. Il y aurait donc eu continuation de l'activité de la CMF par la BCA et identité des membres des deux associations.

1339. Il est constant que, jusqu'au 1er juin 1988, date à laquelle elle est devenue membre de Cembureau, la BCA était dénommée CCA et que, avant la même date, la CMF représentait les intérêts de l'industrie britannique du ciment au sein de Cembureau. Il ressort d'une résolution de la CMF du 1er juin 1988 (documents n° 33.126/17259 et 17260) que, à cette date, la CMF a effectivement été dissoute et que la partie requérante a repris ses actifs. Enfin, il n'est pas contesté qu'il y avait identité des membres des deux associations, que le dernier président de la CMF est devenu le président de la BCA et que le chef de délégation représentant la CMF à Cembureau (M. Marshall) est devenu le chef de délégation représentant la BCA.

1340. Même si, comme le prétend la partie requérante, les activités de la CMF concernaient surtout les CPMA (voir ci-dessus point 91), auxquels il a été mis un terme en 1987 avant la création de la BCA, et si la BCA exerce certaines fonctions qui n'ont jamais été exercées par la CMF, il existait une identité évidente entre la CMF et la BCA pour ce qui concerne les activités exercées au sein de Cembureau et, partant, pour les comportements reprochés à la BCA dans la décision attaquée (arrêts Suiker Unie e.a./Commission, cité au point 651 ci-dessus, points 84 à 88, et CRAM et Rheinzink/Commission, cité au point 1335 ci-dessus, point 9). En effet, la BCA a succédé à la CMF en tant que membre de Cembureau et, à la suite de la reprise des activités de la CMF, la même personne a continué à exercer la fonction de chef de délégation britannique au sein de Cembureau.

1341. Dans ces circonstances, la Commission était en droit de décider que la BCA devait répondre des comportements de la CMF dans le cadre de Cembureau. L'argument de la BCA doit donc être rejeté.

1.2. Parties requérantes ayant participé à une ou plusieurs des réunions des chefs de délégation

1.2.1. Participation aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu puis confirmé

1342. Il n'est pas contesté que Cembureau a été représenté par son président, M. Bailly, assisté des deux directeurs, MM. Collis et Dutron, aux trois réunions des chefs de délégation visées au paragraphe 19 de la décision attaquée. La présence de ces personnes ressort d'ailleurs des documents intitulés "réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983" (décision attaquée, paragraphe 19, point 4; document n° 33.126/11581), "réunion des chefs de délégation, Noordwijk, 19 mars 1984" (décision attaquée, paragraphe 19, point 8; documents n° 33.126/11699 et 11700), et "réunion des chefs de délégation, Paris, 7 novembre 1984" (décision attaquée, paragraphe 19, point 13; document n° 33.126/11752).

1343. Par ailleurs, tous les membres directs de Cembureau, à l'exception d'Unicem (voir ci-après points 1404 à 1417), ont participé à une ou plusieurs des réunions des chefs de délégation visées dans la décision attaquée.

1344. S'agissant d'abord de la réunion du 14 janvier 1983, il ressort du document intitulé "réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983" que les chefs de délégation belge (M. Pestalozzi), néerlandais (M. Platschorre), luxembourgeois (M. Tesch), français (M. Poitrat), danois (M. Stevens Larsen), allemand (M. Schuhmacher), britannique (Sir Milne), espagnol (M. Bertrán), irlandais (M. Quirke), portugais (M. Toscano Jr), norvégien (M. Heiberg), suédois (M. Borelius) et grec (M. Canellopoulos) y ont assisté. En outre, il ressort du même document que Cementir a délégué à cette réunion un membre de son personnel, en qualité de chef de délégation (M. Cesareni). La participation de ces différents chefs de délégation n'a d'ailleurs nullement été contestée au cours de la procédure devant le Tribunal.

1345. Comme les chefs de délégation représentaient les membres directs de Cembureau (voir ci-dessus points 1314 à 1318), la participation à la réunion de la FIC, de la VNC, de Ciments luxembourgeois, du SFIC, d'Aalborg, du BDZ, de la CMF/BCA (voir ci-dessus points 1337 à 1341), d'Oficemen, d'Irish Cement, de l'ATIC, d'Aker, d'Euroc, de Cementir et de l'AGCI, membres directs, peut d'ores et déjà être constatée.

1346. Italcementi (T-65-95) prétend que son chef de délégation, M. Pesenti, n'a pas participé à la réunion pour cause de maladie. Elle relève à cet égard que le document intitulé "réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983" n'est pas daté. Ce document démontrerait uniquement que M. Pesenti a oublié d'informer Cembureau qu'il ne serait pas présent à la réunion. Au soutien de son argument, elle se réfère au projet de procès-verbal de la réunion du comité exécutif du 22 décembre 1982 (décision attaquée, paragraphe 19, point 3; document n° 33.126/11565), au projet de procès-verbal de la réunion du comité exécutif du 9 novembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 17, point 5; documents n° 33.322/286 à 294) et à un compte rendu d'un entretien téléphonique entre MM. Dutron et d'Agostino (décision attaquée, paragraphe 19, point 11; document n° 33.126/11698).

1347. Force est de constater que la présence de M. Pesenti à la réunion du 14 janvier 1983 était prévue. Le document intitulé "réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983" mentionne en effet son nom parmi les chefs de délégation qui allaient participer à la réunion.

1348. Toutefois, les documents avancés par Italcementi jettent le doute sur la présence effective de M. Pesenti à la réunion. En effet, ils démontrent l'absence de M. Pesenti, pour des raisons de santé, à plusieurs réunions pendant la période allant de la fin de l'année 1982 au début de l'année 1984. Bien que le projet de procès-verbal de la réunion du comité exécutif du 22 décembre 1982 mentionne uniquement l'absence de M. Pesenti à cette réunion, le projet de procès-verbal de la réunion du comité exécutif du 9 novembre 1983 explique que M. Pesenti a été empêché de participer aux réunions précédentes pour des raisons de santé et fait en outre état de l'absence de M. Pesenti à cette réunion. S'agissant du compte rendu d'un entretien téléphonique entre MM. Dutron et d'Agostino, il mentionne que ce dernier assistera à la réunion du 19 mars 1984, dans la mesure où M. Pesenti sera empêché d'y assister pour des raisons de santé. Enfin, le projet de procès-verbal de la réunion du comité exécutif du 8 novembre 1984 (annexe 4.11 à la requête de Cembureau) fait état du décès de M. Pesenti.

1349. Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que la Commission n'a pas établi la participation de M. Pesenti, et donc d'Italcementi, à la réunion du 14 janvier 1983.

1350. En ce qui concerne la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, il y a lieu de constater la présence non contestée du chef de délégation de la FIC, de la VNC, de Ciments luxembourgeois, du SFIC, d'Aalborg, du BDZ, de la CMF/BCA (voir ci-dessus points 1337 à 1341), d'Oficemen, d'Irish Cement, de l'ATIC, d'Aker, d'Euroc et de l'AGCI (voir, aussi, document intitulé "réunion des chefs de délégation, Noordwijk, 19 mars 1984").

1351. "Bien que les données rassemblées ne soient pas parfaitement comparables, eu égard aux différences en matière de quotation des prix, il a été convenu que la présentation visuelle de la gamme des prix était un moyen efficace de mettre en relief les causes potentielles de conflit qui existent [...]" 1518.

1352. Enfin, en ce qui concerne la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984, la présence non contestée des chefs de délégation de la FIC, de Ciments luxembourgeois, du SFIC, d'Aalborg, du BDZ, de la CMF/BCA (voir ci-dessus points 1337 à 1341), d'Irish Cement, de l'ATIC, d'Euroc, de Cementir, de l'AGCI (voir, aussi, document intitulé "réunion des chefs de délégation, Paris, 7 novembre 1984"), et donc de ces membres directs de Cembureau eux-mêmes, doit également être constatée.

1353. Il résulte de tout ce qui précède que Cembureau, la FIC, la VNC, Ciments luxembourgeois, le SFIC, Aalborg, le BDZ, la BCA, Oficemen, Irish Cement, l'ATIC, Italcementi, Aker, Euroc, Cementir et l'AGCI ont tous participé à une ou plusieurs réunions des chefs de délégation au cours desquelles un concours de volontés s'est manifesté ou réaffirmé sur le principe du respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre. Par leur présence, ils ont souscrit ou, à tout le moins, donné à penser aux autres participants qu'ils souscrivaient au contenu de l'accord Cembureau conclu puis confirmé au cours desdites réunions (arrêt du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, cité au point 140 ci-dessus, point 232, et arrêt Tréfileurope/Commission, cité au point 958 ci-dessus, point 85). A défaut de manifestation d'une distanciation, ces parties requérantes doivent donc être considérées comme ayant participé à l'accord Cembureau visé à l'article 1er de la décision attaquée (arrêts Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 155, et Montecatini/Commission, cité au point 270 ci-dessus, point 181; arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, cité au point 140 ci-dessus, point 232, du 6 avril 1995, Boël/Commission, T- 142-89, Rec. p. II-867, point 60, et Mayr-Melnhof/Commission, cité au point 897 ci-dessus, point 135). La durée de leur participation à l'accord Cembureau sera examinée ultérieurement.

1.2.2. Manifestations de distanciation et autres circonstances invoquées pour contester toute participation à l'accord Cembureau

1354. La FIC (T-30-95) et Ciments luxembourgeois (T-34-95) indiquent que leur adhésion à un accord contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité ne saurait être établie sur la base d'une absence de manifestation de distanciation de leur part.

1355. Cet argument est dénué de pertinence. La participation des membres directs de Cembureau à l'accord Cembureau n'a pas été établie sur la base d'une absence de manifestation de distanciation. Elle l'a été sur la base de leur appartenance à Cembureau et de leur participation à une ou plusieurs réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu puis confirmé (voir ci-dessus point 1302).

1356. La FIC, la VNC (T-32-95), Ciments luxembourgeois, le SFIC (T-36-95), Aalborg (T-44-95), le BDZ (T- 48-95), la BCA (T-54-95), Oficemen (T-59-95), Irish Cement (T-60-95), l'ATIC (T-63-95), Italcementi (T- 65-95), Cementir (T-87-95) et l'AGCI (T-103-95) se prévalent de l'existence d'une manifestation de distanciation de leur part ou d'autres circonstances particulières qui excluraient leur participation à l'accord Cembureau.

1357. n premier lieu, la FIC, Aalborg, le BDZ, la BCA et l'AGCI prétendent ne jamais avoir eu connaissance de l'accord Cembureau avant l'engagement d'une procédure par la Commission. Ils ne pourraient donc pas avoir participé à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée.

1358. La FIC explique encore qu'elle a été informée du seul contenu de la réunion du 7 novembre 1984 par une note de son président, M. Van Hove, du 12 novembre 1984 (décision attaquée, paragraphe 44, point 3; documents n° 33.126/2063 à 2069 et 2436 à 2447), laquelle indiquait expressément qu'aucun problème interne à la Communauté n'avait été traité ni même évoqué au cours de cette réunion (voir ci-dessus point 1029). Contrairement à ce que prétend la Commission, ce fait ne serait pas contredit par le procès-verbal n° 88 du conseil d'administration de la FIC du 23 février 1983 (décision attaquée, paragraphe 44, point 3; documents n° 33.126/2035 à 2043; la décision attaquée mentionne erronément le 23 mars 1983), qui mentionne seulement Cembureau dans le cadre d'une réunion de la FIC du 11 janvier 1983 visant à préparer la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983. Enfin, la FIC conteste l'affirmation de la Commission selon laquelle "les procès-verbaux [de la FIC] ne reproduisent pas toujours le contenu réel des discussions tenues au sein du conseil d'administration" (décision attaquée, paragraphe 44, point 3).

1359. La BCA ajoute que sa prétendue connaissance de l'accord Cembureau repose sur une fiction juridique. Même si la CMF avait eu connaissance de l'accord, ce qu'elle conteste, la BCA n'en aurait jamais été informée avant l'engagement de la procédure administrative.

1360. Ces arguments doivent être rejetés. Il est en effet constant que les chefs de délégation belge, danois, allemand, britannique et grec ont assisté aux trois réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu puis confirmé (voir ci-dessus points 1344, 1345, 1350 et 1352). Comme ces chefs de délégation représentaient et engageaient chacun, à ces occasions, un membre direct de Cembureau (voir ci-dessus points 1314 à 1318), la connaissance de l'accord Cembureau qu'avaient les chefs de délégation belge, danois, allemand, britannique et grec doit être imputée directement à la FIC, à Aalborg, au BDZ, à la BCA, en tant que successeur de la CMF (voir ci-dessus points 1337 à 1341), et à l'AGCI.

1361. A titre surabondant, il convient de relever que le compte rendu du président de la FIC, M. Van Hove, du 12 novembre 1984, au conseil d'administration de celle-ci ne permet de tirer aucune conclusion sur la nature des informations qui auraient pu être communiquées à la FIC à la suite des réunions des 14 janvier 1983 et 19 mars 1984. Enfin, la contestation par la FIC de l'affirmation de la Commission selon laquelle les procès-verbaux de la FIC ne reproduisaient pas toujours le contenu réel des discussions tenues au sein du conseil d'administration est dépourvue de pertinence. Dans la décision attaquée, cet élément n'est pas entré en ligne de compte pour démontrer la participation de la FIC à l'accord Cembureau. Cette participation a été retenue aux motifs que cette association était membre de Cembureau et qu'elle avait participé à des réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu puis confirmé (décision attaquée, paragraphe 19, points 4, 8 et 13, paragraphe 45, points 1, 2 et 10, et paragraphe 65, point 3, premier alinéa).

1362. En second lieu, la FIC prétend que, s'il fallait considérer que Cembureau et ses membres ont conclu un accord restreignant la concurrence, plusieurs interventions des représentants de l'industrie du ciment belge devraient être considérées comme l'expression d'une distanciation à l'égard du prétendu accord Cembureau. A titre d'exemples, elle cite l'aide-mémoire rédigé à la suite de la réunion qu'elle a organisée le 11 janvier 1983 pour préparer la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (annexe 14 à sa requête), les documents mentionnés au point 18 du procès-verbal n° 88 de la réunion de son conseil d'administration du 23 février 1983 (annexes 15, 16 et 17 à sa requête), l'intervention du chef de délégation belge à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737) et le procès-verbal n° 112 de la réunion de son conseil d'administration du 1er septembre 1987 (annexe 20 à sa requête).

1363. Toutefois, aucun de ces documents ne démontre que la FIC se soit distanciée ouvertement du contenu des trois réunions des chefs de délégation visées par la décision attaquée, auxquelles elle a participé.

1364. S'agissant de l'aide-mémoire rédigé à la suite de la réunion organisée par la FIC, le 11 janvier 1983, pour préparer la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, il convient de relever que ce document, "[t]ransmis à M. Pestalozzi, porte-parole FIC c.c. à M. J. Van Hove, président du CLC", est intitulé "Réunion Cembureau des chefs de délégation du 14.01.1983 à Paris en vue d'examiner les facteurs exerçant une influence sur les marchés du ciment. Aide-mémoire de la réunion préparatoire du 11.01.1983 à la FIC". Le fait que ledit document ne se réfère pas à un principe de respect des marchés domestiques n'exclut pas qu'un accord portant sur ce principe ait été arrêté quelques jours plus tard dans le cadre de la réunion du 14 janvier 1983. En outre, l'aide- mémoire en question ne contient aucun indice de nature à démontrer que M. Pestalozzi, chef de délégation belge, et M. Van Hove, président de la FIC, qui ont participé à cette réunion (décision attaquée, paragraphe 19, point 4; document n° 33.126/11581), avaient l'intention de se distancier du contenu de celle-ci.

1365. De même, aucun des documents mentionnés au point 18 du procès-verbal n° 88 de la réunion du conseil d'administration de la FIC du 23 février 1983 ne rend compte de la manifestation d'une distanciation d'une quelconque nature de la part de la FIC à l'égard du contenu de l'accord Cembureau. A cet égard, il convient de souligner que l'absence de mention de l'accord Cembureau dans un document, qui n'est pas suffisante pour donner un éclairage différent aux documents établissant par ailleurs sa conclusion lors de la réunion du 14 janvier 1983 (voir ci-dessus point 1116), ne saurait davantage prouver une manifestation de distanciation à l'égard de l'accord dans le chef de l'auteur dudit document.

1366. S'agissant de l'intervention du chef de délégation belge à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, elle est reproduite en ces termes dans les notes de séance concernant cette réunion: "Belgique: l'attention est attirée sur le fait que, si effectivement une partie des exportations de ciment de l'Allemagne vers les Pays-Bas ont un caractère structurel et traditionnel, il s'y ajoute depuis plusieurs années des exportations 'sauvages' complémentaires vers les Pays-Bas et la Belgique. Les discussions précédentes entre chefs de délégation n'ayant pas modifié cet état de choses, il est estimé inutile de tenir un pareil débat au sein de Cembureau." Le fait que le chef de délégation belge a cru nécessaire de faire part aux autres participants de ses préoccupations à l'égard de ces "exportations 'sauvages' complémentaires" traduit clairement sa volonté d'appeler l'attention des membres de Cembureau sur un "point chaud" mettant en péril le principe de respect des marchés domestiques qui avait été arrêté lors de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983. Loin de constituer la manifestation d'une distanciation par rapport à l'accord Cembureau, l'intervention du chef de délégation belge s'est donc pleinement inscrite dans l'optique du respect dudit accord. La prétendue inutilité d'un débat entre chefs de délégation ne se rapporte qu'au problème d'exportations "sauvages" vers la Belgique et les Pays-Bas et non aux autres "points chauds" identifiés dans le mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729) et dans les notes de séance concernant cette réunion (décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737). Enfin, par sa présence aux réunions des chefs de délégation des 19 mars et 7 novembre 1984 au cours desquelles l'accord Cembureau a été confirmé, la FIC a, en tout état de cause, donné à penser aux autres participants qu'elle continuait à souscrire au contenu de l'accord Cembureau.

1367. S'agissant, enfin, du procès-verbal n° 112 du conseil d'administration de la FIC du 1er septembre 1987, il contient quelques observations sur le rôle que Cembureau doit jouer.

1368. Il convient de rappeler que, à cette époque, des discussions ont eu lieu concernant le rôle et l'avenir de Cembureau (voir ci-dessus points 1194 et 1195). Le procès-verbal n° 112 du 1er septembre 1987 fait état de la position de la FIC dans ce débat. Toutefois, il ne présente aucun rapport avec les discussions qui ont eu lieu au cours des réunions des chefs de délégation visées par la décision attaquée et ne démontre nullement que la FIC se soit distanciée ouvertement du contenu de ces réunions.

1369. La FIC relève encore que l'aide-mémoire rédigé à la suite de la réunion de la FIC du 11 janvier 1983 et visant à préparer la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 ainsi que plusieurs autres documents illustrent le souci constant de l'industrie du ciment belge d'agir dans le respect des règles du droit communautaire de la concurrence, en concertation avec les services de la Commission.

1370. Cependant, les références aux règles de la concurrence communautaires dans les documents invoqués par la FIC ne sont pas de nature à donner un éclairage différent au faisceau des preuves documentaires directes montrant, d'une part, que, au cours de la réunion du 14 janvier 1983, les chefs de délégation se sont entendus sur le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre (voir ci-dessus points 979 à 985) et que, d'autre part, M. Pestalozzi, chef de délégation belge, et M. Van Hove, président de la FIC, ont participé à ladite réunion sans se distancier ouvertement du contenu de celle-ci. Ainsi, loin d'exonérer la FIC, les documents qu'elle invoque démontrent le caractère délibéré de l'infraction commise.

1371. Enfin, la FIC prétend n'avoir ratifié a posteriori ni l'accord prétendument conclu lors de la réunion du 14 janvier 1983 ni la confirmation de celui-ci lors des réunions des 19 mars et 7 novembre 1984.

1372. Cet argument est dénué de pertinence. Dans la décision attaquée, il n'est nullement reproché à la FIC d'avoir ratifié a posteriori l'accord conclu le 14 janvier 1983 puis confirmé les 19 mars et 7 novembre 1984. Il lui est reproché d'avoir conclu cet accord et de l'avoir confirmé auxdites dates (décision attaquée, paragraphe 45, points 1 et 2). Or, la FIC n'a jamais contesté la présence du chef de délégation belge aux trois réunions en cause. Dès lors que le chef de délégation belge représentait et engageait la partie requérante au cours de ces réunions (voir ci-dessus points 1314 à 1318) et que les preuves documentaires directes mentionnées aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée démontrent l'existence de l'accord Cembureau (voir ci-dessus point 1095), la participation de la FIC à celui-ci est elle-même établie.

1373. En troisième lieu, la VNC, Ciments luxembourgeois, la BCA, Irish Cement, Italcementi, Cementir et l'AGCI soutiennent qu'elles n'avaient aucun intérêt à participer à l'accord Cembureau, qu'elles jouaient un rôle modeste sur le marché du ciment et qu'elles avaient des raisons spécifiques pour participer aux réunions des chefs de délégation.

1374. Toutefois, les faits et circonstances invoqués par les parties requérantes concernées ne sont pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes mentionnées aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée, qui établissent l'existence de l'accord Cembureau (voir ci-dessus point 1095). Comme il est établi que Ciments luxembourgeois, la CMF/BCA (voir ci-dessus points 1337 à 1341), Irish Cement et l'AGCI ont participé aux trois réunions en cause, que la VNC a participé à celles des 14 janvier 1983 et 19 mars 1984, que Cementir a participé à celles des 14 janvier 1983 et 7 novembre 1984 et qu'Italcementi a participé à celle du 19 mars 1984, ces parties requérantes, qui n'affirment même pas s'être distanciées ouvertement du contenu desdites réunions, ont, par leur présence même à celles-ci, souscrit au contenu de l'accord Cembureau ou, à tout le moins, donné à penser aux autres participants qu'elles y souscrivaient. Leur participation à l'accord Cembureau est donc établie.

1375. La VNC et Cementir se prévalent de leur absence à l'une des trois réunions des chefs de délégation, respectivement celle du 7 novembre 1984 et celle du 19 mars 1984, pour contester toute participation à l'infraction.

1376. Cet argument doit être rejeté. La seule présence de la VNC et de Cementir à l'une des réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu ou confirmé suffit pour retenir leur participation au concours de volontés intervenu.

1377. En quatrième lieu, Ciments luxembourgeois fait valoir, pour contester sa participation à l'accord Cembureau, qu'elle n'a pas été, dans la décision attaquée, identifiée comme l'une des parties aux contacts bilatéraux qui ont été discutés lors des réunions. Elle souligne que, contrairement à la CG (paragraphe 13), la décision attaquée ne vise plus les limitations quantitatives des livraisons de ciment du Luxembourg vers la Belgique. Italcementi, quant à elle, juge la décision attaquée contradictoire, en ce qu'elle retient sa participation à l'accord Cembureau sans lui faire grief d'avoir pris part aux ententes bilatérales visées à l'article 3 de la décision attaquée, lesquelles constitueraient les seules mesures de mise en œuvre dudit accord. De même, l'AGCI estime que le mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 doit être mis en relation avec les infractions visées à l'article 3 de la décision attaquée, auxquelles ni les membres de cette partie requérante ni elle-même n'ont participé.

1378. Il doit toutefois être constaté que, dans la décision attaquée, la participation de Ciments luxembourgeois, d'Italcementi et de l'AGCI à l'accord Cembureau a été établie sur la base de leur qualité de membres directs de Cembureau et de leur participation à une ou plusieurs des réunions des chefs de délégation en cause (décision attaquée, paragraphe 19, points 4, 8 et 13, paragraphe 45, points 1, 2 et 10, et paragraphe 65, point 3, premier alinéa). La circonstance que, dans la décision attaquée, la participation de ces parties requérantes à l'accord Cembureau a été retenue alors même qu'elles n'ont pas participé aux infractions visées à l'article 3 de la décision attaquée ne révèle donc aucune contradiction.

1379. Comme il est établi que Ciments luxembourgeois et l'AGCI ont participé aux trois réunions en question et qu'Italcementi a participé à celle du 19 mars 1984, ces parties requérantes, qui ne prétendent même pas qu'elles se soient distanciées ouvertement du contenu desdites réunions, ont, par leur présence même à celles-ci, souscrit au contenu de l'accord Cembureau ou, à tout le moins, donné à penser aux autres participants qu'elles y souscrivaient. Leur participation à l'accord Cembureau est donc établie, même si elles n'ont pas participé à des contacts ou ententes bilatéraux.

1380. En cinquième lieu, le SFIC soutient que la participation de son président aux réunions des chefs de délégation de Cembureau s'inscrivait dans le cadre statutaire de ses fonctions syndicales qui, jusqu'à preuve du contraire, doivent être présumées avoir été exercées de manière licite. Or, les différents éléments de preuve avancés par la Commission dans la décision attaquée ne seraient pas de nature à renverser cette présomption de légitimité. Le SFIC reproche dès lors à la Commission d'avoir méconnu celle-ci en soutenant que sa seule participation aux réunions impliquait son adhésion à l'accord Cembureau.

1381. Il n'est pas contesté que le SFIC a participé aux trois réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus points 1344, 1345, 1350 et 1352). Le SFIC, qui ne prétend même pas qu'il se soit distancié ouvertement du contenu des réunions en cause, a, par sa présence à celles-ci, souscrit au contenu de l'accord Cembureau ou, à tout le moins, donné à penser aux autres participants qu'il y souscrivait. Dans ces circonstances, la Commission était en droit de retenir, dans la décision attaquée, la participation du SFIC à l'accord Cembureau.

1382. Le SFIC insiste encore sur la distinction qu'il conviendrait de faire entre le commerce intermembres de Cembureau et le commerce intracommunautaire. Selon lui, étant donné que la moitié des participants aux réunions des chefs de délégation de Cembureau provenait de pays tiers à la Communauté, la Commission ne pouvait pas prendre en considération les éléments relatifs à des pays comme l'Espagne ou le Portugal pour mettre en cause le comportement d'entreprises implantées dans des pays membres de la Communauté.

1383. Cet argument manque de pertinence, dans la mesure où le SFIC est une association d'entreprises. En tout état de cause, la participation du SFIC à l'accord Cembureau a été établie sur la base de sa qualité de membre direct de Cembureau et de sa participation à des réunions de chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu puis confirmé (décision attaquée, paragraphe 19, points 4, 8 et 13, paragraphe 45, points 1, 2 et 10, et paragraphe 65, point 3, premier alinéa). La Commission n'a donc nullement pris en considération des éléments relatifs à des pays tiers.

1384. En sixième lieu, Aalborg prétend qu'elle ne peut pas être considérée comme une partie à l'accord Cembureau, dès lors que, au cours de la réunion du 19 mars 1984, les échanges de vues ont eu lieu en français, langue que son représentant, M. Stevens Larsen, ne maîtrisait pas. Par ailleurs, ce dernier ne se serait pas exprimé au cours de la réunion et n'aurait pas été invité à se prononcer sur les éventuelles décisions prises, que ce soit sous la forme d'un vote, d'une acceptation écrite, de l'approbation du compte rendu ou d'un document analogue. A l'audience, Aalborg a encore soutenu que les discussions au cours de la réunion du 14 janvier 1983 s'étaient également déroulées en français.

1385. Cet argument doit être rejeté. Il n'est en effet nullement crédible que le chef de délégation danois se soit déplacé à deux reprises pour assister à des réunions qui auraient été tenues uniquement dans une langue qu'il ne comprenait pas. En outre, comme l'a relevé la Commission à l'audience, l'argument d'Aalborg est contredit par le contenu du document n° 33.126/11582 dont il ressort clairement qu'une interprétation simultanée du français vers l'anglais et vice versa était prévue pour la réunion du 14 janvier 1983. Quant à l'argument tiré du prétendu comportement passif d'Aalborg, il est établi qu'elle a participé aux trois réunions des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus points 1344, 1345, 1350 et 1352). Aalborg, qui ne prétend même pas qu'elle se soit distanciée ouvertement du contenu de celles-ci, a, par sa présence même à ces réunions, souscrit au contenu de l'accord Cembureau ou, à tout le moins, donné à penser aux autres participants qu'elle y souscrivait. Dans ces circonstances, la Commission était en droit de retenir, dans la décision attaquée, la participation d'Aalborg à l'accord Cembureau.

1386. En septième lieu, Oficemen fait valoir que, à supposer même que l'accord Cembureau ait été conclu, il existe des preuves concluantes montrant qu'elle n'y a jamais adhéré. Elle se réfère à cet égard aux préoccupations exprimées par les producteurs irlandais [projet d'exposé introductif du président pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n° 33.126/11583 à 11585)] et britanniques [note interne de Blue Circle du 1er décembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 18, point 2; documents n° 33.126/11332 à 11334)] à l'encontre des importations en provenance d'Espagne, ainsi qu'aux plaintes antidumping adressées en 1983 et en 1985 par le CLC à la Commission contre lesdites importations. Enfin, elle souligne que le mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 précise que les exportations de l'Espagne vers l'Irlande et le Royaume-Uni constituaient toujours, à cette époque, un "point chaud".

1387. Il convient d'observer que les différents éléments avancés par Oficemen, qui illustrent davantage le comportement de ses membres que son propre comportement, ne sauraient occulter la réalité de sa participation aux réunions des 14 janvier 1983 et 19 mars 1984 (voir ci-dessus points 1344, 1345 et 1350). Par sa présence à ces réunions, Oficemen, qui ne prétend même pas qu'elle se soit distanciée ouvertement du contenu des réunions, a souscrit d'une manière continue au contenu de l'accord Cembureau ou, à tout le moins, donné à penser aux autres participants qu'elle y souscrivait. Sa participation à l'accord Cembureau à l'époque des réunions des chefs de délégation est donc établie. Toutefois, dans la décision attaquée, la participation d'Oficemen à l'accord Cembureau n'a été considérée comme constitutive d'une infraction qu'à partir du 1er janvier 1986 (voir ci-dessus point 1303). Il y aura donc lieu d'examiner ultérieurement si, au 1er janvier 1986, la participation d'Oficemen était encore effective (voir ci-après points 4226 à 4232).

1388. En huitième lieu, Aalborg, Irish Cement et Italcementi prétendent que leur comportement démontre qu'elles n'ont pas adhéré à l'accord Cembureau. Aalborg affirme qu'elle a organisé ses ventes, et en particulier ses exportations, en fonction de considérations commerciales autonomes. Irish Cement se prévaut de l'augmentation de ses exportations au Royaume-Uni dans le courant des années 80 pour nier toute adhésion à un quelconque accord de respect des marchés domestiques. Italcementi, quant à elle, prétend que la Commission n'a pas démontré que son comportement ait été influencé par le contenu des informations échangées au cours des réunions des chefs de délégation visées dans la décision attaquée.

1389. Ces arguments doivent être rejetés. En effet, il est établi qu'Aalborg et Irish Cement ont participé aux trois réunions des chefs de délégation en cause (voir ci-dessus points 1344, 1345, 1350 et 1352) et qu'Italcementi a participé à celle du 19 mars 1984 (voir ci-dessus point 1351). Par leur présence à ces réunions de chefs de délégation, Aalborg, Irish Cement et Italcementi, qui ne prétendent même pas qu'elles se soient distanciées ouvertement du contenu des réunions, ont souscrit au contenu de l'accord Cembureau ou, à tout le moins, ont donné à penser aux autres participants qu'elles y souscrivaient. Or, selon une jurisprudence constante, le fait qu'une entreprise ne se conforme pas aux résultats des réunions ayant un objet manifestement anticoncurrentiel n'est pas de nature à la priver de sa pleine responsabilité du fait de sa participation à l'entente, dès lors qu'elle ne s'est pas distanciée ouvertement du contenu des réunions (arrêts Mayr-Melnhof/Commission, cité au point 897 ci-dessus, point 135, et Tréfileurope/Commission, cité au point 958 ci-dessus, point 85). A supposer même que le comportement sur le marché des parties requérantes concernées n'ait pas été conforme aux "règles du jeu" convenues, cela n'affecte donc en rien leur responsabilité du chef d'une participation à l'accord Cembureau.

1390. En neuvième lieu, Aalborg, le BDZ et Cementir font valoir qu'ils n'ont pas été cités dans les documents établissant l'existence de l'accord Cembureau. Dans ces conditions, la Commission n'aurait pas été en droit de retenir leur participation à cet accord dans la décision attaquée.

1391. Cet argument doit être rejeté. Le fait que les parties requérantes ne sont pas nommément citées dans la documentation relative à l'accord Cembureau n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes mentionnées aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée, qui démontrent que les participants à la réunion du 14 janvier 1983, parmi lesquels figurent les chefs de délégation désignés par Aalborg, le BDZ et Cementir, ont conclu l'accord Cembureau (voir ci-dessus point 1095), sans révéler le moindre indice d'une manifestation ouverte de distanciation du contenu de la réunion de la part de ces parties. 1392.

1392. En dixième lieu, le BDZ fait valoir qu'il compte 37 membres et qu'aucun élément ne permet de conclure que ces membres ont été informés par lui du prétendu accord Cembureau. De même, Oficemen et l'ATIC soutiennent n'avoir jamais transmis ni imposé à leurs membres aucune règle, indication ou instruction en exécution du prétendu accord Cembureau.

1393. Cette circonstance, même à la supposer fondée, ne saurait occulter la réalité de la participation du BDZ, d'Oficemen et de l'ATIC à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et, partant, leur participation directe à l'accord Cembureau (voir ci-dessus points 1095, 1344 et 1345).

1394. Enfin, en onzième lieu, l'AGCI reproche à la Commission de ne pas avoir prouvé que, en participant aux réunions des chefs de délégation mises en cause, elle avait donné aux autres participants l'impression qu'elle partageait leurs éventuels objectifs illicites. Elle invoque à cet égard une note interne de Blue Circle du 24 octobre 1986 de M. Horner (document n° 33.126/11132), qui, expliquant que les producteurs grecs n'étaient pas liés par les mêmes règles commerciales que les autres producteurs européens, montrerait clairement qu'ils avaient toujours été considérés comme des tiers indésirables, parce qu'ils ne se pliaient pas aux règles adoptées par les grands producteurs européens.

1395. A cet égard, il convient de relever que l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée est imputée à la fois à l'AGCI et aux producteurs grecs Heracles, Titan et Halkis. Dans ces conditions, même si, comme le prétend la partie requérante, la note interne de Blue Circle du 24 octobre 1986 de M. Horner faisait état d'une distanciation des producteurs grecs par rapport au contenu de l'accord Cembureau, une telle circonstance ne saurait être prise en considération pour apprécier la réalité de la participation de l'AGCI à l'infraction en question. Or, il est constant que l'AGCI a participé aux trois réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus points 1344, 1345, 1350 et 1352). Par sa présence à ces réunions, elle a souscrit au contenu de l'accord Cembureau ou, à tout le moins, a donné à penser aux autres participants qu'elle souscrivait et qu'elle continuait à souscrire à cet accord. La participation de l'AGCI à l'accord Cembureau est donc établie. La participation d'Heracles, de Titan et d'Halkis à l'accord Cembureau sera examinée ci-après aux points 4074 à 4077, 4096 à 4101 et 4210 à 4213.

1.2.3. Inopposabilité alléguée de certains documents aux membres directs de Cembureau

1396. Certaines parties requérantes, membres directs de Cembureau, à savoir la VNC (T-32-95), le BDZ (T-48-95), Cementir (T-87-95) et l'AGCI (T-103-95), font valoir que certains documents mentionnés aux paragraphes 18 et 19 de la décision attaquée ne peuvent être utilisés pour démontrer leur participation à l'accord Cembureau, dès lors que ces documents n'émanent pas d'elles-mêmes et qu'elles n'en ont pas eu connaissance avant l'ouverture de la procédure administrative (voir ci-dessus points 1050 à 1053). A l'audience, Aalborg (T-44-95) et Irish Cement (T-60-95) ont fait valoir un argument similaire.

1397. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de cet argument pour autant qu'il a été soulevé par Aalborg et Irish Cement, il y a lieu de le rejeter. En effet, la circonstance que les parties requérantes concernées n'ont pas participé à l'élaboration de l'un ou l'autre document ou qu'elles n'en avaient pas connaissance avant l'ouverture de la procédure administrative n'est pas de nature à rendre ces documents inopposables à leur égard à titre d'éléments de preuve de l'infraction retenue à leur charge (voir, en ce sens, arrêt Empresa Nacional Siderúrgica/Commission, cité au point 1053 ci-dessus, point 312). Il y a lieu de rappeler que l'ensemble des éléments de preuve mentionnés aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée démontre que la Commission a conclu à juste titre à l'existence de l'accord Cembureau (voir ci-dessus point 1095). Or, il est constant que toutes les parties requérantes mentionnées au point précédent ont participé à la réunion du 14 janvier 1983 et, au moins, à l'une des deux réunions des 19 mars et 7 novembre 1984, sans se distancier ouvertement du contenu de ces réunions. Leur participation à l'accord Cembureau est donc établie.

1398. A l'audience, Irish Ciment a invoqué l'inopposabilité des notes internes de Blue Circle (décision attaquée, paragraphe 18, points 2 et 3; documents n° 33.126/11332 à 11337) et de la déclaration de M. Kalogeropoulos du 25 juin 1986 (décision attaquée, paragraphe 18, point 5; documents n° 33.126/19875 à 19877), du fait qu'elle n'a pas eu l'occasion d'interroger ("cross-examine") les auteurs de ces documents.

1399. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de cet argument, soulevé pour la première fois à l'audience, il doit être rejeté. En effet, en l'espèce, la procédure administrative a été régie par les dispositions des règlements n° 17 et 99-63, qui ne prévoient aucune forme de "cross-examination". En tout état de cause, l'argument d'Irish Cement ne vise pas les documents mentionnés au paragraphe 19 de la décision attaquée relatifs aux réunions des chefs de délégation, lesquels démontrent la conclusion et la confirmation de l'accord Cembureau au cours de ces réunions et la participation d'Irish Cement à celles-ci (voir ci-dessus points 921 à 1095, 1344, 1345, 1350 et 1352).

1.2.4. Conclusions sur la participation de Cembureau et de ses membres directs, à l'exception d'Unicem, à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée

1400. Il est établi que Cembureau, la FIC, la VNC, Ciments luxembourgeois, le SFIC, Aalborg, le BDZ, la BCA, Oficemen, Irish Cement, l'ATIC, Aker, Euroc, Cementir et l'AGCI ont participé à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (voir ci-dessus points 1344 et 1345). La Commission a, dans ces conditions, établi leur participation, à compter de cette dernière date, à l'accord Cembureau, au regard des éléments de preuve avancés aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée, qui démontrent que l'accord a été conclu dans le cadre de ladite réunion, et en l'absence d'indice montrant que l'un des participants se serait distancié ouvertement du contenu de celle-ci.

1401. En ce qui concerne Cembureau, la FIC, la VNC, Ciments luxembourgeois, le SFIC, Aalborg, le BDZ, la BCA, Irish Cement, Cementir et l'AGCI, elle a donc pu légalement retenir leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée à partir du 14 janvier 1983. Il conviendra d'examiner ultérieurement la continuité de leur participation à cette infraction.

1402. S'agissant d'Oficemen et de l'ATIC, d'une part, et d'Euroc, d'autre part, membres directs établis à l'époque des faits en dehors du territoire de la Communauté, la Commission leur a imputé l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée à partir, respectivement, du 1er janvier 1986 et du 9 juin 1986. Quant à Aker, qui demeure établie en dehors du territoire de la Communauté, la Commission a retenu sa participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée à partir du 9 juin 1986. La Commission explique que, "[p]our Oficemen et l'ATIC, [...] [elle] pourrait prendre en considération les effets dans la Communauté de leur adhésion à l'accord en cause à partir de la date à laquelle elles y ont adhéré; toutefois elle prend en considération l'infraction à partir du 1er janvier 1986, puisque la participation des entreprises espagnoles et portugaises n'a, d'après les informations en possession de la Commission, produit d'effets significatifs dans la Communauté qu'après l'adhésion de leurs pays à la Communauté" (décision attaquée, paragraphe 45, point 11). S'agissant d'Aker et d'Euroc, la Commission fait valoir qu'elle "ne dispose pas de preuve que leur participation à l'accord ou principe Cembureau a eu d'effet à l'intérieur de la Communauté avant [le 9 juin 1986]" (décision attaquée, paragraphe 65, point 4, quatrième tiret). Bien que la participation de ces quatre parties à l'accord Cembureau soit démontrée, il conviendra donc d'examiner ultérieurement la continuité et le caractère infractionnel de cette participation à partir des deux dates retenues par la décision attaquée (voir ci-après points 4226 à 4242).

1403. Pour ce qui concerne enfin Italcementi, il a été constaté que la participation de cette entreprise à la réunion du 19 mars 1984 démontre sa participation à l'accord Cembureau et, partant, à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (voir ci-dessus point 1351). La participation d'Italcementi à cette infraction est donc, en tout état de cause, établie à partir du 19 mars 1984. Il conviendra d'examiner ultérieurement si, sur la base d'une participation à l'une ou l'autre mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau, la Commission était en droit de fixer au 14 janvier 1983 le point de départ de la participation d'Italcementi à l'infraction (voir ci-après points 4224 et 4225).

1.3. Situation d'Unicem, membre direct de Cembureau qui n'a participé à aucune des réunions des chefs de délégation

1404. Unicem souligne qu'elle n'a participé à aucune des réunions des chefs de délégation visées par la décision attaquée. Elle prétend, en outre, ne jamais avoir été informée de la tenue de ces réunions. Sa participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée ne serait donc pas établie.

1405. Dans la décision attaquée (paragraphe 44, point 4), la Commission estime: "L'absence aux réunions des organes auxquels des membres ont droit de participer n'implique pas la non-application des décisions et/ou des accords convenus au sein de ces organes à/ou par ces membres absents. En règle générale, l'appartenance à une association signifie en accepter les règles et les comportements et implique la conscience que l'association et/ou l'organisation agit grâce aussi à l'apport direct ou indirect de chaque membre et grâce au fait qu'elle peut compter sur son consentement et son appui. A moins d'un acte de dissentiment, ceci vaut non seulement pour les activités prévues par les statuts de l'association, mais également pour les activités de fait de celle-ci." Elle relève par ailleurs (décision attaquée, paragraphe 45, point 13, in fine): "Le fait [qu'Unicem] n'ait pas assisté à des réunions ne signifie pas qu'[elle] n'était pas partie à l'accord de respect des marchés domestiques et de réglementation des ventes d'un pays à l'autre, d'abord parce que d'autres chefs de délégation italiens étaient présents et qu'ils représentaient leur pays, ensuite parce que l'association agit grâce à l'apport de tous les membres présents et absents, et enfin parce qu'au moment où Unicem a subi avec les autres producteurs italiens les effets des importations grecques elle a reçu le soutien des autres membres de Cembureau (voir par. 27 ci-dessus), bénéficiant ainsi de la solidarité inhérente à la règle du marché domestique."

1406. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le point de savoir si Unicem a été informée de la tenue des réunions des chefs de délégation, il est constant que ni M. Nasi, chef de délégation désigné par elle pour la représenter dans le cadre de Cembureau (réponse d'Unicem du 5 juin 1998 à une question écrite du Tribunal), ni aucun autre membre du personnel d'Unicem n'a participé aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984. Ce fait ressort des listes des personnes Attendues à celles-ci (décision attaquée, paragraphe 19, points 4, 8 et 13; documents n° 33.126/11581, 11699, 11700 et 11752). Il a, en outre, été reconnu par la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 45, point 13) et au cours de la procédure devant le Tribunal (mémoire en défense dans l'affaire T-50-95, point 49).

1407. Il convient donc d'examiner si, en l'absence de son chef de délégation, Unicem a, comme le prétend la Commission, été représentée aux trois réunions par un autre chef de délégation italien.

1408. La Commission fait valoir que la fonction de chef de délégation est assimilable à celle des représentants des gouvernements dans des organismes internationaux. Pour démontrer que le chef de délégation italien présent représentait les trois membres italiens de Cembureau, elle se réfère au compte rendu suivant d'un entretien téléphonique entre MM. Dutron et d'Agostino (décision attaquée, paragraphe 19, point 11; document n° 33.126/11698): "M. G. Pesenti, grippé, ne sera pas à Noordwijk mais M. d'Agostino représentera l'Italie à la réunion des Head Delegates." Elle se réfère en outre à la mention de l'Etat membre d'origine, et non de l'entreprise, du chef de délégation dans le document intitulé "réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983" (décision attaquée, paragraphe 19, point 4; document n° 33.126/11581).

1409. Il y a lieu de constater que, à l'époque des réunions des chefs de délégation de 1983 et 1984, Cembureau comptait trois membres italiens, à savoir Unicem, Italcementi et Cementir, qui nommaient chacun leur propre chef de délégation. Le fait que les trois membres directs italiens de Cembureau disposaient chacun d'un chef de délégation est déjà de nature à contredire l'argument de la Commission selon lequel un seul chef de délégation italien avait compétence pour les représenter tous les trois.

1410. La présence prévue de deux chefs de délégation italiens à la réunion du 14 janvier 1983, à savoir M. Pesenti, d'Italcementi, et M. Cesareni, de Cementir, qui ressort du document intitulé "réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983", contredit aussi l'existence d'un mandat donné par les trois membres italiens au seul chef de délégation italien présent. 1411.

Enfin, si, comme le prétend la Commission, chacun des trois chefs de délégation italiens représentait l'ensemble des membres italiens de Cembureau, M. Pesenti, d'Italcementi, empêché d'assister à la réunion du 19 mars 1984, se serait fait remplacer non par un autre membre du personnel d'Italcementi, M. d'Agostino, mais par le chef de délégation de Cementir ou d'Unicem.

1412. Il y a donc lieu d'admettre qu'Unicem n'a pas été représentée au cours des réunions des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984. Par voie de conséquence, Unicem n'a pas directement participé au concours de volontés qui s'est manifesté au cours de ces réunions.

1413. Même si, comme le souligne la Commission, une association agit grâce à l'apport de tous les membres présents et absents et si appartenir à une association signifie en accepter les règles et les comportements, la participation d'Unicem à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée ne peut être retenue que s'il est établi que cette entreprise a donné son consentement, explicite ou implicite, au contenu de l'accord Cembureau. En effet, la seule qualité de membre de Cembureau ne saurait suffire à rendre Unicem responsable des décisions manifestement illicites prises par les chefs de délégation en son absence. Il convient de souligner à cet égard que la Commission n'a pas contredit l'allégation de Cembureau selon laquelle les statuts de celui-ci ne conféraient aucun pouvoir statutaire aux chefs de délégation en tant qu'organe (décision attaquée, paragraphe 15, point 4).

1414. En l'absence d'une preuve documentaire d'un consentement d'Unicem pour ce qui concerne les discussions qui ont eu lieu au cours des trois réunions, il convient d'examiner si le comportement de cette entreprise ne traduit pas un tel consentement. 1415.

1415. Sur ce point, la Commission souligne qu'Unicem a mis en œuvre l'accord Cembureau dans le cadre de l'ETF [décision attaquée, paragraphe 45, point 13; article 4, paragraphes 1, 2, et 3, sous a) et sous b)] et en participant aux activités de l'ECEC (décision attaquée, paragraphe 58 et article 5).

1416. Ainsi, aux fins de la démonstration d'une participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée, la situation d'Unicem est assimilable à celle d'un membre indirect de Cembureau. En effet, comme pour un membre indirect, la participation d'Unicem à l'accord Cembureau ne peut être retenue que s'il est démontré qu'elle a participé à une mesure de mise en œuvre de celui-ci (voir ci-dessus points 1307 à 1311).

1417. Il sera examiné ultérieurement si la prétendue participation d'Unicem aux comportements visés aux articles 4 et 5 de la décision attaquée peut être considérée comme une mise en œuvre, de sa part, de l'accord Cembureau (voir ci-après points 4102 à 4107). A ce stade, l'examen de sa participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée doit donc être réservé.

2. Violation du principe d'égalité de traitement

1418. La VNC (T-32-95) considère que la décision attaquée est discriminatoire à son égard, puisque tous les membres de Cembureau n'ont pas été sanctionnés dans la décision attaquée. A titre d'exemple, elle cite les membres de Cembureau provenant de pays tiers à la Communauté. De même, l'ATIC (T-63/95) prétend qu'une application cohérente du principe énoncé au paragraphe 44, point 4, de la décision attaquée aurait dû conduire la Commission à sanctionner tous les membres directs de Cembureau pour les infractions commises dans le cadre de cette association.

1419. Il y a lieu de constater que les seuls membres directs de Cembureau qui ne sont pas visés par la décision attaquée, à savoir les membres autrichien, finlandais, islandais, suisse et turc, étaient tous établis dans un pays qui n'était pas, au moment de l'adoption de la décision attaquée, un Etat membre de la Communauté. En outre, la décision attaquée ne contient aucun indice susceptible de démontrer que ces membres directs aient participé à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau (voir ci-dessus point 1303). La situation des membres directs de Cembureau qui ne sont pas visés par la décision attaquée diffère donc de celle de la VNC et de l'ATIC, qui, à la date retenue comme point de départ de leur participation à l'infraction, étaient établies dans la Communauté et avaient participé à une ou plusieurs mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau. L'argument tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement doit donc être rejeté.

1420. En tout état de cause, même s'il était établi que quelques membres directs de Cembureau non visés par la décision attaquée se trouvaient dans une situation analogue à celle des parties requérantes concernées, une telle constatation ne permettrait pas d'écarter l'infraction retenue à l'encontre de la VNC et de l'ATIC, dès lors que celle-ci a été correctement établie (arrêt Pâtes de Bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146).

1421. Aalborg (T-44-95) prétend encore que, en vertu du principe d'égalité de traitement, la Commission aurait dû vérifier si sa participation à l'accord Cembureau avait eu des effets dans la Communauté, comme elle l'a fait pour les entreprises espagnoles et portugaises.

1422. Cet argument doit être rejeté, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 1420.

3. Violation de l'article 190 du traité

1423. Le SFIC (T-36-95) reproche à la Commission de ne pas avoir suffisamment motivé l'applicabilité de l'article 85 du traité à son égard. Elle aurait amalgamé plusieurs concepts, sans jamais justifier de quelle façon, sur la base de la jurisprudence communautaire, une association pouvait être réputée s'être engagée à conclure et à exécuter un accord tel que l'accord Cembureau. Dès lors que l'infraction retenue à l'égard des associations d'entreprises repose sur les agissements de fait de personnes exerçant des fonctions en leur sein, la jurisprudence imposerait à la Commission de motiver spécialement sa décision à cet égard, en raison de la nouveauté de la question.

1424. Cet argument doit être rejeté. Au paragraphe 44 (point 1) de la décision attaquée, la Commission entame son appréciation juridique par la question de l'applicabilité de l'article 85 du traité aux associations d'entreprises, en soulignant que, ce problème se posant plusieurs fois tout au long de l'exposé, il est utile de fixer, in limine, les principes essentiels valables pour les situations de participation d'associations à des comportements tombant sous le coup de l'article 85 du traité. Dans le même paragraphe (points 2 et 3), elle procède à l'analyse de la jurisprudence communautaire applicable à la question et elle réfute les observations formulées à ce sujet par un certain nombre d'associations, dont le SFIC, au cours de la procédure administrative. Enfin, la décision attaquée expose les raisons pour lesquelles les associations d'entreprises sont tenues pour responsables des agissements de fait de personnes exerçant des fonctions en leur sein (décision attaquée, paragraphe 44, point 3, second alinéa, et point 4, second alinéa).

1425. Aalborg (T-44-95) reproche à la Commission de ne pas avoir expliqué dans son appréciation juridique les bases de sa théorie, nouvelle selon cette partie requérante, de la responsabilité liée à un défaut de distanciation, dont elle se prévaut au paragraphe 44 de la décision attaquée.

1426. Cependant, dès lors que la Commission a établi la présence d'Aalborg aux réunions des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, points 4, 8 et 13; documents n° 33.126/11581, 11699, 11700 et 11752) ainsi que la conclusion et la confirmation de l'accord Cembureau au cours de ces réunions, elle était en droit de considérer qu'Aalborg avait participé à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée, à défaut de manifestation d'une distanciation. Cette approche de la Commission, d'ailleurs consacrée par la jurisprudence (voir, par exemple, arrêt du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, cité au point 140 ci-dessus, point 232), ne nécessitait donc pas une motivation spécifique.

1427. Enfin, la BCA (T-54-95) soutient que la Commission n'a pas clairement expliqué ce qui l'a amenée à conclure qu'elle devait être tenue pour responsable des activités illégales menées au sein de Cembureau.

1428. Toutefois, les motifs pour lesquels la BCA a été tenue pour responsable de l'infraction dénoncée à l'article 1er de la décision attaquée sont exposés de manière claire aux paragraphes 44, 45, particulièrement points 1, 2, 7, 10 et 12, et paragraphes 46 et 65, particulièrement points 3 et 8, de la décision attaquée. L'argument de la BCA doit donc aussi être rejeté.

4. Violation des droits de la défense à l'occasion de l'accès au dossier

4.1. Eléments à charge

1429. Unicem (T-50-95) reproche à la Commission de ne pas avoir eu accès au cours de la procédure administrative au "Members Directory" de Cembureau. S'agissant d'un élément à charge utilisé dans la décision attaquée (paragraphe 45, point 13), ses droits de la défense auraient été violés.

1430. Il convient de constater que, dans la décision attaquée (paragraphe 45, point 13), la Commission se réfère au "Members Directory" pour réfuter l'allégation d'Unicem selon laquelle aucun de ses représentants n'aurait eu la qualification de chef de délégation. Selon la Commission, "ceci ne correspond pas à la réalité, puisque M. Nasi, d'Unicem, était à l'époque des faits, et l'a été au moins jusqu'en 1988, chef de délégation (voir 'Members Directory de Cembureau de juillet 1988, p. 56)".

1431. L'argument tiré d'une violation de ses droits de la défense apparaît abusif en la présente espèce, dès lors qu'Unicem elle-même a reconnu, dans sa réponse du 5 juin 1998 à une question écrite du Tribunal, qu'elle avait désigné M. Nasi comme chef de délégation au cours de la période prise en considération par la décision attaquée. En tout état de cause, cet argument est devenu sans objet. En effet, il a déjà été constaté que la Commission ne pouvait pas se fonder sur la désignation de M. Nasi comme chef de délégation pour retenir la responsabilité d'Unicem dans le cadre de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée, puisque M. Nasi n'a participé à aucune des réunions au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu puis confirmé (voir ci-dessus points 1404 à 1417).

4.2. Eléments à décharge

1432. Dans les observations qu'ils ont déposées à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997, Cembureau (T-26-95) et Cementir (T-87-95) soutiennent qu'ils n'ont pas eu accès à des éléments à décharge au cours de la procédure administrative se rapportant à leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée.

4.2.1. Affaire T-26-95, Cembureau/Commission

1433. Cembureau soutient, dans ses observations du 10 février 1997, qu'aucun des documents des dossiers nationaux qu'il a pu consulter ne révèle qu'il était préoccupé par le commerce intracommunautaire de ciment. Au contraire, les documents ayant trait aux importations étayeraient son argumentation selon laquelle, d'une part, il n'était pas lié par un prétendu accord international de partage du marché et, d'autre part, aucun accord de ce genre n'existait. Ainsi, le dossier relatif à la France ne contiendrait aucune preuve montrant que Cembureau aurait été mêlé de quelque façon que ce fût à la surveillance des niveaux des importations exercée du côté français (documents n° 33.126/14809 à 14827 et 33.126/14941 à 14976).

1434. Cependant, l'argumentation de Cembureau n'aurait pas pu conduire la procédure administrative à un résultat différent. En effet, les commentaires qu'il aurait pu développer sur la base des documents mentionnés au point précédent n'auraient pas été de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est appuyée dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45) pour établir l'existence de l'accord Cembureau. Ces commentaires n'auraient pas non plus été de nature à donner un éclairage différent aux documents intitulés "réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983" (décision attaquée, paragraphe 19, point 4; document n° 33.126/11581), "réunion des chefs de délégation, Noordwijk, 19 mars 1984" (décision attaquée, paragraphe 19, point 8; documents n° 33.126/11699 et 11700), et "réunion des chefs de délégation, Paris, 7 novembre 1984" (décision attaquée, paragraphe 19, point 13; document n° 33.126/11752), dont il ressort que Cembureau a participé aux trois réunions des chefs de délégation visées par la décision attaquée et, partant, à la conclusion et à la confirmation de l'accord Cembureau.

4.2.2. Affaire T-87-95, Cementir/Commission

1435. Cementir affirme, dans ses observations du 10 février 1997, qu'elle a trouvé dans les dossiers nationaux une série de documents prouvant que le marché européen du ciment était naturellement segmenté en zones territoriales distinctes, que les échanges intracommunautaires de ciment se limitaient nécessairement aux zones frontalières ou, pour autant que possible, aux exportations par voie maritime ou fluviale, et que ces échanges pouvaient tout au plus concerner certaines entreprises déterminées, à l'exclusion d'elle-même qui ne faisait aucun commerce à l'exportation. Elle n'aurait donc pas pu être concernée par le prétendu accord Cembureau.

1436. Il convient de relever que les trois producteurs italiens de ciment, dont Cementir, ont déjà fait valoir, dans leur mémoire en réponse à la CG, que l'Italie ne pouvait pas être concernée par l'accord sur le respect des marchés domestiques, puisqu'elle n'importait et n'exportait pas (décision attaquée, paragraphe 45, point 14). Dans la décision attaquée (paragraphe 45, point 14), la Commission expose toutefois les raisons pour lesquelles elle estime que "cette prise de position n'est pas correcte", ajoutant: "En tout état de cause [...] il n'en reste pas moins que les entreprises de ces pays membres de Cembureau ont participé à un accord ayant un objet anticoncurrentiel." Partant, les commentaires additionnels que Cementir aurait pu formuler pour démontrer qu'elle ne se livrait pas au commerce à l'exportation n'auraient, de toute évidence, pas été de nature à conduire la procédure administrative à un résultat différent.

1437. Dans ses observations du 29 décembre 1997, Cementir invoque encore un certain nombre de documents qui démontreraient l'existence d'accords locaux entre différents producteurs de ciment. Elle se réfère à cet égard aux documents n° 33.126/837, 838, 860, 861, 985 à 1009, 1119 à 1134, 1175 à 1179, 1543 à 1551, 1574 à 1577, 2934, 2935, 2945 à 2951, 2954 à 2966, 3065 à 3068, 4066 à 4069, 4251 à 4253, 4263 à 4269 et 5682 à 5687. Ces documents prouveraient l'absence totale d'implication de Cementir dans des ententes locales.

1438. Il y a lieu de rappeler que seule la participation de Cementir à des ententes internationales a été retenue dans la décision attaquée [articles 1er, 2, 4, paragraphes 1, 2 et 3, sous a) et sous b), et article 5]. Partant, les commentaires que Cementir aurait pu formuler pour démontrer son absence totale d'implication dans certaines ententes locales n'auraient pas pu conduire la procédure administrative à un résultat différent. En tout état de cause, même si les documents invoqués démontraient que Cementir n'a pas participé à quelques ententes internationales, cette constatation ne serait pas de nature à donner un éclairage différent aux éléments de preuve mentionnés dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphe 18, 19 et 45), qui démontrent la conclusion de l'accord Cembureau dans le cadre de la réunion du 14 janvier 1983 (voir ci-dessus point 1095), ni au document, intitulé "réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983" (décision attaquée, paragraphe 19, point 4; document n° 33.126/11581), opposable à Cementir (voir ci-dessus points 329 et 330), dont il ressort que le chef de délégation de cette société, M. Cesareni, a participé à ladite réunion et, partant, à la conclusion de l'accord Cembureau.

F Participation d'Unicem, des membres indirects de Cembureau et de Buzzi à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée

1439. Unicem n'a été représentée à aucune des réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu ou confirmé. S'agissant des membres indirects de Cembureau, ils ont été indirectement représentés par leur association nationale au cours desdites réunions. Quant à Buzzi, elle est totalement étrangère à Cembureau.

1440. Hormis Hispacement, qui n'a pas introduit de recours en annulation à l'encontre de la décision attaquée, les membres indirects de Cembureau visés par l'article 1er de la décision attaquée sont: CBR, ENCI, Dyckerhoff, Vicat, Cedest, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Alsen-Breitenburg, Nordcement, Valenciana, Rugby, Asland, Castle, Heracles, Uniland, Cimpor, Secil, Titan, Holderbank, Hornos Ibéricos, Blue Circle et Halkis. Dans la décision attaquée, la preuve de la participation de ces entreprises à l'infraction visée à l'article 1er repose sur leur participation à une ou plusieurs mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau. En effet, en ce qui les concerne, la décision énonce (paragraphe 65, point 3, premier alinéa) que "la Commission ne prend en considération, aux fins de la [...] décision [attaquée], que les entreprises représentées au sein de Cembureau par leur association qui ont, en plus de leur appartenance à l'association, clairement manifesté leur adhésion à l'accord en participant" à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

1441. Il y a lieu toutefois de relever que la Commission se fonde aussi sur la présence d'un chef de délégation, membre du personnel de certains membres indirects de Cembureau, à savoir Blue Circle, CBR, Ciments français, Lafarge, Dyckerhoff, Heidelberger, Titan, ENCI, Asland et Cimpor, aux réunions visées par la décision attaquée pour constater que "la participation de ces entreprises à l'accord ne fait [..] pas de doute" [décision attaquée, paragraphe 65, point 3, sous b)]. Quoique le passage précité, extrait du paragraphe 65, point 3, premier alinéa, de la décision attaquée, puisse prêter à confusion, il ressort clairement de la décision attaquée que la présence d'un membre du personnel d'une entreprise membre indirect de Cembureau à une des réunions des chefs de délégation n'a pas suffi pour retenir la participation de cette entreprise à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée. En effet, la preuve de la participation du membre indirect à l'accord Cembureau a été tirée non pas de sa présence aux réunions en cause, mais de sa participation à une ou plusieurs mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau. Pour cette raison, les membres indirects de Cembureau, dont un membre du personnel avait assisté à une ou plusieurs réunions des chefs de délégation ont été considérés tout comme les autres membres indirects et à la différence des membres directs comme ayant "participé indirectement à [l']accord [Cembureau], à travers leur participation aux différents arrangements et mesures convenus pour compléter l'accord général et/ou pour concourir à son application" (décision attaquée, paragraphe 45, point 10). Pour cette raison également, Ciments d'Obourg, membre indirect de Cembureau dont un membre du personnel, M. Pestalozzi, a assisté à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 4), n'est pas visée par l'article 1er de la décision attaquée, la Commission n'ayant pas constaté la participation de cette entreprise à une des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

1442. S'agissant d'Unicem, il a été constaté que, aux fins de la démonstration de la participation de cette entreprise, membre direct de Cembureau, à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée, sa situation est assimilable à celle d'un membre indirect de Cembureau (voir ci-dessus point 1416). Ainsi, sa participation à l'accord Cembureau ne pourra être retenue que s'il est démontré qu'elle a participé à une des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

1443. Enfin, en ce qui concerne Buzzi, qui n'est ni membre direct ni membre indirect de Cembureau, la Commission considère que cette société a "appliqué en fait, à travers les pratiques concertées [visées à l'article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée] avec Ciments français, Lafarge et Vicat, qui, eux, étaient en liaison avec Cembureau, l'accord ou principe de respect des marchés domestiques" [décision attaquée, paragraphe 65, point 3, sous c); voir aussi paragraphe 48, point 2]. Ainsi, pour cette entreprise, sa participation à des mesures de mise en œuvre, à savoir les infractions visées à l'article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée, "est à considérer comme fournissant la preuve de sa participation à l'accord ou principe Cembureau de respect des marchés domestiques" (décision attaquée, paragraphe 65, point 4).

1444. Il ressort de ce qui précède que, aussi bien pour les membres indirects de Cembureau que pour Unicem et Buzzi, la preuve d'une participation à l'accord Cembureau repose sur leur participation à une ou plusieurs mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau, et donc sur une adhésion à celui-ci. 1445.

Dès lors, l'argument de Ciments français et d'Unicem selon lequel leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée aurait été prouvée sur la base de l'absence d'une manifestation de distanciation de leur part doit d'ores et déjà être rejeté.

1446. Les mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau sont visées aux articles 2 à 6 de la décision attaquée. Elles ont été considérées non seulement comme des éléments constitutifs de l'accord unique et continu Cembureau, mais aussi "comme des infractions en soi" (décision attaquée, paragraphe 46, point 1).

1447. Pour apprécier si Unicem, les membres indirects de Cembureau et Buzzi ont participé à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée, il conviendra donc de vérifier, dans un premier temps, s'ils ont participé à des arrangements visés aux articles 2 à 6 de la décision attaquée (voir ci-après points 1450 à 4015) et, dans un second temps, si leur participation à ces arrangements, constituant éventuellement déjà des infractions en tant que telles, doit être considérée, en ce qui les concerne, comme une mise en œuvre de l'accord Cembureau (voir ci-après points 4016 à 4114).

1448. Il s'ensuit que l'examen de la participation de CBR, d'ENCI, de Dyckerhoff, de Vicat, de Cedest, de Ciments français, de Heidelberger, de Lafarge, d'Alsen-Breitenburg, de Nordcement, d'Unicem, de Buzzi, de Valenciana, de Rugby, d'Asland, de Castle, d'Heracles, d'Uniland, de Titan, de Cimpor, de Secil, de Holderbank, d'Hornos Ibéricos, de Blue Circle et d'Halkis à l'accord Cembureau doit être réservé.

G Conclusions

1449. Sans préjudice de la question dont l'examen vient d'être réservé, les moyens tirés de violations des articles 85, paragraphe 1, et 190 du traité, du principe d'égalité de traitement et des droits de la défense, en ce que la Commission constate, à l'article 1er de la décision attaquée, l'existence d'un accord contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité et la participation des différentes parties requérantes mises en cause, doivent être rejetés.

IV Sur les moyens tirés de violations des articles 85, paragraphe 1, et 190 du traité, du principe d'égalité de traitement et des droits de la défense, en ce que la Commission constate l'existence de deux infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité, portant sur des échanges d'informations sur les prix au niveau de Cembureau, et la participation des différentes parties requérantes mises en cause (décision attaquée, article 2, paragraphes 1 et 2)

Observations liminaires

1450. A l'article 2 de la décision attaquée, la Commission constate l'existence de deux infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en rapport l'une et l'autre avec des échanges d'informations sur les prix intervenus au niveau de Cembureau.

1451. A l'article 2, paragraphe 1, elle constate que Cembureau et une série de membres directs de celui-ci ont pris part, à l'occasion des réunions des chefs de délégation et du comité exécutif de Cembureau, à des accords d'échange d'informations sur les prix, qui auraient visé à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau.

1452. A l'article 2, paragraphe 2, elle constate que Cembureau et ces mêmes membres directs ont participé à des pratiques concertées d'échanges périodiques d'informations sur les prix, qui auraient également eu pour but de faciliter l'exécution de l'accord Cembureau.

1453. Toutes les parties requérantes visées à l'article 2 de la décision attaquée font valoir des arguments tendant à l'annulation de cette partie du dispositif. Certains arguments sont tirés d'un défaut de concordance entre la CG et la décision attaquée. Quelques parties requérantes contestent la conclusion d'accords d'échange d'informations sur les prix lors des réunions des chefs de délégation et du comité exécutif de Cembureau. D'autres font valoir que certaines informations sur les prix visées à l'article 2, paragraphe 2, n'ont pas été correctement identifiées par la Commission. Une série d'arguments visent à contester le caractère infractionnel des échanges d'informations sur les prix constatés à l'article 2. Enfin, certaines parties requérantes nient leur participation à l'une et/ou l'autre des infractions constatées ou, à tout le moins, la durée de cette participation. Lors de l'examen de ces différents arguments, les parties requérantes concernées seront identifiées.

1454. Par ailleurs, Cembureau (T-26-95), la FIC (T-30-95), la VNC (T-32-95), le SFIC (T-36-95), Aalborg (T- 44-95), Unicem (T-50-95), Irish Cement (T-60-95), l'ATIC (T-63-95), Italcementi (T-65-95) et Cementir (T- 87-95) reprochent à la Commission d'avoir, à l'occasion de la constatation des infractions dénoncées à l'article 2, violé leurs droits de la défense, en ne leur accordant pas, au cours de la procédure administrative, l'accès à l'intégralité de la CG et de son dossier d'instruction, les privant ainsi de prétendus éléments à leur décharge.

1455. Lafarge (T-43-95), Rugby (T-53-95), Castle (T-56-95), Heracles (T-57-95), Cimpor (T-61-95), Secil (T- 62-95), Aker (T-70-95), Euroc (T-71-95), Blue Circle (T-88-95) et Halkis (T-104-95) formulent également une série d'arguments visant à contester, sur le fond, la légalité de l'article 2. Cependant, les infractions constatées dans cette disposition ne leur sont pas reprochées. Leurs arguments sont donc dépourvus de toute pertinence. Ils doivent en conséquence être rejetés d'emblée.

1456. A la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997, Rugby (T- 53-95), Castle (T-56-95), Titan (T-64-95), Aker (T-70-95) et Euroc (T-71-95) ont par ailleurs mis en avant une série d'éléments visant à démontrer que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent, pour ce qui concerne les infractions relatives aux échanges d'informations sur les prix intervenus au niveau de Cembureau, si elles avaient disposé de l'intégralité de la CG et du dossier d'instruction de la Commission pour préparer leur défense à la CG. Pour les motifs énoncés ci-dessus au point 257, ces arguments doivent également être rejetés.

1457. A l'effet d'apprécier la légalité de l'article 2 de la décision attaquée, il convient de vérifier si la Commission a retenu à bon droit l'existence des accords et des pratiques concertées qu'elle constate dans cette disposition et si, à cette occasion, elle a violé les droits de la défense des parties requérantes mentionnées ci-dessus au point 1454, en ne leur accordant pas l'accès intégral à son dossier au cours de la procédure administrative.

Accords d'échange d'informations sur les prix à l'occasion des réunions de Cembureau (décision attaquée, article 2, paragraphe 1)

1458. Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, Cembureau, la FIC, Aalborg, le SFIC, le BDZ, l'AGCI, Irish Cement, Italcementi, Unicem, Cementir, Ciments luxembourgeois, la VNC, la BCA, du 14 janvier 1983 au 14 avril 1986, et l'ATIC et Oficemen, du 1er janvier 1986 au 14 avril 1986, "ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en participant à des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix, visant à faciliter l'exécution de l'accord visé à l'article 1er, aux réunions des chefs de délégation et du comité exécutif de Cembureau".

1459. Eu égard aux arguments développés par les parties requérantes pour contester la légalité de l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, il convient d'examiner si l'infraction constatée était déjà reprochée dans la CG (A), s'il est établi que des accords d'échange d'informations sur les prix sont intervenus au cours des réunions des chefs de délégation et du comité exécutif de Cembureau (B) et si le caractère infractionnel de ces accords (C), ainsi que la participation à ceux-ci des différentes associations et entreprises visées à l'article 2, paragraphe 1 (D), sont établis.

A Sur la concordance entre la CG et la décision attaquée

1460. La VNC (T-32-95), le SFIC (T-36-95) et Unicem (T-50-95) soutiennent que l'infraction qui leur est reprochée à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée est un grief nouveau, qui ne figurait pas dans la CG. Le SFIC affirme que, dans la CG, le seul grief retenu en matière d'échanges d'informations au niveau de Cembureau avait trait à une pratique concertée relative à la circulation d'informations sur les tarifs (CG, paragraphe 60, p. 169). Or, pour rendre compte des échanges d'informations mis en cause, la décision attaquée distinguerait, d'une part, des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix lors de réunions de Cembureau (article 2, paragraphe 1) et, d'autre part, des pratiques concertées portant sur la circulation d'informations sur les tarifs (article 2, paragraphe 2). Le SFIC ajoute que, même à admettre que les deux types d'échanges d'informations aient fait l'objet d'une présentation distincte dans la partie factuelle de la CG, il n'existerait pas de concordance entre la CG et la décision attaquée, dès lors qu'aucune conclusion n'aurait été tirée de la distinction dans l'appréciation juridique de la CG (arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 153).

1461. Sur cette question, il convient de faire observer que le paragraphe 8 de la CG, consacré à la présentation factuelle de la "circulation des prix entre les membres de Cembureau" (chapitre 2), distinguait, d'une part, les échanges ponctuels d'informations sur les prix survenus à l'occasion des réunions de Cembureau en se référant largement aux documents cités par la suite au paragraphe 16, points 2 à 7, de la décision attaquée (CG, p. 13 et 14) et, d'autre part, le système de circulation périodique des tarifs mis en place au niveau de Cembureau (CG, p. 14 et 15). Dans l'appréciation juridique portée, au paragraphe 60 de la CG (chapitre 10), sur "les 'règles de concurrence loyale et la circulation des tarifs", la Commission renvoyait au paragraphe 8 de la CG (voir première phrase du paragraphe 60 de la CG, p. 168) et donc, sans équivoque, à la distinction entre l'un et l'autre types d'échanges. Le grief tiré des échanges ponctuels d'informations sur les prix au cours de réunions de Cembureau était dès lors visé, tant en fait qu'en droit, dans la CG. La VNC, le SFIC et Unicem, qui étaient nommément identifiés, au paragraphe 6 de la CG, parmi les "membres de Cembureau", ont ainsi été en mesure de comprendre que ce grief, adressé à "Cembureau et [à] ses membres" (CG, paragraphe 60, p. 169), les concernait.

1462. Il reste à examiner l'argument du SFIC, tiré de la qualification juridique attribuée, dans la décision attaquée, aux échanges ponctuels d'informations sur les prix.

1463. La CG doit énoncer, de manière claire, les faits sur lesquels la Commission se fonde ainsi que la qualification juridique qui leur est donnée (arrêts AKZO/Commission, cité au point 323 ci-dessus, point 29, et Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 11 ci-dessus, point 33). 1464.

1464. En l'espèce, les échanges ponctuels d'informations sur les prix étaient présentés, dans la CG (paragraphe 60, p. 169), comme faisant l'objet d'une "pratique concertée", alors que, dans la décision attaquée, la Commission considère en définitive que ces échanges ponctuels ont fait l'objet d'"accords" (article 2, paragraphe 1).

1465. Une telle requalification n'a pas constitué une violation des droits de la défense au cours de la procédure administrative. D'une part, les échanges ponctuels d'informations sur les prix étaient décrits, au paragraphe 60 de la CG, comme contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité. D'autre part, cette infraction était établie, et qualifiée de pratique concertée, sur la base des preuves documentaires directes visées au paragraphe 8 de la CG preuves qui ont été communiquées au SFIC en même temps que la CG , et non pas sur la base de la constatation d'un parallélisme de comportement sur le marché. Dans un tel cas de figure, la seule ligne de défense à la disposition du SFIC au cours de la procédure administrative consistait à contester les documents sur lesquels la Commission s'était appuyée, au paragraphe 8 de la CG, pour conclure, au paragraphe 60, à l'existence d'une concertation contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité. La qualification précise retenue par la Commission dans la CG pour désigner cette concertation prétendument illicite n'importait donc pas pour définir cette ligne de défense.

1466. Il résulte de ce qui précède que l'argument de la VNC, du SFIC et d'Unicem, tiré du défaut de concordance allégué entre la CG et la décision attaquée, doit être rejeté.

B Sur l'existence d'accords d'échange d'informations sur les prix lors des réunions des chefs de délégation et du comité exécutif de Cembureau

1467. A l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, la Commission constate que des accords d'échange d'informations sur les prix sont intervenus, lors des "réunions des chefs de délégation et du comité exécutif de Cembureau", entre Cembureau et ses membres directs visés à cette disposition.

1468. Au paragraphe 47, point 1, renvoyant à la présentation factuelle qu'elle consacre, au paragraphe 16, à la "[c]irculation d'informations à l'occasion de réunions", elle explique:

"Aux réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983, 30 mai 1983 et 19 mars 1984 [...], la situation des prix dans les divers pays Cembureau a été examinée. Cet examen a été effectué dans le cadre de réunions au cours desquelles le problème des augmentations des flux commerciaux entre pays membres a été discuté et des solutions ont été proposées."

1469. Il convient de vérifier si la Commission a effectivement démontré que des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix étaient intervenus au cours des réunions des chefs de délégation (1) et du comité exécutif de Cembureau (2).

1. Réunions des chefs de délégation de Cembureau

Aucune partie requérante ne conteste que des informations sur les prix ont été échangées au cours des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984, à l'exception, d'une part, de Ciments luxembourgeois (T-34-95), qui prétend que, au cours de ces deux réunions, les discussions ont exclusivement porté sur la situation économique de l'industrie du ciment, et, d'autre part, du BDZ (T-48-95), selon lequel la Commission n'a pas démontré l'existence d'échanges d'informations lors des réunions des chefs de délégation.

1471. Les arguments de Ciments luxembourgeois et du BDZ ne sauraient être accueillis. Le faisceau des pièces visées par la Commission aux paragraphes 16, points 2 à 7, 17, points 2 et 3, et 19, points 3, 5, 6, 7, 9 et 10, de la décision attaquée atteste de manière irréfutable que, lors des discussions consacrées au commerce intra-européen (réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983) ou à la situation du marché européen (réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984), il a été procédé à un examen comparatif des niveaux de prix du ciment dans les pays membres de Cembureau.

1472. Sans nier que des informations sur les prix ont été échangées lors des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984, Cembureau (T-26-95), Aalborg (T-44-95) et Irish Cement (T-60-95) prétendent que les données échangées se rapportaient principalement aux importations en dumping, en provenance, notamment, de l'Europe de l'Est.

1473. Toutefois, s'il ressort effectivement de certains documents visés par la Commission au paragraphe 16, points 2 à 4, 6 et 7, de la décision attaquée que des informations sur les prix des importations en provenance des pays de l'Est ont circulé aux réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984, des échanges d'informations sont également intervenus, à la première de ces réunions, sur les prix du commerce intra-européen [voir note manuscrite "Préparation pour la réunion des chefs de délégation 14 janvier 1983" (décision attaquée, paragraphe 16, point 2; document n° 33.126/11590), document n° 33.126/11592 cité au paragraphe 16, point 3, de la décision attaquée, trouvé parmi les documents se rapportant à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, ainsi que document du 18 janvier 1983 intitulé "Réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983 Notes pour le président" (décision attaquée, paragraphe 17, point 3; documents n° 33.126/11630 à 11633)], et, à la seconde de ces réunions, sur les niveaux de prix du ciment dans les pays membres [voir note explicative du diagramme adressé le 22 février 1984 par Cembureau aux chefs de délégation, en annexe au projet d'ordre du jour pour la réunion du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 16, point 6; documents n° 33.126/11714, 11715 et 11717), ainsi que notes de séance de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphes 16, point 7, et 19, point 10; document n° 33.126/11735)].

1474. Cembureau, la FIC (T-30-95), Irish Cement, l'ATIC (T-63-95) et Cementir (T-87-95) soutiennent que le tableau "Prix domestiques (hors taxes)" (document n° 33.126/11599), seul document sur lequel la Commission se fonde, au paragraphe 16, point 5, de la décision attaquée, pour établir que des informations sur les prix ont circulé à la réunion des chefs de délégation du 30 mai 1983, a, en réalité, été diffusé pendant la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983.

1475. Effectivement, rien ne permet de rattacher le document en question à la réunion des chefs de délégation du 30 mai 1983. Au paragraphe 19, point 6, de la décision attaquée, la Commission elle-même range ce document parmi ceux se rapportant à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983. La Commission n'a donc pas établi que, lors de la réunion des chefs de délégation du 30 mai 1983, il avait été procédé, ou il avait été convenu de procéder, à des échanges d'informations sur les prix. Cette constatation s'impose à l'égard non seulement des parties requérantes ayant soulevé l'argument examiné, mais aussi des autres parties requérantes concernées par l'article 2, paragraphe 1, dès lors que toutes contestent en substance la légalité de cette disposition.

1476. Cembureau, Oficemen (T-59-95), l'ATIC et Cementir soutiennent que la Commission ne fournit, dans la décision attaquée, aucun élément de preuve ou d'explication qui permette de conclure que des échanges d'informations sur les prix sont intervenus au-delà de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984.

1477. Il est exact que la Commission n'avance, dans la description qu'elle consacre, au paragraphe 16, points 2 à 7, de la décision attaquée, à la "circulation d'informations à l'occasion de réunions", aucun document ou élément visant à démontrer que des échanges d'informations sur les prix sont intervenus à l'occasion de la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984 mentionnée au paragraphe 19, points 12 à 15, ou de réunions de chefs de délégation ultérieures. Dans l'appréciation juridique qu'elle porte, au paragraphe 47, points 1 à 5, sur les faits exposés au paragraphe 16, points 2 à 7, elle fait d'ailleurs uniquement état des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983, du 30 mai 1983 et du 19 mars 1984. Il y a donc lieu de constater qu'elle n'a pas non plus démontré que, lors de la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984 ou de réunions des chefs de délégation ultérieures, il avait été procédé, ou il avait été convenu de procéder, à des échanges d'informations sur les prix. Cette constatation s'impose à l'égard non seulement des parties requérantes ayant soulevé l'argument examiné, mais aussi des autres parties requérantes concernées par l'article 2, paragraphe 1, dès lors que toutes contestent en substance la légalité de cette disposition.

2. Réunions du comité exécutif de Cembureau

1478. Cembureau, la FIC, Aalborg, le BDZ, la BCA (T-54-95), Oficemen et Cementir soutiennent qu'aucun échange d'informations sur les prix n'est intervenu au cours des réunions du comité exécutif de Cembureau, notamment lors de celle du 14 avril 1986 date retenue comme point final de l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée , ou, à tout le moins, que la Commission n'a pas prouvé, dans la décision attaquée, que des échanges sont intervenus au cours de ces réunions. La VNC (T-32-95), la BCA et Cementir reprochent encore à la Commission de n'avoir fourni aucune explication, au paragraphe 47, points 1 à 5, sur les éléments et les raisons qui l'ont conduite à considérer que des échanges d'informations sur les prix étaient intervenus lors des réunions du comité exécutif et à retenir la date de la réunion du comité exécutif de Cembureau du 14 avril 1986 comme point final de l'infraction constatée à l'article 2, paragraphe 1.

1479. Effectivement, la Commission ne fait pas la moindre allusion aux réunions du comité exécutif de Cembureau aussi bien dans la présentation factuelle à laquelle elle procède au paragraphe 16, points 2 à 7, au sujet de la circulation ponctuelle d'informations sur les prix que dans l'appréciation juridique qu'elle porte ensuite sur ces faits au paragraphe 47, points 1 à 5. Les éléments de preuve visés par la Commission au paragraphe 16, points 2 à 7, se rapportent exclusivement aux réunions des chefs de délégation, plus exactement à celles du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984 (voir ci-dessus points 1470 à 1477). Au paragraphe 47, point 1, la Commission affirme simplement: "Aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 30 mai 1983 et 19 mars 1984 (voir paragraphe 16 ci-dessus), la situation des prix dans les divers pays Cembureau a été examinée."

1480. Tout au plus, l'une des notes manuscrites trouvées parmi les documents se rapportant à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 fait état, à propos des "[p]rix du commerce intra-européen", de ce que "[c]ertaines informations informelles sur les prix p[ouvaient] toutefois être obtenues avec l'autorisation du comité exécutif" (décision attaquée, paragraphe 16, point 3; document n° 33.126/11592). Cet élément ne permet cependant pas, à lui seul, de conclure que "des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix" sont intervenus "aux réunions du comité exécutif de Cembureau" (article 2, paragraphe 1).

1481. Au paragraphe 47, point 1, la Commission ajoute que "[l]'examen [de la situation des prix dans les divers pays Cembureau] a été effectué dans le cadre de réunions au cours desquelles le problème des augmentations des flux commerciaux entre pays membres a été discuté et des solutions ont été proposées". Les échanges d'informations sur les prix auraient donc été le pendant naturel des discussions sur les problèmes liés aux évolutions du commerce entre les pays membres de Cembureau.

1482. A cet égard, il convient de vérifier si les faits décrits dans la décision attaquée, plus précisément au paragraphe 17, en relation avec les réunions du comité exécutif de Cembureau, permettent de considérer que de telles discussions et/ou des échanges d'informations sur les prix ont eu lieu lors de ces réunions.

1483. A propos de la réunion du comité exécutif du 25 mars 1983 [décision attaquée, paragraphe 17, sous a)], la Commission affirme que, "[d]'après une note manuscrite de Cimpor en tête de page, un document de cinq pages a été distribué (documents n° 33.322/308 à 312)" au cours de ladite réunion (décision attaquée, paragraphe 17, point 2). Comme la Commission elle-même le relève au paragraphe 17, point 3, ce document de cinq pages, qui comporte des développements sur les "[é]changes commerciaux intra-européens", et notamment sur des "[c]omparaisons de prix" (décision attaquée, paragraphe 17, point 2; document n° 33.322/311), "est le même que le document, en versions anglaise et française, trouvé parmi les pièces se rapportant à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (documents n° 33.126/11617 à 11629) et est la plus grande partie d'un document en anglais, trouvé parmi les pièces se rapportant à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (documents n° 33.126/11630 à 11633), intitulé 'Réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983 Notes pour le président', daté du 18.1.83-HC/no [...]"

1484. Cependant, ce document, s'il est de nature à confirmer qu'une comparaison des prix du commerce intra- européen a eu lieu lors de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, n'autorise pas à conclure qu'il a été procédé, ou qu'il a été convenu de procéder, à des échanges d'informations sur ces prix lors de la réunion du comité exécutif du 25 mars 1983 au cours de laquelle il a été diffusé.

1485. En ce qui concerne la réunion du comité exécutif du 9 novembre 1983, la Commission affirme [décision attaquée, paragraphe 17, sous b)]:

"Le projet de procès-verbal de la réunion du comité exécutif du 9 novembre 1983 (documents n° 33.322/286 à 294), point 2. 'Activités courantes', lettre b) 'Autres questions actuellement suivies par le comité Coopération en matière d'exportations, après avoir fait état de la constatation de M. Canellopoulos sur la dégradation des prix à l'exportation', expose: 'M. Bertrán indique qu'il est personnellement optimiste en ce qui concerne le maintien du volume des marchés d'outre-mer mais que le problème de la faiblesse des prix n'en demeure pas moins critique. Il estime qu'il est temps de réexaminer les possibilités d'améliorer la coopération non seulement entre les grands pays exportateurs, mais entre tous les membres de Cembureau. Un des rôles de Cembureau doit être de contribuer à l'établissement d'une concurrence saine mais réaliste. Ont été consignés par la suite dans le procès-verbal l'intervention de M. Heiberg sur les propos d'autolimitation des exportations des industries cimentières japonaise et sud-coréenne, et l'intervention de Sir J. Milne sur la nécessité d'établir des relations plus étroites entre l'Export Policy Committee, constitué hors de Cembureau, et le comité exécutif, après que M. Van Hove eut exprimé l'avis 'qu'aucune réglementation de la CEE ne s'oppose à des consultations et à la coopération dans les marchés d'outre-mer'".

1486. Il y a lieu de constater que ce passage ne permet pas d'affirmer que, au cours de la réunion en cause, manifestement consacrée à la coopération à la grande exportation, la question des augmentations des flux commerciaux entre Etats membres a été discutée et que la situation des prix dans les divers pays Cembureau a été examinée.

1487. Quant à la réunion du comité exécutif du 14 avril 1986, il convient de relever la déclaration de M. Bertrán, d'Asland, consignée dans la note manuscrite d'Italcementi sur cette réunion: "Il faut trouver des règles du jeu entre nous pour éviter une concurrence non correcte" (décision attaquée, paragraphe 17, point 9; document n° 33.126/3185).

1488. Toutefois, quelle qu'ait été la signification des propos tenus, le compte rendu de cette déclaration unilatérale ne permet pas à lui seul de considérer que les participants à cette réunion ont procédé, ou convenu de procéder, à un examen de la situation des prix dans les divers pays Cembureau.

1489. Il ressort de l'analyse qui précède que la Commission n'a pas démontré que des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix sont intervenus lors des réunions du comité exécutif de Cembureau. Cette conclusion s'impose à l'égard, non seulement des parties requérantes ayant soulevé les arguments examinés, mais aussi des autres parties requérantes concernées par l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, dès lors que toutes contestent en substance la légalité de cette disposition.

1490. En conclusion, la Commission n'était pas fondée à juger que des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix étaient intervenus à d'autres réunions de Cembureau que celles des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984.

1491. La relation de continuité entre les échanges ponctuels d'informations sur les prix intervenus lors de ces deux réunions est quant à elle établie par différentes pièces citées dans la décision attaquée. D'une part, la note explicative accompagnant le diagramme sur les prix adressé le 22 février 1984 par Cembureau aux chefs de délégation en vue de la réunion du 19 mars 1984 ("Niveau des prix du ciment dans les pays membres au 31.12.83"; décision attaquée, paragraphe 16, point 6; document n° 33.126/11715) énonce: "Comme l'an passé, cette information est présentée sur la figure ci-jointe qui appelle les explications suivantes [...]" D'autre part, le constat auquel la comparaison des prix du commerce intra-européen avait conduit les participants à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, à savoir que "[l]a différence des prix, qui [pouvait] être du simple au double à l'intérieur de l'Europe, expliqu[ait] en partie les nouveaux courants du commerce intra-européen" [voir document de cinq pages distribué à la réunion du comité exécutif du 25 mars 1983 (décision attaquée, paragraphe 17, point 2; document n° 33.322/311), ainsi que le document intitulé "Réunion des chefs de délégation, Paris, 14 janvier 1983 Notes pour le président" (décision attaquée, paragraphe 17, point 3; document n° 33.126/11632)], a été renouvelé lors de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, au cours de laquelle il fut souligné que "[l]'écart entre extrêmes, qui rest[ait] de 1 à 2, constitu[ait] inévitablement une tentation" (mémorandum à l'intention du président en vue de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphes 16, point 7, et 19, point 9; document n° 33.126/11728).

1492. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, pour autant qu'il constate que des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix sont intervenus aux réunions des chefs de délégation au-delà du 19 mars 1984, ainsi qu'aux réunions du comité exécutif de Cembureau, doit être annulé à l'égard de l'ensemble des entreprises et associations qu'il vise.

1493. La BCA reproche encore à la Commission d'avoir méconnu l'article 190 du traité en n'expliquant pas ce qui l'avait amenée à supposer qu'un accord portant sur des échanges d'informations sur les prix (décision attaquée, article 2, paragraphe 1) avait été conclu indépendamment de l'existence d'une pratique concertée relative à la circulation des mêmes informations (article 2, paragraphe 2).

1494. Il y a cependant lieu de constater que la Commission expose distinctement, au paragraphe 16, sous a) ("Circulation d'informations à l'occasion de réunions") et sous b) ("Circulation d'informations périodiques"), de la décision attaquée, les circonstances factuelles et les pièces sur lesquelles elle s'appuie pour conclure au paragraphe 47, sous a) ("Les échanges d'informations sur les prix à l'occasion des réunions") et sous b) ("Les informations périodiques de prix"), à l'existence, d'une part, d'accords anticoncurrentiels d'échange d'informations sur les prix au cours de réunions de Cembureau (article 2, paragraphe 1), et, d'autre part, de pratiques concertées anticoncurrentielles d'échanges périodiques d'informations sur les prix (article 2, paragraphe 2).

1495. En outre, la simple lecture des pièces visées par la Commission au paragraphe 16, sous a), d'une part, et au paragraphe 16, sous b), d'autre part, fait apparaître des différences sensibles entre les informations sur les prix qui ont circulé "à l'occasion de réunions" [décision attaquée, paragraphe 16, sous a)] et celles qui ont été échangées périodiquement entre Cembureau et ses membres [décision attaquée, paragraphe 16, sous b)]. 1496.

L'argument de la BCA doit donc être rejeté.

1497. Pour sa part, Italcementi (T-65/95) soutient que la Commission n'a pas démontré l'existence d'un "accord" ou "concours de volontés" autour des échanges d'informations sur les prix intervenus lors des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984. D'ailleurs, les informations échangées pendant ces réunions auraient été semblables à celles communiquées périodiquement à travers les CPRF (voir ci-dessus point 401) des pays membres de Cembureau, à propos desquelles la Commission retient l'existence d'une pratique concertée (décision attaquée, article 2, paragraphe 2).

1498. Toutefois, le fait que les échanges en question ont eu lieu à l'occasion de réunions permet en soi de considérer qu'ils ont été l'objet d'un concours de volontés entre les participants à ces réunions, donc d'un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir jurisprudence citée au point 1010 ci-dessus). Cette analyse est corroborée par le passage des notes de séance de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphes 16, point 7, et 19, point 10; document n° 33.126/11735), aux termes duquel, au cours de cette réunion, "il a été convenu que la présentation visuelle de la gamme des prix était un moyen efficace de mettre en relief les causes potentielles de conflit qui existent".

1499. Par ailleurs, il a déjà été souligné (voir ci-dessus point 1495) que les informations sur les prix qui ont été comparées pendant les réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984 et celles qui ont fait l'objet d'échanges périodiques à travers les CPRF étaient sensiblement différentes, malgré certaines similitudes illustrées, par exemple, par le document cité par la Commission au paragraphe 16, point 5, de la décision attaquée (document n° 33.126/11599). Dans ces conditions, et sous réserve de l'appréciation qui sera portée sur le caractère infractionnel des échanges ponctuels et périodiques d'informations sur les prix intervenus au niveau de Cembureau (voir ci-après points 1501 à 1537 et 1620 à 1682), il y a lieu de conclure que la Commission a pu, sans se contredire, considérer que les premiers faisaient l'objet d'accords (article 2, paragraphe 1), et les seconds de pratiques concertées (article 2, paragraphe 2).

1500. L'argument d'Italcementi doit donc être rejeté.

C Sur le caractère infractionnel des échanges d'informations sur les prix intervenus lors des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984

1501. Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, les échanges ponctuels d'informations sur les prix intervenus lors des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984 ont été l'objet d'accords contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en ce qu'ils auraient visé à "faciliter l'exécution de l'accord visé à l'article 1er", à savoir l'accord Cembureau.

1502. Au paragraphe 47, point 1, la Commission explique:

"[...] D'après la lettre de convocation et le projet d'exposé introductif du président de la réunion du 14 janvier 1983 (voir paragraphe 19, points 2 et 5 ci-dessus) et le mémorandum et les notes de séance de la réunion du 19 mars 1984 (voir paragraphe 19, points 9 et 10 ci-dessus), le but de ces échanges était 'd'apprécier les risques pouvant résulter d'un accroissement de certaines importations conjointement avec une réduction marquée du niveau de certains prix' (voir paragraphe 19, point 5 ci-dessus), de même que 'de mettre en relief les causes potentielles de conflit qui existent' (voir paragraphe 19, point 10 ci-dessus) et de 'réduire progressivement' les écarts de prix pour éliminer les tentations d'exporter (voir paragraphe 19, point 9 ci-dessus)."

1503. Elle ajoute (point 2, premier alinéa) que "[p]ar les échanges d'informations sur les prix, Cembureau et ses membres visaient à atteindre un autre objectif, celui d'instaurer entre eux des règles de concurrence loyale lors des exportations intermembres et à l'extérieur", règles dont elle expose ensuite (deuxième et troisième alinéas) la teneur et la finalité.

1504. Enfin, elle souligne (paragraphe 47, point 4):

"Il ressort également des documents mentionnés aux paragraphes 16 et 17 ci-dessus et, en particulier, des documents relatifs aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983 et 19 mars 1984 que le but de cet échange d'informations était de renforcer l'accord général de respect des marchés domestiques et, donc, de freiner les échanges intracommunautaires de ciment."

1505. Les parties requérantes visées à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée font valoir en substance cinq arguments pour contester le caractère infractionnel de ces échanges ponctuels d'informations sur les prix.

1506. En premier lieu, l'ensemble de ces parties requérantes contestent le caractère infractionnel des échanges d'informations intervenus lors des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984, en soulignant que les données échangées lors de ces réunions ou, à tout le moins, celles qui ont circulé pendant celles-ci à propos de leur propre marché étaient dépourvues de toute valeur confidentielle, commerciale et stratégique.

1507. Les parties requérantes affirment que les informations échangées lors de ces réunions étaient des informations officielles relevant du domaine public ou, du moins, accessibles par d'autres sources, et portant pour la plupart sur des prix soumis à un contrôle étatique et, en tout état de cause, sur des prix en vigueur. Ces données auraient été des données historiques et purement statistiques, participant de l'activité normale et licite d'associations professionnelles ou d'organismes statistiques agréés. Elles n'auraient pas différé fondamentalement des données qui circulaient à travers les CPRF. Elles auraient été approximatives, portant sur des prix moyens ou théoriques et ne reflétant donc pas les prix réellement pratiqués par les entreprises. Elles auraient été en réalité de simples "indicateurs de tendance". De l'aveu même des participants [voir mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphes 16, point 7, et 19, point 9; document n° 33.126/11728), ainsi que notes de séance de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphes 16, point 7, et 19, point 10; document n° 33.126/11735)], les données échangées auraient été difficilement comparables, compte tenu de la grande hétérogénéité des mécanismes de prix, des fluctuations monétaires qui affectent inévitablement toute analyse internationale, ainsi que du fait qu'elles n'auraient pas concerné la même catégorie de ciment pour tous les pays. Elles auraient été dépourvues de toute indication confidentielle portant sur les rabais et les ristournes, sur les coûts du transport, sur les taux de TVA, et elles n'auraient comporté aucune individualisation des entreprises.

1508. Les parties requérantes concluent que ces échanges ponctuels d'informations sur les prix non seulement n'étaient pas, en tant que tels, contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, mais, en outre, n'étaient ni aptes ni destinés à servir l'une et l'autre des finalités anticoncurrentielles que la Commission leur attribue au paragraphe 47, points 1 à 4, à savoir renforcer l'accord Cembureau et instaurer des règles de concurrence loyale lors des exportations intracommunautaires et à destination des pays tiers. A tout le moins, la Commission n'aurait pas apporté ni même cherché à apporter une telle preuve. Cembureau, le SFIC, Aalborg, Oficemen et Irish Cement soutiennent que, en réalité, ces échanges de prix ont uniquement pris place dans le cadre des discussions consacrées à cette époque, d'une part, à l'extension éventuelle, à l'échelle européenne, du BPS (voir ci-dessus point 852), qui avait été notifié à la Commission en juillet 1981, et, d'autre part, aux problèmes liés aux importations en provenance de l'Europe de l'Est et d'Espagne prétendument faites en dumping (préparation de procédures antidumping; collecte de données devant permettre de justifier et d'illustrer l'importance du préjudice subi). Ce serait donc dans ce contexte qu'il y aurait lieu d'interpréter les différents documents sur lesquels la Commission appuie son appréciation juridique au paragraphe 47, point 1 (voir ci-dessus point 1502). Oficemen et l'AGCI ajoutent que ces échanges d'informations devaient aussi permettre aux associations nationales originaires d'un pays appliquant un régime de contrôle public des prix de documenter les demandes d'augmentations de prix qu'elles entendaient introduire auprès de leurs autorités gouvernementales. Pour sa part, la FIC affirme que l'unique but de ces échanges était d'éclairer la situation du secteur du ciment dans une période de récession.

1509. La FIC et Cementir soutiennent encore que la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation quant au caractère prétendument illicite des échanges ponctuels d'informations sur les prix intervenus au niveau de Cembureau. La FIC prétend que les éléments visés au paragraphe 17 de la décision attaquée au sujet des "discussions sur la concurrence 'loyale ou saine ou correcte" ne lui sont pas reprochés et que la Commission n'a entendu en tirer aucune conséquence juridique. Dans ces conditions, la Commission n'aurait pas pu valablement les exploiter pour asseoir son argumentation quant au caractère infractionnel des échanges ponctuels d'informations sur les prix. Quant à Cementir, elle reproche à la Commission de s'être contentée de renvoyer aux documents cités au paragraphe 16, points 2 à 7, sans préciser les motifs du caractère prétendument restrictif des échanges d'informations dénoncés.

1510. Sur cette question, il convient d'abord de rappeler que, aux termes de l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, la Commission met en cause les échanges d'informations sur les prix intervenus lors des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984, en ce que les accords dont ils ont été l'objet auraient "visé à faciliter l'exécution de l'accord [Cembureau]". Ces échanges sont donc considérés comme infractionnels non pas en tant que tels, mais en ce qu'ils auraient été le support ou, à tout le moins, l'un des supports de l'accord Cembureau.

1511. Par suite, il y a uniquement lieu de vérifier s'ils ont ou non été effectués dans le but anticoncurrentiel retenu par la Commission dans la décision attaquée, sans examiner si les caractéristiques intrinsèques des informations échangées ont pu ou non, par elles-mêmes, leur conférer un caractère infractionnel.

1512. A cet égard, il convient d'abord de relever la discordance qui apparaît, dans la décision attaquée, entre le dispositif et l'appréciation juridique, en ce qui concerne la finalité alléguée des échanges ponctuels d'informations sur les prix.

1513. Alors que, à l'article 2, paragraphe 1, la Commission constate que ces échanges sont contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, au motif qu'ils auraient visé à "faciliter l'exécution de l'accord [Cembureau]", elle leur prête un double objectif dans l'appréciation juridique qu'elle leur consacre au paragraphe 47, sous a): d'une part (point 2), "instaurer entre [les membres de Cembureau] des règles de concurrence loyale lors des exportations intermembres et à l'extérieur"; d'autre part (point 4), "renforcer l'accord général de respect des marchés domestiques et, donc, [...] freiner les échanges intracommunautaires de ciment". Cette discordance ne porte toutefois pas à conséquence, puisque les passages de la décision attaquée (paragraphe 17) consacrés aux "discussions sur la concurrence 'loyale ou saine ou correcte" n'ont, en définitive, pas fait l'objet d'un grief sanctionné dans le dispositif de la décision attaquée, ainsi que la Commission l'a confirmé à différentes reprises au cours des procédures écrite et orale.

1514. Il importe donc uniquement d'examiner si, à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, la Commission était ou non fondée à juger contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité les échanges d'informations sur les prix intervenus lors des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984, au motif que ceux-ci avaient eu pour but de "faciliter l'exécution de l'accord [Cembureau]". L'examen des arguments des parties requérantes visant à démontrer que ces échanges n'étaient ni de nature ni destinés à permettre l'instauration de règles de concurrence loyale pour les exportations intermembres et à destination des pays tiers est, quant à lui, sans objet.

1515. En ce qui concerne la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, le projet d'exposé introductif du président auquel la Commission se réfère au paragraphe 47, point 1 comporte les indications suivantes (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; document n° 33.126/11584):

"Je voudrais maintenant préciser très clairement le but et la portée de nos discussions:

il s'agit d'abord de présenter, avec votre aide et en toute clarté, les données dont nous disposons dans les trois domaines considérés [à savoir les trois points inscrits à l'ordre du jour de la réunion, parmi lesquels le commerce intra-européen, et, en particulier, la situation des prix nationaux].

Nous serons ainsi en mesure d'apprécier les risques pouvant résulter d'un accroissement de certaines importations conjointement avec une réduction marquée du niveau de certains prix, cela avant que ce phénomène n'ait eu le temps de s'étendre en volume et en gravité.

Notre objectif [... est], avec votre aide, d'évoquer des solutions possibles susceptibles de tempérer l'évolution des marchés et de proposer, au moins sur le plan des principes, certaines règles du jeu que nous avons tous intérêt à respecter.

[...]"

1516. Quant à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, le mémorandum préparé le 15 mars 1984 à l'intention du président également cité au paragraphe 47, point 1 contient les développements suivants, sous le point 2 consacré à la "[s]ituation du marché européen" (décision attaquée, paragraphes 16, point 7, et 19, point 9; document n° 33.126/11728):

"Présentation d'un commentaire sur le tableau résumant la situation en matière de prix:

les niveaux de prix indiqués sont approximatifs mais néanmoins significatifs.

[...]

L'écart entre extrêmes qui reste de 1 à 2 constitue inévitablement une tentation.

Il est donc souhaitable de réduire progressivement cet écart, essentiellement en augmentant les prix les plus bas (2/3 de la production sont vendus à moins de 50 USD, c'est-à-dire bien en dessous des prix intérieurs japonais et américains) et en même temps par une modération de l'évolution des prix élevés."

1517. Les notes de séance relatives à cette réunion dont la Commission fait aussi mention au paragraphe 47, point 1 tirent quant à elles les conclusions suivantes des observations suscitées par le "tableau indiquant l'ordre de grandeur des prix du ciment (en principe départ usine) dans les pays membres ainsi qu'au Japon et aux USA" (décision attaquée, paragraphes 16, point 7, et 19, point 10; document n° 33.126/11735):

"Bien que les données rassemblées ne soient pas parfaitement comparables, eu égard aux différences en matière de quotation des prix, il a été convenu que la présentation visuelle de la gamme des prix était un moyen efficace de mettre en relief les causes potentielles de conflit qui existent [...]"

1518. A la lumière de ces différents extraits, la Commission était fondée à considérer que le but des échanges d'informations sur les prix intervenus lors des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984 était (décision attaquée, paragraphe 47, point 1) "'d'apprécier les risques pouvant résulter d'un accroissement de certaines importations conjointement avec une réduction marquée du niveau de certains prix [...], de même que 'de mettre en relief les causes potentielles de conflit qui exist[ai]ent' [...] et de 'réduire progressivement les écarts de prix pour éliminer les tentations d'exporter". C'est donc à bon droit, et au terme d'une motivation suffisante, qu'elle a conclu que les échanges d'informations sur les prix des pays membres de Cembureau qui avaient eu lieu lors des discussions relatives au commerce intracommunautaire ou à la situation du marché européen au cours des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984 avaient eu pour but (décision attaquée, paragraphe 47, point 4) de "renforcer l'accord général de respect des marchés domestiques" qui avait été conclu puis confirmé, lors de ces réunions, et "donc de freiner les échanges intracommunautaires de ciment", soit, en définitive (décision attaquée, article 2, paragraphe 1), de "faciliter l'exécution de l'accord [Cembureau]".

1519. Contrairement à ce que Cembureau soutient encore, la Commission n'était pas tenue, pour ce faire, de démontrer que ces échanges avaient procédé d'un mandat destiné à réduire les différences de prix en Europe.

1520. En deuxième lieu, Irish Cement reproche à la Commission de n'avancer, à propos de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, que trois notes manuscrites (décision attaquée, paragraphe 16, points 2 à 4; documents n° 33.126/11590, 11592 et 11614), dont deux purement préparatoires (documents n° 33.126/11590 et 11592), pour soutenir que les échanges d'informations sur les prix intervenus au cours de cette réunion visaient à concourir à l'application de l'accord Cembureau. 1521.

Cet argument doit être rejeté. Les trois notes manuscrites en question sont avancées par la Commission avant tout pour établir que, "[à la] réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 [...], la situation des prix dans les divers pays Cembureau a été examinée" (décision attaquée, paragraphe 47, point 1, première phrase). Quant à la finalité anticoncurrentielle reprochée à ces échanges, la Commission l'infère de l'analyse combinée des extraits de documents qu'elle cite au paragraphe 47, point 1, troisième phrase. Ces extraits contiennent précisément, pour ce qui concerne la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, un passage du projet d'exposé introductif du président montrant que le but de cette réunion était "d'apprécier les risques pouvant résulter d'un accroissement de certaines importations conjointement avec une réduction marquée du niveau de certains prix" (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; document n° 33.126/11584). Replacées dans leur contexte (voir ci-dessus point 1515), ces indications signifient clairement que l'objet de l'échange d'informations sur les prix des pays membres de Cembureau intervenu lors de cette réunion était de mettre en exergue les écarts existant entre les différents niveaux de prix domestiques, dont certains avaient connu une réduction marquée, afin "d'évoquer des solutions susceptibles de tempérer l'évolution des marchés" avant que le "phénomène" d'accroissement des importations et de baisse sensible de certains prix "ait eu le temps de s'étendre en volume et en gravité" (projet d'exposé introductif du président, susvisé). C'est donc à bon droit que la Commission a estimé que l'échange d'informations en question visait à concourir à l'application de l'accord Cembureau, conclu dans le cadre de cette réunion (voir ci-dessus points 979 à 985).

1522. En troisième lieu, Aalborg, Irish Cement, Italcementi, Cementir et l'AGCI soulignent que bon nombre des informations échangées lors des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984, à tout le moins celles qui ont circulé à propos de leur marché, ont porté sur des prix soumis à contrôle public, de sorte que les échanges constatés à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée n'auraient pas pu revêtir, en tout cas dans leur chef, un intérêt et une finalité anticoncurrentiels. 1523.

La BCA fait valoir que, en vertu des CPMA (voir ci-dessus point 91) en vigueur sur son marché à cette époque, la CMF aurait été dans l'impossibilité de contribuer, lors des réunions des chefs de délégation, à des accords destinés à conduire à un alignement des prix en Europe. La BCA explique que, en raison des CPMA, qui avaient confié à l'Independent Costs Committee la responsabilité du calcul des variations de prix sur la base d'une série de critères précis, aucun facteur extérieur pas même l'évolution des prix pratiqués à l'étranger n'aurait été de nature à influencer le niveau des prix au Royaume-Uni.

1524. Une telle argumentation ne saurait être accueillie. En effet, les informations échangées sur les différents prix des pays membres de Cembureau lors des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984 s'inscrivaient dans des analyses comparatives dont le but était d'"apprécier les risques pouvant résulter d'un accroissement de certaines importations conjointement avec une réduction marquée du niveau de certains prix" (projet d'exposé introductif du président pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983; décision attaquée, paragraphe 19, point 5; document n° 33.126/11584) et de "mettre en relief les causes potentielles de conflit qui exist[aient]" (notes de séance de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphes 16, point 7, et 19, point 10; document n° 33.126/11735), à la lumière desquelles il était jugé "souhaitable", afin d'éviter les "tentation[s]" d'exporter, "de réduire progressivement [l'écart entre extrêmes], essentiellement en augmentant les prix les plus bas [...] et en même temps par une modération de l'évolution des prix élevés" (mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphes 16, point 7, et 19, point 9; document n° 33.126/11728). Pour le reste, l'existence, dans certains pays, de mécanismes de contrôle ou de fixation des prix n'empêchait pas les industries concernées de prendre en compte les tendances générales exprimées par ces comparaisons de prix soit sur les marchés caractérisés par un niveau de prix élevé en "modérant" les demandes de hausse de prix introduites auprès des autorités publiques ou des organes compétents, soit sur les marchés connaissant un niveau de prix bas en introduisant des demandes d'augmentations de prix visant à réduire progressivement l'écart entre extrêmes, conformément au souhait émis lors des réunions des chefs de délégation.

1525. En quatrième lieu, Cembureau et Irish Cement soutiennent que, contrairement à ce qu'elle prétend au paragraphe 47, point 3, de la décision attaquée, la Commission n'a pas démontré que des "orientations en matière de prix" avaient été dégagées ou appliquées lors de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983.

1526. Si, effectivement, rien ne prouve que des orientations ont été définies ou appliquées, en termes de prix, lors de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, il apparaît en revanche que, à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, il a été jugé "souhaitable de réduire progressivement [l'écart entre extrêmes, qui restait de 1 à 2], essentiellement en augmentant les prix les plus bas [...] et en même temps par une modération de l'évolution des prix élevés" (mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphes 16, point 7, et 19, point 9; document n° 33.126/11728). 1527.

1527. En toute hypothèse, les critiques de Cembureau et d'Irish Cement ne sauraient occulter les constatations objectives sur lesquelles la Commission s'est appuyée, au paragraphe 47, point 1, de la décision attaquée, pour conclure à l'article 2, paragraphe 1, que les échanges d'informations sur les prix intervenus lors des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984 avaient "vis[é] à faciliter l'exécution de l'accord [Cembureau]", conclusion qui s'avère bien fondée au terme de l'analyse développée ci-dessus aux points 1515 à 1519.

1528. L'argument de Cembureau et d'Irish Cement doit donc être rejeté.

1529. En cinquième lieu, quelques parties requérantes avancent une série d'arguments tendant à contester les effets anticoncurrentiels des échanges ponctuels d'informations sur les prix visés à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée.

1530. Italcementi prétend ainsi que la Commission n'a ni établi ni même soutenu dans la décision attaquée que, à la suite de ces échanges d'informations, les prix du ciment italien ont fait l'objet d'un réalignement sur les prix pratiqués sur les autres marchés. L'AGCI soutient que ces échanges de prix n'ont pas fait obstacle au développement du commerce intracommunautaire du ciment grec à partir de la moitié des années 80.

1531. Cette argumentation ne saurait être accueillie. Il convient de rappeler que, aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue, dès lors qu'il apparaît que celui-ci a eu pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (voir jurisprudence citée au point 837 ci-dessus). En pareil cas, l'absence, dans la décision attaquée, de toute analyse des effets de l'accord sur le plan de la concurrence ne constitue donc pas un vice de la décision susceptible d'entraîner son annulation. Or, en l'espèce, la Commission a démontré que les accords d'échange d'informations sur les prix intervenus lors des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984 avaient pour but de faciliter l'exécution de l'accord Cembureau. Ayant établi l'objet anticoncurrentiel de ces accords, elle ne devait pas démontrer en outre que les échanges d'informations sur les prix s'étaient traduits par des effets restrictifs de concurrence dans le marché commun.

1532. La FIC soutient que la Commission ne peut voir dans l'extrait des notes de séance de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, aux termes duquel, "[b]ien que les données rassemblées ne soient pas parfaitement comparables eu égard aux différences en matière de quotation des prix, il a été convenu que la présentation visuelle de la gamme des prix était un moyen efficace de mettre en relief les causes potentielles de conflit qui existent" (décision attaquée, paragraphe 19, point 10; document n° 33.126/11735), la preuve que "[l]es orientations en matière de prix dégagées lors des réunions des 14 janvier 1983 et 30 mai 1983 [avaient] été suivies d'effet" (décision attaquée, paragraphe 47, point 3).

1533. Il est exact que l'extrait en question illustre non pas les effets anticoncurrentiels des échanges ponctuels d'informations sur les prix, mais leur finalité illicite, ainsi que leur aptitude à servir pareille finalité, malgré le fait que les données rassemblées n'étaient pas parfaitement comparables.

1534. Cependant, la confusion qui entache l'appréciation de la Commission sur ce point ne porte pas à conséquence, dès lors que les accords d'échange d'informations sur les prix sont uniquement retenus, à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, du chef de leur finalité anticoncurrentielle, laquelle a été démontrée par la Commission (voir ci-dessus points 1515 à 1519). 1535.

1535. Enfin, Aalborg soutient que la Commission a violé l'article 190 du traité en n'expliquant pas en quoi les accords visés à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée auraient affecté de manière sensible les échanges entre Etats membres.

1536. Toutefois, dès lors que, à l'article 2, paragraphe 1, elle a retenu les accords d'échange d'informations sur les prix en raison de leur seule finalité anticoncurrentielle, à savoir la facilitation de l'exécution de l'accord Cembureau, la Commission pouvait se limiter à expliquer, au paragraphe 52 de la décision attaquée, en quoi ces accords avaient eu pour but d'affecter les échanges entre États membres.

1537. Largument d'Aalborg doit, par conséquent être rejeté.

D Sur la participation des parties requérantes à l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée

1538. L'infraction visée à l'article 2, paragraphe 1, est imputée à Cembureau et à ses membres directs suivants: la FIC, la VNC, Ciments luxembourgeois, le SFIC, Aalborg, le BDZ, Unicem, la BCA, Oficemen, Irish Cement, l'ATIC, Italcementi, Cementir et l'AGCI.

1539. En premier lieu, la VNC (T-32-95) prétend qu'elle n'était qu'indirectement concernée par les réunions des chefs de délégation, lesquelles, au demeurant, auraient été purement informelles. Elle ajoute que, en raison des particularités de l'industrie néerlandaise, elle n'aurait eu aucun intérêt à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau par quelque accord que ce soit.

1540. Toutefois, ces arguments ne sauraient occulter la réalité de la participation de la VNC aux réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984, qui ont donné lieu à des échanges d'informations sur les prix destinés à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau. La VNC n'ayant fourni aucun élément démontrant que, lors de ces réunions, elle se serait ouvertement distanciée de la finalité anticoncurrentielle poursuivie par ces échanges ou qu'elle aurait indiqué aux autres participants qu'elle y assistait dans une optique différente de la leur, elle doit être considérée comme ayant souscrit ou, à tout le moins, comme ayant donné à penser aux autres participants qu'elle souscrivait à l'objectif illicite visé par de tels échanges. La Commission était donc en droit de retenir sa participation infractionnelle aux accords en cause (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

1541. L'argument de la VNC doit donc être rejeté.

1542. En deuxième lieu, le SFIC (T-36-95) soutient que la Commission n'a pas démontré qu'il avait transmis des informations sur les prix en vue des réunions des chefs de délégation.

1543. Toutefois, il convient de relever que, à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, il est reproché à Cembureau et ses membres directs, dont le SFIC, non pas d'avoir transmis des informations sur les prix au cours ou en vue des réunions litigieuses, mais d'avoir participé, lors de ces réunions, à des accords d'échange d'informations sur les prix destinés à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau. Le SFIC n'ayant ni contesté sa participation aux réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984 ni avancé aucun élément tendant à démontrer une réserve ou un dissentiment de sa part par rapport à la finalité anticoncurrentielle poursuivie par les échanges d'informations sur les prix intervenus lors de ces deux réunions, il doit être considéré comme ayant souscrit ou, à tout le moins, comme ayant donné à penser aux autres participants qu'il souscrivait à l'objectif illicite visé par de tels échanges. La Commission était ainsi fondée à retenir sa participation infractionnelle aux accords d'échange d'informations sur les prix intervenus pendant ces réunions (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

1544. L'argument du SFIC doit donc être rejeté.

1545. En troisième lieu, le BDZ (T-48-95) fait remarquer qu'aucun des documents ayant conduit à la constatation de l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée n'a été trouvé dans ses dossiers. Il conteste sa participation à cette infraction, relevant, d'une part, qu'aucun des documents relatifs aux réunions litigieuses ne fait référence à des déclarations ou à une action particulière de sa part quant aux échanges d'informations sur les prix intervenus lors de ces réunions, et, d'autre part, que les éléments de preuve invoqués par la Commission ne démontrent ni qu'il a reçu de ses membres des informations sur les prix, ni qu'il leur a lui-même transmis de telles informations. Il ajoute qu'il n'a jamais jugé utile de transmettre à ses membres les informations échangées au cours des réunions de Cembureau, compte tenu de l'absence de valeur de ces informations.

1546. Il convient toutefois de relever que la circonstance qu'aucune des pièces ayant servi à la preuve de l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée n'a été trouvée dans les dossiers du BDZ n'est de nature ni à affecter la valeur probante des pièces en question (voir ci-dessus point 1397), ni à occulter la réalité de la participation du BDZ aux réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984, ni à faire obstacle à la constatation de la participation du syndicat allemand à l'infraction retenue.

1547. A cet égard, le BDZ n'a avancé aucun élément démontrant que, au cours des réunions en cause, il se serait ouvertement distancié de la finalité anticoncurrentielle poursuivie par les échanges d'informations sur les prix. Il doit être considérée comme ayant souscrit ou, à tout le moins, comme ayant donné à penser aux autres participants qu'il souscrivait à l'objectif illicite visé par de tels échanges. Dans ces conditions, et eu égard à ce qui est rappelé ci-dessus au point 1543 quant à l'infraction reprochée à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, la Commission était fondée à retenir la participation infractionnelle du BDZ aux accords d'échange d'informations sur les prix intervenus lors des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984 (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus), sans être tenue de démontrer que celui-ci avait collecté auprès de ses membres, en prévision de ces réunions, des informations sur les prix et/ou que, à la suite de ces réunions, il avait répercuté auprès de ses membres les informations échangées pendant les réunions.

1548. L'argument du BDZ doit donc être rejeté.

1549. En quatrième lieu, Unicem (T-50-95) prétend que, dès lors qu'elle n'a pris part à aucune des réunions ayant donné lieu aux échanges d'informations sur les prix visés à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, elle ne saurait être tenue pour responsable de ces derniers. Elle ajoute que sa seule qualité de membre direct de Cembureau ne permet pas de conclure à sa participation à cette infraction.

1550. En l'espèce, il est constant qu'Unicem n'a pas assisté aux réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984 (voir ci-dessus point 1406).

1551. La Commission (mémoire en défense dans l'affaire T-50-95, point 49) se fonde, pour imputer à Unicem l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, sur le fait qu'elle aurait été représentée, à ces deux réunions, par les chefs de délégation italiens qui y ont assisté, à savoir Cementir (réunion du 14 janvier 1983) et Italcementi (réunion du 19 mars 1984).

1552. Pour les motifs énoncés ci-dessus aux points 1407 à 1412, cette appréciation ne saurait être accueillie.

1553. La circonstance, alléguée par la Commission dans son mémoire en défense dans l'affaire T-50-95 (point 50), qu'Unicem était membre direct de Cembureau n'autorise pas non plus à conclure à sa participation aux accords illicites visés à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée. L'affiliation à une association professionnelle, en l'occurrence Cembureau, ne saurait, en effet, conduire à imputer automatiquement à l'affilié concerné la responsabilité des différents comportements infractionnels de l'association, en faisant l'économie de la démonstration de la participation personnelle de cet affilié aux comportements illicites dénoncés.

1554. C'est donc à tort que la Commission a retenu la participation d'Unicem à l'infraction constatée à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée.

1555. Il s'ensuit que cette disposition, pour autant qu'elle retient la participation d'Unicem, du 14 janvier 1983 au 14 avril 1986, à des accords d'échange d'informations sur les prix destinés à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau, doit être annulée.

1556. En cinquième lieu, la BCA (T-54-95), dans sa réplique, dit ignorer quelles informations auraient été échangées aux réunions des chefs de délégation et, partant, ne pas être en mesure d'exprimer un jugement sur le but et l'effet de ces échanges d'informations.

1557. Toutefois, la BCA ne saurait à la fois prétendre ignorer la nature des informations échangées lors des réunions des chefs de délégation et affirmer (requête, point 36) que ces informations n'étaient pas fondamentalement différentes des informations périodiques sur les prix qui circulaient déjà à travers les CPRF.

1558. En toute hypothèse, il est constant que Sir John Milne, qui avait été nommé chef de délégation pour le Royaume-Uni par la CMF, a assisté aux réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, points 4 et 8). La CMF n'a donc pas pu ignorer la réalité des échanges d'informations sur les prix intervenus pendant ces réunions, ainsi que la finalité anticoncurrentielle poursuivie à travers ces échanges ponctuels. La Commission était donc fondée à retenir la participation infractionnelle de la BCA, en tant que successeur de la CMF (voir ci-dessus points 1337 à 1341), aux accords d'échange d'informations sur les prix intervenus lors des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984.

1559. En sixième lieu, Oficemen (T-59-95) et l'ATIC (T-63-95) soutiennent que, pour toute la durée de l'infraction retenue à leur égard à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée à savoir du 1er janvier au 14 avril 1986 , il n'existe aucune preuve de leur participation à des réunions de Cembureau qui auraient donné lieu à des accords d'échange d'informations sur les prix destinés à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau.

1560. Il a été constaté ci-dessus aux points 1489, 1490 et 1492 que, effectivement, la Commission n'a pas démontré l'existence d'accords portant sur des échanges d'informations sur les prix, destinés à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau, au-delà de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984.

1561. L'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, pour autant qu'il constate la participation d'Oficemen et de l'ATIC, du 1er janvier au 14 avril 1986, à des accords d'échange d'informations sur les prix destinés à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau, doit par conséquent être annulé.

1562. En septième lieu, Irish Cement (T-60-95) souligne que, dans sa réponse du 5 janvier 1983 (annexe 18 à sa requête; documents n° 33.126/11576 et 11577) à la lettre circulaire n° 104 Hc/gm de Cembureau du 28 décembre 1982 figurent uniquement des informations relatives aux importations en provenance de l'Europe de l'Est.

1563. Cet argument doit être rejeté. A supposer même que les informations adressées en vue de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 aient été limitées aux importations en provenance de l'Europe de l'Est, il n'en demeure pas moins qu'Irish Cement a participé à cette réunion, ainsi qu'à celle du 19 mars 1984. La partie requérante n'ayant pas montré que, lors de ces deux réunions, elle aurait exprimé une réserve ou un dissentiment par rapport à la finalité anticoncurrentielle des échanges d'informations intervenus sur les prix des pays membres de Cembureau, elle doit être considérée comme ayant souscrit ou, à tout le moins, comme ayant donné à penser aux autres participants qu'elle souscrivait à l'objectif illicite visé par de tels échanges. La Commission était donc fondée à retenir sa participation infractionnelle aux accords d'échange d'informations sur les prix intervenus lors de ces réunions (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

1564. En huitième lieu, il convient de rappeler que la Commission n'a pas établi la participation d'Italcementi à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (voir ci-dessus points 1346 à 1349). Il ne peut donc être reproché à cette partie requérante d'avoir pris part à l'accord illicite d'échange d'informations sur les prix conclu lors de cette réunion. En revanche, Italcementi était représentée à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (voir ci-dessus point 1351). A défaut d'élément en sens contraire, la Commission était fondée à considérer que cette partie requérante a participé à l'accord d'échange d'informations sur les prix intervenu lors de cette réunion.

1565. Partant, et à défaut d'indices d'une participation d'Italcementi à l'infraction en cause avant le 19 mars 1984, l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, pour autant qu'il retient la participation d'Italcementi à des accords d'échange d'informations sur les prix destinés à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau, avant cette date, doit être annulé.

1566. En neuvième lieu, Cementir (T-87-95) soutient que la seule réunion des chefs de délégation de Cembureau à laquelle elle a participé, et au cours de laquelle des informations sur les prix ont été échangées, est celle du 14 janvier 1983.

1567. A cet égard, il est constant que Cementir n'a assisté qu'à une seule des deux réunions au cours desquelles des échanges d'informations sur les prix ont eu lieu, à savoir celle du 14 janvier 1983.

1568. La Commission prétend (mémoire en défense dans l'affaire T-87-95, point 25) que Cementir a été représentée à la réunion du 19 mars 1984 par Italcementi.

1569. Toutefois, il y a lieu de faire observer que Cementir disposait, en sa qualité de membre direct de Cembureau, de son propre chef de délégation (voir ci-dessus point 1409). Dans ces conditions, et à défaut d'élément démontrant que Cementir aurait chargé Italcementi de la représenter à la réunion du 19 mars 1984, la Commission n'était pas fondée à déduire de la présence d'Italcementi à cette réunion que Cementir y avait été représentée et, partant, qu'elle avait souscrit à l'accord d'échange d'informations sur les prix intervenu à cette date.

1570. Quant au fait que Cementir était membre direct de Cembureau, il ne permet pas non plus, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 1553, de tenir cette entreprise pour responsable de l'accord d'échange d'informations sur les prix intervenu au cours d'une réunion à laquelle elle n'a pas personnellement assisté.

1571. A défaut d'indices d'une participation de Cementir à l'infraction en cause après le 14 janvier 1983, l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, pour autant qu'il retient la participation de Cementir à des accords d'échange d'informations sur les prix destinés à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau au-delà de cette date, doit être annulé.

1572. En dixième lieu, Italcementi (T-65-95), Cementir (T-87-95) et l'AGCI (T-103-95) soulignent qu'elles ou, en ce qui concerne l'AGCI, ses sociétés membres ne nourrissaient ni intérêt ni crainte à l'égard du commerce intracommunautaire à l'époque des réunions litigieuses, de sorte que, dans leur chef, les échanges d'informations sur les prix intervenus au cours de ces réunions ne pouvaient revêtir une finalité anticoncurrentielle.

1573. Il doit toutefois être observé que, quels qu'aient été les sentiments des entreprises italiennes et grecques à l'égard du commerce intracommunautaire à cette époque, il n'en demeure pas moins qu'Italcementi a pris part à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, Cementir à celle du 14 janvier 1983, et l'AGCI à l'une et l'autre de ces réunions.

1574. Aucune de ces parties requérantes n'ayant montré que, au cours de ces réunions, elles auraient exprimé une réserve ou un dissentiment par rapport à la finalité anticoncurrentielle poursuivie par les échanges d'informations intervenus sur les prix, elles doivent être considérées comme ayant souscrit ou, à tout le moins, comme ayant donné à penser aux autres participantes qu'elles souscrivaient à l'objectif illicite visé par de tels échanges. La Commission était donc fondée à retenir leur participation infractionnelle à l'un et/ou à l'autre des accords d'échange d'informations sur les prix intervenus pendant ces réunions (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

1575. L'argumentation d'Italcementi, de Cementir et de l'AGCI doit, par conséquent, être rejetée.

Pratiques concertées d'échanges périodiques d'informations sur les prix [décision attaquée, article 2, paragraphe 2, sous a) et sous b)]

1576. Aux termes de l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, Cembureau, la FIC, Aalborg, le SFIC, le BDZ, l'AGCI, Irish Cement, Italcementi, Unicem, Cementir, Ciments luxembourgeois, la VNC, la BCA, du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1988, et l'ATIC et Oficemen, du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1988, "ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en participant à des pratiques concertées visant à faciliter l'exécution de l'accord visé à l'article 1er et portant sur:

a) la circulation d'informations sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs belges et néerlandais et des prix, rabais inclus, du producteur luxembourgeois;

b) la circulation d'informations sur les barèmes individuels des prix des producteurs danois et irlandais, sur les barèmes de la profession en vigueur en Grèce, en Italie et au Portugal et sur les moyennes de prix pratiqués en Allemagne, en France, en Espagne et au Royaume-Uni."

1577. Il est constant que, à tout le moins pendant la période prise en considération au titre de l'article 2, paragraphe 2, il a existé, au niveau de Cembureau, un système d'échange d'informations périodiques dans le cadre duquel "Cembureau re[cevait] de ses membres et communiqu[ait] à ses membres des informations sur les prix en vigueur dans les différents pays" (décision attaquée, paragraphe 16, point 8). Au paragraphe 16, points 8 à 22, la Commission analyse la documentation sur laquelle elle s'appuie pour conclure que, à travers ce système, des informations ont circulé entre Cembureau et ses membres, à tout le moins sur les prix belges, danois, français, allemands, grecs, irlandais, italiens, luxembourgeois, néerlandais, portugais, espagnols et britanniques.

1578. Eu égard aux arguments développés par les parties requérantes pour contester la légalité de l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, il convient d'examiner si le grief retenu par cette disposition figurait dans la CG (A), si la Commission a correctement identifié les informations sur les prix qui y sont visées (B), si le caractère infractionnel de ces échanges périodiques d'informations (C) ainsi que la participation à l'infraction des différentes associations et entreprises concernées (D) sont établis, et si la durée de l'infraction a été correctement appréciée à l'égard de ces entreprises et associations (E).

A Sur la correspondance entre la CG et la décision attaquée

1579. La VNC (T-32-95), le SFIC (T-36-95), Aalborg (T-44-95) et Irish Cement (T-60-95) soutiennent que leurs droits de la défense ont été violés au cours de la procédure administrative, soit en ce que le grief tiré de la "circulation d'informations sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs belges et néerlandais et des prix, rabais inclus, du producteur luxembourgeois" [décision attaquée, article 2, paragraphe 2, sous a)] n'a pas été formulé dans la CG, soit en ce que ce grief a été constaté dans la décision attaquée sur la base d'éléments de preuve qui n'étaient pas mentionnés dans la CG et qui ne leur ont pas été communiqués au cours de la procédure administrative.

1580. La VNC souligne ainsi que les documents n° 33.126/15136 à 15157, sur lesquels la Commission se fonde, aux paragraphes 16, point 18, et 47, point 9, pour considérer qu'entre Cembureau et ses membres directs, parmi lesquels la VNC, ont circulé des "informations sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs [...] néerlandais" [décision attaquée, article 2, paragraphe 2, sous a)] n'étaient pas mentionnés dans la CG.

1581. Le SFIC soutient que, dans la CG, aucune allégation de la Commission ne visait, même sommairement, le grief retenu à l'article 2, paragraphe 2, sous a), grief qui résulterait en réalité d'une question posée lors des auditions de mars 1993.

1582. Aalborg fait observer que les documents n° 33.126/15099 à 15114 et 15136 à 15157, sur lesquels la Commission se fonde, aux paragraphes 16, points 10 et 18, et 47, points 7 et 9, pour considérer qu'entre Cembureau et ses membres directs, parmi lesquels Aalborg, ont circulé des "informations sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs belges et néerlandais" [article 2, paragraphe 2, sous a)], n'étaient pas mentionnés dans la CG et ne figuraient pas dans la boîte (voir ci-dessus point 95) remise en même temps que la CG.

1583. Enfin, Aalborg et Irish Cement relèvent que, pour conclure à la circulation "d'informations sur les [...] prix, rabais inclus, du producteur luxembourgeois" [article 2, paragraphe 2, sous a)], la Commission s'est appuyée, aux paragraphes 16, point 17, et 47, point 8, sur un document qu'elles n'ont jamais reçu au cours de la procédure administrative, à savoir l'annexe 2 a au mémoire en réponse de Cembureau à la CG.

1584. Avant d'examiner le bien-fondé de ces différents arguments, il convient de souligner que si, comme cela sera exposé par la suite (voir ci-après points 1633 à 1638), les échanges d'informations périodiques sur les prix visés à l'article 2, paragraphe 2, sont tous retenus au motif que leur objectif aurait été de "faciliter l'exécution de l'accord [Cembureau]", et non pas en fonction des caractéristiques intrinsèques des données sur lesquelles ils ont porté, la Commission, par-delà la dénonciation de cette finalité anticoncurrentielle commune, met néanmoins en exergue, au paragraphe 47, sous b), i), la gravité particulière des échanges périodiques qui ont porté sur les prix des pays Benelux, en soulignant que "Cembureau et, à travers [lui], tous ses membres, [ont reçu] des informations particulièrement susceptibles d'influencer leur comportement concurrentiel vis-à-vis des producteurs belges, néerlandais et luxembourgeois" (décision attaquée, paragraphe 47, point 10; voir également point 12 du même paragraphe). Loin d'être des précisions gratuites sur la qualité des informations échangées sur les prix des pays Benelux, les développements spécifiques consacrés à ces informations au paragraphe 47, sous b), i), et qui ont conduit à la constatation figurant à l'article 2, paragraphe 2, sous a), donnent donc une coloration supplémentaire à la gravité des échanges périodiques de ces informations et à la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité qu'ils constituent. Ils révèlent en tout cas le jugement plus sévère que la Commission porte en ce qui les concerne dans la décision attaquée, par rapport à la circulation périodique des informations sur les prix des autres pays membres de Cembureau (voir, en ce sens, paragraphe 47, point 13, deuxième alinéa).

1585. Cette observation étant faite, il convient de relever que, au paragraphe 8 de la CG (p. 14 et 15), consacré à la "circulation des prix entre les membres de Cembureau", la Commission décrivait en ces termes "le système de circulation des tarifs en vigueur au moins depuis 1980":

"[C]haque membre envoie, la plupart du temps avant que les prix n'entrent en vigueur, à Cembureau le nouveau tarif ou les modifications tarifaires avec la date de prise d'effet; Cembureau renvoie à ses membres, dès réception de la communication faite par chaque membre, une fiche 'Cement Price Reference File' se référant au membre qui a fait la communication et contenant les nouveaux prix (normalement départ usine) pour chaque catégorie de ciment ainsi que les conditions de vente (départ usine, rendu en fonction de la distance, quantités minima de livraison) et une fiche 'Price development for cement' contenant les dates des modifications des prix depuis 1980 ainsi que les prix départ usine et les pourcentages d'augmentation à chaque modification tarifaire.

La note de Cembureau qui accompagne la transmission à la Commission des documents relatifs à la circulation des tarifs entre les membres fait état de quelques remarques dont certaines sont reprises ci-après: 'Belgique... depuis 1986 'Confirmation des prix donnée par téléphone une fois par an'. 'France... A partir de 1987, la France ne veut pas voir ses prix publiés dans les documents de Cembureau. Ceux-ci peuvent être communiqués par téléphone aux membres'. 'Spain... Nous ne publions plus les prix du ciment depuis 1984, une moyenne des prix nous est communiquée une fois par an, pour information, par téléphone'. 'Royaume-Uni... Nous n'avons plus reçu de communication officielle des prix depuis 1985. Nous obtenons des prix de différentes sources (i.e. constructeurs) que nous communiquons comme estimation approximative par téléphone'.

La note d'accompagnement ajoute: 'Nous ne communiquons, en général, les prix qu'à nos membres... Malheureusement les structures des prix et les types de ciment choisis par chaque pays comme référence, sont tellement différents que toutes les comparaisons qui ont été faites se sont révélées fausses.

Et elle conclut: 'Un cimentier qui connaît bien les normes, le coût du transport peut évidemment utiliser ces prix. Mais nous ne faisons jamais ce travail pour nos membres."

1586. La CG ne faisait ainsi aucune allusion, dans la présentation du système d'échange périodique d'informations sur les prix, à la nature particulière des informations qui auraient circulé entre Cembureau et ses membres à propos des prix des pays Benelux. Dans l'appréciation juridique portée, au paragraphe 60 de la CG, sur les faits décrits au paragraphe 8, la Commission dénonçait d'une manière générale la "circulation des tarifs" (CG, p. 168) ou la "circulation d'informations sur les tarifs" (CG, p. 169) entre Cembureau et ses membres, sans mettre en exergue la nature prétendument plus sensible, au regard du droit de la concurrence, des informations relatives aux prix des pays Benelux.

1587. Par ailleurs, il a déjà été constaté (voir ci-dessus points 367 et 368) que, effectivement, les documents n° 33.126/15099 à 15114 et 15136 à 15157, sur lesquels la Commission se fonde, aux paragraphes 16, points 10 et 18, et 47, points 7 et 9, de la décision attaquée, pour conclure, à l'article 2, paragraphe 2, sous a), que les informations ayant circulé périodiquement entre Cembureau et ses membres directs ont porté, en ce qui concerne la Belgique et les Pays-Bas, sur "les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion", n'étaient pas mentionnés dans la CG et ne figuraient pas dans la boîte (voir ci-dessus point 95).

1588. Parmi les documents contenus dans cette boîte en ce qui concerne le grief tiré de la circulation périodique des tarifs, seules figuraient, dans le document n° 33.126/15096 cité, notamment, au paragraphe 16, point 8, sous i), de la décision attaquée , les indications suivantes, à propos des prix belges et néerlandais:

"Les prix fournis à Cembureau sont des prix hors TVA et sans les rabais. Chaque pays a une structure de prix différente, les prix peuvent être départ usine, livrés chantier ou livrés gare, par camion, par voie d'eau, etc.

Belgique

Photocopies des prix de 1984 à 1986 plus d'augmentation des prix après 1986

Système de prix (contrôle total jusqu'en 1986, barème public fourni à Cembureau)

Confirmation des prix donnée par téléphone une fois par an

[...]

Pays-Bas

Photocopies des prix de 1984 à 1988

Système des prix (pratiquement libre depuis 1985)

Barème public des prix de la société ENCI."

1589. Enfin, il est constant que l'annexe 2 a au mémoire en réponse de Cembureau à la CG, sur laquelle la Commission s'appuie, aux paragraphes 16, point 17, et 47, point 8, de la décision attaquée, pour conclure, à l'article 2, paragraphe 2, sous a), que les informations périodiques ayant circulé entre Cembureau et ses membres portaient, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les "prix, rabais inclus, du producteur luxembourgeois", n'a pas été communiquée par la Commission aux destinataires de la CG au cours de la procédure administrative (voir ci- dessus point 401).

1590. Parmi les documents contenus dans la boîte (voir ci-dessus point 95) qui se rapportaient au grief tiré de la circulation périodique des tarifs, seules figuraient, dans le document n° 33.126/15096, mentionné ci-dessus au point 1588, les indications suivantes, à propos des prix luxembourgeois:

"Les prix fournis à Cembureau sont des prix hors TVA et sans les rabais. Chaque pays a une structure de prix différente, les prix peuvent être départ usine, livrés chantier ou livrés gare, par camion, par voie d'eau, etc.

Luxembourg

Infraction visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée

Système des prix (contrôle)

Prix communiqués par les Ciments luxembourgeois, seule société productrice de ciment."

1591. Il y a donc lieu d'accueillir les arguments de la VNC, du SFIC, d'Aalborg et d'Irish Cement, tirés d'une violation de leurs droits de la défense, en ce que l'article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision attaquée constate que la circulation périodique d'informations entre Cembureau et ses membres a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les "prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs [de ces deux pays]" et, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les "prix, rabais inclus, du producteur [de ce pays]".

1592. S'agissant d'une violation de formes substantielles, il y a lieu de constater d'office (arrêt Interhotel/Commission, cité au point 487 ci-dessus, point 14) la même violation des droits de la défense à l'égard des autres parties requérantes visées à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée.

1593. Il s'ensuit que l'article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision attaquée, pour autant qu'il constate que la circulation périodique d'informations entre Cembureau et ses membres a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les "prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs [de ces deux pays]" et, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les "prix, rabais inclus, du producteur [de ce pays]", doit être annulé. Cette annulation n'affecte toutefois pas la constatation non contestée par les parties requérantes selon laquelle des informations sur les prix belges, néerlandais et luxembourgeois ont circulé entre Cembureau et ses membres pendant la période considérée.

1594. Cembureau (T-26-95) dénonce d'une manière générale le manque de précision des développements consacrés, dans la CG, aux échanges périodiques d'informations sur les prix. Il souligne que l'analyse très détaillée des informations sur les prix, qui est présentée au paragraphe 16, points 8 à 22, de la décision attaquée, ne figurait pas dans la CG, laquelle ne contenait qu'un compte rendu général des pratiques de Cembureau en matière de circulation d'informations sur les tarifs.

1595. La VNC (T-32-95) et la BCA (T-54-95) affirment que le grief retenu à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée est un grief entièrement nouveau. La BCA relève que la partie en fait de la CG ne comportait qu'une description sommaire du système de circulation périodique d'informations sur les prix en vigueur au niveau de Cembureau (CG, p. 14 et 15) et que la partie en droit de la CG ne contenait que des références générales à la circulation des listes de prix (CG, p. 168 à 170).

1596. Sur cette question, il convient de rappeler que, si la CG doit énoncer de manière claire les faits sur lesquels la Commission se fonde ainsi que la qualification juridique qui leur est donnée, cette indication peut être faite de manière sommaire, la décision ne devant pas nécessairement être une copie de l'exposé des griefs (voir arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 439 ci-dessus, point 14).

1597. En l'espèce, il a déjà été souligné (voir ci-dessus point 1585) que le paragraphe 8 de la CG (chapitre 2, p. 14 et 15) décrivait d'une manière générale le système de circulation des tarifs en vigueur au niveau de Cembureau, en reproduisant l'une ou l'autre observation, ainsi que les commentaires finals, qui figuraient dans la note par laquelle Cembureau, à la suite d'une demande de renseignements, avait transmis à la Commission la documentation relative à la circulation périodique des tarifs (documents n° 33.126/15096 et 15097). Cette note, qui était visée dans la CG et qui se trouvait dans la boîte (voir ci-dessus point 95), comporte (voir document n° 33.126/15096) une description succincte, pays par pays, du type des informations sur les prix qui ont été fournies à Cembureau pour diffusion aux membres pendant la période considérée.

1598. Au paragraphe 60 de la CG (p. 168 et 169), la Commission expliquait en quoi, selon elle, "Cembureau et ses membres" avaient enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité, "au moins à partir de 1983", en participant à ce système d'échange périodique d'informations sur les prix: d'une part, celui-ci aurait visé à "informer sur le comportement des membres de Cembureau dans les différents pays et, donc, à permettre le respect des 'règles de concurrence loyale"; d'autre part, il aurait eu pour but d'"inciter les membres de Cembureau à diminuer les écarts de prix entre les différents pays pour éliminer ou réduire les tentations à exporter dans les marchés des autres membres".

1599. Sous réserve des conclusions dégagées ci-dessus au point 1593 quant aux constatations figurant à l'article 2, paragraphe 2, sous a), à propos de la circulation périodique des informations sur les prix des pays Benelux, Cembureau, la VNC et la BCA ont donc été en mesure de se rendre compte, à la lumière de ces différents passages de la CG, que la Commission leur reprochait leur participation à l'infraction finalement retenue à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée. Les indications complémentaires apportées par la Commission au paragraphe 16, points 11 à 16 et 19 à 21, qui l'ont conduite, à l'article 2, paragraphe 2, sous b), à regrouper les informations échangées sur les prix des pays "non Benelux" en trois catégories à savoir, les "barèmes individuels des prix" (pour le Danemark et l'Irlande, pays caractérisés, à l'époque, par la présence d'un seul producteur national), les "barèmes de la profession" (pour la Grèce, l'Italie et le Portugal) et les "moyennes de prix" (pour l'Allemagne, la France, l'Espagne et le Royaume-Uni) ne sauraient à cet égard être jugées révélatrices d'une prétendue violation, par la Commission, des droits de la défense au cours de la procédure administrative. Ces indications ne font en effet qu'étayer des éléments qui, pour la plupart, ressortaient déjà du document n° 33.126/15096 mentionné ci-dessus au point 1588. En outre, elles n'ont pas aggravé la teneur du grief formulé dans la CG en relation avec la circulation périodique des tarifs au sein de Cembureau, contrairement aux précisions apportées par la Commission, au stade de la décision attaquée, au sujet des informations sur les prix des pays Benelux (voir ci-dessus point 1584).

1600. Les arguments de Cembureau, de la VNC et de la BCA doivent donc être écartés.

1601. Dans sa réplique, Aalborg soutient encore que le grief relatif aux échanges périodiques d'informations sur les prix a été reformulé dans la décision attaquée, dans la mesure où, dans cette dernière, la Commission prétend que ces échanges périodiques ont visé à permettre un alignement des prix pour les exportations qui auraient eu lieu nonobstant l'accord Cembureau, alors que, dans la CG (paragraphe 60), la Commission aurait vu dans ces échanges une infraction étroitement liée aux règles de concurrence loyale. De son côté, Unicem (T-50-95) prétend que, dans la CG (paragraphe 60, troisième alinéa), la circulation des tarifs était considérée comme l'objet d'un accord ou d'une pratique concertée indépendants, visant à établir une coordination entre les participants et à instaurer des conditions différentes des conditions normales du marché, alors que, dans la décision attaquée (paragraphe 47), l'échange de tarifs a été qualifié d'accord complémentaire, tendant à faciliter l'accord Cembureau. Unicem estime ne pas avoir été en mesure de réfuter, au cours de la procédure administrative, cet aspect de "facilitation" de l'accord Cembureau.

1602. Il convient d'abord de rappeler que, aux termes de l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, les échanges périodiques d'informations sur les prix sont jugés contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en ce qu'ils auraient "visé à faciliter l'exécution de l'accord [Cembureau]". Il y a donc lieu de vérifier si la dénonciation de cette finalité anticoncurrentielle particulière ressortait de manière suffisamment claire de la CG.

1603. Au paragraphe 59 de la CG (chapitre 10, p. 168), la Commission affirmait, à propos des différents "accords et [...] pratiques décrits au chapitre 2, section 1 et section 2, [de la CG]":

"Dans le cadre de Cembureau et à travers cette association, les producteurs européens de ciment ont convenu des plans, des dispositifs et des mesures, arrêtés dans la structure institutionnelle de Cembureau et dans le cadre d'un système de réunions et contacts permanents bilatéraux et multilatéraux promus par les institutions de Cembureau, visant au respect des marchés nationaux respectifs, à la répartition des marchés conformément à des quotas ou à des volumes cibles ou à des mesures temporaires visant à régulariser et à contrôler les volumes des ventes, à l'échange d'informations sur les prix et les exportations et importations pour leur permettre de mieux coordonner leur action."

1604. Dans l'appréciation juridique portée sur "[l]es 'règles de concurrence loyale et la circulation des tarifs", la Commission précisait ainsi que cela a déjà été souligné (voir ci-dessus point 1598) que la circulation des tarifs avait visé, selon elle, outre à informer sur le comportement des membres de Cembureau dans les différents pays et, donc, à permettre le respect des règles de concurrence loyale, "à inciter les membres de Cembureau à diminuer les écarts de prix entre les différents pays pour éliminer ou réduire les tentations à exporter dans les marchés des autres membres" (CG, paragraphe 60, premier alinéa, p. 168).

1605. A la lecture de ces différents passages de la CG, Aalborg et Unicem ont été en mesure de prendre conscience de ce que la Commission dénonçait le système d'échange périodique d'informations sur les prix entre les membres de Cembureau, non seulement en ce que celui-ci aurait tendu à modifier artificiellement les conditions de concurrence sur le marché ou à instaurer des règles de concurrence loyale, mais aussi en ce qu'il aurait visé à inciter les membres de Cembureau à réduire les écarts entre les prix et, partant, les tentations à l'exportation, soit, en définitive, à garantir le respect de l'accord Cembureau. 1606.

1606. Les arguments d'Aalborg et d'Unicem doivent, par conséquent, être rejetés.

B. Sur l'identification des informations visées à l'article 2, paragraphe 2, sous b), de la décision attaquée.

Cembureau (T-26-95) et Italcementi (T-65-95) prétendent que, en Italie, la détermination des prix du ciment est restée soumise à l'approbation des pouvoirs publics jusqu'en 1993, et non pas jusqu'en 1985, comme l'affirmerait la Commission au paragraphe 16 de la décision attaquée.

1608. Il convient toutefois de constater que la Commission ne soutient pas, dans la décision attaquée, que les prix du ciment italien ont été libérés à partir de 1985. Elle fait uniquement observer (paragraphe 16, point 16) que, à partir de décembre 1985, le régime de contrôle des prix a cédé la place à "un régime de surveillance, en vertu duquel chaque entreprise, sur la base de l'enquête sur l'évolution des coûts effectuée par le CIP auprès d'un certain nombre de producteurs, soumet[tait] au ministère compétent le tarif qu'elle entend[ait] appliquer et sur lequel le ministère se pronon[çait] dans les 30 jours".

1609. En tout état de cause, les allégations de Cembureau et d'Italcementi ne sont pas de nature à écarter la conclusion tirée par la Commission, à l'article 2, paragraphe 2, sous b), de la décision attaquée, de l'analyse développée au paragraphe 16, point 16, de celle-ci, à savoir que le système d'échange périodique d'informations sur les prix en vigueur au niveau de Cembureau a porté, en ce qui concerne les prix italiens, sur les "barèmes de la profession".

1610. Le SFIC (T-36-95) allègue qu'il a uniquement transmis à Cembureau des moyennes de tarifs, et non pas des données individualisées portant sur les prix effectifs des producteurs français. Ces moyennes auraient été établies sur la base des tarifs transmis par ses membres, de sorte qu'elles ne sauraient être qualifiées de "moyennes de prix", contrairement à ce que la Commission constate à l'article 2, paragraphe 2, sous b), de la décision attaquée.

1611. Il doit toutefois être constaté que la Commission ne prétend pas, dans la décision attaquée, que les informations qui ont circulé entre les membres de Cembureau sur les prix français étaient des données individualisées. A l'article 2, paragraphe 2, sous b), elle constate uniquement la circulation d'informations "sur les moyennes de prix pratiqués en [...] France". Au paragraphe 47, point 14, troisième tiret, elle indique que "les moyennes de prix envoyées pour [...] la France ne comportaient pas d'identification des producteurs". Elle ne soutient pas davantage que les informations relatives au marché français ont porté sur les prix réels, effectivement pratiqués par les producteurs domestiques.

1612. Il y a également lieu de constater que les différents documents visés au paragraphe 16, point 12, pour illustrer le type d'informations ayant circulé, au niveau de Cembureau, pour le marché français (documents n° 33.126/15096, 15170 à 15182 et 15230 à 15243) font tous état de "prix", ce qui réduit à néant l'argument du SFIC fondé sur la distinction qu'il aurait incombé à la Commission de faire en l'espèce entre "prix" et "tarifs".

1613. C'est donc à juste titre que la Commission a constaté, à l'article 2, paragraphe 2, sous b), que le système de circulation périodique des prix en vigueur au niveau de Cembureau avait porté, en ce qui concerne la France, sur "les moyennes de prix pratiqués" sur ce marché.

1614. Irish Cement (T-60-95) considère que les informations relatives à l'Irlande, qui sont décrites au paragraphe 16, point 15, de la décision attaquée, ne traduisent pas la réalité des informations qu'elle avait fournies à Cembureau, puisque les premières comportent les termes "minimum" et "maximum", lesquels ne figuraient pas dans les secondes (voir document n° 33.126/15122, cité au paragraphe 16, point 15).

1615. Il convient cependant de relever que, d'après le document n° 33.126/15122 mentionné au point précédent, les indications suivantes ont été communiquées le 8 juillet 1985 par Irish Cement à Cembureau:

"Voici les prix du ciment à partir du 8 juillet 1985:

[...]

En sacs:

ciment portland ordinaire de [...]

à [...]

[...]"

1616. La Commission ne saurait raisonnablement être accusée d'avoir travesti la réalité des informations transmises par Irish Cement à Cembureau, au motif qu'elle indique, au paragraphe 16, point 15, que, "[d]'après l'exemple de communication fourni par Cembureau, Irish Cement Ltd a transmis les prix pour: [...] ciment portland ordinaire en sacs de ... (minimum) à ... (maximum) [...]".

1617. En toute hypothèse, l'argument d'Irish Cement n'est pas de nature à écarter l'analyse ayant conduit la Commission à constater, à l'article 2, paragraphe 2, sous b), de la décision attaquée, que la circulation périodique d'informations sur les prix organisée au niveau de Cembureau avait porté, en ce qui concerne l'Irlande, sur les "barèmes individuels des prix du producteur irlandais".

1618. L'AGCI (T-103-95) conteste avoir diffusé des "mercuriales de prix" ou des "tarifs", comme la Commission le soutient au paragraphe 47, points 13 et 15, de la décision attaquée. A l'audience, elle a précisé que, en réalité, elle entendait par là souligner que les données sur les prix qu'elle avait fournies à Cembureau pendant la période considérée n'avaient jamais contenu d'informations commerciales confidentielles.

1619. Cet argument, qui vise à dénier toute valeur sensible aux informations sur les prix qui ont circulé au niveau de Cembureau sur les prix grecs, sera examiné ci-après aux points 1622 à 1647. A ce stade, il convient uniquement de relever que la Commission ne prétend pas, dans la décision attaquée, que la circulation périodique des prix en vigueur au niveau de Cembureau a porté, à propos du marché grec, sur des informations commerciales confidentielles. Elle constate (paragraphe 47, point 14, deuxième tiret) que, "en ce qui concerne [...] la Grèce [...], les barèmes transmis [étaient] ceux approuvés par les autorités publiques et se réf[éraient] à toute la profession", constatation qui l'amène à conclure, à l'article 2, paragraphe 2, sous b), de la décision attaquée, que la circulation périodique d'informations sur les prix entre les membres de Cembureau a porté, en ce qui concerne la Grèce, sur les "barèmes de la profession". L'argument de l'AGCI n'est pas de nature à écarter cette constatation objective.

C Sur le caractère infractionnel des échanges périodiques d'informations sur les prix

1620. A l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, la Commission dénonce le système de circulation périodique des prix instauré au niveau de Cembureau en ce qu'il aurait été l'objet de "pratiques concertées [ayant visé] à faciliter l'exécution de l'accord [Cembureau]".

1621. Les parties requérantes visées à l'article 2, paragraphe 2, font valoir, en substance, huit arguments tendant à contester le caractère infractionnel de ces échanges périodiques d'informations sur les prix.

1622. En premier lieu, l'ensemble de ces parties requérantes fait valoir une série d'arguments visant à souligner l'absence totale de valeur commerciale, confidentielle ou stratégique des informations sur les prix qui ont circulé entre elles pendant la période considérée ou, à tout le moins, de celles qui ont porté sur les prix en vigueur sur leur propre marché.

1623. Les parties requérantes affirment que les informations en question étaient des données officielles relevant du domaine public ou, à tout le moins, accessibles par d'autres sources, et qui auraient toujours été diffusées par Cembureau à ses membres après l'entrée en vigueur des prix communiqués, à l'occasion de mises à jour annuelles. Ainsi que cela ressortirait de la description faite au paragraphe 16, points 8 à 22, de la décision attaquée, bon nombre de ces informations auraient eu trait à des prix soumis à contrôle ou à surveillance étatique ou, comme au Royaume-Uni, à des prix fixés en vertu d'accords de marché dont la légalité était reconnue. Les informations contenues dans les CPRF (voir ci-dessus point 401) auraient été des données historiques et statistiques, dont la collecte participait de l'activité normale d'associations professionnelles ou d'organismes statistiques agréés. Ces informations auraient été peu fiables, approximatives et partielles, dès lors qu'elles auraient porté sur des "barèmes" ou des "moyennes" de tarifs et qu'elles n'auraient visé qu'une gamme limitée de ciments. Les données auraient été difficilement comparables, compte tenu de la grande hétérogénéité des mécanismes de prix, ainsi que des fluctuations monétaires qui affectent toute analyse internationale. Il se serait agi d'informations globales, se voulant de simples "indicateurs de tendance", dépourvues de précisions sur les taux de TVA, les rabais, les coûts du transport, les conditions de vente, et ne comportant ni individualisation des entreprises ni ventilation en fonction des différents marchés régionaux du pays concerné et des divers sites de production des opérateurs domestiques. En aucun cas, les échanges dénoncés n'auraient révélé les prix effectivement pratiqués sur le marché. L'AGCI n'exclut pas, pour sa part, que les informations contenues dans les CPRF de Cembureau aient été inexactes. Elle relève en effet d'importantes différences entre les informations officielles sur les volumes d'exportation fournies par Cembureau à ses membres et les documents d'Eurostat.

1624. Les parties requérantes concluent que ces échanges périodiques d'informations sur les prix non seulement n'étaient pas en tant que tels contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, mais en outre n'étaient ni aptes ni destinés à servir l'une et l'autre des finalités anticoncurrentielles que la Commission leur attribue dans la décision attaquée, à savoir garantir l'accord Cembureau et inciter au respect de règles de concurrence loyale pour les exportations intermembres. A tout le moins, la Commission n'aurait fourni aucun élément de preuve à l'appui de ses allégations. Cembureau ajoute que les données des CPRF n'auraient pu renseigner utilement sur l'intention de l'une ou l'autre entreprise de violer la règle du respect des marchés domestiques que si elles avaient été assorties d'une série de précisions portant sur des facteurs tels que les coûts du transport, l'existence de capacités excédentaires, la capacité de positionnement sur les marchés à l'exportation, l'aptitude à se conformer aux normes locales, l'évaluation des incidences probables d'éventuelles mesures de rétorsion. Quant à l'AGCI, elle réfute particulièrement la thèse de la Commission selon laquelle la circulation périodique des prix organisée au niveau de Cembureau devait permettre aux producteurs d'aligner leurs prix à l'exportation sur les prix pratiqués par les "price leaders" locaux, en faisant observer que la fixation des prix à l'exportation dépendait aussi des modalités particulières des échanges maritimes internationaux, ainsi que de l'existence, à l'époque, d'un contrôle des changes.

1625. Cembureau, la FIC, le SFIC, la BCA, Oficemen et l'ATIC soulignent que, comme la Commission elle-même le relève au paragraphe 47, point 13, de la décision attaquée, le système d'informations litigieux existait bien avant l'adoption de l'accord Cembureau, ce qui interdirait de considérer que les échanges périodiques visés à l'article 2, paragraphe 2, avaient pour finalité de garantir ou de faciliter l'application de cet accord. La BCA estime que la Commission aurait au moins dû démontrer que, à partir de 1984, date retenue comme point de départ de l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 2, un changement était intervenu dans le fonctionnement de ce système, avant de conclure que, à compter de cette époque, celui-ci avait visé à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau.

1626. Cembureau, la BCA, Oficemen, Irish Cement, l'ATIC et l'AGCI soutiennent que, en réalité, les échanges périodiques en cause servaient une série de finalités parfaitement licites, comme la diffusion d'études statistiques auprès du public, des autorités étatiques et des industriels, la réalisation d'analyses techniques, scientifiques ou économiques visant, par exemple, à apprécier la position concurrentielle de l'industrie du ciment par rapport à d'autres industries de production de matériaux de construction, ou encore l'illustration des tendances générales des prix du ciment en Europe, en vue de documenter les demandes d'augmentations de prix introduites auprès de leurs pouvoirs publics par les industries originaires d'un marché connaissant un régime de contrôle ou de surveillance des prix.

1627. Cembureau, la FIC et Cementir prétendent encore que la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation quant au caractère prétendument infractionnel des échanges périodiques d'informations sur les prix retenus à l'article 2, paragraphe 2. Cembureau et Cementir reprochent ainsi à la Commission de ne pas avoir expliqué en quoi des échanges périodiques d'informations générales et historiques auraient pu constituer une mesure complémentaire de l'accord Cembureau. De son côté, la FIC souligne que, dès lors que les éléments visés au paragraphe 17 au sujet des "discussions sur la concurrence 'loyale ou saine ou correcte" ne lui sont pas reprochés et que la Commission n'a entendu en tirer aucune conséquence juridique, la Commission ne pouvait valablement les exploiter pour asseoir son argumentation quant au caractère infractionnel des échanges périodiques d'informations sur les prix.

1628. Sur cette question, il y a tout d'abord lieu de relever que les informations sur les prix qui ont circulé à travers les CPRF étaient moins neutres que les parties requérantes tentent de le faire croire.

1629. Ainsi, comme la Commission le relève à juste titre au paragraphe 47, point 14, premier tiret, de la décision attaquée:

"[L]es barèmes du Danemark et d'Irlande se réfèrent à des entreprises individuelles [respectivement Aalborg et Irish Cement, seuls producteurs domestiques sur leur marché à l'époque considérée]. La remarque selon laquelle ces informations ne seraient pas individualisées tombe d'elle-même."

1630. En outre, si les informations des CPRF ne portaient effectivement que sur des tarifs en vigueur, il n'en demeure pas moins que, comme la Commission le constate à juste titre au paragraphe 16, point 8, sous i), de la décision attaquée, certains membres transmettaient parfois à Cembureau des avis de modification tarifaire avant leur entrée en vigueur. Dans ces conditions, et eu égard à la régularité avec laquelle les données sur les prix étaient mises à jour (voir documentation remise par Cembureau à la Commission; documents n° 33.126/15098 à 15305), l'argumentation des parties requérantes visant à limiter la valeur des informations échangées à un intérêt purement statistique ou historique ne peut être accueillie. 1631.

1631. Enfin, selon une note de Cembureau à la Commission (décision attaquée, paragraphe 16, point 22; document n° 33.126/15097), bien que "les structures des prix et les types de ciment choisis par chaque pays comme référence [aient été] tellement différents que toutes les comparaisons qui ont été faites se sont révélées fausses", "[u]n cimentier qui conna[issait] bien les normes, les coûts du transport, p[ouvait] évidemment utiliser ces prix". Ainsi, les informations contenues dans les CPRF étaient utilement exploitables par les professionnels, même si, aux dires de Cembureau, elles étaient inappropriées pour des comparaisons internationales.

1632. Quant à l'argument développé par l'AGCI à partir de la comparaison des documents de Cembureau et d'Eurostat (voir ci-dessus point 1623), il doit être rejeté, dès lors qu'il procède de simples soupçons fondés sur une comparaison de sources d'informations se rapportant non pas aux prix, mais aux volumes d'exportation, sans être étayé par la moindre indication concrète.

1633. En tout état de cause, il convient de rappeler que si, dans l'appréciation juridique, la Commission distingue les échanges d'informations sur les prix des pays Benelux [décision attaquée, paragraphe 47, sous b), i)] échanges qui, selon elle (paragraphe 47, point 10), ont porté sur des "informations particulièrement susceptibles d'influencer le comportement concurrentiel vis-à-vis des producteurs belges, néerlandais et luxembourgeois" et les échanges d'informations sur les prix des autres pays [décision attaquée, paragraphe 47, sous b), ii)] échanges qui, d'après elle (paragraphe 47, point 13), ont été "moins grave[s]" , tous ces échanges périodiques sont, en définitive, retenus à l'article 2, paragraphe 2, en raison du fait qu'ils auraient été l'un des supports de l'accord Cembureau, dont ils auraient visé à faciliter l'exécution.

1634. Il y a donc lieu de vérifier si ces échanges périodiques ont ou non été animés par la finalité anticoncurrentielle que la Commission leur prête dans la décision attaquée, indépendamment de la question de savoir si les caractéristiques intrinsèques des informations ainsi échangées ont pu ou non, par elles-mêmes, conférer un caractère infractionnel au système de circulation périodique dont elles ont fait l'objet.

1635. En ce qui concerne la finalité prétendument poursuivie, selon la Commission, par les échanges périodiques d'informations sur les prix, le rapprochement du dispositif et de la partie en droit de la décision attaquée fait apparaître la même discordance que celle observée ci-dessus aux points 1512 et 1513 à propos des échanges ponctuels d'informations sur les prix intervenus lors de réunions de Cembureau.

1636. Alors que, à l'article 2, paragraphe 2, la Commission constate que ces échanges périodiques sont contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité au motif qu'ils auraient visé à "faciliter l'exécution de l'accord [Cembureau]", dans l'appréciation juridique qu'elle leur consacre au paragraphe 47, sous b), elle leur prête un double objectif:

"mettre en œuvre l'accord de respect des marchés domestiques et de réglementation des ventes d'un pays à l'autre" (paragraphe 47, point 13; voir également paragraphe 47, point 15);

"inciter [ou amener] à respecter les règles de concurrence loyale lors des [ou pour les] exportations inter- Cembureau" (paragraphe 47, points 10 et 13).

1637. Pour les motifs énoncés ci-dessus au point 1513, cette discordance est cependant sans conséquence.

1638. Il convient donc uniquement d'examiner, conformément au libellé de l'article 2, paragraphe 2, si la Commission était fondée à juger anticoncurrentielles les pratiques concertées relatives à la circulation périodique d'informations sur les prix des pays membres de Cembureau, au motif qu'elles visaient "à faciliter l'exécution de l'accord [Cembureau]". L'examen des arguments des parties requérantes selon lesquels ces échanges périodiques de tarifs n'auraient été ni aptes ni destinés à inciter au respect des règles de concurrence loyale pour les exportations entre les pays membres de Cembureau est, pour sa part, sans objet.

1639. Au paragraphe 47, point 13, deuxième et troisième alinéas, de la décision attaquée, la Commission expose les raisons qui l'amènent à considérer que, à partir de 1984, les échanges périodiques d'informations sur les prix ont eu pour but de faciliter l'exécution de l'accord Cembureau:

"[...] Même si cet échange a débuté en 1981, la Commission ne peut pas exclure de son appréciation le fait qu'il s'est poursuivi après les discussions au cours des réunions des chefs de délégation (voir paragraphes 16, 17 et 19 ci-dessus) et qu'il est adapté pour mettre en œuvre l'accord de respect des marchés domestiques et de réglementation des ventes d'un pays à l'autre [...]

Ainsi que rappelé au point (1) ci-dessus, les discussions au sein des réunions des chefs de délégation portaient essentiellement sur la nécessité d'éviter les risques d'accroissement des importations, de vérifier les causes des conflits et de réduire les écarts de prix pour éviter les tentations d'exporter."

1640. Le fait que, d'une part, les échanges périodiques d'informations sur les prix aient continué après les réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été arrêté et les écarts de prix entre les différents pays membres discutés, et que, d'autre part, ces échanges aient été aptes à garantir l'application de cet accord impliquerait donc nécessairement, selon la Commission, qu'à partir de cette époque, ils ont visé à mettre en œuvre ce dernier.

1641. En ce qui concerne l'élément temporel, il est constant que les échanges périodiques d'informations sur les prix se sont poursuivis après les réunions des chefs de délégation de 1983 et de 1984, à tout le moins jusqu'à la fin de l'année 1988 (voir, notamment, documents n° 33.126/15066 et 15096, cités au paragraphe 16, points 8 et 9, de la décision attaquée).

1642. Quant à l'aptitude de ces échanges périodiques à garantir l'accord Cembureau, les CPRF permettaient effectivement à l'entreprise confrontée à la demande d'un client potentiel établi dans un autre pays membre de connaître le niveau général des prix en vigueur, à ce moment, dans ce pays et d'aligner ses prix à l'exportation en conséquence, pour dissuader ce client de se procurer du ciment en dehors de son pays et éviter ainsi de concurrencer les producteurs locaux. La simple connaissance des prix officiels ou moyens en vigueur sur le marché en question, qu'offrait pour chaque pays membre de Cembureau le système d'échange périodique d'informations organisé par les CPRF, suffisait en effet aux professionnels pour adapter leurs prix à l'exportation à un niveau suffisamment dissuasif, dans l'optique du respect de l'accord Cembureau, sans qu'il fût nécessaire de connaître le détail des prix réellement pratiqués sur les différents marchés par les producteurs locaux.

1643. En outre, même si, d'après Cembureau, "les structures des prix et les types de ciment choisis par chaque pays comme référence [étaient] tellement différents que toutes les comparaisons qui [avaient] été faites [s'étaient] révélées fausses" (décision attaquée, paragraphe 16, point 22; document n° 33.126/15097), les CPRF constituaient indéniablement un bon indicateur de tendance des écarts de prix existant entre les différents pays membres de Cembureau, que les chefs de délégation, lors de leurs réunions du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984, avaient jugé "souhaitable de réduire progressivement" pour éliminer les "tentations" d'exporter (mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphes 19, point 9, et 47, point 1; document n° 33.126/11728).

1644. Dans ces conditions, la Commission était en droit de considérer que, à compter des réunions des chefs de délégation décrites au paragraphe 19 de la décision attaquée, l'une des finalités assignées au système d'échange périodique d'informations sur les prix avait été de garantir l'application de l'accord Cembureau arrêté pendant ces réunions. Le fait que ledit système avait été mis en place bien avant l'adoption de l'accord Cembureau ne faisait pas obstacle, à cet égard, à ce que la Commission considérât sans être tenue à cet effet de démontrer qu'un changement était intervenu dans le fonctionnement de ce système que, dès l'instant où l'accord Cembureau avait été conclu, l'une des fonctions attribuées à de tels échanges périodiques était de faciliter l'exécution de cet accord. La Commission était ainsi fondée à estimer que, à partir de cette époque, le système d'échange périodique d'informations sur les prix avait épousé, puis prolongé la finalité anticoncurrentielle poursuivie par les discussions qui s'étaient tenues au cours des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984 sur "les risques pouvant résulter d'un accroissement de certaines importations conjointement avec une réduction marquée du niveau de certains prix" (projet d'exposé introductif du président pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983; décision attaquée, paragraphe 19, point 5; document n° 33.126/11584) ou sur la "pression due au commerce intermembres" (notes de séance de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 10; document n° 33.126/11736), ainsi que par les échanges ponctuels d'informations sur les prix intervenus dans le cadre de ces deux réunions.

1645. Le bien-fondé de cette appréciation est corroboré par une pièce figurant parmi la documentation visée par la Commission au paragraphe 16 de la décision attaquée pour illustrer la circulation d'informations sur les prix entre les membres de Cembureau.

1646. Le tableau "Prix domestiques (hors taxes)", diffusé lors de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 16, point 5; document n° 33.126/11599), comporte une référence aux "Prices listed Cement Price Reference File". Les données figurant dans les CPRF ont donc été utilisées pour la confection de ce document, qui a servi de support aux discussions visant, au cours de cette réunion, à "apprécier les risques pouvant résulter d'un accroissement de certaines importations conjointement avec une réduction marquée du niveau de certains prix, cela avant que le phénomène n'ait eu le temps de s'étendre en volume et en gravité" (projet d'exposé introductif du président pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983; décision attaquée, paragraphe 19, point 5; document n° 33.126/11585). Il ressort ainsi de ce tableau que les données contenues dans les CPRF ont été mises au service de la finalité anticoncurrentielle des discussions qui se sont tenues, notamment en matière de prix, lors des réunions des chefs de délégation de Cembureau au sujet de la situation du commerce intra-européen.

1647. En conclusion, c'est à bon droit, et au terme d'une motivation suffisante, que la Commission a considéré, à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, que les échanges périodiques d'informations sur les prix des différents pays membres de Cembureau avaient visé à "faciliter l'exécution de l'accord [Cembureau]".

1648. En deuxième lieu, Aalborg reproche à la Commission de ne pas avoir pris position sur l'incidence de la double circonstance, soulignée par Aalborg au cours de la procédure administrative, que ses prix avaient été soumis au contrôle des autorités danoises de la concurrence jusqu'en 1989 et que les prix envoyés à Cembureau avaient été préalablement approuvés par ces autorités et publiés.

1649. Il convient tout d'abord de relever que, au paragraphe 16, point 11, de la décision attaquée, la Commission reproduit l'extrait du mémoire en réponse d'Aalborg à la CG (p. 13, note 2), dans lequel l'entreprise danoise explique:

"Les prix d'Aalborg ont été soumis jusqu'à 1989 à l'approbation préalable de l'autorité de contrôle des monopoles et les tarifs des prix modifiés ont été envoyés à Cembureau après l'approbation et la publication au Danemark."

1650. Au paragraphe 47, point 14, deuxième tiret, de la décision attaquée, elle prend position sur les observations formulées par "certaines entreprises" au cours de la procédure administrative, selon lesquelles "la diffusion de ces informations sur les prix n'[avait pas pu] avoir d'influence sur le marché, puisqu'il [s'agissait] d'informations [...] concernant parfois des barèmes approuvés par les autorités".

1651. Elle explique ainsi, à propos des barèmes italiens, grecs et portugais, qui faisaient, eux aussi, l'objet d'un contrôle public à l'époque:

"[...] malgré leur caractère public, [les entreprises] ont estimé nécessaire de les envoyer et de les faire circuler. Si les entreprises ont jugé nécessaire de faire circuler les barèmes concernant la profession de leur pays, c'est parce qu'une telle circulation d'informations s'inscrivait dans le cadre des discussions au sein des chefs de délégation, discussions qui, comme il a été dit au point (1) ci-dessus, portaient sur la nécessité d'éviter les risques d'accroissement des importations, de vérifier les causes des conflits et de réduire les écarts de prix pour éviter les tentations d'exporter".

1652. Cette prise de position vaut nécessairement aussi pour les barèmes d'Aalborg qui, de toute évidence, n'ont pas été mentionnés aux côtés des barèmes italiens, grecs et portugais, parce que, à la différence de ces derniers, ils concernaient non pas les barèmes de "toute la profession de ce pays" (décision attaquée, paragraphe 47, point 14, deuxième tiret), mais les barèmes individuels de l'unique entreprise danoise, pris en considération par la Commission à un autre titre (paragraphe 47, point 14, premier tiret).

1653. L'argument d'Aalborg doit, par conséquent, être rejeté.

1654. En troisième lieu, la BCA soutient que, si l'avis de modification tarifaire adressé par la CMF le 8 mai 1985 à Cembureau a certes eu lieu avant l'entrée en vigueur, le 1er juin 1985, de cette augmentation [décision attaquée, paragraphe 16, point 8, sous i), et point 21; document n° 33.126/15117], cette dernière avait été annoncée dans la presse le 6 mars 1985, comme l'attestent les documents n° 33.126/15118 et 15119, cités au paragraphe 16, point 8, sous i), de la décision attaquée. La BCA reproche encore à la Commission d'avoir manqué à son obligation de motivation en n'expliquant pas pourquoi elle n'avait pas tenu compte des faits invoqués par la BCA au cours de la procédure administrative, à savoir que les prix notifiés à Cembureau par l'association britannique étaient publics et facilement accessibles.

1655. Il y a lieu de constater que les documents n° 33.126/15118 et 15119 montrent effectivement que la modification tarifaire intervenue au Royaume-Uni le 1er juin 1985 et notifiée le 8 mai 1985 à Cembureau par la CMF avait été annoncée par celle-ci dans la presse le 6 mars 1985.

1656. En outre, dans son mémoire en réponse à la CG (point 53, p. 35), la BCA avait souligné:

"Depuis que le Common Price and Marketing Agreement (le CPMA) fut agréé conformément à la loi sur les pratiques commerciales restrictives (et qu'il fut soumis à l'appréciation de la Restrictive Practices Court britannique), les prix en vigueur en vertu du CPMA (en plus du CPMA lui-même) étaient accessibles au public pendant les heures d'ouverture des bureaux de l'Office of Fair Trading, l'autorité britannique de la concurrence. Toute modification tarifaire adoptée en vertu du CPMA était immédiatement déposée auprès de l'Office of Fair Trading et était aussi accessible au public."

1657. Si ces indications avaient été prises en considération par la Commission, elles auraient tout au plus conduit celle-ci à apprécier différemment, au paragraphe 47, point 14, troisième tiret, de la décision attaquée, les caractéristiques des "moyennes de prix envoyées pour [...] le Royaume-Uni". Elles ne l'auraient cependant pas amenée à s'écarter des constatations objectives qu'elle expose au paragraphe 47, point 13, et à la suite desquelles elle conclut à juste titre (voir ci-dessus points 1639 à 1647), à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, que les échanges périodiques d'informations sur les prix des différents pays membres de Cembureau ont visé, à compter de 1984, à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau.

1658. En quatrième lieu, Cembureau et Irish Cement prétendent que la Commission a mal apprécié la portée de la remarque, consignée dans le document n° 33.126/15097 et reproduite au paragraphe 16, point 22, de la décision attaquée, que Cembureau avait formulée dans sa note de transmission à la Commission de la documentation relative aux échanges périodiques d'informations sur les prix. Cembureau soutient avoir simplement voulu indiquer par là qu'un producteur qui connaissait les particularités de son marché était susceptible de faire davantage usage des informations figurant dans les CPRF qu'une entreprise opérant dans un autre marché et ne disposant pas d'une connaissance spécifique du marché en question, comme c'est toujours le cas lorsqu'il s'agit d'informations de nature statistique. Pour Irish Cement, le fait que Cembureau ait affirmé, dans la note de transmission en question, qu'"un cimentier qui conna[issait] bien les normes, le coût du transport p[ouvait] évidemment utiliser ces prix" ne signifie pas, contrairement à ce que la Commission soutient au paragraphe 47, point 15, deuxième alinéa, de la décision attaquée, que les tarifs échangés permettaient souvent une comparaison parfaite entre les prix des différents pays. En réalité, Cembureau aurait tout au plus cherché à expliquer que les comparaisons effectuées étaient erronées, en raison de la grande disparité des structures de prix et des types de produits choisis comme référence par les différents membres de Cembureau.

1659. Il doit, cependant, être constaté que ni Cembureau ni Irish Cement ne contestent que, d'après la note en question, les prix fournis par les CPRF pour chaque marché pouvaient être utilisés par les producteurs de ciment des différents pays membres de Cembureau. Les interprétations défendues par ces deux parties requérantes à partir de cette note ne sont donc pas de nature à écarter l'analyse développée ci-dessus aux points 1639 à 1647 quant au bien-fondé de l'appréciation portée par la Commission, au paragraphe 47, point 13, de la décision attaquée, sur la finalité anticoncurrentielle assignée aux échanges périodiques d'informations sur les prix à partir des réunions des chefs de délégation de 1983 et de 1984.

1660. A propos de cette note, le BDZ soutient encore que la Commission ne peut lui opposer l'affirmation de Cembureau selon laquelle "un cimentier qui conna[issait] bien les normes, le coût du transport, p[ouvait] évidemment utiliser ces prix" (décision attaquée, paragraphes 16, point 22, et 47, point 15; document n° 33.126/15097). En effet, la note n'aurait pas concerné les moyennes de prix allemandes, calculées et régulièrement publiées par l'Office national des statistiques allemand.

1661. Il convient, toutefois, d'observer que l'extrait en question vise indistinctement l'ensemble des informations sur les prix décrites dans le document qui le précède (document n° 33.126/15096), parmi lesquelles les informations sur les moyennes de prix allemandes.

1662. En tout état de cause, l'allégation du BDZ n'est pas de nature à infirmer l'analyse développée ci-dessus aux points 1639 à 1647 quant au bien-fondé de l'appréciation portée par la Commission, au paragraphe 47, point 13, de la décision attaquée, sur la finalité anticoncurrentielle poursuivie par les échanges périodiques d'informations sur les prix des pays membres de Cembureau, y compris la diffusion des moyennes de prix allemandes, à partir des réunions des chefs de délégation de 1983 et de 1984.

1663. L'argument du BDZ doit, par conséquent, être rejeté.

1664. En cinquième lieu, Cembureau soutient, dans sa réplique, que la Commission, en déclarant, dans son mémoire en défense, poursuivre les échanges de prix intervenus au niveau de Cembureau non pas parce qu'ils auraient porté sur des informations commerciales confidentielles, mais en raison du fait qu'ils ont visé à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau, contredit le libellé de l'injonction qu'elle formule à l'article 8 de la décision attaquée. L'ATIC estime pour sa part que cet article 8, en ce qu'il enjoint aux entreprises de mettre fin à "tout échange d'informations commerciales confidentielles visant à contrôler l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant au partage des marchés dans la Communauté", fait apparaître l'erreur commise par la Commission dans l'appréciation de la nature des informations sur les prix visées à l'article 2, paragraphe 2.

1665. Il convient de souligner que, à l'article 8, la Commission enjoint aux "entreprises mentionnées aux articles 1er à 7 [de mettre] fin immédiatement aux infractions visées auxdits articles (si elles ne l'ont pas déjà fait) et [de s'abstenir] à l'avenir, dans le cadre des marchés du ciment gris et du ciment blanc, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet identique ou similaire, y compris tout échange d'informations commerciales confidentielles visant à contrôler l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant au partage des marchés dans la Communauté". Cette injonction, générale, s'applique à l'ensemble des comportements constatés aux articles 1er à 7 de la décision attaquée. Aucune conclusion définitive ne saurait dès lors être tirée de l'article 8 quant à l'appréciation portée par la Commission sur la nature des différentes informations sur les prix visées à l'article 2, paragraphe 2.

1666. En tout état de cause, quelles que soient les interprétations et argumentations susceptibles d'être développées sur ce point à partir de l'article 8, les échanges périodiques d'informations sur les prix qui ont été retenus à l'article 2, paragraphe 2, l'ont été en ce qu'ils visaient à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau, finalité anticoncurrentielle effectivement démontrée par la Commission (voir ci-dessus points 1639 à 1647).

1667. Les arguments de Cembureau et de l'ATIC doivent donc être écartés.

1668. En sixième lieu, Cembureau reproche à la Commission de n'avoir fourni aucun exemple montrant que les échanges périodiques d'informations sur les prix avaient été utilisés pour procéder à un alignement des prix ou pour garantir la mise en œuvre de l'accord Cembureau. Italcementi estime que, en ne prouvant pas que son comportement avait été effectivement influencé par les échanges périodiques d'informations intervenus au niveau de Cembureau, la Commission n'a pas démontré l'élément matériel indispensable pour distinguer la pratique concertée de l'accord, à savoir l'existence d'un comportement anticoncurrentiel de l'entreprise concernée. L'AGCI soutient que les échanges périodiques d'informations sur les prix des différents pays membres de Cembureau n'ont jamais fait obstacle à la circulation intracommunautaire du ciment grec, même lorsque l'industrie grecque a considérablement accru ses exportations vers les marchés communautaires à la suite de l'effondrement de ses marchés traditionnels à l'exportation.

1669. Ces différents arguments, qui tiennent à l'absence de preuve de comportements sur le marché correspondant à la concertation intervenue et à l'absence d'effets restrictifs de concurrence, doivent être écartés, en ce qu'ils se fondent sur une conception erronée des exigences de preuve d'une pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. 1670.

1670. D'une part, comme cela ressort des termes mêmes de cet article, la notion de pratique concertée implique, outre un élément de concertation, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments (arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 118, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 161).

1671. Toutefois, à défaut de preuve contraire, qu'il incombait aux parties intéressées de rapporter, il y a lieu de considérer que les informations sur les prix échangées périodiquement au niveau de Cembureau ont influencé le comportement des membres, directs et indirects, de Cembureau sur le marché. Une telle appréciation s'impose d'autant plus que la concertation en cause a eu lieu sur une base régulière au cours d'une longue période et que les entreprises membres directs et indirects de Cembureau sont demeurées actives sur le marché pendant cette période(voir, en ce sens, arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 121, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 162).

1672. D'autre part, des pratiques concertées telles que celles constatées en l'espèce relèvent de l'article 85, paragraphe 1, du traité, même en l'absence d'effets anticoncurrentiels sur le marché.

1673. D'abord, il découle du texte même de ladite disposition que les pratiques concertées sont interdites, indépendamment de tout effet, lorsqu'elles ont, comme en l'espèce (voir ci-dessus points 1639 à 1647), un objet anticoncurrentiel.

1674. Ensuite, si la notion même de pratique concertée présuppose un comportement sur le marché, elle n'implique pas nécessairement que ce comportement produise l'effet concret de restreindre, d'empêcher ou de fausser la concurrence (arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, points 122 à 124, Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, points 163 à 165, et Montecatini/Commission, cité au point 270 ci-dessus, points 123 à 125).

1675. S'agissant des effets anticoncurrentiels de ces échanges périodiques d'informations sur les prix, Aalborg soutient que la Commission a violé l'article 190 du traité en n'expliquant pas en quoi les pratiques concertées constatées à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée auraient affecté de manière sensible les échanges entre Etats membres.

1676. Cet argument doit être rejeté, pour des motifs analogues à ceux exposés ci-dessus au point 1536.

1677. En septième lieu, le SFIC prétend que la Commission se contredit lorsqu'elle affirme, d'une part, que les échanges d'informations sur les prix minimaux entre producteurs belges, néerlandais et luxembourgeois ont procédé de pratiques concertées destinées à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau [décision attaquée, paragraphe 47, sous b), et article 2, paragraphe 2], et, d'autre part, que Ciments luxembourgeois n'a mis en œuvre aucune mesure d'exécution de cet accord [décision attaquée, paragraphe 65, point 9, sous b)].

1678. Il doit cependant être souligné que cette observation du SFIC n'est pas de nature à écarter les constatations objectives sur lesquelles la Commission s'est fondée, au paragraphe 47, point 13, de la décision attaquée, pour conclure, à l'article 2, paragraphe 2, de celle-ci, que, à compter de 1984, les échanges périodiques d'informations sur les prix des pays Benelux intervenus entre Cembureau et ses membres, dont le SFIC, visaient, au même titre que la circulation périodique des informations sur les prix des autres marchés européens membres de Cembureau, à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau.

1679. L'argument du SFIC doit donc être rejeté.

1680. En huitième lieu, Unicem, se référant à l'arrêt du Tribunal du 27 octobre 1994, Fiatagri et New Holland Ford/Commission (T-34/92, Rec. p. II-905, point 91), soutient que, dans un marché non oligopolistique comme celui du ciment, les échanges d'informations visés à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée avaient, en réalité, un effet favorable sur la concurrence.

1681. Toutefois, il doit être observé que la description qu'Unicem avance, sans la moindre motivation, du marché du ciment est contredite par l'analyse, que l'entreprise italienne ne prétend même pas écarter, consacrée par la Commission, au paragraphe 12, spécialement points 3 et 5, de la décision attaquée, aux caractéristiques de l'offre sur le marché du ciment.

1682. En tout état de cause, l'allégation d'Unicem n'est pas de nature à écarter l'analyse développée ci-dessus aux points 1639 à 1647 quant au bien-fondé de l'appréciation portée par la Commission, au paragraphe 47, point 13, sur la finalité anticoncurrentielle poursuivie par les échanges périodiques d'informations sur les prix à compter de 1984.

D Sur la participation des parties requérantes à l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée

1683. L'infraction visée à l'article 2, paragraphe 2, est imputée à Cembureau et à ses membres directs suivants: la FIC, la VNC, Ciments luxembourgeois, le SFIC, Aalborg, le BDZ, Unicem, la BCA, Oficemen, Irish Cement, l'ATIC, Italcementi, Cementir et l'AGCI.

1684. En premier lieu, en ce qui concerne Aalborg (T-44-95), il convient de rappeler que, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 368, les documents n° 33.126/15096 à 15305, cités par la Commission au paragraphe 16, points 8 à 22, de la décision attaquée, sont des moyens de preuve inopposables à cette partie requérante, à l'exception des documents n° 33.126/15096 et 15097. En outre, ainsi que cela a été souligné ci-dessus au point 401, les extraits des mémoires en réponse de la FIC et d'Irish Cement à la CG, cités au paragraphe 16, respectivement points 10 et 15, ne sont pas non plus des moyens de preuve opposables à Aalborg. Il convient donc de vérifier si, en l'absence de ces différents éléments de preuve, la participation d'Aalborg à l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 2, est établie.

1685. Tout d'abord, comme cela a déjà été souligné (voir ci-dessus point 1597), le document n° 33.126/15096, qui était visé dans la CG et qui a été communiqué aux parties au cours de la procédure administrative, contient la description sommaire, faite par Cembureau dans sa note de transmission à la Commission de la documentation relative au système d'échange périodique d'informations sur les prix, des informations sur les prix fournies par les membres européens de Cembureau (Belgique, Danemark, France, Allemagne, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Espagne et Royaume-Uni) au cours de la période 1984-1989, avec une brève indication du système de prix en vigueur à l'époque dans chaque pays concerné.

1686. En ce qui concerne précisément le Danemark pays d'origine d'Aalborg , ainsi que la Belgique et l'Irlande pays d'origine, respectivement, de la FIC et d'Irish Cement , ce document comporte les indications suivantes:

" Belgique

Photocopies des prix de 1984 à 1986 plus d'augmentation des prix après 1986

Système de prix (contrôle total jusqu'en 1986, barème public fourni à Cembureau)

Confirmation des prix donnée par téléphone une fois par an

Danemark

Photocopies des prix de 1984 à 1989 Prix communiqués par Aalborg, seule société productrice

Système de prix (contrôle)

Changement de prix environ une fois par an, communication faite à Cembureau des prix des ciments ordinaires

Irlande

Photocopies des prix de 1985 (pas de changement de prix depuis cette date, et rien en 1984)

Système des prix (pratiquement libre depuis 1986)."

1687. Quant au document n° 33.126/15097, dont de larges extraits étaient reproduits dans la CG (voir ci-dessus point 1585) et qui a également été communiqué aux parties au cours de la procédure administrative, il contient les indications suivantes de Cembureau:

"Nous ne communiquons en général les prix qu'à nos membres. Les demandes qui émanent de l'extérieur proviennent toujours de sociétés ou bureaux de consultants qui souhaitent faire des comparaisons de prix. Malheureusement, les structures des prix et les types de ciment choisis par chaque pays comme référence sont tellement différents que toutes les comparaisons qui ont été faites se sont révélées fausses. Un cimentier qui connaît bien les normes, le coût du transport, peut évidemment utiliser ces prix. Mais nous ne faisons jamais ce travail pour nos membres."

1688. Enfin, en relation avec le grief tiré de la circulation périodique des informations sur les prix au niveau de Cembureau, figurait également, parmi les documents remis dans la boîte (voir ci-dessus point 95) aux destinataires de la CG, le document n° 33.126/15066, cité au paragraphe 16, point 9, de la décision attaquée. Ce document, qui accompagnait la documentation transmise par Cembureau à la Commission, notamment sur les échanges périodiques de prix, à la suite d'une demande de renseignements de cette dernière, comporte les indications suivantes: "Vous voudrez bien trouver ci-joint, en annexe 3, l'ensemble des documents que nous avons pu retrouver à propos des informations sur les prix intérieurs du ciment, reçues de nos associés et retransmises à nos associés de 1984 à fin 1989."

1689. Les trois documents susvisés n° 33.126/15096, 15097 et 15066 établissent ainsi la participation, tant active (communication d'informations) que passive (réception d'informations), d'Aalborg aux échanges périodiques d'informations sur les prix en vigueur dans les pays membres de Cembureau pendant toute la période prise en considération à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée.

1690. Quant à la finalité anticoncurrentielle de ces échanges, elle a été établie par la Commission sur la base des constatations objectives exposées au paragraphe 47, point 13, de la décision attaquée (voir ci-dessus point 1639). Aalborg ayant participé, en qualité de chef de délégation danois, aux réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984, ces constatations objectives s'imposent à son égard.

1691. Il ressort de ce qui précède que, sous réserve des conclusions dégagées ci-dessus au point 1593 quant aux constatations figurant à l'article 2, paragraphe 2, sous a), à propos de la circulation périodique des informations sur les prix des pays Benelux, la participation d'Aalborg à l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 2, est établie, nonobstant l'inopposabilité à cette partie requérante des moyens de preuve visés ci-dessus au point 1684.

1692. En deuxième lieu, le BDZ (T-48-95) prétend n'avoir jamais transmis à ses membres qui ne le lui auraient jamais demandé les informations recueillies sur les prix en vigueur sur les marchés des autres pays membres de Cembureau, en raison de l'absence totale d'intérêt commercial de ces données.

1693. Toutefois, il convient d'observer que, à supposer même cette affirmation exacte, celle-ci n'a aucune incidence sur la réalité de la participation du BDZ, tant active [communication d'informations sur les moyennes des prix allemands (décision attaquée, paragraphe 16, point 13; documents n° 33.126/15096 et 15161 à 15167)] que passive (réception d'informations sur les prix en vigueur dans les autres pays membres de Cembureau), aux échanges périodiques d'informations sur les prix.

1694. L'argument du BDZ doit, par conséquent, être rejeté.

1695. En troisième lieu, Unicem (T-50-95) soutient que, dès lors qu'elle n'a pas participé à l'accord Cembureau, elle ne saurait être accusée d'avoir cherché à "faciliter" l'exécution de cet accord par un échange d'informations.

1696. Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, la participation de Cembureau et de ses membres directs destinataires de celle-ci, dont Unicem, aux pratiques concertées relatives aux échanges périodiques d'informations sur les prix est jugée contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en ce qu'elle a visé à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau.

1697. Il est constant qu'Unicem n'a pas assisté aux réunions des chefs de délégation de 1983 et de 1984, au cours desquelles l'accord Cembureau a été arrêté (voir ci-dessus point 1406). Il n'est donc pas certain que, le 1er janvier 1984, date retenue comme point de départ de l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 2, elle ait déjà adhéré à cet accord.

1698. En revanche, ainsi que cela sera constaté ci-après aux points 4243 à 4247, l'adhésion d'Unicem à l'accord Cembureau est établie à partir du 9 septembre 1986. A compter de cette date, Unicem a nécessairement participé aux échanges périodiques d'informations sur les prix visés à l'article 2, paragraphe 2, animée de la volonté de voir appliquer l'accord Cembureau. Elle a donc participé à l'infraction à partir du 9 septembre 1986.

1699. En conclusion, l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, en ce qu'il constate qu'Unicem a participé, avant le 9 septembre 1986, à des pratiques concertées d'échanges périodiques d'informations sur les prix des pays membres de Cembureau, destinées à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau, doit être annulé.

1700. Unicem fait encore remarquer que l'Associazione Italiana Tecnico Economica del Cemento (ci-après "AITEC"), qui recueillait et transmettait à Cembureau les informations relatives au marché italien, ne s'est pas vu reprocher l'infraction relative aux échanges périodiques d'informations sur les prix. Partant, il n'y aurait pas non plus de raisons de tenir Unicem pour responsable de cette infraction. Unicem ajoute que cette violation du principe d'égalité de traitement aurait également affecté ses droits de la défense, en ce qu'elle aurait été contrainte de se défendre de façon isolée en ce qui concerne un comportement qui impliquait d'autres parties, dépositaires d'informations essentielles pour mener cette défense.

1701. Toutefois, la circonstance que l'AITEC ne s'est pas vu imputer l'infraction constatée à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée ne saurait permettre d'exclure la responsabilité d'Unicem dans cette infraction, dès lors que ladite responsabilité a été correctement établie (voir, en ce sens, arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci- dessus, point 146).

1702. Par ailleurs, le fait que l'AITEC ne se soit pas vu imputer l'infraction relative aux échanges périodiques d'informations sur les prix n'empêchait pas Unicem d'accéder, par exemple auprès de cette association, à des documents de nature à étayer utilement sa défense au cours de la procédure administrative.

1703. L'argumentation d'Unicem doit donc être rejetée.

1704. En quatrième lieu, la BCA (T-54-95) fait valoir qu'il n'est pas établi qu'elle ait sollicité auprès de ses membres ou reçu d'eux des informations sur les prix, ou qu'elle ait aidé à transmettre de telles informations à Cembureau.

1705. Il convient toutefois de relever que la documentation se rapportant au système d'échange d'informations litigieux comprend notamment une lettre du 8 mai 1985, par laquelle la CMF a communiqué à Cembureau les modifications tarifaires qui devaient entrer en vigueur au Royaume-Uni le 1er juin 1985 (décision attaquée, paragraphe 16, point 21; documents n° 33.126/15115 et 15116). Ensuite, Cembureau, dans sa note de transmission à la Commission de la documentation susvisée souligne, à propos du Royaume-Uni: "Nous n'avons plus reçu de communication officielle des prix depuis 1985." (Décision attaquée, paragraphe 16, point 21; document n° 33.126/15096.) A contrario, cette indication signifie que, jusqu'en 1985, le membre britannique de Cembureau, à l'époque la CMF, a officiellement communiqué à Cembureau les prix en vigueur sur son marché.

1706. Ces différents éléments montrent donc la participation active de la CMF aux échanges périodiques d'informations sur les prix organisés au niveau de Cembureau. Sous réserve de l'examen de l'argument de la BCA visant à contester la durée de sa participation à l'infraction qui lui est imputée à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée (voir ci-après points 1743 à 1747), il y a lieu de conclure que la Commission était fondée à retenir la participation de la BCA, en tant que successeur de la CMF (voir ci-dessus points 1337 à 1341), à cette infraction.

1707. En cinquième lieu, Oficemen (T-59-95) soutient que la transmission, par les producteurs belges, néerlandais et luxembourgeois, d'informations sur leurs prix à Oficemen et, à travers elle, aux producteurs espagnols ne saurait être jugée constitutive d'une pratique concertée contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, dès lors que les producteurs espagnols n'étaient pas des concurrents, actuels ou potentiels, des producteurs des pays du Benelux. Irish Cement (T-60-95) et Italcementi (T-65-95) soulignent que les informations sur les prix des pays Benelux n'ont jamais eu pour elles de valeur particulière sur le plan concurrentiel, puisqu'elles n'avaient jamais exporté vers ces pays ni même envisagé de le faire. Irish Cement critique, à ce propos, la référence faite à l'arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Enichem Anic/Commission (T-6-89, Rec. p. II-1623, points 213 à 220), par la Commission, à la note en bas de page n° 215 de la décision attaquée pour alléguer qu'Irish Cement a participé, avec d'autres entreprises et associations, à une pratique concertée relative à des échanges périodiques d'informations sur les prix des pays Benelux (paragraphe 47, point 12). Elle relève que la Commission n'a pas cherché à savoir si sa participation à l'infraction alléguée était susceptible de restreindre la concurrence.

1708. Il convient, tout d'abord, de souligner que, si les parties requérantes prétendent qu'elles ou, en ce qui concerne Oficemen, ses membres n'étaient pas des concurrents, actuels ou potentiels, des producteurs des pays du Benelux, elles ne soutiennent pas qu'elles n'étaient des concurrentes réelles ou potentielles d'aucun des producteurs originaires d'autres marchés à propos desquels des informations sur les prix circulaient à travers les CPRF. Les informations échangées par le biais de ces CPRF ont donc pu être utiles à Oficemen et à ses membres, à Irish Cement et à Italcementi dans l'optique du respect de l'accord Cembureau vis-à-vis de ces autres marchés.

1709. En tout état de cause, les circonstances invoquées par Oficemen, par Irish Cement et par Italcementi ne sont de nature à écarter ni la réalité de leur participation, active et passive, aux échanges périodiques d'informations sur les prix, ni les constatations objectives sur lesquelles la Commission s'est fondée, au paragraphe 47, point 13, de la décision attaquée, pour conclure que, à la suite des réunions des chefs de délégation de 1983 et de 1984, le système d'échange périodique d'informations sur les prix en place au niveau de Cembureau avait eu pour but, dans le chef de Cembureau et de ses membres, parmi lesquels Oficemen, Irish Cement et Italcementi, de faciliter l'exécution de l'accord Cembureau, constatations dont l'analyse opérée ci-dessus aux points 1639 à 1647 a démontré le bien-fondé.

1710. Les arguments d'Oficemen, d'Irish Cement et d'Italcementi doivent donc être écartés.

1711. En sixième lieu, en ce qui concerne encore Irish Cement (T-60-95), il convient de rappeler que, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 401, l'annexe 2 b au mémoire en réponse de Cembureau à la CG, cité au paragraphe 16, point 11, de la décision attaquée, ainsi que les extraits des mémoires en réponse de la FIC, d'Aalborg et du BDZ à la CG, cités au paragraphe 16, respectivement points 10, 11 et 13, de la décision attaquée, sont des moyens de preuve inopposables à cette partie requérante. Il y a donc lieu de vérifier si, en l'absence de ces différents éléments, la participation d'Irish Cement à l'infraction constatée à l'article 2, paragraphe 2, est établie.

1712. L'extrait du mémoire en réponse de la FIC à la CG, cité au paragraphe 16, point 10, de la décision attaquée, ne fait qu'expliciter le passage de la note de Cembureau visée ci-dessus au point 1588 (document n° 33.126/15096) note qui avait été communiquée aux destinataires de la CG pendant la procédure administrative et qui constitue donc un moyen de preuve opposable à Irish Cement , passage selon lequel, en ce qui concerne la Belgique, "confirmation des prix [avait été] donnée par téléphone une fois par an".

1713. L'annexe 2 b au mémoire en réponse de Cembureau à la CG est utilisée par la Commission, au paragraphe 16, point 11, de la décision attaquée, pour souligner que les prix adressés à Cembureau par l'entreprise danoise Aalborg (voir documents n° 33.126/15183 à 15188 et 15244 à 15249) étaient ensuite reproduits par Cembureau dans les CPRF, à destination de l'ensemble de ses membres. S'agissant de l'extrait du mémoire en réponse d'Aalborg à la CG, cité à ce même endroit de la décision attaquée, il explique que "[l]es prix d'Aalborg ont été soumis jusqu'à 1989 à l'approbation préalable de l'autorité de contrôle des monopoles et [que] les tarifs des prix modifiés ont été envoyés à Cembureau après l'approbation et la publication au Danemark". L'inopposabilité de ces deux pièces à Irish Cement ne fait pas obstacle à la constatation qui se dégage d'une lecture combinée des documents n° 33.126/15066, 15096 et 15097 tous éléments de preuve opposables à l'entreprise irlandaise, pour les motifs énoncés ci-dessus aux points 1685, 1687 et 1688 , à savoir que, en ce qui concerne le Danemark, Cembureau avait reçu d'Aalborg, "seule société productrice" (document n° 33.126/15096), puis communiqué à ses "membres"/"associés" (documents n° 33.126/15066 et 15097), parmi lesquels Irish Cement, les "prix des ciments ordinaires" de "1984 à 1989" (document n° 33.126/15096).

1714. Quant à l'extrait du mémoire en réponse du BDZ à la CG, cité au paragraphe 16, point 13, de la décision attaquée, il confirme simplement l'information figurant dans la note de Cembureau visée ci-dessus au point 1588, selon laquelle "[l]a moyenne des prix fournie à Cembureau par l'association allemande [était] la moyenne des prix calculée par l'Office national des statistiques allemand" (document n° 33.126/15096).

1715. Il ressort de ce qui précède (points 1712 à 1714) que, sous réserve des conclusions dégagées ci-dessus au point 1593 quant aux constatations figurant à l'article 2, paragraphe 2, sous a), à propos de la circulation périodique des informations sur les prix des pays Benelux, l'inopposabilité à Irish Cement des différents éléments de preuve visés ci-dessus au point 1711 ne fait pas obstacle à la constatation de la participation de l'entreprise irlandaise au système d'échange périodique d'informations sur les prix, y compris sur les prix belges, sur les "barèmes individuels des prix d[u] producteur danois" et sur les "moyennes de prix pratiqués en Allemagne" [article 2, paragraphe 2, sous b)].

1716. En septième lieu, Italcementi (T-65-95) prétend que l'AITEC n'avait reçu aucun mandat de ses membres pour communiquer les données relatives aux prix italiens à Cembureau.

1717. Il y a cependant lieu de constater que l'AITEC n'était pas membre de Cembureau. Elle n'a donc pas pu décider de sa propre initiative de transmettre des informations sur les prix italiens à Cembureau. Comme la Commission le souligne à juste titre au paragraphe 16, point 16, de la décision attaquée, l'AITEC s'est chargée de communiquer ces informations à Cembureau "pour le compte des membres italiens de Cembureau", parmi lesquels Italcementi. En outre, Italcementi ne conteste pas avoir reçu, en sa qualité de membre direct de Cembureau, communication régulière des prix en vigueur dans les autres pays membres de Cembureau pendant la période considérée. La participation tant active que passive d'Italcementi aux échanges périodiques d'informations sur les prix organisés au niveau de Cembureau est donc établie.

1718. L'argument d'Italcementi doit, par conséquent, être écarté.

1719. En huitième lieu, Italcementi (T-65-95) et Cementir (T-87-95) contestent leur participation aux pratiques concertées retenues à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, au motif que, les prix étant soumis à contrôle sur leur marché, les informations recueillies sur les prix des autres pays membres de Cembureau ne pouvaient pas influencer leur comportement commercial. L'AGCI (T-103-95) souligne que, en raison du régime de contrôle des prix en vigueur à l'époque en Grèce, ses membres étaient dans l'impossibilité d'aligner leurs prix sur ceux des producteurs locaux en vue de garantir le respect des marchés domestiques.

1720. Cette argumentation ne saurait être accueillie.

1721. Tout d'abord, il est constant que les régimes de contrôle des prix en vigueur en Grèce et en Italie pendant la période considérée concernaient uniquement les prix intérieurs, à l'exclusion des prix à l'exportation. Les informations sur les prix reçues des différents pays membres de Cembureau présentaient donc un intérêt, également pour les entreprises grecques et italiennes qui, en cas de demande émanant de clients étrangers, disposaient, à travers les CPRF, d'un instrument de référence utile pour pouvoir adapter leurs prix à l'exportation dans l'optique du respect de l'accord Cembureau.

1722. Ensuite, l'existence d'un régime de contrôle public des prix en Grèce et en Italie ne faisait pas obstacle à ce que les industries du ciment de ces pays contribuent, conformément au souhait émis lors des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984, à la réduction progressive des écarts existant entre les prix des différents pays membres de Cembureau, en prenant en compte les tendances générales qui se dégageaient des CPRF, dans les demandes de hausse de prix introduites auprès de leurs autorités publiques.

1723. En neuvième lieu, les trois producteurs italiens Unicem (T-50-95), Italcementi (T-65-95) et Cementir (T- 87-95) nient que leur participation aux échanges périodiques d'informations sur les prix ait pu revêtir un quelconque caractère anticoncurrentiel lié au respect de l'accord Cembureau, dès lors qu'elles n'exportaient pas vers les autres marchés communautaires.

1724. Cette argumentation ne saurait être retenue.

1725. Tout d'abord, l'absence alléguée d'activité d'exportation des producteurs de ciment italiens dans la Communauté peut s'expliquer, à tout le moins en partie, par leur souci de respecter les marchés domestiques des autres membres de Cembureau, conformément à ce qui avait été convenu lors des réunions des chefs de délégation de 1983 et de 1984. Les informations échangées sur les prix en vigueur dans les différents pays membres de Cembureau pouvaient donc présenter un intérêt pour les producteurs italiens qui, confrontés à d'éventuelles demandes en provenance de clients d'autres marchés communautaires, disposaient, à travers de telles informations, des données nécessaires pour pouvoir aligner leurs prix à l'exportation dans l'optique du respect de l'accord Cembureau.

1726. En tout état de cause, à supposer même que les producteurs de ciment italiens n'aient pas exporté à l'époque, et quels qu'aient été les motifs de cette décision, ces producteurs avaient intérêt à faire connaître aux autres membres de Cembureau les prix en vigueur sur leur marché, afin que d'éventuels concurrents étrangers puissent prendre en compte ces informations en vue de respecter l'accord Cembureau à l'égard du marché italien.

1727. Ensuite, le fait que, à une époque donnée, des entreprises adoptant un comportement restrictif de concurrence ne manifestaient pas d'intérêt pour le commerce intracommunautaire ne permet pas de conclure que le comportement en cause n'était pas susceptible d'affecter le commerce interétatique, étant donné que la situation peut évoluer en fonction des modifications dans les conditions ou la composition du marché, tant dans le marché commun dans son ensemble que dans les différents marchés nationaux (voir arrêts de la Cour du 1er février 1978, Miller/Commission, 19-77, Rec. p. 131, point 14, et AEG/Commission, cité au point 364 ci-dessus, point 60).

1728. En dixième lieu, l'AGCI (T-103-95) explique que, en raison du niveau anormalement bas des prix sur son marché, l'industrie grecque n'avait éprouvé aucun besoin de se protéger contre d'éventuelles importations ou de respecter une quelconque règle de répartition des marchés. Elle ajoute que le comportement de ses membres pendant toute la période litigieuse ne permet pas d'affirmer que, dans leur chef, les échanges périodiques d'informations sur les prix ont eu pour but de favoriser l'application du principe de respect des marchés domestiques. Avant 1985, l'industrie grecque ne se serait pas intéressée aux marchés communautaires. A partir de 1985, lorsque ses intérêts économiques le lui auraient imposé, elle aurait massivement exporté vers ces marchés communautaires, au mépris de la règle de respect des marchés domestiques.

1729. A cet égard, il convient d'abord de relever que l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée est imputée aux seuls membres directs de Cembureau destinataires de ladite décision attaquée. S'agissant du marché grec, seule l'AGCI s'est ainsi vu reprocher cette infraction, à l'exclusion de ses entreprises membres.

1730. Dans ces conditions, le comportement adopté par les entreprises grecques à l'égard des marchés communautaires pendant la période visée à l'article 2, paragraphe 2, ne saurait être pris en considération pour apprécier la réalité de la participation de l'AGCI à l'infraction en question.

1731. En ce qui concerne précisément cette participation, il y a lieu d'observer que, après avoir pris part aux réunions des chefs de délégation de 1983 et de 1984, l'AGCI a continué à participer activement, pendant toute cette période, aux échanges périodiques d'informations sur les prix, en communiquant "toutes les modifications de prix de trois types de ciment" (décision attaquée, paragraphe 16, point 14; documents n° 33.126/15291 à 15305) voir également note de transmission de Cembureau, à la Commission, de la documentation relative auxdits échanges périodiques, qui indique, au sujet de la Grèce: "Photocopies des prix de 1984 à 1989" (décision attaquée, paragraphe 16, point 8; document n° 33.126/15096). Ce faisant, elle a contribué à mettre en relief les écarts existant entre les prix des différents pays membres qu'il avait été jugé souhaitable, lors de ces réunions des chefs de délégation, de réduire progressivement afin d'éliminer les tentations d'exporter. Sa participation à l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée est donc établie.

1732. L'argumentation de l'AGCI doit en conséquence être rejetée.

1733. L'AGCI reproche encore à la Commission de ne pas avoir distingué, dans le dispositif de la décision attaquée (article 2, paragraphe 2), les associations membres de Cembureau selon la gravité des échanges d'informations sur les prix auxquels elles auraient participé (pays Benelux autres marchés), alors qu'une telle distinction aurait été opérée au niveau de l'appréciation juridique (décision attaquée, paragraphe 47, points 6 à 15).

1734. Cet argument n'a plus lieu d'être examiné, à la suite des conclusions dégagées ci-dessus au point 1593.

1735. Enfin, l'AGCI reproche à la Commission de ne pas avoir pris en considération le mode de transmission des informations sur les prix utilisé par les différents membres de Cembureau. A cet égard, elle relève que, à partir de 1987, le SFIC a transmis ses informations à Cembureau uniquement par téléphone, en refusant désormais qu'elles soient publiées dans les documents officiels de Cembureau (décision attaquée, paragraphe 16, point 12; document n° 33.126/15096). Selon l'AGCI, une telle décision révélait que le SFIC n'entendait plus transmettre des informations sur les prix en vigueur sur son marché à certains membres de Cembureau, parmi lesquels l'AGCI, compte tenu de leurs activités, ou de celles de leurs affiliés, sur le marché français.

1736. Il doit être constaté que cette argumentation de l'AGCI est contredite par les indications de la pièce à laquelle elle fait précisément référence. S'il est exact que, "[à] partir de 1987, la France [n'a plus voulu] voir ces prix [moyens] publiés dans les documents Cembureau", il n'en demeure pas moins que "[c]eux-ci p[ouvaient] être communiqués par téléphone aux membres" (décision attaquée, paragraphe 16, point 12; document n° 33.126/15096).

1737. En toute hypothèse, le fait que le SFIC ait refusé, à partir de 1987, de voir diffuser dans les documents de Cembureau les données qu'il fournissait sur les tarifs français ne permet pas d'écarter la participation, tant active que passive, de l'AGCI, pendant toute la période considérée, aux échanges périodiques d'informations sur les prix. Il n'infirme pas davantage l'analyse opérée ci-dessus aux points 1639 à 1647 quant au bien-fondé de l'appréciation portée par la Commission, au paragraphe 47, point 13, de la décision attaquée, sur la finalité anticoncurrentielle poursuivie par Cembureau et ses membres, dont l'AGCI, à travers ces échanges périodiques de tarifs, à compter des réunions des chefs de délégation de 1983 et de 1984.

E Sur la durée de l'infraction retenue à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée

1738. Sur la base de la documentation reçue de Cembureau sur les échanges périodiques d'informations sur les prix, la Commission estime que ces échanges ont duré "au moins du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1988" (décision attaquée, paragraphe 47, points 12 et 15). A l'article 2, paragraphe 2, elle retient donc entre ces deux dates l'existence d'une infraction relative à des échanges périodiques d'informations commise par Cembureau et ses différents membres directs destinataires de la décision attaquée, à l'exception d'Oficemen et de l'ATIC, membres directs espagnol et portugais, pour lesquels elle ne prend en considération l'infraction qu'à compter du 1er janvier 1986, pour les raisons exposées aux paragraphes 45, point 11, et 46, point 3, de la décision attaquée.

1739. Unicem (T-50-95) fait observer que Cembureau, dans sa note visée ci-dessus au point 1588, affirme qu'aucune donnée provenant de l'Italie ne lui a été fournie pour les années 1987 et 1988 (document n° 33.126/15096). L'infraction constatée à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée ne pourrait donc avoir persisté, dans le chef d'Unicem, jusqu'au 31 décembre 1988.

1740. Il doit être constaté que la note en question, citée notamment au paragraphe 16, point 8, de la décision attaquée, mentionne à propos de l'Italie: "Photocopies des prix de 1984 à 1986 (pas de changement de prix jusqu'en 1989, prix de 1989 communiqués par téléphone)". Il en ressort que la communication des prix italiens à Cembureau s'est prolongée au-delà de la date retenue par la Commission comme point final de l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 2.

1741. En outre, Unicem ne conteste pas avoir reçu, en sa qualité de membre direct de Cembureau, les informations fournies sur les prix en vigueur dans les autres pays membres de Cembureau, à tout le moins jusqu'au 31 décembre 1988.

1742. Pour ces motifs, l'argument d'Unicem doit être rejeté.

1743. La BCA (T-54-95) souligne que, ainsi que cela ressortirait de la note de Cembureau visée ci-dessus au point 1588, ni la CMF ni elle-même n'ont plus communiqué d'information tarifaire à Cembureau au-delà de 1985. La BCA estime que la Commission a manqué à l'obligation de motivation qui lui incombait en vertu de l'article 190 du traité en n'expliquant pas, dans la décision attaquée, comment, après avoir noté que la CMF n'avait plus fourni d'informations sur les prix à Cembureau à partir de 1985, et en l'absence de preuve de la transmission par la BCA, à un moment quelconque, de telles informations à Cembureau, elle pouvait conclure que la CMF et la BCA avaient participé à des pratiques concertées illicites en matière d'échanges de prix de manière ininterrompue pendant toute la période considérée.

1744. S'agissant de ce défaut de motivation allégué, il ressort toutefois du paragraphe 47, sous b), de la décision attaquée, consacré à l'appréciation juridique des faits relatifs à la circulation périodique d'informations sur les prix, que, à l'article 2, paragraphe 2, la Commission a entendu sanctionner non pas la seule participation active à ces échanges périodiques à travers la fourniture d'informations sur les prix à Cembureau, mais, plus largement, l'affiliation au système d'information périodique organisé au niveau de Cembureau, cette affiliation fût-elle limitée à la réception d'informations sur les autres marchés.

1745. Sur le fond, il y a effectivement lieu de considérer que le fait d'être resté affilié au système d'échange périodique d'informations sur les prix durant la période considérée suffisait à établir la participation à l'infraction constatée à l'article 2, paragraphe 2, pendant toute cette période. La réception périodique d'informations sur les prix en vigueur dans les différents pays membres de Cembureau procurait, en effet, des données utilement exploitables pour garantir l'application de l'accord Cembureau en cas de demande provenant de clients potentiels étrangers et/ou pour chercher à réduire progressivement les écarts existant entre les différents niveaux de prix en vigueur sur le marché européen, conformément au souhait émis par les chefs de délégation lors de leurs réunions du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984.

1746. Or, en l'espèce, si Cembureau, dans sa note visée ci-dessus au point 1588, indique, à propos du Royaume-Uni, qu'il n'a "plus reçu de communication officielle des prix depuis 1985" (décision attaquée, paragraphe 16, point 21; document n° 33.126/15096), il n'en demeure pas moins que la CMF, puis la BCA, sont demeurées affiliées, en leur qualité de membre de Cembureau, au système d'échange périodique d'informations sur les prix pendant toute la durée de l'infraction retenue à l'article 2, paragraphe 2. Elles ont donc continué à bénéficier, et à faire bénéficier leurs entreprises membres, à tout le moins jusqu'au 31 décembre 1988, d'informations sur les prix en vigueur sur les différents marchés des pays membres de Cembureau, utilement exploitables dans l'optique du respect de l'accord Cembureau.

1747. L'argument de la BCA doit donc être rejeté.

1748. En ce qui concerne Italcementi (T-65-95), la participation de l'entreprise italienne à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 n'est pas établie (voir ci-dessus points 1347 à 1349). En outre, ainsi que cela sera constaté ultérieurement (voir ci-après point 4224), il n'existe aucun élément, tel que la preuve de la participation de ladite entreprise à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau, qui démontrerait qu'elle avait adhéré à cet accord avant de prendre part à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, au cours de laquelle l'accord a été confirmé.

1749. Les échanges périodiques d'informations sur les prix étant constatés à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée en ce qu'ils avaient eu pour but de faciliter l'exécution de l'accord Cembureau, la Commission n'était pas fondée à retenir la participation d'Italcementi à l'infraction en cause avant le 19 mars 1984.

1750. Il s'ensuit que l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, en ce qu'il retient la participation d'Italcementi aux pratiques concertées d'échanges périodiques d'informations sur les prix avant le 19 mars 1984, doit être annulé.

1751. Cementir (T-87-95) se plaint de l'absence totale de motivation, dans la décision attaquée, quant à la durée de l'infraction relative aux échanges périodiques d'informations sur les prix.

1752. Il y a toutefois lieu d'observer que, en ce qui concerne les échanges périodiques des prix des pays Benelux, la Commission précise (décision attaquée, paragraphe 47, point 12):

"Suivant les informations de prix fournies par Cembureau, qui vont, pour ces pays, de 1984 à 1988 (document n° 33.126/15096), cette infraction a duré au moins du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1988."

1753. Quant aux échanges périodiques relatifs aux prix des autres pays membres de Cembureau, elle souligne (décision attaquée, paragraphe 47, point 15):

"Dans le contexte ci-dessus rappelé, la circulation d'informations sur les tarifs en vigueur, d'après les documents disponibles, au moins de 1984 à 1988, a constitué, du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1988, une pratique concertée entre Cembureau et ses membres, nommément désignés au point (5) ci-dessus."

1754. Ces indications constituent une motivation suffisante quant à la durée des pratiques concertées constatées à l'article 2, paragraphe 2.

1755. L'argument de Cementir doit donc être rejeté.

Accès au dossier

1756. Cembureau (T-26-95), la FIC (T-30-95), la VNC (T-32-95), le SFIC (T-36-95), Aalborg (T-44-95), Unicem (T-50-95), Irish Cement (T-60-95), l'ATIC (T-63-95), Italcementi (T-65-95) et Cementir (T-87-95) ont formulé une série d'observations à partir des documents qu'ils avaient pu consulter à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 en matière d'accès au dossier (voir ci-dessus points 164 et 168). Ils se sont attachés à démontrer que, en ne leur accordant qu'un accès limité à la CG et à son dossier d'instruction au cours de la procédure administrative, la Commission a violé leurs droits de la défense lors de la constatation des infractions reprochées à l'article 2 de la décision attaquée, dès lors qu'ils n'ont pas eu accès à des éléments à leur décharge.

1757. Ces parties requérantes développent en substance huit arguments en ce sens.

1758. En premier lieu, toutes font valoir que, parmi les documents qui leur ont été rendus accessibles à la suite des mesures d'organisation de la procédure susvisées, plusieurs leur auraient permis de démontrer que, en raison de leur caractère général et approximatif, les informations sur les prix échangées ponctuellement et périodiquement au niveau de Cembureau n'avaient ni valeur ni utilité commerciales, et qu'elles n'avaient pas pu poursuivre la finalité anticoncurrentielle retenue dans la décision attaquée.

1759. Cembureau affirme ainsi, dans ses observations du 10 février 1997, que les documents relatifs aux informations sur les prix figurant dans les dossiers nationaux confortent son argumentation selon laquelle les informations diffusées à travers les CPRF revêtaient un caractère purement statistique à base de moyennes et ne pouvaient donc pas contribuer à l'alignement des prix ou au respect d'accords de partage des marchés. Ces documents lui auraient aussi permis d'étayer sa thèse selon laquelle il était difficile d'établir des comparaisons entre les prix des divers marchés européens, compte tenu des différences observées entre les types et les qualités de ciment, ainsi qu'entre les modalités de livraison.

1760. Cembureau se réfère à cet égard à une lettre, figurant dans le dossier relatif à la France, qui lui avait été adressée par le SFIC le 27 novembre 1986, et qui fournit des informations sur les prix pour quatre catégories de ciment à la suite des augmentations appliquées entre le 1er juillet et le 1er novembre 1986 (document n° 33.126/14938). Selon lui, les prix mentionnés dans ce document, tout comme ceux figurant dans les documents n° 33.126/15026, 15029, 15040 à 15051, étaient des moyennes. Si le but poursuivi par lui-même à travers la diffusion de ces informations avait été de permettre aux producteurs des différents pays d'aligner leurs prix, il aurait été nécessaire de leur communiquer une gamme de prix plutôt qu'une moyenne pondérée. Cembureau attire encore l'attention sur le fait que le SFIC disposait, en matière de prix, de données beaucoup plus détaillées que celles qu'il communiquait à Cembureau, mais que ces données n'étaient adressées qu'à l'administration française pour permettre à cette dernière de surveiller l'évolution de l'économie nationale. Cembureau affirme également qu'une lettre du 25 novembre 1986 de la CMF à l'OFT (voir ci-dessus point 1147), trouvée dans le dossier relatif au Royaume-Uni, témoigne des difficultés rencontrées dans l'établissement de comparaisons entre Etats membres en matière de prix (documents n° 33.126/17641 à 17654).

1761. Dans ses observations du 28 novembre 1997, il soutient que les documents auxquels il a pu avoir accès à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997 révèlent qu'une grande variété de facteurs, tels que les coûts du transport, les rabais, les spécifications des produits et les conditions de vente, ont une influence considérable et fort variable d'un État membre à l'autre, voire d'un producteur à l'autre à l'intérieur d'un même État membre, dans la fixation des prix du ciment. Pour illustrer la grande variabilité des coûts du transport, il se réfère aux documents n°s 33.126/14536 (liste des barèmes de transport d'un producteur français) et 17905 à 17917 ("Typical example of internal haulage rates per tonne from Castle Ketton works for 1989 by various load sizes"). Au soutien de ses allégations sur la grande diversité des politiques commerciales de rabais et de remises, il se fonde sur les documents n°s 33.126/4982/54 à 70 (note d'un producteur français sur sa "politique commerciale"), 17881 à 17886 ("Castle Cement Limited specific terms 1990"), 11221 à 11223 (note interne de Blue Circle du 12 avril 1989, intitulée "Cement Pricing", et lettre du 15 décembre 1988 de Blue Circle à RMC, concernant "BCC price & rebate proposals to RMC 1 January 1989 to 31 December 1989") et 17436 à 17438 (documents de Rugby portant sur des "Quantity rebate scales 1990", des "Merchant rebates" et des "Off-invoice discounts"). A l'appui de ses allégations sur les différences de spécifications techniques, il fait référence aux documents n°s 33.322/1410 à 1412 (note relative à une réunion du 6 mars 1987 entre producteurs de ciment espagnols et portugais) et n°s 33.126/17623 à 17625 (projet de lettre du 6 septembre 1985 de la CMF à l'OFT). A titre d'exemple de la grande variété des conditions de vente, il produit les documents n°s 33.126/17368 à 17431 (documents de Rugby datant d'une période comprise entre 1985 et 1990, et indiquant ses prix rendus pour une série de produits de ciment), 17888 et 17889 (lettre du 10 mai 1985 de Ribble Cement comportant une série de "cement prices in Great-Britain") et 4853 ("Prix usines février 1988" d'un producteur français). Cembureau prétend que, s'il avait eu accès à ces documents pendant la procédure administrative, il aurait pu renforcer son argumentation en défense selon laquelle les données qui ont été échangées entre ses membres par son intermédiaire, de manière ponctuelle (aux réunions des chefs de délégation) et périodique (à travers les CPRF), n'avaient raisonnablement pas pu avoir pour objet ou pour effet de servir les objectifs anticoncurrentiels que la Commission leur prête dans la CG et au paragraphe 47 de la décision attaquée, dès lors qu'elles n'intégraient pas les multiples facteurs intervenant directement dans la fixation des prix effectifs proposés à la clientèle.

1762. La FIC fait remarquer, dans ses observations du 10 février 1997, que certains documents du dossier relatif au Royaume-Uni confirment que l'échange de statistiques mis en place au niveau de Cembureau avait trait à des données générales, sans portée ni valeur commerciales, et qu'il n'avait donc rien de répréhensible. Elle se fonde, à cet égard, sur le procès-verbal de la réunion de la CMF du 2 octobre 1985 (documents n° 33.126/17092 à 17098), qui reproduit les reproches adressés par le président de Cembureau à ses membres pour leur contribution inégale aux échanges de statistiques en vue de la "Cembureau European Annual Review". Elle évoque, outre les documents n° 33.126/17623 à 17625 et 17641 à 17653, mentionnés ci-dessus aux points 1760 et 1761, une lettre du 22 septembre 1986 de l'OFT à la CMF (documents n° 33.126/17635 à 17638). Ces différentes pièces mettraient en lumière le caractère anodin et approximatif des données échangées à travers Cembureau. Les documents relatifs au chapitre de la CG concernant la France (voir notamment document n° 33.126/14938, mentionné ci-dessus au point 1760) confirmeraient aussi le manque d'intérêt commercial de l'échange statistique organisé par Cembureau et le caractère approximatif des données fournies par les membres, dont le SFIC.

1763. La VNC, dans ses observations du 10 février 1997, illustre son argumentation sur ce point en invoquant les documents n° 33.126/14938, 17623, 17635 à 17637 et 17641 à 17653, mentionnés ci-dessus aux points 1760, 1761 et 1762.

1764. Le SFIC se prévaut, dans ses observations du 7 janvier 1998, d'un extrait du procès-verbal de la sixième réunion du CLC du 7 juillet 1977 (documents n° 33.126/2545 à 2548), ainsi que du compte rendu de la réunion du "Pricing Working Party" du 26 juillet 1978 (documents n° 33.126/2591 à 2609), qui illustreraient la grande diversité des prix du ciment entre les neufs pays membres de la Communauté à cette époque.

1765. Aalborg identifie, dans ses observations du 12 janvier 1998, une série de documents qui démontreraient qu'une multitude de facteurs, d'importance majeure dans la fixation des prix du ciment, n'étaient pas intégrés dans les informations sur les prix diffusées à travers Cembureau. Elle se réfère ainsi, outre aux documents n° 33.126/4853, 11221 à 11223, 17436 à 17438 et 17881 à 17886, mentionnés ci-dessus au point 1761, à des documents de Lafarge (documents n° 33.126/4850 à 4852), ainsi qu'à des échanges de correspondance entre Blue Circle et son client RMC (documents n° 33.126/11224 à 11241), pour illustrer l'importance des rabais dans la fixation des prix, ainsi que leur caractère confidentiel et personnalisé en fonction du client. Elle invoque ensuite, outre les documents n° 33.126/17905 à 17917, mentionnés ci-dessus au point 1761, une note de CBR de 1981 (documents n° 33.126/7555 et 7556), une étude de Lafarge (documents n° 33.126/4869 à 4910), un projet de lettre du 21 juin 1983 de la société NCH à la Commission (documents n° 33.126/5038 à 5051), ainsi qu'une lettre du 6 octobre 1986 de Blue Circle à l'OFT (documents n° 33.126/11119 à 11121), pour démontrer l'importance des coûts du transport dans la composition des prix du ciment. Enfin, elle se fonde sur les documents n° 33.126/17624, 17625 et 17641 à 17653, mentionnés ci-dessus aux points 1760 et 1761, et sur la lettre susvisée du 6 octobre 1986 de Blue Circle à l'OFT, pour illustrer le fait que les différences de spécifications techniques rendaient aléatoires les comparaisons des prix entre pays membres. Aalborg souligne encore que, d'après le document n° 33.126/15170, les indications de prix français étaient approximatives, "hors taxes départ usine" et revêtues de l'avertissement suivant: "S'agissant de valeurs moyennes approximatives, toutes comparaisons avec les prix publiés précédemment ne peuvent avoir un caractère rigoureux et les écarts de prix entre catégories ne sont pas significatifs."

1766. Unicem avance, dans ses observations du 28 novembre 1997, une série de documents visant à démontrer que les données sur les prix qui étaient diffusées à travers Cembureau n'étaient ni fiables ni comparables ni utilisables à des fins commerciales anticoncurrentielles, dès lors qu'elles ne comportaient, et qu'elles ne pouvaient d'ailleurs comporter, aucune indication sur les coûts du transport, les rabais, la qualité du produit et les conditions de vente et de livraison, autant de variables essentielles à l'évaluation des prix de vente effectivement pratiqués.

1767. Elle illustre l'importance et la variabilité:

- des coûts du transport dans la fixation des prix du ciment en s'appuyant, outre sur les documents n° 33.126/5038 à 5051, 11119, 17905 à 17917 et 4869 à 4910, mentionnés ci-dessus aux points 1761 et 1765, sur les documents n° 33.126/9659, 8155, 9672, 9673 et 4994 à 5000;

- des rabais en se fondant sur les documents n° 33.126/4982, 11221 à 11241 et 17437, mentionnés ci-dessus aux points 1761 et 1765;

de la qualité du produit en se fondant sur les documents n° 33.126/17624, 17625 et 17641 à 17646, mentionnés ci-dessus aux points 1760 et 1761;

- des conditions de vente et de livraison en se référant aux documents n° 33.126/4850 et 4853, mentionnés ci- dessus aux points 1761 et 1765.

1768. Irish Cement met en exergue, dans ses observations du 5 janvier 1998, les documents n° 33.126/14536, 17905 à 17917, 17881 à 17886, 11221 à 11223, 17436 à 17438, 17888 et 17889, mentionnés ci-dessus au point 1761, pour illustrer le fait qu'une grande variété de facteurs, comme les spécifications des produits, les conditions de crédit, les coûts de livraison et les ristournes ont une influence considérable sur la fixation des prix du ciment dans les différents pays.

1769. L'ATIC souligne, dans ses observations du 10 février 1997, que les rares références aux échanges d'informations dans les chapitres nationaux de la CG et dans les documents des dossiers nationaux font ressortir que les informations communiquées entre les associations nationales et Cembureau étaient anodines. Elle se réfère à cet effet au paragraphe 52 de la CG, contenu dans le chapitre relatif à la Grèce, à une lettre du 10 juillet 1990 de l'AGCI à Cembureau (documents n° 33.126/19395 à 19397), à une lettre du 12 octobre 1989 de l'AITEC à ses membres (documents n° 33.126/12051 et 12052), ainsi qu'à la lettre du 27 novembre 1986 du SFIC à Cembureau (document n° 33.126/14938), mentionnée ci-dessus au point 1760.

1770. Italcementi soutient, dans ses observations du 10 février 1997, que, dans les dossiers nationaux, figuraient un certain nombre de documents qui lui auraient permis, au cours de la procédure administrative, d'étayer sa thèse selon laquelle les données statistiques diffusées à travers Cembureau constituaient des informations globales, à caractère général et se rapportant toujours à des périodes écoulées, et non pas des données individualisées par entreprise. En particulier, elle aurait pu mieux démontrer que les informations auxquelles elle a eu accès au niveau de Cembureau étaient totalement dépourvues d'utilité sur le plan commercial, dès lors qu'elles ne comportaient aucune indication de rabais et de conditions de paiement. Elle se fonde d'abord sur les documents n° 33.126/15026 et 15040 à 15051, mentionnés ci-dessus au point 1760, sur le document n° 33.126/15025, ainsi que sur la lettre du 27 novembre 1986 du SFIC à Cembureau (document n° 33.126/14938), mentionnée ci-dessus au point 1760, qui indiquerait que les données fournies pour le marché français étaient des valeurs approximatives, dont la transmission à Cembureau était assortie de l'avertissement selon lequel "toutes comparaisons avec les prix publiés précédemment ne [pouvaient] avoir un caractère rigoureux et les écarts de prix entre catégories [n'étaient] pas significatifs". Elle évoque ensuite le projet de lettre de la CMF à l'OFT (documents n° 33.126/17624 et 17625), mentionné ci-dessus au point 1761, qui contiendrait une explication exhaustive des différents facteurs rendant impossible toute comparaison des prix de vente du ciment dans les différents Etats membres. Elle met encore en avant l'extrait du procès-verbal de la réunion du 2 octobre 1985 de la CMF (document n° 33.126/17097), mentionné ci-dessus au point 1762, relatif aux propos du président de Cembureau dénonçant la contribution très inégale des membres aux échanges statistiques pour la "Cembureau European Annual Review".

1771. Dans ses observations du 26 novembre 1997, Italcementi se réfère tout d'abord à une note de Lafarge du 7 octobre 1986 (documents n° 33.126/4919 à 4921), qui illustrerait le peu d'utilité des informations sur les prix recueillies à travers Cembureau: "Objet: Prix des ciments en Europe. Le tableau ci-joint rassemble les infos recueillies pour chaque pays par la voie la plus fiable. En l'absence d'indications plus précises, ce sont les chiffres publiés par Cembureau." Les documents n° 33.126/17370 à 17374, mentionnés ci-dessus au point 1761, indiqueraient que, en raison de divers facteurs, les prix pouvaient connaître, pour une même société, des écarts importants en fonction du client ou de la zone de vente. Le document n° 33.126/3826 montrerait, quant à lui, que des centaines de pages étaient parfois nécessaires pour décrire la politique de prix d'une seule et même société, ce qui prouverait que les prix communiqués par Cembureau n'auraient pas pu alimenter des comparaisons à des fins commerciales anticoncurrentielles. Enfin, les documents n° 33.126/17396 à 17399, 14536 et 4853, mentionnés ci-dessus au point 1761, démontreraient que la simplification à l'extrême des données fournies par Cembureau (absence d'indication sur des éléments essentiels comme la TVA, le coût du transport, les ristournes et les conditions de vente) contrastait singulièrement avec la complexité de la structure des prix effectivement pratiqués par chaque entreprise individuelle.

1772. Cementir fait état, dans ses observations du 29 décembre 1997, des documents n° 33.126/4982/54 à 70, 4869 à 4910, 14536, 4850 à 4853 et 17905 à 17917, mentionnés ci-dessus aux points 1761 et 1765, du document n° 33.126/17918, ainsi que des documents n° 33.126/4919, 4920, 4954 à 4982 et 3826, qui montreraient que les prix d'une même société pouvaient varier fortement, notamment en fonction de l'emplacement de l'usine, du client, des rabais, des coûts du transport, des modalités de paiement, du type d'emballage, des services fournis par type de produit, du système de distribution, des taxes et impôts nationaux et/ou locaux, etc. Les données fournies par Cembureau, qui n'intégraient pas ces différents facteurs, n'auraient donc été d'aucune utilité pour déterminer avec précision le prix effectivement appliqué par les différents producteurs de ciment.

1773. Il convient cependant de relever que les différents éléments mis en avant par les parties requérantes se rattachent tous à des considérations qui ont été dûment prises en compte par la Commission dans la décision attaquée. Au paragraphe 16, point 22, la Commission reproduit l'extrait figurant dans la note par laquelle Cembureau lui avait transmis la documentation relative à la circulation périodique d'informations sur les prix: "Malheureusement, les structures des prix et des types de ciment choisis par chaque pays comme référence sont tellement différents que toutes les comparaisons qui ont été faites se sont révélées fausses" (document n° 33.126/15097). Au paragraphe 47, sous b), ii), elle prend position sur les observations formulées au cours de la procédure administrative par des parties destinataires de la CG, qui avaient fait valoir que "l'effet sur la concurrence de la diffusion de [...] mercuriales [de prix], qui [avaient] généralement [porté] sur des prix en cours et non sur des prix à venir, [avait été] nul ou moindre que l'échange direct d'informations entre les entreprises sur les prix" (paragraphe 47, point 13) et que "la diffusion de ces informations sur les prix [n'avait pas pu] avoir d'influence sur le marché puisqu'il s'agissait d'informations non individualisées, concernant parfois des barèmes approuvés par les autorités, parfois des moyennes de prix" (décision attaquée, paragraphe 47, point 14). 1774.

A l'adresse d'Aalborg et d'Italcementi, il convient encore d'ajouter que les indications figurant dans les documents n° 33.126/14938 et 15170 relatifs aux prix français documents mentionnés ci-dessus aux points 1765 et 1770 sont reproduites intégralement au paragraphe 16, point 12, de la décision attaquée.

1775. Malgré ces différentes considérations, la Commission a conclu à juste titre (voir ci-dessus points 1515 à 1519 et 1639 à 1647), à la lumière des constatations objectives exposées au paragraphe 47, points 1, 4 et 13, de la décision attaquée, que les échanges ponctuels et périodiques d'informations sur les prix visés à l'article 2, paragraphes 1 et 2, avaient eu pour but, en violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, de "faciliter l'exécution de l'accord [Cembureau]" (article 2 de la décision attaquée).

1776. Les commentaires additionnels que les parties requérantes auraient pu formuler à l'époque pour souligner le caractère général et approximatif des informations sur les prix échangées, ponctuellement et périodiquement, au niveau de Cembureau, n'auraient donc pas pu avoir une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent.

1777. Enfin, il y a lieu de souligner que le document n° 33.126/15170, mis en avant par Aalborg, était accessible au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus point 250). Aalborg pouvait donc l'utiliser pour étayer son mémoire en réponse à la CG. Dans ces conditions, elle ne saurait à présent l'invoquer pour démontrer l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

1778. En deuxième lieu, Cembureau souligne, dans ses observations du 10 février 1997, que le compte rendu de la réunion de la CMF du 11 février 1987 (documents n° 33.126/17203 à 17205) fait état de la suspension, dans l'attente d'un avis juridique, de la transmission d'informations sur les prix par la CMF à Cembureau en raison de la suppression des CPMA (voir ci-dessus point 91). Il estime que, s'il avait pris connaissance de ce document au cours de la procédure administrative, il aurait été fondé à faire valoir qu'il était tout à fait improbable que la CMF (et ses membres) participât sciemment à un accord illégal au niveau européen, alors qu'elle aurait été très soucieuse de se conformer aux dispositions du droit de la concurrence, tant au niveau communautaire que sur le plan national.

1779. Toutefois, il convient d'abord de faire remarquer que, au paragraphe 16, point 21, de la décision attaquée, la Commission constate que depuis 1985 Cembureau n'a plus reçu de communication officielle des prix par la CMF, et qu'il obtenait des prix de différentes sources, qu'il communiquait comme estimation approximative par téléphone.

1780. En outre, les commentaires que Cembureau aurait pu exprimer au cours de la procédure administrative quant au prétendu souci de l'association britannique de se conformer au droit de la concurrence n'auraient pu occulter ni la réalité de l'implication active de Cembureau dans les échanges ponctuels et périodiques d'informations sur les prix, qui se sont déroulés en son sein, ni le fait que l'association britannique était demeurée affiliée au système d'échange périodique d'informations sur les prix pendant toute la période infractionnelle retenue à l'article 2, paragraphe 2.

1781. Les observations que Cembureau aurait pu faire valoir à partir des documents mentionnés ci-dessus au point 1778 n'auraient donc pas pu avoir une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent.

1782. En troisième lieu, Cembureau se réfère, dans ses observations du 10 février 1997, à des documents de 1990 du dossier relatif à la Grèce (documents n° 33.126/19394 à 19401), concernant des communications de statistiques par Titan à son association nationale, et par cette dernière à Cembureau, et dans lesquelles ne figurerait aucune information sur les prix.

1783. Toutefois, cet élément, s'il avait pu être mis en exergue par Cembureau au cours de la procédure administrative, n'aurait pas été de nature à écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 16 de la décision attaquée, qui démontrent l'existence d'échanges ponctuels et périodiques d'informations sur les prix, entre autres les prix grecs, au niveau de Cembureau pendant la période considérée.

1784. En quatrième lieu, le SFIC prétend, dans ses observations du 10 février 1997, qu'il aurait été utile à sa défense qu'il disposât, au cours de la procédure administrative, de différentes pièces des dossiers relatifs au Portugal (documents n° 33.322/1019 et 1020, 1406 à 1408 et 1410 à 1412) et à l'Italie (documents n° 33.126/11919, 11990, 11991, 11993, 11994 et 11995), pièces se rapportant au système de contrôle des prix du ciment en vigueur dans ces deux pays à l'époque considérée. Ces pièces lui auraient permis de démontrer que, à l'instar des informations sur les prix que lui-même transmettait à Cembureau, les informations tarifaires qu'il recevait de ces deux marchés ne contenaient aucune donnée sensible. Dans ses observations du 7 janvier 1998, le SFIC se réfère encore à une pièce du dossier Blue Circle (documents n° 33.126/11007 et 11008), relative aux CPMA, qui lui aurait permis d'étayer son argumentation sur la rigidité des prix en Europe, en raison du contrôle étatique dont ceux-ci faisaient l'objet, pendant la période considérée, dans un certain nombre d'Etats membres.

1785. Dans ses observations du 12 janvier 1998, Aalborg met en avant les documents n° 33.126/15134 et 15135 pour souligner que les prix italiens diffusés à travers Cembureau avaient été préalablement publiés. Elle produit également le document n° 33.126/15201 pour mettre en exergue le fait que les prix portugais étaient fixés par l'Etat et qu'ils étaient donc totalement transparents.

1786. Il apparaît toutefois que les éléments avancés par le SFIC et par Aalborg se rattachent à des considérations qui ont été dûment prises en compte par la Commission dans la décision attaquée.

1787. Ainsi, au paragraphe 16, point 16, la Commission explique que, pendant la période considérée, les prix ont été soumis en Italie, d'abord à un régime de contrôle, puis, à partir de la fin de 1985, à un régime de surveillance. Elle relève que, jusqu'au 30 novembre 1985, l'AITEC adressait à Cembureau les prix italiens "tels qu'ils [étaient] autorisés pour tout le pays par l'autorité publique et publiés au Journal officiel" et que si, à partir de décembre 1985, les prix n'étaient plus publiés au Journal officiel, "chaque producteur rend[ait] ses prix publics" et "un communiqué de l'AITEC [était] publié dans la presse spécialisée".

1788. Au paragraphe 16, point 19, elle note que, au Portugal, les prix ont été soumis au régime des prix déclarés jusqu'en 1987 et que, depuis lors, ils sont soumis au régime de "convention des prix".

1789. Au paragraphe 16, point 21, elle souligne que, jusqu'en février 1987, un accord de prix et de conditions communs a existé entre les producteurs britanniques. En vertu de cet accord, "prix et conditions de vente étaient décidés en commun et déposés auprès des autorités britanniques".

1790. Au paragraphe 47, sous b), ii), la Commission prend position sur les observations formulées, lors de la procédure administrative, par certaines parties destinataires de la CG, selon lesquelles "la diffusion [des] informations sur les prix [n'avait pas pu] avoir d'influence sur le marché puisqu'il [s'agissait] d'informations non individualisées, concernant parfois des barèmes approuvés par les autorités, parfois des moyennes de prix" (décision attaquée, paragraphe 47, point 14). A cette occasion, elle relève à nouveau que, "en ce qui concerne l'Italie [...] et le Portugal, les barèmes transmis [étaient] ceux approuvés par les autorités publiques et se [référaient] à toute la profession de chaque pays" (paragraphe 47, point 14, deuxième tiret), et que "les moyennes de prix envoyées pour [...] le Royaume-Uni ne comportaient pas d'identification des producteurs" (décision attaquée, paragraphe 47, point 14, troisième tiret).

1791. Il a déjà été souligné (voir ci-dessus point 1775) que, malgré ces différentes considérations, la Commission avait conclu à juste titre (voir ci-dessus points 1515 à 1519 et 1639 à 1647), à la lumière des constatations objectives exposées au paragraphe 47, points 1, 4 et 13, de la décision attaquée, que les échanges ponctuels et périodiques d'informations sur les prix visés à l'article 2, paragraphes 1 et 2, avaient eu pour but, en violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, de "faciliter l'exécution de l'accord [Cembureau]" (article 2 de la décision attaquée).

1792. Les commentaires que le SFIC et Aalborg auraient pu formuler lors de la procédure administrative pour illustrer la rigidité des systèmes de contrôle et de fixation des prix en vigueur dans certains pays membres de Cembureau à l'époque considérée n'auraient donc pas pu avoir une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent.

1793. A l'adresse d'Aalborg, il convient encore d'ajouter que les documents n° 33.126/15134, 15135 et 15201, que cette partie requérante invoque dans ses observations du 12 janvier 1998 (voir ci-dessus point 1785), lui étaient accessibles au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus point 250). Aalborg pouvait donc les utiliser pour étayer son mémoire en réponse à la CG. Dans ces conditions, elle ne saurait à présent les invoquer pour démontrer l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

1794. De son côté, l'ATIC soutient, dans ses observations du 10 février 1997, que les documents visés ci-dessus au point 1769, s'ils lui avaient été rendus accessibles pendant la procédure administrative, lui auraient aussi permis de renforcer son argumentation selon laquelle les informations qu'elle avait transmises à Cembureau n'avaient pas comporté d'élément confidentiel et qu'elles n'avaient donc pas été de nature à faciliter l'adoption de comportements restrictifs de concurrence.

1795. Toutefois, aucun des documents invoqués par l'ATIC ne concerne les informations sur les prix que celle-ci a transmises à Cembureau pendant la période considérée. Partant, aucun d'entre eux n'aurait permis à l'ATIC de souligner le caractère anodin des données qu'elle-même avait fournies à Cembureau à cette époque.

1796. Pour sa part, Cementir, sans invoquer de documents précis à l'appui de ses affirmations, rappelle, dans ses observations du 29 décembre 1997, que, dans bon nombre de pays, les prix étaient soumis au contrôle des pouvoirs publics. 1797.

1797. Cet argument, qui n'est étayé par aucun élément concret provenant des pièces que Cementir a pu consulter à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997, ne saurait être accueilli dans le cadre de l'examen d'un moyen tiré d'une violation des droits de la défense en raison de l'accès incomplet à la CG et au dossier d'instruction de la Commission au cours de la procédure administrative. En tout état de cause, il ne saurait être accueilli également pour les motifs énoncés ci-dessus aux points 1787 à 1792.

1798. En cinquième lieu, le SFIC, Aalborg, Unicem et Cementir font valoir que, s'ils avaient bénéficié d'un accès complet à la CG et au dossier d'instruction de la Commission au cours de la procédure administrative, ils auraient pu apporter un éclairage différent sur la finalité poursuivie par les échanges d'informations sur les prix visés à l'article 2 de la décision attaquée.

1799. Dans ses observations du 7 janvier 1998, le SFIC affirme que les deux documents visés ci-dessus au point 1764 démontrent que la documentation sur les prix rassemblée au niveau de Cembureau était destinée à la Commission, à la demande de celle-ci.

1800. Dans ses observations du 12 janvier 1998, Aalborg, se référant tout spécialement au document n° 33.126/516, affirme que les documents qui lui ont été rendus accessibles à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 attestent que les échanges d'informations sur les prix intervenus au niveau de Cembureau ont participé de l'accomplissement d'une tâche classique pour une association professionnelle, à savoir l'élaboration de statistiques générales sur les prix destinées à permettre le calcul des coûts de la construction ou à appuyer les demandes d'augmentations de prix introduites par les industries auprès des autorités de contrôle des prix.

1801. Dans ses observations du 28 novembre 1997, Unicem soutient que l'examen complet du dossier d'instruction de la Commission fait apparaître que la fréquence des échanges de données sur les prix a été la plus élevée à l'époque, se situant aux alentours de 1983, à laquelle les producteurs de ciment européens ont examiné, sous les auspices de la Commission, la faisabilité d'un système fondé sur les points de parité, ce qui démontrerait la licéité des échanges d'informations sur les prix intervenus au niveau de Cembureau. Elle renvoie particulièrement aux documents n° 33.126/814 et 815.

1802. Quant à Cementir, elle se prévaut, dans ses observations du 29 décembre 1997, des documents n° 33.126/2167, 18081 et 18082, lesquels illustreraient l'existence, sur certains marchés, de mécanismes d'échanges d'informations sur les prix qui auraient privé d'utilité ou, à tout le moins, d'effets anticoncurrentiels les systèmes d'échange d'informations mis en place au niveau de Cembureau.

1803. Il y a cependant lieu de relever que les différentes considérations mises en avant par ces quatre parties requérantes ne leur auraient pas permis d'écarter les constatations objectives sur lesquelles la Commission s'est fondée à juste titre (voir ci-dessus points 1515 à 1519 et 1639 à 1647), au paragraphe 47, points 1, 4 et 13, de la décision attaquée, pour conclure, d'une part, que le but poursuivi par les échanges ponctuels d'informations sur les prix des pays membres de Cembureau, lors des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 19 mars 1984, était de concourir à l'application de l'accord Cembureau et, d'autre part, que, à compter du 1er janvier 1984, le système d'échange périodique d'informations sur les prix qui existait à cette date au niveau de Cembureau visait également à faciliter l'exécution de cet accord.

1804. A l'adresse du SFIC et d'Unicem, il convient encore d'ajouter que les allégations de ces deux parties requérantes ne sont étayées par aucun document pertinent, les documents n° 33.126/2545 à 2548 et 2591 à 2609, et les documents n° 33.126/814 et 815, invoqués, respectivement, par le SFIC (voir ci-dessus point 1799) et par Unicem (voir ci-dessus point 1801), remontant en effet à la période 1977-1978, soit à une période largement antérieure aux dates de début des infractions retenues à l'article 2, respectivement paragraphe 1 (14 janvier 1983) et paragraphe 2 (1er janvier 1984), de la décision attaquée.

1805. En sixième lieu, le SFIC fait état, dans ses observations du 7 janvier 1998, d'une pièce du dossier Ciments français (documents n° 33.126/4125 à 4127), qui montrerait que les sources d'informations utilisées par cette société pour le marché belge ne résultaient pas d'échanges entre la FIC et lui, mais provenaient des autorités douanières. Le SFIC estime que ce document aurait été utile à sa défense à l'encontre du grief tiré d'échanges statistiques avec la FIC.

1806. Il doit toutefois être constaté que ce document n'aurait pas été de nature à écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 16 de la décision attaquée, qui attestent l'existence, au niveau de Cembureau, d'échanges ponctuels et périodiques d'informations sur les prix entre les membres directs de Cembureau, parmi lesquels la FIC et le SFIC, ayant eu pour but de faciliter l'exécution de l'accord Cembureau.

1807. De son côté, l'ATIC soutient, dans ses observations du 10 février 1997, qu'aucun des documents auxquels elle a eu accès à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996 ne fait mention de contacts qu'elle aurait eus avec d'autres associations nationales, en rapport avec des échanges d'informations sur les prix.

1808. Toutefois, une telle indication, si elle avait pu être soulignée par l'ATIC au cours de la procédure administrative, ne lui aurait pas permis d'écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 16, particulièrement point 19, de la décision attaquée, qui démontrent sa participation au système d'échange périodique d'informations sur les prix, organisé au niveau de Cembureau.

1809. Pour sa part, Italcementi s'appuie, dans ses observations du 10 février 1997, sur une série de documents (documents n° 33.126/14810, 14811, 14814, 14818 à 14821, 14823, 14825, 14827, 14894, 14941 à 14955, 16383, 16386, 16548, 16601 à 16604, 16605 à 16608, 16618 à 16623, 14896 et 14897, et documents n° 33.322/1410 à 1412, 314 et 315) qui illustreraient l'existence d'importants courants d'échanges d'informations sur les flux d'importations et d'exportations, ainsi que sur les prix et les conditions de vente, entre les producteurs de ciment de différents pays, sans la moindre intervention de Cembureau.

1810. Toutefois, cette circonstance, si elle avait pu être mise en exergue par Italcementi lors de la procédure administrative, n'aurait pas été de nature à occulter la réalité de sa participation, au niveau de Cembureau, à des échanges d'informations sur les prix lors de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, ainsi qu'à travers les CPRF. Les commentaires d'Italcementi n'auraient pas non plus permis d'écarter les constatations objectives sur lesquelles la Commission s'est fondée à juste titre (voir ci-dessus points 1515 à 1519 et 1639 à 1647), au paragraphe 47, points 1, 4 et 13, de la décision attaquée, pour conclure que lesdits échanges avaient visé à renforcer l'exécution de l'accord Cembureau.

1811. En septième lieu, Aalborg soutient, dans ses observations du 10 février 1997, que l'accès au dossier de notification des CPMA (dossier IV/27.997) lui aurait permis d'expliquer que le document manuscrit "Prix Royaume-Uni" (document n° 33.126/11614), reproduit par la Commission au paragraphe 16, point 4, de la décision attaquée en relation avec la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, n'aurait fait en réalité que décrire le modèle arithmétique du système des points de parité en vigueur dans ce pays, sans viser à une information secrète sur les prix.

1812. Il convient toutefois de rappeler que l'échange d'informations sur les prix intervenu lors de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 est retenu, à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, non pas en raison du degré de sensibilité des données sur lesquelles il aurait porté, mais en ce qu'il a eu pour but de faciliter l'exécution de l'accord Cembureau. Or, les commentaires qu'Aalborg aurait pu exprimer au cours de la procédure administrative à partir du dossier de notification des CPMA ne lui auraient pas permis d'écarter les constatations objectives sur lesquelles la Commission s'est fondée à juste titre (voir ci-dessus points 1515 à 1519), au paragraphe 47, points 1 et 4, pour conclure que, à la réunion du 14 janvier 1983, l'échange d'informations à l'occasion duquel des indications précises ont été données sur les prix britanniques avait eu pour objet de faciliter l'exécution de l'accord Cembureau. Ces commentaires n'auraient donc eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent.

1813. En huitième lieu, l'ATIC prétend, dans ses observations du 10 février 1997, qu'il ressort des chapitres nationaux de la CG et des dossiers nationaux que l'implication des autres associations dans les comportements visés à l'article 2 de la décision attaquée a été beaucoup plus flagrante que la sienne. L'accès à ces éléments nationaux au cours de la procédure administrative lui aurait permis d'éviter d'être traitée aussi sévèrement que ces autres associations nationales dans la décision attaquée.

1814. Cet argument manque de précision et il n'est étayé que par un renvoi vague et général aux chapitres nationaux de la CG et aux dossiers qui s'y rapportent, sans la moindre illustration concrète. Pour cette seule raison, il ne saurait être accueilli.

1815. De surcroît, il y a lieu d'en souligner le caractère contradictoire. En effet, l'ATIC s'appuie, d'un côté, sur des documents émanant d'autres associations membres de Cembureau, plus précisément du SFIC et de l'AGCI, pour étayer son argumentation selon laquelle les informations sur les prix échangées au niveau de Cembureau auraient été dépourvues de toute valeur sensible (voir ci-dessus point 1769), et elle prétend, de l'autre côté, que l'implication des autres associations membres de Cembureau, parmi lesquelles le SFIC et l'AGCI, dans les infractions visées à l'article 2 de la décision attaquée a été nettement plus grande que la sienne.

1816. En conclusion, il ressort des considérations qui précèdent (voir ci-dessus points 1758 à 1815) que, pour ce qui concerne les infractions constatées à l'article 2, aucune partie requérante n'a démontré que ses droits de la défense ont été violés au cours de la procédure administrative en raison de l'accès partiel à la CG et au dossier d'instruction de la Commission.

Conclusions

1817. Il ressort de l'ensemble des considérations qui précèdent (voir ci-dessus points 1450 à 1816) que:

- l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée doit être annulé à l'égard d'Unicem, d'Oficemen et de l'ATIC, dans son intégralité;

- l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée doit être annulé à l'égard d'Italcementi, dans la mesure où il retient sa participation à l'infraction en cause avant et après le 19 mars 1984;

l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée doit être annulé à l'égard de Cementir, dans la mesure où il retient sa participation à l'infraction en cause après le 14 janvier 1983;

- l'article 2, paragraphe 1, doit être annulé à l'égard de la FIC, de la VNC, de Ciments luxembourgeois, du SFIC, d'Aalborg, du BDZ, de la BCA, d'Irish Cement et de l'AGCI, dans la mesure où il retient leur participation à des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix visant à faciliter l'exécution de l'accord mentionné à l'article 1er de la décision attaquée, au cours des réunions des chefs de délégation au-delà de celle du 19 mars 1984, et au cours des réunions du comité exécutif de Cembureau;

- l'article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision attaquée doit être annulé à l'égard de l'ensemble des parties requérantes concernées, dans la mesure où il constate que la circulation d'informations intervenue entre elles a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les prix minimaux des producteurs de ces deux pays pour les livraisons de ciment par camion et, en ce qui concerne les prix luxembourgeois, sur les prix, rabais inclus, du producteur de ce pays;

- l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée doit être annulé à l'égard d'Unicem, dans la mesure où il retient sa participation à l'infraction en cause avant le 9 septembre 1986;

- l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée doit être annulé à l'égard d'Italcementi, dans la mesure où il retient sa participation à l'infraction en cause avant le 19 mars 1984.

1818. Pour le surplus, les moyens examinés doivent être rejetés.

V Sur les moyens tirés de violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité et des droits de la défense, en ce que la Commission constate l'existence de trois pratiques concertées franco-italiennes contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité et la participation des parties requérantes mises en cause [décision attaquée, article 3, paragraphe 1, sous a), sous b) et sous c)]

Observations liminaires

1819. A l'article 3, paragraphe 1, sous a), sous b) et sous c), de la décision attaquée, la Commission incrimine trois pratiques concertées, correspondant à autant de rapports bilatéraux prétendument infractionnels, qui auraient existé entre le producteur de ciment italien Buzzi, d'une part, et les trois producteurs de ciment français Lafarge, Ciments français et Vicat, d'autre part.

1820. A l'article 3, paragraphe 1, sous a), elle reproche à Lafarge et à Buzzi d'avoir enfreint, du 26 novembre au 31 décembre 1988, les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en participant à une pratique concertée portant sur le partage du marché du Sud de la France et sur la limitation de leur autonomie de comportement concernant les sources de production.

1821. A l'article 3, paragraphe 1, sous b), elle reproche à Ciments français et à Buzzi d'avoir enfreint, du 17 mars au 31 décembre 1988, les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en participant à une pratique concertée portant sur des informations sur les prix en vigueur et sur une prévision de hausse des prix, en vue d'une limitation de leur autonomie de comportement.

1822. A l'article 3, paragraphe 1, sous c), elle reproche à Vicat et à Buzzi d'avoir enfreint, du 11 mai 1983 au 31 décembre 1988, les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en participant à une pratique concertée portant sur des échanges d'informations sur les prix en vue d'une limitation de leur autonomie de comportement en ce qui concerne les livraisons de ciment dans le Sud de la France.

1823. Lafarge (T-43-95) prétend que la Commission a violé l'article 85, paragraphe 1, du traité, en constatant sa participation à une pratique concertée anticoncurrentielle avec Buzzi. Au cours de la présente procédure, et notamment dans les mémoires qu'elle a adressés au Tribunal le 10 février 1997 et le 28 janvier 1998 à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 (voir ci-dessus points 164 et 168), Lafarge n'a pas soutenu que cette constatation est intervenue en violation de ses droits de la défense.

1824. Ciments français (T-39-95) soutient que la Commission a commis plusieurs erreurs manifestes d'appréciation et qu'elle a violé ses droits de la défense, en retenant sa participation à une pratique concertée anticoncurrentielle avec Buzzi.

1825. Vicat (T-37-95) soutient que la Commission a commis une erreur d'appréciation et a violé l'article 85, paragraphe 1, du traité, ainsi que ses droits de la défense, en constatant sa participation à une pratique concertée anticoncurrentielle avec Buzzi.

1826. Buzzi (T-51-95) reproche à la Commission d'avoir commis plusieurs erreurs manifestes d'appréciation et d'avoir violé l'article 85, paragraphe 1, du traité, ainsi que ses droits de la défense, en constatant sa participation à trois pratiques concertées, respectivement avec Lafarge, Ciments français et Vicat.

1827. Ainsi que cela vient d'être souligné (voir ci-dessus points 1819 à 1822), la Commission, bien qu'elle conclue à "une continuité dans le comportement de Buzzi", dont "les manifestations [...], même si elles ont été faites individuellement aux trois producteurs français, ont profité pour finir à tous les trois" (décision attaquée, paragraphe 48, point 7), constate séparément, à l'article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée, trois pratiques concertées, sans viser chaque fois les mêmes destinataires et en retenant une durée différente pour chacune de ces pratiques concertées. La seule conséquence commune qu'elle tire de sa conclusion relative au comportement de Buzzi tient à la date de fin des trois infractions, fixée pour chacune d'elles au 31 décembre 1988 (décision attaquée, paragraphe 48, point 7).

1828. A l'effet d'apprécier la légalité de l'article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée, il convient donc de vérifier si la Commission a retenu à bon droit l'existence de trois pratiques concertées et si, à cette occasion, elle a violé les droits de la défense de Vicat, de Ciments français et de Buzzi.

Pratique concertée entre Lafarge et Buzzi constatée à l'article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision attaquée

A Introduction

1829. Pour conclure à l'existence de l'infraction reprochée à Lafarge et à Buzzi (voir ci-dessus point 1820), la Commission se fonde sur l'extrait suivant du compte rendu, rédigé par M. Pierre Saint-Hillier, de Lafarge, de l'entretien que ce dernier a eu avec M. Emmanuello Buzzi, de Buzzi, le 26 novembre 1988 (décision attaquée, paragraphe 20, point 3; document n° 33.126/6857 bis):

"Plusieurs sujets ont été abordés:

1. Le Sud de la France

Emmanuello a compris (suite à l'entrevue avec G. Liduena) qu'il y avait trois possibilités:

- faire une usine à clinker près de l'eau,

- faire une station de broyage,

- fermer l'usine. Négocier le marché. Réalisation d'une Société pour fournir, soit à partir de La Malle, soit à partir de Robilante, soit à partir d'import (la Grèce par exemple).

Je lui ai affirmé qu'il n'y avait pas d'urgence car nous avions devant nous 15 à 20 ans de réserves. Le problème se situe principalement au niveau du permis d'exploitation.

La position de Buzzi:

Le marché appartient à Ciments Lafarge.

Aucun souhait de venir sur la Côte d'Azur pour perturber le marché. Ils ont seulement 2 ou 3 clients depuis vingt ans.

La guerre est inutile.

Il faut faire des accords pour éviter des conflits.

Prêts à regarder une affaire en commun."

1830. La Commission voit dans cet extrait "des manifestations de volonté de se répartir le marché de la Côte d'Azur et de se répartir à moyen et à long terme les sources d'approvisionnement en ciment" (décision attaquée, paragraphe 20, point 3). Elle conclut en ces termes à l'existence d'une pratique concertée entre Lafarge et Buzzi, contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité: "Alors que les dispositions de cet article s'opposent à tout contact direct ou indirect visant à dévoiler à un concurrent le comportement qu'on a décidé ou qu'on a envisagé de tenir sur le marché, par le contact intervenu le 26 novembre 1988, Buzzi et Lafarge se sont concertées [...] pour limiter leur autonomie de comportement et, en particulier, l'autonomie de comportement de Buzzi et, pour finir, pour se répartir le marché du Sud de la France et pour limiter leur autonomie future concernant les sources de production dans les régions qui longent la frontière franco-italienne" (décision attaquée, paragraphe 48, point 3).

B Sur la correspondance entre la CG et la décision attaquée

1831. Buzzi s'étonne d'être accusée d'avoir participé à une pratique concertée avec Lafarge, ayant pour objet la limitation de leur autonomie respective de comportement dans la gestion de leurs sources de production, alors qu'un tel reproche ne figurait pas dans la CG.

1832. Il convient tout d'abord de relever que, dans la partie "en fait" de la CG consacrée à la "mise en œuvre du 'Cembureau Agreement or Principle of not transhipping to internal European markets: France-Italie", et plus précisément aux "rapports Buzzi-Lafarge", le seul passage du compte rendu susvisé de l'entretien du 26 novembre 1988 entre Lafarge et Buzzi dont la Commission faisait état était celui résumant la "position de Buzzi" (voir ci-dessus point 1829). La Commission relevait encore: "L'introduction de ce compte rendu relate [le] fait que 'Cette rencontre fait suite à celle que nous avions eue à Paris avec Sandro et Emanuele Buzzi en septembre dernier, au cours de laquelle nous avions envisagé la possibilité d'un accord sur les affaires de béton" (CG, paragraphe 10, p. 21). Aucune attention n'était, en revanche, portée par la Commission, dans la partie factuelle de la CG, à l'extrait du compte rendu de cet entretien se rapportant aux "trois possibilités" envisagées par Buzzi "suite à l'entrevue avec G. Liduena" à savoir faire une usine à clinker près de l'eau, faire une station de broyage, ou fermer l'usine, négocier le marché et réaliser une société pour fournir, soit à partir de La Malle, soit à partir de Robilante, soit à partir d'import (la Grèce, par exemple) , discussion au terme de laquelle Lafarge avait affirmé à Buzzi qu'il n'y avait pas d'urgence car il existait 15 à 20 ans de réserves.

1833. Au paragraphe 61, sous b), de la CG (p. 173), consacré à l'appréciation juridique des faits relatifs à l'entente franco-italienne, la Commission reprochait, notamment à Lafarge et à Buzzi, d'avoir pris part à des accords et/ou pratiques concertées ayant pour objet "la répartition des marchés entre ces producteurs, d'exclure toute incertitude quant à leur comportement réciproque et d'éliminer, dans le chef des utilisateurs, la possibilité économique de choix de leurs sources d'approvisionnement". Si la Commission reprochait à Lafarge et à Buzzi d'avoir, à travers leur accord et/ou pratique concertée de répartition des marchés, éliminé, dans le chef des utilisateurs, la possibilité économique de choix de leurs sources d'approvisionnement, elle ne faisait, en revanche, pas grief aux parties de s'être concertées sur une limitation de leur autonomie de comportement concernant les sources de production.

1834. Il y a donc lieu d'accueillir l'argument de Buzzi tiré d'un défaut de concordance entre la CG et la décision attaquée en ce qui concerne le grief relatif à sa participation à une pratique concertée avec Lafarge portant sur une telle limitation.

1835. Il s'ensuit que l'article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision attaquée, pour autant qu'il retient ce grief, doit être annulé à l'égard de Buzzi, ainsi que, par voie de conséquence, à l'égard de Lafarge, à laquelle il ne saurait, en effet, être reproché d'avoir participé à une prétendue concertation relative à la répartition des sources de production dans la région frontalière franco-italienne, dès lors que le bien-fondé de ce grief ne peut plus être constaté à l'égard de la seule autre partie à ladite concertation.

C Sur l'existence d'une pratique concertée anticoncurrentielle entre Lafarge et Buzzi portant sur le partage du marché du Sud de la France

1836. Compte tenu de la conclusion dégagée au point précédent, il convient uniquement de vérifier si la Commission était fondée à considérer que Lafarge et Buzzi s'étaient rendues coupables, à l'occasion de leur entretien du 26 novembre 1988, d'une pratique concertée contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en ce que celle-ci avait porté "sur le partage du marché du Sud de la France" [décision attaquée, article 3, paragraphe 1, sous a)].

1837. A titre liminaire, Lafarge relève que la Commission s'appuie sur un seul document, qui ne serait corroboré par aucun autre élément ou indication, pour établir le grief qu'elle retient à l'article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision attaquée. Buzzi considère pour sa part que la Commission a méconnu les exigences de la jurisprudence sur la charge de la preuve, en fondant ses accusations sur la seule note interne de Lafarge relative à l'entretien du 26 novembre 1988.

1838. Il convient cependant de relever qu'aucun principe de droit communautaire ne s'oppose à ce que la Commission, pour conclure à l'existence d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, se fonde sur une seule pièce, pourvu que la valeur probante de celle-ci ne fasse pas de doute et pour autant que, à elle seule, ladite pièce atteste de manière certaine l'existence de l'infraction en question. A cet égard, pour apprécier la valeur probante d'un document, il faut en premier lieu vérifier la vraisemblance de l'information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte, notamment, de l'origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire, et se demander si, d'après son contenu, il semble sensé et fiable (conclusions du juge M. Vesterdorf faisant fonction d'avocat général sous l'arrêt Rhône-Poulenc/Commission, citées au point 1053 ci-dessus, p. II-956).

1839. En l'espèce, le compte rendu de l'entretien du 26 novembre 1988 entre Lafarge et Buzzi a été rédigé par M. Saint-Hillier, le représentant de Lafarge à cet entretien, peu après celui-ci, puisqu'il a été diffusé à l'intérieur de la société Lafarge le 1er décembre 1988. Les parties requérantes n'avancent aucun élément permettant de considérer que les informations consignées dans ce document ne reflètent pas le contenu des discussions tenues à cette occasion.

1840. Sans préjuger de la question examinée ci-après aux points 1843 à 1876 de savoir si l'extrait du compte rendu litigieux, reproduit au paragraphe 20, point 3, de la décision attaquée, démontre à lui seul l'existence de l'infraction constatée, il y a donc lieu de conclure, à ce stade, que la valeur probante de ce document ne fait aucun doute et que la Commission était en droit de se fonder sur celui-ci. Le fait souligné par Buzzi à l'audience que le compte rendu a été diffusé à l'intérieur de la société Lafarge par M. Liduena, et non pas par son auteur, M. Saint-Hillier, est sans importance à cet égard.

1841. Buzzi reproche encore à la Commission d'avoir étayé le grief tiré de l'existence d'une concertation avec Lafarge au moyen d'éléments se rapportant aux contacts qu'elle avait eus avec d'autres producteurs français, en alléguant le caractère unique des différents rapports bilatéraux qu'elle entretenait avec ces derniers.

1842. Toutefois, la lecture du paragraphe 20, points 3 et 7, et du paragraphe 48, points 3 et 7, de la décision attaquée fait clairement ressortir que les différents éléments de l'infraction constatée entre Lafarge et Buzzi (existence d'une concertation, finalité anticoncurrentielle et durée de cette dernière) ont été établis par la Commission sur la seule base de l'extrait, reproduit au paragraphe 20, point 3, de la décision attaquée, du compte rendu de l'entretien intervenu le 26 novembre 1988. Il convient donc de rejeter l'argument de Buzzi.

1843. Lafarge et Buzzi font valoir ensuite, en substance, huit arguments visant à contester l'existence d'une pratique concertée anticoncurrentielle portant sur le partage du marché du Sud de la France.

1844. En premier lieu, Buzzi prétend que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en affirmant, au paragraphe 20, point 2, de la décision attaquée, que "[d]ans la période prise en considération, les tarifs des producteurs italiens [étaient] plus bas de plus ou moins 20 % par rapport aux tarifs des producteurs français". En réalité, de 1983 à 1988, les tarifs des producteurs italiens auraient toujours été, à l'exception de ceux de 1988, supérieurs à ceux des producteurs français, comme le démontrerait la comparaison de ses propres tarifs pour le ciment 425 et ceux de Vicat pour le ciment CPJ 45 (annexe 17 à sa requête).

1845. Il convient de relever que les données fournies par l'industrie italienne du ciment lors de l'audition du 2 mars 1993 démontrent, pour leur part, que les prix français ont, en moyenne, toujours été supérieurs de 20 % aux prix italiens pendant la période 1981-1991 (décision attaquée, paragraphe 9, point 6, et tableaux reproduits en annexes 9-3 et 9-4).

1846. En outre, l'analyse défendue par Buzzi revient en définitive à contester la thèse de la Commission pour la période antérieure à celle retenue au titre de l'infraction litigieuse.

1847. En toute hypothèse, elle ne permet pas d'écarter les déclarations, déjà citées, qu'elles a faites à Lafarge à l'occasion de l'entretien du 26 novembre 1988 :

" Aucun souhait de venir sur la Côte d'Azur pour perturber le marché [...]

La guerre est inutile.

Il faut faire des accords pour éviter des conflits."

1848. En deuxième lieu, Buzzi soutient que la Commission, en se bornant à constater que Buzzi avait informé Lafarge de la conduite qu'elle envisageait d'adopter sur le marché en cause, sans relever que Lafarge aurait agi de même à l'égard de Buzzi, n'a pas prouvé l'élément de réciprocité, indispensable à l'établissement d'une pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Lafarge prétend pour sa part que le fait qu'une partie exprime à autrui son point de vue personnel ne peut raisonnablement conduire à conclure à l'existence d'une pratique concertée.

1849. Sur cette question, il y a lieu de relever que la notion de pratique concertée suppose effectivement l'existence de contacts caractérisés par la réciprocité (conclusions de l'avocat général M. Darmon sous l'arrêt Pâtes de bois II, citées au point 697 ci-dessus, points 170 à 175). Cette condition est satisfaite lorsque la divulgation, par un concurrent à un autre, de ses intentions ou de son comportement futurs sur le marché a été sollicitée ou, à tout le moins, acceptée par le second. Or, à lire la lettre de couverture par laquelle M. Liduena, de Lafarge, a diffusé dans sa société le compte rendu de l'entretien du 26 novembre 1988, il apparaît que ledit entretien a été provoqué par Lafarge. En outre, rien dans ce compte rendu rédigé par Lafarge ne montre que le représentant de celle-ci ait émis une quelconque réserve ou opposition lorsque Buzzi lui a fait part de sa position quant au marché du Sud de la France. Dans ces conditions, les parties requérantes ne sauraient chercher à réduire l'attitude de Lafarge, lors de l'entretien en question, à un rôle purement passif de récepteur des informations que Buzzi aurait décidé unilatéralement de lui communiquer, sans aucune sollicitation de sa part.

1850. Il en résulte que les contacts entre Lafarge et Buzzi ont été animés par l'élément de réciprocité nécessaire à la constatation d'une pratique concertée. L'argument des parties requérantes doit donc être rejeté.

1851. En troisième lieu, Buzzi conteste l'existence d'une pratique concertée anticoncurrentielle en faisant valoir, d'une part, que les positions qu'elle a exprimées à Lafarge au cours de l'entretien en cause n'ont porté que sur des situations de fait présentes et passées, sans anticiper sur des actions futures, et, d'autre part, qu'elle n'a pris aucun engagement à l'égard de Lafarge quant à son comportement futur sur le marché de la Côte d'Azur.

1852. Il y a lieu de rappeler à cet égard que constitue une pratique concertée interdite par l'article 85, paragraphe 1, du traité toute prise de contact directe ou indirecte entre opérateurs économiques de nature à dévoiler à un concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché, lorsqu'une telle prise de contact a pour objet ou pour effet d'aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché (voir, en dernier lieu, arrêts de la Cour Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 117, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 160). Pour établir une pratique concertée, il n'est donc pas nécessaire de démontrer que le concurrent en question s'est formellement engagé, à l'égard d'un ou de plusieurs autres, à adopter tel ou tel comportement ou que les concurrents ont fixé en commun leur comportement futur sur le marché (conclusions de l'avocat général M. Darmon sous l'arrêt Pâtes de bois II, citées au point 697 ci-dessus, point 172). Il suffit que, à travers sa déclaration d'intention, le concurrent ait éliminé ou, à tout le moins, substantiellement réduit l'incertitude quant au comportement à attendre de sa part sur le marché (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, BASF/Commission T-4-89, Rec. p. II-1523, point 242, et Hercules Chemicals/Commission, cité au point 140 ci-dessus, point 260). Or, en l'espèce, Buzzi, après avoir reconnu, lors de son entretien du 26 novembre 1988 avec Lafarge, que le marché appartenait à Lafarge, a déclaré à celle-ci qu'elle ne souhaitait pas venir sur la Côte d'Azur pour perturber un marché sur lequel elle n'avait que deux ou trois clients depuis 20 ans, qu'une guerre était inutile et qu'il fallait passer des accords pour éviter des conflits. Ce faisant, elle a donné à Lafarge, dans un esprit anticoncurrentiel, une assurance quant à l'attitude, en l'occurrence pacifique, que cette dernière pouvait escompter de sa part sur le marché du Sud de la France.

1853. En quatrième lieu, Lafarge et Buzzi reprochent à la Commission de ne pas avoir analysé leur entrevue du 26 novembre 1988 dans son contexte économique. Elles lui font tout d'abord grief d'avoir mal évalué la configuration géographique (barrière naturelle formée par les Alpes) et routière (mauvaise qualité de l'infrastructure routière et autoroutière) de la zone frontalière franco-italienne. Buzzi relève notamment que la Commission déclare, au paragraphe 11, point 5, de la décision attaquée, que "[l]es obstacles naturels, tels que les montagnes, n'empêchent pas les livraisons de ciment [...], les producteurs italiens [ayant] pu franchir les Alpes et livrer en Suisse", alors que les livraisons en question se sont limitées au canton du Tessin qui, pour un transporteur venant d'Italie, se situe avant les Alpes. Les parties requérantes, particulièrement Buzzi (voir annexes 18 à 29 à sa requête), insistent encore sur toute une série de facteurs qui expliquent, selon elles, que la réalité du marché frontalier franco-italien ne se prêtait pas, à tout le moins durant la période prise en considération dans la décision attaquée, aux mouvements transfrontaliers de ciment et, partant, qu'elles n'étaient pas à cette époque des concurrentes réelles ou potentielles sur le marché du Sud de la France: localisation géographique de leurs sites de production respectifs; niveau des prix italiens; conditions et coûts de transport et de douane; obstacles liés aux grèves; contraintes horaires de livraison et de circulation en vigueur dans le secteur du bâtiment; conditions spécifiques posées à l'utilisation du ciment dans le cadre des soumissions du secteur public en France ainsi que de nombreux projets privés; préférence naturelle des consommateurs français pour les producteurs locaux... Les parties requérantes soutiennent que, au cours de leur entrevue du 26 novembre 1988, Buzzi s'est bornée à rappeler ce constat objectif des limites économiques aux activités d'exportation sur le marché frontalier franco-italien.

1854. Cependant, le compte rendu de l'entretien du 26 novembre 1988 ne comporte aucune allusion aux différents éléments avancés par les parties requérantes pour prétendre expliquer la raison et la signification réelles des propos tenus par Buzzi à Lafarge. Au contraire, des déclarations comme "[l]a guerre est inutile" ou "[i]l faut faire des accords pour éviter des conflits" infirment l'analyse défendue par les parties requérantes. Elles font apparaître que les difficultés et obstacles de tous genres mis en avant par celles-ci n'empêchaient pas une certaine interpénétration des marchés limitrophes français et italien. D'après le compte rendu, Buzzi a d'ailleurs déclaré qu'elle avait deux ou trois clients depuis 20 ans sur la Côte d'Azur. Au cours de la procédure administrative, elle a affirmé que "malgré les obstacles (coûts de transport, douane, différence de qualité entre ciments italien et français) qu'elle [avait] dû surmonter, et malgré la possibilité qu'elle avait d'écouler sa production sur des marchés plus proches et plus rentables, elle [avait], depuis la fin des années 60, exporté des quantités intéressantes ('interessanti quantità) de ciment dans le Sud de la France", de surcroît "à des prix plus bas que ceux résultant des tarifs des producteurs français" (point 4.3 du mémoire en réponse de Buzzi à la CG; décision attaquée, paragraphe 20, point 7). Lafarge et Buzzi étaient donc des concurrents, à tout le moins potentiels, sur le marché du Sud de la France.

1855. C'est donc à bon droit que la Commission a vu dans l'entretien du 26 novembre 1988 relatif au marché du Sud de la France "des manifestations de volonté de se répartir le marché de la Côte d'Azur" (décision attaquée, paragraphe 20, point 3), soit, en définitive, une pratique concertée entre Lafarge et Buzzi ayant visé à "limiter leur autonomie de comportement et, en particulier, l'autonomie de comportement de Buzzi, et, pour finir, [à] se répartir le marché du Sud de la France" (décision attaquée, paragraphe 48, point 3).

1856. Dans ces conditions, les explications des parties requérantes, tirées des limites en tous genres qui affecteraient le commerce transfrontalier entre le Sud de la France et le Nord de l'Italie, sont tout au plus de nature à souligner la gravité de l'infraction qui leur est reprochée, dans la mesure où, à travers leur concertation, elles ont cherché à éliminer ou, à tout le moins, à restreindre le peu de concurrence effective qui pouvait exister sur le marché.

1857. En cinquième lieu, Lafarge et Buzzi prétendent que leur entretien du 26 novembre 1988 avait pour objet licite la discussion d'un projet industriel commun dans la région en question, projet qui n'aurait jamais abouti.

1858. S'il est parfaitement concevable que, au cours de leur entretien du 26 novembre 1988, Lafarge et Buzzi ont discuté d'un projet industriel commun, il n'en demeure pas moins que, à cette occasion, Buzzi a affirmé à Lafarge que le marché du Sud de la France appartenait à celle-ci, qu'elle n'avait aucun souhait de venir sur la Côte d'Azur pour perturber le marché, que la guerre était inutile et qu'il fallait conclure des accords pour éviter des conflits. L'argument des parties requérantes ne saurait donc occulter la réalité de leur concertation illicite intervenue lors de l'entretien du 26 novembre 1988 quant au partage du marché du Sud de la France.

1859. En sixième lieu, Buzzi soutient que, si ses déclarations avaient pu être de nature à garantir à ses concurrents français une répartition du marché du Sud de la France, il aurait été illogique que ces mêmes concurrents aient ensuite dépensé des sommes considérables pour acheter certains de ses clients dans cette région.

1860. Il importe de relever à ce propos que, au cours de l'entretien du 26 novembre 1988, Buzzi a indiqué à son interlocuteur français qu'elle avait deux ou trois clients depuis 20 ans sur la Côte d'Azur, et que cela n'a visiblement suscité aucune réaction ou objection de la part de ce dernier. La concertation intervenue à propos du marché du Sud de la France n'excluait donc pas que Buzzi conservât les "deux ou trois" courants d'affaires isolés qu'elle entretenait de longue date avec certains clients de cette région, dès lors que ces quelques rapports commerciaux n'apparaissaient pas de nature à perturber le marché de la Côte d'Azur. Le fait que les producteurs français aient décidé de racheter ensuite une partie de la clientèle de Buzzi sur ce marché n'est dès lors pas de nature à contredire l'existence, établie par l'extrait de compte rendu d'entretien visé par la Commission au paragraphe 20, point 3, de la décision attaquée, d'une concertation illicite entre Lafarge et Buzzi, à la fin de l'année 1988.

1861. En septième lieu, Buzzi souligne que, malgré son prétendu engagement de ne pas intervenir sur le marché du Sud de la France, ses ventes sur ce marché ont progressé de manière quasi constante, à l'exception de celles de 1988 (annexe 16 à sa requête). Soutenue sur ce point par Lafarge, elle ajoute que la chute de ses ventes en France en 1988 s'explique uniquement par l'acquisition, par certains producteurs français, de deux de ses principaux clients dans cette région, et non pas, comme la Commission le soutient au paragraphe 20, point 7, de la décision attaquée, par l'existence d'une concertation avec les producteurs français, et en particulier avec Lafarge.

1862. Il convient d'observer que les données fournies par Buzzi pour illustrer la progression constante de ses ventes jusqu'en 1987 sur le marché du Sud de la France ne sont pas pertinentes pour contester l'infraction retenue, dès lors qu'il lui est reproché d'avoir pris part à une pratique concertée illicite avec Lafarge uniquement à compter du 26 novembre 1988.

1863. Quant à la diminution des ventes de Buzzi en France en 1988, s'il n'est pas exclu qu'elle puisse être liée, en partie, à la perte de deux clients importants dans la région du Sud de la France, elle ne permet pas d'écarter les déclarations d'intention adressées par Buzzi à Lafarge le 26 novembre 1988.

1864. En huitième lieu, Lafarge et Buzzi reprochent à la Commission de ne pas avoir démontré que la concertation alléguée avait influencé le comportement ultérieur des parties, en les amenant à aligner leurs politiques respectives sur le marché en cause, ou, à tout le moins, que ladite concertation avait cette aptitude. Buzzi ajoute que, en tout état de cause, pareille influence était exclue, compte tenu des caractéristiques du marché frontalier franco-italien.

1865. Toutefois, si, comme cela ressort des termes mêmes de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la notion de pratique concertée implique effectivement, outre la concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments, il y a lieu de présumer, sauf preuve contraire qu'il incombe aux parties intéressées de rapporter, que la concertation en cause a influencé le comportement des parties sur le marché (arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, points 118 et 121, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, points 161 et 162).

1866. Lafarge fait précisément observer que, après leur entretien du 26 novembre 1988, Buzzi a continué à approvisionner ses clients du Sud de la France.

1867. Toutefois, il convient de rappeler que, au cours de cet entretien, Buzzi a déclaré à Lafarge avoir "deux ou trois clients depuis vingt ans" sur le marché de la Côte d'Azur. Or, sur ce point, Lafarge n'a émis aucune objection, considérant visiblement que cette situation ne constituait pas un facteur susceptible de perturber ledit marché. Dans un tel contexte, l'élément invoqué par Lafarge ne prouve pas que la concertation entre Buzzi et elle intervenue le 26 novembre 1988 n'a pas influencé leur comportement sur le marché.

1868. Il ressort de tout ce qui précède que la Commission était fondée à conclure à l'article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision attaquée à l'existence d'une pratique concertée anticoncurrentielle entre Lafarge et Buzzi, ayant porté "sur le partage du marché du Sud de la France". Une telle pratique concertée est manifestement contraire à l'article 85, paragraphe 1, sous c), du traité, lequel proscrit explicitement tous accords et pratiques concertées "qui consistent à répartir les marchés".

D Sur la durée de l'infraction

1869. La Commission estime que la pratique concertée constatée à l'article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision attaquée a duré du 26 novembre au 31 décembre 1988.

1870. En premier lieu, Buzzi reproche à la Commission d'avoir fixé le début de l'infraction au mois de mai 1983.

1871. En réalité, comme cela vient d'être rappelé (voir ci-dessus point 1869), la décision attaquée retient le 26 novembre 1988 comme point de départ de la concertation. L'argument de Buzzi n'est donc pas fondé.

1872. En deuxième lieu, Buzzi souligne que, jusqu'au 26 novembre 1988, il y avait une "guerre" sur le marché du Sud de la France et qu'il n'existait aucun "accord [...] pour éviter des conflits", au vu du compte rendu de l'entretien intervenu à cette date.

1873. Toutefois, le fait que Lafarge et Buzzi aient convenu lors de cet entretien que la guerre était inutile ne signifie pas forcément que les parties se faisaient jusque-là la guerre sur le marché du Sud de la France. Pareille indication pouvait tout aussi bien traduire leur intention de ne pas l'engager. En tout état de cause, la pratique concertée entre Lafarge et Buzzi n'a été retenue qu'à compter du 26 novembre 1988. La Commission n'a donc pas prétendu qu'une concertation entre les parties fondée sur des accords destinés à éviter la "guerre" ou des "conflits" existait déjà avant cette date.

1874. En troisième lieu, Buzzi reproche à la Commission d'avoir, sans aucune motivation, fixé au 31 décembre 1988 la fin de la pratique concertée en cause, alors qu'elle aurait admis (décision attaquée, paragraphe 48, point 7) ne pas disposer d'informations particulières à cet égard.

1875. Au paragraphe 48, point 7, de la décision attaquée, la Commission explique que, "[f]aute d'autres indications précises quant à la fin de l'infraction, [elle] estime que l'infraction a duré au moins jusqu'à la fin de l'année 1988, puisque la dernière concertation avec Lafarge date du 26 novembre 1988 et qu'elle comporte la manifestation à Lafarge par Buzzi de son comportement futur sur le marché".

1876. Sur la base de cet élément, et en l'absence d'éléments de preuve contraire présentés par les entreprises concernées, la Commission était effectivement en droit de considérer que la concertation illicite intervenue entre Lafarge et Buzzi avait duré "au moins jusqu'à la fin de l'année 1988".

Pratique concertée entre Ciments français et Buzzi constatée à l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la décision attaquée

A Introduction

1877. Pour conclure à l'existence de l'infraction reprochée à Ciments français et à Buzzi à l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la décision attaquée (voir ci-dessus point 1821), la Commission se fonde sur une télécopie du 17 mars 1988 par laquelle la première a communiqué à la seconde ses barèmes de prix en vigueur depuis le 2 mars 1987, accompagnés de la note de transmission suivante: "En réponse au télex de ce jour, ci-joints nos barèmes de prix ciment sac et vrac au départ des usines. Le calendrier de révisions des prix n'est pas décidé à ce jour. Une hausse moyenne de 1 à 1,5 % sur l'année en cours est envisagée." (Décision attaquée, paragraphe 20, point 4; documents n° 33.126/11982 à 11987.) La Commission estime que la transmission "par Ciments français de son tarif et de la prévision de hausse des prix [... a eu] pour but de donner à Buzzi la possibilité d'aligner ses prix pour les ventes de ciment en France sur ceux de Ciments français" (décision attaquée, paragraphe 20, point 6). Elle conclut que "la transmission par Ciments français à Buzzi le 17 mars 1988 du tarif de l'usine de Beaucaire et de la prévision de hausse moyenne prévue en cours d'année, à la demande de Buzzi, constitue une pratique concertée, visée par l'article 85, paragraphe 1" (décision attaquée, paragraphe 48, point 4), dès lors que "toute communication à un concurrent du comportement qu'il est envisagé de tenir sur le marché, qui permette ainsi d'influencer le comportement concurrentiel de celui-ci, constitue une infraction à l'article 85, paragraphe 1" (décision attaquée, paragraphe 48, point 5, dernier alinéa).

B Sur l'existence d'une pratique concertée anticoncurrentielle entre Ciments français et Buzzi

1878. A titre liminaire, Ciments français reproche à la Commission d'avoir commis une erreur de fait dans la description consacrée, au paragraphe 20, point 1, de la décision attaquée, à la localisation des installations, de part et d'autre de la frontière franco-italienne, des quatre entreprises visées à l'article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée, en situant son usine de Ranville dans les Bouches-du-Rhône, alors que Ranville se situe en Normandie.

1879. Cependant, cette erreur que la Commission admet (mémoire en défense dans l'affaire T-39-95, p. 30) ne porte pas à conséquence. En effet, ainsi que cela vient d'être souligné (voir ci-dessus point 1877), la Commission, dans l'appréciation juridique qu'elle porte, au paragraphe 48, point 4, de la décision attaquée, se borne à dénoncer la divulgation par Ciments français, à Buzzi, du tarif de son usine de Beaucaire et de la prévision de hausse moyenne prévue pour l'année en cours.

1880. Buzzi reproche pour sa part à la Commission d'avoir méconnu les exigences de la jurisprudence sur la charge de la preuve, en fondant sa constatation d'une infraction sur la seule télécopie du 17 mars 1988 par laquelle Ciments français lui avait transmis ses barèmes de prix.

1881. Sur ce point, il a déjà été souligné (voir ci-dessus point 1838) qu'aucun principe de droit communautaire ne s'oppose à ce que la Commission conclue à l'existence d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité sur la base d'une seule pièce, pourvu que la valeur probante de celle-ci ne soit pas contestable et pour autant qu'à elle seule ladite pièce atteste, de manière certaine, l'existence de l'infraction dénoncée. Buzzi n'ayant avancé aucun élément contredisant la valeur probante du document cité au paragraphe 20, point 4, de la décision attaquée, il y a lieu de conclure, à ce stade, que la Commission était en droit de se fonder sur ce document pour établir l'existence de la concertation infractionnelle qu'elle reproche à Ciments français et à Buzzi, sans préjuger de la question examinée ci-après aux points 1883 à 1921 de savoir si le document en question démontre, à lui seul, l'existence de ladite infraction.

1882. Ensuite, Ciments français et Buzzi formulent en substance neuf arguments visant à contester l'existence de la pratique concertée anticoncurrentielle qui leur est imputée.

1883. En premier lieu, ainsi que cela a déjà été souligné (voir ci-dessus point 1844), Buzzi conteste l'affirmation de la Commission selon laquelle, "[d]ans la période prise en considération, les tarifs des producteurs italiens [étaient] plus bas de plus ou moins 20 % par rapport aux tarifs des producteurs français" (décision attaquée, paragraphe 20, point 2). Elle soutient que, à l'exception de l'année 1988, les tarifs italiens ont toujours été supérieurs aux tarifs français pendant cette période.

1884. Il convient de rappeler que les données fournies par l'industrie italienne du ciment lors de l'audition du 2 mars 1993 démontrent, pour leur part, que les prix français ont, en moyenne, toujours été supérieurs de 20 % aux prix italiens pendant la période 1981-1991 (décision attaquée, paragraphe 9, point 6, et tableaux reproduits en annexes 9-3 et 9-4).

1885. En tout état de cause, les critiques de Buzzi, qui reviennent à contester l'analyse de la Commission pour la période antérieure à celle retenue au titre de l'infraction reprochée, ne sauraient occulter le fait que, le 17 mars 1988, Ciments français lui a transmis, à sa demande, ses barèmes de prix ainsi que la prévision de hausse de prix envisagée pour l'année en cours (décision attaquée, paragraphe 20, point 4; documents n°s 33.126/11982 à 11987).

1886. En deuxième lieu, Buzzi soutient que la Commission, en se bornant à relever l'existence d'un flux unilatéral d'informations en provenance de Ciments français, n'a pas prouvé l'élément de réciprocité indispensable à la constatation d'une pratique concertée.

1887. Cet argument doit être rejeté. Comme cela a été souligné (voir ci-dessus point 1849), la condition de réciprocité, nécessaire à la constatation d'une pratique concertée, est satisfaite lorsqu'il apparaît qu'un concurrent divulgue des informations touchant à son comportement sur le marché, à la demande d'un autre. Or, il ressort des termes mêmes de la télécopie visée au paragraphe 20, point 4, de la décision attaquée que les barèmes de prix transmis par Ciments français à Buzzi l'ont été "en réponse au télex de ce jour" (document n° 33.126/11983), soit, comme la Commission le relève à juste titre (décision attaquée, paragraphe 48, point 4), "à la demande de Buzzi". L'élément de réciprocité est donc établi en l'espèce.

1888. En troisième lieu, Ciments français soutient que Buzzi et elle ne sont pas des concurrentes actuelles ou potentielles, pour diverses raisons liées, notamment, au coût élevé du transport transfrontalier entre l'Italie et la France, ainsi qu'à l'absence de chevauchement de leurs marchés naturels respectifs. Elle reproche à cet égard à la Commission d'avoir retenu, comme distance séparant l'usine de Buzzi la plus proche de la sienne, une distance considérablement inférieure à la distance routière ou autoroutière réelle (décision attaquée, paragraphe 48, point 5). Elle joint à sa requête (annexes 4 et 5) des relevés, effectués sous contrôle d'huissier, précisant la durée et la distance réelles d'un voyage qu'elle a fait effectuer à un camion de ciment depuis une usine voisine de celle de Buzzi en Italie jusqu'à Nîmes, coeur du marché de l'usine de Beaucaire de Ciments français dans le Sud-Est de la France. Selon elle, l'importance de ces deux facteurs rendrait impraticable ce type de livraison. Ciments français conclut que l'échange d'informations qui est intervenu entre Buzzi et elle n'a pas eu pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, dès lors que la condition première d'une telle concertation, à savoir l'existence d'une concurrence entre les parties concernées, faisait défaut.

1889. De son côté, Buzzi reproche à nouveau à la Commission de ne pas avoir procédé à une analyse économique du marché frontalier franco-italien, en mettant l'accent sur les différentes raisons qui expliquent, selon elle, que ce marché ne se prêtait nullement aux mouvements transfrontaliers de ciment (voir ci-dessus point 1853).

1890. Cette argumentation ne saurait être accueillie. Comme la Commission le souligne à juste titre, "le [...] fait est que Buzzi exporte en France" (décision attaquée, paragraphe 48, point 5). Buzzi a en effet affirmé au cours de la procédure administrative que, "malgré les obstacles (coûts de transport, douane, différence de qualité entre ciments italien et français) qu'elle a dû surmonter, et malgré la possibilité qu'elle avait d'écouler sa production sur des marchés plus proches et plus rentables, elle a, depuis la fin des années 60, exporté des quantités intéressantes ('interessanti quantità) de ciment dans le Sud de la France" (point 4.3 du mémoire en réponse de Buzzi à la CG; décision attaquée, paragraphe 20, point 7).

1891. Les activités d'exportation de Buzzi vers le marché du Sud de la France n'étant pas contestables, la Commission était fondée à considérer que Ciments français, qui dispose d'un site de production sur ce marché, à Beaucaire (décision attaquée, paragraphe 20, point 1), et Buzzi étaient des "concurrents actuels ou, à tout le moins, potentiels" (décision attaquée, paragraphe 48, point 5).

1892. En quatrième lieu, Ciments français et Buzzi contestent que la transmission de barèmes de prix, tels que ceux qui figuraient sur la télécopie du 17 mars 1988, ait pu servir une finalité anticoncurrentielle. Elles font valoir une série d'arguments tenant aux caractéristiques des informations communiquées au moyen de cette télécopie. Ciments français soutient que ces informations avaient déjà été rendues publiques, d'une part, par le biais de la presse spécialisée et de la presse économique générale, et, d'autre part, en raison d'une obligation imposée par l'ordonnance française 86-1243 du 1er décembre 1986, relative à la liberté des prix et de la concurrence. Buzzi prétend que le document qui lui a été transmis par Ciments français portait sur des tarifs officiels fixés par l'Etat français et aisément accessibles à toute personne intéressée et que les prévisions de hausse pouvaient être calculées à partir d'une analyse des indicateurs économiques pris en compte par les autorités publiques lors des demandes d'augmentation. La transmission de ces informations par Ciments français aurait donc procédé d'un simple geste de courtoisie commerciale. Les parties requérantes précisent que les prix transmis étaient en vigueur depuis plus d'un an (début mars 1987) et qu'ils étaient sur le point d'être modifiés, de sorte qu'ils revêtaient une valeur purement historique, qui permettait tout au plus d'éclairer sur le comportement passé de Ciments français, mais pas d'anticiper son comportement futur. La prévision de hausse des prix pour l'année en cours aurait été quant à elle annoncée sous la forme d'une fourchette purement approximative, et elle aurait d'ailleurs été démentie par la suite (2,5 % au lieu du 1 à 1,5 % initialement annoncé par Ciments français). En outre, l'information n'aurait mentionné ni le type de ciment ni la région visés par la hausse de prix envisagée. Buzzi souligne encore que les informations transmises se limitaient à des indications sur les prix, à l'exclusion de toute autre donnée, comme la part de marché ou le niveau des ventes de Ciments français dans la région considérée.

1893. Pareille argumentation doit être rejetée. L'obligation de transparence prescrite, notamment en matière de prix, aux producteurs français par l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986, citée au point précédent, vaut uniquement à l'égard des "acheteur[s] de produit" (article 33 de ladite ordonnance), ce qui n'était pas le cas de Buzzi en l'espèce. Par ailleurs, il ressort de la télécopie du 17 mars 1988 que les informations transmises par Ciments français à Buzzi ont porté non pas sur des barèmes de tarifs officiels, mais sur "[ses] barèmes de prix ciment sac et vrac au départ des usines", dont ceux de l'usine située dans la région de Beaucaire, marché naturel de Ciments français dans le Sud de la France (décision attaquée, paragraphe 20, point 4; documents n° 33.126/11983, 11985 et 11987). Si les prix en question étaient déjà appliqués depuis plus d'un an et étaient voués à être modifiés incessamment, il n'en demeure pas moins qu'il s'agissait des prix (toujours) en vigueur à cette époque. L'information transmise par Ciments français à Buzzi, loin d'être limitée à un intérêt purement historique ou statistique, avait donc une "valeur actuelle" (décision attaquée, paragraphe 48, point 5). Certes, Buzzi aurait pu se procurer ces prix auprès de la clientèle de Ciments français. Néanmoins, elle les a demandés à Ciments français, qui les lui a transmis le jour même.

1894. Quant à l'indication de hausse de prix envisagée pour l'année en cours, Buzzi ne saurait raisonnablement défendre que cette donnée était aisément calculable sur la base d'une simple analyse des indicateurs économiques pris en compte par les autorités publiques, d'autant que le contrôle étatique des prix du ciment avait été supprimé en France depuis 1986 (décision attaquée, paragraphe 16, point 12). En réalité, il s'agissait là d'une information commerciale confidentielle, donc particulièrement sensible.

1895. A travers cette transmission d'informations, les parties requérantes ont ainsi pris part à une concertation interdite par l'article 85, paragraphe 1, du traité, au sens de la jurisprudence citée ci-dessus au point 1852.

1896. En effet, en communiquant à Buzzi, à la demande de cette dernière, ses prix de vente en vigueur ainsi que la hausse envisagée pour l'année en cours, Ciments français a dévoilé son comportement commercial, actuel et futur, en éliminant ou, à tout le moins, en réduisant substantiellement à l'avance l'incertitude relative à sa politique de prix, notamment sur le marché du Sud de la France.

1897. Le fait que les données ainsi transmises n'ont porté que sur les prix, à l'exclusion de toute autre donnée commerciale, n'enlève rien au caractère infractionnel de la transmission d'informations incriminée.

1898. Bien que la hausse de prix annoncée par Ciments français se soit en définitive avérée inexacte, la communication de cette prévision de hausse, comme le relève à juste titre la Commission, a mis Buzzi en position de "prévoir [l]a politique de prix [de Ciments français] avec un grand degré de certitude, même après les modifications de prix prévues" (décision attaquée, paragraphe 48, point 5).

1899. En cinquième lieu, Ciments français reproche à la Commission de s'être livrée à un maniement terminologique artificiel de la télécopie du 17 mars 1988, en voyant dans l'indication selon laquelle "une hausse moyenne de 1 à 1,5 % sur l'année en cours [était] envisagée" (décision attaquée, paragraphe 20, point 4; document n° 33.126/11983) la preuve de la communication, par Ciments français, d'une "prévision de hausse" de ses tarifs (décision attaquée, paragraphe 48, point 4). Selon la partie requérante, la Commission aurait ainsi donné l'impression que la hausse des barèmes avait déjà fait l'objet d'une décision ferme et définitive.

1900. Cet argument doit être rejeté. Le recours au terme "prévoir" en lieu et place du terme "envisager" ne saurait être considéré comme révélateur de l'intention de la Commission de travestir les termes figurant dans la télécopie du 17 mars 1988. En outre, à aucun endroit de la décision attaquée, la Commission ne présente la hausse moyenne des barèmes de Ciments français envisagée pour l'année en cours comme le résultat d'une décision ferme et définitive.

1901. En sixième lieu, Buzzi prétend que la divulgation, par Ciments français, de ses barèmes de prix n'aurait pas pu servir le but anticoncurrentiel que la Commission prétend lui assigner, à savoir "donner à Buzzi la possibilité d'aligner ses prix pour les ventes de ciment en France sur ceux de Ciments français" (décision attaquée, paragraphe 20, point 6). En effet, les prix réellement pratiqués par Ciments français sur le marché du Sud de la France n'auraient pas correspondu à ceux figurant sur ces barèmes. Buzzi renvoie, sur ce point, aux indications de prix français qu'elle fournit, en annexes 18 à 23 à sa requête, pour les années 1983 à 1988.

1902. Cet argument doit être rejeté.

1903. En effet, la mise en regard, d'une part, des informations contenues dans la télécopie de Ciments français du 17 mars 1988, et, d'autre part, des indications de prix français fournies, pour l'année 1987, par Buzzi en annexe 22 à sa requête amène à constater que le prix français indiqué par Buzzi pour cette année-là était de 365 FRF/tonne, soit exactement le tarif que Ciments français lui avait communiqué le 17 mars 1988 pour son usine de Beaucaire.

1904. Invitée à s'expliquer sur ce point par une question écrite du Tribunal du 27 mai 1998, Buzzi a répondu, le 25 juin 1998, que les données qu'elle avait jointes en annexes 18 à 23 à sa requête visaient, en réalité, à démontrer que les prix qu'elle-même avait pratiqués sur le marché du Sud de la France entre 1983 et 1988 étaient largement inférieurs à ceux des producteurs français et, en particulier, de Ciments français. Cet argument sera examiné ci-après aux points 1909 à 1913.

1905. Quoi qu'il en soit, à supposer même que les prix communiqués par Ciments français à Buzzi n'aient pas correspondu aux prix effectivement pratiqués par le producteur français sur le marché - ces derniers dépendant d'une série de paramètres additionnels, variables au cas par cas - les indications de prix figurant sur la télécopie en question étaient de nature à permettre à Buzzi d'"aligner ses prix pour les ventes de ciment en France sur ceux de Ciments français" (décision attaquée, paragraphe 20, point 6), en relevant ses prix à l'exportation à un niveau susceptible de dissuader les clients, actuels ou potentiels, de Ciments français d'importer ses produits dans le Sud de la France et/ou en répercutant, sur ses propres clients dans cette région, l'évolution des prix "locaux", en l'occurrence ceux de Ciments français, afin de ne pas perturber le marché naturel de ce producteur. La connaissance des tarifs appliqués par un concurrent à une époque donnée, ainsi que de la hausse de prix envisagée par celui-ci pour l'année en cours, permet en effet à un opérateur à plus forte raison lorsque, comme en l'espèce, ces informations sont assorties d'une indication précise sur le taux de TVA en vigueur (voir documents n° 33.126/11984 à 11987) d'adapter ses propres prix en conséquence, sans qu'il soit nécessaire de disposer du détail des prix réels variables en fonction du client pratiqués par ce concurrent sur le marché.

1906. En septième lieu, Buzzi considère que, si, comme la Commission le prétend, "[s]es prix plus bas se [justifiaient] par le fait que les classes de résistance des ciments 'Portland' vendus par Buzzi en France (classes 325 et 425) sont plus basses que celles des ciments correspondants fabriqués et vendus par les producteurs français (classes 350 et 450)" (décision attaquée, paragraphe 20, point 7), il ne saurait lui être reproché d'avoir agi en fonction du barème de prix qui lui avait été transmis par Ciments français le 17 mars 1988, puisque ce barème concernait des produits d'un type différent de ceux qu'elle commercialisait.

1907. Il convient de faire observer que, dans sa requête (p. 20), Buzzi conteste précisément l'explication proposée par la Commission au paragraphe 20, point 7, de la décision attaquée (voir point précédent) en faisant valoir que les produits qu'elle a vendus en France et les ciments français étaient d'une qualité identique et qu'ils étaient donc parfaitement interchangeables et concurrentiels entre eux, aux yeux des consommateurs.

1908. De toute manière, quel que soit le degré de comparabilité, en termes de qualité et de résistance, des produits fabriqués par Buzzi et des ciments français, il n'en demeure pas moins que, le 17 mars 1988, Buzzi a demandé à Ciments français ses barèmes de prix, que cette dernière s'est empressée de lui transmettre le jour même, en l'informant également de la hausse de prix envisagée pour l'année en cours. En l'absence d'explication alternative convaincante de nature à justifier cette transmission d'informations, et compte tenu de ce qui est exposé ci-dessus au point 1905, la Commission était fondée à considérer que la transmission "par Ciments français de son tarif et de la prévision de hausse des prix [...] [avait eu] pour but de donner à Buzzi la possibilité d'aligner ses prix pour les ventes de ciment en France sur ceux de Ciments français" (décision attaquée, paragraphe 20, point 6). Elle était donc en droit de conclure à l'illicéité de ce contact bilatéral, qui a eu pour objet d'aboutir à des conditions de concurrence ne correspondant pas aux conditions normales du marché (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1852 ci-dessus).

1909. En huitième lieu, Buzzi fait valoir que, tant avant qu'après la transmission des barèmes de prix de Ciments français, elle a constamment pratiqué dans cette région des prix sensiblement inférieurs à ceux des producteurs français, et en particulier de Ciments français. Elle renvoie sur ce point aux annexes 18 à 23 à sa requête, dans lesquelles elle procède à une comparaison des prix français et italiens pendant la période 1983-1988. En réponse à une question écrite du Tribunal du 27 mai 1998, elle a par ailleurs fourni, le 25 juin 1998, des copies des factures se rapportant à ses ventes dans le Sud de la France, dont elle faisait état dans sa requête (p. 41, point 11) pour étayer son argumentation sur ce point. Ces factures confirmeraient que, effectivement, les prix pratiqués par Buzzi en faveur de certains clients du Sud de la France entre février 1987 et décembre 1988 sont restés constamment inférieurs (290 à 300 FRF/tonne) à ceux indiqués par Ciments français pour son usine de Beaucaire (365 FRF/tonne) dans sa télécopie du 17 mars 1988 (décision attaquée, paragraphe 20, point 4; documents n° 33.126/11982 à 11987). Comme indiqué ci-dessus (point 1907), Buzzi rejette l'explication proposée par la Commission, au paragraphe 20, point 7, de la décision attaquée, pour justifier l'infériorité des prix qu'elle pratiquait pour ses ventes en France par rapport aux prix des producteurs français.

1910. A cet égard, il convient de souligner que si, comme cela ressort des termes mêmes de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la notion de pratique concertée implique effectivement, outre la concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments, il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu'il incombe aux parties intéressées de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché (arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, points 118 et 121, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, points 161 et 162).

1911. En l'espèce, il y a lieu de rappeler que Buzzi n'a jamais nié avoir eu, pendant la période prise en considération dans la décision attaquée, quelques clients dans le Sud de la France, plus précisément sur le marché de la Côte d'Azur. Elle n'entendait toutefois pas y faire "la guerre" aux producteurs français (voir compte rendu de l'entretien du 26 novembre 1988 entre Lafarge et Buzzi; décision attaquée, paragraphe 20, point 3; document n° 33.126/6857 bis). Elle a donc parfaitement pu poursuivre une politique commerciale autonome à l'égard de cette clientèle, qui, d'après ses indications fournies à l'audience, était pour l'essentiel le fruit de relations personnelles des frères Buzzi, tout en prenant en considération les informations sur les prix communiquées par Ciments français dans sa télécopie du 17 mars 1988, pour répondre aux éventuelles demandes d'exportation émanant de clients, actuels ou potentiels, du producteur français dans la région du Sud de la France.

1912. Il y a lieu de relever par ailleurs que la Commission ne prétend nullement, dans la décision attaquée, que la transmission, par Ciments français, de ses barèmes de prix à Buzzi a conduit celle-ci à pratiquer des prix identiques à ceux du producteur français. Elle soutient tout au plus que "[la] transmission [...] par Ciments français de son tarif et de la prévision de hausse des prix [...] [a eu] pour but de donner à Buzzi la possibilité d'aligner ses prix pour les ventes de ciment en France sur ceux de Ciments français" (décision attaquée, paragraphe 20, point 6). Or, le fait que Buzzi ait en définitive pratiqué, dans le Sud de la France, des prix inférieurs à ceux qui lui avaient été communiqués par Ciments français n'exclut pas que l'entreprise italienne ait, malgré tout, répercuté sur ses prix à l'exportation les informations qui lui avaient été fournies le 17 mars 1988.

1913. En conclusion, les indications de Buzzi exposées ci-dessus au point 1909 ne prouvent pas que les informations qu'elle avait obtenues, à sa demande, de Ciments français ont été sans incidence sur son comportement sur le marché.

1914. En neuvième lieu, Buzzi invoque le rachat, par les producteurs français, de certains de ses clients français.

1915. Toutefois, une telle circonstance ne permet pas d'écarter la réalité de la concertation illicite intervenue entre Ciments français et elle à l'occasion de la transmission par Ciments français, à sa demande, de ses barèmes de prix et de la hausse envisagée pour l'année 1988.

1916. Il résulte de tout ce qui précède que la Commission était fondée à conclure à l'existence de la pratique concertée visée à l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la décision attaquée.

C Sur la durée de l'infraction

1917. La Commission estime que la pratique concertée qu'elle constate à l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la décision attaquée a duré du 17 mars au 31 décembre 1988.

1918. En premier lieu, Ciments français prétend ne pas avoir eu l'occasion de s'exprimer, au cours de la procédure administrative, sur la date de fin de l'infraction en question, cette date n'ayant pas été mentionnée dans la CG.

1919. A cet égard, il convient de relever que, au paragraphe 61, sous b), de la CG, consacré à l'appréciation juridique des faits relatifs à l'entente franco-italienne, la Commission estimait que "[l]es communications des barèmes de prix entre les producteurs français Lafarge, Ciments français et Vicat et le producteur italien Buzzi [constituaient] des pratiques concertées restrictives de concurrence au sens de l'article 85[, paragraphe 1, du traité] au moins de 1983 à 1988" (CG, p. 173). Ciments français devait donc nécessairement se rendre compte, à la lecture de ce passage de la CG, que la Commission entendait retenir le grief tiré de sa participation à une pratique concertée avec Buzzi au moins jusqu'à la fin de l'année 1988. Son argument tiré d'un défaut de concordance entre la CG et la décision attaquée doit dès lors être écarté.

1920. En deuxième lieu, Ciments français relève que l'échange d'informations qui lui est reproché s'est limité à l'envoi d'une seule télécopie à Buzzi, le 17 mars 1988 (décision attaquée, paragraphe 20, point 4; documents n° 33.126/11982 à 11987). Comme Buzzi, elle conteste par ailleurs le droit pour la Commission de se fonder, au paragraphe 48, point 7, de la décision attaquée, sur la concertation intervenue entre Lafarge et Buzzi pour étendre, jusqu'au 31 décembre 1988, la durée de l'infraction qui lui est reprochée, dès lors qu'il n'a pas été démontré que les différents contacts intervenus entre Buzzi et les producteurs français avaient procédé d'une seule et même infraction. Buzzi reproche encore à la Commission d'avoir déterminé la durée de sa concertation illicite avec Ciments français sans aucune motivation particulière. Elle insiste sur le fait que les barèmes de prix qui lui avaient été transmis le 17 mars 1988 par Ciments français n'étaient plus en vigueur le 1er septembre 1988, soit quatre mois avant la date de fin de l'infraction retenue par la décision attaquée.

1921. Il doit cependant être observé que, en informant Buzzi le 17 mars 1988, à la demande de celle-ci, de ses prix en vigueur, ainsi que de la hausse de prix envisagée "sur l'année en cours", Ciments français lui a offert un degré raisonnable de certitude quant à son comportement commercial, en termes de prix, pour toute l'année 1988. La concertation illicite avait donc vocation à porter ses fruits jusqu'à la fin de l'année 1988. C'est donc à bon droit que la Commission a retenu que l'infraction avait duré du 17 mars au 31 décembre 1988.

Pratique concertée entre Vicat et Buzzi constatée à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée

A Introduction

1922. Pour conclure à l'existence de l'infraction reprochée à Vicat et à Buzzi à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée (voir ci-dessus point 1822), la Commission s'appuie sur différents télex se rapportant à des échanges de tarifs intervenus entre ces deux entreprises pendant la période allant du 11 au 16 mai 1983 (décision attaquée, paragraphe 20, point 5; documents n° 33.126/11974, 11973 et 11975 à 11977). Elle se fonde également sur un télex du 23 avril 1986 adressé par Buzzi à Vicat. Par ce télex, la première s'est adressée à la seconde en ces termes: "Des demandes de fourniture de ciment nous parviennent, en plus de Nice, de Toulon. Nous avons donné une réponse négative à toutes et nous avons l'intention de continuer à le faire. Nous avons appris que vos prix ont récemment augmenté. Veuillez nous faire connaître: les prix départ usine pour marchandise en vrac et en sac, le pourcentage d'augmentation, si d'autres augmentations de prix sont prévisibles au cours de l'année. Nos prix sont à partir de mars 1986: [...]. Le pourcentage d'augmentation a été de 4,5 % environ. Nous prévoyons/espérons une autre augmentation en septembre de 3 %." (Décision attaquée, paragraphe 20, point 5; document n° 33.126/6144.) La Commission se fonde enfin sur un document relatif au tarif de Vicat applicable à partir du 1er juillet 1986, qui aurait été transmis par cette société à Buzzi, et en haut duquel figurent les annotations manuscrites suivantes en italien: "+ 6,3 % sur le vrac par rapport à mars 1986; + 18,79 pour le sac" (décision attaquée, paragraphe 20, point 5; document n° 33.126/11971).

1923. La Commission considère que la transmission "par Vicat de ses tarifs [a eu] pour but de donner à Buzzi la possibilité d'aligner ses prix pour les ventes de ciment en France sur ceux de [...] Vicat" et que "la communication par laquelle Buzzi a informé Vicat [qu'elle avait] refusé des commandes de ciment provenant du Sud de la France et [qu'elle avait] l'intention de continuer à le faire [s'inscrivait] dans le cadre d'une répartition du marché du Sud de la France" (décision attaquée, paragraphe 20, point 6). Au paragraphe 48, point 6, de la décision attaquée, la Commission conclut de la manière suivante à l'existence d'une pratique concertée entre Vicat et Buzzi, contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité: "[...] d'une part, Buzzi a rassuré Vicat quant à sa volonté de ne pas déranger le marché dans le Sud de la France, et, d'autre part, par les échanges de tarifs et la communication des augmentations de prix, Vicat et Buzzi ont voulu se donner un degré raisonnable de certitude que les exportations qui continueraient à avoir lieu s'effectueraient en suivant une politique de prix comparable à celle de Vicat. Par ces moyens, on a éliminé une grande partie du risque normal inhérent à toute modification autonome de comportement sur le marché." (Décision attaquée, paragraphe 48, point 6, dernier alinéa.)

B Sur l'existence d'une pratique concertée anticoncurrentielle entre Vicat et Buzzi

1924. A titre liminaire, Buzzi constate que, d'après la Commission, ses déclarations à Vicat, selon lesquelles elle avait l'intention de répondre par la négative aux demandes de fourniture de ciment lui parvenant de Nice et de Toulon, s'inscrivaient "dans le cadre d'une répartition du marché du Sud de la France" (décision attaquée, paragraphe 20, point 6) ou, encore, traduisaient sa "volonté de ne pas déranger le marché dans le Sud de la France" (décision attaquée, paragraphe 48, point 6). Buzzi relève toutefois que ni elle ni Vicat n'ont été condamnées à ce titre à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée. Elle souligne également que la Commission n'a pas jugé illicite sa transmission à Vicat, le 23 avril 1986, d'une prévision de hausse des prix (décision attaquée, paragraphe 20, point 5; document n° 33.126/6144), alors qu'elle a condamné la transmission du même type de données qui lui avait été faite par Ciments français le 17 mars 1988 [décision attaquée, paragraphes 20, point 4, et 48, points 4 et 5, et article 3, paragraphe 1, sous b); documents n° 33.126/11982 à 11987].

1925. Sur cette question, il est exact que, à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée, la Commission ne reproche expressément à Vicat et à Buzzi ni d'avoir participé à une pratique concertée portant sur le partage du marché du Sud de la France, contrairement à l'accusation qu'elle porte, à l'article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision attaquée, à l'encontre de Lafarge et de Buzzi, ni de s'être échangé des informations portant sur une prévision de hausse de prix, contrairement au grief qu'elle formule à l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la décision attaquée, à la charge de Ciments français et de Buzzi.

1926. Dans l'appréciation juridique qu'elle porte sur les faits exposés au paragraphe 20, point 5, de la décision attaquée, et qui l'amène à conclure, à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de celle-ci à l'existence d'une pratique concertée entre Vicat et Buzzi "portant sur des échanges d'informations sur les prix en vue d'une limitation de leur autonomie de comportement en ce qui concerne les livraisons de ciment dans le Sud de la France", la Commission motive toutefois en ces termes la constatation de cette infraction: "Les échanges de tarifs des 11/16 mai 1983 et d'avril et de juillet 1986, de même que la communication faite par Buzzi à Vicat le 23 avril 1986 de son intention de ne pas accepter de commandes provenant de Nice et de Toulon, constituent une pratique concertée, visée par l'article 85, paragraphe 1. Même s'il est possible de se procurer les tarifs par la clientèle, ce procédé est plus compliqué et requiert plus de temps. En deuxième lieu, les échanges ont concerné non seulement les tarifs, mais aussi, à une occasion, les prévisions d'augmentation de prix. Par cette pratique concertée, d'une part, Buzzi a rassuré Vicat quant à sa volonté de ne pas déranger le marché dans le Sud de la France, et, d'autre part, par les échanges de tarifs et la communication des augmentations de prix, Vicat et Buzzi ont voulu se donner un degré raisonnable de certitude que les exportations qui continueraient à avoir lieu s'effectueraient en suivant une politique de prix comparable à celle de Vicat. Par ces moyens, on a éliminé une grande partie du risque normal inhérent à toute modification autonome de comportement sur le marché." (Décision attaquée, paragraphe 48, point 6.)

1927. Cette analyse juridique montre que, en constatant l'existence d'une pratique concertée entre Vicat et Buzzi, la Commission a entendu dénoncer les échanges de prix et de prévision de hausse de prix intervenus entre ces deux entreprises, en ce que ces échanges avaient pour but de limiter leur autonomie de comportement, en particulier celle de Buzzi, en mettant celle-ci en mesure d'appliquer, à l'égard du marché du Sud de la France, une politique de prix à l'exportation comparable à la politique de prix suivie par Vicat, afin de ne pas perturber ledit marché, conformément aux manifestations de volonté exprimées par Buzzi dans son télex à Vicat du 23 avril 1986. Dès lors, même si l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée ne reproche pas expressément à Vicat et à Buzzi d'avoir participé à une pratique concertée portant sur le partage du marché du Sud de la France, il n'en reste pas moins que les échanges d'informations critiqués visaient, selon la Commission, à ne pas déranger le marché en question.

1928. Ensuite, Vicat et Buzzi font valoir en substance dix arguments visant à la contestation de l'existence de la pratique concertée anticoncurrentielle qui leur est reprochée.

1929. En premier lieu, Buzzi prétend, ainsi que cela a déjà été souligné (voir ci-dessus points 1844 et 1883), que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en affirmant, au paragraphe 20, point 2, de la décision attaquée, que "[d]ans la période prise en considération, les tarifs des producteurs italiens sont plus bas de plus ou moins 20 % par rapport aux tarifs des producteurs français". Elle soutient que les tarifs des producteurs italiens ont toujours été, à l'exception de ceux de l'année 1988, supérieurs à ceux des producteurs français, comme le démontrerait la comparaison de ses propres tarifs pour le ciment 425 et ceux de Vicat pour le ciment CPJ 45 (annexe 17 à sa requête).

1930. Il convient une nouvelle fois de rappeler que les données fournies par l'industrie italienne du ciment lors de l'audition du 2 mars 1993 démontrent au contraire que les prix français ont, en moyenne, toujours été supérieurs de 20 % aux prix italiens pendant la période 1981-1991 (décision attaquée, paragraphe 9, point 6, et tableaux reproduits en annexes 9-3 et 9-4). En toute hypothèse, le 23 avril 1986, Buzzi a informé Vicat que des demandes de fourniture de ciment lui parvenaient, en plus de Nice, de Toulon ce qui tend à démontrer l'attrait des tarifs italiens et, partant, à accréditer la thèse de la Commission , mais qu'elle avait donné une réponse négative à toutes et avait l'intention de continuer à le faire (décision attaquée, paragraphe 20, point 5; document n° 33.126/6144).

1931. En deuxième lieu, Buzzi soutient que rien ne démontre que le document contenant le tarif de Vicat applicable à compter du 1er juillet 1986 (décision attaquée, paragraphe 20, point 5; document n° 33.126/11971) lui a été remis par Vicat.

1932. Il doit être admis que, effectivement, si le document en question a été trouvé chez Buzzi, revêtu d'annotations manuscrites en italien en haut de la page, rien ne prouve qu'il ait été transmis par Vicat à Buzzi. Cette dernière peut l'avoir obtenu d'un client de Vicat, ce qui ne serait pas répréhensible. Dans ces conditions, la Commission n'a pas démontré que ledit document ait fait l'objet d'un échange entre Vicat et Buzzi. Il s'ensuit que cette pièce ne peut pas être prise en considération en tant qu'élément de preuve de la pratique concertée litigieuse.

1933. En troisième lieu, Vicat reproche à la Commission d'avoir conclu au caractère infractionnel de ses contacts avec Buzzi au motif que ceux-ci auraient été le résultat de l'accord Cembureau de respect des marchés domestiques, visé à l'article 1er de la décision attaquée.

1934. Cet argument doit être rejeté. En effet, il ressort du paragraphe 48, point 6, de la décision attaquée que, dans l'appréciation juridique qu'elle porte sur les relations entre Vicat et Buzzi, la Commission s'est uniquement fondée, pour conclure à leur caractère infractionnel, sur les pièces visées audit paragraphe 20, point 5, à l'exclusion de toute référence à l'accord Cembureau.

1935. En quatrième lieu, les deux parties requérantes nient la finalité anticoncurrentielle des communications dénoncées, par une série d'arguments fondés sur les caractéristiques des informations échangées. Vicat soutient que, en raison du régime de contrôle des prix ayant existé en France jusqu'à la fin de l'année 1986, les tarifs qu'elle a communiqués à Buzzi ne comportaient aucune indication relative à sa politique commerciale (rabais, conditions de paiement...). Elle invoque en outre, à l'appui de sa thèse, les arrêts Fiatagri et New Holland Ford/Commission, cité au point 1680 ci-dessus (point 91) et Deere/Commission, cité au point 420 ci-dessus (point 81). Buzzi prétend, pour sa part, que tous les tarifs échangés étaient accessibles au public. Les parties requérantes ajoutent que, contrairement à ce qu'exige la jurisprudence pour conclure à l'existence d'une pratique concertée infractionnelle, les informations qu'elles se sont échangées n'ont conduit ni à dévoiler ni à influencer leur comportement commercial sur le marché en cause.

1936. Il y a lieu de constater que les échanges de tarifs entre Vicat et Buzzi, visés au paragraphe 20, point 5, de la décision attaquée, ont le plus souvent porté sur des prix en vigueur, donc actuels. Certes, il était possible pour les parties de se procurer ces tarifs auprès de la clientèle, mais "ce procédé est plus compliqué et requiert plus de temps" (décision attaquée, paragraphe 48, point 6), et les parties ont préféré s'adresser directement l'une à l'autre pour les obtenir. En outre, Vicat a communiqué à Buzzi, le 11 mai 1983, une modification de prix à venir, en l'informant des tarifs au départ de l'usine de La Grave de Peille à compter du 1er juin 1983 (décision attaquée, paragraphe 20, point 5; document n° 33.126/11973). Le 23 avril 1986, Buzzi a même informé Vicat d'une augmentation prévue/espérée de 3 % en septembre, en demandant que, à son tour, Vicat lui indiquât ses prix départ usine pour marchandise en vrac et en sac ainsi que le pourcentage de leur augmentation, dont elle avait eu connaissance, et lui précisât "si d'autres augmentations de prix [étaient] prévisibles au cours de l'année" (décision attaquée, paragraphe 20, point 5; document n° 33.126/6144). Les contacts entre Vicat et Buzzi ont donc porté sur des informations commerciales sensibles, parfois même confidentielles.

1937. Il convient d'ajouter que, en mai 1983 et en avril 1986, Vicat et Buzzi ont échangé leurs prix respectifs départ usine pour les ciments en vrac et en sac, et, à une occasion, une prévision d'augmentation de prix. Le 23 avril 1986, Buzzi a en outre informé Vicat qu'elle avait refusé des demandes de fourniture en provenance de Nice et de Toulon et qu'elle avait l'intention de continuer à agir de la sorte. Ce faisant, les deux parties requérantes se sont mutuellement dévoilé leur comportement, actuel et futur, sur le marché, en éliminant ou, à tout le moins, en réduisant ainsi substantiellement l'incertitude quant à leurs politiques respectives sur ledit marché. Au regard de la jurisprudence citée au point 1852 ci-dessus, c'est donc à bon droit que la Commission a estimé que, à travers ces échanges d'informations, elles avaient "éliminé une grande partie du risque normal inhérent à toute modification autonome de comportement sur le marché" (décision attaquée, paragraphe 48, point 6).

1938. Si, comme cela ressort des termes mêmes de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la notion de pratique concertée implique effectivement, outre la concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments, il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu'il incombe aux parties intéressées de rapporter, que la concertation en cause a influencé le comportement des parties sur le marché (arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, points 118 et 121, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, points 161 et 162). Il conviendra d'examiner (ci- après points 1952 à 1956) si, en l'espèce, les éléments avancés par les parties concernées constituent une telle preuve contraire.

1939. Enfin, Vicat ne saurait invoquer les arrêts Fiatagri et New Holland Ford/Commission, cité au point 1680 ci- dessus, et Deere/Commission, cité au point 420 ci-dessus. D'une part, les échanges d'informations visés dans les affaires ayant donné lieu à ces deux arrêts ne portaient pas sur les prix. D'autre part, il ressort de l'arrêt Fiatagri et New Holland Ford/Commission, cité au point 1680 ci-dessus (point 91) que la transparence entre opérateurs économiques, pour pouvoir être considérée comme une fin licite au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité, doit être de nature à concourir, sur un marché véritablement concurrentiel en raison du caractère atomisé de l'offre, à une intensification de la concurrence entre les offreurs, condition que ne remplissaient pas, de toute évidence, les communications tarifaires intervenues entre Vicat et Buzzi, ne serait-ce qu'en raison de la relative concentration de l'offre qui caractérise le marché en cause.

1940. En cinquième lieu, Buzzi prétend que la Commission se contredit en affirmant, d'une part, que les échanges de tarifs et d'informations sur les augmentations de prix lui permettaient d'élaborer une politique de prix comparable à celle de Vicat sur le marché du Sud de la France, et, d'autre part, que ses produits n'appartenaient pas à la même classe de résistance que ceux des producteurs français.

1941. Il y a lieu de rappeler que Buzzi conteste précisément, dans sa requête, l'explication retenue par la Commission au paragraphe 20, point 7, de la décision attaquée pour justifier l'infériorité de ses prix par rapport à ceux des producteurs français, en soulignant que ses produits étaient d'une qualité équivalente à celle des ciments français (voir ci-dessus point 1907).

1942. De toute manière, quel que soit le degré de comparabilité, en termes de qualité et de résistance, entre les produits commercialisés par Buzzi et les ciments français, il est établi que Buzzi a demandé à différentes reprises à Vicat communication des tarifs de son usine de La Grave de Peille, avec indication éventuelle des augmentations de prix envisagées. En l'absence d'explication alternative convaincante de Buzzi quant à la raison de telles communications tarifaires, la Commission était fondée à considérer que "par [ces] échanges de tarifs et la communication des augmentations de prix, Vicat et Buzzi [avaient] voulu se donner un degré raisonnable de certitude que les exportations qui continueraient à avoir lieu s'effectueraient en suivant une politique de prix comparable à celle de Vicat" (décision attaquée, paragraphe 48, point 6).

1943. En sixième lieu, Vicat avance plusieurs justifications alternatives des relations qu'elle a entretenues avec Buzzi pendant la période considérée. Les échanges de tarifs dénoncés auraient permis à Buzzi de proposer des prix inférieurs aux siens, ce qui aurait conduit la société italienne à développer ses ventes. Vicat aurait ainsi évité que Buzzi tentât de démarcher sa propre clientèle dans le Sud de la France.

1944. Cette explication ne saurait être retenue. En effet, l'entreprise qui entend éviter de voir ses clients démarchés par un concurrent cherchera à garantir ou à restaurer sa compétitivité plutôt qu'à communiquer ses prix à ce concurrent dans l'espoir que ces données l'amèneront à se désintéresser de sa propre clientèle. En réalité, les explications avancées par Vicat trahissent l'intention anticoncurrentielle qui l'animait lors de ces échanges d'informations, à savoir garantir le respect de son marché naturel dans le Sud de la France.

1945. Vicat souligne encore que, l'Italie connaissant à l'époque un régime de contrôle des prix, il lui paraissait légitime que Buzzi lui demandât ses tarifs afin de chercher à faire accepter une augmentation de ses prix par les autorités publiques italiennes.

1946. Il doit cependant être constaté que les différents documents se rapportant aux échanges de tarifs intervenus entre Vicat et Buzzi (décision attaquée, paragraphe 20, point 5; documents n° 33.126/11974, 11973, 11975 à 11977 et 6144) ne contiennent pas la moindre indication de nature à confirmer cette affirmation. En outre, la justification avancée par Vicat n'explique pas pourquoi elle-même s'est fait transmettre, à plusieurs reprises, les prix de Buzzi au départ de son usine de Robilante (décision attaquée, paragraphe 20, point 5; documents n°s 33.126/11975 à 11977 et 6144).

1947. En septième lieu, Vicat soutient que la déclaration d'intention que Buzzi lui a adressée dans le télex du 23 avril 1986 (décision attaquée, paragraphe 20, point 5; document n° 33.126/6144) traduisait tout au plus, s'agissant du moins des demandes de fourniture en provenance de Toulon, une impossibilité technique, liée à la distance qui sépare cette région de l'usine de Robilante. Pour sa part, Buzzi reproche une nouvelle fois à la Commission son absence d'analyse du marché en cause. Elle aurait communiqué à Vicat son intention de ne pas accepter les demandes de fourniture qui lui parvenaient de Nice et de Toulon en raison, en réalité, des nombreuses restrictions objectives à l'activité d'exportation existant dans la région frontalière franco-italienne (voir ci-dessus point 1853).

1948. Il doit toutefois être relevé que le télex du 23 avril 1986 ne contient aucun élément de nature à confirmer les explications que les parties requérantes avancent à présent. En outre, les parties requérantes ne peuvent soutenir que le refus de Buzzi d'accepter des demandes de fourniture en provenance du Sud de la France s'expliquait par les difficultés et inconvénients liés au commerce frontalier franco-italien, alors que Buzzi elle-même a affirmé, lors de la procédure administrative, que ces différents obstacles ne l'avaient pas dissuadée d'exporter des "quantités intéressantes" de ciment dans le Sud de la France, de surcroît "à des prix plus bas que ceux résultant des tarifs des producteurs français" (point 4.3 du mémoire en réponse de Buzzi à la CG; décision attaquée, paragraphe 20, point 7).

1949. En huitième lieu, Vicat souligne que la déclaration de Buzzi selon laquelle elle refusait et allait continuer à refuser les demandes de fourniture qui lui parvenaient de Nice est en contradiction avec la réalité, dans la mesure où Buzzi a toujours vendu sur Nice. D'ailleurs, le compte rendu de l'entretien du 26 novembre 1988 entre Lafarge et Buzzi (décision attaquée, paragraphe 20, point 3; document n° 33.126/6857 bis) contredirait lui-même l'existence d'un accord de respect des marchés domestiques, en l'occurrence du marché du Sud de la France, entre l'entreprise italienne et les producteurs français, et en particulier Vicat, lorsqu'il relate la déclaration de Buzzi selon laquelle elle a deux ou trois clients depuis 20 ans dans le Sud de la France.

1950. Sur ce point, il est constant que, comme l'illustre en effet le passage du compte rendu de l'entretien du 26 novembre 1988 entre Lafarge et Buzzi mis en exergue par Vicat, Buzzi entretenait, sur le marché de la Côte d'Azur, quelques courants d'affaires fondés sur les relations personnelles des frères Buzzi. Pourtant, dans son télex du 23 avril 1986 adressé à Vicat, Buzzi a effectivement indiqué à cette dernière qu'elle avait donné une réponse négative à des demandes de fourniture de ciment qui lui parvenaient, en plus de Nice, de Toulon, et qu'elle avait l'intention de continuer à le faire. L'indication mise en avant par Vicat signifie donc tout au plus que les producteurs français, dont Vicat, ne voyaient pas d'objection à ce que Buzzi conservât ses deux ou trois clients depuis 20 ans sur le marché de la Côte d'Azur (compte rendu de l'entretien du 26 novembre 1988 entre Lafarge et Buzzi), pourvu que l'entreprise italienne s'abstînt d'accroître ses activités d'exportation sur ce marché, afin de ne pas y perturber le marché naturel des producteurs français, et en particulier de Vicat.

1951. En conclusion, c'est à bon droit que la Commission a vu, dans la déclaration d'intention de Buzzi en date du 23 avril 1986, l'expression de sa volonté de "ne pas déranger le marché dans le Sud de la France" (décision attaquée, paragraphe 48, point 6). C'est également à bon droit qu'elle a considéré (même point) que, à travers leurs échanges d'informations sur les prix, Vicat et Buzzi ont voulu se donner un degré raisonnable de certitude que les exportations qui continueraient à avoir lieu s'effectueraient en suivant une politique de prix comparable à celle de Vicat. La Commission était ainsi fondée à conclure à l'illicéité de ces contacts bilatéraux, qui ont visé à aboutir à des conditions de concurrence ne correspondant pas aux conditions normales du marché (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1852 ci-dessus).

1952. En neuvième lieu, Buzzi soutient que la concertation illicite que la Commission lui impute, ainsi qu'à Vicat, est contredite par la hausse constante de ses ventes en France, de 1983 à 1986 (annexe 16 à sa requête). Elle ajoute que la Commission ne saurait se prévaloir, au paragraphe 20, point 7, de la décision attaquée, de la diminution de ses ventes en France à partir de 1987 pour démontrer que ladite concertation a effectivement influencé le comportement des parties concernées sur le marché du Sud de la France, dès lors que cette chute a été consécutive au rachat, par les producteurs français, de certains de ses clients de la Côte d'Azur.

1953. Elle souligne ensuite que, pendant toute la période 1983-1988, elle a pratiqué sur le marché français des prix sensiblement inférieurs à ceux des producteurs français, et en particulier à ceux de Vicat (annexes 18 à 23 à sa requête). Elle réfute (voir ci-dessus points 1907 et 1941) l'explication avancée à ce propos par la Commission au paragraphe 20, point 7, de la décision attaquée. De son côté, Vicat se livre à une analyse comparative des prix de vente pratiqués respectivement par Buzzi et par elle-même sur le marché du Sud de la France pendant la période en cause. Il ressortirait de cette comparaison que, à la fin de l'année 1985, les prix rendus en France de Buzzi étaient d'environ 100 FRF/tonne inférieurs à ceux de Vicat.

1954. Ainsi que cela a déjà été souligné (voir ci-dessus point 1911), Buzzi n'a jamais contesté avoir eu, pendant la période prise en considération dans la décision attaquée, quelques clients dans le Sud de la France, plus précisément sur le marché de la Côte d'Azur. Elle n'entendait toutefois pas y faire "la guerre" aux producteurs français (voir compte rendu de l'entretien du 26 novembre 1988 entre Lafarge et Buzzi; décision attaquée, paragraphe 20, point 3; document n° 33.126/6857 bis). Elle a donc pu poursuivre une politique commerciale autonome, tant en termes de prix que de volume de ventes, à l'égard de cette clientèle, issue de relations personnelles des frères Buzzi, tout en limitant, à l'égard de tout autre client, son autonomie de comportement sur la base des informations qui lui étaient fournies par Vicat, afin de ne pas perturber le marché du Sud de la France, et en particulier le marché naturel de Vicat dans cette région.

1955. Ensuite, la Commission ne prétend pas, dans la décision attaquée, que les échanges de tarifs intervenus entre Vicat et Buzzi ont amené cette dernière à pratiquer des prix identiques à ceux du producteur français sur le marché du Sud de la France. Elle soutient uniquement que "par les échanges de tarifs et la communication des augmentations de prix, Vicat et Buzzi ont voulu se donner un degré raisonnable de certitude que les exportations qui continueraient à avoir lieu s'effectueraient en suivant une politique de prix comparable à celle de Vicat" (décision attaquée, paragraphe 48, point 6). Or, le fait que Buzzi ait, en définitive, pratiqué dans le Sud de la France des prix inférieurs à ceux qui lui avaient été communiqués par Vicat n'exclut pas que l'entreprise italienne ait, malgré tout, suivi une "politique de prix comparable à celle de Vicat", en répercutant sur ses prix à l'exportation l'évolution des prix "locaux" sur ce marché, en l'occurrence ceux de Vicat.

1956. Les différents éléments avancés par les parties requérantes, soit pour illustrer le comportement commercial de Buzzi pendant la période considérée, soit pour rejeter les explications défendues à ce propos par la Commission au paragraphe 20, point 7, de la décision attaquée, ne démontrent donc pas que les contacts bilatéraux décrits entre Vicat et Buzzi au paragraphe 20, point 5, de la décision attaquée ont été sans incidence sur le comportement des parties sur le marché. Ils ne permettent donc pas d'écarter la réalité de l'infraction en cause.

1957. En dixième lieu, Vicat soutient, dans sa réplique, que la Commission ne pouvait pas, sans se contredire, lui reprocher d'avoir pris part à une pratique concertée avec Buzzi portant, à la fois, sur un échange d'informations sur les prix destiné à garantir un alignement de leurs prix respectifs, et sur un refus systématique, de la part de Buzzi, de livrer dans le Sud de la France.

1958. A cet égard, il convient de faire observer que la Commission ne prétend pas, dans la décision attaquée, que Vicat et Buzzi se sont concertées sur un refus systématique de Buzzi de livrer dans le Sud de la France ou, en d'autres termes, sur une absence totale de livraison de ciment par Buzzi sur ce marché. Elle reproche uniquement à Vicat et à Buzzi leur participation à une pratique concertée ayant porté "sur des échanges d'informations sur les prix en vue d'une limitation de leur autonomie de comportement en ce qui concerne les livraisons de ciment dans le Sud de la France" [décision attaquée, article 3, paragraphe 1, sous c)], après avoir estimé que, "par les échanges de tarifs et la communication des augmentations de prix, Vicat et Buzzi ont voulu se donner un degré raisonnable de certitude que les exportations qui continueraient à avoir lieu", sans préjudice de la manifestation de volonté, exprimée par Buzzi à Vicat, de ne pas perturber le marché du Sud de la France en acceptant les demandes de fourniture qui lui parvenaient, outre de Nice, de Toulon, "s'effectueraient en suivant une politique de prix comparable à celle de Vicat" (décision attaquée, paragraphe 48, point 6). Il s'ensuit que l'argument de Vicat, tiré d'une prétendue contradiction de la Commission sur ce point, doit être rejeté.

1959. Il résulte de tout ce qui précède que la Commission était fondée à conclure à l'existence de la pratique concertée visée à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée.

C Sur la durée de l'infraction

1960. La Commission estime que la pratique concertée entre Vicat et Buzzi a duré du 11 mai 1983 au 31 décembre 1988.

1961. En premier lieu, Buzzi dénonce l'extension à laquelle la Commission se serait livrée quant au point de départ de sa concertation avec Vicat, en sanctionnant cette entente à compter de mai 1983 et non pas, comme dans la CG, à compter d'avril 1986.

1962. Il y a lieu de constater que, dans la CG, la Commission considérait effectivement: "Les accords et/ou pratiques concertées entre les producteurs français Lafarge et Vicat et le producteur italien Buzzi [...] concernant les exportations de Buzzi en France constituent des restrictions de concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité au moins à partir de 1986 [en ce que] ces accords et/ou pratiques concertées ont pour objet la répartition des marchés entre ces producteurs." [CG, chapitre 10, paragraphe 61, sous b), premier alinéa, p. 173.] Toutefois, elle ajoutait: "Les communications des barèmes de prix entre les producteurs français Lafarge, Ciments français et Vicat et le producteur italien Buzzi constituent des pratiques concertées restrictives de concurrence au sens de l'article 85, [paragraphe 1, du traité,] au moins de 1983 à 1988. Ces communications sont faites parce que, ainsi qu'il ressort de l'exposé du [paragraphe 10 de la CG], il y a un degré raisonnable de certitude que celui qui veut exporter suivra pour ses livraisons une politique de prix comparable à celle des producteurs installés dans le pays destinataire. Par ce moyen, on élimine la possibilité de réactions imprévues ou imprévisibles de la part des concurrents et, partant, une grande partie du risque normal inhérent à toute modification autonome de comportement sur le marché." [CG, chapitre 10, paragraphe 61, sous b), deuxième alinéa, p. 173.] A la lecture de ce passage de la CG, Buzzi s'est donc nécessairement rendu compte que la Commission lui reprochait d'avoir participé avec Vicat, au moins à partir de 1983, à une pratique concertée ayant porté "sur des échanges d'informations sur les prix en vue d'une limitation de leur autonomie de comportement en ce qui concerne les livraisons de ciment dans le Sud de la France" [décision attaquée, article 3, paragraphe 1, sous c)].

1963. En deuxième lieu, Vicat et Buzzi soutiennent que la Commission, en se limitant à rapporter la preuve d'échanges de tarifs en mai 1983, en avril 1986 et en juillet 1986, a manqué à l'obligation qui lui est prescrite par la jurisprudence (voir notamment l'arrêt Dunlop Slazenger/Commission, cité au point 270 ci-dessus, point 79) de présenter des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps pour pouvoir raisonnablement admettre que l'infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre le 11 mai 1983 et le 31 décembre 1988. Vicat insiste particulièrement sur le fait que la Commission n'a pas prouvé que Buzzi et elle aient continué à s'échanger leurs tarifs après 1986.

1964. Les parties requérantes poursuivent que les échanges de tarifs intervenus en mai 1983 sont frappés par la prescription, en vertu de l'article 1er, paragraphe 1, sous b), du règlement (CEE) n° 2988-74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1) (ci-après "règlement n° 2988-74"), puisque les vérifications de la Commission ont débuté en avril 1989, soit plus de cinq ans après les faits. Buzzi ajoute que les échanges litigieux de 1983 sont également prescrits en vertu de l'article 2, paragraphe 3, de ce règlement, puisque la Commission, en rendant sa décision le 30 novembre 1994, aurait sanctionné ces faits plus de dix ans après leur survenance. Les parties requérantes concluent que l'infraction qui leur est reprochée ne peut être poursuivie tout au plus que pour la période comprise entre avril et juillet 1986.

1965. Il y a lieu de relever que, si les télex évoqués par la Commission au paragraphe 20, point 5, de la décision attaquée témoignent uniquement d'échanges de tarifs en mai 1983 et en avril 1986, le ton direct utilisé par Vicat et Buzzi ainsi que la spontanéité avec laquelle elles se sont communiqué leurs tarifs respectifs, sans jamais expliquer ou demander à l'autre d'expliquer les raisons qui motivaient de telles demandes d'informations tarifaires, montrent que ces échanges étaient pratique courante.

1966. Il convient d'ajouter que, le 23 avril 1986, Buzzi a fait savoir à Vicat qu'elle avait donné une réponse négative aux demandes de fourniture de ciment qui lui étaient parvenues, en plus de Nice, de Toulon. Ce faisant, Buzzi a rassuré Vicat quant à son comportement antérieur sur le marché du Sud de la France.

1967. La continuité de l'infraction reprochée à Vicat et à Buzzi est donc certaine pour la période comprise entre le 11 mai 1983 et le 23 avril 1986. Compte tenu des articles 1er et 2 du règlement n° 2988-74, l'argument des parties requérantes, tiré de la prescription des faits se rapportant aux échanges de tarifs intervenus en mai 1983, doit être écarté.

1968. Pour la période postérieure au 23 avril 1986, il n'existe, en revanche, aucune preuve d'échanges de tarifs entre Vicat et Buzzi. Pour retenir jusqu'au 31 décembre 1988 l'infraction constatée à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée, la Commission invoque "la dernière concertation avec Lafarge [...] du 26 novembre 1988, [qui] comporte la manifestation à Lafarge par Buzzi de son comportement futur sur le marché" (décision attaquée, paragraphe 48, point 7, troisième alinéa). Elle conclut: "La date de décembre 1988 comme fin de l'infraction doit être retenue aussi pour les trois producteurs français. En effet, les manifestations de Buzzi, même si elles ont été faites individuellement aux trois producteurs français, ont profité pour finir à tous les trois." (Décision attaquée, paragraphe 48, point 7, quatrième alinéa.)

1969. Cependant, le fait que, à l'occasion de son entretien du 26 novembre 1988 avec Lafarge, Buzzi ait déclaré à celle-ci qu'elle n'avait aucun souhait de venir sur la Côte d'Azur pour perturber le marché et que la guerre était inutile ne démontre pas que des "échanges d'informations sur les prix", objet précis de l'infraction constatée à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée, sont intervenus entre Vicat et Buzzi jusqu'au 31 décembre 1988.

1970. Il s'ensuit que l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée, pour autant qu'il constate que Vicat et Buzzi ont participé, au-delà du 23 avril 1986, à une pratique concertée portant sur des échanges d'informations sur les prix en vue d'une limitation de leur autonomie de comportement en ce qui concerne les livraisons de ciment dans le Sud de la France, doit être annulé.

Accès au dossier

1971. Aucune des parties requérantes visées à l'article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée n'a soutenu ne pas avoir eu accès, au cours de la procédure administrative, aux éléments à charge mentionnés au paragraphe 20 de la décision attaquée.

1972. S'agissant des éléments à décharge, Vicat, Ciments français et Buzzi ont formulé une série d'observations à partir des documents qu'elles avaient pu consulter à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997. Elles se sont attachées à démontrer que, en ne leur ouvrant qu'un accès limité à la CG et à son dossier d'instruction au cours de la procédure administrative, la Commission avait violé leurs droits de la défense lors de la constatation des infractions qui leur ont été reprochées, selon le cas, à l'article 3, paragraphe 1, sous a), sous b) et/ou sous c), de la décision attaquée. Comme indiqué précédemment (voir ci-dessus point 1823), Lafarge n'a, pour sa part, formulé aucune observation visant à démontrer que la constatation de l'infraction qui lui a été imputée à l'article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision attaquée est intervenue en violation de ses droits de la défense.

A Affaire T-37-95, Vicat/Commission

1973. Vicat, se référant à une série de documents, affirme que, si elle en avait eu connaissance au cours de la procédure administrative, elle aurait pu utilement les exploiter afin d'étayer son argumentation en défense contre le grief tiré, à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée, de sa participation à une pratique concertée anticoncurrentielle avec Buzzi.

1974. Dans ses observations du 10 février 1997, elle soutient, d'une part, que les documents consultés confirment la présence d'obstacles économiques et historiques à l'existence d'une pratique concertée franco-italienne. Les documents n° 33.126/12485 à 12492, 12493 à 12509, 12463 à 12484, 12452 à 12462, 2921 à 2928, 2929 à 2931, 3158 à 3160, 3163 à 3166, 3150 à 3154, 3017, 3018, 3019 à 3032, 3053 à 3059, 3099 à 3108, 3110 à 3126, 12083 à 12096, 12081, 12082, 12136 à 12138, 3365, 12139, 12140, 12142 et 12143 démontreraient que, depuis le début des années 80, le marché italien était fortement cloisonné en raison d'une série d'accords conclus entre les trois principaux producteurs de ciment, accords à l'égard desquels Buzzi aurait toujours adopté une attitude réfractaire. Tous ces documents auraient donc permis à Vicat de démontrer que Buzzi était peu encline à participer à des ententes et qu'une pratique concertée avec cette société aurait été totalement inefficace, compte tenu de son indiscipline ainsi que de son importance peu significative sur le marché italien.

1975. Vicat invoque en outre les documents n° 33.126/11990 et 11991, qui se rapportent à une augmentation des prix du ciment italien autorisée en septembre 1989 par le comité interministériel des prix (CIP) et destinée à être annoncée dans la presse italienne par l'AITEC. Ces documents démontreraient, selon Vicat, que les informations tarifaires que Buzzi lui avait transmises de façon ponctuelle ne revêtaient aucun caractère confidentiel et que leur intérêt commercial était limité.

1976. D'autre part, Vicat relève une étonnante disparité entre les pratiques, qualifiées d'infractionnelles, entre les producteurs de ciment italiens et français, et celles, beaucoup plus élaborées, qui sont révélées par les pièces du dossier espagnol. Les informations échangées avec Buzzi dans les télex visés par la décision attaquée seraient anodines en comparaison de celles qui, à lire les pièces du dossier ibérique, ont été échangées entre les marchés portugais et espagnol. Sur ce point, Vicat renvoie en particulier aux documents n° 33.322/1410 à 1412 et 1406 à 1408. Elle s'étonne donc que son échange ponctuel d'informations avec Buzzi ait pu faire l'objet de poursuites identiques à celles qui ont porté sur des échanges d'informations plus fréquents et, surtout, plus sensibles, dans la mesure où ces derniers portaient, notamment, sur des noms de clients et sur des volumes d'exportations.

1977. Il convient cependant de constater que, contrairement à ces affirmations, les commentaires que Vicat aurait pu faire valoir à partir des documents qu'elle énumère ne sont pas de nature à démontrer l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

1978. Tout d'abord, les documents invoqués pour illustrer la cartellisation du marché italien depuis le début des années 80 et l'attitude prétendument rebelle de Buzzi à cet égard (voir documents visés ci-dessus au point 1974) n'auraient pas permis de donner un éclairage différent aux pièces sur lesquelles la Commission s'est fondée, dans la CG [chapitre 2, paragraphe 10, et chapitre 10, paragraphe 61, sous b)] et dans la décision attaquée (paragraphes 20, points 5 à 7, et 48, points 6 et 7), pour conclure à l'existence de la pratique concertée qu'elle constate entre Vicat et Buzzi à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée.

1979. Quant aux documents n° 33.126/11990 et 11991, ils ne sont pas, non plus, de nature à révéler l'existence d'une violation des droits de la défense de Vicat au cours de la procédure administrative. Les commentaires que Vicat aurait pu formuler à partir de ces documents n'auraient pas empêché la Commission de constater de manière objective et irréfutable, au vu des télex visés au paragraphe 10 de la CG et au paragraphe 20, point 5, de la décision attaquée (documents n° 33.126/11974, 11973, 11975 à 11977 et 6144), que les échanges intervenus entre Vicat et Buzzi pendant la période prise en considération avaient porté non pas sur des barèmes et des augmentations tarifaires approuvés par les autorités publiques, mais sur leurs propres prix, applicables respectivement au départ de leurs usines de La Grave de Peille (Vicat) et de Robilante (Buzzi), ainsi que, "à une occasion, [sur] les prévisions d'augmentation de [ces] prix" (décision attaquée, paragraphe 48, point 6), informations dont le caractère sensible, voire confidentiel, était indéniable. Ces commentaires n'auraient donc pas infirmé le caractère illicite des contacts entre Vicat et Buzzi relevés à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée.

1980. Enfin, la quantité, la nature et le contenu des documents utilisés par la Commission pour démontrer l'existence d'une infraction donnée ne sauraient, en tant que tels, affecter la valeur probante des documents, moins nombreux, invoqués à l'appui de la constatation d'une autre infraction. Partant, les documents n° 33.322/1406 à 1408 et 1410 à 1412, relatifs à l'entente hispano-portugaise visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée, ne sauraient altérer la valeur probante des pièces invoquées par la Commission, dans la CG et dans la décision attaquée, pour conclure à l'existence de la pratique concertée entre Vicat et Buzzi constatée à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée.

1981. Dans ses observations du 8 janvier 1998, Vicat se réfère, premièrement, à des extraits d'une note interne de Ciments français du 20 juin 1988 (documents n°s 33.126/4366, 4372 et 4387), qui traduiraient la volonté de l'entreprise française de conclure des accords de coopération avec Buzzi, ce qui aurait été inconcevable si, comme la Commission le soutient dans la décision attaquée, Buzzi avait été liée à Vicat, concurrente de Ciments français. Ces extraits contrediraient donc l'existence d'une entente entre Vicat et Buzzi. Il en irait de même d'un procès-verbal de Lafarge relatif à une réunion du 20 décembre 1988 (documents n° 33.126/7357 à 7362) consacrée, notamment, aux perspectives de l'entreprise française en Italie, et dans lequel il serait question d'une alliance éventuelle entre Lafarge et, notamment, Buzzi.

1982. Il convient de constater que les documents ainsi invoqués par Vicat, qui font effectivement référence à des alliances éventuelles avec Buzzi, rendent compte de stratégies expansionnistes envisagées par Ciments français et Lafarge en Italie. Ces documents n'apportent cependant pas un éclairage différent aux pièces sur lesquelles la Commission s'est fondée, dans la CG et dans la décision attaquée, pour conclure à l'existence de la pratique concertée entre Vicat et Buzzi retenue à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée. En effet, la circonstance que deux producteurs de ciment français aient pu réfléchir, en 1988, à des alliances stratégiques avec Buzzi n'exclut pas ni ne contredit la poursuite, de 1983 à 1986, d'une concertation illicite entre Vicat et Buzzi.

1983. Deuxièmement, Vicat souligne que les documents n° 33.126/4395 à 4399 et 4406 à 4414, apparemment du 9 mars 1989, relatifs à des accords de coopération entre Ciments français et Unicem, auraient pu être utiles à sa défense au cours de la procédure administrative, dès lors qu'ils lui auraient permis d'établir que, à l'inverse, le dossier de la Commission ne contenait aucune preuve d'un accord ou d'un projet d'accord de ce type entre Buzzi et elle-même.

1984. Toutefois, il ne saurait être déduit a contrario de l'existence de preuves d'un accord entre deux parties une absence de preuve d'une concertation entre deux autres parties. En outre, en l'espèce, la Commission a effectivement visé, dans la CG et la décision attaquée, des pièces apportant la preuve d'une concertation illicite entre Vicat et Buzzi ayant porté sur "des échanges d'informations sur les prix en vue d'une limitation de leur autonomie de comportement en ce qui concerne les livraisons de ciment dans le Sud de la France" [décision attaquée, article 3, paragraphe 1, sous c)]. Les commentaires que Vicat aurait pu développer n'auraient donc pas pu faire obstacle à la constatation d'une telle concertation.

1985. Troisièmement, Vicat se prévaut des documents n° 33.126/4421 et 4422, qui comportent une brève description de l'industrie cimentière italienne en 1986, pour souligner l'absence d'incidence, sur le marché commun, de la pratique concertée qui lui est reprochée, étant donné la position fort modeste détenue par Buzzi sur le marché italien (3 % de part du marché).

1986. Toutefois, cette argumentation ne permet pas de conclure à une violation des droits de la défense de Vicat au cours de la procédure administrative. En effet, en interdisant les ententes ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence, et qui sont de nature à affecter les échanges entre Etats membres, l'article 85, paragraphe 1, du traité n'exige pas qu'il soit établi que l'entente en question a, effectivement, affecté de manière sensible ces échanges, preuve qui, dans la plupart des cas, serait d'ailleurs difficilement administrée à suffisance de droit, mais demande qu'il soit établi que cette entente était de nature à avoir un tel effet (arrêts de la Cour Miller/Commission, cité au point 1727 ci-dessus, point 15, et du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C-219-95 P, Rec. p. I-4411, point 19). La condition d'affectation du commerce entre Etats membres est ainsi remplie lorsque, sur la base d'un ensemble d'éléments de droit et de fait, l'entente constatée permet d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'elle peut exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre Etats membres (voir, en ce sens, notamment, arrêts de la Cour du 10 juillet 1980, Lancôme, 99-79, Rec. p. 2511, point 23, et Montecatini/Commission, cité au point 270 ci-dessus, point 170). Or, en l'espèce, il ressort des pièces analysées ci-dessus aux points 1922 à 1970 que l'entente entre Vicat et Buzzi était susceptible d'affecter le cours normal du commerce du ciment dans la région frontalière franco-italienne, en termes tant de quantités que de prix. Les observations que Vicat aurait pu formuler au cours de la procédure administrative pour illustrer la position modeste de Buzzi sur le marché italien n'auraient donc pas pu conduire la procédure administrative à un résultat différent.

1987. Quatrièmement, Vicat met en avant un document interne de Lafarge, sans date, mais vraisemblablement de 1987, intitulé "Implications des risques d'importation par voie terrestre aux frontières françaises" (documents n° 33.126/4869 à 4873). Ce document, relatif précisément aux exportations italiennes dans la zone de Nice-Côte d'Azur, confirmerait l'existence des difficultés considérables rencontrées par Buzzi pour exporter du ciment en France. En d'autres termes, cette pièce démontrerait que le faible niveau des échanges de ciment entre la France et l'Italie s'expliquait uniquement par des considérations purement objectives, liées aux différents obstacles à l'exportation existant dans la zone frontalière franco-italienne, et non pas, comme la Commission le prétend, par une entente locale entre Buzzi et les producteurs français, et en particulier Vicat. Le document en question énoncerait ainsi, à propos du marché "Italie/Nice-Côte d'Azur": "Le profil d'avantage de coût rendu de l'usine italienne la plus proche (Buzzi) n'est pas favorable [...] en dépit d'un coût variable de 90 FRF/t au lieu de 100 FRF/t pour les usines françaises; au niveau du coût de transport, l'hypothèse retenue est celle du doublement du col de Tende (projet sérieusement envisagé) avec livraison en direct; un dépôt à Vintimille justifié commercialement ne ferait qu'alourdir les coûts de livraison. La position des unités françaises à la frontière italienne les met, le cas échéant, dans une situation favorable pour exercer des représailles. Enfin, l'usine italienne ne dispose pas pour l'instant des surcapacités indiquées; un investissement en broyage serait nécessaire. L'ensemble de ces éléments suggère qu'il n'existe pas de menace sensible d'importation par voie terrestre."

1988. Il convient de constater que ce document montre que, s'il n'existait pas, selon Lafarge, de "menace sensible d'importation par voie terrestre", notamment en provenance de l'Italie, et en particulier de Buzzi, le "risque" lié à de telles importations était néanmoins latent.

1989. En outre, les commentaires que Vicat aurait pu faire valoir à propos de ce document au cours de la procédure administrative pour tenter de démontrer que le faible niveau des échanges transfrontaliers de ciment entre la France et l'Italie tenait à l'importance des différents obstacles et inconvénients liés à l'exportation entre ces deux marchés n'auraient pas permis d'écarter les déclarations de Buzzi au cours de ladite procédure administrative, rapportées en ces termes dans la décision attaquée (paragraphe 20, point 7): "[...] malgré les obstacles (coûts de transport, douane, différence de qualité entre ciments italien et français) qu[e Buzzi] a dû surmonter, et malgré la possibilité qu'elle avait d'écouler sa production sur des marchés plus proches et plus rentables, elle a, depuis la fin des années 60, exporté des quantités intéressantes ('interessanti quantità) de ciment dans le Sud de la France [...à] des prix plus bas que les prix résultant des tarifs qui lui avaient été communiqués par les producteurs français."

1990. En définitive, les observations de Vicat n'auraient pas empêché la Commission de retenir que Buzzi, en informant Vicat le 23 avril 1986 de sa décision de ne pas donner suite aux demandes de fourniture de ciment qui lui parvenaient du Sud de la France, et de son intention de continuer à agir de la sorte (décision attaquée, paragraphe 20, point 5; document n° 33.126/6144), avait "rassuré Vicat quant à sa volonté de ne pas déranger le marché du Sud de la France" (décision attaquée, paragraphe 48, point 6).

1991. Il ressort de l'examen qui précède que, pour ce qui concerne l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée, aucun des éléments avancés par Vicat dans ses observations du 10 février 1997 et du 8 janvier 1998 n'est de nature à démontrer l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

B Affaire T-39-95, Ciments français/Commission

1992. Ciments français, se référant à une série de documents, affirme que, si elle en avait eu connaissance au cours de la procédure administrative, elle aurait pu utilement les exploiter afin d'étayer son argumentation en défense contre le grief tiré, à l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la décision attaquée, de sa participation à une pratique concertée anticoncurrentielle avec Buzzi.

1993. Dans ses observations du 10 février 1997, elle soutient que les chapitres de la CG consacrés à l'Italie, ainsi que les pièces qui s'y rapportent (particulièrement les documents n° 33.126/2945 à 2948, 2949 à 2951 et 19871 à 19873), lui auraient permis de faire valoir que Buzzi n'avait pas participé aux actions des producteurs italiens contre les exportateurs grecs, actions qui auraient été sans relation avec Cembureau. Selon elle, en l'absence d'une telle relation entre Buzzi et Cembureau, l'envoi d'un tarif public à Buzzi par Ciments français le 17 mars 1988 (documents n° 33.126/11982 à 11987; décision attaquée, paragraphe 20, point 4) n'aurait pas dû être considéré comme la preuve d'une concertation illicite et, encore moins, d'une application de l'accord Cembureau. Enfin, les passages de la CG relatifs au marché italien ne viseraient aucun document évoquant des relations ou des contacts entre les producteurs français et italiens ni, a fortiori, entre Ciments français et Buzzi.

1994. Il convient toutefois de constater qu'aucune violation des droits de la défense n'a été commise au cours de la procédure administrative en relation avec les documents invoqués par Ciments français. En effet, la Commission n'a jamais soutenu que Buzzi avait des liens avec Cembureau. Au contraire, au paragraphe 48, point 2, de la décision attaquée, elle souligne l'absence de lien structurel entre Buzzi et Cembureau. Des commentaires de Ciments français qui auraient eu pour objet de contester l'existence d'un tel lien n'auraient donc pas pu conduire la procédure administrative à un résultat différent sur ce point.

1995. En tout état de cause, des commentaires que Ciments français aurait pu formuler pour démontrer tant l'absence de lien entre Buzzi et Cembureau que l'absence de participation de l'entreprise italienne aux actions des producteurs de son marché contre les exportations grecques et que, enfin, l'absence totale de référence, dans les chapitres italiens de la CG, à des documents se rapportant à des contacts entre les producteurs italiens et français, en particulier entre Ciments français et Buzzi, n'auraient pas permis d'écarter ni d'éclairer d'un jour différent le contenu de la télécopie du 17 mars 1988 par laquelle Ciments français avait communiqué à Buzzi, à la demande de cette dernière, ses barèmes de prix et l'augmentation qu'elle envisageait pour l'année en cours (décision attaquée, paragraphe 20, point 4; documents n° 33.126/11982 à 11987), et sur lequel la Commission s'est fondée, dans la CG [chapitre 2, paragraphe 10, et chapitre 10, paragraphe 61, sous b)] et dans la décision attaquée (paragraphes 20, points 4, 6 et 7, et 48, points 4, 5 et 7), pour conclure à l'existence de la pratique concertée litigieuse.

1996. Dans ses observations du 21 novembre 1997, Ciments français se réfère, comme Vicat, à l'étude de Lafarge intitulée "Implications des risques d'importation par voie terrestre aux frontières françaises" (documents n° 33.126/4869 à 4910), dont elle souligne le même extrait que celui invoqué par Vicat (voir ci-dessus point 1987). Elle considère que cette étude, si elle avait pu y avoir accès au cours de la procédure administrative, lui aurait permis de confirmer le bien-fondé de la thèse défendue dans son mémoire en réponse à la CG, thèse selon laquelle il n'aurait existé aucune possibilité de concurrence entre Ciments français et Buzzi. Dans ces conditions, l'envoi d'un barème de prix n'aurait pas pu être considéré comme la preuve d'une entente anticoncurrentielle. Ce document montrerait en effet que Buzzi, qui possède l'usine la plus proche de la frontière française, n'était pas en situation de concurrence actuelle ou potentielle avec Vicat et Lafarge sur le marché du Sud-Est de la France. Cette conclusion s'appliquerait a fortiori au cas de Ciments français, dont l'usine la plus proche de la frontière italienne est encore plus éloignée que celles de Vicat et de Lafarge. Ciments français estime que ce document à décharge aurait conduit la procédure administrative à un résultat différent si la Commission avait jugé utile de le prendre en considération au cours de ladite procédure.

1997. Ainsi que cela a été souligné ci-dessus au point 1988, le document de Lafarge montre que, si l'entreprise française ne percevait pas, à cette époque, de "menace sensible d'importation par voie terrestre", en provenance de l'Italie, et en particulier de Buzzi, le "risque" inhérent à de telles importations était toutefois latent. En outre, les commentaires que Ciments français aurait pu présenter au cours de la procédure administrative, à partir de ce document de Lafarge, n'auraient pas empêché la Commission, pour la raison rappelée ci-dessus au point 1989, de constater que Buzzi exportait en France (décision attaquée, paragraphe 48, point 5, deuxième alinéa). En définitive, des observations éventuelles de Ciments français n'auraient pas permis à la Commission de s'écarter des conclusions qu'elle tire au paragraphe 48, point 5, deuxième et quatrième alinéas, de la décision attaquée: "[...] Ciments français et Buzzi sont des concurrents actuels ou, à tout le moins, potentiels, et [...] toute communication à un concurrent du comportement qu'il est envisagé de tenir sur le marché, qui permette ainsi d'influencer le comportement concurrentiel de celui-ci, constitue une infraction à l'article 85, paragraphe 1."

1998. Il ressort de l'examen qui précède que, pour ce qui concerne l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la décision attaquée, aucun des éléments avancés par Ciments français dans ses observations du 10 février et du 21 novembre 1997 n'est de nature à démontrer l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

C Affaire T-51-95, Buzzi/Commission

1999. Buzzi, se référant à différentes séries de documents, affirme que, si elle en avait eu connaissance au cours de la procédure administrative, elle aurait pu utilement les exploiter afin d'étayer son argumentation en défense contre les griefs tirés, à l'article 3, paragraphe 1, sous a), sous b) et sous c), de la décision attaquée, de sa participation à trois pratiques concertées anticoncurrentielles, respectivement avec les producteurs français Lafarge, Ciments français et Vicat.

2000. D'une manière générale, Buzzi fait d'abord observer qu'aucun des documents du dossier de la Commission auxquels elle a eu accès à la suite des mesures d'organisation de la procédure ordonnées par le Tribunal ne permet de conclure à son implication dans une entente illicite avec les principaux producteurs français.

2001. Cependant, le fait qu'aucun des documents que Buzzi a pu consulter au cours de la procédure judiciaire ne témoigne d'un comportement illicite de sa part n'apporte pas, en soi, un éclairage différent aux pièces, accessibles au cours de la procédure administrative, sur lesquelles la Commission s'est fondée, dans la CG [chapitre 2, paragraphe 10, et chapitre 10, paragraphe 61, sous b)] et dans la décision attaquée (paragraphes 20 et 48), pour conclure à l'existence des pratiques concertées constatées entre Buzzi et les producteurs français Lafarge, Ciments français et Vicat.

2002. Buzzi invoque ensuite une première série de documents qui, selon elle, auraient pu lui être utiles au cours de la procédure administrative pour expliciter les conditions du marché et démontrer ainsi l'absence totale de rapport de concurrence entre les producteurs français et elle.

2003. Premièrement, elle se réfère, dans son mémoire du 9 janvier 1997, à une note interne de Lafarge du 21 avril 1989 (documents n° 33.126/4709 et 4710), dont il ressortirait qu'elle n'était pas perçue, par cette entreprise française, comme une concurrente sur le marché du Sud-Est de la France. Dans ses observations du 28 novembre 1997, elle invoque une autre note interne de Lafarge, du 28 février 1988, se rapportant à des "investigations de la Commission de Bruxelles" (documents n° 33.126/16838 à 16840). Cette note ferait apparaître que l'usine de Buzzi située à Robilante n'était pas jugée susceptible de générer un climat de concurrence dans le Sud-Est de la France, sur lequel s'affrontaient Lafarge, Ciments français et Vicat. Buzzi fait encore état, dans ses observations du 28 novembre 1997, d'une note interne de Vicat du 18 juillet 1988 (documents n° 33.126/6245 à 6247), qui confirmerait qu'elle n'était pas non plus perçue comme une concurrente de Vicat sur le marché du Sud de la France.

2004. Il convient tout d'abord de relever que les trois notes internes en question ne font aucune allusion à Buzzi. Elles portent exclusivement sur les rapports concurrentiels entre les trois producteurs français Lafarge, Ciments français et Vicat sur le marché du Sud de la France. Le fait que ces documents ne fassent aucune allusion à Buzzi ne signifie pas, en soi, que l'entreprise italienne n'était pas perçue, par les producteurs français, comme un concurrent actuel ou potentiel sur ce marché.

2005. Ensuite, il convient une nouvelle fois de rappeler que, au cours de la procédure administrative, Buzzi elle- même a déclaré que "malgré les obstacles (coûts du transport, douane, différence de qualité entre ciments italien et français) qu'elle a dû surmonter, et malgré la possibilité qu'elle avait d'écouler sa production sur des marchés plus proches et plus rentables, elle a, depuis la fin des années 60, exporté des quantités intéressantes ('interessanti quantità) de ciment dans le Sud de la France", cela afin de démontrer qu'elle avait "agi en pleine autonomie, obéissant exclusivement à la logique de l'entrepreneur qui essaie de rechercher des nouveaux marchés" (point 4.3 du mémoire en réponse à la CG; décision attaquée, paragraphe 20, point 7), et de tenter ainsi d'écarter les griefs retenus à sa charge dans la CG quant à une participation à des concertations illicites avec les producteurs français.

2006. Il s'ensuit que les commentaires que Buzzi aurait pu formuler au cours de la procédure administrative pour tenter de démontrer, à la lumière des trois notes internes qu'elle invoque, qu'elle n'était pas perçue comme une concurrente par les producteurs français avec lesquels la Commission lui reproche d'avoir entretenu des concertations illicites n'auraient pas empêché cette dernière de constater que Buzzi exportait en France (décision attaquée, paragraphe 48, point 5) et, partant, que les producteurs français et elle étaient des concurrents actuels ou, à tout le moins, potentiels sur le marché du Sud de la France (décision attaquée, paragraphe 48, point 5). En définitive, ils n'auraient pas permis d'écarter les pièces sur lesquelles la Commission s'est fondée, dans la CG et dans la décision attaquée, pour conclure à l'existence des trois pratiques concertées reprochées à Buzzi.

2007. Deuxièmement, Buzzi fait état, dans son mémoire du 28 novembre 1997, d'une étude de marché sur le Sud-Est de la France, réalisée par la direction commerciale de Lafarge le 10 décembre 1987 (documents n° 33.126/14549 à 14604). Il ressortirait de ce document que l'étude de marché en question avait été réalisée par Lafarge sur la seule base de données internes à l'entreprise. Buzzi estime que si les autres producteurs français qui opèrent dans le Sud-Est de la France, ainsi qu'elle-même, avaient fourni à Lafarge des données suffisantes pour lui permettre de connaître et de contrôler le marché en cause, Lafarge n'aurait pas eu besoin de recourir à cette étude interne. Celle-ci ferait en outre ressortir que, à partir de 1984, Lafarge avait abandonné un projet portant, précisément, sur la connaissance du marché en question. Buzzi trouve frappant que l'abandon de ce projet n'ait pas été compensé par de nouvelles initiatives, telles qu'un échange d'informations avec les concurrents. Au contraire, la connaissance que Lafarge avait du marché se serait sensiblement détériorée à partir de 1984. Ces différents éléments contrediraient ainsi la thèse de la Commission selon laquelle Buzzi avait conclu avec les trois producteurs français Lafarge, Ciments français et Vicat une entente de répartition du marché du Sud de la France fondée sur des échanges d'informations réciproques.

2008. Il convient tout d'abord de rappeler que la décision attaquée ne dénonce pas l'existence d'une entente unique entre, d'une part, les producteurs français Lafarge, Ciments français et Vicat, et, d'autre part, le producteur italien Buzzi. La Commission impute à Buzzi trois pratiques concertées distinctes, correspondant à autant de contacts bilatéraux, jugés infractionnels, que le producteur italien a entretenus respectivement avec chacune des trois entreprises françaises. Dès lors que l'étude interne mise en exergue par Buzzi émane de Lafarge, et que Buzzi prétend que ladite étude est révélatrice des difficultés rencontrées à l'époque par cette entreprise pour recueillir des informations sur le marché du Sud de la France, il convient uniquement d'examiner si le document en question, s'il avait été rendu accessible à Buzzi au cours de la procédure administrative, aurait été utile à sa défense contre le grief tiré, à l'article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision attaquée, de sa participation à une pratique concertée avec Lafarge portant sur le partage du marché du Sud de la France.

2009. L'étude interne de Lafarge porte exclusivement sur le volume des ventes et les parts de marché de cette société en France. Or, la Commission, pour retenir à l'encontre de Lafarge et de Buzzi l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision attaquée n'a jamais prétendu, ni dans la CG, ni dans la décision attaquée, que leur concertation ait porté sur des échanges d'informations sur leurs volumes de ventes et leurs parts de marché respectifs dans la région du Sud de la France.

2010. Il s'ensuit que les commentaires que Buzzi aurait pu faire au cours de la procédure administrative à propos de l'étude interne de Lafarge, pour illustrer les difficultés de cette société à obtenir des informations sur le marché du Sud de la France et pour chercher ainsi à réfuter l'existence d'une concertation illicite entre Lafarge et elle, n'auraient pas permis d'écarter l'extrait du compte rendu de l'entretien survenu le 26 novembre 1988 entre Lafarge et Buzzi, sur lequel la Commission s'est fondée, dans la CG [chapitre 2, paragraphe 10, et chapitre 10, paragraphe 61, sous b)] et dans la décision attaquée (paragraphes 20, points 3 et 7, et 48, points 3 et 7), pour conclure à l'existence de la pratique concertée retenue à l'encontre de ces deux entreprises à l'article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision attaquée.

2011. Troisièmement, Buzzi attire l'attention, dans son mémoire du 9 janvier 1997, sur le fait que, dans les statistiques du SFIC (documents n° 33.126/14809 à 14824), les flux d'importations de ciment en provenance du Benelux, de l'Allemagne et de la Suisse avaient toujours donné lieu à des analyses précises, alors que les flux en provenance des autres pays, dont l'Italie, étaient visés dans une rubrique résiduelle, intitulée "Autres". Ces documents démontreraient donc que les flux en provenance de l'Italie étaient très réduits. Il ressortirait encore de ces documents, lus à la lumière d'une note interne du SFIC préparée pour son bureau du 5 janvier 1988 (documents n° 33.126/14806 et 14807), que les importations italiennes en France n'étaient pas considérées comme des "flux normaux d'importations provenant de [...] voisins européens", réalisés dans des conditions de marché régies par le principe d'économie. Seules les importations en provenance du Benelux, de l'Allemagne et de la Suisse auraient été considérées comme telles et auraient fait, pour cette raison, l'objet d'un contrôle strict. Buzzi ajoute que ce sont précisément les producteurs de ciment des pays faisant l'objet d'une surveillance étroite de la part du SFIC qui avaient des "liens structurels" de nature à leur permettre de procéder à des échanges d'informations (CG, chapitre 16, paragraphe 82, p. 211). Elle compare aussi d'autres statistiques du SFIC (documents n° 33.126/14956 à 14976) avec les statistiques susmentionnées (documents n° 33.126/14809 à 14824), soulignant que cette comparaison confirme que les importations italiennes en France étaient d'une toute autre nature que celles en provenance de l'Allemagne, du Benelux et de la Suisse. Elle fait encore observer que, d'après un document du SFIC du 10 novembre 1987 (document n° 33.126/14894) et une note de la FIC du 9 mars 1989 (documents n° 33.126/14898 et 14899), les membres de Cembureau avaient l'habitude d'entretenir des rapports visant à contrôler les importations. Or, le dossier de la Commission ne montrerait pas que cette habitude était partagée par Buzzi.

2012. L'ensemble des documents susvisés démontrerait que les importations en provenance de l'Italie étaient occasionnelles et résiduelles et qu'elles n'étaient pas perçues comme une menace par les producteurs français, à tel point qu'elles auraient été assimilées aux importations épisodiques provenant de pays comme le Japon. Il découlerait de tout ce qui précède qu'aucune entente n'avait pu intervenir au sujet du marché de la Côte d'Azur entre les producteurs français et Buzzi, dès lors que la condition première d'une telle entente, à savoir que les parties concernées doivent être, ne fût-ce que potentiellement, opérationnelles sur le même marché, n'avait pas été remplie.

2013.

Il convient de rappeler tout d'abord, en ce qui concerne les statistiques du SFIC (documents n° 33.126/14809 à 14824), que les documents n° 33.126/14809, 14812, 14813, 14815, 14817, 14820, 14822 et 14824 étaient accessibles à Buzzi au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus point 250). Buzzi pouvait donc les utiliser pour étayer son mémoire en réponse à la CG. Dans ces conditions, elle ne saurait à présent les invoquer pour démontrer l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

2014. Quant à la note interne du SFIC préparée pour son bureau du 5 janvier 1988 (documents n° 33.126/14806 et 14807), elle fait état de l'"existence de flux normaux d'importations provenant de [...] voisins européens [et de l']apparition de flux anormaux de ciment provenant [d'Allemagne de l'Est]". Rien ne permet de déduire de cette note interne, lue en combinaison avec les statistiques du SFIC (documents n° 33.126/14809 à 14824), que les flux en provenance de l'Italie étaient jugés anormaux. Seuls les flux originaires d'Allemagne de l'Est ont été qualifiés ainsi.

2015. En tout état de cause, les commentaires que Buzzi aurait pu faire valoir au cours de la procédure administrative à partir des différents documents qu'elle invoque et, notamment, à la lumière de la comparaison des différentes statistiques du SFIC (documents n° 33.126/14956 à 14976 et 14809 à 14824), pour démontrer que les importations italiennes en France n'étaient pas de même nature que les flux en provenance de l'Allemagne, du Benelux et de la Suisse, n'auraient pas permis d'écarter ses propres déclarations au cours de ladite procédure administrative, selon lesquelles elle avait exporté des "quantités intéressantes" sur le marché du Sud de la France (décision attaquée, paragraphe 20, point 7), et, partant, infirmer la constatation selon laquelle Buzzi et les producteurs français étaient, sur ce marché, des concurrents actuels ou, à tout le moins, potentiels (décision attaquée, paragraphe 48, point 5). En définitive, ces commentaires n'auraient donc pas permis d'écarter le contenu des pièces sur lesquelles la Commission s'est appuyée, dans la CG et dans la décision attaquée, pour conclure à l'existence des trois pratiques concertées qu'elle impute à Buzzi.

2016. S'agissant enfin du document du SFIC du 10 novembre 1987 (document n° 33.126/14894) et de la note de la FIC du 9 mars 1989 (documents n° 33.126/14898 et 14899), il convient de rappeler que le document n° 33.126/14898 était accessible à Buzzi au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus point 250). Sur ce document, la FIC énonce, à l'intention du SFIC: "Ci-joint, la mise à jour à fin février de nos exportations vers la France. Dès que nous disposerons des statistiques officielles relatives à l'année 1988, nous tenterons d'établir un parallèle avec la situation statistique que vous nous avez communiquée tout récemment." Buzzi était donc en mesure de développer au cours de la procédure administrative une argumentation à partir de ce document, visant à montrer que, si les membres de Cembureau avaient coutume de s'échanger des informations destinées à permettre le contrôle des importations, aucun document du dossier de la Commission ne prouvait qu'elle, qui n'était membre ni direct ni indirect de Cembureau, se fût prêtée à de telles pratiques. Buzzi ne saurait dès lors invoquer ce document pour démontrer l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative. En tout état de cause, l'argumentation que Buzzi aurait pu avancer à partir des documents du SFIC et de la FIC précités n'aurait nullement été de nature à faire écarter les pièces sur lesquelles la Commission s'est fondée, dans la CG et dans la décision attaquée, pour conclure à l'existence des trois concertations illicites reprochées à Buzzi.

2017. Il ressort de tout ce qui précède que le fait que Buzzi n'a pas eu accès, au cours de la procédure administrative, aux documents n° 33.126/14806, 14807, 14810, 14811, 14814, 14816, 14818, 14819, 14821, 14823, 14956 à 14976, 14894 et 14899, n'a pas pu nuire à sa défense au cours de ladite procédure.

2018. Quatrièmement, Buzzi met en avant, dans son mémoire du 28 novembre 1997, plusieurs documents qui illustreraient l'incidence majeure des conditions et des coûts de transport sur le marché du ciment. Elle se réfère à cet effet à un document de Lafarge intitulé "Politique commerciale" (document n° 33.126/4982), lequel souligne qu'il "n'existe pas un marché national uniforme de la cimenterie mais des marchés régionaux spécifiques", en raison, notamment, de "l'incidence des coûts de transport". L'incidence prépondérante des coûts du transport sur l'appréciation de la rentabilité des exportations serait d'ailleurs confirmée par un document du SNFCC du 2 décembre 1986 (documents n° 33.126/6048 à 6050).

2019. Il importe de rappeler, à ce propos, que Buzzi a insisté, au cours de la procédure administrative, sur l'importance des coûts de transport dans les exportations à destination du Sud de la France (point 4.3 du mémoire en réponse de Buzzi à la CG), en ajoutant toutefois que "malgré les obstacles (coûts de transport [...]) [...], et malgré la possibilité qu'elle avait d'écouler sa production sur des marchés plus proches et plus rentables, elle [avait], depuis la fin des années 60, exporté des quantités intéressantes ('interessanti quantità) de ciment dans le Sud de la France" (décision attaquée, paragraphe 20, point 7). Les commentaires additionnels que Buzzi aurait pu présenter au cours de la procédure administrative, à partir des documents susvisés, pour insister sur l'importance des conditions et des coûts du transport dans la politique d'exportation, n'auraient donc pas pu conduire la procédure administrative à un résultat différent sur ce point.

2020. En outre, le document de Lafarge intitulé "Politique commerciale" (document n° 33.126/4982) était accessible à Buzzi au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus point 250). Il figurait même dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Buzzi était donc en mesure de l'exploiter pour étayer son mémoire en réponse à la CG. Elle ne saurait à présent l'invoquer pour démontrer l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

2021. Quant au document du SFIC du 2 décembre 1986 (documents n° 33.126/6048 à 6050), il n'en ressort nullement que les coûts du transport étaient jugés prohibitifs pour les exportations. Le fait que ce document procède à une analyse des risques d'aggravation des importations de ciment en France tend plutôt à démontrer le contraire.

2022. Dans ses observations du 28 novembre 1997, Buzzi se réfère encore, comme Vicat et Ciments français, à la note interne, sans date, de Lafarge, intitulée "Implications des risques d'importation par voie terrestre aux frontières françaises" (documents n° 33.126/4869 à 4909), dont elle relève particulièrement le même passage que celui visé par Vicat et Ciments français (voir ci-dessus points 1987 et 1996). Elle soutient que ce document fait apparaître que ses importations en France n'étaient pas perçues comme une menace par Lafarge, en raison, notamment, du caractère prohibitif des coûts du transport liés au commerce de ciment entre l'Italie et la France. Elle conclut que, puisqu'elle n'était pas perçue comme une menace, Lafarge n'avait aucun intérêt à passer avec elle un accord visant à limiter son autonomie de comportement sur le marché du Sud de la France.

2023. Toutefois, comme cela a déjà été souligné plusieurs fois, Buzzi elle-même a reconnu, au cours de la procédure administrative, que les coûts du transport, au même titre d'ailleurs que les autres obstacles et inconvénients liés au commerce du ciment entre l'Italie et la France, n'étaient pas prohibitifs au point de la dissuader de toute activité d'exportation dans la région du Sud de la France (décision attaquée, paragraphe 20, point 7). Les commentaires que Buzzi aurait pu développer au cours de la procédure administrative à propos de la note interne de Lafarge (documents n° 33.126/4869 à 4909), pour démontrer que ses importations n'étaient pas perçues par celle-ci comme une menace, n'auraient donc pas empêché la Commission de constater objectivement que Buzzi exportait dans le Sud de la France à l'époque des faits dénoncés dans la décision attaquée et, partant, qu'elle était un concurrent actuel ou, à tout le moins, potentiel des producteurs français dans cette région. En définitive, ces commentaires n'auraient pas permis d'écarter le contenu de l'extrait du compte rendu de l'entretien survenu le 26 novembre 1988 entre Lafarge et Buzzi, sur lequel la Commission s'est appuyée, dans la CG et dans la décision attaquée, pour retenir, à l'article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision attaquée, l'existence d'une concertation illicite entre ces deux entreprises, portant sur le partage du marché du Sud de la France.

2024. Buzzi invoque ensuite une deuxième série de documents, qui démontreraient l'existence d'une entente entre les producteurs français, à laquelle elle-même n'aurait pas participé. Dans son mémoire du 9 janvier 1997, elle se réfère, à cet effet, à des notes internes de Vicat des 18 et 30 septembre et 2 et 22 octobre 1987 (documents n° 33.126/5824 à 5830), ainsi qu'à une lettre du 28 février 1983 adressée par Vicat à Ciments français (documents n° 33.126/5844 et 5845). L'examen de ces différents documents ferait en outre apparaître que certaines des données transmises par Buzzi à Vicat ou à Ciments français n'ont pu ni circuler entre ces deux entreprises françaises ni être communiquées à leur tour par ces dernières à Lafarge. Buzzi voit donc dans ces documents une preuve supplémentaire qu'elle n'a jamais été liée par une entente unique aux trois producteurs français visés à l'article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée.

2025. Il convient tout d'abord de rappeler que la Commission dénonce, dans la décision attaquée, non pas une entente unique franco-italienne, mais trois ententes distinctes. Partant, les commentaires que Buzzi aurait pu formuler au cours de la procédure administrative pour contester l'existence d'une entente unique franco-italienne n'auraient pas pu conduire ladite procédure à un résultat différent sur ce point.

2026. Quant aux observations que Buzzi aurait pu faire valoir à partir des différents documents de Vicat susvisés (voir ci-dessus point 2024) pour démontrer son absence totale d'implication dans l'entente qui existait à l'époque entre les producteurs français, elles ne lui auraient pas permis de faire écarter le contenu des différentes pièces sur lesquelles la Commission s'est appuyée dans la CG et dans la décision attaquée pour établir la réalité des trois concertations illicites retenues à l'article 3, paragraphe 1, sous a), sous b) et sous c), de la décision attaquée.

2027. Enfin, Buzzi met en exergue une troisième série de documents, en rapport avec les prix qu'elle pratiquait à l'égard de ses clients français pendant la période prise en considération dans la décision attaquée.

2028. Dans son mémoire du 9 janvier 1997, elle fait tout d'abord observer que les prix qu'elle appliquait aux clients français durant l'année 1986 pour le ciment 425 oscillaient entre 240 et 290 FRF/tonne, alors qu'il ressortirait d'une lettre du SFIC adressée à Cembureau le 27 novembre 1986 (document n° 33.126/14938) que le prix applicable en France à cette époque pour le ciment CPJ 45, produit concurrent du sien, était de 357 FRF/tonne. D'ailleurs, d'autres documents trouvés au SNFCC (documents n° 33.126/15040 à 15051) confirmeraient que les prix appliqués par les producteurs français pour différents types de ciment à différentes dates comprises entre 1987 et 1989 étaient largement supérieurs à ceux qu'elle appliquait, durant la même période, à ses clients français.

2029. Dans son mémoire du 28 novembre 1997, Buzzi explique qu'il ressort d'une note trouvée chez Vicat (documents n° 33.126/6166 à 6175) que les prix pratiqués en France en 1987 étaient de 370 FRF/tonne et que les importations de ciment en provenance d'Allemagne de l'Est au prix de 320 FRF/tonne étaient considérées comme relevant du dumping. Ce point serait confirmé par le document interne de Lafarge intitulé "Politique commerciale" (voir ci-dessus point 2018). Buzzi conclut que, si le prix de 320 FRF/tonne pratiqué par les producteurs d'Allemagne de l'Est était considéré comme un prix de dumping, il en allait nécessairement de même pour ceux, encore inférieurs (263,5 FRF/tonne en moyenne), qu'elle appliquait à ses clients français durant la même année 1987. Ce comportement serait totalement incompatible avec l'existence d'une entente portant sur un partage de marché, entente qui, par essence, aurait nécessairement été tournée vers la maximalisation des profits par l'effet de l'absence de toute concurrence sur le marché. Buzzi fait encore observer que, d'après un document de Vicat, intitulé "Prix moyen de vente 1987 et 1988" (document n° 33.126/5476), les prix de l'entreprise française étaient de 427 FRF/tonne en janvier 1987.

2030. Sur la base des différents documents mentionnés aux deux points précédents, ainsi que d'un document intitulé "France Price Development For Cement" (document n° 33.126/15174), Buzzi présente un tableau faisant apparaître une hausse constante des prix moyens pratiqués en France par les producteurs français durant la période 1983-1987, alors que, dans le même temps, les prix pratiqués par elle-même pour ses ventes en France auraient évolué en dents de scie, avec des ajustements à la hausse très limités, suivis de baisses importantes. Elle conclut que l'évolution de ses prix pendant cette période est typique du comportement d'un producteur marginal qui, sur un marché donné, essaie de gagner de petites parts en ayant recours à de fortes réductions de prix, tout en tentant prudemment, dans la mesure du possible, de répercuter d'éventuelles hausses intervenues sur le marché.

2031. Il importe toutefois de souligner que, au cours de la procédure administrative, Buzzi a affirmé, documents à l'appui [voir point 4.4, sous a), et annexes 12 à 14 du mémoire en réponse de Buzzi à la CG], "avoir pratiqué des prix plus bas que les prix résultant des tarifs qui lui avaient été communiqués par les producteurs français", afin de démontrer qu'elle s'était "embarqué[e] dans la difficile tâche de l'exportation [...] en pleine autonomie, obéissant exclusivement à la logique de l'entrepreneur qui essaie de rechercher des nouveaux marchés" (décision attaquée, paragraphe 20, point 7, deuxième alinéa). Or, la Commission a explicitement pris position sur cette argumentation au paragraphe 20, point 7, dernier alinéa, de la décision attaquée, en répondant que, selon elle, "ces prix plus bas se [justifiaient] par le fait que les classes de résistance des ciments 'Portland vendus par Buzzi en France (classes 325 et 425) [étaient] plus basses que celles des ciments correspondants fabriqués et vendus par les producteurs français (classes 350 et 450)". Les commentaires additionnels que Buzzi aurait pu formuler au cours de la procédure administrative à partir des documents visés ci-dessus aux points 2028 à 2030, pour démontrer que les prix qu'elle pratiquait sur le marché du Sud de la France étaient sensiblement inférieurs à ceux des producteurs français, n'auraient donc pas été de nature à faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent sur ce point.

2032. Il convient encore de relever que le document intitulé "France Price Development For Cement" (document n° 33.126/15174) était accessible à Buzzi au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus point 250), de même que le document de Lafarge intitulé "Politique commerciale" (document n° 33.126/4982). Buzzi était donc en mesure d'exploiter ces documents pour étayer son mémoire en réponse à la CG. Elle ne saurait à présent les invoquer pour démontrer l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

2033. Il ressort de l'examen qui précède que, pour ce qui concerne les infractions visées à l'article 3, paragraphe 1, sous a), sous b) et sous c), de la décision attaquée, aucun des éléments avancés par Buzzi dans ses observations du 9 janvier et du 28 novembre 1997 n'est de nature à démontrer l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

Conclusions

2034. Il ressort de l'ensemble des considérations qui précèdent (voir ci-dessus points 1819 à 2033) que l'article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée doit être annulé:

pour autant qu'il constate, sous a), que Lafarge et Buzzi ont, du 26 novembre au 31 décembre 1988, enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en participant à une pratique concertée portant sur la limitation de leur autonomie de comportement concernant les sources de production,

pour autant qu'il constate, sous c), que Vicat et Buzzi ont, au-delà du 23 avril 1986, enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en participant à une pratique concertée portant sur des échanges d'informations sur les prix en vue d'une limitation de leur autonomie de comportement en ce qui concerne les livraisons de ciment dans le Sud de la France.

2035. Pour le surplus, les moyens examinés doivent être rejetés.

VI Sur les moyens tirés de violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité, du principe d'égalité de traitement et des droits de la défense, en ce que la Commission constate l'existence d'une entente ibérique contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité et la participation des différentes parties requérantes mises en cause (décision attaquée, article 3, paragraphe 2)

Observations liminaires

2036. Oficemen (T-59-95), Cimpor (T-61-95) et Secil (T-62-95) contestent tant l'existence de l'infraction constatée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée que leur participation à celle-ci et la durée des comportements infractionnels qui leur sont reprochés. Cimpor et Secil se plaignent, en outre, d'une violation du principe d'égalité de traitement, en ce que la Commission a retenu leur participation à cette infraction, alors qu'elle n'a pas retenu celle des entreprises espagnoles.

2037. Oficemen, Cimpor et Secil invoquent aussi une violation de leurs droits de la défense en raison d'un accès insuffisant à des documents du dossier de la Commission, tant à charge qu'à décharge, au cours de la procédure administrative.

2038. A cet égard, il y a lieu de rappeler que, en raison d'irrégularités commises au cours de la procédure administrative, certains éléments de preuve utilisés à charge par la Commission dans la décision attaquée ne sont pas opposables aux parties requérantes concernées.

2039. Il convient donc de les écarter dans l'appréciation de la preuve de l'existence de l'infraction et de la participation à celle-ci de ces parties.

2040. Doivent ainsi être écartés:

comme inopposables aux trois parties requérantes, les trois dernières phrases du document n° 33.322/2901 utilisé aux paragraphes 21, point 2, second alinéa, et 49, point 2, de la décision attaquée (voir ci-dessus points 369 à 372);

comme inopposables à Oficemen, les documents n° 33.322/512, 513, 549, 550, 566 et 567, télex envoyés par ou adressés à Cimpor en 1988 et 1989, utilisés au paragraphe 21, point 8, de la décision attaquée (voir ci-dessus point 373);

comme inopposable à Cimpor, le document n° 33.322/1399, relatif à une réunion du 27 juillet 1988, utilisé au paragraphe 21, point 6, de la décision attaquée (voir ci-dessus point 374).

Infraction visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée

A Analyse de la Commission

2041. L'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée dispose qu'Oficemen, Cimpor et Secil ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, "du 1er janvier 1986 au 24 avril 1989, en participant à un accord portant sur le contrôle du mouvement de ciment entre l'Espagne et le Portugal et sur le respect des marchés domestiques respectifs".

2042. La démonstration de cette infraction est développée plus particulièrement aux paragraphes 21 et 49 de la décision attaquée.

2043. La Commission explique tout d'abord (paragraphe 21, point 1) que "[l]es producteurs portugais Cimpor et Secil et l'association des producteurs espagnols Oficemen ont tenu plusieurs réunions, entre 1985 et 1989, ayant pour objet les exportations de ciment, notamment du Portugal en Espagne, en raison de la différence de prix entre les deux pays [...]"

2044. Elle invoque ensuite (paragraphe 21, point 2) des documents relatifs à deux réunions des mois de juillet et décembre 1985, au cours desquelles un principe d'exclusion des mouvements de ciment entre l'Espagne et le Portugal aurait été arrêté.

2045. Elle se réfère ainsi au compte rendu suivant de Cimpor, relatif à la réunion du 22 juillet 1985 (décision attaquée, paragraphe 21, point 2, premier alinéa; documents n° 33.322/155 à 157):

"1. Les parties présentes, qui peuvent être considérées comme les représentants des producteurs de ciment d'Espagne et du Portugal, ont manifesté leur adhésion non équivoque au principe qu'il ne devait pas y avoir de mouvements de ciment d'Espagne vers le Portugal et du Portugal vers l'Espagne, à moins qu'ils ne soient voulus ou contrôlés par l'industrie cimentière de chacun des deux pays.

2. Toutefois, elles reconnaissent que cette position non équivoque d'accord n'évite pas que les interventions de 'tiers (distributeurs, détaillants, consommateurs, transporteurs, etc.) puissent mettre en cause les intentions des deux parties sans que celles-ci puissent exercer un contrôle efficace. Au cas où de pareilles situations se produiraient, les deux parties devraient procéder à des échanges ouverts d'informations afin de trouver une solution au problème."

2046. Elle se réfère également à un extrait du document n° 33.322/2901 (voir ci-dessus point 2040), rapport d'une visite chez Secil, les 28 et 29 mai 1986, de deux employés d'Hispacement (ci-après "document d'Hispacement"), dont la partie opposable aux parties requérantes concernées (voir ci-dessus points 369 à 372) énonce:

"[...] les présidents des sociétés cimentières portugaises se sont réunis dans les locaux d'Oficemen avec leurs homologues espagnols au mois de décembre de l'année dernière [c'est-à-dire en décembre 1985] et [...] la décision a été prise à cette occasion de s'interdire toute exportation d'un pays à l'autre."

2047. La Commission relève par ailleurs (paragraphe 21, points 3 à 7) la tenue d'un certain nombre de réunions entre Oficemen, Cimpor et Secil entre le 20 janvier 1986 et le 24 avril 1989, au cours desquelles l'état des exportations de ciment entre le Portugal et l'Espagne aurait été examiné.

2048. Enfin, se fondant sur d'autres documents (paragraphe 21, point 8), elle fait état des refus de Cimpor de répondre à des demandes de ciment provenant d'Espagne.

2049. La Commission déduit de l'ensemble de son analyse (paragraphe 21, point 9):

"[...] le but recherché par les producteurs portugais et par les producteurs espagnols représentés par leur association a été de contrôler les exportations de ciment entre les deux pays ibériques et, donc, d'arriver à une répartition des marchés."

2050. Elle réfute ensuite les explications avancées par les parties requérantes au cours de la procédure administrative (paragraphe 21, points 10 et 11).

2051. Dans la partie de la décision attaquée consacrée à l'appréciation juridique du comportement en cause (paragraphe 49, point 1), elle conclut:

"Les restrictions convenues au cours des réunions du 22 juillet 1985 au 24 avril 1989 entre Oficemen, Cimpor et Secil constituent un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1. Par cet accord [Oficemen, Cimpor et Secil] ont, délibérément, et conscientes de commettre des infractions aux lois de leurs pays et aux règles communautaires de concurrence [...], choisi une forme de coopération visant à limiter, sinon à empêcher, le commerce du ciment entre les deux pays et, de cette façon, à garantir le respect de leurs marchés de vente traditionnels respectifs, consolidant le cloisonnement des marchés espagnols et portugais.

L'accord en cause a constitué une infraction à partir du 1er janvier 1986, date de l'adhésion de l'Espagne et du Portugal à la Communauté, jusqu'au 24 avril 1989 au moins."

2052. Elle ajoute (paragraphe 49, points 2 à 5) que cet accord a été effectivement appliqué et que les arguments présentés par les parties concernées au cours de la procédure administrative ne légitimaient nullement leur comportement.

B Accord entre Oficemen, Cimpor et Secil portant sur le contrôle des mouvements de ciment entre l'Espagne et le Portugal et sur le respect de leurs marchés domestiques respectifs

2053. Aux fins de la présente analyse, il convient de distinguer, d'une part, la conclusion de l'accord visé à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée (1) et, d'autre part, la mise en œuvre dudit accord (2). Il conviendra d'examiner ensuite les arguments des parties requérantes concernées quant aux circonstances particulières qui seraient inconciliables avec l'existence de celui-ci (3). Il conviendra enfin d'examiner la position particulière de Secil (4).

1. Conclusion de l'accord

2054. Dans la décision attaquée, la preuve de la conclusion d'un accord entre Oficemen, Cimpor et Secil portant sur le contrôle des mouvements de ciment entre l'Espagne et le Portugal et sur le respect de leurs marchés domestiques respectifs repose sur deux documents susvisés (voir ci-dessus points 2045 et 2046), à savoir le compte rendu de Cimpor de la réunion du 22 juillet 1985 et le document d'Hispacement.

2055. Oficemen, Cimpor et Secil font valoir que ces documents ne permettent pas de prouver l'existence d'un accord entre elles.

2056. Selon Secil et Cimpor, le compte rendu de la réunion du 22 juillet 1985 ne reflète que le point de vue de son auteur. Il ne démontrerait pas l'existence d'un quelconque accord, mais l'adhésion à un principe. La référence au "principe qu'il ne devait pas y avoir de mouvements de ciment d'Espagne vers le Portugal et du Portugal vers l'Espagne" se rapporterait à une déclaration d'intention qui devrait être pondérée eu égard aux règles de concurrence communautaires et nationales.

2057. Les trois parties requérantes contestent aussi la valeur probante du passage du document d'Hispacement qui leur était opposable. Il n'existerait en effet aucune preuve de la tenue effective de la réunion de décembre 1985 dont ce passage fait état.

2058. Il est constant qu'Oficemen, Cimpor et Secil ont participé à la réunion du 22 juillet 1985. Ce fait est d'ailleurs confirmé par le compte rendu de cette réunion établi par Cimpor.

2059. Ce dernier document démontre l'existence d'un concours de volontés entre les parties présentes à la réunion, et donc entre les parties requérantes visées à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée, portant sur une "adhésion non équivoque au principe qu'il ne devait pas y avoir de mouvements de ciment d'Espagne vers le Portugal et du Portugal vers l'Espagne, à moins qu'ils ne soient voulus ou contrôlés par l'industrie cimentière de chacun des deux pays".

2060. S'agissant du document d'Hispacement, la partie opposable aux parties requérantes concernées (voir ci-dessus points 369 à 372) confirme la réalité d'un accord intervenu entre elles quelques mois auparavant. Elle énonce en effet que "les présidents des sociétés cimentières portugaises se sont réunis dans les locaux d'Oficemen avec leurs homologues espagnols au mois de décembre de l'année dernière [c'est-à-dire en décembre 1985] et [... que] la décision a été prise à cette occasion de s'interdire toute exportation d'un pays à l'autre".

2061. L'argument de Cimpor et de Secil selon lequel le compte rendu de la réunion du 22 juillet 1985 témoignerait d'une adhésion à un principe et non d'un accord doit être rejeté. En effet, un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité ne suppose pas nécessairement l'existence d'un accord formel (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 20 juin 1978, Tepea/Commission, 28-77, Rec. p. 1391, point 41). Pour qu'il y ait accord au sens de cette disposition, il suffit qu'il existe un concours de volontés dans le chef des participants à la réunion en cause de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (voir jurisprudence citée au point 1010 ci-dessus). Or, en l'espèce, le compte rendu de la réunion du 22 juillet 1985 fait clairement état de l'existence d'un concours de volontés et, partant, d'un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, portant sur les deux volets de l'infraction visés à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée, à savoir le contrôle des mouvements de ciment entre l'Espagne et le Portugal et le respect des marchés domestiques.

2062. Les autres arguments contestant la valeur probante du même document et du document d'Hispacement doivent aussi être rejetés. Il convient de rappeler que les éléments de preuve doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (arrêt ICI/Commission, 48-69, cité au point 636 ci-dessus, point 68; arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T-141-94, non encore publié au Recueil, point 175). Or, les documents dont il est question émanent de Cimpor et d'Hispacement, sociétés qui connaissent parfaitement le marché du ciment et ses opérateurs. Emanant ainsi de deux sources différentes fiables, ils confirment l'existence de l'entente litigieuse.

2063. Par ailleurs, la tenue d'un certain nombre de réunions entre Oficemen, Cimpor et Secil entre le 20 janvier 1986 et le 24 avril 1989, au cours desquelles l'état des exportations de ciment entre le Portugal et l'Espagne a été examiné (décision attaquée, paragraphe 21, points 3 à 7), confirme aussi que les parties requérantes concernées ont cherché à limiter et à contrôler les échanges de ciment entre le Portugal et l'Espagne. Partant, elle confirme l'existence de l'accord (voir ci-après points 2070 à 2082).

2064. Cimpor et Secil font encore valoir qu'il ressort du document d'Hispacement que cette entreprise cherchait plus à savoir si elle pouvait acheter du clinker à Secil dans des conditions plus avantageuses que celles offertes par les concurrents espagnols qu'à obtenir des garanties de non-exportation de ciment vers l'Espagne.

2065. Cet argument doit aussi être rejeté. A supposer même qu'Hispacement ait cherché à importer du clinker portugais, il n'en demeure pas moins que le document d'Hispacement établit que "les présidents des sociétés cimentières portugaises se sont réunis dans les locaux d'Oficemen avec leurs homologues espagnols [en décembre 1985] et que la décision a été prise à cette occasion de s'interdire toute exportation d'un pays à l'autre". A cet égard, il y a lieu de souligner qu'il ressort du compte rendu de la réunion du 22 juillet 1985 que l'accord conclu entre les industries des deux pays concernait le ciment et ne visait pas le clinker et que des mouvements voulus et contrôlés par l'industrie du ciment de chacun des deux pays étaient permis.

2066. Sur la base du document et de l'extrait de document analysés, la Commission a donc pu retenir à juste titre l'existence d'un accord entre Oficemen, Cimpor et Secil portant sur le contrôle des mouvements de ciment entre l'Espagne et le Portugal et sur le respect de leurs marchés domestiques respectifs. Il conviendra toutefois d'examiner ultérieurement si elle a pu constater à bon droit que la participation des parties requérantes concernées à cet accord constituait une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité à partir du 1er janvier 1986 et que cette infraction a duré jusqu'au 24 avril 1989.

2. Mise en œuvre de l'accord

2067. Au paragraphe 49, point 2, premier alinéa, de la décision attaquée, la Commission souligne:

"Cet accord [entre Oficemen, Cimpor et Secil] a effectivement été appliqué. En effet: le représentant de Secil a déclaré à Hispacement [...] que son entreprise était déterminée à respecter l'accord avec les Espagnols et que Cimpor avait résisté aux tentations d'exporter malgré les commandes qui lui parvenaient d'Espagne; les parties à l'accord ont échangé toutes les données nécessaires pour contrôler et enrayer les exportations effectuées par des tiers [...]; Cimpor a refusé de vendre en Espagne avec la formule 'nous n'avons pas de disponibilité pour l'exportation alors qu'il est prouvé qu'elle a satisfait, dans les mêmes périodes, des demandes ponctuelles de ciment provenant des pays tiers [...]"

2068. Toutefois, comme le soulignent Oficemen, Cimpor et Secil, différents documents invoqués par la Commission aux paragraphes 21 et 49 de la décision attaquée, pour établir que l'accord entre elles a été appliqué, ne sont pas opposables, soit aux trois parties requérantes (trois dernières phrases du document d'Hispacement), soit à Oficemen (documents n° 33.322/512, 513, 549, 550, 566 et 567, cités au paragraphe 21, point 8, de la décision attaquée), soit à Cimpor (document n° 33.322/1399, cité au paragraphe 21, point 6, de la décision attaquée), en raison d'irrégularités commises par la Commission au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus points 369 à 374 et 2038 à 2040).

2069. Il convient dès lors d'examiner si les autres documents invoqués par la Commission démontrent à eux seuls que l'accord a effectivement été appliqué.

2.1. Réunions tenues entre Oficemen, Cimpor et Secil

2070. Il ressort de plusieurs documents opposables aux parties requérantes concernées que celles-ci se sont réunies à plusieurs reprises, afin de suivre de près l'évolution des exportations entre le Portugal et l'Espagne, en cherchant à contrôler les mouvements de ciment entre les deux pays, conformément aux principes arrêtés au cours de la réunion du 22 juillet 1985.

2071. A cet égard, le compte rendu de cette dernière réunion soulignait:

"[Les parties présentes] reconnaissent que [la] position non équivoque d'accord [sur le principe d'exclusion des mouvements de ciment] n'évite pas que les interventions de 'tiers (distributeurs, détaillants, consommateurs, transporteurs, etc.) puissent mettre en cause les intentions des deux parties sans que celles-ci puissent exercer un contrôle efficace. Au cas où de pareilles situations se produiraient, les deux parties devraient procéder à des échanges ouverts d'informations afin de trouver une solution au problème."

2072. Ainsi, une réunion s'est tenue entre Oficemen, Cimpor et Secil le 20 janvier 1986, ainsi que cela ressort du compte rendu de la réunion du conseil de direction d'Oficemen du 13 février 1986 (décision attaquée, paragraphe 21, point 3; documents n° 33.322/1311 et 1314). Son objet était de s'"informer réciproquement sur l'évolution des exportations de ciment entre les deux pays". Au cours de cette réunion, les parties présentes sont également convenues de "continuer à s'informer réciproquement sur les exportations dont ils auraient connaissance".

2073. Une autre réunion s'est tenue le 23 janvier 1987 entre Cimpor, Secil et des représentants des producteurs espagnols, dont M. Andía, d'Oficemen, ainsi que cela résulte des documents n° 33.322/163 à 166 et 1406 à 1408 (décision attaquée, paragraphe 21, point 4), comptes rendus de ladite réunion. Au vu de ces documents, les importations en Espagne de ciment en provenance du Portugal étaient perçues comme problématiques, de sorte que les participants à la réunion ont proposé, d'une part, une solution à moyen terme consistant à augmenter les prix du ciment portugais et, d'autre part, une solution à court terme consistant à décourager les opérateurs portugais qui se livraient à des exportations transfrontalières.

2074. Des réunions ont encore été tenues les 5 et 6 mars 1987 entre Cimpor, Secil et des représentants des producteurs espagnols, dont M. Andía, d'Oficemen. Secil ne reconnaît pas explicitement sa présence à ces réunions. Toutefois, sa participation ainsi que celles d'Oficemen et de Cimpor ressortent sans équivoque des documents n° 33.322/169 à 172 (décision attaquée, paragraphe 21, point 5). Au cours de ces réunions, les producteurs portugais ont transmis à leurs homologues espagnols la liste des opérateurs espagnols qui leur avaient demandé des cotations de ciment (document n° 33.322/172). La situation des exportations de ciment du Portugal vers l'Espagne, à destination des localités d'entrée de Valencia de Alcántara, Badajoz et Tuy, a également été examinée pour chaque mois de 1986 et pour janvier-février 1987 (document n° 33.322/170). Le compte rendu de la réunion du 6 mars 1987 (décision attaquée, paragraphe 21, point 5; documents n° 33.322/1410 à 1412) indique que les participants à celle-ci avaient constaté "une augmentation rapide des importations [du Portugal vers l'Espagne] depuis mi-octobre [de l'année précédente]". Il ajoute que, à cette occasion, "les représentants espagnols ont insisté sur l'idée que les prix du ciment portugais devaient être ajustés".

2075. Oficemen, Cimpor et Secil ne contestent pas que, au cours des réunions susvisées, les mouvements enregistrés dans les exportations de ciment du Portugal vers l'Espagne ont été suivis avec une attention toute particulière. Elles prétendent néanmoins que l'objet des réunions était licite. Elles auraient, en réalité, cherché à limiter le risque d'exportations de ciment P-300 du Portugal vers l'Espagne, au motif que l'utilisation de ce produit, interdite en Espagne, pouvait engager la responsabilité des producteurs de ciment espagnols. Le compte rendu de la réunion du 6 mars 1987 montrerait que les réunions en cause avaient ainsi pour objet l'exercice d'une surveillance du respect des normes espagnoles, destinée à éviter que des producteurs espagnols de ciment soient mis en cause dans des affaires civiles et pénales. Quant à Oficemen, elle aurait insisté auprès des producteurs portugais pour qu'ils négocient avec leur gouvernement une modification du système des prix maximaux.

2076. Il y a lieu de constater que, si la Commission, dans la décision attaquée (paragraphe 21, point 11), a exprimé des doutes quant au champ d'application de l'arrêté royal espagnol n° 1964-1975, du 23 mai 1975, il n'a plus été contesté au cours de la procédure devant le Tribunal que cet arrêté royal, en vigueur de 1975 à 1988, prévoyait l'interdiction générale d'utiliser en Espagne du ciment de type Portland d'une résistance inférieure à 350 kg par cm2 (ciment P-350). Par ailleurs, la Commission ne conteste pas les explications des parties requérantes concernées, selon lesquelles deux classes de ciment étaient à cette époque autorisées au Portugal, à savoir la classe 30 (ou P-300) et la classe 40 (ou P-400). Secil prétend n'avoir produit, jusqu'en 1989, que du ciment de la classe 30. Pour sa part, Cimpor n'aurait commencé à produire du ciment de la classe 40 qu'en 1985, en quantités réduites qui auraient toujours été absorbées par la consommation intérieure. Il n'est pas non plus contesté que, en 1988, l'arrêté n° 1964-1975 a été abrogé et remplacé par l'arrêté royal n° 1313-1988, du 28 octobre 1988, interdisant expressément l'importation en Espagne de ciment ne correspondant pas aux types homologués par les autorités espagnoles, ou de ciment correspondant à ces types, mais dépourvu d'un certificat de conformité de production.

2077. Toutefois, l'argument des parties requérantes concernées ne saurait être retenu.

2078. Il convient de rappeler que, selon les indications du compte rendu de la réunion du 22 juillet 1985 rédigé par Cimpor, les participants à cette réunion "ont manifesté leur adhésion non équivoque au principe qu'il ne devait pas y avoir de mouvements de ciment d'Espagne vers le Portugal et du Portugal vers l'Espagne, à moins qu'ils ne soient voulus ou contrôlés par l'industrie cimentière de chacun des deux pays". De même, la partie opposable du document d'Hispacement révèle que l'objet de l'accord était d'interdire "toute exportation d'un pays à l'autre". L'accord conclu ne prévoyait pas que le ciment exporté devait être conforme aux normes applicables dans le pays d'importation.

2079. Il ressort également du compte rendu de la réunion du 22 juillet 1985 que, dans la mesure où l'entente en question liait les producteurs de ciment, mais non les tiers (par exemple les distributeurs et détaillants), les parties à l'entente sont convenues que, dans l'hypothèse où les interventions de tiers pourraient mettre en cause cette entente, il faudrait "procéder à des échanges ouverts d'informations afin de trouver une solution au problème".

2080. Certes, le compte rendu de la réunion du 6 mars 1987 comporte une mention expresse de la préoccupation d'Oficemen face aux problèmes posés par l'utilisation en Espagne de ciment de la classe 30 en provenance du Portugal. Toutefois, ce document montre que la solution recherchée pour le problème des exportations en provenance du Portugal consistait en une augmentation des prix portugais. D'ailleurs, plusieurs autres documents confirment que ce remède était invariablement proposé, ainsi que l'a souligné Oficemen au cours de la procédure devant le Tribunal [voir comptes rendus des réunions du 23 janvier 1987 (décision attaquée, paragraphe 21, point 4; documents n° 33.322/163 à 166 et 1406 à 1408) et du 6 mars 1987 (décision attaquée, paragraphe 21, point 5; documents n° 33.322/1410 à 1412)]. Or, les parties requérantes ne sauraient prétendre que l'éventuelle augmentation des prix du ciment portugais était de nature à résoudre le problème découlant, le cas échéant, de la non-conformité du ciment portugais aux normes espagnoles.

2081. Il s'ensuit que l'objet des différentes réunions tenues par les producteurs portugais et espagnols était de limiter les exportations entre le Portugal et l'Espagne, et non de rendre les exportations portugaises conformes aux normes espagnoles.

2082. A supposer même que les réunions aient eu pour objet l'exercice d'une surveillance du respect des normes espagnoles, les parties requérantes n'ont pas expliqué pour quelle raison elles n'ont pas porté devant les autorités compétentes le problème du risque de l'utilisation du ciment portugais non conforme aux normes espagnoles. Il appartient en effet aux autorités publiques et non à des entreprises et associations privées d'assurer le respect des prescriptions légales (arrêts du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30-89, Rec. p. II-1439, point 118, et SCK et FNK/Commission, cité au point 485 ci-dessus, point 194). En outre, il convient de relever que l'accord conclu entre Oficemen, Cimpor et Secil interdisait aussi les "mouvements de ciment d'Espagne vers le Portugal" (compte rendu de la réunion du 22 juillet 1985 rédigé par Cimpor; décision attaquée, paragraphe 21, point 2; documents n° 33.322/155 à 157) et que les parties requérantes concernées se sont informées "réciproquement sur l'évolution des exportations de ciment entre les deux pays" (compte rendu de la réunion du conseil de direction d'Oficemen du 13 février 1986; décision attaquée, paragraphe 21, point 3; documents n° 33.322/1311 et 1314) et pas seulement des exportations du Portugal vers l'Espagne. Or, l'argument tiré de la disparité entre les normes portugaises et espagnoles n'est en aucun cas de nature à justifier le contrôle des exportations de l'Espagne vers le Portugal. En effet, le ciment espagnol étant, à l'époque, au moins de la classe 35, il était d'une qualité supérieure à la classe 30 produite au Portugal.

2.2. Refus de vente de Cimpor

2083. Il ressort de plusieurs documents opposables aux parties requérantes concernées, et notamment des documents n° 33.322/485, 486, 493 à 495, 530 à 532, 537 et 538, cités au paragraphe 21, point 8, premier alinéa, de la décision attaquée, que, en 1988 et en 1989, Cimpor a refusé d'honorer des demandes provenant d'Espagne en utilisant une formule standard: "nous n'avons pas de disponibilité pour l'exportation".

2084. Oficemen et Cimpor font valoir qu'il existait des raisons objectives justifiant ces refus de vente. Il ne se serait donc pas agi de la mise en œuvre d'un accord anticoncurrentiel par Cimpor. Les parties requérantes expliquent que la capacité d'exportation de Cimpor était limitée à l'époque. Cette société aurait, par conséquent, été très sensible aux fluctuations de la demande intérieure et aux vicissitudes techniques de la production. Il serait dans ces circonstances normal que, au cours d'une même période, certaines commandes aient été acceptées et que d'autres aient été refusées. En outre, compte tenu de sa capacité d'exportation limitée, Cimpor n'aurait pas pu établir une stratégie de développement des marchés à l'exportation. Pour ces raisons, elle aurait toujours considéré comme prioritaire le maintien de relations avec les marchés déficitaires, en particulier avec les pays africains de langue officielle portugaise, sans négliger cependant les possibilités qui pourraient se présenter occasionnellement sur d'autres marchés, comme ceux des pays de Cembureau, y compris l'Espagne, et dans la mesure où elle pourrait, d'un point de vue technique et logistique, satisfaire les demandes qui lui étaient adressées. Toutefois, les quantités de ciment de la classe 40 produites par Cimpor auraient été intégralement absorbées par le marché portugais. Quant au ciment de la classe 30, il aurait été interdit en Espagne. Les commandes non satisfaites auraient porté explicitement ou implicitement sur du ciment d'un type non fabriqué par Cimpor ou dont elle ne disposait pas pour l'exportation.

2085. Il y a lieu de replacer dans leur contexte les télex invoqués par la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 21, point 8; documents n° 33.322/485, 486, 493 à 495, 530 à 532, 537 et 538) pour rendre compte des refus de vente de Cimpor. Il ressort déjà sans équivoque du compte rendu de la réunion du 22 juillet 1985 dressé par cette entreprise que celle-ci a participé à l'accord portant sur le contrôle des mouvements de ciment entre l'Espagne et le Portugal et sur le respect des marchés domestiques visé à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée. Ce document fait en effet état d'une "adhésion non équivoque au principe qu'il ne devait pas y avoir de mouvements de ciment d'Espagne vers le Portugal et du Portugal vers l'Espagne, à moins qu'ils ne soient voulus ou contrôlés par l'industrie cimentière de chacun des deux pays". La participation de Cimpor à l'accord ressort aussi de l'extrait du document d'Hispacement opposable aux trois parties requérantes (document n° 33.322/2901) (voir ci-dessus point 2060). Cette réalité est encore confirmée par la tenue de différentes réunions entre les producteurs espagnols et portugais en 1986 et en 1987, au cours desquelles l'évolution des exportations entre les deux pays a été analysée et des solutions proposées (décision attaquée, paragraphe 21, points 3 à 5).

2086. Dans un tel contexte, le refus de Cimpor de livrer du ciment en Espagne en 1988 et en 1989 constitue en soi un indice de la participation continue de Cimpor à l'entente. Il convient toutefois d'examiner si l'argumentation d'Oficemen et de Cimpor prive cet élément de sa force probante.

2087. A cet égard, la justification avancée par Cimpor dans les télex susvisés relatifs à ses refus de vente en Espagne, à savoir le manque de disponibilité pour l'exportation, ne peut pas être retenue. Il n'est en effet pas contesté que, au moment où Cimpor a refusé de vendre du ciment en Espagne, elle a accepté de satisfaire des demandes ponctuelles de ciment pour les destinations suivantes: la Guinée, le Sénégal, la Libye, Madagascar, Porto Rico, les Etats-Unis d'Amérique et les Antilles (décision attaquée, paragraphe 21, point 8; documents n° 33.322/490 à 492, 496 à 511, 514 à 517, 523 à 526, 533 à 536, 539 à 541, 543 à 548, 551 à 556 et 571 à 574).

2088. S'agissant du motif tiré par Cimpor des disparités de normes entre l'Espagne et le Portugal, il doit aussi être rejeté. En effet, l'arrêté royal espagnol n° 1964-1975 prévoyait l'interdiction d'utiliser, mais non d'importer, en Espagne du ciment de type Portland d'une résistance inférieure à 350 kg par cm2, une interdiction d'importation d'un tel produit n'ayant été ajoutée que dans le cadre de l'arrêté royal espagnol n° 1313-1988 (voir ci-dessus point 2076). Dans ces conditions, rien n'aurait empêché Cimpor de vendre en Espagne du ciment de la classe 30, qu'elle produisait effectivement, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'arrêté royal n° 1313-1988. A plus forte raison, rien n'aurait empêché Cimpor de vendre en Espagne du ciment de la classe 40, dont l'importation et l'utilisation n'étaient pas interdites, dès lors que cette entreprise avait commencé, ainsi qu'elle le reconnaît dans ses écritures, à produire ce type de ciment en 1985, "en quantités réduites". Il doit être relevé par ailleurs que Cimpor n'a justifié aucun des refus de vente litigieux en se prévalant d'une absence de conformité de son produit aux normes espagnoles en vigueur. Elle a toujours utilisé la formule "nous n'avons pas de disponibilité pour l'exportation", alors que, dans le même temps, elle acceptait des commandes pour la Guinée, le Sénégal, la Libye, Madagascar, Porto Rico, les Etats-Unis d'Amérique et les Antilles. En outre, en réponse à des "demandes espagnoles", elle a affirmé qu'elle n'avait pas de ciment disponible même dans les cas où les commandes n'indiquaient pas le type de ciment demandé (voir document n° 33.322/538 cité au paragraphe 21, point 8, premier alinéa, de la décision attaquée). En revanche, lorsque, en août 1988, elle a reçu de "Jcc Imp Exp" une commande de ciment de la classe 35 à livrer au Sénégal, c'est-à-dire en dehors de la Communauté, elle a proposé à cette entreprise du ciment de la classe 30 (voir documents n° 33.322/551 et 553 cités au paragraphe 21, point 8, troisième alinéa, de la décision attaquée).

2089. Compte tenu de l'automatisme des refus de vente et de la formule standard utilisée à cet effet, laquelle, en outre, ne reflétait pas la réalité, la Commission était en droit de conclure (décision attaquée, paragraphe 49, point 2) que ces refus de vente constituaient la mise en œuvre de l'entente conclue entre les producteurs portugais et Oficemen. Cette constatation est encore corroborée par le télex de Tracoisa, un commerçant espagnol, à Cimpor du 13 mars 1989 (décision attaquée, paragraphe 21, point 8; document n° 33.322/575): "[...] Si les exportations vers l'Espagne ne peuvent pas même être prises en considération à cause de l'arrangement bilatéral entre les producteurs espagnols et portugais, faites-nous connaître, s'il vous plaît, vos possibilités pour d'autres marchés." Même si, comme le prétend Oficemen, ce télex ne reflète qu'une opinion purement spéculative d'une entreprise qui ne pouvait avoir aucune connaissance directe du prétendu accord hispano-portugais, il n'en reste pas moins que cet élément est un indice qui concorde tout à fait avec d'autres indices qui démontrent, pris ensemble, que l'entente conclue entre les producteurs portugais et espagnols a été mise en œuvre.

2090. Cimpor tire encore argument de ce que tous les documents invoqués par la Commission seraient postérieurs à l'adoption de l'arrêté royal espagnol n° 1313-1988. Elle n'aurait donc eu aucune possibilité juridique et technique d'accéder aux "demandes espagnoles".

2091. Cependant, la date à prendre en considération n'est pas celle de l'adoption de l'arrêté royal espagnol n° 1313-1988, à savoir le 28 octobre 1988, mais celle de son entrée en vigueur, soit le 4 janvier 1989. Or, force est de constater que, parmi les documents invoqués par la Commission au paragraphe 21, point 8, de la décision attaquée, figurent plusieurs refus de vente concernant des commandes espagnoles antérieures à la date d'entrée en vigueur de l'arrêté royal [télex de Cimpor du 24 août 1988 (document n° 33.322/549), du 11 novembre 1988 (document n° 33.322/532) et du 20 décembre 1988 (documents n° 33.322/537 et 538)]. En tout état de cause, il convient de souligner, s'agissant des commandes postérieures à la date d'entrée en vigueur de l'arrêté royal, que les refus de vente de Cimpor ne contiennent aucune référence à un obstacle juridique (voir ci-dessus point 2088).

2.3. Conclusions

2092. Il résulte de tout ce qui précède que, sur le fondement des seuls documents opposables aux parties requérantes concernées, la Commission a pu valablement constater au paragraphe 49, point 2, premier alinéa, de la décision attaquée que l'accord visé à l'article 3, paragraphe 2, avait été effectivement appliqué.

3. Circonstances particulières de l'espèce qui excluraient l'existence d'un accord

2093. En premier lieu, Oficemen prétend que l'existence d'un quelconque accord hispano-portugais est exclue par le rapport relatif au secteur du ciment en Espagne, publié le 31 juillet 1991 par le Tribunal de Defensa de la Competencia (annexe O à sa requête). Ce rapport aurait en effet constaté qu'il n'existait pas d'indices de l'existence d'accords ou de pratiques concertées entre les producteurs espagnols et des producteurs étrangers.

2094. Cependant, le fait que le Tribunal de Defensa de la Competencia n'a pas trouvé de tels indices n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires analysées ci-dessus aux points 2054 à 2092. En effet, l'analyse ayant conduit la juridiction nationale à sa conclusion en juillet 1991 n'a pas porté sur ces preuves documentaires directes.

2095. En second lieu, Oficemen fait valoir que l'évolution des exportations de ciment du Portugal vers l'Espagne contredit l'existence de l'accord visé à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée. Ces exportations seraient passées de 2 439 à 75 427 tonnes entre 1986 et 1988, soit une augmentation de 2 993 %, alors que les exportations portugaises à destination d'autres pays seraient passées de 52,6 millions de tonnes en 1986 à 39,6 millions en 1988, soit une diminution de 33 %. Quant au fait que, en 1989, les exportations portugaises vers l'Espagne n'ont représenté que 2 715 tonnes et 83 tonnes seulement en 1990, il serait dû à l'adoption de l'arrêté royal n° 1313-1988.

2096. Il convient toutefois de rappeler que la Commission, pour conclure à l'existence de l'infraction, ne s'est pas fondée sur une analyse du marché, mais sur des preuves documentaires d'une concertation directe entre les parties requérantes concernées. L'éventuelle augmentation des exportations du Portugal vers l'Espagne n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes examinées ci-dessus aux points 2054 à 2092, qui démontrent sans équivoque non seulement l'existence d'un accord, mais également sa mise en œuvre. En tout état de cause, comme le souligne à juste titre la Commission (décision attaquée, paragraphe 49, point 4), les exportations vers l'Espagne auraient pu se développer sous d'autres conditions en l'absence d'accord restrictif (voir, en ce sens, arrêt Consten et Grundig/Commission, cité au point 837 ci-dessus, p. 495). L'argument doit donc être rejeté.

2097. En troisième lieu, Cimpor et Secil invoquent l'extrait suivant du compte rendu de la réunion du 6 mars 1987 (décision attaquée, paragraphe 21, point 5; documents n° 33.322/1410 à 1412): "Les Portugais [...] pensent ne rien faire, ce qui fait qu'il faudra insister lors d'autres réunions." Cet extrait démontrerait qu'il n'existait aucune entente entre producteurs espagnols et portugais.

2098. Cet argument doit être rejeté. En effet, examiné à la lumière de l'ensemble des informations contenues dans le compte rendu en question, l'extrait invoqué révèle qu'Oficemen nourrissait certains doutes quant aux efforts à déployer par les producteurs portugais auprès des autorités nationales portugaises et plus particulièrement de la direction générale de la concurrence et des prix pour promouvoir une augmentation du prix du ciment au Portugal. Or, de tels efforts s'inscrivent parfaitement dans le contexte d'un accord portant sur la réglementation des échanges de ciment entre le Portugal et l'Espagne et visant à promouvoir le respect des marchés domestiques des deux pays.

2099. En quatrième lieu, Oficemen, Cimpor et Secil développent une série d'arguments pour expliquer que le volume réduit des exportations de ciment portugais vers l'Espagne entre le 1er janvier 1986 et le 24 avril 1989 était dû à l'existence de barrières techniques et structurelles, et non à un prétendu accord entre les producteurs espagnols et portugais. Eu égard aux prescriptions techniques applicables en Espagne, au niveau des prix en Espagne, au système de prix maximaux applicable au Portugal et au taux d'utilisation élevé des capacités de production, l'exportation de ciment du Portugal vers l'Espagne ne se serait pas présentée comme une option réaliste.

2100. Ainsi, Secil prétend n'avoir produit que du ciment de la classe 30, dont la commercialisation puis l'importation ont été interdites en Espagne (voir ci-dessus point 2076). Cimpor aurait aussi produit presque exclusivement du ciment de la classe 30. Elle n'aurait commencé à produire du ciment de la classe 40 qu'en 1985, en quantités réduites, qui auraient toujours été absorbées par la consommation intérieure. Les usines portugaises fonctionnant à la limite de leurs capacités de production durant la période considérée (de l'ordre de 90 %), l'utilisation des lignes existantes en vue de la fabrication et du stockage de ciment P-350 ou de résistance supérieure destiné à l'exportation n'aurait pas été possible sans provoquer une grave insuffisance d'approvisionnement du marché portugais.

2101. En outre, les prix pratiqués en Espagne et au Portugal auraient été similaires. Cimpor et Secil se réfèrent à cet égard aux passages du document d'Hispacement (documents n° 33.322/2898 à 2903) qui sont restés occultés lors de la consultation du dossier d'instruction au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus points 369 à 372). Le marché espagnol n'aurait donc pas été intéressant, même dans les rares cas où Cimpor et Secil avaient des excédents de production. En effet, une fois les coûts de transport comptabilisés, le prix final pour leur produit en Espagne n'aurait pas été compétitif. De plus, il aurait existé, de la part des producteurs espagnols, un risque de représailles qu'aucun gestionnaire rationnel n'aurait pu ignorer, compte tenu du volume des excédents de l'industrie espagnole. Il serait donc normal que les parties requérantes aient privilégié, pour écouler les excédents réduits dont elles disposaient occasionnellement, les marchés structurellement déficitaires comme les marchés africains, et non pas le marché espagnol, marché structurellement excédentaire. Les parties requérantes soulignent à cette occasion qu'aucune usine portugaise de production de ciment ne se situait à proximité de la frontière espagnole.

2102. Selon elles, l'augmentation des importations en Espagne de ciment en provenance du Portugal entre 1986 et 1988 résultait de ce que l'arrêté n° 1964-1975 interdisait l'utilisation du ciment P-300 dans les ouvrages réalisés sur le territoire espagnol, mais pas son importation. Profitant du fait que les autorités douanières ne procédaient pas à des contrôles frontaliers de la conformité du ciment importé aux prescriptions techniques de l'arrêté royal espagnol, certains intermédiaires et entrepreneurs peu scrupuleux auraient, jusqu'en 1988, importé et utilisé en territoire espagnol du ciment portugais de type P-300.

2103. Un autre facteur qui aurait contribué à dissuader les producteurs portugais de vendre leur ciment en Espagne aurait été le système de prix maximaux applicable au Portugal. Selon Oficemen, Cimpor et Secil, les prix imposés ne donnaient pas une image réaliste des coûts de production, de sorte que le niveau de prix en vigueur au Portugal était artificiellement bas. Par ailleurs, depuis 1986, le prix de vente maximal autorisé aurait été le même, que le ciment fût livré à l'acheteur à partir des usines situées sur le littoral portugais ou à partir des entrepôts situés à l'intérieur du pays. Par conséquent, le prix de vente "départ entrepôt" n'aurait pas reflété le coût supporté par les fabricants de ciment pour transporter le produit de l'usine à l'entrepôt. L'acquisition de ciment portugais dans des entrepôts portugais situés à proximité de la frontière à des prix artificiellement bas serait ainsi devenue attractive depuis 1986 pour les intermédiaires et consommateurs espagnols, ce qui aurait déclenché des exportations vers l'Espagne. Toutefois, à cause du système des prix portugais ayant pour effet que les ventes effectuées par les fabricants établis à grande distance (y compris toutes les ventes à l'exportation vers l'Espagne) étaient subventionnées par les ventes réalisées à proximité des usines, les producteurs portugais n'auraient eu aucun intérêt à promouvoir leurs ventes à l'exportation vers l'Espagne aux dépens de ventes plus rentables sur le littoral portugais.

2104. Il convient de rappeler que la Commission ne s'est pas fondée sur le volume réduit des exportations de ciment du Portugal vers l'Espagne pour établir l'existence de l'infraction, mais sur des preuves documentaires d'une concertation directe entre les parties requérantes concernées, ainsi que d'une mise en œuvre de l'accord conclu (voir ci-dessus points 2054 à 2092).

2105. Les arguments que les parties requérantes concernées tirent de l'existence de barrières techniques et structurelles pour tenter de justifier le faible niveau des échanges entre le Portugal et l'Espagne ne sont pas de nature à donner un éclairage différent à ces preuves documentaires directes. Ainsi, les parties requérantes n'expliquent pas pour quelle raison elles ont, en présence de prétendues difficultés d'exportation de ciment du Portugal vers l'Espagne, pris l'engagement de respecter leurs marchés domestiques respectifs. Au contraire, leur argumentation est de nature à souligner la gravité de l'infraction commise, dès lors que, par la conclusion et la mise en œuvre de l'accord visé à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée, elles ont essayé d'éliminer le peu de concurrence effective qui subsistait sur le marché.

2106. A titre surabondant, il convient de faire les observations suivantes: l'argument tiré de la disparité entre les normes portugaises et espagnoles n'est en aucun cas de nature à justifier le contrôle des exportations de l'Espagne vers le Portugal. En effet, le ciment espagnol étant à l'époque au moins de la classe 35, il était d'une qualité supérieure à la classe 30 produite au Portugal (voir ci-dessus point 2082). En ce qui concerne le système des prix maximaux applicable au Portugal, il n'a pas pu décourager les ventes "départ usine" de Cimpor et de Secil à des clients espagnols disposés à payer les frais de transport. L'argumentation tirée des frais de transport prétendument prohibitifs ou de l'éloignement géographique est, quant à elle, contredite par l'existence d'un grand nombre de commandes espagnoles auprès des producteurs portugais (décision attaquée, paragraphe 21, point 8; documents n° 33.322/485, 486, 493 à 495, 530 à 532, 537 et 538). Enfin, il y a lieu de relever la contradiction existant entre les différents arguments des parties requérantes concernées, qui prétendent, d'une part, que les niveaux des prix en Espagne et au Portugal étaient presque identiques et, d'autre part, que, à cause des prix artificiellement bas au Portugal, le ciment portugais était attractif pour les intermédiaires et consommateurs espagnols.

4. Position particulière de Secil

2107. Secil soutient qu'elle n'a pris aucune initiative en vue de conclure une entente avec les producteurs espagnols. Une telle entente n'aurait d'ailleurs présenté aucun intérêt pour elle, compte tenu de l'utilisation maximale de ses capacités de production pour la consommation intérieure et de sa crainte de ripostes des producteurs espagnols. Elle souligne que presque aucun des documents relatifs à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée n'a été trouvé dans ses archives et qu'aucun desdits documents n'émane d'elle. Elle ajoute que son comportement commercial n'était pas à l'origine des préoccupations espagnoles et que les refus de ventes de Cimpor ne démontrent nullement sa participation à un accord de respect des marchés domestiques.

2108. Il doit être constaté que la circonstance que Secil n'a participé à l'élaboration d'aucun des documents mentionnés au paragraphe 21 de la décision attaquée et que la plupart des documents n'ont pas été trouvés dans ses archives n'est pas de nature à les rendre inopposables à son égard à titre d'éléments de preuve de l'infraction retenue à sa charge (arrêt Empresa Nacional Siderúrgica/Commission, cité au point 1053 ci-dessus, point 312).

2109. Or, il convient de rappeler qu'il ressort du compte rendu de Cimpor de la réunion du 22 juillet 1985 que Secil s'est engagée à appliquer l'accord conclu entre les participants à cette réunion (voir ci-dessus points 2058 et 2059). En outre, le document d'Hispacement, dans sa partie opposable, qui confirme l'existence de cette entente (voir ci-dessus point 2060), relate la visite de deux employés d'Hispacement précisément chez Secil. Par ailleurs, il existe des preuves documentaires directes démontrant la mise en œuvre de l'accord dans le cadre de réunions auxquelles Secil a participé (voir ci-dessus points 2070 à 2082). Le prétendu défaut d'intérêt de Secil pour les exportations vers l'Espagne n'est donc pas de nature à donner un éclairage différent à ces preuves documentaires directes.

2110. Enfin, la Commission n'a pas présenté les refus de vente opposés par Cimpor à des clients espagnols en 1988 et en 1989 comme la preuve de la participation de Secil à la conclusion de l'accord. Comme cela vient d'être rappelé, cette preuve résulte du compte rendu de Cimpor de la réunion du 22 juillet 1985 et du document d'Hispacement. En ce qui concerne la mise en œuvre de l'accord, la Commission, à titre d'illustration, a fait état du refus de Cimpor de répondre à des demandes d'exportation de ciment du Portugal vers l'Espagne en 1988 et en 1989. La preuve de la mise en œuvre de l'entente par Secil ne repose toutefois pas sur ces refus de vente de Cimpor, mais sur sa participation aux différentes réunions tenues par les producteurs portugais et espagnols en vue de limiter les exportations de ciment entre le Portugal et l'Espagne (voir ci-dessus points 2070 à 2082).

5. Conclusion

2111. Il ressort de tout ce qui précède qu'aucune des circonstances invoquées par les parties requérantes ne permet d'écarter la constatation de la conclusion et de la mise en œuvre de l'accord litigieux (voir ci-dessus points 2066 et 2092).

C Caractère infractionnel du comportement des parties requérantes

2112. Cimpor et Secil reconnaissant avoir été, pendant la période prise en considération dans la décision attaquée, les seuls producteurs de ciment portugais, et Oficemen étant l'association professionnelle regroupant les producteurs de ciment espagnols, l'accord conclu par ces parties a manifestement restreint la concurrence entre les producteurs portugais et espagnols et était de nature à affecter sensiblement les échanges entre les deux Etats membres concernés. Un tel accord anticoncurrentiel est un type de comportement expressément interdit à l'article 85, paragraphe 1, sous c), du traité.

2113. Même si la première preuve documentaire se rapporte à une réunion du 22 juillet 1985, la Commission a pu conclure à bon droit que "[l']accord en cause [avait] constitué une infraction à partir du 1er janvier 1986, date de l'adhésion de l'Espagne et du Portugal à la Communauté" (décision attaquée, paragraphe 49, point 1, second alinéa). En effet, à partir du 1er janvier 1986, l'accord, qui continuait à être appliqué (voir ci-dessus points 2070 à 2082) par des parties désormais établies dans la Communauté, entrait manifestement dans le champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

2114. Oficemen fait valoir que la Commission n'apporte pas la preuve du maintien de l'entente après l'adhésion de l'Espagne et du Portugal à la Communauté. Elle fait observer que les documents relatifs aux réunions postérieures au 1er janvier 1986 ne font aucune référence au prétendu accord hispano-portugais. Les représentants espagnols se seraient bornés, durant ces réunions, à exprimer leur inquiétude face aux importations croissantes de ciment de la classe 30 en provenance du Portugal et à demander aux producteurs portugais de négocier avec leur gouvernement la modification des éléments du système des prix maximaux qui avaient pour effet de stimuler lesdites exportations. Cimpor reproche également à la Commission d'avoir fondé sa constatation de l'infraction sur des éléments de preuve antérieurs à 1986. Secil, quant à elle, rappelle que le compte rendu de Cimpor de la réunion du 22 juillet 1985 ne fait état que d'une intention d'accord (voir ci-dessus point 2056). La Commission ne serait pas en droit de présumer que, à partir du 1er janvier 1986, Secil a commencé à violer l'article 85 du traité en mettant en pratique ladite intention, sous peine de violer le principe de la présomption d'innocence.

2115. Ces arguments doivent être rejetés. S'il est vrai que le compte rendu de Cimpor de la réunion du 22 juillet 1985 est antérieur à l'adhésion de l'Espagne et du Portugal à la Communauté et qu'il joue, dans la décision attaquée, un rôle prépondérant dans la démonstration de l'existence de l'infraction retenue, force est de constater que le point 6 de ce document indique que les parties à l'accord estimaient que leur intention de ne pas se faire concurrence pourrait poser des problèmes sous l'angle du droit de la concurrence communautaire et du droit national de la concurrence des deux pays en question. Un tel souci trahissait donc l'intention d'Oficemen, de Cimpor et de Secil d'appliquer l'accord au-delà du 1er janvier 1986. Il ressort en outre de la première phrase de l'extrait du document d'Hispacement, relatant le voyage de deux de ses employés à Lisbonne en mai 1986, que les mêmes parties se sont réunies en décembre 1985 et "que la décision a été prise à cette occasion de s'interdire toute exportation d'un pays à l'autre". A la date à laquelle a été rédigé ce document, à savoir à la fin du mois de mai 1986, l'accord hispano-portugais a ainsi été décrit non pas comme un accord venu à échéance, mais comme un accord existant. Enfin, il a déjà été constaté que l'accord visé à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée a été mis en œuvre dans le cadre de différentes réunions tenues par Oficemen, Cimpor et Secil après le 1er janvier 1986 (voir ci-dessus points 2070 à 2082).

2116. Il convient encore d'examiner les arguments des parties requérantes selon lesquels leur comportement ne serait pas tombé sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

2117. En premier lieu, Oficemen, Cimpor et Secil affirment que le compte rendu de Cimpor de la réunion du 22 juillet 1985 démontre la volonté des participants de respecter le droit de la concurrence. Cette volonté exclurait que les parties requérantes aient conclu un accord anticoncurrentiel en violation des dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

2118. Il y a lieu de constater que le point 6 du compte rendu de cette réunion fait apparaître que les parties estimaient que leur intention de ne pas se faire concurrence pourrait poser des problèmes sous l'angle du droit de la concurrence communautaire et du droit national de la concurrence des deux pays en question. Toutefois, cette prise de conscience, loin d'exonérer les parties requérantes concernées de toute responsabilité, démontre, comme le souligne à juste titre la Commission (décision attaquée, paragraphe 49, point 1), le caractère conscient et délibéré de l'infraction commise.

2119. En second lieu, Secil et Cimpor soulignent que, au Portugal, le secteur du ciment a été nationalisé en 1975. La priorité de l'approvisionnement du marché portugais aurait été un effet de cette nationalisation. L'équilibre entre la consommation intérieure et la production nationale résulterait ainsi d'une politique délibérée de l'Etat portugais, de sorte que le comportement des deux entreprises échapperait à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

2120. Cet argument doit être rejeté. En effet, ni Cimpor ni Secil n'ont démontré que, par le comportement des autorités portugaises, la marge d'autonomie qu'implique l'article 85, paragraphe 1, du traité leur a fait défaut (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, Commission et France/Ladbroke Racing, C-359-95 P et C-379-95 P, Rec. p. I-6265, points 33 et 34, et arrêt du Tribunal du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T-387-94, Rec. p. II-961, points 61 et 65). Ainsi, il ne ressort d'aucun élément du dossier que l'Etat portugais ait interdit les exportations de ciment ou ait exercé des pressions sur Cimpor et Secil pour qu'elles limitent leurs exportations vers l'Espagne. Ces deux entreprises jouissaient donc d'une marge d'autonomie suffisante dans le choix de leur politique commerciale, notamment à l'exportation. En outre, les circonstances auxquelles se réfèrent Cimpor et Secil n'expliquent pas pourquoi les producteurs portugais ont cru nécessaire de prendre un engagement vis-à-vis des producteurs espagnols de ne pas exporter en Espagne.

2121. En troisième lieu, Oficemen, Cimpor et Secil font valoir que, eu égard à la disparité des normes portugaises et espagnoles, leur comportement n'a pas pu avoir un effet anticoncurrentiel. Elles estiment que, même si un accord avait été conclu entre les producteurs portugais et Oficemen, il aurait été dépourvu d'objet à partir de l'entrée en vigueur de l'arrêté royal espagnol n° 1313-1988 (voir ci-dessus point 2076).

2122. Cet argument doit aussi être rejeté. Même si l'utilisation de ciment d'une résistance inférieure à 350 kg par cm2 était interdite en Espagne, les différents refus de vente constatés témoignent de l'existence d'une demande réelle, en Espagne, de ciment en provenance du Portugal (voir ci-dessus points 2083 à 2091). D'ailleurs, aucun refus de vente opposé à des clients espagnols n'a été fondé sur un motif tiré de ce que les producteurs portugais ne fabriquaient pas de ciment de qualité égale ou supérieure au ciment espagnol de résistance 350. Au demeurant, il n'appartenait pas aux producteurs portugais et espagnols de ciment de mettre un terme à cette demande. En effet, il ne pouvait être exclu que des importateurs espagnols potentiels de ciment en provenance du Portugal aient l'intention de réexporter ce ciment vers d'autres Etats, sur le territoire desquels l'utilisation du ciment de la classe 30 n'était pas interdite. Enfin, il doit être souligné que l'accord en question interdisait aussi les exportations de l'Espagne vers le Portugal, par rapport auxquelles les parties requérantes n'ont même pas allégué l'existence de barrières techniques et structurelles. Dans ces conditions, il était en tout état de cause susceptible d'avoir un effet sensible sur les échanges entre l'Espagne et le Portugal.

2123. Même après l'entrée en vigueur de l'arrêté royal espagnol n° 1313-1988, le 4 janvier 1989, l'accord litigieux n'était pas dépourvu d'objet, dès lors que les producteurs portugais continuaient à avoir un intérêt à voir leur marché national protégé et que les producteurs espagnols avaient un intérêt à ce que les producteurs portugais ne se hâtent pas de demander auprès des autorités espagnoles l'homologation de leurs ciments conformes aux prescriptions édictées par celles-ci. Ainsi, Secil a admis avoir fait une première demande d'homologation le 3 février 1992 (requête, point 2.2.6).

D Durée de l'infraction

2124. Oficemen, Cimpor et Secil font valoir que, dans le cas où le Tribunal constaterait que la Commission a démontré l'existence de l'infraction, celle-ci ne pourrait être considérée comme ayant duré jusqu'au 24 avril 1989.

2125. Il a déjà été constaté que la Commission a fixé à bon droit le début de l'infraction au 1er janvier 1986 (voir ci-dessus point 2113).

2126. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'entente ait été convenue pour une durée limitée. Le compte rendu de la réunion du 22 juillet 1985 fait apparaître que l'accord prévoyait l'organisation de réunions entre les parties lorsque les "interventions de 'tiers' (distributeurs, détaillants, consommateurs, transporteurs, etc.) [...mettraient] en cause les intentions des deux parties". Il était également prévu que, au cours de telles réunions, les producteurs espagnols et portugais "devraient procéder à des échanges ouverts d'informations afin de trouver une solution au problème".

2127. Dans de telles circonstances, la Commission était en droit de considérer que, en l'absence de signe contraire, l'entente hispano-portugaise a duré pendant toute la période pour laquelle elle dispose de documents confirmant la tenue de réunions entre les producteurs portugais et espagnols au cours desquelles des informations sur les exportations entre les deux pays ont été examinées.

2128. Il ressort sans équivoque des comptes rendus des réunions entre les producteurs portugais et espagnols des 20 janvier 1986, 23 janvier et 5 et 6 mars 1987 que, à l'occasion de ces réunions, le problème des importations portugaises a été discuté et que des solutions ont été proposées, à savoir l'augmentation des prix du ciment portugais et une politique visant à provoquer le découragement des opérateurs portugais qui se livraient à des exportations transfrontalières (voir ci-dessus points 2070 à 2082).

2129. Il ressort également des documents mentionnés dans la décision attaquée que, même abstraction faite du document n° 33.322/1399 (voir ci-dessus points 374 et 2040), d'autres réunions entre les producteurs espagnols et portugais ont encore eu lieu, notamment les 25 juin 1987, 10 novembre 1987, 5 février 1988, 21 avril 1988, 10 mai 1988, 27 juillet 1988, 28 octobre 1988, 12 janvier 1989 et 24 avril 1989, comme l'indiquent des documents de Cimpor "Programa de Acção Conjunta" et différents notes et télex (décision attaquée, paragraphe 21, point 6). La Commission ne dispose cependant pas de comptes rendus de ces réunions.

2130. Les parties requérantes concernées déduisent de cette dernière circonstance que la Commission n'a apporté aucune preuve de nature à établir que les réunions en question poursuivaient un but contraire à l'article 85 du traité.

2131. Il convient toutefois de constater que, dans le cadre du "Programa de Acção Conjunta" dirigé par Cimpor, quelques réunions ont été organisées avec les producteurs espagnols et que Secil admet avoir participé à quelques-unes de ces réunions. Si, contrairement à ce que suggère la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 21, point 7), il n'est pas permis de déduire des documents n° 33.322/162, 177, 181 et 252, qui sont des tableaux établis par Oficemen faisant état des importations en Espagne de ciment en provenance du Portugal, que ceux-ci ont été préparés sur la base de données recueillies auprès des producteurs portugais et qu'ils ont été discutés au cours des réunions organisées dans le cadre du "Programa de Acção Conjunta", la tenue même, dans ce cadre, de réunions entre producteurs espagnols et portugais constitue néanmoins un indice objectif et pertinent démontrant que l'entente a duré du mois de juin 1987 jusqu'au 24 avril 1989, date de la dernière réunion dont a eu connaissance la Commission. D'autres indices objectifs et pertinents confirment la poursuite de cette entente au cours de la même période. D'une part, il ressort des documents rassemblés par la Commission que, à cette époque, Cimpor refusait toute demande de ciment provenant d'Espagne, alors qu'elle acceptait concomitamment des demandes portant sur des livraisons en dehors de la Communauté (voir ci-dessus points 2083 à 2091). D'autre part, le télex de Tracoisa du 13 mars 1989 fait état de l'"arrangement bilatéral entre les producteurs espagnols et portugais" (voir ci-dessus point 2089).

2132. Ces différents éléments objectifs et concordants démontrant la poursuite de l'accord jusqu'au 24 avril 1989, la Commission était en droit de conclure que l'infraction avait été commise au cours de la période du 1er janvier 1986 au 24 avril 1989.

Violation du principe d'égalité de traitement

2133. Cimpor et Secil soutiennent que, en ne retenant pas la participation à l'infraction de l'ensemble des entreprises espagnoles membres d'Oficemen ou, à tout le moins, de celles ayant assisté aux réunions visées au paragraphe 21 de la décision attaquée, la Commission a violé le principe d'égalité de traitement. Il serait inexact d'alléguer que l'entente hispano-portugaise a été conclue entre Cimpor et Secil, d'une part, et Oficemen, d'autre part. En effet, il ressortirait des documents réunis par la Commission que différents producteurs espagnols, à savoir Portland Mallorca, Cementos del Mar, Cementos del Atlantico, Portland Valderrivas, Cementos Portland Hispania, Asland, Hornos Ibéricos, Hispacement, Cementos Cosmos, Tudela Veguin et Cementos Alba, ont participé aux réunions entre producteurs espagnols et portugais. Cimpor et Secil invoquent à cet égard le compte rendu de Cimpor relatif à la réunion du 22 juillet 1985 (documents n° 33.322/155 à 157), un document interne de Secil concernant cette même réunion (document n° 33.322/167), les notes de Cimpor relatives à la réunion du 23 janvier 1987 (documents n° 33.322/163 à 166), les notes internes d'Oficemen relatives à cette même réunion (documents n° 33.322/1406 à 1408) et les notes relatives aux réunions du 5 mars 1987 (document n° 33.322/171), du 6 mars 1987 (documents n° 33.322/1410 à 1412), du 5 février 1988 (document n° 33.322/161) et du 12 janvier 1989 (document n° 33.322/997).

2134. La Commission rétorque que les représentants des producteurs espagnols qui ont participé aux réunions visées au paragraphe 21 de la décision attaquée appartenaient à l'organe de direction d'Oficemen et ont participé en cette qualité aux réunions en question.

2135. Même si l'explication avancée par la Commission ne s'avère pas fondée, à tout le moins pour les réunions du 23 janvier 1987 (présence de M. Viñolas d'Asland), du 5 mars 1987 (présence de MM. Quemeda de Portland Valderrivas, Asunción d'Asland et del Fresno de Cementos Portland Hispania), du 5 février 1988 (présence de M. Suana d'Hornos Ibéricos) et du 21 avril 1988 (présence de M. Magan d'Hornos Ibéricos), il y a lieu de rappeler que la circonstance que des opérateurs qui se trouvaient dans une situation analogue à celle de Cimpor et de Secil n'ont fait l'objet d'aucune constatation d'infraction ne saurait en toute hypothèse permettre d'écarter l'infraction retenue à l'encontre de Cimpor et de Secil, dès lors que cette infraction a été correctement établie (arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146). Or, les motifs qui précèdent ont permis de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a conclu à bon droit que Cimpor et Secil ont participé à l'infraction du 1er janvier 1986 au 24 avril 1989. Dans ces circonstances, le grief de Cimpor et de Secil doit être rejeté.

Violation des droits de la défense à l'occasion de l'accès au dossier

A Documents à charge

2136. S'agissant des documents à charge qui n'auraient pas été rendus accessibles aux parties requérantes au cours de la procédure administrative, il importe de souligner à nouveau que, même si l'on écarte les extraits du document relatant le voyage de deux employés d'Hispacement à Lisbonne en mai 1986 (document n° 33.322/2901) et les autres documents qui n'avaient pas été rendus accessibles aux parties requérantes au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus points 369 à 374 et 2038 à 2040), la Commission a fourni, dans la décision attaquée, la preuve de l'existence de l'infraction reprochée et de la participation à celle-ci d'Oficemen, de Cimpor et de Secil.

B Documents à décharge

2137. Dans leur requête, Cimpor et Secil font valoir que les éléments du document d'Hispacement (documents n° 33.322/2898 à 2903) qui sont restés occultés au moment de la consultation du dossier d'instruction au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus points 369 à 372) contiennent des éléments à leur décharge.

2138. Toutefois, Cimpor et Secil ne sauraient soutenir pour la première fois dans leur requête que les passages initialement omis du document en question contenaient des éléments à décharge, puisqu'elles ont reçu la communication intégrale dudit document au cours de la procédure administrative un an et demi avant l'adoption de la décision attaquée, à savoir le 3 mai 1993. Si Cimpor et Secil estimaient que ce document contenait des éléments à leur décharge, elles étaient en mesure d'attirer l'attention de la Commission sur ce point avant l'adoption de la décision attaquée. En tout état de cause, aucun des éléments contenus dans les passages initialement omis n'est de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG [paragraphes 11 et 61, sous c)] et dans la décision attaquée (paragraphes 21 et 49) pour établir l'infraction (voir ci-dessus points 2101 et 2104 à 2106).

2139. Oficemen, Cimpor et Secil formulent par ailleurs une série d'observations à partir de documents qu'elles ont pu consulter à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 en matière d'accès au dossier. Selon elles, ces documents auraient été utiles au cours de la procédure administrative pour leur défense contre le grief qui leur était adressé. Hornos Ibéricos et Blue Circle invoquent également quelques documents se rapportant au même grief (Hornos Ibéricos: documents n° 33.322/124 à 133, 170, 905, 966 à 973, 1019, 1020, 1027, 1080 à 1089, 1319 à 1322, 1395, 1396 et 1409, ainsi que le chapitre 9 "Portugal" de la CG; Blue Circle: documents n° 33.322/2898 à 2903). Toutefois, les observations qu'elles auraient pu développer à partir de ces documents n'auraient pas pu conduire la procédure administrative à un résultat différent pour ces parties requérantes, dès lors qu'elles ne sont pas visées par l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée (voir ci-dessus point 256).

1. Affaire T-59-95, Oficemen/Commission

2140. Oficemen présente, dans ses observations du 10 février 1997, une série de documents figurant dans le dossier relatif au Portugal qui attesteraient l'impossibilité, pour les producteurs portugais, d'exporter du ciment sur le marché espagnol, dès lors que la consommation interne portugaise était pratiquement identique à leur production totale et qu'ils étaient tenus par des engagements de longue date à l'égard des marchés des anciennes colonies portugaises. Ainsi, les rapports d'activités de Cimpor de 1987 (document n° 33.322/905) et de Secil de 1988 (document n° 33.322/1072) feraient apparaître que, pendant la période 1983-1987, la production portugaise était mobilisée pour satisfaire la demande interne. Une lettre du 17 novembre 1987 de Cimpor à Secil (document n° 33.322/1021), qui fait référence aux intentions de cette dernière d'importer du ciment, prouverait que les producteurs portugais ne disposaient pas de capacités d'exportation. De même, les données figurant dans la télécopie adressée le 7 mars 1987 par Cimpor à Secil (documents n° 33.322/1025 et 1026), à propos des exportations vers l'Espagne, attesteraient le caractère sporadique de celles-ci et confirmeraient les difficultés rencontrées par les producteurs portugais pour approvisionner le marché voisin. Enfin, les données de l'ATIC relatives aux importations et aux exportations du Portugal en 1989 (document n° 33.322/197) démontreraient que l'industrie du ciment portugaise n'exportait que dans les pays avec lesquels elle avait des liens traditionnels (anciennes colonies portugaises comme la Guinée-Bissau et Sao Tomé). Ces données prouveraient donc que le faible potentiel qui pouvait exister pour l'exportation était principalement affecté au commerce avec ces marchés, ce qui aurait rendu impossibles des exportations vers l'Espagne.

2141. Il doit cependant être constaté que les explications alternatives qu'Oficemen aurait pu avancer pour justifier la faiblesse des échanges de ciment entre l'Espagne et le Portugal pendant la période considérée, à partir des différents documents qu'elle invoque, n'auraient pas été de nature à donner un éclairage différent au faisceau des preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG [paragraphes 11 et 61, sous c)] et dans la décision attaquée (paragraphes 21 et 49), et qui démontrent sans équivoque non seulement l'existence d'un accord, mais également sa mise en œuvre (voir ci-dessus points 2054 à 2092).

2. Affaires T-61-95, Cimpor/Commission, et T-62-95, Secil/Commission

2142. Dans leurs mémoires des 7 et 10 février 1997, Cimpor et Secil avancent, premièrement, une série d'arguments tirés de la non-communication des chapitres de la CG relatifs à l'Espagne (chapitres 8 et 18) au cours de la procédure administrative. Elles se réfèrent en particulier au paragraphe 55 de la CG (p. 155), qui conforterait leur argument selon lequel les réglementations techniques espagnoles expliqueraient la réduction des exportations de ciment vers l'Espagne. En outre, selon Secil, il ressortirait du même paragraphe (p. 151) qu'elle n'aurait eu aucun intérêt à souscrire à un accord qui aurait garanti aux producteurs espagnols qu'elle n'exporterait pas son ciment vers l'Espagne.

2143. Il convient de rappeler que la Commission s'est fondée, dans la CG [paragraphes 11 et 61, sous c)] et dans la décision attaquée (paragraphes 21 et 49), sur des preuves documentaires directes, et non sur le comportement des entreprises en cause sur le marché, pour établir l'existence de l'infraction et la participation de Cimpor et de Secil à celle-ci. Par conséquent, même si Cimpor et Secil avaient pu disposer des extraits des chapitres de la CG relatifs à l'Espagne au cours de la procédure administrative pour soutenir leurs deux arguments, ces extraits n'auraient pas été de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes invoquées par la Commission (voir ci-dessus points 2054 à 2092).

2144. Deuxièmement, Cimpor et Secil font valoir, dans leurs mémoires des 7 et 10 février 1997, que les paragraphes 55 et 87 de la CG (p. 153, 155 à 157 et 220) montrent que, si l'absence d'exportations était effectivement le résultat d'un accord, la responsabilité de cette infraction devrait être imputée non seulement à Oficemen, mais aussi aux producteurs de ciment espagnols. Elles prétendent que, si elles avaient eu accès aux pages en question de la CG, le caractère manifestement discriminatoire de la décision attaquée aurait pu être évité. Au soutien de ce même argument, elles se réfèrent encore à de nombreux documents du dossier d'instruction. Ainsi, elles font valoir qu'il ressort des statuts d'Oficemen (documents n° 33.322/1216 à 1219) que, dans l'hypothèse où un accord aurait été conclu, celui-ci n'aurait pu intervenir qu'entre les fabricants portugais et espagnols et non entre les premiers et Oficemen. Cet élément ressortirait en outre des comptes rendus des réunions du comité de direction d'Oficemen du 13 février 1986 (documents n° 33.322/1311 à 1318), du 18 septembre 1986 (documents n° 33.322/1319 à 1323), du 12 mars 1987 (documents n° 33.322/1329 à 1333) et du 10 mars 1988 (documents n° 33.322/1334 à 1340), de différents télex et notes de Cimpor, de Secil et d'Oficemen (documents n° 33.322/1035 à 1038), ainsi que des réponses d'Asland (documents n° 33.322/1801, 1802 et 1805) et d'Hispacement (document n° 33.322/2597) à une question formulée par la Commission au cours de la procédure administrative.

2145. Il convient de constater que, si Cimpor et Secil avaient pu relever, au cours de la procédure administrative, que plusieurs passages de la CG faisaient état d'une participation des entreprises espagnoles à l'entente hispano-portugaise, la Commission aurait tout au plus pu retenir la participation de ces dernières à l'infraction reprochée, à côté de celle, ou en lieu et place de celle, d'Oficemen. En revanche, une telle observation n'aurait nullement été de nature à disculper Cimpor et Secil, puisqu'elle n'aurait pas donné un éclairage différent aux preuves documentaires directes établissant la participation de Cimpor et de Secil à cette entente (voir ci-dessus points 2054 à 2092).

2146. Troisièmement, Cimpor et Secil font valoir, dans leurs mémoires du 21 janvier 1998, que, pendant la période visée par la décision attaquée, leur marché naturel, à savoir le marché portugais, a connu une conjoncture d'expansion. Dans de telles circonstances, il leur aurait été impossible de développer une politique d'exportation. Elles citent, à cet égard, un rapport au conseil d'administration de la société Ciments d'Obourg du 29 septembre 1988 (document n° 33.322/215). Elles invoquent encore différents procès-verbaux du Comite de Programación, comité créé par plusieurs entreprises espagnoles (documents n° 33.322/2816, 2820, 2829, 2830, 2833 et 2837). Ces documents confirmeraient que les entreprises portugaises n'avaient aucune possibilité d'exploiter à long terme le marché espagnol. Ils montreraient que, lorsque les excédents de production étaient significatifs, comme c'était le cas en Espagne, la définition d'une politique d'exportation n'aurait eu de sens qu'en direction des pays présentant des déficits réguliers et sous réserve de l'existence d'une capacité permanente de livrer du ciment et du clinker. Pour cette raison, des entreprises comme Asland, Molins, Sanson, Uniland, Portcemen et Hispacement auraient dû s'associer de manière à pallier les inconvénients entraînés par les fluctuations des excédents exportables. Au soutien du même argument, Secil invoque en outre un document intitulé "Peter Schuhmacher", daté du 22 mai 1980 (document n° 33.126/6007). Elle se réfère encore au rapport du voyage de M. Torrela, d'Hispacement, à Lisbonne, du 3 au 5 juin 1987 (document n° 33.322/2954), dont il ressortirait qu'elle n'avait, en 1986 et en 1987, aucune capacité d'exportation effective et qu'elle avait même importé du clinker. La note démontrerait d'ailleurs qu'Hispacement était consciente que les capacités d'exportation de Secil étaient purement théoriques.

2147. Il convient une nouvelle fois de rappeler que la Commission s'est fondée, dans la CG [paragraphes 11 et 61, sous c)] et dans la décision attaquée (paragraphes 21 et 49), sur des preuves documentaires directes pour établir l'existence de l'infraction et la participation à celle-ci de Cimpor et de Secil. En particulier, le compte rendu de Cimpor de la réunion du 22 juillet 1985 entre représentants des producteurs de ciment d'Espagne et du Portugal montre que les parties présentes "ont manifesté leur adhésion non équivoque au principe qu'il ne devait pas y avoir de mouvements de ciment d'Espagne vers le Portugal et du Portugal vers l'Espagne, à moins qu'il ne soient voulus ou contrôlés par l'industrie cimentière de chacun des deux pays". Le fait que différents documents confirment que les entreprises portugaises n'avaient aucun intérêt à ou aucune possibilité d'exploiter à long terme le marché espagnol n'est donc pas de nature à donner un éclairage différent aux éléments de preuves documentaires retenus par la Commission. En outre, l'argument de Cimpor et de Secil passe sous silence l'intérêt qu'avaient les producteurs portugais à ce que les producteurs espagnols n'exportent pas leur surproduction vers le Portugal.

2148. Quatrièmement, Cimpor et Secil estiment que le contenu d'un certain nombre de documents est inconciliable avec l'existence d'une entente hispano-portugaise ou leur participation à une telle entente. Elles expliquent que leur participation à différentes réunions avec les producteurs espagnols doit être comprise comme une réponse prudente de leur part aux préoccupations manifestées par les producteurs espagnols. Elles font valoir, dans leurs mémoires du 21 janvier 1998, que plusieurs documents soulignent la forte capacité exportatrice des entreprises espagnoles. Il s'agit de deux plans stratégiques de Cim-Bel (documents n° 33.126/8382 et 8406) et de notes internes de Lafarge des 20 et 25 avril 1988 (documents n° 33.126/4631 et 4621 à 4624). Cimpor invoque encore un document intitulé "Information de base 1987" de la CCB (voir ci-dessus point 1169) (documents n° 33.126/1634 et 1636). Il aurait été naturel que les entreprises portugaises perçoivent avec une certaine appréhension les préoccupations des entreprises espagnoles, dont les excédents étaient équivalents ou supérieurs au marché portugais, et qui se plaignaient de conditions de concurrence inégales. Cimpor et Secil prétendent que, si elles avaient eu accès à ces documents au cours de la procédure administrative, elles auraient été en mesure de mieux expliquer le contexte dans lequel s'étaient déroulées les réunions avec les producteurs espagnols.

2149. Cet argument doit être rejeté. En effet, le contexte dans lequel se sont inscrites les réunions entre producteurs espagnols et portugais était nécessairement connu de ceux-ci, parmi lesquels figuraient Cimpor et Secil. Rien n'empêchait dès lors ces entreprises d'avancer cet argument dès la procédure administrative. En outre, force est de constater que les documents mentionnés, qui font état de l'existence d'exportations espagnoles vers les marchés allemand, belge, néerlandais et français, ne contiennent aucun élément présentant un lien direct ou indirect avec les réunions qui ont eu lieu entre les producteurs espagnols et portugais et qui sont visées au paragraphe 21 de la décision attaquée. Cimpor et Secil ne sont donc pas parvenues à démontrer que l'accès, au cours de la procédure administrative, aux documents qu'elles invoquent, leur aurait permis de formuler un commentaire de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG [paragraphes 11 et 61, sous c)] et dans la décision attaquée (paragraphes 21 et 49).

2150. Cimpor et Secil font observer, dans leurs mémoires du 7 février 1997, que certains documents d'Oficemen (documents n° 33.322/1225 et 1372 à 1374) indiquent que quelques importations de ciment et de clinker en provenance d'Espagne ont eu lieu vers le Portugal entre 1986 et 1989. Elles relèvent ensuite que, dans les informations relatives à l'année 1988 élaborées par la direction générale des mines et de la construction (documents n° 33.322/1245 à 1289), les pages relatives aux importations et aux exportations de ciment manquent. Dans leurs mémoires du 21 janvier 1998, elles affirment que l'Informe General al Consejo de Administración (rapport général au conseil d'administration) d'Hispacement daté de mars 1987 (document n° 33.322/2941) prouve que les échanges de ciment entre le Portugal et l'Espagne n'ont pas cessé de croître entre 1986 et 1989, date à laquelle la nouvelle réglementation technique espagnole a barré l'accès du ciment portugais au marché espagnol. Le document confirmerait la tenue de réunions entre des entreprises espagnoles, en particulier entre Hispacement et Expocemsa, relatives à la coordination de l'exportation de sacs de ciment et de clinker vers le Portugal.

2151. Il convient de constater que les pages du rapport de la direction générale des mines et de la construction relatives aux importations et aux exportations de ciment ont été accessibles aux parties requérantes à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997. Il s'agit des pages 57 à 67 qui figurent au dossier en tant que documents n° 33.322/1273 à 1278. Toutefois, dans leurs mémoires du 21 janvier 1998, Cimpor et Secil n'ont pas prétendu que le fait de ne pas avoir eu accès à ces documents au cours de la procédure administrative a nui à leur défense.

2152. S'agissant de l'argument tiré d'une augmentation des exportations de ciment entre les deux pays concernés, il ressort du compte rendu de Cimpor concernant la réunion du 22 juillet 1985 que l'accord conclu entre producteurs portugais et espagnols n'interdisait pas tout mouvement de ciment entre les deux pays, mais uniquement les mouvements non voulus ou non contrôlés par l'industrie du ciment de chacun des deux pays (voir ci-dessus point 2045). En outre, force est de constater que l'argument en question a déjà été soulevé par les parties intéressées au cours de la procédure administrative. Il a toutefois été rejeté dans la décision attaquée. La Commission a en effet estimé que "l'augmentation des exportations ne [suffisait] pas à démanteler ce qui [avait] été constaté par des documents" (décision attaquée, paragraphe 21, point 11, dernier alinéa). Elle a aussi considéré (décision attaquée, paragraphe 49, point 4): "L'argument des parties selon lequel l'accord n'a pas empêché les mouvements de ciment entre les deux parties [...] n'est d'aucun poids. Comme la Cour l'a déjà affirmé en 1966, la circonstance qu'un accord n'empêche pas du tout, et même favorise, une augmentation du volume du commerce entre Etats n'exclut pas la restriction de concurrence ni que l'accord puisse affecter le commerce entre Etats puisque ce commerce aurait pu se développer sous d'autres conditions en l'absence de l'accord restrictif." Dans la mesure où les documents d'Oficemen (documents n° 33.322/1225 et 1372 à 1374) et le rapport d'Hispacement daté de mars 1987 (document n° 33.322/2941) étayent un argument déjà invoqué au cours de la procédure administrative, et en l'absence de toute explication des parties requérantes sur l'élément supplémentaire que ces documents auraient apporté à cet argument, force est de constater que Cimpor et Secil n'ont pas été en mesure d'établir que l'absence d'accès auxdits documents au cours de la procédure administrative a entraîné une violation de leurs droits de la défense.

2153. Cimpor se réfère encore, dans son mémoire du 7 février 1997, à un extrait du rapport annuel de Valenciana pour l'année 1988 (document n° 33.322/1818), qui contient une référence à une sous-utilisation de la capacité de production installée en Espagne, de l'ordre de 30 %. Elle soutient qu'elle aurait pu utiliser ce document à l'appui de son argument selon lequel il aurait été insensé pour elle, entreprise sans capacité d'exportation significative, de privilégier à l'exportation des marchés sur lesquels l'offre potentielle, résultant de la capacité installée, dépassait largement la demande.

2154. Il y a lieu d'observer que le fait qu'une entreprise espagnole, à savoir Valenciana, ait connu une sous- utilisation de sa capacité de production de l'ordre de 30 % ne présente aucun rapport direct avec l'entente ibérique constatée dans la CG et la décision attaquée. En tout état de cause, le document invoqué n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG [paragraphes 11 et 61, sous c)] et dans la décision attaquée (paragraphes 21 et 49) pour retenir l'existence de l'infraction et la participation de Cimpor à celle-ci. Il convient de rappeler, à cet égard, que c'est précisément une note de Cimpor relative à une réunion du 22 juillet 1985 qui énonce que les parties présentes "ont manifesté leur adhésion non équivoque au principe qu'il ne devait pas y avoir de mouvements de ciment d'Espagne vers le Portugal et du Portugal vers l'Espagne, à moins qu'ils ne soient voulus ou contrôlés par l'industrie cimentière de chacun des deux pays".

2155. Dans son mémoire du 21 janvier 1998, Secil se réfère à une note interne de Cimpor du 12 février 1987 (document n° 33.322/108), qui témoignerait de l'importation en 1987 de ciment de Cimpor dans les zones frontalières de l'Espagne, en quantités suffisantes pour que les entreprises espagnoles se sentent menacées. Elle cite également un document de Cimpor du 12 avril 1988 concernant Cementos del Norte (document n° 33.322/185), qui ferait état de menaces sérieuses d'exportation des excédents espagnols vers le Portugal et de la nécessité des mesures dissuasives lancées par Cimpor. Elle prétend qu'elle aurait pu utiliser ces documents pour expliquer les liens non collusoires entre les entreprises ibériques. Elle explique que le marché espagnol était menacé par les prix plus bas appliqués au Portugal et le marché portugais par les excédents espagnols. La concurrence aurait existé, même si elle était prudente et limitée par les circonstances, et toute idée de la limiter par un accord restrictif aurait été illusoire. Cette analyse serait corroborée par celle que Cimpor a faite le 17 mai 1988 de la proposition d'achat de l'usine de Souselas par l'entreprise Cementos del Norte (documents n° 33.322/256 à 269). A l'époque, Cementos del Norte se serait sentie menacée par la capacité d'exportation de l'usine de Souselas et sa stratégie d'acquisition aurait été vue comme une façon d'éliminer un concurrent. Cimpor aurait été consciente de l'agressivité des producteurs de ciment espagnols et aurait considéré effectivement le marché du nord de l'Espagne comme un marché naturel présentant d'importantes potentialités. Tant la stratégie poursuivie par Cementos del Norte que la réaction de Cimpor seraient inconciliables avec l'hypothèse d'une entente conclue entre les cimenteries des deux pays en vue de protéger leurs marchés nationaux respectifs et de décourager les échanges de ciment.

2156. La Commission s'est fondée, dans la CG [paragraphes 11 et 61, sous c)] et dans la décision attaquée (paragraphes 21 et 49), sur des preuves documentaires directes pour établir l'existence d'une entente hispano- portugaise et la participation des différentes parties requérantes concernées à celle-ci. Les documents mentionnés au point précédent n'auraient pas été utiles pour la défense de Secil. En effet, la Commission n'a jamais prétendu que l'accord reproché avait mis fin à toute exportation ou menace d'exportation de ciment entre les deux pays concernés. La CG (paragraphe 11, deuxième alinéa) et la décision attaquée (paragraphe 21, points 3 à 7) visent en effet différentes réunions entre producteurs portugais et Oficemen "ayant pour objet de s'informer réciproquement des exportations de ciment entre les deux pays". En outre, l'existence d'excédents de production en Espagne n'était pas de nature à rendre inapplicable l'article 85, paragraphe 1, du traité au comportement anticoncurrentiel des producteurs portugais, lequel ressort sans équivoque de différentes preuves documentaires directes (voir ci-dessus points 2054 à 2092). Enfin, les circonstances invoquées par la partie requérante démontrent que les producteurs portugais et espagnols avaient un intérêt réel à conclure l'entente litigieuse. Dès lors, si, au cours de la procédure administrative, Secil avait pu démontrer, sur la base des documents n° 33.322/108, 185 et 256 à 269, qu'il existait en 1988 des excédents de production en Espagne et des menaces d'exportation de ciment entre les deux pays, cette procédure n'aurait pas pu aboutir à un résultat différent. A titre surabondant, il y a lieu d'ajouter que les documents invoqués par Secil ne concernent que l'éventuel comportement de Cimpor sur le marché et ne sont donc nullement de nature à disculper Secil.

2157. Cinquièmement, Cimpor et Secil soutiennent, dans leurs mémoires du 21 janvier 1998, que différents documents auraient pu renforcer leur argument selon lequel les thèmes centraux des réunions entre producteurs espagnols et portugais, au cours de la période considérée par la décision attaquée, étaient la question des spécifications techniques et celle du contrôle de qualité du ciment importé. Elles se réfèrent sur ce point aux comptes rendus de réunions du comité de direction d'Oficemen du 18 septembre 1986 (documents n° 33.322/1319 à 1323), du 12 février 1987 (documents n° 33.322/1329 à 1333) et du 10 mars 1988 (documents n° 33.322/1334 à 1340). L'utilisation de ces documents au cours de la procédure administrative leur aurait donc permis de renforcer l'argumentation selon laquelle les entreprises espagnoles étaient surtout préoccupées par l'inégalité des conditions de concurrence et par l'idée que les échanges de ciment entre les deux pays présupposaient l'existence de réglementations techniques et de qualités similaires. Le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration d'Asland du 24 septembre 1986 (documents n° 33.322/1607 et 1608) aurait aussi été utile à cette fin. Ce document ferait ressortir qu'Asland était préoccupée par les importations de ciment sans origine déclarée et par la nécessité d'adopter des mesures destinées à les contrecarrer. Loin d'envisager sérieusement l'hypothèse d'un accord de répartition du marché, Asland aurait songé à l'adoption de contrôles statistiques et d'une certification de la qualité.

2158. Cimpor invoque d'autres documents qui, selon elle, auraient pu renforcer son argument selon lequel le thème central des réunions entre producteurs espagnols et portugais, au cours de la période considérée par la décision attaquée, était celui des différentes spécifications techniques en vigueur dans les deux pays et de leurs implications pour le commerce bilatéral. Dans son mémoire du 7 février 1997, elle se réfère à un extrait de l'ordre du jour de la réunion du comité de direction d'Oficemen du 15 février 1990 (documents n° 33.322/1362 et 1363) et, dans son mémoire du 21 janvier 1998, elle invoque le procès-verbal n° 11-88 du conseil d'administration de Secil du 12 mai 1988, relatif à la réunion avec les producteurs de ciment espagnols (documents n° 33.322/1048 et 1049), et une note interne de Secil du 10 mai 1988 (documents n° 33.322/1051 et 1052). Ces deux derniers documents montreraient encore que les entreprises des deux pays suivaient attentivement l'évolution des spécifications techniques "afin d'éviter des entraves mutuelles à l'entrée de ciment dans les deux pays".

2159. Force est de constater que cet argument a déjà été invoqué par les parties requérantes au cours de la procédure administrative (décision attaquée, paragraphe 21, point 10) et qu'il a été rejeté dans la décision attaquée. Ainsi, la Commission a estimé (décision attaquée, paragraphe 49, point 3): "[... S]i effectivement la préoccupation des parties était d'éviter la circulation de ciment ne correspondant pas aux normes d'un pays, une telle préoccupation n'explique pas pourquoi les contrôles des mouvements de ciment entre les deux pays par les producteurs mêmes auraient pu rendre le ciment exporté conforme aux normes du pays de destination. En outre [...] il n'appartient pas à une entreprise (ou à une association d'entreprises) de se substituer, de sa propre initiative, aux autorités publiques chargées de l'application des lois de son pays [...]" Elle a, par ailleurs, estimé (décision attaquée, paragraphe 21, point 11) que l'argument ne suffisait pas à "justifier la raison du contrôle des exportations éventuelles d'Espagne vers le Portugal, alors que le ciment espagnol [était] au moins de classe 35 et donc supérieur à la classe 30 portugaise". Dans la mesure où les documents n° 33.322/1048, 1049, 1051, 1052, 1319 à 1323, 1329 à 1333, 1334 à 1340, 1362, 1363, 1607 et 1608 étayent un argument déjà invoqué au cours de la procédure administrative, et en l'absence de toute explication des parties requérantes sur l'élément supplémentaire que ces documents auraient apporté à cet argument, force est de constater que Cimpor et Secil n'ont pas été en mesure d'établir que, si elles avaient eu accès auxdits documents au cours de la procédure administrative, celle-ci aurait pu aboutir à un résultat différent.

2160. Cimpor ajoute, dans son mémoire du 21 janvier 1998, que divers documents mettent en évidence le fait que les producteurs d'autres Etats membres ainsi que Cembureau ont attaché une importance à l'harmonisation et à la nécessité que la concurrence se déroule dans des conditions d'égalité et sans pratiques de dumping [procès-verbaux des réunions du comité de direction de la FIC des 29 juin 1977 (documents n° 33.126/1953 à 1965), 12 juillet 1978 (documents n° 33.126/1967 à 1974), 17 octobre 1979 (documents n° 33.126/1976 à 1988), 12 décembre 1979 (documents n° 33.126/1990 à 1999), 9 juillet 1980 (document n° 33.126/2009), 8 décembre 1982 (documents n° 33.126/2026 à 2033), 23 février 1983 (documents n° 33.126/2035 à 2043) et 13 juillet 1983 (documents n° 33.126/2044 à 2049)]. L'accès à ces documents au cours de la procédure administrative lui aurait en fait permis de souligner la pertinence de la question des spécifications techniques et du contrôle de qualité dans le cadre des relations entre l'industrie espagnole et l'industrie portugaise.

2161. Toutefois, il doit être constaté que les documents visés ne présentent aucun rapport avec l'infraction retenue. Ils ne contiennent, en outre, aucun élément d'information concernant les marchés ou les producteurs espagnols et portugais. Il est donc exclu que leur contenu ait pu donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes utilisées par la Commission tant dans la CG [paragraphes 11 et 61, sous c)] que dans la décision attaquée (paragraphes 21 et 49).

2162. Sixièmement, Cimpor et Secil se réfèrent, dans leurs mémoires du 21 janvier 1998, à un grand nombre de documents relatifs à des accords conclus entre entreprises italiennes ainsi qu'entre des entreprises italiennes et des entreprises suisses (documents n° 33.126/2902, 2916, 2919 à 2921, 2943, 2976, 2985 à 3013, 3014 à 3032, 3033 à 3036, 3042, 3043, 3053 à 3059, 3110 à 3126, 3127 à 3131, 11878 à 11966, 12083 à 12113 et 12116 à 12135). Elles prétendent que l'accès à ces documents au cours de la procédure administrative leur aurait permis de dénoncer avec plus de clarté et de véhémence le caractère précaire des preuves retenues contre elles, compte tenu surtout des situations apparemment institutionnalisées et organisées de répartition du marché que connaissaient les entreprises du secteur du ciment dans les divers Etats membres.

2163. Sur ce point, il suffit de relever que l'existence éventuelle d'ententes institutionnalisées entre producteurs italiens et suisses n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG [paragraphes 11 et 61, sous c)] et dans la décision attaquée (paragraphes 21 et 49) pour constater l'existence de l'infraction et la participation à celle-ci de producteurs portugais.

2164. Il résulte de tout ce qui précède que les droits de la défense d'Oficemen, de Cimpor et de Secil n'ont pas été affectés par l'absence d'accès aux parties de la CG et aux documents qu'elles ont invoqués à leur décharge au cours de la présente procédure.

Conclusion

2165. Il ressort de tout ce qui précède (voir ci-dessus points 2036 à 2164) que les moyens examinés doivent être rejetés.

VII Sur les moyens tirés de violations des articles 85, paragraphe 1, et 190 du traité, du principe d'égalité de traitement et des droits de la défense, en ce que la Commission constate l'existence d'une entente franco- allemande contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité et la participation des différentes parties requérantes mises en cause [décision attaquée, article 3, paragraphe 3, sous a)]

Observations liminaires

2166. Dyckerhoff (T-35-95), le SFIC (T-36-95), Cedest (T-38-95), Ciments français (T-39-95), Heidelberger (T- 42-95), Lafarge (T-43-95) et le BDZ (T-48-95), à l'encontre desquels l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée constate une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité consistant en une entente franco-allemande, contestent l'existence de celle-ci ainsi que leur participation à l'infraction. Ciments français et Heidelberger contestent précisément l'existence des différents éléments retenus au titre de cette infraction, à savoir un accord de répartition du marché de la Sarre, différentes pratiques concertées et un accord de réglementation générale des livraisons de ciment entre la France et l'Allemagne, ou à tout le moins leur participation à ceux-ci. Dyckerhoff, le SFIC, Cedest, Lafarge et le BDZ contestent l'existence de certains de ces éléments, ou à tout le moins leur participation à ceux-ci. Ciments français, Heidelberger et Lafarge critiquent la durée de leur participation à l'infraction. Ciments français critique aussi le caractère artificiel du lien que la Commission établit entre les trois éléments retenus au titre de cette infraction. Les griefs des parties requérantes portent tant sur l'appréciation du contexte économique de la prétendue entente franco-allemande que sur l'interprétation des éléments de preuve présentés par la Commission dans la décision attaquée.

2167. Avant d'apprécier le bien-fondé des différents arguments avancés, il y a lieu d'examiner l'infraction en cause, telle qu'elle est présentée dans la décision attaquée.

2168. La Commission constate à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de celle-ci que le SFIC, Lafarge, Ciments français, Cedest, le BDZ, Dyckerhoff et Heidelberger "ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, du 23 juin 1982 au 30 septembre 1989 au moins, en participant à des accords et à des pratiques concertées portant sur la réglementation des livraisons de ciment de France vers l'Allemagne et d'Allemagne vers la France". Les développements qu'elle consacre dans la décision attaquée à cette infraction figurent, dans l'exposé des faits, au paragraphe 22, points 1 à 11 et 13 à 18, premier alinéa, et, dans l'appréciation juridique, au paragraphe 50, points 1 à 4.

2169. Il ressort de ces développements que, se prévalant du contenu de plusieurs documents, la Commission relève successivement l'existence, à partir de 1982, d'un accord de répartition du marché de la Sarre et de pratiques concertées entre différents producteurs et associations français et allemands, et, à partir de 1984, d'un accord portant sur la réglementation générale des livraisons de ciment entre la France et l'Allemagne.

2170. Elle précise au paragraphe 50, point 4, premier et troisième alinéas:

"Compte tenu du fait que l'accord relatif à la répartition du marché de la Sarre, les pratiques concertées relatives à la recherche d'une solution portant sur la limitation des ventes de Cedest en Allemagne en dehors de la Sarre et l'accord de 1984 dont il est question dans la lettre du 22 septembre 1986 avaient tous pour objet la répartition des marchés et la limitation des flux transfrontaliers de ciment entre la France et l'Allemagne, la Commission estime que ces accords et ces pratiques concertées peuvent être considérés comme une infraction unique et continue.

[...]

L'infraction unique et continue concernant la limitation des flux transfrontaliers entre la France et l'Allemagne a été commise, du 23 juin 1982 au 30 septembre 1989, par le [SFIC], Cedest, Ciments français, Lafarge, [le BDZ], Dyckerhoff et Heidelberger."

2171. La Commission retient donc la participation de ces parties requérantes à une infraction constituée par différents éléments, dont elle prétend avoir établi l'existence sur la base de preuves documentaires directes. Les arguments avancés par les parties requérantes tendent à démontrer que la Commission n'a pas rapporté la preuve de ses allégations. Il convient de les examiner successivement en fonction des éléments infractionnels sur lesquels ils portent.

Accord de répartition du marché de la Sarre

2172. Il ressort de la décision attaquée que la Commission, ainsi qu'elle l'a confirmé implicitement dans ses mémoires et explicitement dans sa réponse à une question écrite du Tribunal dans les affaires T-35-95, T-36-95, T-38-95, T-39-95, T-42-95, T-43-95 et T-48-95, a considéré que l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée comprenait notamment, comme élément constitutif, un accord de répartition du marché de la Sarre.

2173. Sans apporter d'indications précises quant à la date à laquelle cet accord aurait été conclu, ou à compter de laquelle il aurait été appliqué, elle relève dans l'appréciation juridique de la décision attaquée (paragraphe 50, point 2, premier et deuxième alinéas):

"Les notes des 23 juin 1982, 22 juillet 1982 et 17 novembre 1982 [...] montrent que la répartition des ventes sur le marché sarrois entre Ciments français, Cedest, Heidelberger et Dyckerhoff était un fait acquis et non contesté par aucune des entreprises concernées car la contestation concernait d'autres marchés ('Sarre exclue).

L'existence de cet accord est confirmée par la déclaration, faite par Dyckerhoff à Ciments français au cours de la rencontre des 9 et 10 mai 1983 [...], selon laquelle elle n'entendait pas vendre en Sarre et en France le ciment obtenu par le broyage de 100 000 t de clinker auprès de l'usine de Ciments luxembourgeois."

2174. Elle estime que l'existence de cet accord est non seulement antérieure à la période litigieuse, mais également contemporaine à celle-ci. Elle souligne en effet (paragraphe 22, point 17, second alinéa): "[...] l'accord sur la Sarre est évoqué par les notes de deux producteurs différents; cet accord est mentionné dans les deux notes non seulement comme fait historique mais aussi comme fait actuel [...]"

2175. Selon elle, les trois documents qu'elle cite au paragraphe 50, point 2, premier alinéa, de la décision attaquée permettent de constater que Cedest a commencé à vendre du ciment dans d'autres Länder allemands que la Sarre, ce qui aurait conduit les producteurs allemands à réagir en "attaquant" le marché de l'Est de la France, au détriment des producteurs français qui y étaient présents. La démarche de Cedest n'aurait cependant pas affecté l'application de l'accord de répartition du marché de la Sarre, de sorte que l'accord préexistant aurait persisté et que les autres parties intéressées par la réglementation générale des livraisons de ciment entre la France et l'Allemagne, à la suite du comportement de Cedest, auraient pris part à l'accord de répartition du marché de la Sarre à cette occasion, en l'intégrant dans des arrangements plus vastes.

2176. La Commission explique ainsi (paragraphe 50, points 2, troisième alinéa, et 3, premier alinéa):

"Cet accord de répartition du marché sarrois concernait au début Ciments français, Cedest, Heidelberger et Dyckerhoff. Toutefois, compte tenu de ce qui est exposé aux points 3, 4 et 5 ci-après, la Commission estime que cet accord fait partie des arrangements plus vastes concernant l'ensemble des rapports entre les producteurs allemands et français qui n'étaient plus limités à ces seuls quatre producteurs.

Suite aux exportations de Cedest dans les Länder allemands autres que la Sarre et aux réactions en France des producteurs allemands, il y a eu des concertations bilatérales ayant pour objectif de limiter les flux transfrontaliers de ciment."

2177. Les concertations bilatérales évoquées correspondent, selon l'économie de la décision attaquée, aux pratiques concertées visées à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée.

2178. La Commission précise par ailleurs au paragraphe 50, point 4, deuxième alinéa:

"Même si au départ le [SFIC], le [BDZ] et Lafarge n'étaient pas parties à l'accord sur la Sarre, elles l'ont accepté à partir du 23 juin 1982, c'est-à-dire à partir du moment où elles ont agi pour étendre l'accord sur la Sarre à d'autres Länder allemands et pour insérer cet accord dans le cadre plus vaste de la réglementation des flux commerciaux franco-allemands."

2179. En outre, elle expose (paragraphe 50, point 4, premier alinéa) que l'identité d'objet de "l'accord relatif à la répartition du marché de la Sarre, [d]es pratiques concertées relatives à la recherche d'une solution portant sur la limitation des ventes de Cedest en Allemagne en dehors de la Sarre et [de] l'accord de 1984 dont il est question dans la lettre du 22 septembre 1986" lui permet de considérer ces accords et pratiques concertées comme une infraction unique et continue.

2180. Dans ces conditions, même si, dans la décision attaquée, la Commission retient seulement le caractère infractionnel des pratiques concertées qui auraient été mises en œuvre de 1982 à 1984 et de l'accord qui aurait été conclu en 1984, lorsqu'elle indique (paragraphe 50, point 3, dernier alinéa) que "les pratiques concertées décrites dans le présent point qui ont eu lieu de 1982 à 1984 et l'accord de 1984 résultant de la lettre du 22 septembre 1986 constituent des infractions à l'article 85, paragraphe 1, commises par le [SFIC], Cedest, Ciments français, Lafarge, le [BDZ], Dyckerhoff et Heidelberger", l'absence de mention expresse de l'accord de répartition du marché de la Sarre ne laisse cependant subsister aucune équivoque sur le statut réservé par la Commission, dans la décision attaquée, audit accord, contrairement aux allégations du BDZ. Au demeurant, le libellé de l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée retient la participation des parties requérantes en cause à des accords et à des pratiques concertées. Or, l'utilisation du pluriel confirme que l'accord de répartition du marché de la Sarre est considéré comme l'un des éléments constitutifs de cette infraction.

2181. Sur le terrain de la preuve, Dyckerhoff, Ciments français, Heidelberger et le BDZ prétendent que la Commission n'a pas établi l'existence d'un accord de répartition du marché de la Sarre en 1982 et 1983. Cedest (T-38-95) conteste quant à elle avoir participé à un tel accord à cette époque.

2182. Pour établir l'existence dudit accord, la Commission invoque dans la décision attaquée (paragraphes 22, point 2, et 50, points 1 et 2), d'une part, quatre documents et, d'autre part, la constitution d'une société de transport, la Saarländische Silo-Transport GmbH (ci-après "SST").

2183. Les quatre documents invoqués amènent la Commission à considérer que l'accord de répartition du marché de la Sarre était un fait acquis et incontesté en 1982 et 1983 pour Ciments français, Cedest, Heidelberger et Dyckerhoff (décision attaquée, paragraphe 50, point 2).

2184. Cependant, l'analyse de ces éléments présentée par la Commission dans la décision attaquée et dans le cadre de la présente procédure ne peut être retenue.

2185. Il ressort en effet de deux documents mentionnés dans la décision attaquée que l'accord de répartition du marché de la Sarre auquel ils font référence s'inscrivait, à tout le moins jusqu'à ce que Cedest adoptât un comportement commercial plus agressif en Allemagne, dans un contexte plus large de réglementation des transferts de ciment entre la France et l'Allemagne.

2186. En premier lieu, il est précisé dans une note interne de Vicat du 22 juillet 1982 (documents n° 33.126/6055 à 6057), citée au paragraphe 22, point 1, de la décision attaquée et intitulée "Livraisons de ciment allemand dans l'est de la France", que les ventes sur le marché de la Sarre avaient lieu, au moins jusqu'en 1977, selon une répartition délibérée entre Cedest, Ciments français, Dyckerhoff et Heidelberger.

2187. En effet, dans le premier point de cette note consacrée à l'historique des livraisons de ciment allemand dans l'Est de la France, l'auteur relève:

"Le point de départ de cette affaire est historiquement le rattachement économique à la RFA de la Sarre en 1959.

[...] Pendant la période 1947-1959, les fournitures de ciment furent effectuées par répartition délibérée par le canal des sidérurgistes français (Thionville et Hagondange) et allemands.

Les livraisons se faisaient donc jusqu'à ces dernières années dans la relation suivante:

SCF [Ciments français] = 120 000 tonnes/an par le canal de Saarländische Zement Gesellschaft (affiliée à SCF [Ciments français]);

Cedest = 90 000 tonnes/an;

Producteurs allemands (Dyckerhoff au départ de l'usine de Gommel et Heidelberg [Heidelberger]) = 250 000 tonnes/an;

[...]

Cette situation reconnue de tous a été profondément amendée il y a environ cinq ans par Cedest qui, non contente d'approvisionner le marché sarrois, s'est adjugé pour une part annuelle d'environ 100 à 120 000 tonnes/an toute une couche d'utilisateurs allemands. Cette novation a engendré des protestations véhémentes des producteurs allemands qui, las des discussions stériles, ont pris l'initiative, en envahissant l'Est de la France, de transporter ce manque à gagner sur le marché français en visant particulièrement la clientèle Cedest."

2188. L'auteur de cette note estime donc que la situation antérieure, qui comportait un accord de répartition du marché de la Sarre, a été profondément amendée par le comportement de Cedest. Celle-ci n'aurait plus été satisfaite de son quota de répartition dans la Sarre et aurait commencé à vendre à des clients allemands établis en dehors de la Sarre une quantité de ciment d'environ 120 000 tonnes. Cette profonde modification de la situation aurait conduit les producteurs allemands à réagir et à commencer à vendre leur ciment en France, plus particulièrement dans l'Est. Dans l'esprit de l'auteur de la note, l'accord de répartition du marché de la Sarre prend donc place dans un arrangement plus vaste, qui vise également les transferts de ciment entre la France et l'Allemagne dans d'autres régions que la Sarre.

2189. Les autres passages du document confirment que cet accord de répartition du marché de la Sarre, qui aurait à tout le moins existé de 1959 à 1977, n'a plus été appliqué par la suite.

2190. Ainsi, ledit document relève encore:

"En dépit de la dévaluation du franc français et des mesures de blocage de prix (11/06/1982), les producteurs allemands ont pris l'initiative d'intensifier leur action dans l'Est.

[...]

De surcroît, Cedest fait en sorte de pourrir le climat, ce qui ne peut que déboucher sur une situation conflictuelle qui risque de faire tache d'huile à un moment où nous tentons de valoriser nos tonnes.

Le problème demeure toutefois entier pour ce qui concerne les tonnes prises sur le marché français par les producteurs allemands du fait de l'attitude de Cedest."

2191. Dès lors, il ne saurait être déduit de la note en cause que, comme le prétend la Commission (décision attaquée, paragraphe 50, point 2), il subsistait en 1982 un accord de répartition du marché de la Sarre.

2192. En second lieu, il ressort d'une note interne manuscrite de Lafarge du 23 juin 1982 (documents n° 33.126/6592 à 6596), citée au paragraphe 22, point 4, de la décision attaquée, que l'accord de répartition du marché de la Sarre, qui a existé jusque dans les années 70, constituait la réaction des producteurs concernés à la première perturbation des relations entre les producteurs français et allemands. Dans le cadre de cette réaction, il fut décidé de procéder à une répartition du marché de la Sarre à raison d'une moitié des ventes pour les producteurs français et de l'autre moitié pour les producteurs allemands, indication qui recoupe les indications de la note de Vicat du 22 juillet 1982 selon lesquelles Cedest et Ciments français détenaient un quota de 210 000 tonnes et Dyckerhoff et Heidelberger un quota de 250 000 tonnes (voir ci-dessus point 2187). La note interne de Lafarge du 23 juin 1982 confirme en fait que l'accord de répartition du marché de la Sarre s'inscrivait dans un contexte plus large de réglementation des transferts de ciment entre la France et l'Allemagne.

2193. Ladite note relate des discussions entre Lafarge et Dyckerhoff. En effet, même si le producteur allemand en question n'est pas expressément nommé dans le document, son identification découle, d'une part, de l'utilisation des lettres "GR" dans le texte pour rendre compte des propos tenus en fait par M. Grüner, membre du personnel de Dyckerhoff, ainsi que, d'autre part, des indications de la décision attaquée (paragraphe 22, point 4) et des arguments échangés par les parties dans le cadre des affaires T-35-95 et T-43-95.

2194. L'auteur de la note rapporte en ces termes les propos de M. Grüner:

"Gr 1) Rappel histoire

Il y a deux ans, occasion de parler avec G d'A. des affaires

Laf.[Lafarge] en All.

Relations Cedest All. du Sud

La première perturbation fut la Sarre. Règle du jeu répartit. fifty-fifty| franc avec résultat

alle m

relèvement du prix de 15 DM ou %. Clause

catastroph 5 000 t en trop ->nécess.

10 000 on réagit

Cela a fonctionné

Vers 1970 Thionvill[o]ise commence à fournir 20-30 000 [...]

après -} W [Wössingen]

[...]"

2195. La Commission précise dans la décision attaquée (paragraphe 22, point 4), sans être contredite par les parties requérantes, que la "Thionvill[o]ise" désignait en fait Cedest.

2196. Le contenu de la note analysée démontre que Cedest n'a plus respecté l'accord de répartition du marché de la Sarre depuis le début des années 70, en dépassant manifestement son quota. Or, comme il ressort de la note interne de Vicat du 22 juillet 1982 que Cedest a également vendu du ciment dans d'autres régions allemandes que la Sarre depuis la fin des années 70, ce qui aurait profondément amendé la situation prévalant jusqu'alors entre la France et l'Allemagne (voir ci-dessus point 2187), la note de Lafarge confirme que le comportement de Cedest et la réaction des producteurs allemands visaient tant la Sarre que d'autres régions de part et d'autre de la frontière.

2197. L'auteur de la note de Lafarge indique d'ailleurs dans un autre passage que "[...] Cedest a voulu faire éclater le syst. franç. [...]", ce qui démontre également que l'attitude de Cedest était perçue comme une remise en cause de la situation dans son ensemble.

2198. Il précise en outre que "BC" se demande "où en sont les droits de Cedest puisque cela dure depuis dix ans". Ces propos émanent de M. B. Collomb, de Lafarge, représentant lors de cette rencontre les intérêts de Wössingen (anciennement Portland Zementwerk Wössingen, en abrégé PZW), filiale allemande de Lafarge (décision attaquée, paragraphe 22, point 11, quatrième alinéa), M. Collomb étant membre de la direction de ladite filiale. De tels propos montrent que la perturbation provoquée par le comportement de Cedest persistait depuis dix ans au moment de la rédaction de la note.

2199. Dès lors, il ne saurait être soutenu que la note interne de Lafarge du 23 juin 1982 démontre que l'accord de répartition du marché de la Sarre était encore appliqué en 1982 et 1983.

2200. Ce document ainsi que le précédent permettent de conclure que l'accord de répartition du marché de la Sarre constituait un arrangement dont le domaine d'application dépassait les frontières du Land de Sarre et s'étendait à l'ensemble des relations entre la France et l'Allemagne. L'entente consistait à ne pas vendre de ciment au-delà de ses frontières et, en cas de ventes, à le faire dans les limites convenues, comme pour le marché de la Sarre, qui connaissait un régime d'exception, en raison de l'histoire du rattachement de ce Land. En revanche, les deux documents ne montrent pas que l'accord existait encore en 1982 et 1983, puisqu'ils rendent compte de sa remise en cause non seulement par Cedest, mais aussi par les producteurs allemands.

2201. La Commission cite encore deux documents au soutien de sa thèse: une note interne de Lafarge non datée (documents n° 33.126/6582 et 6583), citée au paragraphe 22, point 7, de la décision attaquée, relatant le contenu de discussions qui auraient eu lieu lors d'une réunion du 17 novembre 1982 entre Cedest, Dyckerhoff et Heidelberger, et un compte rendu de Ciments français du 17 mai 1983 (documents n° 33.126/4251 à 4253), cité au paragraphe 22, point 9, de la décision attaquée, relatant une rencontre entre Ciments français et Dyckerhoff les 9 et 10 mai 1983.

2202. Ces deux documents ne contredisent cependant pas la constatation découlant de l'examen des notes internes de Vicat du 22 juillet 1982 et de Lafarge du 23 juin 1982.

2203. En premier lieu, la note interne de Lafarge non datée, intitulée "Réunion au sommet CEDEST/DYCK/HEI 17/11", a pour en-tête "JM à B. Collomb". Elle comporte un premier alinéa formulé dans les termes suivants: "Knut BFB m'a appelé cet après-midi pour me faire un compte rendu succinct de la réunion d'hier matin, prolongée par un déjeuner, le tout 'dans la meilleure des ambiances participants: Seillière + Renard Lose-Gruner Brenke." Les initiales "JM" sont celles de M. J. Marichal, qui représente Lafarge. MM. de Seillière et Renard représentent Cedest. L'abréviation "Knut BFB" correspond au nom de l'un des associés de Lafarge dans sa filiale Wössingen, M. Knut Bücker-Flürenbrock. MM. J. Lose et H. Grüner représentent Dyckerhoff. M. T. Brenke représente Heidelberger.

2204. Il ressort ainsi de ce premier alinéa de la note, non reproduit dans la décision attaquée, que les informations qu'elle contient proviennent d'une personne, M. Knut Bücker-Flürenbrock, qui n'avait pas participé à la réunion en cause du 17 novembre 1982.

2205. Or, dans ses observations du 7 janvier 1998 sur l'accès au dossier de la Commission qui lui a été accordé à la suite de la mesure d'organisation de la procédure adoptée les 18 et 19 juin 1997, Cedest s'est notamment prévalue du contenu d'une note interne de Lafarge du 7 janvier 1983 (documents n° 33.126/7514 à 7516), qui ne lui avait pas été rendue accessible au cours de la procédure administrative, pour contester la valeur probante de la note interne de Lafarge citée au paragraphe 22, point 7, de la décision attaquée et pour établir la persistance de son comportement autonome en Allemagne à cette époque.

2206. Force est de constater que cette note du 7 janvier 1983, dont la Commission n'a pas contesté, lors de l'audience dans l'affaire T-38-95, qu'elle présente un lien objectif avec un grief retenu à l'encontre de Cedest, non seulement aurait pu être utile à celle-ci dans l'exercice de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus point 247 et ci-après points 2284 à 2290), mais donne un éclairage nouveau au contenu de la note interne de Lafarge citée au paragraphe 22, point 7, de la décision attaquée quant aux propos réellement tenus par les représentants de Cedest au cours de la réunion du 17 novembre 1982 avec des représentants de Dyckerhoff et de Heidelberger.

2207. La note interne du 7 janvier 1983 est un compte rendu interne des informations recueillies par deux représentants de Lafarge, MM. Collomb et Marichal, lors d'une rencontre du 10 décembre 1982, notamment avec des représentants de Dyckerhoff et de Heidelberger, à l'occasion du jubilé des frères E. et K. Bücker-Flürenbrock, les associés de Lafarge au sein de Wössingen. Cette note énonce, sous un titre "Lose et Bremke": "Rien de bien spécial, très aimables. Le refrain traditionnel: 'vous devriez vous intégrer dans la profession en RFA' mais sans élément neuf. 'Oui, nous avons eu une conversation avec Cedest. La forme a été très feutrée, agréable, mais dans le fond, il n'y a rien de changé. Ils n'ont par contre fait aucune allusion à ce que Knut Bücker- Flürenbrock prétend avoir été dit, par Cedest au cours de cette réunion, à savoir: 'Nous sommes tout disposés à faire prendre par RMC des tonnages supplémentaires de ciment à Wössingen. Mais en pareil cas, RMC achètera moins de ciment en Rhénanie-Westphalie, c'est-à-dire à Dyckerhoff."

2208. Plusieurs éléments montrent que ce passage de la note se rapporte à la réunion du 17 novembre 1982 entre Cedest, Dyckerhoff et Heidelberger. En premier lieu, M. Lose représente Dyckerhoff et le nom "Bremke" correspond à M. T. Brenke, qui représente Heidelberger. En deuxième lieu, la rencontre ayant fait l'objet de la note du 7 janvier 1983 a eu lieu le 10 décembre 1982, soit moins d'un mois après la réunion du 17 novembre 1982 entre Cedest, Dyckerhoff et Heidelberger. En troisième lieu, les deux notes, tant celle du 7 janvier 1983 que celle citée dans la décision attaquée (paragraphe 22, point 7), sont des notes internes de Lafarge, rédigées par la même personne, à savoir M. Marichal. En quatrième lieu, les termes utilisés dans la note du 7 janvier 1983 montrent le lien existant entre cette note et celle, non datée, citée dans la décision attaquée (paragraphe 22, point 7). Ainsi, le premier alinéa de cette note non datée indique qu'elle constitue le compte rendu de la réunion du 17 novembre 1982, que M. K. Bücker-Flürenbrock a fait par téléphone à M. Marichal le 18 novembre 1982 (voir ci- dessus point 2203). Or, la note du 7 janvier 1983 non seulement fait état de l'ambiance agréable de la réunion que MM. Lose, de Dyckerhoff, et Brenke, de Heidelberger, ont eue avec des représentants de Cedest, mais se réfère expressément aux propos que M. Bücker-Flürenbrock prête à Cedest au cours de ladite réunion (voir point précédent).

2209. Les termes utilisés dans la note du 7 janvier 1983 et l'origine des informations dont elle rend compte privent donc de toute valeur probante le document utilisé par la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 22, point 7) pour rapporter les propos que les représentants de Cedest auraient tenus au cours de la réunion du 17 novembre 1982 sur le marché de la Sarre.

2210. D'une part, ils contredisent directement ceux de la note citée dans la décision attaquée par la Commission pour conclure que Cedest était prête à limiter ses ventes en Allemagne et à les adapter à l'évolution du marché (paragraphes 22, point 7, et 50, point 3, deuxième alinéa). D'autre part, à la différence de la note interne citée dans la décision attaquée (paragraphe 22, point 7), ils rendent compte d'informations recueillies auprès de personnes, MM. Lose et Brenke, qui ont effectivement assisté à la réunion du 17 novembre 1982 entre Cedest, Dyckerhoff et Heidelberger.

2211. Il s'ensuit que, outre le fait que l'absence d'accès à la note du 7 janvier 1983 au cours de la procédure administrative a affecté les droits de la défense de Cedest (voir ci-après points 2284 à 2290), son contenu démontre que la Commission a commis une erreur d'appréciation lorsque, se fondant sur les passages de la note interne non datée citée dans la décision attaquée, selon lesquels "[...] 1. M. Seillière a, pour la première fois, sorti les chiffres suivants (export. en RFA, Sarre exclue): [...] 3. Cedest a réaffirmé sa volonté de ne vendre en RFA (Ci) qu'à RMC... et PZW [Wössingen]. Elle serait aussi d'accord pour adapter, dans l'avenir, ses fournitures en RFA (tjs Sarre exclue) à l'évolution des expéditions dans ce pays, à la baisse comme à la hausse [...]", elle a considéré que "Cedest [était] prête à limiter ses ventes en Allemagne et à les adapter à l'évolution du marché" (décision attaquée, paragraphe 22, point 7) et qu'elle avait "déclaré à Dyckerhoff et Heidelberger qu'elle ne voulait pas vendre en République fédérale d'Allemagne qu'à RMC et à PZW et qu'elle était d'accord 'pour adapter, dans l'avenir, ses fournitures en RFA (toujours Sarre exclue) à l'évolution des expéditions dans ce pays, à la baisse comme à la hausse (voir note du 17.11.82 au paragraphe 22, point 7 ci-dessus)" (décision attaquée, paragraphe 50, point 3, deuxième alinéa).

2212. Dans ce contexte, la Commission ne saurait établir l'existence d'un accord de répartition du marché de la Sarre en 1982 et 1983 en se fondant sur les seuls propos que, selon la note interne de Lafarge citée dans la décision attaquée, M. Knut Bücker-Flürenbrock prête aux représentants de Cedest.

2213. En second lieu, la Commission ne démontre pas la poursuite d'un accord global de répartition du marché de la Sarre sur la base du seul compte rendu de Ciments français du 17 mai 1983 (décision attaquée, paragraphe 22, point 9; documents n° 33.126/4251 à 4253). Son contenu permet tout au plus de déduire l'existence d'un échange de vues entre Dyckerhoff et Ciments français concernant le marché de la Sarre.

2214. Les termes utilisés indiquent en effet que la situation de la Sarre est envisagée, à tout le moins par Ciments français, de façon distincte de celle de la "région" dans laquelle Ciments français organise son activité industrielle à partir de la société luxembourgeoise Intermoselle, au sein de laquelle elle est associée à Ciments luxembourgeois et à Dyckerhoff.

2215. Ainsi, dès le paragraphe 1, second alinéa, l'auteur du compte rendu, parlant d'un représentant de Dyckerhoff, M. Grüner, qui prend sa retraite, relève: "Cependant il resterait actif, en particulier pour les relations avec les pays voisins. Il est donc probable qu'il continuera à s'occuper sous une forme ou sous une autre d'Intermoselle, des Ciments luxembourgeois, et peut-être de la situation en Sarre."

2216. Au paragraphe 5, deuxième et troisième alinéas, il expose: "M. Doumenc, [qui] a explicité largement nos projets passés avec CL [Ciments luxembourgeois], fait ressortir que nous considérons notre position chez IM [Intermoselle] comme le point de départ pour nous de toute politique dans la région, que nous devons, à partir de cette base où nous sommes à parité avec DYZ [Dyckerhoff], réfléchir ensemble aux changements qui se produiront dans le futur et pour lesquels nous devrions être associés. De la même façon, il serait souhaitable de jouer un jeu industriel commun en Sarre où il ne manquera pas de se produire des changements." Il relève ainsi implicitement que, à cette époque, les deux producteurs en cause ne jouent pas ou plus un jeu industriel commun sur le marché de la Sarre et que des changements de la situation de ce marché sont Attendus.

2217. Enfin, au paragraphe 6, l'auteur note: "DYZ [Dyckerhoff] a confirmé que des conversations étaient prêtes à aboutir avec CL [Ciments luxembourgeois] pour assurer à DYZ [Dyckerhoff] un quota de broyage de 100 000 t sur les installations de broyage de CL [Ciments luxembourgeois] et pour des livraisons de ciment dans la région de Trèves et dans l'Eifel. A priori ces tonnes n'iront pas en Sarre, sauf s'il y avait un avantage économique certain par rapport à l'usine de Goelheim qui livre actuellement la Sarre. Ces tonnes n'iront jamais en France."

2218. L'interprétation du compte rendu défendue par la Commission ne peut être retenue. Même à supposer que les termes utilisés au paragraphe 6 manifestent le souci de Dyckerhoff de signaler à Ciments français qu'elle ne modifiera pas leurs positions respectives sur le marché de la Sarre, ils n'établissent pas l'existence d'un accord global de répartition du marché de la Sarre entre producteurs français et allemands.

2219. En définitive, il est indéniable que les deux premiers documents invoqués par la Commission (note de Vicat du 22 juillet 1982 et note interne de Lafarge du 23 juin 1982; voir ci-dessus points 2186 à 2200) démontrent qu'un accord de répartition du marché de la Sarre a existé et fonctionné à tout le moins jusqu'en 1970, voire 1977. Toutefois, la portée de cet accord s'avère plus large que celle déterminée par la Commission dans la décision attaquée et les quatre documents qu'elle cite dans celle-ci ne permettent pas de considérer que l'accord était un fait acquis et incontesté en 1982 et 1983.

2220. Or, seule l'existence de l'accord de répartition du marché de la Sarre, tel qu'il est appréhendé dans la décision attaquée, est susceptible d'intéresser la légalité de l'article 3, paragraphe 3, sous a), de celle-ci, puisque la Commission le considère comme l'un des éléments constitutifs de l'infraction ayant débuté le 23 juin 1982 (voir ci-dessus points 2172 à 2180).

2221. S'agissant de l'accord de constitution de la SST, cité par la Commission au paragraphe 22, point 2, de la décision attaquée, aucune des parties requérantes concernées n'en conteste l'existence ni les dates retenues dans la décision attaquée pour la constitution de la société et sa cession (paragraphe 22, point 2). Dyckerhoff prétend que la SST est étrangère à toute question de répartition des livraisons et que ses activités se limitaient au transport de ciment en silos. Heidelberger relève, pour sa part, qu'elle n'y a exercé aucune influence, compte tenu de sa faible participation dans le capital de cette société, et qu'elle n'a jamais eu recours à la SST pour le transport de son ciment.

2222. La Commission ne précise pas, dans la décision attaquée, le rôle qu'elle assigne à l'accord de constitution de la SST dans la mise en œuvre du prétendu accord de répartition du marché de la Sarre. Si elle déclare, dans l'exposé des faits (paragraphe 22, point 2), que "l'accord de répartition du marché sarrois était appuyé par un autre accord relatif à la constitution d'une société commune de transport du ciment 'Saarländische Silo-Transport GmbH' qui, seule, devait être utilisée par les associés (ARBED, Ciments français, Cedest, Wülfrather, Heidelberger, Dyckerhoff) pour le transport de leur ciment destiné à la Sarre", elle ne se réfère plus, dans l'appréciation juridique, à la SST pour retenir l'existence d'un accord de répartition du marché de la Sarre. Dans sa réponse à une question écrite du Tribunal dans les affaires T-35-95, T-38-95, T-39-95 et T-42-95, elle précise qu'elle a mentionné l'accord sur la constitution de la SST dans le cadre de sa description des faits, sans en tirer de conclusion juridique. Elle ajoute que l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée concernant la réglementation des livraisons de ciment entre l'Allemagne et la France ne se réfère pas à cet accord et que celui-ci ne semble pas avoir été appliqué pendant la période de l'infraction constatée à l'article 3, paragraphe 3, sous a).

2223. Par conséquent, il n'y a pas lieu de prendre en considération ledit accord pour se prononcer sur l'existence de l'accord de répartition du marché de la Sarre en tant qu'élément constitutif de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée.

2224. Il résulte de tout ce qui précède que la Commission n'a pas démontré l'existence, en 1982 et 1983, de l'accord de répartition du marché de la Sarre qu'elle invoque dans la décision attaquée. Il n'y a donc pas lieu de se prononcer sur l'éventuelle participation des différentes parties requérantes à un tel accord ni sur la prétendue prescription des faits invoquée par Ciments français et Heidelberger.

2225. Finalement, l'article 3, paragraphe 3, sous a), doit être annulé partiellement, en tant qu'il retient la participation de Dyckerhoff, du SFIC, de Cedest, de Ciments français, de Heidelberger, de Lafarge et du BDZ à un accord de répartition du marché de la Sarre à partir du 23 juin 1982.

Pratiques concertées entre différents producteurs et associations français et allemands entre 1982 et 1984

2226. Dyckerhoff, le SFIC, Cedest, Ciments français, Heidelberger et Lafarge nient toute participation aux pratiques concertées retenues par la Commission dans la décision attaquée. Le BDZ ne consacre en revanche aucun argument spécifique auxdites pratiques concertées.

2227. Avant d'apprécier le bien-fondé des différents arguments avancés par ces parties requérantes, il y a lieu de rappeler la description desdites pratiques concertées donnée par la Commission dans la décision attaquée.

2228. Dans son paragraphe 50, point 3, premier alinéa, celle-ci énonce:

"Suite aux exportations de Cedest dans les Länder allemands autres que la Sarre et aux réactions en France des producteurs allemands, il y a eu des concertations bilatérales ayant pour objectif de limiter les flux transfrontaliers de ciment."

2229. Elle relève ensuite (même point, deuxième et troisième alinéas) l'existence de pourparlers entre le SFIC et le BDZ, de pressions exercées sur Cedest par le SFIC et les producteurs français intéressés, d'une concertation entre Cedest, Dyckerhoff et Heidelberger, d'une concertation entre Lafarge et Dyckerhoff et d'une concertation entre Dyckerhoff et Ciments français.

2230. Elle signale (quatrième alinéa) que "le problème des rapports franco-allemands a été discuté, en tant que 'point chaud', à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (voir paragraphe 19, point 9 ci-dessus)".

2231. Elle affirme (cinquième alinéa) que ces différentes concertations sont des "pratiques concertées [qui] ont conduit à la conclusion d'un accord entre les entreprises et les associations d'entreprises françaises et allemandes intéressées", soulignant (septième alinéa) que ces pratiques concertées, qui ont eu lieu de 1982 à 1984, sont des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

2232. A l'article 3, paragraphe 3, sous a), du dispositif, elle constate l'existence d'une infraction comportant notamment des pratiques concertées.

2233. Au soutien de la décision attaquée, la Commission a invoqué le contenu de plusieurs documents pour établir les cinq pratiques concertées visées au paragraphe 50, point 3, deuxième et troisième alinéas (voir ci-dessus point 2229), qui auraient eu lieu de 1982 à 1984 et auraient eu "pour objet la répartition des marchés et la limitation des flux transfrontaliers de ciment entre la France et l'Allemagne" (décision attaquée, paragraphe 50, point 4, premier alinéa), et plus particulièrement "[d']étendre l'accord sur la Sarre à d'autres Länder allemands et [d']insérer cet accord dans le cadre plus vaste de la réglementation des flux commerciaux franco-allemands" (décision attaquée, paragraphe 50, point 4, deuxième alinéa).

2234. Dyckerhoff ne conteste pas qu'elle a pris part à des discussions en 1982 et 1983 avec des producteurs allemands et français et qu'elle s'est inquiétée de l'activité croissante de Cedest sur son marché naturel. De même, Heidelberger admet qu'il est possible qu'il y ait eu, en 1982, des contacts entre producteurs français et allemands en vue de mettre fin autant que possible aux livraisons transfrontalières qui s'étaient développées à cette époque. Elle affirme cependant qu'aucun accord n'a été conclu.

2235. Il y a lieu d'analyser chacune des pratiques concertées retenues par la Commission dans l'ordre dans lequel elle les a mentionnées au paragraphe 50, points 2 et 3, de la décision attaquée.

A Pourparlers entre le SFIC et le BDZ

2236. Au paragraphe 50, point 3, deuxième alinéa, de la décision attaquée, la Commission relève l'existence de pourparlers entre le SFIC et le BDZ en se référant à la note interne manuscrite de Lafarge du 23 juin 1982 (documents n° 33.126/6592 à 6596), mentionnée au paragraphe 22, point 4, de la décision attaquée, sans en préciser les passages pertinents.

2237. Le SFIC conteste l'interprétation de cette note retenue par la Commission dans la décision attaquée, et plus particulièrement du passage suivant, figurant sur la première page de ce document et rapportant les propos de M. Grüner de Dyckerhoff:

"1) Rappel histoire":

"[...] puis Gemalen Schläbnen ->RFA pq réaction

interne en France. Verband [le BDZ] a très mal vu

d'autant plus qu'il y avait

Pas maîtriser le partenaire (filiale)?

Pourparlers avec syn.fr. [le SFIC] et supposons que

les tonnages ont grandi à un point tel que

le marché en a été perturbé

CLK 25/HOZ 25 et PZ 35 mélange

par RMC. Publicité

Très longtemps Attendu sans rien faire [...]"

2238. Il estime qu'il n'est pas permis de considérer que les pourparlers en cause étaient des pourparlers avec le BDZ, soulignant que le texte litigieux concerne en tout état de cause des événements antérieurs à 1982.

2239. Si ce passage de la note fait effectivement état du BDZ ("Verband") et de pourparlers avec le SFIC, il figure, comme le souligne ce dernier, dans le cadre d'un rappel historique, par M. Grüner, des événements qui ont marqué les relations entre l'industrie française et l'industrie allemande à la suite du comportement de Cedest dans les années 70. A supposer même que de telles mentions attestent l'existence de pourparlers entre le SFIC et le BDZ, force est de constater qu'elles sont relatives à une période antérieure à la rédaction de la note en question.

2240. Cette dernière n'établit donc pas l'existence de pourparlers entre le SFIC et le BDZ, qui auraient eu lieu de 1982 à 1984.

2241. Cependant, même si la Commission ne se réfère explicitement qu'à cette note lorsqu'elle reproche au SFIC et au BDZ de s'être concertés (décision attaquée, paragraphe 50, point 3, deuxième alinéa), elle présente par ailleurs deux autres éléments qui démontrent l'existence de tels pourparlers entre le SFIC et le BDZ, à tout le moins en 1984, lorsqu'elle expose le résultat auquel ont conduit, selon elle, les différentes pratiques concertées, à savoir la conclusion d'un accord en 1984.

2242. Au paragraphe 50, point 3, cinquième alinéa, de la décision attaquée, elle précise que la lettre du président de Ciments français et du SFIC, M. B. Laplace, au président de Heidelberger et du BDZ, M. P. Schuhmacher, du 22 septembre 1986 (décision attaquée, paragraphe 22, point 10) "évoque [notamment] les progrès réalisés par rapport à 1984 au cours des réunions périodiques entre MM. Laplace, Lose et Brenke".

2243. Or, un passage au moins de cette lettre (premier et deuxième alinéas) confirme la tenue de réunions entre les deux associations en 1984 pour traiter des problèmes rencontrés dans les relations entre l'industrie française et l'industrie allemande: "Comme vous le savez, j'ai des réunions périodiques avec Jürgen Lose [de Dyckerhoff] et Ted Brenke [de Heidelberger]. Je crois, si nous regardons la situation à laquelle nous étions confrontés en 1984, que ce dont nous avons discuté au cours de ces réunions a plutôt bien fonctionné." En outre, force est de constater que, si la lettre est rédigée sur du papier à en-tête de Ciments français, M. Laplace y fait notamment référence à sa qualité de président du SFIC (cinquième alinéa) et cite les "parties françaises" ("French parties"). De même, à aucun moment dans sa lettre, il ne se réfère précisément à la position de Heidelberger, dont M. Schuhmacher assurait la présidence, mais parle en revanche du "côté allemand" ("German side") et des "intérêts français et allemands" ("French and German interests"). Enfin, les sujets abordés dans cette lettre relèvent des compétences d'une association professionnelle nationale, puisqu'ils visent les rapports entre les industries de deux pays différents.

2244. La Commission renvoie par ailleurs aux discussions de la réunion des chefs de délégation de Cembureau du 19 mars 1984 dans la note en bas de page n° 100 et au paragraphe 50, point 3, quatrième alinéa, de la décision attaquée.

2245. Comme elle le relève dans la note en bas de page n° 100, il ressort du mémorandum du 15 mars 1984 à l'intention du président, relatif à la réunion des chefs de délégation de Cembureau du 19 mars 1984 (documents n° 33.126/11728 et 11729), cité au paragraphe 19, point 9, de la décision attaquée, que les exportations de la France vers l'Allemagne étaient perçues avant ladite réunion comme constituant toujours un "point chaud". Or, tant le SFIC que le BDZ ont participé à cette réunion, le SFIC étant représenté par M. Collomb et le BDZ par M. A. von Engelhardt (paragraphe 19, point 8).

2246. Le mémorandum du 15 mars 1984 indique que des discussions relatives aux exportations de la France vers l'Allemagne étaient envisagées et qu'elles ne portaient pas sur le commerce de caractère traditionnel, voire structurel, entre ces deux Etats membres.

2247. Ainsi, dans un point 2, intitulé "Situation du marché européen", il est énoncé notamment:

" Présentation d'un commentaire sur le tableau indiquant les importations et exportations des pays membres.

Pour rappel, les discussions ne portent pas sur le commerce inter-Etats de caractère traditionnel, voire structurel tel que c'est le cas par exemple pour les exportations d'Allemagne et de Belgique vers les Pays-Bas.

Les points chauds sont toujours:

les exportations de l'Allemagne vers la Grande-Bretagne et l'Irlande;

les exportations de la France vers l'Allemagne;

les exportations de l'Espagne vers l'Irlande et la Grande-Bretagne.

On peut y ajouter un point chaud nouvellement mentionné, à savoir les exportations de l'Italie vers la Suisse.

Solliciter ensuite les interventions des participants au cours d'un tour de table."

2248. L'absence de mention des discussions relatives aux relations franco-allemandes lors de la réunion du 19 mars 1984 dans les notes de séance datées du 2 avril 1984 (documents n° 33.126/11733 à 11737), citées au paragraphe 19, point 10, de la décision attaquée, ne prive pas pour autant de toute force probante les indications du mémorandum du 15 mars 1984 quant à l'existence de pourparlers entre le SFIC et le BDZ en 1984.

2249. La conclusion de ces notes de séance selon laquelle "la pression due au commerce intermembres s'est affaiblie nettement grâce à l'amélioration des contacts bilatéraux" confirme en effet que, comme l'indiquent les deux premiers alinéas précités de la lettre de M. Laplace à M. Schuhmacher du 22 septembre 1986 (voir ci-dessus point 2243), des contacts bilatéraux ont en tout cas eu lieu entre l'industrie française et l'industrie allemande en 1984. La mention des exportations de la France vers l'Allemagne dans le mémorandum du 15 mars 1984 et la présence du SFIC et du BDZ à la réunion du 19 mars 1984 rendent donc compte de l'existence de pourparlers entre les deux associations à cette époque.

2250. Finalement, le contenu des documents présentés dans la décision attaquée non seulement permet de conclure à l'existence de pourparlers entre les deux associations nationales, le SFIC et le BDZ, à tout le moins en 1984, mais démontre également que l'objet de ces pourparlers portait sur la situation particulière des relations entre les industries des deux pays concernés, et notamment les tentatives de limitation ou de réglementation des exportations d'un pays vers l'autre. Le caractère anticoncurrentiel de l'objet des pourparlers auxquels se sont livrées les deux associations est donc établi. En outre, en l'absence de preuve contraire, qu'il incombait aux associations en cause de rapporter (arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 121, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 162 ), il y a lieu de considérer que les pourparlers entre le SFIC et le BDZ ont influencé leur comportement et celui de leurs membres concernés par les échanges entre la France et l'Allemagne.

2251. Il ressort de ce qui précède (points 2236 à 2250) que la Commission était fondée à constater l'existence d'une pratique concertée entre le SFIC et le BDZ contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Cependant, la décision attaquée ne contient aucun élément démontrant l'existence de cette pratique concertée avant 1984. Il s'ensuit que l'article 3, paragraphe 3, sous a), doit être annulé, dans la mesure où il constate l'existence de pourparlers illicites entre le SFIC et le BDZ avant 1984.

B Pressions exercées sur Cedest par le SFIC et les autres producteurs français concernés

2252. La Commission déduit de la note interne de Lafarge du 23 juin 1982 (décision attaquée, paragraphes 22, point 4, et 50, point 3, deuxième alinéa; documents n° 33.126/6592 à 6596) que, à la suite des concertations ayant eu pour objectif de limiter les flux transfrontaliers de ciment, le SFIC et les autres producteurs français concernés ont exercé des pressions sur Cedest pour qu'elle modérât ses exportations vers l'Allemagne.

2253. Au paragraphe 50, point 3, de la décision attaquée, la Commission n'indique pas précisément le passage de cette note, dont elle tire sa déduction. 2254.

Cependant, au paragraphe 22, point 16, elle cite le passage suivant (troisième page de la note):

"Ind. (Syn) et particulièrement Laf. [Lafarge] a exercé tout son poids

lorsque concurr. sauvage (Kerpen)

(laitier moulu dangereux p. mélanges)."

2255. Ce passage, replacé dans le contexte des discussions relatées dans la note, démontre que des pressions ont effectivement été exercées sur Cedest. Ces pressions ont présenté un caractère anticoncurrentiel. En effet, les passages précédant celui reproduit au point précédent révèlent que les pressions avaient pour objet d'amener Cedest à mettre fin à sa politique commerciale agressive en Allemagne et à respecter le "principe home market" (expression figurant à la deuxième page de la note).

2256. En ce qui concerne les auteurs de ces pressions, la Commission cite le SFIC et "les autres producteurs français concernés" (décision attaquée, paragraphe 50, point 3, deuxième alinéa), c'est-à-dire Lafarge et Ciments français.

2257. Le SFIC soutient que, dans la CG, la Commission, se fondant sur un extrait de la note interne de Lafarge du 23 juin 1982, lui a seulement reproché d'avoir entrepris des pourparlers avec le BDZ. Ce document ne mentionnerait pas l'existence de pressions exercées sur Cedest.

2258. Force est de constater que, effectivement, les indications fournies dans la CG n'identifient pas le SFIC comme l'un des auteurs des pressions exercées sur Cedest. En effet, après avoir cité l'extrait de la note interne de Lafarge du 23 juin 1982 portant sur les pourparlers du SFIC et du BDZ, la Commission précise que "la note continue et fait état des pressions faites par Lafarge et Ciments français sur Cedest" (CG, paragraphe 12, p. 25). En outre, il n'est pas reproché au SFIC, ailleurs dans la CG, d'avoir participé aux pressions exercées sur Cedest, dont il est fait état dans la note de Lafarge du 23 juin 1982. Par conséquent, l'exposé de ce grief dans la CG n'a pas été libellé dans des termes permettant au SFIC de se rendre compte que le comportement en cause lui était reproché. L'exercice de ses droits de la défense en a dès lors été affecté. En conséquence, l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il retient la participation du SFIC à une pratique concertée visant à exercer des pressions sur Cedest.

2259. S'agissant de Lafarge, il suffit de constater que le passage de sa note interne du 23 juin 1982, cité ci-dessus au point 2254, selon lequel "Ind.(Syn) et particulièrement Laf. [Lafarge] a exercé tout son poids [...]", reproduit les propos de M. Collomb, représentant précisément les intérêts de Lafarge. Il indique clairement que Lafarge a exercé des pressions sur Cedest, quelles qu'en aient été les conséquences sur le comportement effectif de cette dernière. Il s'ensuit que la participation de Lafarge au comportement visé au paragraphe 50, point 3, de la décision attaquée a été établie dans celle-ci.

2260. Lafarge ne discute d'ailleurs pas précisément le passage susvisé. Elle se limite en fait à préciser que sa note interne révèle seulement que ses bons offices ont été plébiscités dans le conflit provoqué par Cedest et que, comme l'attestent les autres documents mentionnés au paragraphe 22 de la décision attaquée, il existait un désaccord persistant entre les différentes parties intéressées, excluant toute concertation ou coopération susceptible d'être qualifiée de pratique concertée au sens de la jurisprudence (arrêt ICI/Commission, 48-69, cité au point 636 ci-dessus, point 64, et arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Petrofina/Commission, T-2-89, Rec. p. II-1087, points 214 et 215). A cet égard, elle se fonde également sur le contenu de sa note interne relative à une réunion entre Cedest, Dyckerhoff et Heidelberger le 17 novembre 1982 (décision attaquée, paragraphe 22, point 7) et sur un compte rendu de Ciments français du 17 mai 1983 (décision attaquée, paragraphe 22, point 9), documents qui démontreraient que Cedest n'a ni modifié son comportement ni renoncé au marché allemand.

2261. Il y a toutefois lieu de constater que son interprétation de sa note interne du 23 juin 1982, à la supposer même exacte, ne saurait être qualifiée de complète. Le fait qu'elle ait été approchée pour régler le conflit provoqué par Cedest n'affecte pas la démonstration de la réalité de la concertation avec Ciments français notamment. Cela n'exclut pas non plus qu'elle ait, à cette occasion, exercé certaines pressions. La circonstance qu'elle dispose d'une participation dans le capital de Cedest est même de nature à confirmer la réalité des pressions dont sa propre note interne du 23 juin 1982 fait manifestement état. Or, le caractère infractionnel de la concertation visant à exercer des pressions sur Cedest a été établi (voir ci-dessus point 2255).

2262. Par ailleurs, la Commission n'a pas allégué que Cedest a modifié son comportement commercial à la suite des pressions qu'auraient exercées le SFIC et les autres producteurs français concernés. Elle s'est contentée, sur ce point, de démontrer que l'exercice de ces pressions, faisant suite à une concertation, visait à contraindre Cedest à modifier son comportement (voir ci-dessus point 2255), ce qui suffit à en établir le caractère illicite au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir jurisprudence citée au point 1674 ci-dessus). L'argument que Lafarge tire du comportement que Cedest aurait adopté à la suite de ces pressions est dès lors dépourvu de pertinence.

2263. En tout état de cause, il convient de rejeter les arguments de Lafarge selon lesquels, d'une part, elle n'aurait eu aucun intérêt à exercer une quelconque pression sur Cedest, compte tenu des particularités de sa situation et de celle de sa filiale allemande Wössingen sur le marché, et, d'autre part, la théorie économique de la "tache d'huile", que la Commission aurait utilisée pour justifier l'existence d'une entente franco-allemande, ne permettrait pas d'expliquer son comportement concurrentiel en Allemagne, où les ventes de Wössingen auraient augmenté de 1976 à 1991, ladite théorie ne pouvant en outre être appliquée à des marchés régionaux dispersés sur le territoire.

2264. Il y a lieu de rappeler que, contrairement à ce que Lafarge prétend, l'existence de la concertation visant à exercer des pressions sur Cedest est établie non pas sur la base d'une analyse économique du marché, à la lumière de la prétendue théorie de la "tache d'huile", mais à partir d'une preuve documentaire directe émanant d'elle-même. La question de savoir si Lafarge avait ou non un éventuel "intérêt" à exercer des pressions sur Cedest est donc dépourvue de pertinence, dans la mesure où l'existence desdites pressions est dûment établie. Au surplus, il n'est pas contradictoire pour une entreprise de participer à une entente bilatérale visant à garantir le respect des marchés domestiques, tout en cherchant à renforcer le poids de sa filiale locale sur un territoire concerné par cette entente. Cette constatation s'impose d'ailleurs pour toutes les concertations auxquelles il est reproché à Lafarge d'avoir participé (voir ci-après points 2295 à 2315 et 2331 à 2442).

2265. Plusieurs éléments contredisent au demeurant la thèse de Lafarge. Il s'avère, tout d'abord, que l'état des relations franco-allemandes la préoccupait, puisque plusieurs documents font état de sa participation à des discussions à ce sujet [note interne du 23 juin 1982 (décision attaquée, paragraphe 22, point 4; documents n° 33.126/6592 à 6596), dans laquelle son représentant, M. Collomb, a notamment relevé l'existence du "principe home market"; note interne non datée relative à une réunion entre Cedest, Dyckerhoff et Heidelberger le 17 novembre 1982 (décision attaquée, paragraphe 22, point 7; documents n° 33.126/6582 et 6583); lettre de M. C. Hummel, de Dyckerhoff, à M. Collomb, de Lafarge, du 28 juillet 1982 (décision attaquée, paragraphe 22, point 5; documents n° 33.126/6597 à 6599), et note interne de Lafarge du 2 septembre 1982, rédigée par M. Marichal pour M. Collomb (décision attaquée, paragraphe 22, point 6; document n° 33.126/6584)]. Ensuite, comme l'indique la Commission dans la décision attaquée, Lafarge avait un intérêt particulier à prendre part aux discussions relatives aux relations franco-allemandes, compte tenu de la position de sa filiale allemande Wössingen (paragraphe 22, point 13, troisième et quatrième alinéas). Enfin, comme le souligne également la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 22, point 13, deuxième alinéa), même si la position de Lafarge n'était pas tout à fait comparable à celle d'autres producteurs français, compte tenu de la localisation de ses usines, elle n'était pas à l'abri des effets d'une concurrence entre les producteurs français et allemands dans sa propre zone commerciale, dans la mesure où le conflit provoqué par l'attitude de Cedest sur le marché allemand risquait de s'étendre en cas de représailles des producteurs allemands.

2266. Lafarge est par ailleurs irrecevable, en application de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, à se prévaloir de ses propres notes internes des 6 août 1982 (documents n° 33.126/7522 à 7524) et 7 janvier 1983 (documents n° 33.126/7514 à 7516), dans la mesure où elle les a invoquées pour la première fois lors de l'audience.

2267. En tout état de cause, l'existence et le contenu de ces deux notes internes confirment en réalité l'intérêt manifesté par Lafarge pour les problèmes suscités par le comportement de Cedest en Allemagne, plus particulièrement en raison de la présence de Lafarge au sein de Wössingen.

2268. La note du 6 août 1982, rédigée par M. Marichal, intitulée "Stratégie LC [Lafarge] en RFA 'Affaire Cedest", comporte trois sections distinctes: A. Forces en présence, B. Mouvements prévisibles et C. Propositions d'action.

2269. Or, au point 3 de la section A, l'auteur note que Wössingen est "touché[e] comme d'autres par les attaques de C. [Cedest]".

2270. Quant aux cinq points de la section C, ils démontrent également que Lafarge se sentait concernée par le comportement de Cedest en Allemagne:

"1. Refuser une soi-disant concertation avec les deux gros RFA sans Cedest qui ne peut apporter à LC [Lafarge] que des déboires.

2. Persister ds posit. 'nous ne viendrons qu'invités par Cedest. En France, les participations minoritaires, cela se pratique comme cela.

3. Ne pas accepter même l'idée de 'compensations données à PZW [Wössingen] à un engagement de Cedest de ne plus attaquer qui ne serait vraisemblablement pas respecté (jeu dupes) et par conséq., éviter de s'engager sur la pente glissante des comptes de tonnes (on fait ainsi d'une pierre deux coups).

4. Faire une sorte de chantage auprès de Cedest: plus de CK si pas de frein RMC/Ludwig pq se retenir d'employer le seul moyen de pression dont on semble disposer ?

en pratique JM [M. J. Marichal] tf [sans doute pour téléphoner] écrit à B. R. [M. B. Renard de Cedest] pour insister pour avoir le résultat de l'enquête promise par lui auprès L. M. et dire que nous comptons fermt sur son intervention auprès RMC

pas de cde CK à Cedest si pas de suite

Sinon nous faisons plaisir à un 'ennemi (plutôt concurrent) de W [Wössingen]

en refusant à ceux que ns [nous] devons essayer de ménager sans que cela nous coûte.

5. Dire à Cedest (verbalement) que nous ne serons pas les inquisiteurs du procès qui leur est intenté en RFA."

2271.

Quant à la note interne du 7 janvier 1983, elle illustre pour sa part le souci des dirigeants de Lafarge de prendre connaissance du contenu réel des discussions qui ont eu lieu en son absence entre Cedest et des producteurs allemands, Dyckerhoff et Heidelberger, lors d'une réunion du 17 novembre 1982.

2272. S'agissant enfin de Ciments français, force est de constater que le passage de la note interne de Lafarge du 23 juin 1982 cité ci-dessus au point 2254 ne la mentionne pas expressément, alors que, dans la CG, la Commission lui reproche explicitement (paragraphe 12, p. 25) l'exercice de pressions sur Cedest.

2273. Ciments français prétend que la note litigieuse ne permet pas de conclure qu'elle a participé à des discussions relatives aux ventes de Cedest en Allemagne, et encore moins à des pressions sur cette dernière.

2274. Il découle néanmoins du contenu de cette note, examiné à la lumière de celui de la note interne de Ciments français du 25 janvier 1983 (documents n° 33.126/4254 à 4256), citée au paragraphe 22, point 8, de la décision attaquée, et du compte rendu de Ciments français du 17 mai 1983 (décision attaquée, paragraphe 22, point 9; documents n° 33.126/4251 à 4253), que la Commission a considéré à bon droit que, dans le cadre d'une concertation ayant eu pour objectif de limiter les flux transfrontaliers de ciment, Ciments français a exercé des pressions sur Cedest.

2275. A cet égard, il y a d'abord lieu de constater que, si Ciments français, effectivement, n'est pas nommément désignée dans le passage de la note interne de Lafarge du 23 juin 1982 relatif aux pressions sur Cedest (voir ci-dessus point 2254) et si cette note rend compte, selon les propres termes de la Commission, d'une discussion entre les représentants de Lafarge et de Dyckerhoff (décision attaquée, paragraphe 22, point 4), l'auteur se réfère à l'"Ind. (Syn)", c'est-à-dire l'industrie française, dont Ciments français faisait incontestablement partie à ce moment-là. En outre, Ciments français est citée plus loin dans la note, lorsqu'il est fait état de son influence sur Cedest dans les termes suivants: "CF [Ciments français] nous savons que son influence sur Cedest est inférieure à celle de L. [Lafarge] en plus prix de fourniture à RMC sont << prix français BC rejette la balle aux Ci fr. [Ciments français]". Comme le fait remarquer la Commission dans sa réponse à une question écrite du Tribunal dans l'affaire T-39-95, cette mention de Ciments français ne peut s'expliquer que par l'implication de cette entreprise dans les discussions antérieures, évoquées dans la note.

2276. Il ressort ensuite de la note de Ciments français du 25 janvier 1983 et de son compte rendu du 17 mai 1983 que cette entreprise était toujours impliquée, en 1983, dans les discussions portant sur le comportement de Cedest en Allemagne. Les deux documents font ainsi état de sa participation à des discussions avec Dyckerhoff concernant la limitation des ventes de Cedest en Allemagne et les mesures de rétorsion que Dyckerhoff envisageait de prendre contre Cedest. Même si ces documents sont par ailleurs invoqués dans la décision attaquée pour étayer l'existence d'une autre pratique concertée, entre Ciments français et Dyckerhoff (voir ci-après points 2316 à 2330), ils confirment l'implication de Ciments français dans la concertation en exécution de laquelle des pressions ont été exercées sur Cedest par l'industrie française, comme l'indique la note de Lafarge du 23 juin 1982 (voir point précédent). En l'absence de preuve contraire, qu'il incombait à Ciments français de rapporter (voir arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 121, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 162), il y a donc lieu de considérer que la concertation en cause a influencé le comportement de cette entreprise dans les échanges entre la France et l'Allemagne.

2277. Ciments français ne saurait se prévaloir d'une absence d'intérêt propre pour les ventes de Cedest dans le Palatinat, dès lors qu'elle n'était pas présente dans cette région, ne contrôlait aucun producteur allemand, ne détenait aucune participation dans le capital de Cedest et qu'elle n'a pas été visée par la procédure diligentée par le Bundeskartellamt concernant le Sud de l'Allemagne. Elle-même relève d'ailleurs qu'elle n'a pas eu accès au dossier relatif à cette entente nationale au cours de la procédure administrative.

2278. Comme l'a souligné à juste titre la Commission dans ses mémoires dans l'affaire T-39-95, cette argumentation est dépourvue de pertinence, dans la mesure où il ne s'agit pas d'un accord de répartition des ventes sur le marché du Palatinat, mais de pressions exercées pour éviter que les producteurs allemands, irrités par le comportement de Cedest, adoptent des mesures de rétorsion qui viseraient des régions françaises où Ciments français est présente, par exemple l'est de la France et la seule région allemande où Ciments français confirme sa présence, à savoir la Sarre. Au surplus, la Commission, ni dans la CG ni dans la décision attaquée, n'a fondé la participation de Ciments français à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de celle-ci sur une quelconque participation à une entente nationale portant sur le Sud de l'Allemagne, dont la réalité aurait été établie par le Bundeskartellamt ou toute autre instance.

2279. Ciments français ne saurait non plus tirer parti de la note interne de Lafarge relative à une réunion entre Cedest, Dyckerhoff et Heidelberger le 17 novembre 1982 (décision attaquée, paragraphe 22, point 7; documents n° 33.126/6582 et 6583), pour contester sa participation à l'exercice de pressions sur Cedest. En effet, à supposer même, comme elle le prétend, que cette note rende compte de discussions portant seulement sur le comportement de Cedest dans le Palatinat, son contenu n'affecte nullement la démonstration de la participation de Ciments français à l'exercice de pressions sur cette entreprise, ladite démonstration ayant été opérée sur la base d'un autre document, à savoir la note de Lafarge du 23 juin 1982 (décision attaquée, paragraphe 22, point 4; documents n° 33.126/6592 à 6596). De surcroît, la note relative à la réunion du 17 novembre 1982 ne mentionne Ciments français à aucun endroit.

2280. Il s'ensuit donc que la Commission a effectivement démontré que Lafarge et Ciments français ont exercé des pressions sur Cedest, afin qu'elle tempère ses ventes sur le marché allemand. En revanche, en raison de la violation des droits de la défense du SFIC dans le cadre de la procédure administrative (voir ci-dessus points 2257 et 2258), la participation de ce syndicat à l'exercice de telles pressions n'est pas régulièrement établie.

2281. Par ailleurs, il est acquis que les pressions en cause avaient un caractère anticoncurrentiel (voir ci-dessus point 2255).

C Concertation entre Cedest, Dyckerhoff et Heidelberger

2282. La Commission déduit l'existence de cette concertation d'une note interne manuscrite de Lafarge rendant compte d'une réunion du 17 novembre 1982 entre Cedest, Dyckerhoff et Heidelberger, au cours de laquelle les parties concernées auraient discuté des ventes de Cedest en Allemagne (décision attaquée, paragraphes 22, point 7, et 50, point 3, deuxième alinéa; documents n° 33.126/6582 et 6583).

2283. Aucune des trois parties requérantes concernées n'a nié l'existence de cette réunion du 17 novembre 1982 et sa présence à celle-ci. Cependant, si elles ne contestent pas l'objet des discussions qui auraient eu lieu lors de cette réunion, toutes trois prétendent que, malgré cet objet particulier, il ne s'agissait pas d'un comportement contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, soit parce que les discussions ne consistaient qu'en une communication d'un engagement de Cedest à Dyckerhoff et Heidelberger, soit parce qu'elles n'eurent aucune suite, soit parce que la note manuscrite susvisée prouverait que Cedest n'a pas répondu favorablement aux demandes d'engagement qui lui avaient été adressées, soit encore parce que, Cedest n'ayant pas acquiescé à la demande des producteurs de renoncer à ses ventes agressives en Allemagne, ou même envisagé d'adopter un comportement conforme à cette demande, la tentative aurait tout au plus été unilatérale et en tout cas n'aurait pas constitué une pratique concertée contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, qui requiert, à tout le moins, une concertation entre deux personnes.

2284. Comme indiqué ci-dessus au point 2205, dans ses observations du 7 janvier 1998 sur l'accès au dossier de la Commission qui lui a été accordé à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, Cedest s'est notamment prévalue du contenu d'une note interne de Lafarge du 7 janvier 1983 (documents n° 33.126/7514 à 7516) qui ne lui avait pas été rendue accessible au cours de la procédure administrative, pour démontrer la persistance du caractère autonome de son comportement en Allemagne.

2285. Cette note interne contredit le contenu de la note de Lafarge relative à la réunion du 17 novembre 1982, citée dans la décision attaquée (paragraphe 22, point 7), quant aux propos qu'auraient tenus les représentants de Cedest au cours de cette réunion (voir ci-dessus points 2203 à 2210).

2286. Force est donc de constater que cette note aurait pu être utile à Cedest dans l'exercice de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus point 247). Celle-ci aurait ainsi pu aboutir à un résultat différent si Cedest avait eu accès à ce document avant l'adoption de la décision attaquée, compte tenu de son impact sur la valeur probante de la note relatant la réunion du 17 novembre 1982.

2287. La note du 7 janvier 1983 contredit en effet la teneur de l'unique preuve de sa participation à la pratique concertée avec Dyckerhoff et Heidelberger visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée.

2288. Comme la pratique concertée avec Dyckerhoff et Heidelberger est la seule qui soit visée par l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, à laquelle il est reproché à Cedest d'avoir participé, cette disposition doit être annulée à l'égard de celle-ci, dans la mesure où elle retient sa participation à des pratiques concertées portant sur la réglementation des livraisons de ciment de la France vers l'Allemagne et de l'Allemagne vers la France.

2289. En tout état de cause, il y a lieu de répéter que le contenu de la note du 7 janvier 1983 démontre que la Commission a commis une erreur d'appréciation en considérant que "Cedest [était] prête à limiter ses ventes en Allemagne et à les adapter à l'évolution du marché" (décision attaquée, paragraphe 22, point 7) et que "Cedest a déclaré à Dyckerhoff et Heidelberger qu'elle ne voulait pas vendre en République fédérale d'Allemagne qu'à RMC et à PZW et qu'elle était d'accord 'pour adapter, dans l'avenir, ses fournitures en RFA (toujours Sarre exclue) à l'évolution des expéditions dans ce pays, à la baisse comme à la hausse (voir note du 17.11.82 au par. 22, point 7, ci-dessus)" (décision attaquée, paragraphe 50, point 3, deuxième alinéa) (voir ci-dessus point 2211).

2290. La Commission ne saurait, comme elle l'a fait lors de l'audience dans l'affaire T-38-95, prétendre à cet égard qu'elle se fonde également sur certains passages de la note interne de Lafarge du 23 juin 1982 (décision attaquée, paragraphe 22, point 4; documents n° 33.126/6592 à 6596). Cette dernière ne fait nullement état de réunions spécifiques et d'engagements souscrits au cours de celles-ci par Cedest à l'égard de producteurs allemands. Il est tout au plus permis de déduire du passage aux termes duquel "[...] H: N. avons dit ne pas accepter, constamment depuis 1980 ds des conversations avec collègues franç Cedest (81) [...]" que l'auteur de ces propos, de Dyckerhoff, a fait référence à des contacts entre celle-ci et Cedest en 1981. Outre le fait qu'il s'agit d'événements qui, à les supposer réels, sont antérieurs à la période de l'infraction retenue à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, la Commission n'a souligné dans cette décision ni l'existence de ces contacts entre Dyckerhoff et Cedest ni leur contenu.

2291. La violation des droits de la défense de Cedest résultant de la violation de son droit d'accès au dossier de la Commission au cours de la procédure administrative, l'absence de preuve de sa participation à une pratique concertée avec Dyckerhoff et Heidelberger le 17 novembre 1982 ainsi que les conséquences qui s'y attachent n'impliquent toutefois pas l'illégalité des constatations que la Commission a fondées sur le contenu de la note interne de Lafarge citée au paragraphe 22, point 7, de la décision attaquée à l'égard des deux autres parties requérantes intéressées, Dyckerhoff et Heidelberger.

2292. Outre le fait qu'aucune de ces deux parties requérantes n'a invoqué la pertinence de la note interne de Lafarge du 7 janvier 1983 dans le cadre de ses observations sur l'accès au dossier accordé à la suite des mesures d'organisation de la procédure adoptées par le Tribunal (voir ci-après points 2446, 2447, 2461 et 2462), il convient de constater qu'elles n'ont pas contesté avoir tenté de concert, lors de la réunion du 17 novembre 1982, d'obtenir des engagements de Cedest. Pour elles, cette réunion avait donc un objet anticoncurrentiel, dès lors que cette prise de contact entre deux concurrents sur le marché, Dyckerhoff et Heidelberger, avait pour objet d'influencer d'un commun accord le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, à savoir Cedest (voir, en ce sens, arrêts Suiker Unie e.a./Commission, cité au point 651 ci-dessus, point 174, Rhône-Poulenc/Commission, cité au point 1053 ci-dessus, point 121, BASF/Commission, cité au point 1852 ci-dessus, point 240, et du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, cité au point 140 ci-dessus, point 258). En outre, en l'absence de preuve contraire qu'il incombait à Dyckerhoff et à Heidelberger de rapporter (voir arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 121, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 162), il y a lieu de considérer que la concertation entre ces deux entreprises relative au comportement de Cedest en Allemagne a influencé leur comportement dans les échanges entre la France et l'Allemagne.

2293. Heidelberger ne saurait nier sa participation à cette pratique concertée en se prévalant du contenu des notes internes de Lafarge des 23 juin et 2 septembre 1982 (décision attaquée, paragraphe 22, points 4 et 6; documents n° 33.126/6592 à 6596 et 6584), qui relatent des discussions entre Lafarge et Dyckerhoff. En effet, outre le fait qu'elle invoque ces deux notes pour tenter de démontrer qu'elle n'a pas participé à un accord ou à une concertation avec Lafarge et Dyckerhoff, ce que la Commission n'a pas allégué dans la décision attaquée, le contenu de ces deux notes internes de Lafarge n'apporte aucune précision sur la réunion du 17 novembre 1982, au cours de laquelle Heidelberger et Dyckerhoff ont cherché à convaincre Cedest de modifier son comportement en Allemagne.

2294. Il s'ensuit que les éléments présentés par la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 22, point 7) lui permettaient à juste titre de conclure que Dyckerhoff et Heidelberger avaient violé l'article 85, paragraphe 1, du traité lors de la réunion du 17 novembre 1982 avec Cedest (décision attaquée, paragraphe 50, point 3, deuxième alinéa). Le contenu de la note interne de Lafarge du 7 janvier 1983, qui contredit la teneur de celle citée dans la décision attaquée en ce qui concerne le seul comportement de Cedest, ne change rien à cet égard.

D Concertation entre Lafarge et Dyckerhoff

2295. La Commission constate l'existence d'une concertation entre Lafarge et Dyckerhoff en se fondant sur trois documents: une note interne manuscrite de Lafarge du 23 juin 1982 (documents n° 33.126/6592 à 6596), citée au paragraphe 22, point 4, de la décision attaquée, une lettre de M. Hummel, de Dyckerhoff, à M. Collomb, de Lafarge, du 28 juillet 1982 (documents n° 33.126/6597 à 6599), citée au paragraphe 22, point 5, et une note interne manuscrite de Lafarge du 2 septembre 1982 (document n° 33.126/6584), citée au paragraphe 22, point 6. Ces trois documents l'amènent à considérer que "Lafarge et Dyckerhoff ont oeuvré pour éviter toute agressivité et instaurer un climat d'harmonie entre les producteurs français et allemands intéressés aux exportations" (décision attaquée, paragraphe 50, point 3).

2296. Comme indiqué ci-dessus au point 2234, Dyckerhoff reconnaît que des discussions entre producteurs allemands et français ont eu lieu en 1982 et 1983 et ne commente pas spécifiquement les trois documents présentés par la Commission. Elle se contente de signaler que, même si les discussions en question avaient eu pour objet d'inciter Cedest à abandonner sa politique de vente agressive en Allemagne, elles ne sauraient être constitutives de pratiques concertées, dans la mesure où Cedest n'aurait pas acquiescé à ce souhait.

2297. Cette dernière affirmation doit être rejetée. Si les discussions entreprises par Dyckerhoff et Lafarge ont effectivement eu pour but d'amener d'une manière ou d'une autre Cedest à renoncer à son comportement particulier en Allemagne, elles ont eu un objet anticoncurrentiel. En l'absence de preuve contraire qu'il incombe à Dyckerhoff et à Lafarge de rapporter (voir arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 121, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 162), il y a lieu de considérer que la concertation entre ces deux entreprises a influencé leur comportement dans les échanges entre la France et l'Allemagne. Une telle concertation constitue une violation de l'interdiction édictée par l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir jurisprudence citée au point 2292 ci-dessus).

2298. Or, en l'espèce, le caractère anticoncurrentiel des discussions entre Dyckerhoff et Lafarge résulte précisément des trois documents cités par la Commission dans la décision attaquée.

2299. Ainsi, la note interne de Lafarge du 23 juin 1982 rend compte d'une réunion entre des représentants de Lafarge et de Dyckerhoff, au cours de laquelle il a été question du comportement de Cedest et de ses conséquences sur les relations franco-allemandes. Elle fait d'ailleurs expressément mention du principe de respect des marchés domestiques dans les termes suivants: "Principe home market ok mais est-ce facile à respecter. En Belg.? Peut-être à remettre en cause au niveau des front. mais pas sans accord. Face à Cedest nous sommes où ?"

2300. De même, dans sa lettre du 28 juillet 1982, M. Hummel, de Dyckerhoff, déclare: "Et puisque nous échangeons franchement nos idées, je voudrais également ajouter aujourd'hui que, selon nous, une véritable coopération pourrait avoir des effets positifs non seulement en ce qui concerne votre participation majoritaire dans Wössingen, mais surtout sur Cedest. Les problèmes existants devraient pouvoir être résolus par une attitude fondamentalement positive de tous les participants, ceci étant donné la composition au niveau des conseils d'administration de Cedest et de Lafarge."

2301. Enfin, dans la note interne de Lafarge du 2 septembre 1982, l'auteur, M. Marichal, relatant une conversation téléphonique du même jour avec M. Grüner, de Dyckerhoff, relève notamment: "Je lui ai répondu qu'avant toute chose il fallait absolument épuiser toutes les possib. de négociations directes avec Cedest et, par conséquent, comme vous l'aviez déjà dit, demander un entretien au niveau du président de Cedest, entretien auquel vous seriez disposé à participer si le président de Cedest vous y invitait. J'ai ajouté qu'il me paraissait prématuré d'organiser une réunion des producteurs allemands touchés par l'agressivité de Cedest pour discuter de ce que chacun peut tolérer ou pas, aussi longtemps que la discussion avec Cedest n'avait pas eu lieu [...] Finalement, et toujours en allemand, il a très bien résumé ce qu'il retenait de notre position: 1) Pas de réunion [générale], mais un indispensable entretien de DY [Dyckerhoff] (avec ou sans HEI [Heidelberger]) avec le président de Cedest, avant toute autre réunion 2) Une réunion des product. allemds touchés, après cet entretien, en qq sorte pour partager les sacrifices si accord a été conclu."

2302. Lafarge prétend pour sa part que le contenu de ces trois documents démontre qu'il existait un désaccord persistant entre les différentes parties intéressées.

2303. En premier lieu, tout en reconnaissant que sa note interne du 23 juin 1982 relate des discussions qu'elle a eues avec Dyckerhoff, elle affirme que cette note ne comporte pas de trace d'un accord qui aurait été conclu entre elle et Dyckerhoff. Cette note établirait uniquement que son intervention a été plébiscitée dans le cadre d'un conflit provoqué par le comportement de Cedest en Allemagne.

2304. Il y a lieu de relever que le simple fait que Lafarge reconnaît que sa note du 23 juin 1982 rend fidèlement compte de discussions qu'elle a eues avec Dyckerhoff et que ces discussions portaient sur le comportement de Cedest en Allemagne, ce qui ressort déjà manifestement du contenu de ce document, démontre qu'elle a, de la sorte, participé à une concertation contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Il importe peu de déterminer si Lafarge a effectivement donné suite aux prétendues demandes formulées par Dyckerhoff, dès lors que le contenu de la note interne démontre que ces deux producteurs se sont mutuellement informés des comportements qu'ils envisageaient d'adopter en réaction au comportement particulier de Cedest. En l'absence de preuve contraire, il y a lieu en effet de considérer que ces discussions ont influencé le comportement de ces opérateurs dans les échanges entre le France et l'Allemagne, de sorte que leur attitude est constitutive d'une pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir jurisprudence citée au point 2292 ci-dessus).

2305. Il convient également de rejeter l'argument de Lafarge selon lequel la mention "Principe home market ok" figurant dans sa note du 23 juin 1982 aurait trait à la théorie des marchés naturels tirée du caractère pondéreux du ciment. Comme l'a souligné à juste titre la Commission, si le marché du ciment était effectivement déterminé de façon naturelle en raison du caractère pondéreux du produit en cause, il n'y aurait pas lieu de faire respecter une telle règle d'organisation naturelle du marché.

2306. En deuxième lieu, Lafarge soutient que la lettre de M. Hummel, de Dyckerhoff, du 28 juillet 1982 constitue tout au plus une invitation à entrer en pourparlers, ce qui ne serait pas de nature à violer l'article 85, paragraphe 1, du traité.

2307. Force est cependant de constater que la lettre en question indique qu'elle fait suite à une lettre de Lafarge du 8 juillet précédent. Elle mentionne en outre un entretien entre les représentants de Dyckerhoff et de Lafarge. Ces éléments excluent donc d'ores et déjà l'hypothèse d'une initiative isolée de Dyckerhoff qui innocenterait Lafarge dans la mesure où il s'agirait d'une simple demande d'entrée en pourparlers. Il ressort également de la lettre de Dyckerhoff que les deux producteurs en cause "échang[ent] franchement [leurs] idées" (voir extrait reproduit ci- dessus au point 2300). Dans ces conditions, même si l'objectif poursuivi par M. Hummel était effectivement d'obtenir une intervention de Lafarge dans le cadre du conseil d'administration de Cedest, il s'avère que Lafarge discutait avec Dyckerhoff de la situation en Allemagne à la suite du comportement de Cedest. Cette conclusion est confirmée par la note interne de Lafarge du 23 juin 1982, qui relate un entretien entre les deux mêmes producteurs un mois plus tôt.

2308. En troisième lieu, Lafarge prétend qu'il ressort de sa note interne du 2 septembre 1982 qu'elle ne pouvait exercer aucune influence sur Cedest et qu'elle a refusé de participer à une réunion générale.

2309. Cette argumentation doit également être rejetée.

2310. D'une part, contrairement à ses allégations, le contenu de sa note n'indique pas que Lafarge ne pouvait exercer aucune influence sur Cedest. L'auteur, M. Marichal, déclare en effet: "L. [Lafarge] ne pouvait en aucune manière imposer à Cedest sa manière de voir." La nuance existant entre l'imposition d'une manière de voir et l'exercice d'une influence laisse place à des comportements de Lafarge ayant tous un caractère anticoncurrentiel, puisque visant à intervenir dans la détermination du comportement d'un autre opérateur économique sur le marché, à savoir Cedest. En outre, contrairement à ce que voudrait faire croire Lafarge, M. Marichal ne considérait pas que toute initiative de Lafarge à l'égard de Cedest était à ce moment-là définitivement vouée à l'échec. Au contraire, il ressort de la note que Lafarge se tenait, sous certaines conditions, prête à agir pour mener à bien les démarches entreprises à l'égard de Cedest. Il est ainsi précisé: "Je lui ai répondu qu'avant toute chose il fallait absolument épuiser toutes les possib. de négociations directes avec Cedest et, par conséquent, comme vous [M. Collomb, de Lafarge] l'aviez déjà dit, demander un entretien au niveau du président de Cedest, entretien auquel vous seriez disposé à participer si le président de Cedest vous y invitait."

2311. Lafarge a donc signalé à Dyckerhoff qu'elle se tenait, fût-ce sous certaines conditions, disposée à intervenir, malgré le fait qu'elle avait reconnu ne pouvoir imposer sa manière de voir à Cedest.

2312. D'autre part, Lafarge ne saurait prétendre que le contenu de sa note du 2 septembre 1982 traduit son refus de participer à une réunion générale. Outre la constatation opérée dans le point qui précède, il ressort de cette note que, au cours de la conversation téléphonique dont elle rend compte, M. Marichal a exposé les raisons pour lesquelles, aux yeux de Lafarge, il était prématuré d'organiser une telle réunion et pour lesquelles il fallait d'abord épuiser toutes les possibilités de négociations directes avec Cedest. Il s'avère dès lors que Lafarge et Dyckerhoff ont discuté de la manière la plus appropriée de régler le différend provoqué par le comportement de Cedest. Les propos tenus par le représentant de Lafarge ne correspondent donc pas à l'expression d'un refus catégorique de participer à une réunion générale entre les différentes parties intéressées par le comportement de Cedest en Allemagne.

2313. Par ailleurs, les arguments que Lafarge tire des particularités de sa position et de celle de sa filiale Wössingen sur le marché doivent, pour les raisons exposées ci-dessus aux points 2263 à 2265, à nouveau être rejetés.

2314. Il s'ensuit que, même si, comme l'a relevé Lafarge, de bonnes relations entre dirigeants français et allemands ne sont pas en elles-mêmes contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, le contenu des trois documents invoqués par la Commission dans la décision attaquée établit que Dyckerhoff et Lafarge se sont concertées dans le but d'éviter toute agressivité et d'instaurer un climat d'harmonie entre les producteurs français et allemands (décision attaquée, paragraphe 50, point 3, troisième alinéa).

2315. Les éléments qui précèdent confirment par ailleurs que la Commission n'a pas reproché à Heidelberger d'avoir participé à un accord ou à une pratique concertée avec Dyckerhoff et Lafarge sur la base des notes de Lafarge des 23 juin et 2 septembre 1982 (voir ci-dessus point 2293).

E Concertation entre Dyckerhoff et Ciments français

2316. La Commission déduit l'existence d'une concertation entre Dyckerhoff et Ciments français de deux documents, à savoir une note interne de Ciments français du 25 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 22, point 8; documents n° 33.126/4254 à 4256) et un compte rendu de Ciments français du 17 mai 1983 relatif à une rencontre entre Dyckerhoff et Ciments français les 9 et 10 mai 1983 (décision attaquée, paragraphe 22, point 9; documents n° 33.126/4251 à 4253). Ces deux documents l'amènent à considérer que "Dyckerhoff a communiqué à Ciments français ses projets pour faire face à la concurrence de Cedest et son intention de ne pas vendre en France" (décision attaquée, paragraphe 50, point 3, troisième alinéa).

2317. A nouveau, Dyckerhoff reconnaît que des discussions entre producteurs allemands et français ont eu lieu en 1982 et 1983, mais ne commente pas spécifiquement les deux documents cités par la Commission (voir ci-dessus point 2234). Elle se contente de relever que les discussions en question ne sauraient constituer une pratique concertée, dans la mesure où elles n'auraient conduit à aucun résultat particulier. Elle analyse uniquement le compte rendu de Ciments français du 17 mai 1983 dans le cadre du grief tiré de l'existence d'un accord de répartition du marché de la Sarre. A cet égard, elle souligne qu'il ne saurait être déduit de ce document qu'elle a exprimé l'intention de ne pas vendre en France le ciment broyé dans l'usine de Ciments luxembourgeois. Le point 6 de la note indiquerait simplement qu'elle a expliqué qu'elle entendait utiliser son quota de broyage pour approvisionner ses clients de la région de Trèves et de l'Eifel.

2318. Ciments français considère que l'évocation par Dyckerhoff du comportement de Cedest lors des réunions auxquelles se rapportent les deux documents invoqués dans la décision attaquée, et dont l'une était relative à la société luxembourgeoise Intermoselle, ne saurait constituer la preuve de sa participation à une pratique concertée. Lesdits documents ne laisseraient d'ailleurs percevoir aucune volonté de sa part, mais révéleraient au contraire la passivité de son comportement dans cette affaire. Une telle passivité ne permettrait pas de démontrer, conformément aux exigences de la jurisprudence (arrêt Petrofina/Commission, cité au point 2260 ci-dessus, points 214 et 215), que les informations qui lui ont été transmises s'inscrivaient dans une relation d'échange. Ciments français met à nouveau en exergue le fait qu'elle était absente du marché du Palatinat sur lequel Cedest était active, compte tenu des particularités de ses capacités industrielles.

2319. Les arguments avancés par Dyckerhoff et Ciments français doivent être rejetés.

2320. En premier lieu, aucune des deux entreprises n'allègue que le contenu du compte rendu de Ciments français du 17 mai 1983 ne rend pas fidèlement compte des discussions qui ont effectivement eu lieu les 9 et 10 mai 1983.

2321. En deuxième lieu, les points 6 et 7 de ce compte rendu énoncent:

"6. DYZ [Dyckerhoff] a confirmé que des conversations étaient prêtes à aboutir avec CL [Ciments luxembourgeois] pour assurer à DYZ [Dyckerhoff] un quota de broyage de 100 000 t sur les installations de broyage de CL [Ciments luxembourgeois] et pour des livraisons de ciment dans la région de Trèves et dans l'Eifel. A priori ces tonnes n'iront pas en Sarre, sauf s'il y avait un avantage économique certain par rapport à l'usine de Goelheim qui livre actuellement la Sarre. Ces tonnes n'iront jamais en France.

7. DYZ [Dyckerhoff] indique ses difficultés sur le marché allemand à la suite de l'agressivité commerciale de Cedest sur ce marché et fait part de son action et de ses projets pour faire face à cette concurrence."

2322. Il ressort du point 6 que Dyckerhoff a précisé, lors de ses discussions avec Ciments français, que les livraisons de ciment dans la région de Trèves et de l'Eifel, qui faisaient à l'époque l'objet de discussions avec Ciments luxembourgeois, n'iraient a priori pas en Sarre et n'iraient jamais en France. Dès lors que Ciments français a elle-même souligné qu'elle était présente en Sarre et dans l'est de la France, Dyckerhoff l'a donc informée d'un comportement qu'elle comptait adopter dans le futur sur le marché, en prenant soin de lui préciser qu'elle éviterait les régions dans lesquelles Ciments français était active. Cette dernière, pour sa part, a accepté d'en discuter. Or, une discussion portant sur le comportement futur d'au moins l'un des deux opérateurs concernés, en l'espèce Dyckerhoff, constitue une pratique concertée interdite par l'article 85, paragraphe 1, du traité, dès lors que, en l'absence de preuve contraire, qu'il incombait aux opérateurs concernés de rapporter, il y a lieu de considérer que la concertation de ceux-ci a influencé leur comportement dans les échanges entre la France et l'Allemagne (voir jurisprudence citée au point 2292 ci-dessus).

2323. Contrairement aux allégations de Ciments français, les discussions sur la destination des quantités broyées sur les installations de Ciments luxembourgeois ne concernaient pas la seule expédition de la production de clinker d'Intermoselle, puisque, comme le souligne la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 22, point 15, troisième alinéa), le compte rendu indique qu'il s'agit de ciment destiné à la région de Trèves ou de l'Eifel.

2324. Le caractère anticoncurrentiel des discussions des 9 et 10 mai 1983 entre Dyckerhoff et Ciments français est confirmé par le contenu du point 7 du compte rendu, qui montre que Dyckerhoff a informé Ciments français de ses projets pour faire face à la concurrence de Cedest en Allemagne.

2325. En troisième lieu, il ressort de la note interne de Ciments français du 25 janvier 1983 rendant compte d'une visite chez Dyckerhoff le 21 janvier précédent que les deux producteurs ont discuté des ventes de Cedest en Allemagne et de celles de Dyckerhoff en France. Il est ainsi précisé au point 3, qui reprend les commentaires sur les sujets retenus pour l'ordre du jour d'une réunion prévue le 15 février suivant, que le point 7 de cet ordre du jour, intitulé "relations franco-allemandes" (document n° 33.126/4259), concerne les ventes de Cedest en Allemagne et celles de Dyckerhoff en France ["Point 7 Il s'agit en fait des ventes de Cedest en Allemagne et de DYZ [Dyckerhoff] en France (demande de M. Grüner)"]. Comme le relève la Commission dans ses mémoires, il importe peu que Dyckerhoff ait pris l'initiative de discuter du comportement de Cedest en Allemagne avec Ciments français, dans la mesure où cette question avait été mise d'un commun accord à l'ordre du jour d'une réunion entre les deux producteurs.

2326. Le contenu de la note du 25 janvier 1983 confirme à tout le moins la volonté de Dyckerhoff et de Ciments français de discuter du comportement de Cedest en Allemagne et du comportement de Dyckerhoff en France en réaction à celui de Cedest. Il confirme également le caractère anticoncurrentiel de ces discussions.

2327. Il s'ensuit que la Commission a établi la participation de Dyckerhoff et de Ciments français à la concertation dont elle fait état au paragraphe 50, point 3, troisième alinéa, de la décision attaquée.

2328. Par ailleurs, il faut insister sur le fait que, malgré ses dénégations, Ciments français avait bien un intérêt particulier à discuter du comportement de Cedest en Allemagne avec Dyckerhoff, compte tenu des éventuelles mesures de représailles dans l'Est de la France qui étaient à craindre de la part des producteurs allemands. Les sujets évoqués lors des deux réunions entre Dyckerhoff et Ciments français dont il est fait état dans les deux documents en cause sont, à cet égard, des indices particulièrement probants. L'intérêt de Ciments français pour le comportement de Cedest en Allemagne est en outre confirmé, comme le relève la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 22, point 15, deuxième alinéa), par le contenu d'une note interne de Vicat du 22 juillet 1982 (décision attaquée, paragraphe 22, point 1; documents n° 33.126/6055 à 6057) qui précise: "Un climat de tension très grave s'est donc installé entre Cedest et SCF [Ciments français] qui se trouve accru par la bataille que se livrent ces deux concurrents dans le Bas-Rhin et en Moselle." Cet extrait ne fait pas seulement état de l'existence d'une concurrence intense entre Cedest et Ciments français, comme le prétend cette dernière, mais d'une tension grave qui se trouve accrue par la concurrence qui existe entre ces deux producteurs dans certaines régions. Cette tension ne résulte donc pas de la concurrence qu'ils se livrent, selon l'auteur de cette note, dans le Bas-Rhin et la Moselle.

2329. Il ressort donc de l'ensemble des considérations qui précèdent que, dans la décision attaquée, la Commission a démontré que "suite aux exportations de Cedest dans les Länder allemands autres que la Sarre et aux réactions en France des producteurs allemands, il y a eu des concertations bilatérales ayant pour objet de limiter les flux transfrontaliers de ciment" (décision attaquée, paragraphe 50, point 3, premier alinéa), concertations bilatérales auxquelles ont pris part Dyckerhoff (ci-dessus points 2282 à 2328), le SFIC (ci-dessus points 2236 à 2251), Ciments français (ci-dessus points 2252 à 2281 et 2316 à 2328), Heidelberger (ci-dessus points 2282 à 2294), Lafarge (ci-dessus points 2252 à 2281 et 2295 à 2315) et le BDZ (ci-dessus points 2236 à 2251).

2330. En tout état de cause, l'argumentation de Ciments français, de Heidelberger et de Lafarge tirée d'une erreur d'appréciation dans l'analyse économique du marché franco-allemand pour contester leur participation aux pratiques concertées constatées à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée doit être écartée, dans la mesure où les différentes pratiques concertées en cause et la participation des différentes parties requérantes concernées ont été établies sur la base de documents dont la valeur probante ne nécessite aucune mise en perspective par rapport à une analyse économique du marché en cause (voir ci-dessus points 263 et 264).

Réglementation générale des livraisons de ciment entre la France et l'Allemagne

2331. Dyckerhoff (T-35-95), le SFIC (T-36-95), Cedest (T-38-95), Ciments français (T-39-95), Heidelberger (T- 42-95), Lafarge (T-43-95) et le BDZ (T-48-95) contestent tant la conclusion d'un accord relatif à la réglementation générale des livraisons de ciment entre la France et l'Allemagne, dont fait état la Commission dans la décision attaquée (paragraphes 22, point 10, et 50, point 3, cinquième alinéa), que leur participation audit accord.

2332. Avant d'apprécier le bien-fondé de leurs arguments, il y a lieu de rappeler ce que la Commission leur reproche sur ce point dans la décision attaquée.

2333. Il s'avère que, au paragraphe 50, point 3, cinquième alinéa, la Commission précise:

"Toutes ces pratiques concertées ont conduit à la conclusion d'un accord entre les entreprises et associations d'entreprises françaises et allemandes intéressées. En fait, la lettre du 22 septembre 1986 évoque les progrès réalisés par rapport à 1984 au cours des réunions périodiques entre MM. Laplace, Lose et Brenke, l'accord intervenu en 1984, les possibilités de renouveler cet accord et l'écart entre les livraisons françaises et allemandes. La note du 12 août 1987 fait état de la poursuite des discussions pour résoudre les questions évoquées dans la lettre du 22 septembre 1986 [...]"

2334. Elle indique par ailleurs (paragraphe 22, point 10, troisième alinéa): "La Commission ne dispose pas de preuves relatives au renouvellement de l'accord, mais les données statistiques sur les livraisons françaises en Allemagne et sur les livraisons allemandes en France (voir point 12 ci-après) montrent que l'accord entre le [SFIC], Lafarge, Ciments français, Cedest d'une part et le [BDZ], Heidelberger, Dyckerhoff d'autre part a continué après 1986."

2335. Elle identifie donc tout d'abord la conclusion en 1984 d'un accord relatif à la réglementation générale des livraisons entre la France et l'Allemagne, puis la possibilité de le renouveler en 1986, et, enfin, son existence au-delà de 1986. Dans le dispositif de la décision attaquée [article 3, paragraphe 3, sous a)], elle précise simplement que les parties concernées ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité "du 23 juin 1982 au 30 septembre 1989 au moins, en participant à des accords et des pratiques concertées portant sur la réglementation des livraisons de ciment de France vers l'Allemagne et d'Allemagne vers la France".

A Conclusion d'un accord en 1984

2336. Toutes les parties requérantes concernées nient leur participation à la conclusion d'un accord en 1984. Dyckerhoff, Ciments français, Heidelberger et Lafarge reprochent notamment à la Commission d'utiliser un document, la lettre de M. Laplace à M. Schuhmacher du 22 septembre 1986 (décision attaquée, paragraphe 22, point 10), qui, selon elles, ne permettrait ni de rendre compte du contenu du prétendu accord conclu en 1984, ni d'identifier les parties qui l'auraient conclu.

2337. Il y a lieu de rappeler que M. Laplace, rédacteur de la lettre, était à la fois président de Ciments français et président du SFIC, tandis que le destinataire, M. Schuhmacher, était à la fois président de Heidelberger et président du BDZ (décision attaquée, paragraphe 22, point 10). Dans la décision attaquée, la Commission examine ladite lettre à la lumière du contexte général dont les autres documents cités aux paragraphes 22 et 50 rendent compte.

2338. Après en avoir exposé le contenu, elle conclut (décision attaquée, paragraphe 22, point 10, troisième alinéa):

"On peut retenir les points essentiels suivants de cette lettre: qu'un accord existait entre certaines entreprises françaises et allemandes (SFIC, Lafarge, Ciments français et Cedest, d'une part, et BDZ, Heidelberger et Dyckerhoff, d'autre part); que l'exécution ou l'interprétation de cet accord a donné lieu à des différends qui ont été soumis aux arbitres; qu'il y a eu des discussions pour renouveler l'accord; que l'écart entre les livraisons françaises et les livraisons allemandes n'était pas le résultat de discussions bilatérales [...] entre les entreprises françaises et allemandes mais de divergences entre les entreprises françaises; que les présidents des deux associations française et allemande ont parlé, le 11 octobre 1986, des deux problèmes évoqués dans la lettre et ont convenu, en ce qui concerne les quantités, d'aborder officiellement le problème après la rencontre franco-allemande, qui a eu lieu à Paris les 27-28 octobre 1986 (d'après les documents n° 33.126/14764 à 14768)."

2339. Elle relève également (paragraphe 50, point 3, septième alinéa):

"[...] l'accord de 1984 résultant de la lettre du 22 septembre 1986 constitu[e] [une] infractio[n] à l'article 85, paragraphe 1, commis[e] par le [SFIC], Cedest, Ciments français, Lafarge, le [BDZ], Dyckerhoff et Heidelberger."

2340. Les critiques émises par les quatre parties requérantes désignées nommément ci-dessus au point 2336 ne conduisent pas à invalider cette constatation de la Commission. En effet, dans la décision attaquée, la Commission a, d'une part, établi l'existence d'un accord de réglementation générale des livraisons de ciment entre la France et l'Allemagne, ainsi que son objet, et, d'autre part, identifié les parties audit accord.

2341. A titre liminaire, il y a lieu de souligner que, même s'il n'existe ni document formellement intitulé "accord de réglementation générale des livraisons entre la France et l'Allemagne" ni preuve unique de l'organisation d'une réunion particulière au cours de laquelle toutes les parties concernées se seraient entendues, la force probante des éléments de preuve documentaires avancés par la Commission dans la décision attaquée doit être appréciée à la lumière des événements qui ont marqué les relations entre les industries française et allemande avant 1984, événements dont la réalité et le caractère anticoncurrentiel ont d'ores et déjà été établis (voir ci-dessus points 2226 à 2330). Il ressort d'une jurisprudence constante qu'un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité ne suppose pas nécessairement une convention consignée par écrit (arrêt Tepea/Commission, cité au point 2061 ci-dessus, point 41). Pour qu'il y ait un tel accord, il suffit que les entreprises/associations d'entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (voir jurisprudence citée au point 1010 ci-dessus). Il importe peu, dès lors, de déterminer avec précision la date de la conclusion d'un tel accord, dès l'instant où l'existence d'un concours de volontés est établie sur la base de preuves documentaires.

2342. En premier lieu, plusieurs éléments retenus par la Commission dans la décision attaquée établissent l'existence de l'accord de réglementation générale des livraisons de ciment entre la France et l'Allemagne tant en 1984 qu'en 1986.

2343. Tout d'abord, il ressort de plusieurs passages de la lettre du président de Ciments français et du SFIC, M. Laplace, au président de Heidelberger et du BDZ, M. Schuhmacher, en date du 22 septembre 1986, rédigée quelques semaines avant la rencontre entre l'industrie allemande et l'industrie française à Paris les 27 et 28 octobre 1986, qu'un accord entre ces deux industries visant les livraisons françaises et allemandes avait été conclu au cours de l'année 1984 et qu'il existait toujours à ce moment-là, puisqu'il faisait alors l'objet de discussions quant à son renouvellement.

2344. Ainsi, M. Laplace écrit (premier, deuxième et sixième alinéas):

"Comme vous le savez, j'ai des réunions périodiques avec Jürgen Lose et Ted Brenke.

Je crois, si nous regardons la situation à laquelle nous étions confrontés en 1984, que ce dont nous avons discuté au cours de ces réunions a plutôt bien fonctionné.

[...]

Le second problème concerne le futur. Au cours de notre dernière réunion, Ted Brenke a exprimé l'avis que, si nous devions renouveler notre accord, il y aurait du côté allemand une demande de réduire l'écart existant depuis 1984 entre les livraisons françaises et allemandes. Je lui ai répondu que si cette demande était maintenue je voyais peu de chances que nous arrivions à un autre accord. Ainsi que vous vous en souvenez, il n'y a aucune justification logique et encore moins éthique de cet écart, lequel, en fait, n'était pas le résultat de discussions bilatérales entre les intérêts français et allemands, mais résultait d'une situation beaucoup plus compliquée de discussion qui renfermait des conflits entre les parties françaises et qui aurait probablement renfermé des conflits du côté allemand, si on n'avait pas été d'accord à l'époque de laisser Wössingen de côté pour le moment. Je ne crois pas que beaucoup de gens peuvent s'entendre sur quelque chose de nouveau à moins qu'ils ne soient sous pression, et le vrai but du renouvellement est de ne pas laisser de telles pressions se développer [...]"

2345. Au vu de ces éléments, la Commission était fondée à considérer que, à cette époque, il existait toujours un accord, conclu en 1984, entre l'industrie française et l'industrie allemande concernées, portant sur la réglementation des livraisons de ciment entre la France et l'Allemagne et dont le renouvellement était envisagé au moment de la rédaction de la lettre. Il y a donc lieu de rejeter l'argument de Dyckerhoff et de Heidelberger selon lequel le contenu de celle-ci démontre que l'accord conclu en 1984 n'existait plus, en tout cas, le 22 septembre 1986.

2346. Ensuite, le mémorandum rédigé à son intention le 15 mars 1984 démontre que le président de Cembureau comptait amener les chefs de délégation à discuter, lors de leur réunion du 19 mars 1984, des exportations françaises en Allemagne comme l'un des "points chauds" existant toujours à cette date. Certes, si les notes de séance de la réunion ne font plus état des exportations françaises en Allemagne, les participants à cette réunion du 19 mars 1984 ont constaté que la pression due au commerce intermembres s'est affaiblie nettement grâce à l'amélioration des contacts bilatéraux (voir décision attaquée, paragraphes 19, points 9 et 10, et 50, point 3, quatrième alinéa, ainsi que la note en bas de page n° 100; documents n° 33.126/11728, 11729 et 11733 à 11737) (voir ci-dessus points 2245 à 2250). Le fait que le "point chaud" visé dans le mémorandum précité concerne exclusivement les exportations françaises vers l'Allemagne et non les exportations allemandes vers la France confirme que les parties impliquées dans les relations franco-allemandes ont conclu un accord qui règle, à tout le moins, une grande partie des problèmes ayant donné lieu aux pratiques concertées qui ont émaillé les années 1982 et 1983, notamment le comportement de Cedest sur le marché allemand et les mesures de représailles des producteurs allemands. La persistance d'un problème au niveau des exportations françaises en Allemagne confirme que, comme l'indique le contenu de la lettre du 22 septembre 1986, l'industrie allemande concernée (le "German side") souhaitait obtenir la réduction de l'écart entre le volume des exportations françaises en Allemagne et celui des exportations allemandes en France, dans le cadre d'un renouvellement de l'accord conclu en 1984.

2347. Le SFIC prétend toutefois que le mémorandum du 15 mars 1984, cité dans une simple note en bas de page des passages de la décision attaquée consacrés à l'entente franco-allemande, n'a pas de lien avec la note interne de Lafarge du 23 juin 1982 (décision attaquée, paragraphe 22, point 4; documents n° 33.126/6592 à 6596) et avec l'entente franco-allemande en général. Il déduit cette absence de lien de la contradiction qui existerait entre les conclusions de la réunion du 19 mars 1984 figurant dans les notes de séance du 2 avril 1984 (paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737), selon lesquelles "les quantités exportées [étaient] plutôt en diminution", et la tendance enregistrée dans les données statistiques par ailleurs utilisées par la Commission pour caractériser l'entente franco-allemande (paragraphe 22, point 10, in fine), selon laquelle les exportations de ciment de l'Allemagne vers la France auraient augmenté entre 1985 et 1989.

2348. D'une part, l'interprétation du texte même de la décision attaquée défendue par le SFIC ne saurait être accueillie. En effet, il est fait référence au mémorandum du 15 mars 1984 non seulement dans la note en bas de page n° 100, mais également au paragraphe 50, point 3, quatrième alinéa, de la décision attaquée.

2349. D'autre part, force est de constater que la contradiction dénoncée par le SFIC résulte d'une présentation tronquée des éléments contenus dans la décision attaquée. En effet, dès lors que seules les exportations de la France vers l'Allemagne sont perçues, dans le mémorandum du 15 mars 1984 à l'intention du président, comme étant problématiques par rapport à la règle du respect des marchés domestiques consacrée dans l'accord Cembureau, la conclusion des notes de séance du 2 avril 1984 selon laquelle "les quantités exportées [étaient] plutôt en diminution" ne peut porter que sur les exportations de la France vers l'Allemagne. Par conséquent, cette conclusion ne contredit nullement la tendance constatée par la Commission dans les données statistiques mentionnées au paragraphe 22, point 12, de la décision attaquée, selon laquelle les exportations de l'Allemagne vers la France auraient augmenté entre 1985 et 1989.

2350. En outre, les conclusions des notes de séance sont plus nuancées que ne le suggère le SFIC, puisqu'elles précisent: "La pression due au commerce intermembres s'est affaiblie nettement grâce à l'amélioration des contacts bilatéraux. Les quantités exportées sont plutôt en diminution mais il reste la menace en provenance des outsiders."

2351. Enfin, le SFIC déduit l'existence d'une contradiction de la comparaison de deux éléments se rapportant à des périodes différentes, la première antérieure au 19 mars 1984 et la seconde postérieure à cette date.

2352. De même, le fait que les exportations françaises en Allemagne n'ont pas été reprises comme "point chaud" dans les notes de séance datées du 2 avril 1984, relatives à la réunion des chefs de délégation de Cembureau du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 10), alors que ces exportations étaient visées à ce titre dans le mémorandum du 15 mars 1984 à l'intention du président (décision attaquée, paragraphe 19, point 9), n'implique pas, comme le soutient Ciments français, que la constatation par les chefs de délégation de Cembureau, lors de leur réunion du 19 mars 1984, de l'affaiblissement de la pression due au commerce entre les membres grâce à l'amélioration des contacts bilatéraux ne concerne pas les relations franco-allemandes. Au contraire, compte tenu des contacts existant entre les industries française et allemande, qu'atteste sans équivoque la lettre du 22 septembre 1986 (voir ci-dessus points 2242 et 2243), et de la mention des exportations françaises en Allemagne dans le mémorandum du 15 mars 1984, l'absence de référence aux relations franco-allemandes dans les notes de séance est de nature à démontrer que, pour les chefs de délégation de Cembureau, elles ne posaient plus de problème et ne constituaient donc plus un "point chaud".

2353. Lafarge ne saurait déduire de la mention des exportations françaises vers l'Allemagne dans le mémorandum du 15 mars 1984 à l'intention du président qu'il existait un désaccord démontrant l'inexistence de l'accord prétendument conclu en 1984. D'une part, il ne saurait être exclu que l'accord ait été conclu en 1984 après la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984. D'autre part, à supposer même qu'il ait été conclu avant ladite réunion, il ne saurait être exclu que le désaccord ou le problème subsistant entre les industries française et allemande résultait du souhait des Allemands de réduire l'écart entre les volumes de ciment respectivement exportés par les producteurs français et les producteurs allemands.

2354. Il importe donc peu, en l'occurrence, que la date exacte de la conclusion de cet accord en 1984 n'ait pas pu être déterminée, dans la mesure où les éléments de preuve rapportés par la Commission indiquent que la conclusion d'un accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, remonte à l'année 1984.

2355. Dyckerhoff et Heidelberger prétendent qu'il est contradictoire de fixer le début de cet accord en 1984, alors que, selon la lettre du 22 septembre 1986, les producteurs allemands demandaient la réduction de l'écart existant précisément depuis 1984 entre les livraisons françaises et allemandes. Dyckerhoff ajoute que cette contradiction découle aussi du fait que les livraisons franco-allemandes constituaient l'un des "points chauds" examinés lors de la réunion des chefs de délégation de Cembureau du 19 mars 1984, et du fait que la date de début des accords et pratiques concertées portant sur les livraisons entre la France et l'Allemagne, retenue à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, est le 23 juin 1982.

2356. En réalité, aucune contradiction ne résulte des éléments qui, selon Dyckerhoff et Heidelberger, excluent la conclusion d'un accord en 1984. Tout d'abord, il ressort de la lettre du 22 septembre 1986 que c'est le souhait des producteurs allemands de réduire l'écart entre les importations françaises en Allemagne et les importations allemandes en France qui conduit M. Laplace à parler d'un renouvellement de l'accord. Ensuite, comme indiqué ci-dessus aux points 2347 à 2353, le fait que les livraisons franco-allemandes aient fait l'objet de discussions lors de la réunion des chefs de délégation de Cembureau du 19 mars 1984 est un indice supplémentaire de l'existence de négociations entre les industries des deux pays et de la conclusion d'un accord entre eux, puisque ces livraisons n'ont plus, sur la base des preuves documentaires rapportées par les parties, fait l'objet de discussions ultérieures dans l'enceinte de Cembureau. Enfin, Dyckerhoff confond deux éléments distincts: d'une part, l'infraction unique et continue portant sur la réglementation des livraisons de ciment de France vers l'Allemagne et d'Allemagne vers la France, du 23 juin 1982 au 30 septembre 1989, qui comprend l'ensemble des pratiques concertées et accords retenus par la Commission au paragraphe 50, points 1 à 4, de la décision attaquée (voir ci-dessus point 2170), et, d'autre part, l'accord ayant le même objet conclu en 1984, plus spécifiquement visé au paragraphe 50, point 3, cinquième alinéa, de la décision attaquée. Ce dernier accord n'étant que l'un des éléments constitutifs de l'infraction unique et continue, il n'est dès lors pas contradictoire de retenir pour le début de celle-ci une date distincte de celle retenue pour l'accord de 1984.

2357. En deuxième lieu, les passages de la lettre du 22 septembre 1986 cités ci-dessus au point 2344, et plus particulièrement celui aux termes duquel Ted Brenke a exprimé l'avis que, si cet accord devait être renouvelé, il y aurait du côté allemand une demande de réduction de l'écart existant depuis 1984 entre les livraisons françaises et allemandes, démontrent que l'objet dudit accord, toujours en vigueur en 1986, consistait à réglementer les livraisons de ciment entre la France et l'Allemagne.

2358. Aucun des éléments présentés par les parties requérantes ne permet de déduire que l'objet de cet accord se limitait aux seules régions autres que la Sarre. A cet égard, Ciments français ne peut tirer argument d'une distinction entre l'objet des éléments constitutifs de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, le prétendu accord de répartition du marché de la Sarre, les pratiques concertées relatives aux ventes de Cedest dans le Palatinat et l'accord conclu en général. Il suffit de constater que tous ces éléments concernent la répartition du marché et que les termes de la lettre du 22 septembre 1986 ne laissent entrevoir aucune distinction entre la Sarre et les autres régions frontalières en cause. L'éventuelle distinction de nature géographique entre le premier élément, à savoir le prétendu accord de répartition du marché de la Sarre, et le deuxième élément, à savoir les pratiques concertées visant le comportement commercial de Cedest en Allemagne, ne se justifie pas au niveau de la preuve de l'existence d'un accord de réglementation générale des ventes de ciment entre la France et l'Allemagne, compte tenu du libellé de la lettre du 22 septembre 1986.

2359. Il n'y a dès lors pas lieu de distinguer le sort de la Sarre de celui des autres régions dans le cadre de cet accord de réglementation générale. Il s'ensuit que la Commission était en droit de considérer que l'accord de 1984 avait pour objet la répartition des marchés et la limitation des flux transfrontaliers de ciment entre la France et l'Allemagne (décision attaquée, paragraphe 50, point 4, premier alinéa). En tout état de cause, à supposer même que les allégations selon lesquelles cet accord ne concernait pas la Sarre s'avèrent fondées, il n'en reste pas moins qu'un tel accord porterait toujours sur la réglementation des ventes entre la France et l'Allemagne.

2360. A cet égard, Ciments français ne saurait davantage soutenir que ni le contenu de l'accord conclu en 1984 ni, a fortiori, son caractère anticoncurrentiel ne peuvent être établis sur la base d'une lettre rédigée le 22 septembre 1986, qui mentionne sans plus de précision la seule existence d'un accord. En effet, l'absence d'un document formel consignant dans des termes précis le contenu d'un concours de volontés intervenu entre plusieurs opérateurs économiques sur un marché ne signifie pas nécessairement qu'il est impossible de rendre compte des éléments d'une entente contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Or, en l'espèce, la Commission a établi, en examinant la lettre du 22 septembre 1986 à la lumière des autres pièces mentionnées dans la décision attaquée (voir ci-dessus points 2226 à 2330), que l'accord conclu en 1984 avait pour objet de réglementer les ventes de ciment entre la France et l'Allemagne. En outre, le fait que la Commission établit l'existence de cet accord principalement sur la base d'une lettre rédigée en 1986, postérieurement à la conclusion de l'accord en cause, démontre tant la conclusion de l'accord que son exécution.

2361. En l'espèce, l'objet de l'accord conclu en 1984 et toujours en vigueur en 1986, qui était de réglementer les livraisons de ciment entre la France et l'Allemagne, suffisait à en établir le caractère infractionnel.

2362. En troisième lieu, il importe d'identifier les parties à cet accord.

2363. S'agissant tout d'abord des deux associations nationales, le SFIC et le BDZ, il a déjà été constaté que plusieurs indices de leur participation figurent dans la lettre du 22 septembre 1986 (voir ci-dessus points 2242 et 2243).

2364. D'ailleurs, le SFIC ne consacre aucun commentaire spécifique à cette lettre de son président au président du BDZ.

2365. En revanche, le BDZ avance plusieurs arguments pour tenter de démontrer qu'il n'a pas participé à l'accord conclu en 1984. Il se prévaut ainsi de l'absence de copie de cette lettre dans ses propres dossiers et de la prise de connaissance de cette lettre par son directeur général, M. Steinbach, à la lecture de la CG.

2366. Comme le relève à juste titre la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 22, point 18), ladite lettre ayant été adressée au président du BDZ, M. Schuhmacher, il importe peu de déterminer si une copie de cette lettre subsiste dans ses dossiers et le moment où M. Steinbach en a effectivement pris connaissance. Il suffit de constater que l'auteur de la lettre, faisant référence à sa qualité de président du SFIC, considérait que M. Schuhmacher représentait les intérêts de l'industrie cimentière allemande dans le cadre de ses relations avec l'industrie cimentière française, ce qui ne peut découler que de la fonction que M. Schuhmacher occupait à ce moment-là à la tête du BDZ. Il convient en outre de souligner l'utilisation de termes tels que "intérêts français et allemands" ("French and German interests"), "parties françaises" ("French parties") et "côté allemand" ("German side") (voir ci-dessus point 2243).

2367. Le BDZ ne saurait, en faveur de sa défense, déduire aucun argument de son allégation selon laquelle les mentions manuscrites rédigées en allemand sur la lettre du 22 septembre 1986 indiquent que M. Schuhmacher n'avait pas l'intention de débattre des sujets traités dans cette lettre lors de la réunion entre les industries des deux pays à Paris en octobre 1986. Ces mentions manuscrites confirment tout au plus que le destinataire de la lettre, M. Schuhmacher, la considérait comme un courrier relevant de ses activités au sein de l'association nationale regroupant les producteurs de ciment de son pays, à savoir le BDZ. Elles indiquent en effet:

"Conversation du 11.10

a) convenu en principe sur la fonction des arbitres

b) les relations de quantités non, n'en parler officiellement qu'après Paris".

2368. S'agissant du mémorandum du 15 mars 1984 à l'intention du président (décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729) concernant les exportations de la France vers l'Allemagne, il visait à préparer une réunion des chefs de délégation de Cembureau à laquelle ont participé le SFIC et le BDZ en tant que membres de Cembureau représentant les intérêts de l'industrie cimentière de leur pays. C'est donc à juste titre que, dans la décision attaquée, la Commission a constaté la participation du SFIC et du BDZ à l'accord conclu en 1984 et encore en vigueur en 1986.

2369. Le BDZ se demande comment il aurait pu participer à un accord à partir du 23 juin 1982, alors que, dans la décision attaquée, la Commission allègue l'existence de pratiques concertées entre 1982 et 1984 et ne se prévaut de la constatation d'un accord qu'à partir de 1984.

2370. A l'instar de Dyckerhoff (voir ci-dessus point 2356), le BDZ confond l'infraction unique et continue portant sur la réglementation des livraisons de ciment de la France vers l'Allemagne et de l'Allemagne vers la France, du 23 juin 1982 au 30 septembre 1989, qui reprend l'ensemble des pratiques concertées et accords retenus par la Commission au paragraphe 50, points 1 à 4, de la décision attaquée, et l'accord ayant le même objet, conclu en 1984, qui est plus spécifiquement visé au paragraphe 50, point 3, cinquième alinéa, de la décision attaquée et ne constitue que l'un des éléments constitutifs de l'infraction unique et continue.

2371. Le BDZ prétend aussi que la note interne de Lafarge du 23 juin 1982 (décision attaquée, paragraphe 22, point 4; documents n° 33.126/6592 à 6596), dans la mesure où elle fait état d'une discussion entre producteurs à laquelle il n'a pas pris part, ne saurait rendre compte d'une adhésion de sa part à un accord de répartition des marchés. Il s'interroge également sur le lien que tenterait d'établir la Commission entre les activités de M. Schuhmacher durant l'été 1985 et la participation du BDZ à des accords de répartition des marchés français et allemand.

2372. A cet égard, il doit être constaté que la Commission n'a nullement prétendu qu'elle retenait la participation du BDZ à un accord de répartition du marché sur la base de la note de Lafarge du 23 juin 1982. Ce document est mentionné dans la décision attaquée (paragraphes 22, point 4, et 50, point 3, deuxième alinéa) pour démontrer l'existence de pourparlers entre le SFIC et le BDZ (voir ci-dessus points 2236 à 2251). En outre, comme le relève à juste titre la Commission, aucun lien n'a été établi entre les activités de M. Schuhmacher durant l'été 1985 et la participation du BDZ à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée. L'argument du BDZ est, dès lors, sans objet.

2373. En ce qui concerne Ciments français, il s'avère que, outre son affiliation au SFIC, elle était présidée par l'auteur de la lettre du 22 septembre 1986, M. Laplace. Or, en se référant à sa qualité de président du SFIC, celui-ci s'exprimait au nom des membres de ce syndicat et, en premier lieu, au nom de sa propre entreprise, Ciments français. D'ailleurs, dans le cinquième alinéa de la lettre, il écrit: "La raison pour laquelle je propose cela est que, si nous pouvons conférer ce pouvoir aux arbitres, moi, en tant que président du Syndicat, je n'en ai pas lorsqu'il s'agit de prendre même de simples décisions concernant les droits de mes membres, autres que ceux de ma propre entreprise, et je dois en référer à eux tous, au niveau le plus élevé, ce qui est très encombrant."

2374. La participation de Ciments français à l'accord de réglementation générale s'inscrit en outre dans le prolongement de son comportement antérieur à 1984, qui a notamment consisté à exercer des pressions sur Cedest et à prendre part à une concertation bilatérale avec Dyckerhoff (voir ci-dessus points 2252 à 2281 et 2316 à 2328).

2375. S'agissant de Lafarge, force est de constater qu'elle est membre du SFIC et que le président du SFIC, M. Laplace, a expressément signalé dans sa lettre du 22 septembre 1986 que, pour prendre la moindre décision concernant les droits des membres du SFIC, il doit se référer aux responsables de ceux-ci (cinquième alinéa de la lettre, mentionné ci-dessus au point 2373). Cet élément démontre que, compte tenu du processus de décision interne du SFIC, Lafarge a été directement impliquée dans la conclusion de l'accord en 1984. Elle n'a d'ailleurs invoqué aucun document démontrant qu'elle se serait départie de l'accord conclu en 1984. A cet égard, contrairement à ce qu'elle allègue, la mention de Wössingen dans la lettre du 22 septembre 1986 ne saurait être présentée comme la preuve de son absence de participation à l'accord conclu en 1984. En effet, s'il ressort du sixième alinéa de cette lettre que, à l'époque où l'accord a été conclu, il avait été décidé de ne pas se prononcer sur le cas de Wössingen, cela ne signifie toutefois pas que Lafarge n'a pas participé audit accord. Il peut simplement en être déduit que la position de Wössingen en Allemagne continuait, en 1984, à poser problème. Or, Lafarge a elle-même indiqué dans ses mémoires que Wössingen n'avait été mentionnée dans la décision du Bundeskartellamt du 12 septembre 1988, concernant une entente dans le Sud de l'Allemagne, qu'au titre de ses relations avec les autres cimentiers allemands postérieurement à mai 1986, ce qui confirme que, jusqu'à cette date, la position de Wössingen était particulière. En revanche, aucune indication ne permet de conclure que cette position particulière de Wössingen en Allemagne était considérée par les autres parties à l'accord, tant françaises qu'allemandes, comme signifiant que Lafarge n'y participait pas.

2376. En outre, il ressort des documents n° 33.126/6976 à 6979 et 33.126/16556 (décision attaquée, paragraphe 22, point 11) que les représentants de Lafarge au conseil de surveillance de Wössingen ont, le 27 septembre 1985, émis le souhait que cette entreprise adhère au système des quotas dans le Sud de l'Allemagne. Or, l'enquête et la décision du Bundeskartellamt du 12 septembre 1988 relatives à ce système d'attribution de quotas pour le Sud de l'Allemagne ont fait apparaître que Lafarge s'était entendue avec M. Schuhmacher, président du BDZ et de Heidelberger, pour que Wössingen puisse participer à cette entente (décision attaquée, paragraphe 22, point 11, quatrième alinéa; documents n° 33.126/6720 à 6745).

2377. Lafarge allègue que l'invocation de la décision du Bundeskartellamt du 12 septembre 1988 dans la décision attaquée viole ses droits de la défense, en ce que cette décision figurait dans le dossier des griefs nationaux relatif au marché allemand, dont la poursuite a été abandonnée, et en ce que cette décision n'était qu'un élément de preuve complémentaire dans la CG. Elle signale que, dans la décision du Bundeskartellamt, Wössingen est seulement mentionnée au titre de ses relations avec les autres cimentiers allemands postérieurement à mai 1986, de sorte que la Commission ne pourrait retenir sa participation à une prétendue entente franco-allemande sur la base de cette décision avant mai 1986. Elle reproche à la Commission d'avoir dénaturé le contenu de la décision du Bundeskartellamt à l'égard de Wössingen.

2378. Tous ces arguments de Lafarge doivent être rejetés.

2379. S'agissant de la prétendue violation de ses droits de la défense, il suffit de relever que la Commission a explicitement mentionné, dans la partie de la CG consacrée à l'entente franco-allemande (paragraphe 12, p. 28), l'ensemble des éléments repris dans la décision attaquée, paragraphe 22, point 11, et que tous les documents cités à cette occasion figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95).

2380. En ce qui concerne le contenu de la décision du Bundeskartellamt, il y a lieu de constater qu'elle est invoquée dans le paragraphe 22, point 11, de la décision attaquée. Cependant, selon la note en bas de page n° 104 que ce point comporte, les faits qu'il décrit "ne sont pas retenus contre les entreprises intéressées [et] sont mentionnés uniquement pour représenter tous les rapports existant entre les différents acteurs". Indépendamment du point de savoir si la Commission a ou non exploité le contenu de la décision du Bundeskartellamt pour retenir la participation de Lafarge à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), il suffit de constater que les faits décrits au paragraphe 22, point 11, de la décision attaquée étaient explicitement mentionnés au paragraphe 12 de la CG (chapitre 2) et que les documents invoqués par la Commission dans cette description figuraient tous dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Dans ces conditions, il ne saurait être question d'une violation des droits de la défense de Lafarge sur ce point.

2381. Il convient, ensuite, de relever que Lafarge n'a nullement contesté le fait, établi sur la base de documents cités dans la décision attaquée, que ses représentants au conseil de surveillance de Wössingen ont, le 27 septembre 1985, émis le souhait que cette entreprise adhère au système des quotas dans le Sud de l'Allemagne et qu'elle s'est entendue avec M. Schuhmacher, président du BDZ et de Heidelberger, pour que Wössingen puisse participer à cette entente (voir ci-dessus point 2376).

2382. La proximité de la date de conclusion de l'accord de réglementation générale des livraisons de ciment entre la France et l'Allemagne, soit 1984, et de la date à laquelle Wössingen a intégré l'entente portant sur le Sud de l'Allemagne, soit 1985, ainsi que l'intervention de M. Schuhmacher, président du BDZ, destinataire de la lettre du 22 septembre 1986 et interlocuteur de Lafarge pour l'entente portant sur le Sud de l'Allemagne, constituent des indices supplémentaires de la participation de Lafarge à l'accord conclu en 1984.

2383. En outre, à l'instar de Ciments français (voir ci-dessus point 2374), la participation de Lafarge à cet accord de réglementation générale s'inscrit dans le prolongement de son comportement antérieur à 1984, qui a notamment consisté à exercer des pressions sur Cedest et à prendre part à une concertation avec Dyckerhoff (voir ci-dessus points 2252 à 2281 et 2295 à 2315).

2384. En ce qui concerne Cedest, force est de constater que l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée doit d'ores et déjà être annulé en ce qu'il retient sa participation aux deux premiers éléments constitutifs de l'infraction en cause, à savoir le prétendu accord de répartition du marché de la Sarre et les pratiques concertées entre 1982 et 1984 (voir ci-dessus points 2225 et 2288). Or, selon la décision attaquée (paragraphe 50, points 1 à 3), ce sont ces deux premiers éléments qui ont conduit à la conclusion d'un accord en 1984, seul autre élément constitutif de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a). La Commission ne saurait donc retenir la participation de Cedest à ce troisième élément, dès lors que sa participation aux deux premiers ne peut pas être considérée comme établie, tant pour des raisons de forme (voir ci-dessus points 2211 et 2284 à 2290) que de fond, et qu'il n'existe aucune preuve directe de la participation de Cedest à l'accord conclu en 1984. La seule affiliation de Cedest au SFIC ne saurait suffire à cet égard, puisque cette association nationale compte également d'autres membres qui n'ont pas été visés par la Commission comme parties à l'accord conclu en 1984.

2385. Il s'ensuit que, dans la décision attaquée, la Commission n'a pas établi à suffisance de fait et de droit la participation de Cedest à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a). Il y a donc lieu d'annuler cette disposition à l'égard de Cedest.

2386. S'agissant de Dyckerhoff, il ressort de la lettre du 22 septembre 1986 que l'un de ses représentants, M. Lose, participait depuis 1984 à des réunions périodiques avec le président du SFIC, M. Laplace, et M. Brenke, de Heidelberger (décision attaquée, paragraphe 22, point 10, premier alinéa). En outre, à l'instar de Ciments français et de Lafarge (voir ci-dessus points 2374 et 2383), la participation de Dyckerhoff à cet accord de réglementation générale s'inscrit dans le prolongement de son comportement antérieur à 1984, qui a notamment consisté à prendre part à des concertations bilatérales avec Heidelberger, avec Lafarge et avec Ciments français (voir ci-dessus points 2282 à 2328).

2387. Quant à Heidelberger, force est de constater que le destinataire de la lettre du 22 septembre 1986 était non seulement le président du BDZ, mais aussi celui de Heidelberger. En outre, dans cette lettre, le président du SFIC, M. Laplace, fait état de réunions périodiques avec M. Lose, de Dyckerhoff, et M. Brenke, de Heidelberger, depuis 1984. Comme pour les autres producteurs français et allemands en cause (voir point précédent), la participation de Heidelberger à cet accord de réglementation générale s'inscrit dans le prolongement de son comportement antérieur à 1984, qui a notamment consisté à prendre part à une concertation bilatérale avec Dyckerhoff (voir ci-dessus points 2282 à 2294).

2388. De même que pour les pratiques concertées examinées ci-dessus (voir ci-dessus point 2330), l'argumentation de Ciments français, de Heidelberger et de Lafarge tirée d'une erreur d'appréciation dans l'analyse économique du marché franco-allemand pour contester leur participation à l'accord de réglementation générale des ventes de ciment entre la France et l'Allemagne, constaté à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, doit être écartée, dans la mesure où l'existence et le contenu de cet accord ainsi que la participation des différentes parties requérantes concernées ont été établis sur la base de documents dont la valeur probante ne nécessite aucune mise en perspective par rapport à une analyse économique du marché en cause.

2389. Il résulte de tout ce qui précède que la Commission était fondée à considérer, hormis à l'encontre de Cedest (voir ci-dessus points 2384 et 2385), que tous les acteurs français et allemands impliqués dans les livraisons de ciment entre la France et l'Allemagne avaient participé à un accord de réglementation générale des livraisons de ciment entre ces deux Etats membres.

B Poursuite de l'entente au-delà de 1986

2390. Dyckerhoff, Ciments français, Heidelberger et le BDZ dénoncent l'absence de preuve du renouvellement de l'accord. Cette absence de preuve aurait été reconnue par la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 22, point 10, troisième alinéa): "La Commission ne dispose pas de preuves relatives au renouvellement de l'accord [...]" Les parties requérantes considèrent que, ne disposant pas de preuve de ce renouvellement, la Commission ne pouvait se fonder ensuite (même alinéa) sur la seule analyse des données statistiques échangées par les associations nationales en cause pour établir le renouvellement de l'accord. Elles prétendent en effet qu'il existe, à tout le moins, une explication économique alternative aux constatations découlant desdites données statistiques.

2391. Cependant, s'il ressort effectivement de la décision attaquée que, pour établir la volonté des parties à l'accord de 1984 de renouveler ce dernier, la Commission mentionne à nouveau la lettre du 22 septembre 1986 (voir paragraphe 50, point 3, cinquième alinéa: "En fait, la lettre du 22 septembre 1986 évoque [...] les possibilités de renouveler cet accord"), force est de constater que, contrairement à ce que suggère la thèse des parties requérantes, la Commission n'a pas retenu l'existence d'un accord renouvelé en 1986 ou ultérieurement, au titre de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité qu'elle vise à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée.

2392. La Commission utilise en effet les constatations que fournissent les données statistiques échangées par les deux associations nationales pour confirmer la poursuite du concours de volontés existant depuis 1984 entre les industries française et allemande, et non pas pour démontrer le renouvellement de l'accord conclu en 1984. Ainsi, au paragraphe 22, point 10, troisième alinéa, in fine, de la décision attaquée, elle indique: "La Commission ne dispose pas de preuves relatives au renouvellement de l'accord, mais les données statistiques sur les livraisons françaises en Allemagne et allemandes en France [...] montrent que l'accord entre le [SFIC], Lafarge, Ciments français, Cedest, d'une part, et le [BDZ], Heidelberger, Dyckerhoff, d'autre part, a continué après 1986."

2393. Si la Commission ne dispose pas de preuve du renouvellement de l'accord conclu en 1984 et le reconnaît dans la décision attaquée, la volonté des parties d'améliorer l'accord intervenu en 1984 et encore en vigueur en 1986 ressort clairement des passages de la lettre du 22 septembre 1986 (décision attaquée, paragraphe 22, point 10; documents n° 33.126/3574 à 3576) cités ci-dessus au point 2344. Tant les réunions entre MM. Laplace, Lose et Brenke que la nécessité de recourir à des arbitres ("Schiedsrichter") et le souhait de l'industrie allemande ("German side") de réduire l'écart existant depuis 1984 entre les livraisons françaises et allemandes démontrent en effet que les parties désiraient, à l'époque, poursuivre leur entente sur la réglementation des ventes entre la France et l'Allemagne, le cas échéant en affinant la portée de leur concours de volontés afin de régler tous les problèmes rencontrés dans la zone frontalière franco-allemande.

2394. Dyckerhoff ne peut prétendre que la lettre du 22 septembre 1986 ne relate aucune discussion ayant pour objet le renouvellement d'un accord. En effet, le sixième alinéa de cette lettre vise à plusieurs reprises le renouvellement d'un accord ("dans l'hypothèse où nous renouvellerions notre accord", "très faible espoir d'atteindre un nouvel accord" et "le vrai but du renouvellement est de ne pas laisser de telles pressions se développer").

2395. Dyckerhoff, le SFIC, Ciments français, Heidelberger, Lafarge et le BDZ font valoir que, compte tenu de l'arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus (point 71), l'analyse des données statistiques relatives aux livraisons entre la France et l'Allemagne ne pouvait servir à démontrer la poursuite de l'accord conclu en 1984, dans la mesure où il existerait une explication économique alternative à la collusion relevée dans la décision attaquée.

2396. En outre, Dyckerhoff, le SFIC, Ciments français et Heidelberger contestent la valeur probante du contenu de la note interne de Heidelberger du 12 août 1987 (document n° 33.126/3573), citée au paragraphe 22, point 10, quatrième et cinquième alinéas. Ils soutiennent en outre que ce document, non mentionné dans la CG, ne pouvait être utilisé à charge dans la décision attaquée.

2397. Il convient de rappeler que l'argument tiré d'une violation des droits de la défense a d'ores et déjà été rejeté ci- dessus au point 345.

2398. Avant d'apprécier le bien-fondé des autres arguments, il y a lieu d'examiner à nouveau les passages pertinents de la décision attaquée sur ce point. Dans cette dernière, après avoir constaté qu'elle ne dispose pas de preuves relatives au renouvellement de l'accord, la Commission se prévaut des données statistiques sur les livraisons françaises en Allemagne et sur les livraisons allemandes en France du 1er janvier 1985 au 30 septembre 1989, données qui montreraient que ledit accord a continué après 1986 (paragraphe 22, point 10, troisième alinéa, in fine). Elle ajoute que, d'après une note interne de Heidelberger du 12 août 1987, les discussions franco-allemandes ont continué en 1987. Au paragraphe 22, point 12, troisième alinéa, elle relève que la comparaison de ces données "montre que 'l'écart existant depuis 1984 entre livraisons françaises et allemandes (lettre du 22.9.1986 [...]) a été réduit".

2399. Dans ses mémoires dans l'affaire T-48-95, la Commission a confirmé qu'elle a déduit la poursuite de l'accord au-delà de 1986 de l'évolution des données statistiques.

2400. Elle présente donc deux éléments différents pour démontrer que le concours de volontés qui s'est matérialisé en 1984 et qui existait toujours en 1986, dans le but de réglementer les ventes de ciment entre la France et l'Allemagne, a subsisté à tout le moins jusqu'au 30 septembre 1989: les constatations découlant des données statistiques reprises au paragraphe 22, point 12, et la note de Heidelberger du 12 août 1987 (décision attaquée, paragraphe 22, point 10).

2401. Il convient, en premier lieu, d'apprécier la valeur probante de cette note du 12 août 1987.

2402. Heidelberger ne saurait prétendre que le grief tiré de la poursuite de l'accord en 1987 n'a pas été formulé contre elle dans la CG. En effet, celle-ci ne contient pas d'indication permettant de déduire que la Commission a considéré que le concours de volontés constaté en 1984 n'existait plus en 1987 (voir également ci-dessus point 576). Au contraire, il s'avère que, dans les passages de la CG consacrés à l'entente franco-allemande, la Commission s'est bien gardée d'indiquer que ce concours de volontés avait pris fin. Elle a même relevé que les annotations manuscrites figurant sur la lettre du 22 septembre 1986 signifiaient que le problème des quantités exportées vers la France et l'Allemagne avait été discuté après la rencontre franco-allemande des 27 et 28 octobre 1986 (CG, paragraphe 12, p. 27).

2403. Dyckerhoff et Heidelberger prétendent que le contenu de la note du 12 août 1987 démontre qu'il n'existait aucun accord. Ciments français souligne pour sa part que cette note ne contient aucune indication relative au contenu ou au renouvellement de l'accord de 1984.

2404. Ces arguments doivent être rejetés.

2405. D'une part, la Commission n'a pas utilisé la note du 12 août 1987 pour démontrer l'existence, la poursuite ou le renouvellement de l'accord conclu en 1984, mais pour faire état de la poursuite des discussions franco- allemandes auxquelles se réfère la lettre du 22 septembre 1986. Elle explique ainsi, dans la décision attaquée (paragraphe 22, point 10, troisième et quatrième alinéas): "D'après une note interne de Heidelberger du 12 août 1987 (document n° 33.126/3573), les discussions franco-allemandes ont continué en 1987: 'J'avais convenu avec M. Laplace de discuter, avant que son mandat au sein de l'industrie française du ciment ne vienne à expiration, des questions ouvertes et bien connues. Vous allez le rencontrer avec la délégation Cembureau qui part pour la Russie. J'aimerais bien convenir avec vous, avant que vous ne le rencontriez, du contenu des conversations à tenir. Annexe. L'annexe est constituée par la lettre du 22 septembre 1986 ci-dessus rappelée." La référence aux "questions bien connues" qui seraient restées "ouvertes" et la présence de la lettre du 22 septembre 1986 en annexe démontrent que les "questions" en cause portent sur le renouvellement éventuel de l'accord dont traite cette lettre. Or, selon les termes de celle-ci, les parties à l'accord souhaitaient l'améliorer en étendant sa portée au règlement de certaines questions laissées en suspens lors de sa conclusion en 1984, comme la réduction de l'écart entre les volumes des livraisons des deux pays. La subsistance de telles questions démontre donc que le concours de volontés qui s'était manifesté en 1984, et dont faisait encore état la lettre du 22 septembre 1986, était toujours d'actualité en août 1987.

2406. D'autre part, la persistance du concours de volontés, dont l'existence est établie en 1984 et en 1986 à l'égard de Dyckerhoff, du SFIC, de Ciments français, de Heidelberger, de Lafarge et du BDZ (voir ci-dessus points 2363 à 2389), découle également du fait que la lettre du président du SFIC et de Ciments français au président du BDZ et de Heidelberger du 22 septembre 1986 figure en annexe à cette note de Heidelberger du 12 août 1987.

2407. Au demeurant, Lafarge et le BDZ n'ont émis ni critique ni commentaire particulier à l'encontre de ladite note de Heidelberger ou de son utilisation par la Commission dans la décision attaquée.

2408. Il convient, en second lieu, d'apprécier la valeur probante des constatations découlant des données statistiques reprises au paragraphe 22, point 12, de la décision attaquée.

2409. Au paragraphe 22, point 10, de celle-ci, la Commission affirme que lesdites données statistiques montrent que l'accord a continué après 1986. Au paragraphe 22, point 12, troisième alinéa, elle considère que la comparaison de ces données montre que l'écart existant depuis 1984 entre les livraisons françaises et allemandes, dont il est question dans la lettre du 22 septembre 1986, a été réduit. Au paragraphe 50, point 3, sixième alinéa, elle explique que les données statistiques échangées par les deux associations font ressortir que la réduction recherchée de l'écart entre les livraisons françaises et allemandes a été réalisée.

2410. Il est certes exact que, en mars 1984, les exportations de la France vers l'Allemagne sont perçues comme constituant toujours un "point chaud" [voir mémorandum du 15 mars 1984 à l'intention du président (décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729)], que la lettre du président du SFIC et de Ciments français au président du BDZ et de Heidelberger du 22 septembre 1986 (voir ci-dessus points 2343 et 2344) indique que l'industrie allemande concernée a émis le souhait de réduire l'écart entre le volume des exportations françaises en Allemagne et le volume des exportations allemandes en France, et qu'aucune des parties requérantes concernées ne conteste la réalité de la tendance à la réduction dudit écart entre le 1er janvier 1985 et le 30 septembre 1989 en raison de l'accroissement des exportations allemandes vers la France, comme le confirment les données reproduites au paragraphe 22, point 12, de la décision attaquée. Cependant, force est de constater que Ciments français a présenté, dès l'audition, une explication économique alternative, que la Commission n'est pas parvenue à écarter, contrairement à ce qu'elle soutient dans la décision attaquée (paragraphe 22, point 15) et dans ses mémoires.

2411. Ciments français a expliqué l'existence d'une tendance à la réduction de l'écart par la plus forte expansion du marché régional français et par le niveau plus élevé des prix français par rapport aux prix allemands.

2412. Pour rejeter l'explication d'une plus grande attractivité pour les producteurs de ciment des prix français en ce qui concerne les années 1986, 1987 et 1988, la Commission a présenté un tableau à partir des documents reprenant les prix communiqués à Cembureau par le BDZ (documents n° 33.126/15161 à 15163) et par le SFIC (documents n° 33.126/15168 à 15170) dont il résulterait que les prix allemands étaient plus élevés que les prix français. Elle en a déduit (décision attaquée, paragraphe 22, point 15, sixième alinéa): "[...] les prix français n'ont pas du tout été plus attractifs que les prix allemands de 1986 à 1988. Au contraire, la différence de prix est d'autant plus importante que le ciment allemand PZ 35 appartient à une classe de résistance plus basse que celle des ciments français CPJ 45 et CPA 55 R." Elle a dès lors conclu (paragraphe 22, point 15, dernier alinéa): "Il s'ensuit que les explications de Ciments français ne sont pas étayées par les faits."

2413. Dans le cadre de la présente procédure, Ciments français a signalé à la Commission qu'elle commettait une erreur d'appréciation en comparant les prix allemands communiqués par le BDZ à Cembureau aux prix français communiqués par le SFIC à Cembureau, en ce qu'elle les présente comme des "prix départ usine hors-taxe" (décision attaquée, paragraphe 22, point 15), alors que les prix communiqués par le BDZ à Cembureau seraient des prix rendus et les prix communiqués par le SFIC à Cembureau des prix "départ usine".

2414. Il ressort des documents n° 33.126/15161 à 15163 et 15168 à 15170, cités dans la décision attaquée (paragraphe 22, point 15), que, comme le souligne Ciments français, les prix communiqués à Cembureau respectivement par le BDZ et le SFIC ne sont pas comparables en tant que tels, les premiers étant des prix rendus ("frei site" ou "frei station bundesgebiet") et les seconds des "prix départ usine". Il ressort en outre d'un tableau présenté par Ciments français (annexe 30 à la requête dans l'affaire T-39-95), que l'expression "frei station bundesgebiet" ne rend pas compte de prix départ usine. En effet, ce tableau, provenant d'une base de données de Cembureau et daté de mai 1994, reprend les prix relatifs à l'Allemagne pour les années 1979 à 1993. Or, il mentionne des prix "delivered on site" ou "delivered to site" qui correspondent, pour les mois et les années visés dans les documents n° 33.126/15161 à 15163, aux prix figurant dans le tableau du paragraphe 22, point 15, de la décision attaquée. Force est de constater que ce dernier tableau comporte une erreur, dans la mesure où il qualifie de "prix moyens allemands départ usine hors taxes communiqués par le BDZ pour PZ 35 uniquement" les prix indiqués dans les documents n° 33.126/15161 à 15163. En tant que tel, ce tableau perd dès lors toute valeur probante.

2415. Ciments français a par ailleurs présenté d'autres documents afin d'établir, sur la base d'une comparaison entre les prix rendus de part et d'autre, que les prix français étaient plus élevés que les prix allemands pour les années 1986, 1987, 1988 et 1989 (annexe 30 à la requête dans l'affaire T-39-95). La Commission n'a toutefois pas discuté le contenu de ces documents, se contentant d'un renvoi à la décision attaquée.

2416. Dans de telles circonstances, la Commission ne saurait se fonder sur l'analyse des données reprises au paragraphe 22, point 12, de la décision attaquée pour établir la poursuite d'une entente entre l'industrie française et l'industrie allemande sur la réglementation des ventes entre les deux pays. En effet, elle n'a pas démontré que la réduction de l'écart entre le volume des exportations françaises et celui des exportations allemandes, résultant principalement de l'augmentation des exportations allemandes, avait pour seule explication plausible la poursuite d'une entente (voir arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 71), la réduction de l'écart pouvant tout autant résulter d'un comportement concurrentiel des entreprises concernées et en particulier de la plus grande attractivité pour les producteurs de ciment des prix français en 1986, 1987, 1988 et 1989, ainsi que le lui avait exposé Ciments français au cours de la procédure administrative.

2417. Il n'y a donc pas lieu d'examiner les autres arguments soulevés par les parties requérantes pour contester la valeur probante des données statistiques invoquées par la Commission, la seule existence d'une explication économique alternative raisonnable enlevant toute force probante à ces données à l'égard de toutes les parties requérantes concernées par l'article 3, paragraphe 3, sous a).

2418. Il résulte de ce qui précède (voir ci-dessus points 2390 à 2417) que les éléments de preuve mentionnés dans la décision attaquée n'établissent la poursuite de l'entente visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée que jusqu'au 12 août 1987, date à laquelle a été rédigée la note de Heidelberger (paragraphe 22, point 10, quatrième alinéa). Il s'ensuit que cette disposition doit être annulée dans la mesure où elle constate l'existence d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité au-delà du 12 août 1987 et où elle retient la participation de Dyckerhoff, du SFIC, de Ciments français, de Heidelberger, de Lafarge et du BDZ à une telle infraction au-delà de cette date.

2419. Pour le surplus, Heidelberger ne saurait prétendre que la Commission a opéré un renversement de la charge de la preuve en lui imposant de démontrer qu'elle n'a participé à aucun des éléments de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée. Elle ne saurait davantage se prévaloir du faible nombre de documents mentionnés dans la décision attaquée qui la concerneraient. La Commission a en effet démontré, sur la base de documents, que Heidelberger a participé à l'infraction en cause. Le fait que Heidelberger considère que seules la lettre du 22 septembre 1986 et sa note interne du 12 août 1987 la concernent n'est pas de nature à affaiblir la démonstration de sa participation à l'infraction. Le nombre exact de documents utilisés à cet effet n'est pas déterminant, seule leur valeur probante étant prise en compte. En outre, d'autres documents établissent la participation de Heidelberger à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), comme la note interne de Lafarge faisant état de la réunion du 17 novembre 1982 entre Dyckerhoff, Heidelberger et Cedest (voir ci-dessus points 2282 à 2294).

2420. Au terme de la présente appréciation des arguments des parties requérantes visées par l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, il a été déterminé pour chacun des éléments constitutifs de l'infraction visée par cette disposition s'il devait ou non être considéré comme établi à l'égard de ces parties. Certaines d'entre elles ont cependant spécifiquement contesté la durée de leur participation à l'infraction.

Durée de la participation de certaines parties requérantes à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a)

2421. Ciments français dénonce le caractère artificiel de la construction au moyen de laquelle la Commission établit un lien entre les différents éléments retenus au titre de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, alors que ces éléments auraient des acteurs différents et des objets distincts, comme le reconnaîtrait d'ailleurs la Commission dans la décision attaquée.

2422. Heidelberger prétend que la Commission n'a pas rapporté la preuve de la poursuite des accords et pratiques concertées en cause jusqu'au 30 septembre 1989.

2423. Lafarge se demande comment la Commission peut retenir à son égard la date du 30 septembre 1989 comme date de fin de l'infraction, sans apporter la preuve de sa participation à l'infraction jusqu'à cette date.

2424. Avant d'apprécier le bien-fondé de ces différents arguments, il convient d'examiner les passages pertinents de la décision attaquée sur ce point.

2425. Il ressort de cette dernière que la question de la durée de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), est liée à celle de son caractère unique et continu. La Commission expose en effet (paragraphe 50, point 4): "Compte tenu du fait que l'accord relatif à la répartition du marché de la Sarre, les pratiques concertées relatives à la recherche d'une solution portant sur la limitation des ventes de Cedest en Allemagne en dehors de la Sarre et l'accord de 1984 dont il est question dans la lettre du 22 septembre 1986 avaient tous pour objet la répartition des marchés et la limitation des flux transfrontaliers de ciment entre la France et l'Allemagne, la Commission estime que ces accords et ces pratiques concertées peuvent être considérés comme une infraction unique et continue. En outre, même si au départ le [SFIC], le [BDZ] et Lafarge n'étaient pas parties à l'accord sur la Sarre, elles l'ont accepté à partir du 23 juin 1982, c'est-à-dire à partir du moment où elles ont agi pour étendre l'accord sur la Sarre à d'autres Länder allemands et pour insérer cet accord dans le cadre plus vaste de la réglementation des flux commerciaux franco-allemands. L'infraction unique et continue concernant la limitation des flux transfrontaliers entre la France et l'Allemagne a été commise, du 23 juin 1982 au 30 septembre 1989, par le [SFIC], Cedest, Ciments français, Lafarge, [le BDZ], Dyckerhoff et Heidelberger."

2426. Il importe de souligner que, la notion d'"infraction unique" suppose un ensemble de comportements adoptés par différentes parties poursuivant un même but économique anticoncurrentiel (voir notamment arrêt Rhône- Poulenc, cité au point 1053 ci-dessus, points 125 et 126).

2427. En l'espèce, il convient donc de vérifier si les différents comportements dénoncés à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée procédaient d'une infraction unique.

2428. A cet égard, il a déjà été retenu que la Commission n'a pas démontré l'existence, pendant la période en cause, de l'un des éléments constitutifs de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), à savoir le prétendu accord de répartition du marché de la Sarre (voir ci-dessus points 2172 à 2225). Il y a donc lieu d'apprécier si, même en l'absence de cet élément constitutif, l'existence d'une infraction unique est encore établie.

2429. L'identité d'objet entre les différents éléments de l'infraction régulièrement établis ne saurait être contestée. Tant les différentes pratiques concertées qui ont eu lieu entre 1982 et 1984 que l'accord de 1984, maintenu en vigueur jusqu'au 12 août 1987, avaient pour objet de réglementer les flux transfrontaliers de ciment entre la France et l'Allemagne, ou encore la répartition des marchés (voir ci-dessus points 2226 à 2420).

2430. De plus, les participants à ces comportements infractionnels savaient, ou devaient nécessairement savoir, que ceux-ci s'inscrivaient dans un plan global poursuivant cet objectif illicite commun.

2431. Les critiques de Ciments français doivent donc être rejetées. En effet, même à la supposer établie, la seule circonstance, invoquée par cette entreprise, que les différents éléments de l'infraction unique retenue n'aient pas eu une portée géographique parfaitement semblable ne démontre pas que ces éléments n'avaient pas un objet identique, à savoir la réglementation des flux de ciment entre la France et l'Allemagne.

2432. Quant à la participation de Dyckerhoff, du SFIC, de Ciments français, de Heidelberger, de Lafarge et du BDZ à cette infraction unique, elle est établie, puisque toutes ces parties requérantes ont participé à l'une ou l'autre des pratiques concertées retenues par la Commission, ainsi qu'à l'accord de 1984. L'annulation de l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, en ce qu'elle retient la participation de Cedest à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, n'affecte pas cette constatation.

2433. Dans ces conditions, la Commission a démontré que les comportements infractionnels visés par l'article 3, paragraphe 3, sous a), dont elle a régulièrement établi l'existence, présentaient une identité objective et subjective suffisante pour être qualifiés d'infraction unique.

2434. L'appréciation du caractère continu de l'infraction en ce qui concerne Ciments français, Heidelberger et Lafarge requiert par ailleurs la prise en considération des différents comportements infractionnels qui leur ont été valablement imputés, ainsi que les dates auxquelles ils se rattachent.

2435. Ciments français a participé avec Lafarge à une pratique concertée qui avait pour objet des pressions sur Cedest et qui a été établie sur la base d'un document datant du 23 juin 1982 (voir ci-dessus points 2252 à 2281). Elle a également participé avec Dyckerhoff à une pratique concertée établie sur la base de deux documents datant des 25 janvier et 17 mai 1983 (voir ci-dessus points 2316 à 2328). De 1984 jusqu'au 12 août 1987, elle a participé à l'accord de réglementation générale des livraisons de ciment entre la France et l'Allemagne (voir ci-dessus points 2332 à 2418). Le caractère continu de sa participation à l'infraction unique est dès lors établi du 23 juin 1982 au 12 août 1987.

2436. Heidelberger a participé à une pratique concertée avec Dyckerhoff, établie sur la base d'un document concernant une réunion du 17 novembre 1982 (voir ci-dessus points 2282 à 2294), et, de 1984 jusqu'au 12 août 1987, à l'accord de réglementation générale des livraisons de ciment entre la France et l'Allemagne (voir ci-dessus points 2332 à 2418). Le caractère continu de sa participation à l'infraction unique n'est dès lors établi que du 17 novembre 1982 au 12 août 1987. L'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée doit donc être annulé dans la mesure où il impute à Heidelberger une participation à l'infraction du 23 juin au 16 novembre 1982.

2437. Lafarge a participé avec Ciments français à une pratique concertée qui avait pour objet des pressions sur Cedest et qui a été établie sur la base d'un document datant du 23 juin 1982 (voir ci-dessus points 2252 à 2281). Elle a participé également avec Dyckerhoff à une pratique concertée établie sur la base de trois documents datant des 23 juin, 28 juillet et 2 septembre 1982 (voir ci-dessus points 2295 à 2315). De 1984 jusqu'au 12 août 1987, elle a participé à l'accord de réglementation générale des livraisons de ciment entre la France et l'Allemagne (voir ci-dessus points 2332 à 2418). Le caractère continu de sa participation à l'infraction unique est dès lors établi du 23 juin 1982 au 12 août 1987.

2438. Dyckerhoff invoque par ailleurs une violation de l'article 190 du traité. Cependant, elle n'allègue pas le moindre défaut ou la moindre insuffisance de motivation des passages de la décision attaquée consacrés à l'entente franco-allemande. Par suite, son moyen doit être rejeté.

2439. Il résulte de tout ce qui précède que la Commission n'a violé ni l'article 85, paragraphe 1, ni l'article 190 du traité en retenant, dans la mesure déterminée ci-dessus aux points 2172 à 2438, la participation de Dyckerhoff, du SFIC, de Ciments français, de Heidelberger, de Lafarge et du BDZ à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée.

2440. Ciments français soutient encore que, en retenant au titre du grief hispano-portugais la responsabilité de la seule association professionnelle, à l'exclusion de celle des producteurs espagnols, la Commission a introduit une discrimination injustifiée par rapport au grief franco-allemand, dans le cadre duquel, aux côtés des associations professionnelles nationales, elle a incriminé des producteurs individuels, dont Ciments français. Elle ajoute que la non-participation directe des entreprises espagnoles aux négociations dénoncées ne saurait justifier cette discrimination, puisque, comme la Commission l'a elle-même reconnu, ces entreprises étaient intéressées par l'accord allégué et que certains documents montrent clairement le rôle important joué par elles. L'approche adoptée par la Commission à l'égard des membres de l'association professionnelle espagnole dans le cadre du grief ibérique contredirait ainsi celle qui a été retenue à l'égard des membres indirects de Cembureau pour leur imputer l'accord Cembureau.

2441. Cette argumentation doit être rejetée. En effet, à supposer même que la situation de Ciments français soit en tous points comparables à celle des producteurs espagnols auxquels elle se réfère, il ressort de la jurisprudence (arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146) que la circonstance qu'un opérateur qui se trouvait dans une situation analogue à celle de Ciments français n'a fait l'objet d'aucune constatation d'infraction de la part de la Commission ne saurait en toute hypothèse permettre d'écarter l'infraction retenue à l'encontre de cette partie requérante, dès lors que ladite infraction a été correctement établie. Or, les motifs qui précèdent ont permis de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a établi que tant Ciments français que l'association professionnelle nationale à laquelle elle adhère, à savoir le SFIC, ont participé à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a).

2442. Le SFIC et Ciments français critiquent également, dans le cadre des arguments spécifiquement consacrés à la légalité de l'article 3, paragraphe 3, sous a), l'existence d'un lien entre cette infraction et l'accord Cembureau. Il sera statué sur cette critique lors de l'examen du caractère unique de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (voir ci-après points 4045 à 4048 et 4152 à 4154).

2443. Outre la contestation de l'existence d'une entente franco-allemande, Dyckerhoff, le SFIC, Ciments français, Heidelberger, Lafarge et le BDZ ont également dénoncé une violation de leurs droits de la défense, qui découlerait de l'absence d'accès, au cours de la procédure administrative, à des pièces du dossier de la Commission qui auraient pu être utiles à leur défense.

Accès au dossier

2444. Seule Lafarge (T-43-95) soutient qu'elle n'a pas eu accès, avant l'adoption de la décision attaquée, à des éléments à charge relatifs à l'infraction constatée à l'article 3, paragraphe 3, sous a). Ainsi, dans ses observations du 10 février 1997, elle soutient que les documents provenant du dossier du Bundeskartellamt allemand relatif à sa décision du 12 septembre 1988 (documents n° 33.126/20481, 20418 à 20443, 20416, 20417, 20492 à 20495, 20497 à 20499 et 20384 à 20394) ont été utilisés par la Commission pour établir une infraction. Lors de l'audience dans l'affaire T-43-95, en réponse à une question du Tribunal, elle a précisé que l'infraction en question était l'entente sur le marché du ciment du Sud-ouest de l'Allemagne, qui serait visée dans les chapitres de la CG consacrés au marché allemand (chapitres 6 et 16).

2445. Cet argument doit être rejeté, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 296.

2446.

Dyckerhoff, le SFIC, Ciments français, Heidelberger et le BDZ ont, en ce qui concerne l'accès à des documents à décharge, formulé une série d'observations à partir de documents qu'ils ont pu consulter à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 (voir ci-dessus points 164 et 168). Lafarge (T-43-95) n'a émis aucune critique particulière sur ce point. Lors de l'audience, elle a d'ailleurs confirmé, en réponse à une question du Tribunal, qu'elle n'invoquait pas ses notes internes des 6 août 1982 et 7 janvier 1983 au titre de la violation de son droit d'accès au dossier.

2447.

Dyckerhoff prétend ainsi que les documents qu'elle a pu consulter à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 confirment que les rapports entre les producteurs allemands et français et leurs associations nationales, le BDZ et le SFIC, ne soulèvent pas d'objection d'ordre juridique. Dans ses observations du 7 février 1997, elle relève que les documents n° 33.126/14861 à 14874, 14883, 14802 à 14804, 19264 et 14801, constitués par des procès-verbaux de réunions internes de l'association française et leurs annexes, ne présentent aucun rapport avec les griefs qui lui sont adressés, mais attestent au contraire que les relations franco-allemandes consistaient en des contacts juridiquement non contestables, de sorte que la connaissance de leur contenu aurait pu être utile à la défense de ses intérêts dans le cadre de la procédure administrative. Dans ses observations du 5 janvier 1998, elle mentionne encore les documents n° 33.126/15443 à 15453 (compte rendu des exposés d'une rencontre entre les délégations cimentières allemande et française les 6 et 7 décembre 1983), 6044 à 6047 (lettre du SNFCC du 17 avril 1989 communiquant les données relatives aux importations de ciment en provenance de la République fédérale d'Allemagne pour 1988 et les deux premiers mois de 1989) et 14623 (tableau des importations de ciment en provenance du même Etat membre pour l'année 1989), dont le contenu confirmerait que les cimentiers allemands et français ont simplement procédé à un échange de vues général.

2448. Le contenu de ces documents, tel qu'il est analysé par Dyckerhoff, n'est pas de nature à établir une violation de ses droits de la défense dans le cadre de la procédure administrative. En effet, il ne fournit aucun éclairage nouveau des preuves documentaires directes qui ont conduit, dans la mesure déterminée ci-dessus, à établir les griefs retenus contre elle tant dans la CG [chapitre 2, paragraphe 12, et chapitre 10, paragraphe 61, sous d)] que dans la décision attaquée [paragraphes 22 et 50, article 3, paragraphe 3, sous a)]. De plus, le document n° 33.126/19264 (document n° 128 du dossier national français), joint en annexe à ses observations du 7 février 1997, ne correspond pas à la description du contenu qu'en donne Dyckerhoff, puisqu'il s'agit d'une liste reprenant les références de trois entreprises grecques et de quatre entreprises espagnoles. De même, outre le fait que les données statistiques contenues dans les documents n° 33.126/6044 à 6047 confirment les constatations de la Commission figurant au paragraphe 12, in fine, de la CG (chapitre 2) et au paragraphe 22, point 12, de la décision attaquée, force est de constater qu'il n'y a plus lieu de se prononcer sur la prétendue violation des droits de la défense de Dyckerhoff sur ce point, l'appréciation qui précède ayant permis de conclure à l'annulation de l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée dans la mesure où cette disposition constate l'existence d'une infraction sur la base des données statistiques contenues dans le tableau figurant au paragraphe 22, point 12 (voir ci-dessus points 2408 à 2418).

2449. Ciments français prétend que les documents qu'elle a pu consulter à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 auraient pu être utiles à sa défense. Dans ses observations du 10 février 1997, elle avance quatre arguments distincts sur la base des documents consultés qu'elle a sélectionnés.

2450. Premièrement, elle soutient que les chapitres de la CG consacrés à l'Allemagne lui auraient permis de démontrer que la Commission arrivait à des conclusions opposées concernant l'existence d'une entente franco-allemande et l'identité des parties à celle-ci, selon qu'elle se plaçait au niveau national ou international. Elle signale ainsi que les chapitres de la CG en question font état de l'existence de trois cartels relatifs au Sud de l'Allemagne, sans cependant citer son nom ou celui de sa filiale SZG. Elle insiste à cet égard sur le fait qu'elle est le seul cimentier français concerné par le grief de l'entente franco-allemande qui n'est pas cité dans les chapitres de la CG consacrés à l'Allemagne. Elle prétend que ces passages de la CG contredisent spécifiquement les pièces invoquées par la Commission contre elle dans le cadre de la prétendue entente franco-allemande, et plus particulièrement les notes de Vicat du 22 juillet 1982 (décision attaquée, paragraphe 22, point 1) et de Lafarge du 23 juin 1982 (décision attaquée, paragraphe 22, point 4). En tout état de cause, la seule existence d'un chapitre de la CG consacré à l'Allemagne évoquant une prétendue entente franco-allemande indiquerait qu'il était essentiel que Ciments français eût accès à tous les griefs et pièces afférents à cette prétendue entente.

2451. Force est de constater que la Commission s'est fondée, dans la CG [chapitre 2, paragraphe 12 et chapitre 10, paragraphe 61, sous d)] et dans la décision attaquée (paragraphes 22 et 50), sur des preuves documentaires directes pour établir l'existence de l'entente franco-allemande et la participation de Ciments français à celle-ci. Le fait qu'elle n'est pas citée dans les chapitres de la CG consacrés à l'Allemagne (chapitres 6 et 16) n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes qui établissent l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée et la participation de Ciments français à celle-ci, dans la mesure déterminée ci-dessus. En outre, contrairement à ce que prétend Ciments français, les griefs visant spécifiquement les producteurs allemands dans les chapitres de la CG consacrés à l'Allemagne ne sont nullement présentés comme étant intimement liés à ceux relatifs à l'entente franco-allemande. En effet, les ententes propres au Sud de l'Allemagne ne se confondent pas, à la lecture des chapitres de la CG consacrés à l'Allemagne, avec l'entente franco-allemande à laquelle il est reproché à Ciments français d'avoir participé. Les passages du chapitre allemand de la CG consacrés à l'entente franco-allemande ne contiennent pas non plus d'éléments à charge qui n'auraient pas été mentionnés dans le chapitre international de la CG traitant de l'entente franco-allemande (voir ci-dessus point 114). Il s'ensuit que le fait que Ciments français n'a pas eu accès aux chapitres de la CG relatifs à l'Allemagne (chapitres 6 et 16) au cours de la procédure administrative n'a pas pu nuire à sa défense.

2452. Deuxièmement, Ciments français relève que la décision du Bundeskartellamt du 1er juin 1989 portant sur trois ententes dans le Sud de l'Allemagne (annexe 2 à ses observations; p. 176 à 209 du "dossier allemand") ne fait pas non plus mention de son nom ou de celui de sa filiale SZG et ne mentionne pas l'existence d'une entente franco-allemande ayant pour objet un accord de répartition du marché de la Sarre ou un accord visant à limiter les exportations de Cedest.

2453. Cet argument doit être rejeté, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 2451.

2454. Troisièmement, Ciments français soutient que plusieurs documents permettent de replacer la lettre de M. Laplace, président du SFIC et de Ciments français, à M. Schuhmacher, président du BDZ et de Heidelberger, du 22 septembre 1986 (décision attaquée, paragraphe 22, point 10) dans son véritable contexte, à savoir les relations habituelles et licites entretenues par les associations française et allemande indépendamment de leurs membres. Cette lettre n'établirait donc nullement l'existence d'un accord de répartition des marchés en 1984, auquel Ciments français aurait participé. Ciments français mentionne ainsi le témoignage de M. Steinbach, président du BDZ, auprès de la Commission le 6 mars 1990 (document n° 33.126/16386), des lettres des 21 novembre 1989 et 6 février 1990 du SNFCC au BDZ (documents n° 33.126/16603 à 16608) et des lettres des 31 janvier et 16 février 1990 du BDZ au SNFCC (documents n° 33.126/16601 et 16602). Elle ajoute que l'existence de relations autonomes et habituelles entre les deux associations était déjà suggérée par la lettre de l'association allemande à l'association française du 20 décembre 1983 figurant dans le dossier français (document n° 33.126/14762). Elle cite encore, à titre d'exemple, le document n° 33.126/14894 contenu dans le dossier français, qui ferait état d'informations communiquées à l'association française depuis plusieurs années par le BDZ, ainsi que les documents n° 33.126/14814, 14816, 14818 et 14820, qui démontreraient l'envoi par le BDZ à l'association française, à titre habituel, de statistiques globales.

2455. Il y a d'abord lieu de rappeler que Ciments français ne saurait tirer aucun argument de la lettre du 20 décembre 1983 (document n° 33.126/14762) dans le cadre du moyen tiré d'une violation de ses droits de la défense, puisqu'il s'agit d'un document auquel elle a eu accès au cours de la procédure administrative (voir ci- dessus point 266).

2456. Les autres documents invoqués n'établissent pas non plus l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative. Tout d'abord, ils ne sont pas de nature à donner un éclairage différent au contenu de la lettre du 22 septembre 1986 (décision attaquée, paragraphe 22, point 10) par rapport au contexte de rédaction de cette lettre, dont lesdits documents rendraient compte. Il s'agit en effet de documents qui ont tous été rédigés plusieurs mois, voire plusieurs années, après cette lettre du 22 septembre 1986. Ensuite, il ressort de la CG (chapitre 2, paragraphe 12) que la Commission avait relevé l'existence des échanges de statistiques entre les associations française et allemande depuis plusieurs années. Enfin, le contenu desdits documents ne donne pas un éclairage différent aux documents cités dans la CG (chapitre 2, paragraphe 12) et dans la décision attaquée (paragraphe 22), qui démontrent que les relations entre les industries française et allemande ne se sont pas limitées à de simples et innocents échanges de statistiques entre les deux associations professionnelles nationales, comme l'établiraient, selon Ciments français, les documents auxquels elle a eu accès à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996. Il s'ensuit que le troisième argument de Ciments français doit également être rejeté.

2457. Quatrièmement, Ciments français prétend que les documents relatifs à l'entente hispano-portugaise confirment sa thèse, selon laquelle son incrimination pour sa prétendue participation à des actions de limitation des exportations entre la France et l'Allemagne est incompatible avec le traitement réservé à la situation hispano-portugaise et révèle une discrimination dans la procédure. Elle rappelle ainsi que seule l'association professionnelle espagnole est sanctionnée dans la décision attaquée au titre de l'entente hispano-portugaise, alors même que, dans la CG, la Commission soutenait que l'association professionnelle espagnole et des représentants de certains producteurs espagnols avaient participé à des réunions destinées à remédier à l'inconvénient présenté par les exportations de ciment portugais vers l'Espagne. Elle cite à titre d'exemple les documents n° 33.322/1410 à 1412 et 1400, également mentionnés au paragraphe 21, point 5, de la décision attaquée, mais restés inaccessibles au cours de la procédure administrative.

2458. Toutefois, Ciments français ne saurait prétendre établir sur cette base l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative. En effet, il suffit à cet égard de relever que, comme elle le souligne elle-même dans ses mémoires, les indications figurant dans la CG [paragraphes 11 et 61, sous c)] ne permettaient pas de conclure que la Commission ne retiendrait pas la participation à l'entente hispano-portugaise des entreprises espagnoles citées à cette occasion. L'accès auxdits documents au cours de la procédure administrative n'aurait dès lors pas permis à Ciments français de conduire la Commission à adopter une décision différente sur ce point. Son quatrième argument doit donc être rejeté.

2459. Dans ses observations du 21 novembre 1997, Ciments français présente huit documents qui permettraient d'établir qu'elle n'a pas participé à l'entente franco-allemande, considérée comme une infraction unique et continue, visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée. Elle cite ainsi une lettre de Cedest à Lafarge du 4 janvier 1979 qui ferait état des difficultés rencontrées dans les relations entre Cedest et Wössingen ou entre Cedest et Lafarge (documents n° 33.126/7505 à 7507), une note interne de Lafarge du 30 juin 1982 qui ferait également état de la détérioration des relations entre Cedest et Wössingen et entre Cedest et Lafarge et de l'inquiétude des grands cimentiers allemands (documents n° 33.126/7038 à 7040), une note interne de Lafarge du 6 août 1982 qui, évoquant la stratégie de Lafarge en Allemagne et l'affaire Cedest, citerait notamment les forces en présence et les propositions d'actions (documents n° 33.126/7522 à 7524), une note interne de Lafarge du 7 septembre 1982 qui démontrerait que les problèmes engendrés par les livraisons de Cedest en Allemagne ont toujours concerné les mêmes protagonistes en France et en Allemagne (documents n° 33.126/6686 et 6687), un télex de Lafarge du 26 octobre 1982 qui ferait état des engagements pris par Cedest à l'égard de Wössingen dans le passé (document n° 33.126/7110) et une note interne de Lafarge du 7 janvier 1983 évoquant des discussions entre Heidelberger et Dyckerhoff sur la situation en Rhénanie-Westphalie et rendant compte d'une rencontre entre ces deux cimentiers allemands et Cedest (documents n° 33.126/7514 à 7516). Elle déduit de l'absence totale de mention de son nom dans ces différents documents qu'elle n'était pas concernée par la situation engendrée par le comportement de Cedest en Allemagne. Elle ajoute que, dans une note du 23 mai 1985, probablement attribuable à Lafarge, elle est toujours présentée comme un acteur négligeable dans la zone franco-allemande, Lafarge la considérant en fait comme une concurrente en France mais pas en Allemagne (documents n° 33.126/7408 à 7412). Elle relève aussi qu'une note interne de Heidelberger du 22 février 1983 décrit les projets de pénétration de Heidelberger en France contre Cedest, ce qui témoignerait de l'échec des discussions alléguées avec Cedest et démontrerait l'intensité de la concurrence entre producteurs français et allemands à une époque où la Commission prétend que ces producteurs se réunissaient pour se répartir le marché (document n° 33.126/3477). Ces différents documents seraient loin de corroborer les documents présentés par la Commission, et en particulier la note de Vicat du 22 juillet 1982 (décision attaquée, paragraphe 22, point 1), laquelle émane en outre d'une entreprise qui, selon la Commission, n'est même pas concernée par cette situation. Elle déduit également de ces documents que l'entente franco-allemande visée dans les griefs internationaux et le cartel franco-allemand autour de Wössingen visé dans les griefs nationaux allemands étaient liés de façon indissociable, puisque la politique commerciale de Wössingen en Allemagne et les exportations de Cedest en Allemagne ont provoqué les pratiques retenues dans les griefs internationaux. Ils permettraient également de remettre en question le lien que la Commission a établi entre le prétendu accord de répartition du marché de la Sarre et les autres pratiques mises en cause au titre de la prétendue entente franco-allemande. Ils excluraient donc l'existence d'une infraction unique et continue.

2460. Il y a cependant lieu de constater que les documents susvisés ne sont pas de nature à établir l'existence d'une violation des droits de la défense de Ciments français. En effet, les commentaires que cette partie requérante formule sur la base du contenu desdits documents n'éclairent pas différemment les preuves documentaires directes retenues par la Commission pour établir la participation de Ciments français à la pratique concertée visant à exercer des pressions sur Cedest (CG, chapitre 2, paragraphe 12; décision attaquée, paragraphes 22, point 4, et 50, point 3), à la pratique concertée avec Dyckerhoff (CG, chapitre 2, paragraphe 12; décision attaquée, paragraphes 22, points 8 et 9, et 50, point 3) et à l'accord de répartition des marchés conclu en 1984 (CG, chapitre 2, paragraphe 12; décision attaquée, paragraphes 22, point 10, et 50, point 3). S'agissant de ce dernier, il y a lieu de rappeler que son existence ressort avant tout de la lettre du 22 septembre 1986 que M. Laplace, président du SFIC et de Ciments français, a adressée à M. Schuhmacher, président du BDZ et de Heidelberger (décision attaquée, paragraphe 22, point 10).

2461. Heidelberger prétend que les documents qu'elle a pu consulter à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 confirment qu'aucune entente franco-allemande n'a été établie et, en tout état de cause, qu'elle n'y a pas participé. Dans ses observations du 10 février 1997, elle souligne à plusieurs reprises que les documents du dossier français permettent simplement de conclure que les entreprises françaises se souciaient seulement de la situation du marché français. Elle mentionne ainsi les documents n° 33.126/14809, 14810, 14826, 14827, 14894, 5626 à 5634, 5637 à 5640, 5641 à 5644, 5645 à 5647, 5651 à 5656, 5664 à 5670, 5675, 13529, 5705 à 5708 et 5718, dont le contenu confirmerait que les entreprises françaises ont été soucieuses de limiter le volume des importations sur leur marché national, mais ne révélerait aucun élément permettant de conclure à l'existence d'une entente entre producteurs français et allemands et certainement pas entre Heidelberger et les producteurs français.

2462. Dans ses observations du 20 février 1998, Heidelberger invoque encore les documents n° 33.126/4135 et 4383, dont le contenu confirmerait l'inexistence de la prétendue entente franco-allemande. Le premier document est une note interne de Ciments français du 15 mai 1986, dont le contenu indiquerait que cette société française réfléchissait à l'époque à l'extension de ses activités au marché allemand, ce qui contredirait l'existence d'une entente franco-allemande. Heidelberger souligne le fait que la Commission s'est principalement fondée sur le contenu d'une lettre que le président de Ciments français a adressée à son propre président le 22 septembre 1986, pour démontrer l'existence de cette prétendue entente (décision attaquée, paragraphe 50, point 3). Le second document est également une note interne de Ciments français relatant ses réflexions quant à la stratégie pouvant lui permettre de pénétrer les marchés européens, ce qui contribuerait à nier l'existence d'un quelconque principe Cembureau de respect des marchés domestiques et, à plus forte raison, d'une entente franco-allemande.

2463. Le contenu des documents visés aux deux points précédents, tel qu'il est analysé par Heidelberger, n'est pas de nature à établir une violation de ses droits de la défense dans le cadre de la procédure administrative. En effet, il ne donne aucun éclairage nouveau aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG [chapitre 2, paragraphe 12, et chapitre 10, paragraphe 61, sous d)] et dans la décision attaquée (paragraphes 22 et 50) pour établir l'existence de l'entente franco-allemande et la participation de Heidelberger à celle-ci. En outre, selon les indications figurant sur la liste (voir ci-dessus point 5), les documents n° 33.126/14809 et 14826 étaient accessibles au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus point 250). Heidelberger aurait donc pu soulever, au cours de celle-ci, l'argument qu'elle développe à présent devant le Tribunal. Enfin, il ressort de la note interne de Ciments français du 15 mai 1986 (document n° 33.126/4135) que la forme d'expansion visée par cette note est le rapprochement avec d'autres entreprises actives sur le marché européen. Or, comme le souligne à juste titre la Commission dans ses observations du 30 mars 1998, outre le fait que cet élément n'éclaire pas différemment les preuves documentaires directes utilisées par celle-ci, les ententes et les stratégies d'expansion par reprises de sociétés ne s'excluent nullement l'une l'autre.

2464. Le BDZ relève, dans ses observations du 16 janvier 1998, que les statistiques du SFIC révèlent l'existence d'un volume important d'exportations des producteurs français entre 1978 et 1988 (documents n° 33.126/1427, 14630, 14637, 14661 et 14663), ce qui confirmerait l'absence d'une quelconque entente entre les fabricants français et allemands.

2465. Cependant, les documents invoqués par le BDZ n'établissent pas non plus l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

2466. Le document n° 33.126/1427 ne présente aucun lien avec l'argument du BDZ, puisqu'il s'agit des conditions générales de vente de la CCB (voir ci-dessus point 1169). Il convient donc de l'écarter sans en examiner davantage le contenu.

2467. Ensuite, s'il est exact que les documents n° 33.126/14630 et 14637, extraits du "Courrier d'information" du SNFCC du 10 octobre 1989, reprennent des données relatives aux exportations françaises pour les années 1978 à 1988, le BDZ ne saurait en déduire des conclusions particulières quant à la valeur probante du volume des exportations françaises vers l'Allemagne entre 1978 et 1988, pour deux raisons. D'une part, les tableaux figurant sur ces deux documents concernent les livraisons à l'exportation de "tous les liants" et du clinker, sans distinction quant à leurs destinations en dehors de la France, ce qui empêche d'en tirer des conclusions quant au volume des exportations françaises de ciment vers l'Allemagne. D'autre part, à supposer même que ces chiffres concernent les seules exportations françaises de ciment vers l'Allemagne, les "livraisons tous liants à l'exportation" analysées dans le document n° 33.126/14630 sont passées de 1 198 000 tonnes en 1978 à 1 153 000 tonnes en 1988. De même, les données relatives aux exportations de clinker entre 1978 et 1988 reprises dans le document n° 33.126/14637 indiquent que ces livraisons sont passées de 2 310 000 tonnes en 1978 à 878 000 tonnes en 1988. La simple lecture de ces documents contredit donc le fondement même de l'argument du BDZ. Les documents n° 33.126/14661 et 14663, extraits de la note mensuelle d'information du SNFCC de décembre 1987, ne sauraient non plus être invoqués au soutien de cet argument, pour deux raisons. D'une part, à l'instar des documents n° 33.126/14630 et 14637, les documents n° 33.126/14661 et 14663 ne précisent pas les destinations des exportations dont ils rendent compte. D'autre part, les données reprises dans les documents n° 33.126/14661 et 14663 ne comportent qu'une comparaison entre les années 1986 et 1987. En tout état de cause, les motifs qui précèdent contiennent la constatation que la Commission a démontré la participation du BDZ à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée sur la base de preuves documentaires directes.

2468. Il résulte de ce qui précède que les droits de la défense de Dyckerhoff, du SFIC, de Ciments français, de Heidelberger, de Lafarge et du BDZ, concernant leur participation à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, n'ont pas, à la différence de ceux de Cedest (voir ci-dessus points 2284 à 2289), été affectés par l'absence d'accès aux documents qu'ils ont invoqués au cours de la présente procédure.

Conclusion

2469. En définitive, l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée sera annulé:

à l'égard de Cedest, dans son intégralité;

à l'égard de Dyckerhoff, de Ciments français et de Lafarge, dans la mesure où il retient leur participation à un accord de répartition du marché de la Sarre et leur participation à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité au-delà du 12 août 1987;

à l'égard du SFIC, dans la mesure où il retient sa participation à un accord de répartition du marché de la Sarre, à une pratique concertée avec le BDZ avant 1984, à une pratique concertée visant à exercer des pressions sur Cedest et à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité au-delà du 12 août 1987;

à l'égard de Heidelberger, dans la mesure où il retient sa participation à un accord de répartition du marché de la Sarre et à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité du 23 juin au 16 novembre 1982 et au-delà du 12 août 1987;

à l'égard du BDZ, dans la mesure où il retient sa participation à un accord de répartition du marché de la Sarre, à une pratique concertée avec le SFIC avant 1984 et à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité au-delà du 12 août 1987.

2470. Pour le surplus, les moyens examinés seront rejetés.

VIII Sur les moyens tirés de violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité et des droits de la défense, en ce que la Commission constate l'existence d'une pratique concertée entre le SFIC et le BDZ contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité [décision attaquée, article 3, paragraphe 3, sous b)]

Pratique concertée entre le SFIC et le BDZ

2471. Si le SFIC (T-36-95) et le BDZ (T-48-95) ne nient pas avoir échangé des données statistiques sur le volume des exportations entre la France et l'Allemagne, ils contestent le caractère anticoncurrentiel et, partant, infractionnel de ces échanges. Ils invoquent l'antériorité de ces échanges par rapport aux comportements visés à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, l'objectif réellement poursuivi par de tels échanges, la licéité des données statistiques échangées compte tenu de la pratique décisionnelle de la Commission et de la jurisprudence de la Cour et l'absence de transmission de données plus précises et individualisées ou de données sur les livraisons françaises en Allemagne ventilées selon la destination par Land.

2472. Avant d'apprécier le bien-fondé de ces arguments, il convient de rappeler l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée.

2473. Dans cette disposition, la Commission énonce: "[Le SFIC et le BDZ] ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, du 1er janvier 1985 au 30 septembre 1989, en participant à une pratique concertée portant sur l'échange d'informations visant à contrôler le respect des limitations quantitatives à l'exportation entre la France et l'Allemagne ainsi que leur destination aux différents Länder allemands."

2474. Dans les considérants de la décision attaquée, elle consacre à l'infraction en cause, dans l'exposé des faits, le paragraphe 22, points 12 et 18, et, dans l'appréciation juridique, le paragraphe 50, point 5.

2475. Au paragraphe 22, point 12, elle expose:

"Le [SFIC] et le [BDZ] se transmettent chaque mois et depuis plusieurs années les données relatives aux exportations françaises en Allemagne et aux exportations allemandes en France. Le but déclaré de ces échanges de données est de pouvoir comparer les données en possession des associations avec celles publiées par les instituts nationaux de statistiques. Alors que ces échanges sont globaux et ne contiennent aucune indication de destination par région et que ni les données publiées par les différents instituts statistiques ni les données publiées par le Statistisches Bundesamt ne contiennent [d']indication de destination par région, le [BDZ] est en mesure, chaque trimestre, d'établir que les importations des divers pays sont destinées à des Länder déterminés et de publier ces résultats. En particulier, le [BDZ] est en mesure d'établir que les importations françaises de ciment ont toujours été destinées, avec indication des tonnes pour chaque Land, aux Länder Rheinland-Pfalz, Saarland et Baden-Württemberg, comme on peut le constater selon les chiffres disponibles au moment des vérifications pour les cinq dernières années: [tableau].

Ce système d'échanges de données est un moyen pour contrôler l'exécution de l'accord de réglementation des ventes entre entreprises françaises et allemandes [voir point (10) ci-dessus].

La comparaison de ces données montre que 'l'écart existant depuis 1984 entre les livraisons françaises et allemandes [lettre du 22.9.1986, citée au point (10) ci-dessus] a été réduit."

2476. Les données du tableau présenté par la Commission dans ce paragraphe 22, point 12, de la décision attaquée sont, d'une part, le volume annuel des exportations françaises en Allemagne pour les Länder Rheinland-Pfalz, Saarland et Baden-Württemberg, ainsi que la somme de ces exportations, et, d'autre part, le volume annuel des exportations allemandes en France.

2477. Au paragraphe 22, point 18, de la décision attaquée, la Commission répond aux arguments avancés par le BDZ pour justifier, sur la base d'estimations mathématiques, l'existence de données relatives aux exportations françaises par Land.

2478. Au paragraphe 50, point 5, elle développe l'analyse suivante:

"Les échanges de données statistiques entre le [SFIC] et le [BDZ] constituent, sur la base des données disponibles [voir paragraphe 22, point (12) ci-dessus], du 1er janvier 1985 au 30 septembre 1989, une pratique concertée restrictive de concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1. En fait, ces échanges sont à mettre en rapport avec les accords relatifs à la répartition de marché mentionnés ci-dessus et visent à permettre aux deux associations intéressées le contrôle du respect des limitations quantitatives à l'exportation ainsi que leur destination par Land [voir paragraphe 22, point (12) ci-dessus]. Ainsi qu'il a été dit au paragraphe 22, points (12) et (18), la destination par Land des exportations ne trouve pas d'explication valable sinon dans une concertation basée sur l'échange de données. Cette pratique crée une situation artificielle de marché dans laquelle une transparence et une stabilité anormales du commerce entre Etats membres tendent à figer le comportement des agents économiques et à éliminer les risques inhérents à la concurrence."

2479. Il ressort ainsi des termes utilisés par la Commission dans la décision attaquée qu'elle considère que la pratique concertée en cause est l'accessoire de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée. Au paragraphe 22, point 12, deuxième alinéa, elle souligne en effet que "[ce] système d'échanges de données est un moyen pour contrôler l'exécution de l'accord de réglementation des ventes entre entreprises françaises et allemandes", en renvoyant au point 10 du même paragraphe. Au paragraphe 50, point 5, elle affirme à nouveau, en renvoyant notamment au paragraphe 22, point 12, que "ces échanges sont à mettre en rapport avec les accords relatifs à la répartition de marché mentionnés ci-dessus".

2480. Il ressort également des termes de la décision attaquée que la Commission considère que la pratique concertée visée à l'article 3, paragraphe 3, sous b), a un double objet: d'une part, contrôler le respect des limitations quantitatives à l'exportation entre la France et l'Allemagne et, d'autre part, contrôler la destination de ces exportations vers les différents Länder allemands. La version en allemand de la décision attaquée fait encore davantage ressortir le double objet que la Commission attribue à cette pratique concertée. Ainsi, il est précisé à l'article 3, paragraphe 3, sous b): "[SFIC] und [BDZ] haben vom 1. Januar 1985 bis 30. September 1988 gegen Artikel 85 Absatz 1 EG-Vertrag verstoßen, indem sie an einer abgestimmten Verhaltensweise betreffend den Austausch von Informationen zwecks Kontrolle der Einhaltung der mengenmäßigen Ausfuhrbegrenzungen zwischen Frankreich und Deutschland sowie zur Kontrolle der für die verschiedenen Bundesländer bestimmten Lieferungen teilgenommen haben." La Commission ne saurait dès lors prétendre, comme elle l'a fait au cours de l'audience dans l'affaire T-48-95, qu'elle a retenu la ventilation des exportations françaises par Land pour répondre à un argument développé par les parties requérantes concernées au cours de la procédure administrative. Il suffit en effet de relever que la Commission faisait déjà état, dans la CG [paragraphe 12, p. 29, et paragraphe 61, sous d), p. 174 et 175], de ce double objet de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée.

2481. La Commission considère donc, comme elle l'a confirmé dans ses mémoires dans l'affaire T-48-95, que les seuls échanges de données statistiques globales permettaient de contrôler l'exécution de l'accord de réglementation générale des ventes entre la France et l'Allemagne, même si de tels échanges de données globales entre associations professionnelles ne sont pas, pris isolément, illicites. Cette position corrobore le premier objet assigné par la Commission, dans la décision attaquée, à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous b).

2482. Tout d'abord, dans le contexte des relations franco-allemandes de l'époque, auxquelles tant le SFIC que le BDZ ont pris une part active (voir ci-dessus points 2236 à 2251 et 2332 à 2418), les échanges de données statistiques officielles permettaient au SFIC et au BDZ de contrôler le respect de l'accord conclu en 1984. Il suffit, à cet égard, de rappeler que, au moment où le président du SFIC, M. Laplace, adressait sa lettre du 22 septembre 1986 (décision attaquée, paragraphe 22, point 10; documents n° 33.126/3574 à 3576) au président du BDZ, M. Schuhmacher, les parties en présence discutaient de l'écart entre les livraisons françaises en Allemagne et les livraisons allemandes en France, dans la perspective d'un renouvellement de l'accord conclu en 1984 (voir ci-dessus point 2344). La Commission a dès lors pu considérer que les données statistiques échangées ont été utilisées pour contrôler les limitations quantitatives qui avaient été arrêtées et envisager les éventuelles améliorations pour le futur, dans le cadre des discussions portant sur le renouvellement de l'accord conclu en 1984.

2483. En tout état de cause, l'argument tiré de l'antériorité desdits échanges par rapport aux comportements visés à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée doit être rejeté. En effet, une pratique entre associations nationales peut, au cours de son existence, jouer un rôle nouveau et distinct de celui ou de ceux qu'elle a pu avoir jusqu'alors. La seule antériorité d'une telle pratique par rapport à un autre comportement n'est dès lors pas un critère suffisant pour établir sa licéité au regard de tous les rôles qu'elle peut être amenée à jouer.

2484. Ensuite, le caractère anticoncurrentiel d'une pratique concertée ayant pour objet le contrôle d'un accord de réglementation des transferts de ciment entre deux Etats membres est incontestable. En l'absence de preuve contraire, qu'il incombait aux deux associations de rapporter (voir arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 121, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 162), il y a lieu de considérer que les échanges de données entre elles ont influencé leur comportement ainsi que celui de leurs membres concernés par les échanges entre la France et l'Allemagne.

2485. Enfin, si le premier objet de la pratique concertée entre le SFIC et le BDZ, visée à l'article 3, paragraphe 3, sous b), doit être considéré comme établi, le SFIC et le BDZ n'ayant pas contesté la réalité desdits échanges, il importe cependant de souligner que, compte tenu du rapport que la Commission a elle-même établi entre le comportement visé à l'article 3, paragraphe 3, sous b), et ceux visés à l'article 3, paragraphe 3, sous a) (voir ci-dessus point 2479), les échanges de données entre le SFIC et le BDZ perdent leur caractère infractionnel au-delà de la date retenue pour la fin de l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a). Dès lors, l'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée doit également être annulé dans la mesure où il constate une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité au-delà du 12 août 1987 (voir ci-dessus point 2418).

2486. S'agissant par ailleurs du second objet de la pratique concertée consistant à contrôler la destination par Land des exportations françaises en Allemagne, il y a lieu de constater que la Commission n'a présenté aucun document établissant que les données relatives aux exportations françaises par Land trouvées auprès du BDZ (documents n° 33.126/16709, 16702, 16694, 16686, 16609, 16706, 16698 et 16683) provenaient directement des données transmises par le SFIC. La Commission a en fait considéré que, compte tenu de l'existence d'échanges trimestriels de données statistiques globales entre le SFIC et le BDZ, l'existence de données précises sur les exportations françaises par Land ne pouvait s'expliquer que par une concertation entre les deux associations en cause.

2487. Cependant, un tel raisonnement n'établit pas de façon certaine une intervention du SFIC et une concertation de ce dernier avec le BDZ. D'ailleurs, le BDZ a expliqué, tant au cours de la procédure administrative (décision attaquée, paragraphe 22, point 18, deuxième et troisième alinéas) que pendant la présente procédure, que les données statistiques proviennent d'estimations élaborées par lui à partir des statistiques officielles, de la localisation des usines françaises et des coûts de transport et qu'elles ont été comparées ultérieurement aux données produites par les différents Länder. Les réfutations avancées par la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 22, point 18, quatrième, cinquième et sixième alinéas) et dans ses mémoires ne privent pas de toute pertinence les explications du BDZ.

2488. En outre, sans être contredit sur ce point par la Commission, le SFIC a précisé lors de l'audience dans l'affaire T-36-95 que les données statistiques globales relatives aux exportations françaises en Allemagne qu'il a fait parvenir au BDZ ne correspondaient pas à celles auxquelles aboutissait ce dernier dans ses propres calculs sur la base de ses estimations ventilées par Land. 2489.

La Commission ne pouvait donc pas reprocher au SFIC et au BDZ de s'être concertés pour contrôler la destination par Land des exportations françaises en Allemagne.

2490. Par suite, il y a lieu d'annuler l'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, en ce qu'il constate l'existence, du 1er janvier 1985 au 12 août 1987, d'une pratique concertée entre le SFIC et le BDZ visant à contrôler la destination par Land des exportations de la France vers l'Allemagne.

2491. En revanche, malgré les illégalités de l'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée identifiées ci- dessus aux points 2485 et 2490 et contrairement aux allégations du BDZ, la Commission n'a pas violé l'article 85, paragraphe 1, du traité, en déclarant que "cette pratique crée une situation artificielle de marché dans laquelle une transparence et une stabilité anormales du commerce entre Etats membres tendent à figer le comportement des agents économiques et à éliminer les risques inhérents à la concurrence" (décision attaquée, paragraphe 50, point 5, in fine).

2492. Outre la contestation de l'existence de la pratique concertée retenue à l'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, le SFIC et le BDZ dénoncent la violation de leurs droits de la défense découlant de l'absence d'accès, au cours de la procédure administrative, à des pièces du dossier de la Commission qui auraient pu être utiles à leur défense.

Accès au dossier

2493. Le SFIC reproche à la Commission de ne pas lui avoir permis de prendre position, au cours de la procédure administrative, sur le modèle statistique qui lui avait été adressé par le BDZ le 4 mai 1993 et qu'elle mentionne au paragraphe 22, point 18, de la décision attaquée (voir ci-dessus point 375). Toutefois, l'article 3, paragraphe 3, sous b), sera annulé dans la mesure où il constate l'existence d'une pratique concertée entre le SFIC et le BDZ visant à contrôler la destination par Land des exportations de la France vers l'Allemagne (voir ci-dessus point 2490). Partant, l'examen de l'argument du SFIC est devenu sans objet.

2494. S'agissant des éléments à décharge, le SFIC et le BDZ ont formulé une série d'observations à partir des documents qu'ils ont pu consulter à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997.

2495. Dans ses observations des 10 février 1997 et 7 janvier 1998, le SFIC prétend que l'ensemble des pièces du dossier allemand aurait été essentiel à sa défense, dans la mesure où il permettrait d'établir que le BDZ n'a disposé d'aucune information de sa part qui lui aurait permis de chiffrer les importations françaises par Land dans les statistiques diffusées à ses membres. Au soutien de son argumentation, il vise plus particulièrement certaines pièces, auxquelles il estime qu'il aurait dû avoir accès.

2496. Force est cependant de constater que, compte tenu de ce qui a été jugé sur la légalité de l'article 3, paragrahe 3, sous b) (voir ci-dessus points 2486 à 2490), cette argumentation est devenue sans objet, la Commission n'ayant pas établi que le SFIC et le BDZ ont échangé des informations permettant de contrôler la ventilation des exportations françaises entre les différents Länder allemands.

2497. Dans ses observations du 10 février 1997, le BDZ fait remarquer que les documents qu'il a pu consulter à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996 ne mentionnent aucun échange d'informations autre que celui de chiffres globaux insignifiants. Les documents provenant du dossier français ne contiendraient aucun élément indiquant que des chiffres ventilant les importations françaises entre différents Länder lui ont été communiqués. Il invoque la lettre que son président a adressée le 20 décembre 1983 (document n° 33.126/14762) au président du SFIC et différents procès-verbaux relatifs aux réunions entre les deux associations et entre des membres de celles-ci.

2498. Il convient de rappeler que le BDZ ne saurait tirer aucun argument de la lettre de son président du 20 décembre 1983 dans le cadre du moyen tiré d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus point 266).

2499. S'agissant des autres documents invoqués, il y a lieu à nouveau de constater que, compte tenu de ce qui a été jugé sur la légalité de l'article 3, paragraphe 3, sous b) (voir ci-dessus points 2486 à 2490), l'argumentation du BDZ est devenue sans objet, la Commission n'ayant pas établi que le SFIC et le BDZ ont échangé des informations permettant de contrôler la ventilation des exportations françaises entre les différents Länder allemands.

2500. Dans ses observations du 16 janvier 1998, le BDZ prétend encore que les documents n° 33.126/14809 à 14827 démontrent que les échanges de données statistiques globales entre les deux associations nationales avaient exclusivement pour objet de vérifier les chiffres globaux des importations que fournissaient les douanes françaises et qui étaient accessibles à tous.

2501. Cet argument ne démontre pas l'existence d'une violation de ses droits de la défense. En effet, le contenu des documents en question ne donne pas un éclairage différent au contenu des pièces sur lesquelles la Commission s'est fondée pour retenir la participation du BDZ à une pratique concertée avec le SFIC visant à contrôler le respect des limitations quantitatives à l'exportation entre la France et l'Allemagne. Le seul fait que les échanges de données entre le SFIC et le BDZ aient eu pour objet de vérifier les chiffres fournis par les douanes françaises n'exclut nullement l'utilisation de ces mêmes données pour le contrôle des limitations quantitatives convenues entre les industries française et allemande.

2502. Il résulte de ce qui précède que les droits de la défense du SFIC et du BDZ, concernant leur participation à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, telle qu'elle s'est avérée dûment établie au terme de l'appréciation qui précède (voir ci-dessus points 2471 à 2491), n'ont pas été affectés par l'absence d'accès aux documents qu'ils ont invoqués au cours de la présente procédure.

2503. Il s'ensuit que, d'une part, l'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, pour autant qu'il constate que l'échange d'informations entre le SFIC et le BDZ comportait des indications sur les exportations françaises en Allemagne selon le Land de leur destination, doit être annulé. Cette conclusion n'écarte toutefois pas la constatation selon laquelle cet échange d'informations visait à contrôler le respect des limitations quantitatives à l'exportation entre la France et l'Allemagne. D'autre part, il y a lieu d'annuler l'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, dans la mesure où il constate une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité au-delà du 12 août 1987. Pour le surplus, les moyens examinés seront rejetés.

IX Sur les moyens tirés de violations des articles 85, paragraphe 1, et 190 du traité, du principe d'égalité de traitement, des droits de la défense, et d'un détournement de procédure et de pouvoir, en ce que la Commission constate l'existence, dans le cadre de l'ETF, d'accords et de pratiques concertées contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, et la participation des différentes parties requérantes mises en cause [décision attaquée, article 4, paragraphes 1, 2, 3, sous a) et sous b), et 4, sous a) à h)]

Observations liminaires

2504. A la fin de l'année 1985 et au début de l'année 1986, les producteurs de ciment grecs, qui avaient considérablement augmenté leurs capacités de production entre la seconde moitié des années 70 et le début des années 80 pour répondre à la forte demande en provenance du Moyen-Orient, se sont tournés vers l'Europe occidentale pour chercher à résoudre leurs problèmes de surcapacités liés à l'écroulement, vers la moitié de l'année 1985, de ces marchés du Moyen-Orient (décision attaquée, paragraphe 24, point 1).

2505. A l'article 4 de la décision attaquée, la Commission constate une série d'infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité, consécutives à l'apparition du "problème grec", à savoir:

"l'accord portant sur la constitution de la Cembureau Task Force ou European Task Force" (article 4, paragraphe 1);

"un accord portant sur la constitution de la Joint Trading Company, Interciment SA, ayant pour but d'exécuter les mesures persuasives et dissuasives à l'encontre de ceux qui menaçaient la stabilité des pays membres" (article 4, paragraphe 2);

"des pratiques concertées visant à soustraire Calcestruzzi comme client[e] aux producteurs grecs, et à Titan en particulier" [article 4, paragraphe 3, sous a)];

"un accord portant sur les contrats et les conventions signés les 3 et 15 avril 1987 ayant pour but d'éviter des importations de ciment grec de la part de Calcestruzzi" [article 4, paragraphe 3, sous b)];

"des accords et [...] des pratiques concertées visant à déplacer le surplus de la production grecque et à freiner les importations de ciment grec dans les Etats membres" [article 4, paragraphe 4, sous a) à h)].

2506. Elle affirme que ces différentes ententes ont procédé d'un accord unique et continu destiné à éliminer les importations en Europe occidentale et, en particulier, à empêcher les importations dans les Etats membres de ciment en provenance de Grèce (décision attaquée, paragraphe 53, particulièrement points 2, 3, 9 et 14).

2507. Dans le dispositif de la décision attaquée, elle ne retient cependant pas l'existence de cet accord unique et continu en tant que tel. Ainsi, l'article 4, paragraphe 1, vise "l'accord portant sur la constitution de la Cembureau Task Force ou European Task Force", et non pas "l'accord unique et continu concernant la constitution de la Cembureau Task Force ou European Task Force et les différentes mesures adoptées au cours des réunions pour éliminer les importations en Europe occidentale et, en particulier, pour empêcher les importations de ciment grec dans les Etats membres" (décision attaquée, paragraphe 53, point 9).

2508. La Commission a confirmé cette lecture en réponse à la question écrite adressée par le Tribunal entre le 15 mai et le 15 juin 1998 dans le cadre des affaires relatives aux entreprises et associations d'entreprises visées par l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée:

"Dans l'esprit de la Commission, l'article 4, paragraphe 1, ne concerne [...] que la constitution ou l'organisation de l'ETF (toujours est-il que la participation à la constitution d'une organisation vaut accord aux activités prévues de cette organisation)."

2509. A l'article 4 de la décision attaquée, la Commission appréhende en réalité de manière séparée les différents éléments prétendument constitutifs de l'accord unique et continu relatif à la "Cembureau Task Force ou European Task Force", sans viser chaque fois les mêmes destinataires et en retenant une durée différente pour chacun d'eux.

2510. Dans son mémoire en duplique dans l'affaire T-43-95 (p. 41), elle explique:

"Une lecture sérieuse de l'article 4 de la décision permet de voir que les différents paragraphes de cet article ne comportent pas tous les mêmes entreprises, ni les mêmes dates, et qu'ils ne font donc pas double emploi. La raison en est que la Commission a relevé, d'une part, la simple constitution de l'ETF (visée au paragraphe 1) et, d'autre part, diverses mesures pratiques mises en œuvre sur recommandations de l'ETF, ces diverses mesures ne réunissant pas tous les acteurs au même moment."

2511. Dans sa réponse à la question écrite du Tribunal visée ci-dessus au point 2508, elle ajoute:

"La Commission a cherché à distinguer, dans le dispositif [de la décision attaquée], entre la constitution ou existence même de l'ETF (article 4, paragraphe 1), qui constitue déjà une infraction indépendamment de toute mesure d'exécution, et les diverses mesures adoptées et appliquées dans ce cadre (article 4, paragraphes 2 à 4)."

2512. A l'effet d'apprécier la légalité de l'article 4 de la décision attaquée, il convient de vérifier si la Commission a retenu à bon droit l'existence des différents accords et pratiques concertées qui sont constatés dans cette disposition. Il y aura lieu, en outre, d'examiner les arguments par lesquels certaines parties requérantes contestent la qualification d'accord unique et continu attribuée par la Commission, au paragraphe 53 de la décision attaquée, aux différentes ententes constatées à l'article 4.

Accord relatif à la constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1)

2513. Aux termes de l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, Cembureau, Holderbank, Blue Circle, Oficemen, Asland, Uniland, Hispacement, le SFIC, Lafarge, Ciments français, le BDZ, Dyckerhoff, Heidelberger, CBR, Aker, Euroc, Aalborg, Irish Cement, Italcementi, Unicem et Cementir "ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, à partir du 28 mai 1986, en participant à l'accord portant sur la constitution de la Cembureau Task Force ou European Task Force".

2514. A l'exception d'Hispacement, qui n'a pas introduit de recours en annulation contre la décision attaquée, toutes les entreprises et associations d'entreprises visées à l'article 4, paragraphe 1, font valoir des arguments tendant à l'annulation de cette disposition. Deux parties requérantes formulent un argument tiré d'un défaut de concordance entre la CG et la décision attaquée. Une série d'arguments visent à contester le caractère infractionnel de l'accord constitutif de l'ETF. La plupart des parties requérantes nient toute implication illicite dans cet accord. Enfin, certaines contestent la durée de l'infraction ou, à tout le moins, la durée de leur participation à cette infraction. Lors de l'examen de ces différents arguments, les parties requérantes concernées seront identifiées.

2515. Par ailleurs, Cembureau, Dyckerhoff, le SFIC, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, le BDZ, Unicem, Asland, Uniland, Oficemen, Irish Cement, Italcementi, Holderbank, Aker, Euroc, Cementir et Blue Circle reprochent à la Commission d'avoir, à l'occasion de la constatation de l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, violé leurs droits de la défense, en ne leur accordant pas, au cours de la procédure administrative, l'accès à l'intégralité de la CG et de son dossier d'instruction, les privant ainsi de prétendus éléments à leur décharge.

2516. Halkis (T-104-95) avance une série d'arguments visant à nier toute implication dans les infractions décrites à l'article 4, notamment paragraphe 1, de la décision attaquée. Ces arguments, en ce qu'ils émanent d'une partie requérante qui ne s'est pas vu reprocher ces infractions, doivent être d'emblée écartés.

2517. Pour sa part, Vicat (T-37-95) a présenté, à la suite de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, une série de documents qui, selon elle, auraient pu être utiles à sa défense au cours de la procédure administrative pour démontrer son absence totale d'implication, directe mais aussi indirecte à travers le SFIC , dans l'ETF et ses activités illicites. Pour les motifs énoncés ci-dessus au point 255, cette argumentation doit également être écartée.

A Sur la concordance entre la CG et la décision attaquée

2518. Aalborg affirme que la CG présentait les faits comme la manifestation, d'une part, d'accords ou de pratiques concertées de circulation d'informations sur les prix à partir d'une date non déterminée en 1983 et, d'autre part, d'accords continus sur la règle du marché domestique et/ou de pratiques concertées "résultant à l'origine de, et conditionnés par, la fixation et l'adhésion des entreprises en cause à la règle commune du marché domestique" et qui ont existé pendant des dizaines d'années (CG, paragraphe 61). Dans la décision attaquée, la Commission aurait modifié cette qualification, pour la faire porter, notamment, sur un accord relatif à l'ETF, conclu le 28 mai 1986.

2519. Il convient cependant de faire observer que la Commission consacrait la section 2 du chapitre 2 de la CG (paragraphes 16 à 20) à l'exposé des faits relatifs à la "Cembureau Task Force or European Task Force".

2520. Au paragraphe 17, étaient présentés les éléments factuels se rapportant spécialement à la "constitution et [à l'] activité de 'Cembureau Task Force or European Task Force".

2521. La Commission commençait par y évoquer la réunion du 28 mai 1986 à Rome:

"a) Réunion de Rome. Le 28 mai 1986, les représentants des sociétés Blue Circle, Ciments français et Lafarge, Holderbank, Heidelberger et Dyckerhoff, Italcementi, Asland, Cembureau ont tenu une réunion à Rome pour étudier et préparer des mesures défensives (the stick) et des mesures de soutien (the carrot) vis-à-vis des producteurs grecs qui exportaient du ciment dans les pays européens. Les participants ont décidé de constituer un groupe de travail formé par les représentants de l'industrie du Royaume-Uni, de l'Espagne, de la France et de l'Italie et assisté par Cembureau."

2522. Au paragraphe 61 de la CG, elle affirmait:

"L'application la plus flagrante et la plus grave de la règle du marché domestique a été faite à l'occasion du prétendu 'problème grec' (voir section 2, paragraphes 16 à 20). A cette occasion, Cembureau et tous les autres membres se sont mobilisés pour attaquer le membre qui avait osé violer la règle du marché domestique: on a constitué une task-force [...]"

2523. Au paragraphe 61, sous h), consacré à l'appréciation juridique des faits exposés en relation avec la "Cembureau Task Force or European Task Force", il était précisé que les accords et les pratiques convenus au sein de l'ETF, parmi lesquels l'accord constitutif de celle-ci, devaient être considérés comme l'exécution d'un dessein unique préétabli par Cembureau et une série d'entreprises et d'associations d'entreprises, dont Aalborg, contre les producteurs grecs, auxquels il était reproché d'avoir enfreint la règle du marché domestique. Les accords et pratiques en question étaient considérés comme des "infractions caractérisées à l'article 85, paragraphe 1", du traité. Ces infractions étaient retenues "à partir de 1986".

2524. L'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée à la charge, notamment, d'Aalborg, en relation avec l'accord constitutif de l'ETF, était ainsi clairement visée dans la CG, tant dans l'exposé des faits que dans l'appréciation juridique.

2525. L'argument d'Aalborg doit donc être rejeté.

2526. Unicem affirme que, dans la CG, l'ETF était uniquement mise en relation avec le désaccord qui avait existé avec les producteurs grecs en raison de la violation, par ces derniers, de la règle du marché domestique. En revanche, dans la décision attaquée, la Commission aurait considéré que le but de l'ETF était plus large que la lutte contre les importations en provenance de Grèce.

2527. A cet égard, il est exact que, dans la décision attaquée, la Commission constate (paragraphe 53, point 7) que "[l]e but [de l'ETF] [était] [...] général, et pas seulement limité au problème des exportations grecques", ce qu'elle ne mentionnait pas explicitement dans la partie de la CG relative à l'ETF.

2528. Toutefois, le document sur lequel la Commission se fonde, à cet endroit de la décision attaquée, pour conclure au caractère général de l'objectif poursuivi par l'ETF est le compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986 à Genève (décision attaquée, paragraphe 25, point 15). Ce document, qui avait été joint par Aker et Euroc à leur mémoire en réponse à la CG, fut adressé, par lettre du 9 juillet 1992, par la Commission aux destinataires de la CG intéressés, dont Unicem, lesquels furent invités à faire connaître leurs observations à ce sujet (décision attaquée, paragraphe 2, point 3). Unicem a donc eu l'occasion, au cours de la procédure administrative, de faire valoir ses observations à l'égard de la définition de l'objectif de l'ETF qui figurait dans ce document.

2529. Son argument doit, par conséquent, être rejeté.

B Sur le caractère infractionnel de l'accord constitutif de l'ETF

2530. Au paragraphe 53, point 7, de la décision attaquée, la Commission expose les raisons qui l'amènent à juger l'accord constitutif de l'ETF contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité:

"L'objectif unique poursuivi ressort du compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986 (voir paragraphe 25, point 15, ci-dessus): 'Le but de l'ETF est d'étudier les mesures pour éliminer les importations en Europe occidentale, actuellement les importations de Grèce. L'ETF recommande les mesures à adopter par les chefs de délégation'. Le but est donc général et pas seulement limité au problème des exportations grecques; il s'inscrit donc pleinement dans le cadre de l'accord Cembureau de respect des marchés domestiques."

2531. Les parties requérantes concernées font valoir, en substance, neuf arguments visant à contester le caractère infractionnel de la constitution de l'ETF.

2532. En premier lieu, CBR, Dyckerhoff, le SFIC, Ciments français, Lafarge, Italcementi, Holderbank, Aker, Euroc et Blue Circle affirment que la tâche centrale de l'ETF était licite, puisqu'elle visait à des actions de sensibilisation des autorités nationales et européennes aux problèmes occasionnés à l'industrie du ciment d'Europe occidentale par les importations à bas prix en provenance de Grèce. Uniland (T-58-95) reproche pour sa part à la Commission de ne pas avoir évoqué, dans la décision attaquée, l'effort de dialogue licite entrepris par certains membres de l'industrie européenne du ciment avec les autorités communautaires.

2533. Pour étayer son argumentation, CBR renvoie au document n° 33.126/18761, dans lequel Holderbank, en réponse à une demande de renseignements qui lui avait été adressée en 1990 par la Commission au sujet de l'ETF, a expliqué que cette dernière avait pour mission essentielle d'appuyer les activités de lobbying intensif menées par l'industrie européenne du ciment, entre la fin de l'été 1986 et le début de l'année 1987, en vue de conduire les autorités européennes à prendre des mesures contre les comportements anticoncurrentiels de la République hellénique et de ses producteurs de ciment. Uniland, Italcementi et Holderbank invoquent la réunion que les représentants de l'industrie européenne du ciment ont eue avec M. Sutherland, membre de la Commission, en novembre 1986, en vue de lui faire part, et, à travers lui, au collège des commissaires, des préoccupations suscitées par le régime des aides étatiques accordées aux producteurs grecs. Holderbank produit en outre différents documents illustrant les démarches politiques effectuées en ce sens par les producteurs européens de ciment, notamment auprès de membres du Parlement européen et de membres de la Commission. Italcementi reproche encore à la Commission de s'être exclusivement référée, dans son appréciation de la licéité des objectifs de l'ETF, aux actions décrites dans le document mentionné au paragraphe 25, points 3 à 7, de la décision attaquée, alors que ce document aurait été mis au point lors d'une réunion antérieure à celle du 9 juin 1986, au cours de laquelle aurait été prise la décision formelle de créer l'ETF (décision attaquée, paragraphe 25, points 8 et 10).

2534. Pour illustrer le résultat concret de ces démarches politiques, Uniland et Italcementi prétendent que c'est à la suite de celles-ci que la Commission est revenue sur sa décision de 1985 par laquelle elle avait autorisé la Grèce à accorder des aides à l'exportation à ses producteurs [voir décision 86-614-CEE de la Commission, du 16 décembre 1986, modifiant la décision 85-594-CEE de la Commission autorisant la Grèce à prendre certaines mesures de sauvegarde au titre de l'article 108, paragraphe 3, du traité CEE (JO L 357, p. 28)]. Holderbank évoque les questions posées à la Commission par certains membres du Parlement européen au sujet du "problème grec" et les réponses fournies en mars 1987 et en mai 1988 par M. Sutherland, membre de la Commission.

2535. Aker et Euroc affirment encore que les échanges d'informations intervenus au niveau de l'ETF ont également visé à apprécier dans quelle mesure les risques d'importation en Europe occidentale de ciment en provenance de Grèce avaient ou non été réduits par l'ouverture, aux producteurs de ciment grecs, de débouchés de substitution dans des pays tiers.

2536. Il y a lieu de constater que plusieurs pièces visées dans la présentation des faits relatifs à la constitution et aux activités de l'ETF (décision attaquée, paragraphe 25) font effectivement ressortir que, afin de résoudre le "problème grec", les producteurs de ciment européens se sont livrés à des démarches de sensibilisation auprès des autorités nationales et communautaires.

2537. Cependant, le compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986 à Genève, auquel la Commission se réfère au paragraphe 53, point 7, de la décision attaquée, définit en ces termes l'objectif de l'ETF:

"Le but de l'ETF est d'étudier les mesures pour éliminer les importations en Europe occidentale, actuellement les importations de Grèce. L'ETF recommande les mesures à adopter par les chefs de délégation."

2538. Cet objectif est confirmé par le procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 25, point 24; document n° 33.126/18858):

"L'ETF a été établie pour examiner les mesures possibles, 'dissuasives et 'persuasives, contre les incursions de ciment bon marché sur les marchés européens (en premier lieu contre les importations grecques au Royaume-Uni) et soumettre des recommandations aux chefs de délégation."

2539. L'allusion, dans ce second extrait, aux "mesures dissuasives" et "persuasives" renvoie nécessairement au document "Réponse collective aux problèmes posés par la déstabilisation provoquée par certains producteurs de ciment", qui fut mis au point par un groupe de travail réunissant quelques représentants de l'industrie européenne du ciment, du 3 au 5 juin 1986 à Zurich, puis à Céligny (décision attaquée, paragraphe 25, points 2 à 7; documents n° 33.126/18772 à 18779; ci-après "document de Zurich/Céligny"), et qui comporte, en substance, les développements suivants quant aux mesures en question:

" Mesures dissuasives ('stick actions')

Défense des marchés domestiques européens au moyen de différentes mesures, comme, à titre d'exemple, obstacles administratifs, exigences de standards de qualité, actions des syndicats, sanctions contre les clients qui achètent du ciment importé.

Attaque des marchés d'exportation des producteurs qui déstabilisent le marché en se substituant dans les différents pays (Algérie, Etats-Unis, Afrique occidentale, Egypte et Arabie Saoudite) aux producteurs grecs comme fournisseurs ou en rendant non rentables les exportations des producteurs grecs.

Boycottage des sociétés de navigation contrôlées par les producteurs qui déstabilisent le marché.

Etudier la possibilité d'exporter du ciment en Grèce et, si le prix n'est pas intéressant, étudier la possibilité de mesures de 'guerilla', et la possibilité d'exporter d'autres produits fabriqués par les filiales des producteurs européens de ciment.

Etudier la situation des silos flottants et des intermédiaires.

Demander l'assistance des banques internationales pour 'convaincre' les producteurs qui déstabilisent le marché, les intermédiaires et les armateurs [de] coopérer.

Mesures persuasives ('carrot actions')

Achat des tonnes disponibles auprès des producteurs qui déstabilisent le marché pour les canaliser vers les Etats-Unis (Blue Circle, Holderbank, Lafarge, Cementa/Norcem et d'autres pourraient s'en charger), l'Afrique occidentale (la France pourrait s'en charger), d'autres pays (des solutions compliquées sont envisagées, le cas échéant)."

2540. A la lumière des éléments qui précèdent, la Commission était fondée à considérer que l'objet de l'ETF était d'"empêcher les échanges de ciment à l'intérieur de la Communauté et de cloisonner les marchés nationaux au bénéfice des producteurs locaux et au détriment des utilisateurs" (décision attaquée, paragraphe 53, point 14). C'est donc à bon droit qu'elle a conclu (même point) qu'une telle restriction de concurrence avait constitué "une infraction caractérisée à l'article 85, paragraphe 1, du traité".

2541. L'argumentation des parties requérantes visées ci-dessus au point 2532 doit, par conséquent, être rejetée.

2542. Holderbank affirme encore que les discussions de l'ETF se sont déroulées en présence de parlementaires, de représentants gouvernementaux et d'agents de la Commission. Elle mentionne, à cet égard, la documentation transmise aux membres du Parlement européen prétendument présents à la réunion du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, ainsi que le communiqué de presse rédigé par le président de la commission parlementaire en charge de la politique économique, monétaire et industrielle (annexes 11d et 11e à sa requête).

2543. Il convient toutefois d'observer que les documents présentés par Holderbank indiquent tout au plus que des représentants de l'industrie européenne du ciment ont rencontré des membres du Parlement européen le 10 septembre 1986 à Strasbourg, pour les sensibiliser aux problèmes liés aux importations, sur les marchés européens, de ciment en provenance de Grèce. Ils ne permettent pas de soutenir que les réunions de, ou relatives à, l'ETF, décrites au paragraphe 25 de la décision attaquée notamment celle des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 25, points 22 à 33) , se sont tenues en présence de représentants des autorités communautaires.

2544. En tout état de cause, les allégations de Holderbank ne sauraient occulter le faisceau des pièces analysées ci- dessus aux points 2537 à 2540, qui atteste que l'ETF s'était vu assigner une finalité manifestement anticoncurrentielle, à savoir examiner, en vue de recommandations aux chefs de délégation, les mesures dissuasives et persuasives susceptibles d'éliminer les importations de ciment à bas prix dans les marchés d'Europe occidentale.

2545. Il s'ensuit que l'argument de Holderbank doit être rejeté.

2546. En deuxième lieu, Blue Circle affirme que l'accord constitutif de l'ETF a été un acte purement préparatoire, sans objet anticoncurrentiel. L'intention commune des fondateurs de l'ETF ne serait jamais allée au-delà de sa création.

2547. Toutefois, il convient de constater une nouvelle fois que ces allégations sont manifestement contredites par le faisceau des pièces examinées ci-dessus aux points 2537 à 2540, qui démontrent la finalité anticoncurrentielle assignée, dès l'origine, à l'ETF.

2548. Blue Circle ajoute qu'il n'a jamais existé de plan commun anticoncurrentiel des membres de l'ETF. Elle affirme que la Commission a commis une erreur de droit en considérant, au paragraphe 53, point 5, de la décision attaquée, qu'il n'était pas nécessaire de démontrer l'intention commune des parties de se conduire d'une manière anticoncurrentielle sur le marché pour établir l'existence d'un accord contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

2549. Il convient cependant de souligner que les considérations prêtées à la Commission par Blue Circle ne figurent pas au paragraphe 53, point 5, de la décision attaquée. A cet endroit des considérants, la Commission affirme uniquement, sur la base de l'arrêt Petrofina/Commission, cité au point 2260 ci-dessus, point 210, qu'"il n'est pas nécessaire, en raison du caractère complexe d'une entente, que toutes les entreprises aient exprimé leur accord formel à une conduite adoptée par les autres, car il suffit, pour certaines d'entre elles, qu'elles aient donné leur soutien global et agi en conséquence".

2550. En tout état de cause, et sans préjuger de l'appréciation qui sera portée ci-après aux points 2592 à 2782 sur le bien-fondé de la décision de la Commission de retenir la participation à l'accord constitutif de l'ETF des différentes entreprises et associations visées à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, il ressort déjà de l'analyse développée ci-dessus aux points 2537 à 2540 que la constitution de l'ETF fut animée d'un dessein commun manifestement anticoncurrentiel.

2551. L'argumentation de Blue Circle doit, par conséquent, être rejetée.

2552. En troisième lieu, CBR, Dyckerhoff, le SFIC, Ciments français, Lafarge, le BDZ, Uniland, Italcementi, Holderbank, Aker, Euroc et Blue Circle reprochent à la Commission d'avoir mal ou insuffisamment apprécié le contexte économique et juridique dans lequel est intervenue la mise en place de l'ETF. Celle-ci aurait été dictée par un état de légitime défense contre les importations en provenance de Grèce, illégalement soutenues par les autorités publiques. Lafarge et Holderbank critiquent à cet égard le caractère incomplet de l'énumération faite par la Commission, dans la note en bas de page n° 113 de la décision attaquée, des aides étatiques dont bénéficiait à l'époque l'industrie du ciment grecque.

2553. Le SFIC considère que, dans un tel contexte, la Commission ne pouvait pas se contenter de prouver la participation à des réunions. Elle aurait également dû démontrer que des mesures contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité avaient été prises, notamment par le SFIC, à l'égard des producteurs de ciment grecs. Lafarge soutient pour sa part que, d'après la jurisprudence de la Cour (arrêt Suiker Unie e.a./Commission, cité au point 651 ci-dessus), si des mesures gouvernementales faussent gravement la concurrence, empêchant ainsi les opérateurs économiques de suivre le jeu normal de la concurrence, l'article 85, paragraphe 1, du traité ne trouve plus à s'appliquer. Aker et Euroc, après avoir rappelé que l'un des objectifs du traité est l'"établissement d'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché intérieur" [article 3, sous g)], estiment, sur la base de l'arrêt de la Cour du 21 février 1973, Europemballage Corporation et Continental Can Company/Commission (6-72, Rec. p. 215, point 24), que, lorsque des entreprises et des Etats membres adoptent des comportements ou des mesures qui faussent la concurrence, l'article 85, paragraphe 1, du traité ne doit pas s'appliquer à des actions qui ne visent qu'à éliminer les conséquences de ces mesures discordantes.

2554. Lafarge, le BDZ, Uniland, Italcementi, Holderbank, Aker, Euroc et Blue Circle reprochent à la Commission de ne pas avoir pris les mesures qui s'imposaient pour garantir l'élimination rapide des distorsions de concurrence suscitées par les aides illégalement perçues par les producteurs grecs. A l'appui de leur argumentation, Lafarge, Uniland, Italcementi, Holderbank et Blue Circle invoquent l'arrêt du Tribunal du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission (T-447-93, T-448-93 et T-449-93, Rec. p. II-1971), qui a annulé une décision de la Commission du 1er août 1991, contenue dans la communication 92-C 1-03 de la Commission faite conformément à l'article 93, paragraphe 2, du traité CEE aux autres Etats membres et aux intéressés, concernant l'octroi d'une aide à Heracles General Cement Company, Grèce (JO 1992, C 1, p. 4), décision qui avait déclaré compatible avec le marché commun ladite aide accordée par la République hellénique.

2555. Ces différents arguments ne sauraient être accueillis.

2556. En effet, ils reviennent en substance à revendiquer le bénéfice d'une exemption de l'interdiction édictée par l'article 85, paragraphe 1, du traité, en raison des circonstances particulières qui auraient présidé à la constitution de l'ETF. Or, les conditions d'une telle exemption sont expressément et limitativement énumérées à l'article 85, paragraphe 3, du traité. L'octroi éventuel d'une telle exemption en l'espèce aurait en outre supposé une notification formelle, à la Commission, de l'accord constitutif de l'ETF (arrêts Distillers Company/Commission, cité au point 150 ci-dessus, points 19 à 24, et Van Landewyck e.a./Commission, cité au point 717 ci-dessus, points 61 et 62).

2557. Par ailleurs, des entreprises ne sauraient justifier une infraction aux règles de la concurrence en prétextant qu'elles y ont été poussées par le comportement d'autres opérateurs économiques (voir, notamment, arrêts de la Cour du 12 juillet 1962, Acciaierie Ferriere e Fonderie di Modena/Haute Autorité, 16-61, Rec. p. 547, 576 et 581, et Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 439 ci-dessus, points 90 et 100).

2558. Le fait que ces opérateurs économiques aient, en l'espèce, bénéficié d'aides publiques ne saurait davantage légitimer l'adoption d'initiatives privées anticoncurrentielles, les aides en question fussent-elles illicites. Comme la Commission le souligne à juste titre au paragraphe 53, point 8, de la décision attaquée, si les entreprises ont le droit "non seulement de signaler aux autorités compétentes y compris la Commission elle-même , les éventuelles violations de dispositions nationales ou communautaires, mais également [...] de se manifester de manière collective à cette fin, ce qui suppose nécessairement la possibilité de discussions préparatoires entre elles", elles ne sont pas fondées, en revanche, à se faire justice à elles-mêmes en se substituant aux autorités compétentes pour sanctionner d'éventuelles violations du droit national et/ou communautaire, et en entravant, par des mesures prises de leur propre initiative, la circulation des produits dans le marché intérieur (voir, notamment, arrêts Hilti/Commission, cité au point 2082 ci-dessus, points 115 à 119, et SCK et FNK/Commission, cité au point 485 ci-dessus, point 194). La jurisprudence invoquée, respectivement, par Lafarge et par Aker et Euroc (voir ci-dessus point 2553) est, à cet égard, dénuée de pertinence.

2559. Quant au laxisme dont la Commission aurait fait preuve dans le dossier des aides d'Etat grecques, il ne saurait non plus justifier les initiatives illicites adoptées par les entreprises pour résoudre le "problème grec". En effet, même à supposer que la Commission ait manqué à certaines de ses obligations découlant de l'article 155 du traité CE (devenu article 211 CE), cette circonstance ne saurait justifier des infractions éventuelles au droit communautaire (voir, notamment, arrêts Van Landewyck e.a./Commission, cité au point 717 ci-dessus, point 84, et Tréfilunion/Commission, cité au point 223 ci-dessus, point 127). Au demeurant, il ressort du document de Zurich/Céligny (décision attaquée, paragraphe 25, points 3 à 7; documents n° 33.126/18772 à 18779) que la voie d'actions privées illicites a été choisie d'emblée, sans attendre les résultats de la voie légale, parallèlement envisagée. Dès lors, les prétendues vicissitudes liées à cette dernière voie ne sauraient même être présentées comme la raison du recours à des mesures privées anticoncurrentielles.

2560. Enfin, comme la Commission le souligne à juste titre au paragraphe 53, point 8, de la décision attaquée, les différentes pièces analysées ci-dessus aux points 2537 à 2540 démontrent que l'ETF, si elle fut chargée en priorité d'étudier les mesures destinées à empêcher les importations à bas prix, sur les marchés d'Europe occidentale, de ciment en provenance de Grèce, avait une vocation plus large, à savoir l'élimination de toute incursion de ciment à bas prix susceptible de déstabiliser les marchés européens. La justification de l'ETF par la seule référence aux menaces d'importations prétendument illicites en provenance de Grèce ne saurait, par conséquent, être acceptée.

2561. En conclusion, les explications des parties requérantes tirées de l'état de nécessité engendré par des menaces d'importations en provenance de Grèce ne sauraient conduire à écarter l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité à l'accord visé à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée.

2562. Lafarge reproche encore à la Commission de s'être rendue coupable d'un détournement de procédure et de pouvoir, en privilégiant l'application de l'article 85 du traité, sans avoir préalablement ou simultanément mis en œuvre l'article 93 dudit traité (devenu article 88 CE) à l'encontre des pratiques grecques.

2563. Toutefois, une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise dans le but exclusif, ou tout au moins déterminant, de fins autres que celles excipées (voir jurisprudence citée au point 779 ci-dessus).

2564. En l'espèce, la Commission explique, notamment au paragraphe 53, point 7, de la décision attaquée, qu'elle a jugé l'accord constitutif de l'ETF contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité au motif que l'objectif poursuivi par cet accord était d'"étudier les mesures pour éliminer les importations en Europe occidentale, [alors] les importations de Grèce". L'analyse développée ci-dessus aux points 2537 à 2540 ayant conclu au bien-fondé de cette appréciation, il convient donc de rejeter l'argument de Lafarge tiré d'un prétendu détournement de pouvoir ou de procédure dans le chef de la Commission.

2565. Italcementi prétend encore, en invoquant la décision 92-444-CEE de la Commission, du 30 juillet 1992, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/33.494 Scottish Salmon Board) (JO L 246, p. 37), que, dans la mesure où les industries européennes auraient cherché, à travers l'ETF, à se protéger contre les turbulences du marché, alors que des procédures de sauvegarde étaient susceptibles d'être mises en œuvre par l'administration publique communautaire, la Commission aurait dû, comme dans l'affaire ayant donné lieu à ladite décision, se borner à constater la violation du traité, sans infliger d'amende aux entreprises concernées, d'autant qu'une telle approche aurait été autorisée par la Cour (arrêt de la Cour du 2 mars 1983, GVL/Commission, 7-82, Rec. p. 483, point 25).

2566. Il convient toutefois de faire observer que, ainsi que cela ressort de la seule lecture de l'article 9 de la décision attaquée (voir également le paragraphe 65, point 8), les infractions constatées à l'article 4 n'ont pas donné lieu, en tant que telles, à l'imposition d'une amende, seule l'infraction constatée à l'article 1er, relative à la participation à l'accord Cembureau, ayant été sanctionnée.

2567. En tout état de cause, les circonstances de l'espèce présentent, par rapport à l'affaire ayant donné lieu à la décision 92-444, du 30 juillet 1992, précitée, des différences qui interdisent à Italcementi de se prévaloir de l'attitude adoptée par la Commission dans cette dernière décision. Ainsi, celle-ci avait pour cadre un contexte de dumping formellement reconnu par la Commission, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. De plus, la constitution de l'ETF, qui visait à l'élimination générale des importations de ciment en Europe occidentale, a poursuivi un objectif qui, contrairement à ceux du Scottish Salmon Board, dépassait de loin la prise de mesures de défense contre des "turbulences" passibles d'interventions des autorités communautaires.

2568. Pour ces différentes raisons, l'argument d'Italcementi doit être rejeté.

2569. En quatrième lieu, CBR, Dyckerhoff, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Italcementi, Holderbank et Blue Circle considèrent que la constitution de l'ETF ne saurait être jugée infractionnelle, dès lors que ses membres auraient constamment manifesté le souci de respecter le droit communautaire, en convenant, d'une part, de soumettre les mesures envisagées à un examen juridique destiné à garantir leur légalité et, d'autre part, d'en informer les autorités communautaires. Elles renvoient, à cet égard, à différentes pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée [compte rendu de la réunion du 28 mai 1986 à Rome (décision attaquée, paragraphe 25, point 1; document n° 33.126/18771); document de Zurich/Céligny; compte rendu de la réunion de l'ETF du 21 octobre 1986 (décision attaquée, paragraphe 25, points 34 à 38, particulièrement point 35; documents n° 33.126/18895 à 18900, particulièrement 18895 et 18896); "[n]otes de la réunion de représentants de l'industrie du ciment de la CEE à l'Hôtel Hilton, Bruxelles, le 6 novembre 1986, à 9 heures" (décision attaquée, paragraphe 25, points 39 à 43, particulièrement point 40; documents n° 33.126/19007 et 19008)].

2570. Il y a lieu de constater que les différentes pièces mises en avant par les parties requérantes traduisent effectivement le souci des membres de l'ETF de s'assurer du respect du droit communautaire. Cependant, il n'en demeure pas moins que l'ETF a été mise sur pied avec pour objectif l'examen, en vue de recommandations aux chefs de délégation, des mesures dissuasives et persuasives destinées à éliminer les importations (en premier lieu celles en provenance de Grèce) sur les marchés d'Europe occidentale, et cela sans attendre le résultat des contacts et des avis juridiques envisagés. Du reste, aucune partie requérante n'est en mesure d'établir que les autorités communautaires ont été informées de la constitution de l'ETF. En toute hypothèse, l'argumentation des parties requérantes ne saurait occulter l'absence de notification formelle à la Commission, au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, de l'accord constitutif de l'ETF, seule voie légale envisageable en présence d'un accord dont l'objet était manifestement contraire à l'article 85, paragraphe 1, dudit traité (voir, en ce sens, jurisprudence citée ci-dessus au point 2556).

2571. Il s'ensuit que l'argument des parties requérantes doit être rejeté.

2572. Lafarge, Italcementi et Holderbank affirment que, lors de leur entretien du 6 novembre 1986 avec M. Sutherland, membre de la Commission, les producteurs européens de ciment ont informé ce dernier de l'existence et des missions de l'ETF. D'après Italcementi, à cette occasion, M. Sutherland aurait approuvé les activités de l'ETF.

2573. Toutefois, la pièce invoquée à ce sujet par les parties requérantes ("Notes de la réunion avec le commissaire Peter Sutherland à Bruxelles, le 6 novembre 1986 à 11 heures"; documents n° 33.126/19009 et 19010) ne confirme pas de telles affirmations. Il en ressort tout au plus que des représentants de l'industrie européenne du ciment ont fait part au membre de la Commission de leurs préoccupations communes à l'égard de la situation grecque et de leur volonté de trouver une solution conciliant les différents intérêts en présence. Cette pièce ne démontre pas que la constitution de l'ETF, son objectif et les mesures dissuasives et persuasives que celle-ci avait été chargée d'étudier pour faire face à la menace engendrée par les importations en provenance de Grèce aient été portés à la connaissance de M. Sutherland et que ce dernier les ait approuvés. En tout état de cause, l'argumentation examinée ne saurait occulter l'absence de notification formelle à la Commission de l'accord constitutif de l'ETF ni, partant, le caractère infractionnel de ce dernier.

2574. Les arguments de Lafarge, d'Italcementi et de Holderbank doivent, en conséquence, être rejetés.

2575. En cinquième lieu, Aalborg fait valoir qu'aucun des documents relatifs à l'ETF ne contient de référence à l'accord Cembureau. Blue Circle soutient que la décision attaquée ne contient aucun élément démontrant que les participants à l'ETF avaient pour objectif commun de mettre en œuvre l'accord Cembureau.

2576. Or, force est de constater que de telles affirmations ne sauraient occulter le faisceau des pièces analysées ci- dessus aux points 2537 à 2540, qui démontrent la finalité anticoncurrentielle poursuivie par l'ETF.

2577. En sixième lieu, Aker et Euroc affirment que la Commission a jugé l'ETF contraire à l'article 85 du traité au seul motif qu'elle aurait cadré avec l'accord unique et continu relatif au respect des marchés domestiques.

2578. Cet argument doit être rejeté. En effet, aux termes du paragraphe 53, point 7, de la décision attaquée, la Commission a conclu que l'ETF était contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité sur la base non pas de son rattachement à l'accord Cembureau, mais des indications du compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986 à Genève, exposées ci-dessus au point 2537. De telles indications ont du reste conduit la Commission à considérer que l'objectif de l'ETF "s'inscri[vait ...] pleinement dans le cadre de l'accord Cembureau de respect des marchés domestiques" (même point). Le bien-fondé de cette dernière appréciation sera examiné ci-après aux points 4050 à 4052.

2579. En septième lieu, Lafarge estime que la Commission a mal compris le marché géographique pertinent dans l'affaire relative à la Grèce. Ce marché aurait été uniquement constitué des zones portuaires d'Europe et de leurs arrière-pays proches, où l'intégration verticale était faible et où existaient de gros acheteurs indépendants.

2580. Il convient cependant d'observer que cette allégation est contredite par différentes pièces démontrant que le marché géographique concerné par l'accord constaté à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée avait la dimension européenne décrite par la Commission au paragraphe 11. Ainsi, il ressort du compte rendu de la réunion du 28 mai 1986 à Rome première réunion décrite au paragraphe 25 de la décision attaquée en relation avec la question grecque que "tous les pays [d'Europe occidentale]" étaient concernés par la décision de l'industrie grecque d'exporter deux millions de tonnes excédentaires par an, décision qui fut à l'origine de la réaction "en front commun" des producteurs européens, à base de mesures dissuasives et persuasives (décision attaquée, paragraphe 25, point 1; document n° 33.126/18771). Par ailleurs, le document de Zurich/Céligny préconisait la "coopération entre les producteurs du marché commun/Europe occidentale" pour faire face à la menace d'importations déstabilisantes qui concernait "toute l'Europe et pas seulement [...] les pays plus directement attaqués". Enfin, il a déjà été souligné (voir ci-dessus points 2537 et 2538) que, aux termes des comptes rendus de la réunion de l'ETF du 19 août 1986 à Genève (décision attaquée, paragraphe 25, point 15; annexe 15 au mémoire en réponse d'Aker et d'Euroc à la CG) et de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 25, point 24; documents n° 33.126/18849 à 18862), l'objectif de l'ETF était d'examiner les mesures dissuasives et persuasives destinées à éliminer les importations de ciment sur les marchés européens.

2581. En tout état de cause, l'argumentation de Lafarge ne saurait écarter l'analyse, développée ci-dessus aux points 2537 à 2540, montrant que la Commission était fondée à considérer que l'accord constitutif de l'ETF était contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

2582. L'argument de Lafarge doit donc être écarté.

2583. En huitième lieu, plusieurs parties requérantes font valoir une série d'arguments visant à démontrer que la constitution de l'ETF n'a débouché sur aucun effet, mesure, action ou décision de nature à restreindre la concurrence dans le marché commun.

2584. Lafarge affirme ainsi que l'ETF était un organe de réflexion, investi d'un simple pouvoir de proposition. La création de l'ETF n'aurait donc pas été, en tant que telle, une mesure tombant sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Ce groupe de réflexion n'aurait pas pu parvenir à un concours de volontés, à défaut de pouvoir décisionnel - celui-ci revenant exclusivement aux chefs de délégation - et il n'aurait pas pu provoquer de restriction de concurrence, ses compétences étant limitées à formuler de simples propositions. Lafarge ajoute que les deux seules mesures proposées par l'ETF pour résoudre le "problème grec" ont été des actions de sensibilisation des autorités nationales et communautaires, d'une part, et la création de la société Interciment, d'autre part. Aucune de ces mesures n'aurait cependant revêtu un caractère illicite. L'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, qui qualifie la constitution de l'ETF d'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, serait finalement sans objet, puisque la création d'Interciment, seule mesure à laquelle la mise en place de l'ETF aurait conduit, est jugée infractionnelle à l'article 4, paragraphe 2.

2585. Aalborg affirme que, à l'exception de la société dormante Interciment, l'ETF n'a jamais dépassé le stade de l'intention.

2586. Holderbank fait observer qu'aucune des mesures de représailles discutées dans le cadre de l'ETF n'a été effectivement mise en œuvre.

2587. Aker et Euroc soutiennent que l'ETF était un groupe de discussion, dont les membres fondateurs ne se sont en aucune manière engagés définitivement dans une action collective illégale. Elles ajoutent que l'accord constitutif de l'ETF n'a pas eu d'impact sensible sur la concurrence.

2588. Blue Circle affirme que l'ETF et ses sous-groupes de travail étaient des cellules de réflexion et d'échange d'informations, qui n'ont jamais conduit à des décisions collectives. En outre, l'ETF n'aurait plus été convoquée à partir de mars 1987, étant donné qu'elle ne serait jamais parvenue à des propositions utiles.

2589. Tous ces arguments ne sauraient cependant occulter les constatations objectives qui se dégagent des pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée, à savoir que, à l'occasion de la survenance du problème lié aux importations de ciment grec, différents représentants de l'industrie européenne du ciment sont convenus de mettre en place l'ETF en lui donnant comme objectif d'étudier les mesures dissuasives et persuasives destinées à éliminer les importations de ciment sur les marchés européens, en priorité celles en provenance de Grèce, et de recommander aux chefs de délégation les mesures à adopter à cette fin. Un concours de volontés, soit un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1010 ci-dessus), a donc été réalisé autour de cette initiative, dont la finalité a, à juste titre (voir ci-dessus points 2537 à 2540), été jugée anticoncurrentielle par la Commission. Or, aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue, dès lors qu'il apparaît que celui-ci a eu pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (voir jurisprudence citée au point 837 ci-dessus). Partant, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les différents arguments des parties requérantes visant à démontrer que la constitution de l'ETF n'a abouti à aucun effet, résultat, mesure ou décision restrictif de concurrence, il y a lieu de conclure que la Commission était en droit de qualifier l'accord constitutif de l'ETF, constaté à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, d'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

2590. En neuvième lieu, Aker et Euroc soutiennent que l'accord constitutif de l'ETF n'a pas eu d'impact sensible sur le commerce entre Etats membres.

2591. Il doit cependant être rappelé que, en interdisant les ententes ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence, et qui sont de nature à affecter les échanges entre Etats membres, l'article 85, paragraphe 1, du traité n'exige pas qu'il soit établi que l'entente en question a, effectivement, affecté de manière sensible ces échanges, preuve qui, dans la plupart des cas, serait d'ailleurs difficilement administrée. Il demande qu'il soit établi que cette entente était de nature à avoir un tel effet. La condition d'affectation du commerce entre Etats membres est ainsi remplie lorsque, sur la base d'un ensemble d'éléments de droit et de fait, l'entente constatée permet d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'elle peut exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre Etats membres (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1986 ci-dessus). Or, par son seul objectif, qui tendait à l'élimination des importations en Europe occidentale (voir pièces analysées ci-dessus aux points 2537 à 2540), l'accord constitutif de l'ETF était de nature à affecter sensiblement le commerce du ciment à l'intérieur du marché commun. L'argument d'Aker et d'Euroc doit, par conséquent, être rejeté.

C Sur la participation, à l'accord constitutif de l'ETF, des parties requérantes visées à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée

1. Observations liminaires

2592. L'infraction relative à l'accord constitutif de l'ETF est imputée aux parties requérantes suivantes: CBR, Cembureau, Dyckerhoff, le SFIC, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, le BDZ, Unicem, Asland, Uniland, Oficemen, Irish Cement, Italcementi, Holderbank, Aker, Euroc, Cementir et Blue Circle. 2593.

Au paragraphe 53, point 2, de la décision attaquée, la Commission explique:

"Le concours de volonté de chaque participant a été exprimé au cours de différentes réunions et, en particulier, au cours des réunions des chefs de délégation, de même qu'à travers la participation aux différentes actions entreprises."

2594. Il est constant que l'apparition du "problème grec" a donné lieu, en 1986 et en 1987, à une série de réunions entre représentants de l'industrie européenne du ciment, notamment à celles décrites par la Commission au paragraphe 25 de la décision attaquée:

réunion du 28 mai 1986 à Rome (paragraphe 25, point 1);

réunions d'un groupe de travail du 3 au 5 juin 1986 à Zurich, puis à Céligny (points 2 à 7);

réunion du 9 juin 1986 à Stockholm (points 8 à 10);

huit réunions de l'ETF: le 17 juin 1986 à Londres (point 11), le 2 juillet 1986 à Milan (point 12), le 8 juillet 1986 à Genève (point 13), le 19 août 1986 à Genève (points 14 à 20), le 9 septembre 1986 à Baden-Baden (point 21), le 21 octobre 1986 à Genève (points 34 à 38), le 9 janvier 1987 à Milan (point 44) et le 11 février 1987 à Genève (points 45 et 46);

réunion du sous-groupe de travail de l'ETF "Mesures de défense" le 17 mars 1987 (point 47);

réunion des "chefs de délégation et des représentants de la task-force" le 9 septembre 1986 à Baden-Baden (points 22 à 33);

réunion de "représentants de l'industrie du ciment de la CEE" le 6 novembre 1986 à Bruxelles (points 39 à 43);

réunion à la fin de mai 1987, en marge de l'assemblée générale de Cembureau (point 48).

2595. A l'exception de Holderbank et de Blue Circle, qui contestent uniquement le caractère infractionnel de la constitution de l'ETF et, à titre subsidiaire, la durée de cette infraction - arguments analysés, respectivement, ci-dessus aux points 2532 à 2561, 2569 à 2576 et 2583 à 2589 et ci-après aux points 2791 à 2808 - toutes les parties requérantes visées à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée contestent leur participation à l'infraction retenue par cette disposition.

2. Situation de CBR

2596. CBR affirme qu'elle n'a pas été représentée dans l'ETF et qu'elle n'a assisté à aucune des réunions décrites au paragraphe 25 de la décision attaquée. Elle admet que le chef de délégation belge était présent à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm. A cette réunion, il aurait toutefois uniquement été décidé de créer Interciment. CBR reconnaît que le chef de délégation belge a assisté à la réunion du 9 septembre 1986 de Baden-Baden, décrite au paragraphe 25, points 22 à 32, de la décision attaquée. Toutefois, cette réunion aurait été purement informative: elle aurait permis aux membres de l'ETF de présenter les conclusions de leurs travaux et de préparer la réunion du lendemain, à Strasbourg, avec des membres du Parlement européen. En outre, il aurait été décidé à cette réunion de maintenir Interciment en sommeil. CBR admet que l'industrie belge fut représentée à la réunion du 6 novembre 1986. Cependant, cette réunion aurait exclusivement servi à préparer la réunion prévue le même jour avec M. Sutherland, membre de la Commission, au sujet du dossier relatif à la Grèce. Il aurait également été confirmé lors de cette réunion qu'Interciment demeurerait en sommeil. CBR souligne qu'elle n'a participé à aucune autre réunion de l'ETF, jusqu'à la dissolution de celle-ci, et qu'elle n'a pas non plus fait partie de l'un de ses sous-groupes de travail.

2597. Il convient de souligner que le chef de délégation belge présent à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm était M. Van Hove, à l'époque président-directeur général de CBR (réponse du 16 juin 1998 de CBR à une question écrite du Tribunal du 15 mai 1998). Lors de cette réunion, M. Van Hove représenta les intérêts de l'industrie belge dans son ensemble, y compris donc ceux de CBR, dont il ne pouvait faire abstraction, eu égard à la fonction de première importance qu'il occupait à cette époque dans cette entreprise belge.

2598. D'après la réponse 7/b du 7 mai 1990 de Holderbank à une demande de renseignements de la Commission (décision attaquée, paragraphe 25, point 10; document n° 33.126/18755), les participants à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm "décidèrent formellement de la création de l'ETF". Il ressort, en outre, du compte rendu de la réunion du 28 mai 1986 à Rome ("Réunion informelle sur les problèmes posés par la Grèce, Rome, 28 mai 1986"; décision attaquée, paragraphe 25, point 1; document n° 33.126/18771) que les participants à cette réunion étaient convenus de se réunir à nouveau le 9 juin 1986 à Stockholm et que, en vue de cette réunion de Stockholm, ils avaient chargé un groupe de travail restreint de se réunir à Zurich la semaine suivante pour "préparer une documentation détaillée sur tous les aspects relatifs à d'éventuelles mesures défensives". Holderbank s'était, pour sa part, proposée de préparer, immédiatement après la réunion de Rome, un "position paper" comprenant quelques propositions de mesures persuasives. Ces indications, lues en corrélation avec celles figurant dans les comptes rendus de la réunion de l'ETF du 19 août 1986 et de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 quant à la finalité assignée à l'ETF (voir ci-dessus points 2537 et 2538), amènent à conclure que, lors de la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, les participants ont avalisé le document de Zurich/Céligny et ont confié à l'ETF l'examen des mesures dissuasives et persuasives que ce document préconisait.

2599. Par ailleurs, il ressort du procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden que "M. P. Sytor, Cimenteries CBR, Belgium" a participé à cette réunion (décision attaquée, paragraphe 25, point 23; document n° 33.126/18857). Pour les autres participants, M. Sytor fut le représentant de CBR.

2600. D'après le procès-verbal de la réunion (décision attaquée, paragraphe 25, points 22 à 32; documents n° 33.126/18849 à 18862), l'objectif de l'ETF fut rappelé en ouverture de réunion dans les termes suivants: "L'ETF a été établie pour examiner les mesures possibles, 'dissuasives et 'persuasives, contre les incursions de ciment bon marché sur les marchés européens (en premier lieu contre les importations grecques au Royaume-Uni) et soumettre des recommandations aux chefs de délégation". Ont ensuite été mentionnés une série de sujets identifiés par l'ETF, en vue d'un examen approfondi: accord avec l'industrie grecque; rétorsions sur les marchés traditionnels d'exportation de l'industrie grecque; exportations en Grèce; menaces d'autres pays; commerçants en ciment. L'ETF ayant été surchargée de travail et n'ayant proposé aucune solution substantielle depuis sa création, il fut décidé de créer différents sous-groupes de travail (sous-groupe intermédiaire; sous-groupe "Marchés d'exportation de la Grèce"; sous-groupe "Exportations en Grèce"; sous-groupe "Echange d'expériences défensives"; sous-groupe "Menaces d'autres pays"), dont la coordination devait être assurée par l'ETF et les travaux soumis périodiquement aux chefs de délégation. Plusieurs des mesures dissuasives et persuasives envisagées dans le document de Zurich/Céligny furent alors examinées. Des décisions ou orientations furent prises sur l'une ou l'autre d'entre elles: ainsi, il fut décidé de continuer les négociations en vue d'un accord visant à absorber les surcapacités grecques, l'ETF fut chargée de présenter aux chefs de délégation, pour la fin du mois de septembre, une recommandation sur la faisabilité d'exportations en Grèce en guise de représailles, et il fut décidé de recueillir des informations complémentaires à la suite des démarches infructueuses de Blue Circle auprès de la banque Worms et du Crédit suisse France en vue de faire couper les crédits à Bouri, l'intermédiaire des producteurs grecs au Royaume-Uni. Il fut également convenu de s'assurer que, tout en demeurant momentanément en sommeil, la société commerciale commune Interciment, qui avait été constituée conformément à la décision adoptée le 9 juin 1986 à Stockholm, fût prête à devenir opérationnelle pour la mise en application des mesures tant dissuasives que persuasives.

2601. Enfin, les notes relatives à la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles mentionnent la présence de M. Van Hove à cette réunion de "représentants de l'industrie du ciment de la CEE" (décision attaquée, paragraphe 25, point 39; document n° 33.126/19007). Lors de cette réunion, M. Van Hove représenta ainsi l'industrie belge et, en particulier, CBR, dont il était à l'époque le président-directeur général.

2602. D'après les notes se rapportant à cette réunion (décision attaquée, paragraphe 25, points 39 à 43; documents n° 33.126/19007 et 19008), des discussions se sont effectivement tenues, comme le soutient CBR, au sujet de la rencontre prévue avec le membre de la Commission en charge de la politique de concurrence. Toutefois, il fut également convenu lors de ladite réunion que "l'ETF devrait continuer à se réunir et à passer en revue les développements" relatifs à l'évolution des importations grecques sur les marchés européens.

2603. En participant à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden ainsi qu'à la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles, CBR a, à défaut de manifestation en sens contraire, approuvé ou, à tout le moins, donné à penser aux autres participants qu'elle approuvait la constitution de l'ETF ainsi que l'examen, par cette dernière, des mesures dissuasives et persuasives destinées à empêcher les importations déstabilisantes en Europe occidentale. C'est donc à bon droit que la Commission a constaté, à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, la participation de CBR à l'accord constitutif de l'ETF (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci- dessus).

2604. Toutefois, la décision attaquée ne contenant aucun élément permettant de conclure que CBR avait adhéré à l'accord constitutif de l'ETF avant de prendre part à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, il y a lieu d'annuler son article 4, paragraphe 1, pour autant que celui-ci retient la participation de CBR audit accord avant cette date.

2605. CBR conteste encore les différents éléments sur lesquels la Commission se fonde au paragraphe 24, point 3, de la décision attaquée pour soutenir que la coalition destinée à faire face à la "menace grecque" se forma au sein de Cembureau.

2606. Toutefois, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le bien-fondé de cette argumentation, il suffit de relever qu'elle ne permet pas d'écarter les constatations objectives opérées ci-dessus aux points 2597 à 2602 quant à la participation de CBR à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden et à la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles. Partant, elle n'est pas de nature à infirmer la conclusion dégagée ci-dessus au point 2603 quant au bien-fondé de la décision de la Commission de retenir la participation de CBR à l'accord constitutif de l'ETF.

3. Situation de Cembureau

2607. Cembureau nie toute implication dans la constitution et la gestion de l'ETF. Il affirme que ses deux directeurs, MM. Dutron et Collis, qui ont assisté, respectivement, à la réunion du 28 mai 1986 à Rome et à celle du 3 juin 1986 à Zurich, n'ont accompli que des tâches de secrétariat (M. Dutron) et d'assistance licite (M. Collis), ce qui ne saurait avoir transformé les deux réunions en question en réunions de Cembureau. Il ajoute que, ainsi que cela ressort de la réponse 7/b du 7 mai 1990 de Holderbank à une demande de renseignements de la Commission (décision attaquée, paragraphe 25, point 2; document n° 33.126/18756), M. Collis n'a assisté qu'au début de la réunion du 3 juin 1986 à Zurich. Il l'aurait quittée ensuite en raison du conflit d'intérêts suscité, dans son chef, par l'évocation de la question des aides publiques accordées aux producteurs grecs.

2608. Toutefois, il convient de relever que, aux termes du compte rendu de la réunion du 28 mai 1986 à Rome, rédigé par M. Dutron ("Réunion informelle sur les problèmes posés par la Grèce, Rome, 28 mai 1986"; décision attaquée, paragraphe 25, point 1; document n° 33.126/18771), l'objet de ladite réunion était de réagir, rapidement et ensemble, à la décision de l'industrie du ciment grecque d'exporter du ciment (2 millions de tonnes par an) en Europe occidentale, et cela en combinant les mesures dissuasives ("the stick") et persuasives ("the carrot"). Les participants à cette réunion convinrent de se retrouver le 9 juin 1986 à Stockholm. En vue de cette nouvelle réunion, un groupe de travail de quatre membres fut chargé de préparer la semaine suivante à Zurich, avec l'assistance de M. Collis, une "documentation détaillée sur tous les aspects relatifs à d'éventuelles mesures défensives". Il fut également convenu, lors de cette réunion, que Holderbank préparerait un "position paper" comprenant quelques propositions de mesures persuasives. Au cours de la réunion du 28 mai 1986 à Rome est donc née l'idée d'une riposte collective aux importations déstabilisantes, en priorité celles en provenance de Grèce, par des mesures dissuasives et persuasives. Cette réunion a donné naissance à l'initiative "ETF".

2609. En participant, en la personne de M. Dutron, à la réunion du 28 mai 1986, en assurant la rédaction du compte rendu de cette réunion et en offrant l'assistance de M. Collis pour préparer, en vue de la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, une documentation détaillée sur les mesures dissuasives envisageables, Cembureau a marqué son soutien, dès l'origine, à la constitution de l'ETF et à l'examen, par celle-ci, des mesures dissuasives et persuasives.

2610. La participation de Cembureau à l'accord constitutif de l'ETF est encore confirmée par la présence, même de courte durée, de M. Collis à la réunion du 3 juin 1986, au cours de laquelle fut entamée la mise au point du document de Zurich/Céligny, "document-cadre" des travaux de l'ETF pour l'examen des mesures dissuasives et persuasives. L'argument avancé par Cembureau quant à la prétendue raison du départ précipité de M. Collis de la réunion du 3 juin 1986, outre qu'il n'est étayé par aucun élément concret, ne saurait être retenu. M. Dutron a en effet, pour sa part, assisté à l'intégralité de la réunion du 28 mai 1986 à Rome, sans y avoir vu, à aucun moment, un conflit d'intérêts réel ou potentiel pour Cembureau, alors que cette réunion fut exclusivement consacrée à la nécessité d'une réaction collective aux importations en Europe occidentale de ciment en provenance de Grèce.

2611. En conclusion, la Commission était fondée à retenir, à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, la participation de Cembureau à l'accord constitutif de l'ETF à partir du 28 mai 1986.

2612. Cembureau conteste ensuite les différents éléments invoqués par la Commission au paragraphe 24, point 3, de la décision attaquée pour soutenir que l'ETF se forma au sein de Cembureau.

2613. Toutefois, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le bien-fondé de ces critiques, il suffit de relever qu'elles ne permettent pas d'écarter les constatations objectives, opérées ci-dessus aux points 2608 à 2610, quant à la participation de Cembureau aux réunions du 28 mai 1986 à Rome et du 3 juin 1986 à Zurich. Partant, elles ne sont pas de nature à infirmer la conclusion dégagée ci-dessus au point 2611 quant au bien-fondé de la décision de la Commission de retenir la participation de Cembureau à l'accord constitutif de l'ETF.

4. Situation de Dyckerhoff

2614. Dyckerhoff souligne que, parmi toutes les réunions décrites au paragraphe 25 de la décision attaquée, elle n'a pris part qu'à la réunion du 28 mai 1986 à Rome, à celle du 9 juin 1986 à Stockholm, à celle des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden et à celle des représentants de l'industrie européenne du ciment du 6 novembre 1986 à Bruxelles.

2615. Elle soutient qu'elle a participé à ces quatre réunions dans le seul but de sensibiliser les autorités nationales et communautaires aux problèmes soulevés par les aides d'Etat accordées aux producteurs de ciment grecs, ce qui correspondait à l'un des deux objectifs poursuivis par l'ETF. Elle aurait manifesté son désintérêt et son manque de soutien aux activités illicites de l'ETF en ne désignant aucun représentant au sein de celle-ci, en cessant de participer à toute réunion après avoir obtenu un entretien avec M. Sutherland, membre de la Commission, le 6 novembre 1986 à Bruxelles et en ne prenant part à aucune mesure dissuasive. Ces différents éléments de son comportement auraient clairement indiqué aux autres producteurs concernés que son seul intérêt résidait dans l'obtention d'une intervention de la Commission à l'encontre des violations du droit communautaire commises par la République hellénique.

2616. Enfin, Dyckerhoff affirme que, d'après les documents invoqués par la Commission au paragraphe 25 de la décision attaquée, toutes les discussions auxquelles elle a participé ont été soumises à la condition de leur compatibilité avec les dispositions du traité relatives à la concurrence. Elle aurait dès lors présumé que les décisions et mesures arrêtées lors de ces réunions n'enfreignaient pas le droit communautaire.

2617. Cette argumentation ne saurait être accueillie.

2618. Ainsi qu'elle l'admet, Dyckerhoff a participé aux réunions du 28 mai 1986 à Rome et du 9 juin 1986 à Stockholm, à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden- Baden et à celle du 6 novembre 1986 à Bruxelles.

2619. Eu égard à ce qui a été exposé ci-dessus aux points 2598, 2600, 2602 et 2608, et faute de production par Dyckerhoff d'éléments démontrant que, lors de ces réunions, elle aurait ouvertement pris ses distances par rapport à la finalité manifestement anticoncurrentielle ayant présidé à la constitution de l'ETF, ou qu'elle aurait clairement fait part aux autres participants qu'elle assistait à ces réunions dans une optique différente de la leur, à savoir en vue de la seule préparation d'actions de sensibilisation des autorités nationales et communautaires au "problème grec", il doit être considéré que Dyckerhoff a souscrit ou, à tout le moins, a donné à penser aux autres participants qu'elle souscrivait à la constitution de l'ETF et à son objet anticoncurrentiel (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

2620. Sans qu'il y ait lieu, compte tenu de ce qui a été précisé ci-dessus aux points 2507 à 2511, d'apprécier ici le bien-fondé de l'argument de Dyckerhoff visant à nier sa participation à des mesures dissuasives à l'encontre des producteurs grecs, il convient donc de conclure que la Commission a, à bon droit, retenu, à partir du 28 mai 1986, la participation de Dyckerhoff à l'accord constitutif de l'ETF.

5. Situation du SFIC

2621. Le SFIC soutient que les éléments présentés par la Commission n'établissent pas son implication dans l'accord constitutif de l'ETF. Il n'existerait aucune preuve d'une décision d'association d'entreprises, et la Commission n'aurait pas démontré en quoi des agissements de personnes exerçant des fonctions en son sein auraient pu avoir un objet anticoncurrentiel.

2622. A cet égard, il convient d'abord de rappeler que, pour que la participation d'une association professionnelle à un accord contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité puisse être retenue à côté de celle des entreprises membres de cette association, la Commission est tenue d'établir que cette dernière a adopté, dans le cadre de l'infraction en question, un comportement propre, distinct de celui de ses membres (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1325 ci-dessus).

2623. En l'espèce, il est constant que M. Laplace a assisté aux réunions du 28 mai 1986 à Rome, du 9 juin 1986 à Stockholm et du 6 novembre 1986 à Bruxelles (décision attaquée, paragraphe 25, point 9) et que M. Kasriel a assisté à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 25, point 23; document n° 33.126/18857). Or, M. Laplace, président de Ciments français (décision attaquée, paragraphe 25, point 9), était aussi, à l'époque, président du SFIC (voir documents n° 33.126/14834, 14846 et 14855, cités au paragraphe 29, point 4, de la décision attaquée), et M. Kasriel, employé de Lafarge (décision attaquée, paragraphe 25, point 23; document n° 33.126/18857), était aussi, à cette époque, membre du bureau du SFIC (voir documents n° 33.126/14834, 14846 et 14855, susvisés).

2624. En outre, ainsi que la Commission le relève au paragraphe 29, point 4, de la décision attaquée, "le problème des exportations de ciment de la Grèce [s'est trouvé] inscrit au point 3 de l'ordre du jour des réunions du bureau du [SFIC] des 8 juillet 1986, 9 septembre 1986 [et] 7 octobre 1986" et, "parmi les membres du bureau présents [à ces réunions], il y avait toujours M. Laplace, président, et, à une réunion [celle du 7 octobre 1986], M. Kasriel [...]"

2625. Il apparaît ainsi que MM. Laplace et Kasriel ont assisté, à tout le moins en leur qualité de représentants du SFIC, aux quatre réunions mentionnées ci-dessus au point 2623, au cours desquelles s'est chaque fois exprimé un concours de volontés autour de la constitution de l'ETF (voir ci-dessus points 2598, 2600, 2602 et 2608), et que le SFIC, en relayant sur son marché les réflexions menées lors de ces réunions sur la question des exportations en provenance de Grèce, a adopté, dans le cadre de l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, un comportement propre, distinct de celui des entreprises françaises visées par cette disposition. C'est donc à bon droit que la Commission a retenu, à partir du 28 mai 1986, la participation du SFIC à l'accord constitutif de l'ETF, constatée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée.

6. Situation de Ciments français

2626. Ciments français fait observer que M. Laplace, son président, n'a assisté qu'à trois des quatorze réunions litigieuses décrites au paragraphe 25 de la décision attaquée, à savoir celle du 28 mai 1986 à Rome, celle du 9 juin 1986 à Stockholm et celle du 6 novembre 1986 à Bruxelles. M. Laplace n'aurait pris part à ces réunions qu'en sa qualité de président du SFIC et de membre du CLC, et dans le seul cadre des actions de sensibilisation des autorités nationales et communautaires au "problème grec". Elle souligne que ni M. Laplace ni elle-même n'ont participé aux réunions de l'ETF, qu'elle n'a pas participé à la gestion d'Interciment ni au comité exécutif de celle-ci, qu'elle n'a pas été concernée par les achats de ciment et de clinker aux producteurs grecs et qu'elle ne disposait pas des installations nécessaires pour participer aux prétendues mesures dissuasives et persuasives. Elle ajoute que, en raison de sa faible activité d'exportation et de trading, ainsi que de l'absence d'usine en bord de mer, l'intérêt d'un engagement de sa part était illusoire.

2627. Elle estime que, n'ayant pas été représentée aux réunions de l'ETF et n'ayant participé à aucune mesure concrète, elle ne peut être considérée comme partie au prétendu accord relatif à des importations déloyales en provenance de Grèce. Elle souligne encore que la fonction de l'ETF consistait à préparer les décisions des chefs de délégation dans l'affaire grecque. Ces derniers, n'étant pas tenus par les conclusions de l'ETF, ne pourraient dès lors être jugés responsables des travaux de celle-ci.

2628. Il doit cependant être constaté que, d'après le compte rendu de la réunion du 28 mai 1986 à Rome (décision attaquée, paragraphe 25, point 1; document n° 33.126/18771), un représentant de "Ciments français" a assisté à cette réunion. Selon le même compte rendu, les représentants des "sociétés" qui s'étaient réunis à Rome ont décidé de se réunir à nouveau à Stockholm, le 9 juin 1986. Par lettre du 22 septembre 1986 (décision attaquée, paragraphe 25, point 33; document n° 33.126/19022), Holderbank a demandé à Lafarge de remettre à "Ciments français" une copie du procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des membres de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden.

2629. Que les réunions du 28 mai 1986 à Rome, du 9 juin 1986 à Stockholm et du 6 novembre 1986 à Bruxelles aient été ou non des réunions officielles des chefs de délégation de Cembureau, il apparaît ainsi que M. Laplace a assisté à ces réunions en sa qualité de haut représentant, outre du SFIC, de Ciments français.

2630. A cet égard, la Commission souligne à juste titre dans la décision attaquée (paragraphe 53, point 13):

"Même si M. Laplace a participé [à ces réunions], comme d'autres représentants, en sa qualité de président d'une association ou d'un comité, il ne pouvait pas faire abstraction de sa qualité de président de Ciments français [...] Sa présence, donc, garantissait le rôle [du SFIC et du CLC] au sein de [l'ETF], de même que le rôle de la société qu'il présidait."

2631. Eu égard à ce qui a été exposé ci-dessus aux points 2598, 2602 et 2608, et faute de production par Ciments français d'éléments démontrant que, lors de ces réunions, elle aurait indiqué aux autres participants qu'elle assistait à celles-ci dans le seul cadre des actions de sensibilisation des autorités publiques au "problème grec", il doit être considéré que Ciments français a approuvé ou, à tout le moins, donné à penser aux autres participants qu'elle approuvait la constitution de l'ETF et son objet anticoncurrentiel (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

2632. Sans qu'il y ait lieu, compte tenu de ce qui a été précisé ci-dessus aux points 2507 à 2511, d'apprécier ici le bien-fondé des différents arguments de Ciments français visant à nier sa participation à la gestion d'Interciment et à des mesures dissuasives et persuasives, il convient donc de conclure que la Commission a, à bon droit, retenu à partir du 28 mai 1986 la participation de Ciments français à l'accord relatif à la constitution de l'ETF.

7. Situation de Heidelberger

2633. Heidelberger affirme tout d'abord ne pas avoir été membre de l'ETF. Il lui serait reproché sa participation à une seule des réunions décrites au paragraphe 25 de la décision attaquée en relation avec l'ETF, à savoir celle du 28 mai 1986 à Rome. Or, cette réunion aurait eu lieu avant la constitution de l'ETF. En outre, Heidelberger n'aurait même pas été invitée à y assister. M. Brenke, qui se trouvait à Rome pour d'autres raisons, aurait été sollicité spontanément pour y participer. Sa participation n'aurait cependant pas été active.

2634. Il ressortirait du compte rendu de la réunion que le but de celle-ci était uniquement d'engager des réflexions générales sur les mesures possibles à l'encontre des importations à bas prix en provenance de Grèce. La réunion aurait simplement abouti à la constitution d'un groupe de travail restreint, composé des producteurs touchés par ces importations (Royaume-Uni, Espagne, France et Italie). Ce groupe aurait été chargé de préparer une documentation sur les aspects juridiques d'éventuelles mesures de défense. Lors de la réunion, seules des réactions légales auraient été étudiées. Aucune action ou mesure illicite n'aurait été envisagée ni adoptée.

2635. Heidelberger n'aurait pas participé à la réunion du groupe de travail de Zurich/Céligny du 3 au 5 juin 1986, au cours de laquelle, de toute manière, aucune mesure n'aurait été adoptée. Elle n'aurait ni approuvé ni soutenu la création de l'ETF. Elle se serait en effet démarquée des mesures envisagées à l'encontre des producteurs grecs à une époque où elle ne pouvait pas encore prévoir l'éventualité d'infractions aux règles de la concurrence. Elle n'aurait pas non plus participé à l'application des mesures adoptées dans le cadre de l'ETF. Elle admet que le nom de M. Brenke est mentionné dans le procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, parmi les membres du sous-groupe "Echange d'expériences défensives", créé à cette réunion (décision attaquée, paragraphe 25, point 24; document n° 33.126/18862). Cependant, elle affirme qu'elle n'a été informée que par la CG de l'existence de ce sous-groupe et qu'elle n'a jamais participé aux réunions de celui-ci. Elle n'aurait pas non plus pris part aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles des propositions de l'ETF ont été adoptées.

2636. Heidelberger relève que la Commission conclut à l'existence, dans le cadre de l'ETF, d'un objectif commun, en se fondant sur le compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986 à Genève (décision attaquée, paragraphe 25, point 15). Or, elle n'aurait pas été présente à cette réunion. Elle n'aurait donc pas participé à la définition de l'objectif commun en cause.

2637. Elle affirme encore n'avoir eu aucun intérêt à participer à l'ETF, dans la mesure où elle n'aurait pas été touchée par les importations en provenance de Grèce sur son marché dans le Sud de l'Allemagne.

2638. Cette argumentation ne saurait être accueillie.

2639. En effet, Heidelberger admet qu'elle a assisté à la réunion du 28 mai 1986 à Rome. Or, il fut convenu à cette réunion de réagir rapidement et ensemble, par des mesures dissuasives et persuasives, à la décision de l'industrie grecque d'exporter du ciment en Europe occidentale, décision qui menaçait la stabilité de l'ensemble des marchés européens (voir ci-dessus point 2608). C'est ainsi, lors de ladite réunion, que l'initiative "ETF" fut prise.

2640. Heidelberger n'ayant fourni aucun élément démontrant que, au cours de cette réunion, elle se serait ouvertement distanciée de l'objectif anticoncurrentiel, pourtant manifeste, qui y était poursuivi, il doit être considéré que l'entreprise allemande a marqué son soutien, dès l'origine, à la constitution de l'ETF et à son objet anticoncurrentiel ou, à tout le moins, donné à penser aux autres participants qu'elle soutenait cette initiative illicite (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

2641. Le fait que, d'une part, le nom de M. Brenke, de Heidelberger, ait été suggéré, fût-ce à son insu, à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden pour composer le sous-groupe de l'ETF "Echange d'expériences défensives" et que, d'autre part, Holderbank ait demandé à Dyckerhoff de transmettre copie du procès-verbal de cette réunion du 9 septembre 1986 à M. Schuhmacher, à l'époque président de Heidelberger (décision attaquée, paragraphe 25, point 33; document n° 33.126/19020), démontre d'ailleurs que, contrairement à ce qu'elle cherche à présent à faire croire, Heidelberger n'a jamais donné aux autres participants l'impression de se désintéresser du problème lié aux importations sur les marchés européens de ciment en provenance de Grèce.

2642. Dans ces conditions, il est sans importance que, pour illustrer l'objectif illicite poursuivi par la constitution de l'ETF, la Commission se soit fondée, entre autres, sur un document se rapportant à une réunion postérieure à celle du 28 mai 1986 à Rome, à savoir la réunion de l'ETF du 19 août 1986 à Genève, à laquelle Heidelberger n'a pas assisté.

2643. Sans qu'il y ait lieu, compte tenu de ce qui a été précisé ci-dessus aux points 2507 à 2511, d'apprécier ici le bien-fondé de l'argumentation de Heidelberger visant à nier toute participation à l'application des mesures adoptées dans le cadre de l'ETF, il convient donc de conclure que la Commission a, à bon droit, retenu à partir du 28 mai 1986 la participation de Heidelberger à l'accord constitutif de l'ETF.

2644. Heidelberger conteste ensuite la pertinence des éléments retenus par la Commission au paragraphe 24, point 3, de la décision attaquée pour établir un lien organique entre Cembureau et l'ETF. Elle ajoute que l'existence d'un tel lien est contredite par le fait que Cembureau est l'organisation de l'industrie européenne du ciment, dont font partie l'association des producteurs de ciment grecs et donc, indirectement, les producteurs grecs eux-mêmes. Il serait dès lors exclu que Cembureau ait pu adopter des mesures à l'encontre de l'industrie grecque. Par conséquent, Heidelberger ne pourrait être tenue indirectement pour responsable de l'ETF à travers Cembureau.

2645. Sans qu'il soit nécessaire d'examiner le bien-fondé de cette argumentation, il suffit de relever que celle-ci ne permet pas d'écarter la constatation objective, opérée ci-dessus au point 2639, quant à la participation de Heidelberger à la réunion du 28 mai 1986 à Rome. Partant, cette argumentation n'infirme pas la conclusion dégagée ci-dessus au point 2643 quant au bien-fondé de la décision de la Commission de retenir la participation de Heidelberger à l'accord constitutif de l'ETF.

2646. Enfin, Heidelberger relève que l'entreprise espagnole Hornos Ibéricos, dont la Commission constate, au paragraphe 25 de la décision attaquée, la participation à différentes réunions de, ou relatives à, l'ETF, ne s'est pas vu imputer l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 1.

2647. Cet argument ne saurait être accueilli. En effet, la circonstance que l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée n'a pas été retenue contre Hornos Ibéricos ne saurait en toute hypothèse permettre d'écarter l'infraction retenue à l'encontre de Heidelberger, dès lors qu'elle a été correctement établie (arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146). Or, les motifs qui précèdent ont permis de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a conclu à bon droit que Heidelberger a participé à l'accord constitutif de l'ETF.

8. Situation de Lafarge

2648. Lafarge prétend que la Commission n'a pas démontré l'existence d'un lien entre l'ETF et Cembureau. Elle conteste les éléments invoqués aux paragraphes 24, point 3, et 53, point 1, de la décision attaquée. Le fait que l'ETF a été créée après Cembureau ne pourrait, à cet égard, être jugé révélateur du lien entre ces deux organisations. L'organisation d'une assemblée générale de Cembureau et d'une réunion de l'ETF à Stockohlm le même jour, à savoir le 9 juin 1986, s'expliquerait par des considérations pratiques. Elle ne démontrerait pas l'existence d'un lien entre ces deux instances. Les documents de Cembureau prouveraient en réalité l'autonomie totale qui existait entre ces deux organes, puisque aucune allusion à l'ETF n'y aurait été faite en 1986 et en 1987. Enfin, l'ETF n'aurait jamais pu poursuivre son objet au sein de Cembureau, dont la mission est plus générale, et dont les producteurs de ciment grecs sont membres.

2649. Sans qu'il soit nécessaire d'examiner le bien-fondé de cette argumentation, il convient de relever que celle-ci ne permet pas d'écarter les constatations objectives faites par la Commission au paragraphe 25 de la décision attaquée, et que Lafarge ne conteste pas, à savoir que cette entreprise française a participé aux réunions suivantes:

réunion du 28 mai 1986 à Rome (décision attaquée, paragraphe 25, point 1; document n° 33.126/18771);

réunions des 3 et 5 juin 1986 du groupe de travail de Zurich/Céligny (décision attaquée, paragraphe 25, point 2; document n° 33.126/18756);

réunion du 9 juin 1986 à Stockholm (décision attaquée, paragraphe 25, point 9);

réunion de l'ETF du 17 juin 1986 à Londres (décision attaquée, paragraphe 25, point 11; document n° 33.126/18756);

réunion de l'ETF du 2 juillet 1986 à Milan (décision attaquée, paragraphe 25, point 12; documents n° 33.126/18756, 18757 et 18793);

réunion de l'ETF du 8 juillet 1986 à Genève (décision attaquée, paragraphe 25, point 13; documents n° 33.126/18757 et 18795);

réunion de l'ETF du 19 août 1986 à Genève (décision attaquée, paragraphe 25, point 14; documents n° 33.126/18757 et 18758, et annexe 15 au mémoire en réponse à la CG d'Aker et d'Euroc);

réunion de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 25, point 21; document n° 33.126/18848);

réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 25, point 23; document n° 33.126/18857);

réunion de l'ETF du 21 octobre 1986 à Genève (décision attaquée, paragraphe 25, point 34; documents n° 33.126/18758, 18895, 18896 et 18899);

réunion de l'ETF du 9 janvier 1987 (décision attaquée, paragraphe 25, point 44; document n° 33.126/18759);

réunion de l'ETF du 11 février 1987 à Genève (décision attaquée, paragraphe 25, point 45; documents n° 33.126/18760, 18929, 18930, 18934 et 18936);

réunion du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987 (décision attaquée, paragraphe 25, point 47; documents n° 33.126/4858 à 4861).

2650. Eu égard à ce qui a été exposé ci-dessus aux points 2598, 2600 et 2608, et compte tenu de la participation de Lafarge aux réunions du 28 mai 1986 à Rome et du 9 juin 1986 à Stockholm et à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, conjuguée, d'une part, à sa contribution à la mise au point du document de Zurich/Céligny et, d'autre part, à sa qualité de membre direct de l'ETF, c'est à bon droit que la Commission a considéré que Lafarge avait approuvé, dès l'origine, la constitution de l'ETF et son objet anticoncurrentiel. Elle était ainsi fondée à retenir, à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, la participation de Lafarge à l'accord constitutif de l'ETF à partir du 28 mai 1986.

9. Situation d'Aalborg

2651. Aalborg prétend qu'elle n'a pas été informée, dans la CG, de l'importance attachée en ce qui la concerne à la réunion du 28 mai 1986 à Rome, à laquelle elle n'a pas participé. En outre, la Commission aurait violé l'article 190 du traité, en n'expliquant pas, dans la décision attaquée, comment elle pouvait être tenue pour responsable de la constitution de l'ETF lors de cette réunion à laquelle elle n'aurait pas été convoquée et dont elle n'aurait jamais eu connaissance.

2652. Aalborg affirme que l'ETF a été constituée par huit producteurs européens de ciment lors de la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, à laquelle elle n'a pas participé.

2653. Quant à sa participation à la réunion du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, elle se serait inscrite dans le cadre des efforts de lobbying déployés par l'industrie européenne du ciment auprès des institutions communautaires, afin que des mesures appropriées soient prises pour mettre fin aux aides publiques dont aurait bénéficié illégalement l'industrie grecque. Pour Aalborg, l'unique but de cette réunion aurait donc été de préparer la réunion prévue le lendemain avec des membres du Parlement européen. La partie requérante affirme avoir reçu, le 3 septembre 1986, un télex l'informant que l'ETF ferait un rapport sur ses activités lors de cette réunion de Baden-Baden. Elle aurait supposé que ce rapport pouvait être utile pour les entretiens de lobbying avec les institutions communautaires. En tout état de cause, ce point aurait été inscrit à l'ordre du jour après que celui-ci eut été déjà établi. C'est donc à la suite d'une pure coïncidence qu'Aalborg aurait été informée des activités de l'ETF. En réunion, les membres de celle-ci auraient fait part de leurs réflexions sur les activités envisageables. Aucune d'elles n'aurait toutefois été présentée comme appropriée, ou comme ayant été adoptée ou mise en œuvre. Aucune décision à laquelle Aalborg aurait pu se considérer comme partie prenante n'aurait non plus été préparée ou prise à Baden-Baden. Aalborg aurait également compris, à la lumière des informations communiquées lors de cette réunion, qu'aucune activité envisagée par l'ETF ne serait mise en œuvre sans un aval juridique préalable.

2654. La partie requérante admet avoir participé à une réunion à Bruxelles, le 5 novembre 1986, en vue de l'entretien du lendemain avec M. Sutherland, membre de la Commission. Elle n'aurait pris part à aucune autre réunion dans le cadre de l'ETF.

2655. Il convient toutefois de souligner qu'Aalborg admet avoir participé à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden.

2656. Eu égard à ce qui a été exposé ci-dessus au point 2600, et faute de production par Aalborg d'éléments démontrant qu'elle se serait démarquée, par exemple lorsqu'elle fut informée en début de réunion de la finalité anticoncurrentielle assignée à l'ETF, du contenu illicite des discussions qui allaient se tenir lors de cette réunion, ou qu'elle aurait indiqué aux autres participants qu'elle entendait y assister dans une optique différente de la leur, à savoir la préparation de l'entretien prévu le lendemain avec des membres du Parlement européen, il doit être considéré qu'Aalborg a manifesté son soutien à la création de l'ETF et à son objet anticoncurrentiel ou, à tout le moins, qu'elle a donné à penser aux autres participants qu'elle soutenait une telle mesure. C'est donc à bon droit que la Commission a retenu, à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, la participation d'Aalborg à l'accord constitutif de l'ETF (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

2657. Néanmoins, la décision attaquée ne contient aucun élément permettant de conclure qu'Aalborg avait adhéré à l'accord constitutif de l'ETF avant de prendre part à la réunion de Baden-Baden. Même à le supposer fondé, le fait, invoqué par la Commission dans ses écritures, que la constitution de l'ETF ait été conçue et réalisée dans le cadre de Cembureau, dont Aalborg était membre direct, ne saurait, à cet égard, autoriser à considérer qu'Aalborg avait adhéré à l'accord constitutif de l'ETF dès le 28 mai 1986, date de la réunion de Rome visée au paragraphe 25, point 1, de la décision attaquée, à laquelle Cembureau a pris part. Il y a donc lieu d'annuler l'article 4, paragraphe 1, pour autant qu'il retient la participation d'Aalborg à cet accord avant le 9 septembre 1986.

2658. Il n'y a plus lieu, dans ces conditions, d'examiner les arguments d'Aalborg tirés d'un manque de précision de la CG et d'un défaut de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la décision de la Commission de retenir sa participation à l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 1, à compter du 28 mai 1986, date de la réunion de Rome.

2659. Aalborg nie encore qu'il ait existé un lien entre Cembureau et l'ETF. Elle souligne que la majeure partie des documents se rapportant à l'ETF utilise l'expression "groupe des huit" pour désigner cette dernière. Elle conteste également que les chefs de délégation appelés à entériner les propositions de l'ETF aient été les chefs de délégation officiels de Cembureau.

2660. Toutefois, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le bien-fondé de cette argumentation, il suffit de relever qu'elle ne permet pas d'écarter la constatation objective, opérée ci-dessus au point 2655, quant à la participation d'Aalborg à la réunion du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, décrite au paragraphe 25, points 22 à 32, de la décision attaquée. Partant, elle n'est pas de nature à infirmer la conclusion dégagée ci-dessus au point 2656 quant au bien-fondé de la décision de la Commission de retenir la participation d'Aalborg à l'accord constitutif de l'ETF.

10. Situation du BDZ

2661. Le BDZ souligne que, aux termes de la décision attaquée, les exportations en provenance de Grèce qui ont déclenché les mesures alléguées par la Commission n'ont concerné qu'accessoirement l'Allemagne. Le BDZ n'aurait d'ailleurs pas été représenté dans l'ETF, laquelle aurait été l'affaire de quelques producteurs. En outre, aucun des documents cités par la Commission au paragraphe 25 de la décision attaquée ne proviendrait de ses dossiers.

2662. Les réunions du 28 mai 1986 à Rome et du 3 au 5 juin 1986 à Zurich/Céligny auraient été des réunions de représentants d'entreprises, auxquelles la participation d'une association aurait été inconcevable. Le BDZ n'aurait pas non plus participé à la prétendue réunion des chefs de délégation du 9 juin 1986 à Stockholm. Dyckerhoff aurait d'ailleurs informé la Commission que, lors de cette réunion, son représentant n'avait pas agi en qualité de chef de délégation du BDZ. Si M. Steinbach, directeur général du BDZ, était présent à Baden-Baden le 9 septembre 1986, il n'aurait toutefois participé ni à la réunion de l'ETF ni à celle des chefs de délégation de Cembureau, organisées le même jour à cet endroit. Il aurait uniquement assisté à une réunion organisée en marge de la réunion des chefs de délégation et destinée à préparer la réunion prévue le lendemain à Strasbourg avec des membres du Parlement européen en vue d'obtenir le soutien de ces derniers dans le cadre des plaintes introduites à l'encontre des aides étatiques perçues par certains producteurs de ciment grecs. Le procès-verbal de la réunion des chefs de délégation du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, qui n'aurait jamais été transmis au BDZ, serait donc erroné en ce qu'il vise la présence de M. Steinbach à cette réunion. M. Steinbach aurait également assisté à une réunion le 17 mars 1987, toujours dans le cadre d'actions licites de sensibilisation des autorités communautaires au "problème grec". Les activités du BDZ dans le cadre de ce problème auraient donc été licites et légitimes, compte tenu de l'arrêt AITEC e.a./Commission, mentionné ci-dessus au point 2554.

2663. Enfin, aucun des documents cités par la Commission en relation avec l'ETF ne démontrerait que le BDZ a informé ses membres des mesures illégales adoptées dans le cadre de cette dernière.

2664. Il convient de souligner que le BDZ a admis à l'audience qu'un membre du personnel de la société Dyckerhoff a assisté à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm.

2665. Cette réunion est décrite comme une "réunion des chefs de délégation" dans le procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden. Il est par ailleurs constant qu'elle s'est tenue en marge de l'assemblée générale annuelle de Cembureau (décision attaquée, paragraphe 25, point 8).

2666. A la lumière de ces indications, il y a lieu de conclure que ceux des participants à la réunion de Stockholm qui représentaient une entreprise membre d'une association professionnelle étaient investis, sinon du titre officiel de chef de délégation au sens consacré au sein de Cembureau, à tout le moins du pouvoir de représenter l'association professionnelle en question. La Commission était donc fondée à considérer que le participant allemand à cette réunion y avait assisté également en sa qualité de représentant du BDZ, dont Dyckerhoff était membre.

2667. Par ailleurs, si M. Steinbach, à l'époque directeur général du BDZ, a pu participer le 9 septembre 1986 à Baden-Baden à une réunion préparatoire à la rencontre politique prévue le lendemain avec des membres du Parlement européen à Strasbourg, il n'en demeure pas moins que le procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden mentionne parmi les participants le "Dr. B. Steinbach, Bdv Deutschen Zementindustrie, W. Germany" et que, par lettre du 22 septembre 1986, Holderbank a demandé à M. Lose, de la société Dyckerhoff, dont le procès-verbal susmentionné vise la présence à la réunion en cause aux côtés de M. Steinbach, de remettre copie de ce procès-verbal à ce dernier (décision attaquée, paragraphe 25, point 33; document n° 33.126/19020).

2668. A la lumière de ces indications, et faute pour le BDZ de produire des éléments de nature à accréditer sa thèse selon laquelle la mention de la participation de M. Steinbach à la réunion des chefs de délégation et des membres de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden procédait d'une erreur, il y a lieu de conclure que la Commission était fondée à considérer que le BDZ avait, en la personne de M. Steinbach, pris part à cette réunion.

2669. Compte tenu de ce qui a été exposé ci-dessus aux points 2598 et 2600, et faute de production par le BDZ d'éléments démontrant qu'il se serait démarqué, lors des réunions visées ci-dessus aux points 2664 à 2668, de l'accord constitutif de l'ETF, il doit être considéré que l'association allemande a marqué son soutien à cet accord ou, à tout le moins, a donné à penser aux autres participants qu'elle soutenait celui-ci (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

2670. L'adhésion du BDZ à l'accord constitutif de l'ETF est encore confirmée par la participation de M. Steinbach à la réunion du 17 mars 1987 du sous-groupe "Mesures de défense" [voir compte rendu de cette réunion rédigé par M. Marichal (Lafarge), intitulé "Menaces d'invasion chez les cimentiers européens: le point sur la situation au 15 mars 1987"; décision attaquée, paragraphe 25, point 47; documents n° 33.126/4858 à 4861], sous-groupe dont la création avait été décidée à la réunion des chefs de délégation et des membres de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden pour assister l'ETF, laquelle ne parvenait pas à assumer seule l'examen des différentes mesures dissuasives et persuasives envisagées pour lutter contre les incursions de ciment à bas prix sur les marchés européens (décision attaquée, paragraphe 25, point 24; documents n° 33.126/18858 et 18862).

2671. Dans ces conditions, il est indifférent qu'aucun des documents cités dans la décision attaquée en rapport avec l'ETF n'ait été trouvé au BDZ. De même, il est indifférent qu'aucun de ces documents ne démontre que cette association ait informé ses membres des mesures illicites adoptées dans le cadre de l'ETF.

2672. En conclusion, c'est à bon droit que la Commission a retenu, à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, la participation du BDZ à l'accord constitutif de l'ETF.

2673. Toutefois, la décision attaquée ne contenant aucun élément permettant de conclure que le BDZ avait adhéré à l'accord constitutif de l'ETF avant la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, il y a lieu d'annuler son article 4, paragraphe 1, pour autant qu'il retient la participation du BDZ à cet accord avant cette date.

11. Situation d'Unicem

2674. Unicem affirme n'avoir participé qu'à la réunion du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987. Sa participation isolée à cette réunion, au cours de laquelle elle n'aurait joué qu'un rôle marginal, ne permettrait pas de la tenir pour responsable de la constitution et des activités de l'ETF. En tout état de cause, l'objet de cette réunion, dont elle ne se serait pas vu communiquer l'ordre du jour, aurait été licite, ainsi que l'attesterait le compte rendu rédigé par M. Marichal, de Lafarge. Les producteurs de ciment qui avaient assisté à la réunion de l'ETF du 11 février 1987, au cours de laquelle les rapports entre les producteurs italiens et le groupe Ferruzzi/Calcestruzzi auraient été abordés, auraient simplement profité de la présence d'Unicem pour lui demander une mise à jour de la situation. Unicem se serait limitée à les informer, d'une part, que le contrat en question n'avait pas encore été conclu et, d'autre part, que les producteurs de ciment italiens envisageaient de faire appel aux dispositions du règlement (CEE) n° 288/82 du Conseil, du 5 février 1982, relatif au régime commun applicable aux importations (JO L 35, p. 1). Une telle information ne pourrait être jugée constitutive d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

2675. Unicem estime que son appartenance à Cembureau ne la rend pas davantage responsable de la constitution et des activités de l'ETF, dans la mesure où les différents comités qui se sont réunis dans le cadre de l'ETF ne constituaient pas des organes de Cembureau. Les participants aux réunions du 28 mai 1986 à Rome et du 3 au 5 juin 1986 à Zurich/Céligny auraient été, pour l'essentiel, de grandes entreprises qui n'auraient représenté que leurs intérêts spécifiques et dont l'éventuel comportement infractionnel ne pourrait dès lors être imputé à Unicem. Quant aux prétendues réunions des chefs de délégation organisées dans le cadre de l'ETF, elles auraient été étrangères à la fonction institutionnelle des chefs de délégation officiels de Cembureau.

2676. Unicem affirme encore avoir ignoré la tenue de la réunion du 28 mai 1986 à Rome et n'avoir jamais eu connaissance de ce qui avait été élaboré et décidé lors de cette réunion, de celles de Zurich/Céligny et des prétendues réunions des chefs de délégation décrites au paragraphe 25 de la décision attaquée. Ainsi, le document de Zurich/Céligny, qui préconisait la solidarité entre les producteurs de ciment, aurait été mis au point lors d'une réunion à laquelle elle n'aurait pas assisté, en vue d'une autre réunion, celle du 9 juin 1986 à Stockholm, à laquelle elle n'aurait pas non plus participé. Dans ces conditions, ce document ne pourrait constituer un élément de preuve à son égard.

2677. Enfin, Unicem prétend n'avoir participé à aucune des actions entreprises dans le cadre de l'ETF.

2678. Il convient toutefois de souligner que, aux termes du procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, il avait été convenu que M. Albert, d'Unicem, serait membre de deux des cinq sous-groupes de travail, à savoir le sous-groupe "Echanges d'expériences défensives" et le sous-groupe "Menaces d'autres pays", créés au cours de cette réunion pour assister l'ETF dans sa mission anticoncurrentielle.

2679. M. Albert a ensuite participé à la réunion du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987, dont le compte rendu relève (décision attaquée, paragraphe 25, point 47; document n° 33.126/4860):

"[M. Albert] a repris ce qui [avait été] déjà dit au cours des réunions de la task-force (cf. note JM du 12/02/87), en précisant cependant que l'accord avec Ferruzzi n'avait pas encore été finalisé."

2680. D'après la "note JM du 12/02/87" visée dans cet extrait de compte rendu (décision attaquée, paragraphe 25, point 46; documents n° 33.126/4911 à 4913, particulièrement 4912) et relative à la réunion de l'ETF du 11 février 1987 à Genève, le participant italien avait notamment affirmé, au cours de ladite réunion, que "[l'] accord entre les producteurs cimentiers et Ferruzzi [avait] été signé, [permettant ainsi] d'éviter une menace d'importation par ce dernier groupe de 1,5 [million de tonnes] dans une dizaine de ports, ce qui aurait été catastrophique pour les prix".

2681. A la lumière de ces différentes indications, la Commission était fondée à considérer qu'Unicem avait soutenu la constitution de l'ETF et la finalité anticoncurrentielle assignée à celle-ci, en considération des intérêts de l'Italie, "où des petites associations, formées par des utilisateurs et des petites sociétés d'import-export, avaient pris l'initiative d'importer du ciment grec" (décision attaquée, paragraphe 24, point 1).

2682. Sans qu'il y ait lieu, compte tenu de ce qui a été précisé ci-dessus aux points 2507 à 2511, d'apprécier ici le bien-fondé de l'argumentation d'Unicem visant à nier toute implication dans les actions entreprises dans le cadre de l'ETF, il convient donc de conclure que la Commission était fondée à retenir la participation d'Unicem à l'accord constitutif de l'ETF.

2683. Toutefois, la décision attaquée ne contient aucun élément permettant de conclure à l'adhésion d'Unicem à cet accord avant le 9 septembre 1986, date de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF à Baden-Baden au cours de laquelle M. Albert fut désigné membre de deux sous-groupes de travail de l'ETF, désignation qu'il avait acceptée en ce qui concerne à tout le moins le sous-groupe "Echanges d'expériences défensives", comme l'atteste sa participation à la réunion du 17 mars 1987 du sous-groupe "Mesures de défense". Même à le supposer fondé, le fait, invoqué par la Commission dans ses écritures, que l'accord relatif à la constitution de l'ETF ait été conçu et réalisé dans le cadre de Cembureau, dont Unicem était membre direct, ne saurait pallier l'absence de preuve d'une adhésion personnelle de celle-ci avant le 9 septembre 1986. Quant à l'argument de la Commission, selon lequel Unicem aurait été représenté aux réunions de, ou relatives à, l'ETF antérieures à cette date par le chef de délégation italien ayant assisté à ces réunions, à savoir Italcementi, il doit être rejeté, dès lors que, d'une part, Unicem disposait de son propre chef de délégation (voir ci-dessus point 1409) et que, d'autre part, la Commission n'est pas en mesure de fournir d'indication montrant qu'Unicem ait chargé Italcementi de la représenter auxdites réunions. Il y a donc lieu d'annuler l'article 4, paragraphe 1, pour autant qu'il retient la participation d'Unicem à cet accord avant le 9 septembre 1986.

12. Situation d'Asland

2684. Asland soutient qu'elle n'a participé ni à la constitution de l'ETF ni aux actions prétendument décidées dans le cadre de celle-ci. La seule preuve de son implication dans l'ETF, présentée par la Commission dans la décision attaquée, résulterait de sa participation à la réunion du 28 mai 1986 à Rome. Asland n'aurait cependant pas violé l'article 85, paragraphe 1, du traité par sa seule présence à cette réunion, dès lors que cette dernière aurait été une simple rencontre préliminaire d'information et de réflexion générales sur les problèmes concrets susceptibles d'intéresser tous les producteurs européens, en l'occurrence le soutien artificiel accordé par la République hellénique à ses producteurs de ciment.

2685. Contrairement à ce que la Commission prétend au paragraphe 25, point 9, de la décision attaquée, Asland n'aurait pas été représentée à la réunion des chefs de délégation du 9 juin 1986 à Stockholm. La Commission n'aurait d'ailleurs présenté, dans la CG, au cours de l'audition et dans la décision attaquée, aucune preuve de sa présence à cette réunion. Asland soutient que le procès-verbal de son conseil d'administration du 26 juin 1986 (document n° 33.322/1562), que la Commission invoque à présent dans son mémoire en défense pour chercher à établir sa présence à la réunion de Stockholm, est un moyen de preuve irrecevable, dès lors qu'il n'a été cité par la Commission ni au cours de la procédure administrative ni dans la décision attaquée. En toute hypothèse, ce procès-verbal ne démontrerait pas la participation d'Asland à l'ETF. Asland conteste également les différentes supputations auxquelles la Commission procède dans la décision attaquée pour tenter d'établir sa présence à la réunion de Stockholm.

2686. Enfin, elle fait observer qu'aucun membre de son personnel ne figure sur la liste des dirigeants qui furent membres des différents sous-comités de l'ETF et que deux des personnes de nationalité espagnole figurant sur cette liste relèvent d'entreprises qui n'ont pas été sanctionnées dans la décision attaquée. 2687.

Il convient de relever qu'Asland admet avoir participé à la réunion du 28 mai 1986 à Rome.

2688. Or, ainsi que cela a été souligné ci-dessus au point 2608, cette réunion a eu pour objet d'instiguer une réaction solidaire à la décision de l'industrie grecque d'exporter du ciment en Europe occidentale. C'est ainsi au cours de cette réunion qu'est née l'idée de constituer l'ETF.

2689. Par conséquent, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le bien-fondé de l'argumentation d'Asland visant à contester sa participation à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm et sans qu'il y ait lieu, eu égard à ce qui a été précisé ci-dessus aux points 2507 à 2511, d'examiner la pertinence de ses arguments visant à nier toute implication dans les actions décidées dans le cadre de l'ETF, il doit être considéré, faute de production par Asland d'éléments démontrant une manifestation en sens contraire de sa part, à la réunion du 28 mai 1986 à Rome, que cette entreprise espagnole a exprimé son soutien, dès l'origine, à la constitution de l'ETF et à son objet anticoncurrentiel ou, à tout le moins, qu'elle a donné à penser aux autres participants qu'elle soutenait une telle mesure.

2690. C'est donc à bon droit que la Commission a retenu, à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, la participation d'Asland à l'accord constitutif de l'ETF à partir du 28 mai 1986 (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

2691. La circonstance que des entreprises dont des membres auraient figuré dans la composition des sous-groupes de travail de l'ETF créés lors de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF le 9 septembre 1986 à Baden-Baden, n'ont fait l'objet, à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, d'aucune constatation d'infraction de la part de la Commission ne saurait en toute hypothèse permettre d'écarter l'infraction retenue à l'encontre d'Asland, dès lors que celle-ci a été correctement établie (arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146). Or, les motifs qui précèdent ont permis de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a conclu à bon droit qu'Asland a participé à l'accord constitutif de l'ETF.

13. Situation d'Uniland

2692. Uniland conteste avoir pris part aux réunions des chefs de délégation de l'ETF. Elle affirme que, ainsi qu'il l'aurait déclaré à la Commission au cours de l'enquête administrative, M. Rumeu a assisté à titre personnel, en sa qualité d'expert et non pas en tant que représentant d'Uniland, aux réunions du 9 septembre 1986 à Baden-Baden et du 6 novembre 1986 à Bruxelles. Elle conteste, dès lors, que la mention "M. Rumeu, Cementos Uniland", figurant dans le procès-verbal de la réunion du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, puisse démontrer sa participation à cette réunion.

2693. La présence de M. Rumeu à ces deux réunions aurait en toute hypothèse revêtu un caractère marginal et sporadique. Les déclarations faites au cours de la réunion du 9 septembre 1986 au nom de l'Espagne auraient émané des deux membres espagnols de l'ETF qui y ont assisté, MM. Félix et Bruguera. En tout état de cause, ces déclarations se seraient limitées à une brève allusion aux importations en Espagne de ciment en provenance de Tunisie. En outre, M. Rumeu n'aurait ni sollicité ni reçu le procès-verbal de cette réunion. Quant à la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles, la participation de M. Rumeu se serait limitée à la formulation d'une vague remarque d'ordre général sur la situation en Espagne.

2694. M. Rumeu n'aurait assisté à aucune réunion de l'ETF postérieure à cette réunion du 6 novembre 1986. Il n'aurait pas non plus participé à la réunion de l'ETF du 21 octobre 1986 à Genève. Partant, les affirmations contenues dans le procès-verbal de cette réunion à propos d'une discussion qui aurait prétendument eu lieu entre MM. Félix et Rumeu ne pourraient être retenues à la charge de ce dernier ni, a fortiori, d'Uniland.

2695. Il convient toutefois de souligner que le procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden mentionne la participation de "M. P. Rumeu, Cementos Uniland, Espagne". Au vu de cette indication, et en l'absence d'élément démontrant que M. Rumeu aurait indiqué aux autres participants qu'il prenait part à cette réunion à titre personnel, la Commission était fondée à considérer que l'intéressé, eût-il assisté à ladite réunion en raison de son expérience particulière en la matière, y avait représenté Uniland.

2696. Quant à la réunion du 6 novembre 1986, il ressort des notes qui lui ont été consacrées qu'il s'agissait d'une réunion de "représentants de l'industrie du ciment de la CEE" (décision attaquée, paragraphe 25, point 39; document n° 33.126/19007). La Commission était donc en droit de conclure que M. Rumeu avait assisté à cette réunion non pas à titre personnel, mais en sa qualité de représentant de l'industrie européenne du ciment et donc, en particulier, d'Uniland, qui l'employait à cette époque.

2697. Eu égard à ce qui a été exposé ci-dessus aux points 2600 et 2602, et dans la mesure où Uniland se borne à affirmer que, aux deux réunions en question, M. Rumeu a joué un rôle marginal, sans fournir le moindre élément démontrant qu'il se serait ouvertement distancié de la finalité anticoncurrentielle qui était poursuivie, la Commission était fondée à considérer qu'Uniland avait marqué son soutien à la création de l'ETF et à son objet anticoncurrentiel ou, à tout le moins, qu'elle avait donné à penser aux autres participants qu'elle soutenait cette mesure.

2698. C'est donc à bon droit que la Commission a retenu, à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, la participation d'Uniland à l'accord portant sur la constitution de l'ETF (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

2699. Toutefois, la décision attaquée ne contient aucun élément permettant de conclure qu'Uniland avait adhéré à l'accord constitutif de l'ETF avant de prendre part à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden. A supposer même que, comme le soutient la Commission dans ses écritures, Uniland ait été représentée par les participants espagnols ayant assisté à des réunions antérieures de, ou relatives à, l'ETF, il n'en demeure pas moins que la première manifestation tangible de l'adhésion personnelle d'Uniland à l'accord constitutif de l'ETF se situe le 9 septembre 1986, date de sa participation à la réunion des chefs de délégation et des membres de l'ETF à Baden-Baden. Il y a donc lieu d'annuler l'article 4, paragraphe 1, pour autant qu'il retient la participation d'Uniland audit accord avant cette date.

2700. Uniland fait encore observer que, en déclarant que M. Rumeu représentait aussi Hispacement et Oficemen, la Commission s'est prêtée à un raisonnement confus et contradictoire, en utilisant à plusieurs reprises la même donnée factuelle, à savoir la présence de M. Rumeu à deux réunions relatives à l'ETF, pour infliger des sanctions à différentes entreprises.

2701. Il convient cependant de faire observer que, en ce qui concerne Hispacement, la Commission relève la présence de M. Fernandez, membre de cette société, aux réunions du 3 au 5 juin 1986, au cours desquelles fut mis au point le document de Zurich/Céligny. Cette indication a de toute évidence été déterminante dans l'appréciation de la participation d'Hispacement à l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée. Pour Oficemen, la Commission se fonde non seulement sur la présence de M. Rumeu "aux réunions de chefs de délégation [...] du 9 septembre et du 6 novembre 1986", mais aussi sur la présence d'un "chef de délégation espagnol" à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, ainsi que sur "le fait que M. Andia [d'Oficemen] [avait] été nommé membre d[u] sous-groupe ['Mesures de défense] à la réunion des chefs de délégation du 9 septembre 1986 [...] et, surtout, [sur] le fait que le compte rendu de la réunion [du 17 mars 1987 de ce sous-groupe] donne M. Andia comme présent [...]" (décision attaquée, paragraphe 29, point 3).

2702. En tout état de cause, les allégations d'Uniland ne sont pas de nature à infirmer l'analyse développée ci-dessus aux points 2695 à 2698 quant au bien-fondé de la décision de la Commission de retenir sa participation à l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée.

2703. Enfin, Uniland soutient que la Commission lui a infligé un traitement discriminatoire en affirmant que, aux réunions du 9 septembre et du 6 novembre 1986, M. Rumeu la représentait en même temps qu'Oficemen, alors que, lorsqu'elle a examiné les contacts qu'avaient entretenus les représentants des industries espagnole et portugaise (décision attaquée, paragraphe 49, point 1), seule Oficemen a été qualifiée de représentant de l'industrie espagnole dans son ensemble, sans qu'ait été retenue la participation des entreprises auxquelles étaient liées les personnes qui avaient pris part à ces contacts.

2704. Toutefois, cette argumentation d'Uniland ne permet pas d'écarter l'infraction retenue contre elle à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, dès lors que sa participation à cette infraction a été correctement établie par la Commission (voir, en ce sens, arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146).

14. Situation d'Oficemen

2705. Oficemen relève que, aux termes de la décision attaquée (paragraphe 29, point 3), la Commission déduit son implication dans l'ETF, d'une part, de la participation d'un chef de délégation espagnol aux réunions des 9 juin, 9 septembre et 6 novembre 1986, et, d'autre part, de la participation de M. Andia, à l'époque président d'Oficemen, à la réunion du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987.

2706. Elle conteste toutefois avoir été présente ou représentée à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm. Quant aux réunions des 9 septembre et 6 novembre 1986, elle souligne que M. Rumeu, qui a assisté à ces deux réunions, n'a été désigné chef de délégation espagnol auprès de Cembureau qu'en novembre 1988.

2707. En ce qui concerne la réunion du 17 mars 1987 du sous-groupe "Mesures de défense", Oficemen fait valoir que, d'après une déclaration sous serment de M. Andia, la proposition de le nommer membre dudit sous-groupe lors de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden a été faite à son insu et contre son gré. En outre, M. Andia n'aurait jamais su que la réunion du 17 mars 1987 s'inscrivait dans le cadre des activités de l'ETF, dont il aurait d'ailleurs ignoré l'existence. Enfin, il n'aurait pas assisté à cette réunion, en raison d'un retard de son avion. Ni lui ni Oficemen n'auraient donc pu avoir connaissance des questions débattues au cours de la réunion ainsi que, indirectement, de l'existence de l'ETF. Le fait que M. Andia soit mentionné parmi les participants à la réunion pourrait être dû à une confusion entre les noms des participants et ceux des invités. De même, le fait que le compte rendu de cette réunion contienne certaines informations relatives aux importations de ciment en Espagne ne suffirait pas à prouver la participation de M. Andia à cette réunion, dès lors que ces informations auraient un contenu pratiquement identique à celles consignées dans une note manuscrite du même auteur (M. Marichal), à propos de la réunion de l'ETF du 11 février 1987. En outre, le compte rendu de la réunion du 17 mars 1987 ne rapporterait pas une intervention orale de M. Andia, alors qu'il relaterait celles d'autres participants.

2708. Sur ces différents points, il convient de faire observer qu'Oficemen ne nie pas qu'un participant espagnol a assisté à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm.

2709. A la lumière des constatations faites ci-dessus au point 2665, il y a lieu de conclure que ceux des participants qui représentaient une entreprise membre d'une association professionnelle étaient investis, sinon du titre officiel de chef de délégation au sens consacré au sein de Cembureau, à tout le moins du pouvoir de représenter l'association professionnelle en question.

2710. La Commission était donc fondée à considérer que le participant espagnol, quelle qu'ait été son identité, y avait représenté également Oficemen (décision attaquée, paragraphe 29, point 3). Eu égard à ce qui a été exposé ci-dessus au point 2598, la Commission a donc pu constater qu'Oficemen, à travers la participation du représentant espagnol à la réunion de Stockholm, avait manifesté son approbation à la constitution de l'ETF et à son objet anticoncurrentiel ou, à tout le moins, donné cette impression aux autres participants, à défaut de signe contraire (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

2711. En ce qui concerne la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, il ressort du procès-verbal de cette réunion que trois représentants espagnols (MM. Rumeu, Félix et Bruguera) y assistèrent et que le nom de M. Andia, qui, selon les indications données par Oficemen à l'audience, était directeur général de l'association, fut proposé pour composer l'un des sous-groupes de travail, nommé "Echanges d'expériences défensives", dont la création fut décidée pour assister l'ETF dans sa mission anticoncurrentielle.

2712. La suggestion du nom de M. Andia n'a pu être faite que parce que, parmi les trois participants espagnols à la réunion, il s'en trouvait au moins un exerçant au sein de l'association espagnole des fonctions qui, estimait-il, l'autorisaient à proposer le nom du directeur général d'Oficemen lors de la constitution des sous-groupes de travail de l'ETF. A supposer même qu'aucun de ces trois participants espagnols n'ait eu, à cette époque, le titre officiel de chef de délégation espagnol de Cembureau, Oficemen était donc représentée à cette réunion, au cours de laquelle la constitution de l'ETF, sa finalité anticoncurrentielle, sa composition, l'organisation de ses travaux et les différentes mesures dissuasives et persuasives confiées à son examen ont été successivement traitées (voir ci-dessus point 2600). A défaut d'élément en sens contraire, la Commission était fondée à considérer qu'Oficemen avait à nouveau exprimé son soutien à la constitution de l'ETF ou, du moins, donné cette impression aux autres participants (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

2713. Quant à la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles, il s'agissait d'une réunion de "représentants de l'industrie du ciment de la CEE", au cours de laquelle "M. Rumeu a fait rapport sur les développements en Espagne" (voir notes relatives à cette réunion; décision attaquée, paragraphe 25, point 39; document n° 33.126/19007). La Commission était donc fondée à considérer que M. Rumeu, quand bien même il n'aurait pas assisté à cette réunion en qualité de chef de délégation espagnol au sens officiel du terme, y avait représenté, outre Uniland, à l'époque son employeur, l'ensemble du marché espagnol, soit également Oficemen. Eu égard à ce qui a été exposé ci-dessus au point 2602, elle était en droit d'estimer qu'Oficemen, à travers la participation de M. Rumeu à cette réunion, avait une nouvelle fois exprimé son soutien à la constitution de l'ETF ou, du moins, donné cette impression aux autres participants (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

2714. En ce qui concerne les différents arguments avancés par Oficemen pour contester la participation de M. Andia à la réunion du 17 mars 1987 du sous-groupe "Mesures de défense", ils ne peuvent être accueillis.

2715. Le compte rendu rédigé le 25 mars 1987 par M. Marichal, coordinateur de ce sous-groupe, mentionne la participation de "M. Andia (Espagne)", comme seul représentant espagnol, et il lui attribue des déclarations très précises, notamment sur la question des exportations grecques ("Menaces d'invasion chez les cimentiers européens: le point sur la situation au 15 mars 1987"; décision attaquée, paragraphe 25, point 47; documents n° 33.126/4858 à 4860):

"Nouvelle menace de la part du plus petit producteur grec, Xalips. Les autres producteurs grecs ne montrent jusqu'ici aucune velléité de débarquer en Espagne. On pense qu'ils veulent ainsi éviter de provoquer les seuls cimentiers capables de leur tailler des croupières au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (leurs principaux marchés) [...]"

2716. Contrairement à ce que soutient Oficemen, ces déclarations diffèrent fondamentalement des informations consignées, à propos des importations en Espagne, dans la note manuscrite de M. Marichal relative à la réunion de l'ETF du 11 février 1987 (décision attaquée, paragraphe 25, point 46; document n° 33.126/4911).

2717. A la lumière de ces différentes indications, la Commission a donc à juste titre retenu, au paragraphe 29, point 3, de la décision attaquée, la participation de M. Andia à la réunion du 17 mars 1987 du sous-groupe de travail "Mesures de défense".

2718. Les propos tenus par M. Andia à cette réunion sur la question des exportations grecques démontrent qu'il avait parfaitement connaissance de l'objectif assigné à ce sous-groupe, ainsi que de la stratégie globale de lutte contre les importations déstabilisantes en Europe occidentale, en premier lieu celles en provenance de Grèce.

2719. En conclusion, c'est à bon droit que la Commission a retenu, à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, la participation d'Oficemen à l'accord constitutif de l'ETF.

2720. Toutefois, l'adhésion d'Oficemen à cet accord n'étant établie qu'à compter du 9 juin 1986, date de la réunion de Stockholm, il y a lieu d'annuler l'article 4, paragraphe 1, pour autant qu'il retient la participation d'Oficemen à l'infraction avant cette date.

2721. Oficemen fait encore observer que la Commission n'a pas estimé que l'inscription sur la liste des participants à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden était un élément de preuve suffisant pour conclure à la participation des entreprises énumérées dans ce document aux activités de l'ETF, puisqu'une bonne partie de celles-ci n'aurait pas été visée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée.

2722. Toutefois, le fait que la Commission n'a pas retenu l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée à l'encontre de certaines entreprises identifiées parmi les participants à la réunion en question ne saurait en toute hypothèse conduire à écarter la responsabilité d'Oficemen dans cette infraction, dès lors que celle-ci a été correctement établie par la Commission (arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146). Or, les motifs qui précèdent ont permis de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a conclu à bon droit à la participation d'Oficemen à l'accord constitutif de l'ETF.

2723. Enfin, Oficemen fait valoir que la participation à l'accord constitutif de l'ETF n'a été reprochée qu'à trois associations nationales, à savoir le SFIC, le BDZ et elle-même. A la différence d'Oficemen, les associations française et allemande auraient été représentées aux réunions de l'ETF, la première par son président, la seconde par son directeur. La participation d'Oficemen aurait en réalité été fondée sur la présence d'un chef de délégation espagnol aux réunions du 9 juin 1986 à Stockholm, du 9 septembre 1986 à Baden-Baden et du 6 novembre 1986 à Bruxelles. Or, la présence des chefs de délégation belge et britannique n'aurait pas été jugée suffisante pour établir la responsabilité, respectivement, de la FIC et de la BCA dans l'ETF. Oficemen estime donc avoir été victime d'une violation du principe de non-discrimination.

2724. Il y a cependant lieu de rappeler que M. Andia, directeur général d'Oficemen, a participé à la réunion du 17 mars 1987 du sous-groupe "Mesures de défense" (voir ci-dessus points 2715 et 2716). Comme le SFIC à travers son président, M. Laplace, et le BDZ à travers son directeur général, M. Steinbach, Oficemen a donc joué un rôle direct dans l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée.

2725. Le fait que la Commission n'a pas retenu cette infraction à l'encontre des associations belge et britannique ne permet pas d'écarter la responsabilité d'Oficemen dans ladite infraction, dès lors que, ainsi que cela ressort des motifs exposés ci-dessus aux points 2708 à 2719, la participation de l'association espagnole à l'accord constitutif de l'ETF a été correctement établie (voir, en ce sens, arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146).

15. Situation d'Irish Cement

2726. Irish Cement (T-60-95) nie toute implication directe dans les activités illicites de l'ETF. Elle rappelle que, d'après les éléments présentés par la Commission au paragraphe 25 de la décision attaquée, l'ETF a été constituée et gérée par un groupe de huit grands producteurs européens de ciment. Irish Cement n'aurait participé à aucune de leurs réunions. La présence de son représentant, M. Quirke, aux réunions du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, du 10 septembre 1986 à Strasbourg et du 6 novembre 1986 à Bruxelles, aurait été justifiée par des démarches licites de lobbying auprès de membres des institutions communautaires.

2727. L'objet de la réunion du 9 septembre 1986 à Baden-Baden aurait été d'organiser la rencontre politique prévue le lendemain, à Strasbourg, avec des membres du Parlement européen sur la question des aides à l'exportation accordées par la République hellénique, rencontre dans laquelle Irish Cement aurait été particulièrement impliquée. Irish Cement n'aurait pas reçu l'ordre du jour de cette réunion, examiné au paragraphe 25, points 24 à 32, de la décision attaquée.

2728. La réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles aurait préparé une entrevue avec M. Sutherland, membre de la Commission en charge de la politique de concurrence, visant à ce que la Commission modifie sa décision autorisant les aides à l'exportation accordées par le gouvernement hellénique à ses producteurs de ciment. La présence d'un représentant d'Irish Cement à cette réunion aurait uniquement tenu au fait que M. Sutherland était irlandais. Irish Cement n'aurait eu aucune raison de soupçonner que cette réunion avait un objet illicite, compte tenu de la déclaration de Sir John Milne, selon laquelle "toute restructuration de l'industrie cimentière européenne, qui [souffrait] de surcapacité chronique, [devait] se faire dans le respect des règles de la concurrence" (décision attaquée, paragraphe 25, point 40; document n° 33.126/19007).

2729. Irish Cement souligne encore qu'elle n'a pas participé à la réunion de l'ETF du 9 juin 1986, tenue en marge de l'assemblée générale de Cembureau. En outre, différents documents [convocation de Holderbank à la sixième réunion de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 25, point 21; document n° 33.126/18848); lettre du 22 septembre 1986 de Holderbank à Blue Circle (décision attaquée, paragraphe 25, point 33; document n° 33.126/19024)] démontreraient qu'elle ne fut pas membre du "groupe des huit" composant l'ETF.

2730. Toutefois, il doit être constaté qu'Irish Cement admet avoir été représentée par M. Quirke à la réunion des chefs de délégation et des membres de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden. Si des discussions préparatoires à la rencontre politique prévue le lendemain avec des membres du Parlement européen ont pu se tenir dans le cadre, ou en marge, de cette réunion, il n'en demeure pas moins que le procès-verbal de celle-ci rend exclusivement compte de discussions consacrées à la constitution et à la composition de l'ETF, à l'organisation de ses travaux et à l'examen des différentes mesures dissuasives et persuasives dont celle-ci s'était vu confier la charge (voir ci-dessus point 2600).

2731. Irish Cement a, en outre, été représentée à la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles. Si les notes relatives à cette réunion font effectivement apparaître que des discussions s'y sont tenues au sujet de la rencontre prévue avec M. Sutherland, il en ressort également qu'il fut convenu que l'ETF devait continuer à se réunir et à examiner l'évolution des importations, dans les marchés d'Europe occidentale, de ciment en provenance de Grèce (voir ci-dessus point 2602).

2732. Ainsi que cela a déjà été souligné (voir ci-dessus point 2600), l'objectif de l'ETF a été rappelé en ces termes, au début de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden:

"L'ETF a été établie pour examiner les mesures possibles, 'dissuasives' et 'persuasives', contre les incursions de ciment bon marché sur les marchés européens (en premier lieu contre les importations grecques au Royaume-Uni) et soumettre des recommandations aux chefs de délégation."

2733. Irish Cement ne pouvait donc ignorer, lors des deux réunions auxquelles elle a assisté, que les débats auxquels elle participait au sujet de l'ETF et de ses activités poursuivaient une finalité contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

2734. Elle ne produit par ailleurs aucun élément démontrant que, lors de ces réunions, elle se serait ouvertement démarquée de la finalité anticoncurrentielle de l'ETF ou qu'elle aurait fait savoir aux autres participants qu'elle y prenait part dans une optique différente de la leur, à savoir la préparation des démarches politiques envisagées auprès des autorités communautaires.

2735. Dans ces conditions, la Commission était fondée à considérer qu'Irish Cement avait marqué son soutien à la constitution de l'ETF et à son objet anticoncurrentiel ou, du moins, qu'elle avait donné cette impression aux autres participants.

2736. C'est donc à bon droit que la Commission a retenu, à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, la participation d'Irish Cement à l'accord constitutif de l'ETF (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

2737. Toutefois, celle-ci ne contient aucun élément permettant de conclure qu'Irish Cement avait adhéré à l'accord constitutif de l'ETF avant de prendre part à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden. Même à le supposer fondé, le fait, invoqué par la Commission dans ses écritures, que la constitution de l'ETF ait été conçue et réalisée dans le cadre de Cembureau, dont Irish Cement était membre direct, ne saurait, à cet égard, autoriser à considérer qu'Irish Cement avait adhéré à l'accord constitutif de l'ETF dès le 28 mai 1986, date de la réunion de Rome visée au paragraphe 25, point 1, de la décision attaquée, à laquelle Cembureau a pris part. Il y a donc lieu d'annuler l'article 4, paragraphe 1, pour autant que celui-ci retient la participation d'Irish Cement à cet accord avant le 9 septembre 1986.

2738. Irish Cement conteste encore les différents éléments invoqués par la Commission au paragraphe 24, point 3, de la décision attaquée pour soutenir que l'ETF était un organe de Cembureau. Elle reproche également à la Commission d'avoir erronément assimilé les réunions des chefs de délégation de l'ETF à celles des chefs de délégation de Cembureau.

2739. Toutefois, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le bien-fondé de cette argumentation, il suffit de relever qu'elle ne permet pas d'écarter les constatations objectives opérées ci-dessus aux points 2730 à 2735 quant à la participation d'Irish Cement aux réunions décrites au paragraphe 25, points 22 à 33 et 39 à 43, de la décision attaquée. Partant, cette argumentation n'est pas de nature à infirmer la conclusion dégagée ci-dessus au point 2736 quant au bien-fondé de la décision de la Commission de retenir la participation d'Irish Cement à l'accord constitutif de l'ETF.

2740. Enfin, Irish Cement prétend que la décision attaquée ne comporte aucune motivation quant à sa participation directe à l'ETF.

2741. Toutefois, dans l'exposé des faits relatifs à l'ETF, la Commission constate la présence de M. Quirke à la "réunion des chefs de délégation" du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 25, point 23), ainsi qu'à celle du 6 novembre 1986 à Bruxelles (décision attaquée, paragraphe 25, point 39).

2742. Dans l'appréciation juridique qu'elle porte ensuite sur les faits décrits en relation avec l'ETF, elle prend en considération "l'affirmation de certaines entreprises et associations d'entreprises selon laquelle, n'ayant pas participé aux réunions de la task-force ou des sous-groupes mais seulement aux réunions des chefs de délégation, elles ne [pouvaient] pas être tenues pour responsables des mesures étudiées" (paragraphe 53, point 4).

2743. Elle explique en effet (même point):

"[M]ême si elles n'ont pas participé aux réunions de la task-force, celle-ci étant composée d'un groupe restreint, [ces entreprises et associations d'entreprises] ont participé aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles les propositions de la task-force ont été entérinées et les mesures adoptées. Ainsi qu'il est dit au paragraphe 44 ci-dessus, le fait que la composition des différentes instances peut varier de l'une à l'autre ne signifie pas que toutes les activités des parties de cette structure ne soient pas imputables à tous les membres, puisque la structure agit avec et se fonde sur le concours de tous les membres."

2744. La décision de la Commission de retenir la participation infractionnelle d'Irish Cement à l'accord constitutif de l'ETF a donc fait l'objet d'une motivation suffisante dans la décision attaquée.

16. Situation d'Italcementi

2745. Italcementi insiste sur le caractère autonome et temporaire de l'ETF. Elle conteste les différents éléments sur lesquels la Commission se fonde, aux paragraphes 24, point 3, et 53, points 1, 3 et 7, de la décision attaquée, pour établir un lien entre l'ETF et (l'accord) Cembureau. Elle ajoute qu'un nombre important de prétendues parties à l'accord Cembureau n'ont pas participé, selon les termes mêmes de la décision attaquée, à l'accord ETF sanctionné à l'article 4.

2746. Sans qu'il soit nécessaire d'examiner le bien-fondé de cette argumentation, il convient de faire observer que celle-ci ne permet pas d'écarter les constatations objectives faites par la Commission au paragraphe 25 de la décision attaquée, et qu'Italcementi ne conteste pas, à savoir que cette entreprise italienne a participé aux réunions suivantes:

réunion du 28 mai 1986 à Rome (décision attaquée, paragraphe 25, point 1; document n° 33.126/18771);

réunion du 4 juin 1986 du groupe de travail de Zurich/Céligny (décision attaquée, paragraphe 25, point 2; document n° 33.126/18756);

réunion du 9 juin 1986 à Stockholm (décision attaquée, paragraphe 25, point 9);

réunion de l'ETF du 17 juin 1986 à Londres (décision attaquée, paragraphe 25, point 11; document n° 33.126/18756);

réunion de l'ETF du 2 juillet 1986 à Milan (décision attaquée, paragraphe 25, point 12; documents n° 33.126/18756, 18757 et 18791 à 18793);

réunion de l'ETF du 8 juillet 1986 à Genève (décision attaquée, paragraphe 25, point 13; documents n° 33.126/18757 et 18795);

réunion de l'ETF du 19 août 1986 à Genève (décision attaquée, paragraphe 25, point 17; documents n° 33.126/18757 et 18758, et annexe 15 au mémoire en réponse à la CG d'Aker et d'Euroc);

réunion de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 25, point 21; document n° 33.126/18848);

réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 25, point 23; document n° 33.126/18857);

réunion de l'ETF du 21 octobre 1986 à Genève (décision attaquée, paragraphe 25, point 34; documents n° 33.126/18758, 18895, 18896 et 18900);

réunion des représentants de l'industrie européenne du ciment du 6 novembre 1986 à Bruxelles (décision attaquée, paragraphe 25, point 39; document n° 33.126/19007);

réunion de l'ETF du 9 janvier 1987 (décision attaquée, paragraphe 25, point 44; document n° 33.126/18759);

réunion de l'ETF du 11 février 1987 à Genève (décision attaquée, paragraphe 25, point 45; documents n° 33.126/18760, 18929 et 18934).

2747. Eu égard à ce qui a été exposé ci-dessus aux points 2598, 2600, 2602 et 2608, et compte tenu de la participation d'Italcementi aux réunions du 28 mai 1986 à Rome et du 9 juin 1986 à Stockholm, à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden et à la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles, conjuguée, d'une part, à sa contribution à la mise au point du document de Zurich/Céligny, et, d'autre part, à sa qualité de membre direct de l'ETF, c'est à bon droit que la Commission a considéré qu'Italcementi avait approuvé, dès l'origine, la constitution de l'ETF et son objet anticoncurrentiel. Elle était ainsi fondée à retenir, à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, la participation d'Italcementi à l'accord constitutif de l'ETF à partir du 28 mai 1986.

2748. Italcementi prétend ensuite avoir joué un rôle marginal dans l'ETF. Elle n'aurait jamais été impliquée dans les prétendues mesures dissuasives et persuasives. En raison de sa vocation purement régionale sur le marché italien, elle n'aurait d'ailleurs eu aucun intérêt à participer à de telles actions, ni aucune possibilité concrète de le faire. Elle n'aurait disposé ni d'équipements portuaires, ni de moyens de transport, ni de débouchés vers lesquels canaliser les productions qu'elle aurait pu acheter aux producteurs de ciment grecs. Seules l'élaboration d'un rapport sur la possibilité d'exportation en Grèce et la détention d'actions d'Interciment pendant 21 mois pourraient éventuellement lui être reprochées. Toutefois, aucune de ces activités ne l'aurait jamais amenée à enfreindre l'article 85, paragraphe 1, du traité. Italcementi conteste également avoir pris part à des pratiques concertées et à un accord destinés à soustraire Calcestruzzi, un important client italien, aux producteurs grecs.

2749. Sans qu'il y ait lieu, eu égard à ce qui a été précisé ci-dessus aux points 2507 à 2511, d'apprécier ici le bien- fondé de l'argumentation d'Italcementi tendant, d'une part, à nier toute implication illicite dans les actions envisagées par l'ETF, et, d'autre part, à préciser la portée de son engagement dans la société Interciment, il convient de faire observer que, d'après les éléments rappelés ci-dessus au point 2746, Italcementi figure parmi les entreprises à l'origine de l'initiative "ETF" et du programme de mesures dissuasives et persuasives envisagées pour lutter contre les importations déstabilisantes en Europe occidentale et qu'elle a ensuite assisté, en sa double qualité de membre direct de l'ETF et de chef de délégation, à l'ensemble des réunions de, ou relatives à, celle-ci, organisées entre le 17 juin 1986 et le 11 février 1987. L'argumentation de l'entreprise italienne tirée du caractère marginal de son rôle doit donc être rejetée.

2750. En outre, Italcementi, qui ne conteste pas que "[l]es producteurs grecs se sont tournés, fin 1985-début 1986, vers [...] l'Italie, où des petites associations, formées par des utilisateurs et des petites sociétés d'import-export, avaient pris l'initiative d'importer du ciment grec" (décision attaquée, paragraphe 24, point 1), ne saurait raisonnablement prétendre n'avoir eu aucun intérêt à participer à l'ETF.

2751. Italcementi prétend encore relever un défaut de motivation quant à la date retenue par la Commission comme point de départ de la participation à l'accord unique et continu ETF, à savoir le 28 mai 1986. La Commission elle-même aurait constaté, au paragraphe 25, point 10, de la décision attaquée, que la constitution de l'ETF avait été décidée lors de la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm.

2752. Sur cette question, il convient d'abord de rappeler (voir ci-dessus points 2506 à 2511) que, si, dans l'appréciation juridique (décision attaquée, paragraphe 53), la Commission présente les différents éléments décrits aux paragraphes 25 à 28 de la décision attaquée comme constituant l'objet d'un accord unique et continu ayant visé à éliminer les importations en Europe occidentale (en priorité celles en provenance de Grèce), ledit accord a été visé à l'article 4 non pas en tant que tel, mais en ses différents éléments constitutifs. Dans ce contexte, le 28 mai 1986 est la date fixée comme point de départ de l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, en relation avec l'accord portant sur la constitution de l'ETF.

2753. Le 28 mai 1986 correspond à la date de la réunion de Rome, à propos de laquelle la Commission constate, au paragraphe 25, point 1, de la décision attaquée, que les représentants de huit grands producteurs européens de ciment, parmi lesquels Italcementi, sont notamment convenus de "prendre en considération rapidement des mesures de défense et de soutien contre la décision de l'industrie cimentière grecque d'exporter du ciment en Europe occidentale" et de créer un groupe de travail "chargé de préparer [...] une documentation sur les possibles mesures de défense". Ces éléments comportent une motivation suffisante de la décision de la Commission de retenir, à l'article 4, paragraphe 1, la participation d'Italcementi à l'accord constitutif de l'ETF à partir du 28 mai 1986. Le fait que la Commission constate, au paragraphe 25, point 10, de la décision attaquée, que la création de l'ETF aurait été "formellement" décidée à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm ne saurait, à cet égard, être jugé révélateur d'une motivation déficiente ou contradictoire sur ce point.

2754. L'argument d'Italcementi doit donc être rejeté.

17. Situation d'Aker et d'Euroc

2755. Aker et Euroc affirment qu'elles n'ont participé à aucune réunion de l'ETF et que Scancem a participé à quelques réunions de, ou relatives à, l'ETF pour veiller à ses propres intérêts, et non pas pour représenter les deux parties requérantes.

2756. Elles ajoutent que, en tout état de cause, la participation de Scancem aux discussions de l'ETF ne visait pas à protéger ses intérêts dans la Communauté puisque, à cette époque, elle n'en aurait pas eu. Scancem aurait en fait participé aux débats de l'ETF animée d'une intention licite, à savoir appuyer ses activités internationales en dehors de la Communauté. La disponibilité de ciment et de clinker excédentaires en provenance de Grèce aurait représenté pour elle une opportunité commerciale et non pas une menace. En effet, Scancem devait satisfaire une demande croissante dans ses opérations Outre-mer. La vraie menace pour elle aurait en réalité résulté des actions envisagées par l'ETF contre les importations en provenance de Grèce et, particulièrement, de la constitution d'Interciment, dont la venue sur la scène internationale aurait risqué d'entraîner une hausse des prix sur les marchés internationaux du ciment et du clinker et de priver, de ce fait, Scancem d'une intéressante source d'alimentation. En participant aux réunions de l'ETF, Scancem n'aurait donc pas eu pour but de fausser la concurrence et les échanges sur le marché, mais de s'assurer que son réseau fût approvisionné à des prix intéressants et de surveiller la situation créée par la constitution d'Interciment.

2757. Cette argumentation ne saurait être accueillie.

2758. Il est constant que, à l'époque, Aker et Euroc contrôlaient respectivement Norcem et Cementa. En mai 1986, ces deux groupes décidèrent de fusionner leurs activités internationales en créant Scancem, filiale commerciale commune à participation égale (décision attaquée, paragraphe 5, point 2).

2759. A l'audience, Aker et Euroc ont admis que Cementa, Norcem et Scancem les représentaient aux réunions auxquelles elles ont pris part pendant la période considérée. Or, Cementa a assisté, en la personne de M. Linderoth, à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm (décision attaquée, paragraphe 25, point 9). Norcem a participé, en la personne de M. Rabl, à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 25, point 23; document n° 33.126/18857). Scancem a pris part, en la personne de M. Ulestig, aux réunions de l'ETF du 19 août 1986 (décision attaquée, paragraphe 25, point 14; annexe 15 au mémoire en réponse à la CG d'Aker et d'Euroc), du 21 octobre 1986 (décision attaquée, paragraphe 25, point 34; document n° 33.126/18895) et du 11 février 1987 (décision attaquée, paragraphe 25, point 45; document n° 33.126/18933).

2760. Ainsi que cela a été exposé ci-dessus aux points 2598 et 2600, un concours de volontés s'est exprimé autour de la constitution de l'ETF à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, ainsi qu'à celle des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden. Des représentants d'Aker et d'Euroc ont en outre assisté aux réunions de l'ETF du 19 août 1986, du 21 octobre 1986 et du 11 février 1987 (voir point précédent). Les deux parties requérantes n'ayant fourni aucun élément attestant que, lors de ces différentes réunions, leurs représentants se seraient ouvertement distanciés de la finalité anticoncurrentielle poursuivie par l'ETF, alors que cette finalité leur fut explicitement rappelée lors de la réunion du 19 août 1986 à Genève, puis à celle du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, ou qu'ils auraient fait savoir aux autres participants qu'ils y assistaient dans une optique différente de la leur, la Commission était fondée à considérer qu'Aker et Euroc avaient marqué leur soutien à la constitution de l'ETF et à son objet anticoncurrentiel ou, du moins, donné cette impression aux autres participants (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

2761. Quant aux explications à présent avancées par Aker et Euroc sur les prétendues raisons licites qui auraient animé la participation de Scancem aux réunions de l'ETF, elles ne sont confirmées par aucun élément démontrant que, à l'époque, Scancem aurait informé les autres participants des motifs particuliers justifiant sa présence à ces réunions.

2762. Au contraire, elles sont contredites par l'extrait du compte rendu de la réunion du 13 mai 1987 de l'EPC, rédigé par M. Marshall, de Blue Circle, et cité au paragraphe 24, point 3, de la décision attaquée (documents n° 33.126/11344 et 11345):

"Cembureau Task Force. On m'a abordé à deux reprises en vue de tenter d'assurer que la task-force de Cembureau continue à être opérationnelle afin de maintenir la pression sur les Grecs. Scancem [...] a affirmé que, puisque 80 % du ciment destiné aux Etats-Unis était commercialisé par quatre groupes européens Blue Circle, Lafarge, Holderbank et Scancem , il devait y avoir des moyens pour faire pression sur les Grecs."

2763. Du reste, ainsi que cela sera constaté ci-après au point 3013, Aker et Euroc avaient accepté de prendre une participation dans Interciment, ce qui réduit à néant la pertinence de leur argument tiré de ce que leur présence aux réunions visées ci-dessus au point 2759 tenait à leurs préoccupations liées à l'apparition de cette société sur la scène internationale.

2764. En conclusion, la Commission était fondée à retenir, à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, la participation d'Aker et d'Euroc à l'accord portant sur la constitution de l'ETF. Toutefois, celle-ci ne contenant aucun élément permettant de conclure qu'Aker et Euroc avaient adhéré à l'accord constitutif de l'ETF avant la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, il y a lieu d'annuler son article 4, paragraphe 1, pour autant qu'il retient la participation d'Aker et d'Euroc à cet accord avant cette date.

2765. Aker et Euroc nient ensuite l'existence d'un lien entre l'ETF et Cembureau. Elles contestent les éléments avancés sur ce point par la Commission au paragraphe 24, point 3, de la décision attaquée, soulignant l'absence quasi totale de correspondance entre les réunions de l'ETF et les réunions de Cembureau ainsi qu'entre les participants aux réunions de l'ETF et les chefs de délégation de Cembureau. Les deux parties requérantes ajoutent que, si, comme la Commission le prétend, l'ETF était une émanation de Cembureau, constitutive d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, ladite infraction aurait dû être reprochée à l'ensemble des sociétés représentées au niveau de Cembureau.

2766. Sans qu'il soit nécessaire d'examiner le bien-fondé de cette argumentation, il suffit de relever qu'elle ne permet pas d'écarter les constatations objectives opérées ci-dessus aux points 2759 à 2763 quant à la participation d'Aker et d'Euroc à plusieurs réunions de, ou relatives à, l'ETF. Partant, cette argumentation n'est pas de nature à infirmer la conclusion dégagée ci-dessus au point 2764 quant au bien-fondé de la décision de la Commission de retenir la participation d'Aker et d'Euroc à l'accord constitutif de l'ETF.

18. Situation de Cementir

2767. Cementir affirme avoir été totalement étrangère à la constitution et aux activités de l'ETF. Elle n'aurait jamais été invitée aux réunions décrites au paragraphe 25 de la décision attaquée, n'y aurait jamais participé et n'aurait jamais été informée de leur contenu.

2768. Il doit être constaté que, effectivement, Cementir n'a participé à aucune des réunions de, ou relatives à, l'ETF, dont la Commission fait état au paragraphe 25 de la décision attaquée.

2769. Au paragraphe 53, point 12, de la décision attaquée, ainsi que dans son mémoire en défense dans l'affaire T- 87-95, la Commission prétend que Cementir a marqué son soutien à l'accord général ETF en participant à l'"une des plus importantes mesures décidées par [l'ETF], à savoir [les] mesures de défense du marché italien".

2770. Toutefois, ainsi que cela a été précisé (voir ci-dessus points 2507 à 2511), l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée vise uniquement l'accord ayant porté sur la constitution de l'ETF, et non pas "l'accord unique et continu concernant la constitution de la Cembureau Task Force ou European Task Force et les différentes mesures adoptées au cours des réunions pour éliminer les importations en Europe occidentale et, en particulier, pour empêcher les importations de ciment grec dans les Etats membres" (décision attaquée, paragraphe 53, point 9). Il convient d'ailleurs de faire observer que la Commission n'a pas imputé à Rugby, Castle, Titan et Heracles la responsabilité de cet accord, alors qu'elle constate, à l'article 4, paragraphe 4, leur participation, "dans le cadre de [l'ETF]" [décision attaquée, paragraphe 65, point 3, sous c)], à des mesures persuasives (carrot actions) contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité. A cet égard, l'institution défenderesse (réponse du 22 juin 1998 à la question écrite du Tribunal du 27 mai 1998 dans l'affaire T-87-95) a expliqué que ces quatre entreprises n'ont participé à aucune des réunions décrites au paragraphe 25 de la décision attaquée, de sorte qu'elle "n'a pas estimé disposer de suffisamment de preuves de leur acquiescement dans la constitution ou l'existence de l'ETF elle-même".

2771. Dans ces conditions, la Commission n'était pas non plus fondée à inférer de la participation alléguée de Cementir aux mesures de défense du marché italien contre les importations en provenance de Grèce la preuve de la participation de l'entreprise italienne à l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée.

2772. Dans son mémoire en défense dans l'affaire T-87-95, la Commission fait encore valoir différents arguments.

2773. Elle s'appuie d'abord sur la présence d'un chef de délégation italien, à savoir Italcementi, aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles les décisions importantes concernant l'ETF ont été adoptées.

2774. Toutefois, ainsi que cela a déjà été souligné (voir ci-dessus point 1409), Cementir disposait, en sa qualité de membre direct de Cembureau, de son propre chef de délégation. Dans ces conditions, et faute d'élément démontrant que Cementir avait chargé Italcementi de la représenter à l'une et/ou l'autre des réunions décrites au paragraphe 25 de la décision attaquée, la Commission n'était pas fondée à déduire de la présence d'Italcementi à ces réunions que Cementir y avait été représentée et, partant, qu'elle avait souscrit, par ce biais, à l'accord constitutif de l'ETF.

2775. La Commission invoque aussi le fait que Cementir était membre direct de Cembureau.

2776. Toutefois, à supposer même que l'ETF ait été, comme la Commission le prétend (décision attaquée, paragraphe 24, point 3), une émanation de Cembureau, cette circonstance n'autoriserait pas à considérer que Cementir avait acquiescé à la constitution de l'ETF. En effet, ainsi que cela a été exposé ci-dessus au point 1553, l'affiliation à une association professionnelle, en l'occurrence Cembureau, ne permet pas d'imputer automatiquement à l'affilié concerné la responsabilité des différents actes illicites commis au sein de cette association, en faisant l'économie de la démonstration de la participation personnelle de l'affilié auxdits actes illicites.

2777. La Commission se fonde encore sur le fait que l'ETF était, selon elle, une application de l'accord Cembureau, auquel Cementir avait souscrit.

2778. Cependant, à supposer même cette appréciation fondée, elle ne dispensait pas la Commission de fournir la preuve de la participation personnelle de Cementir à l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée. Suivre la thèse de la Commission reviendrait à considérer que toutes les entreprises et associations d'entreprises qui avaient effectivement souscrit à l'accord Cembureau auraient dû se voir imputer l'infraction relative à l'accord constitutif de l'ETF, sans qu'il fût nécessaire de s'interroger sur la réalité de leur participation personnelle à cette infraction.

2779. Enfin, la Commission prétend que Cementir a participé à la réunion des chefs de délégation tenue à l'occasion de l'assemblée générale de Cembureau du 25 au 28 mai 1987 à Luxembourg, au cours de laquelle le sort et le rôle futur de l'ETF auraient été discutés (décision attaquée, paragraphe 25, point 48).

2780. Cependant, il doit être constaté que, s'il ressort d'un télex adressé le 28 mai 1987 par l'entreprise italienne Calcestruzzi au producteur grec Titan (décision attaquée, paragraphe 27, point 10; document n° 33.126/19201) que Cementir, ainsi qu'elle l'admet, a rencontré Titan le 27 mai 1987 à Luxembourg, en compagnie des deux producteurs italiens Italcementi et Unicem, la décision attaquée ne contient aucun élément permettant de conclure à la participation de Cementir à la réunion visée au point précédent.

2781. Il découle donc de ce qui précède (points 2767 à 2780) que la Commission n'a pas établi la participation de Cementir à l'accord constitutif de l'ETF.

2782. Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, en ce qu'il retient la participation de Cementir à l'accord relatif à la constitution de l'ETF, doit être annulé.

D Sur la durée de l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée

2783. A l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, la Commission constate l'infraction relative à l'accord constitutif de l'ETF à partir du 28 mai 1986, sans indiquer une date de fin d'infraction.

2784. Il a déjà été constaté que, en retenant le 28 mai 1986 comme date initiale de cette infraction à l'encontre de CBR, d'Aalborg, du BDZ, d'Unicem, d'Uniland, d'Oficemen, d'Irish Cement, d'Aker et d'Euroc, la Commission a mal apprécié le point de départ de leur participation à ladite infraction. Celui-ci doit ainsi être ramené au 9 juin 1986 pour CBR (voir ci-dessus point 2604), pour le BDZ (voir ci-dessus point 2673), pour Oficemen (voir ci-dessus point 2720), pour Aker et pour Euroc (voir ci-dessus point 2764), et au 9 septembre 1986 pour Aalborg (voir ci-dessus point 2657), pour Unicem (voir ci-dessus point 2683), pour Uniland (voir ci-dessus point 2699) et pour Irish Cement (voir ci-dessus point 2737).

2785. Il convient à présent d'examiner les arguments formulés par certaines des parties requérantes concernées par l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, pour contester la décision de la Commission de retenir pour une durée indéterminée l'infraction constatée dans cette disposition.

2786. En premier lieu, Aalborg reproche à la Commission d'avoir omis d'expliquer, en violation de l'article 190 du traité, pourquoi elle avait retenu sa responsabilité dans l'ETF au-delà du 9 septembre 1986, date de la réunion des "chefs de délégation et des représentants de l'ETF" à Baden-Baden, à laquelle Aalborg aurait pour la dernière fois entendu parler de l'ETF. Italcementi affirme qu'un défaut de motivation affecte la date retenue par la Commission comme fin de l'infraction, à savoir le 26 mars 1993.

2787. Sur ce point, il y a lieu de rappeler, à l'adresse d'Italcementi, que la Commission ne fixe aucune date de fin de l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée (voir ci-dessus point 2783). Le 26 mars 1993 correspond en réalité à la date retenue comme fin de l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, en relation avec l'accord constitutif d'Interciment.

2788. S'agissant de la motivation, il convient d'observer que, au paragraphe 53, point 14, de la décision attaquée, la Commission explique:

"L'infraction est d'autant plus grave qu'elle a duré longtemps et la Commission est en droit de présumer qu'elle dure encore. En effet, malgré la déclaration de Holderbank selon laquelle la task-force aurait été dissoute à la fin de mai 1987, d'après la note de Lafarge du 1er juin 1987, 'la mission de l'équipe formée voici tout juste un an sera dorénavant strictement limitée aux échanges d'informations sur des thèmes bien définis. Les Anglais voulaient la supprimer, mais les Suisses ont convaincu finalement leurs collègues que ce serait une erreur: l'outil a été forgé, autant le maintenir prêt à l'emploi'. Il apparaît donc que 'l'outil' a été gardé 'prêt à l'emploi' après mai 1987. Ceci est d'autant plus vraisemblable que les mesures visant à absorber du ciment 'déstabilisant' ont été exécutées jusqu'en 1991 (voir paragraphe 28 ci-dessus) et que la Joint Trading Company n'a été dissoute que le 26 mars 1993 (voir paragraphe 26, point 16, ci-dessus)."

2789. Sans préjuger de l'examen des arguments contestant, au fond, cette appréciation de la Commission (voir ci- après points 2791 à 2815), ces indications constituent une motivation suffisante de la décision de la Commission de retenir pour une période indéterminée l'infraction relative à l'accord constitutif de l'ETF, constatée, notamment à l'encontre d'Aalborg et d'Italcementi, à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée.

2790. Les arguments d'Aalborg et d'Italcementi tirés d'un défaut de motivation doivent donc être écartés.

2791. En deuxième lieu, CBR, Lafarge, Unicem, Uniland, Oficemen, Italcementi et Holderbank soutiennent que l'ETF a été dissoute lors d'une réunion tenue à la fin de mai 1987 en marge d'une assemblée générale de Cembureau, comme l'aurait indiqué Holderbank en 1990, en réponse à une demande de renseignements de la Commission (décision attaquée, paragraphe 25, point 48; document n° 33.126/18760). CBR et Holderbank précisent que cette dissolution était justifiée par le fait que les activités de lobbying de l'ETF avaient mené aux résultats escomptés. Holderbank souligne encore que, l'ETF ayant été un groupe informel, la Commission ne pouvait tirer aucune conclusion de l'absence de preuve d'une décision formelle de dissolution. De son côté, Blue Circle affirme que l'ETF n'est jamais parvenue à émettre des idées utiles, de sorte qu'elle s'est évanouie en mars ou avril 1987.

2792. Oficemen et Holderbank ajoutent que l'indication fournie par cette dernière à la Commission (voir point précédent) n'est pas contredite par la note du 1er juin 1987 de M. Marichal, de Lafarge, relative à la réunion de mai 1987 en question (décision attaquée, paragraphe 25, point 48; documents n° 33.126/4487 à 4490). Il ressortirait de cette note que, l'ETF ayant atteint son objectif initial, ses participants l'ont dissoute pour s'en tenir à de simples échanges d'informations. Italcementi prétend que la déclaration de Lafarge, contenue dans cette note, selon laquelle "l'outil a été forgé, autant le maintenir prêt à l'emploi", doit être replacée dans son contexte: la suppression de l'ETF aurait été décidée à la fin de mai 1987, ce qui expliquerait que M. Marichal n'avait pas encore été informé de cette décision au moment de rédiger sa note, le 1er juin 1987.

2793. Lafarge, Unicem, Uniland et Italcementi reprochent encore à la Commission de présumer que l'infraction s'est poursuivie au-delà de mai 1987, sans avancer le moindre élément concret au soutien de cette appréciation. Ces parties requérantes, suivies sur ce point par Oficemen et Holderbank, contestent à cet égard à la Commission le droit de se prévaloir de la prétendue poursuite, jusqu'en 1993, de supposées mesures d'application de l'ETF pour étendre indéfiniment la durée de l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée.

2794. Sur cette question, il convient de relever que, d'après la documentation présentée par la Commission au paragraphe 25 de la décision attaquée, l'ETF s'est réunie jusqu'en février 1987 afin d'examiner, notamment, les mesures dissuasives et persuasives envisagées pour éliminer les importations en Europe occidentale de ciment en provenance de Grèce (décision attaquée, paragraphe 25, points 45 et 46; documents n° 33.126/18937 à 18944 et 4911 à 4913). Son sous-groupe "Mesures de défense" a tenu une réunion le 17 mars 1987, au cours de laquelle les participants ont fait le point sur les menaces d'invasion de ciment, notamment en provenance de Grèce, sur leurs marchés respectifs, en exposant, le cas échéant, les mesures prises ou envisagées pour contrer de telles menaces (décision attaquée, paragraphe 25, point 47; documents n° 33.126/4858 à 4861).

2795. Il ressort des informations fournies par Holderbank à la suite d'une demande de renseignements de la Commission (réponse 7/b du 7 mai 1990; décision attaquée, paragraphe 25, point 48; document n° 33.126/18760), ainsi que d'une note interne de Lafarge du 1er juin 1987 (même point; documents n° 33.126/4487 à 4490), que le sort de l'ETF a été discuté lors d'une réunion tenue à la fin de mai 1987 à Luxembourg.

2796. Ces différents éléments démontrent que, jusqu'à la fin du mois de mai 1987, le concours de volontés qui conduisit à la constitution de l'ETF a subsisté. En revanche, il n'est pas permis de considérer qu'un tel concours de volontés s'est poursuivi au-delà de cette date.

2797. Certes, la note interne du 1er juin 1987 de Lafarge énonce, ainsi que la Commission le rapporte au paragraphe 53, point 14, de la décision attaquée:

"Task-force européenne (TFE) La mission de l'équipe formée voici tout juste un an sera dorénavant strictement limitée aux échanges d'informations sur des thèmes bien définis. Les Anglais voulaient la supprimer, mais les Suisses ont convaincu finalement leurs collègues que ce serait une erreur: l'outil a été forgé, autant le maintenir prêt à l'emploi."

2798. Toutefois, la Commission ne produit pas le moindre élément démontrant que, après la réunion de la fin de mai 1987 à Luxembourg, l'ETF se serait encore réunie en vue d'examiner les mesures dissuasives et persuasives prises ou envisageables.

2799. Quant à la durée du déroulement des différentes mesures visées à l'article 4, paragraphes 2 à 4, de la décision attaquée, elle ne saurait en tout état de cause servir à l'appréciation de la durée de l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 1. En effet, celle-ci, ainsi que cela a été précisé ci-dessus aux points 2507 à 2511, se rapporte à l'accord ayant porté sur la constitution de l'ETF, et non pas à l'accord unique et continu relatif à la constitution de l'ETF et aux différentes mesures adoptées à la suite de la survenance du problème relatif à la Grèce.

2800. Lors de la procédure écrite, la Commission s'est encore référée aux conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 439 ci-dessus (Rec. p. 1914, p. 1941), selon lesquelles, "à partir du moment où l'existence d'une entente est établie, cette entente est présumée se poursuivre jusqu'à preuve du contraire". Selon elle, il appartenait aux parties de prouver qu'elles avaient procédé à la dissolution formelle de l'ETF.

2801. A cet égard, il convient de souligner que l'affaire ayant donné lieu aux conclusions invoquées avait trait à une pratique concertée entre des distributeurs, ayant consisté à entraver les importations en France de produits de marque en provenance d'Allemagne et du Royaume-Uni, en vue de maintenir un niveau de prix plus élevé dans l'Etat membre en question. Dans ses conclusions (p. 1941), Sir Gordon Slynn affirme: "[... Une] pratique concertée peut continuer d'exister même en l'absence de mesures positives pour l'appliquer. En effet, si la pratique est suffisamment efficace et largement connue, il ne sera pas nécessaire d'agir pour en assurer l'application. Des cas peuvent se présenter dans lesquels l'absence de toute preuve de mesures prises pour appliquer une pratique concertée pourrait suggérer qu'il a été mis fin à la pratique. Il s'agit toutefois là d'une question de preuve, qui doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce [...] Il est peut-être intéressant de se reporter à la décision de la Court of Appeals des Etats-Unis d'Amérique dans l'affaire US/Stromberg et autres (268 F 2d.256), dans laquelle cette juridiction a jugé qu'à partir du moment où l'existence d'une entente est établie, cette entente est présumée se poursuivre jusqu'à preuve du contraire."

2802. L'approche de Sir Gordon Slynn ne consiste donc pas à affirmer que, dès lors que la Commission a prouvé l'existence d'une entente contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, il incombe automatiquement aux parties impliquées dans cette entente de prouver que celle-ci a cessé. Un tel renversement de la charge de la preuve ne pourrait être opéré qu'au regard des circonstances particulières de l'espèce. En tout état de cause, il ressort de la jurisprudence qu'il appartient à la Commission de prouver non seulement l'existence de l'entente, mais aussi sa durée (arrêt Dunlop Slazenger/Commission, cité au point 270 ci-dessus, point 79).

2803. En l'espèce, la Commission a à juste titre constaté l'existence de l'accord constitutif de l'ETF. La nature de cet accord diffère fondamentalement de celle de la pratique concertée analysée par Sir Gordon Slynn dans ses conclusions susvisées. Alors que la poursuite de cette pratique concertée n'exigeait pas de mesures positives particulières, l'accord en question a porté sur la constitution d'un groupe de travail chargé de l'examen de mesures dissuasives et persuasives susceptibles d'éliminer les importations en Europe occidentale.

2804. Dans un tel contexte, la Commission ne peut à présent présumer que cet accord n'avait pas pris fin, alors qu'elle n'a pas pu prouver que, au-delà de la fin du mois de mai 1987, l'ETF s'était encore réunie pour examiner de telles mesures dissuasives et persuasives.

2805. L'ETF ayant été un groupe de travail informel, sans statuts ni acte constitutif, la Commission ne saurait se retrancher derrière l'absence de preuve de sa dissolution formelle pour affirmer qu'il n'a pas été mis fin à l'accord ayant porté sur sa constitution.

2806. En conclusion, la Commission n'était pas fondée à retenir l'infraction relative à l'accord constitutif de l'ETF au-delà de la fin de mai 1987. Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, en ce qu'il retient cette infraction au-delà du 31 mai 1987, doit être annulé. Cette conclusion s'impose à l'égard non seulement des parties requérantes identifiées ci-dessus aux points 2791 à 2793, mais aussi des autres parties requérantes concernées par l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée [à l'exception de Cementir (voir ci-dessus point 2782)], dès lors que toutes contestent en substance la légalité de cette disposition.

2807. A l'adresse d'Uniland, d'Oficemen, d'Italcementi et de Blue Circle, il convient encore de préciser que l'inopposabilité à leur égard (voir ci-dessus point 376) du document n° 33.126/18950, invoqué par la Commission au paragraphe 25, point 48, de la décision attaquée, pour démontrer qu'il y eut des tentatives de réunir l'ETF entre les mois de mars et de mai 1987 n'est pas de nature à infirmer, à leur égard, l'analyse développée ci-dessus aux points 2794 à 2806 quant à la durée de l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée. En effet, ainsi que cela a été exposé ci-dessus au point 2795, il ressort des documents n° 33.126/18760 et 4487 à 4490 que le sort de l'ETF a été discuté lors d'une réunion qui s'est tenue à la fin de mai 1987 à Luxembourg, ce qui démontre que, jusqu'à cette réunion, le concours de volontés qui s'était exprimé pour la constitution de l'ETF avait subsisté.

2808. Quant à Holderbank, l'inopposabilité à son égard (voir ci-dessus point 377) de la note interne de Lafarge du 1er juin 1987 (documents n° 33.126/4487 à 4490), citée ci-dessus au point 2795, n'est pas non plus de nature à écarter, en ce qui la concerne, l'analyse développée ci-dessus aux points 2794 à 2806 quant à la durée de l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée. En effet, d'après les propres déclarations de Holderbank à la Commission (décision attaquée, paragraphe 25, point 48; document n° 33.126/18760), "on décida officiellement, lors d'une réunion informelle en marge d'un meeting de Cembureau à Luxembourg, de dissoudre l'ETF fin mai 1987", ce qui démontre que, jusqu'à cette date, le concours de volontés qui avait conduit à la constitution de l'ETF avait subsisté.

2809. En troisième lieu, Dyckerhoff (T-35-95), Ciments français (T-39-95), Aalborg (T-44-95) et Uniland (T-58-95) contestent la durée de leur participation à l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, soulignant qu'elles n'ont plus pris part aux réunions de, ou relatives à, l'ETF à compter d'une certaine date.

2810. Dyckerhoff prétend avoir considéré qu'elle n'avait plus aucun intérêt à rester en contact avec ses concurrents après que les plus hautes instances de la Commission eurent été informées, le 6 novembre 1986, du comportement du Gouvernement hellénique. Après cette date, elle n'aurait pris part à aucune réunion ou mesure dans cette affaire. Sa participation à l'ETF aurait donc duré tout au plus six mois, du 28 mai au 6 novembre 1986.

2811. Ciments français fait remarquer que les "chefs de délégation" de l'ETF ne se sont plus réunis pour discuter de la question grecque après avoir rencontré M. Sutherland, membre de la Commission, le 6 novembre 1986.

2812. Aalborg soutient que, après la réunion tenue le 5 novembre 1986 pour préparer l'entrevue du lendemain avec M. Sutherland, elle n'a pris part à aucune réunion dans le cadre de l'ETF. Elle n'aurait d'ailleurs plus été informée des activités de celle-ci. L'ETF ne lui aurait jamais demandé de prendre position sur quoi que ce soit après la réunion du 9 septembre 1986 à Baden-Baden. Quelle que soit la manière d'interpréter les faits décrits au paragraphe 25 de la décision attaquée, il serait donc exclu qu'Aalborg ait commis une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité après le 9 septembre ou le 5 novembre 1986.

2813. Enfin, Uniland affirme qu'aucun élément ne permet de prolonger la durée de sa participation à l'ETF au-delà du 6 novembre 1986, date de la seconde et dernière réunion à laquelle M. Rumeu a assisté à cette époque.

2814. Il doit cependant être constaté que ces différentes parties requérantes n'ont fourni aucun élément démontrant que, après avoir souscrit à l'accord constitutif de l'ETF, elles auraient ouvertement manifesté aux autres participants, par exemple lors de la dernière réunion à laquelle elles ont pris part à cette époque, leur désapprobation quant à la poursuite par l'ETF de l'examen des mesures dissuasives et persuasives destinées à éliminer les importations de ciment à bas prix en Europe occidentale.

2815. Il y a donc lieu de considérer qu'elles ont soutenu cette mesure jusqu'à son terme, tel que celui-ci a été apprécié ci-dessus aux points 2794 à 2806, ou du moins qu'elles ont donné cette impression aux autre participants (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

E Sur l'accès au dossier

1. Observations liminaires

2816. Cembureau (T-26-95), Dyckerhoff (T-35-95), le SFIC (T-36-95), Ciments français (T-39-95), Heidelberger (T-42-95), Lafarge (T-43-95), Aalborg (T-44-95), le BDZ (T-48-95), Unicem (T-50-95), Asland (T-55-95), Uniland (T-58-95), Oficemen (T-59-95), Irish Cement (T-60-95), Italcementi (T-65-95), Holderbank (T-68-95), Aker (T-70-95), Euroc (T-71-95) et Blue Circle (T-88-95) formulent une série d'observations à partir des documents qu'ils ont pu consulter à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 en matière d'accès au dossier. Ils soutiennent que, en ne leur accordant qu'un accès limité à la CG et à son dossier d'instruction au cours de la procédure administrative, la Commission les a privés d'un accès à des documents à décharge et a ainsi violé leurs droits de la défense lors de la constatation de l'infraction qui leur est reprochée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée.

2817. Cementir (T-87-95) présente, à la suite des mesures d'organisation de la procédure susvisées, une série de documents qui, selon elles, lui auraient été utiles au cours de la procédure administrative pour se défendre contre le grief tiré de sa participation à l'accord constitutif de l'ETF. Il n'y a toutefois plus lieu d'apprécier le bien-fondé de ces observations, dès lors qu'il a déjà été constaté que l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée doit être annulé en ce qu'il retient la participation de Cementir à cet accord (voir ci-dessus points 2767 à 2782).

2. Affaire T-26-95, Cembureau/Commission

2818. Dans ses observations du 10 février et du 28 novembre 1997, Cembureau (T-26/95) prétend qu'il n'existe, dans tous les documents qu'il a pu consulter à la suite des mesures d'organisation de la procédure rappelées ci-dessus au point 2816, aucun élément de preuve le rattachant à l'ETF, hormis, d'une part, l'expression "chefs de délégation" utilisée de façon sporadique et imprécise dans certains documents et, d'autre part, des éléments se rapportant au rôle très limité que deux membres de son personnel ont joué dans les deux premières réunions préparatoires à l'ETF. Au contraire, les éléments de preuve contenus dans le dossier relatif au Royaume-Uni conforteraient la conclusion selon laquelle le problème concernant la Grèce n'impliquait en rien Cembureau, puisqu'il aurait été traité par la CMF et par des entreprises individuelles (documents n°s 33.126/17160 à 17172, 17178 et 17179), à travers des contacts au plus haut niveau politique avec le gouvernement du Royaume-Uni, et grâce à l'intervention de ce dernier (documents n°s 33.126/17157 à 17165, 17180 à 17184, 17191 à 17194, 17219 à 17225, 17624, 17625, 17631 à 17633, 17635 à 17638, 17641 à 17654, 10827 et 10828). Ces documents, ainsi que de nombreux autres (documents n°s 33.126/11188, 11189, 10842 à 10844, 11072, 10827, 10828, 11123 à 11127, 11130, 11131, 11165 à 11169, 11171 à 11175, 11178, 11179, 11000, 11001, 11243, 11244, 7725 à 7740, 15351 à 15353, 15363, 15355, 15388, 15364 à 15367, 16087, 16088, 16091 à 16110 et 16122 à 16126), illustreraient par ailleurs l'importance de la campagne de sensibilisation et de pressions auprès des autorités britanniques (gouvernement et parlement) et des membres du Parlement européen, ainsi que des contacts avec la Commission, auxquels aurait donné lieu le problème relatif à la Grèce. Le dossier concernant le Royaume-Uni ferait aussi apparaître que le gouvernement hellénique avait recommandé à son industrie du ciment d'entrer en contact avec son homologue britannique pour résoudre le problème relatif à la Grèce (documents n°s 33.126/17178 et 17179). La solution de ce problème n'aurait donc pas procédé d'une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau. Il serait aussi significatif que la France, lorsqu'elle fut confrontée au problème posé par les importations en provenance de Grèce, a pris contact non pas avec Cembureau, mais avec le gouvernement du Royaume-Uni et le DTI (voir ci-dessus point 416) (documents n°s 33.126/17219 à 17225). Cembureau estime que toute cette documentation, si elle lui avait été rendue accessible pendant la procédure administrative, l'aurait mis en position de souligner l'absence totale de preuve de sa participation, à travers son personnel, ses dirigeants, ses comités ou ses organes représentatifs, à ces démarches et pressions politiques et de réfuter les accusations de la Commission selon lesquelles il aurait joué un rôle central dans l'organisation et dans les activités de l'ETF.

2819. Toutefois, il convient de souligner que la Commission n'a jamais contesté que l'apparition des problèmes liés aux importations en provenance de Grèce avait suscité une vaste action de sensibilisation et de pressions auprès des autorités nationales (en particulier britanniques et helléniques) et communautaires (Commission, Parlement européen) sur les effets des exportations à bas prix en provenance de Grèce (CG, paragraphe 16; décision attaquée, paragraphes 24, point 2, et 25, points 12, 19, 36, 42, 43, 44, 45 et 47). Elle ne s'est cependant intéressée, dans la décision attaquée, qu'aux mesures qui étaient allées au-delà de ces actions (décision attaquée, note en bas de page n° 115). Les commentaires que Cembureau aurait pu formuler au cours de la procédure administrative pour mettre en exergue les démarches politiques suscitées par la question des exportations grecques n'auraient donc pu qu'illustrer un aspect de ce dossier dûment relevé par la Commission. Ils n'auraient, en revanche, pas permis d'écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a à juste titre établi, au paragraphe 53, que les menaces d'importation, en Europe occidentale, de ciment en provenance de Grèce avaient donné lieu, parallèlement aux actions politiques, à la constitution de l'ETF aux fins de l'examen des mesures dissuasives et persuasives susceptibles d'éliminer les importations de ciment à bas prix (en priorité celles en provenance de Grèce) sur les marchés européens.

2820. Ces commentaires, s'ils avaient pu être présentés au cours de la procédure administrative, n'auraient de plus pas permis d'écarter les constatations objectives faites par la Commission aux paragraphes 24, point 2, et 25, points 1 et 2, de la décision attaquée quant à la participation de M. Dutron, directeur de Cembureau, à la réunion du 28 mai 1986 à Rome et à celle de M. Collis, autre directeur de Cembureau, à une partie de la réunion du 3 juin 1986 à Zurich. Partant, ils n'auraient pas permis d'exclure la participation de Cembureau à l'accord constitutif de l'ETF.

2821. En conclusion, ils n'auraient pas eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Cembureau n'a donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

3. Affaire T-35-95, Dyckerhoff/Commission

2822. Dyckerhoff prétend que les documents qu'elle a pu consulter à la suite des mesures d'organisation de la procédure rappelées ci-dessus au point 2816 lui auraient utilement permis d'étayer sa défense, au cours de la procédure administrative, quant au caractère licite des activités de l'ETF ainsi qu'au rôle qu'elle y a joué. 2823.

Elle développe neuf arguments à cette fin. 2824.

Premièrement, elle souligne, dans ses observations du 7 février 1997, qu'aucune mention de son nom ne figure dans l'exposé détaillé consacré à l'ETF par certains procès-verbaux d'Heracles (documents n° 33.126/19875 à 19887), ce qui démontrerait son absence d'implication dans l'ETF.

2825. Il doit toutefois être relevé que les commentaires qu'elle aurait pu présenter au cours de la procédure administrative à partir de ces documents n'auraient pas permis d'écarter les constatations objectives faites par la Commission au paragraphe 25, points 1, 9, 23 et 39, de la décision attaquée quant à la participation de l'entreprise allemande à la réunion du 28 mai 1986 à Rome, à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, ainsi qu'à la réunion des représentants de l'industrie européenne du ciment du 6 novembre 1986 à Bruxelles. Partant, ils n'auraient pas permis d'exclure la participation de Dyckerhoff à l'accord constitutif de l'ETF.

2826. Deuxièmement, Dyckerhoff affirme, dans ses observations du 7 février 1997, que certains documents des dossiers italien et espagnol (documents n° 33.126/12060, 12061 et 12063, ainsi que n° 33.322/1390 à 1394) montrent que, comme elle, d'autres producteurs de ciment et associations nationales avaient vu dans les discussions et mesures prises dans le cadre de l'ETF une tentative licite destinée à faire adopter des mesures antidumping contre les importations en provenance de Grèce.

2827. Toutefois, il apparaît que les pièces ainsi invoquées contiennent les réponses d'Unicem à des questions posées par la Commission dans le cadre de la procédure ayant conduit à l'adoption de la CG et de la décision attaquée, ainsi que les réponses d'Oficemen à des questions posées par le Tribunal de Defensa de la Competencia. Dans ces réponses, Unicem et Oficemen nient que des actions aient été entreprises à l'encontre des producteurs grecs sur la base des réunions de l'ETF. De toute évidence, de telles dénégations n'auraient été de nature à écarter ni les extraits de documents visés aux paragraphes 25, points 15 et 24, et 53, point 7, de la décision attaquée, sur lesquels la Commission s'est à juste titre appuyée pour établir la finalité anticoncurrentielle de l'ETF, ni les constatations objectives rappelées ci-dessus au point 2825, qui ont conduit la Commission à retenir la participation de Dyckerhoff à l'infraction relative à l'accord constitutif de l'ETF.

2828. Troisièmement, Dyckerhoff met en exergue, dans ses observations du 7 février 1997, l'ordre du jour d'une réunion du SFIC (document n° 33.126/14828), qui démontrerait l'existence, à l'époque de la question des exportations grecques, d'initiatives individuelles et autonomes des producteurs et associations nationales. Ces indications contrediraient donc l'existence, à cette même époque, d'une concertation européenne contre les importations en provenance de Grèce.

2829. Dyckerhoff ajoute que de telles initiatives individuelles et autonomes ont aussi visé les importations en provenance d'autres marchés que le marché grec, ce qui attesterait qu'il n'était pas nécessaire d'organiser une concertation européenne pour lutter contre les importations en provenance de Grèce. Elle cite d'abord des documents relatifs au marché français (documents n° 33.126/5695 à 5698, 5637 à 5640, 5651 à 5656, 5657 à 5659, 5709 à 5713 et 5714 à 5724). Elle se demande pourquoi les importations en provenance de Grèce auraient dû être combattues à l'aide de moyens considérables par l'ETF, alors que des importations similaires, en provenance d'autres marchés, n'auraient été discutées qu'au niveau national. Elle se réfère ensuite à des documents relatifs au marché espagnol, à savoir un procès-verbal d'Oficemen (documents n° 33.322/1311 à 1318) et un procès-verbal du conseil d'administration d'Asland (documents n° 33.322/1604, 1607 et 1608), dans lesquels seraient seulement envisagées des mesures nationales de lutte contre les importations.

2830. Il convient cependant de constater que les commentaires de Dyckerhoff, s'ils avaient pu être présentés au cours de la procédure administrative, n'auraient pas permis d'écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a à juste titre établi, au paragraphe 53, que l'apparition du "problème grec" avait donné lieu, outre à des initiatives individuelles sur certains marchés, à la naissance d'une entente multilatérale entre diverses entreprises, parmi lesquelles Dyckerhoff, et des associations d'entreprises européennes, ayant porté sur la constitution de l'ETF aux fins de l'examen des mesures dissuasives et persuasives susceptibles d'éliminer les importations de ciment à bas prix en Europe occidentale, en priorité celles en provenance de Grèce.

2831. Quatrièmement, Dyckerhoff mentionne, dans ses observations du 7 février 1997, les extraits d'une note interne d'Italcementi relatifs aux importations en provenance de Grèce (documents n° 33.126/2950, 2951 et 2954), qui ne contiendraient aucune mention directe de l'ETF ou d'autres entreprises ou associations membres de l'ETF. Il ressortirait de ces extraits que, en Italie, le "problème grec" a été traité conjointement avec les problèmes posés par les exportations à partir de la Yougoslavie. Ces extraits, s'ils contiennent une mention directe des activités de l'ETF à propos d'une attaque du marché grec, ne feraient cependant référence à aucune mesure décidée ou coordonnée par l'ETF.

2832. Toutefois, il convient de relever que Dyckerhoff avance deux interprétations contradictoires de la note d'Italcementi en question. Elle prétend, d'une part, que les extraits de cette note ne présentent pas de rapport direct avec l'ETF et, d'autre part, que ces extraits contiennent une mention directe des activités de l'ETF. En réalité, l'auteur de cette note consacre un titre particulier aux activités de l'ETF (document n° 33.126/2950), sous le point "2. Attività Task Force".

2833. Par ailleurs, Dyckerhoff n'explique pas en quoi les commentaires qu'elle aurait pu faire valoir au cours de la procédure administrative pour souligner le traitement conjoint, en Italie, des "questions" grecques et yougoslaves auraient pu être pertinents dans le cadre de sa défense contre les griefs relatifs à l'ETF.

2834. En tout état de cause, les commentaires qu'elle aurait pu présenter au cours de la procédure administrative à partir de cette note d'Italcementi n'auraient pas permis d'écarter les différentes constatations objectives rappelées ci-dessus aux points 2825 et 2830, sur la base desquelles la Commission a à juste titre conclu à la participation de Dyckerhoff à l'accord constitutif de l'ETF, destiné à éliminer les importations de ciment à bas prix en Europe occidentale.

2835. Cinquièmement, Dyckerhoff cite, dans ses observations du 7 février 1997, un ensemble de documents (documents n° 33.126/14832, 17129, 17140, 17171, 17176, 17187, 17193, 17196, 17071, 17158 et 19875 à 19887) qui démontreraient que les associations nationales, française et britannique notamment, s'étaient adressées à leurs autorités étatiques pour leur faire part de leurs préoccupations à l'égard des importations en provenance de Grèce. Elle rappelle, à cet égard, avoir toujours affirmé (réponse à la CG, p. 60, et requête, p. 92) que les activités de l'ETF auxquelles elle a participé visaient exclusivement au dépôt d'une plainte antidumping auprès de la Commission. Elle invoque par ailleurs, sans le joindre à ses observations, un procès-verbal d'Oficemen traitant d'importations en provenance de Tunisie, dans lequel il serait fait état de démarches à entreprendre auprès des autorités publiques nationales et communautaires.

2836. Dans ses observations du 5 janvier 1998, Dyckerhoff mentionne une note interne de Blue Circle du 2 septembre 1986, qui traduirait la volonté des producteurs européens de ciment de demander à la Commission de prendre des mesures à l'encontre des importations de ciment en provenance de Grèce, jugées incompatibles avec le droit communautaire (documents n° 33.126/11023 à 11025). Elle cite également deux notes manuscrites de Blue Circle relatives à la préparation de la réunion de l'ETF du début de septembre 1986, dont le contenu indiquerait que seules des mesures politiques à l'égard du Parlement européen et de la Commission ont fait l'objet d'une telle préparation (documents n° 33.126/11028 à 11034), ainsi qu'une télécopie du 17 septembre 1986 de Sir John Milne, de Blue Circle, qui montrerait que des préoccupations exclusivement politiques étaient au centre des discussions tenues lors de la réunion du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (document n° 33.126/11079). Elle mentionne encore plusieurs documents qui attesteraient le caractère licite des activités de l'ETF, en ce qu'ils rendent compte des démarches entreprises par les producteurs de ciment et leurs associations nationales auprès d'autorités nationales (documents n° 33.126/16494, 16495, 16467, 16469 à 16471, 16473 à 16487, 15364 à 15366, 11125, 11126 et 11127). Enfin, elle met en exergue le contenu d'une note interne de Blue Circle du 5 septembre 1986, relative à la rencontre des 9 et 10 septembre 1986 avec les membres du Parlement européen à Strasbourg, qui indiquerait que l'initiative de ces démarches n'était pas venue des producteurs allemands (documents n° 33.126/11052 et 11053).

2837. Cependant, il convient de relever que, contrairement à ce que Dyckerhoff cherche à faire valoir, les documents n° 33.126/11028 à 11034 ne donnent pas un éclairage différent au contenu des deux réunions du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, décrites au paragraphe 25, points 21 à 33, de la décision attaquée. En effet, les notes manuscrites consignées dans ces documents font simplement état de la tenue d'une réunion à Baden-Baden le 9 septembre 1986, sans en préciser l'objet, ainsi que d'une réunion, le lendemain à Strasbourg, avec des membres du Parlement européen. Ces indications ne contredisent donc pas les constatations qui ressortent des pièces visées au paragraphe 25, points 21 à 33, de la décision attaquée, à savoir que, le 9 septembre 1986 à Baden-Baden, s'est d'abord tenue, à midi, une réunion de l'ETF consacrée à la préparation de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF, puis, en fin d'après-midi, cette dernière réunion, au cours de laquelle ont été successivement examinées les questions de la constitution de l'ETF, de son objectif anticoncurrentiel, de sa composition, ainsi que de l'organisation de ses travaux et des différentes mesures dissuasives et persuasives confiées à son examen.

2838. La même appréciation s'impose à l'égard de la télécopie du 17 septembre 1986 de Blue Circle (document n° 33.126/11079): le fait que cette pièce fasse uniquement état de considérations politiques consécutives à la réunion tenue la semaine précédente à Baden-Baden ne permet pas d'écarter les constatations objectives rappelées au point précédent.

2839. Pour le surplus, il a déjà été souligné (voir ci-dessus point 2819) que la Commission n'a jamais nié que la survenance de la question des exportations grecques avait suscité une vaste action de sensibilisation et de pressions auprès des autorités nationales, mais qu'elle ne s'est intéressée, dans la décision attaquée, qu'aux mesures qui étaient allées au-delà de ces actions (décision attaquée, note en bas de page n° 115). Les commentaires que Dyckerhoff aurait pu formuler au cours de la procédure administrative pour souligner la dimension politique du dossier grec n'auraient donc pu qu'illustrer un aspect de ce dossier dûment relevé par la Commission. Ils n'auraient, en revanche, pas pu écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a, à juste titre, établi, au paragraphe 53, que les menaces d'importation, en Europe occidentale, de ciment en provenance de Grèce avaient donné lieu, parallèlement aux actions politiques, à la constitution de l'ETF aux fins de l'examen des mesures dissuasives et persuasives susceptibles d'éliminer les importations de ciment à bas prix (en priorité celles en provenance de Grèce) sur les marchés européens. Ces commentaires n'auraient pas davantage permis d'écarter les constatations objectives, rappelées ci-dessus au point 2825, quant à la participation de Dyckerhoff à différentes réunions consacrées à l'ETF et à ses activités illicites.

2840. Sixièmement, Dyckerhoff reproche à la Commission, dans ses observations du 7 février 1997, de ne pas avoir mentionné, dans l'exposé des faits consacré par la CG au marché grec (chapitre 7), la procédure antidumping envisagée par les producteurs européens et les mesures étatiques favorisant les producteurs grecs, alors que plusieurs documents feraient état de ces dernières (documents n° 33.126/19882 et 19884).

2841. Toutefois, dans la décision attaquée, la Commission indique, dans la note en bas de page n° 113, que, "[a]u moment de l'adhésion à la Communauté, l'industrie grecque recevait de nombreuses aides étatiques", avant d'évoquer un certain nombre de décisions qu'elle a prises au sujet de ces aides, pendant et après la période au cours de laquelle l'ETF a été opérationnelle. Au paragraphe 53, point 8, de la décision attaquée, elle discute de manière détaillée l'argumentation développée par Lafarge lors de l'audition du 12 mars 1993, selon laquelle "l'article 85, paragraphe 1, [du traité] ne serait pas applicable aux membres de [l'ETF] du fait que ceux-ci auraient agi en état de légitime défense contre les exportations des producteurs grecs qui recevaient des aides illicites de la part des autorités de leur pays". La Commission avait donc bien perçu, au cours de la procédure administrative, le contexte économique qui présida aux réactions des producteurs européens aux importations en provenance de Grèce. Partant, les commentaires que Dyckerhoff aurait pu formuler à cette époque à partir des documents n° 33.126/19882 et 19884 n'auraient pu que rejoindre des observations déjà dûment prises en compte dans la décision attaquée.

2842. Septièmement, Dyckerhoff met en avant, dans ses observations du 5 janvier 1998, plusieurs télex de Blue Circle relatifs à la planification de la réunion de l'ETF du 10 septembre 1986. Aucun de ces télex ne mentionnerait Dyckerhoff, ce qui démontrerait que l'entreprise allemande n'a pas pris part à la planification et à la préparation des activités présumées de l'ETF (documents n° 33.126/11010 à 11012). Dyckerhoff tire le même argument des télex relatifs aux réunions de l'ETF du 21 octobre 1986, de janvier, de mars et de mai 1987 (documents n° 33.126/15343 à 15347, 18874 à 18894, 18901 à 18918, 18950, 18951, 18953 à 18955 et 18956 à 18960).

2843. Toutefois, la Commission n'a jamais prétendu qu'une réunion de l'ETF s'est tenue le 10 septembre 1986. Au paragraphe 25, point 21, de la décision attaquée, elle relève que l'ETF s'est réunie le 9 septembre 1986 à midi à Baden-Baden, sans prétendre que Dyckerhoff a assisté à cette réunion. Elle ne soutient pas davantage, dans la décision attaquée, que Dyckerhoff a participé aux réunions de l'ETF du 21 octobre 1986 et du 9 janvier 1987, à la réunion de son sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987 ou encore à la réunion de la fin de mai 1987, au cours de laquelle le sort de l'ETF fut discuté. Ainsi que cela a été rappelé ci-dessus au point 2825, la Commission a constaté la participation de Dyckerhoff à la réunion du 28 mai 1986 à Rome, à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, et à la réunion des représentants de l'industrie européenne du ciment du 6 novembre 1986 à Bruxelles. Ces constatations objectives, qui ont conduit la Commission à retenir la participation de Dyckerhoff à l'infraction relative à la constitution de l'ETF, n'auraient pas pu être écartées par les commentaires que l'entreprise allemande aurait pu formuler au cours de la procédure administrative à partir des documents visés au point précédent.

2844. Il convient encore d'ajouter que, au paragraphe 53, point 4, de la décision attaquée, la Commission prend position sur "l'affirmation de certaines entreprises et associations d'entreprises, selon laquelle, n'ayant pas participé aux réunions de la task-force ou des sous-groupes, mais seulement aux réunions des chefs de délégation, elles ne peuvent pas être tenues pour responsables des mesures étudiées". Les observations du type de celles qui sont à présent avancées par Dyckerhoff ont donc été pleinement prises en compte par la Commission dans la décision attaquée.

2845. Huitièmement, Dyckerhoff mentionne, dans ses observations du 5 janvier 1998, une note interne de Blue Circle du 28 août 1986 (document n° 33.126/11013), qui ferait état de l'échec des efforts déployés par son auteur pour constituer un front européen contre les importations en provenance de Grèce. Ces indications démontreraient que, en dehors des démarches politiques, Dyckerhoff n'a pas participé à l'adoption de mesures collectives avec d'autres producteurs européens.

2846. Toutefois, contrairement à ce que prétend Dyckerhoff, le document en question ne fait pas état d'un prétendu échec de Blue Circle dans sa tentative de créer un front commun européen contre les importations en provenance de Grèce. Il souligne uniquement les grandes difficultés, d'une part, de prouver la "collusion entre les producteurs grecs" et, d'autre part, de trouver un arrangement global avec l'industrie grecque.

2847. En tout état de cause, les commentaires que Dyckerhoff aurait pu formuler au cours de la procédure administrative à partir de ce document n'auraient pas permis d'écarter les constatations objectives, rappelées ci-dessus aux points 2825 et 2830, quant à la mise en place de l'ETF, au milieu de l'année 1986, en vue de réagir au moyen d'un front commun aux importations qui menaçaient la stabilité des différents marchés d'Europe occidentale, et quant à la participation de Dyckerhoff à cette entente.

2848. Neuvièmement, Dyckerhoff prétend, dans ses observations du 5 janvier 1998, que, d'après une lettre de Holderbank adressée aux membres de l'ETF, elle n'a pas collaboré au suivi et aux mesures d'application de la réunion de Baden-Baden, à laquelle elle aurait seulement participé pour préparer la rencontre avec les députés du Parlement européen. En effet, son nom ne serait pas mentionné sur la liste des destinataires de cette lettre (documents n° 33.126/18870 à 18873).

2849. Toutefois, cet élément, s'il avait pu être mis en lumière par Dyckerhoff au cours de la procédure administrative, n'aurait pas pu occulter le contenu du procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, qui mentionne la présence de M. Lose, de Dyckerhoff, à cette réunion, au cours de laquelle la constitution de l'ETF, sa finalité anticoncurrentielle, sa composition, ses modalités de travail et les différentes mesures confiées à son examen ont été successivement examinées (décision attaquée, paragraphe 25, points 22 à 32; documents n° 33.126/18857 à 18862). Les commentaires que Dyckerhoff aurait pu développer au cours de la procédure administrative, à partir de la lettre de Holderbank mentionnée au point précédent, pour chercher à démontrer qu'elle avait participé à cette réunion dans la seule perspective des actions politiques envisagées auprès des membres du Parlement européen n'auraient, à cet égard, pas pu pallier l'absence totale d'éléments démontrant que, au cours de cette réunion, Dyckerhoff aurait explicitement informé les autres participants qu'elle y assistait dans une optique différente de la leur.

2850. En conclusion, aucun des commentaires de Dyckerhoff n'aurait eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Dyckerhoff n'a donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

4. Affaire T-36-95, SFIC/Commission

2851. Le SFIC affirme, dans ses observations du 10 février 1997, qu'un certain nombre de pièces émanant du dossier britannique (documents n°s 33.126/17157 à 17159, 17163, 17164, 17171, 17172, 17182 et 17193) fait ressortir que la CMF avait entrepris de nombreuses démarches auprès de son administration nationale afin de susciter l'adoption de mesures visant à faire face aux importations en provenance de pays tiers à la Communauté ou de la Grèce. La CMF aurait ainsi pris contact avec le ministère du Commerce et l'OFT (voir ci-dessus point 1147) afin d'envisager des actions gouvernementales et le soutien qu'elle pouvait apporter à celles-ci, en informant notamment le DTI (voir ci-dessus point 416) de la situation du marché quant aux importations en provenance de l'Europe de l'Est (documents n°s 33.126/17220, 17623 à 17625, 17628 à 17630, 17635 à 17638 et 17641 à 17653). Quant à la question des importations en provenance de Grèce, plusieurs pièces du dossier britannique, en particulier le procès-verbal de la réunion de la CMF du 8 octobre 1986 (documents n°s 33.126/17168 et 17178), feraient état de relations directes entre le gouvernement du Royaume-Uni et le gouvernement hellénique, ce qui renforcerait l'argument du SFIC selon lequel cette question était de nature à susciter une réaction bilatérale de nature lobbyiste, bien plus que la mise en œuvre d'ententes. Ces pièces tendraient en outre à conforter la preuve de l'importance du "problème grec" sur le plan économique. Parmi les pièces du dossier concernant le Royaume-Uni, le SFIC vise encore le procès-verbal de la réunion de la CMF du 3 juin 1987, qui fait état des contacts noués par l'administration française avec son homologue britannique, lorsque survinrent les menaces d'importation, en France, via le port de Rouen, de ciment en provenance de Grèce. Enfin, plusieurs pièces du dossier afférent à l'Espagne (documents n°s 33.322/1319 à 1323, 1604, 1607 et 1608) attesteraient que des démarches ont été effectuées par Oficemen auprès de ses autorités gouvernementales dans le cadre d'actions de lobbying portant sur diverses questions, par exemple celle de la certification de la qualité du ciment. Tous ces documents auraient été particulièrement utiles au SFIC pour étayer sa thèse quant à la licéité des actions qu'il a menées, individuellement ou à travers Cembureau, pendant la période en cause. Le SFIC estime en effet que, si l'accord Cembureau avait existé, les démarches des différentes associations nationales pour lutter contre les importations (notamment en provenance de Grèce) auraient été radicalement différentes.

2852. Dans ses observations du 7 janvier 1998, le SFIC se prévaut d'une série de pièces (documents n° 33.126/2088 à 2096, 2122 à 2125, 7717 à 7722, 11003, 11004, 11021, 11022, 11052, 11053, 11066 à 11068, 11077 à 11079, 11122 à 11124, 11130, 11131, 11180, 11181, 15388, 16436, 16437, 16467, 16468, 16469, 16470, 16471, 16472 à 16474, 16488, 16489, 16490, 16508 et 16509) confortant selon lui ses explications, fournies au cours de la procédure administrative, qui visaient à démontrer que son action et celles d'autres associations et entreprises européennes, destinées à faire face au niveau européen aux exportations illicites au départ de la Grèce, avaient consisté en des démarches politiques auprès des instances gouvernementales et communautaires, avec l'appui particulier des membres du Parlement européen, démarches qui auraient d'ailleurs porté leurs fruits. Le SFIC fait encore état du procès-verbal de la réunion du 29 mars 1988 du comité de direction de CBR (documents n° 33.126/7635 à 7637), qui illustrerait la relative passivité de la Commission à l'égard de la situation de l'industrie du ciment grecque, malgré la non-conformité de certaines de ses pratiques avec les règles communautaires. Ce document aurait été utile au SFIC pour mieux appréhender la question des importations, en Europe, de ciment en provenance de Grèce et justifier la nécessité des actions de lobbying menées par la suite, tant au niveau des associations professionnelles que de certains producteurs de ciment. Enfin, le SFIC se réfère à l'extrait d'un mémoire de Blue Circle du 8 décembre 1989 adressé à la Commission (documents n° 33.126/13633 à 13648), qui indiquerait que les documents relatifs aux importations en provenance de Grèce, saisis par les agents de la Commission chez Blue Circle, "confortent pleinement l'allégation de Blue Circle selon laquelle, bien que des discussions aient eu lieu quant à diverses solutions envisageables pour résoudre les problèmes liés à la décision grecque d'exporter du ciment fortement subventionné au Royaume-Uni, aucun accord ou arrangement avec les autres producteurs de ciment européens n'a jamais été conclu ou mis en œuvre" (document n° 33.126/13643). Selon le SFIC, l'information contenue dans ce mémoire aurait dû, au nom du respect des droits de la défense, lui être rendue accessible au cours de la procédure administrative, dans la mesure où elle aurait constitué une pièce à décharge.

2853. Toutefois, il a déjà été souligné à différentes reprises (voir, notamment, ci-dessus point 2819) que la Commission n'a jamais nié que la question des importations en Europe occidentale, notamment en provenance de Grèce, avait donné lieu à une campagne de sensibilisation et de pressions auprès des autorités nationales et communautaires sur les effets de ces importations à bas prix, mais qu'elle ne s'est intéressée, dans la décision attaquée, qu'aux mesures qui étaient allées au-delà de ces démarches politiques (décision attaquée, note en bas de page n° 115). Les commentaires que le SFIC aurait pu formuler au cours de la procédure administrative pour insister sur les démarches politiques suscitées par la question grecque n'auraient donc pu qu'illustrer un aspect de ce dossier dûment relevé et non contesté par la Commission. Ils n'auraient, en revanche, pas permis d'écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a à juste titre établi, au paragraphe 53, que les menaces d'importation, en Europe occidentale, de ciment en provenance de Grèce avaient donné lieu, outre à des actions politiques, à la constitution de l'ETF aux fins de l'examen des mesures dissuasives et persuasives susceptibles d'éliminer les importations de ciment à bas prix (en priorité celles en provenance de Grèce) sur les marchés européens.

2854. En outre, ces commentaires n'auraient pas permis d'écarter les différentes constatations objectives opérées par la Commission au paragraphe 29, point 4, de la décision attaquée, et sur la base desquelles elle a retenu à juste titre la participation du SFIC à l'infraction relative à l'accord constitutif de l'ETF.

2855. Quant aux commentaires que le SFIC aurait pu développer au cours de la procédure administrative à partir du document de CBR (documents n° 33.126/7635 à 7637), ils auraient rejoint les observations formulées par Lafarge au cours de l'audition du 12 mars 1993 pour tenter de justifier par un prétendu état de légitime défense les mesures collectives prises par les producteurs européens contre les importations en provenance de Grèce, observations sur lesquelles la Commission a pris position au paragraphe 53, point 8, de la décision attaquée.

2856. Enfin, les commentaires que le SFIC aurait pu formuler au cours de la procédure administrative à partir des dénégations de Blue Circle (documents n° 33.126/13633 à 13648), entreprise directement impliquée dans l'ETF, n'auraient de toute évidence pas permis d'écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a à juste titre conclu à l'existence de la coalition "ETF" et à l'implication du SFIC dans cette entente anticoncurrentielle.

2857. En conclusion, les différents commentaires du SFIC n'auraient pas eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Le SFIC n'a donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

5. Affaire T-39-95, Ciments français/Commission

2858. Ciments français prétend, dans ses observations du 10 février 1997, que certains documents relatifs aux chapitres de la CG consacrés à la Grèce, au Royaume-Uni et à l'Italie lui auraient permis d'établir que, contrairement aux assertions de la Commission, les actions entreprises à l'encontre des importations en provenance de Grèce n'avaient été menées ni par l'ETF ni par les chefs de délégation ni encore sur la base d'une entente entre Cembureau et plusieurs producteurs européens.

2859. Elle se réfère, à cet égard, à différents documents [notes internes d'Italcementi des 15 et 26 octobre 1987 (documents n° 33.126/2945 à 2951) et compte rendu de la réunion du 12 janvier 1988 d'un groupe de travail à Rome (documents n° 33.126/19871 à 19873)] se rapportant à des mesures relatives aux importations en Italie de ciment en provenance de Grèce, et qui ne feraient nullement référence à un quelconque accord passé entre producteurs italiens et européens au niveau de Cembureau ou de l'ETF.

2860. Elle prétend ensuite que les mesures concernant les importations au Royaume-Uni de ciment en provenance de Grèce n'ont été le fait ni des chefs de délégation ni de l'ETF et qu'elles n'ont eu aucun lien avec Cembureau. Elle mentionne, à cet égard, une série de documents, dont les dates coïncideraient avec celles des réunions de l'ETF ou des chefs de délégation visées par la Commission, et qui indiqueraient que les producteurs britanniques ont recherché seuls, aux niveaux national et communautaire, une solution juridique et politique aux difficultés soulevées par les importations en provenance de Grèce, sans qu'aucune référence ait jamais été faite à des actions concertées avec l'ETF ou les chefs de délégation (documents n° 33.126/10827, 10828, 17157 à 17159, 17166 à 17170, 17178, 17179 et 19881 à 19887).

2861. Dans ses observations du 21 novembre 1997, Ciments français mentionne plusieurs documents qui démontreraient que l'ETF et les réunions des représentants de l'industrie européenne du ciment ont eu pour seul but d'organiser des actions de lobbying, aux niveaux national et communautaire, sous l'impulsion des producteurs britanniques, afin qu'il fût mis un terme aux subventions aux exportations de la Grèce vers le reste de la Communauté (documents n° 33.126/18961, 16494, 16495, 16493, 16508, 16489, 16490, 16469, 18962, 18963, 16463, 11021, 11022, 11052, 11053, 18972, 16443, 11079, 16436, 16437, 11123 à 11126, 11165 à 11167, 11171 à 11175 et 19014 à 19016). En outre, certains de ces documents confirmeraient que le seul rôle joué par M. Laplace, président de Ciments français et, à l'époque, président du SFIC, était de représenter l'industrie française dans ces démarches politiques (documents n° 33.126/18962, 18963, 11021, 11022, 11052 et 11053).

2862. Il doit cependant être constaté que tous ces commentaires, s'ils avaient pu être faits par Ciments français au cours de la procédure administrative, n'auraient pas permis d'écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a à juste titre établi, au paragraphe 53, que, à côté des réactions individuelles des marchés les plus directement menacés par les importations en provenance de Grèce (Royaume-Uni et Italie, notamment) et des actions politiques de sensibilisation et de pressions auprès des autorités nationales et communautaires, la "question grecque" avait donné naissance à la constitution de l'ETF à l'initiative d'une série de grandes entreprises, parmi lesquelles Ciments français, aux fins de l'examen, en vue de recommandations aux chefs de délégation, des mesures dissuasives et persuasives susceptibles d'éliminer les importations déstabilisantes (en priorité celles en provenance de Grèce) sur les marchés européens.

2863. Il convient encore de souligner que, lors de l'audition du 12 mars 1993, Ciments français, après avoir déclaré que M. Laplace, son président, à l'époque également président de l'ETF, avait assisté aux réunions de Rome, de Stockholm et de Bruxelles, avait affirmé que la présence de M. Laplace "à ces réunions de head delegates tenait à son rôle au syndicat et au comité de liaison" (décision attaquée, paragraphe 25, point 9).

2864. Nonobstant ces affirmations, la Commission a estimé (décision attaquée, paragraphe 53, point 13):

"Même si M. Laplace a participé, comme d'autres représentants, en sa qualité de président d'une association ou d'un comité, il ne pouvait pas faire abstraction de sa qualité de président de Ciments français en participant à ces réunions. Sa présence, donc, garantissait le rôle du syndicat et du comité au sein de la task-force, de même que le rôle de la société qu'il présidait."

2865. Les commentaires de Ciments français exposés ci-dessus au point 2861, visant à souligner que le seul rôle joué par M. Laplace était de représenter l'industrie française dans les actions politiques menées dans le cadre de l'affaire grecque, n'auraient pas apporté d'élément neuf à ce débat. Ils n'auraient donc pas pu conduire à exclure la responsabilité de Ciments français dans l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée.

2866. En conclusion, les différents commentaires de Ciments français n'auraient pas eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Ciments français n'a donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

6. Affaire T-42-95, Heidelberger/Commission

2867. Heidelberger prétend, dans ses observations du 20 février 1998, que plusieurs documents démontrent qu'elle n'avait aucun intérêt économique à prendre part à des mesures dissuasives à l'encontre des producteurs grecs, dans la mesure où l'Allemagne du Sud ne pouvait être concernée par les livraisons grecques, pour des raisons géographiques. Elle cite, premièrement, les documents n° 33.126/19902, 19910, 19918 et 19935, dont il ressortirait qu'Heracles n'avait effectué aucune livraison de ciment en Allemagne durant les années 1985 et 1986, deuxièmement, la page 8 du document de 32 pages repris dans le classeur L, pages parmi lesquelles figurent les documents n° 33.126/19411 à 19418, dont le contenu indiquerait également que, de 1985 à 1989, il n'y avait pas eu de livraisons, en Allemagne, de ciment en provenance de Grèce, et, troisièmement, les documents n° 33.126/19397 et 19401, dont le contenu démontrerait que, en 1990, il n'y avait pas eu non plus de telles livraisons en Allemagne, alors même que, selon les propres constatations de la Commission (décision attaquée, paragraphe 25, point 48), l'ETF n'existait plus. Heidelberger relève encore que, à l'exception des pièces citées dans la décision attaquée, il n'est fait aucune mention de son nom dans tous les classeurs relatifs à l'ETF. Elle prend pour exemple les nombreuses pièces relatives à la création d'Interciment, et mentionne en particulier les documents n° 33.126/7639 à 7641, 7643, 7644, 7657 et 7658.

2868. Il convient toutefois d'observer que les commentaires que Heidelberger aurait pu faire au cours de la procédure administrative à partir de ces différents documents afin de démontrer son prétendu manque d'intérêt pour des mesures de lutte contre les importations en provenance de Grèce n'auraient pas permis d'écarter la constatation faite par la Commission, au paragraphe 25, point 1, de la décision attaquée quant à la participation de l'entreprise allemande à la réunion du 28 mai 1986 à Rome, où il fut convenu de réagir rapidement et ensemble à la décision de l'industrie du ciment grecque d'exporter deux millions de tonnes de ciment en Europe occidentale, décision ressentie comme un "problème très sérieux" pour l'"ensemble des marchés" (document n° 33.126/18771). Ces commentaires n'auraient donc pas permis d'exclure la responsabilité de Heidelberger dans l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée.

2869. En conclusion, les commentaires de Heidelberger n'auraient pas eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Heidelberger n'a donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

7. Affaire T-43-95, Lafarge/Commission

2870. Lafarge prétend que l'accès à l'intégralité de la CG et du dossier d'instruction de la Commission lui aurait permis d'étayer utilement sa défense, au cours de la procédure administrative, sur quatre points précis en relation avec le grief tiré de la constitution de l'ETF: l'inexistence d'un cartel européen de lutte contre les importations en provenance de Grèce; le contexte économique et la dimension politique de la question grecque; le rôle joué par l'ETF dans cette affaire; l'information de la Commission quant aux réflexions menées au sein de l'ETF.

2871. Premièrement, Lafarge se prévaut, dans ses observations du 10 février 1997 et du 28 janvier 1998, de l'absence totale de référence, dans les pièces qui lui ont été rendues accessibles à la suite des mesures d'organisation de la procédure rappelées ci-dessus au point 2816, à l'existence d'un cartel européen chargé de combattre les importations de ciment en provenance de Grèce.

2872. Il doit toutefois être relevé que les commentaires que Lafarge aurait pu développer à partir de cette prétendue constatation n'auraient pas été de nature à écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a à juste titre conclu, au paragraphe 53, à l'existence d'une entente multilatérale entre diverses entreprises - parmi lesquelles Lafarge - et associations d'entreprises européennes ayant porté sur la constitution de l'ETF aux fins de l'examen des mesures dissuasives et persuasives susceptibles d'éliminer les importations déstabilisantes en Europe occidentale, en priorité celles en provenance de Grèce.

2873. Deuxièmement, Lafarge présente, dans ses observations du 10 février 1997 et du 28 janvier 1998, un grand nombre de documents qui, selon elle, lui auraient été utiles au cours de la procédure administrative pour illustrer le contexte économique et la dimension politique de la question grecque.

2874. Dans ses observations du 10 février 1997, elle cite, en premier lieu, un procès-verbal de la réunion du 17 juillet 1986 de la CMF (document n° 33.126/17158), illustrant la dimension politique de la question grecque, en deuxième lieu, des documents démontrant les actions déployées en vain par les pouvoirs publics britanniques auprès de la Commission afin de combattre le "problème grec" (documents n° 33.126/17163, 17171 et 19880), en troisième lieu, des documents se rapportant aux mesures prises par les pouvoirs publics britanniques à l'égard du Gouvernement hellénique pour empêcher les importations de ciment en provenance de Grèce, et qui évoqueraient notamment la conclusion d'un accord intergouvernemental de quotas (documents n° 33.126/17168, 17178 et 19878), et, en quatrième lieu, des documents ayant trait à l'intervention de l'autorité britannique de la concurrence, et qui démontreraient l'implication des autorités publiques britanniques dans les manœuvres de leur industrie du ciment pour contrer les menaces d'importations subventionnées en provenance de Grèce (documents n° 33.126/17133, 17171, 17169, 17168 et 17176). Lafarge produit encore deux procès-verbaux de réunions de la CMF (documents n° 33.126/17191 à 17196, particulièrement 17193), qui attesteraient que l'ETF a vu ses efforts dépassés par la voie politique, à savoir la conclusion, en décembre 1986, d'un accord intergouvernemental helléno-britannique de limitation des importations, au Royaume-Uni, de ciment en provenance de Grèce.

2875. Dans ses observations du 28 janvier 1998, Lafarge invoque, en premier lieu, des documents qui ne contiendraient aucune mention de l'existence d'un cartel européen et qui démontreraient ainsi le caractère unilatéral des actions entreprises par l'industrie britannique (documents n° 33.126/10825, 10827 à 10829, 11007 à 11009, 10837, 11015 à 11020, 11074, 11075, 11110, 11116 et 11000), en deuxième lieu, des documents illustrant le soutien politique obtenu par l'industrie britannique dans ce dossier (documents n° 33.126/16473 et 16474), en troisième lieu, des documents démontrant que les seules actions entreprises pour résoudre le "problème grec" furent celles des pouvoirs publics visant à mettre fin aux aides illégales accordées à l'industrie du ciment grecque (documents n° 33.126/11119 à 11131, 11165, 10840 à 10844, 11164 à 11169, 11171, 11172, 111777 et 11190 à 11191), en quatrième lieu, des documents montrant que des actions politiques avaient été entreprises par les industries allemande, belge et italienne (documents n° 33.126/18961, 16494, 16495, 16465 à 16468, 16472, 16508, 16436, 16442, 2088 à 2090, 2122 à 2125, 16087, 16088, 16091 à 16104, 16016 à 16110 et 7725 à 7740) et, en cinquième lieu, des documents établissant l'existence d'un cartel grec orienté vers le marché britannique et soutenu par le Gouvernement hellénique (documents n° 33.126/19369, 19370 à 19392, 11004, 11108 et 11109).

2876. Toutefois, il a déjà été souligné à différentes reprises (voir, notamment, ci-dessus point 2819) que la dimension politique de la question grecque n'avait pas échappé à la Commission, mais que celle-ci s'était uniquement concentrée, dans la décision attaquée, sur les mesures qui étaient allées au-delà de ces actions politiques (note en bas de page n° 115). Par ailleurs, au paragraphe 28, point 13, de la décision attaquée, la Commission relève la conclusion, en décembre 1986, de l'accord intergouvernemental helléno-britannique de limitation des importations, au Royaume-Uni, de ciment en provenance de Grèce, en soulignant qu'il a été fait état de cet accord "de haute politique" à la réunion du 17 mars 1987 du sous-groupe de l'ETF "Mesures de défense".

2877. La Commission avait également bien perçu le contexte d'aides étatiques qui présida à la réaction des producteurs européens aux importations en provenance de Grèce (voir ci-dessus point 2841; décision attaquée, note en bas de page n° 113). Au paragraphe 53, point 8, de la décision attaquée, elle rejette les observations formulées précisément par Lafarge, lors de l'audition de mars 1993, pour tenter de justifier ces réactions par un prétendu état de légitime défense. Pour les raisons exposées au paragraphe 53, point 8, cinquième et sixième alinéas, à savoir que, d'après certains documents, l'objectif de l'ETF était plus large que la seule lutte contre les importations en provenance de Grèce, le même sort aurait nécessairement été réservé à l'argument de Lafarge tiré de l'existence, à l'époque de l'ETF, d'un cartel grec à l'exportation.

2878. Les commentaires que Lafarge aurait pu présenter au cours de la procédure administrative à partir des différents documents visés ci-dessus aux points 2874 et 2875 n'auraient donc pu que rejoindre des considérations dûment prises en compte par la Commission dans la décision attaquée. Ils n'auraient en revanche pas permis d'écarter les constatations objectives, rappelées ci-dessus au point 2872, quant à la création de l'ETF par une série de producteurs et d'associations de producteurs européens - parmi lesquels Lafarge - aux fins de l'examen des mesures dissuasives et persuasives destinées à éliminer les importations de ciment à bas prix (en premier lieu en provenance de Grèce) en Europe occidentale.

2879. Troisièmement, Lafarge invoque, dans ses observations du 10 février 1997 et du 28 janvier 1998, une série de documents visant à montrer que le véritable rôle de l'ETF dans l'affaire grecque consista en des actions de lobbying et de réflexion.

2880. Dans ses observations du 10 février 1997, cette partie requérante met en exergue, sur ce point, les documents n° 33.126/17168, 17176, 17163, 17646, 17648, 17178 et 19878 à 19888.

2881. Dans ses observations du 28 janvier 1998, elle cite des documents indiquant que l'industrie du ciment britannique exhorta à l'époque l'industrie européenne dans son ensemble à s'associer à sa campagne publique de sensibilisation à la question grecque (documents n° 33.126/18961, 18962, 18972 et 19011). Elle met ensuite en avant des documents qui se rapporteraient à la réunion de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden et qui démontreraient que l'objet de cette réunion fut de permettre aux producteurs britanniques d'informer les autres représentants de l'industrie européenne du contenu de la présentation du "problème grec" qu'il avait été envisagé de faire le lendemain à des membres du Parlement européen (documents n° 33.126/11021, 11022, 11033 à 11039, 11052, 11066 à 11068, 11072 et 11077). Enfin, elle invoque des documents relatifs à la réunion de l'ETF du 6 novembre 1986 à Bruxelles, qui démontreraient que l'objet de cette réunion était de préparer l'entrevue qui devait se tenir le même jour avec M. Sutherland, membre de la Commission, au sujet de la question grecque (documents n° 33.126/11077, 11078, 18991, 18992 et 19003).

2882. En ce qui concerne d'abord les documents n° 33.126/11021, 11022, 11033 à 11039, 11052, 11066 à 11068, 11072 et 11077, que Lafarge prétend mettre en rapport avec le contenu de la réunion de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, évoquée au paragraphe 25, point 21, de la décision attaquée, il en ressort tout au plus que diverses réunions ont eu lieu le 9 septembre 1986 à Baden-Baden et le 10 septembre 1986 à Strasbourg. D'après le document n° 33.126/11038, le 9 septembre 1986 se sont successivement déroulés, à midi, une réunion du "groupe de travail", dont l'objet n'est pas précisé, puis, à 19 heures, une réunion "du groupe commercial" ainsi que des "discussions de stratégie pour les réunions du 10 septembre", et, enfin, à 21 heures, un "dîner pour tous les représentants de l'industrie". Le 10 septembre 1986, ont eu lieu, entre 10 heures 30 et 15 heures, une "réunion de briefing avec des membres britanniques du Parlement européen", puis un "lunch avec douze à quinze membres du comité des affaires économiques et monétaires et de la politique industrielle du Parlement européen". Ni le document n° 33.126/11038 ni les autres documents susvisés ne viennent contredire le contenu des pièces visées par la Commission au paragraphe 25, points 21 à 33, de la décision attaquée, dont il ressort, d'une part, que la réunion du 9 septembre 1986 à midi à Baden-Baden était une réunion de l'ETF, "qui a eu surtout pour objet de préparer le briefing sur chaque sujet à présenter aux chefs de délégation se réunissant le jour même après 18 heures" (décision attaquée, paragraphe 25, point 21; document n° 33.126/18848), et, d'autre part, que le même jour en fin d'après-midi s'est tenue, toujours à Baden-Baden, une réunion des "chefs de délégation et des représentants de l'ETF" au cours de laquelle la constitution de l'ETF, son objectif anticoncurrentiel, sa composition, l'organisation de ses travaux et les différentes mesures dissuasives et persuasives dont l'examen lui avait été confié ont été successivement évoqués (décision attaquée, paragraphe 25, points 22 à 32; documents n° 33.126/18849 à 18862).

2883. En ce qui concerne la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles, décrite au paragraphe 25, points 39 à 43, de la décision attaquée, la Commission n'a jamais contesté qu'elle avait eu notamment pour objet de préparer l'entretien prévu avec M. Sutherland (voir décision attaquée, paragraphe 25, point 43). Les commentaires que Lafarge aurait pu présenter au cours de la procédure administrative à partir des documents n° 33.126/11077, 11078, 18991, 18992 et 19003 n'auraient donc pu que corroborer des constatations dûment opérées par la Commission. Ils n'auraient, en revanche, pas pu occulter le fait que, ainsi que cela ressort des notes relatives à cette réunion, citées au paragraphe 25, points 39 à 43, de la décision attaquée (documents n° 33.126/19007 et 19008), il y fut aussi convenu que l'ETF devait continuer à se réunir pour suivre les développements relatifs aux menaces d'importation, sur les marchés d'Europe occidentale, de ciment en provenance de Grèce.

2884. Pour le surplus, les différents commentaires que Lafarge aurait pu présenter au cours de la procédure administrative pour souligner les activités politiques de l'ETF n'auraient pas permis d'écarter les pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a à juste titre établi, au paragraphe 53, que l'ETF avait poursuivi un autre objectif, illicite, à savoir l'examen des mesures dissuasives et persuasives destinées à éliminer les importations déstabilisantes (en priorité celles en provenance de Grèce) sur les marchés d'Europe occidentale.

2885. Quatrièmement, Lafarge invoque, dans ses observations du 28 janvier 1998, les documents n° 33.126/11086, 11130 et 11131, en vue de démontrer que la Commission avait été informée des réflexions menées au niveau de l'ETF sur la question grecque. Ces documents indiqueraient, en effet, que les discussions entre industries britannique et grecque se rattachaient à celles, plus générales, menées sur la manière de résoudre le "problème grec", et qu'elles avaient été abordées ouvertement dans le contexte des actions de lobbying entreprises auprès de la Commission.

2886. Toutefois, les documents en question indiquent tout au plus que la Commission fut informée à l'époque des discussions bilatérales intervenues entre les producteurs de ciment britanniques et grecs dans le cadre de l'affaire grecque. Aucun d'entre eux ne démontre que la Commission ait été mise au courant de la création de l'ETF en vue d'examiner les mesures dissuasives et persuasives susceptibles d'éliminer les importations (notamment en provenance de Grèce) en Europe occidentale. Partant, les commentaires que Lafarge aurait pu présenter au cours de la procédure administrative à partir de ces documents n'auraient pas permis d'écarter le constat exprimé par la Commission au paragraphe 25, point 7, de la décision attaquée, à savoir qu'"[a]ucune entreprise n'a indiqué si [des] agents de la Commission [, et lesquels, avaient] été informés des actions collectives envisagées [au niveau de l'ETF]".

2887. En conclusion, aucun des commentaires de Lafarge n'aurait eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Lafarge n'a donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

8. Affaire T-44-95, Aalborg/Commission

2888. Aalborg vise, premièrement, dans ses observations du 10 février 1997, une série de documents du dossier concernant le Royaume-Uni (documents n° 33.126/17627, 17629, 17630 et 17641 à 17653, particulièrement 17641 et 17646), relatifs à l'examen, par la Commission, d'une plainte antidumping déposée par les producteurs européens de ciment, ainsi que d'actions de la profession destinées à dénoncer les aides accordées par la Grèce à son industrie locale, et non pas, comme la Commission le prétend au paragraphe 15 de la CG, à sanctionner une quelconque violation de l'accord Cembureau par les producteurs grecs. Ces documents auraient permis à Aalborg de réfuter la thèse de la Commission quant à la constitution, en 1986, de l'ETF en vue de garantir l'application de l'accord Cembureau, adopté en 1983. Plusieurs extraits de comptes rendus de réunions de la CMF qui se sont tenues entre juillet et septembre 1986 (documents n° 33.126/17158, 17163, 17164, 17168) lui auraient, pour leur part, permis de démontrer que la présence de son directeur, M. Larsen, à une réunion préparatoire du 9 septembre 1986 à Baden-Baden s'expliquait non pas par son implication dans une quelconque Cembureau Task Force, mais par sa participation à une action de sensibilisation, à Strasbourg, le 10 septembre 1986, de membres du Parlement européen à l'égard du problème posé par les subventions illégales accordées par la République hellénique à son industrie du ciment. Ces comptes rendus de réunions, qui attestent aussi de l'évolution du dossier "antidumping", auraient en outre été utiles à Aalborg pour étayer sa défense quant à la légitimité des activités de l'industrie du ciment. Enfin, Aalborg évoque une note interne relative à la réunion du 19 juin 1986 du "Management Group" de Blue Circle (documents n° 33.126/10822 et 10823), qui ferait état des menaces représentées par les importations, dans le cadre d'un procédé de dumping, de ciment en provenance de Grèce, ainsi que des actions de lobbying envisagées auprès des autorités britanniques en vue de tenter de circonscrire cette menace. Cette note, qui se rapporterait à la période qui a immédiatement précédé l'invitation faite par Blue Circle à Aalborg de prendre contact avec ses autorités nationales et avec les membres danois du Parlement européen pour obtenir une intervention sur les aides grecques illicites, lui aurait été particulièrement utile pour exposer les raisons légitimes l'ayant conduite à participer à la réunion préparatoire du 9 septembre 1986 à Baden-Baden.

2889. Dans ses observations du 12 janvier 1998, Aalborg fait état d'une série de documents (documents n° 33.126/16469, 11000, 11001, 11007 à 11009, 11074, 11075, 18961, 18962, 18963, 11004, 11021, 11022, 11062 à 11064, 11054 à 11060, 16183, 11028 à 11031, 11033 à 11038, 7723, 11072, 17173, 17174, 11126, 11130, 11131, 11138 à 11141, 11116, 11117, 18892 à 18997 et 15388, et documents n° 33.322/1319 à 1323). Ces documents attesteraient que si, à partir de 1986, l'industrie européenne du ciment s'est montrée préoccupée par le commerce intracommunautaire, ces inquiétudes avaient seulement trait aux importations en provenance de Grèce bénéficiant de subventions des autorités nationales. Ils montreraient également que ces inquiétudes ont donné lieu, d'une part, à la constitution d'une ETF regroupant uniquement quelques grands producteurs européens de ciment (le "Group of Eight"), à l'exclusion d'Aalborg, et, d'autre part, à des démarches, parfaitement légitimes et essentiellement instiguées par Blue Circle, de sensibilisation des autorités nationales et communautaires. Ces démarches, qui auraient d'ailleurs été partiellement couronnées de succès, seraient les seules actions auxquelles Aalborg aurait pris part. Elles expliqueraient sa participation, le 9 septembre 1986 à Baden-Baden, à une réunion préparatoire à l'entrevue du lendemain, à Strasbourg, avec des membres du Parlement européen, réunion dont la Commission aurait erronément déduit l'implication d'Aalborg dans l'entente illicite ETF.

2890. Toutefois, il a déjà été souligné à diverses reprises (voir, notamment, ci-dessus points 2819 et 2841) que la Commission avait bien perçu la dimension politique et le contexte économique du problème lié aux importations en provenance de Grèce (voir notes en bas de page n° 113 et 115 de la décision attaquée). Les commentaires qu'Aalborg aurait pu faire valoir sur ces différents aspects du dossier grec n'auraient donc pu que rejoindre des considérations dûment prises en compte par la Commission dans la décision attaquée. Ils n'auraient, en revanche, pas permis d'écarter les pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a à juste titre établi, au paragraphe 53, que, parallèlement aux actions de sensibilisation et de pressions auprès des autorités publiques nationales et communautaires, la survenance de la question des exportations grecques avait donné lieu à la constitution de l'ETF aux fins de l'examen des mesures dissuasives et persuasives susceptibles d'éliminer les importations de ciment à bas prix (en premier lieu celles en provenance de Grèce) en Europe occidentale.

2891. Ces commentaires n'auraient pas non plus permis d'écarter, au cours de la procédure administrative, la constatation objective faite par la Commission, au paragraphe 25, point 23, de la décision attaquée, quant à la participation de M. Larsen, d'Aalborg, à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, où la constitution de l'ETF, sa finalité anticoncurrentielle, sa composition, l'organisation de ses travaux et les différentes mesures dont l'examen lui avait été confié, ont été successivement évoquées (décision attaquée, paragraphe 25, points 22 à 32; documents n° 33.126/18849 à 18862). A cet égard, les observations qu'Aalborg aurait pu formuler au cours de la procédure administrative à partir des documents visés ci-dessus aux points 2888 et 2889 pour tenter de démontrer qu'elle avait pris part à cette réunion dans la seule perspective des actions politiques envisagées auprès des membres du Parlement européen n'auraient pas pu pallier l'absence totale d'éléments démontrant que, à cette réunion, Aalborg aurait explicitement informé les autres participants qu'elle y assistait dans une optique totalement différente de la leur.

2892. Quant à l'accent particulier qu'Aalborg aurait pu mettre au cours de la procédure administrative sur le fait qu'elle n'avait pas été membre du "groupe des huit" constitutif de l'ETF, il convient de relever, d'une part, que la Commission n'a jamais soutenu qu'Aalborg faisait partie de ce groupe (voir ses constatations au paragraphe 25, point 24, de la décision attaquée, quant à la composition de l'ETF) et, d'autre part, qu'elle expose, au paragraphe 53, point 4, de la décision attaquée, les motifs qui l'amènent à juger "sans aucun fondement" "[l]'affirmation de certaines entreprises et associations d'entreprises selon laquelle, n'ayant pas participé aux réunions de la task-force ou des sous-groupes, mais seulement aux réunions des chefs de délégation, elles ne [pouvaient] pas être tenues pour responsables des mesures étudiées".

2893. Les commentaires d'Aalborg n'auraient donc, en définitive, pas permis d'exclure la responsabilité de l'entreprise danoise dans l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée.

2894. Deuxièmement, Aalborg relève, dans ses observations du 10 février 1997, que la note interne de Blue Circle mentionnée ci-dessus au point 2888 (documents n° 33.126/10822 et 10823) soulignait la nécessité de consulter un juriste dans le cadre des mesures à prendre à l'égard des importations illicites en provenance de Grèce.

2895. A cet égard, il y a lieu de faire observer que la Commission relève, au paragraphe 25, points 1 et 7, de la décision attaquée, que les participants à l'ETF avaient envisagé de s'adjoindre l'avis d'un expert en droit communautaire sur la légalité des actions envisagées. Les commentaires qu'Aalborg aurait pu faire valoir sur ce point au cours de la procédure administrative n'auraient donc pu que corroborer des indications dûment relevées par la Commission dans la décision attaquée. Ils n'auraient, en revanche, pas permis d'écarter le constat objectif qui se dégage des pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée, à savoir que, nonobstant ces déclarations d'intention, l'ETF fut mise sur pied en se voyant confier l'examen des mesures dissuasives et persuasives destinées à éliminer les importations de ciment à bas prix en Europe occidentale, objectif manifestement contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

2896. Troisièmement, Aalborg invoque, dans ses observations du 12 janvier 1998, une note interne d'Italcementi du 15 octobre 1987 (documents n° 33.126/2945 à 2948), qui montrerait que la dénomination "ETF" a également servi, en Italie, à désigner une forme de coopération régionale ad hoc, destinée à lutter contre les importations, sur ce marché, de ciment en provenance de Grèce faisant l'objet de dumping. Ce document attesterait donc que l'ETF n'avait pas le caractère institutionnalisé que la Commission lui prête dans la décision attaquée, et qu'elle n'était pas la traduction de l'accord Cembureau.

2897. Toutefois, cette indication, si elle avait pu être mise en exergue par Aalborg au cours de la procédure administrative, n'aurait pas permis d'écarter l'abondant faisceau des pièces visées par la Commission au paragraphe 25, points 10 à 48, de la décision attaquée, dont il ressort que la dénomination "ETF" fut également attribuée au groupe de travail constitué au milieu de l'année 1986 à l'échelle européenne pour examiner, en vue de recommandations aux chefs de délégation, les mesures dissuasives et persuasives destinées à éliminer les importations de ciment à bas prix en Europe occidentale.

2898. En conclusion, aucun des commentaires d'Aalborg n'aurait eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Aalborg n'a donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

9. Affaire T-48-95, BDZ/Commission

2899. Le BDZ prétend, dans ses observations du 10 février 1997, que plusieurs documents figurant dans les dossiers concernant la France, le Royaume-Uni et la Grèce (documents n° 33.126/14832, 17129, 17141, 17171, 17176, 17187, 17193, 17196, 17071, 17158, 19882 et 19884) démontrent que les activités entreprises par les producteurs européens pour contrer les importations de ciment en provenance de Grèce, actions auxquelles il admet avoir pris part pour représenter les intérêts de l'industrie du ciment allemande, se sont limitées à des démarches licites auprès des autorités nationales et communautaires.

2900. Toutefois, ces commentaires du BDZ, s'ils avaient pu être présentés au cours de la procédure administrative, n'auraient pu que confirmer la réalité des démarches politiques suscitées par la question des exportations grecques, démarches non contestées par la Commission. Ils n'auraient en revanche pas permis d'écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a à juste titre établi, au paragraphe 53, que la survenance du "problème grec" avait donné lieu à la constitution de l'ETF par différents producteurs et associations de producteurs européens, dont le BDZ, aux fins de l'examen des mesures dissuasives et persuasives susceptibles d'éliminer les importations de ciment à bas prix (en premier lieu celles en provenance de Grèce) en Europe occidentale.

2901. Ces commentaires n'auraient donc pas eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Le BDZ n'a donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

10. Affaire T-50-95, Unicem/Commission

2902. Dans ses observations du 7 février 1997, Unicem faisait notamment valoir qu'il était ressorti de la consultation du dossier faisant suite à la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996 que les documents examinés ne comportaient pas la moindre preuve d'une concertation générale à l'échelle européenne à l'occasion du problème posé par les importations en provenance de Grèce.

2903. A l'appui de cette argumentation, Unicem avançait une série de documents issus des dossiers nationaux, qu'elle identifiait par référence, selon le cas, à la pagination adoptée par la Commission lors de l'exécution de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996 ou à la pagination/numérotation de la CG. Aucun de ces documents n'était toutefois joint à ses observations.

2904. Dans son mémoire déposé au greffe du Tribunal le 28 novembre 1997 à la suite de sa consultation du solde du dossier de la Commission dans le cadre de la mesure d'organisation de la procédure des 18 et 19 juin 1997, Unicem a réparé cet oubli en intégrant tous les commentaires qu'elle avait formulés dans ses observations du 7 février 1997 et en joignant en annexe les différents documents sur lesquels elle s'était appuyée dans celles-ci.

2905. Dans ses observations du 28 novembre 1997, Unicem soutient que les documents nationaux faisant état des préoccupations et des réactions suscitées par les importations, sur les marchés européens, de ciment en provenance de Grèce (documents n° 33.126/7720, 7725, 7740, 7635 à 7638 particulièrement 7637 , 17163, 17157 à 17160, 17172, 17193, 17219 à 17225, 17624, 17625, 17631 à 17633, 17635 à 17638, 17641 à 17653, 10827, 10828, 17178, 17179, 10842, 10843, 15354, 15363, 11077, 11086, 15364 à 15367, 15368, 11087, 11166, 11188, 11189, 15386, 15387, 6881, 6882, 15351 à 15353, 15355, 15363 à 15367, 15388 et 2088 à 2097 particulièrement 2094 ) démontrent que le "problème grec" a été traité de manière totalement autonome sur chaque marché et par des mesures adaptées au type d'agression subie par celui-ci, sans la moindre concertation à l'échelle européenne. Tous ces documents contrediraient la thèse de la Commission fondée sur un prétendu dessein unique et préétabli par Cembureau, destiné à sanctionner les producteurs grecs pour leur violation de la règle du respect des marchés domestiques. Ils auraient donc dû amener la Commission à apprécier la responsabilité respective de chaque industrie nationale, plutôt qu'à tenir l'ensemble de l'industrie européenne pour responsable des réactions isolées prises contre les importations en provenance de Grèce. Unicem souligne également que les documents britanniques ne comportent ni allusion à l'implication de Cembureau, de l'ETF ou de l'ECEC dans cette affaire, ni mention du prétendu soutien que la Commission accuse les producteurs italiens d'avoir accordé aux producteurs britanniques dans leur lutte contre les importations en provenance de Grèce, ni référence à Unicem. Les documents français (en particulier documents n° 33.126/17219 à 17225) montreraient pour leur part que, lorsque la France se trouva confrontée aux menaces d'importations en provenance de Grèce, le gouvernement français s'adressa directement à son homologue britannique. Ces indications prouveraient le rôle totalement marginal de Cembureau dans la solution de ces questions. Bon nombre des documents traitant des importations en provenance de Grèce, en particulier les documents britanniques, feraient apparaître que les actions de lobbying menées à l'initiative des producteurs britanniques (Blue Circle en particulier) auprès des pouvoirs politiques et institutionnels, ainsi que les négociations individuelles entre certains producteurs européens et les producteurs grecs, ont été largement prépondérantes dans la solution du "problème grec", ce qui confirmerait le rôle purement marginal de l'ETF, qui aurait simplement fait office de "caisse de résonance" des initiatives unilatérales des producteurs britanniques. Enfin, Unicem n'aurait trouvé, dans les dossiers relatifs à l'Espagne, au Portugal et à l'Allemagne, aucun document qui laisserait supposer que les importations en provenance de Grèce avaient fait l'objet d'une attention et d'une réaction concertées au niveau européen.

2906. Unicem prétend encore que les dossiers nationaux confirment que les réflexions sur la dynamique des importations et les actions destinées à y faire face étaient menées de manière isolée au niveau de chaque marché, sans aucune implication des membres de Cembureau, de l'ETF ou de l'ECEC. Lesdits dossiers attesteraient également qu'Unicem a été étrangère à ces initiatives de "verrouillage" des marchés, qui ne présentaient au demeurant pas le moindre intérêt pour elle, dans la mesure où elle n'exportait pas. Dans le dossier afférent à la France, Unicem vise particulièrement les documents n° 33.126/14806, 14807, 14938, 15025, 15026, 15040, 14809 à 14826, 14938 à 14976, 5688, 1394, 1395, 5648, 5747, 5748, 5695, 5696, 5751 et 5674, ainsi que les paragraphes 78 et 81 de la CG. Dans le dossier relatif au Royaume-Uni, elle cite les paragraphes 74 (p. 199) et 77 (p. 202) de la CG, ainsi que les documents n° 33.126/17641 à 17654; ces derniers documents contrediraient aussi les conclusions tirées par la Commission au paragraphe 16 de la CG, selon lesquelles les prix britanniques étaient les plus élevés d'Europe. Des dossiers relatifs à l'Espagne et au Portugal, Unicem extrait les chapitres 18 et 19 particulièrement le paragraphe 89 de la CG. Parmi les éléments du dossier se rapportant à l'Allemagne, elle invoque spécialement les paragraphes 47 (p. 126) et 84 (p. 213 et 214), et parmi ceux relatifs à la Grèce, le paragraphe 86 (p. 218).

2907. Ces différents commentaires, s'ils avaient pu être présentés par Unicem au cours de la procédure administrative, n'auraient cependant pas permis d'écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a à juste titre établi, au paragraphe 53, que la survenance de la question des exportations grecques avait suscité outre des démarches politiques, des réactions isolées sur certains marchés et des contacts bilatéraux entre les autorités nationales de certains pays de la Communauté - la mise en place au niveau européen de l'ETF, aux fins de l'examen des mesures dissuasives et persuasives susceptibles d'éliminer les importations déstabilisantes (en premier lieu celles en provenance de Grèce) en Europe occidentale, notamment en Italie, l'un des pays les plus menacés à l'époque par de telles importations.

2908. Ces commentaires n'auraient pas davantage permis d'écarter les constatations objectives exposées par la Commission au paragraphe 25, points 24 et 47, de la décision attaquée, quant à la participation de M. Albert, d'Unicem, à la réunion du 17 mars 1987 du sous-groupe de l'ETF "Mesures de défense" (documents n° 33.126/4858 à 4861), conformément à ce qui avait été convenu lors de la création, à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, de sous-groupes de travail destinés à assister l'ETF, qui ne parvenait plus à faire face seule à la charge de travail engendrée par la mission qui lui avait été confiée (décision attaquée, paragraphe 25, point 24; documents n° 33.126/18858 et 18862). Partant, ils n'auraient pas permis d'exclure la responsabilité d'Unicem dans l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée.

2909. Il convient encore de préciser que, contrairement à ce qu'Unicem paraît prétendre, la Commission n'a jamais soutenu ni dans la CG ni dans la décision attaquée que l'ECEC avait participé aux mesures de lutte contre les importations, en Europe occidentale, de ciment en provenance de Grèce. Les commentaires qu'Unicem aurait pu faire valoir au cours de la procédure administrative pour nier toute implication de l'ECEC dans la solution de la question grecque auraient donc été totalement dénués de pertinence.

2910. En conclusion, les commentaires d'Unicem n'auraient pas eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Unicem n'a donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

11. Affaire T-55-95, Asland/Commission

2911. Asland affirme, dans ses observations du 10 février 1997, qu'il n'existe pas la moindre trace, parmi les nombreux documents figurant dans les dossiers nationaux, d'une quelconque participation ou intervention de sa part dans les activités et les mesures d'exécution de l'ETF. Au contraire, il ressortirait d'une lettre adressée le 25 novembre 1986 par le directeur de la CMF au directeur de l'OFT (voir ci-dessus point 1147) (documents n° 33.126/17641 à 17653) que l'Espagne constituait une menace grave pour l'application du principe de respect des marchés domestiques, à tel point que, avant son adhésion à la Communauté, elle avait fait l'objet d'une procédure antidumping de la part de l'industrie européenne du ciment. Ces considérations rendraient difficilement soutenable la thèse de la Commission selon laquelle les entreprises espagnoles, et Asland en particulier, auraient participé, cinq mois seulement après l'adhésion de leur pays à la Communauté, à des pratiques et accords collusoires destinés à garantir le respect des marchés domestiques. Asland relève ensuite que les comptes rendus des réunions de la CMF tenues entre le 9 janvier 1985 et le 1er juin 1988 (documents n° 33.126/17056 à 17259) ne comportent pas la moindre allusion à une quelconque responsabilité ou participation d'Asland dans des mesures anticoncurrentielles sur le marché britannique ou européen. En revanche, ces différentes pièces mentionneraient d'autres entreprises européennes, comme Titan, et feraient état de discussions sur les aides accordées par la République hellénique à son industrie du ciment, des négociations menées par le gouvernement du Royaume-Uni et le Gouverment hellénique avec la Commission, et des contacts noués par la profession avec le Parlement européen sur cette question (voir documents n° 33.126/17166 à 17170, particulièrement 17168). Pour Asland, il est logique de supposer que le même souci de légalité a guidé les discussions qui se sont tenues le 28 mai 1986 à Rome au sujet de la question grecque.

2912. Dans ses observations du 5 février 1998, Asland relève encore qu'elle ne figurait pas parmi les "membres de la 'European Task Force' qui devaient prendre une participation dans Interciment SA", auxquels Holderbank a écrit le 22 septembre 1986 (document n° 33.126/18328). Cela démontrerait qu'Asland n'a en aucune manière participé à l'ETF.

2913. Il doit néanmoins être constaté que ces commentaires, s'ils avaient pu être formulés par Asland au cours de la procédure administrative, n'auraient pas permis d'écarter la constatation objective faite par la Commission au paragraphe 25, point 1, de la décision attaquée quant à la participation d'Asland à la réunion du 28 mai 1986 à Rome, au cours de laquelle les producteurs européens convinrent pour la première fois de réagir rapidement, au moyen d'un front commun, par des mesures dissuasives et persuasives, à la décision de l'industrie grecque d'exporter deux millions de tonnes de ciment en Europe occidentale (document n° 33.126/18771). Ils n'auraient donc pas permis d'exclure la responsabilité d'Asland dans l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée.

2914. Quant à l'accent particulier qu'Asland aurait pu mettre sur le fait qu'elle n'avait pas été membre de l'ETF et qu'elle ne s'était pas vu réclamer par Holderbank le remboursement d'une quote-part des actions d'Interciment, il convient de relever, d'une part, que la Commission n'a jamais considéré qu'Asland était un membre direct de l'ETF (voir, notamment, ses constatations au paragraphe 25, point 24, de la décision attaquée quant à la composition de l'ETF) et, d'autre part, qu'elle constate, au paragraphe 26, point 6, de la décision attaquée, que l'entreprise espagnole destinataire de la lettre du 22 septembre 1986 par laquelle Holderbank demanda le paiement de la quote-part espagnole du capital d'Interciment fut Hornos Ibéricos. Les commentaires qu'Asland aurait pu formuler à partir du document n° 33.126/18328, mentionné ci-dessus au point 2912, auraient donc tout au plus pu corroborer des points non contestés par la Commission.

2915. Enfin, il a déjà été souligné à maintes reprises (voir, notamment, ci-dessus points 2819 et 2841) que la Commission avait bien perçu la dimension politique et le contexte économique du dossier grec (voir notes en bas de page n° 113 et 115 de la décision attaquée). Les commentaires qu'Asland aurait pu développer au cours de la procédure administrative pour illustrer ces deux aspects du dossier n'auraient donc pu que rejoindre des considérations dûment relevées et non contestées par la Commission dans la décision attaquée.

2916. En conclusion, les commentaires d'Asland n'auraient pas eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Asland n'a donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

12. Affaires T-58-95, Uniland/Commission, et T-59-95, Oficemen/Commission

2917. Uniland et Oficemen soutiennent, dans leurs observations du 10 février 1997 et du 3 mars 1998, qu'il n'existe aucune mention ni preuve, dans les documents auxquels elles ont pu accéder à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997, de leur participation à l'accord constitutif de l'ETF, constatée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée. Au contraire, différents documents figurant dans les dossiers relatifs à la Grèce, au Royaume-Uni et à l'Italie attesteraient que les mesures de lutte contre les importations en provenance de Grèce ont procédé non pas d'une entente multilatérale à laquelle Uniland et Oficemen auraient participé, mais de réactions unilatérales des producteurs britanniques, d'une part, et des producteurs italiens, d'autre part.

2918. Parmi les pièces figurant dans le dossier concernant la Grèce, Uniland et Oficemen invoquent, dans leurs observations du 10 février 1997 et du 3 mars 1998, une série de documents qui démontreraient le caractère purement bilatéral des contacts intervenus à l'époque entre les producteurs grecs et italiens, d'une part, et entre les producteurs grecs et britanniques, d'autre part, ainsi que le caractère strictement local des accords proposés ou conclus par les producteurs italiens, d'un côté, et par les producteurs britanniques, de l'autre, pour lutter contre les importations, sur leur marché, de ciment en provenance de Grèce. Aucun de ces documents ne contiendrait, en revanche, de référence à Uniland et à Oficemen, ni, plus largement, à des entreprises européennes autres que grecques, britanniques et italiennes. Dans leurs observations du 10 février 1997, Uniland et Oficemen citent ainsi une série de procès-verbaux de réunions du conseil d'administration d'Heracles tenues entre juillet et décembre 1986 (documents n° 33.126/19878 à 19880, 19881, 19882, 19883, 19884 et 19885 à 19887). Dans leurs observations du 3 mars 1998, elles se réfèrent tout d'abord à une lettre adressée le 2 septembre 1988 par Titan à ses avocats (documents n° 33.126/19195 à 19197), qui expliquerait (voir particulièrement document n° 33.126/19196) que la non-exécution, par l'entreprise italienne Calcestruzzi, du contrat de fourniture de ciment conclu avec Titan en avril 1986 fut la conséquence d'un accord intervenu entre le groupe Calcestruzzi/Ferruzzi et les seuls producteurs de ciment italiens. Elles renvoient également sur ce point aux documents n° 33.126/19188 à 19193 et 19197 à 19200. Elles font ensuite état d'une note se rapportant à une réunion du 12 janvier 1988 des producteurs de ciment italiens chez Cementir à Rome (documents n° 33.126/19871 à 19873), qui démontrerait que la réaction aux importations, en Italie, de ciment en provenance de Grèce fut le fait des seuls producteurs italiens.

2919. Du dossier concernant le Royaume-Uni, Uniland et Oficemen retirent, dans leurs observations du 10 février 1997, plusieurs documents [comptes rendus de réunions de la CMF de 1986 et de 1987 (documents n° 33.126/17163, 17164, 17168 à 17172, 17173, 17174, 17176, 17177, 17178, 17179, 17187, 17196 et 17215), lettre de la CMF à l'OFT (documents n° 33.126/17646 et 17647) et compte rendu d'une réunion de Blue Circle du 19 juin 1986 (documents n° 33.126/10827 et 10828)] qui corroboreraient le caractère strictement bilatéral des contacts intervenus entre les marchés (industries et autorités publiques) britannique et grec dans le cadre du "problème grec", de même que la dimension purement locale des réactions britanniques aux importations en provenance de Grèce. Les seules références, dans ces documents, aux autres producteurs européens auraient trait à des réunions tenues avec M. Sutherland, membre de la Commission, ainsi qu'avec certains membres du Parlement européen, en vue d'obtenir l'intervention de la Commission dans le dossier des aides illégales accordées par la République hellénique. Dans leurs observations du 3 mars 1998, Uniland et Oficemen renvoient encore à d'autres documents trouvés parmi les pièces britanniques, à savoir l'extrait relatif au point 1.2. ("Accord d'enlèvement avec l'industrie grecque") du procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des membres de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (documents n° 33.126/16150 à 16155, particulièrement 16151 et 16152), une note interne de Blue Circle du 4 septembre 1986 intitulée "Management Briefing Note: Greek Imports" (documents n° 33.126/11026 et 11027), une lettre du 22 septembre 1986 de Blue Circle à Holderbank (documents n° 33.126/13108 et 13109), une note de discussion de Blue Circle intitulée "Cheap Imports Meeting at 9.30 a.m. on Monday 7th July 1986" (documents n° 33.126/13104 à 13106), ainsi que deux notes internes de Blue Circle de septembre 1986 (documents n° 33.126/11080 à 11084). Tous ces documents prouveraient que les réactions britanniques aux importations en provenance de Grèce ont revêtu une dimension strictement locale, à l'exclusion de tout accord, réaction ou mesure d'envergure européenne, et que les seules actions relatives à la solution du "problème grec", dans lesquelles Uniland et Oficemen furent impliquées, ont été des réunions de sensibilisation des autorités communautaires (Commission et Parlement européen) à la question des subventions de la République hellénique à son industrie du ciment. Quant au procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des membres de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (documents n° 33.126/16150 à 16155), Oficemen prétend que ce document dissipe définitivement tout doute quant à sa participation à l'ETF, puisqu'il n'est nullement fait mention, dans la liste des participants, de la présence d'un de ses représentants (voir particulièrement document n° 33.126/16150).

2920. Parmi les pièces figurant dans le dossier relatif à l'Italie, Uniland et Oficemen invoquent, dans leurs observations du 10 février 1997, deux documents, à savoir des extraits d'une lettre d'Italcementi du 26 octobre 1987 (document n° 33.126/2950) et, une nouvelle fois, du compte rendu de la réunion tenue le 12 janvier 1988 chez Cementir (document n° 33.126/19872). Ces documents ne contiendraient aucune allusion à une quelconque participation, directe ou indirecte, d'Uniland et d'Oficemen aux mesures prises par le marché italien pour lutter contre les importations en provenance de Grèce. Au contraire, ils confirmeraient la dimension purement locale de ces mesures. Dans leurs observations du 3 mars 1998, Uniland et Oficemen se prévalent, parmi les pièces italiennes, d'un extrait des réponses fournies par Unicem à la Commission en octobre 1989 au sujet des activités de l'ETF (documents n° 33.126/12060 à 12065, particulièrement 12063), ainsi que d'une lettre dans laquelle Calcestruzzi explique à la Commission que la réduction de ses importations en provenance de Grèce était imputable au seul fait que les autorités italiennes ne lui avaient pas délivré les autorisations nécessaires pour la construction d'un quai destiné au débarquement du ciment (documents n° 33.126/16317 à 16321, particulièrement 16319).

2921. Toutefois, il convient de rappeler (voir ci-dessus point 250) que plusieurs des documents mis en avant par Uniland et Oficemen dans leurs observations du 3 mars 1998 avaient été classés "A" ou "A: producteurs européens", aux fins de la consultation du dossier pendant la procédure administrative (voir documents n° 33.126/11026, 11027, 11080 à 11084, 19195 et 19196). Par ailleurs, les documents suivants se trouvaient dans la boîte (voir ci-dessus point 95): procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden [documents n° 33.126/16151 à 16155, dont le contenu est identique à celui des documents n° 33.126/18857 à 18862, qui figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95)], "Management Briefing Note" de Blue Circle du 4 septembre 1986 (documents n° 33.126/11026 et 11027), lettre du 22 septembre 1986 de Blue Circle à Holderbank [documents n° 33.126/13108 et 13109, dont le contenu correspond à celui des documents n° 33.126/11094 et 11095, qui figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95)], note de discussion de Blue Circle intitulée "Cheap Imports" [documents n° 33.126/13104 à 13106, dont le contenu coïncide avec celui des documents n° 33.126/10992 à 10994, qui figuraient dans la boîte (voir ci-dessus point 95)] et notes internes de Blue Circle de septembre 1986 (documents n° 33.126/11080 à 11084). Uniland et Oficemen auraient donc pu utiliser tous ces documents pour étayer leur mémoire en réponse à la CG. Dans ces conditions, elles ne sauraient à présent les invoquer pour démontrer l'existence d'une violation de leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative.

2922. En toute hypothèse, les commentaires qu'Uniland et Oficemen auraient pu faire valoir au cours de la procédure administrative, à partir des différents documents visés ci-dessus aux points 2918 à 2920, pour illustrer les contacts bilatéraux intervenus, lors de la survenance du "problème grec", entre les marchés britannique et grec, d'une part, et les marchés italien et grec, d'autre part, n'auraient pas permis d'écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a à juste titre établi, au paragraphe 53, que, parallèlement aux réactions isolées des producteurs britanniques et italiens, la question des importations en provenance de Grèce avait conduit à la constitution de l'ETF au niveau européen, en vue de l'examen des mesures dissuasives et persuasives susceptibles d'éliminer les importations de ciment à bas prix (en premier lieu celles en provenance de Grèce) en Europe occidentale.

2923. Ces commentaires n'auraient pas davantage permis d'écarter les constatations objectives faites par la Commission au paragraphe 25, points 23 et 39, de la décision attaquée quant à la participation de M. Rumeu, d'Uniland, à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden- Baden et à la réunion des représentants de l'industrie européenne du ciment du 6 novembre 1986 à Bruxelles. Ils n'auraient pas non plus permis d'écarter les constatations opérées en ce qui concerne Oficemen au paragraphe 29, point 3, de la décision attaquée quant à la désignation, lors de la réunion du 9 septembre 1986 susvisée, de M. Andia comme membre du sous-groupe de l'ETF "Mesures de défense" et à la participation de celui-ci à la réunion de ce sous-groupe du 17 mars 1987, d'une part, et à la présence d'un représentant de "l'industrie espagnole et, par ce fait même, [d']Oficemen, [...] aux réunions de chefs de délégation du 9 juin 1986, du 9 septembre 1986 et du 6 novembre 1986", d'autre part. Partant, les commentaires qu'Uniland et Oficemen auraient pu développer au cours de la procédure administrative n'auraient pas pu occulter le fait qu'elles avaient toutes deux marqué leur soutien à la constitution de l'ETF et à sa finalité anticoncurrentielle.

2924. Uniland et Oficemen affirment encore, dans leurs observations du 3 mars 1998, avoir trouvé, dans le dossier concernant la Grèce, une série de contrats de fourniture de ciment conclus, pendant la période d'infraction retenue, entre les producteurs grecs et les producteurs européens (documents n° 33.126/19175 à 19178, 19855 à 10859 (sic), 19447 à 19454, 19754 à 19762, 19770 à 19778, 19781 à 19786, 19793 à 19798, 19802 à 19812, 19817 à 19832, 20011 à 20019, 20104 à 20117, 20132 à 20137, 20140 à 20147, 20148 à 20156, 20157 à 20164, 20166, 20167, 20225, 20226, 20229 à 20239, 20240 à 20249 et 20259 à 20267), ainsi qu'entre les producteurs grecs et les producteurs de pays tiers à la Communauté, à destination de celle-ci (documents n° 33.126/20065 à 20071). L'existence de ces différents contrats serait la preuve que les importations vers la Communauté à partir de la Grèce se sont poursuivies avec la même régularité pendant la période d'infraction concernée. Uniland et Oficemen estiment donc que, si elles avaient eu accès à ces différentes pièces pendant la procédure administrative, elles auraient disposé d'un moyen de défense supplémentaire pour réfuter les allégations de la Commission selon lesquelles l'objectif de l'ETF était de limiter les importations de ciment (en particulier de ciment en provenance de Grèce) en Europe occidentale. Elles ajoutent que le rapport de gestion de Titan pour l'année 1988 (document n° 33.126/19432) traduit un renforcement spectaculaire de la présence de l'entreprise grecque sur le marché italien cette année-là, ce qui contredirait les conclusions dégagées par la Commission, notamment au paragraphe 53 de la décision attaquée.

2925. A cet égard, il convient d'abord de rappeler (voir ci-dessus point 250) que les documents n° 33.126/19754, 19762, 19770, 19776, 19817, 19819, 19827, 20011, 20019, 20065, 20071 et 20072 avaient été classés "A" ou "A: producteurs européens", aux fins de la consultation du dossier pendant la procédure administrative. Uniland et Oficemen auraient donc pu utiliser tous ces documents pour étayer leur mémoire en réponse à la CG. Dans ces conditions, elles ne sauraient à présent les invoquer pour démontrer l'existence d'une violation de leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative.

2926. De toute manière, ces commentaires auraient tout au plus permis à Uniland et à Oficemen de souligner que l'accord constitutif de l'ETF ne s'était pas traduit par des effets anticoncurrentiels. Ils n'auraient en revanche pas permis d'écarter les pièces visées aux paragraphes 25, points 15 et 24, et 53, point 7, de la décision attaquée, à partir desquelles la Commission a établi à juste titre que cet accord avait poursuivi un objectif manifestement anticoncurrentiel, à savoir l'élimination des importations en Europe occidentale, ce qui suffisait à le rendre contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir jurisprudence citée au point 837 ci-dessus).

2927. En conclusion, aucun des commentaires d'Uniland et d'Oficemen n'aurait eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Uniland et Oficemen n'ont donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative.

13. Affaire T-60-95, Irish Cement/Commission

2928. Irish Cement prétend, premièrement, dans ses observations du 10 février 1997, que les réunions des 9 et 10 septembre et du 6 novembre 1986, au cours desquelles elle a été invitée à participer à du lobbying auprès d'hommes politiques européens et, en particulier, de M. Sutherland, membre de la Commission, à propos des aides d'État grecques, ont été utilisées par la Commission comme des éléments de preuve visant à démontrer que l'ETF était un organisme de Cembureau, dans lequel Irish Cement était impliquée, directement et en raison de sa qualité de membre direct de Cembureau. Elle soutient que la Commission disposait pourtant de preuves, plus précisément d'une série de procès-verbaux de réunions de la CMF, montrant, d'une part, que les réunions des 9 et 10 septembre 1986 entre des "cimentiers européens" et des membres du Parlement européen avaient été organisées et coordonnées par Blue Circle (voir documents n° 33.126/17163 et 17168) et, d'autre part, que la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles avait eu pour objet de préparer la réunion entre des "chefs de l'industrie cimentière de la CEE" ou des "hauts représentants de différentes industries cimentières européennes" et M. Sutherland (voir documents n° 33.126/17176 et 17182). Tous ces documents attesteraient que, contrairement à ce que la Commission prétend dans la décision attaquée, aucune de ces réunions ne fut une réunion des "chefs de délégation" de Cembureau, que l'ETF ne fut qu'une association des principaux producteurs européens de ciment, créée à des fins de lobbying, et que les activités de cette ETF ne pouvaient donc pas être attribuées à Cembureau, lequel ne serait d'ailleurs pas mentionné dans ces différentes pièces. Il ressortirait aussi de ces documents qu'aucune référence n'a été faite, au cours de ces deux réunions, à l'accord Cembureau. Dans ses observations du 5 janvier 1998, Irish Cement invoque encore plusieurs documents relatifs aux réunions des 9 et 10 septembre 1986 (documents n° 33.126/11052, 11053, 11056 à 11060, 11061, 11062 et 7717 à 7722), qui lui auraient été utiles pour démontrer que la participation de son représentant (M. Quirke) à ces réunions était légitime et de bonne foi, dès lors que, à la connaissance de celui-ci, lesdites réunions auraient eu pour seul but de sensibiliser les autorités communautaires au problème posé par les aides d'État grecques.

2929. Dans ses observations du 5 janvier 1998, Irish Cement se prévaut de différents procès-verbaux de réunions du comité exécutif de Cembureau (documents n° 33.126/7882 à 7886 et n° 33.322/1423 à 1444), et plus spécialement du procès-verbal de la réunion du comité exécutif de Cembureau du 30 mai 1983 (documents n° 33.322/1429 et 1431), pour insister à nouveau sur le fait que les réunions de l'ETF n'étaient pas des réunions des "chefs de délégation" de Cembureau. Ces différents documents montreraient en effet que ces réunions étaient toujours préparées par le comité exécutif, ne pouvaient être convoquées que par ce comité et faisaient toujours l'objet d'un rapport ultérieur au niveau de celui-ci. Or, tel n'aurait pas été le cas des réunions de l'ETF, qui furent convoquées par Blue Circle, plus exactement par Sir John Milne, comme l'attesteraient, pour les réunions des 9 et 10 septembre 1986, les documents n° 33.126/7717 à 7722 (note du 11 septembre 1986 de M. Sytor, de CBR, relative aux réunions des 9 et 10 septembre 1986 à Baden-Baden et à Strasbourg).

2930. Toutefois, il y a lieu d'observer que, en ce qui concerne les réunions des 9 et 10 septembre 1986, les commentaires qu'Irish Cement aurait pu présenter au cours de la procédure administrative à partir des différents documents visés aux deux points précédents auraient tout au plus montré que, pendant ces deux journées, les producteurs européens s'étaient livrés à des pressions politiques en relation avec la question grecque. Ces commentaires n'auraient en revanche pas permis d'écarter le contenu des documents visés au paragraphe 25, points 22 à 32, de la décision attaquée, dont il ressort que, le 9 septembre 1986 en fin d'après-midi, s'est tenue, à Baden-Baden, une réunion des "chefs de délégation et des représentants de la task-force", à laquelle M. Quirke, représentant d'Irish Cement, a participé, et qui fut exclusivement consacrée, après un rappel explicite de la finalité illicite de l'ETF, à la composition de l'ETF, à l'organisation de ses travaux et aux différentes mesures qui avaient été confiées à son examen (décision attaquée, paragraphe 25, points 22 à 32; documents n° 33.126/18857 à 18862).

2931. Il convient encore de souligner que, dans la note de CBR invoquée par Irish Cement (voir ci-dessus point 2929; documents n° 33.126/7717 à 7722), il est fait état d'une réunion du 9 septembre 1986 à Baden-Baden qui a eu pour "objet essentiel [... le] 'debriefing' du working group ('Task Force committee established in Stockholm')". D'après la note, ont été abordées à cette réunion la création de la "Joint Trading Company", ainsi que "les études effectuées par le, ou en cours auprès du, working group". Ces indications corroborent donc, plutôt qu'elles ne les infirment, les constatations faites par la Commission au paragraphe 25, points 22 à 32, de la décision attaquée à partir des documents n° 33.126/18849 à 18862. En outre, il ressort de la même note de CBR que, au cours de la réunion en question, Sir John Milne, de Blue Circle fut "d'accord de ne pas interrompre les contacts avec les cimentiers grecs, mais [de réorienter] ces contacts sur l'idée d'un engagement d'enlèvement de quantités importantes de ciment grec par les autres cimentiers (idée 'Trading Group) [;] le working group poursuivra". Plus loin, au titre de "diverses informations", il est souligné que "M. Quirke a déclaré qu'à son avis il faudrait ajouter aux trois actions déjà en cours ou prévues (à savoir 'Trading Group mesures de protection par gouvernements nationaux lobbying auprès CEE) une 'quatrième dimension, à savoir une action au niveau 'Liaison Committee Cembureau". Ces extraits révèlent que l'intérêt d'Irish Cement dans les actions envisagées pour lutter contre les importations en provenance de Grèce ne s'est pas limité aux démarches politiques, mais qu'il s'est également porté sur les mesures de nature privée envisagées pour freiner de telles importations. Ils n'auraient donc pas servi la défense d'Irish Cement au cours de la procédure administrative à l'encontre du grief tiré de la constitution de l'ETF.

2932. En ce qui concerne la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles, décrite au paragraphe 25, points 39 à 43, de la décision attaquée, la Commission n'a jamais contesté que celle-ci avait eu en partie pour objet de préparer la rencontre prévue avec M. Sutherland (voir décision attaquée, paragraphe 25, point 43). Les commentaires qu'Irish Cement aurait pu présenter au cours de la procédure administrative à partir des documents visés ci-dessus au point 2928 auraient donc tout au plus confirmé des constatations dûment prises en considération par la Commission. Ils n'auraient en revanche pas pu occulter le fait, résultant des notes relatives à cette réunion citées au paragraphe 25, points 39 à 43, de la décision attaquée (documents n° 33.126/19007 et 19008), que les participants, dont Irish Cement, convinrent que l'ETF devait continuer à se réunir pour suivre les développements relatifs aux menaces d'importation, sur les marchés d'Europe occidentale, de ciment en provenance de Grèce.

2933. Enfin, les commentaires qu'Irish Cement aurait pu formuler au cours de la procédure administrative pour chercher à démontrer que les réunions auxquelles elle avait participé en septembre et en novembre 1986 n'avaient pas été des réunions de chefs de délégation de Cembureau et que l'ETF n'était pas une émanation de Cembureau n'auraient, en tout état de cause, pas permis d'écarter les constatations objectives liées à la présence de M. Quirke aux deux réunions visées au paragraphe 25, respectivement, points 22 à 32 et points 39 à 43, de la décision attaquée. Partant, ils n'auraient pas permis d'exclure la responsabilité d'Irish Cement dans l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée. Il convient d'ailleurs de souligner que, au cours de la procédure administrative, les entreprises allemandes avaient fait valoir que "les personnes présentes aux réunions de [...] Baden-Baden et [de] Bruxelles n'avaient pas la qualité de chefs de délégation", ce à quoi la Commission a répondu que "cette qualité [avait] été donnée par la task-force et par les comptes rendus, et non par la Commission" (décision attaquée, paragraphe 53, point 6). Des observations comparables à celles à présent formulées par Irish Cement ont donc été dûment examinées par la Commission dans la décision attaquée.

2934. Deuxièmement, Irish Cement avance, dans ses observations du 5 janvier 1998, différents documents (documents n° 33.126/11180 à 11182 et 15386) se rapportant à une lettre adressée par M. Marshall, de Blue Circle, à une série de producteurs européens de ciment pour les remercier de leur aide dans la solution du problème posé par les aides d'Etat grecques. Ces documents seraient révélateurs de l'imprécision terminologique de M. Marshall, qui aurait utilisé l'expression "Cembureau people" ("gens de Cembureau") pour désigner les producteurs européens de ciment. Irish Cement estime que, si elle avait eu accès à ces documents au cours de la procédure administrative, elle aurait pu démontrer que la référence faite par M. Marshall dans le procès-verbal de la réunion de l'EPC du 13 mai 1987 à la "Cembureau Task Force" pour désigner la "European Task Force" procédait de la même imprécision terminologique et que, contrairement à ce que la Commission en a déduit dans la CG (paragraphe 16), cette référence ne signifiait donc pas que l'ETF était une coalition formée au niveau de Cembureau.

2935. Toutefois, ces commentaires auraient tout aussi bien pu renforcer la conviction de la Commission que le cartel constitué par différents producteurs européens de ciment pour lutter contre les importations, en Europe occidentale, de ciment en provenance, notamment, de Grèce était le fait de "gens de Cembureau" et, partant, qu'il avait vu le jour au niveau de cette association européenne. En tout cas, ils n'auraient pas permis d'écarter la constatation faite au paragraphe 24, point 3, de la décision attaquée, selon laquelle M. Marshall "occupait une position qui lui permettait d'avoir une bonne connaissance des structures de Cembureau et de ses activités", constatation qui a amené la Commission à considérer que la référence à la "Cembureau Task Force" dans la note relative à la réunion de l'EPC du 13 mai 1987, rédigée par M. Marshall, "établi[ssait] effectivement le lien entre Cembureau et la task-force, ce lien résultant des termes mêmes choisis par M. Marshall".

2936. De toute manière, les commentaires d'Irish Cement sur ce point n'auraient pas permis d'écarter les constatations objectives, rappelées ci-dessus aux points 2930 et 2932, sur la base desquelles la Commission a à juste titre conclu à la participation d'Irish Cement à l'accord constitutif de l'ETF.

2937. En conclusion, aucun des commentaires d'Irish Cement n'aurait eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Irish Cement n'a donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

14. Affaire T-65-95, Italcementi/Commission

2938. Premièrement, Italcementi soutient, dans ses observations du 10 février 1997, que les chapitres 7 et 17 de la CG, relatifs au marché grec, confirment que la Commission a commis une grave erreur d'appréciation en n'accordant pas toute l'importance requise à l'illicéité manifeste des activités d'exportation des producteurs grecs qui, non seulement bénéficiaient de subventions de leur gouvernement, incompatibles avec l'article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE), mais avaient en plus passé un "gentlemen's agreement" pour leurs exportations vers la Communauté, accord dont la Commission aurait elle-même reconnu, dans les chapitres de la CG relatifs à la Grèce, l'existence effective et la nature potentiellement anticoncurrentielle. Selon la partie requérante, ces éléments lui auraient été particulièrement utiles pour souligner le caractère purement défensif de l'ETF.

2939. Dans ses observations du 26 novembre 1997, Italcementi vise encore une série de documents (documents n° 33.126/19369 à 19377) qui attesteraient l'existence, dès 1962, d'accords spécifiques, entre les producteurs de ciment grecs, sur leurs exportations. Ces accords auraient été destinés à éviter que tout excès de capacité bousculât les équilibres internes de leur marché domestique.

2940. Sur ce point, il convient toutefois de faire observer que, lors de l'audition du 12 mars 1993, Lafarge a insisté sur l'état de légitime défense qui avait prétendument présidé à la création de l'ETF (décision attaquée, paragraphe 53, point 8, premier alinéa). La Commission expose, au paragraphe 53, point 8, deuxième à sixième alinéa, les raisons qui l'ont amenée à rejeter une telle argumentation. Eu égard aux considérations ainsi développées par la Commission, en particulier aux cinquième et sixième alinéas, à savoir que différents documents relatifs à l'ETF indiquent que l'objectif de celle-ci était plus large que la seule lutte contre les importations en provenance de Grèce, le même sort aurait nécessairement été réservé à l'argument d'Italcementi tiré de l'existence, à l'époque de l'ETF, d'un cartel grec à l'exportation.

2941. Deuxièmement, Italcementi prétend, dans ses observations du 10 février 1997, que les chapitres nationaux de la CG (en particulier les chapitres 7 et 17, relatifs à la Grèce, et 4 et 14, relatifs au Royaume-Uni) ainsi que les documents afférents à ces chapitres (documents n° 33.126/10827, 10828, 17157, 17158, 19879, 19880, 17163, 17164, 17169, 17171, 17172, 17176, 17168, 17178, 19884, 19886, 17193 et 17220, et documents n° 33.322/1321 et 1322) font ressortir le rôle purement marginal des activités de l'ETF dans la solution du "problème grec", solution qui aurait procédé pour l'essentiel de négociations bilatérales, sous les auspices de la Commission, entre les industries, le Gouvernement du Royaume-Uni et le Gouvernement hellénique. Aucun de ces documents ne ferait ainsi mention de l'ETF, ce qui démontrerait son inutilité et son impuissance à résoudre les difficultés suscitées par les importations sur les marchés d'Europe occidentale de ciment en provenance de Grèce. Ces documents prouveraient que, en réalité, l'ETF, loin d'être le centre décisionnel paneuropéen d'activités anticoncurrentielles à l'encontre des importations en provenance de Grèce, fut tout au plus, d'une part, un "terminal d'information" à travers lequel les producteurs de ciment des divers Etats membres confrontés à la menace grecque se tinrent mutuellement informés des mesures prises ou envisagées à cet égard et, d'autre part, un groupe d'étude et de pression destiné à sensibiliser les autorités communautaires à ce problème. L'absence d'entente européenne à l'encontre des importations en provenance de Grèce s'expliquerait par le fait que, dans un premier temps, l'objectif avoué des producteurs grecs dans leur recherche de nouveaux débouchés pour l'exportation était le marché britannique (document n° 33.126/19882). Ce ne serait qu'après la fixation tripartite (Commission/gouvernement hellénique/gouvernement du Royaume-Uni) de quotas aux exportations de Grèce vers le Royaume-Uni que l'industrie du ciment grecque se serait tournée vers le marché italien. Les documents n° 33.322/1321 et 1322 (extrait du procès-verbal de la réunion du 18 septembre 1986 du comité directeur d'Oficemen), qui rendent compte des démarches des producteurs britanniques auprès de leurs homologues espagnols afin que ceux-ci demandent le soutien des membres espagnols de la Commission dans la solution du "problème grec", prouveraient encore l'absence d'initiative planifiée au niveau de l'ETF pour faire face à ce problème. Italcementi invoque encore le document n° 33.126/17220 (extrait du procès-verbal de la réunion du 3 juin 1987 de la CMF), qui montrerait que, lorsque le marché français fut confronté au problème des importations en provenance de Grèce, des discussions strictement bilatérales s'engagèrent entre les autorités gouvernementales françaises et britanniques.

2942. Dans ses observations du 26 novembre 1997, Italcementi invoque une série de documents (documents n° 33.126/16484 à 16487, 16478, 16473, 16474, 16469, 11062 à 11064, 16489, 16490, 16488, 16470, 16471, 16491 à 16493, 16463, 16464, 16459, 16498 à 16501, 16494, 16495, 16465 à 16468, 11182, 16436 à 16441 et 16508) qui illustreraient les pressions exercées par Blue Circle sur les autres producteurs européens de ciment, notamment les producteurs allemands, afin qu'ils soutiennent les efforts de lobbying faits par l'industrie britannique auprès des autorités communautaires pour dénoncer les importations illicites en provenance de Grèce. Ces documents confirmeraient, en outre, la licéité des activités de l'ETF, ainsi que le rôle déterminant joué par l'industrie britannique dans la solution du "problème grec". D'autres documents (documents n° 33.126/18868, 18869 et 11086) attesteraient l'indépendance de la politique commerciale de Blue Circle, qui, tout en cherchant à rallier ses collègues européens aux activités de lobbying déployées par l'ETF, aurait continué à gérer ses rapports commerciaux avec les producteurs de ciment grecs en toute liberté, en achetant du ciment grec pour ses exploitations aux Etats-Unis. Ces documents confirmeraient ainsi que l'ETF, par-delà sa fonction de lobbying, fut simplement une cellule d'échange d'informations a posteriori sur les actions politiques et les activités commerciales menées sur les différents marchés.

2943. Italcementi produit encore, dans ses observations du 26 novembre 1997, plusieurs documents (documents n° 33.126/19014 à 19016 et 11165) qui démontreraient que les résultats concrets des négociations menées au sujet de la question grecque ont été obtenus par les producteurs de ciment britanniques, de manière totalement indépendante par rapport à l'ETF, dont les activités de lobbying auraient eu pour seuls effets, au demeurant indirects et à long terme, une révision par la Commission, en décembre 1986, de sa décision relative aux aides d'Etat grecques. Ces documents conforteraient la thèse d'Italcementi quant au rôle purement marginal de l'ETF, laquelle aurait en fait été exploitée par les producteurs britanniques qui, dans le même temps, auraient suivi une voie bien plus efficace pour trouver une solution à leur propre problème.

2944. Il doit toutefois être constaté que ces commentaires, s'ils avaient pu être présentés par Italcementi au cours de la procédure administrative, n'auraient pas permis d'écarter les constatations objectives faites par la Commission aux paragraphes 24 et 25 de la décision attaquée, à savoir que les menaces d'exportations des producteurs grecs, "qui se [tournèrent], fin 1985-début 1986, vers l'Europe occidentale et notamment [...] [vers] l'Italie, où des petites associations, formées par des utilisateurs et des petites sociétés d'import-export, avaient pris l'initiative d'importer du ciment grec" (décision attaquée, paragraphe 24, point 1), ont donné lieu à la constitution de l'ETF à l'initiative d'une série de grands producteurs européens, parmi lesquels Italcementi, aux fins de l'examen, en vue de recommandations aux chefs de délégation, des mesures dissuasives et persuasives susceptibles d'éliminer les importations de ciment à bas prix (en premier lieu en provenance de Grèce) en Europe occidentale.

2945. Quant à l'accent particulier qu'Italcementi aurait pu mettre au cours de la procédure administrative sur la contribution marginale de l'ETF à la solution du "problème grec", il n'aurait pas permis d'écarter les pièces visées aux paragraphes 25, points 15 et 24, et 53, point 7, de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a établi le caractère manifestement anticoncurrentiel de l'objectif poursuivi à travers l'accord constitutif de l'ETF, ce qui suffisait à rendre cet accord contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir jurisprudence citée au point 837 ci-dessus).

2946. Troisièmement, Italcementi soutient que, même à supposer que les activités de l'ETF aient pu revêtir un caractère illicite, les différents documents nationaux qu'elle vise dans ses observations du 10 février 1997 pour illustrer la nature des réactions aux importations en provenance de Grèce, s'ils avaient pu être présentés au cours de la procédure administrative, auraient nécessairement conduit la Commission à faire la distinction, dans l'appréciation de la gravité de la responsabilité individuelle des différentes entreprises participantes, entre les producteurs britanniques, qui auraient exercé des pressions de toutes sortes pour faire barrage aux importations en provenance de Grèce et qui seraient finalement parvenus à les réduire au minimum grâce à l'accord tripartite mentionné ci-dessus au point 2941, et les autres producteurs européens, parmi lesquels Italcementi et les autres producteurs italiens, qui auraient assisté à l'écoulement de quantités considérables de produits grecs sur leur marché en devant même concéder à Calcestruzzi, leur plus grand client en Italie, d'importantes réductions de prix lors de la conclusion des contrats d'approvisionnement d'avril 1987.

2947. Toutefois, ces commentaires, s'ils avaient pu être faits par Italcementi au cours de la procédure administrative, n'auraient pas été de nature à infirmer la conclusion générale se dégageant des différents éléments factuels présentés par la Commission au paragraphe 25 de la décision attaquée quant au rôle de premier plan joué par Italcementi dans la constitution de l'ETF, dont elle fut l'une des instigatrices, à travers sa participation aux réunions du 28 mai 1986 à Rome, du 4 juin 1986 à Zurich et du 9 juin 1986 à Stockholm, avant d'assister, en sa double qualité de membre direct de l'ETF et de chef de délégation, à l'ensemble des réunions de, ou relatives à, l'ETF, organisées entre le 17 juin 1986 et le 11 février 1987.

2948. En conclusion, aucun des commentaires d'Italcementi n'aurait eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Italcementi n'a donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

15. Affaire T-68-95, Holderbank/Commission

2949. Premièrement, Holderbank, dans ses observations du 8 février 1997, invoque, parmi les pièces figurant dans le dossier relatif au Royaume-Uni, une série de documents (documents n° 33.126/17157 à 17159, 17160, 17180, 17181, 17184, 17182, 17183, 17191 à 17194, 17219 à 17225, 17624, 17625, 17631 à 17633, 17635 à 17637, 17638, 17641 à 17653 et 17654) qui révéleraient que, à l'époque de l'ETF, la CMF, en accord avec le gouvernement et les autorités du Royaume-Uni, avait eu des contacts et des discussions avec la Commission, afin de résoudre le problème posé par les importations de ciment subventionné en provenance de Grèce. Holderbank estime que, si elle avait eu connaissance de ces documents, elle aurait pu s'en servir à titre complémentaire dans sa défense contre les griefs relatifs à l'ETF.

2950. Toutefois, il a déjà été souligné à plusieurs reprises (voir, notamment, ci-dessus point 2819) que la Commission avait bien compris que la survenance des problèmes liés aux importations de ciment en provenance de Grèce avait donné lieu à des actions de sensibilisation et de pressions auprès des autorités nationales et communautaires, sous l'impulsion des producteurs britanniques, mais qu'elle ne s'était pas intéressée à ce type d'actions dans la décision attaquée (note en bas de page n° 115). Les commentaires que Holderbank aurait pu faire valoir au cours de la procédure administrative pour mettre en exergue les activités politiques suscitées par l'apparition de la question des exportations grecques n'auraient donc pu qu'illustrer un aspect du dossier relevé par la Commission dans la décision attaquée. Ils n'auraient en revanche pas permis d'écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a à juste titre établi, au paragraphe 53, que, parallèlement à ces démarches politiques, l'affaire grecque avait conduit à la constitution de l'ETF, à l'initiative d'un groupe de grands producteurs européens, parmi lesquels Holderbank, en vue de l'examen des mesures dissuasives et persuasives susceptibles d'éliminer les importations de ciment à bas prix (en premier lieu en provenance de Grèce) en Europe occidentale.

2951. Deuxièmement, Holderbank invoque, dans ses observations du 8 février 1997, une note du conseil d'administration d'Heracles du 29 septembre 1986 (documents n° 33.126/19881 et 19882), qui attesterait que les importations, au Royaume-Uni, de ciment en provenance de Grèce ont été empêchées par la seule entente britannique, et non par des ententes internationales, telles que l'ETF, auxquelles Holderbank aurait pris part. Tout en reconnaissant que le "problème grec" fut abordé au niveau de l'ETF, Holderbank affirme que cette note illustre de manière convaincante que l'ETF fut une simple enceinte de discussions, dépourvue de tout moyen d'action.

2952. Toutefois, il convient de faire observer que la note en question indique que, "jusqu'ici, en Angleterre, l'entente a 'terrorisé le marché et a empêché les grosses entreprises du secteur [...] du béton prêt à l'emploi d'acheter du ciment grec sous peine d'ennuis". Contrairement à ce que Holderbank paraît soutenir, elle ne précise pas que l'"entente" en question était l'entente britannique.

2953. En tout état de cause, les commentaires que Holderbank aurait pu formuler au cours de la procédure administrative à partir de cette note n'auraient pas permis d'écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a à juste titre établi, au paragraphe 53, que, à côté des réactions locales des marchés les plus directement menacés (le marché britannique notamment), la survenance de la question liée aux importations en provenance de Grèce avait conduit à la mise en place de l'ETF, à l'initiative d'une série de grandes entreprises, dont Holderbank, aux fins de l'examen, en vue de recommandations aux chefs de délégation, des mesures dissuasives et persuasives susceptibles d'éliminer les importations déstabilisantes (en premier lieu celles en provenance de Grèce) sur les marchés d'Europe occidentale.

2954. Troisièmement, Holderbank soutient, dans ses observations du 8 février 1997, qu'il ressort des chapitres 7 et 17 de la CG particulièrement du chapitre 17, paragraphe 86, premier, deuxième et troisième alinéas, p. 218 , consacrés au marché grec, que la Commission elle-même avait estimé que les accords restrictifs de concurrence des producteurs de ciment grecs avaient eu pour effet d'éliminer la concurrence, tant sur le marché local qu'au niveau des activités d'exportation vers d'autres Etats membres. Holderbank considère que ces constatations de la Commission, si elles lui avaient été rendues accessibles au stade de la procédure administrative, lui auraient été utiles à l'époque, dans la mesure où elles attesteraient que les producteurs de ciment grecs non seulement bénéficiaient de subventions de leurs autorités nationales, mais encore menaient leurs activités locales et à l'exportation sous le couvert d'ententes. Holderbank estime que cette circonstance, qui n'aurait peut-être pas été de nature à excuser la réaction de défense collective organisée à travers l'ETF, aurait néanmoins été retenue par la Commission à sa décharge lors de l'appréciation du montant de l'amende. En outre, l'entente grecque expliquerait que Holderbank n'aurait pas pu lancer en Grèce la contre-offensive alléguée par la Commission, ou qu'elle n'aurait pu le faire qu'au prix de difficultés considérables.

2955. Toutefois, ainsi que cela a déjà été souligné à différentes reprises (voir, notamment, ci-dessus point 2841), Lafarge avait insisté, au cours de l'audition du 12 mars 1993, sur l'état de légitime défense qui avait prétendument présidé à la création de l'ETF (décision attaquée, paragraphe 53, point 8, premier alinéa). La Commission expose, au paragraphe 53, point 8, deuxième à sixième alinéa, les raisons qui l'ont amenée à rejeter une telle argumentation. Eu égard aux considérations ainsi développées par la Commission, en particulier aux cinquième et sixième alinéas, à savoir que différents documents relatifs à l'ETF indiquent que l'objectif de celle-ci était plus large que la seule lutte contre les importations en provenance de Grèce, le même sort aurait nécessairement été réservé à l'argument de Holderbank tiré de l'existence, à l'époque de l'ETF, d'un cartel grec à l'exportation. Pour cette même raison, cet élément n'aurait de toute évidence pas été retenu comme circonstance atténuante aux fins de la détermination de l'amende, laquelle a, du reste, été infligée en raison de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée.

2956. Ensuite, il y a lieu de souligner que, dans la décision attaquée, la Commission s'est bornée à relever, d'une part, que les mesures de "représailles" des producteurs européens sur le marché grec (sous la forme d'exportations en Grèce) avaient figuré parmi les mesures dissuasives ("stick actions") envisagées dans le document de Zurich/Céligny (voir décision attaquée, paragraphe 25, point 4, quatrième tiret; document n° 33.126/18774) et que, d'autre part, la possibilité et la faisabilité économique d'une telle contre-offensive avaient été étudiées lors de différentes réunions de, ou relatives à, l'ETF (décision attaquée, paragraphe 25, points 11, 12, 17, 24, 26 et 45). La Commission n'a cependant jamais prétendu que de telles mesures avaient été effectivement mises à exécution. Au contraire, elle constate, au paragraphe 25, point 26, de la décision attaquée, que, lors de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, "sur le point 3, exportations en Grèce, la task-force a été chargée de présenter aux chefs de délégation pour la fin septembre une recommandation, mais [que] des doutes sérieux de faisabilité économique ont été exprimés". En définitive, ces mesures de contre-offensive n'ont pas été retenues à l'article 4 de la décision attaquée.

2957. En conclusion, aucun des commentaires de Holderbank n'aurait eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Holderbank n'a donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

16. Affaires T-70-95, Aker/Commission, et T-71-95, Euroc/Commission

2958. Aker et Euroc mettent en exergue, dans leurs observations du 10 février 1997, des notes d'Italcementi du 15 octobre 1986 (documents n° 33.126/2945 à 2948), du 26 octobre 1987 (documents n° 33.126/2949 à 2951) et du 13 novembre 1987 (documents n° 33.126/2954 à 2960), qui démontreraient que le "problème grec" a été traité à l'époque sur une base purement bilatérale, entre les principaux producteurs de ciment italiens et leurs homologues grecs. Elles se réfèrent particulièrement à la note d'Italcementi du 13 novembre 1987, susvisée, laquelle énonce, d'après la traduction produite par ces deux parties requérantes: "Nous devons nous demander qui contacter, comment contacter les Grecs et proposer un accord vraiment viable, qui ne devrait pas excéder deux ans, dans l'intention ensuite de mieux gérer, avec les producteurs européens, l'industrie grecque du ciment soit par une participation directe dans le capital, soit par une présence indirecte." Les indications contenues dans cette pièce contrediraient la thèse de la Commission quant à l'existence d'arrangements ou de pratiques concertées multilatéraux préalablement arrêtés entre les producteurs européens au niveau de Cembureau ou de l'ETF.

2959. Il convient toutefois d'observer que les commentaires qu'Aker et Euroc auraient pu présenter au cours de la procédure administrative pour souligner que la survenance du "problème grec" avait donné lieu à des contacts bilatéraux, notamment entre les producteurs italiens et grecs, n'auraient pas permis d'écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a à juste titre établi, au paragraphe 53, que, parallèlement à ces démarches particulières, la question des exportations grecques avait conduit à la mise en place, au niveau européen, de l'ETF, aux fins de l'examen des mesures dissuasives et persuasives susceptibles d'éliminer les importations de ciment à bas prix (en premier lieu en provenance de Grèce) en Europe occidentale.

2960. Ces commentaires n'auraient pas davantage pu occulter les constatations objectives opérées par la Commission au paragraphe 25, points 9, 14, 23, 34 et 45 quant à la participation de représentants d'Aker et d'Euroc à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, à la réunion des chefs de délégation et des membres de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, ainsi qu'aux réunions de l'ETF des 19 août et 21 octobre 1986 et du 11 février 1987. Partant, ils n'auraient pas permis d'exclure la responsabilité d'Aker et d'Euroc dans l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée.

2961. En conclusion, les commentaires d'Aker et d'Euroc n'auraient pas eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Aker et Euroc n'ont donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative.

17. Affaire T-88-95, Blue Circle/Commission

2962. Dans ses observations du 10 février 1997, Blue Circle soutient que les documents du dossier relatif à la Grèce, s'ils lui avaient été accessibles au cours de la procédure administrative, lui auraient permis de faire valoir, premièrement, que les exportations au départ de la Grèce, qui bénéficiaient de subventions publiques propices au dumping et qui faisaient l'objet d'un cartel local, ne procédaient pas d'une concurrence loyale, deuxièmement, que la coordination par Blue Circle des actions des autres producteurs européens était licite, dès lors qu'elle portait exclusivement sur des activités de lobbying auprès des autorités européennes (Parlement européen et Commission), et, troisièmement, que la réaction des producteurs britanniques aux importations en provenance de Grèce avait pour toile de fond un cadre strictement local, indépendant de Cembureau.

2963. Il doit cependant être constaté que les commentaires que Blue Circle aurait pu faire au cours de la procédure administrative à partir du dossier relatif à la Grèce, pour chercher à faire valoir, d'une part, que les réactions des producteurs britanniques aux exportations des entreprises grecques s'inscrivaient dans un cadre strictement local et, d'autre part, que la coordination européenne assumée par Blue Circle lors de la survenance du problème lié aux importations en provenance de Grèce portait exclusivement sur des activités politiques n'auraient pas permis d'écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 25 de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a à juste titre établi, au paragraphe 53, que l'apparition de la question grecque avait donné naissance à la constitution de l'ETF au niveau européen, à l'initiative d'une série de grands producteurs européens, parmi lesquels Blue Circle, aux fins de l'étude des mesures dissuasives et persuasives destinées à éliminer les importations déstabilisantes (en premier lieu celles en provenance de Grèce) sur les marchés d'Europe occidentale.

2964. Ensuite, il a déjà été souligné à différentes reprises (voir, notamment, ci-dessus point 2841) que la Commission avait bien perçu le contexte économique dans lequel était intervenue la réaction des producteurs européens aux exportations des entreprises grecques. Ainsi, elle indique, dans la note en bas de page n° 113 de la décision attaquée, que, "[a]u moment de l'adhésion à la Communauté, l'industrie grecque recevait de nombreuses aides étatiques", avant d'évoquer un certain nombre de décisions qu'elle a prises au sujet de ces aides, pendant et après la période au cours de laquelle l'ETF a été opérationnelle. Au paragraphe 53, point 8, de la décision attaquée, elle expose en détail les motifs qui l'ont amenée à écarter des observations comparables à celles à présent avancées par Blue Circle, tirées de ce que la constitution de l'ETF aurait résulté d'un état de légitime défense contre les exportations, illégalement subventionnées, en provenance de Grèce. Pour les raisons exprimées à cet endroit de la décision attaquée particulièrement aux cinquième et sixième alinéas, à savoir que, d'après certains documents visés au paragraphe 25 de la décision attaquée, l'ETF avait eu un objectif plus large que la lutte contre les importations en provenance de Grèce, le même sort aurait nécessairement été réservé à l'observation de Blue Circle tirée de l'existence, à l'époque de l'ETF, d'un cartel grec à l'exportation.

2965. Dans ses observations du 12 décembre 1997, Blue Circle relève que, au paragraphe 25, point 43, de la décision attaquée, la Commission affirme que les documents n° 33.126/19009 et 19010 se rapportent à la réunion des chefs de délégation du 6 novembre 1986 à Bruxelles, alors que ces documents correspondraient en réalité à des notes du 10 novembre 1986 relatives à la rencontre du 6 novembre 1986 entre M. Sutherland, membre de la Commission, et quelques représentants de l'industrie européenne du ciment.

2966. A cet égard, il est exact que les documents en question ont trait non pas, comme la Commission le laisse entendre au paragraphe 25, point 43, de la décision attaquée, à la préparation, lors de la réunion des "chefs de délégation" du 6 novembre 1986 à Bruxelles, du document destiné à M. Sutherland en prévision de l'entretien qui avait été convenu avec celui-ci à propos de l'affaire grecque, mais bien à l'entretien en question, qui a eu lieu le même jour à Bruxelles. Seuls les documents n° 33.126/19007 et 19008, cités au paragraphe 25, point 39, de la décision attaquée, font état des discussions relatives à la préparation du document destiné au membre de la Commission. Cela étant, Blue Circle n'a pas démontré en quoi elle aurait pu faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent si elle avait pu relever, au stade de ladite procédure, cette erreur de la Commission, qui se rapporte à un volet des activités de l'ETF non retenu ensuite dans la décision attaquée, à savoir les actions de sensibilisation des autorités communautaires aux préoccupations liées aux importations en provenance de Grèce (voir décision attaquée, note en bas de page n° 115).

2967. En conclusion, les commentaires de Blue Circle n'auraient pas eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Blue Circle n'a donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

Accord relatif à la constitution de la société commerciale commune Interciment (décision attaquée, article 4, paragraphe 2)

A Introduction

2968. Aux termes de l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, Holderbank, Blue Circle, Oficemen, Asland, Uniland, Hispacement, le SFIC, Lafarge, Ciments français, le BDZ, Dyckerhoff, Heidelberger, Aker, Euroc, CBR, Italcementi, Unicem et Cementir "ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, du 9 juin 1986 au 26 mars 1993, en participant à un accord portant sur la constitution de la Joint Trading Company, Interciment SA, ayant pour but d'exécuter les mesures persuasives et dissuasives à l'encontre de ceux qui menaçaient la stabilité des marchés des pays membres".

2969. A l'exception d'Hispacement, qui n'a pas introduit de recours en annulation contre la décision attaquée, toutes les entreprises et associations d'entreprises visées à l'article 4, paragraphe 2, font valoir des arguments tendant à l'annulation de cette disposition. Une série d'arguments visent à contester le caractère infractionnel de la constitution d'Interciment. La grande majorité des parties requérantes nie toute implication dans l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 2. Enfin, plusieurs contestent la durée retenue pour cette infraction ou, du moins, celle de leur participation à cette dernière. Lors de l'examen de ces différents arguments, les parties requérantes concernées seront identifiées.

2970. Par ailleurs, Dyckerhoff, le SFIC, Heidelberger, Lafarge, Asland, Holderbank, Aker, Euroc et Cementir reprochent à la Commission d'avoir, à l'occasion de la constatation de l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, violé leurs droits de la défense, en ne leur accordant pas, au cours de la procédure administrative, l'accès à l'intégralité de la CG et de son dossier d'instruction, les privant ainsi de prétendus éléments à leur décharge. 2971.

Aalborg (T-44-95) développe également une argumentation tendant à nier toute implication dans la constitution d'Interciment.

2972. Cependant, l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée ne lui est pas reprochée. Son argumentation doit donc d'emblée être rejetée.

B Sur le caractère infractionnel de la constitution d'Interciment

2973. Au paragraphe 26, point 1, de la décision attaquée, la Commission vise différents extraits de documents dont il ressortirait que "la décision de constituer la Joint Trading Company, Interciment SA, adoptée à la réunion des chefs de délégation du 9 juin 1986 [...], constitue un accord entre entreprises visé par l'article 85, paragraphe 1. En effet, le but poursuivi par cet accord est de mettre à exécution les mesures 'persuasives' et 'dissuasives' (either for 'stick' or 'carrot' measures), à savoir, ainsi qu'il a été précisé dans le document mis au point à Céligny-Zurich, acheter et commercialiser du ciment et du clinker des pays qui menacent la stabilité des marchés des pays membres, exporter du ciment et du clinker dans les pays qui menacent la stabilité des marchés des pays membres et enlever les marchés d'exportation aux pays qui menacent la stabilité des marchés des pays membres" (paragraphe 54, point 1).

2974. Les parties requérantes concernées font valoir en substance quatre arguments visant à contester le caractère infractionnel de la création d'Interciment.

2975. En premier lieu, CBR soutient que le rôle et les activités d'Interciment n'ont jamais été définis. Blue Circle, se référant au paragraphe 54, point 2, de la décision attaquée, relève que le document de Zurich/Céligny auquel il est renvoyé à cet endroit ne comprenait que des suggestions, émises par un groupe de travail restreint, pour la constitution d'une filiale commerciale commune. Il n'y aurait cependant jamais eu d'accord sur les fins auxquelles cette filiale commune aurait pu être utilisée. L'accord constaté à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée n'aurait donc porté que sur l'accomplissement d'actes purement préparatoires. Un tel accord, en ce qu'il aurait visé à constituer une société potentiellement susceptible d'être utilisée à des fins anticoncurrentielles, n'aurait dès lors pas enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité.

2976. Toutefois, il ressort du procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphes 25, points 22 et 32, et 26, point 1; documents n° 33.126/18858 et 18861) ce qui suit: "[C]onformément à la décision des chefs de délégation lors de leur réunion de Stockholm, une société commerciale commune a été créée et enregistrée à Fribourg, en Suisse, sous la dénomination sociale Interciment SA, Interciment AG, Interciment Ltd. [... Cette] société peut devenir immédiatement opérationnelle, pour des mesures aussi bien dissuasives que persuasives."

2977. L'allusion, dans cet extrait, aux "mesures dissuasives et persuasives" renvoie nécessairement au document de Zurich/Céligny, qui, après avoir défini les mesures en question (voir ci-dessus point 2539), décrit ainsi les tâches de cette société commerciale commune (décision attaquée, paragraphes 25, point 6, et 26, point 1; documents n° 33.126/18776 et 18777):

s'assurer les commandes des principaux marchés d'exportation approvisionnés par les pays qui menacent la stabilité des marchés des pays membres;

acheter du ciment et du clinker aux pays qui menacent la stabilité des marchés des pays membres;

commercialiser les quantités achetées au moyen des interventions sur le marché;

exporter du ciment et du clinker dans les pays qui menacent la stabilité des pays membres.

2978. A la lumière de ces différents extraits, la Commission était fondée à considérer (décision attaquée, paragraphe 54, points 1 et 2) que le but assigné à la société commerciale commune Interciment était de mettre à exécution les mesures dissuasives et persuasives préconisées par le document de Zurich/Céligny à l'encontre des pays qui menaçaient la stabilité des marchés des pays membres. Partant, c'est à bon droit que la Commission a estimé (même paragraphe, points 2 et 7) que l'accord constitutif d'Interciment constituait une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, "infraction [...] grave de par sa nature, [s]on objet restrictif [étant en effet] patent".

2979. Les arguments de CBR et de Blue Circle doivent donc être écartés.

2980. En deuxième lieu, Ciments français et Holderbank affirment que la Commission ne saurait déduire une quelconque finalité anticoncurrentielle de l'objet statutaire d'Interciment. Les statuts de cette société, en particulier la définition de son objet social (article 2), correspondraient en effet aux statuts types proposés par la chambre des notaires du canton suisse en question.

2981. A cet égard, il ressort de l'article 2 des statuts d'Interciment que "la société [avait] pour objet de faire le commerce international de matériaux de construction ainsi que de prendre des participations dans des entreprises étrangères faisant le commerce de matériaux de construction [et que,] [d]'une manière générale, la société [pouvait] faire toutes opérations et assurer toutes fonctions, tant pour son compte que pour le compte de tiers, qui [avaient] un rapport direct ou indirect avec son but" (décision attaquée, paragraphe 26, point 4; document n° 33.126/18833). Cependant, les pièces visées par la Commission au paragraphe 26, point 1, de la décision attaquée révèlent (voir ci-dessus points 2976 et 2977) que le but assigné à Interciment fut de mettre à exécution les mesures dissuasives et persuasives préconisées par le document de Zurich/Céligny à l'encontre des pays qui menaçaient la stabilité des marchés des pays membres.

2982. Interciment s'est donc vu attribuer, sous le couvert d'une clause statutaire type, un objet manifestement contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, ainsi que le confirme l'extrait suivant de la note interne de Blue Circle du 10 juillet 1986 citée au paragraphe 26, point 13, de la décision attaquée (document n° 33.126/18842):

"La proposition de créer une société suisse, dont les membres seraient d'importants cimentiers européens, en vue d'acheter des tonnages spécifiques de ciment grec pour distribution dans le monde entier est clairement contraire à l'article 85 du traité de Rome. Même si cela n'est pas expressément affirmé, l'objet implicite est d'influencer le commerce interétatique à l'intérieur de la Communauté."

2983. En troisième lieu, Dyckerhoff, Ciments français, Lafarge, Italcementi, Holderbank, Aker, Euroc et Blue Circle soulignent que la question de la compatibilité d'Interciment avec l'article 85, paragraphe 1, du traité a été prise en considération dès avant sa constitution, ainsi qu'à différentes reprises par la suite. Il aurait même été envisagé, dès l'origine, de procéder à la notification d'Interciment à la Commission afin d'obtenir une exemption, conformément à l'article 85, paragraphe 3, du traité. Dyckerhoff se réfère à cet égard aux différentes expertises juridiques mentionnées par la Commission au paragraphe 26, point 13, de la décision attaquée. Elle ajoute que, dans la mesure où Interciment n'a jamais débuté son activité, il n'était pas nécessaire de procéder à la notification conseillée. Ciments français invoque le compte rendu de la réunion du 28 mai 1986 à Rome, qui soulignerait le souci des participants de s'assurer de la légalité de leurs actions, et notamment du projet de constitution d'une société commerciale commune, au regard des règles communautaires de la concurrence (décision attaquée, paragraphe 25, point 1). Quant à Blue Circle, elle met en exergue la recommandation, figurant au bas du document de Zurich/Céligny, de recueillir l'avis d'un expert en droit communautaire sur les différentes actions envisagées. Elle ajoute qu'Interciment n'a jamais été notifiée à la Commission, parce qu'il n'y avait jamais eu d'accord sur les fins auxquelles elle aurait pu être utilisée. Elle conclut que cette société ne fut jamais opérationnelle.

2984. Il ressort effectivement de différentes pièces visées par la Commission dans la décision attaquée, notamment au paragraphe 26, points 11 et 13, que tant la question de la compatibilité d'Interciment avec l'article 85, paragraphe 1, du traité que celle de l'opportunité d'une notification à la Commission au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité ont été évoquées. Toutefois, sans attendre les avis juridiques envisagés, les participants à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm ont décidé de constituer Interciment et de lui assigner pour objectif la mise à exécution des mesures dissuasives et persuasives préconisées par le document de Zurich/Céligny à l'encontre des pays qui menaçaient la stabilité des marchés des pays membres. En outre, malgré la nature manifestement contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité de l'objet de l'accord constitutif d'Interciment, la notification dudit accord à la Commission, bien qu'envisagée, n'a jamais été effectuée (décision attaquée, paragraphe 26, point 13).

2985. L'argumentation des parties requérantes doit, par conséquent, être rejetée.

2986. CBR souligne que le souci de respecter le droit communautaire s'est manifesté à travers la modification des statuts d'Interciment proposée par M. Van Hove, le représentant belge à la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles. Elle renvoie, d'une part, aux notes relatives à cette réunion (documents n° 33.126/19007 et 19008) et, d'autre part, à la lettre adressée le jour de cette réunion par M. Van Hove à M. Akermann, de Holderbank, lettre qui précise notamment: "[P]our être conforme aux stipulations du traité de Rome (article 85) en matière de concurrence, nous pensons que l'article 2 doit être modifié comme suit: 'La société a pour but de faire le commerce de matériaux de construction pour des exportations en dehors du territoire de la Communauté économique européenne." (Document n° 33.126/18927.)

2987. Toutefois, il y a lieu de constater que, si les participants à la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles ont approuvé la proposition de M. Van Hove de modifier l'article 2 des statuts d'Interciment (décision attaquée, paragraphes 25, point 41, et 26, point 4; document n° 33.126/19007), aucune entreprise n'a produit les statuts incorporant la modification ainsi approuvée.

2988. Par ailleurs, une note trouvée chez Italcementi à propos de la réunion de l'ETF du 9 janvier 1987 à Milan fait état de ce que "l'opinion des Français sur Interciment est étrangement très prudente" (décision attaquée, paragraphe 25, point 44; document n° 33.126/2905).

2989. A cette note était jointe (annexe 4) l'"avis juridique d'un expert français sur Interciment SA", ledit expert estimant notamment (décision attaquée, paragraphes 25, point 44, et 26, points 12 et 13; document n° 33.126/2915):

"La création d'Interciment SA avec les actionnaires proposés enfreindrait très clairement les réglementations communautaires, étant donné que la plupart des grands producteurs européens y seront impliqués. Si les actionnaires représentent plus de la moitié de la consommation totale dans leurs pays, on ne saurait exclure que la CEE considère qu'Interciment est un cartel destiné à entraver le commerce interétatique à l'intérieur de la Communauté. [...] Juste pour gagner au maximum douze mois, il est possible de notifier à la Commission en même temps que le début des activités."

2990. Ces indications attestent que les préoccupations liées à la compatibilité d'Interciment avec l'article 85, paragraphe 1, du traité ont subsisté après la réunion du 6 novembre 1986. Elles démontrent donc que l'approbation, au cours de cette réunion, de la modification statutaire proposée par M. Van Hove n'a pas eu pour effet de mettre un terme à la finalité anticoncurrentielle assignée à Interciment lors de sa création.

2991. L'argument de CBR doit donc être rejeté.

2992. En quatrième lieu, CBR, Dyckerhoff, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Italcementi, Holderbank, Aker, Euroc et Blue Circle insistent sur le fait qu'Interciment n'est jamais devenue opérationnelle. Immédiatement après sa création, il aurait été décidé que la société demeurerait inactive. D'après Ciments français, Italcementi et Holderbank, cette décision était motivée par les doutes éprouvés quant à la conformité, à l'article 85, paragraphe 1, du traité, de cette initiative. Blue Circle affirme que l'activation d'Interciment avait été subordonnée à sa notification à la Commission. Interciment aurait tout au plus été une coquille juridique sans personnel, organes exécutifs, capital d'exploitation, locaux ni équipements, que Holderbank, son actionnaire unique, aurait maintenue sans activité, comme l'une des nombreuses sociétés qu'elle avait constituées pour la forme. Ciments français ajoute que cette société fut constituée pour le cas où il aurait été juridiquement possible à Holderbank de l'utiliser, éventuellement à d'autres fins que celles initialement envisagées. Holderbank souligne encore que, si elle a invité une série d'entreprises à régler leur quote-part et à entrer en possession des actions d'Interciment qui leur revenaient, seules Italcementi et Blue Circle ont remboursé leur participation dans Interciment. Blue Circle aurait toutefois précisé qu'elle ne souhaitait pas obtenir une telle participation, en raison des doutes émis quant à la compatibilité d'Interciment avec le droit communautaire de la concurrence. Quant à Italcementi, elle aurait rétrocédé ses actions à Holderbank le 7 novembre 1988.

2993. Il convient de constater que, effectivement, il fut décidé, à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, de laisser Interciment en sommeil (décision attaquée, paragraphes 25, point 32, et 26, point 14; document n° 33.126/18861). Cette décision fut confirmée lors de la réunion de l'ETF du 21 octobre 1986 à Genève (décision attaquée, paragraphes 25, point 37, et 26, point 14; document n° 33.126/18895), de celle du 6 novembre 1986 à Bruxelles (décision attaquée, paragraphes 25, point 41, et 26, point 14; document n° 33.126/19007), ainsi qu'au cours de la réunion de l'ETF du 9 janvier 1987 (décision attaquée, paragraphe 26, point 14; document n° 33.126/18921).

2994. Toutefois, lors de la réunion du 9 septembre 1986 mentionnée au point précédent, il fut jugé "important de s'assurer qu'[Interciment fût] 'prête à l'emploi" pour la mise en œuvre de mesures "tant dissuasives que persuasives" à l'encontre des pays qui menaçaient la stabilité des marchés européens (décision attaquée, paragraphes 25, point 32, 26, point 15, et 54, point 2; document n° 33.126/18861).

2995. En tout état de cause, la Commission a démontré (voir ci-dessus points 2976 à 2978) que l'objet de l'accord constitutif d'Interciment était contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en établissant que cette société commerciale commune s'était vu assigner pour objectif la mise à exécution des mesures dissuasives et persuasives préconisées par le document de Zurich/Céligny à l'encontre des pays menaçant la stabilité des marchés des pays membres. L'objet anticoncurrentiel de cet accord étant ainsi prouvé, il est indifférent, aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, que cet accord ne se soit, en définitive, traduit par aucun effet de cette nature (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 837 ci-dessus). C'est donc à bon droit que la Commission a considéré que la constitution d'Interciment constituait une "infraction à l'article 85 pour le but poursuivi, indépendamment des effets" (décision attaquée, paragraphe 54, point 2).

2996. L'argumentation des parties requérantes doit, par conséquent, être rejetée.

C Sur la participation, à l'accord constitutif d'Interciment, des parties requérantes visées à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée

1. Observations liminaires

2997. Au paragraphe 54, point 3, de la décision attaquée, la Commission conclut:

"Compte tenu des participants à la réunion de Stockholm, au cours de laquelle la constitution de la Joint Trading Company a été décidée, et à la réunion de Baden-Baden, au cours de laquelle les tâches de cette Joint Trading Company ont été confirmées, et du fait que Holderbank a demandé le paiement de leur quote-part d'actions dans Interciment à Blue Circle pour sa participation individuelle et aux autres destinataires de la lettre pour la participation de leurs pays respectifs (voir lettre de Holderbank du 22 septembre 1986, citée au paragraphe 26, point 6, ci-dessus), la Commission estime qu'à l'accord portant sur la constitution d'Interciment SA ont participé: [CBR, Dyckerhoff, le SFIC, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, le BDZ, Unicem, Asland, Uniland, Oficemen, Italcementi, Holderbank, Aker, Euroc, Cementir et Blue Circle]. En effet, Holderbank a demandé à toutes les entreprises intéressées directement ou indirectement ou en tant que représentantes d'autres sociétés qui ont participé à la Cembureau Task Force le paiement de leur quote-part."

2998. A l'exception de Holderbank et de Blue Circle, qui contestent uniquement le caractère infractionnel de la création d'Interciment et, à titre subsidiaire, la durée de cette infraction (arguments analysés, respectivement, ci-dessus aux points 2975 à 2985 et 2992 à 2996 et ci-après aux points 3084 à 3097), toutes les parties requérantes concernées font valoir des arguments tendant à nier leur implication dans l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée.

2. Situation de CBR, de Dyckerhoff, de Lafarge, d'Italcementi, d'Aker et d'Euroc

2999. CBR souligne qu'elle n'a jamais participé au capital d'Interciment. La Commission ne pourrait contester ce fait en se fondant sur la demande de remboursement d'une quote-part du capital d'Interciment qui fut adressée à CBR par Holderbank et sur la proposition de modification des statuts d'Interciment faite par M. Van Hove. En effet, la demande de paiement de Holderbank aurait précédé la décision des entreprises belges et néerlandaises de ne pas participer à Interciment, de sorte qu'elle ne constituerait pas la preuve d'une participation ultérieure. Le compte rendu de la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles indiquerait d'ailleurs qu'il fut décidé lors de cette réunion qu'aucune entreprise communautaire ne souscrirait au capital d'Interciment. Quant à la proposition de M. Van Hove de modifier les statuts d'Interciment, elle attesterait tout au plus que les entreprises concernées par l'intervention du représentant belge envisageaient de participer à Interciment sous certaines conditions.

3000. Dyckerhoff affirme qu'il n'est pas établi que la constitution d'Interciment ait été décidée au cours de la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm. Interciment serait en réalité le résultat d'une initiative personnelle de Holderbank. Elle aurait d'ailleurs été constituée le 24 juin 1986 par des avocats suisses. Dyckerhoff relève encore que, dans la note interne de Blue Circle du 10 juillet 1986, mentionnée ci-dessus au point 2982 (décision attaquée, paragraphe 26, point 13; documents n° 33.126/18842 et 18843), il est toujours question de la "proposition de créer une société suisse". A Stockholm, il aurait donc simplement été décidé de préparer la création d'une telle société.

3001. Dyckerhoff souligne n'avoir jamais porté aucun intérêt aux fonctions attribuées à Interciment. Elle aurait simplement cherché à obtenir l'intervention de la Commission dans le dossier grec. Elle n'aurait d'ailleurs ni signé l'acte constitutif d'Interciment, ni souscrit une quote-part de son capital, ni fourni directement ou indirectement une partie de celui-ci.

3002. Enfin, elle prétend que la Commission ne saurait déduire sa participation à la constitution d'Interciment de la demande de Holderbank de souscrire au capital de celle-ci. En effet, peu après cette demande, il aurait été décidé, le 6 novembre 1986 à Bruxelles, qu'aucune entreprise communautaire ne souscrirait au capital d'Interciment. Il aurait, en outre, été convenu de laisser cette société inactive. Dyckerhoff n'aurait pas pu penser que le fait de maintenir une société en sommeil pouvait constituer une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

3003. Comme le prouveraient les documents visés par la Commission au paragraphe 26, point 10, de la décision attaquée, Dyckerhoff ne se serait pas vu communiquer le bilan d'Interciment au 31 décembre 1986. Elle n'aurait pas non plus reçu les bilans ultérieurs de cette société. Interciment aurait appartenu à la seule Holderbank, qui aurait d'ailleurs décidé seule de sa dissolution en mars 1993. La Commission ne pourrait pas invoquer contre Dyckerhoff les entretiens qui se sont déroulés lors des réunions de l'ETF du 9 janvier et du 11 février 1987, puisqu'elle n'aurait participé à aucune de ces deux réunions.

3004. Lafarge soutient que la Commission n'a pas apporté la preuve de sa participation à Interciment. Elle affirme n'avoir jamais souscrit au capital de cette société et n'avoir donné aucune suite à la lettre de Holderbank du 22 septembre 1986 qui l'y invitait.

3005. Italcementi affirme que le fait qu'elle a détenu des actions d'Interciment, société inactive, pendant 21 mois (de février 1987 à novembre 1988) n'est pas constitutif d'une infraction au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

3006. Aker et Euroc soutiennent que, si les documents n° 33.126/18821, 18822 et 18857 à 18861, cités au paragraphe 26, point 2, de la décision attaquée, indiquent qu'il a été proposé qu'elles prennent une participation de 12,5 % dans Interciment, elles ne se sont cependant jamais engagées en ce sens, n'ont jamais contribué financièrement au capital de cette société et ne se sont jamais vu attribuer des actions de cette dernière. Elles ajoutent que, à supposer même qu'il ait existé un engagement inconditionnel de créer et de mettre en œuvre Interciment, un tel engagement n'a pas résulté de la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm et ne les aurait, en tout état de cause, pas concernées. Elles se réfèrent à cet égard au télex du 12 juin 1986 de Holderbank à Blue Circle, cité au paragraphe 25, point 11, de la décision attaquée (document n° 33.126/18781). Elles prétendent encore n'avoir jamais eu l'intention de s'engager dans Interciment aussi longtemps que la compatibilité de cette société avec l'article 85, paragraphe 1, du traité n'aurait pas été garantie.

3007. Ces différents arguments ne sauraient être accueillis.

3008. Les six entreprises concernées ont pris part à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm (voir ci-dessus points 2597, 2618, 2649, 2746 et 2759).

3009. Si Interciment a effectivement été constituée le 24 juin 1986 par trois avocats suisses (décision attaquée, paragraphe 26, point 3; documents n° 33.126/18734 à 18739), la décision de la créer a été prise lors de cette réunion de Stockholm, ainsi que l'atteste le procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphes 25, points 22 et 32, et 26, point 1; documents n° 33.126/18858 et 18861). Ce procès-verbal, de même que l'annexe 2 à l'ordre du jour de la réunion de l'ETF du 19 août 1986 (décision attaquée, paragraphes 25, point 10, et 26, point 2; document n° 33.126/18821), démontre en outre que, lors de la réunion de Stockholm, il fut convenu de répartir les actions d'Interciment entre huit marchés/sociétés. La circonstance que, dans la note interne de Blue Circle du 10 juillet 1986, il est fait état de la "proposition de créer une société suisse" ne permet pas, à cet égard, d'écarter les différentes constatations objectives qui se dégagent des pièces susvisées.

3010. CBR, Dyckerhoff, Lafarge, Italcementi, Aker et Euroc ont également participé à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (voir ci-dessus points 2599, 2618, 2649, 2746 et 2759).

3011. Dans le cadre du point 1.9 de l'ordre du jour de cette réunion, consacré à Interciment, les participants furent d'abord informés de la constitution, conformément à la décision prise par les chefs de délégation lors de leur réunion à Stockholm, de la société commerciale commune Interciment SA/Interciment AG/Interciment Ltd, au capital social de 50 000 CHF (capital intégralement souscrit par un cabinet juridique suisse agissant à titre fiduciaire, et avancé, à cette fin, par Holderbank au nom des sociétés et/ou des pays représentés à la réunion de Stockholm). Il fut ensuite indiqué que la société pouvait être immédiatement opérationnelle pour des mesures tant dissuasives que persuasives. La répartition des participations au capital d'Interciment, convenue à Stockholm, fut rappelée. Sur le plan organisationnel, il fut souligné que, puisque la loi suisse exigeait que le conseil de direction de la société fût composé en majorité de personnes suisses, Me Cottier, l'un des trois avocats présents à la constitution de la société, serait administrateur unique, mais agirait selon les instructions d'un comité exécutif, dont les fonctions devaient encore être convenues et pour lequel l'ETF avait suggéré les noms suivants: MM. d'Agostino (Italcementi Italie), Marichal (Lafarge Coppée France), Félix (Hornos Ibéricos Espagne), Horner (Blue Circle Royaume-Uni) et Akermann (Holderbank Suisse), ce dernier assumant la fonction de coordinateur. Enfin, il fut convenu que la société demeurerait inactive, mais prête à devenir opérationnelle (décision attaquée, paragraphes 25, points 22 et 32, et 26, point 1; documents n° 33.126/18858, 18860 et 18861).

3012. CBR, Dyckerhoff, Lafarge, Italcementi, Aker et Euroc n'ayant fourni aucun élément démontrant que, lors de ces réunions de Stockholm et de Baden-Baden, elles se seraient publiquement distanciées du concours de volontés, clairement anticoncurrentiel, qui s'y exprimait pour la constitution de la société commerciale commune Interciment ou qu'elles auraient informé les autres participants qu'elles entendaient assister à ces réunions dans une optique totalement différente de la leur, il doit être considéré que ces six entreprises ont souscrit à l'accord visé à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée ou, du moins, qu'elles ont donné cette impression aux autres participants (voir jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus). Aker et Euroc ne sauraient, à cet égard, s'appuyer sur le télex du 12 juin 1986 de Holderbank à Blue Circle (document n° 33.126/18781) pour prétendre qu'elles n'étaient pas concernées par les engagements pris au cours de la réunion de Stockholm en relation avec Interciment. Le contenu de ce télex indique tout au plus que Holderbank a demandé à Blue Circle de lui adresser, en prévision de la réunion de l'ETF du 17 juin 1986, ses réflexions complémentaires sur la constitution de la société commerciale commune.

3013. La participation des six entreprises à l'accord constitutif d'Interciment est du reste confirmée par le fait qu'elles ont été destinataires de la lettre du 22 septembre 1986 par laquelle Holderbank réclamait le remboursement de quotes-parts d'actions d'Interciment (décision attaquée, paragraphe 26, point 6; documents n° 33.126/19019 à 19022 et 19025). Holderbank a seulement pu adresser une telle demande à ces entreprises en raison du fait qu'elles avaient accepté de contribuer à la mise en œuvre de cet accord en se proposant, en leur nom propre ou au nom de leur marché, de prendre une participation dans le capital d'Interciment. Le procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 26, point 2; document n° 33.126/18861) et l'annexe 2 à l'ordre du jour de la réunion de l'ETF du 19 août 1986 (décision attaquée, paragraphe 26, point 2; document n° 33.126/18821) indiquent d'ailleurs qu'une participation dans le capital d'Interciment avait été attribuée, à concurrence de 12,5 %, à la "Belgique" plus exactement à "CBR/Cim. d'Obourg" , à l'"Allemagne", à la "France" plus exactement à "Lafarge (France)" , à l'"Italie" plus exactement à "Sogec (Italie)", filiale détenue pour partie par Italcementi et à "Norcem/Cementa".

3014. La circonstance, alléguée par CBR, Dyckerhoff, Lafarge, Aker et Euroc, que celles-ci n'auraient en définitive jamais effectivement financé Interciment, ni même souscrit la quote-part d'actions en question, est à cet égard sans incidence.

3015. En effet, la Commission a souligné à juste titre au paragraphe 54, point 4, de la décision attaquée:

"La libération effective des actions d'Interciment SA importe peu pour établir la participation des entreprises à l'accord qui a porté à la constitution de cette société. Ce qui importait, c'est que 'l'outil résultait déjà d'un accord et était prêt à l'emploi pour le compte des participants à cet accord."

3016. De même, le fait, souligné par Dyckerhoff, de ne pas avoir signé l'acte constitutif d'Interciment et de n'avoir jamais reçu ses bilans ne saurait occulter les différentes constatations objectives rappelées ci-dessus aux points 3008 à 3013, qui traduisent sans équivoque l'adhésion de l'entreprise allemande à l'accord constitutif d'Interciment.

3017. En conclusion, c'est à bon droit que la Commission a retenu, à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, la participation de CBR, de Dyckerhoff, de Lafarge, d'Italcementi, d'Aker et d'Euroc à l'accord constitutif d'Interciment à compter du 9 juin 1986.

3018. Il convient de souligner que l'inopposabilité à Aker et Euroc, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 402, de l'extrait de la réponse de Blue Circle à la CG reproduit au paragraphe 26, point 10, de la décision attaquée est sans incidence, compte tenu de l'analyse développée ci-dessus aux points 3008 à 3014 quant au bien-fondé de la décision de la Commission de retenir la participation de ces deux entreprises à l'accord constitutif d'Interciment.

3019. Aker et Euroc font encore valoir que, dans la décision attaquée (paragraphes 26, point 9, et 54, point 6), la Commission paraît avoir retiré son allégation, formulée dans la CG, selon laquelle elles auraient détenu une participation dans le capital d'Interciment. En effet, la Commission considérerait à présent (décision attaquée, paragraphe 54, point 4) que "la libération effective des actions d'Interciment SA importe peu pour établir la participation des entreprises à l'accord qui a porté à la constitution de cette société". Elle aurait ainsi reformulé le grief relatif à la participation à l'accord constitutif d'Interciment.

3020. Il y a lieu de constater que, effectivement, la Commission mettait particulièrement l'accent, dans la partie juridique de la CG consacrée à Interciment, sur la souscription effective des actions de cette société par les différentes entreprises destinataires de la lettre de Holderbank du 22 septembre 1986 [CG, paragraphe 61, sous h), i), p. 179], ce qu'elle n'a plus fait ensuite dans la décision attaquée (paragraphe 54, point 4). Cependant, les trois éléments sur lesquels la Commission s'est appuyée, au paragraphe 54, point 3, de la décision attaquée (voir ci-dessus point 2997), pour retenir la participation à l'accord constitutif d'Interciment, étaient explicitement évoqués dans la partie factuelle de la CG (voir chapitre 2, section 2, paragraphe 18, p. 43 et 44). Aker et Euroc étaient ainsi en mesure de faire valoir leurs observations, au cours de la procédure administrative, sur les trois critères retenus dans la décision attaquée pour imputer l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 2. Elles ne sauraient donc prétendre que leurs droits de la défense ont été violés au cours de la procédure administrative, en relation avec la constatation de cette infraction.

3021. L'argument d'Aker et d'Euroc doit, par conséquent, être rejeté.

3. Situation du SFIC, du BDZ et d'Oficemen

3022. Le SFIC soutient que les éléments présentés dans la décision attaquée n'établissent pas son implication dans l'accord constitutif d'Interciment. Il n'existerait aucune preuve d'une décision d'association d'entreprises. En outre, la Commission n'aurait pas démontré en quoi les éventuels agissements de personnes exerçant des fonctions en son sein auraient pu avoir un objet anticoncurrentiel.

3023. Le BDZ, outre l'argumentation présentée ci-dessus aux points 2661 à 2663, nie toute implication dans la constitution d'Interciment. Il précise qu'il s'agissait d'une initiative propre à certains producteurs, à laquelle, en tant qu'association, il lui aurait été impossible de participer. Il n'aurait jamais participé à Interciment ni même manifesté sa volonté de le faire. La Commission n'aurait d'ailleurs trouvé dans ses dossiers aucun document relatif à cette société.

3024. Oficemen nie toute participation à Interciment. Elle n'aurait pas participé à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm. Le fait que plusieurs documents font état de l'attribution d'un pourcentage des actions d'Interciment au marché espagnol ne permettrait pas de conclure qu'Oficemen a assisté à cette réunion et qu'elle a souscrit à l'accord constitutif d'Interciment. Oficemen n'aurait jamais pris part aux réunions ultérieures des chefs de délégation au cours desquelles le fonctionnement d'Interciment fut évoqué. Elle n'aurait été mentionnée dans aucun document relatif à la constitution et au fonctionnement d'Interciment. Elle n'aurait pas été représentée au comité exécutif de cette société et n'aurait jamais souscrit de participation à son capital, directement ou indirectement.

3025. Il convient toutefois de rappeler que le SFIC, le BDZ et Oficemen ont été représentées à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm (voir ci-dessus, respectivement, points 2623 à 2625, 2664 à 2666 et 2708 à 2710), réunion au cours de laquelle il fut décidé de constituer Interciment (voir ci-dessus point 3009).

3026. Ces trois associations professionnelles ont été également représentées à la réunion des chefs de délégation et des membres de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (voir ci-dessus, respectivement, points 2623 à 2625, 2667, 2711 et 2712), réunion au cours de laquelle la constitution d'Interciment, sa finalité anticoncurrentielle, ses modalités de fonctionnement et la structure de son actionnariat ont été évoquées et où il fut convenu de s'assurer que la société demeurerait prête à devenir opérationnelle (voir ci-dessus point 3011).

3027. Il convient en outre de souligner que la Commission a démontré le comportement propre adopté par le SFIC dans l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée. Elle a en particulier relevé, au paragraphe 29, point 4, que le SFIC avait relayé sur son marché les réflexions menées à l'échelle européenne, notamment aux réunions du 9 juin et du 9 septembre 1986 auxquelles il avait été représenté par MM. Laplace et Kasriel, sur la question des importations en provenance de Grèce (voir ci-dessus points 2624 et 2625).

3028. Dans ces conditions et faute de production par ces trois parties requérantes d'éléments montrant qu'aux réunions visées ci-dessus aux points 3025 et 3026, elles se seraient ouvertement démarquées du concours de volontés portant sur la constitution de la société commerciale commune Interciment, il doit être considéré qu'elles ont adhéré à ce concours de volontés anticoncurrentiel ou, du moins, qu'elles ont donné cette impression aux autres participants (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

3029. La circonstance, alléguée par le BDZ, qu'aucun document relatif à Interciment n'a été trouvé dans ses dossiers est, à cet égard, sans incidence. Il en est de même en ce qui concerne les arguments d'Oficemen visant à souligner qu'elle n'est mentionnée dans aucun document relatif à la constitution et au fonctionnement d'Interciment, qu'elle n'a pas été représentée au comité exécutif de cette société et qu'elle n'a jamais souscrit, directement ou indirectement, à son capital.

3030. En conclusion, c'est à bon droit que la Commission a retenu, à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, la participation du SFIC, du BDZ et d'Oficemen à l'accord constitutif d'Interciment à compter du 9 juin 1986.

3031. Oficemen prétend avoir été victime d'un traitement discriminatoire dans le cadre de la constatation de l'infraction relative à la constitution d'Interciment, dans la mesure où les associations belge et britannique ne se sont pas vu imputer cette infraction, alors que les chefs de délégation belge et britannique ont participé aux réunions de Stockholm et de Baden-Baden.

3032. Toutefois, la circonstance que des associations se trouvant dans une situation comparable à celle d'Oficemen n'ont fait l'objet d'aucune constatation d'infraction de la part de la Commission à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée ne saurait en toute hypothèse permettre d'écarter l'infraction retenue à l'encontre de l'association espagnole, dès lors que cette infraction a été correctement établie (voir, en ce sens, arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146). Or, les motifs qui précèdent ont permis de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a conclu à bon droit qu'Oficemen a participé à l'accord constitutif d'Interciment.

4. Situation de Ciments français

3033. Ciments français affirme n'avoir jamais participé à la gestion, au comité exécutif et au capital d'Interciment. Contrairement à ce que la Commission déclare au paragraphe 26, point 6, de la décision attaquée, rien ne permettrait de l'inclure dans la "participation française" couverte par la quote-part du capital d'Interciment réclamée par Holderbank à Lafarge. En tout état de cause, les chefs de délégation présents à la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles auraient décidé, à la suite de différents avis juridiques, qu'aucune entreprise communautaire ne souscrirait au capital d'Interciment.

3034. Ciments français soutient que son président, M. Laplace, assista aux réunions des chefs de délégation décrites au paragraphe 26 de la décision attaquée en sa qualité de président du SFIC et de membre du CLC, dans le seul cadre des actions de sensibilisation menées auprès des autorités nationales et communautaires.

3035. Cependant, il y a lieu de rappeler que M. Laplace a aussi représenté Ciments français, dont il était à l'époque le président, à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm (voir ci-dessus points 2629 et 2630).

3036. Eu égard à ce qui a été relevé ci-dessus au point 3009, et Ciments français n'ayant fourni aucun élément démontrant que, à cette réunion, M. Laplace aurait ouvertement pris ses distances par rapport à la décision de constituer Interciment ou qu'il aurait informé les autres participants qu'il entendait assister à la réunion dans une optique différente de la leur (à savoir la seule préparation des actions politiques suscitées par l'apparition du "problème grec"), il doit être considéré que l'entreprise française a marqué son soutien à la constitution de la société commerciale commune Interciment ou, du moins, qu'elle a donné cette impression aux autres participants (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

3037. A cet égard, il est indifférent que, par la suite, l'entreprise française n'ait pas participé à la gestion, au comité exécutif et au capital d'Interciment.

3038. En conclusion, c'est à bon droit que la Commission a retenu, à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, la participation de Ciments français à l'accord constitutif d'Interciment à compter du 9 juin 1986.

5. Situation de Heidelberger

3039. Heidelberger affirme qu'aucun des critères définis par la Commission au paragraphe 54, point 3, de la décision attaquée pour imputer l'infraction tirée de l'accord constitutif d'Interciment n'est rempli dans son chef.

3040. A cet égard, il doit être constaté que Heidelberger n'a assisté ni à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm ni à celle des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden. Elle n'a pas non plus été destinataire de la lettre de Holderbank du 22 septembre 1986 par laquelle cette dernière a réclamé à une série d'entreprises le remboursement de quotes-parts d'actions d'Interciment.

3041. Certes, cette lettre, qui fut adressée à M. Lose, de Dyckerhoff, en ce qui concerne le marché allemand (décision attaquée, paragraphe 26, point 6; document n° 33.126/19020), tendait au remboursement de la "participation allemande" dans le capital d'Interciment et invitait les producteurs allemands à décider entre eux qui allait conserver cette participation. De telles indications ne permettent cependant pas de conclure que Heidelberger avait marqué son appui à la prise de participation dans le capital d'Interciment qui fut acceptée par Dyckerhoff lors de la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm. Eu égard à la modicité des montants en jeu (6 250 CHF), cette dernière a pu, en effet, accepter une telle participation au nom du marché allemand sans avoir préalablement recueilli l'accord des autres entreprises de son marché, au risque de devoir supporter seule la charge financière liée à cette prise de participation si elle ne parvenait pas à obtenir par la suite leur contribution.

3042. La Commission affirme que la mise en place d'un instrument destiné à exécuter des mesures dissuasives et persuasives a déjà été discutée à la réunion du 28 mai 1986 à Rome, à laquelle Heidelberger a assisté.

3043. Toutefois, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la pertinence de cette allégation, il convient de faire observer que, dans la décision attaquée, la Commission ne fait aucunement allusion à cette réunion dans l'exposé des faits se rapportant à l'accord constitutif d'Interciment (paragraphe 26) ni dans l'appréciation juridique portée sur ces faits, particulièrement parmi les critères retenus, au paragraphe 54, point 3, pour imputer l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 2, aux différentes entreprises et associations visées par cette disposition.

3044. La Commission relève encore que, dans sa lettre du 22 septembre 1986 à Dyckerhoff, Holderbank demanda à cette dernière de transmettre à M. Schuhmacher, de Heidelberger, une copie du procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, dans lequel il était question d'Interciment, de même que le "dossier comprenant les documents les plus importants relatifs à la constitution de la société 'Interciment AG".

3045. Cependant, ces indications ne sauraient constituer, à l'égard d'une entreprise qui, comme Heidelberger, n'a pris part à aucune des deux réunions visées au paragraphe 54, point 3, de la décision attaquée, la preuve de son soutien, même implicite, à la constitution d'Interciment, condition nécessaire à l'imputation de l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée.

3046. Il ressort de tout ce qui précède que la Commission n'était pas fondée à retenir la participation de Heidelberger à l'accord constitutif d'Interciment. Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, pour autant qu'il constate la participation de Heidelberger à cet accord, doit être annulé.

6. Situation d'Unicem

3047. Unicem affirme n'avoir participé à aucune réunion ayant traité de la constitution ou des activités d'Interciment. En outre, Holderbank ne lui aurait jamais demandé le paiement d'une quote-part des actions d'Interciment. Le fait qu'un tel paiement a été réclamé à Italcementi pour la participation italienne, outre qu'il ne serait pas établi, ne permettrait pas de mettre en cause Unicem. 3048.

A cet égard, il doit être constaté qu'Unicem n'a assisté ni à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm ni à celle des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden. Elle n'a pas non plus été destinataire de la lettre de Holderbank du 22 septembre 1986, par laquelle celle-ci réclama à une série d'entreprises le remboursement de quotes-parts d'actions d'Interciment.

3049. Certes, cette lettre, qui fut adressée à M. d'Agostino, d'Italcementi, en ce qui concerne le marché italien (décision attaquée, paragraphe 26, point 6; document n° 33.126/19019), tendait au remboursement de la "participation italienne" dans le capital d'Interciment. Pour les motifs énoncés ci-dessus au point 3041, une telle indication ne permet toutefois pas de conclure qu'Unicem avait marqué son accord à la prise de participation dans le capital d'Interciment qui fut acceptée par Italcementi à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm.

3050. La Commission précise que, d'après l'annexe 2 à l'ordre du jour de la réunion de l'ETF du 19 août 1986 (décision attaquée, paragraphe 26, point 2; document n° 33.126/18821), la quote-part italienne dans le capital d'Interciment avait été attribuée à la société Sogec, filiale commune d'Italcementi et d'Unicem.

3051. Toutefois, le fait que, à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, Italcementi a proposé la société Sogec comme actionnaire italien d'Interciment ne constitue pas la preuve de l'adhésion d'Unicem à une telle prise de participation et, partant, à la constitution de la société commerciale commune Interciment. Il convient d'ailleurs de relever que, en février 1987, la quote-part italienne dans le capital d'Interciment a été souscrite par Italcementi, et non pas par Sogec (décision attaquée, paragraphe 26, point 8; document n° 33.126/16220).

3052. La Commission soutient encore qu'Unicem a été représentée par le chef de délégation italien, à savoir Italcementi, aux réunions du 9 juin et du 9 septembre 1986, visées au paragraphe 54, point 3, de la décision attaquée.

3053. Toutefois, il a déjà été souligné qu'Unicem disposait, en sa qualité de membre direct de Cembureau, de son propre chef de délégation (voir ci-dessus point 1409). Dans ces conditions, et à défaut d'élément démontrant qu'Unicem avait chargé Italcementi de la représenter aux deux réunions visées au point précédent, la Commission n'était pas fondée à déduire de la présence d'Italcementi à ces réunions qu'Unicem y était représentée et, partant, qu'elle avait participé au concours de volontés intervenu à propos de la constitution d'Interciment et de sa finalité anticoncurrentielle.

3054. Enfin, à l'audience dans l'affaire T-50-95, la Commission a invoqué le fait que, dans sa lettre du 22 septembre 1986 à Italcementi, Holderbank demanda à cette dernière de remettre à Unicem une copie du procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, dans lequel était évoquée la situation d'Interciment.

3055. Ainsi que cela a déjà été relevé ci-dessus au point 3045, un tel élément n'est cependant pas révélateur de l'adhésion d'Unicem à l'accord portant sur la constitution d'Interciment.

3056. Il ressort de tout ce qui précède que la Commission n'était pas fondée à retenir la participation d'Unicem à l'accord constitutif d'Interciment. Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, pour autant qu'il constate la participation d'Unicem à cet accord, doit être annulé.

7. Situation d'Asland

3057. Asland nie toute participation à la constitution d'Interciment. Elle souligne que, contrairement à ce que la Commission prétend, elle n'a pas été représentée à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, à laquelle aurait été prise la décision de créer Interciment. La Commission n'aurait d'ailleurs présenté, dans la CG, lors de l'audition de mars 1993 et dans la décision attaquée, aucune preuve de la présence d'Asland à cette réunion. Asland conteste en outre les différentes supputations auxquelles la Commission se livre au paragraphe 25, point 9, de la décision attaquée, pour tenter d'établir sa présence à ladite réunion. Elle relève, par ailleurs, que la Commission n'a jamais soutenu qu'elle avait assisté à la réunion du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, au cours de laquelle les tâches d'Interciment auraient été confirmées. Enfin, dans aucun passage de la décision attaquée, il ne serait allégué qu'Asland fut destinataire de la lettre de Holderbank du 22 septembre 1986 réclamant le remboursement d'une quote-part des actions d'Interciment.

3058. La Commission, dans son mémoire en défense, invoque deux pièces, à savoir le procès-verbal de la réunion du 25 juin 1986 du comité exécutif d'Asland (documents n° 33.322/1562 et 1563) et le procès-verbal de la réunion du 26 juin 1986 du conseil d'administration de l'entreprise espagnole (documents n° 33.322/1598 à 1603), qui attesteraient de manière irréfutable la présence d'Asland à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm. Dans son mémoire en duplique, elle affirme que la production de ces deux pièces vise simplement à éclairer définitivement le Tribunal sur un élément de fait suffisamment établi dans la décision attaquée.

3059. Sur cette question, il convient d'abord de rappeler que, au paragraphe 25, point 9, de la décision attaquée, la Commission se fonde sur deux éléments pour établir la présence d'Asland à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm: le fait que la participation d'Asland à cette réunion ait été prévue lors de la réunion du 28 mai 1986 à Rome; l'attribution, à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, d'une participation espagnole dans le capital d'Interciment.

3060. En ce qui concerne le premier élément, s'il est exact, d'après le compte rendu de la réunion du 28 mai 1986 à Rome, que les participants à cette réunion, au nombre desquels figurait Asland, étaient convenus de se réunir à nouveau le 9 juin 1986 à Stockholm (décision attaquée, paragraphe 25, point 1; document n° 33.126/18771), une telle indication ne prouve pas qu'Asland ait effectivement participé à la réunion de Stockholm.

3061. Quant au second élément, il démontre tout au plus qu'un participant espagnol fut présent à la réunion de Stockholm. Il ne prouve pas que ce représentant ait été un membre d'Asland. Le fait que Holderbank a adressé à M. Félix, d'Hornos Ibéricos, sa demande de remboursement de la participation espagnole dans le capital d'Interciment (décision attaquée, paragraphe 26, point 6; document n° 33.126/19023) accentue d'ailleurs le doute sur la présence d'Asland à la réunion de Stockholm.

3062. Dans ces conditions, et eu égard au fait qu'Asland a constamment soutenu au cours de la procédure administrative que le seul élément avancé contre elle dans la CG à l'appui des différents griefs qui lui étaient adressés était sa participation à la réunion du 28 mai 1986 à Rome (voir mémoire en réponse d'Asland à la CG, p. 41 et 42, et compte rendu de l'audition du 11 mars 1993, p. 38 et 39), la Commission ne saurait à présent chercher à établir la présence d'Asland à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm sur la base des deux procès-verbaux de cette entreprise mentionnés ci-dessus au point 3058, qui n'étaient pas cités dans la CG, qui ne se trouvaient pas dans la boîte (voir ci-dessus point 95) et sur lesquels la Commission n'a jamais formellement invité Asland à faire valoir ses observations au cours de la procédure administrative.

3063. Il ressort donc de ce qui précède que la Commission n'a pas établi la présence d'Asland à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm.

3064. En outre, Asland n'a pas pris part à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden. Elle n'a pas non plus été destinataire de la lettre du 22 septembre 1986 par laquelle Holderbank a réclamé à une série d'entreprises le remboursement de quotes-parts d'actions dans le capital d'Interciment. Certes, cette lettre, qui fut adressée à M. Félix, d'Hornos Ibéricos, en ce qui concerne le marché espagnol (voir ci-dessus point 3061), tendait au remboursement de la "participation espagnole" dans le capital d'Interciment. Pour les motifs énoncés ci-dessus au point 3041, une telle indication ne permet cependant pas de conclure qu'Asland avait marqué son accord à la prise de participation dans le capital d'Interciment qui fut acceptée par le représentant espagnol à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm.

3065. En conclusion, c'est à tort que la Commission a retenu la participation d'Asland à l'accord constitutif d'Interciment. Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, pour autant qu'il constate la participation d'Asland à cet accord, doit être annulé.

8. Situation d'Uniland

3066. Uniland soutient que la Commission n'a pas cité les preuves sur lesquelles elle se fonde pour établir sa participation à l'accord relatif à la constitution d'Interciment.

3067. Elle affirme ne pas avoir assisté à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm. La présence de M. Rumeu à la réunion du 9 septembre 1986 à Baden-Baden ne pourrait quant à elle constituer la preuve de sa participation à la constitution d'Interciment. Quant à la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles, M. Rumeu y serait resté à l'écart des discussions et des accords relatifs à Interciment. En toute hypothèse, les participants à cette réunion auraient uniquement discuté d'un éventuel changement, d'ordre purement formel, de l'objet social d'Interciment, changement qui n'aurait, en définitive, jamais eu lieu. L'absence totale de lien entre Interciment et Uniland serait encore confirmée par le fait que les documents relatifs à Interciment ne feraient référence ni à Uniland ni à M. Rumeu. La Commission ne pourrait à cet égard se prévaloir de documents rédigés par des tiers et qui font état de la remise de documents à M. Rumeu (décision attaquée, paragraphe 25, point 33) pour tenter d'établir le lien entre Interciment et Uniland.

3068. Enfin, Uniland soutient qu'elle n'a jamais souscrit, directement ou indirectement, de participation au capital d'Interciment et qu'une telle souscription ne lui a jamais été demandée. Elle ajoute que la Commission n'a fourni aucun élément de preuve en ce sens. Une telle souscription ne pourrait être déduite de la lettre adressée le 22 septembre 1986 par Holderbank à Hornos Ibéricos en vue d'obtenir le remboursement de la "participation espagnole" dans le capital d'Interciment. Uniland souligne encore qu'elle n'a jamais été représentée dans les organes de direction d'Interciment.

3069. Il y a toutefois lieu de rappeler qu'Uniland a pris part, en la personne de M. Rumeu, à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (voir ci-dessus point 2695).

3070. Eu égard à ce qui a été exposé ci-dessus au point 3011, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner le bien-fondé de l'argumentation d'Uniland relative à sa participation à la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles, cet élément n'ayant pas été retenu, au paragraphe 54, point 3, de la décision attaquée, il doit être considéré, faute de production par Uniland d'élément montrant qu'à la réunion visée au point précédent, elle se serait ouvertement distanciée de l'accord constitutif d'Interciment, que cette partie requérante a souscrit à cette initiative ou, du moins, a donné cette impression aux autres participants (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

3071. Il est indifférent, à cet égard, qu'aucun document relatif à Interciment ne fasse allusion à Uniland ou à M. Rumeu, qu'Uniland n'ait jamais contribué financièrement à Interciment et qu'une telle souscription ne lui ait jamais été demandée, ou encore qu'Uniland n'ait pas été représentée dans les organes de direction d'Interciment.

3072. En conclusion, la Commission était fondée à retenir, à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, la participation d'Uniland à l'accord constitutif d'Interciment.

3073. Toutefois, la décision attaquée ne comporte aucun élément permettant de conclure qu'Uniland avait marqué son soutien à cet accord avant de prendre part à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden. A supposer même que, comme la Commission le soutient dans ses écritures, Uniland ait été représentée par le participant espagnol à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, il n'en demeure pas moins que la première manifestation tangible de l'adhésion personnelle d'Uniland à l'accord constitutif d'Interciment se situe le 9 septembre 1986, date de sa participation à la réunion des chefs de délégation et des membres de l'ETF à Baden-Baden. Il y a donc lieu d'annuler l'article 4, paragraphe 2, pour autant que celui-ci retient la participation d'Uniland audit accord avant cette date.

3074. Uniland s'étonne que la Commission n'ait pas reproché à l'entreprise dont provenait M. Félix d'avoir participé à l'accord constitutif d'Interciment, alors que M. Félix faisait partie du comité exécutif d'Interciment.

3075. Toutefois, cette circonstance ne saurait en toute hypothèse permettre d'écarter l'infraction retenue à l'encontre d'Uniland, dès lors que celle-ci a été correctement établie (voir, en ce sens, arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146). Or, les motifs qui précèdent ont permis de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a, à bon droit, conclu qu'Uniland a participé à l'accord constitutif d'Interciment.

9. Situation de Cementir

3076. Cementir déclare avoir été totalement étrangère à la constitution et au fonctionnement d'Interciment. Elle ne remplirait aucun des critères définis par la Commission au paragraphe 54, point 3, de la décision attaquée. La référence à l'industrie italienne dans la lettre du 22 septembre 1986 par laquelle Holderbank a réclamé à Italcementi le remboursement d'une quote-part des actions d'Interciment ne concernerait pas Cementir, dès lors que seules Italcementi et Unicem auraient été impliquées dans l'ETF. En tout état de cause, cette participation italienne aurait été intégralement versée par Italcementi, qui aurait confirmé n'en avoir cédé aucune partie à d'autres producteurs italiens (voir réponse du 21 mars 1990 d'Italcementi à une demande de renseignements de la Commission).

3077. A cet égard, il doit être constaté que Cementir n'a assisté ni à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm ni à celle du 9 septembre 1986 à Baden-Baden. Elle n'a pas non plus été destinataire de la lettre du 22 septembre 1986 de Holderbank par laquelle cette dernière réclama à une série d'entreprises le remboursement de quotes-parts d'actions d'Interciment. Certes, cette lettre, qui fut adressée à M. d'Agostino, d'Italcementi, en ce qui concerne le marché italien (voir ci-dessus points 3013 et 3049), tendait au remboursement de la participation italienne dans le capital d'Interciment. Pour les motifs énoncés ci-dessus au point 3041, cette allusion à la "participation italienne" ne permet toutefois pas de conclure à l'adhésion de Cementir à une telle prise de participation et donc à l'accord constitutif d'Interciment. D'ailleurs, la participation italienne dans Interciment avait été attribuée à la société Sogec (annexe 2 à l'ordre du jour de la réunion de l'ETF du 19 août 1986; décision attaquée, paragraphe 26, point 2; document n° 33.126/18821), société avec laquelle Cementir n'avait aucun lien, et elle a en définitive été souscrite par la seule Italcementi (voir ci-dessus point 3051).

3078. Quant à la présence d'un chef de délégation italien aux réunions de Stockholm et de Baden-Baden, ainsi qu'au fait que Cementir était membre direct de Cembureau, ils ne sauraient, pour les motifs énoncés ci-dessus aux points 2774 et 2776, conduire à retenir la participation de Cementir à l'accord constitutif d'Interciment, contrairement à ce que prétend la Commission dans son mémoire en défense.

3079. En conclusion, c'est à tort que la Commission a retenu la participation de Cementir à l'accord relatif à la constitution d'Interciment.

3080. Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, pour autant qu'il constate la participation de Cementir à cet accord, doit être annulé.

D Sur la durée de l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée

3081. A l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, la Commission retient l'infraction relative à l'accord constitutif d'Interciment du 9 juin 1986 au 26 mars 1993. Le 9 juin 1986 correspond à la date de la réunion de Stockholm, au cours de laquelle il fut décidé de créer la société commerciale commune Interciment (décision attaquée, paragraphe 26, point 1). Le 26 mars 1993 est la date de l'assemblée générale d'Interciment au cours de laquelle la dissolution de la société fut décidée (voir procès-verbal de cette assemblée générale, adressé le 3 mai 1993 par l'avocat de Holderbank à la Commission; décision attaquée, paragraphe 26, point 16).

3082. Il a déjà été constaté que, en retenant le 9 juin 1986 comme date initiale de cette infraction à l'encontre d'Uniland, la Commission avait mal apprécié le point de départ de la participation de cette entreprise à ladite infraction. Celui-ci doit ainsi être reporté au 9 septembre 1986 (voir ci-dessus point 3073).

3083. Il convient à présent d'examiner les arguments des parties requérantes visant à contester la décision de la Commission de fixer au 26 mars 1993 la date de fin de l'infraction constatée.

3084. En premier lieu, CBR, Ciments français, Lafarge, Uniland, Oficemen, Italcementi, Holderbank et Blue Circle reprochent à la Commission d'avoir erronément étendu la durée de l'infraction relative à la constitution d'Interciment jusqu'au 26 mars 1993, alors que cette société aurait tout au plus été une "coquille vide". En effet, dès le 9 septembre 1986, il aurait été décidé qu'Interciment demeurerait inactive, décision qui aurait été confirmée le 6 novembre 1986. Uniland et Oficemen soutiennent que, en tout état de cause, l'accord constitutif d'Interciment n'a pas pu durer au-delà de la fin de mai 1987, époque à laquelle l'accord constitutif de l'ETF serait devenu caduc.

3085. Lafarge affirme que c'est par pure négligence que les entreprises concernées, qui avaient perdu tout intérêt dans Interciment, n'ont décidé de la dissoudre formellement que le 26 mars 1993. Holderbank explique pour sa part que, à la lecture de la CG, elle n'avait pas deviné l'importance que la Commission accordait à Interciment. Ce ne serait que lors de l'audition de mars 1993 qu'elle aurait pris conscience des conséquences que la Commission entendait tirer du maintien d'Interciment, ce qui expliquerait sa décision de procéder, immédiatement après cette audition, à la dissolution formelle de cette société.

3086. Dyckerhoff, Italcementi et Holderbank soulignent que la décision de dissoudre Interciment en mars 1993 fut prise par la seule Holderbank, ce qui démontrerait que cette dernière était l'actionnaire unique d'Interciment. Italcementi insiste sur le fait qu'elle a rétrocédé ses actions d'Interciment à Holderbank le 7 novembre 1988.

3087. Sur cette question, il y a lieu de rappeler que, si, effectivement, il fut convenu à diverses reprises qu'Interciment demeurerait inactive (voir ci-dessus point 2993), il fut jugé important, à la réunion du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, de s'assurer que cette société demeurerait prête à devenir opérationnelle pour la mise à exécution des mesures dissuasives et persuasives préconisées par le document de Zurich/Céligny à l'encontre des pays qui menaçaient la stabilité des marchés des pays membres (décision attaquée, paragraphes 25, point 32, et 26, point 14; document n° 33.126/18861). Par la suite, il a encore été discuté d'Interciment aux réunions de l'ETF du 9 janvier 1987 (décision attaquée, paragraphe 25, point 44; documents n° 33.126/18921 et 18922) et du 11 février 1987 (décision attaquée, paragraphes 25, point 45, et 26, point 10; documents n° 33.126/18937 et 18938). Dans la perspective de cette dernière réunion, les membres de l'ETF se virent adresser par Holderbank le bilan d'Interciment au 31 décembre 1986 (décision attaquée, paragraphe 26, point 10; documents n° 33.126/18946 à 18949).

3088. Il ressort par ailleurs des documents n° 33.126/10960 à 10962, cités au paragraphe 26, point 7, de la décision attaquée, ainsi que de l'extrait du mémoire en réponse de Blue Circle à la CG reproduit au paragraphe 26, point 9, que l'entreprise britannique a effectué en septembre ou octobre 1986, par le biais de sa filiale suisse BCO AG, un paiement à Holderbank en rapport avec Interciment.

3089. Enfin, Italcementi a souscrit au capital d'Interciment le 11 février 1987, avant de revendre ses actions à Holderbank le 7 novembre 1988 (décision attaquée, paragraphe 26, point 8; documents n° 33.126/16218 et 16220).

3090. Ces différentes indications démontrent que, jusqu'au 7 novembre 1988, le concours de volontés qui conduisit à la constitution d'Interciment a subsisté. En revanche, il n'est pas permis de considérer qu'un tel concours de volontés s'est poursuivi après cette date.

3091. La Commission affirme, aux paragraphes 26, point 9, et 54, point 6, de la décision attaquée, que Holderbank, qui a prétendu avoir racheté toutes les actions d'Interciment, n'a jamais précisé à qui elle avait racheté ces actions ni produit quelque document que ce fût démontrant qu'elle était devenue l'unique actionnaire d'Interciment.

3092. Toutefois, elle n'a pas été en mesure de présenter le moindre élément attestant que, au-delà du 7 novembre 1988, d'autres entreprises que Holderbank auraient détenu des actions d'Interciment. Au contraire, le procès- verbal de l'assemblée générale d'Interciment du 26 mars 1993 (décision attaquée, paragraphe 26, point 16) indique que M. Akermann, de Holderbank, a dissous seul Interciment.

3093. Au paragraphe 26, point 15, de la décision attaquée, la Commission se fonde encore sur l'extrait du mémoire en réponse de Blue Circle à la CG selon lequel l'entreprise britannique affirme qu'"Interciment était toujours prête à fonctionner mais qu'elle pouvait servir n'importe quel objectif".

3094. Cependant, l'extrait en question indique tout au plus qu'Interciment existait toujours à cette époque et qu'elle pouvait à tout moment être rendue opérationnelle. Il ne démontre pas que le concours de volontés qui s'était exprimé au milieu de l'année 1986 pour confier à cette société la mise à exécution des mesures dissuasives et persuasives préconisées par le document de Zurich/Céligny à l'encontre des pays qui menaçaient la stabilité des marchés des pays membres existait encore pendant la procédure administrative.

3095. Enfin, au paragraphe 54, point 4, de la décision attaquée, la Commission invoque le fait que les mesures persuasives d'absorption du ciment et du clinker grecs ont été exécutées jusqu'en 1991.

3096. Toutefois, elle ne produit aucun élément démontrant que de telles mesures persuasives étaient le fait d'Interciment.

3097. En conclusion, il y a lieu d'annuler l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, pour autant qu'il retient l'infraction relative à l'accord constitutif d'Interciment après le 7 novembre 1988. Cette conclusion s'impose à l'égard non seulement des parties requérantes visées ci-dessus aux points 3084 à 3086, mais aussi du SFIC, du BDZ, d'Aker et d'Euroc, qui ont formulé des arguments visant en substance à obtenir l'annulation de l'article 4, paragraphe 2.

3098. A l'adresse d'Aker et d'Euroc, il convient de préciser que, compte tenu de l'analyse développée ci-dessus aux points 3087 à 3097, il est indifférent que l'extrait de la réponse de Blue Circle à la CG, mentionné ci-dessus au point 3093, ait dû être écarté, pour les motifs énoncés ci-dessus au point 402, en tant que moyen de preuve opposable à leur égard.

3099. En deuxième lieu, Lafarge affirme avoir manifesté son intention de ne pas participer à la création d'Interciment dès septembre 1986, en ne donnant pas suite à la lettre du 22 septembre 1986 de Holderbank, qui l'invitait à souscrire au capital d'Interciment. Cette décision aurait été prise en raison du fait qu'Interciment ne répondait pas aux critères de légalité que s'était assignés l'ETF.

3100. Il convient toutefois de constater que Lafarge ne produit aucun élément démontrant que, à l'époque, elle aurait ouvertement fait savoir aux autres parties concernées qu'une telle décision devait être considérée comme un acte de désengagement de l'accord constitutif d'Interciment ou, du moins, comme un signe de distanciation par rapport au but illicite assigné à cette société lors de sa création. Au contraire, il apparaît que, le 10 février 1987, Lafarge s'est vu communiquer par Holderbank le bilan d'Interciment au 31 décembre 1986 en vue de la réunion de l'ETF du lendemain (décision attaquée, paragraphe 26, point 10; documents n° 33.126/18936 à 18938), élément qui contredit sa thèse selon laquelle elle se serait démarquée de l'accord constitutif d'Interciment en septembre 1986.

3101. Cet argument ne saurait donc conduire à infirmer, à l'égard de Lafarge, l'analyse développée ci-dessus aux points 3087 à 3097 quant à la durée de l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée.

3102. En troisième lieu, Uniland prétend qu'elle ne peut être tenue pour responsable du maintien d'Interciment, alors qu'elle n'a jamais participé ni au capital social ni aux organes directeurs de cette société.

3103. Toutefois, cette entreprise ne présente aucun élément démontrant que, après avoir marqué son soutien, au cours de la réunion du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, à la constitution d'Interciment et à la finalité anticoncurrentielle assignée à celle-ci, elle aurait par la suite ouvertement pris ses distances par rapport au concours de volontés illicite auquel elle avait adhéré lors de ladite réunion.

3104. L'argument d'Uniland ne saurait donc conduire à infirmer, à son égard, l'analyse développée ci-dessus aux points 3087 à 3097 quant à la durée de l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée.

E Sur l'accès au dossier

3105. Heidelberger, Asland et Cementir ont présenté, à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 en matière d'accès au dossier, des documents qui, selon elles, auraient pu leur être utiles au cours de la procédure administrative pour se défendre contre le grief tiré de leur participation à l'accord constitutif d'Interciment.

3106. Il n'y a toutefois plus lieu d'apprécier le bien-fondé de ces observations, dès lors qu'il a déjà été constaté que l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée doit être annulé, en ce qu'il retient la participation de Heidelberger, d'Asland et de Cementir à l'infraction relative à l'accord constitutif d'Interciment (voir ci-dessus, respectivement, points 3046, 3065 et 3080).

3107. Dyckerhoff, le SFIC, Lafarge, Holderbank, Aker et Euroc formulent également une série d'observations à partir des documents qu'ils ont pu consulter à la suite des mesures d'organisation de la procédure rappelées ci-dessus au point 3105. Ils entendent démontrer que, en ne leur accordant qu'un accès limité à la CG et à son dossier d'instruction au cours de la procédure administrative, la Commission a violé leurs droits de la défense lors de la constatation de l'infraction qui leur est reprochée à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, dans la mesure où ils n'ont pas eu accès à des éléments à leur décharge.

3108. En premier lieu, Dyckerhoff, le SFIC, Lafarge, Aker et Euroc invoquent différents documents qui souligneraient le souci des parties concernées par la constitution d'Interciment de s'assurer de la légalité de leur initiative.

3109. Dyckerhoff présente, dans ses observations du 5 janvier 1998, des documents qui démontreraient qu'il avait été convenu, dès l'origine, de subordonner la constitution d'Interciment à un examen juridique (documents n° 33.126/7639 à 7641).

3110. Cependant, les commentaires qu'elle aurait pu présenter au cours de la procédure administrative à partir de ces documents n'auraient pas permis d'écarter les constatations objectives qui se dégagent du faisceau des pièces visées par la Commission au paragraphe 26 de la décision attaquée, à savoir que, sans attendre les consultations juridiques envisagées, il fut décidé de créer Interciment en lui assignant un objectif manifestement contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

3111. Le SFIC, dans ses observations du 7 janvier 1998, Lafarge, dans ses observations du 28 janvier 1998, ainsi qu'Aker et Euroc, dans leurs observations du 29 décembre 1997, invoquent également le document n° 33.126/7639, mentionné ci-dessus au point 3109. Ils affirment que ce document, qui correspond à une lettre du 6 novembre 1986 adressée par M. Van Hove, de CBR, à M. Akermann, de Holderbank, atteste que les autorités communautaires avaient été avisées de la constitution d'Interciment et qu'il avait été envisagé de notifier cette mesure à la Commission.

3112. Toutefois, des commentaires sur ce point, s'ils avaient pu être présentés au cours de la procédure administrative, n'auraient pas permis d'écarter le reproche adressé par la Commission aux parties concernées par la constitution d'Interciment, à savoir que celle-ci ne lui a jamais été notifiée (décision attaquée, paragraphes 26, point 13, et 65, point 5, cinquième tiret).

3113. Lafarge se fonde encore sur le document n° 33.126/19009, note de Blue Circle relative à l'entretien du 6 novembre 1986 entre M. Sutherland, membre de la Commission, et quelques représentants de l'industrie européenne du ciment, pour soutenir que la création d'Interciment avait été portée à la connaissance de la Commission et débattue avec elle.

3114. Toutefois, ce document indique tout au plus que "M. Laplace souligna les difficultés pour les autres cimentiers européens de riposter sur le marché grec". Il ne démontre pas que les représentants de l'industrie européenne du ciment aient avisé la Commission de la constitution de la société commerciale commune Interciment en vue de mettre en œuvre des mesures dissuasives et persuasives à l'encontre des producteurs - les producteurs grecs - en l'occurrence qui menaçaient la stabilité des autres marchés européens. En tout état de cause, les commentaires que Lafarge aurait pu développer au cours de la procédure administrative à partir de ce document n'auraient pas permis d'écarter le reproche adressé par la Commission aux parties concernées par la création d'Interciment, à savoir que celle-ci ne lui a jamais été notifiée.

3115. En deuxième lieu, Dyckerhoff et Holderbank soutiennent que différents documents du dossier de la Commission, s'ils leur avaient été rendus accessibles au cours de la procédure administrative, leur auraient utilement permis de faire valoir qu'Interciment était restée une société en sommeil.

3116. Dans ses observations du 5 janvier 1998, Dyckerhoff présente plusieurs documents qui prouveraient qu'Interciment n'a jamais eu la moindre activité (documents n° 33.126/16509, 16515 et 16516).

3117. Dans ses observations du 8 décembre 1997, Holderbank se prévaut de l'extrait suivant des renseignements fournis le 21 mars 1990 par Italcementi à la Commission dans le cadre de l'instruction de la présente affaire (documents n° 33.126/15978 à 15985, particulièrement 15984): "Jusqu'à la reprise de nos actions [par Holderbank], Interciment est toujours restée inactive." Elle affirme que cet extrait lui aurait permis d'étayer son argumentation selon laquelle Interciment avait toujours été une société en sommeil, maintenue dans sa comptabilité comme une société purement formelle, sans activité.

3118. A l'adresse de Dyckerhoff, il convient d'abord de faire observer que le document n° 33.126/16509 correspond au document n° 33.126/18857, et que les documents n° 33.126/16515 et 16516 correspondent aux documents n° 33.126/18821 et 18822. Les documents n° 33.126/18857, 18821 et 18822 figuraient dans la boîte (voir ci- dessus point 95). Dans ces conditions, Dyckerhoff ne saurait invoquer une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

3119. En tout état de cause, les commentaires que Dyckerhoff et Holderbank auraient pu formuler au cours de la procédure administrative, à partir des documents mentionnés, respectivement, aux points 3116 et 3117, n'auraient pu que confirmer des indications qui ont été dûment relevées par la Commission dans la décision attaquée. En effet, au paragraphe 26, point 14, la Commission constate qu'il fut décidé à différentes reprises qu'Interciment resterait inactive. Au paragraphe 54, point 2, elle reconnaît que cette société "n'est apparemment pas devenue opérationnelle".

3120. En revanche, ces commentaires n'auraient pas pu donner un éclairage différent à l'extrait du procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986, reproduit aux paragraphes 26, point 15, et 54, point 2, de la décision attaquée, selon lequel il fut convenu de s'assurer qu'Interciment demeurerait prête à devenir opérationnelle pour la mise en œuvre des mesures dissuasives et persuasives (document n° 33.126/18861). En outre, ils n'auraient pas permis de donner un éclairage différent aux pièces visées au paragraphe 26, point 1, de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a, à juste titre, constaté, au paragraphe 54, points 1 et 2, la nature anticoncurrentielle de l'objet de l'accord constitutif d'Interciment, constatation qui suffisait pour conclure que cet accord était contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir jurisprudence citée au point 837 ci-dessus).

3121. En troisième lieu, Holderbank identifie, dans ses observations du 8 décembre 1997, une note interne de Blue Circle du 20 octobre 1987 (document n° 33.126/10959), qui souligne:

"Une somme d'argent avait été avancée à Holderbank avec l'intention d'en faire une participation au capital, mais par la suite il a été décidé et communiqué à Holderbank que le groupe ne souhaitait pas participer au capital de la société. Cependant, cette décision n'a pas été communiquée aux responsables de la comptabilité de BCO AG et une erreur a donc été commise dans l'enregistrement de la nature de cette opération. Cette erreur sera corrigée en 1987."

3122. Elle estime que, si elle avait pu disposer de ce document pour préparer sa défense à la CG, elle aurait pu étayer son argumentation quant à la décision de Blue Circle de ne pas participer à Interciment.

3123. Holderbank se prévaut encore de l'extrait suivant des informations fournies le 21 mars 1990 par Italcementi à la suite d'une demande de renseignements de la Commission (documents n° 33.126/15978 à 15985, particulièrement 15984, mentionnés ci-dessus au point 3117):

"Les actions étaient au porteur. D'après ce qui nous a été déclaré verbalement par Holderbank, jusqu'à ce que cette dernière reprenne les 12,5 % d'actions que nous détenions, Holderbank et notre société étaient les seuls associés."

3124. Elle affirme que cet extrait lui aurait permis d'étayer son argumentation selon laquelle Italcementi avait été, avec elle, la seule entreprise actionnaire d'Interciment, avant de lui revendre ses actions le 7 novembre 1988.

3125. Cependant, il convient de rappeler que la note interne de Blue Circle du 20 octobre 1987 (document n° 33.126/10959) avait été classée "A: producteurs européens" aux fins de la consultation du dossier pendant la procédure administrative et elle figurait même dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Holderbank aurait donc pu utiliser ce document pour étayer son mémoire en réponse à la CG. Dans ces conditions, elle ne saurait à présent l'invoquer pour démontrer l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

3126. En tout état de cause, les indications qu'elle retire tant de cette note interne que de l'extrait des informations fournies le 21 mars 1990 par Italcementi ont été dûment relevées par la Commission dans la décision attaquée.

3127. Ainsi, dans l'exposé des faits relatifs à Interciment, la Commission (décision attaquée, paragraphe 26, point 7) fait tout d'abord observer:

"Blue Circle a payé le montant correspondant à sa quote-part par le biais de sa filiale suisse BCO AG entre les mois de septembre et d'octobre, ainsi qu'il ressort d'un état des comptes du 7 novembre 1986 (documents n° 33.126/10960 à 10962), mais elle a ensuite obtenu que BCO AG modifie l'objet du paiement relatif à la participation dans Interciment; elle a demandé que le paiement soit dorénavant identifié comme étant une 'contribution pour recherches de marché (document n° 33.126/10958)."

3128. Elle reproduit encore (paragraphe 26, point 9) l'extrait de la réponse de Blue Circle à la CG (point 4.159) dans lequel l'entreprise britannique déclara que, "par le paiement effectué, elle [avait] remboursé à Holderbank sa quote-part de 1/8 dans les frais encourus par Holderbank pour constituer Interciment SA".

3129. Elle constate par ailleurs (paragraphe 26, point 8; documents n° 33.126/16218 et 16220) qu'Italcementi a souscrit au capital le 11 février 1987 et revendu ses actions à Holderbank le 7 novembre 1988.

3130. Enfin, reproduisant les propres déclarations de Holderbank à la suite d'une demande de renseignements (document n° 33.126/18329), elle relève (décision attaquée, paragraphe 26, point 9):

"Outre Holderbank, un seul autre membre (Italcementi, n.d.r.) de la 'European Task Force' a souscrit et libéré ses actions. [Un autre membre (Blue Circle, n.d.r.) a payé le montant correspondant mais n'est jamais devenu actionnaire effectif. Le membre en question préféra demander la postposition sine die de la transmission des actions aux porteurs et par après ne réclama jamais, apparemment par manque d'intérêt, une telle transmission. C'est pourquoi, et au vu des montants en jeu relativement peu importants, aucune restitution n'a eu lieu jusqu'à ce jour]. Aucun document ne fut établi à ce sujet; la preuve peut en être déduite du libellé du document communiqué en réponse à la question 7/e (lettres du 22 septembre 1986, par lesquelles Holderbank a réclamé le paiement de quotes-parts des actions, ci-dessus mentionnées, n.d.r.). De plus, Holderbank a, depuis un certain temps déjà, racheté toutes les actions et est donc seul actionnaire d'Interciment SA, société n'ayant jusqu'à ce jour aucune activité."

3131. Les commentaires que Holderbank aurait pu présenter au cours de la procédure administrative pour faire valoir que, à l'exception de la participation temporaire d'Italcementi dans le capital d'Interciment, aucune entreprise, autre qu'elle-même, n'avait souscrit les actions de la société commerciale commune, n'auraient donc pu que confirmer des éléments dûment pris en compte par la Commission dans la décision attaquée. En revanche, ils n'auraient pas permis de donner un éclairage différent au faisceau des pièces visées au paragraphe 26, particulièrement points 1, 2 et 6, de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a à juste titre constaté, au paragraphe 54, particulièrement points 1, 2 et 4, qu'un concours de volontés était intervenu à partir du 9 juin 1986 pour la constitution de la société commerciale commune Interciment aux fins de la mise à exécution des mesures dissuasives et persuasives, constatation qui suffisait à retenir une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

3132. En conclusion, les commentaires de Dyckerhoff, du SFIC, de Lafarge, de Holderbank, d'Aker et d'Euroc n'auraient pas eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Ces parties requérantes n'ont donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative.

Mesures de défense du marché italien (décision attaquée, article 4, paragraphe 3)

3133. A l'article 4, paragraphe 3, de la décision attaquée, la Commission constate deux infractions liées à des mesures de défense du marché italien contre les importations de ciment en provenance de Grèce:

des pratiques concertées ayant visé à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan [article 4, paragraphe 3, sous a)];

un accord ayant porté sur des conventions signées les 3 et 15 avril 1987 dans le but d'éviter des importations par Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce [article 4, paragraphe 3, sous b)].

3134. La Commission reproche la première infraction aux trois producteurs italiens de ciment Italcementi, Unicem et Cementir, ainsi qu'aux "autres participants à la 'Cembureau Task Force" (décision attaquée, paragraphe 55, point 1). La seconde infraction est uniquement imputée aux trois producteurs italiens.

A Pratiques concertées ayant visé à soustraire Calcestruzzi aux producteurs grecs, et en particulier à Titan [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a)]

3135. Aux termes de l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, Cembureau, Holderbank, Blue Circle, Oficemen, Asland, Uniland, Hispacement, le SFIC, Lafarge, Ciments français, le BDZ, Dyckerhoff, Heidelberger, CBR, Aker, Euroc, Aalborg, Irish Cement, Italcementi, Unicem et Cementir "ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, du 17 juin 1986 au 15 mars 1987, en participant à des pratiques concertées visant à soustraire Calcestruzzi comme client[e] aux producteurs grecs et à Titan en particulier".

3136. A l'exception d'Hispacement, qui n'a pas introduit de recours en annulation contre la décision attaquée, de Cembureau et du SFIC, qui n'ont consacré aucun argument à la contestation formelle de l'existence de l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 3, sous a), toutes les entreprises et associations d'entreprises visées par cette disposition font valoir des arguments tendant à son annulation. Quelques parties requérantes contestent l'existence des pratiques concertées en question. La grande majorité d'entre elles nie toute implication dans de telles pratiques. Quelques arguments se rapportent à la durée de l'infraction retenue. Lors de l'examen de ces différents arguments, les parties requérantes concernées seront identifiées.

3137. Par ailleurs, CBR, Dyckerhoff, Ciments français, Asland, Uniland, Oficemen, Holderbank, Aker et Euroc reprochent à la Commission d'avoir, à l'occasion de la constatation de l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, violé leurs droits de la défense en ne leur accordant pas au cours de la procédure administrative l'accès à l'intégralité de la CG et de son dossier d'instruction, les privant ainsi de prétendus éléments à leur décharge.

1. Sur l'existence des pratiques concertées

3138. Dans l'exposé des faits qu'elle consacre aux mesures de défense du marché italien (décision attaquée, paragraphe 27, point 2), la Commission relève:

"Le 30 avril 1986, le producteur grec Titan [...] et Calcestruzzi [...], le plus grand producteur italien de béton prêt à l'emploi, avaient signé un contrat, valable pour cinq ans, en vertu duquel Titan s'était engagé[e] à vendre et Calcestruzzi à acheter jusqu'à un maximum de 440 000 tonnes de ciment par an, les quantités effectivement livrables chaque année pouvant être déterminées par des accords ultérieurs (documents n° 33.126/16361 à 16368 et 19210 à 19217)."

3139. Elle ajoute (point 3, premier alinéa) que le problème des importations en Italie, par Calcestruzzi, de ciment en provenance de Grèce a alors été porté au niveau de l'ETF et discuté, à partir du 17 juin 1986, à plusieurs de ses réunions, ainsi qu'aux réunions des chefs de délégation des 9 septembre et 6 novembre 1986. Une note interne de Blue Circle du 4 septembre 1986 (documents n° 33.126/11026 et 11027) attesterait que Blue Circle a soulevé avec Titan le problème des exportations grecques en Italie (point 3, deuxième alinéa).

3140. Se référant à une lettre adressée le 2 septembre 1988 par Titan à ses avocats londoniens lorsque la non- exécution du contrat Titan-Calcestruzzi fut déférée aux arbitres, la Commission affirme (point 4):

"En même temps que le problème a été porté à l'attention de l'ETF, des pressions ont été exercées sur Calcestruzzi pour que [celle-ci] n'honore pas le contrat avec Titan. En effet, ainsi qu'il ressort [de la lettre en question], Calcestruzzi s'[est montrée] peu disposé[e] à exécuter le contrat à cause des pourparlers avec certains cimentiers italiens."

3141. Elle cite encore (point 5) les extraits des comptes rendus de la réunion de l'ETF du 11 février 1987 et de la réunion du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987 (et non pas du 15 mars 1987, comme indiqué par erreur dans la décision attaquée), qui relatent le rapport fait à ces deux réunions par le représentant italien sur les pourparlers entre, d'une part, les producteurs italiens de ciment et, d'autre part, Calcestruzzi et sa maison-mère Ferruzzi.

3142. Sur la base de ces différents éléments, elle estime (paragraphe 55, point 1):

"Les pressions exercées sur Calcestruzzi et la non-exécution de la part de Calcestruzzi du contrat d'achat de ciment de Titan font partie des mesures dissuasives de la task-force et sont le résultat de pratiques concertées entre les producteurs italiens Italcementi, Unicem et Cementir et ceux-ci et les autres participants à la 'Cembureau Task Force, mentionnés au paragraphe 53, point 9, ci-dessus, visant à soustraire aux producteurs grecs un client qui était important pour assurer leur pénétration du marché italien."

3143. Les parties requérantes font valoir en substance sept arguments visant à contester l'existence des pratiques concertées constatées à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée.

3144. En premier lieu, plusieurs soutiennent que la Commission n'a pas démontré que la question des importations en Italie, par le groupe Ferruzzi/Calcestruzzi, de ciment en provenance de Grèce avait donné lieu à une concertation illicite entre les producteurs de ciment à l'échelle européenne.

3145. Unicem conteste le lien établi par la Commission entre les prétendues pressions exercées sur Calcestruzzi et l'ETF. Elle estime que le lien allégué ne peut être établi sur la base de la référence, dans le document de Zurich/Céligny, à la solidarité souhaitée entre les producteurs de ciment d'Europe occidentale. Elle prétend avoir résolu le problème de l'approvisionnement de Calcestruzzi dans une autonomie et une indépendance absolues vis-à-vis des autres producteurs européens de ciment. Dans le cas contraire, elle n'aurait pas hésité à s'adresser à ces derniers pour obtenir leur soutien dans ses actions à l'égard de Calcestruzzi et de Titan. Enfin, les documents se rapportant aux réunions de l'ETF et des chefs de délégation ne feraient état d'aucune action spécifique en relation avec le contrat Calcestruzzi-Titan. Aucun de ces documents ne mentionnerait Titan. Quant à la note de Blue Circle du 4 septembre 1986, citée au paragraphe 27, point 3, de la décision attaquée, son auteur a très bien pu, d'après Unicem, recueillir directement auprès de Titan ou de tiers les informations qui y sont consignées. Cette note ne démontrerait donc pas qu'une concertation soit intervenue au niveau de l'ETF à propos du contrat Calcestruzzi-Titan.

3146. Uniland affirme que, pour établir les pratiques concertées alléguées, la Commission s'appuie sur une vague mention relative à de prétendues mesures dissuasives dans le document de Zurich/Céligny (paragraphe 27, point 1). Cette partie requérante nie que le "problème Calcestruzzi" ait été discuté aux réunions des chefs de délégation et de l'ETF. Elle souligne que la Commission ne peut se prévaloir à cet égard des déclarations des producteurs italiens de ciment, ces dernières ayant tout au plus constitué des affirmations unilatérales auxquelles les autres participants n'auraient porté aucun intérêt. Enfin, la Commission n'aurait pas démontré la réunion des différents éléments constitutifs d'une pratique concertée contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité. D'une part, elle n'aurait pas établi l'existence d'un contact effectif entre les parties, le seul élément invoqué étant une série de réunions au cours desquelles certains participants auraient exprimé leurs préoccupations de manière unilatérale, sans que, à aucun moment, il ait été question d'un échange d'informations ou d'une quelconque discussion. D'autre part, elle n'aurait pas prouvé que la concertation alléguée avait amené les parties à adopter un comportement anticoncurrentiel sur le marché ou à adapter leur conduite sur le marché.

3147. Oficemen affirme que la Commission n'a pas démontré que la réception des informations divulguées au niveau de l'ETF était susceptible d'avoir une influence sur son comportement sur le plan de la concurrence, sur celui de ses membres ou sur celui des producteurs italiens de ciment.

3148. Italcementi affirme que la Commission ne présente aucune preuve démontrant l'existence de pratiques concertées. Elle soutient que, au contraire, l'information réciproque entre entreprises (qui participaient dans le cadre de l'ETF à une activité conjointe de lobbying et poursuivaient des objectifs parfaitement légitimes) sur les dynamiques concurrentielles en cours sur un des marchés les plus exposés à la pression des producteurs grecs procédait d'une attitude conforme aux exigences posées par l'article 85, paragraphe 1, du traité. C'est donc en toute légalité qu'il aurait été discuté des pourparlers entre les producteurs italiens de ciment et Calcestruzzi aux réunions de l'ETF, pourparlers qui auraient d'ailleurs été de notoriété publique. En outre, les discussions menées dans le cadre de l'ETF à propos de Calcestruzzi ne se seraient pas soldées par l'exercice de pressions à l'encontre de cette dernière et seraient restées sans suite. De plus, elles auraient été accidentelles et approximatives. Italcementi insiste sur l'absence de lien entre les contrats de livraison de ciment conclus entre les producteurs italiens de ciment et Calcestruzzi, d'une part, et les mesures dissuasives envisagées dans le cadre de l'ETF, d'autre part. Elle relève que la Commission n'a pas précisé de quelle forme de pression Calcestruzzi aurait fait l'objet de la part des autres membres de l'ETF, lesquels n'exportaient pas en Italie et n'avaient aucun intérêt à le faire. La Commission n'aurait pas non plus tenu compte du fait que seuls des producteurs italiens de ciment ont participé aux contrats de livraison conclus avec Calcestruzzi.

3149. Holderbank nie qu'il ait existé un quelconque accord de base au sein de l'ETF quant à des mesures de défense du marché italien.

3150. Sur cette question, il convient de rappeler que la notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence. Les critères de coordination et de coopération permettant de définir cette notion doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun. Cette exigence d'autonomie s'oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre opérateurs, ayant pour objet ou pour effet d'aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché. Comme cela résulte des termes mêmes de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la notion de pratique concertée implique, outre la concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments (voir, en dernier lieu, arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, points 115 à 118, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, points 158 à 161).

3151. En l'espèce, il y a lieu de constater que, au cours de la réunion de l'ETF du 17 juin 1986 à Londres, soit quelques semaines après la conclusion du contrat d'approvisionnement en ciment entre Calcestruzzi et Titan, il fut convenu que M. d'Agostino, d'Italcementi, "coordonner[ait] la situation Ferruzzi" (note du 19 juin 1986 de M. Cheney, de Blue Circle, intitulée "Points for action"; décision attaquée, paragraphe 25, point 11; document n° 33.126/18787).

3152. Dans une note interne du 4 septembre 1986 (décision attaquée, paragraphe 27, point 3; document n° 33.126/11026), Blue Circle affirme:

"En ce qui concerne l'Italie, Titan reste inflexible dans sa volonté de ne pas résilier le contrat avec Ferruzzi avant décembre 1987 au plus tôt, date à laquelle elle semble avoir une clause-échappatoire."

3153. Lors de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, il a été relevé à propos de l'Italie, dans le cadre du point 1.5 ("Résumé des présentations et des conclusions de la réunion des chefs de délégation et des représentants de la task-force à Baden-Baden, le 9 septembre 1986"; décision attaquée, paragraphe 25, points 22 et 28; documents n° 33.126/18859 et 18860):

"Plusieurs réunions ont eu lieu entre les producteurs de ciment italiens et Ferruzzi et il apparaît que l'on pourrait aboutir à un accord en ce qui concerne le marché du béton prêt à l'emploi [...] Titan pourrait mettre fin à ses accords avec Ferruzzi pour fin 1987."

3154. D'après la lettre de Titan du 2 septembre 1988 (décision attaquée, paragraphe 27, point 4; document n° 33.126/19196), mentionnée ci-dessus au point 3140, "[l]e 6 février 1987, Calcestruzzi pour la première fois sembl[a] réticent[e] à confirmer le programme des livraisons, faisant valoir que 'la situation [était] en évolution avec l'industrie locale du ciment".

3155. Au cours de la réunion de l'ETF tenue le 11 février 1987 à Genève, le représentant italien, Italcementi, a fait le rapport suivant sur la situation italienne, d'après le compte rendu manuscrit rédigé le lendemain par M. Marichal, de Lafarge (décision attaquée, paragraphe 27, point 5; document n° 33.126/4912):

"L'accord entre les producteurs cimentiers et Ferruzzi a été signé. Il permet d'éviter une menace d'importation par ce dernier groupe de 1,5 [million de tonnes] dans une dizaine de ports, ce qui aurait été catastrophique pour les prix. Durée: cinq ans. Outre les participations croisées qui bloqueront Calcestruzzi, la filiale BPE [béton prêt à l'emploi] de Ferruzzi mais aussi la maison mère, Ciments de Ravenna, une série de mesures destinées à consolider l'alliance ont été prises.

Ferruzzi recevra pour sa bonne volonté la coquette somme de 15 millions de USD par an pendant les cinq années. Cette somme sera versée partiellement en titres (Montedison), partiellement en espèces: Ferruzzi devra consacrer une partie du magot à acheter des sociétés de BPE ou des participations dans des sociétés BPE pour cadenasser les côtes.

Il reste deux problèmes à résoudre:

1. Deux bateaux de Ferruzzi devraient trouver une utilisation. Ce sont des bateaux silos 6 000 DWT.

2. Les contrats de 75 000 tonnes/an avec Titan [...] devront être honorés ou les pénalités prévues payées.

Pour résoudre ces problèmes, Italcementi demande l'aide des collègues européens.

Les cimentiers italiens vont demander l'accord de la CEE pour appliquer la loi italienne prévoyant l'instauration d'une 'notification préalable' à toute importation de ciment.

Ils demandent à leurs collègues européens de prévenir leur représentant auprès de la CEE pour qu'ils ne s'opposent pas à la demande."

3156. Lors de la réunion du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987, le représentant italien "a repris ce qui fut déjà dit au cours des réunions de la task-force (cf. note JM du 12.02.87) en précisant cependant que l'accord avec Ferruzzi n'avait pas encore été finalisé" ("Menaces d'invasion chez les cimentiers européens: le point sur la situation au 15 mars 1987"; décision attaquée, paragraphe 27, point 5; document n° 33.126/4860).

3157. Il ressort de ces différents extraits de documents que, peu de temps après la conclusion en avril 1986 du contrat d'approvisionnement en ciment entre Calcestruzzi et Titan, la question des importations en Italie, par le groupe Ferruzzi/Calcestruzzi, de ciment en provenance de Grèce a été portée au niveau de l'ETF, laquelle avait été mise en place pour examiner les mesures, notamment dissuasives, destinées à éliminer les incursions de ciment à bas prix (en particulier celles en provenance de Grèce) menaçant la stabilité des marchés d'Europe occidentale (voir ci-dessus points 2537 et 2538).

3158. Au cours de la réunion de l'ETF du 17 juin 1986, Italcementi fut chargée de coordonner la "situation Ferruzzi".

3159. Par suite de cette concertation, des démarches furent entreprises en vain auprès de Titan, afin que celle-ci résiliât le contrat qu'elle avait conclu avec Calcestruzzi. Dans le même temps, les producteurs italiens de ciment engagèrent avec le groupe Ferruzzi des pourparlers visant à amener sa filiale Calcestruzzi à renoncer à l'exécution dudit contrat.

3160. Ces pourparlers, dont il fut rendu compte aux membres de l'ETF et aux chefs de délégation réunis le 9 septembre 1986 à Baden-Baden, aboutirent à un accord entre les producteurs italiens de ciment et Ferruzzi.

3161. Les membres de l'ETF furent informés de cet accord pendant la réunion du 11 février 1987 par le représentant italien. Celui-ci indiqua notamment que ledit accord permettait d'éviter une menace d'importation de ciment par le groupe Ferruzzi, jugée catastrophique pour les prix. Il demanda également l'aide de ses collègues européens pour résoudre les problèmes liés à la non-exécution du contrat Calcestruzzi-Titan.

3162. L'accord entre les producteurs italiens de ciment et Ferruzzi fut encore évoqué lors de la réunion du sous- groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987.

3163. Il découle de l'analyse qui précède que, sous réserve de l'appréciation portée ci-après aux points 3190 à 3300 sur le bien-fondé de la décision de la Commission de retenir la participation des différentes entreprises et associations d'entreprises visées à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, l'institution était fondée à constater l'existence de pratiques concertées à l'échelle européenne, qui visaient, dans un esprit anticoncurrentiel, à ce que Calcestruzzi ne fût plus cliente des producteurs grecs, et en particulier de Titan. Celles-ci constituent des pratiques concertées contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en vertu de la jurisprudence citée au point 3150 ci-dessus.

3164. L'argument des parties requérantes doit, par conséquent, être rejeté.

3165. En deuxième lieu, Cementir soutient que les mesures de défense du marché italien n'ont eu aucun objet anticoncurrentiel.

3166. Toutefois, il ressort de l'analyse développée ci-dessus aux points 3150 à 3163 que les pratiques concertées mises en œuvre à la suite des importations, par Calcestruzzi, de ciment en provenance de Grèce ont eu pour but de faire renoncer cette entreprise à être cliente de Titan, et d'éviter ainsi une menace d'importation de 1,5 million de tonnes, "ce qui aurait été catastrophique pour les prix" (document n° 33.126/4912). La Commission était ainsi fondée à constater que l'objet de ces pratiques concertées était contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

3167. En troisième lieu, Italcementi relève que le compte rendu de la réunion de l'ETF du 11 février 1987, établi par M. Marichal, de Lafarge, fait seulement allusion à la signature d'un accord ayant pour objet d'éviter une menace d'importation, par Calcestruzzi, de ciment en provenance de Grèce. Ce document n'indiquerait pas que l'accord en question obligeait Calcestruzzi à interrompre de telles importations.

3168. A cet égard, il doit être rappelé que, d'après le document en question, le représentant italien a affirmé que "[l]'accord [permettait] d'éviter une menace d'importation par [le groupe Ferruzzi] de 1,5 [million de tonnes] dans une dizaine de ports, ce qui aurait été catastrophique pour les prix".

3169. Une telle indication démontre que l'objet des pratiques concertées ayant abouti à l'accord entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi était de faire obstacle à l'interpénétration économique des marchés et au jeu de la concurrence, ce qui suffisait à déclarer ces pratiques concertées contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

3170. L'argument d'Italcementi doit, par conséquent, être écarté.

3171. En quatrième lieu, Italcementi conteste l'exactitude des autres informations rapportées dans le compte rendu susvisé de la réunion de l'ETF du 11 février 1987. Ce document ne prouverait pas que les producteurs italiens ont dédommagé Calcestruzzi pour la rupture de son contrat avec Titan. Le montant de 15 millions de USD dont il fait état correspondrait à la valeur des rabais consentis à Calcestruzzi sur les barèmes de prix par les producteurs italiens de ciment. De même, la vente d'actions de la société Montedison au groupe Ferruzzi, dont il est également question dans ce compte rendu, aurait été une opération indépendante des négociations menées avec Calcestruzzi pour la conclusion des contrats de livraison.

3172. Il convient de rappeler que, pour apprécier la valeur probante d'un document, il faut en premier lieu vérifier la vraisemblance de l'information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte, notamment, de l'origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire, et se demander si, d'après son contenu, il semble sensé et fiable (conclusions du juge M. Vesterdorf faisant fonction d'avocat général sous l'arrêt Rhône-Poulenc/Commission, citées au point 1053 ci-dessus, p. II-956).

3173. En l'espèce, le compte rendu de la réunion de l'ETF du 11 février 1987 a été rédigé par M. Marichal, de Lafarge, le lendemain de ladite réunion, à laquelle il avait personnellement pris part.

3174. Il indique que le participant italien a d'abord informé les autres membres que l'accord entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi avait été signé, ce qui permettait d'éviter une menace d'importation de ciment perçue comme catastrophique pour les prix.

3175. Puis, il rapporte que ce représentant italien a affirmé que "Ferruzzi recevra[it] pour sa bonne volonté la coquette somme de 15 millions de USD par an pendant les cinq années [de l'accord], [...] somme [qui] sera[it] versée partiellement en titres (Montedison)".

3176. Enfin, il fait état des problèmes évoqués par le même représentant italien en relation avec la non-exécution du contrat Calcestruzzi-Titan.

3177. Le compte rendu montre ainsi sans équivoque que les producteurs italiens ont entendu récompenser le groupe Ferruzzi, en lui transmettant notamment des titres Montedison, pour avoir accepté de suspendre l'exécution du contrat Calcestruzzi-Titan, contrat que Calcestruzzi avait à l'évidence conclu à des conditions particulièrement avantageuses en termes de prix.

3178. En toute hypothèse, l'argument d'Italcementi ne permet pas d'écarter l'analyse de documents opérée ci-dessus aux points 3151 à 3163, qui montre que la Commission a, à juste titre, constaté l'existence de pratiques concertées ayant visé, dans un esprit anticoncurrentiel, à ce que Calcestruzzi cessât d'être cliente de Titan.

3179. En cinquième lieu, Italcementi s'interroge sur les raisons qui auraient pu conduire à limiter au seul marché italien les mesures de défense décidées par une vingtaine d'entreprises. Elle prétend que l'absence de preuve de mesures de défense des autres marchés nationaux démontre l'inexistence d'un quelconque lien entre les prétendues pressions exercées sur Calcestruzzi et une stratégie commune de protection des marchés nationaux.

3180. Il y a toutefois lieu de relever qu'Italcementi ne conteste pas que "les producteurs grecs se sont tournés, fin 1985-début 1986, vers l'Europe occidentale et notamment vers les marchés qu'ils estimaient être plus facilement accessibles[, dont] l'Italie, où des petites associations, formées par des utilisateurs et des petites sociétés d'import-export, avaient pris l'initiative d'importer du ciment grec" (décision attaquée, paragraphe 24, point 1).

3181. En toute hypothèse, l'absence de preuves de mesures de défense d'autres marchés que le marché italien ne saurait occulter le faisceau des pièces visées au paragraphe 27, points 3 à 5, de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a, à juste titre, constaté l'existence de pratiques concertées de défense du marché italien (voir ci-dessus points 3151 à 3163).

3182. L'argument d'Italcementi doit donc être écarté.

3183. En sixième lieu, Cementir affirme que les mesures de défense du marché italien n'ont eu aucun effet anticoncurrentiel, comme le démontreraient les statistiques indiquant que les exportations d'Heracles en Italie ont augmenté à partir de 1987.

3184. Il doit cependant être rappelé que les pratiques concertées mises en œuvre à la suite des importations en Italie, par le groupe Ferruzzi, de ciment en provenance de Grèce ont, en définitive, abouti à un accord entre les producteurs italiens de ciment et ce dernier groupe, accord qui, d'après le rapport fait par le représentant italien à la réunion de l'ETF du 11 février 1987, "[a permis] d'éviter une menace d'importation par [le groupe Ferruzzi] de 1,5 [million de tonnes] dans une dizaine de ports, ce qui aurait été catastrophique pour les prix".

3185. En tout état de cause, ces pratiques concertées ont été retenues par la Commission uniquement en raison de leur finalité anticoncurrentielle, laquelle a effectivement été établie (voir ci-dessus points 3151 à 3163). Une telle démonstration suffisait à déclarer de telles pratiques concertées contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1674 ci-dessus).

3186. En septième lieu, CBR et Blue Circle estiment que, dès lors que la présence aux réunions de l'ETF a servi à établir l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, la Commission ne pouvait pas conclure à l'existence d'une infraction distincte sur la base de l'assistance auxdites réunions au seul motif que la situation italienne y avait été évoquée.

3187. Toutefois, la lecture des paragraphes 25 et 27, points 1 à 5, de la décision attaquée fait apparaître que les éléments de fait sur lesquels la Commission s'est fondée pour établir, d'une part, l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 1 (accord constitutif de l'ETF), et, d'autre part, celle retenue à l'article 4, paragraphe 3, sous a) (pratiques concertées de défense du marché italien) sont en grande partie différents.

3188. Des éléments présentés aux points susvisés du paragraphe 27, il ressort que, ainsi que cela a été constaté ci- dessus aux points 3138 à 3142, la Commission s'est fondée sur d'autres éléments que l'évocation de la situation italienne au cours des réunions de l'ETF pour constater les pratiques concertées visées à l'article 4, paragraphe 3, sous a), à savoir la note interne de Blue Circle du 4 septembre 1986 faisant état de discussions avec Titan en relation avec le contrat que cette dernière avait conclu avec Calcestruzzi (décision attaquée, paragraphe 27, point 3; documents n° 33.126/11026 et 11027) et l'extrait de la lettre adressée le 2 septembre 1988 par Titan à ses avocats londoniens, attestant les réticences de Calcestruzzi à exécuter ledit contrat à partir de février 1987 (décision attaquée, paragraphe 27, point 4; documents n° 33.126/19195 et 19196).

3189. L'argument de CBR et de Blue Circle doit, par conséquent, être rejeté.

2. Sur la participation aux pratiques concertées des parties requérantes en cause

3190. Dans la décision attaquée (paragraphe 55, point 1), la Commission affirme:

"Les pressions exercées sur Calcestruzzi et la non-exécution de la part de Calcestruzzi du contrat d'achat de ciment de Titan [...] sont le résultat de pratiques concertées entre les producteurs italiens Italcementi, Unicem et Cementir et ceux-ci et les autres participants à la 'Cembureau Task Force', mentionnés au paragraphe 53, point 9, ci-dessus [...]. Les autres participants à la 'Cembureau Task Force' sont aussi parties aux pratiques concertées puisque le problème Calcestruzzi a été discuté à plusieurs réunions de la task-force et des chefs de délégation (voir paragraphe 27, points 3 et 5, ci-dessus) et puisque les stratégies développées par la task-force sont basées sur la solidarité de tous les participants (voir paragraphe 25, point 3, ci-dessus)."

3191. Pour ces motifs, elle impute la responsabilité des pratiques concertées à l'ensemble des parties requérantes visées à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, à savoir: CBR, Cembureau, Dyckerhoff, le SFIC, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, le BDZ, Unicem, Asland, Uniland, Oficemen, Irish Cement, Italcementi, Holderbank, Aker, Euroc, Cementir et Blue Circle.

3192. A l'exception de Cembureau et du SFIC (voir ci-dessus point 3136), toutes ces parties requérantes développent une argumentation visant à nier toute implication dans les pratiques concertées en cause.

2.1. Situation de CBR, de Dyckerhoff, d'Aalborg, d'Uniland, d'Irish Cement

3193. CBR souligne qu'elle n'a participé à aucune réunion de l'ETF. En tout état de cause, il n'aurait jamais été question, lors de ces réunions, d'exercer une quelconque pression sur Calcestruzzi. Tout en reconnaissant avoir participé, en sa qualité de chef de délégation, aux réunions des chefs de délégation des 9 septembre et 6 novembre 1986, CBR affirme que, ainsi que cela ressortirait du procès-verbal de la première de ces deux réunions, elle n'a pas été associée aux mesures prises pour résoudre le problème Calcestruzzi et que son intervention n'a été ni envisagée ni sollicitée. Cela s'expliquerait par le fait qu'elle n'était pas présente sur les marchés attaqués par les exportations des producteurs grecs. A la réunion du 6 novembre 1986, le représentant italien aurait simplement fait état de constatations factuelles en rapport avec son marché.

3194. CBR ajoute que l'argument de la Commission selon lequel les stratégies de l'ETF étaient fondées sur la solidarité de tous les participants n'est pas pertinent. Cette allégation s'appuierait en effet sur l'extrait d'un simple document de travail, à savoir le document de Zurich/Céligny, document qui, du reste, aurait été mis au point lors de réunions auxquelles CBR n'aurait pas assisté.

3195. Dyckerhoff souligne qu'elle n'a pas participé aux réunions de l'ETF et que les documents visés par la Commission dans la décision attaquée démontrent que le "problème Calcestruzzi" n'a pas été abordé aux réunions du 28 mai 1986 à Rome, du 9 juin 1986 à Stockholm et du 6 novembre 1986 à Bruxelles, auxquelles elle a assisté. A la réunion des chefs de délégation du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, à laquelle elle a participé en la personne de M. Lose, seul un très bref rapport sur la situation italienne aurait été fait. M. Lose n'aurait pas été au courant des relations qu'entretenaient Ferruzzi, Titan et les producteurs italiens de ciment. En tout état de cause, aucune décision ou concertation sur ce point ne serait intervenue au cours de cette réunion. Soulignant qu'elle n'avait pas d'activité sur le marché italien, Dyckerhoff affirme que, d'après le rapport fait à la réunion de Baden-Baden, les producteurs italiens avaient entamé des négociations avec le groupe Ferruzzi depuis longtemps. Les pressions exercées par les premiers sur le second pour que celui-ci renonce à ses livraisons de ciment grec ne pourraient donc pas avoir été déclenchées par cette réunion.

3196. Aalborg affirme que, si le contrat Calcestruzzi-Titan a été mentionné lors de la réunion du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, elle n'a pas été invitée à fournir un soutien actif dans ce dossier. Elle n'aurait pas non plus été informée des suites de cette affaire. D'ailleurs, l'achat par Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce n'aurait pas constitué une source d'inquiétude pour elle.

3197. Uniland conteste que la règle de solidarité à laquelle tous les participants aux réunions de l'ETF se seraient soi-disant conformés autorise à retenir sa participation aux pratiques concertées litigieuses. La référence à cette prétendue solidarité figurerait en outre dans le document de Zurich/Céligny, élaboré lors de réunions auxquelles elle n'a pas assisté. Uniland affirme que la présence de M. Rumeu aux réunions des chefs de délégation des 9 septembre et 6 novembre 1986 n'établit pas sa participation aux pratiques concertées en cause. En effet, les documents relatifs à ces deux réunions ne permettraient pas de constater la participation de M. Rumeu à une quelconque discussion sur le comportement à adopter à l'égard du marché italien. Les remarques faites par des tiers lors de ces réunions à propos du marché italien n'autoriseraient pas non plus à conclure à l'existence d'un comportement visant à restreindre la concurrence, dont M. Rumeu aurait pu avoir conscience. L'allusion aux négociations des producteurs italiens de ciment refléterait à cet égard de simples affirmations unilatérales faisant uniquement état d'une intention future. Ces affirmations n'auraient à aucun moment été relayées par des déclarations ou des sanctions de la part des autres producteurs européens de ciment. Le problème Calcestruzzi n'aurait pas été évoqué au cours de la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles.

3198. Irish Cement dénonce la manière dont la Commission la tient pour responsable des mesures de défense du marché italien, alors qu'elle n'est pas visée aux paragraphes 27 et 55 de la décision attaquée, qui se rapportent à ces mesures de défense. Elle relève que le document de Zurich/Céligny, sur lequel la Commission s'appuie au paragraphe 55, point 1, a été conçu lors de réunions auxquelles elle n'a pas pris part. Elle affirme par ailleurs n'avoir participé à aucune discussion relative au problème Ferruzzi, ni lors des réunions de l'ETF, puisqu'elle n'y a pas assisté, ni au cours de la réunion des chefs de délégation du 9 septembre 1986 à Baden-Baden. Lors de cette dernière réunion, les discussions relatives aux mesures de défense du marché italien n'auraient pas eu lieu en présence de son représentant, M. Quirke, ou, en tout cas, celui-ci n'aurait pas été conscient que ces débats portaient sur des actions répréhensibles, dès lors que sa présence aurait eu pour seul objet de coordonner les contacts prévus avec des membres du Parlement européen le 10 septembre 1986 à Strasbourg. Irish Cement souligne à cet égard que seule sa nationalité intéressait les autres participants à la réunion, étant donné que le membre de la Commission en charge de la politique de la concurrence à cette époque, M. Sutherland, était irlandais. Enfin, il ne ressortirait pas des notes relatives à la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles, à laquelle cette partie requérante reconnaît avoir participé, que le problème des importations en Italie de ciment en provenance de Grèce ait été discuté pendant cette réunion.

3199. Il convient de faire observer que, dès lors qu'une entreprise a assisté, même sans jouer un rôle actif, à une réunion au cours de laquelle une concertation illicite a été évoquée, elle est censée avoir participé à ladite concertation, à moins qu'elle prouve qu'elle s'est ouvertement distanciée de celle-ci ou qu'elle a informé les autres participants qu'elle entendait prendre part à la réunion en question dans une optique différente de la leur (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

3200. En l'espèce, CBR, Dyckerhoff, Aalborg, Uniland et Irish Cement ont assisté à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (voir ci-dessus, respectivement, points 2599, 2618, 2655, 2695 et 2730).

3201. D'après le point 1.5 du procès-verbal de cette réunion (décision attaquée, paragraphe 25, points 22 et 28; documents n° 33.126/18859 et 18860), il a été relevé, en ce qui concerne l'Italie:

"[...] Plusieurs réunions ont eu lieu entre les producteurs de ciment italiens et Ferruzzi et il apparaît que l'on pourrait aboutir à un accord en ce qui concerne le marché du béton prêt à l'emploi. [...] Titan pourrait mettre fin à ses accords avec Ferruzzi pour fin 1987."

3202. Ainsi que cela a été exposé ci-dessus au point 2600, cette réunion de Baden-Baden fut exclusivement consacrée à l'ETF, dont l'objectif anticoncurrentiel fut rappelé en début de réunion, et plus spécialement à l'organisation de ses travaux et à l'évaluation de l'état d'avancement de différentes mesures dissuasives et persuasives qui avaient été confiées à son examen. Les participants n'ignoraient donc pas la finalité illicite animant les pourparlers dont il leur était rendu compte pendant cette réunion, en relation avec la situation Ferruzzi.

3203. CBR, Dyckerhoff, Aalborg, Uniland et Irish Cement ne démontrant pas que, lors de cette réunion, elles aient ouvertement marqué leur désapprobation à l'égard de ces pratiques illicites ou qu'elles aient informé les autres participants qu'elles entendaient assister à la réunion dans une optique différente de la leur, la Commission était en conséquence fondée à considérer que ces cinq entreprises avaient adhéré à de telles pratiques ou, du moins, qu'elles avaient donné cette impression aux autres participants par esprit de solidarité face à la décision de l'industrie grecque du ciment d'exporter ses surplus de production sur les marchés d'Europe occidentale, décision perçue comme une menace majeure pour la stabilité de l'ensemble de ces marchés. L'absence de preuve d'un comportement de ces entreprises sur le marché en relation avec la situation provoquée par Calcestruzzi est à cet égard indifférente, dès lors que la Commission a établi (voir ci-dessus points 3151 à 3163) que la concertation à laquelle celles-ci ont adhéré à la réunion de Baden-Baden a participé d'une pratique concertée contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en ce que ladite concertation a donné lieu à des comportements sur le marché d'autres entreprises impliquées dans cette même concertation. Du reste, à défaut de preuve contraire qu'il leur incombait de rapporter, il y a lieu de considérer que ces entreprises, qui sont demeurées actives sur le marché, ont tenu compte de cette concertation pour déterminer leur comportement sur ledit marché (arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 121, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 162).

3204. Sans qu'il soit nécessaire d'examiner le bien-fondé des arguments des parties requérantes tendant à démontrer que la situation Ferruzzi n'a pas été évoquée au cours de la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles, il convient donc de conclure que la Commission était en droit de retenir, à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, la participation de CBR, de Dyckerhoff, d'Aalborg, d'Uniland et d'Irish Cement aux pratiques concertées ayant visé à ce que Calcestruzzi ne fût plus cliente des producteurs grecs, et en particulier de Titan.

3205. Toutefois, la décision attaquée ne comporte aucun élément démontrant que ces cinq entreprises auraient adhéré à ces pratiques concertées avant de prendre part à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler son article 4, paragraphe 3, sous a), pour autant qu'il retient la participation de ces entreprises à l'infraction en cause avant cette date.

3206. Uniland relève encore que la Commission n'a pas retenu la participation à l'infraction d'Hornos Ibéricos, de Cementos del Norte et de Norcem, alors que des représentants de ces trois entreprises auraient assisté à la réunion des chefs de délégation et des membres de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden.

3207. Cependant, cette circonstance ne saurait en toute hypothèse permettre d'écarter l'infraction retenue contre Uniland, dès lors que la participation de celle-ci à l'infraction a été correctement établie par la Commission (voir, en ce sens, arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146). Or, les motifs qui précèdent ont permis de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a conclu à bon droit qu'Uniland a participé aux pratiques concertées visées à l'article 4, paragraphe 3, sous a).

2.2. Situation de Ciments français

3208. Ciments français prétend que les chefs de délégation n'ont pris aucune initiative en matière de défense du marché italien lors des réunions visées dans la décision attaquée. Ils auraient tout au plus été brièvement informés de la situation générale en Italie par le chef de délégation de ce pays. En tout état de cause, Ciments français n'aurait jamais pris part à des discussions relatives aux importations en Italie de ciment en provenance de Grèce.

3209. Il convient de souligner que Ciments français n'a participé à aucune des réunions de l'ETF évoquées au paragraphe 27, point 3, de la décision attaquée. Elle n'a pas non plus pris part à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden.

3210. M. Laplace, son président, a certes assisté à la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles, également visée au paragraphe 27, point 3, de la décision attaquée. Toutefois, d'après les notes se rapportant à cette réunion (décision attaquée, paragraphe 25, points 39 et 40; document n° 33.126/19007), M. Pesenti, d'Italcementi, a simplement informé les autres participants que, "alors qu'ils s'étaient Attendus à voir la première cargaison de ciment grec arriver en Sardaigne à la mi-octobre, rien [n'avait] encore eu lieu". Cet extrait ne démontre pas que le problème des importations en Italie, par Calcestruzzi, de ciment en provenance de Grèce ait été discuté au cours de cette réunion.

3211. Par conséquent, la participation de Ciments français aux pratiques concertées en cause ne saurait être inférée de sa présence à la réunion du 6 novembre 1986 à Bruxelles.

3212. Au paragraphe 55, point 1, de la décision attaquée, la Commission, renvoyant au document de Zurich/Céligny évoqué au paragraphe 25, point 3, prétend que les stratégies développées par l'ETF étaient fondées sur la solidarité de tous les participants. Elle met également en exergue (mémoire en défense dans l'affaire T-39-95) les indications du compte rendu de la réunion de l'ETF du 11 février 1987 relatives à l'aide demandée par le représentant italien aux "collègues européens" pour résoudre les problèmes consécutifs à la non-exécution du contrat Calcestruzzi-Titan (décision attaquée, paragraphe 27, point 5; document n° 33.126/4912). Elle relève enfin qu'il a été demandé à M. Marichal, de Lafarge, de transmettre à Ciments français copie du procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, procès-verbal dans lequel étaient évoqués les pourparlers entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi.

3213. Toutefois, il convient de souligner que Ciments français n'a joué aucun rôle direct dans les pourparlers ayant visé à la résiliation du contrat Calcestruzzi-Titan. Ainsi que cela a été constaté ci-dessus aux points 3209 à 3211, elle n'a assisté à aucune des réunions auxquelles ces pourparlers ont été évoqués.

3214. Dans ces conditions, aucun des éléments invoqués par la Commission (voir ci-dessus point 3212) ne suffit à prouver l'adhésion, même implicite, de Ciments français aux pratiques concertées en cause, condition nécessaire à l'imputation de cette infraction.

3215. La Commission n'était donc pas fondée à retenir la participation de Ciments français auxdites pratiques concertées. Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, pour autant qu'il retient la participation de Ciments français à ces pratiques concertées, doit être annulé.

2.3. Situation de Heidelberger

3216. Heidelberger fait valoir que, aux termes de la décision attaquée, les pratiques concertées ont commencé le 17 juin 1986. Or, la Commission aurait uniquement établi sa présence à la réunion du 28 mai 1986 à Rome. Dans ces conditions, la responsabilité de la partie requérante ne pourrait pas être retenue.

3217. Il doit être constaté que, effectivement, Heidelberger n'a assisté à aucune des réunions visées par la Commission au paragraphe 27, point 3, de la décision attaquée.

3218. Au paragraphe 55, point 1, de la décision attaquée, la Commission, renvoyant au document de Zurich/Céligny évoqué au paragraphe 25, point 3, prétend que les stratégies développées par l'ETF étaient fondées sur la solidarité de tous les participants. Elle relève également (mémoire en défense dans l'affaire T-42-95) qu'il a été demandé à M. Lose, de Dyckerhoff, de transmettre à M. Schuhmacher, de Heidelberger, copie du procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, procès-verbal dans lequel étaient évoqués les pourparlers entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi.

3219. A cet égard, il y a lieu d'observer que Heidelberger n'a joué aucun rôle direct dans les pourparlers ayant visé à la résiliation du contrat Calcestruzzi-Titan. De plus, elle n'a assisté à aucune des réunions au cours desquelles ces pourparlers ont été évoqués (voir ci-dessus point 3217).

3220. Dans ces conditions, aucun des éléments invoqués par la Commission (voir ci-dessus point 3218) ne suffit à prouver l'adhésion, même implicite, de Heidelberger aux pratiques concertées en cause, condition nécessaire à l'imputation de cette infraction.

3221. La Commission affirme encore que Heidelberger était présente à la réunion du 28 mai 1986 à Rome, au cours de laquelle il aurait été convenu de dévier les importations en provenance de Grèce pour protéger les marchés européens, notamment le marché italien, particulièrement menacé par de telles importations.

3222. Toutefois, outre le fait que la réunion du 28 mai 1986 n'a pas été prise en considération dans l'exposé des faits relatifs aux mesures de défense du marché italien (paragraphe 27) ni dans l'appréciation juridique portée sur ces faits (paragraphe 55, point 1), le compte rendu de cette réunion ne démontre pas que le "problème Calcestruzzi" ait été évoqué. La participation de Heidelberger aux pratiques concertées ne saurait, dès lors, être inférée de sa présence à la réunion de Rome.

3223. La Commission n'était donc pas fondée à retenir la participation de Heidelberger aux pratiques concertées en cause. Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, pour autant qu'il retient la participation de Heidelberger à ces pratiques concertées, doit être annulé.

2.4. Situation de Lafarge

3224. Lafarge s'étonne des affirmations de la Commission selon lesquelles elle aurait exercé des pressions sur Calcestruzzi. Aucun des documents visés par l'institution, auxquels elle a eu accès, ne ferait état de sa participation à de telles pressions.

3225. Il y a lieu de constater que la Commission ne soutient pas que Lafarge a exercé des pressions sur Calcestruzzi afin que cette dernière cesse d'être cliente de Titan. Au paragraphe 55, point 1, de la décision attaquée, elle affirme que les pressions exercées en ce sens sur Calcestruzzi sont le résultat de pratiques concertées entre les producteurs italiens de ciment, d'une part, et les participants à l'ETF, dont Lafarge, d'autre part. Ces derniers seraient parties aux pratiques concertées en cause au motif, notamment, que le "problème Calcestruzzi" a été discuté à plusieurs réunions de l'ETF et des chefs de délégation.

3226. Lafarge ne conteste pas avoir assisté à:

- la réunion de l'ETF du 17 juin 1986, au cours de laquelle il fut convenu de confier la "coordination de la situation Ferruzzi" à Italcementi (décision attaquée, paragraphe 25, point 11: documents n° 33.126/18756 et 18787);

- la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, au cours de laquelle il a été indiqué que les pourparlers en cours entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi pourraient aboutir à un accord et que Titan pourrait mettre un terme à ses contrats avec ce groupe pour la fin de 1987 (décision attaquée, paragraphe 25, points 22, 23 et 28; documents n°33.126/18857, 18859 et 18860);

- la réunion de l'ETF du 11 février 1987, au cours de laquelle le représentant italien a informé les autres participants que les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi étaient parvenus à un accord permettant d'éviter une menace d'importation de ciment par ce dernier groupe, menace jugée catastrophique pour les prix, et a demandé l'aide de ses collègues européens en vue de résoudre les problèmes soulevés par la non-exécution du contrat Calcestruzzi-Titan (décision attaquée, paragraphe 27, point 5; documents n° 33.126/4911 et 4912);

- la réunion du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987, au cours de laquelle il a été fait état, à nouveau, de l'accord entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi (décision attaquée, paragraphe 27, point 5; document n° 33.126/4860).

3227. Lafarge ne démontrant pas que, lors de ces réunions, elle se soit ouvertement distanciée des mesures illicites évoquées en relation avec la situation Ferruzzi ou qu'elle ait indiqué aux autres participants qu'elle entendait assister à ces réunions dans une optique différente de la leur, la Commission était, en conséquence, fondée à considérer qu'elle avait adhéré à de telles mesures ou, du moins, qu'elle avait donné cette impression aux autres participants par esprit de solidarité face à la décision de l'industrie grecque du ciment d'exporter ses surplus de production sur les marchés d'Europe occidentale, décision perçue comme une menace majeure pour la stabilité de l'ensemble de ces marchés (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus). L'absence de preuve d'un comportement de Lafarge sur le marché en relation avec la situation provoquée par Calcestruzzi est à cet égard indifférente, dès lors que la Commission a établi (voir ci-dessus points 3151 à 3163) que la concertation à laquelle cette entreprise a adhéré lors des réunions visées ci-dessus au point 3226 a participé d'une pratique concertée contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en ce que ladite concertation a donné lieu à des comportements sur le marché d'autres entreprises impliquées dans cette même concertation. Du reste, à défaut de preuve contraire qu'il incombait à Lafarge de rapporter, il y a lieu de considérer que cette entreprise, qui est demeurée active sur le marché, a tenu compte de cette concertation pour déterminer son comportement sur ledit marché (arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 121, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 162).

3228. La Commission était donc en droit de retenir, à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, la participation de Lafarge, à compter du 17 juin 1986, aux pratiques concertées ayant visé à ce que Calcestruzzi cessât d'être cliente des producteurs grecs, et en particulier de Titan.

3229. Lafarge soutient que, au cours des auditions de mars 1993, elle n'a pas été entendue sur le grief tiré de sa participation aux pratiques concertées destinées à soustraire Calcestruzzi aux producteurs grecs.

3230. Toutefois, il ressort du calendrier des auditions que Lafarge a été invitée à présenter ses observations le 12 mars 1993, de 10 heures 30 à 11 heures, sur les griefs formulés au chapitre 2, section 2, et au chapitre 10, paragraphe 61, sous h), de la CG, en relation avec la "European Task Force". Parmi ces griefs figurait celui lié aux pressions exercées sur Calcestruzzi afin que cette dernière ne fût plus cliente des producteurs grecs, et en particulier de Titan [CG, paragraphe 19, sous d), et paragraphe 61, sous h), iv)]. Lafarge, qui était en mesure de comprendre, à la lecture de la CG, que ce grief spécifique était dirigé notamment contre elle (voir ci-dessus point 602), pouvait donc s'exprimer sur celui-ci lors de l'audition du 12 mars 1993. Son argument doit, par conséquent, être rejeté.

3231. Lafarge reproche à la Commission de l'avoir sanctionnée, du chef d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité ayant consisté à exercer des pressions sur Calcestruzzi, sur la seule base de sa participation à l'ETF, par ailleurs retenue à l'article 4, paragraphe 1. Ce faisant, la Commission aurait violé ses droits de la défense, de même que l'article 6, paragraphe 2, de la CEDH.

3232. Toutefois, aussi bien dans la CG que dans la décision attaquée, la Commission a identifié distinctement les éléments de fait sur la base desquels, à bon droit en ce qui concerne Lafarge, elle a constaté, d'une part, l'infraction liée à l'accord constitutif de l'ETF (CG, paragraphe 17; décision attaquée, paragraphe 25) et, d'autre part, celle liée aux pratiques concertées ayant visé à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan [CG, paragraphe 19, sous d); décision attaquée, paragraphe 27] (voir ci-dessus, respectivement, points 2649 et 2650 et 3226 à 3228).

3233. L'argument de Lafarge, tiré d'une violation de ses droits de la défense et d'une violation du principe de la présomption d'innocence, consacré à l'article 6, paragraphe 2, de la CEDH, doit donc être écarté.

2.5. Situation du BDZ et d'Oficemen

3234. Le BDZ souligne que le paragraphe 27 de la décision attaquée ne contient pas la moindre allusion à son égard ni à la participation de représentants allemands aux mesures de défense du marché italien. Il affirme que l'ETF était un instrument des producteurs de ciment, et non un comité de Cembureau. En outre, aucun des documents visés dans la décision attaquée ne démontrerait l'approbation expresse ou tacite, par le BDZ, des mesures de défense en question.

3235. Oficemen affirme qu'elle n'a pas participé à la création et au fonctionnement de l'ETF. Par conséquent, les pratiques concertées litigieuses ne pourraient pas lui être imputées. En outre, la Commission n'aurait pas prouvé que sa participation à l'infraction en question excédait la simple réception passive d'informations sur la situation italienne. La Commission n'aurait pas non plus démontré comment Oficemen aurait pu participer à des pressions sur un marché totalement étranger aux marchés de ses membres.

3236. Il convient de rappeler que M. Steinbach, du BDZ, a assisté à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (voir ci-dessus points 2667 et 2668) et qu'Oficemen y a été représentée (voir ci-dessus points 2711 et 2712). Ainsi que cela a déjà été souligné (voir ci-dessus point 3201), il a été indiqué, lors de cette réunion, que les pourparlers entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi pourraient aboutir à un accord et que Titan pourrait mettre un terme à ses contrats avec ce groupe pour la fin de 1987.

3237. Le BDZ et Oficemen ont, par ailleurs, assisté à la réunion du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987 (voir ci-dessus points 2670 et 2715 à 2718). Au cours de cette réunion, le représentant italien a rappelé ce qui avait été dit aux réunions précédentes, notamment à celle de l'ETF du 11 février 1987, à propos de l'accord entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi.

3238. Le BDZ et Oficemen ne démontrant pas que, lors de ces réunions, leurs représentants se soient ouvertement distanciés des mesures illicites évoquées en relation avec la situation Ferruzzi ou qu'ils aient indiqué aux autres participants qu'ils entendaient assister à ces réunions dans une optique différente de la leur, la Commission était par conséquent fondée à considérer qu'ils avaient adhéré à de telles mesures ou, du moins, qu'ils avaient donné cette impression aux autres participants par esprit de solidarité face à la décision de l'industrie grecque du ciment d'exporter ses surplus de production sur les marchés d'Europe occidentale, décision perçue comme une menace majeure pour la stabilité de l'ensemble de ces marchés (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus). L'absence de preuve d'un comportement de ces deux associations sur le marché en relation avec la situation provoquée par Calcestruzzi est à cet égard indifférente, dès lors que la Commission a établi (voir ci-dessus points 3151 à 3163) que la concertation à laquelle ces associations ont adhéré lors des réunions visées ci- dessus aux points 3236 et 3237 a participé d'une pratique concertée contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en ce que ladite concertation a donné lieu à des comportements sur le marché d'autres parties impliquées dans cette même concertation. Du reste, à défaut de preuve contraire qu'il incombait aux parties de rapporter, il y a lieu de considérer que ces deux associations ont tenu compte de cette concertation pour déterminer leur comportement sur le marché (arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 121, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 162).

3239. La Commission était donc en droit de retenir, à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, la participation de ces deux associations d'entreprises aux pratiques concertées ayant visé à ce que Calcestruzzi ne fût plus cliente des producteurs grecs, et en particulier de Titan.

3240. Toutefois, la décision attaquée ne comportant aucun élément démontrant que le BDZ et Oficemen auraient adhéré à ces pratiques concertées avant la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, il y a lieu d'annuler son article 4, paragraphe 3, sous a), pour autant qu'il retient la participation de ces deux associations d'entreprises à l'infraction en cause avant cette date.

3241. Oficemen affirme que l'infraction qui lui est imputée ne peut pas être distinguée de celle tirée de sa participation à l'ETF. La Commission l'aurait donc sanctionnée deux fois pour les mêmes faits, en violation du principe non bis in idem.

3242. Toutefois, ainsi que cela ressort de l'article 9 et du paragraphe 65, spécialement point 8, de la décision attaquée, seule l'infraction liée à la participation à l'accord Cembureau, visé à l'article 1er, a donné lieu à l'imposition d'une amende en ce qui concerne le marché du ciment gris. L'argument d'Oficemen tiré d'une violation du principe non bis in idem doit, par conséquent, être rejeté.

3243. Oficemen estime que, en reprochant aux membres de l'ETF les mesures prises par celle-ci sur la seule base de leur qualité de membre, la Commission s'est écartée du critère retenu pour mettre en cause les autres mesures d'application de l'accord Cembureau. En effet, celles-ci auraient été imputées à leurs seuls auteurs, qu'elles aient ou non été discutées au cours de réunions impliquant d'autres entreprises ou associations.

3244. Cependant, cette argumentation ne permet pas d'écarter l'analyse développée ci-dessus aux points 3236 à 3240 quant au bien-fondé de la décision de la Commission de retenir la participation d'Oficemen aux pratiques concertées constatées à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée.

2.6. Situation d'Unicem

3245. Unicem fait observer qu'elle n'a participé qu'à une seule réunion dans le cadre de l'ETF, à savoir celle du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987. Cette réunion, dont l'objet aurait été licite, n'établirait aucun lien entre la concertation présumée au niveau de l'ETF et Unicem. La partie requérante affirme qu'aucun comportement actif ou passif de sa part ou de la part des autres producteurs européens de ciment n'est résulté de cette réunion.

3246. Il convient de relever que, aux termes du procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 25, points 22 et 28; documents n° 33.126/18859 et 18860), "[p]lusieurs réunions ont eu lieu entre les producteurs de ciment italiens et Ferruzzi et il [est apparu] que l'on pourrait aboutir à un accord en ce qui concerne le marché du béton prêt à l'emploi".

3247. Dans sa lettre adressée le 2 septembre 1988 à ses avocats londoniens (décision attaquée, paragraphe 27, point 4; document n° 33.126/19196), Titan explique que, "[l]e 6 février 1987, Calcestruzzi pour la première fois [sembla] réticent[e] à confirmer le programme des livraisons, faisant valoir que 'la situation [était] en évolution avec l'industrie locale du ciment".

3248. Au cours de la réunion de l'ETF du 11 février 1987 et de celle du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987, il a été fait état d'un accord entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi, qui permettait d'éviter une menace d'importation de ciment perçue comme catastrophique pour les prix.

3249. D'après un télex du 13 mai 1987 d'Italcementi à Titan (décision attaquée, paragraphe 27, point 8; document n° 33.126/19204) et un télex du 2 juin 1987 de Calcestruzzi à Titan [décision attaquée, paragraphe 27, point 10; document n° 33.126/19218, et non pas 19208, comme indiqué par erreur dans la décision attaquée (voir ci-dessus point 313)], la suspension des livraisons de ciment convenues entre Titan et Calcestruzzi a été déterminée par un accord conclu par cette dernière avec les plus grands producteurs italiens de ciment, dont Unicem.

3250. Il ressort de ce faisceau de pièces qu'Unicem fut l'un des producteurs italiens de ciment qui sont intervenus auprès du groupe Ferruzzi afin d'obtenir que Calcestruzzi suspendît l'exécution du contrat qu'elle avait conclu en avril 1986 avec Titan.

3251. De plus, M. Albert, d'Unicem, a fait rapport, au cours de la réunion du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987, sur l'état des négociations entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi (décision attaquée, paragraphe 25, point 47; documents n° 33.126/4858 et 4860).

3252. Dans ces conditions, la Commission était fondée à retenir, à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, la participation d'Unicem aux pratiques concertées ayant visé à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan.

3253. Toutefois, la décision attaquée ne comporte aucun élément permettant de retenir la participation d'Unicem à ces pratiques concertées avant le 9 septembre 1986, date de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF à Baden-Baden dans le procès-verbal de laquelle il est fait état pour la première fois des pourparlers entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi. Il s'ensuit que son article 4, paragraphe 3, sous a), pour autant qu'il retient la participation d'Unicem à l'infraction en cause avant cette date, doit être annulé.

2.7. Situation d'Asland

3254. Asland souligne qu'elle n'est nullement mentionnée dans l'exposé des faits relatif aux mesures de défense du marché italien. Son implication dans de telles mesures ne pourrait, du reste, résulter de l'application automatique de la théorie de l'accord unique et continu relatif à l'ETF, puisqu'il ne lui est pas reproché d'avoir participé à toutes les infractions censées constituer des mesures d'application dudit accord unique et continu. La référence faite par la Commission, au paragraphe 55, point 1, de la décision attaquée, à la prétendue solidarité des participants de l'ETF serait totalement dépourvue de pertinence pour apprécier la responsabilité d'Asland dans l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 3, sous a). Enfin, les dates retenues comme date de début (17 juin 1986) et comme date de fin (15 mars 1987) de cette infraction excluraient la participation d'Asland à celle-ci.

3255. Il doit être constaté que, effectivement, Asland n'a assisté à aucune des réunions visées par la Commission au paragraphe 27, point 3, de la décision attaquée.

3256. Au paragraphe 55, point 1, de celle-ci, la Commission, renvoyant au document de Zurich/Céligny évoqué au paragraphe 25, point 3, prétend que les stratégies développées par l'ETF étaient fondées sur la solidarité de tous les participants.

3257. A cet égard, il y a lieu d'observer qu'Asland n'a joué aucun rôle direct dans les pourparlers ayant visé à la résiliation du contrat Calcestruzzi-Titan. De plus, elle n'a assisté à aucune des réunions auxquelles ces pourparlers ont été évoqués (voir ci-dessus point 3255).

3258. Dans ces conditions, le fait que, d'après le document de Zurich/Céligny, les différentes mesures envisagées à l'époque pour lutter contre les importations qui menaçaient la stabilité des marchés d'Europe occidentale (en particulier celles en provenance de Grèce) aient représenté une "réponse basée sur la solidarité" (décision attaquée, paragraphe 25, point 3; document n° 33.126/18772) ne suffit pas à prouver l'adhésion, même implicite, d'Asland aux pratiques concertées en cause, condition nécessaire à l'imputation de l'infraction.

3259. La Commission invoque encore la présence d'Asland à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm.

3260. A ce propos, il suffit de rappeler que ce fait n'est pas établi (voir ci-dessus points 3060 à 3063).

3261. Enfin, la Commission prétend que l'appartenance d'Asland à l'ETF signifie que, d'une manière générale, cette entreprise en avait accepté les règles et les comportements. Il n'aurait donc pas été nécessaire de disposer de la preuve de son accord spécifique en ce qui concerne chacune des mesures adoptées par les autres.

3262. Toutefois, le fait d'avoir établi l'implication d'Asland dans l'un des comportements infractionnels censés être un élément constitutif de l'accord unique et continu relatif à l'ETF, à savoir l'accord ayant porté sur la constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1), n'autorisait pas la Commission à retenir, sans le moindre élément de preuve, la participation de cette entreprise à d'autres comportements illicites prétendument liés à l'accord unique et continu ETF, en l'occurrence aux pratiques concertées de défense du marché italien, visées à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée. L'argumentation de la Commission ne correspond pas, du reste, à l'approche retenue dans le dispositif de la décision attaquée. En effet, ainsi que cela a été relevé (voir ci-dessus points 2509 à 2511), la Commission a appréhendé de manière séparée les différents éléments prétendument constitutifs de l'accord unique et continu ETF, sans viser chaque fois les mêmes destinataires et en retenant une durée différente pour chacun d'eux.

3263. La Commission n'était donc pas fondée à retenir la participation d'Asland à ces pratiques concertées. Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, pour autant qu'il retient la participation d'Asland à l'infraction en cause, doit être annulé.

2.8. Situation d'Italcementi

3264. Italcementi affirme que les explications avancées par Calcestruzzi en février 1987 pour justifier la rupture de son contrat de livraison avec Titan (voir décision attaquée, paragraphe 27, point 4) ne peuvent lui être opposées, dès lors qu'elles concernent un fait relevant exclusivement de Calcestruzzi.

3265. Toutefois, il convient de relever qu'Italcementi a assisté à différentes réunions au cours desquelles le problème Calcestruzzi a été évoqué.

3266. Elle a participé à la réunion de l'ETF du 17 juin 1986 à Londres, lors de laquelle elle fut chargée de "coordonner la situation Ferruzzi" (décision attaquée, paragraphe 25, point 11; document n° 33.126/18787).

3267. Elle a pris part à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, au cours de laquelle il a été indiqué que les pourparlers en cours entre les producteurs italiens de ciment et Ferruzzi pourraient aboutir à un accord en ce qui concerne le marché du béton prêt à l'emploi, et que Titan pourrait mettre un terme à ses contrats avec Ferruzzi pour la fin de 1987 (décision attaquée, paragraphe 25, points 22 et 28; documents n° 33.126/18859 et 18860).

3268. Elle a également assisté à la réunion de l'ETF du 11 février 1987 (décision attaquée, paragraphe 25, point 45; document n° 33.126/18760). A cette réunion, elle a informé les autres participants que les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi étaient parvenus à un accord permettant d'éviter une menace d'importation de ciment par ce dernier groupe, menace jugée catastrophique pour les prix. Elle a fait part des problèmes liés, notamment, à l'inexécution du contrat Calcestruzzi-Titan et a sollicité l'aide de ses collègues européens en vue de résoudre ces problèmes (décision attaquée, paragraphe 27, point 5; document n° 33.126/4912).

3269. De plus, au vu du télex d'Italcementi à Titan, du 13 mai 1987, et de celui de Calcestruzzi à Titan, du 2 juin 1987 (voir ci-dessus point 3249), Italcementi fut l'un des producteurs italiens de ciment qui sont intervenus auprès du groupe Ferruzzi afin d'obtenir que Calcestruzzi suspendît l'exécution de son contrat avec Titan.

3270. Sur la base de ces différentes constatations, la Commission était donc fondée à retenir, à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, la participation d'Italcementi, à compter du 17 juin 1986, aux pratiques concertées ayant visé à ce que Calcestruzzi ne fût plus cliente des producteurs grecs, et en particulier de Titan.

2.9. Situation de Holderbank

3271. Holderbank nie toute participation aux conventions signées avec Calcestruzzi. Elle n'aurait d'ailleurs eu aucun intérêt à participer à un accord relatif au marché italien puisque, à l'époque, elle n'avait ni production propre ni réseau de vente en Italie.

3272. Il convient de préciser que, parmi les mesures de défense du marché italien, la Commission retient la participation de Holderbank aux seules pratiques concertées ayant visé à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a)]. Elle ne retient pas contre elle une participation à l'accord relatif aux conventions signées les 3 et 15 avril 1987 avec Calcestruzzi, qui avait pour but d'éviter des importations par celle-ci de ciment en provenance de Grèce [article 4, paragraphe 3, sous b)].

3273. S'agissant de la participation de Holderbank à l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, il y a lieu d'observer que cette entreprise a assisté à la réunion de l'ETF du 17 juin 1986 (décision attaquée, paragraphe 25, point 11; document n° 33.126/18756), à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 25, points 22 et 23; document n° 33.126/18857), ainsi qu'à la réunion de l'ETF du 11 février 1987 (décision attaquée, paragraphe 25, point 45; document n° 33.126/18760).

3274. Eu égard aux constatations déjà opérées à propos de ces trois réunions (voir ci-dessus point 3226), et faute de production par Holderbank d'élément démontrant que, lors de ces réunions, elle se serait ouvertement distanciée des mesures illicites qui y furent évoquées en relation avec la situation Ferruzzi ou qu'elle aurait informé les autres participants qu'elle y assistait dans une optique différente de la leur, la Commission était fondée à considérer que Holderbank avait adhéré à de telles mesures ou, du moins, avait donné cette impression aux autres participants par esprit de solidarité face à la décision de l'industrie grecque du ciment d'exporter ses surplus de production sur les marchés d'Europe occidentale, décision perçue comme une menace majeure pour la stabilité de l'ensemble de ces marchés (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus). L'absence de preuve d'un comportement de Holderbank sur le marché en relation avec la situation provoquée par Calcestruzzi est à cet égard indifférente, dès lors que la Commission a établi (voir ci-dessus points 3151 à 3163) que la concertation à laquelle cette entreprise a adhéré lors des réunions visées ci-dessus au point 3273 a participé d'une pratique concertée contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en ce que ladite concertation a donné lieu à des comportements sur le marché d'autres entreprises impliquées dans cette même concertation. Du reste, à défaut de preuve contraire qu'il incombait à Holderbank de rapporter, il y a lieu de considérer que cette entreprise, qui est demeurée active sur le marché, a tenu compte de cette concertation pour déterminer son comportement sur le marché (voir arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 121, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 162).

3275. La Commission était donc en droit de retenir, à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, la participation de Holderbank, à compter du 17 juin 1986, aux pratiques concertées ayant visé à ce que Calcestruzzi ne fût plus cliente des producteurs grecs, et en particulier de Titan.

2.10. Situation d'Aker et d'Euroc

3276. Aker et Euroc estiment que le seul fait d'avoir été présentes à quelques réunions de l'ETF et d'avoir été informées à cette occasion de la situation sur le marché italien ne suffit pas à les rendre responsables des pratiques concertées de défense de ce marché. D'une part, elles ne se seraient jamais engagées lors de ces réunions, auxquelles elles auraient participé dans une optique parfaitement licite. D'autre part, la mise en cause de leur responsabilité aurait supposé une action de leur part en relation avec le cas Calcestruzzi.

3277. Il convient d'observer qu'Aker et Euroc ont été représentées à plusieurs des réunions visées par la Commission au paragraphe 27, point 3, de la décision attaquée. Elles ont ainsi été représentées à la réunion de l'ETF du 19 août 1986 à Genève (décision attaquée, paragraphe 25, point 14; document n° 33.126/18757 et annexe 15 au mémoire en réponse d'Aker et d'Euroc à la CG), à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 25, points 22 et 23; document n° 33.126/18857), à la réunion de l'ETF du 21 octobre 1986 à Genève (décision attaquée, paragraphe 25, point 34; documents n° 33.126/18758 et 18897), ainsi qu'à celle du 11 février 1987 à Genève (décision attaquée, paragraphe 25, point 45; document n° 33.126/18760).

3278. Les documents se rapportant aux réunions des 19 août et 21 octobre 1986 ne démontrent pas que, lors de ces réunions, il ait été spécifiquement discuté de la situation liée aux importations par le groupe Ferruzzi de ciment en provenance de Grèce.

3279. En revanche, lors de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, il a été indiqué que les pourparlers entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi pourraient aboutir à des résultats et que Titan pourrait mettre fin à ses contrats avec ce groupe pour la fin de 1987. Au cours de la réunion du 11 février 1987, le représentant italien a informé les autres participants que les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi étaient parvenus à un accord permettant d'éviter une menace d'importation de ciment par ce dernier groupe, menace jugée catastrophique pour les prix. Il a, par ailleurs, demandé l'aide de ses collègues européens en vue de résoudre les problèmes nés de la non-exécution du contrat Calcestruzzi-Titan.

3280. Eu égard à ces constatations, et faute de production par Aker et Euroc d'éléments démontrant que, lors de ces deux réunions, leurs représentants se seraient ouvertement distanciés des mesures illicites qui y furent évoquées en relation avec la situation Ferruzzi ou qu'ils auraient informé les autres participants qu'ils assistaient à ces réunions dans une optique différente de la leur, la Commission était fondée à considérer qu'Aker et Euroc avaient adhéré à de telles mesures ou, du moins, qu'elles avaient donné cette impression aux autres participants par esprit de solidarité face à la décision de l'industrie grecque du ciment d'exporter ses surplus de production sur les marchés d'Europe occidentale, décision perçue comme une menace majeure pour la stabilité de l'ensemble de ces marchés (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus). L'absence de preuve d'un comportement de ces deux entreprises sur le marché en relation avec la situation provoquée par Calcestruzzi est à cet égard indifférente, dès lors que la Commission a établi (voir ci-dessus points 3151 à 3163) que la concertation à laquelle ces entreprises ont adhéré lors des réunions visées ci-dessus au point 3279 a participé d'une pratique concertée contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en ce que ladite concertation a donné lieu à des comportements sur le marché d'autres entreprises impliquées dans cette même concertation. Du reste, à défaut de preuve contraire qu'il incombait à Aker et Euroc de rapporter, il y a lieu de considérer que ces deux entreprises, qui sont demeurées actives sur le marché, ont tenu compte de cette concertation pour déterminer leur comportement sur le marché (voir arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 121, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 162).

3281. La Commission était donc en droit de retenir, à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, la participation d'Aker et d'Euroc aux pratiques concertées ayant visé à ce que Calcestruzzi cessât d'être cliente des producteurs grecs, et en particulier de Titan.

3282. Cependant, la décision attaquée ne comportant aucun élément démontrant l'adhésion d'Aker et d'Euroc à ces pratiques concertées avant le 9 septembre 1986, date de leur participation à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF à Baden-Baden, il y a lieu d'annuler son article 4, paragraphe 3, sous a), pour autant qu'il retient la participation de ces deux entreprises à l'infraction en cause avant cette date.

2.11. Situation de Cementir

3283. Cementir affirme qu'elle n'a jamais entamé de négociations avec Calcestruzzi pour mettre en œuvre un accord anticoncurrentiel visant à empêcher les importations en provenance de Grèce, accord dont elle aurait connu l'existence et le contenu. Elle ajoute qu'il ne lui a jamais été demandé d'exercer des pressions sur Calcestruzzi.

3284. Il doit toutefois être constaté que, aux termes du procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 25, points 22 et 28; documents n° 33.126/18859 et 18860), "[p]lusieurs réunions ont eu lieu entre les producteurs de ciment italiens et Ferruzzi et il [est apparu] que l'on pourrait aboutir à un accord en ce qui concerne le marché du béton prêt à l'emploi".

3285. Dans sa lettre adressée le 2 septembre 1988 à ses avocats londoniens (décision attaquée, paragraphe 27, point 4; document n° 33.126/19196), Titan explique que, "[l]e 6 février 1987, Calcestruzzi pour la première fois [sembla] réticent[e] à confirmer le programme des livraisons, faisant valoir que 'la situation [était] en évolution avec l'industrie locale du ciment".

3286. Au cours de la réunion de l'ETF du 11 février 1987 et à celle du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987, il a été fait état d'un accord entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi, qui permettait d'éviter une menace d'importation de ciment perçue comme catastrophique pour les prix.

3287. D'après le télex d'Italcementi à Titan, du 13 mai 1987, et celui de Calcestruzzi à Titan, du 2 juin 1987 (voir ci-dessus point 3249), la suspension des livraisons de ciment convenues entre Titan et Calcestruzzi a été déterminée par un accord conclu par cette dernière avec les plus grands producteurs italiens de ciment, dont Cementir.

3288. Ce faisceau de pièces démontre que Cementir fut l'un des producteurs italiens de ciment qui sont intervenus auprès du groupe Ferruzzi afin d'obtenir que Calcestruzzi suspendît l'exécution du contrat d'approvisionnement qu'elle avait conclu avec Titan.

3289. Dans ces conditions, la Commission était fondée à retenir, à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, la participation de Cementir aux pratiques concertées ayant visé à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan.

3290. Toutefois, la décision attaquée ne comporte aucun élément permettant de retenir la participation de Cementir à ces pratiques concertées avant le 9 septembre 1986, date de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF à Baden-Baden dans le procès-verbal de laquelle il est fait état pour la première fois des pourparlers entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi. Il s'ensuit que son article 4, paragraphe 3, sous a), pour autant qu'il retient la participation de Cementir à l'infraction en cause avant cette date, doit être annulé.

2.12. Situation de Blue Circle

3291. Blue Circle fait valoir que la Commission déduit sa participation aux pratiques concertées en cause, notamment, d'une de ses notes internes datée du 4 septembre 1986 (décision attaquée, paragraphe 27, point 3), dans laquelle elle indiquait que Titan l'avait informée qu'elle n'annulerait pas son contrat avec Calcestruzzi. Ce document ne suggérerait cependant pas que Blue Circle ait tenté de faire pression sur Titan pour que celle-ci annulât le contrat en question.

3292. Blue Circle affirme que sa participation à l'infraction susvisée ne peut pas non plus être déduite du simple fait que les mesures dissuasives et persuasives examinées par l'ETF comprenaient une mesure éventuelle à l'égard de Calcestruzzi. En effet, l'ETF aurait examiné de nombreuses pistes afin de soumettre des suggestions aux décideurs.

3293. Enfin, Blue Circle estime que la Commission ne pouvait pas inférer son implication dans les pratiques concertées en cause des accords conclus en avril 1987 entre les producteurs italiens pour satisfaire tous les besoins en ciment du groupe Calcestruzzi (décision attaquée, paragraphe 27, points 4 à 11). Elle reconnaît que l'ETF a été informée de la situation italienne. Cette information n'aurait cependant pas été très précise. En tout état de cause, la simple réception d'informations serait insuffisante pour établir la participation à des pratiques concertées. Blue Circle ajoute que les accords susvisés d'avril 1987 ont eu une dimension strictement locale et qu'elle les a toujours ignorés, les éléments de preuve relatifs à ces accords n'ayant jamais été portés à sa connaissance.

3294. Sur cette question, il convient de préciser que, parmi les mesures de défense du marché italien, la Commission retient la participation de Blue Circle aux seules pratiques concertées ayant visé à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a)]. Elle ne retient pas contre elle une participation à l'accord relatif aux conventions signées les 3 et 15 avril 1987, qui avaient pour but d'éviter des importations par Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce [article 4, paragraphe 3, sous b)].

3295. S'agissant de la participation de Blue Circle à l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, il y a lieu d'observer que, dans sa note interne du 4 septembre 1986 (décision attaquée, paragraphe 27, point 3; document n° 33.126/11026), cette entreprise affirme: "En ce qui concerne l'Italie, Titan reste inflexible dans sa volonté de ne pas résilier le contrat avec Ferruzzi avant décembre 1987 au plus tôt, date à laquelle elle semble avoir une clause-échappatoire." Ces indications démontrent que Blue Circle a cherché en vain à convaincre Titan de résilier par anticipation le contrat d'approvisionnement qu'elle venait de conclure avec le groupe Ferruzzi.

3296. En toute hypothèse, Blue Circle a assisté à la réunion de l'ETF du 17 juin 1986 (décision attaquée, paragraphe 25, point 11; documents n° 33.126/18756 et 18787), à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 25, points 22 et 23; document n° 33.126/18857), à la réunion de l'ETF du 11 février 1987 (décision attaquée, paragraphe 25, point 45; document n° 33.126/18760) et à la réunion du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987 (décision attaquée, paragraphe 25, point 47; document n° 33.126/4858).

3297. Eu égard aux constatations déjà opérées à propos de ces quatre réunions (voir ci-dessus point 3226), et faute de production par Blue Circle d'éléments démontrant que, lors de ces réunions, elle se serait ouvertement distanciée des mesures illicites qui y furent évoquées en relation avec la situation Ferruzzi ou qu'elle aurait informé les autres participants qu'elle y assistait dans une optique différente de la leur, la Commission était fondée à considérer que Blue Circle avait adhéré à de telles mesures ou, du moins, avait donné cette impression aux autres participants par esprit de solidarité face à la décision de l'industrie grecque du ciment d'exporter ses surplus de production sur les marchés d'Europe occidentale, décision perçue comme une menace majeure pour la stabilité de l'ensemble de ces marchés (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

3298. Il s'ensuit que la Commission a, à bon droit, retenu, à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, la participation, à compter du 17 juin 1986, de Blue Circle aux pratiques concertées ayant visé à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan.

3299. Blue Circle dit ne pas comprendre comment la Commission a pu considérer que la non-exécution du contrat Calcestruzzi-Titan était la conséquence des pratiques concertées décrites au paragraphe 55, point 1, de la décision attaquée, tout en n'imputant ces dernières ni à Calcestruzzi ni à Titan.

3300. Cependant, cet argument ne permet pas d'écarter l'analyse développée ci-dessus aux points 3150 à 3163 et 3295 à 3298 quant au bien-fondé, d'une part, des constatations de la Commission relatives à l'existence de pratiques concertées ayant visé, dans un esprit anticoncurrentiel, à ce que Calcestruzzi ne fût plus cliente de Titan et, d'autre part, de la décision de l'institution de retenir la participation de Blue Circle à de telles pratiques concertées.

3. Sur la durée de l'infraction

3301. A l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, la Commission retient que l'infraction a duré du 17 juin 1986 au 15 mars 1987.

3302. Il a déjà été constaté que, en retenant le 17 juin 1986 comme date de début de cette infraction à l'égard de CBR, de Dyckerhoff, d'Aalborg, du BDZ, d'Unicem, d'Uniland, d'Oficemen, d'Irish Cement, d'Aker, d'Euroc et de Cementir, la Commission a mal apprécié le point de départ de leur participation à ladite infraction. Celui-ci doit ainsi être reporté au 9 septembre 1986 (voir ci-dessus, respectivement, points 3205, 3240, 3253, 3282 et 3290).

3303. Aker, Euroc et Cementir soulignent qu'elles n'ont assisté à aucune des deux réunions de l'ETF dont les dates correspondent à celles retenues comme date de début (17 juin 1986) et comme date de fin (15 mars 1987) de l'infraction. La durée de leur participation à celle-ci devrait donc, en tout état de cause, être réduite.

3304. S'agissant du point de départ de l'infraction en question, il a déjà été reporté au 9 septembre 1986 à l'égard d'Aker et d'Euroc (voir ci-dessus point 3282), ainsi que de Cementir (voir ci-dessus point 3290).

3305. Quant à la date de fin de l'infraction, il convient de rappeler, en ce qui concerne Aker et Euroc, que celles-ci ont été représentées à la réunion de l'ETF du 11 février 1987. Il est donc permis de considérer que les pratiques concertées en cause ont influencé leur comportement sur le marché jusqu'au terme de la période d'infraction fixée par l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée. Il s'ensuit que la Commission était fondée à retenir la participation d'Aker et d'Euroc aux pratiques concertées en cause jusqu'au 15 mars 1987.

3306. Quant à Cementir, il y a lieu de rappeler que, à la réunion du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987, il a été fait état des négociations en cours entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi, négociations dans lesquelles Cementir était directement impliquée, ainsi que cela ressort de l'analyse exposée ci-dessus aux points 3284 à 3288. La Commission était donc en droit de retenir, à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, la participation de Cementir aux pratiques concertées en cause jusqu'au terme de la période d'infraction fixée par cette disposition.

3307. Blue Circle affirme que la décision attaquée ne motive pas la durée de l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 3, sous a).

3308. Il convient de constater que la date du 17 juin 1986 retenue comme point de départ de l'infraction correspond à la première des réunions visées au paragraphe 27, point 3, de la décision attaquée pour établir que la situation Ferruzzi a été discutée dans le cadre de l'ETF.

3309. S'agissant de la date du 15 mars 1987 retenue comme date de fin de l'infraction, elle se rapporte, selon les indications contenues au paragraphe 27, points 3 et 5 de la décision attaquée (voir documents n° 33.126/4858 à 4861), à une réunion du sous-groupe "Mesures de défense" tenue le 17 mars 1987, et non le 15 mars 1987 comme indiqué par erreur par la Commission (voir ci-dessus point 3141), réunion au cours de laquelle, d'après la documentation disponible, il a été fait rapport pour la dernière fois des négociations entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi.

3310. Dans ces conditions, Blue Circle, qui a du reste assisté tant à la réunion du 17 juin 1986 qu'à celle du 17 mars 1987, ne saurait valablement invoquer un défaut de motivation quant à la durée de l'infraction reprochée.

4. Sur l'accès au dossier

3311. Ciments français et Asland ont présenté, à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 en matière d'accès au dossier, des documents qui, selon elles, auraient pu leur être utiles au cours de la procédure administrative pour se défendre contre le grief tiré de leur participation aux pratiques concertées relatives à Calcestruzzi.

3312. Il n'y a plus lieu d'apprécier le bien-fondé de ces observations, dès lors qu'il a déjà été constaté que l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée doit être annulé en ce qu'il retient la participation de ces deux entreprises à l'infraction qu'il vise (voir ci-dessus, respectivement, points 3215 et 3263).

3313. CBR, Dyckerhoff, Uniland, Oficemen, Holderbank, Aker et Euroc formulent également une série d'observations à partir des documents qu'elles ont pu consulter à la suite des mêmes mesures d'organisation de la procédure. Elles entendent démontrer que, en ne leur accordant qu'un accès limité à la CG et à son dossier d'instruction au cours de la procédure administrative, la Commission a violé leurs droits de la défense lors de la constatation de l'infraction qui leur est reprochée, dans la mesure où elles n'ont pas eu accès à des éléments à leur décharge.

3314. Dans ses observations du 10 février 1997, CBR invoque les documents n° 33.126/2945 à 2951, 2954 à 2960, 15990 à 15995, 15997, 12145 à 12166, 12180 à 12188, 12204 à 12217, 12231 à 12338, 12341, 16235 à 16282, 15731 à 15739, 2917, 2918, 2948 et 2949, dont aucun n'indiquerait qu'elle a joué un quelconque rôle dans les relations entre les producteurs italiens de ciment et Calcestruzzi. Elle fait remarquer que, dans les chapitres de la CG consacrés à l'Italie (paragraphes 35 et 70), elle n'est nullement citée parmi les producteurs de ciment qui auraient signé des conventions avec Calcestruzzi en violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

3315. Il convient d'observer que, en ce qui concerne les mesures de défense du marché italien, la Commission retient la participation de CBR aux seules pratiques concertées ayant visé à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a)]. Elle ne retient pas contre elle une participation à l'accord relatif aux conventions signées les 3 et 15 avril 1987, qui avaient pour but d'éviter des importations par Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous b)]. Il y a donc uniquement lieu d'apprécier si les commentaires de CBR exposés au point précédent auraient eu quelque chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent quant à l'infraction effectivement retenue contre elle.

3316. En réalité, ces commentaires n'auraient pas empêché la Commission de constater que CBR avait participé à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, au cours de laquelle il avait été fait état des pourparlers en cours en relation avec le problème Calcestruzzi. Partant, ils n'auraient pas permis d'exclure la responsabilité de cette entreprise dans les pratiques concertées en cause.

3317. Dans ses observations du 5 janvier 1998, Dyckerhoff invoque des documents qui contrediraient la présentation, faite dans la décision attaquée, des éléments relatifs aux pressions exercées sur Calcestruzzi.

3318. Elle invoque d'abord la lettre que Titan a adressée le 2 septembre 1988 à ses avocats londoniens (documents n° 33.126/19195 à 19197).

3319. Sur ce point, sans qu'il y ait lieu d'examiner la pertinence des commentaires présentés par Dyckerhoff à partir de cette lettre, il suffit d'observer que cette dernière était explicitement mentionnée, au paragraphe 19, sous d), de la CG, dans l'exposé des faits relatifs aux mesures de défense du marché italien.

3320. Les deux premières pages de cette lettre (documents n° 33.126/19195 et 19196) figuraient d'ailleurs dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Dyckerhoff aurait donc pu les utiliser pour étayer son mémoire en réponse à la CG. Dans ces conditions, elle ne saurait à présent les invoquer pour démontrer l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

3321. Quant à la troisième page de la lettre (document n° 33.126/19197), elle contient uniquement des indications relatives à l'adresse à laquelle la réponse à cette lettre devait être envoyée, ainsi que la signature du rédacteur du courrier. Elle n'aurait donc été d'aucune utilité pour la défense de Dyckerhoff au cours de la procédure administrative.

3322. Dyckerhoff se réfère ensuite à la réponse du 22 mars 1990 de Calcestruzzi à une demande de renseignements de la Commission (documents n° 33.126/16316 à 16330). Calcestruzzi y explique que la résiliation du contrat qu'elle avait conclu avec Titan en avril 1986 est justifiée par le fait qu'elle n'a pas obtenu les autorisations de l'administration italienne nécessaires à l'utilisation de ses installations portuaires aux fins de l'exécution dudit contrat. Dyckerhoff affirme que les documents constituant la réponse lui auraient permis de réfuter l'explication avancée par la Commission aux paragraphes 27 et 55 de la décision attaquée à propos de la non-exécution du contrat Calcestruzzi-Titan.

3323. Il doit toutefois être constaté que les commentaires que Dyckerhoff aurait pu faire valoir au cours de la procédure administrative à partir des documents qu'elle invoque n'auraient pas permis d'écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 27, points 3 à 5, de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a, à juste titre, conclu, à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, à l'existence de pratiques concertées entre les producteurs italiens Unicem, Italcementi et Cementir et une série d'entreprises et d'associations européennes du secteur du ciment, parmi lesquelles Dyckerhoff, pratiques ayant visé, dans un esprit anticoncurrentiel, à ce que Calcestruzzi ne fût plus cliente des producteurs grecs, et en particulier de Titan.

3324. Enfin, Dyckerhoff relève, dans ses observations du 7 février 1997, qu'il ressort du dossier italien qu'elle n'a joué aucun rôle dans les mesures relatives à Calcestruzzi, dès lors que cette dernière était liée aux producteurs italiens par le GU SIPAC, dont Dyckerhoff ne faisait pas partie (documents n° 33.126/15990 à 15997, 12145 à 12166, 12180 à 12188, 12204 à 12217 et 12231 à 12341).

3325. Toutefois, les commentaires que Dyckerhoff aurait pu faire valoir au cours de la procédure administrative à partir des documents qu'elle vise n'auraient pas empêché la Commission de constater que cette entreprise avait participé à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, au cours de laquelle il avait été fait état des démarches en cours en relation avec la situation Ferruzzi. Partant, ils n'auraient pas permis d'exclure la responsabilité de Dyckerhoff dans les pratiques concertées visées à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée.

3326. Uniland et Oficemen soutiennent, dans leurs observations du 10 février 1997 et du 3 mars 1998, qu'il n'existe aucune preuve, parmi les documents auxquels elles ont pu accéder à la suite des mesures d'organisation de la procédure rappelées ci-dessus au point 3311, de leur participation aux pratiques concertées retenues à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée. Au contraire, plusieurs documents attesteraient que les mesures de défense du marché italien contre les importations en provenance de Grèce procédaient non pas d'une entente multilatérale à laquelle elles auraient participé, mais de réactions unilatérales des producteurs italiens.

3327. Dans leurs observations du 10 février 1997, elles invoquent une lettre d'Italcementi du 26 octobre 1987 (document n° 33.126/2950) et le compte rendu d'une réunion du 12 janvier 1988 des producteurs italiens de ciment chez Cementir (document n° 33.126/19872). Ces deux documents ne contiendraient aucune allusion à une quelconque participation directe ou indirecte de leur part aux mesures prises par le marché italien pour lutter contre les importations en provenance de Grèce. Au contraire, ils confirmeraient la dimension purement locale de ces mesures.

3328. Dans leurs observations du 3 mars 1998, Uniland et Oficemen se prévalent d'un extrait des réponses fournies par Unicem à la Commission en octobre 1989 au sujet des activités de l'ETF (documents n° 33.126/12060 à 12065, spécialement 12063), ainsi que de la lettre dans laquelle Calcestruzzi explique à la Commission que la réduction de ses importations en provenance de Grèce était imputable au seul fait que l'administration italienne ne lui avait pas délivré les autorisations nécessaires pour la construction d'un quai destiné au débarquement du ciment (documents n° 33.126/16317 à 16321, spécialement 16319, mentionnés ci-dessus au point 3322). Elles se réfèrent également à la lettre adressée le 2 septembre 1988 par Titan à ses avocats londoniens (documents n° 33.126/19195 à 19197), ainsi qu'aux documents n° 33.126/19188 à 19193 et 19198 à 19200. Enfin, elles renvoient une nouvelle fois au compte rendu de la réunion du 12 janvier 1988 des producteurs italiens de ciment chez Cementir à Rome (documents n° 33.126/19871 à 19873).

3329. Il convient de rappeler que, pour les motifs énoncés ci-dessus aux points 3319 à 3321, la lettre de Titan du 2 septembre 1988 à ses avocats londoniens ne saurait valablement être invoquée par Uniland et par Oficemen pour démontrer l'existence d'une violation de leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative.

3330. En toute hypothèse, les commentaires que ces deux parties requérantes auraient pu faire valoir au cours de la procédure administrative à partir des différents documents identifiés ci-dessus aux points 3327 et 3328 n'auraient pas permis d'écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 27, points 3 à 5, de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a, à juste titre, conclu, à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, à l'existence de pratiques concertées à l'échelle européenne, ayant visé, dans un esprit anticoncurrentiel, à ce que Calcestruzzi ne fût plus cliente des producteurs grecs, et en particulier de Titan.

3331. Ces commentaires n'auraient pas davantage empêché la Commission de constater, d'une part, qu'Uniland avait assisté à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, au cours de laquelle il avait été fait état des pourparlers en cours en relation avec la situation Ferruzzi, et, d'autre part, qu'Oficemen avait été représentée à cette réunion et avait assisté à la réunion du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987, au cours de laquelle fut évoqué l'accord entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi. Partant, ils n'auraient pas permis d'exclure la responsabilité d'Uniland et d'Oficemen dans les pratiques concertées retenues à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée.

3332. Uniland et Oficemen invoquent encore, dans leurs observations du 3 mars 1998, une série de documents se rapportant à des contrats conclus entre les producteurs grecs de ciment et des entreprises italiennes (documents n° 33.126/19781 à 19786, 19793 à 19798, 19802 à 19812, 20140 à 20147, 20148 à 20156, 20157 à 20164, 20166 et 20167), ainsi qu'à des contrats conclus entre des producteurs grecs en vue de livraisons en Italie (documents n° 33.126/20132 à 20137 et 20259 à 20267). Elles citent également le rapport de gestion de Titan pour l'année 1988 (document n° 33.126/19432), qui traduirait un renforcement spectaculaire de la présence de l'entreprise grecque sur le marché italien cette année-là. Ces différents documents contrediraient les appréciations portées par la Commission au paragraphe 55 de la décision attaquée.

3333. Toutefois, ces commentaires des parties requérantes n'auraient pas permis d'écarter les pièces visées au paragraphe 27, points 3 à 5, sur la base desquelles la Commission a, à juste titre, constaté l'existence de pratiques concertées ayant visé, dans un esprit anticoncurrentiel, à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente à Titan, constatation qui suffisait à conclure que ces pratiques concertées étaient contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir jurisprudence citée au point 837 ci-dessus).

3334. Dans ses observations du 8 décembre 1997, Holderbank affirme, sur la base de la lettre adressée le 2 septembre 1988 par Titan à ses avocats londoniens (documents n° 33.126/19195 à 19197), que la non-exécution par Calcestruzzi de son contrat de fourniture de ciment conclu avec Titan fut la conséquence d'un accord intervenu entre le groupe Ferruzzi/Calcestruzzi et les seuls producteurs italiens de ciment, et non pas d'une entente globale à laquelle Holderbank aurait pris part.

3335. Toutefois, pour les motifs énoncés ci-dessus aux points 3319 à 3321, Holderbank ne saurait se prévaloir de cette lettre pour démontrer l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

3336. Holderbank se réfère ensuite à la note relative à la réunion du 12 janvier 1988 des producteurs italiens de ciment chez Cementir (voir ci-dessus point 3328). Cette note illustrerait le cloisonnement du marché italien à l'égard des importations de ciment, en l'occurrence les importations en provenance de Yougoslavie. Elle évoquerait aussi la solidarité dont les producteurs italiens de ciment étaient invités à faire preuve pour faire face à de telles importations. Enfin, elle soulignerait la nécessité de trouver un accord avec les producteurs grecs afin de les amener à réduire leurs exportations, et cela sous peine de devoir mener une guerre des prix. Holderbank estime que, si cette pièce avait été accessible au cours de la procédure administrative, elle aurait pu démontrer que le cloisonnement du marché italien était dû non pas aux mesures adoptées dans le cadre de l'ETF, mais au seul comportement des producteurs locaux.

3337. Il doit cependant être constaté que ces commentaires n'auraient pas permis d'écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 27, points 3 à 5, de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a, à juste titre, conclu, à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, à l'existence de pratiques concertées entre les producteurs italiens Italcementi, Unicem et Cementir et une série de participants à l'ETF, parmi lesquels Holderbank, pratiques ayant visé, dans un esprit anticoncurrentiel, à ce que Calcestruzzi ne fût plus cliente des producteurs grecs, et en particulier de Titan.

3338. Dans leurs observations du 10 février 1997, Aker et Euroc invoquent les différents documents mentionnés ci- dessus au point 3324. Ces documents leur auraient permis de démontrer que les accords conclus en avril 1987 entre Cementir, Italcementi et Unicem, d'une part, et Calcestruzzi, d'autre part, étaient le résultat de négociations menées à l'échelle locale entre les principaux producteurs italiens de ciment. Aucun de ces documents n'étayerait la thèse de la Commission selon laquelle ces accords étaient l'instrument d'un plan d'action débattu et approuvé aux réunions de l'ETF, auxquelles Aker et Euroc ont assisté. Les deux parties requérantes se réfèrent également à des notes d'Italcementi du 15 octobre 1986 (documents n° 33.126/2945 à 2948), du 26 octobre 1987 (documents n° 33.126/2949 à 2951) et du 13 novembre 1987 (documents n° 33.126/2954 à 2960), qui démontreraient que le "problème grec" fut traité à l'époque sur une base purement bilatérale, entre les principaux producteurs italiens de ciment et leurs homologues grecs. Elles visent particulièrement l'extrait suivant de la note d'Italcementi du 13 novembre 1987 qui, d'après la traduction qu'elles en donnent, indique: "Nous devons nous demander qui contacter, comment contacter les Grecs et proposer un accord vraiment viable, qui ne devrait pas excéder deux ans, avec l'intention ensuite de mieux gérer, avec les producteurs européens, l'industrie grecque du ciment, soit par une participation directe dans le capital, soit par une présence indirecte."

3339. Toutefois, les commentaires qu'Aker et Euroc auraient pu faire valoir au cours de la procédure administrative à partir des différents documents mentionnés au point précédent n'auraient pas permis d'écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 27, points 3 à 5, de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a, à juste titre, conclu, à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, à l'existence de pratiques concertées à l'échelle européenne, pratiques ayant visé, dans un esprit anticoncurrentiel, à ce que Calcestruzzi ne fût plus cliente des producteurs grecs, et en particulier de Titan. Ces commentaires n'auraient pas davantage empêché la Commission de constater qu'Aker et Euroc avaient été représentées à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, au cours de laquelle il fut fait état des pourparlers en cours en relation avec la situation Ferruzzi, ainsi qu'à la réunion de l'ETF du 11 février 1987, au cours de laquelle il avait été annoncé qu'un accord était intervenu entre les producteurs de ciment italiens et le groupe Ferruzzi et que cet accord avait permis d'éviter une menace d'importation de ciment par ce dernier groupe, menace jugée catastrophique pour les prix. De tels commentaires n'auraient donc pas permis d'exclure la responsabilité de ces deux parties requérantes dans l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée.

3340. Dans leurs observations du 29 décembre 1997, Aker et Euroc visent ensuite le compte rendu d'une réunion du 13 mars 1989 entre des producteurs de ciment italiens et yougoslaves (documents n° 33.126/16002 à 16006). D'après elles, cette pièce leur aurait permis d'étayer leur thèse selon laquelle les accords relatifs à Calcestruzzi étaient une affaire purement locale.

3341. Cependant, la pièce en question démontre tout au plus que, près de deux ans après la période d'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, des négociations bilatérales étaient intervenues entre les marchés italien et yougoslave, en vue de limiter les exportations du second vers le premier. Les commentaires qu'Aker et Euroc auraient pu présenter à partir de cette pièce n'auraient donc, de toute évidence, pas permis d'écarter les constatations objectives, rappelées ci-dessus au point 3339, quant aux pratiques concertées intervenues à l'échelle européenne lors de la survenance du problème Calcestruzzi.

3342. En conclusion, les commentaires de CBR, de Dyckerhoff, d'Uniland, d'Oficemen, de Holderbank, d'Aker et d'Euroc n'auraient pas eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Ces parties requérantes n'ont donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative.

B Accord relatif aux conventions signées en avril 1987 avec Calcestruzzi [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous b)]

3343. Aux termes de l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, Italcementi, Unicem et Cementir "ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, du 3 avril 1987 au 3 avril 1992, en participant à un accord portant sur les contrats et les conventions signés les 3 et 15 avril 1987 ayant pour but d'éviter des importations de ciment grec de la part de Calcestruzzi".

3344. Les trois parties requérantes concernées développent une argumentation au fond visant à l'annulation de cette disposition. En outre, Italcementi et Cementir reprochent à la Commission d'avoir, à l'occasion de la constatation de l'infraction en cause, violé leurs droits de la défense, en ne leur accordant pas au cours de la procédure administrative l'accès à l'intégralité de la CG et de son dossier d'instruction, les privant ainsi de prétendus éléments à leur décharge.

1. Sur l'existence de l'infraction

3345. Au paragraphe 27 de la décision attaquée, la Commission, après avoir relevé (point 5) que l'"accord entre les producteurs cimentiers [italiens] et Ferruzzi" avait été évoqué par le représentant italien à la réunion de l'ETF du 11 février 1987 et à celle du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987 (voir ci-dessus point 3141), constate (point 6) que cet accord a été conclu au mois d'avril suivant:

"En effet, les 3 et 15 avril 1987, les producteurs italiens de ciment Italcementi, Unicem, Cementir et Calcestruzzi ont signé des conventions et des contrats relatifs à la fourniture de ciment et à la coopération entre elles (documents n° 33.126/12145 à 12342). Par ces conventions et contrats, Italcementi, Unicem et Cementir se sont engagées solidairement à satisfaire tous les besoins en ciment du groupe Calcestruzzi et à pratiquer les réductions de prix qui y sont mentionnées; de son côté, Calcestruzzi s'est engagé[e] à destiner la moitié des réductions de prix à une filiale commune des quatre contractants, laquelle doit investir les sommes dans des sociétés de béton prêt à l'emploi ou d'activités connexes, et à satisfaire au moins 80 % de ses besoins en ciment auprès d'Italcementi, d'Unicem et de Cementir ou auprès de sociétés désignées par elles; les trois producteurs de ciment se sont réservé le droit de résiliation si les achats de ciment de Calcestruzzi auprès d'eux étaient inférieurs à 95 % des besoins de l'acheteur."

3346. La Commission retient ensuite (paragraphe 27, points 7 à 10) une série de télex échangés en mai et juin 1987 entre Calcestruzzi et Titan, d'une part, et entre Italcementi et Titan, d'autre part. Ces télex démontreraient que, à la suite de l'accord intervenu avec les trois producteurs italiens de ciment, Calcestruzzi a suspendu l'exécution du contrat qu'elle avait conclu en avril 1986 avec Titan. Ils attesteraient également que des rencontres ont eu lieu entre les producteurs italiens Italcementi, Unicem et Cementir, d'une part, et Titan, d'autre part, afin que fût trouvée une solution aux problèmes liés à cette inexécution contractuelle.

3347. Au paragraphe 55, point 2, la Commission conclut:

"Les contrats et les conventions signés les 3 et 15 avril 1987 (voir paragraphe 27, point 6, ci-dessus) constituent la mise en œuvre d'un accord entre Italcementi, Unicem et Cementir, visé par l'article 85, paragraphe 1, et, en conséquence, une infraction à partir de la date de leur signature et pour la durée des contrats et des conventions, c'est-à-dire jusqu'au 3 avril 1992. En effet, cet accord a eu pour but, ainsi qu'il ressort des comptes rendus des 11 février 1987 et 15 mars 1987, d'éviter une menace d'importation de 1,5 million de tonnes de ciment grec par Calcestruzzi dans une dizaine de ports, ce qui aurait été catastrophique pour les prix (voir paragraphe 27, point 5, ci-dessus)."

3348. Unicem, Italcementi et Cementir font valoir en substance neuf arguments visant à contester l'infraction qui leur est imputée.

3349. En premier lieu, elles nient que les conventions signées avec Calcestruzzi en avril 1987 aient été animées d'une finalité anticoncurrentielle.

3350. Unicem affirme que ces conventions ne présentaient aucun lien avec l'ETF. Le fait qu'elle ait adopté, dans le cadre desdites conventions, un comportement totalement indépendant par rapport à tout producteur non italien en serait la meilleure preuve. Elle ajoute que les conventions en question avaient un objet licite. Les rapports entre les producteurs italiens de ciment et Calcestruzzi trouveraient leur explication dans des motifs d'ordre commercial, qui n'auraient rien à voir avec une concertation internationale. Calcestruzzi, qui était le plus important client italien sur le marché du ciment, aurait mis en œuvre un pouvoir d'achat considérable. Les conventions d'avril 1987 devraient être considérées comme la réalisation de l'objectif à long terme de Calcestruzzi d'obtenir un rabais de 15 % pour tous ses achats de ciment en Italie. Les concessions sur les prix faites par Italcementi, Cementir et Unicem auraient constitué une réponse relevant d'une concurrence légitime. En outre, l'offre faite par les trois producteurs italiens aurait présenté de multiples avantages pour Calcestruzzi par rapport au contrat que celle-ci avait conclu avec Titan en avril 1986: qualité du service, proximité géographique des fournisseurs, coûts de transport moins élevés, plus grande souplesse dans l'exécution du contrat, possibilité d'assistance technique et commerciale de la part des fournisseurs italiens. Les contrats de livraison auraient été souscrits conjointement par Italcementi, Cementir et elle en raison de l'importance des besoins d'approvisionnement de Calcestruzzi, auxquels un producteur n'aurait pas pu faire face seul.

3351. Italcementi affirme aussi que les conventions susvisées constituaient une réaction de concurrence des producteurs italiens aux importations sur leur marché de ciment en provenance de Grèce. Selon elle, l'objet d'une entente devrait se définir comme le sens et la finalité qu'elle poursuit, objectivement identifiés à la lumière du contexte économique dans lequel cette entente doit être appliquée, et non pas comme l'intention subjective envisagée par les parties. En l'espèce, la Commission n'aurait pas démontré l'existence d'un tel objet restrictif de la concurrence.

3352. Cementir soutient qu'elle a pris l'initiative, avec Italcementi et Unicem, de négociations avec Calcestruzzi afin de définir la meilleure organisation possible de leurs rapports commerciaux mutuels. Elle souligne l'intérêt commercial que revêtaient ces négociations, Calcestruzzi représentant une demande annuelle d'environ 2 200 000 tonnes de ciment. C'est dans ce contexte que serait intervenue la constitution de la société italienne SIPAC, filiale commune d'Italcementi, d'Unicem et de Cementir. Cette société n'aurait donc pas eu pour objet d'empêcher l'exécution des obligations que Calcestruzzi avait contractées à l'égard de Titan. Cementir conclut que son comportement dans cette affaire peut s'expliquer autrement que par une concertation illicite, à savoir par son souci de conclure un contrat avantageux. Son attitude aurait été comparable à celle adoptée par une série d'autres producteurs italiens qui ont pris part aux accords d'approvisionnement avec Calcestruzzi, et qui n'ont pourtant pas été sanctionnés dans la décision attaquée.

3353. Il convient de relever qu'aucune des trois parties requérantes susvisées ne conteste que la conclusion, en avril 1987, des conventions entre Calcestruzzi et elles a été l'objet de l'"accord entre les producteurs cimentiers [italiens] et Ferruzzi" qui fut évoqué lors de la réunion de l'ETF du 11 février 1987 (décision attaquée, paragraphe 27, point 5; document n° 33.126/4912) et de celle du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987 (même point; document n° 33.126/4860).

3354. Or, au cours de la première de ces deux réunions, le représentant italien a indiqué que cet accord permettait "d'éviter une menace d'importation par [le groupe Ferruzzi] de 1,5 [million de tonnes] dans une dizaine de ports, ce qui aurait été catastrophique pour les prix" (décision attaquée, paragraphe 27, point 5; document n° 33.126/4912). Il a ajouté: "Ferruzzi recevra pour sa bonne volonté la coquette somme de 15 millions de USD par an pendant les cinq années [de l'accord] [et elle] devra consacrer une partie du magot à acheter des sociétés BPE [béton prêt à l'emploi] ou des participations dans des sociétés BPE pour cadenasser les côtes."

3355. Les trois parties requérantes ne contestent pas non plus que l'accord entre les producteurs italiens de ciment et Calcestruzzi dont il est question dans les télex visés par la Commission au paragraphe 27, points 7 et 10, de la décision attaquée correspond à l'accord portant sur les conventions signées en avril 1987. Or, d'après ces télex, ledit accord a conduit à la suspension des livraisons de ciment qui avaient été convenues entre Calcestruzzi et Titan.

3356. Sur la base de ce faisceau de pièces, la Commission était fondée à considérer que les conventions signées en avril 1987 entre Italcementi, Unicem et Cementir, d'une part, et Calcestruzzi, d'autre part, constituaient la mise en œuvre d'un accord entre Italcementi, Unicem et Cementir ayant visé à éviter, dans un esprit anticoncurrentiel, des importations par Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce. La Commission était donc en droit de constater, à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, que cet accord était contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

3357. La circonstance, mise en exergue par Cementir, que les autres producteurs italiens de ciment qui auraient prétendument pris part aux conventions avec Calcestruzzi n'ont pas été visés dans la décision attaquée ne permet pas d'écarter l'analyse développée ci-dessus aux points 3353 à 3356 quant au bien-fondé de la constatation de la Commission relative à la finalité anticoncurrentielle poursuivie par l'accord ayant porté sur ces conventions, ni la responsabilité, dans cet accord anticoncurrentiel, de Cementir, qui admet avoir pris part auxdites conventions.

3358. En deuxième lieu, Italcementi affirme que les rencontres entre les producteurs italiens de ciment et Titan décrites au paragraphe 27, points 7 à 11, de la décision attaquée ont uniquement visé à éviter l'aggravation des tensions existant à l'époque sur le marché italien, en démontrant la légalité de la conclusion de nouveaux contrats de livraison avec Calcestruzzi. Les producteurs italiens auraient participé à ces rencontres sans la moindre intention d'obtenir des résultats illicites au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

3359. De son côté, Cementir soutient que la réunion qui s'est tenue le 27 mai 1987 à Luxembourg entre les producteurs italiens et Titan, réunion visée au paragraphe 27, points 9 à 11, de la décision attaquée, s'est inscrite dans le cadre d'une tentative de règlement d'un différend engendré par les négociations commerciales engagées entre Italcementi, Unicem et Cementir, d'une part, et Calcestruzzi, d'autre part, dans le seul but d'éviter que ce différend nuisît au bon fonctionnement de l'accord d'approvisionnement conclu par Calcestruzzi avec Titan. Elle ajoute avoir participé à cette réunion à la demande de Calcestruzzi.

3360. Toutefois, il ressort du faisceau des pièces visées au paragraphe 27, points 7 à 10, de la décision attaquée (documents n° 33.126/19205, 19204, 19201 et 19218) qu'une réunion s'est tenue à la fin de mai 1987 à Luxembourg entre Italcementi, Unicem et Cementir, d'une part, et Titan, d'autre part, dans le but, notamment, de trouver une solution aux problèmes liés à la "suspension des livraisons prévues dans le contrat conclu à l'époque [avril 1986]" entre Calcestruzzi et Titan (décision attaquée, paragraphe 27, point 10; document n° 33.126/19201), suspension qui "a[vait] été déterminée par [l']accord convenu avec les plus grands producteurs italiens de ciment (Italcementi Unicem Cementir)" (décision attaquée, paragraphe 27, point 10; document n° 33.126/19218).

3361. En tout état de cause, l'argumentation d'Italcementi et de Cementir ne permet pas d'écarter l'extrait du compte rendu de la réunion de l'ETF du 11 février 1987 (voir ci-dessus point 3354), sur la base duquel la Commission a, à juste titre, conclu que les trois producteurs italiens de ciment Italcementi, Unicem et Cementir avaient, à travers l'accord relatif aux conventions signées avec Calcestruzzi en avril 1987, entendu éviter une menace d'importation par le groupe Ferruzzi, dans une dizaine de ports, de 1,5 million de tonnes de ciment en provenance de Grèce, ce qui aurait été catastrophique pour les prix.

3362. En troisième lieu, Italcementi souligne que les importations en Italie de ciment en provenance de Grèce se faisaient à l'époque à des prix inférieurs au coût réel, violant de la sorte la loyauté qui doit prévaloir dans les échanges commerciaux intracommunautaires. Cementir affirme pour sa part que, dès la fin de l'année 1985, les producteurs grecs ont massivement exporté du ciment et du clinker, notamment en Italie, grâce à de très importantes aides d'Etat.

3363. Ces arguments doivent cependant être rejetés, pour les motifs énoncés ci-dessus aux points 2557 et 2558.

3364. En quatrième lieu, Unicem, Italcementi et Cementir affirment que les conventions d'avril 1987 n'empêchaient pas Calcestruzzi d'exécuter ses obligations contractuelles à l'égard de Titan. En effet, les livraisons convenues entre Calcestruzzi et Titan dans leur contrat d'avril 1986 auraient seulement porté, pour la première année, sur 75 000 tonnes, soit une quantité très nettement inférieure aux besoins réels de Calcestruzzi, estimés à quelque 2 200 000 tonnes par an. Aucune obligation minimale d'achat n'aurait été prévue pour les années suivantes. En outre, les livraisons faites par Titan n'auraient pas répondu aux mêmes exigences de qualité que le ciment italien.

3365. Italcementi ajoute que, à la même époque, le contrat de livraison conclu par Calcestruzzi avec des producteurs yougoslaves de ciment a été parfaitement exécuté. La clause permettant aux producteurs italiens de rompre le contrat si Calcestruzzi ne couvrait pas 95 % de ses besoins auprès d'eux n'aurait jamais été appliquée. Calcestruzzi aurait donc rompu son contrat de livraison avec Titan en toute indépendance, pour des raisons économiques, en exploitant les conditions proposées par le producteur grec pour négocier la conclusion de contrats auprès de ses fournisseurs habituels. Elle revendique dès lors la possibilité de consulter les documents figurant dans le dossier de la Commission relatifs aux explications fournies par Calcestruzzi au cours de la procédure administrative quant aux motifs de la rupture de son contrat avec Titan.

3366. Unicem souligne encore que l'engagement de Calcestruzzi à l'égard des trois producteurs italiens de ciment portait sur 80 % de ses besoins d'approvisionnement. Ces derniers étant estimés à environ 2 200 000 tonnes par an, Calcestruzzi aurait donc disposé d'une marge résiduelle d'importation de 400 000 tonnes, soit 325 000 tonnes de plus que les quantités fournies par Titan. Serait donc erronée l'affirmation de Calcestruzzi dans son télex du 13 mai 1987 à Titan, selon laquelle elle ne pouvait pas "importer de ciment en Italie en exécution du contrat déjà signé, à cause d'un accord [qu'elle avait] conclu avec des producteurs italiens de ciment" (décision attaquée, paragraphe 27, point 7; document n° 33.126/19205). Calcestruzzi aurait simplement jugé plus avantageux de s'approvisionner auprès des producteurs italiens plutôt qu'auprès des producteurs grecs.

3367. Il doit toutefois être constaté que l'argumentation des parties requérantes ne saurait occulter le faisceau des pièces visées au paragraphe 27, points 5 à 10, de la décision attaquée, dont il ressort que Calcestruzzi a suspendu les livraisons prévues par le contrat qu'elle avait signé avec Titan en avril 1986 non pas sur la base d'une décision autonome dictée par des motifs commerciaux, mais à la suite de l'accord conclu en avril 1987 avec Italcementi, Unicem et Cementir, lesquelles, animées d'une finalité anticoncurrentielle, s'étaient engagées à verser à Ferruzzi 15 millions de USD par an pendant les cinq années de cet accord en reconnaissance de sa bonne volonté dans cette affaire.

3368. Quant à la demande d'Italcementi visant à ce que cette partie puisse consulter certains documents contenus dans le dossier de la Commission (voir ci-dessus point 3365), il y a été fait droit à l'occasion des mesures d'organisation de la procédure visées ci-dessus aux points 164 et 168. Celles-ci ont en effet permis à Italcementi de consulter, dans les limites liées au respect du secret des affaires, les pièces du dossier de la Commission contenant les explications avancées par Calcestruzzi pour justifier la rupture de son contrat d'avril 1986 avec Titan.

3369. En cinquième lieu, Italcementi affirme que la conclusion conjointe par Calcestruzzi des contrats de livraison avec Unicem, Cementir et elle-même a été la conséquence d'une exigence propre à Calcestruzzi, laquelle était soucieuse de s'assurer un approvisionnement continu. La conclusion des contrats avec Calcestruzzi ne pourrait dès lors être considérée comme la mise en œuvre d'un accord préexistant entre les producteurs italiens de ciment.

3370. Toutefois, l'affirmation d'Italcementi ne permet pas d'écarter les pièces visées au paragraphe 27, points 5 et 6, de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a constaté que la conclusion des conventions d'avril 1987 entre Italcementi, Unicem et Cementir, d'une part, et Calcestruzzi, d'autre part, a procédé de l'"accord entre les producteurs [italiens] de ciment et Ferruzzi", dont Italcementi avait personnellement fait état lors de la réunion de l'ETF du 11 février 1987 (voir compte rendu manuscrit de cette réunion; décision attaquée, paragraphe 27, point 5; document n° 33.126/4912). Cet accord, dans le chef des producteurs italiens de ciment, devait permettre, d'après les propres déclarations d'Italcementi à cette réunion, d'éviter une menace d'importation de ciment par le groupe Ferruzzi perçue comme catastrophique pour les prix. La Commission était donc fondée à considérer (décision attaquée, paragraphe 55, point 2) que "[l]es contrats et les conventions signés les 3 et 15 avril 1987 [...] [constituaient] la mise en œuvre d'un accord entre Italcementi, Unicem et Cementir, visé par l'article 85, paragraphe 1 [...]".

3371. En sixième lieu, Unicem, Italcementi et Cementir affirment, statistiques à l'appui, que les contrats conclus en avril 1987 avec Calcestruzzi n'ont eu aucun effet restrictif de concurrence. Ces contrats n'auraient pas empêché Titan de poursuivre ses activités d'exportation vers l'Italie. Les producteurs grecs auraient même sensiblement accru à cette époque leur présence sur le marché italien malgré le désavantage considérable lié aux frais de transport. Unicem précise que Calcestruzzi a continué à chercher de nouvelles opportunités d'importation en vue de satisfaire ses besoins en ciment, notamment en acquérant une cimenterie grecque.

3372. Cependant, il ressort du faisceau des pièces visées au paragraphe 27, points 4 à 11, de la décision attaquée que l'accord relatif aux conventions d'avril 1987 susvisées a conduit Calcestruzzi à suspendre les livraisons de ciment qu'elle avait convenues en avril 1986 avec Titan, ce qui a permis d'éviter une menace d'importation de 1,5 million de tonnes de ciment jugée catastrophique en termes de prix. L'accord en question a donc eu des effets restrictifs de concurrence.

3373. En tout état de cause, cet accord a été retenu par la Commission uniquement en raison de sa finalité anticoncurrentielle, laquelle est établie (voir ci-dessus points 3353 à 3356). Une telle démonstration suffisait à constater, à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, que ledit accord était contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 837 ci-dessus).

3374. En septième lieu, Italcementi souligne que les besoins de Calcestruzzi représentaient seulement 6 % de la production italienne de ciment. Les contrats d'avril 1987 portant sur 80 % de ces besoins, ils auraient concerné à peine 5 % de la demande italienne de ciment. Ces données devraient amener à relativiser considérablement l'incidence réelle de la conclusion de ces contrats en termes d'obstacle à la pénétration sur le marché italien de ciment en provenance de Grèce.

3375. Cementir estime la demande de Calcestruzzi à 5 % de la demande totale sur le marché italien. Les éventuels effets restrictifs des accords conclus entre les producteurs italiens et Calcestruzzi n'auraient donc pas affecté 95 % du marché italien.

3376. A cet égard, il y a lieu de rappeler que, en interdisant les ententes ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence, et qui sont de nature à affecter les échanges entre Etats membres, l'article 85, paragraphe 1, du traité n'exige pas qu'il soit établi que l'entente en question a effectivement affecté de manière sensible ces échanges, preuve qui, dans la plupart des cas, serait d'ailleurs difficilement administrée. Il demande qu'il soit établi que cette entente était de nature à avoir un tel effet. La condition d'affectation du commerce entre Etats membres est ainsi remplie lorsque, sur la base d'un ensemble d'éléments de droit et de fait, l'entente constatée permet d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'elle peut exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre Etats membres (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1986 ci-dessus).

3377. En l'espèce, l'accord visé à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée a impliqué "les [trois] plus grands producteurs italiens de ciment (Italcementi Unicem Cementir)" (voir télex du 2 juin 1987 de Calcestruzzi à Titan; décision attaquée, paragraphe 27, point 10; document n° 33.126/19218). Il visait à ce que Calcestruzzi, le principal producteur italien de béton prêt à l'emploi (décision attaquée, paragraphe 27, point 2), renonçât à importer 1,5 million de tonnes de ciment, ce qui eût provoqué un effondrement des prix.

3378. Dans ces conditions, la Commission était fondée à considérer (paragraphe 57) que cet accord était de nature à affecter de manière sensible le jeu de la concurrence dans la Communauté ainsi que les échanges entre Etats membres.

3379. En huitième lieu, Italcementi soutient que les contrats conclus par Calcestruzzi avec les producteurs italiens ne devaient pas être notifiés conformément à l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 17, dès lors qu'ils remplissaient les conditions posées par l'article 4, paragraphe 2, point 1, dudit règlement. Dans ces conditions, la Commission n'aurait pas pu infliger à Italcementi une amende sans avoir vérifié d'office l'existence ou non des conditions d'exemption posées par l'article 85, paragraphe 3, du traité. Italcementi renvoie sur ce point aux arrêts de la Cour du 18 mars 1970, Bilger, 43-69, Rec. p. 127, points 5 et 6, du 3 février 1976, Fonderies Roubaix, 63-75, Rec. p. 111, points 7 et 8, et Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission, cité au point 1088 ci-dessus, point 75.

3380. Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 17, les accords intervenus après l'entrée en vigueur dudit règlement et en faveur desquels les intéressés désirent se prévaloir des dispositions de l'article 85, paragraphe 3, du traité doivent être notifiés à la Commission, à défaut de quoi une décision d'application de cette dernière disposition ne peut être rendue. Toutefois, l'article 4, paragraphe 2, point 1, du même règlement dispense de la notification les accords auxquels ne participent que des entreprises ressortissant à un seul Etat membre, et qui ne concernent ni l'importation ni l'exportation entre Etats membres.

3381. Les deux conditions ainsi posées d'une dispense de notification sont cumulatives. Si l'une d'entre elles n'est pas remplie, l'accord concerné ne peut bénéficier de l'article 85, paragraphe 3, du traité, à défaut de sa notification conformément à l'article 4, paragraphe 1, dudit règlement (voir arrêt IAZ e.a./Commission, cité au point 1320 ci-dessus, point 33).

3382. En outre, la seconde condition doit s'interpréter en fonction de l'économie de l'article 4 du règlement n° 17 et des objectifs de simplication administrative qu'il poursuit lorsqu'il n'oblige pas les entreprises à notifier des contrats qui, tout en étant susceptibles de relever de l'article 85, paragraphe 1, du traité, apparaissent, de façon générale, en raison de leurs particularités, comme moins nocifs au regard des objectifs de cette disposition (arrêts Fonderies Roubaix, cité au point 3379 ci-dessus, point 6, et IAZ e.a./Commission, cité au point 1320 ci-dessus, point 34).

3383. En l'espèce, l'accord constaté à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée ne satisfait pas à cette seconde condition. Il visait (voir ci-dessus points 3353 à 3356) à éviter que Calcestruzzi, le premier producteur italien de béton prêt à l'emploi, importât 1,5 million de tonnes de ciment et que, par suite d'une telle importation, les prix s'effondrassent. Il concernait donc l'importation à un degré qui ne peut pas être considéré comme peu nocif.

3384. Par conséquent, il ne pouvait pas bénéficier de la dispense de notification prévue à l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 17. En l'absence de notification, il ne pouvait dès lors bénéficier de l'exemption de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

3385. En neuvième lieu, Cementir souligne que l'autorité italienne de la concurrence, à laquelle la Commission avait communiqué sa décision de ne pas poursuivre les ententes nationales, a entrepris des enquêtes auprès des entreprises italiennes concernées et leur a adressé une CG. Elle prétend que la Commission, en retenant dans la décision attaquée le grief tiré des contrats avec Calcestruzzi, a violé le principe selon lequel on ne peut pas être condamné deux fois pour les mêmes faits, aux niveaux national et communautaire.

3386. Cet argument doit être rejeté. En effet, ainsi que la Commission le relève à juste titre dans son mémoire en duplique dans l'affaire T-87-95, la décision de l'autorité italienne de la concurrence a porté sur les contrats d'approvisionnement et les conventions de coopération signés entre Calcestruzzi et les producteurs italiens de ciment (accords SIPAC) en tant que tels [décision n° 3671 (I.123) du 6 mars 1996 de l'autorité italienne de la concurrence et du marché, Bollettino du 25 mars 1996, p. 7 à 47]. Pour sa part, la décision attaquée vise l'accord intervenu entre les trois producteurs italiens de ciment à propos de ces contrats et de ces conventions, en ce que cet accord a visé à éviter des importations par Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce.

2. Sur l'accès au dossier

3387. Italcementi et Cementir formulent une série d'observations à partir des documents qu'elles ont pu consulter à la suite des mesures d'organisation de la procédure visées ci-dessus aux points 164 et 168. Elles entendent démontrer que, en ne leur accordant qu'un accès limité à la CG et à son dossier d'instruction au cours de la procédure administrative, la Commission a violé leurs droits de la défense lors de la constatation de l'infraction qui leur est reprochée à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, dans la mesure où elles n'ont pas eu accès à des éléments à leur décharge.

3388. Dans ses observations du 10 février 1997, Italcementi cite l'extrait suivant du procès-verbal de la réunion du 23 juillet 1986 du conseil d'administration d'Heracles (document n° 33.126/19880): "cet accord [l'accord Calcestruzzi-Titan du 30 avril 1986] [...] ne prévoit aucune clause d'exclusivité dans la mesure où les Italiens se sont engagés [à acheter] 70-500 000 tonnes par an, ce qui leur permet de s'approvisionner auprès de n'importe quel autre producteur". Elle estime que ce document lui aurait été utile au cours de la procédure administrative pour souligner le caractère arbitraire du lien que la Commission a établi, dans la CG puis dans la décision attaquée, entre la signature, en avril 1987, de contrats d'approvisionnement quinquennaux entre Calcestruzzi et les trois producteurs italiens de ciment Italcementi, Unicem et Cementir et le souci d'empêcher des importations par Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce.

3389. Dans ses observations du 26 novembre 1997, Italcementi invoque une série de contrats de fourniture à des clients italiens de ciment et de clinker en provenance de Grèce, ainsi que le bilan de Titan pour l'année 1989 [documents n° 33.126/20140 à 20147, 20148 à 20156, 20157 à 20167 et 19433 (p. 22 et 23)]. Ces éléments démontreraient que, à l'époque où les trois producteurs italiens de ciment ont conclu les contrats d'approvisionnement avec Calcestruzzi, les importations en provenance de Grèce, notamment celles de Titan, inondaient le marché italien. Ils contrediraient ainsi les allégations de la Commission selon lesquelles le marché italien avait été fermé aux producteurs grecs de ciment. Ils prouveraient, en outre, l'absence totale de lien entre ces contrats et les activités menées par l'ETF pour faire face aux importations grecques.

3390. Cementir prétend, quant à elle, dans ses observations du 10 février 1997, que le procès-verbal de la réunion du 23 juillet 1986 du conseil d'administration d'Heracles (documents n° 33.126/19878 à 19880) fait apparaître, d'une part, que les producteurs grecs ont conclu des accords de livraison conjointe en Italie et, d'autre part, que le contrat conclu en avril 1986 par Calcestruzzi avec Titan n'empêchait pas les autres producteurs grecs d'exporter en Italie. Ce document confirmerait également le bien-fondé de la thèse de Cementir, qui a toujours soutenu que sa décision de conclure des contrats conjoints d'approvisionnement de Calcestruzzi visait uniquement à, et était la seule voie susceptible de, sauvegarder ses intérêts commerciaux, à savoir éviter la perte d'un important client local, et que ces contrats trouvaient leur raison d'être dans les circonstances particulières du marché italien du ciment et du béton. Cementir produit encore une série de documents (documents n° 33.126/2945 à 2951, 2934, 2935, 3065 à 3068 et 2954 à 2966), qui montreraient que différents producteurs italiens avaient engagé à l'époque des actions visant à protéger leur marché contre les importations en provenance de Grèce, actions qui n'auraient eu aucun lien avec l'accord Cembureau. Ces documents traduiraient en outre le rôle mineur joué par Cementir dans ces actions locales.

3391. Dans ses observations du 29 décembre 1997, Cementir s'appuie sur une série de documents qui démontreraient que les exportations au départ de la Grèce, qui étaient soutenues artificiellement par d'importantes subventions publiques tolérées à tort par la Commission, ainsi que par des accords de coopération à l'exportation conclus de longue date entre les producteurs grecs (documents n° 33.126/19369 à 19377, 19387, 19389 et 19412), ont été particulièrement élevées pendant toute la période considérée dans la décision attaquée, et qu'elles ont même progressé à partir de 1987 (documents n° 33.126/20275 à 20282, 20294, 19889, 19781, 20124 à 20137, 20140 à 20156, 19433, 20001, 19401 et 19410). Tous ces documents, qui illustreraient la forte pénétration des exportations grecques sur le marché italien, contrediraient l'existence, alléguée par la Commission, d'un accord européen de respect des marchés domestiques. Ils démontreraient en tout cas que cet accord n'a pas produit d'effet en Italie, ce dont la Commission aurait dû tenir compte, à tout le moins lors de la fixation des amendes. Ils conforteraient aussi la thèse de Cementir selon laquelle, d'une part, sa participation aux accords avec Calcestruzzi aurait été guidée par des considérations strictement commerciales et, d'autre part, ces accords n'auraient eu aucun effet préjudiciable sur le commerce de ciment entre l'Italie et la Grèce.

3392. Il doit toutefois être constaté que les commentaires qu'Italcementi et Cementir auraient pu formuler au cours de la procédure administrative à partir des documents qu'elles invoquent n'auraient pas permis d'écarter le faisceau des pièces visées au paragraphe 27, points 5 à 10, de la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a, à juste titre, constaté que les conventions signées en avril 1987 entre Calcestruzzi et les trois producteurs italiens de ciment Italcementi, Unicem et Cementir constituaient la mise en œuvre d'un accord entre ces dernières visant à éviter une menace d'importation par Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce, menace perçue comme catastrophique pour les prix.

3393. En outre, il y a lieu de relever que, au paragraphe 55, point 3, de la décision attaquée, la Commission prend position sur la thèse formulée par les producteurs italiens au cours de la procédure administrative, selon laquelle "les importations de ciment grec en Italie ont progressé chaque année, et l'accord n'a pas eu d'effets sur les importations et donc n'a pas eu d'effets restrictifs de concurrence".

3394. Enfin, il convient de préciser, à l'adresse de Cementir, que la Commission a bien perçu, au cours de la procédure administrative, le contexte économique qui présida aux réactions des producteurs de ciment d'Europe occidentale, notamment aux mesures de défense du marché italien, à l'égard des importations en provenance de Grèce (voir décision attaquée, paragraphe 24, point 2, et note en bas de page n° 113, ainsi que paragraphe 53, point 8).

3395. Il s'ensuit que les commentaires d'Italcementi et de Cementir n'auraient pas eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Italcementi et Cementir n'ont donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative.

3396. Il ressort des considérations qui précèdent (points 3343 à 3395) que la Commission a à bon droit constaté à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée qu'Italcementi, Unicem et Cementir ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, du 3 avril 1987 au 3 avril 1992, en participant à un accord portant sur les conventions signées les 3 et 15 avril 1987, dans le but d'éviter des importations par Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce.

Mesures destinées à déplacer le surplus de la production grecque et à freiner dans les Etats membres les importations de ciment en provenance de Grèce (décision attaquée, article 4, paragraphe 4)

3397. A l'article 4, paragraphe 4, de la décision attaquée, la Commission constate une série d'infractions liées à des mesures ayant visé "à déplacer le surplus de la production grecque et à freiner les importations de ciment grec dans les Etats membres":

- une pratique concertée entre Blue Circle, Castle et Rugby ayant visé à empêcher et/ou à réduire les importations de ciment grec au Royaume-Uni [article 4, paragraphe 4, sous a)];

- un accord entre Blue Circle et Titan ayant visé à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Titan vers les Etats-Unis et le Nigeria et à éviter des ventes directes de ces produits par Titan sur les marchés européens [article 4, paragraphe 4, sous b)];

- un accord entre Holderbank et Titan ayant visé à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Titan vers les Etats-Unis et l'Afrique et à éviter des ventes directes de ces produits par Titan sur les marchés européens [article 4, paragraphe 4, sous c)];

- un accord entre Holderbank et Heracles ayant visé à éviter des ventes directes de ciment par Heracles sur les marchés européens et à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Heracles vers d'autres marchés [article 4, paragraphe 4, sous d)];

- un accord entre Lafarge et Titan ayant visé à déplacer des quantités de clinker produites par Titan vers le Canada et à éviter des ventes directes de Titan sur les marchés européens [article 4, paragraphe 4, sous e)];

- un accord entre Lafarge et Heracles ayant visé à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Heracles hors Europe et à éviter des ventes directes de ces produits par Heracles sur les marchés européens [article 4, paragraphe 4, sous f)];

- une pratique concertée entre CBR, Heracles et Titan ayant visé à éviter des ventes directes des deux producteurs grecs sur les marchés européens [article 4, paragraphe 4, sous g)];

- un accord entre Aker, Euroc et Titan ayant visé à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Titan vers l'Afrique, les Etats-Unis et les Bahamas et à éviter des ventes directes de ces produits par Titan sur les marchés européens [article 4, paragraphe 4, sous h)].

3398. Avant d'examiner la légalité de cette disposition de la décision attaquée, il convient de souligner que Dyckerhoff (T-35-95), Ciments français (T-39-95) et Halkis (T-104-95) nient avoir pris part, dans le cadre de l'ETF, à des mesures persuasives d'achat de ciment et de clinker en provenance de Grèce.

3399. Cependant, aucune des infractions constatées à l'article 4, paragraphe 4, de la décision attaquée n'est imputée à ces trois entreprises. Leur argumentation doit donc d'emblée être écartée.

3400. Il y a également lieu de relever que, dans ses observations déposées le 10 février 1997 à la suite de la mesure d'organisation de la procédure ordonnée le 2 octobre 1996 en matière d'accès au dossier (voir ci-dessus point 164), Titan (T-64-95) a invoqué une série d'éléments du dossier italien qui, selon elle, lui auraient permis de démontrer l'absence d'accords ou d'ententes entre les producteurs italiens et grecs en vue de détourner des marchés européens les excédents de la production grecque et/ou d'éviter des exportations de producteurs grecs sur ces marchés, notamment sur le marché italien.

3401. Toutefois, la décision attaquée ne reproche à Titan aucune infraction tirée de sa participation à une entente bilatérale ou à des mesures de canalisation avec les producteurs italiens de ciment, destinées à éviter qu'elle exporte en direction des marchés européens. Les observations de cette partie requérante doivent donc d'emblée être écartées.

A Pratique concertée visée à l'article 4, paragraphe 4, sous a), de la décision attaquée

3402. Aux termes de l'article 4, paragraphe 4, sous a), de la décision attaquée, Blue Circle, Castle et Rugby ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, "du 16 juin 1986 au 5 septembre 1986, en participant à une pratique concertée visant à empêcher et/ou à réduire les importations de ciment grec au Royaume-Uni".

3403. Au paragraphe 28, points 8 à 11, la Commission vise une série de notes internes de Blue Circle qui démontreraient que cette entreprise a mené des discussions, entre juin et septembre 1986, avec les producteurs grecs en vue d'éliminer ou, du moins, de réduire leurs ventes au Royaume-Uni.

3404. Elle affirme ensuite (point 12, premier tiret):

"[...] il ressort d'un certain nombre d'indications contenues dans les documents obtenus par la Commission que Blue Circle n'agissait pas pour son seul compte, mais aussi pour celui des deux autres producteurs britanniques, Rugby et RTZ (aujourd'hui Castle Cement). En effet, Blue Circle a pris des mesures de défense contre les importations à diverses reprises et a obtenu que les deux autres entreprises en supportent une partie des coûts. C'est ainsi que:

a) la note de la réunion du 16 juin 1986 entre MM. Horner et Presanis (document n° 33.126/10991) contient une allusion explicite à Rugby et à RTZ: Blue Circle comptait sur leur soutien financier en vue de réduire le coût, qu'[elle] devrait autrement supporter seul[e], des mesures envisagées avec Titan;

b) la note interne de Blue Circle relative à une réunion avec Titan le 17 septembre 1986 (document n° 33.126/11080) fait état d'une position attribuée par Blue Circle dans sa conversation avec Titan à 'l'industrie britannique dans son ensemble;

c) les notes internes de Blue Circle des 7 septembre 1987, 22 octobre 1987, 18 décembre 1987 et 8 janvier 1988 (documents n° 33.126/11195 à 11198) font apparaître que [celle-ci] avait réussi à faire supporter par les deux autres entreprises une proportion de ce qu'[elle] y appelait 'coûts de la lutte contre les importations ('import battle costs). Il ressort en particulier de la note du 18 décembre 1987 (document n° 33.126/11197) qu'il existait une obligation générale de partager les coûts portant sur plusieurs années, ce qui rendait superflu un accord préalable spécifique pour chaque opération."

3405. Sur la base de ces différents éléments, elle conclut (paragraphe 56, point 3) à l'existence d'une pratique concertée entre Blue Circle, Rugby et Castle ayant visé à empêcher et/ou à réduire les importations au Royaume-Uni de ciment en provenance de Grèce.

3406. A l'audience, Castle (T-56-95) a produit les documents n° 33.126/11199 à 11206, qui figuraient dans le solde du dossier de la Commission qu'elle a pu consulter à la suite des mesures d'organisation de la procédure mentionnées ci-dessus aux points 164 et 168. Ces documents correspondent à une note interne de Blue Circle sur le "coût de la lutte contre les importations".

3407. Selon Castle, les commentaires qu'elle aurait pu faire valoir à partir de ces documents, si ces derniers lui avaient été rendus accessibles au cours de la procédure administrative, lui auraient permis de donner un éclairage différent au contenu des quatre notes internes de Blue Circle visées au paragraphe 28, point 12, premier tiret, sous c), de la décision attaquée (documents n° 33.126/11195 à 11198), sur lesquelles la Commission s'est fondée pour établir qu'elle avait accepté de supporter une partie des frais exposés par Blue Circle pour empêcher les importations au Royaume-Uni de ciment en provenance de Grèce. Plus précisément, Castle affirme que les documents n° 33.126/11199 à 11206 lui auraient permis de démontrer que n'avait aucun rapport avec de tels frais l'offre de 595 000 GBP faite à l'époque par RTZ [société à laquelle Castle aurait succédé (décision attaquée, paragraphe 56, point 4)] à Blue Circle en tant que contribution aux coûts de la lutte contre les importations, offre dont il est fait état dans les quatre notes internes de Blue Circle susvisées et que la Commission rattache explicitement aux frais liés à la lutte contre les importations en provenance de Grèce [décision attaquée, paragraphe 28, point 12, troisième tiret, sous e)].

3408. La Commission, qui ne s'est pas opposée à la production de ces documents, a reconnu que ceux-ci amenaient à considérer que l'offre en question ne concernait pas les coûts engendrés par la lutte contre les importations en provenance de Grèce. Elle a également admis que, à la lumière de ces documents, elle ne pouvait pas se fonder, comme elle l'a fait dans la décision attaquée, sur les quatre notes internes de Blue Circle visées au paragraphe 28, point 12, premier tiret, sous c), pour retenir la participation de Castle à l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 4, sous a).

3409. Afin de permettre aux parties de présenter leurs observations sur les documents produits par Castle, la procédure orale a été rouverte dans l'affaire T-53-95, Rugby/Commission, conformément à l'article 62 du règlement de procédure.

3410. A cette occasion, la Commission a admis que, à la lecture de ces documents, elle ne pouvait pas non plus se fonder sur les quatre notes internes de Blue Circle visées au paragraphe 28, point 12, premier tiret, sous c), pour retenir la participation de Rugby à l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 4, sous a).

3411. Il convient néanmoins de vérifier en quoi les documents invoqués par Castle donnent un éclairage différent au contenu des quatre notes internes de Blue Circle en cause au point d'exclure la prise en considération de ces dernières dans l'appréciation de la réalité de la pratique concertée entre Blue Circle, Rugby et Castle retenue à l'article 4, paragraphe 4, sous a), et cela afin d'évaluer l'éventuel impact de ces documents sur les autres éléments de preuve présentés à cet égard par la Commission dans la décision attaquée.

3412. Les quatre notes internes de Blue Circle visées par la décision attaquée font état de deux types de coûts exposés par Blue Circle dans la lutte contre les importations.

3413. Elles évoquent d'abord les coûts liés au "contrat Est-allemand". Dans sa note du 22 octobre 1987 (document n° 33.126/11196), Blue Circle affirme avoir conclu ce contrat de sa propre initiative, "à l'insu des autres compagnies". Elle espérait pouvoir compter sur la contribution de celles-ci, lesquelles auraient cependant fait savoir qu'elles n'entendaient assumer aucune responsabilité dans cette affaire.

3414. Les notes traitent par ailleurs des coûts liés aux "importations d'Europe occidentale". Il en ressort que les frais exposés par Blue Circle pour lutter contre de telles importations avaient fait l'objet, pour la période allant de 1983 à 1986, d'un accord, à tout le moins tacite, de répartition entre Blue Circle, RTZ et Rugby. Si Blue Circle a pu obtenir de Rugby qu'elle lui versât sa contribution à ces frais, un contentieux à ce propos survint dans le courant du second semestre de l'année 1987 entre Blue Circle et RTZ. En effet, l'offre de contribution, à concurrence de 595 000 GBP, que RTZ avait faite à Blue Circle en 1985/1986 ne fut pas acceptée par celle-ci, qui estima que cette contribution devait être de 840 000 GBP. En définitive, RTZ aurait fait part à Blue Circle de son intention de ne pas contribuer aux frais.

3415. Les documents invoqués par Castle (voir ci-dessus point 3406) correspondent, ce que la Commission n'a pas contesté à l'audience, à l'annexe visée dans la note interne de Blue Circle du 7 septembre 1987 (document n° 33.126/11195).

3416. Ils décrivent d'abord (documents n° 33.126/11199 à 11204) neuf cas dans lesquels, pendant la période comprise entre 1983 et 1986, Blue Circle a exposé des dépenses au nom de l'industrie britannique du ciment pour lutter contre les importations au Royaume-Uni:

Cas 1 Bulk Freighters

Cas 2 Hego

Cas 3 Marcon

Cas 4 Cebo

Cas 5 BCM (UK)

Cas 6 East German Cement

Cas 7 Cementa

Cas 8 White Moutain

Cas 9 MHS Cement Sales.

3417. Ils contiennent ensuite (document n° 33.126/11205) une "proposition de répartition" des frais liés à ces différents cas entre Blue Circle, RTZ et Rugby.

3418. Dans le document n° 33.126/11206, il est conclu:

"Il faut cependant noter qu'il a déjà été convenu que Rugby avait rempli ses obligations à l'exception des cas 5 et 6, en ayant traité une partie du cas 8 et en ayant contribué à concurrence de 250 000 GBP. RTZ a offert de contribuer à concurrence de 595 000 GBP; leur opinion sur les cas 5 et 6 n'est pas encore claire [...]"

3419. Aucun de ces documents ne permet de considérer que l'un ou l'autre des cas qu'ils décrivent avait trait aux importations sur le marché britannique, à la fin de l'année 1985 ou au début de l'année 1986, de ciment en provenance de Grèce.

3420. Ils n'autorisent donc pas à soutenir, comme la Commission le fait dans la décision attaquée, que les développements consacrés par Blue Circle, dans ses quatre notes internes, à la répartition entre Rugby, RTZ et elle des coûts liés aux importations d'Europe occidentale, et notamment au contentieux qui l'opposa à cette époque à RTZ sur le montant de la contribution de cette dernière, concernaient des frais liés à la lutte contre les importations en provenance de Grèce.

3421. Les quatre notes internes ne peuvent dès lors servir à apprécier la réalité de l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 4, sous a), de la décision attaquée.

3422. A l'audience dans l'affaire T-56-95 et lors de la réouverture de la procédure orale dans l'affaire T-53-95, la Commission a toutefois affirmé que la contribution de Castle et de Rugby aux frais supportés par Blue Circle dans la lutte contre les importations en provenance de Grèce et, donc, l'existence de la pratique concertée constatée demeuraient suffisamment établies par la note interne de Blue Circle relative à la réunion du 16 juin 1986 entre MM. Horner (Blue Circle) et Presanis (Titan) [décision attaquée, paragraphe 28, point 8, et point 12, premier tiret, sous a)], plus exactement par les indications figurant dans sa note en bas de page b).

3423. A cet égard, il convient de souligner que ce dernier document, rédigé par M. Horner (Blue Circle) au lendemain de sa réunion du 16 juin 1986 avec M. Presanis (Titan), relate une série d'"idées convenues" entre les parties quant à des opérations d'achat/vente de ciment et de clinker impliquant Blue Circle, les producteurs grecs Heracles et Titan, ainsi que Bouri (intermédiaire des producteurs grecs au Royaume-Uni), et quant à la location par Blue Circle du terminal de Bouri. Dans le contexte de l'époque, il apparaît que l'objet de ces discussions était de trouver une solution visant à faire cesser ou à réduire les importations au Royaume-Uni de ciment en provenance de Grèce. La note examinée conclut d'ailleurs: "L'élimination de Bouri coûtera plus cher une fois qu'il aura commencé à vendre."

3424. La note de bas de page b) de cette pièce, à laquelle la Commission fait précisément référence, énonce:

"[L]es prix sont indicatifs sous réserve d'une négociation. Si l'on y parvient, BCI ne devrait pas avoir de frais supplémentaires outre l'engagement DDR et Rugby et RTZ versent encore leur part de la perte nette, c.à.d. 5 USD par tonne."

3425. Ces indications démontrent que Blue Circle, forte à l'époque de l'acceptation de Rugby et de RTZ de contribuer aux coûts des mesures qu'elle avait prises depuis 1983 pour lutter contre les importations au Royaume-Uni, "comptait sur leur soutien financier en vue de réduire le coût, qu'[elle] devrait autrement supporter seul[e], des mesures envisagées avec Titan" [décision attaquée, paragraphe 28, point 12, premier tiret, sous a)].

3426. Elles ne démontrent cependant pas que Rugby et RTZ aient accepté de participer à la prise en charge des coûts liés à ces éventuelles mesures. Ainsi que cela a été constaté ci-dessus aux points 3415 à 3419, dans la description faite par Blue Circle en janvier 1987 des coûts qu'elle a supportés entre 1983 et 1986 au nom de l'industrie britannique pour lutter contre les importations au Royaume-Uni (documents n° 33.126/11199 à 11206), ne figure aucune allusion à des coûts liés à des mesures de lutte contre les importations en provenance de Grèce, que Rugby, RTZ et elle seraient convenues de supporter ensemble. Les indications visées ci-dessus au point 3424 ne démontrent pas non plus l'existence d'une quelconque concertation entre Rugby, RTZ et Blue Circle ayant visé à empêcher et/ou à réduire les importations au Royaume-Uni de ciment en provenance de Grèce.

3427. En conclusion, les indications relevées par la Commission au paragraphe 28, points 8 et 12, premier tiret, sous a), de la décision attaquée ne prouvent donc pas l'existence de la pratique concertée visée à l'article 4, paragraphe 4, sous a).

3428. Au paragraphe 28, point 12, premier tiret, sous b), de la décision attaquée, la Commission se fonde encore sur la note interne de Blue Circle relative à sa réunion du 17 septembre 1986 avec Titan (document n° 33.126/11080) pour établir l'existence de la pratique concertée visée à l'article 4, paragraphe 4, sous a) (voir ci-dessus point 3404). Cette note "f[erait] état d'une position attribuée par Blue Circle dans sa conversation avec Titan à 'l'industrie britannique dans son ensemble".

3429. Il convient de souligner que, dans la note en question, Blue Circle relate le contenu de sa rencontre du 17 septembre 1986 avec Titan, consacrée à la situation de l'industrie grecque du ciment et à la question des importations au Royaume-Uni de ciment en provenance de Grèce.

3430. Cette note comporte notamment les indications suivantes:

"En ce qui concerne le Royaume-Uni, j'ai expliqué que l'industrie britannique avait pris une position ferme et n'entendait arriver à aucun arrangement avec Bouri au Royaume-Uni. Il y avait une activité politique et syndicale considérable en cours, activité que nous ne pouvions demander de faire cesser et que nous n'avions de toute façon pas l'intention de faire cesser."

3431. Ces indications ne permettent pas de cerner précisément la nature du comportement visé par l'allusion de Blue Circle à une prise de position ferme de l'"industrie britannique".

3432. Quoi qu'il en soit, Blue Circle a pu vouloir donner l'impression à Titan de parler au nom de l'industrie britannique dans son ensemble, afin de faire pression sur son interlocuteur dans les discussions en cours à cette époque pour tenter de résoudre la question des exportations vers le Royaume-Uni de ciment en provenance de Grèce. Cela ne démontre pas pour autant qu'il y ait eu une quelconque concertation préalable entre les producteurs britanniques de ciment.

3433. Dans ces conditions, l'indication relevée par la Commission au paragraphe 28, point 12, premier tiret, sous b), de la décision attaquée ne saurait constituer la preuve de l'existence d'une concertation entre Blue Circle, Rugby et Castle destinée à éliminer ou à réduire les importations au Royaume-Uni de ciment en provenance de Grèce.

3434. Il ressort de ce qui précède (points 3406 à 3433) que la Commission n'a pas établi l'existence d'une pratique concertée entre Blue Circle, Castle et Rugby destinée à empêcher et/ou à réduire les importations au Royaume-Uni de ciment en provenance de Grèce.

3435. Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 4, sous a), de la décision attaquée doit être annulé.

3436. De ce fait, il n'y a plus lieu d'examiner les observations que Rugby (mémoires des 7 février et 29 décembre 1997) et Castle (mémoires des 10 février et 24 décembre 1997) ont présentées à la suite des mesures d'organisation de la procédure mentionnées ci-dessus aux points 164 et 168, en vue de démontrer l'existence d'une violation de leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative en relation avec la constatation de l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 4, sous a), de la décision attaquée.

B Accords et pratique concertée visés à l'article 4, paragraphe 4, sous b) à h), de la décision attaquée

3437. A l'article 4, paragraphe 4, sous b) à h), de la décision attaquée, la Commission constate sept infractions qui auraient toutes impliqué, d'une part, un producteur européen ayant participé à l'ETF et, d'autre part, les producteurs grecs Heracles et/ou Titan.

3438. Les différentes infractions alléguées se rapportent à des achats et à des contrats, décrits au paragraphe 28, points 15 à 22, de la décision attaquée, qui ont en commun de constituer, selon la Commission (décision attaquée, paragraphe 56, point 1), "la mise en œuvre d'accords et de pratiques concertées contraires à l'article 85, paragraphe 1", dès lors qu'ils "font partie des mesures persuasives ('carrot actions') adoptées par Cembureau Task Force dans le but de déplacer le surplus de la production grecque et de faire cesser ou, à tout le moins, de freiner les exportations en Europe de la part des producteurs grecs de ciment".

3439. Dans la décision attaquée (paragraphe 56, points 5, 8, 11, 12 et 13), la Commission considère que les achats et les contrats susvisés ont été l'application d'ententes contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité dès lors qu'ils auraient visé à éviter des ventes directes des producteurs grecs sur les marchés européens et/ou à déplacer tout ou partie des quantités concernées vers d'autres marchés et que cela aurait été connu des parties en cause.

3440. Elle tient donc les producteurs grecs pour responsables d'infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité, au motif que, selon elle, ils savaient que le but poursuivi par leurs cocontractants européens à travers les opérations d'achat en question était d'éviter des ventes directes de leurs produits sur les marchés européens et/ou de déplacer des quantités de ces produits vers d'autres marchés. Elle se fonde, à cet égard, sur différents documents visés au paragraphe 28 de la décision attaquée. Ceux-ci indiqueraient que, à la suite de l'apparition du problème lié aux importations en Europe occidentale de ciment en provenance de Grèce, les producteurs grecs ont eu, à partir de la moitié de l'année 1986, des discussions avec les producteurs européens en vue de trouver une solution à ce problème.

3441. Sur cette question, il y a d'abord lieu de faire observer que la Commission ne conteste pas que les rapports commerciaux entre producteurs de ciment en général, et entre les parties aux infractions alléguées en particulier, constituent une pratique courante sur le marché international, qui existait bien avant l'apparition du problème engendré par les importations de ciment en provenance de Grèce (voir décision attaquée, paragraphe 28, points 15, huitième alinéa, 16, dernier alinéa, 19, dernier alinéa, et 22, dernier alinéa). Les achats visés au paragraphe 28 de la décision attaquée ne sauraient donc être regardés comme le résultat d'un processus inhabituel né du contexte de l'époque, qui autoriserait, par le fait même, à les juger infractionnels. Il faut d'ailleurs souligner que d'autres contrats conclus à la même époque entre des producteurs d'Europe occidentale et des producteurs grecs étaient visés dans la CG (voir paragraphe 20), mais ne le sont plus dans la décision attaquée.

3442. Ensuite, il convient de rappeler que, vers la moitié de l'année 1985, les producteurs grecs ont été confrontés à de très importants problèmes de surcapacité liés à l'effondrement de leurs marchés d'exportation au Moyen- Orient. Ils ont cherché à résoudre ces problèmes en se tournant vers l'Europe occidentale, où ils ont commencé à exporter, vers la fin de l'année 1985 ou le début de l'année 1986, sur les marchés qu'ils estimaient les plus accessibles (décision attaquée, paragraphes 24, point 1, et 56, point 1). Cette situation a conduit une série de producteurs et d'associations de producteurs de ciment non grecs à mettre en place l'ETF, chargée de concevoir des mesures, notamment persuasives, susceptibles d'éliminer les importations de ciment en Europe occidentale, en premier lieu celles en provenance de Grèce. D'après le document de Zurich/Céligny (décision attaquée, paragraphe 28, point 1; document n° 33.126/18775), les mesures persuasives en question devaient consister à placer sur un certain nombre de marchés, en priorité les Etats-Unis d'Amérique et l'Afrique occidentale, des quantités de ciment produites par l'"industrie qui 'déstabilis[ait] le marché", soit, à l'époque, l'industrie grecque du ciment.

3443. Dans un tel contexte, le simple fait que les producteurs grecs aient su, à la suite de leurs discussions avec les producteurs d'Europe occidentale, que, par les achats en question, ces derniers entendaient faire cesser ou, du moins, réduire leurs ventes directes en Europe occidentale ne permet pas de les considérer comme parties à des ententes contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

3444. Une telle connaissance ne peut être jugée révélatrice d'un comportement infractionnel que s'il est établi qu'elle s'est accompagnée d'une adhésion du producteur grec en cause à la finalité poursuivie par les producteurs d'Europe occidentale à travers les achats concernés. La finalité en question étant à l'évidence dirigée contre les intérêts de l'industrie grecque du ciment (voir ci-dessus point 3442), seule la preuve d'un engagement de ce producteur grec de cesser ou de réduire ses ventes directes sur les marchés européens, en contrepartie des achats ou des contrats considérés, pourrait être jugée constitutive d'une adhésion de sa part à cette finalité.

3445. Telle était d'ailleurs l'approche retenue, dans la CG, par la Commission quant au fait générateur de la responsabilité des producteurs grecs en la matière.

3446. Au paragraphe 61, sous h), v), elle affirmait en effet:

"Tous les contrats énumérés au [paragraphe] 20 sont des accords contraires à l'article 85, paragraphe 1. En effet, ainsi qu'il ressort de l'exposé des paragraphes 16 à 20, ces contrats font partie des 'carrot actions' adoptées par Cembureau Task Force dans le but de déplacer le surplus de la production grecque et leur stipulation a été subordonnée de façon claire à ce que les producteurs grecs cessent leurs livraisons directes en Europe.

Partant, tous les contrats doivent être considérés comme des accords contraires à l'article 85, non seulement ceux qui concernent les livraisons en Europe, mais aussi ceux qui concernent les livraisons en dehors de l'Europe. En fait, ces derniers contrats sont aussi restrictifs de concurrence du fait que les producteurs grecs vendeurs ont, en vertu de leurs obligations contractuelles, perdu la possibilité d'écouler toute ou une grande partie de leur marchandise dans le marché commun là où ils étaient en droit d'espérer pouvoir le faire en fonction des circonstances et notamment des prix qu'ils auraient pu réaliser. Ceci est d'autant plus vrai que les producteurs grecs avaient déjà commencé à exporter dans les pays CEE qu'ils estimaient plus vulnérables et que le but déclaré de ces contrats était d'arrêter ces exportations."

3447. Il ressort sans équivoque de cet extrait que, dans la CG, la Commission tenait les producteurs grecs pour responsables d'accords avec les producteurs d'Europe occidentale contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, au motif que, selon elle, en échange de la conclusion des contrats en question, ils avaient adhéré à la finalité illicite poursuivie par les producteurs d'Europe occidentale à travers lesdits contrats, en s'engageant à leur égard à "cesser" (ou à "arrêter") leurs livraisons directes sur les marchés communautaires, perdant ainsi, en raison de leurs "obligations contractuelles", la possibilité d'écouler leurs produits sur ces marchés en fonction de leurs intérêts commerciaux.

3448. En conclusion, le producteur grec concerné ne peut être tenu pour responsable d'un comportement contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité que moyennant la preuve que, en échange des achats en cause, il s'est engagé à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3449. Chacune des infractions visées à l'article 4, paragraphe 4, sous b) à h), de la décision attaquée n'est reprochée, outre à Heracles et/ou à Titan, qu'à une seule entreprise, à savoir le cocontractant européen impliqué dans les achats ou contrats en cause, étant entendu que, au paragraphe 4, sous h), la Commission impute à Aker et à Euroc les comportements prétendument infractionnels de leur filiale commune, Scancem (voir paragraphes 28, point 22, et 56, point 13). Ce n'est donc qu'à la condition visée au point précédent qu'il pourrait être conclu à l'existence de l'accord ou de la pratique concertée retenue, selon le cas, à ces différents points du dispositif. Même s'il devait être constaté que le cocontractant européen en question a acheté des produits en provenance de Grèce dans l'optique anticoncurrentielle poursuivie au niveau de l'ETF, il ne saurait en effet lui être reproché d'avoir participé seul à une entente illicite.

3450. A la lumière de ces considérations, il convient d'examiner la légalité de l'article 4, paragraphe 4, sous b) à h), de la décision attaquée.

1. Accord entre Blue Circle et Titan visé à l'article 4, paragraphe 4, sous b), de la décision attaquée

3451. Aux termes de l'article 4, paragraphe 4, sous b), de la décision attaquée, Blue Circle et Titan ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, "du 4 juillet 1986 au 31 décembre 1989, en participant à un accord visant à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Titan vers les Etats-Unis et le Nigeria et à éviter des ventes directes de ces produits de la part de Titan sur les marchés européens".

3452. Les développements consacrés à cette infraction sont contenus, dans l'exposé des faits, au paragraphe 28, point 15, et, dans l'appréciation juridique, au paragraphe 56, point 5, de la décision attaquée.

3453. Au paragraphe 28, point 15, premier alinéa, la Commission vise deux télex des 4 et 7 juillet 1986 (documents n° 33.126/19545 et 19546) par lesquels Blue Circle a acheté à Titan 20 000 tonnes de ciment à destination de Boston au prix de 29 USD la tonne fob. Elle invoque également (troisième alinéa) des télex des 11 et 14 août, 1er et 5 septembre 1986 (documents n° 33.126/19547 à 19551 et 19553 à 19555), qui font état de l'achat par Blue Circle d'environ 25 000 tonnes de ciment de Titan pour Blue Circle Atlantic, pour un prix maximal de 27 USD fob en fonction de la résistance du ciment. Elle compare les quantités et les prix mentionnés dans ces différents télex aux indications suivantes, figurant dans le compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986 (décision attaquée, paragraphe 28, points 3 et 15, deuxième et troisième alinéas): "BCI [Blue Circle Industries] a commencé déjà les livraisons de Grèce pour les Etats-Unis (le premier bateau a terminé le déchargement à Boston de 20 000 tonnes, le second va charger bientôt 25 000 tonnes pour Baltimore). Prix: 1re livraison 29 USD fob et la 2e 27 USD."

3454. Elle relève ensuite (point 15, cinquième alinéa):

"Entre Blue Circle Atlantic et Titan, les contrats suivants de livraison de ciment à destination des Etats-Unis ont été signés: contrat du 14 octobre 1986, modifié le 30 novembre 1986 (documents n° 33.126/10926 à 10941); contrat du 1er août 1987, modifié le 2 août 1987, le 31 août 1987, le 15 janvier 1988, le 24 octobre 1988 (documents n° 33.126/10896 à 10905, 10946 à 10951 et 19562 à 19579); contrat du 24 octobre 1988 (documents n° 33.126/10907 à 10914). Ces contrats portent sur des livraisons, respectivement, de 300 000 tonnes du 1er janvier au 31 décembre 1987, de 200 000 tonnes du 1er janvier au 31 décembre 1988 plus une option de 200 000 tonnes, de 216 000 tonnes du 1er novembre 1988 au 31 décembre 1989."

3455. Selon la Commission, ces quantités sont à mettre en rapport avec les quantités que Blue Circle aurait déclaré vouloir acheter de Titan et d'Heracles pour les Etats-Unis pour chaque année 1986/1987, 1987/1988 et 1988/1989. La Commission rappelle en outre que, à l'ordre du jour de la réunion de l'ETF du 11 février 1987, figure, au point 1.5, "Exportations grecques: quantités et contrats avec les membres de la task-force 1987 [documents n° 33.126/18937 et 18938]".

3456. Elle fait par ailleurs état (sixième alinéa) de télex du 17 décembre 1986, des 7 et 15 janvier, des 12 et 26 février, des 1er et 3 avril 1987 (documents n° 33.126/19461 à 19469), relatifs à des commandes de ciment passées par Blue Circle auprès de Titan à destination du Nigeria. Selon elle (même alinéa), ces achats doivent être rapprochés des quantités de 100 000 tonnes pour des destinations non spécifiées, que Blue Circle aurait déclaré vouloir acheter à Heracles et à Titan pour chaque année de 1986 à 1989.

3457. Au paragraphe 56, point 5, la Commission conclut:

"Les achats de Blue Circle auprès de Titan et convenus par télex des 4 juillet 1986, 11 août 1986, 14 août 1986, 1er septembre 1986, 5 septembre 1986, 17 décembre 1986, 7 janvier 1987, 15 janvier 1987, 12 février 1987, 26 février 1987, 1er avril 1987, 3 avril 1987, et les contrats passés les 14 octobre 1986, 1er août 1987, 24 octobre 1988, et leurs avenants, entre Blue Circle et Titan (voir paragraphe 28, point 15, ci-dessus) constituent l'expression d'un accord entre entreprises contraire à l'article 85, paragraphe 1, du 4 juillet 1986 au 31 décembre 1989. En effet, le but de ces contrats était de déplacer les quantités concernées vers des marchés autres que les marchés européens et ceci était connu des deux parties (voir paragraphe 28, points 1 à 11 et 15, ci-dessus)."

3458. Rugby (T-53-95) et Castle (T-56-95) font valoir une série d'arguments visant à démontrer la licéité des achats sur lesquels aurait porté l'accord visé à l'article 4, paragraphe 4, sous b), de la décision attaquée. A travers ces arguments, elles cherchent en réalité à prouver la licéité de l'objet de la pratique concertée retenue à l'article 4, paragraphe 4, sous a), pratique qui, d'après la Commission, a notamment concerné certains des achats visés au titre de l'article 4, paragraphe 4, sous b) [voir décision attaquée, paragraphe 56, point 3, sous i)].

3459. Ces arguments doivent d'emblée être écartés, dans la mesure où, d'une part, il a été conclu à l'annulation de l'article 4, paragraphe 4, sous a), de la décision attaquée (voir ci-dessus points 3406 à 3435) et, d'autre part, l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 4, sous b), n'est pas retenue contre Rugby et Castle.

3460. Titan (T-64-95) et Blue Circle (T-88-95) présentent une argumentation au fond visant à l'annulation de cette dernière disposition. Elles reprochent, en outre, à la Commission d'avoir violé leurs droits de la défense à l'occasion de la constatation de l'infraction en cause, en ne leur accordant pas au cours de la procédure administrative l'accès à l'intégralité de la CG et de son dossier d'instruction, les privant ainsi de prétendus éléments à leur décharge.

3461. Sur le fond, Titan développe une argumentation visant à démontrer que, quel qu'ait pu être l'objectif poursuivi par les membres de l'ETF à travers les opérations visées au paragraphe 28 de la décision attaquée, ces dernières se sont inscrites, en ce qui la concerne, dans le cadre normal de ses activités d'exportation. Ces opérations n'auraient été entachées, dans son chef, d'aucune finalité anticoncurrentielle.

3462. Titan expose le contexte économique et les opportunités commerciales qui l'ont conduite à chercher, à partir de 1986, de nouveaux marchés à l'exportation. Elle explique qu'elle s'est tournée vers le marché américain, alors en pleine expansion, ainsi que vers les marchés d'Europe occidentale, où des opportunités lui paraissaient subsister. Ses exportations sur le marché américain auraient été déterminées par les seules forces du marché et par son unique souci de réaliser des opérations avantageuses. De plus, les qualités du ciment qu'elle produisait (faible taux d'alcalinité notamment) auraient correspondu aux critères requis sur ce marché. Quant aux marchés européens, Titan fait observer que, en raison de la surcapacité structurelle dont ces marchés souffraient à l'époque, elle a dû y faire face, comme les autres producteurs grecs, à d'innombrables pressions, difficultés, obstacles (commerciaux, techniques et administratifs) et mesures dissuasives, destinés à l'empêcher d'écouler ses surplus de production. Dans un tel contexte, il ne pourrait lui être reproché d'avoir répondu favorablement aux offres d'achat qui lui ont été faites par différents producteurs européens.

3463. Titan ajoute que, malgré ces multiples entraves, ses exportations ont explosé en Europe occidentale à partir de 1985. Il ne pourrait dès lors lui être fait grief d'avoir cherché à réduire le niveau des échanges intracommunautaires de ciment et de clinker. Le fait que ses partenaires européens aient pu vouloir acheter ses surplus de production en vue d'absorber ces quantités jugées déstabilisantes pour leurs marchés ne permettrait pas de conclure à l'existence d'une intention illicite de sa part. Titan n'aurait en tout cas pas sciemment participé à un accord illicite contraire à ses intérêts, en cédant à des propositions persuasives visant à détourner ses productions vers des pays tiers à la Communauté.

3464. Titan reproche encore à la Commission d'avoir violé le principe d'égalité de traitement en qualifiant ses exportations vers les Etats-Unis de mesures d'exécution de l'accord Cembureau, sans avoir apprécié la légalité des activités d'exportation des membres de l'ETF en dehors des marchés communautaires, en particulier vers les Etats-Unis, alors que ces dernières représentaient une part prépondérante des importations sur le marché américain. Elle prétend aussi que la Commission a manqué à son obligation de motivation, en n'exposant pas dans la décision attaquée les raisons qui l'avaient amenée à considérer que les exportations en provenance de Grèce devaient, sur ce point, être distinguées des autres exportations en provenance d'Europe.

3465. Titan et Blue Circle soutiennent ensuite que les achats visés au paragraphe 28, point 15, de la décision attaquée se sont inscrits dans la ligne de relations commerciales établies de longue date entre Blue Circle et Titan, d'une part, et entre Titan et le Nigeria, d'autre part. Titan précise que les échanges commerciaux entre producteurs européens de ciment en vue de la réexportation à destination de pays tiers à la Communauté sont une pratique courante. Blue Circle ajoute que la décision attaquée ne suggère pas qu'une condition expresse ou implicite de ces achats était que Titan s'abstînt à l'avenir d'exporter du ciment vers un autre point quelconque du marché commun. Selon elle, la Commission a commis une erreur de droit. En effet, même à supposer que les raisons l'ayant poussée à acheter du ciment en provenance de Grèce aient aussi visé à réduire le volume des surplus de ce ciment en Europe occidentale, et au Royaume-Uni en particulier, l'existence d'une telle volonté, parmi les nombreux motifs de ces achats, n'aurait pas conféré un caractère infractionnel à ces opérations commerciales normales.

3466. En ce qui concerne, premièrement, les achats par Blue Circle de ciment de Titan à destination des Etats-Unis, mentionnés ci-dessus au point 3453, il convient d'observer que les parties ne contestent pas le rapprochement opéré par la Commission entre lesdits achats et les indications figurant dans le compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986 (décision attaquée, paragraphe 28, point 15, deuxième et troisième alinéas). Un tel rapprochement amène à considérer que ces achats ont procédé de la contribution de Blue Circle aux mesures persuasives préconisées dans le document de Zurich/Céligny pour absorber les "quantités provenant de l'industrie qui 'déstabilis[ait] le marché" (décision attaquée, paragraphe 28, point 1; document n° 33.126/18775), mesures dont l'examen avait été confié à l'ETF (voir ci-dessus point 2538).

3467. Lors de la mise au point de ce document, Blue Circle avait d'ailleurs fait état de la possibilité pour sa filiale américaine, Blue Circle Atlantic, de placer une partie de ces "quantités déstabilisantes" sur le marché américain (décision attaquée, paragraphe 28, point 1; document n° 33.126/18775).

3468. Cette analyse est confirmée par les indications suivantes de la note interne de Blue Circle (décision attaquée, paragraphe 28, points 4 et 11; document n° 33.126/11083), laquelle, intitulée "Importations grecques", ne porte pas de date, mais remonte au début du mois de septembre 1986, ce que ne contestent pas les parties:

"Dans les semaines passées, Blue Circle, Holderbank et Lafarge ont tou[tes] commencé à absorber du ciment et du clinker grecs, en premier lieu de Titan, pour les opérations aux Etats-Unis et au Canada en tant que geste de bonne volonté afin de laisser la porte ouverte vis-à-vis des Grecs."

3469. Toutefois, ni les télex relatifs aux achats de Blue Circle à destination des Etats-Unis (voir ci-dessus point 3453), ni le compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986, ni les documents mentionnés aux deux points précédents ne contiennent d'indications démontrant que, en échange des achats en question, Titan se serait engagée vis-à-vis de Blue Circle à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens, particulièrement au Royaume-Uni.

3470. Au contraire, dans une lettre du 22 septembre 1986 à Holderbank (décision attaquée, paragraphe 28, point 4; document n° 33.126/11094), Blue Circle affirme avoir "décidé de continuer à prendre des tonnages grecs pour [ses] opérations aux Etats-Unis, bien que le problème britannique n'ait jusqu'ici pas été résolu". Elle poursuit: "J'ai dit à Presanis (et à Karageropoulos dans une conversation téléphonique antérieure) que, aussi longtemps que les Grecs demeureraient une menace pour le marché britannique, nous ne continuerions pas à payer les prix que nous avions acceptés pour les récentes livraisons de Titan et que nos opérations ultérieures aux Etats-Unis devraient se faire aux taux du marché." Elle conclut: "Nous espérons que, en maintenant la perspective de poursuivre les activités de Blue Circle aux Etats-Unis, nous réduirons au moins le niveau de leurs activités au Royaume-Uni."

3471. De telles affirmations attestent qu'aucune solution à la question des importations en provenance de Grèce n'avait été trouvée au Royaume-Uni à la fin du mois de septembre 1986. Elles démontrent que Blue Circle n'avait pas obtenu la promesse de Titan d'une cessation ou d'une réduction de ses ventes directes sur le marché britannique, en échange des commandes passées entre le début du mois de juillet et le début du mois de septembre 1986.

3472. L'absence de preuve d'un tel engagement de Titan ressort encore de l'extrait suivant d'une note interne de Blue Circle du 24 octobre 1986 (document n° 33.126/11132, non cité dans la décision attaquée): "[L]es Grecs vont rester. Si l'attention politique reste concentrée sur le problème, ils ne peuvent se retirer sur la pointe des pieds, et n'étant pas tenus par les mêmes règles commerciales qui limitent notre marge de manœuvre, ils ont tout à gagner et rien à perdre à attendre."

3473. En définitive, il apparaît que les commandes visées au paragraphe 28, point 15, premier et troisième alinéas, de la décision attaquée ont simplement constitué un "geste de bonne volonté" de Blue Circle destiné à "laisser la porte ouverte vis-à-vis des Grecs" (décision attaquée, paragraphe 28, point 4; document n° 33.126/11083).

3474. S'agissant, deuxièmement, des contrats conclus entre Blue Circle Atlantic et Titan (voir ci-dessus point 3454), il y a lieu d'observer que les documents relatifs à ces contrats ne démontrent pas que, en échange de ceux-ci, Titan se soit engagée à l'égard de Blue Circle à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens. L'extrait de la note interne de Blue Circle du 24 octobre 1986 (voir ci-dessus point 3472) prouve le contraire, s'agissant du moins du contrat du 14 octobre 1986.

3475. Ainsi que cela a été souligné (voir ci-dessus point 3455), la Commission rapproche les quantités prévues par les contrats en question de celles que "Blue Circle a déclaré vouloir acheter de Titan et d'Heracles pour les Etats-Unis pour chaque année 1986/1987, 1987/1988, 1988/1989".

3476. Sur ce point, il y a lieu de relever que, dans une note interne intitulée "Document de discussion Importations à bas prix réunion du lundi 7 juillet 1986 à 9 heures 30" (décision attaquée, paragraphe 28, point 9; documents n° 33.126/10992 à 10994), Blue Circle, après avoir évoqué les options se présentant à l'industrie britannique du ciment, à savoir une politique de non-coopération avec les producteurs grecs ou une politique de coopération avec ces derniers, indique, à propos de cette seconde politique, que les discussions avec Titan et Heracles ont conduit à l'étude de deux solutions alternatives.

3477. D'après la première solution, un intermédiaire européen aurait acheté un million de tonnes pendant un an pour des destinations en dehors de l'Europe.

3478. La seconde solution reposait sur un accord de trois ans pendant lesquels Titan et Heracles auraient vendu une partie de leur production à Blue Circle. Etait ainsi notamment envisagée, pour chacune des trois années de cet accord, la vente de 500 000 tonnes à destination des Etats-Unis.

3479. Les quantités et les destinations indiquées au titre de cette seconde solution sont reprises dans une note manuscrite d'Heracles sans date (décision attaquée, paragraphe 28, point 9; documents n° 33.126/19864 et 19865), ainsi que dans un protocole d'accord ("memorandum of understanding"), également sans date (décision attaquée, paragraphe 28, point 9; document n° 33.126/11096).

3480. A supposer même que la contrepartie des deux "solutions" ait été la cessation ou, du moins, la réduction par Heracles et Titan de leurs ventes directes vers le Royaume-Uni, force est de constater qu'aucun des documents visés au titre de ces solutions ne démontre que l'une ou l'autre de celles-ci ait été adoptée par les parties.

3481. Ainsi que la Commission le relève (décision attaquée, paragraphe 28, point 9), il ressort de la note interne de Blue Circle relative à la réunion du 7 juillet 1986 que les producteurs grecs n'avaient pas accepté la limitation à une année de la première solution.

3482. En ce qui concerne la seconde solution, la même note interne de Blue Circle indique que, certes, elle "[faisait] déjà l'objet d'un accord de principe avec les producteurs grecs, mais [qu'] elle [était] subordonnée, comme la [première solution], à un accord à trouver avec Bouri" (décision attaquée, paragraphe 28, point 9; document n° 33.126/10993). Or, la décision attaquée ne présente aucun élément permettant de conclure que ce dernier accord ait été obtenu.

3483. Au contraire, le protocole d'accord visé ci-dessus au point 3479 indique (point 5): "Les parties concluront un accord ou des accords formel(s) pour refléter les intentions susmentionnées. La mise en œuvre de cet (ces) accord(s) sera subordonnée à la conclusion par l'acheteur d'un accord avec la partie D, en ce qui concerne ses possibilités de distribution au Royaume-Uni, et à la désignation par les vendeurs de l'acheteur comme intermédiaire au Royaume-Uni." Toutefois, la décision attaquée ne contient, de nouveau, aucune preuve de la réalisation de ces différentes conditions.

3484. Quant à la note manuscrite sans date d'Heracles (voir ci-dessus point 3479), elle ne prouve pas non plus que la seconde solution évoquée dans la note interne de Blue Circle relative à la réunion du 7 juillet 1986 ait été adoptée par les parties.

3485. Dans ces conditions, aucun élément ne permet d'établir, comme la Commission le fait, un lien entre les quantités concernées par les contrats visés au paragraphe 28, point 15, cinquième alinéa, de la décision attaquée et "les quantités que Blue Circle a déclaré vouloir acheter de Titan et d'Heracles pour les Etats-Unis pour chaque année 1986/87, 1987/88, 1988/89" lors de ses discussions avec ces dernières.

3486. D'ailleurs, Blue Circle et Titan discutaient à la même époque d'un programme d'achat à destination des Etats- Unis "indépendamment de la situation au Royaume-Uni" (note interne de Blue Circle relative à sa réunion du 17 septembre 1986 avec Titan; décision attaquée, paragraphe 28, point 10; document n° 33.126/11081). Par ce programme, Blue Circle "pouvait permettre à Titan et à Heracles de placer de 600 000 à un million de tonnes dans le Nord-Est [des Etats-Unis]" (même document).

3487. Les contrats visés au paragraphe 28, point 15, cinquième alinéa, de la décision attaquée ont pu se rattacher à ce programme d'importation, plutôt qu'aux discussions auxquelles la Commission prétend les relier.

3488. La Commission (même alinéa) met encore ces contrats en rapport avec le fait que, à l'ordre du jour de la réunion de l'ETF du 11 février 1987, figurait, au point 1.5, la question des "[e]xportations grecques: quantités et contrats avec les membres de la task-force 1987" (documents n° 33.126/18937 et 18938).

3489. Toutefois, une telle indication ne démontre pas que la conclusion de ces contrats ait été l'objet d'un accord illicite entre Titan et Blue Circle, en ce que Titan aurait promis à Blue Circle, en contrepartie de ceux-ci, de cesser ou de réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3490. En ce qui concerne, troisièmement, les commandes par Blue Circle de ciment de Titan à destination du Nigeria (voir ci-dessus point 3456), les télex relatifs à ces commandes ne démontrent pas que, en échange de celles-ci, Titan se soit engagée à l'égard de Blue Circle à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens, en particulier au Royaume-Uni.

3491. Ainsi que cela a été relevé (voir ci-dessus point 3456), la Commission rapproche les quantités concernées par ces commandes des "quantités de 100 000 tonnes pour des destinations non spécifiées que Blue Circle a déclaré vouloir acheter pour chaque année de 1986 à 1989".

3492. A cet égard, au titre de la seconde solution évoquée par la note interne de Blue Circle relative à la réunion du 7 juillet 1986 (voir ci-dessus point 3476), était notamment envisagée la vente par Heracles et Titan à Blue Circle, pendant chacune des trois années de l'accord visé par cette seconde solution, de quantités de 100 000 tonnes pour des destinations non spécifiées. Ces indications sont reprises dans la note manuscrite d'Heracles et dans le protocole d'accord susvisés (voir ci-dessus point 3479).

3493. Cependant, ainsi que cela a déjà été souligné (voir ci-dessus points 3480 et 3482 à 3484), aucun élément ne permet de conclure que la solution en question a été adoptée par les parties.

3494. Du reste, aucun élément ne permet d'établir, comme la Commission le fait, un lien entre les quantités concernées par les commandes visées au paragraphe 28, point 15, sixième alinéa, de la décision attaquée et "les quantités de 100 000 tonnes pour des destinations non spécifiées que Blue Circle a déclaré vouloir acheter pour chaque année de 1986 à 1989" lors de ses discussions de juillet 1986 avec les producteurs grecs.

3495. Au paragraphe 28, point 15, avant-dernier alinéa, la Commission invoque l'extrait suivant de la note du 14 mai 1987 de M. Marshall (Blue Circle) relative à la réunion de l'EPC du 13 mai 1987 (documents n° 33.126/11344 et 11345):

"Titan. Ils sont satisfaits des contacts avec Blue Circle et en particulier avec Philip Hawkesworth. Ivan Tryfonas a commenté qu'il estime a posteriori que le bon sens commence à prévaloir, au moins chez Titan.

Ils ont apprécié la manière dont nous les avons traités aux Etats-Unis et ils estiment que leurs livraisons en Irlande du Nord ne touchent pas au même point sensible que celles en Grande-Bretagne."

3496. D'après la Commission, cet extrait démontre que les achats visés au paragraphe 28, point 15, de la décision attaquée "[ont été] autre chose qu'une relation commerciale normale" (même point, dernier alinéa).

3497. A cet égard, il convient de relever que ledit extrait ne comporte aucune allusion à des commandes de Blue Circle à Titan à destination du Nigeria. Il ne saurait donc, en tout état de cause, constituer la preuve du caractère infractionnel des achats visés au paragraphe 28, point 15, sixième alinéa, de la décision attaquée.

3498. Par ailleurs, les commentaires et appréciations exprimés par le représentant de Titan aux participants à la réunion de l'EPC du 13 mai 1987 ont pu viser à faire tomber la pression exercée par les producteurs européens sur les producteurs grecs, en particulier sur Titan, pour amener ces derniers à mettre fin à leurs exportations vers les marchés d'Europe occidentale. En toute hypothèse, ils ne prouvent pas que, en contrepartie des achats visés au paragraphe 28, point 15, de la décision attaquée, Titan ait promis à Blue Circle de cesser ou de réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3499. La Commission (mémoires en défense et en duplique dans l'affaire T-64-95) met en exergue différents éléments visant à démontrer la participation de Titan aux éléments d'infraction décrits au paragraphe 28, notamment point 15, de la décision attaquée.

3500. Elle se fonde, en premier lieu, sur le contenu du document de Zurich/Céligny (voir ci-dessus point 2539). Celui-ci montrerait que les membres de l'ETF ont rapidement convaincu Titan, après que celle-ci eut voulu transgresser la règle de respect des marchés domestiques, de coopérer à l'application de cette règle, en acceptant des mesures visant à partager les marchés.

3501. Cependant, le document de Zurich/Céligny démontre uniquement que, à la suite des "problèmes posés par la déstabilisation provoquée par certains producteurs de ciment" (voir intitulé de ce document; document n° 33.126/18772), les producteurs de ciment d'Europe occidentale sont convenus d'une série de mesures, notamment persuasives, destinées à éliminer ces importations déstabilisantes. Il ne prouve pas que Titan, qui, pour des raisons évidentes, n'a nullement été impliquée dans son élaboration et n'a jamais été invitée à approuver son contenu, ait adhéré à la finalité anticoncurrentielle poursuivie par les mesures qu'il préconisait, en acceptant de cesser ou de réduire ses ventes directes sur les marchés européens en contrepartie d'achats par les producteurs européens de ses excédents de production. Il ne saurait donc constituer la preuve que les achats visés au paragraphe 28, point 15, de la décision attaquée aient été l'expression d'un accord illicite entre Blue Circle et Titan.

3502. En deuxième lieu, la Commission relève, comme dans la décision attaquée (paragraphe 28, point 11), que, d'après la note interne de Blue Circle de début septembre 1986 (voir ci-dessus point 3468), "[l]ors d'une réunion tenue la semaine précédente à Athènes, Titan a offert de limiter les ventes combinées d'Heracles et de Titan au Royaume-Uni à un quota communément fixé à 300 000 tonnes la première année et à 500 000 tonnes la deuxième et la troisième année".

3503. Toutefois, cette note ne démontre pas que l'offre en question ait été faite par Titan en contrepartie des achats et des contrats visés au paragraphe 28, point 15, de la décision attaquée. Contrairement à ce que la Commission soutient, l'indication de cette note selon laquelle "Titan vo[yait] [ce] quota pour le Royaume-Uni comme additionnel à tous les tonnages absorbés par Blue Circle pour ses opérations aux Etats-Unis" n'établit pas l'existence d'un lien entre les achats par Blue Circle de ciment de Titan pour les Etats-Unis et la réduction de la présence de cette dernière sur le marché britannique. Elle atteste tout au plus le souci de Titan de ne pas voir les quantités achetées par Blue Circle pour ses opérations aux Etats-Unis prises en compte dans le cadre d'un accord éventuel de limitation des importations au Royaume-Uni de ciment en provenance de Grèce.

3504. Au demeurant, l'offre susvisée n'a jamais été perçue par Blue Circle comme un engagement clair de Titan de cesser ou de réduire ses ventes directes au Royaume-Uni. Dans sa lettre adressée à Holderbank le 22 septembre 1986 (document n° 33.126/11094), soit peu de temps après que Titan eut fait ladite offre, Blue Circle souligne qu'aucune solution n'a été trouvée jusqu'ici au problème britannique. D'ailleurs, ainsi que la Commission le constate (paragraphe 28, point 13), la limitation des importations grecques au Royaume-Uni a été le résultat d'un accord intervenu à la fin du mois de décembre 1986 non pas entre les producteurs britanniques et grecs, mais entre les gouvernements de ces deux pays.

3505. En troisième lieu, la Commission fait valoir que Titan a été activement impliquée dans la recherche de solutions susceptibles de garantir, dans l'intérêt de l'ensemble des parties concernées, la stabilité des marchés communautaires. Elle s'appuie sur les différentes pièces visées au paragraphe 28, points 1 à 9, de la décision attaquée.

3506. De fait, les documents visés au paragraphe 28, points 3, 5, 8 et 9, de la décision attaquée font état de discussions entre Titan et des producteurs européens de ciment, en premier lieu Blue Circle, en vue de trouver une solution au problème posé par les importations en Europe occidentale de ciment en provenance de Grèce.

3507. Toutefois, ainsi que la Commission le constate (paragraphe 28, point 7), "les membres de l'ETF ne sont pas parvenus à arriver à un accord collectif [d'absorption des quantités déstabilisantes] avec les producteurs grecs, puisque ceux-ci étaient très réticents à ce propos". Quant à la solution fondée sur une limitation des exportations grecques au Royaume-Uni, elle est résultée, en décembre 1986, d'un accord intergouvernemental helléno-britannique (voir ci-dessus point 3504).

3508. En tout état de cause, aucune des pièces mentionnées au paragraphe 28, points 1 à 9, de la décision attaquée ne démontre que, en contrepartie des opérations visées au paragraphe 28, point 15, Titan se soit engagée à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3509. En quatrième lieu, la Commission affirme que, d'après la lettre adressée le 22 septembre 1986 par Blue Circle à Holderbank, les prix spéciaux fixés dans les contrats conclus entre Titan et Blue Circle Atlantic ne s'expliquaient pas par la qualité particulière des produits de Titan, mais par l'objet anticoncurrentiel de ces contrats. Elle se fonde encore sur l'extrait suivant de la note interne de Blue Circle relative à la réunion du 17 septembre 1986 (documents n° 33.126/11080 à 11082): "Presanis [Titan] a convenu que les prix préférentiels que nous leur avions payés pour les livraisons à destination de Boston et de Baltimore cette année avaient été subordonnés à la recherche d'une solution négociée au Royaume-Uni et que les opérations commerciales de l'année prochaine devraient par conséquent être discutées sur une base commerciale tenant compte des intérêts de [Blue Circle] Inc."

3510. Certes, ces différents éléments confirment le caractère persuasif, de la part de Blue Circle, des achats visés au paragraphe 28, point 15, premier et troisième alinéas, de la décision attaquée. Cependant, la note interne de Blue Circle du 17 septembre 1986 montre aussi que, en échange de ces achats consentis à des prix de faveur, Titan avait tout au plus accepté de réfléchir à une solution négociée au problème posé par les importations au Royaume-Uni de ciment en provenance de Grèce.

3511. Aucune de ces indications ne prouve en revanche que, en échange des commandes de Blue Circle pour Boston et Baltimore, Titan se soit engagée à cesser ou à limiter ses ventes directes au Royaume-Uni. Au contraire, ainsi que cela a été relevé (voir ci-dessus point 3470), la lettre de Blue Circle à Holderbank du 22 septembre 1986 souligne l'absence persistante, à la fin du mois de septembre 1986, de solution à la question des importations au Royaume-Uni de ciment en provenance de Grèce.

3512. Au vu des éléments qui précèdent (points 3439 à 3450 et 3466 à 3511), il y a lieu de conclure que la Commission n'a pas établi que les achats et contrats visés au paragraphe 28, point 15, de la décision attaquée étaient l'expression d'un accord anticoncurrentiel entre Titan et Blue Circle ayant visé à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Titan vers les Etats-Unis et le Nigeria et à éviter des ventes directes de ces produits par Titan sur les marchés européens.

3513. Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 4, sous b), de la décision attaquée doit être annulé.

3514. Par suite, il n'y a plus lieu d'examiner les observations que Blue Circle (mémoire du 10 février 1997) et Titan (mémoires des 10 février et 18 décembre 1997) ont présentées à la suite des mesures d'organisation de la procédure mentionnées ci-dessus aux points 164 et 168, en vue de démontrer l'existence d'une violation de leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative en relation avec la constatation de l'infraction retenue contre elles à l'article 4, paragraphe 4, sous b), de la décision attaquée.

2. Accord entre Holderbank et Titan visé à l'article 4, paragraphe 4, sous c), de la décision attaquée

3515. Aux termes de l'article 4, paragraphe 4, sous c), de la décision attaquée, Holderbank et Titan ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, "du 19 juin 1986 au 31 décembre 1990, en participant à un accord visant à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Titan vers les Etats-Unis et l'Afrique et à éviter des ventes directes de ces produits de la part de Titan sur les marchés européens".

3516. Les développements consacrés à cette infraction sont contenus, dans l'exposé des faits, au paragraphe 28, point 16, et, dans l'appréciation juridique, au paragraphe 56, points 6 et 8, de la décision attaquée.

3517. Au paragraphe 28, point 16, premier alinéa, la Commission relève:

"Il existe un projet de contrat entre Titan et Umar (filiale de Holderbank) daté du 19 juin 1986: ce projet est signé par Titan mais ne l'a pas été par Umar et il porte sur des livraisons de clinker et de ciment à destination des Etats-Unis (documents n° 33.126/19501 à 19511). D'après Titan (p. 50 du mémoire en réponse à la CG), ce contrat n'a pas été accepté par Umar: toutefois, pendant les mois de juin et juillet 1986, Titan a fourni à Umar deux cargaisons de clinker et une de ciment pour un total de 61 437 tonnes. Ces tonnes sont à mettre en rapport avec ce qui ressort du compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 [août] 1986 (voir point 3 ci-dessus): Holderbank a aussi convenu d'acheter (non signé encore) 90 000 tonnes de Titan. Une livraison de 7 000 tonnes a été effectuée..."

3518. Elle vise ensuite (deuxième alinéa) deux contrats signés entre Umar et Titan les 16 janvier et 18 décembre 1987, contrats qui ont porté sur la livraison à Ideal Basic Industries (filiale américaine de Holderbank) d'au moins 200 000 tonnes de clinker pour 1987 et 90 000 tonnes pour 1988 (documents n° 33.126/19482 à 19489).

3519. Elle constate également (troisième alinéa) que, le 20 août 1988, Pays-Bas Cement Co. (filiale néerlandaise de Holderbank) et Titan ont signé un contrat relatif à la livraison, du 1er août 1988 au 31 décembre 1990, de 300 000 tonnes de clinker au total, dont au moins la moitié était destinée au Benelux et le restant à l'Afrique (documents n° 33.126/19814 à 19843).

3520. Elle rapproche (quatrième alinéa) les quantités concernées par ces trois derniers contrats de "l'engagement des membres de l'ETF d'acheter un million de tonnes et plus et même 2 à 3 millions de tonnes aux producteurs grecs (voir documents mentionnés aux points 1 à 6 ci-dessus)".

3521. Au paragraphe 56, points 6 et 8, elle conclut:

"Les achats du groupe Holderbank des mois de juin et juillet 1986 auprès de Titan et les contrats signés entre le groupe Holderbank et Titan les 16 janvier 1987, 18 décembre 1987 et 20 août 1988 (voir paragraphe 28, point 16, ci-dessus) constituent l'expression d'un accord entre ces entreprises contraire à l'article 85, paragraphe 1, du 19 juin 1986 au 31 décembre 1990.

[...]

En effet, le but de ces contrats était d'éviter des ventes directes des deux producteurs grecs sur les marchés européens et de déplacer une partie des quantités concernées vers d'autres marchés, et ceci était connu des parties en cause (voir paragraphe 28, points 1 à 7 et 16 à 17, ci-dessus)."

3522. Titan (T-64-95) et Holderbank (T-68-95) présentent une argumentation au fond visant à l'annulation de l'article 4, paragraphe 4, sous c), de la décision attaquée. Titan reproche, en outre, à la Commission d'avoir violé ses droits de la défense à l'occasion de la constatation de l'infraction en cause, en ne lui accordant pas au cours de la procédure administrative l'accès à l'intégralité de la CG et de son dossier d'instruction, la privant ainsi de prétendus éléments à sa décharge.

3523. Sur le fond, Titan, outre son argumentation générale exposée ci-dessus aux points 3461 à 3464, et Holderbank soutiennent que les différents achats visés au paragraphe 28, point 16, de la décision attaquée relevaient du cadre normal de leurs relations commerciales préexistantes. Ces opérations auraient été dépourvues de toute finalité anticoncurrentielle. Titan ajoute que les échanges commerciaux entre producteurs européens de ciment et de clinker en vue de la réexportation à destination de pays de la Communauté ou de pays tiers à celle-ci sont une pratique courante.

3524. En ce qui concerne les opérations visées au paragraphe 28, point 16, premier alinéa, de la décision attaquée (voir ci-dessus point 3517), il convient de relever les indications suivantes du compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986 (décision attaquée, paragraphe 28, point 3):

"Holderbank a [...] convenu d'acheter (non signé encore) 90 000 tonnes de Titan. Une livraison de 7 000 tonnes a été effectuée.

[...]

Holderbank a aussi acheté 50 000 tonnes de clinker de Titan au prix de 19,80 USD fob. 25 000 tonnes déjà livrées, le tout sur le marché des Etats-Unis."

3525. Dans la note interne de Blue Circle du début du mois de septembre 1986 (voir ci-dessus point 3468), il est indiqué:

"Dans les semaines passées, Blue Circle, Holderbank et Lafarge ont tou[tes] commencé à absorber du ciment et du clinker grecs, en premier lieu de Titan, pour les opérations aux Etats-Unis et au Canada en tant que geste de bonne volonté afin de laisser la porte ouverte vis-à-vis des Grecs."

3526. A la lecture de ces différents extraits de documents, la Commission était fondée à considérer que les achats de ciment et de clinker réalisés par Umar en juin et juillet 1986 auprès de Titan avaient procédé, du moins en partie, de la contribution de Holderbank aux mesures persuasives préconisées dans le document de Zurich/Céligny pour absorber les "quantités provenant de l'industrie qui 'déstabilis[ait] le marché" (décision attaquée, paragraphe 28, point 1; document n° 33.126/18775), mesures dont l'examen avait été confié à l'ETF (voir ci-dessus point 2538).

3527. Lors de la mise au point de ce document, Holderbank s'était d'ailleurs proposée de placer une partie de ces "quantités déstabilisantes" sur le marché américain.

3528. Cependant, la décision attaquée ne contient aucun élément démontrant que, en contrepartie de ces achats, Titan se soit engagée vis-à-vis de Holderbank à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3529. Ces achats ont donc simplement constitué un "geste de bonne volonté" de Holderbank à l'égard de Titan, destiné à l'inciter à rechercher avec les producteurs européens une solution au problème posé par les importations en Europe occidentale de ciment en provenance de Grèce.

3530. S'agissant ensuite des contrats des 16 janvier 1987, 18 décembre 1987 et 20 août 1988 (voir ci-dessus points 3518 et 3519), il y a lieu de constater que les documents qui y sont relatifs ne démontrent pas que, en échange de ceux-ci, Titan se soit engagée à l'égard de Holderbank à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3531. Quant aux pièces visées au paragraphe 28, points 1 à 6, de la décision attaquée (voir ci-dessus point 3520), pièces que la Commission (même paragraphe, point 16, quatrième alinéa) rapproche des quantités concernées par les contrats en cause pour établir le caractère infractionnel de ces derniers, elles font d'abord apparaître que plusieurs producteurs européens, membres de l'ETF, ont fait état, lors de la mise au point du document de Zurich/Céligny, des possibilités qui paraissaient s'offrir à eux pour placer une partie des excédents de la production grecque en dehors des marchés européens (voir document de Zurich/Céligny, particulièrement document n° 33.126/18775, cité au paragraphe 28, point 1, de la décision attaquée).

3532. Ces pièces indiquent ensuite que, dans le courant du mois d'août 1986, Blue Circle, Holderbank et Lafarge ont "commencé à absorber du ciment et du clinker grecs, en premier lieu de Titan, pour les opérations aux Etats-Unis et au Canada en tant que geste de bonne volonté afin de laisser la porte ouverte vis-à-vis des Grecs" (décision attaquée, paragraphe 28, point 4; document n° 33.126/11083). Parallèlement, les participants à l'ETF ont examiné, en août/septembre 1986, la possibilité de négocier avec les producteurs grecs un accord global d'enlèvement portant sur un, voire deux à trois millions de tonnes de la production de ces derniers, moyennant cessation de leurs livraisons directes de ciment en Europe occidentale (décision attaquée, paragraphe 28, points 2 et 5; documents n° 33.126/10988 à 10990, 18858 et 18859). L'"engagement" des producteurs européens d'acheter les quantités susvisées s'inscrivait donc dans le cadre d'une négociation collective dont la contrepartie était la cessation des ventes directes de produits grecs en Europe occidentale.

3533. Or, ainsi que la Commission le constate, "les membres de l'ETF ne sont pas parvenus à arriver à un accord collectif avec les producteurs grecs, puisque ceux-ci étaient très réticents à ce propos" (décision attaquée, paragraphe 28, point 7).

3534. La Commission rétorque que l'absence d'accord global d'enlèvement s'explique par la préférence des producteurs grecs pour des accords individuels avec certains membres de l'ETF.

3535. A cet égard, la seule pièce visée dans la décision attaquée susceptible d'être invoquée à l'appui de cette allégation est le procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden. Il indique que "la task-force pense que l'industrie grecque n'est plus intéressée par un accord global d'enlèvement, préférant des accords individuels avec d'autres pays (par exemple, l'Italie)" (décision attaquée, paragraphe 25, points 22 et 25; document n° 33.126/18859). Il ajoute: "Au vu du soutien du Gouvernement britannique et d'autres institutions dans la campagne contre les importations de ciment grec subsidié, il serait inopportun de s'engager pour l'heure dans des accords." De telles indications ne prouvent pas que des accords individuels d'enlèvement aient été conclus entre les producteurs grecs et des membres de l'ETF moyennant promesse des premiers aux seconds de cesser ou de réduire leurs ventes directes sur les marchés européens.

3536. Dans ces conditions, le rapprochement allégué par la Commission au paragraphe 28, point 16, quatrième alinéa, de la décision attaquée ne saurait autoriser à conclure au caractère infractionnel des contrats signés entre Holderbank et Titan les 16 janvier 1987, 18 décembre 1987 et 20 août 1988.

3537. La Commission (mémoires en défense et en duplique dans l'affaire T-64-95) invoque encore deux éléments en vue de démontrer la participation de Titan aux éléments d'infraction visés au paragraphe 28, notamment point 16, de la décision attaquée.

3538. Elle se fonde, en premier lieu, sur le contenu du document de Zurich/Céligny (voir ci-dessus point 3500).

3539. Pour les motifs énoncés ci-dessus au point 3501, ce document ne saurait cependant constituer la preuve que les opérations visées au paragraphe 28, point 16, aient été l'expression d'un accord illicite entre Holderbank et Titan.

3540. La Commission fait valoir, en deuxième lieu, que Titan a été activement impliquée dans la recherche de solutions susceptibles de garantir, dans l'intérêt de l'ensemble des parties concernées, la stabilité des marchés communautaires. Elle s'appuie sur les différentes pièces visées au paragraphe 28, points 1 à 9, de la décision attaquée.

3541. De fait, plusieurs de ces pièces font état de discussions entre Titan et des producteurs européens de ciment en vue de trouver une solution au "problème grec". Le procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden indique notamment que, "[lors de] la toute dernière réunion entre Titan et Blue Circle/Holderbank, Titan s'est déclarée disposée à coopérer".

3542. Toutefois, ainsi que cela a déjà été constaté à différentes reprises (voir, notamment, ci-dessus point 3507), ces discussions n'ont jamais abouti en raison des réticences des producteurs grecs. S'agissant particulièrement du Royaume-Uni, le problème posé par les importations en provenance de Grèce a été résolu, en décembre 1986, au niveau politique par un accord intergouvernemental helléno-britannique.

3543. En toute hypothèse, aucune des pièces mentionnées au paragraphe 28, points 1 à 9, de la décision attaquée ne démontre que, en contrepartie des opérations visées au paragraphe 28, point 16, Titan se soit engagée à l'égard de Holderbank à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3544. Au vu des éléments qui précèdent (points 3439 à 3450 et 3524 à 3543), il y a lieu de conclure que la Commission n'a pas établi que les livraisons et les contrats visés au paragraphe 28, point 16, de la décision attaquée étaient l'expression d'un accord anticoncurrentiel entre Titan et Holderbank ayant visé à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Titan vers les Etats-Unis et l'Afrique et à éviter des ventes directes de ces produits par Titan sur les marchés européens.

3545. Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 4, sous c), de la décision attaquée doit être annulé.

3546. Par suite, il n'y a plus lieu d'examiner les observations que Titan (mémoires des 10 février et 18 décembre 1997) a présentées à la suite des mesures d'organisation de la procédure mentionnées ci-dessus aux points 164 et 168, en vue de démontrer l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative en relation avec la constatation de l'infraction retenue contre elle à l'article 4, paragraphe 4, sous c), de la décision attaquée.

3. Accord entre Holderbank et Heracles visé à l'article 4, paragraphe 4, sous d), de la décision attaquée

3547. Aux termes de l'article 4, paragraphe 4, sous d), de la décision attaquée, Holderbank et Heracles ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, "du 9 mai 1986 au 31 décembre 1990, en participant à un accord visant à éviter des ventes directes de ciment de la part d'Heracles sur les marchés européens et à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Heracles vers d'autres marchés".

3548. Les développements consacrés à cette infraction sont contenus, dans l'exposé des faits, au paragraphe 28, point 17, et, dans l'appréciation juridique, au paragraphe 56, points 7 et 8, de la décision attaquée.

3549. Au paragraphe 28, point 17, premier alinéa, la Commission relève que "[l]e 9 mai 1986, un contrat portant sur la livraison de 100 000 tonnes de ciment a été signé entre Heracles et Umar (documents n° 33.126/20057 à 20064)". Elle compare ces quantités aux indications figurant dans le compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986: "De plus, ils [Holderbank] ont acheté 100 000 tonnes d'Heracles, dont 40 000 ont été livrées."

3550. Elle constate ensuite (deuxième alinéa):

"Le 19 mai 1988, un contrat portant sur la livraison de 490 000 tonnes (dont 230 000 tonnes de clinker et 260 000 tonnes de clinker ou de ciment) réparties en 110 000 tonnes en 1988, 190 000 tonnes en 1989, 190 000 tonnes en 1990, a été signé entre Heracles et Umar (documents n° 33.126/20063 à 20071). L'article 6 de ce contrat prévoit qu'au moins 230 000 tonnes de clinker doivent être destinées, au choix de l'acheteur, aux Pays-Bas et/ou au Luxembourg et/ou à la Belgique; les quantités restantes de clinker ou de ciment peuvent être destinées aux pays non Benelux et l'acheteur doit demander le consentement écrit préalable du vendeur."

3551. Elle rapproche (troisième alinéa) les quantités concernées par ce contrat de "l'affirmation de Holderbank et d'autres producteurs de vouloir acheter un million de tonnes et plus et même 2 à 3 millions de tonnes aux producteurs grecs (voir documents mentionnés aux points 1 à 6 ci-dessus)".

3552. Au paragraphe 56, points 7 et 8, elle conclut:

"Les contrats signés entre le groupe Holderbank et Heracles les 9 mai 1986 et 19 mai 1988 (voir paragraphe 28, point 17, ci-dessus) constituent l'expression d'un accord entre ces entreprises contraire à l'article 85, paragraphe 1, du 9 mai 1986 au 31 décembre 1990.

En effet, le but de ces contrats était d'éviter des ventes directes des deux producteurs grecs sur les marchés européens et de déplacer une partie des quantités concernées vers d'autres marchés, et ceci était connu des parties en cause (voir paragraphe 28, points 1 à 7 et 16 à 17, ci-dessus)."

3553. Heracles (T-57-95) et Holderbank (T-68-95) contestent au fond l'existence de l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 4, sous d), de la décision attaquée.

3554. Heracles reproche à la Commission d'avoir mal évalué sa position et sa stratégie sur le marché, ainsi que le contexte économique qui l'a conduite à se tourner, à partir de 1986, vers les marchés communautaires afin d'assurer sa survie. Elle souligne les nombreux obstacles et difficultés auxquels elle a été confrontée pour écouler sa production sur ces marchés. Ils auraient été liés pour partie à la conjoncture économique, à la structure des marchés d'Europe occidentale, à sa position géographique et financière et à ses infrastructures, ainsi que, pour partie, à la mise en place de l'ETF. Ces entraves ne l'auraient cependant pas empêchée de conclure des contrats avec différents producteurs européens et d'accroître sensiblement le volume de ses exportations en Europe dès 1986. Dans ces conditions, il ne pourrait lui être fait grief d'avoir participé sciemment, contre ses propres intérêts, à des arrangements qui auraient réduit ses opportunités d'exportation.

3555. Heracles et Holderbank soutiennent que les contrats visés au paragraphe 28, point 17, de la décision attaquée constituaient des transactions commerciales normales, dépourvues d'objet et d'effet anticoncurrentiels. Elles insistent sur le fait qu'Umar, partenaire commercial d'Heracles dans ces opérations, était une société spécialisée dans le commerce international de ciment et de clinker.

3556. En ce qui concerne le contrat du 9 mai 1986 visé au paragraphe 28, point 17, premier alinéa, de la décision attaquée (voir ci-dessus point 3549), il y a lieu de relever les indications suivantes du compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986 (décision attaquée, paragraphe 28, point 3): "De plus, ils [Holderbank] ont acheté 100 000 tonnes d'Heracles, dont 40 000 ont été livrées. Bloom est impliqué dans la dernière affaire puisqu'il a déchargé les bateaux dans le Mississipi et les distribue sur le marché de Dundee."

3557. A la lecture de cet extrait, la Commission était fondée à considérer que Holderbank avait entendu présenter le contrat en question, qui portait sur la livraison de 100 000 tonnes de ciment, comme sa contribution aux mesures persuasives préconisées dans le document de Zurich/Céligny pour absorber les "quantités provenant de l'industrie qui 'déstabilis[ait] le marché" (décision attaquée, paragraphe 28, point 1; document n° 33.126/18775), mesures dont l'examen avait été confié à l'ETF (voir ci-dessus point 2538).

3558. Il est constant que le problème lié aux importations en Europe occidentale de ciment en provenance de Grèce est apparu vers la fin de l'année 1985 ou le début de l'année 1986 (décision attaquée, paragraphe 24, point 1). Holderbank a donc pu, sans attendre la constitution d'une entente structurée avec ses collègues européens, entreprendre, par l'intermédiaire de sa filiale Umar, des actions destinées à écarter la menace constituée par de telles importations, actions qu'elle a par la suite présentées comme sa contribution aux mesures persuasives convenues dans l'intervalle au niveau de l'ETF.

3559. Cependant, la décision attaquée ne contient aucun élément démontrant que, en contrepartie de ce contrat, Heracles se soit engagée vis-à-vis de Holderbank à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens. D'ailleurs, d'après les pièces visées aux paragraphes 25 à 28 de la décision attaquée, la conclusion de ce contrat a été antérieure aux discussions engagées entre les producteurs européens et grecs en vue de chercher à résoudre la question liée aux importations en Europe occidentale de ciment en provenance de Grèce.

3560. L'absence d'engagement d'Heracles de cesser ou de réduire ses ventes directes sur les marchés européens en contrepartie du contrat conclu avec Umar le 9 mai 1986 est corroborée par l'extrait suivant du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration d'Heracles du 23 juillet 1986 (documents n° 33.126/19878 à 19880, non cités dans la décision attaquée):

"[L]es producteurs européens ont formé un front commun avec les Britanniques pour nous empêcher d'entrer au Royaume-Uni avec Titan, et, face à cette menace, ils nous ont offert quelques petites quantités pour l'Amérique. Nous avons évidemment rejeté cet accord, parce qu'il n'était pas dans notre intérêt, et nous n'avons pas cédé à leurs menaces et à leur chantage. Toutefois, ils ont continué à nous menacer, et ils ont serré les rangs à travers une société basée en Suisse, qu'ils financent, en vue de nous faire la guerre. [...] C'est un fait [...] que ce trust des producteurs européens de ciment est terrible, parce qu'ils contrôlent 120 millions de tonnes de ciment, mais, malgré cela, nous n'avons pas cédé à leurs menaces. Le résultat a été que seuls les Britanniques ont demandé que nous négociions et ils nous ont offert des quantités appropriées en Amérique. Une fois encore, nous avons campé sur nos positions, parce que nous voulons aussi avoir un pied au Royaume-Uni, ce que les Britanniques ont finalement admis, mais nous en sommes encore aux négociations."

3561. S'agissant du contrat du 19 mai 1988, visé au paragraphe 28, point 17, deuxième alinéa, de la décision attaquée (voir ci-dessus point 3550), il convient de relever que les documents relatifs à ce contrat ne démontrent pas que, en échange de celui-ci, Heracles se soit engagée à l'égard de Holderbank à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3562. Quant au rapprochement allégué par la Commission, sur la base des pièces visées au paragraphe 28, points 1 à 6, de la décision attaquée, entre les quantités concernées par ce contrat et l'"affirmation de Holderbank et d'autres producteurs de vouloir acheter un million de tonnes et plus et même 2 à 3 millions de tonnes aux producteurs grecs" (décision attaquée, paragraphe 28, point 17, troisième alinéa), il ne permet pas, eu égard à l'analyse des pièces susvisées opérée ci-dessus aux points 3531 à 3535, de conclure au caractère infractionnel dudit contrat.

3563. La Commission (mémoire en défense dans l'affaire T-57-95) met encore en avant différents éléments qui démontreraient qu'Heracles a commis une infraction en participant aux contrats visés au paragraphe 28, point 17, de la décision attaquée.

3564. Invoquant d'une manière générale les éléments visés au paragraphe 28 de la décision attaquée, elle affirme qu'Heracles a eu connaissance de l'ETF et des discussions qui se sont tenues dans ce cadre en vue de détourner une partie des surplus de la production grecque en dehors des marchés d'Europe occidentale. Heracles aurait même été impliquée dans ces discussions. Elle aurait donc participé en connaissance de cause au règlement du problème lié aux importations de ciment en provenance de Grèce. Les documents visés au paragraphe 28, point 9, illustreraient particulièrement l'implication d'Heracles dans les négociations.

3565. De fait, plusieurs pièces visées au paragraphe 28, particulièrement points 5 et 9, de la décision attaquée illustrent la participation d'Heracles à des discussions avec les producteurs européens de ciment, en premier lieu Blue Circle, en vue de trouver une solution à la question liée aux importations en Europe occidentale de ciment en provenance de Grèce.

3566. Cependant, ainsi que cela a déjà été constaté à différentes reprises (voir, notamment, ci-dessus point 3507), ces discussions n'ont jamais abouti en raison des réticences des producteurs grecs. S'agissant particulièrement du Royaume-Uni, le problème posé par les importations en provenance de Grèce a été résolu, en décembre 1986, au niveau politique par un accord intergouvernemental helléno-britannique.

3567. En toute hypothèse, aucune des pièces mentionnées au paragraphe 28 de la décision attaquée ne démontre que, en échange des contrats visés au paragraphe 28, point 17, Heracles se soit engagée vis-à-vis de Holderbank à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3568. Au vu des éléments qui précèdent (points 3439 à 3450 et 3556 à 3567), il y a lieu de conclure que la Commission n'a pas établi que les contrats signés le 9 mai 1986 et le 19 mai 1988 entre le groupe Holderbank et Heracles étaient l'expression d'un accord anticoncurrentiel entre ces deux entreprises ayant visé à éviter des ventes directes de ciment par Heracles sur les marchés européens et à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Heracles vers d'autres marchés.

3569. Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 4, sous d), de la décision attaquée doit être annulé.

4. Accord entre Lafarge et Titan visé à l'article 4, paragraphe 4, sous e), de la décision attaquée

3570. Aux termes de l'article 4, paragraphe 4, sous e), de la décision attaquée, Lafarge et Titan ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, "du 22 juillet 1986 au 31 décembre 1991, en participant à un accord visant à déplacer des quantités de clinker produit par Titan vers le Canada et à éviter des ventes directes de Titan sur les marchés européens".

3571. Les développements consacrés à cette infraction sont contenus, dans l'exposé des faits, au paragraphe 28, point 18, et point 19, troisième et quatrième alinéas, et, dans l'appréciation juridique, au paragraphe 56, points 9 et 11, de la décision attaquée.

3572. Au paragraphe 28, point 18, premier alinéa, la Commission relève les indications suivantes du compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986: "Lafarge a acheté une cargaison de Titan pour Montréal et une deuxième cargaison sera prise en septembre."

3573. Elle vise ensuite (deuxième alinéa) des documents internes de Lafarge du 28 janvier 1986 (et non pas du 28 janvier 1987, comme indiqué par erreur) et du 8 juillet 1986, ainsi que le tableau des achats de Lafarge en 1986 au départ de la Grèce (documents n° 33.126/14407, 14412 et 14417). D'après ces documents (même alinéa), "Lafarge a acheté en Grèce, par l'intermédiaire de CFCI, le 22 juillet 1986, 33 051 tonnes de clinker pour livraison à Montréal le 5/10 août 1986, et, le 19 août 1986, 29 806 tonnes de clinker pour Canada Cement Lafarge".

3574. Elle constate également (troisième alinéa) que "[l]e 12 juin 1987, Titan a convenu de la vente à Lafarge d'une cargaison de 26 000 tonnes de clinker pour Montréal (documents n° 33.126/14433 à 14437)".

3575. Enfin, elle invoque (quatrième alinéa) le contrat du 3 juin 1988 (documents n° 33.126/14422 à 14424), intégré dans le contrat du 20 octobre 1988 (documents n° 33.126/19708 à 19721), par lequel "Titan et Lafarge sont convenu[e]s de livraisons de clinker de 150 000 tonnes par an, du 1er novembre 1988 au 31 décembre 1991, dont la moitié doit avoir la France pour destination, y compris les îles appartenant à la France".

3576. Selon la Commission (cinquième alinéa), les quantités visées par ces contrats doivent être rapprochées de "l'affirmation de Lafarge et d'autres producteurs de vouloir acheter un million de tonnes et plus et même 2 à 3 millions de tonnes aux producteurs grecs".

3577. Au paragraphe 56, points 9 et 11, elle conclut:

"Les achats de Lafarge auprès de Titan, directs ou indirects, des 22 juillet 1986, 19 août 1986 et 12 juin 1987 et les contrats entre Lafarge et Titan des 3 juin 1988 et 20 octobre 1988 (voir paragraphe 28, point 18, ci-dessus) constituent l'expression d'un accord entre ces entreprises contraire à l'article 85, paragraphe 1, du 22 juillet 1986 au 31 décembre 1991.

[...]

En effet, le but de ces contrats était d'éviter des ventes directes des deux producteurs grecs sur les marchés européens et de déplacer une partie des quantités concernées vers d'autres marchés, et ceci était connu des parties en cause (voir paragraphe 28, points 1 à 7 et 18 à 19, ci-dessus)."

3578. Lafarge (T-43-95) et Titan (T-64-95) présentent une argumentation au fond visant à l'annulation de l'article 4, paragraphe 4, sous e), de la décision attaquée. Elles reprochent, en outre, à la Commission d'avoir violé leurs droits de la défense à l'occasion de la constatation de l'infraction en cause, en ne leur accordant pas au cours de la procédure administrative l'accès à l'intégralité de la CG et de son dossier d'instruction, les privant ainsi de prétendus éléments à leur décharge.

3579. Sur le fond, Lafarge reproche tout d'abord à la Commission d'avoir ignoré les spécificités du commerce international du ciment et du clinker lorsqu'elle a analysé les opérations visées au paragraphe 28, point 18, de la décision attaquée. Il aurait existé une disproportion manifeste entre les débouchés offerts par les marchés destinataires des achats en question et les excédents que les producteurs grecs de ciment cherchaient à écouler à cette époque. La Commission aurait également méconnu la différence entre le ciment et le clinker.

3580. Ensuite, Lafarge et Titan, outre, en ce qui concerne cette dernière, son argumentation générale exposée ci- dessus aux points 3461 à 3464, affirment que les différents achats susvisés s'inscrivaient dans la ligne de leurs relations commerciales antérieures et qu'ils étaient guidés exclusivement par des motifs licites.

3581. En ce qui concerne, premièrement, les achats visés au paragraphe 28, point 18, deuxième alinéa, de la décision attaquée (voir ci-dessus point 3573), il convient de relever les indications suivantes du compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986 (décision attaquée, paragraphe 28, point 3): "Lafarge a acheté une cargaison de Titan pour Montréal et une deuxième cargaison sera prise en septembre."

3582. Dans la note interne de Blue Circle du début du mois de septembre 1986 (voir ci-dessus point 3468), il est indiqué: "Dans les semaines passées, Blue Circle, Holderbank et Lafarge ont tou[tes] commencé à absorber du ciment et du clinker grecs, en premier lieu de Titan, pour les opérations aux Etats-Unis et au Canada en tant que geste de bonne volonté afin de laisser la porte ouverte vis-à-vis des Grecs."

3583. Bien que les documents de Lafarge mentionnés au paragraphe 28, point 18, deuxième alinéa, n'indiquent pas que les commandes de clinker grec dont ils font état ont été passées auprès de Titan, la Commission était fondée, compte tenu de la coïncidence chronologique et de l'identité des destinations concernées, à rapprocher lesdites commandes des indications figurant dans le compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986. Un tel rapprochement amène à considérer que les opérations en question procédaient de la contribution de Lafarge aux mesures persuasives préconisées dans le document de Zurich/Céligny pour absorber les "quantités provenant de l'industrie qui 'déstabilis[ait] le marché" (décision attaquée, paragraphe 28, point 1; document n° 33.126/18775), mesures dont l'examen avait été confié à l'ETF (voir ci-dessus point 2538).

3584. Cependant, la décision attaquée ne contient aucun élément démontrant que, en échange de ces commandes, Titan ait promis à Lafarge de cesser ou de réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3585. Ces achats ont donc simplement constitué un "geste de bonne volonté" de Lafarge à l'égard de Titan, destiné à l'inciter à rechercher avec les producteurs européens une solution au problème posé par les importations en Europe occidentale de ciment en provenance de Grèce.

3586. En ce qui concerne, deuxièmement, les contrats visés au paragraphe 28, point 18, troisième et quatrième alinéas, de la décision attaquée (voir ci-dessus points 3574 et 3575), les documents relatifs à ces contrats ne démontrent pas que, en échange de ceux-ci, Titan se soit engagée à l'égard de Lafarge à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3587. Quant au rapprochement allégué par la Commission entre les quantités concernées par ces contrats et "l'affirmation de Lafarge et d'autres producteurs de vouloir acheter un million de tonnes et plus et même 2 à 3 millions de tonnes aux producteurs grecs" (paragraphe 28, point 18, cinquième alinéa), il ne permet pas, eu égard à l'analyse des pièces visées au paragraphe 28, points 1 à 6, qui a été opérée ci-dessus aux points 3531 à 3535, de conclure au caractère infractionnel desdits contrats.

3588. Au paragraphe 28, point 19, troisième alinéa, de la décision attaquée, la Commission invoque encore le fait que le contrat du 20 octobre 1988, dans lequel a été incorporé celui du 3 juin de la même année (même paragraphe, point 18, quatrième alinéa), a été évoqué à la réunion de l'EPC du 20 octobre 1988, ainsi que l'indiquerait le compte rendu de cette réunion rédigé par Ciments français (documents n° 33.126/18179 et 18180).

3589. Il convient de relever les indications suivantes de ce dernier compte rendu:

"Lafarge a deux négociations en cours avec les Grecs, très difficiles en raison de leurs moeurs tatillonnes.

[...]

[...] la négociation avec Titan est plus difficile, Lafarge cherche à intégrer son contrat avec le contrat de troc des avions Dassault, qui leur permettrait de bénéficier d'une commission (?) de 3 %.

Beaucoup de discussions bilatérales de M. Liduena avec les Grecs bien sûr, mais aussi avec Hispacement."

3590. Les parties ne contestent pas que la "négociation avec Titan", dont Lafarge a fait état lors de cette réunion, avait trait au contrat qu'elles ont conclu le 20 octobre 1988, soit le jour même de ladite réunion. Ce contrat fut d'ailleurs signé à Barcelone, soit dans la ville même où s'est tenue la réunion de l'EPC en question.

3591. Toutefois, l'extrait du compte rendu susvisé de la réunion ne contient aucune indication donnant à penser que, en échange dudit contrat, Titan se soit engagée à l'égard de Lafarge à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3592. La Commission (mémoires en défense et en duplique dans l'affaire T-64-95) invoque encore deux éléments en vue de démontrer que Titan a commis une infraction en participant aux opérations visées au paragraphe 28, notamment point 18, de la décision attaquée.

3593. Elle se fonde, en premier lieu, sur le contenu du document de Zurich/Céligny (voir ci-dessus point 3500).

3594. Pour les motifs énoncés ci-dessus au point 3501, ce document ne saurait cependant constituer la preuve que les opérations visées au paragraphe 28, point 18, aient été l'expression d'un accord illicite entre Lafarge et Titan.

3595. La Commission fait valoir, en deuxième lieu, que Titan a été activement impliquée dans la recherche de solutions susceptibles de garantir, dans l'intérêt de l'ensemble des parties concernées, la stabilité des marchés communautaires. Elle s'appuie sur les différentes pièces visées au paragraphe 28, points 1 à 9, de la décision attaquée.

3596. De fait, plusieurs de ces pièces attestent la participation de Titan à des discussions avec des producteurs européens de ciment en vue de trouver une solution au problème lié aux importations en Europe occidentale de ciment en provenance de Grèce.

3597. Toutefois, ainsi que cela a déjà été constaté à différentes reprises (voir, notamment, ci-dessus point 3507), ces discussions n'ont jamais abouti. En toute hypothèse, aucune des pièces mentionnées au paragraphe 28, points 1 à 9, de la décision attaquée ne démontre que, en échange des opérations visées au paragraphe 28, point 18, Titan se soit engagée vis-à-vis de Lafarge à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3598. Au vu des éléments qui précèdent (points 3439 à 3450 et 3581 à 3597), il y a lieu de conclure que la Commission n'a pas établi que les achats et les contrats entre Lafarge et Titan visés au paragraphe 28, point 18, de la décision attaquée étaient l'expression d'un accord anticoncurrentiel entre ces parties ayant visé à déplacer des quantités de clinker produites par Titan vers le Canada et à éviter des ventes directes de Titan sur les marchés européens. 3

3599. Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 4, sous e), de la décision attaquée doit être annulé.

3600. Par suite, il n'y a plus lieu d'examiner les observations que Lafarge (mémoire du 28 janvier 1998) et Titan (mémoires des 10 février et 18 décembre 1997) ont présentées à la suite des mesures d'organisation de la procédure mentionnées ci-dessus aux points 164 et 168, en vue de démontrer l'existence d'une violation de leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative en relation avec la constatation de l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 4, sous e), de la décision attaquée.

5. Accord entre Lafarge et Heracles visé à l'article 4, paragraphe 4, sous f), de la décision attaquée

3601. Aux termes de l'article 4, paragraphe 4, sous f), de la décision attaquée, Lafarge et Heracles ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, "du 1er juin 1988 au 15 juin 1991, en participant à un accord visant à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Heracles hors Europe et à éviter des ventes directes de ces produits de la part d'Heracles sur les marchés européens".

3602. Les développements consacrés à cette infraction sont contenus, dans l'exposé des faits, au paragraphe 28, point 19, et, dans l'appréciation juridique, au paragraphe 56, points 10 et 11, de la décision attaquée.

3603. Au paragraphe 28, point 19, premier alinéa, la Commission constate:

"Le 17 juin 1988, un contrat, valable du 1er juin 1988 au 15 juin 1991, a été signé entre Lafarge Overseas America et Heracles (documents n° 33.126/14454 à 14469). Ce contrat porte sur la livraison, pour chaque année contractuelle, de 500 000 tonnes de clinker et de ciment. Le clinker peut être destiné hors de France, une partie du ciment peut être exportée dans les pays indiqués à l'addendum n° 2 et, en ce qui concerne l'Europe, en France, au Portugal, en Scandinavie, en Turquie, la plus grande partie du ciment devant avoir la France pour destination. Le prix du clinker et du ciment destinés à la France varient en fonction des modifications de prix du ciment en France (documents n° 33.126/14446 à 14453)."

3604. Elle rapproche (deuxième alinéa) les quantités visées par ce contrat de "l'affirmation de Lafarge et d'autres producteurs de vouloir acheter un million de tonnes et plus et même 2 à 3 millions de tonnes aux producteurs grecs".

3605. Au paragraphe 56, points 10 et 11, elle conclut:

"Le contrat entre Lafarge et Heracles du 17 juin 1988 (voir paragraphe 28, point 19, ci-dessus) constitue l'expression d'un accord entre ces entreprises contraire à l'article 85, paragraphe 1, du 1er juin 1988 au 15 juin 1991.

En effet, le but de [ce] contra[t] était d'éviter des ventes directes des deux producteurs grecs sur les marchés européens et de déplacer une partie des quantités concernées vers d'autres marchés, et ceci était connu des parties en cause (voir paragraphe 28, points 1 à 7 et 18 à 19, ci-dessus)."

3606. Lafarge (T-43-95) et Heracles (T-57-95) présentent une argumentation au fond visant à l'annulation de l'article 4, paragraphe 4, sous f), de la décision attaquée. Lafarge reproche en outre à la Commission d'avoir violé ses droits de la défense à l'occasion de la constatation de l'infraction en cause, en ne lui accordant pas au cours de la procédure administrative l'accès à l'intégralité de la CG et de son dossier d'instruction, la privant ainsi de prétendus éléments à sa décharge.

3607. Sur le fond, Lafarge avance un argument analogue à celui exposé ci-dessus au point 3579. Heracles reproche aussi à la Commission d'avoir méconnu, lors de l'examen du contrat en question, la distinction, qu'elle reconnaît pourtant dans la décision attaquée, entre les marchés du ciment et du clinker.

3608. Lafarge et Heracles, outre, en ce qui concerne cette dernière, son argumentation générale exposée ci-dessus au point 3554, affirment ensuite que leur contrat du 17 juin 1988 s'inscrivait dans le cadre de leurs rapports commerciaux antérieurs, et qu'il était guidé exclusivement par des motifs licites. Ce contrat n'aurait eu ni objet ni effet anticoncurrentiels.

3609. A cet égard, il convient de relever que les documents relatifs à ce contrat ne démontrent pas que, en échange de celui-ci, Heracles se soit engagée à l'égard de Lafarge à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3610. Quant au rapprochement allégué par la Commission entre les quantités concernées par ce contrat et "l'affirmation de Lafarge et d'autres producteurs de vouloir acheter un million de tonnes et plus et même 2 à 3 millions de tonnes aux producteurs grecs" (paragraphe 28, point 19, deuxième alinéa), il ne saurait, eu égard à l'analyse des pièces visées au paragraphe 28, points 1 à 6, qui a été opérée ci-dessus aux points 3531 à 3535, permettre de conclure au caractère infractionnel dudit contrat.

3611. Au paragraphe 28, point 19, troisième alinéa, de la décision attaquée, la Commission invoque encore le fait que ce contrat a été évoqué à la réunion de l'EPC du 20 octobre 1988, ainsi que l'indiquerait le compte rendu de cette réunion rédigé par Ciments français (documents n° 33.126/18179 et 18180).

3612. Il convient de relever les indications suivantes de ce dernier compte rendu:

"Lafarge a deux négociations en cours avec les Grecs, très difficiles en raison de leurs moeurs tatillonnes.

La négociation Heracles semble bouclée (Lafarge doit leur fournir un plan de livraison le mois prochain, quand leurs budgets 1989 seront établis).

[...]

Beaucoup de discussions bilatérales de M. Liduena avec les Grecs bien sûr, mais aussi avec Hispacement."

3613. Même à supposer fondé le rapprochement opéré par la Commission entre le contrat conclu le 17 juin 1988 entre Heracles et Lafarge et les indications fournies par Lafarge à la réunion de l'EPC du 20 octobre 1988 sur ses négociations avec Heracles, force est de constater que l'extrait susvisé du compte rendu de cette réunion établi par Ciments français ne contient aucune indication donnant à penser que, en échange du contrat du 17 juin 1988, Heracles se soit engagée à l'égard de Lafarge à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3614. La Commission (mémoire en défense dans l'affaire T-43-95) souligne encore que ce contrat prévoyait l'évolution du prix d'achat en fonction de la fluctuation des prix du ciment et du clinker sur le marché français. Cette clause démontrerait que les achats visés par ce contrat étaient destinés à éviter la concurrence des producteurs grecs sur le marché communautaire.

3615. Toutefois, quel qu'ait été le but d'une telle clause, il n'existe aucune preuve d'une promesse d'Heracles à Lafarge de cesser ou de réduire ses ventes directes sur les marchés européens, en contrepartie du contrat en question.

3616. Au vu des éléments qui précèdent (points 3439 à 3450 et 3609 à 3615), il y a lieu de conclure que la Commission n'a pas établi que le contrat du 17 juin 1988 entre Lafarge et Heracles était l'expression d'un accord anticoncurrentiel entre ces parties ayant visé à déplacer des quantités produites par Heracles en dehors des marchés européens et à éviter des ventes directes des produits de cette dernière entreprise sur lesdits marchés.

3617. Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 4, sous f), de la décision attaquée doit être annulé.

3618. Par suite, il n'y a plus lieu d'examiner les observations que Lafarge (mémoire du 28 janvier 1998) a présentées à la suite des mesures d'organisation de la procédure mentionnées ci-dessus aux points 164 et 168, en vue de démontrer l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative en relation avec la constatation de l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 4, sous f), de la décision attaquée.

6. Pratique concertée entre CBR, Heracles et Titan visée à l'article 4, paragraphe 4, sous g), de la décision attaquée

3619. Aux termes de l'article 4, paragraphe 4, sous g), de la décision attaquée, CBR, Heracles et Titan ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, "du 4 mai 1988 au 31 décembre 1990, en participant à une pratique concertée relative à des livraisons, à travers Umar, de clinker destiné aux sociétés CBR et ENCI en Belgique et aux Pays-Bas et visant à éviter des ventes directes des deux producteurs grecs sur les marchés européens".

3620. Les développements consacrés à cette infraction sont contenus, dans l'exposé des faits, au paragraphe 28, points 20 et 21, et, dans l'appréciation juridique, au paragraphe 56, point 12, de la décision attaquée.

3621. Au paragraphe 28, point 20, deuxième alinéa, de la décision attaquée, la Commission rappelle que "les 19 mai [...] et 20 août 1988, Umar et Pays-Bas Cement Co. ont souscrit avec, respectivement, Heracles et Titan, des contrats portant sur la livraison de clinker, dont au moins la moitié [devait] être destinée au Benelux".

3622. Elle constate ensuite (troisième alinéa):

"Le 15 juillet 1988, Umar et CBR ont conclu un contrat concernant les conditions générales de cession de clinker grec (documents n° 33.126/18117 à 18121). Par télex des 13 septembre 1988, 27 janvier 1989 et 24 mars 1989, CBR a passé à Umar des commandes de 25 000 tonnes de clinker chacune (documents n° 33.126/18122 à 18124). Les contrats de transport maritime pour l'exécution de trois commandes indiquent comme destinataire CBR et comme fournisseur-expéditeur Titan (documents n° 33.126/18125 à 18127)."

3623. Enfin, elle reproduit (quatrième alinéa) l'extrait suivant du compte rendu manuscrit de la réunion du comité de direction de CBR du 4 mai 1988, relatif à la conclusion du contrat de cession visé au point précédent (documents n° 33.126/7632 et 7633):

"Préférant au Benelux les importations de clinker à celles de ciment parce qu'elles ne confèrent aucune possibilité d'influence sur le marché, M. Celis, avec l'accord de la CEE, a conclu un accord d'importation de clinker en provenance de la Grèce. Ce clinker sera utilisé dans les salles de mouture des Pays-Bas et en Belgique. Par l'intermédiaire de la société madrilène [U]mar (société de trading international), M. Celis va établir un contrat portant sur l'importation de clinker grec, moyennant que la Grèce limite les exportations de ciment vers le Benelux. La durée de ce contrat est fixée à deux ans et portera sur 280 000 tonnes, soit 1,65 % de notre consommation. Le prix d'achat fob Grèce est de 29,5 USD auquel s'ajoutent les frais de transport et de déchargement. Le président remercie M. Celis pour avoir négocié brillamment ce contrat et avoir abouti à un résultat très positif."

3624. Au paragraphe 56, point 12, elle conclut:

"Le contrat entre Umar et CBR du 15 juillet 1988 (voir paragraphe 28, points 20 à 21, ci-dessus), étant une exécution indirecte d'une pratique concertée entre CBR, Heracles et Titan sur la limitation des ventes de ces producteurs grecs au Benelux en contrepartie d'achats de la part de CBR, constitue une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du 4 mai 1988 au 31 décembre 1990.

En effet, le but de ce contrat était d'éviter des ventes directes des deux producteurs grecs sur les marchés du Benelux, et ceci était connu des parties en cause (voir paragraphe 28, points 1 à 7, 16 à 17 et 20 à 21, ci-dessus)."

3625. Bien que la prétendue entente entre CBR, Heracles et Titan soit qualifiée de pratique concertée, il ressort donc de ce dernier extrait de la décision attaquée que la Commission reproche aux parties concernées d'avoir poursuivi, à travers l'entente alléguée, un but analogue à celui des accords visés à l'article 4, paragraphe 4, sous b) à f) et sous h), de la décision attaquée, à savoir éviter des ventes directes des producteurs grecs sur les marchés européens.

3626. Les trois parties requérantes concernées présentent une argumentation au fond tendant à l'annulation de l'article 4, paragraphe 4, sous g), de la décision attaquée. CBR et Titan reprochent en outre à la Commission d'avoir violé leurs droits de la défense à l'occasion de la constatation de l'infraction en cause, en ne leur accordant pas au cours de la procédure administrative l'accès à l'intégralité de la CG et de son dossier d'instruction, les privant ainsi de prétendus éléments à leur décharge.

3627. Sur le fond, CBR (T-25-95), Heracles (T-57-95) et Titan (T-64-95) contestent que les opérations visées au paragraphe 28, point 20, de la décision attaquée soient constitutives d'une infraction.

3628. CBR affirme que les achats de clinker grec qu'elle a réalisés auprès d'Umar en exécution de leur accord du 15 juillet 1988 répondaient à un besoin réel. Ainsi que cela ressortirait du procès-verbal officiel de la réunion de son comité de direction du 4 mai 1988 (décision attaquée, paragraphe 28, point 21; documents n° 33.126/7629 à 7631), elle devait faire face à l'époque à une croissance inattendue de la consommation de ciment sur son marché naturel. Elle invoque également son souci d'honorer les contrats d'exportation de clinker qu'elle avait conclus au début de l'année 1988 avec Scancem. Enfin, elle explique les raisons de la différence entre les estimations de la Commission et les siennes quant au niveau de l'accroissement de ses livraisons de ciment en 1988 (voir décision attaquée, paragraphe 28, point 21, dernier alinéa). Elle se justifie aussi sur la base de comparaison (année 1985) qu'elle a retenue dans son mémoire en réponse à la CG pour illustrer l'augmentation de ses livraisons de ciment et de clinker durant la période comprise entre 1988 et 1990.

3629. Elle soutient que le compte rendu manuscrit visé au paragraphe 28, point 20, de la décision attaquée a été établi par l'une de ses secrétaires. Ce compte rendu contiendrait des erreurs manifestes que la Commission ne contesterait pas et qui le priveraient de toute valeur probante.

3630. Heracles, outre l'argumentation générale exposée ci-dessus au point 3554, insiste sur le caractère licite du contrat qu'elle a conclu avec Umar le 19 mai 1988. Elle conteste le rapprochement opéré au paragraphe 28, points 20 et 21, de la décision attaquée entre ce contrat et le contrat de cession de clinker conclu par CBR et Umar le 15 juillet 1988. Elle précise encore qu'Umar était une société de commerce international de clinker et de ciment et qu'il relevait dès lors uniquement de son appréciation de vendre les quantités de ciment et de clinker en cause à qui elle le souhaitait. Heracles n'aurait pas été impliquée dans cette opération. La Commission n'aurait d'ailleurs pas démontré une telle implication.

3631. Titan, outre l'argumentation générale exposée ci-dessus aux points 3461 à 3464, rappelle que le contrat qu'elle a conclu le 20 août 1988 avec Pays-Bas Cement Co. s'inscrivait dans le cadre de ses activités commerciales normales. Elle prétend que la décision prise en toute indépendance par Umar de livrer du clinker à CBR ne saurait être imputée à l'existence d'une entente entre Titan et CBR. Elle souligne encore que, si CBR a pu avoir l'impression d'exécuter une promesse faite aux membres de l'ETF en achetant du clinker en provenance de Titan auprès d'Umar, elle n'a pas eu connaissance d'une telle promesse.

3632. Il convient de rappeler que le compte rendu manuscrit susvisé de la réunion du comité de direction de CBR du 4 mai 1988 énonce que, "[p]ar l'intermédiaire de la société [...] [U]mar [...], M. Celis va établir un contrat portant sur l'importation de clinker grec, moyennant que la Grèce limite ses exportations de ciment vers le Benelux".

3633. D'après ces indications, CBR entendait subordonner la conclusion du contrat en question à l'engagement des producteurs grecs de limiter leurs ventes directes de ciment sur les marchés du Benelux. De telles indications ne prouvent cependant pas que CBR ait, en définitive, effectivement obtenu une promesse en ce sens des producteurs grecs, en particulier d'Heracles et de Titan.

3634. Il est constant que, à cette époque, CBR a été confrontée à une hausse de la consommation sur son marché naturel. L'opinion des parties diverge uniquement sur l'ampleur de cette augmentation (voir décision attaquée, paragraphe 28, point 21, avant-dernier et dernier alinéas). Dans ces conditions, CBR a pu conclure le 15 juillet 1988 son contrat d'importation avec Umar, bien qu'elle ne fût pas parvenue à obtenir l'engagement des producteurs grecs de limiter à l'avenir leurs ventes directes de ciment sur les marchés du Benelux.

3635. Au paragraphe 28, point 21, avant-dernier alinéa, de la décision attaquée, la Commission se réfère à l'extrait du mémoire en réponse de CBR à la CG dans lequel cette entreprise affirme que, "en achetant du clinker auprès des producteurs grecs, [elle] espérait réduire l'intérêt que pouvait avoir pour ceux-ci l'importation de ciment en Belgique". Au cours de la procédure écrite et orale, la Commission a par ailleurs souligné que le contrat d'importation conclu par CBR était le genre de mesures persuasives préconisées par l'ETF, à laquelle CBR a participé, pour éviter la déstabilisation des marchés européens.

3636. Toutefois, de tels éléments ne prouvent pas qu'Heracles et Titan aient promis de réduire leurs ventes directes de ciment sur les marchés du Benelux, en contrepartie du contrat d'importation conclu entre CBR et Umar en juillet 1988.

3637. Au paragraphe 28, point 20, de la décision attaquée, la Commission relie le contrat d'importation de clinker en provenance de Grèce, conclu le 15 juillet 1988 par CBR et Umar, aux contrats conclus respectivement le 19 mai 1988 entre Umar et Heracles et le 20 août 1988 entre Pays-Bas Cement Co. et Titan, contrats qui prévoyaient qu'au moins la moitié des quantités concernées était destinée aux marchés du Benelux. A l'audience dans l'affaire T-25-95, la Commission a particulièrement souligné que ces deux derniers contrats impliquaient des filiales de Holderbank, l'une des entreprises principalement responsables de l'ETF et de ses activités.

3638. Cependant, à supposer même que le rapprochement opéré par la Commission entre ces différents contrats soit fondé, les documents relatifs à ces contrats ne comportent aucune indication donnant à penser que, en échange desdits contrats, Heracles et Titan se soient engagées, comme l'entendait CBR, à limiter leurs ventes directes de ciment sur les marchés du Benelux. 3639.

A l'audience dans l'affaire T-25-95, la Commission a relevé que tant le compte rendu manuscrit que le procès- verbal officiel de la réunion du comité de direction de CBR du 4 mai 1988 font état de remerciements du président de CBR à l'adresse de M. Celis pour le "résultat positif" de sa négociation dans cette affaire.

3640. Toutefois, aucun élément ne permet de considérer que le président de CBR a entendu par là remercier M. Celis pour avoir obtenu l'engagement d'Heracles et de Titan de limiter leurs ventes directes de ciment sur les marchés du Benelux, en contrepartie du contrat d'importation qu'il s'apprêtait à conclure avec Umar. Au contraire, le compte rendu manuscrit de la réunion (voir ci-dessus point 3632) indique qu'un tel engagement devait encore être obtenu. Le "résultat positif" en question a pu correspondre au prix d'achat négocié par M. Celis avec Umar ou encore au fait que son choix pour des importations de clinker plutôt que de ciment avait permis d'écarter la "possibilité d'[une] influence [des producteurs grecs] sur le marché" (même document).

3641. La Commission (mémoires en défense et en duplique dans l'affaire T-64-95) se fonde sur le contenu du document de Zurich/Céligny pour établir la participation de Titan à la pratique concertée visée à l'article 4, paragraphe 4, sous g), de la décision attaquée (voir ci-dessus point 3500).

3642. Pour les motifs énoncés ci-dessus au point 3501, ce document ne saurait cependant constituer la preuve que les opérations visées au paragraphe 28, point 20, aient été l'expression d'une pratique concertée illicite entre CBR, Heracles et Titan.

3643. Au cours de la procédure écrite dans les affaires T-57-95 et T-64-95, la Commission a encore fait valoir qu'Heracles et Titan avaient été impliquées dans des discussions ayant visé à résoudre, dans l'intérêt de toutes les parties concernées, le problème posé par les importations de ciment en provenance de Grèce.

3644. Toutefois, ainsi que cela a été constaté à différentes reprises (voir, notamment, ci-dessus point 3507), ces discussions n'ont jamais abouti. De toute manière, aucune des pièces de la décision attaquée se rapportant à celles-ci ne démontre que, en échange des opérations visées au paragraphe 28, point 20, Heracles et Titan se soient engagées à l'égard de CBR à cesser ou à réduire leurs ventes directes en Europe, particulièrement sur les marchés du Benelux.

3645. Au vu des éléments qui précèdent (points 3439 à 3450 et 3632 à 3644), il y a lieu de conclure que la Commission n'a pas établi l'existence d'une pratique concertée anticoncurrentielle entre CBR, Heracles et Titan, ayant visé à éviter des ventes directes des deux producteurs grecs sur les marchés européens.

3646. Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 4, sous g), de la décision attaquée doit être annulé.

3647. Par suite, il n'y a plus lieu d'examiner les observations que CBR (mémoire du 12 novembre 1997) et Titan (mémoires des 10 février et 18 décembre 1997) ont présentées à la suite des mesures d'organisation de la procédure mentionnées ci-dessus aux points 164 et 168, en vue de démontrer l'existence d'une violation de leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative en relation avec la constatation de l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 4, sous g), de la décision attaquée.

7. Accord entre Aker, Euroc et Titan visé à l'article 4, paragraphe 4, sous h), de la décision attaquée

3648. Aux termes de l'article 4, paragraphe 4, sous h), de la décision attaquée, Aker, Euroc et Titan ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, "du 28 janvier 1987 au 31 décembre 1990, en participant à un accord visant à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Titan vers l'Afrique, les Etats-Unis et les Bahamas et à éviter des ventes directes de ces produits de la part de Titan sur les marchés européens".

3649. Les développements consacrés à cette infraction sont contenus, dans l'exposé des faits, au paragraphe 28, point 22, et, dans l'appréciation juridique, au paragraphe 56, point 13, de la décision attaquée.

3650. Au paragraphe 28, point 22, premier alinéa, la Commission relève:

"Le document préparé par le groupe de travail à Zurich et Céligny (voir point 1 ci-dessus) mentionne Cementa/Norcem parmi les sociétés qui pourraient participer à l'absorption de ciment grec. La note interne de Blue Circle du 4 septembre 1986 (documents n° 33.126/11026 et 11027) affirme que Norcem/Cementa (appartenant au même groupe Aker/Euroc que Scancem) sont parmi les sociétés qui doivent participer à l'absorption de produits grecs. Le groupe Aker/Euroc a été représenté à deux réunions des [c]hefs de délégation et à des réunions de l'ETF [voir paragraphe 25, sous c), g), i), l), o)]."

3651. Elle constate ensuite (deuxième alinéa) que Titan et Scancem ont signé les contrats suivants:

" le 28 janvier 1987 (documents n° 33.126/19621 à 19629), [un contrat] portant sur la livraison, du 1er février au 31 décembre 1987, de 125 000 tonnes de clinker pour le Ghana, le Liberia et le Togo;

le 7 octobre 1987, [un contrat] modifié plusieurs fois par des avenants dont le dernier date du 17 novembre 1989 (documents n° 33.126/19585 à 19620), portant sur la livraison, du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1990, de 650 000 tonnes de ciment destiné aux Etats-Unis et aux Bahamas;

le 15 octobre 1987, [un contrat] modifié plusieurs fois par des avenants dont le dernier date du 15 mars 1990 (documents n° 33.126/19631 à 19656), portant sur la livraison, du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1990, de 300 000 tonnes de clinker destiné au Ghana, au Liberia et au Togo".

3652. Elle rapproche (troisième alinéa) les quantités visées par ces différents contrats de "la volonté des producteurs européens d'absorber 2 à 3 millions de tonnes de produits dans le but de freiner les exportations grecques en Europe (voir documents mentionnés aux points 1 à 6 ci-dessus)".

3653. Au paragraphe 56, point 13, elle conclut:

"Les contrats entre Titan et Scancem (Aker/Euroc) des 28 janvier 1987, 7 octobre 1987, 15 octobre 1987 et leurs avenants (voir paragraphe 28, point 22, ci-dessus) constituent l'expression d'un accord entre ces entreprises contraire à l'article 85, paragraphe 1, du 28 janvier 1987 au 31 décembre 1990.

En effet, le but de ces contrats était de déplacer les quantités concernées vers des marchés autres que les marchés européens, et ceci était connu des deux parties (voir paragraphe 28, points 1 à 7 et 22, ci-dessus)."

3654. Titan (T-64-95), Aker (T-70-95) et Euroc (T-71-95) présentent une argumentation au fond visant à l'annulation de l'article 4, paragraphe 4, sous h), de la décision attaquée. Elles reprochent en outre à la Commission d'avoir violé leurs droits de la défense à l'occasion de la constatation de l'infraction en cause, en ne leur accordant pas au cours de la procédure administrative l'accès à l'intégralité de la CG et de son dossier d'instruction, les privant ainsi de prétendus éléments à leur décharge.

3655. Sur le fond, Titan, outre l'argumentation générale exposée ci-dessus aux points 3461 à 3464, Aker et Euroc affirment que les contrats visés au paragraphe 28, point 22, de la décision attaquée s'inscrivaient dans le cadre des activités commerciales normales de Scancem et de Titan. Ces contrats auraient été dépourvus de finalité anticoncurrentielle.

3656. Titan souligne que ses livraisons à Scancem à destination du Ghana, du Liberia et du Togo se justifiaient par la recherche de débouchés pour le clinker produit par son usine de Thessalonique et que ses livraisons vers les Etats-Unis s'expliquaient par les opportunités particulières de ce marché. Elle ajoute que Scancem était l'un des principaux négociants de ciment et de clinker au monde et, partant, un acheteur particulièrement indiqué.

3657. De leur côté, Aker et Euroc font valoir que les achats réalisés par Scancem auprès de Titan devaient permettre à la première de satisfaire la demande croissante de ciment et de clinker pour ses opérations en dehors de l'Europe.

3658. Titan, Aker et Euroc reprochent encore à la Commission de ne pas avoir examiné le niveau des prix auxquels Scancem a acheté les produits de Titan. Elles ajoutent que ces prix étaient d'un niveau identique à celui des prix payés par Scancem dans le cadre de contrats d'achat de ciment conclus avec Heracles et Halkis, contrats qui, après avoir été visés dans la CG, n'ont pas été jugés constitutifs d'une infraction dans la décision attaquée.

3659. Il y a lieu de souligner que les documents relatifs aux contrats entre Scancem et Titan visés au paragraphe 28, point 22, de la décision attaquée ne démontrent pas que, en échange desdits contrats, Titan se soit engagée à l'égard du groupe Aker/Euroc à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3660. La Commission affirme que le document de Zurich/Céligny mentionnait Cementa/Norcem parmi les sociétés qui pourraient participer à l'absorption de ciment en provenance de Grèce. Elle invoque également la note interne de Blue Circle du 4 septembre 1986, qui identifierait Norcem et Cementa parmi les sociétés qui devaient participer à l'absorption de produits en provenance de Grèce (voir ci-dessus point 3650).

3661. Sur ce point, il convient de relever les indications suivantes du document de Zurich/Céligny (décision attaquée, paragraphe 28, point 1; document n° 33.126/18775):

"Absorption de 'quantités déstabilisantes'

Des possibilités s'offrent aux producteurs européens sur un certain nombre de marchés, s'ils prennent leurs dispositions, de placer des quantités provenant de l'industrie qui 'déstabilise' le marché.

Par exemple:

USA 1re priorité

[...]

(4) Cementa/Norcem pourrait proposer?

[...]"

3662. De son côté, la note interne de Blue Circle du 4 septembre 1986 (documents n° 33.126/11026 et 11027) indique: "Quant aux mesures persuasives, une solution basée sur l'absorption d'un million de tonnes ou plus en dehors de l'Europe par Holderbank, Lafarge, Norcem, Cementa et nous-mêmes etc. est préconisée [...]"

3663. Ces extraits de documents montrent que, au milieu de l'année 1986, Aker et Euroc s'étaient proposées, par l'intermédiaire de leurs filiales Norcem et Cementa, pour participer à l'absorption en dehors des marchés européens des excédents de production en provenance de Grèce. Ils ne prouvent cependant pas que les contrats entre Scancem et Titan visés au paragraphe 28, point 22, de la décision attaquée aient procédé d'un accord illicite entre les parties, en ce que, en échange de ces contrats, Titan aurait promis de cesser ou de réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3664. Au paragraphe 28, point 22, troisième alinéa, de la décision attaquée, la Commission cite le compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986. Celui-ci montrerait "que Scancem particip[ait] à l'absorption de produits grecs puisque l'auteur de ce compte rendu se plaint uniquement du fait que les initiatives de certains membres de l'ETF ont placé Scancem dans une position de faiblesse dans les négociations avec les producteurs grecs".

3665. Il convient de relever que ce compte rendu, rédigé par M. Ulestig (Scancem), énonce d'abord (point 4.1): "Aucun accord n'a été convenu avec les sociétés grecques. Elles n'ont même pas été en contact entre elles le dernier mois ! [...]" Il rapporte ensuite les indications données par Blue Circle, Lafarge et Holderbank à propos de leurs achats de produits d'Heracles et de Titan à destination des Etats-Unis et du Canada, concluant sur ce point: "En résumé, bien que nous n'ayons pas trouvé un accord d'enlèvement avec les Grecs, à mon avis, certains membres nous ont placés dans une position de faiblesse dans les négociations [...]"

3666. Ces indications montrent que Scancem craignait que les mesures d'absorption entreprises durant l'été 1986 par certains membres de l'ETF à l'égard d'Heracles et de Titan aient affaibli la position des producteurs européens de ciment dans leurs négociations en cours avec leurs homologues grecs en vue d'un accord global d'enlèvement de leurs excédents de production, négociations qui ont en définitive échoué en raison des vives réticences des producteurs grecs (voir ci-dessus point 3507).

3667. Elles ne démontrent pas que les contrats conclus entre Scancem et Titan les 28 janvier, 7 et 15 octobre 1987 aient été subordonnés à l'engagement de cette dernière de cesser ou de réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3668. Le caractère infractionnel de ces contrats ne saurait non plus être inféré de la circonstance que le "groupe Aker/Euroc a été représenté à deux réunions des chefs de délégation et à des réunions de l'ETF" (décision attaquée, paragraphe 28, point 22, premier alinéa). Une telle circonstance atteste tout au plus qu'Aker et Euroc ont adhéré à l'accord constitutif de l'ETF et aux mesures discutées lors de ces réunions en vue d'éliminer les importations déstabilisantes en Europe occidentale. Elle ne prouve pas en revanche que, en échange des contrats susvisés, Titan se soit engagée à l'égard d'Aker et d'Euroc à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3669. Quant au rapprochement allégué par la Commission, sur la base des pièces visées au paragraphe 28, points 1 à 6, de la décision attaquée, entre les quantités concernées par les contrats visés au paragraphe 28, point 22, deuxième alinéa, de la décision attaquée et la "volonté des producteurs européens d'absorber 2 à 3 millions de tonnes de produits dans le but de freiner les exportations grecques en Europe" (décision attaquée, paragraphe 28, point 22, troisième alinéa), il ne saurait, eu égard à l'analyse des pièces susvisées opérée ci-dessus aux points 3531 à 3535, permettre de conclure au caractère infractionnel de ces contrats.

3670. La Commission (mémoires en défense et en duplique dans l'affaire T-64-95) invoque encore deux éléments en vue de démontrer que Titan a commis une infraction en participant aux opérations visées au paragraphe 28, notamment point 22, de la décision attaquée.

3671. Elle se fonde, en premier lieu, sur le contenu du document de Zurich/Céligny (voir ci-dessus point 3500).

3672. Pour les motifs énoncés ci-dessus aux points 3501 et 3663, ce document ne saurait cependant constituer la preuve que les contrats visés au paragraphe 28, point 22, étaient l'expression d'un accord illicite entre Aker et Euroc, d'une part, et Titan, d'autre part.

3673. La Commission fait valoir, en deuxième lieu, que Titan a été activement impliquée dans la recherche de solutions susceptibles de garantir, dans l'intérêt de l'ensemble des parties concernées, la stabilité des marchés communautaires. Elle s'appuie sur les différentes pièces visées au paragraphe 28, points 1 à 9, de la décision attaquée.

3674. Toutefois, ainsi que cela a déjà été constaté à différentes reprises (voir notamment ci-dessus point 3507), ces discussions n'ont jamais abouti. En toute hypothèse, aucune des pièces mentionnées au paragraphe 28, points 1 à 9, de la décision attaquée ne démontre que, en échange des contrats visés au paragraphe 28, point 22, Titan se soit engagée à cesser ou à réduire ses ventes directes sur les marchés européens.

3675. La Commission (mémoire en défense dans les affaires T-70-95 et T-71-95) invoque encore l'extrait du compte rendu de la réunion de l'EPC du 13 mai 1987, reproduit au paragraphe 24, point 3, deuxième alinéa, de la décision attaquée. Cet extrait traduirait la finalité anticoncurrentielle qui conduisit Scancem à conclure avec Titan les différents contrats visés au paragraphe 28, point 22.

3676. Toutefois, l'extrait en question illustre tout au plus l'inquiétude persistante de Scancem à l'égard des importations en provenance de Grèce, et son souci de voir maintenir une pression commune à l'égard des producteurs grecs. Il ne prouve pas que les contrats susvisés aient été l'expression d'un concours de volontés anticoncurrentiel entre Aker et Euroc, d'une part, et Titan, d'autre part.

3677. Au vu des éléments qui précèdent (points 3439 à 3450 et 3659 à 3676), il y a lieu de conclure que la Commission n'a pas établi que les contrats en question étaient l'expression d'un accord anticoncurrentiel entre Aker et Euroc, d'une part, et Titan, d'autre part, ayant visé à déplacer des quantités de ciment et de clinker produites par Titan vers l'Afrique, les Etats-Unis et les Bahamas et à éviter des ventes directes de ces produits par Titan sur les marchés européens.

3678. Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 4, sous h), de la décision attaquée doit être annulé.

3679. Par suite, il n'y a plus lieu d'examiner les observations que Titan (mémoires des 10 février et 18 décembre 1997), Aker et Euroc (mémoires du 10 février 1997) ont présentées à la suite des mesures d'organisation de la procédure mentionnées ci-dessus aux points 164 et 168 en vue de démontrer l'existence d'une violation de leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative en relation avec la constatation de l'infraction retenue à l'article 4, paragraphe 4, sous h), de la décision attaquée.

Qualification d'accord unique et continu des accords et pratiques concertées visés à l'article 4 de la décision attaquée

3680. Au paragraphe 53 de la décision attaquée, la Commission estime que les accords et pratiques décrits au chapitre 5, consacré à la "Cembureau Task Force" ou "European Task Force", ont procédé d'un "accord unique et continu".

3681. Elle affirme (même paragraphe, points 2 et 3):

"Dans le cadre de l''accord unique et continu relatif au respect des marchés domestiques, Cembureau et les entreprises qui seront nommément désignées ont convenu un 'accord [...] unique et continu dont les éléments sont constitués par l'ensemble des mesures adoptées au cours des réunions qui se sont déroulées du 28 mai 1986 à fin mai 1987.

Le concours de volonté de chaque participant a été exprimé au cours de différentes réunions et, en particulier, au cours des réunions des chefs de délégation de même qu'à travers la participation aux différentes actions entreprises.

Cet accord présente les caractéristiques suivantes: 1) une task-force, constituée par accord commun des participants à l'infraction, a étudié et préparé les différentes mesures dissuasives, persuasives et de réglementation des marchés (voir paragraphe 25, points 2 à 6, ci-dessus); 2) ces mesures ont été soumises aux décisions des chefs de délégation qui en ont adopté un certain nombre (voir paragraphe 25, points 10, 24 à 32 et 40 à 41, ci- dessus); 3) ces mesures ont été ensuite appliquées par les différents participants à la task-force (voir paragraphes 26 à 28 ci-dessus)."

3682. Elle conclut (même paragraphe, point 9) à l'existence d'un "accord unique et continu concernant la constitution de la Cembureau Task Force ou European Task Force et les différentes mesures adoptées au cours des réunions pour éliminer les importations en Europe occidentale et, en particulier, pour empêcher les importations de ciment grec dans les Etats membres". Elle se réfère également (point 14) à l'"accord unique et continu relatif à [la] Cembureau Task Force ou European Task Force".

3683. Avant d'examiner les arguments soulevés sur ce point par les parties requérantes, il convient de rappeler que, si les différents comportements retenus à l'article 4 sont considérés, au paragraphe 53 de la décision attaquée, comme les éléments constitutifs d'un accord unique et continu relatif à l'ETF, la Commission ne retient pas, dans le dispositif, l'existence d'un tel accord. Comme cela a été constaté ci-dessus aux points 2507 à 2511, l'article 4, paragraphe 1, vise uniquement l'accord sur la constitution de l'ETF, et non l'accord unique et continu relatif à la constitution de l'ETF et aux mesures adoptées dans le cadre de celle-ci. La Commission appréhende en réalité de manière distincte les différents éléments prétendument constitutifs de cet accord unique et continu.

3684. La seule conséquence spécifiquement tirée par la Commission de ses conclusions quant au caractère unique et continu des comportements visés à l'article 4 de la décision attaquée figure au paragraphe 65, point 3, sous c). Lorsqu'elle résume, dans ses développements consacrés à la fixation des amendes, la manière dont les entreprises membres indirects de Cembureau visées à l'article 1er ont mis en œuvre l'accord Cembureau, elle prend en considération ces comportements, non pas de manière séparée, mais en tant qu'éléments ayant participé de l'accord unique et continu "ETF" ("[...] a participé à l'accord relatif à la Cembureau ou European Task Force") ou ayant cadré avec celui-ci ("[...] a participé, dans le cadre de Cembureau ou European Task Force"), selon le cas.

3685. CBR (T-25-95), Cembureau (T-26-95), Ciments français (T-39-95), Aalborg (T-44-95), Unicem (T-50-95), Asland (T-55-95), Uniland (T-58-95), Italcementi (T-65-95) et Cementir (T-87-95) font valoir des arguments concernant la qualification d'accord unique et continu ainsi retenue pour les comportements visés à l'article 4 de la décision attaquée.

3686. Un argument est tiré d'un défaut de concordance entre la CG et la décision attaquée. Plusieurs parties requérantes contestent l'existence d'un lien entre les différents accords et pratiques concertées visés à l'article 4 de la décision attaquée. Un certain nombre d'entre elles nient leur participation à l'accord unique et continu relatif à l'ETF ou, du moins, la durée de cette participation. Un argument est fondé sur une violation du principe d'égalité de traitement.

3687. Heracles (T-57-95) et Titan (T-64-95) présentent également des arguments visant à contester au fond leur participation à l'accord unique et continu ETF. En outre, ces deux parties requérantes ont développé, dans leurs mémoires déposés à la suite des mesures d'organisation de la procédure mentionnées ci-dessus aux points 164 et 168, des observations tendant à démontrer que l'accès incomplet au dossier de la Commission au cours de la procédure administrative a nui à l'exercice de leurs droits de la défense, dans la mesure où la Commission les aurait privées d'un accès à des éléments prétendument à leur décharge.

3688. Toutefois, les seuls comportements reprochés à Heracles et/ou à Titan "dans le cadre de Cembureau ou European Task Force" [décision attaquée, paragraphe 65, point 3, sous c), dix-septième et dix-huitième tirets] sont ceux visés à l'article 4, paragraphe 4, sous b) à h), de ladite décision attaquée. Dès lors qu'il est conclu, respectivement, aux points 3513, 3545, 3569, 3599, 3617, 3646 et 3678 ci-dessus, à l'annulation de ces dispositions, les arguments et observations de ces deux parties requérantes sont à présent sans objet.

A Sur la concordance entre la CG et la décision attaquée

3689. Aalborg affirme ne pas avoir eu l'occasion de prendre position au cours de la procédure administrative sur la qualification d'accord unique et continu attribuée par la Commission, au paragraphe 53 de la décision attaquée, aux différents accords et pratiques concertées visés à l'article 4 de celle-ci.

3690. Il convient de souligner que, au paragraphe 61, sous h), premier alinéa, de la CG, la Commission affirmait:

"Les accords et les pratiques convenus au sein de 'Cembureau Task Force or European Task Force (paragraphes 16 à 20) doivent être considérés comme l'exécution d'un dessein unique préétabli par Cembureau et [une série d'entreprises et d'associations d'entreprises, dont] Aalborg [...] contre les producteurs grecs pour avoir enfreint la règle du marché domestique. Les mesures d'ensemble ont été mises au point les 3, 4 et 5 juin 1986 et intégralement appliquées.

Ces accords et pratiques constituent des infractions caractérisées à l'article 85, paragraphe 1. En fait, ils ont pour objet de cloisonner les marchés nationaux contre et malgré l'élimination des frontières économiques et d'empêcher que les utilisateurs profitent d'offres en provenance d'un pays communautaire.

Les infractions commises par les entreprises en cause à partir de 1986 sont d'autant plus graves qu'elles ont eu une longue durée [...]"

3691. A la lecture de ces extraits, Aalborg était en mesure de comprendre que la Commission considérait que les différents accords et pratiques concertées visés au paragraphe 61, sous h), de la CG procédaient d'un accord unique et continu relatif à la "Cembureau Task Force ou European Task Force", destiné à éliminer les importations en Europe occidentale en provenance d'un pays communautaire.

3692. En toute hypothèse, l'éventuelle méprise d'Aalborg sur ce point n'a pas pu porter préjudice à ses droits de la défense. En effet, ainsi que cela a été constaté ci-dessus aux points 2506 à 2511, la Commission, tout en affirmant dans la décision attaquée que les différentes infractions retenues à l'article 4 ont participé de l'accord unique et continu relatif à l'ETF, ne vise pas ce dernier en tant que tel dans le dispositif. Elle considère de manière distincte ses différents éléments constitutifs. Aalborg a ainsi vu sa responsabilité retenue dans l'accord sur la constitution de l'ETF (article 4, paragraphe 1) et dans les pratiques concertées ayant visé à ce que Calcestruzzi ne fût plus cliente des producteurs grecs, en particulier de Titan [article 4, paragraphe 3, sous a)]. Ces deux griefs étaient clairement retenus à la charge d'Aalborg dans la CG (voir ci-dessus, respectivement, points 599 à 602 et 2519 à 2524).

3693. L'argument d'Aalborg doit donc être rejeté.

B Sur le caractère unique des infractions retenues à l'article 4 de la décision attaquée

3694. CBR, Unicem, Uniland et Italcementi contestent le caractère unique des différentes infractions retenues à l'article 4 de la décision attaquée.

3695. CBR affirme que l'ETF était un groupe de travail spécifique, qui fut créé à l'initiative de quelques entreprises du secteur du ciment et dont les tâches principales consistaient à appuyer des activités de lobbying auprès des autorités communautaires, afin de dénoncer le comportement anticoncurrentiel de la République hellénique et de rechercher d'autres solutions respectueuses du droit communautaire de la concurrence. Elle allègue que, à l'exception de la création d'Interciment, les chefs de délégation de Cembureau n'ont pris aucune décision sur la base des recommandations de l'ETF. Ceux-ci n'auraient pas non plus entériné des propositions de l'ETF.

3696. Unicem affirme qu'il ne saurait être question d'établir un lien entre les pressions exercées sur Calcestruzzi et l'ETF sur la base de l'allusion, dans le document de Zurich/Céligny, à la solidarité des producteurs européens de ciment. L'examen des documents ne révélerait pas non plus, dans les discussions qui se sont tenues au cours des réunions de l'ETF et des chefs de délégation, d'action spécifique en rapport avec le contrat conclu en avril 1986 entre Calcestruzzi et Titan. Unicem prétend encore que les conventions conclues en avril 1987 entre les producteurs italiens de ciment et Calcestruzzi/Ferruzzi ne présentent aucun lien avec l'ETF.

3697. Uniland rejette la thèse de la Commission selon laquelle Interciment a été l'instrument de l'ETF.

3698. Italcementi affirme que la Commission ne saurait déduire des documents qu'elle produit l'existence d'une volonté commune des membres de l'ETF de coordonner leurs comportements sur le marché. Elle ajoute que la Commission a établi un lien forcé et non étayé par des preuves fiables entre les contacts intervenus entre les producteurs européens de ciment pour la définition d'activités conjointes de lobbying, d'une part, et les mesures unilatérales adoptées par certains de ces producteurs, d'autre part.

3699. A cet égard, il convient de souligner que la notion d'"accord unique" ou d'"infraction unique" suppose un ensemble de comportements adoptés par différentes parties poursuivant un même but économique anticoncurrentiel (voir, notamment, arrêt Rhône-Poulenc/Commission, cité au point 1053 ci-dessus, points 125 et 126).

3700. En l'espèce, il y a donc lieu de vérifier si la Commission était fondée à conclure que les accords et pratiques concertées visés à l'article 4, paragraphes 1, 2 et 3, sous a) et sous b), de la décision attaquée procédaient d'une infraction unique. Une telle vérification est devenue sans objet quant aux comportements visés par la Commission à l'article 4, paragraphe 4, dès lors que ces derniers ne sont pas établis (voir ci-dessus points 3402 à 3679).

3701. L'accord sur la constitution de l'ETF (article 4, paragraphe 1) visait à l'examen des mesures dissuasives et persuasives susceptibles d'éliminer les importations en Europe occidentale, en premier lieu celles en provenance de Grèce (voir ci-dessus points 2537 et 2538).

3702. L'accord sur la constitution de la société commerciale commune Interciment (article 4, paragraphe 2) avait pour but de mettre en œuvre les mesures dissuasives et persuasives à l'encontre des pays qui menaçaient la stabilité des marchés des pays membres (voir ci-dessus point 2978).

3703. Les pratiques concertées retenues à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée visaient, dans une optique anticoncurrentielle, à ce que le groupe italien Calcestruzzi/Ferruzzi cessât d'être client des producteurs grecs, en particulier de Titan (voir ci-dessus point 3163).

3704. L'accord visé à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée avait pour but d'éviter, dans un esprit anticoncurrentiel, des importations par le groupe Ferruzzi/Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce (voir ci-dessus point 3356).

3705. Les différents accords et pratiques concertées susvisés étaient donc animés d'une même finalité économique anticoncurrentielle, à savoir l'élimination des importations en Europe occidentale, en particulier celles en provenance de Grèce. Cette identité objective est renforcée par la circonstance que ces différentes mesures illicites ont été adoptées ou, à tout le moins discutées, au cours de la série de réunions de, ou relatives à, l'ETF tenues entre le 28 mai 1986 et la fin du mois de mai 1987.

3706. Au vu des éléments qui précèdent, il y a lieu de conclure que la Commission était fondée à considérer que les infractions visées à l'article 4, paragraphes 1, 2 et 3, sous a) et sous b), de la décision attaquée participaient d'un accord unique relatif à l'ETF destiné à "éliminer les importations en Europe occidentale et, en particulier, [à] empêcher les importations de ciment grec dans les Etats membres" (décision attaquée, paragraphe 53, point 9).

3707. Italcementi affirme que les différents documents sur lesquels la Commission se fonde pour conclure à l'existence de l'accord unique et continu ETF sont dépourvus de valeur officielle. Ils ne seraient que le reflet de points de vue strictement personnels.

3708. Il convient de souligner que les éléments de preuve doivent être appréciés dans leur ensemble (voir arrêt ICI/Commission, 48-69, cité au point 636 ci-dessus, point 68).

3709. En l'espèce, les différents éléments avancés par la Commission pour conclure à l'existence de l'accord unique ETF correspondent pour l'essentiel à des comptes rendus de réunions tenues entre mai 1986 et mai 1987. Tous ces documents, qui émanent de différents auteurs, traduisent une convergence manifeste des objectifs illicites poursuivis par les mesures visées à l'article 4, paragraphes 1, 2 et 3, sous a) et sous b), de la décision attaquée.

3710. L'argument d'Italcementi doit, en conséquence, être rejeté.

3711. Italcementi reproche à la Commission son utilisation du document de Zurich/Céligny, dont la mise au point aurait été antérieure à la constitution de l'ETF. De plus, la décision attaquée ne préciserait pas la date et le lieu d'adoption de ce document, ni les parties qui l'auraient adopté.

3712. Sur ce point, il convient d'abord de relever qu'Italcementi ne conteste pas le contenu du document de Zurich/Céligny, à l'élaboration duquel elle a, du reste, contribué lors de la réunion du 4 juin 1986 à Zurich (décision attaquée, paragraphe 25, point 2).

3713. Ensuite, il y a lieu de faire observer que ce document, auquel la Commission fait référence au paragraphe 53, point 3, de la décision attaquée, s'inscrit dans la série d'éléments visés aux points 2 et 3 de ce même paragraphe. Ces éléments, considérés dans leur ensemble, font apparaître que le but visé dans le cadre des diverses infractions retenues à l'article 4, paragraphes 1 à 3, était identique.

3714. L'argument d'Italcementi doit donc être écarté.

3715. Italcementi prétend que, contrairement à ce que la Commission affirme au paragraphe 53, point 5, de la décision attaquée, les participants à l'ETF n'ont pas procédé à une répartition des tâches en vue d'atteindre l'objectif illicite qu'ils auraient prétendument poursuivi en commun.

3716. Il convient de faire observer que, dans sa présentation des caractéristiques de l'accord unique et continu ETF (décision attaquée, paragraphe 53, points 2 et 3), la Commission n'invoque pas l'existence d'une répartition formelle des tâches entre les participants à l'ETF. L'allusion à une "répartition entre les participants des tâches et des actions nécessaires pour [...] atteindre [le dessein unique]" (paragraphe 53, point 5) s'inscrit dans sa réponse à l'observation faite au cours de la procédure administrative par certaines entreprises qui estimaient que, n'ayant pas participé aux réunions de l'ETF ou aux mesures décidées par celle-ci, elles ne pouvaient pas être tenues pour responsables de l'ensemble des comportements relatifs à ladite ETF.

3717. En toute hypothèse, différents documents visés au paragraphe 25 de la décision attaquée font apparaître une répartition des tâches et des actions au niveau de l'ETF. Ainsi, notamment, la note de Blue Circle ("Points for action") rédigée à la suite de la première réunion de l'ETF (17 juin 1986 à Londres) fait état d'une série d'actions convenues lors de cette réunion, en indiquant pour chacune d'elles la personne chargée de son exécution. A cette occasion, M. d'Agostino, d'Italcementi, s'est ainsi vu confier, notamment, la coordination de la "situation Ferruzzi" (décision attaquée, paragraphe 25, point 11; document n° 33.126/18787). Ainsi que cela a été constaté ci-dessus au point 2600, il ressort du procès-verbal de la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden qu'il fut convenu de créer cinq sous-groupes de travail pour assister l'ETF dans sa mission anticoncurrentielle. M. Clemente, d'Italcementi, fut désigné membre du sous-groupe "Marchés d'exportation de la Grèce" et coordinateur du sous-groupe "Exportations en Grèce" (décision attaquée, paragraphe 25, point 24; documents n° 33.126/18858 et 18862).

3718. L'argument d'Italcementi ne saurait donc être accueilli.

C Sur la participation à l'accord unique relatif à l'ETF

3719. CBR, Cembureau, Ciments français, Unicem, Uniland, Italcementi et Cementir contestent leur participation à l'accord unique relatif à l'ETF ou, du moins, la durée de cette participation.

1. Situation de CBR

3720. CBR nie sa participation à l'accord unique ETF. Elle ajoute que, en tout état de cause, la plupart des participants à la création d'Interciment, seule proposition de l'ETF adoptée par les chefs de délégation, ont décidé de ne pas prolonger leur participation dans cette société au-delà du 6 novembre 1986, ce qui aurait dû être considéré comme un retrait de l'accord.

3721. Il convient de rappeler que CBR a participé aux éléments constitutifs suivants de l'accord unique relatif à l'ETF: accord sur la constitution de l'ETF (voir ci-dessus points 2597 à 2603); accord sur la constitution d'Interciment (voir ci-dessus points 3008 à 3017); pratiques concertées visées à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée (voir ci-dessus points 3199 à 3204).

3722. Elle a assisté à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, lors de laquelle il a été décidé, d'une part, de confier à l'ETF l'examen des mesures dissuasives et persuasives préconisées par le document de Zurich/Céligny pour éliminer les importations en Europe occidentale et, d'autre part, de créer Interciment en vue de mettre à exécution lesdites mesures dissuasives et persuasives. Elle a, en outre, participé à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, au cours de laquelle la constitution, l'objectif anticoncurrentiel et les activités de l'ETF, la création d'Interciment et les pourparlers en cours à propos de la situation de Ferruzzi ont été successivement évoqués.

3723. Elle savait donc que les accords et pratiques concertées auxquels elle participait à cette époque s'inscrivaient dans une stratégie d'ensemble destinée à éliminer les importations en Europe occidentale, en premier lieu celles en provenance de Grèce.

3724. Dans ces conditions, la Commission était fondée à considérer que CBR avait participé à l'accord unique relatif à l'ETF [décision attaquée, paragraphe 65, point 3, sous c), sixième tiret]. Le fait que CBR n'a pas participé à tous les éléments constitutifs de cette infraction unique ne saurait l'exonérer de sa responsabilité dans celle-ci (voir, en ce sens, arrêt PVC, cité au point 734 ci-dessus, point 773).

3725. CBR a participé à l'accord constitutif de l'ETF du 9 juin 1986 à la fin du mois de mai 1987, à l'accord constitutif d'Interciment du 9 juin 1986 au 7 novembre 1988 et aux pratiques concertées visées à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée du 9 septembre 1986 au 15 mars 1987. 3726.

Elle a donc participé de manière continue à l'accord unique relatif à l'ETF du 9 juin 1986 au 7 novembre 1988.

2. Situation de Cembureau

3727. Cembureau nie toute implication dans un accord unique concernant l'ETF.

3728. Il convient de rappeler que la participation de Cembureau à l'accord sur la constitution de l'ETF est établie (voir ci-dessus points 2608 à 2613). Cembureau n'a pas contesté sa participation aux pratiques concertées visées à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée.

3729. Il a assisté, en la personne de M. Dutron, à la réunion du 28 mai 1986 à Rome, lors de laquelle il fut convenu de réagir collectivement à la décision de l'industrie du ciment grecque d'exporter du ciment en Europe occidentale, en combinant les mesures dissuasives et persuasives. Il a également pris part, en la personne de M. Collis, à la réunion du 3 juin 1986, au cours de laquelle fut entamée la mise au point du document de Zurich/Céligny, "document-cadre" des travaux de l'ETF pour l'examen des mesures dissuasives et persuasives. Enfin, il a été représenté par Sir John Milne, à l'époque son président (décision attaquée, paragraphe 24, point 3), à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, lors de laquelle la constitution, l'objectif anticoncurrentiel et les activités de l'ETF ainsi que les pourparlers en cours à propos de la situation de Ferruzzi ont été successivement évoqués.

3730. Il savait, dès lors, que l'accord et les pratiques concertées auxquels il prenait part à cette époque s'inscrivaient dans une stratégie d'ensemble destinée à éliminer les importations en Europe occidentale, en premier lieu celles en provenance de Grèce. Sa responsabilité dans l'infraction unique relative à l'ETF est donc établie. Le fait que Cembureau n'a pas participé à tous les éléments constitutifs de cette infraction unique ne saurait l'exonérer d'une telle responsabilité (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 3724 ci-dessus).

3731. Cembureau a participé à l'accord constitutif de l'ETF du 28 mai 1986 à la fin du mois de mai 1987 et aux pratiques concertées visées à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée du 17 juin 1986 au 15 mars 1987.

3732. Il a donc participé de manière continue à l'accord unique relatif à l'ETF du 28 mai 1986 à la fin du mois de mai 1987.

3. Situation de Ciments français

3733. Ciments français affirme n'avoir pas eu une vision d'ensemble de la stratégie destinée à contrer les exportations grecques. N'ayant pas été représentée aux réunions de l'ETF et n'ayant participé à aucune mesure concrète, elle ne pourrait être considérée comme une partie à l'accord relatif aux importations en provenance de Grèce.

3734. Il convient de rappeler que Ciments français a participé aux éléments constitutifs suivants de l'accord unique relatif à l'ETF: accord sur la constitution de l'ETF (voir ci-dessus points 2628 à 2632); accord sur la constitution d'Interciment (voir ci-dessus points 3035 à 3038).

3735. Elle a assisté à la réunion du 28 mai 1986 à Rome, pendant laquelle il fut convenu de réagir collectivement à la décision de l'industrie du ciment grecque d'exporter du ciment en Europe occidentale, en combinant des mesures dissuasives et persuasives. Lors de cette réunion, fut par ailleurs évoquée la possibilité de constituer une filiale commune entre les principaux producteurs européens de ciment pour mettre en pratique les actions nécessaires (décision attaquée, paragraphe 25, point 1; document n° 33.126/18771). Ciments français a également participé à la réunion du 9 juin 1986 à Stockholm, au cours de laquelle il a été décidé, d'une part, de confier à l'ETF l'examen des mesures dissuasives et persuasives préconisées par le document de Zurich/Céligny pour éliminer les importations en Europe occidentale et, d'autre part, de créer Interciment pour mettre en œuvre lesdites mesures dissuasives et persuasives.

3736. Elle n'ignorait donc pas que les accords auxquels elle prenait part à cette époque s'inscrivaient dans une stratégie d'ensemble destinée à éliminer les importations en Europe occidentale, en premier lieu celles en provenance de Grèce.

3737. Dans ces conditions, la Commission était fondée à considérer que Ciments français avait participé à l'accord unique relatif à l'ETF [décision attaquée, paragraphe 65, point 3, sous c), treizième tiret]. Le fait que Ciments français n'a pas participé à tous les éléments constitutifs de cette infraction unique ne saurait l'exonérer de sa responsabilité dans celle-ci (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 3724 ci-dessus).

3738. Ciments français a participé à l'accord constitutif de l'ETF du 28 mai 1986 à la fin du mois de mai 1987 et à l'accord constitutif d'Interciment du 9 juin 1986 au 7 novembre 1988.

3739. Elle a donc participé de manière continue à l'accord unique relatif à l'ETF du 28 mai 1986 au 7 novembre 1988.

4. Situation d'Unicem

3740. Unicem affirme que sa participation isolée à une réunion (celle du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987) ne pouvait la rendre responsable des différentes activités de l'ETF. Seule une participation régulière aux réunions tenues dans le cadre de l'ETF aurait pu fonder sa responsabilité pour les activités de ce comité (arrêt BASF/Commission, cité au point 1852 ci-dessus, points 76, 92 et 185). Elle ajoute avoir été totalement étrangère aux actions entreprises dans le cadre de l'ETF. Elle aurait ignoré la tenue de la réunion du 28 mai 1986 à Rome.

3741. Il convient de rappeler qu'Unicem a participé aux éléments constitutifs suivants de l'accord unique relatif à l'ETF: accord sur la constitution de l'ETF (voir ci-dessus points 2678 à 2682); pratiques concertées et accord visés à l'article 4, paragraphe 3, de la décision attaquée, en relation avec les mesures de défense du marché italien (voir ci-dessus points 3246 à 3253 et 3345 à 3373).

3742. Elle avait proposé qu'un membre de son personnel, M. Albert, fît partie de deux des cinq sous-groupes de travail (sous-groupe "Echanges d'expériences défensives" et sous-groupe "Menaces d'autres pays") créés à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden pour assister l'ETF dans sa mission anticoncurrentielle. Elle a participé, en la personne de M. Albert, à la réunion du sous-groupe "Mesures de défense" du 17 mars 1987. A cette réunion, elle a relaté les derniers développements concernant l'accord entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi, destiné à éviter une menace d'importation par ce dernier groupe d'importantes quantités de ciment en provenance de Grèce.

3743. Elle était donc pleinement consciente de ce que les accords et les pratiques concertées auxquels elle prenait part à cette époque s'inscrivaient dans une stratégie d'ensemble destinée à éliminer les importations en Europe occidentale, en particulier celles en provenance de Grèce. Sa responsabilité dans l'infraction unique relative à l'ETF est en conséquence établie. Le fait qu'elle n'a pas participé à tous les éléments constitutifs de cette infraction unique ne saurait l'exonérer d'une telle responsabilité (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 3724 ci-dessus).

3744. Unicem a participé à l'accord constitutif de l'ETF du 9 septembre 1986 à la fin du mois de mai 1987, aux pratiques concertées constatées à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée du 9 septembre 1986 au 15 mars 1987 et à l'accord visé à l'article 4, paragraphe 3, sous b), du 3 avril 1987 au 3 avril 1992.

3745. Elle a donc participé de manière continue à l'accord unique relatif à l'ETF du 9 septembre 1986 au 3 avril 1992.

5. Situation d'Uniland

3746. Uniland dénonce l'extension de responsabilité à laquelle la Commission procède à son égard. Elle souligne que la seule présence de M. Rumeu à deux réunions ayant concerné l'ETF ne permet en aucune façon de conclure à sa participation à un prétendu accord global dont la durée se serait prolongée jusqu'en 1993. Elle affirme que la Commission ne peut pas se contenter d'affirmer qu'il s'agissait d'un accord unique et continu liant tous les participants, même si ceux-ci n'ont pas participé individuellement à chacun des comportements adoptés en son sein.

3747. Il convient de rappeler qu'Uniland a participé aux éléments constitutifs suivants de l'accord unique relatif à l'ETF: accord sur la constitution de l'ETF (voir ci-dessus points 2695 à 2698); accord sur la constitution d'Interciment (voir ci-dessus points 3069 à 3072); pratiques concertées visées à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée (voir ci-dessus points 3199 à 3204).

3748. Elle a assisté à la réunion des chefs de délégation et des représentants de l'ETF du 9 septembre 1986 à Baden-Baden, au cours de laquelle la constitution, l'objectif anticoncurrentiel et les activités de l'ETF, la création d'Interciment et les pourparlers en cours à propos de la situation de Ferruzzi ont été successivement évoqués.

3749. Elle savait donc que les accords et pratiques concertées auxquels elle participait à cette époque s'inscrivaient dans une stratégie d'ensemble destinée à éliminer les importations en Europe occidentale, en premier lieu celles en provenance de Grèce.

3750. Dans ces conditions, la Commission était fondée à considérer qu'Uniland avait participé à l'accord unique relatif à l'ETF [décision attaquée, paragraphe 65, point 3, sous c), dixième tiret]. Le fait qu'Uniland n'a pas participé à tous les éléments constitutifs de cette infraction unique ne saurait l'exonérer de sa responsabilité dans celle-ci (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 3724 ci-dessus).

3751. Uniland a participé à l'accord constitutif de l'ETF du 9 septembre 1986 à la fin du mois de mai 1987, à l'accord constitutif d'Interciment du 9 septembre 1986 au 7 novembre 1988 et aux pratiques concertées constatées à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée du 9 septembre 1986 au 15 mars 1987.

3752. Elle a donc participé de manière continue à l'accord unique relatif à l'ETF du 9 septembre 1986 au 7 novembre 1988.

6. Situation d'Italcementi

3753. Italcementi souligne que la Commission n'a pas précisé la date et le lieu d'adoption du document de Zurich/Céligny, ni les parties qui auraient adopté ce document. Elle prétend ensuite que les différents participants à l'ETF ont agi indépendamment les uns des autres. Les éventuelles activités de certains participants qui auraient eu pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence ne pourraient donc engager que les opérateurs concernés.

3754. Il convient de relever qu'Italcementi a participé à tous les éléments constitutifs de l'accord unique relatif à l'ETF: accord sur la constitution de l'ETF (voir ci-dessus points 2746 et 2747); accord sur la constitution d'Interciment (voir ci-dessus points 3008 à 3017); pratiques concertées et accord visés à l'article 4, paragraphe 3, de la décision attaquée en relation avec les mesures de défense du marché italien (voir ci-dessus points 3265 à 3270 et 3345 à 3384).

3755. Sa connaissance de la stratégie d'ensemble destinée à éliminer les importations en Europe occidentale, en premier lieu celles en provenance de Grèce, ne fait aucun doute. Sa responsabilité dans l'infraction unique relative à l'ETF est clairement établie.

3756. Italcementi a participé à l'accord constitutif de l'ETF du 28 mai 1986 à la fin du mois de mai 1987, à l'accord constitutif d'Interciment du 9 juin 1986 au 7 novembre 1988, aux pratiques concertées constatées à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée du 17 juin 1986 au 15 mars 1987 et à l'accord visé à l'article 4, paragraphe 3, sous b), du 3 avril 1987 au 3 avril 1992.

3757. Elle a donc participé de manière continue à l'accord unique relatif à l'ETF du 28 mai 1986 au 3 avril 1992.

7. Situation de Cementir

3758. Cementir conteste avoir participé à un accord unique conclu dans le cadre de l'ETF.

3759. Il convient de rappeler que Cementir a participé à deux éléments constitutifs de l'accord unique relatif à l'ETF, à savoir les pratiques concertées et l'accord visés à l'article 4, paragraphe 3, de la décision attaquée en relation avec les mesures de défense du marché italien contre les importations de ciment en provenance de Grèce (voir ci-dessus points 3284 à 3289 et 3345 à 3386).

3760. Elle a pris part à ces deux infractions notamment avec les deux autres principaux producteurs italiens de ciment, Unicem et Italcementi, lesquels, ainsi que cela ressort de l'analyse développée ci-dessus aux points 3742, 3743, 3754 et 3755, étaient pleinement conscients de la stratégie anticoncurrentielle d'ensemble dans laquelle s'inscrivaient les mesures de défense du marché italien. Unicem et Italcementi ont nécessairement dû informer Cementir du cadre anticoncurrentiel dans lequel lesdites mesures prenaient place. Cementir savait donc nécessairement que les pratiques concertées et l'accord auxquels elle prenait part à l'époque procédaient d'un plan global destiné à éliminer les importations de ciment en Europe occidentale, spécialement en provenance de Grèce.

3761. La responsabilité de Cementir dans l'accord unique relatif à l'ETF est donc établie. Le fait que Cementir n'a pas participé à tous les éléments constitutifs de cette infraction unique ne saurait l'exonérer d'une telle responsabilité (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 3724 ci-dessus).

3762. Cementir a participé aux pratiques concertées constatées à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée du 9 septembre 1986 au 15 mars 1987 et à l'accord visé à l'article 4, paragraphe 3, sous b), du 3 avril 1987 au 3 avril 1992. Il y a donc lieu de conclure à sa participation continue à l'accord unique relatif à l'ETF du 9 septembre 1986 au 3 avril 1992.

D Sur la violation du principe d'égalité de traitement

3763. Asland reproche à la Commission de ne pas avoir traité de la même manière toutes les entreprises prétendument impliquées dans des activités de l'ETF. La Commission aurait en effet soutenu, d'une part, que la seule implication dans une mesure particulière entraînait la participation à l'accord unique et continu ETF et, d'autre part, que la participation à cet accord se limitait à l'implication dans l'une ou l'autre de ces mesures particulières. Asland cite l'exemple de Rugby et de Castle, dont la mention dans les contrats d'achat de ciment et de clinker en provenance de Grèce n'a pas conduit la Commission à les considérer comme parties à l'accord unique et continu conclu dans le cadre de l'ETF.

3764. Il convient de rappeler que la seule infraction reprochée à Rugby et à Castle "dans le cadre de Cembureau ou European Task Force" [décision attaquée, paragraphe 65, point 3, sous c), avant-dernier et dernier tirets], à savoir la pratique concertée avec Blue Circle visée à l'article 4, paragraphe 4, sous a), n'a pas pu être constatée (voir ci-dessus points 3402 à 3435). En revanche, il est établi qu'Asland a participé à l'accord constitutif de l'ETF (voir ci-dessus points 2687 à 2691).

3765. Asland a pris part à la réunion du 28 mai 1986 à Rome, au cours de laquelle il fut convenu de réagir collectivement à la décision de l'industrie du ciment grecque d'exporter du ciment en Europe occidentale, en combinant des mesures dissuasives et persuasives.

3766. Elle savait, dès lors, que l'accord auquel elle participait s'inscrivait dans un plan d'ensemble destiné à éliminer les importations en Europe occidentale, en premier lieu celles en provenance de Grèce.

3767. Dans ces conditions, la Commission était fondée à considérer qu'Asland avait participé à l'accord unique relatif à l'ETF [décision attaquée, paragraphe 65, point 3, sous c), septième tiret]. Le fait qu'Asland n'a participé qu'à un élément constitutif de cette infraction unique ne saurait l'exonérer de sa responsabilité dans celle-ci (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 3724 ci-dessus).

3768. Asland a participé à l'accord constitutif de l'ETF du 28 mai 1986 à la fin du mois de mai 1987. Cette même période doit être regardée comme la durée de sa participation à l'accord unique relatif à l'ETF.

Conclusions

3769. Il ressort de l'ensemble des motifs qui précèdent (voir ci-dessus points 2504 à 3768) que:

l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée doit être annulé à l'égard de Cementir dans son intégralité;

l'article 4, paragraphe 1, doit être annulé à l'égard de CBR, du BDZ, d'Oficemen, d'Aker et d'Euroc, dans la mesure où il retient leur participation à l'accord portant sur la constitution de l'ETF avant le 9 juin 1986 et après le 31 mai 1987;

l'article 4, paragraphe 1, doit être annulé à l'égard d'Aalborg, d'Unicem, d'Uniland et d'Irish Cement, dans la mesure où il retient leur participation à l'accord portant sur la constitution de l'ETF avant le 9 septembre 1986 et après le 31 mai 1987;

l'article 4, paragraphe 1, doit être annulé à l'égard de Cembureau, de Dyckerhoff, du SFIC, de Ciments français, de Heidelberger, de Lafarge, d'Asland, d'Italcementi, de Holderbank et de Blue Circle, dans la mesure où il retient leur participation à l'accord portant sur la constitution de l'ETF après le 31 mai 1987;

l'article 4, paragraphe 2, doit être annulé à l'égard de Heidelberger, d'Unicem, d'Asland et de Cementir dans son intégralité;

l'article 4, paragraphe 2, doit être annulé à l'égard d'Uniland, dans la mesure où il retient sa participation à l'accord portant sur la constitution de la société commerciale commune Interciment avant le 9 septembre 1986 et après le 7 novembre 1988;

l'article 4, paragraphe 2, doit être annulé à l'égard de CBR, de Dyckerhoff, du SFIC, de Ciments français, de Lafarge, du BDZ, d'Oficemen, d'Italcementi, de Holderbank, d'Aker, d'Euroc et de Blue Circle, dans la mesure où il retient leur participation à l'accord portant sur la constitution de la société commerciale commune Interciment après le 7 novembre 1988;

l'article 4, paragraphe 3, sous a), doit être annulé à l'égard de Ciments français, de Heidelberger et d'Asland dans son intégralité;

l'article 4, paragraphe 3, sous a), doit être annulé à l'égard de CBR, de Dyckerhoff, d'Aalborg, du BDZ, d'Unicem, d'Uniland, d'Oficemen, d'Irish Cement, d'Aker, d'Euroc et de Cementir, dans la mesure où il retient leur participation à des pratiques concertées ayant visé à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan, avant le 9 septembre 1986;

l'article 4, paragraphe 4, sous a), doit être annulé à l'égard de Rugby, de Castle et de Blue Circle dans son intégralité;

l'article 4, paragraphe 4, sous b), doit être annulé à l'égard de Titan et de Blue Circle dans son intégralité;

l'article 4, paragraphe 4, sous c), doit être annulé à l'égard de Titan et de Holderbank dans son intégralité;

l'article 4, paragraphe 4, sous d), doit être annulé à l'égard d'Heracles et de Holderbank dans son intégralité;

Enfin, en quatrième lieu, elle se prévaut du contenu de deux comptes rendus de réunions du WCC. 4536.

l'article 4, paragraphe 4, sous f), doit être annulé à l'égard de Lafarge et d'Heracles dans son intégralité;

l'article 4, paragraphe 4, sous g), doit être annulé à l'égard de CBR, d'Heracles et de Titan dans son intégralité;

l'article 4, paragraphe 4, sous h), doit être annulé à l'égard de Titan, d'Aker et d'Euroc dans son intégralité.

3770. Pour le surplus, les moyens examinés doivent être rejetés.

X Sur les moyens tirés de violations des articles 85, paragraphe 1, et 190 du traité et des droits de la défense, en ce que la Commission constate l'existence, dans le cadre de l'ECEC, de pratiques concertées contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité et la participation des différentes parties requérantes mises en cause (article 5 de la décision attaquée)

Observations liminaires

3771. L'article 5 de la décision attaquée dispose que la FIC, ENCI, Dyckerhoff, le SFIC, Aalborg, Alsen- Breitenburg, Nordcement, Unicem, Castle, Oficemen, Irish Cement, l'ATIC, Italcementi, Cementir et l'AGCI ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité "en participant, dans le cadre d[e l]'ECEC, à des pratiques concertées portant sur l'échange d'informations, sur la situation de l'offre et de la demande dans les pays tiers importateurs, sur les prix praticables à l'exportation, sur la situation des importations dans les pays membres et sur la situation de l'offre et de la demande des marchés internes et visant à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté". La Commission a fixé le point de départ de l'infraction au 14 mars 1984, sauf pour Castle, Oficemen et l'ATIC pour lesquelles le point de départ a été fixé au 1er janvier 1986. L'infraction aurait duré, pour toutes les parties requérantes concernées, jusqu'au 22 septembre 1989.

3772. Toutes les parties requérantes visées par l'article 5 de la décision attaquée contestent tant l'existence de l'infraction constatée que leur participation à celle-ci. ENCI, Aalborg, Alsen-Breitenburg, Nordcement, Unicem, Castle et l'ATIC dénoncent aussi la violation de leurs droits de la défense en raison d'un accès insuffisant, au cours de la procédure administrative, au dossier de la Commission, qui les aurait privées de prétendus éléments à leur décharge concernant le grief visé à l'article 5 de la décision attaquée. En outre, ENCI et Italcementi estiment que ce grief n'a pas été précisé d'une manière suffisamment claire dans la CG. Dyckerhoff, Unicem et Cementir soutiennent encore que l'infraction n'est pas suffisamment motivée, en violation des dispositions de l'article 190 du traité.

Décision attaquée

3773. L'ECEC et les pratiques concertées constatées dans le cadre de ce comité font l'objet des paragraphes 30 à 34, 58 et 60 de la décision attaquée.

3774. La Commission expose d'abord l'historique de la naissance de l'ECEC (paragraphe 30). Elle explique qu'il ressort de la note de Blue Circle du 9 avril 1981 (paragraphe 30, point 1; documents n° 33.126/11338 à 11340) et non pas du 4 avril 1981, comme indiqué par erreur dans la décision attaquée que l'ECEC et l'EPC ont été constitués à la suite de la décision de Cembureau de ne plus gérer lui-même un comité à l'exportation.

3775. La constitution de l'ECEC aurait été décidée à une réunion tenue à Paris le 23 janvier 1979 (paragraphe 30, point 2). Se référant aux actes de constitution de l'ECEC du 6 décembre 1979 (paragraphe 31, point 2; documents n° 33.126/16786 à 16789) et du 26 septembre 1986 (paragraphe 31, point 2; documents n° 33.126/12516 à 12518), elle explique que l'objet statutaire de l'ECEC était la promotion, sur une base informelle, de la coopération entre les producteurs européens intéressés dans les exportations de ciment gris dans tous les pays à l'exception des pays de l'Europe occidentale et des Etats-Unis.

3776. La Commission mentionne ensuite les différentes entreprises et associations d'entreprises qu'elle considère comme étant membres de l'ECEC, à savoir la FIC, ENCI, Dyckerhoff, le SFIC, Aalborg, Alsen-Breitenburg, Nordcement, Unicem, Castle, Oficemen, Irish Cement, l'ATIC, Italcementi, Cementir et l'AGCI. Se référant aux notes manuscrites de M. Leboeuf, de Ciments français, se rapportant à une réunion du Steering Committee de l'ECEC à Bruxelles des 13 et 14 avril 1989 (paragraphe 31, point 3; documents n° 33.126/18201 à 18204), elle explique que "ce sont les pays qui sont membres d[e l']ECEC et qui constituent à leur gré leurs représentations au niveau des syndicats ou des sociétés".

3777. La Commission met aussi en exergue les liens étroits entre l'ECEC et l'EPC (paragraphe 32). Elle se réfère, à cet égard, à l'acte de constitution de l'ECEC du 6 décembre 1979, qui prévoyait que deux membres du Steering Committee de l'ECEC devaient être élus parmi les membres ayant deux ou trois votes à l'assemblée générale de l'ECEC, c'est-à-dire les grands exportateurs, membres de l'EPC (paragraphe 32, points 1 et 2). Elle ajoute que, même si l'acte de constitution du 26 septembre 1986 ne prévoyait plus un rôle particulier pour les grands exportateurs dans le Steering Committee de l'ECEC, les informations de l'EPC ont néanmoins continué à être communiquées à l'ECEC après septembre 1986 (paragraphe 32, point 3).

3778. La Commission décrit différentes activités qui ont été exercées dans le cadre de l'ECEC, à savoir des échanges de statistiques sur les exportations vers des pays tiers (paragraphe 33, point 1), l'examen de la situation de l'offre et de la demande dans les pays tiers importateurs (paragraphe 33, point 2), la recommandation de prix de référence pour les exportations (paragraphe 33, point 3), l'examen de la situation des importations dans les pays membres de Cembureau (paragraphe 33, point 4) et l'examen de la situation de l'offre et de la demande des marchés internes (paragraphe 33, point 5).

3779. Enfin, elle fait état de la dissolution de l'ECEC (paragraphe 34).

3780. Dans la partie de la décision attaquée consacrée à l'appréciation juridique des activités de l'ECEC, elle explique que, pour faire respecter le principe du respect des marchés domestiques, il fallait trouver des moyens pour canaliser les surplus de production. En effet, en l'absence de débouchés pour les surplus de production à l'extérieur de la Communauté, le risque aurait été très grand que le principe du respect des marchés domestiques fût violé (paragraphe 58, point 2).

3781. La Commission se réfère ensuite à trois éléments (voir ci-après point 3793) pour démontrer que "le but et l'effet de la coopération au sein de l'ECEC étaient de renforcer la règle du respect des marchés domestiques" (paragraphe 58, points 3 à 5).

3782. Elle conclut (paragraphe 58, point 6):

"Les pratiques concertées énumérées au par[agraphe] 33 et relatives à l'examen de la situation interne des pays membres et à l'exportation dans les pays tiers constituent des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du 14 mars 1984 au 22 septembre 1989, dates des première et dernière réunions dont la Commission a connaissance. Par ces pratiques, les membres de l'ECEC ont renoncé à mettre en œuvre une politique commerciale autonome en créant un système de solidarité et de contrôle visant à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs à l'intérieur de la Communauté."

Sur le caractère infractionnel des activités de l'ECEC visées à l'article 5 de la décision attaquée

3783. La FIC, ENCI, Dyckerhoff, le SFIC, Aalborg, Alsen-Breitenburg, Nordcement, Unicem, Castle, Oficemen, Irish Cement, Italcementi, Cementir et l'AGCI ne contestent pas que des échanges d'informations ont eu lieu au sein de l'ECEC. Ils insistent toutefois sur le fait que les activités de l'ECEC étaient destinées à défendre les intérêts de l'industrie européenne du ciment sur les marchés à l'exportation en dehors de l'Europe. Ils estiment qu'une telle coopération, qui concerne uniquement des marchés tiers à la Communauté, n'entre pas dans le champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Ils ajoutent qu'aucun des documents mentionnés aux paragraphes 30 à 34, 58 et 60 de la décision attaquée ne démontre l'existence d'un quelconque lien entre les activités de l'ECEC et une règle du respect des marchés domestiques européens. La thèse de la Commission impliquerait nécessairement que toute coopération à l'exportation entre entreprises concurrentes est illégale.

3784. La Commission estime au contraire que les activités de l'ECEC décrites au paragraphe 33 de la décision attaquée ont faussé la concurrence à l'intérieur de la Communauté (décision attaquée, paragraphe 58) et affecté les échanges entre Etats membres (décision attaquée, paragraphe 60). En effet, selon elle, "le but et l'effet de la coopération au sein de l'ECEC étaient de renforcer la règle du respect des marchés domestiques" par la canalisation des surplus de production (décision attaquée, paragraphe 58, points 2 à 5). Les activités de l'ECEC auraient, par voie de conséquence, été retenues à l'article 5 de la décision attaquée comme des pratiques concertées contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité en tant qu'elles visaient "à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté".

3785. Il y a lieu de rappeler que, lorsqu'une concertation portant sur des exportations vers les pays tiers à la Communauté a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur de la Communauté et qu'elle est susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres, elle entre dans le champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité (arrêts Suiker Unie e.a./Commission, cité au point 651 ci-dessus, points 580 et 599 à 601, et CRAM et Rheinzink/Commission, cité au point 1335 ci-dessus, points 24 à 31).

3786. En l'espèce, il y a donc lieu de vérifier si, comme le prétend la Commission, les éléments retenus par la décision attaquée permettaient de conclure que l'objectif poursuivi par les membres de l'ECEC dans ce comité à l'exportation était de renforcer la règle du respect des marchés domestiques européens. En effet, dans une telle hypothèse, la Commission était en droit de constater que les activités de l'ECEC constituaient des pratiques concertées contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

3787. Aux fins de l'examen de cette question, il convient d'apprécier si la Commission a démontré que la coopération au sein de l'ECEC visait "à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté" (article 5 de la décision attaquée).

3788. L'article 1er de l'acte de constitution de l'ECEC du 6 décembre 1979 ainsi que l'article 1er de celui du 26 septembre 1986 assignent comme objet à l'ECEC "la promotion, sur une base informelle, de la coopération entre les producteurs ouest-européens intéressés dans l'exportation de ciment autre que du ciment blanc, colorié, alumineux et du ciment pour puits de pétrole vers des pays hors Europe occidentale" (documents n° 33.126/16786 à 16789 et 12516 à 12518). L'article 2 de chacun des mêmes actes mentionne, à propos de la "zone d'opérations", que l'ECEC "ne discutera ou ne s'occupera d'aucune manière d'exportations des membres [...] vers les pays de l'Europe occidentale ou les Etats-Unis d'Amérique" (mêmes documents).

3789. Le compte rendu de la réunion de Paris du 23 janvier 1979 (décision attaquée, paragraphe 30, point 2; documents n° 33.126/12751 et 12752) confirme que l'objet de l'ECEC est "la promotion des exportations et l'échange d'informations commerciales". Une note interne de Ciments français du 7 mars 1989 mentionne encore que l'"ECEC se borne à un échange d'informations statistiques et de prévisions par pays, portant uniquement sur des tonnages hors Cembureau" (décision attaquée, paragraphe 35, point 6; documents n° 33.126/4466 et 4467).

3790. Il s'ensuit que la coopération au sein de l'ECEC avait pour objet la promotion des exportations de différentes sortes de ciment gris à l'exclusion de l'Europe occidentale et des Etats-Unis. Il ne ressort donc pas des documents susvisés que le véritable objectif poursuivi par les membres de l'ECEC ait été de renforcer la règle du respect des marchés domestiques européens.

3791. La Commission reconnaît qu'"il n'y a pas dans les actes de constitution de l'ECEC un lien direct entre règle du marché domestique et canalisation des exportations" (décision attaquée, paragraphe 58, point 3). Elle déclare toutefois qu'il faut apprécier la licéité des activités de l'ECEC dans leur contexte. Or, il ressortirait de plusieurs documents que, pour pouvoir appliquer la règle du respect des marchés domestiques, il était indispensable de connaître les flux de ciment destinés aux exportations vers les pays tiers, de façon à assurer la canalisation des excédents de production. Dans la décision attaquée (paragraphe 58, point 2), la Commission se réfère, à cet égard, à la note interne de Blue Circle du 1er décembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 18, point 2; documents n° 33.126/11332 à 11334). Dans le cadre de la présente procédure, elle invoque, en outre, les notes de Vicat concernant la réunion de l'ECEC des 11 et 12 septembre 1985 (décision attaquée, paragraphe 33, point 3; documents n° 33.126/6139 à 6142).

3792. Toutefois, il doit être constaté que la note de Blue Circle du 1er décembre 1983 émane d'une entreprise qui n'est pas membre de l'ECEC et que son contenu ne présente aucun rapport direct avec les activités de ce comité à l'exportation. Bien qu'elle fasse état d'un lien entre le respect des marchés domestiques et la canalisation des surplus de production, il ne saurait être présumé, sur la base de la simple existence d'un comité à l'exportation, que ses membres visaient, par leurs activités au sein de celui-ci, à "éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté" (article 5 de la décision attaquée). Quant aux notes de Vicat des 11 et 12 septembre 1985, elles prouvent uniquement que, au sein de l'ECEC, des prix à l'exportation étaient recommandés, ce que les parties requérantes concernées ne contestent d'ailleurs pas, et que, à cette époque, l'offre dépassait la demande sur les marchés à l'exportation, ce qui a provoqué la dégradation des prix sur ces marchés. Ces notes ne sont toutefois nullement de nature à démontrer que les membres de l'ECEC visaient à canaliser leurs surplus de production en vue de renforcer la règle du respect des marchés domestiques européens.

3793. La Commission soutient que le lien entre les activités de l'ECEC et la règle du respect des marchés domestiques européens ressort des trois éléments suivants (décision attaquée, paragraphe 58, point 3): premièrement, les membres de l'ECEC étaient membres directs ou indirects de Cembureau. Par conséquent, ils auraient tous été soumis à l'obligation de respecter le principe des marchés domestiques. Deuxièmement, les membres de l'EPC, à l'exception de Blue Circle, étaient membres indirects de l'ECEC, à travers leurs associations nationales. De ce fait, l'activité de l'EPC aurait influencé le comportement et l'activité de l'ECEC et de ses membres. Or, l'objet de l'EPC aurait précisément été la protection des marchés domestiques. Troisièmement, il ressortirait des documents mentionnés au paragraphe 33, points 4 et 5, de la décision attaquée que les activités de l'ECEC n'étaient pas limitées aux marchés à la grande exportation. Selon la Commission, les membres de l'ECEC auraient pris en considération au cours de leurs réunions la situation des importations et la situation de l'offre et de la demande dans les pays membres. Les membres de l'ECEC auraient ainsi établi eux-mêmes un lien entre marchés internes et marchés à la grande exportation.

3794. Il convient d'examiner si la Commission était en droit de conclure, sur la base de ces éléments, que le but et l'effet de la coopération au sein de l'ECEC étaient de renforcer la règle du respect des marchés domestiques européens.

A Affiliation directe ou indirecte des membres de l'ECEC à Cembureau

3795. Dans la décision attaquée, la Commission souligne que les membres de l'ECEC étaient des membres directs ou indirects de Cembureau. Dans le cadre de la présente procédure, elle met en exergue la filiation historique entre Cembureau et l'ECEC, qui ressortirait de la note de Blue Circle du 9 avril 1981, susvisée.

3796. Il y a lieu de constater que cette note démontre qu'il n'existait aucun lien institutionnel entre Cembureau et l'ECEC. Ce dernier avait en effet été constitué à la suite d'une décision de Cembureau de ne plus gérer lui-même un comité à l'exportation (voir ci-dessus point 3774). Bien qu'il soit exact que les membres de l'ECEC étaient tous membres directs ou indirects de Cembureau, cette circonstance ne démontre pas en soi que le but et l'effet de la coopération au sein de l'ECEC étaient de renforcer la règle du respect des marchés domestiques.

3797. La Commission n'était pas fondée à soutenir, dans la décision attaquée [paragraphe 58, point 3, sous a)], à propos des membres de l'ECEC, au motif qu'ils étaient affiliés directement ou indirectement à Cembureau:

"Ils sont tous soumis [...] à l'obligation de respecter le principe des marchés domestiques. De ce fait, leur comportement est influencé par cette obligation, dans le sens qu'ils doivent canaliser vers les pays tiers leur surplus de production."

3798. En effet, en énonçant cette affirmation, la Commission n'a fait que présumer ce qu'elle devait établir, à savoir l'existence d'un lien entre les activités de l'ECEC et la règle du respect des marchés domestiques. En outre, il ne saurait a priori être exclu que quelques membres directs et indirects de Cembureau aient mis sur pied, dans le cadre de l'ECEC, une coopération ne présentant aucun lien avec une règle de respect des marchés domestiques européens. Il convient de souligner, à cet égard, que l'ECEC a été constitué en 1979, quatre années avant la conclusion de l'accord Cembureau dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983.

3799. Certes, pour les parties à l'accord Cembureau qui ont participé aux activités de l'ECEC après la conclusion dudit accord, les informations échangées au cours des réunions de ce comité à l'exportation à propos des marchés tiers ont été utiles pour leur permettre de canaliser leurs surplus de production vers des destinations non européennes et ont donc facilité, dans leur chef, l'exécution de l'accord Cembureau. Or, parmi les membres de l'ECEC figurent plusieurs membres directs de Cembureau (la FIC, le SFIC, Aalborg, Oficemen, Irish Cement, l'ATIC, Italcementi, Cementir et l'AGCI), dont la participation à l'accord Cembureau ne fait l'objet d'aucun doute en raison de leur participation aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et/ou confirmé (voir ci-dessus points 1342 à 1403).

3800. Toutefois, cette constatation n'implique pas que la coopération organisée dans le cadre de l'ECEC entre tous les membres de ce comité ait eu pour objectif de renforcer la règle du respect des marchés domestiques. Il y a lieu de souligner sur ce point que, parmi les membres de l'ECEC, figurent Unicem et plusieurs membres indirects de Cembureau pour lesquels, à ce stade, la participation à l'accord Cembureau n'est pas encore établie. Pour ces entreprises, la preuve de leur adhésion à l'accord Cembureau repose sur leur participation à une mesure de mise en œuvre de cet accord (voir ci-dessus points 1305 et 1404 à 1417), mesure caractérisée par une identité d'objet avec l'accord Cembureau (décision attaquée, paragraphes 46, points 1 et 2, et 65, point 3, premier alinéa). Toutefois, en se fondant sur une adhésion supposée de ces entreprises à la règle du respect des marchés domestiques en raison de leur affiliation directe ou indirecte à Cembureau, pour démontrer le caractère infractionnel des activités de l'ECEC, la Commission a en réalité tenu un raisonnement circulaire. En effet, dans le cadre de celui-ci, l'adhésion des entreprises à l'accord Cembureau est considérée comme démontrée par leur participation à une entente ayant le même objet que l'accord Cembureau, alors que l'identité d'objet est démontrée sur la base d'une adhésion supposée à la règle du respect des marchés domestiques.

3801. En vue de retenir le caractère infractionnel des comportements visés à l'article 5 de la décision attaquée, la Commission devait donc démontrer que les activités de l'ECEC visaient au renforcement de la règle du respect des marchés domestiques, sans se fonder sur une présomption d'adhésion à cette règle en raison d'une affiliation directe ou indirecte des membres de l'ECEC à Cembureau. A cette condition seulement, la participation d'Unicem et des membres indirects de Cembureau concernés aux activités de l'ECEC aurait pu être considérée comme une manifestation claire de leur adhésion à la règle commune du respect des marchés domestiques.

3802. Enfin, si les deux autres éléments avancés par la Commission aux paragraphes 30 à 34, 58 et 60 de la décision attaquée devaient démontrer que la coopération dans le cadre de l'ECEC avait effectivement visé "à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté" (article 5 de la décision attaquée) et, partant, qu'il existait une identité d'objet entre la coopération organisée au sein de l'ECEC et l'accord Cembureau, l'affiliation directe ou indirecte des membres de l'ECEC à Cembureau constituerait un élément pertinent pour déterminer si les activités de l'ECEC correspondaient à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

B Rapports entre l'ECEC et l'EPC

3803. Dans la décision attaquée, la Commission met en exergue les liens qui auraient existé entre l'ECEC et l'EPC. D'une part, le Steering Committee de l'ECEC aurait assuré la liaison entre l'ECEC et l'EPC. La Commission se réfère sur ce point à l'acte de constitution de l'ECEC du 6 décembre 1979, qui prévoyait que deux membres du Steering Committee de l'ECEC devaient être élus parmi les membres ayant droit à deux ou trois votes au sein de l'assemblée générale de l'ECEC, c'est-à-dire parmi les grands exportateurs, lesquels étaient membres de l'EPC. Pour démontrer l'existence d'un lien institutionnel entre l'ECEC et l'EPC, elle a encore souligné au cours de la présente procédure, d'une part, l'origine commune des deux comités à l'exportation, qui ressortirait de la note de Blue Circle du 9 avril 1981 (décision attaquée, paragraphe 30, point 1; documents n° 33.126/11338 à 11340) et, d'autre part, le fait que l'ECEC et l'EPC avaient un secrétariat commun, à savoir l'ECMEC. Elle insiste, par ailleurs, sur le fait que des informations concernant l'EPC ont été communiquées à l'ECEC (décision attaquée, paragraphe 32, point 2). Ainsi, le compte rendu de la réunion de Paris du 23 janvier 1979 (décision attaquée, paragraphe 30, point 2; documents n° 33.126/12751 et 12752) mentionne: "Les plus grands exportateurs continueront à se réunir de temps à autre et leurs points de vue sur les problèmes commerciaux seront partagés avec les autres membres d[e l'ECEC] à travers leurs représentants dans ce comité." Dans la décision attaquée (paragraphe 32, points 2 et 3), la Commission cite quelques exemples de tels échanges d'informations. Même s'il n'existait plus de "lien institutionnel" entre l'ECEC et l'EPC en vertu de l'acte de constitution de l'ECEC du 26 septembre 1986, qui ne prévoyait plus un rôle particulier pour les grands exportateurs dans le Steering Committee de l'ECEC, il apparaît, selon la Commission, que les informations de l'EPC continuaient à être communiquées de temps à autre à l'ECEC, même après le 26 septembre 1986 [décision attaquée, paragraphes 32, point 3, et 58, point 3, sous b)].

3804. Dans la mesure où la Commission estimait que la règle de l'EPC était le respect des marchés domestiques, elle considérait que les liens entre l'EPC et l'ECEC "contaminaient" les activités de ce dernier.

3805. Il convient d'examiner d'abord si les différents éléments de preuve sur lesquels la Commission s'est fondée dans la décision attaquée (paragraphe 32) permettaient de conclure que les liens entre l'EPC et l'ECEC étaient tels que l'EPC avait nécessairement influencé le comportement de l'ECEC.

3806. A cet égard, force est de constater, au vu des éléments de preuve auxquels la Commission se réfère dans la décision attaquée, que les membres de l'ECEC ont toujours estimé que leur comité à l'exportation avait des caractéristiques et une identité propres par rapport à celles de l'EPC.

3807. En effet, le compte rendu de la réunion de l'ECEC du 22 mars 1985 (décision attaquée, paragraphe 32, point 2; documents n° 33.126/14289 à 14294) indique:

"L'identité et le caractère d[e l]'ECEC sont différents d[e l]'EPC ou CMA [voir ci-dessus point 1040] ou même de Cembureau. [L']ECEC nous a bien servi en offrant aux membres le forum pour se rencontrer, pour discuter des affaires et pour échanger des informations sur les prix et des statistiques et en nous permettant une meilleure appréciation des conditions concurrentielles du marché."

3808. Le compte rendu de la réunion de l'ECEC du 23 janvier 1986 (décision attaquée, paragraphe 32, point 2; documents n° 33.126/12667 à 12674) confirme:

"[L']EPC se sent comme constituant un organe totalement séparé. [...] [L']EPC est d'avis qu'il faut limiter le nombre des membres, eu égard au fait qu'un nombre restreint de participants facilite les discussions."

3809. Il apparaît ainsi que les particularités de l'ECEC par rapport à l'EPC étaient mises en exergue par les membres mêmes de l'ECEC.

3810. Par ailleurs, les éléments du dossier et notamment les comptes rendus des réunions du Steering Committee de l'ECEC des 21 février 1985 (décision attaquée, paragraphe 32, point 2; documents n° 33.126/14266 et 14267) et 22 janvier 1986 (même point; documents n° 33.126/12614 à 12616) et de la réunion de l'ECEC du 23 janvier 1986 (même point; documents n° 33.126/12667 à 12674) révèlent l'existence d'une certaine tension entre l'ECEC et l'EPC. Ils montrent que les membres de l'ECEC ont cherché à établir une coopération plus étroite avec l'EPC, ce qui a toutefois été refusé par les membres de l'EPC. La note de Ciments français, membre de l'EPC, du 28 mai 1986 (décision attaquée, paragraphe 32, point 3; documents n° 33.126/18218 et 18219) explique que les relations entre l'ECEC et l'EPC étaient "difficiles" et qu'il régnait même un "manque de confiance" entre les deux comités. Une concession de portée limitée a toutefois été faite en faveur de l'ECEC. Ainsi, la note précitée de Ciments français mentionne qu'il a été demandé au président de l'EPC que M. Gac, secrétaire de l'ECMEC, qui constituait le secrétariat commun de l'ECEC et de l'EPC (décision attaquée, paragraphe 30, point 3), fût "autorisé à donner à l'ECEC des renseignements [d'ordre général] aux membres d[e l']ECEC n'ayant aucune conséquence commerciale (conditions de prix, concurrence, etc.) et regroupés au niveau des pays et non pas des sociétés". Toutefois, la même note souligne qu'il n'est pas souhaitable "qu'un représentant du Policy [à savoir l'EPC] fasse un rapport de l'activité de cet organisme [à l']ECEC [dès lors qu']il n'y a pas de dépendance d'une organisation par rapport à une autre et [qu']il n'y a pas lieu de la matérialiser".

3811. Dans ces conditions, la Commission ne saurait prétendre que l'existence d'un lien entre l'ECEC et l'EPC au niveau du Steering Committee de l'ECEC et l'existence d'un secrétariat commun aux deux comités ont influencé les activités de l'ECEC.

3812. Il y a encore lieu d'examiner si les informations concernant l'EPC qui ont effectivement été communiquées à l'ECEC démontrent que l'objet de l'ECEC était le respect des marchés domestiques. Le paragraphe 32, points 2 et 3, de la décision attaquée se réfère sur ce point à plusieurs comptes rendus des réunions de l'ECEC et du Steering Committee de l'ECEC, à savoir les comptes rendus des réunions de l'ECEC des 14 mars 1984 (documents n° 33.126/14257 à 14262), 11 septembre 1984 (documents n° 33.126/14303 à 14309), 14 décembre 1984 (documents n° 33.126/14310 à 14315), 22 mars 1985 (documents n° 33.126/14289 à 14294), 23 janvier 1986 (documents n° 33.126/12667 à 12674) et 23 septembre 1988 (documents n° 33.126/12627 à 12634), les comptes rendus des réunions du Steering Committee de l'ECEC des 21 février 1985 (documents n° 33.126/14266 et 14267), 22 janvier 1986 (documents n° 33.126/12614 à 12616 et 12667 à 12674), 10 juin 1986 (documents n° 33.126/12607 à 12610) et les notes manuscrites d'Italcementi sur la réunion du Steering Committee de l'ECEC du 22 septembre 1988 ou sur la réunion de l'ECEC du 23 septembre 1988 (documents n° 33.126/3418 à 3421).

3813. Tout d'abord, le compte rendu de la réunion de l'ECEC du 14 mars 1984 mentionne, dans le chapitre "Rapport de l'EPC" que ce comité estime: "[...] les affaires ont augmenté considérablement dans le cours de l'année dans le [marché de la] Méditerranée et ont progressé dans les marchés de la mer Rouge, mais ont diminué dans le Golfe. Autre Marché a connu une amélioration substantielle." Le même document souligne: "[Les] relations entre Est et Ouest étaient difficiles [...] Toutefois, les contact[s] entre sociétés individuelles [...] ont été très utiles et ont certainement contribué à obtenir un meilleur niveau de prix. Il y a eu une réunion Est-Ouest à Singapore [...]" Au vu de ces indications, il y a lieu de considérer que les informations transmises par l'EPC à l'ECEC, au cours de la réunion de l'ECEC du 14 mars 1984, faisaient exclusivement référence aux exportations vers les pays tiers. En tout état de cause, aucun lien entre les informations transmises au cours de cette réunion et l'éventuel renforcement de la règle du respect des marchés domestiques au sein de l'ECEC ne peut être décelé dans ce document.

3814. Le compte rendu de la réunion de l'ECEC du 11 septembre 1984 indique, en ce qui concerne l'EPC, qu'il y a peu d'éléments à rapporter. Seule la date de la prochaine réunion de l'EPC a été communiquée. Le compte rendu de la réunion de l'ECEC du 14 décembre 1984 ne mentionne, à propos de l'EPC, que le fait qu'une réunion a eu lieu entre les présidents de l'ECEC et de l'EPC concernant les relations entre les deux comités. Ces documents ne démontrent pas non plus que les activités de l'ECEC aient visé à renforcer la règle du respect des marchés domestiques européens.

3815. Le compte rendu de la réunion de l'ECEC du 22 mars 1985 contient un point sur l'EPC. Il en ressort qu'il a été fait rapport sur la situation des marchés à l'exportation et qu'il a été discuté de la constitution de la CMA et de l'avenir de l'EPC après la création de la CMA. Toutefois, aucune information rapportée au cours de cette réunion n'a été mise en rapport avec le marché intérieur européen.

3816. Le compte rendu du Steering Committee du 21 février 1985 mentionne que, lors de "la dernière réunion de l'EPC du 14 février 1985, il n'a pas été possible, par manque de temps, de discuter des relations entre l'ECEC et l'EPC [...] Les participants ont autorisé M. Couniotakis à poursuivre ses contacts avec le président de l'EPC afin de réaliser une coopération plus intense et réciproque [des] deux organisations". Les informations communiquées au cours de cette réunion ne sont pas non plus de nature à démontrer que la règle sous-jacente à la coopération au sein de l'ECEC était le renforcement de la règle du respect des marchés domestiques.

3817. Comme le souligne la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 32, point 2), les comptes rendus de la réunion du Steering Committee de l'ECEC du 22 janvier 1986 et de la réunion de l'ECEC du 23 janvier 1986 font apparaître l'existence d'une certaine tension entre l'ECEC et l'EPC (voir ci-dessus point 3810). S'agissant du compte rendu du Steering Committee de l'ECEC du 10 juin 1986, il en ressort que le président de l'ECEC a essayé de vaincre les réticences de l'EPC à communiquer des informations à l'ECEC. Toutefois, aucun de ces comptes rendus ne fait apparaître que, au cours des réunions en cause, des informations ont été communiquées concernant l'EPC, informations qui démontreraient que la coopération au sein de l'ECEC visait à renforcer la règle du respect des marchés domestiques européens.

3818. Même si le nouvel acte de constitution de l'ECEC du 26 septembre 1986 ne prévoyait pas de rôle particulier pour les grands exportateurs dans le Steering Committee, certaines informations de l'EPC ont, comme le souligne la Commission (décision attaquée, paragraphe 32, point 3), continué à être communiquées à l'ECEC, après 1986.

3819. Ainsi, le compte rendu de la réunion de l'ECEC du 23 septembre 1988 indique que, en vertu d'un accord général entre les présidents de l'ECEC et de l'EPC, les informations sur les réunions avec les producteurs de l'Extrême-Orient étaient disponibles pour les membres de l'ECEC. Quant aux notes manuscrites d'Italcementi sur la réunion du Steering Committee de l'ECEC du 22 septembre 1988 ou sur la réunion de l'ECEC du 23 septembre 1988, elles confirment que des informations de l'EPC avaient été transmises à l'ECEC. En effet, Italcementi a noté: "EPC - 25 % dans les trois premiers mois 1988 trend Total EPC 10 mil. Hispacement, Heracles, Valenciana, Titan ~ 7 mil. Ciments français, Lafarge, Norcem, Cementos del Mar, Hornos Ibéricos, Rezola, Cementa, Blue Circle, Halkis ~ 3 mil." et "Hispacement 1,1 mil.; Heracles 2,8 mil. ton; Titan 1,8 mil.; Valenciana 1 mil. Toutes destinations 10 mil." ("EPC - 25 % nei primi tre mesi 1988 trend Total EPC 10 mil. Hispacement, Heracles, Valenciana, Titan ~ 7 mil. Ciments français, Lafarge, Norcem, Cementos del Mar, Hornos Ibéricos, Rezola, Cementa, Blue Circle, Halkis ~ 3 mil." et "Hispacement 1,1 mil.; Heracles 2,8 mil. ton; Titan 1,8 mil.; Valenciana 1 mil. All destinations 10 mil.") Comme le relève la Commission (décision attaquée, paragraphe 32, point 3), il s'agit des données échangées au sein de l'EPC qui ont été communiquées à l'ECEC. En effet, dans les notes manuscrites d'Italcementi qui, tout en appartenant à l'ECEC, n'était pas membre de l'EPC, il est fait explicitement référence à l'EPC.

3820. Il ressort toutefois du compte rendu de la réunion de l'ECEC du 23 septembre 1988 que, au cours de cette réunion, les membres de l'ECEC ont évalué l'offre et la demande sur les marchés à l'exportation hors Communauté pour les années 1988 et 1989. Dans ce contexte, les informations communiquées par l'EPC à l'ECEC et contenues dans les notes manuscrites d'Italcementi présentaient une utilité évidente pour les membres de l'ECEC, dès lors qu'elles donnaient une indication sur les exportations des membres de l'EPC pour 1988. Cependant, ni les notes manuscrites d'Italcementi ni le compte rendu de la réunion de l'ECEC du 23 septembre 1988 ne permettent de conclure que les activités de l'ECEC visaient au respect des marchés domestiques par la canalisation des surplus de production. En effet, les documents en question ne contiennent aucun indice de nature à démontrer que les informations communiquées par l'EPC à l'ECEC concernant les marchés à la grande exportation présentaient un rapport avec la protection des marchés domestiques européens.

3821. Même si l'on admet que le respect des marchés domestiques était la règle sous-jacente à la coopération au sein de l'EPC, les documents mentionnés au paragraphe 32 de la décision attaquée ne permettent donc pas de conclure que les liens qui ont existé entre l'ECEC et l'EPC avaient influencé les activités de l'ECEC d'une manière telle que les membres de ce dernier comité avaient adopté la règle du respect des marchés domestiques pour les activités au sein de l'ECEC.

C Absence de limitation des activités de l'ECEC à la grande exportation

3822. La Commission soutient que les activités de l'ECEC ne se sont pas limitées aux marchés à la grande exportation. Dans la décision attaquée, elle reconnaît [paragraphe 58, point 3, sous c)]: "[...] les activités principales d[e l]'ECEC consistent en la collecte et la diffusion d'informations sur les ventes sur les différents marchés d'exportation des pays tiers." Cependant, elle estime (mêmes références): "[Ces activités sont étroitement liées] aux préoccupations des membres d[e l]'ECEC relatives aux marchés internes. En effet, la connaissance de ces données sécurise les membres d[e l]'ECEC sur la canalisation efficace des surplus de production. Les membres d[e l]'ECEC tiennent ainsi l'assurance que ces surplus ne seront pas destinés, sauf quelques faibles quantités, aux marchés européens." Au soutien de son argumentation, la Commission se réfère aux documents cités au paragraphe 33, points 4 et 5, de la décision attaquée.

3823. Il convient d'examiner si ces derniers documents font apparaître un souci, de la part des membres de l'ECEC, de canaliser les surplus de production en vue de "renforcer la règle du respect des marchés domestiques" (décision attaquée, paragraphe 58, point 5).

3824. En ce qui concerne les documents mentionnés au paragraphe 33, point 4, de la décision attaquée, le compte rendu de la réunion de l'ECEC du 22 mars 1985 (documents n° 33.126/14289 à 14294) énonce: "Blue Circle achète 400 000 tonnes en vrac de la DDR. Le marketing de l'Allemagne de l'Est est agressif et le prix des sacs pourrait tomber jusqu'à 14-15 USD fob."

3825. La Commission ne saurait toutefois se fonder sur ce compte rendu pour établir que la coopération au sein de l'ECEC visait à renforcer la règle du respect des marchés domestiques par la canalisation des surplus de production. En effet, il ressort seulement de ce compte rendu que Blue Circle importe du ciment. L'extrait cité ne porte nullement sur la nécessité d'exporter des surproductions afin d'assurer le respect des marchés domestiques.

3826. En outre, la Commission ne saurait prétendre d'une manière générale (décision attaquée, paragraphe 33, point 4): "Aux réunions plénières suivantes (documents n° 33.126/12617 à 12674), chaque membre rend compte des importations de ciment dans son pays en provenance normalement des pays de l'Est." En effet, les comptes rendus des réunions de l'ECEC des 18 avril 1986 (documents n° 33.126/12665 et 12666), 11 mars 1988 (documents n° 33.126/12635 à 12641), 23 septembre 1988 (documents n° 33.126/12627 à 12634), 14 avril 1989 (documents n° 33.126/12622 à 12626) et 22 septembre 1989 (documents n° 33.126/12617 à 12621) ne contiennent aucune indication montrant que les membres de l'ECEC se seraient échangé des informations au cours de ces réunions sur les importations de ciment dans leurs pays. Toutefois, lors des réunions de l'ECEC des 23 janvier 1986 (documents n° 33.126/12667 à 12674), 18 avril 1986 (documents n° 33.126/12660 à 12664), 26 septembre 1986 (documents n° 33.126/12654 à 12659), 27 mars 1987 (documents n° 33.126/12648 à 12653) et 25 septembre 1987 (documents n° 33.126/12642 à 12647), certains membres de l'ECEC ont rendu compte des importations dans leur pays de ciment en provenance des pays de l'Europe de l'Est, de l'Asie et de la Tunisie.

3827. Force est de constater qu'aucun des comptes rendus cités au point précédent n'établit un lien entre les importations venant des pays tiers et le principe du respect des marchés domestiques. Ainsi, aucun ne fait état de la nécessité d'exporter les surplus de production ou de prendre des mesures de rétorsion contre les importations. En outre, il ressort de ces documents que les discussions relatives aux importations en provenance des pays tiers s'inscrivaient dans le contexte de la concurrence que les exportations de ces pays représentaient pour celles des pays de l'ECEC sur les marchés à la grande exportation. En tout état de cause, le simple fait d'avoir examiné, à quelques occasions, la situation des importations en provenance des pays tiers ne démontre pas que "le but et l'effet de la coopération au sein d[e l]'ECEC étaient de renforcer la règle du respect des marchés domestiques" (décision attaquée, paragraphe 58, point 5).

3828. En ce qui concerne les documents mentionnés au paragraphe 33, point 5, de la décision attaquée, il est exact, comme le soutient la Commission, que certains comptes rendus font état de quelques informations sur la situation des pays membres. Toutefois, la simple mention d'un élément d'information relatif à un marché interne de la Communauté au cours d'une réunion de l'ECEC ou du Steering Committee de l'ECEC ne démontre pas nécessairement que les activités de l'ECEC visaient à "renforcer la règle du respect des marchés domestiques" (décision attaquée, paragraphe 58, point 5) ou, en d'autres termes, "à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté" (article 5 de la décision attaquée). Il convient donc d'examiner si la Commission était en droit de conclure que les informations sur les marchés intérieurs échangées présentaient un lien avec le principe du respect des marchés domestiques.

3829. Au paragraphe 33, point 5, de la décision attaquée, la Commission se réfère à cinq documents, à savoir les comptes rendus du Steering Committee de l'ECEC des 26 mars 1987 (documents n° 33.126/12594 à 12598) et 10 mars 1988 (documents n° 33.126/12579 à 12581), les notes d'Italcementi sur la réunion du Steering Committee de l'ECEC du 22 septembre 1988 ou sur la réunion de l'ECEC du 23 septembre 1988 (documents n° 33.126/3415, 3416 et 3419), les notes d'Italcementi sur le Steering Committee de l'ECEC du 16 décembre 1988 (documents n° 33.126/3401 et 3402) et le compte rendu de la réunion du Steering Committee de l'ECEC du 13 avril 1989 (documents n° 33.126/12566 à 12569).

3830. Le compte rendu du Steering Committee de l'ECEC du 26 mars 1987 fait état d'une baisse de 24 % des exportations pour 1986: "La baisse était particulièrement prononcée en Egypte où nos membres ont fourni moins que la moitié du volume de 1985. L'Arabie Saoudite a maintenu sa tendance à la baisse. Dans l'Afrique de l'Ouest, le changement concernait surtout le clinker, qui a chuté de 300 000 tonnes." Il ajoute que l'Espagne, la France et la Turquie ont connu une baisse substantielle de leurs exportations. En ce qui concerne l'Espagne, il relève: "[Elle] a connu une bonne demande dans son marché intérieur qui compensait partiellement les exportations perdues. L'industrie espagnole a réduit ses capacités."

3831. Le compte rendu du Steering Committee du 10 mars 1988 explique: "La baisse continue [des exportations espagnoles] est une question de stratégie. Les producteurs espagnols considèrent qu'un niveau de production élevé continu ne sert aucun objectif commercial ou stratégique utile et, pour cette raison, ils sont résolus à maintenir leurs exportations au minimum."

3832. Les comptes rendus mentionnés aux deux points précédents ne permettent pas de conclure que les membres de l'ECEC visaient à canaliser leurs surplus de production en vue de renforcer la règle du respect des marchés domestiques européens. En effet, ils comportent seulement des informations relatives à un seul pays membre de l'ECEC, à savoir l'Espagne. Or, si l'objet de l'ECEC avait été de canaliser les surplus de production, les membres du Steering Committee de l'ECEC, face à la chute considérable des exportations des membres de l'ECEC sur les marchés mondiaux dont font état les comptes rendus mentionnés, auraient aussi été enclins à discuter, lors de leurs réunions des 26 mars 1987 et 10 mars 1988, des autres marchés intérieurs de la Communauté, et non pas seulement du marché espagnol, qui, précisément, ne posait aucun problème pour le respect des marchés domestiques, dès lors qu'il bénéficiait d'une demande interne importante et connaissait une réduction de capacités.

3833. Il y a lieu de rappeler que l'objet statutaire de l'ECEC était la coopération entre les producteurs européens intéressés par l'exportation de différentes sortes de ciment gris sur les marchés mondiaux (voir ci-dessus point 3788). Dans ce contexte, le membre espagnol du Steering Committee a voulu expliquer aux autres membres les raisons de la présence moins importante des producteurs espagnols sur les marchés à la grande exportation. En tout état de cause, la Commission n'explique pas davantage, dans la décision attaquée, comment l'échange d'informations dont font état les extraits des comptes rendus du Steering Committee de l'ECEC des 26 mars 1987 et 10 mars 1988 aurait visé à renforcer la règle du respect des marchés domestiques.

3834. Dans ces circonstances, les comptes rendus des 26 mars 1987 et 10 mars 1988 ne démontrent pas le caractère infractionnel des activités de l'ECEC.

3835. Les notes d'Italcementi sur la réunion de l'ECEC ou du Steering Committee de l'ECEC des 22 et 23 septembre 1988 font état des communications suivantes:

"Le silo flottant qui était dans le port de Brest a repris le large apparemment vers Alger à la suite d'accords probables avec Lafarge; le silo flottant Gizan est toujours dans le port de Sète et il est bien accueilli par les dockers qui voudraient se venger du fait que Lafarge a fermé une cimenterie dans la région à partir de laquelle du ciment était exporté" ("il silo flottante, che era all'ancora nel porto di Brest, a seguito di probabili accordi con Lafarge ha ripreso il mare diretto apparentemente verso Algeri; il silo flottante Gizan è sempre fermo in rada nel porto di Sète; detta unità sembrerebbe bene accolta dalla compagnia portuale, la quale vorrebbe nella fare uno sgarbo alla Lafarge rea di aver chiuso una cementeria in zona, dalla quale veniva esitato cemento in esportazione");

"Blue Circle achète du clinker du Liban (Holderbank) pour le Royaume-Uni; elle achète aussi en Belgique." ("Blue Circle acquista clinker dal Libano (cementeria Holderbank) per U.K.; Tipo quasi a basso tenero in alkali acquista anche dal Belgio.")

3836. Ces indications doivent être mises en rapport avec le point du compte rendu de la réunion de l'ECEC du 23 septembre 1988 (documents n° 33.126/12627 à 12634), qui énonce, sous le point "Terminaux d'importations":

"M. Torrella a demandé qu'une liste révisée de terminaux flottants soit préparée et distribuée aux membres. L'information sur les terminaux est manifestement détenue par des membres individuels auxquels il a été demandé, pour cette raison, de fournir une telle information au secrétariat. L'information sera rassemblée et distribuée à tous les membres."

3837. Bien que les notes d'Italcementi relatives aux réunions des 22 et 23 septembre 1988 mentionnent un fait qui concerne le marché de la Communauté, à savoir que Blue Circle importe au Royaume-Uni du ciment en provenance du Liban et de Belgique, elles ne sont pas de nature à démontrer que les membres de l'ECEC visaient, par leur coopération dans cette enceinte, à renforcer la règle du respect des marchés domestiques en canalisant leurs surplus de production. En effet, comme Blue Circle importait du ciment, elle ne connaissait manifestement pas de problèmes de surplus de production.

3838. Les notes d'Italcementi sur le Steering Committee de l'ECEC du 16 décembre 1988 font état de la nécessité pour le Royaume-Uni d'importer, en 1989, 2 millions de tonnes de ciment et de clinker. L'auteur des notes remarque que, si Italcementi était "autorisée à agir comme Intertrading" extrait qui a été traduit dans la décision attaquée par "autorisée en tant que société de commercialisation" , elle pourrait s'insérer dans les fournitures à destination du Royaume-Uni, par exemple avec du ciment en provenance de Yougoslavie.

3839. Au cours de la présente procédure, la Commission a insisté sur l'utilisation du mot "autoriser" dans les notes d'Italcementi. Celles-ci démontreraient que, dans le cadre de l'ECEC, les exportations vers les autres pays membres étaient soumises à une autorisation préalable, ce qui démontrerait que la règle sous-jacente à la coopération au sein de l'ECEC était le respect des marchés domestiques.

3840. En revanche, Italcementi, dans sa réponse du 23 juin 1998 à une question écrite du Tribunal, a expliqué, preuves documentaires à l'appui, qu'elle avait constitué le 16 novembre 1988 la société Intertrading pour être présente sur le marché du trading international de ciment. Toutefois, au moment où les notes sur le Steering Committee de l'ECEC du 16 décembre 1988 ont été rédigées, soit le 21 décembre 1988, Intertrading n'avait pas encore obtenu son inscription au registre des entreprises, condition indispensable pour exercer des activités commerciales. Dès lors, à cette époque, Intertrading n'aurait pas encore été "autorisée" à opérer.

3841. L'explication avancée par Italcementi doit être retenue. En effet, l'utilisation d'une majuscule pour la dénomination "Intertrading" dans les notes sur le Steering Committee de l'ECEC du 16 décembre 1988 démontre qu'il s'agit d'une référence à une société. Italcementi a produit la preuve d'une inscription d'Intertrading au registre des entreprises, le 9 janvier 1989 (annexe 3 à la réponse du 23 juin 1998). A partir de cette date, cette société était donc "autorisée" à exercer des activités commerciales. Par suite, il ne saurait être déduit de l'utilisation du mot "autoriser" dans les notes d'Italcementi sur le Steering Committee de l'ECEC du 16 décembre 1988 que l'objet de l'ECEC était de renforcer la règle du respect des marchés domestiques européens.

3842. Il y a lieu de constater ensuite que les notes en question exposent la nécessité pour le Royaume-Uni d'importer du ciment afin de satisfaire sa demande intérieure, nécessité impliquant que, sur le marché en cause, l'offre était inférieure à la demande. Les mêmes notes démontrent aussi qu'Italcementi ne connaissait pas non plus de problèmes de surproduction, cette entreprise voyant dans cette situation une opportunité d'exporter vers le Royaume-Uni du ciment en provenance de Yougoslavie.

3843. Dès lors, elles ne sont nullement de nature à démontrer que les activités de l'ECEC avaient pour objet la canalisation des surplus de production en vue de renforcer la règle du respect des marchés domestiques.

3844. Enfin, le compte rendu de la réunion du Steering Committee de l'ECEC du 13 avril 1989 rapporte:

"Les exportations françaises de clinker ont diminué, puisque la capacité est limitée et il y a une forte demande sur les marchés voisins qui sont plus intéressants. Bien que les exportations françaises dans les pays hors Europe occidentale aient diminué, le premier trimestre de 1989 affiche une augmentation de 8 % dans les ventes globales locales et à l'exportation."

3845. De même, les notes manuscrites de M. Leboeuf, de Ciments français, se rapportant à la réunion plénière de l'ECEC du 14 avril 1989 à Bruxelles (décision attaquée, paragraphe 31, point 3; documents n° 33.126/18201 à 18204) indiquent que la baisse des exportations de ciment en "1988 est plus la conséquence d'un manque de disponibilité en Europe en raison de bons marchés nationaux et d'une préférence à privilégier les échanges intereuropéens à meilleurs prix qu'à la grande exportation, que d'une forte concurrence étrangère".

3846. La teneur de ces deux documents contredit la thèse de la Commission selon laquelle "le but et l'effet de la coopération au sein de l'ECEC étaient de renforcer la règle du respect des marchés domestiques" (décision attaquée, paragraphe 58, point 5) par la "canalisation des surplus de production" (paragraphe 58, points 2 et 3). En effet, les exportations vers les marchés non européens ont été réduites et canalisées vers l'Europe. Aucun jugement n'est porté sur cet état de fait dans les documents précités concernant les réunions des 13 et 14 avril 1989, bien que les notes de M. Leboeuf relèvent qu'il "se pourrait [...] que, globalement, la demande totale mondiale à l'exportation soit difficilement satisfaite, d'autant plus que les nouvelles entités de production se font rares".

3847. Il s'ensuit que la Commission ne saurait prétendre, comme elle l'a fait dans la décision attaquée, que les "concertations [au sein de l'ECEC] ont influencé [les] décisions commerciales [des membres de l'ECEC] pour les marchés internes, puisque, en l'absence de ces concertations et dans l'incertitude des quantités exportables et des prix praticables, ils auraient pu décider de commercialiser plus de produits dans les États membres, modifiant ainsi la structure des échanges intracommunautaires" (paragraphe 58, point 4), et que "[l]es membres d[e l]'ECEC tiennent ainsi l'assurance que [les] surplus [de production] ne seront pas destinés, sauf quelques faibles quantités, aux marchés européens" (paragraphe 58, point 3). Il ressort, en effet, des documents mentionnés ci-dessus aux points 3844 et 3845 que, lorsque les prix en Europe étaient plus intéressants que les prix à la grande exportation, les membres de l'ECEC favorisaient les échanges intereuropéens.

3848. Il résulte de ce qui précède que la Commission n'a pas démontré que les discussions qui ont eu lieu occasionnellement au cours des réunions plénières de l'ECEC ou du Steering Committee de l'ECEC sur les importations dans les pays membres venant des pays de l'Est (décision attaquée, paragraphe 33, point 4) et sur les marchés intérieurs (paragraphe 33, point 5) présentaient un lien avec la règle du respect des marchés domestiques. En effet, aucun des documents ne fait état, même implicitement, d'une nécessité de canaliser les surplus de production. En ce qui concerne les références aux marchés intérieurs de la Communauté, soit elles concernent des problèmes de sous-production, dès lors qu'elles démontrent que certains producteurs européens (Blue Circle et Italcementi) envisageaient l'importation de ciment, soit elles fournissent des explications d'une réduction des exportations espagnoles hors de l'Europe. En outre, deux documents, à savoir le compte rendu de la réunion du Steering Committee de l'ECEC du 13 avril 1989 et les notes manuscrites de M. Leboeuf, de Ciments français, se rapportant à la réunion plénière de l'ECEC du 14 avril 1989 à Bruxelles, contredisent même la thèse de la Commission selon laquelle "le but et l'effet de la coopération au sein de l'ECEC étaient de renforcer la règle du respect des marchés domestiques" (décision attaquée, paragraphe 58, point 5) par la "canalisation des exportations" (paragraphe 58, points 2 et 3).

Conclusions

3849. Les documents mentionnés aux paragraphes 31 à 34, 58 et 60 de la décision attaquée, même considérés dans leur ensemble, n'établissent pas que les membres de l'ECEC, dans le cadre de leur coopération au sein de ce comité à l'exportation, visaient à canaliser leurs surplus de production en vue de renforcer la règle du respect des marchés domestiques.

3850. Dans la mesure où les activités au sein de l'ECEC ont été considérées, à l'article 5 de la décision attaquée, comme constituant une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, au motif qu'elles visaient "à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté" (décision attaquée, paragraphe 58, points 5 et 6), l'article 5 de la décision attaquée doit être annulé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens et arguments des parties requérantes concernées.

3850. Dans la mesure où les activités au sein de l'ECEC ont été considérées, à l'article 5 de la décision attaquée, comme constituant une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, au motif qu'elles visaient "à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté" (décision attaquée, paragraphe 58, points 5 et 6), l'article 5 de la décision attaquée doit être annulé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens et arguments des parties requérantes concernées.

XI Sur les moyens tirés de violations des articles 85, paragraphe 1, et 190 du traité et des droits de la défense, en ce que la Commission constate l'existence, dans le cadre de l'EPC, d'une pratique concertée contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, et la participation des différentes parties requérantes mises en cause (article 6 de la décision attaquée)

Observations liminaires

3851. L'article 6 de la décision attaquée dispose que Lafarge, Titan, Heracles, Halkis, Ciments français, Blue Circle, Hispacement, Hornos Ibéricos, Valenciana et sa filiale Cementos del Mar ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité "en participant, dans le cadre d[e l]'EPC, à une pratique concertée continue portant sur l'examen de la situation de marchés communautaires, le partage des marchés des pays tiers, la fixation des prix pour les produits destinés à la grande exportation, l'échange de données individualisées sur les disponibilités à l'exportation et sur les exportations effectuées dans les pays tiers et visant à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté".

3852. La Commission a fixé le point de départ de cette infraction au 1er juillet 1981, sauf pour les entreprises espagnoles, pour lesquelles le point de départ a été fixé au 1er janvier 1986. L'infraction aurait duré jusqu'au 19 mai 1989 pour toutes les entreprises concernées, sauf pour Blue Circle et Ciments français, pour lesquelles les dates de fin de l'infraction ont été fixées, respectivement, aux 12 octobre 1987 et 17 février 1989.

3853. Ciments français (T-39/95), Lafarge (T-43/95), Valenciana (T-52/95), Heracles (T-57/95), Titan (T-64/95), Hornos Ibéricos (T-69/95), Blue Circle (T-88/95) et Halkis (T-104/95) contestent tant l'existence de l'infraction constatée que leur participation à celle-ci. Valenciana, Hornos Ibéricos et Blue Circle dénoncent aussi une violation de leurs droits de la défense liée à un accès insuffisant, au cours de la procédure administrative, au dossier de la Commission, qui les aurait privées de prétendus éléments à leur décharge, concernant le grief retenu à l'article 6 de la décision attaquée. Hornos Ibéricos et Halkis soutiennent encore que, en violation de l'article 190 du traité, la décision n'est pas suffisamment motivée en ce qui concerne l'infraction constatée à son article 6.

Décision attaquée

3854. L'EPC et la pratique concertée constatée dans le cadre de ce comité font l'objet des paragraphes 30, 35 à 37, 59 et 60 de la décision attaquée.

3855. La Commission expose d'abord l'historique de la naissance de l'EPC (paragraphes 30 et 35). Cembureau aurait abandonné son comité pour l'exportation, en raison de la "répulsion [de la Communauté] pour les cartels de toutes sortes" [note interne de Blue Circle du 9 avril 1981 (décision attaquée, paragraphe 30, point 1; documents n° 33.126/11338 à 11340)], ce qui aurait donné lieu à la formation du "London Club". La Commission explique que, en 1978, les grands exportateurs de ciment estimèrent qu'ils devaient se réunir en dehors du "London Club" et donnèrent naissance à l'EPC (paragraphe 30, point 2). Il se serait agi d'un comité informel de chefs d'entreprise (paragraphe 35, point 2).

3856. La Commission mentionne ensuite les différentes entreprises qu'elle considère comme étant membres de l'EPC et parmi lesquelles figurent Ciments français, Lafarge, Valenciana, Heracles, Titan, Hornos Ibéricos, Blue Circle et Halkis (paragraphe 35, point 3). Elle dit ne pas disposer des statuts de l'EPC, ajoutant que, d'après les déclarations de M. Gac, il n'y en a jamais eu (paragraphe 35, point 4).

3857. La Commission déduit l'objectif poursuivi par l'EPC de différents éléments de preuve mentionnés aux paragraphes 35, points 5 à 9, 36 et 37 de la décision attaquée.

3858. Elle explique que, d'après une note manuscrite de Ciments français (paragraphe 35, point 5; document n° 33.126/4365), en créant l'EPC, "les présidents ont voulu contrôler les exportateurs". La Commission soutient que cette interprétation semble confirmée par la note interne de Blue Circle du 9 avril 1981, susvisée, qui mentionne que, au sein de l'EPC, "les sociétés membres seraient représentées au niveau des principaux dirigeants".

3859. La Commission reconnaît que les activités de l'EPC portaient essentiellement sur les marchés à l'exportation et que la coopération au sein de l'EPC concernait le partage des marchés, la fixation des prix, l'échange de données et la recherche d'accords avec d'autres organisations exportatrices siégeant en Asie (paragraphe 37). Toutefois, elle soutient que certains documents cités au paragraphe 35 et les documents cités au paragraphe 36 de la décision attaquée montrent que l'EPC ne s'occupait pas seulement des exportations en dehors de l'Europe, mais aussi du commerce intra-européen (paragraphe 36, point 1).

3860. Dans la partie de la décision attaquée consacrée à l'appréciation juridique des activités de l'EPC, la Commission, se référant à trois facteurs (voir ci-après points 3870 à 3873), soutient qu'il existe un lien entre les activités de l'EPC et la règle du respect des marchés domestiques (décision attaquée, paragraphe 59, point 1).

3861. Elle fait valoir (même point, dernier alinéa):

"[...] les activités principales de l'EPC consistent en la collecte et la diffusion d'informations sur les ventes des membres sur les différents marchés d'exportation des pays tiers. En outre, les membres se partagent les marchés d'exportation et fixent ou se communiquent les prix à pratiquer ou pratiqués sur les divers marchés. Tout ceci est, toutefois, étroitement lié aux préoccupations des membres de l'EPC relatives aux marchés internes. En effet, la connaissance de ces données sécurise les membres de l'EPC sur la canalisation efficace des surplus de production. Les membres de l'EPC obtiennent ainsi l'assurance que ces surplus ne seront pas destinés, sauf quelques faibles quantités, aux marchés européens."

3862. Le respect des marchés domestiques étant la règle sous-jacente aux activités de l'EPC, elle conclut (paragraphe 59, point 2, premier alinéa) que "l'un des objets d[e l]'EPC est de restreindre la concurrence à l'intérieur de la Communauté".

3863. Elle conclut ensuite (paragraphe 59, point 3) que la coopération au sein de l'EPC, à travers les activités visées aux paragraphes 36 et 37 de la décision attaquée, constitue une pratique concertée continue par laquelle "les membres d[e l]'EPC ont renoncé à mettre en œuvre une politique commerciale autonome en créant un système de solidarité et de contrôle visant à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs à l'intérieur de la Communauté".

Pratique concertée visant à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs à l'intérieur de la Communauté

3864. Ciments français, Lafarge, Valenciana, Heracles, Titan, Hornos Ibéricos, Blue Circle et Halkis ne contestent pas leur affiliation à l'EPC. Elles ne contestent pas non plus les faits constatés au paragraphe 37, points 3 à 6, de la décision attaquée, à savoir que les participants à l'EPC se sont partagé le marché à la grande exportation, ont fixé des prix pour leurs exportations et ont échangé des informations sur leurs exportations.

3865. Les parties requérantes concernées soulignent que leur coopération au sein de l'EPC visait à faire augmenter les prix à l'exportation du ciment. Cette coopération n'aurait toutefois été liée à aucune règle de respect des marchés domestiques. Les activités de l'EPC n'auraient concerné que des marchés des pays tiers à la Communauté, de sorte qu'elles auraient échappé à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Selon les parties requérantes, suivre la thèse de la Commission reviendrait à admettre que toute entente à l'exportation d'industries dans lesquelles existe une surcapacité constitue une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

3866. Blue Circle souligne qu'il ne saurait être question d'une canalisation des surplus de production dans le cadre de l'EPC. Dans la mesure où l'EPC aurait rempli son objectif d'augmenter les prix à l'exportation, la loi de l'offre et de la demande aurait eu pour effet de réduire le volume des exportations.

3867. La Commission estime au contraire que les activités de l'EPC ont faussé la concurrence à l'intérieur de la Communauté (décision attaquée, paragraphe 59) et affecté les échanges entre Etats membres (décision attaquée, paragraphe 60). Selon elle, le respect des marchés domestiques à l'intérieur des pays Cembureau était la règle sous-jacente à la coopération à la grande exportation au sein de l'EPC (décision attaquée, paragraphes 35, point 9, 37, point 1, et 59, point 2). La coopération au sein de l'EPC décrite aux paragraphes 36 et 37 de la décision attaquée a, par voie de conséquence, été retenue à l'article 6 de celle-ci en tant que pratique concertée continue, contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, visant "à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté".

3868. Comme le souligne la Commission (décision attaquée, paragraphe 37, point 1), une coopération entre entreprises sur les marchés à l'exportation ne peut faire l'objet d'une constatation d'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité que si cette coopération a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur de la Communauté et si elle est susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres (arrêts Suiker Unie e.a./Commission, cité au point 651 ci-dessus, points 580 et 599 à 601, et CRAM et Rheinzink/Commission, cité au point 1335 ci-dessus, points 24 à 31).

3869. Pour apprécier si les membres de l'EPC ont, dans le cadre de celui-ci, participé à une pratique concertée en violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, il convient donc d'examiner si la Commission a démontré que leur coopération au sein de l'EPC visait "à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté" (article 6 de la décision attaquée).

3870. Dans la décision attaquée [paragraphe 59, point 1, sous a) à c)], la Commission se fonde, en substance, sur les éléments suivants pour établir un lien entre les activités de l'EPC et la règle du respect des marchés domestiques.

3871. Elle fait d'abord valoir [point 1, sous a)]:

"[Selon une note de Ciments français,] par la création d[e l']EPC, 'les présidents ont voulu contrôler les exportateurs (voir paragraphe 35, point 5, ci-dessus) [document n° 33.126/4454]. En définissant le WCC [voir ci-dessus point 21] par référence à l'EPC, Ciments français indique que le WCC est 'un club informel qui est au ciment blanc ce que le Policy est au gris' [note interne de Ciments français du 7 mars 1989; documents n° 33.126/4466 et 4467]: la règle du WCC est le respect des marchés intérieurs".

3872. Elle souligne ensuite [point 1, premier alinéa, et sous b)] la filiation historique entre Cembureau et l'EPC et le fait que les membres de l'EPC sont, à travers leurs associations nationales, membres indirects de Cembureau.

3873. Enfin, elle fait remarquer [point 1, sous c)] que les problèmes internes des Etats membres ont été examinés à plusieurs reprises dans le cadre de l'EPC. Ainsi, les membres de l'EPC auraient eux-mêmes établi un lien entre marchés internes et marchés à l'exportation.

3874. Il convient d'examiner d'abord si les liens existant entre l'EPC et Cembureau constituaient un indice de l'existence d'un lien entre les activités de l'EPC et la règle du respect des marchés domestiques (A). Seront examinés ensuite les notes internes de Ciments français (B) et les documents émanant de la structure de l'EPC, dont il ressortirait que les membres de ce comité avaient eux-mêmes établi un lien entre les marchés internes et les activités de l'EPC (C).

A Liens entre l'EPC et Cembureau

3875. Pour démontrer que les activités de l'EPC visaient à assurer le respect des marchés domestiques européens, la Commission souligne la filiation historique qui aurait existé entre Cembureau et l'EPC (décision attaquée, paragraphe 59, point 1, premier alinéa). Elle ajoute que les membres de l'EPC, en tant que membres indirects de Cembureau, étaient tous tenus au respect du principe des marchés domestiques [même point, sous b)].

3876. Ciments français, Lafarge et Hornos Ibéricos affirment qu'il n'existait aucun lien institutionnel entre Cembureau et l'EPC. En fait, ce serait l'ECEC, et non pas l'EPC, qui aurait succédé au "London Club", de sorte qu'il n'y aurait eu aucune filiation historique entre Cembureau et l'EPC (voir ci-dessus point 3855). En outre, les membres de l'EPC auraient été hostiles à Cembureau. Les parties requérantes visées à l'article 6 de la décision attaquée soulignent encore que leur qualité de membres indirects de Cembureau n'est nullement de nature à étayer la thèse de la Commission dans la présente espèce.

3877. Il doit être constaté que la note de Blue Circle du 9 avril 1981 (décision attaquée, paragraphe 30, point 1; documents n° 33.126/11338 à 11340) démontre qu'il n'existait aucun lien institutionnel entre Cembureau et l'EPC. Celui-ci et l'ECEC ont en effet été constitués à la suite d'une décision de Cembureau de ne plus gérer lui-même un comité à l'exportation (voir ci-dessus point 3855). Dans ces circonstances, la Commission ne pouvait déduire de l'existence d'une filiation historique entre Cembureau et l'EPC que les activités de Cembureau postérieures à la constitution de l'EPC, à savoir la conclusion de l'accord Cembureau dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, influençaient les activités de l'EPC.

3878. De plus, bien qu'il soit exact que les membres de l'EPC étaient tous membres indirects de Cembureau, cette circonstance ne démontre pas en soi que la règle du respect des marchés domestiques était la règle sous-jacente à la coopération au sein de l'EPC. L'affirmation contenue dans la décision attaquée, selon laquelle les membres de l'EPC, par leur affiliation indirecte à Cembureau, étaient "tenus au respect du principe des marchés domestiques" [décision attaquée, paragraphe 59, point 1, sous b)] doit donc être rejetée. En effet, dans ce passage de la décision attaquée, la Commission ne fait que présumer ce qu'elle doit prouver, à savoir l'existence d'un lien entre les activités de l'EPC et la règle du respect des marchés domestiques. Au demeurant, il ne saurait a priori être exclu que quelques membres indirects de Cembureau aient mis sur pied, dans le cadre de l'EPC, une coopération sans aucun lien avec une règle de respect des marchés domestiques à l'intérieur des pays Cembureau. A cet égard, il n'est pas contesté que l'EPC a été constitué en 1978 [réponse de M. Gac du 30 mars 1990 à une demande d'informations de la Commission (décision attaquée, paragraphe 35, point 2; documents n° 33.126/16766 à 16777, particulièrement 16772)], cinq années avant la conclusion de l'accord Cembureau dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983.

3879. Il y a encore lieu de souligner que, pour les membres de l'EPC, qui étaient tous membres indirects de Cembureau, la preuve de leur adhésion à l'accord Cembureau repose sur leur participation à une mesure de mise en œuvre de cet accord (voir ci-dessus points 1309, 1310, 1440 et 1441), mesure caractérisée par une identité d'objet avec l'accord Cembureau (décision attaquée, paragraphes 46, points 1 et 2, et 65, point 3, premier alinéa). Toutefois, en se fondant sur une adhésion supposée de ces entreprises à la règle du respect des marchés domestiques en raison de leur affiliation indirecte à Cembureau, pour démontrer le caractère infractionnel des activités de l'EPC, la Commission a, en réalité, tenu un raisonnement circulaire. En effet, dans le cadre de celui-ci, l'adhésion des entreprises à l'accord Cembureau est considérée comme démontrée par leur participation à une entente ayant le même objet que l'accord Cembureau, alors que l'identité d'objet est démontrée sur la base d'une adhésion supposée à la règle du respect des marchés domestiques.

3880. En vue de retenir le caractère infractionnel des comportements visés à l'article 6 de la décision attaquée, la Commission doit donc démontrer que les activités de l'EPC visaient au respect de la règle des marchés domestiques, sans se fonder sur une présomption d'adhésion à cette règle en raison d'une affiliation indirecte des membres de l'EPC à Cembureau. A cette condition seulement, la participation des membres de l'EPC aux activités de ce comité à l'exportation pourra être considérée comme une manifestation claire de leur adhésion à la règle commune du respect des marchés domestiques.

3881. Enfin, si les autres éléments avancés aux paragraphes 30, 35 à 37, 59 et 60 de la décision attaquée démontrent que les membres de l'EPC cherchaient "à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté" (article 6 de la décision attaquée) et, partant, qu'il existait une identité d'objet entre la coopération au sein de l'EPC et l'accord Cembureau, l'affiliation indirecte des membres de l'EPC à Cembureau constituera un élément pertinent pour déterminer si les activités de l'EPC constituaient une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau (voir ci-après points 4096 à 4101).

B Notes internes de Ciments français

3882. Valenciana affirme que les notes internes de Ciments français (documents n° 33.126/4454, 4466 et 4467) commentées aux paragraphes 35, points 5 et 6, et 59, point 1, sous b), de la décision attaquée n'ont qu'une faible valeur probante, puisqu'elles n'émanent ni de l'EPC ni d'elle-même et qu'elles ne peuvent donc lier que leur auteur. Hornos Ibéricos fait valoir qu'il n'est pas permis de présumer que les notes en question avaient un seul et même auteur et que ces notes ont été rédigées à des dates rapprochées dans le temps.

3883. Il convient de rappeler que la circonstance que Valenciana n'a pas participé à l'élaboration des notes mentionnées dans la décision attaquée, dans le cadre de l'infraction visée à l'article 6 de la décision attaquée, n'est pas de nature à les rendre inopposables à son égard à titre d'éléments de preuve de cette infraction (arrêt du Tribunal Empresa Nacional Siderúrgica/Commission, cité au point 1053 ci-dessus, point 312). En l'espèce, il n'a pas été sérieusement contesté que les notes en question, qui ont été trouvées dans le bureau du directeur commercial de Ciments français, émanent de cette société. Or, Ciments français est l'un des membres fondateurs de l'EPC, qui a, en outre, participé de manière continue à ce comité de 1978 jusqu'au 17 février 1989 [réponse non contestée de M. Gac du 30 mars 1990 à une demande d'informations de la Commission (documents n° 33.126/16766 à 16777, particulièrement 16772)]. Dans ces circonstances, et indépendamment de la question de savoir si les notes en question ont été rédigées par la même personne et au cours de la même période, les informations contenues dans ces notes doivent être considérées comme des éléments de preuve fiables, sur lesquels la Commission était en droit de se fonder pour démontrer l'illicéité des activités de l'EPC.

3884. Il convient de constater ensuite que la note non datée de Ciments français (décision attaquée, paragraphe 35, point 6; document n° 33.126/4454) relève: "[Le] WCC [...] est un club: objet: protection des marchés intérieurs règle: chacun respecte ses marchés intérieurs et exporte ses surproductions dans un consensus général." L'autre note de Ciments français, datée du 7 mars 1989 (même point; documents n° 33.126/4466 et 4467), indique que le WCC est "un club informel qui est au ciment blanc ce que le Policy est au gris". Aucune des parties requérantes concernées ne conteste que la référence au "Policy" dans cette dernière note est une référence à l'EPC.

3885. Ces notes de Ciments français constituent donc un indice objectif de ce que les membres de l'EPC cherchaient à renforcer le principe du respect des marchés domestiques en canalisant leurs surproductions vers des pays tiers.

3886. Hornos Ibéricos fait toutefois valoir que la Commission a cité erronément la note non datée de Ciments français (document n° 33.126/4454) dans la décision attaquée. Cette note ne contiendrait pas le passage reproduit au paragraphe 35, point 6, de la décision attaquée et dans la CG (paragraphe 27), aux termes duquel: "[Le] WCC [...] est un club: objet: protection des marchés intérieurs".

3887. Cet argument doit être rejeté. En effet, le passage en question figure au verso du document n° 33.126/4454, dont la copie, tant du recto que du verso, figurait dans la boîte (voir ci-dessus point 95), et il a été correctement cité aussi bien dans la CG que dans la décision attaquée.

3888. Dans la décision attaquée, la Commission s'est encore fondée sur le passage "les Pdr. ont voulu contrôler les exportateurs" de la note non datée de Ciments français (document n° 33.126/4454) pour conclure que "les présidents ont voulu contrôler les exportateurs".

3889. Hornos Ibéricos estime que "Pdr" pourrait signifier "producteurs" mais non "présidents". La Commission aurait voulu traduire erronément l'abréviation, afin de pouvoir conclure que ce document concordait avec le contenu de la note de Blue Circle du 9 avril 1981 (documents n° 33.126/11338 à 11340), laquelle mentionne que les sociétés étaient représentées au sein de l'EPC au niveau des "Chief Executives".

3890. Toutefois, la question de savoir si "Pdr" désignait "présidents" ou "producteurs" n'est pas déterminante. Ce qui importe, c'est que la note de Ciments français en cause reflétait une volonté claire de contrôler les exportations. Une lecture combinée des deux notes de Ciments français (documents n° 33.126/4454, 4466 et 4467) indique que ce contrôle était nécessaire pour assurer le respect de la règle du respect des marchés domestiques.

3891. Ces notes, lues conjointement, constituent ainsi un indice objectif de ce que les activités de l'EPC visaient "à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté" (article 6 de la décision attaquée).

3892. Ciments français fait encore valoir que l'auteur de la note datée du 7 mars 1989 (documents n° 33.126/4466 et 4467) voulait uniquement souligner, en indiquant que le WCC était un club informel qui était au ciment blanc ce que le Policy était au gris, que le WCC avait également pour objet, à l'instar de l'EPC, de regrouper les principales sociétés exportatrices de ciment blanc.

3893. Cet argument doit être rejeté. En effet, le parallélisme entre le WCC et l'EPC exprimé par l'auteur de cette note du 7 mars 1989 est général. Or, la note non datée de Ciments français (document n° 33.126/4454) indique, sans équivoque, que la règle du respect des marchés domestiques était la règle sous-jacente aux activités du WCC. Vu la généralité du parallélisme exprimé entre les deux comités dans la note du 7 mars 1989, les deux notes en question, lues conjointement, constituent un indice objectif de ce que les membres de l'EPC visaient, par leur coopération au sein de ce comité à l'exportation, à soutenir la règle du respect des marchés domestiques. En outre, il existe de nombreux autres indices (voir ci-après points 3894 à 3915) corroborant l'interprétation des notes internes de Ciments français (documents n° 33.126/4454, 4466 et 4467) effectuée dans la décision attaquée, selon laquelle le respect des marchés domestiques à l'intérieur des pays Cembureau était la règle sous-jacente à la coopération à la grande exportation au sein de l'EPC.

C Documents émanant de la structure de l'EPC, dont il ressortirait que les membres de ce comité avaient eux-mêmes établi un lien entre les marchés internes et les activités de l'EPC

3894. Dans la décision attaquée (paragraphe 36, point 1), la Commission constate que certains documents cités au paragraphe 35 et l'ensemble des éléments de preuve mentionnés au paragraphe 36 "émanant de la structure de l'EPC montrent que [l']EPC ne s'occupait pas seulement des exportations en dehors de l'Europe, mais aussi du commerce intra-européen". Il ressortirait de ces documents que les membres de l'EPC, qui auraient eux-mêmes établi un lien entre marchés internes et marchés à l'exportation, visaient, par leur coopération au sein de l'EPC, au respect des marchés domestiques européens (décision attaquée, paragraphe 59, points 1 et 2).

3895. Il y a lieu de constater, en premier lieu, que les notes de M. Gac du 1er septembre 1986, intitulée "L'EPC au-delà de 1986" (décision attaquée, paragraphe 36, point 4; documents n° 33.126/12771 à 12773), et du 4 novembre 1986, intitulée "Avenir de l'EPC" (décision attaquée, paragraphe 36, point 5; documents n° 33.126/12775 à 12778), constituent d'autres indices objectifs et concordants de ce que, par leur coopération au sein de l'EPC, les membres de ce comité ont cherché à faire respecter la règle du respect des marchés domestiques européens.

3896. Dans la note du 4 novembre 1986, la "surcapacité en Europe occidentale" a été considérée comme un "problème [...] à l'horizon [des] marchés nationaux". Dans la note du 1er septembre 1986, il est expliqué, dans le cadre de l'"option 1 Maintien du statu quo": "La réduction constante du volume des affaires et les frictions entre les Européens dues à l'intention grecque d'exporter sur les marchés de l'Europe occidentale donnent à penser qu'il n'est plus avantageux de poursuivre avec l'EPC dans le cadre de l'accord actuel".

3897. Dès lors, après avoir constaté l'intention des producteurs grecs d'écouler une partie de leur production sur le marché de l'Europe occidentale, M. Gac exprime des doutes sur la possibilité de survie de l'EPC. Cela démontre que, à tout le moins à cette époque, la règle sous-jacente à la coopération à la grande exportation dans le cadre de l'EPC était le respect des marchés domestiques.

3898. Hornos Ibéricos soutient que les notes de M. Gac des 1er septembre et 4 novembre 1986 étaient de simples pronostics de celui-ci au sujet de l'avenir de l'EPC et ne révélaient qu'un élément de notoriété publique, à savoir que l'industrie européenne du ciment connaissait des surcapacités à cette époque. Elle ajoute que la note du 4 novembre 1986 se réfère à l'absence de volonté des membres de l'EPC de traiter la question des surcapacités en Europe occidentale.

3899. Cet argument doit être rejeté. Bien que la note de M. Gac du 4 novembre 1986 fasse apparaître que le problème des surcapacités n'était "pas suffisamment tangible pour devenir l'objet de discussions intenses", cette note et celle du 1er septembre 1986, ainsi que de nombreux autres documents (voir ci-après points 3900 à 3915), établissent un lien entre les activités de l'EPC et la nécessité de canaliser les surplus de production afin de sauvegarder le respect des marchés domestiques européens. Ce lien entre les activités de l'EPC et la règle du respect des marchés domestiques explique pourquoi M. Gac a jugé nécessaire de mettre en cause la survie de l'EPC après avoir constaté l'intention des producteurs grecs d'écouler une partie de leur production en Europe occidentale. Toutefois, le fait que les surcapacités mêmes, qui constituent le problème sous-jacent au surplus de production, n'ont pas fait l'objet de discussions au sein de l'EPC n'est nullement de nature à infirmer la constatation selon laquelle les membres de l'EPC visaient, dans le cadre de ce comité à l'exportation, à canaliser leurs surplus de production dans le but d'"éviter [d]es incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté" (article 6 de la décision attaquée).

3900. En second lieu, différents documents cités au paragraphe 36 de la décision attaquée font apparaître que les mentions concernant les marchés européens, faites au cours de certaines réunions de l'EPC, étaient en rapport avec des problèmes relatifs à des échanges intra-européens.

3901. Ainsi, le projet de compte rendu envoyé à Blue Circle concernant la réunion de l'EPC du 18 novembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 36, point 2; documents n° 33.126/11365 à 11373) contient, à la page 4, les annotations suivantes qui ne sont pas contenues dans le procès-verbal officiel (même point; documents n° 33.126/14062 à 14068): "Ce qui suit concerne des opérations intra-européennes et je ne suis pas sûr qu'il devrait être inséré dans notre procès-verbal? [...] Le marché du Royaume-Uni subit les pressions des fournisseurs espagnols. M. Manglano a rassuré les délégués que ni Valenciana ni Cementos del Mar ne sont impliquées dans le commerce avec le Royaume-Uni." Valenciana a donc cru nécessaire d'assurer les autres participants à la réunion de l'EPC que ni elle ni sa filiale Cementos del Mar n'étaient impliquées dans les exportations vers le Royaume-Uni.

3902. Hornos Ibéricos soutient que le passage cité de la page 4 du projet de compte rendu envoyé à Blue Circle démontre que les discussions sur les échanges intracommunautaires ne se situaient pas dans le contexte des objectifs de l'EPC.

3903. Toutefois, il importe de déterminer quelles étaient les activités réelles de l'EPC, et non pas de s'en tenir à la seule analyse des objectifs "officiels" qui lui étaient attribués. Or, il ressort non seulement du projet de compte rendu envoyé à Blue Circle concernant la réunion de l'EPC du 18 novembre 1983, mais également d'autres documents que des problèmes causés par des échanges intracommunautaires ont été discutés au cours des réunions de l'EPC.

3904. Ainsi, la note que M. Gac a préparée le 29 août 1985 pour le président de l'EPC, intitulée "Communication pour le Steering Committee [de l']EPC, Athènes 12 septembre 1985" (décision attaquée, paragraphe 36, point 3; document n° 33.126/12804) fait état du "caractère sérieux de la menace de fournir du ciment espagnol en vrac au terminal de Bouri en Angleterre".

3905. De même, la note du 14 mai 1987 de M. Marshall, président de l'EPC et en même temps haut dirigeant de Blue Circle, à Sir John Milne, président de Blue Circle, et à trois autres personnes de cette société, à propos de la réunion de l'EPC du 13 mai 1987 (décision attaquée, paragraphe 36, point 6; documents n° 33.126/11344 et 11345), démontre que des problèmes causés par des échanges intracommunautaires ont été traités au cours des réunions de l'EPC. Cette note fait état d'importations grecques au Royaume-Uni, de la Cembureau Task Force, et signale: "[...] le bon sens commence à prévaloir, au moins chez Titan. Ils ont apprécié la manière dont nous les avons traités aux Etats-Unis".(voir ci-après points 3964 à 3966).

3906. Titan et Hornos Ibéricos prétendent toutefois que la note de M. Marshall du 14 mai 1987 ne relate pas des discussions qui auraient eu lieu au cours de la réunion de l'EPC du 13 mai 1987, mais constitue un résumé d'un entretien privé que M. Marshall aurait eu en marge de cette réunion. Ce point de vue serait corroboré par le fait que le compte rendu officiel de la réunion (décision attaquée, paragraphe 36, point 6; documents n° 33.126/13004 à 13011) ne fait pas allusion aux problèmes causés par des échanges communautaires.

3907. Il doit être relevé que, effectivement, la note du 14 mai 1987 de M. Marshall n'est pas un compte rendu officiel de la réunion du 13 mai 1987. Toutefois, elle relate des discussions qui se sont tenues au cours de la réunion du 13 mai 1987. Elle porte en effet le titre "European Export Policy Committee Meeting on 13th May 1987". Les différentes subdivisions du document (rédigées à la troisième personne, à la différence du passage reproduit ci-après au point 3909) contiennent des informations communiquées au cours de la réunion en cause, que M. Marshall estime utiles pour la direction de Blue Circle, ainsi que des appréciations de ces informations de la part de l'auteur de la note.

3908. Il y a lieu de considérer que l'absence de référence au commerce intracommunautaire dans le compte rendu officiel de la réunion du 13 mai 1987 (documents n° 33.126/13004 à 13011) s'explique par la volonté d'occulter la tenue de discussions sur cette question. Il s'avère d'ailleurs que, pour la réunion de l'EPC du 18 novembre 1983, le projet de compte rendu envoyé à Blue Circle contenait des informations sur les échanges intra-européens (voir ci-dessus point 3901) qui, également, ont été délibérément omises dans le procès-verbal officiel de cette réunion.

3909. Un seul passage de la note du 14 mai 1987, à savoir celui concernant la "Cembureau Task Force", relate des entretiens privés qui ont eu lieu en marge de la réunion de l'EPC du 13 mai 1987. Le style et le contenu de ce passage diffèrent, en effet, de ceux des autres passages de la note en question. Dans ce passage, le président de l'EPC explique: "J'ai été abordé à deux reprises en vue de tenter d'assurer que la task-force de Cembureau continue à être opérationnelle afin de maintenir notre pression sur les Grecs. Scancem s'est montrée particulièrement inquiète et elle a affirmé [qu']il devait y avoir des moyens pour faire pression sur les Grecs" (décision attaquée, paragraphe 24, point 3; documents n° 33.126/11344 et 11345). Non seulement le fait que le président de l'EPC a été "abordé à deux reprises", mais aussi l'objectif poursuivi par ces démarches, à savoir le maintien de la pression sur les membres grecs de l'EPC, démontrent que ce passage de la note ne concerne pas des discussions qui ont eu lieu au cours de la réunion de l'EPC du 13 mai 1987 à laquelle les trois membres grecs ont assisté (voir ci-après points 3965 et 3966).

3910. La constatation du caractère infractionnel de la réunion de l'EPC du 13 mai 1987 ayant été fondée sur les seuls passages de la note de M. Marshall relatant des discussions qui se sont tenues au cours de ladite réunion (voir ci-dessus point 3905 et décision attaquée, paragraphe 36, point 6), l'argument de Titan et d'Hornos Ibéricos doit être rejeté.

3911. Ensuite, le compte rendu de la réunion de l'EPC du 20 octobre 1988 établi par Ciments français (décision attaquée, paragraphe 36, point 8; documents n° 33.126/18179 et 18180) indique, notamment, l'état des négociations entre Lafarge, Heracles et Titan pour la fourniture de ciment ou de clinker (voir ci-après points 3967 et 3968).

3912. Titan et Hornos Ibéricos prétendent qu'il s'agit d'un compte rendu d'un entretien privé en marge d'une réunion de l'EPC, et notamment d'une réunion entre Lafarge et Ciments français.

3913. Cet argument doit être rejeté. D'une part, le compte rendu en question est intitulé "Réunion du Policy Committee à Barcelone le 20 octobre 1988". D'autre part, il contient des informations à propos de plusieurs membres de l'EPC, comme Hispacement, Heracles, Titan et Valenciana, et il se réfère au fait que "les membres pensent à un déclin de 5 % de leurs ventes aux USA". Il ne s'agit donc pas d'un compte rendu d'entretien privé entre représentants de ces deux seules entreprises.

3914. Enfin, les membres de l'EPC ont encore discuté des échanges intra-européens lors de la réunion du steering committee du 15 février 1989 (décision attaquée, paragraphe 36, point 7; documents n° 33.126/13019 à 13021), au cours de laquelle il a été constaté: "L'Espagne est sous la pression croissante des importateurs".

3915. Il s'ensuit que différents documents, mentionnés au paragraphe 36 de la décision attaquée et analysés ci-dessus aux points 3901 à 3914, démontrent que, au cours de leurs réunions, les membres de l'EPC ont eux-mêmes établi un lien entre les échanges intra-européens et les marchés à la grande exportation. Il s'agit d'un autre indice objectif et concordant montrant que les activités de l'EPC visaient "à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté" (article 6 de la décision attaquée).

3916. Ciments français, Lafarge, Valenciana et Hornos Ibéricos ne sauraient prétendre que les références faites au cours des réunions de l'EPC aux échanges intracommunautaires étaient anodines et fortuites. A la différence de la documentation relative à l'ECEC (voir ci-dessus points 3803 à 3848), il ressort des documents concernant différentes réunions de l'EPC que les échanges intracommunautaires étaient considérés au sein de l'EPC comme un problème. Ainsi, il a été fait état de "menace" ["Communication pour le Steering Committee [de l']EPC, Athènes 12 septembre 1985" (décision attaquée, paragraphe 36, point 3; document n° 33.126/12804)], de "pressions" [projet de compte rendu de la réunion de l'EPC du 18 novembre 1983 (même paragraphe, point 2; documents n° 33.126/11365 à 11373) et compte rendu de la réunion du Steering Committee de l'EPC du 15 février 1989 (même paragraphe, point 7; documents n° 33.126/13019 à 13021)] qui ont causé des "frictions entre les Européens" [document intitulé "EPC Beyond 1986" (même paragraphe, point 4; documents n° 33.126/12771 à 12773)].

3917. En outre, le fait que des problèmes causés par les échanges intra-européens de ciment ont été discutés au cours des réunions de l'EPC démontre que les membres de celui-ci considéraient eux-mêmes qu'il pourrait y être remédié dans cette enceinte. Face au problème posé, la canalisation des surplus de production vers les pays tiers s'imposait comme une solution évidente pour les membres d'un comité s'occupant de la grande exportation de ciment. En effet, le respect des marchés domestiques et la canalisation des exportations allaient de pair [note de Blue Circle du 1er décembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 18, point 2; documents n° 33.126/11332 à 11334)].

3918. Par ailleurs, il ressort des notes relatives aux réunions de l'EPC que les membres de ce comité ont effectivement discuté de la canalisation des surplus de production. Au cours de la réunion de l'EPC du 13 mai 1987, il a été discuté des efforts de Blue Circle pour canaliser du ciment de Titan vers le marché des Etats-Unis [note du président de l'EPC au président de Blue Circle à propos de la réunion de l'EPC du 13 mai 1987 (voir ci-dessus point 3905)]. De plus, au cours de la réunion de l'EPC du 20 octobre 1988 (décision attaquée, paragraphe 36, point 7; documents n° 33.126/18179 et 18180), a été mentionné l'état des négociations entre Lafarge, d'une part, et Heracles et Titan, d'autre part, pour la fourniture de ciment ou de clinker. Ces négociations s'inscrivaient dans le cadre des tentatives des producteurs ouest-européens d'offrir aux producteurs grecs des débouchés pour leurs surplus de production (voir ci-dessus points 3397 à 3679), en contrepartie d'un engagement de ces derniers de respecter la règle des marchés domestiques (voir ci-après points 3964 à 3968).

3919. Il résulte donc de l'ensemble des indices objectifs et concordants analysés ci-dessus que, comme le prétend la Commission, "le respect des marchés domestiques [était] la règle sous-jacente à la coopération à la grande exportation" au sein de l'EPC (décision attaquée, paragraphe 59, point 2).

3920. Halkis soutient que l'unique objectif poursuivi par la création de l'EPC en 1978 était d'offrir à ses membres l'opportunité de discuter des problèmes qu'ils rencontraient sur les marchés à l'exportation en dehors de l'Europe occidentale.

3921. Toutefois, à supposer même que l'objectif poursuivi par la création de l'EPC en 1978 ait été licite, il ressort des preuves documentaires directes mentionnées aux paragraphes 30, 35 à 37 et 59 de la décision attaquée que les membres de l'EPC, dans le cadre de leurs activités au sein de ce comité, ont visé à "éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté" (article 6 de la décision attaquée).

3922. Lafarge et Hornos Ibéricos prétendent encore que la Commission aurait dû procéder à une analyse économique approfondie du marché en cause, des entreprises concernées et de la nature des produits, avant de conclure que la règle du respect des marchés domestiques était la seule explication plausible des activités de l'EPC.

3923. Il convient de constater que, dans la décision attaquée, la Commission s'est fondée non pas sur un parallélisme de comportements sur le marché, mais sur des preuves documentaires directes, mentionnées aux paragraphes 30, 35 à 37 et 59 de la décision attaquée et analysées ci-dessus aux points 3882 à 3918, dont il ressort que le respect des marchés domestiques était la règle sous-jacente à la coopération à la grande exportation au sein de l'EPC. Une analyse économique plus approfondie du marché en cause n'aurait donc pas été de nature à donner un éclairage différent à ces preuves. L'argument doit, en conséquence, être rejeté.

3924. Enfin, c'est à bon droit que la Commission a qualifié de pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité la coopération dans le cadre de l'EPC visant à "éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté" (article 6 de la décision attaquée). En effet, dans le cadre de l'EPC, les membres de ce comité, ou à tout le moins certains d'entre eux, ont substitué une coopération pratique entre eux ayant un objet clairement anticoncurrentiel aux risques de la concurrence (arrêts Suiker Unie e.a./Commission, cité au point 651 ci-dessus, point 26, et Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 63).

3925. Lafarge, Hornos Ibéricos, Blue Circle et Halkis reprochent à la Commission de ne pas avoir démontré que les activités à l'exportation dénoncées dans le cadre de l'EPC avaient eu des effets anticoncurrentiels dans la Communauté.

3926. Toutefois, des pratiques concertées telles que celles constatées en l'espèce relèvent de l'article 85, paragraphe 1, du traité, même en l'absence d'effets anticoncurrentiels sur le marché.

3927. D'abord, il découle du texte même de ladite disposition que les pratiques concertées sont interdites, indépendamment de tout effet, lorsqu'elles ont, comme en l'espèce (voir ci-dessus points 3882 à 3923), un objet anticoncurrentiel.

3928. Ensuite, si la notion même de pratique concertée présuppose un comportement sur le marché, elle n'implique pas nécessairement que ce comportement produise l'effet concret de restreindre, d'empêcher ou de fausser la concurrence (voir jurisprudence citée au point 1674 ci-dessus).

3929. Lafarge, Hornos Ibéricos et Blue Circle reprochent également à la Commission de ne pas avoir démontré que les activités à l'exportation dénoncées dans le cadre de l'EPC avaient affecté le commerce entre les Etats membres.

3930. Cependant, en interdisant les ententes ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence, et qui sont de nature à affecter les échanges entre Etats membres, l'article 85, paragraphe 1, du traité n'exige pas qu'il soit établi que de telles ententes ont affecté de manière sensible ces échanges, preuve qui, dans la plupart des cas, ne saurait d'ailleurs être que difficilement administrée à suffisance de droit. Il demande qu'il soit établi que l'entente était de nature à avoir un tel effet. La condition d'affectation du commerce entre Etats membres est ainsi remplie lorsque, sur la base d'un ensemble d'éléments de droit et de fait, l'entente constatée permet d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'elle peut exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre Etats membres (voir jurisprudence citée au point 1986 ci-dessus). Or, en l'espèce, compte tenu de l'objet de l'EPC et de l'importance économique de ses membres, les comportements dénoncés au sein de ce comité étaient effectivement susceptibles d'affecter de manière sensible le commerce entre Etats membres.

3931. Ciments français soutient que les discussions qui se seraient tenues au sein de l'EPC au sujet des problèmes internes du marché communautaire n'étaient pas prohibées par l'article 85, paragraphe 1, du traité, dès lors qu'elles portaient sur les questions de dumping et sur les préoccupations légitimes suscitées par les aides de l'Etat grec à son industrie du ciment. Blue Circle insiste sur le fait que la capacité excédentaire en Europe avait pour origine l'octroi d'aides d'Etat illégales.

3932. Il y a lieu de constater que la Commission n'a jamais nié que l'industrie grecque a reçu de nombreuses aides étatiques au cours de la période prise en considération par la décision attaquée (paragraphe 24, point 2; note en bas de page n° 113). Elle n'a pas non plus nié que, au cours des réunions de l'EPC, les membres de ce comité ont exprimé leur préoccupation vis-à-vis des importations faisant l'objet de dumping et des aides d'Etat accordées aux entreprises grecques. Toutefois, comme elle le souligne à juste titre (décision attaquée, paragraphe 36, point 10), ces circonstances ne pouvaient "en aucun cas justifier l'adoption de mesures privées en plus de la possibilité de porter l'affaire à la connaissance des autorités compétentes". Or, il ressort des documents mentionnés aux paragraphes 30, 35 à 37 et 59 de la décision attaquée et analysés ci-dessus aux points 3882 à 3914 que, dans le cadre de l'EPC, des activités ont été entreprises, visant à soutenir la règle du respect des marchés domestiques européens en canalisant les surplus de production sur les marchés tiers. Il s'agissait d'une pratique concertée interdite par l'article 85, paragraphe 1, du traité, dès lors qu'elle avait pour objet de restreindre la concurrence à l'intérieur de la Communauté et qu'elle était susceptible d'affecter de manière sensible le commerce entre Etats membres. L'argument de Ciments français doit donc être rejeté.

3933. Il ressort de tout ce qui précède que la Commission était en droit de conclure, dans la décision attaquée, à l'existence, dans le cadre de l'EPC, d'une pratique concertée contraire aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

Continuité de la pratique concertée

3934. Dans la décision attaquée, la Commission considère que les activités au sein de l'EPC ont constitué une pratique concertée continue du 1er juillet 1981 au 19 mai 1989 (article 6).

3935. La date du 1er juillet 1981 correspond à la date de la première réunion de l'EPC dont la Commission a eu connaissance (décision attaquée, paragraphes 37, point 3, et 59, point 4; documents n° 33.126/11442 à 11446). Toutefois, cette réunion ne figure pas parmi les réunions auxquelles la Commission fait référence aux paragraphes 36 et 59, point 1, sous c), de la décision attaquée, au soutien de sa thèse selon laquelle la règle du respect des marchés domestiques européens était la règle sous-jacente à la coopération au sein de l'EPC. En tout état de cause, les comptes rendus des réunions de l'EPC des 1er et 2 juillet 1981 (documents n° 33.126/11442 à 11455) ne permettent pas de conclure que les participants à ces réunions cherchaient à canaliser leurs surplus de production en vue de renforcer la règle du respect des marchés domestiques européens.

3936. En outre, la décision attaquée ne vise aucun indice de nature à démontrer que les activités de l'EPC, comité constitué en 1978, étaient déjà illicites en 1981. Ainsi, l'extrait de la note de Blue Circle du 9 avril 1981 (documents n° 33.126/11338 à 11340), cité au paragraphe 35, point 5, de la décision attaquée, selon lequel les membres de l'EPC "visaient à maintenir l'équilibre entre l'offre et la demande", porte sur les seuls marchés à la grande exportation. Dans la même note, l'auteur dénonce le fait que "les Grecs et [les] Espagnols ont placé sur le marché [à la grande exportation] de nombreuses tonnes supplémentaires avec des effets désastreux". Or, si l'objet de l'EPC avait déjà été, en 1981, la canalisation des surplus de production vers les marchés non européens, l'augmentation des ventes des Grecs et des Espagnols sur ces derniers marchés n'aurait pas fait l'objet de critiques.

3937. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir, comme date de début de la pratique concertée constatée dans le cadre de l'EPC, le 18 novembre 1983, date correspondant à la première réunion de l'EPC mentionnée dans la décision attaquée, dans le cadre de laquelle les participants ont discuté des problèmes liés au commerce intra-européen de ciment (voir ci-dessus point 3901).

3938. Les documents analysés ci-dessus aux points 3904 à 3914 concernant les activités de l'EPC confirment ensuite que la pratique concertée s'est poursuivie du 18 novembre 1983 au 19 mai 1989. A cet égard, il y a lieu de se référer à la "Communication pour le Steering Committee [de l']EPC, Athènes 12 septembre 1985" (document n° 33.126/12804), à la note du président de l'EPC au président de Blue Circle à propos de la réunion de l'EPC du 13 mai 1987 (documents n° 33.126/11344 et 11345), au compte rendu de la réunion de l'EPC du 20 octobre 1988 (documents n° 33.126/18179 et 18180) et au compte rendu de la réunion du steering committee de l'EPC du 15 février 1989 (documents n° 33.126/13019 à 13021).

3939. En présence de tous ces indices objectifs et concordants de la continuité de la pratique concertée visée à l'article 6 de la décision attaquée et en l'absence du moindre indice de nature à démontrer que les parties auraient mis fin à cette pratique, la Commission était en droit de considérer que la pratique concertée avait duré jusqu'au 19 mai 1989, date de la dernière réunion de l'EPC dont la Commission avait connaissance et dont la tenue n'a été contestée par aucune des parties requérantes concernées.

Participation des différentes parties requérantes concernées à la pratique concertée

3940. Aucune des parties requérantes concernées ne conteste avoir été membre de l'EPC. Or, il ressort de l'ensemble des éléments de preuve cités aux paragraphes 35 à 37 et 59 de la décision attaquée que, dans le cadre de leur coopération au sein de ce comité à l'exportation, les membres de celui-ci cherchaient à canaliser leurs surplus de production, afin d'"éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs" (décision attaquée, paragraphe 59, point 3, et article 6).

3941. Heracles, Titan et Halkis soutiennent que la Commission n'était pas en droit de retenir leur participation à l'infraction sur la base de leur seule affiliation à l'EPC, dès lors que les objectifs officiels poursuivis par ce comité concernaient les marchés à la grande exportation et étaient donc licites.

3942. Cependant, il y a lieu de constater que toutes les parties requérantes visées à l'article 6 de la décision attaquée ont participé à l'une ou l'autre des réunions de l'EPC au cours desquelles les participants ont explicitement établi un lien entre la règle du respect des marchés domestiques européens et leur coopération sur les marchés à l'exportation (voir ci-dessus points 3900 à 3914). En conséquence, elles ne sauraient se fonder sur les objectifs "officiels" licites poursuivis par l'EPC pour échapper à leur responsabilité du chef d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

3943. Ainsi, il est constant que Ciments français, Lafarge, Valenciana, Hornos Ibéricos, Blue Circle et Halkis ont participé à la réunion de l'EPC du 18 novembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 36, point 2; documents n° 33.126/11365 à 11373) et que Blue Circle, Ciments français, Lafarge, Valenciana, Heracles, Titan, Hornos Ibéricos et Halkis ont assisté à la réunion de l'EPC du 13 mai 1987 (décision attaquée, paragraphe 36, point 6; documents n° 33.126/13004 à 13011). Ciments français, Lafarge, Cementos del Mar, la filiale de Valenciana, Heracles, Titan, Hornos Ibéricos et Halkis ont participé à la réunion de l'EPC du 20 octobre 1988 (décision attaquée, paragraphe 36, point 7; documents n° 33.126/12791 à 12799 et 12971 à 12977). Enfin, Lafarge et Heracles ont participé à la réunion du steering committee de l'EPC du 15 février 1989 (décision attaquée, paragraphe 36, point 7; documents n° 33.126/13019 à 13021).

3944. Il convient de vérifier si ces parties requérantes fournissent la preuve d'un acte de distanciation de leur part (voir ci-après points 3945 à 3972), qui doive amener à considérer que, malgré leur présence à ces réunions, elles n'ont pas souscrit, ni même donné à penser aux autres participants qu'elles souscrivaient, aux objectifs illicites poursuivis dans le cadre des réunions de l'EPC auxquelles elles assistaient (voir jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

3945. Plusieurs parties requérantes font état de tels actes de distanciation et d'autres circonstances particulières de nature à rendre leur comportement dans le cadre de l'EPC conforme aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

3946. Ainsi, Ciments français fait valoir qu'elle n'avait qu'un statut d'observateur au sein de l'EPC, en raison de son poids négligeable dans les flux d'exportation. Elle ajoute que les documents cités dans la décision attaquée ne contiennent aucune trace d'une quelconque intervention de sa part. Elle précise qu'elle n'est plus membre de l'EPC depuis février 1989, c'est-à-dire depuis une date antérieure à l'ouverture de l'enquête par la Commission.

3947. Cet argument doit être rejeté. Il ressort en effet d'une note interne de Ciments français du 7 mars 1989 (décision attaquée, paragraphe 35, point 6; documents n° 33.126/4466 et 4467) que l'EPC était le "club des plus grosses sociétés exportatrices de Cembureau". Ciments français, qui affirme avoir été membre de l'EPC, ne peut donc prétendre que son poids dans les flux d'exportation a été négligeable. En outre, cette société a participé à différentes réunions de l'EPC, et notamment aux réunions des 18 novembre 1983, 13 mai 1987 et 20 octobre 1988, lesquelles ont visé à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs européens. Par sa présence à ces différentes réunions, elle n'a pas pu ignorer leur objet anticoncurrentiel explicite. Elle ne prétend même pas s'être distanciée ouvertement de leur contenu. Par sa présence, elle a donc souscrit à l'objectif poursuivi ou, à tout le moins, donné à penser aux autres participants qu'elle y souscrivait (voir jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus). Dans ces conditions, sa participation à la pratique concertée est établie. S'agissant de la durée de cette participation, la Commission a pris en compte à juste titre le fait que cette société a démissionné de l'EPC le 17 février 1989 (décision attaquée, paragraphes 35, point 3, et 59, point 4, et article 6).

3948. Hornos Ibéricos prétend que sa participation à l'EPC était exclusivement dictée par un souci d'information générale sur les marchés mondiaux du ciment, d'une part, et par des nécessités économiques liées à la garantie d'approvisionnement en ciment pour les nouveaux marchés à l'exportation et à la rentabilité des investissements, d'autre part. Elle souligne aussi qu'elle n'a jamais été membre du steering committee de l'EPC. En tout état de cause, elle n'aurait pas eu conscience que les réunions de l'EPC avaient pour objet le principe du respect des marchés domestiques.

3949. En outre, quelques éléments de preuve ne lui seraient pas opposables. Hornos Ibéricos fait valoir, à cet égard, que le procès-verbal de la réunion de l'EPC du 18 novembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 36, point 2; documents n° 33.126/11365 à 11373) et la note de M. Gac du 29 août 1985 "Communication pour le Steering Committee [de l']EPC, Athènes 12 septembre 1985" (décision attaquée, paragraphe 36, point 3; document n° 33.126/12804) font allusion à des activités des producteurs espagnols visant le Royaume-Uni, alors que l'Espagne n'avait pas encore adhéré à la Communauté à cette époque. La Commission n'aurait pas été en droit de se fonder sur des éléments de preuve antérieurs au 1er janvier 1986 pour retenir la participation d'Hornos Ibéricos à partir de cette date.

3950. Il y a lieu de constater qu'Hornos Ibéricos a participé à différentes réunions de l'EPC, et notamment aux réunions des 18 novembre 1983, 13 mai 1987 et 20 octobre 1988, qui visaient à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs européens. Il est exact que les documents mentionnés au point précédent sont antérieurs à l'adhésion de l'Espagne à la Communauté. Cependant, plusieurs autres documents [réunion de l'EPC du 13 mai 1987 (décision attaquée, paragraphe 36, point 6; documents n° 33.126/13004 à 13011) et réunion de l'EPC du 20 octobre 1988 (même paragraphe, point 7; documents n° 33.126/12791 à 12799 et 12971 à 12977)] témoignent de la participation continue d'Hornos Ibéricos à la pratique concertée au-delà du 1er janvier 1986. Par sa présence aux différentes réunions en question, Hornos Ibéricos n'a pas pu ignorer l'objet anticoncurrentiel explicite de celles-ci. Elle ne prétend même pas s'être distanciée ouvertement de leur contenu. Par sa présence, elle a donc souscrit à l'objectif poursuivi ou, à tout le moins, donné à penser aux autres participants qu'elle y souscrivait (voir jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus). Dans ces conditions, sa participation à la pratique concertée visée à l'article 6 de la décision attaquée est établie.

3951. Les parties requérantes grecques soulignent que, en raison de leur position particulière, elles ne pouvaient être tenues pour responsables de l'infraction visée à l'article 6 de la décision attaquée, même dans l'hypothèse où d'autres membres de l'EPC auraient cherché dans le cadre de ce comité à l'exportation à canaliser des surplus de production en vue d'éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté.

3952. Heracles et Titan invoquent en particulier la croissance spectaculaire de leurs exportations vers les marchés communautaires à partir de 1986.

3953. Il convient de constater que la décision attaquée ne contient aucun élément de preuve démontrant qu'Heracles et Titan auraient participé, avant 1986, à une réunion de l'EPC dans le cadre de laquelle les participants auraient discuté des problèmes relatifs au commerce intra-européen du ciment. Faute d'avoir démontré la présence d'Heracles et de Titan à une réunion de l'EPC ayant un objet illicite, la Commission ne pouvait retenir leur participation à l'infraction avant cette date. En effet, la Commission reconnaissant elle-même que les activités principales de l'EPC concernaient essentiellement les marchés à l'exportation vers les pays tiers (décision attaquée, paragraphe 59, points 1 et 2), la participation d'une entreprise à la pratique concertée visant à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté ne pouvait être fondée sur sa seule appartenance à ce comité à l'exportation.

3954. En ce qui concerne Halkis, elle a participé à la réunion de l'EPC du 18 novembre 1983 (documents n° 33.126/11365 à 11373). Il a été établi que l'objet poursuivi par les participants à cette réunion était d'éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs européens (voir ci-dessus points 3901 à 3903). Par sa présence à la réunion en question, Halkis n'a pas pu ignorer son objet anticoncurrentiel explicite. Elle ne prétend même pas s'être distanciée ouvertement de son contenu. Par sa présence, elle a donc souscrit à l'objectif poursuivi ou, à tout le moins, donné à penser aux autres participants qu'elle y souscrivait (voir jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus). Dans ces conditions, sa participation, le 18 novembre 1983, à la pratique concertée visée à l'article 6 de la décision attaquée est établie.

3955. S'agissant de l'éventuelle participation des producteurs grecs à la pratique concertée au-delà de 1986, force est de constater que, dans la décision attaquée, la Commission reconnaît que "[l]es producteurs grecs se sont tournés, fin 1985-début 1986, vers l'Europe occidentale et notamment vers [...] le Royaume-Uni [...] et l'Italie" (décision attaquée, paragraphe 24, point 1), et que, face à cette "menace grecque", l'ETF a été constituée (décision attaquée, paragraphe 24, point 2).

3956. Il doit être relevé que les exportations des producteurs grecs vers les marchés communautaires n'ont pas été perçues par les autres producteurs comme une simple tentative "de se soustraire à l'exécution de l'accord Cembureau auquel [les producteurs grecs] adhéraient" [décision attaquée, paragraphe 65, point 9, sous b)]. Au contraire, le comportement de ces producteurs a été considéré comme une distanciation ouverte à l'égard de la règle du respect des marchés domestiques européens, règle qui était sous-jacente aux opérations au sein de l'EPC.

3957. Ainsi, dans une note interne de Blue Circle du 24 octobre 1986 (document n° 33.126/11132), invoquée par Titan et l'AGCI dans leur requête, mais non citée dans la décision attaquée, il est indiqué, en ce qui concerne la situation du marché du Royaume-Uni: "[L]es Grecs vont rester. Si l'attention politique reste concentrée sur le problème, ils ne peuvent se retirer sur la pointe des pieds et, n'étant pas tenus par les mêmes règles commerciales qui limitent notre marge de manœuvre, ils ont tout à gagner et rien à perdre à attendre."

3958. La Commission a avancé trois explications de la référence aux "règles commerciales" qui, à la différence des producteurs britanniques, n'auraient pas lié les producteurs grecs. Elle a expliqué que l'auteur de la note de Blue Circle voulait souligner que les entreprises grecques bénéficiaient d'aides d'Etat. Les "règles commerciales" en question pourrraient aussi se rapporter aux CPMA (voir ci-dessus point 91). Enfin, à l'audience dans l'affaire T-64-95, la Commission a reconnu que la référence à ces règles pourrait rendre compte du principe du respect des marchés domestiques européens.

3959. Indépendamment de cette dernière explication, il y a lieu de souligner que la note en question affirme que "les Grecs vont rester" sur le marché du Royaume-Uni. Dans cette note, les producteurs grecs étaient donc perçus par Blue Circle, membre de l'EPC, comme ne souscrivant pas à la règle du respect des marchés domestiques.

3960. De même, la note de M. Gac du 1er septembre 1986, intitulée "EPC au-delà de 1986" (décision attaquée, paragraphe 36, point 4; documents n° 33.126/12771 à 12773), démontre que les producteurs grecs n'étaient plus perçus comme adhérant à la règle fondamentale du respect des marchés domestiques qui était sous-jacente aux activités de l'EPC. Comme les membres de l'EPC cherchaient notamment à canaliser leurs surplus de production vers les marchés tiers afin de renforcer le respect de la règle des marchés domestiques européens, le comportement des trois membres grecs de ce comité, à savoir Heracles, Titan et Halkis, a conduit M. Gac à mettre en cause la survie de l'EPC: "[...] l'intention grecque d'exporter sur les marchés de l'Europe occidentale donne [...] à penser qu'il n'est plus avantageux de poursuivre avec l'EPC dans le cadre de l'accord actuel."

3961. Il résulte de l'analyse qui précède que, à tout le moins à partir du 1er septembre 1986, date de la note de M. Gac précitée, Heracles, Titan et Halkis n'adhéraient pas à la règle du respect des marchés domestiques européens et qu'elles n'étaient, en outre, pas perçues par les autres membres de l'EPC comme étant tenues de respecter cette règle. Dans ces circonstances, leur participation aux activités de l'EPC, à cette époque, ne peut pas être considérée comme une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, ces trois entreprises s'étant distanciées ouvertement de la finalité anticoncurrentielle des activités de l'EPC aux yeux des autres participants à celles-ci.

3962. Il convient encore d'examiner si la participation des membres grecs de l'EPC à des réunions de celui-ci, visées dans la décision attaquée et tenues après 1986, témoigne d'une éventuelle adhésion d'Heracles, de Titan et d'Halkis à la règle du respect des marchés domestiques européens. Il est, en effet, constant que ces trois entreprises ont assisté aux réunions de l'EPC des 13 mai 1987 (décision attaquée, paragraphe 36, point 6; documents n° 33.126/13004 à 13011) et 20 octobre 1988 (même paragraphe, point 7; documents n° 33.126/12791 à 12799 et 12971 à 12977). Heracles a, en outre, participé à la réunion du steering committee de l'EPC du 15 février 1989 (même point; documents n° 33.126/13019 à 13021).

3963. Aucune des preuves documentaires relatives à ces dernières réunions ne fait cependant ressortir que l'optique poursuivie par les producteurs grecs concernés en participant aux activités de l'EPC était d'"éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux de la Communauté" (article 6 de la décision attaquée).

3964. En ce qui concerne d'abord la réunion de l'EPC du 13 mai 1987, la note du 14 mai 1987 du président de l'EPC au président de Blue Circle et à trois autres personnes de cette société (documents n° 33.126/11344 et 11345) ne comporte aucune indication quant à un changement dans le comportement d'Halkis. En ce qui concerne Heracles, la note relève: "Un deuxième bateau est actuellement en route entre Heracles et Bouri, au Royaume-Uni." Même si elle mentionne à propos de Titan que "le bon sens commence à prévaloir", il apparaît que les autres membres de l'EPC ne percevaient pas encore cette entreprise comme étant liée par la règle du respect des marchés domestiques. Ainsi, la note fait état d'importations de ciment de Titan en Irlande du Nord.

3965. En outre, en marge de la réunion de l'EPC du 13 mai 1987 (voir ci-dessus point 3909), le président de l'EPC a déclaré (décision attaquée, paragraphe 24, point 3; document n° 33.126/11345): "J'ai été abordé à deux reprises en vue de tenter d'assurer que la task-force de Cembureau continue à être opérationnelle afin de maintenir notre pression sur les Grecs. Scancem s'est montrée particulièrement inquiète et elle a affirmé [qu']il devait y avoir des moyens pour faire pression sur les Grecs."

3966. Il s'ensuit que, à l'époque où s'est tenue la réunion de l'EPC du 13 mai 1987, les membres grecs étaient encore perçus comme une source d'inquiétude pour les autres membres de l'EPC, de sorte qu'il a été suggéré de maintenir la pression sur eux. Dès lors, même si les autres participants à la réunion cherchaient à "éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté" (article 6 de la décision attaquée) (voir ci-dessus point 3905), cette finalité anticoncurrentielle n'était toujours pas partagée par les producteurs grecs à cette époque.

3967. En ce qui concerne la réunion du 20 octobre 1988, la note établie par Ciments français (documents n° 33.126/18179 et 18180) précise, notamment, l'état des négociations entre Lafarge, Heracles et Titan pour la fourniture de ciment ou de clinker. Elle mentionne: "Lafarge a deux négociations en cours avec les Grecs, très difficiles en raison de leurs moeurs tatillonnes." Elle fait aussi état de "discussions bilatérales [...] avec les Grecs".

3968. Il y a lieu de rappeler que les autres producteurs européens ont cherché, à cette époque, à obtenir un engagement des producteurs grecs de ne plus faire de livraisons directes en Europe, en contrepartie d'achats importants de ciment effectués par des producteurs européens non grecs (voir ci-dessus point 3918). Toutefois, la Commission n'a pas établi dans la décision attaquée que les producteurs grecs avaient cédé à la pression des autres producteurs européens (voir, notamment, ci-dessus points 3397 et 3679). Dès lors, le fait que la note de Ciments français concernant la réunion de l'EPC du 20 octobre 1988 mentionne qu'il y a des "négociations en cours avec les Grecs" et qu'il y a des "discussions bilatérales [...] avec les Grecs" démontre que les membres de l'EPC, autres que les membres grecs, ont continué à chercher à l'époque, dans le cadre de leurs réunions au sein de ce comité à l'exportation, "à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux" (article 6 de la décision attaquée). Cependant, le document en question ne contient aucun indice établissant que, à la date du 20 octobre 1988, les producteurs grecs auraient adhéré au principe du respect des marchés domestiques européens.

3969. Enfin, le compte rendu de la réunion du steering committee de l'EPC du 15 février 1989, à laquelle Heracles a participé, ne contient pas non plus d'indications montrant que les producteurs grecs auraient été perçus par les autres participants comme respectant la règle des marchés domestiques européens.

3970. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la Commission n'était pas en droit de retenir la participation d'Heracles et de Titan à l'infraction visée à l'article 6 de la décision attaquée avant 1986 (voir ci-dessus point 3953). En outre, ces deux parties requérantes se sont distanciées ouvertement de la règle sous-jacente aux activités de l'EPC au cours de l'année 1986 et il n'existe aucun indice prouvant qu'elles auraient adhéré au principe du respect des marchés domestiques européens après cette date. Dès lors que, dans la décision attaquée, les activités au sein de l'EPC ont été qualifiées d'infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité, au motif qu'elles visaient "à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté", l'article 6 de la décision attaquée doit être annulé à l'égard d'Heracles et de Titan.

3971. En revanche, la participation d'Halkis à l'infraction visée à l'article 6 de la décision attaquée est établie en raison de sa participation à la réunion de l'EPC du 18 novembre 1983 (voir ci-dessus point 3954), dès lors que cette entreprise n'a pas établi que la coopération au sein de ce comité à l'exportation n'était pas de nature à influencer son comportement sur le marché communautaire. Le fait que cette entreprise s'est aussi distanciée ouvertement de la règle sous-jacente aux activités de l'EPC en 1986 sera pris en considération pour déterminer la durée de sa participation à l'infraction (voir ci-après point 3980).

3972. A défaut d'acte de distanciation de la part des autres parties requérantes visées par l'article 6 de la décision attaquée, il y a lieu de conclure que la Commission a constaté à bon droit également la participation de Ciments français, de Lafarge, de Valenciana, d'Hornos Ibéricos et de Blue Circle à l'infraction.

Durée de la participation à l'infraction des parties requérantes concernées autres qu'Heracles et Titan

3973. Il a déjà été constaté (voir ci-dessus point 3937) que la Commission n'a pas établi l'existence de la pratique concertée visée à l'article 6 de la décision attaquée avant le 18 novembre 1983. Au-delà de cette date, la continuité de la pratique concertée anticoncurrentielle est établie jusqu'au 19 mai 1989 (voir ci-dessus point 3939).

3974. Hornos Ibéricos et Valenciana prétendent que la Commission n'a pas démontré que leur participation à l'EPC a eu des effets dans la Communauté après le 1er janvier 1986.

3975. Contrairement à ce que prétendent les parties requérantes concernées, la Commission n'avait pas à démontrer que leur participation à l'EPC avait eu des effets dans la Communauté après le 1er janvier 1986, leur participation à une entente ayant un objet anticoncurrentiel étant suffisante aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Dès lors que leur participation continue à la pratique concertée après le 1er janvier 1986 ressortait de leur présence à des réunions de l'EPC ayant un objet illicite (voir ci-dessus point 3943) et qu'elles n'apportaient aucun élément montrant que la coopération dans le cadre de l'EPC n'était pas de nature à influencer leur comportement sur le marché communautaire, la Commission était en droit de fixer au 1er janvier 1986 le point de départ de la participation de Valenciana et d'Hornos Ibéricos à l'infraction.

3976. Blue Circle et Halkis contestent la date de fin de l'infraction retenue à leur égard.

3977. Blue Circle souligne que la dernière réunion de l'EPC à laquelle elle a participé était celle du 2 juin 1987. La Commission n'aurait donc pu fixer la fin de sa participation à l'infraction au 12 octobre 1987.

3978. Le dossier ne contient aucun élément de preuve relatif à la réunion de l'EPC du 2 juin 1987. Toutefois, il ressort du compte rendu de la réunion de ce comité du 13 mai 1987 que Blue Circle a participé à celle-ci (décision attaquée, paragraphe 36, point 6; documents n° 33.126/13004 à 13011). En effet, au cours de ladite réunion, M. Marshall, président de l'EPC, a informé les autres participants que "cette réunion était la dernière à laquelle il représentait Blue Circle". Il doit être rappelé (voir ci-dessus point 3905) que, dans le cadre de la réunion en question, les participants ont visé "à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté" (article 6 de la décision attaquée). En l'absence d'éléments de preuve contraire, il y a lieu de considérer que la concertation illicite intervenue le 13 mai 1987 a influencé le comportement concurrentiel de Blue Circle sur le marché communautaire au-delà de cette date. Par suite, la Commission était en droit de fixer la date de fin de l'infraction retenue contre Blue Circle au 12 octobre 1987, date à laquelle cette entreprise avait démissionné de l'EPC. En effet, par cette démission, Blue Circle s'était distanciée ouvertement de la finalité anticoncurrentielle des activités de ce comité.

3979. Enfin, en ce qui concerne Halkis, à l'égard de laquelle la date de fin de l'infraction a été fixée au 19 mai 1989, il y a lieu de rappeler qu'elle a participé à la réunion de l'EPC du 18 novembre 1983, ce qui établit sa participation à la pratique concertée (voir ci-dessus point 3954). Il a en outre été constaté que, à partir du 1er septembre 1986 à tout le moins, les producteurs grecs n'étaient plus perçus par les autres membres de l'EPC comme adhérant à la règle du respect des marchés domestiques européens. Dans ces conditions, l'article 6 doit être annulé à l'égard d'Halkis, dans la mesure où il constate une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité au-delà du 1er septembre 1986.

3980. Il résulte de tout ce qui précède que l'article 6 de la décision attaquée doit être annulé à l'égard de Ciments français, de Lafarge, de Blue Circle et d'Halkis dans la mesure où il constate une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité avant le 18 novembre 1983 et, à l'égard d'Halkis, dans la mesure où il constate que ladite infraction s'est poursuivie au-delà du 1er septembre 1986.

Violation de l'article 190 du traité

3981. Au stade de la réplique, Hornos Ibéricos reproche à la Commission de l'avoir empêchée de préparer efficacement sa défense à l'encontre de la décision attaquée, en n'y précisant pas si sa participation à l'EPC relevait d'un accord ou d'une pratique concertée, alors qu'il s'agirait de deux qualifications juridiques fort différentes, tant en termes d'éléments constitutifs que d'exigence de preuve imposée à la Commission.

3982. Il convient, tout d'abord, de relever qu'il s'agit d'un moyen nouveau, irrecevable en vertu de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. En tout état de cause, ce moyen manque totalement de fondement. Il ressort, en effet, sans équivoque tant du paragraphe 59 que de l'article 6 de la décision attaquée que la Commission a reproché aux membres de l'EPC, dont Hornos Ibéricos, leur participation, dans le cadre de ce comité à l'exportation, à une pratique concertée.

3983. Halkis, pour sa part, soutient que la décision n'est pas suffisamment motivée en ce qui concerne l'infraction visée à son article 6.

3984. Ce moyen doit aussi être rejeté. En effet, la Commission expose, aux paragraphes 30 et 35 à 37 de la décision attaquée, les éléments de fait et les preuves documentaires sur lesquels elle s'est fondée pour conclure, au paragraphe 59, d'une part, à l'existence, dans le cadre de l'EPC, de la pratique concertée continue de canalisation des surplus de production vers les pays tiers, qu'elle constate ensuite à l'article 6 de la décision attaquée, et, d'autre part, à la participation d'Halkis à cette infraction.

Accès au dossier

A Documents à charge

3985. Hornos Ibéricos prétend qu'une page du compte rendu de la réunion du steering committee de l'EPC du 15 février 1989, à savoir le document n° 33.126/13020, ne figurait pas dans le dossier qui lui a été remis au cours de la procédure administrative. Ainsi, elle n'aurait pas été à même de présenter des observations au sujet de ce document.

3986. Toutefois, même si l'on écarte le document n° 33.126/13020, il apparaît que la Commission a fourni, dans la décision attaquée, la preuve de l'existence de l'infraction et de la participation d'Hornos Ibéricos à celle-ci. L'argument d'Hornos Ibéricos, tiré d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative, doit dès lors être rejeté (voir ci-dessus point 364).

3987. Blue Circle soutient que les comptes rendus des réunions de l'EPC du 12 novembre 1981 (documents n° 33.126/11432 à 11440) et du 10 novembre 1982 (documents n° 33.126/11417 à 11420), mentionnés au paragraphe 37, point 5, de la décision attaquée, n'ont pas été suffisamment visés dans la CG.

3988. Toutefois, même si l'on écarte les documents mentionnés par Blue Circle, il ressort de l'analyse développée ci-dessus aux points 3882 à 3915 que la Commission a démontré, dans la décision attaquée, le caractère infractionnel des activités de l'EPC. Du reste, la période à laquelle ces documents se rapportent n'est plus retenue au titre de l'infraction litigieuse (voir ci-dessus points 3973 à 3980).

B Documents à décharge

3989. Valenciana, Hornos Ibéricos et Blue Circle formulent une série d'observations à partir de documents qu'elles ont pu consulter à la suite des mesures d'organisation de la procédure adoptées le 2 octobre 1996 et les 18 et 19 juin 1997 en matière d'accès au dossier. Ces documents, estiment-elles, auraient été utiles au cours de la procédure administrative pour leur défense contre le grief retenu à l'article 6 de la décision attaquée.

1. Affaire T-52-95, Valenciana/Commission

3990. Premièrement, Valenciana fait valoir, dans son mémoire du 10 février 1997, que plusieurs documents auxquels elle a eu accès à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996 démontrent que l'activité de l'EPC n'empiétait aucunement sur l'exportation de ciment gris vers les Etats membres. Au contraire, au moment où l'EPC exerçait ses activités, il aurait existé de nombreux échanges de ciment entre les Etats membres. En particulier, les entreprises espagnoles auraient exporté de grandes quantités de ciment gris destinées tant aux marchés extracommunautaires qu'aux marchés des Etats membres de la Communauté. La partie requérante se réfère, à cet égard, au document intitulé "Estimation des importations de ciment Royaume-Uni 1988" (document n° 33.322/1901). Celui-ci démontrerait que, en 1988, des producteurs de sept des douze Etats membres étaient des exportateurs de ciment vers le Royaume-Uni. D'autres pièces confirmeraient l'existence d'exportations effectuées par les producteurs communautaires, et notamment les producteurs espagnols vers la France [statistiques du SNFCC concernant les importations en France de ciment en 1985 et en 1987 (documents n° 33.126/14958 et 14965)] et vers l'Italie [lettre de Lafarge du 19 janvier 1989 à la direction des relations économiques extérieures (document n° 33.126/14799)]. Enfin, il ressortirait de plusieurs documents du dossier relatif à la Grèce que, aux fins de l'exportation du ciment, les Etats membres étaient placés par les membres de l'EPC sur le même plan que les pays tiers non communautaires. Valenciana invoque sur ce point des statistiques de Cembureau de mai 1990 (document n° 33.126/19397) et des statistiques de l'AGCI pour l'année 1989 (document n° 33.126/19418). Elle en conclut qu'aucun accord n'existait entre les membres de l'EPC pour exclure les marchés communautaires de la grande exportation. Il ressortirait, en outre, des documents précités que l'accord Cembureau visé à l'article 1er de la décision attaquée n'existait pas.

3991. Il convient de rappeler que, dans la CG (paragraphes 9 et 61) et dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), la Commission s'est fondée sur des preuves documentaires directes pour établir l'existence de l'accord Cembureau. La Commission s'est également fondée sur des preuves documentaires directes pour établir que le respect des marchés domestiques était la règle sous-jacente à la coopération à la grande exportation au sein de l'EPC et pour établir la participation de Valenciana à la pratique concertée dans le cadre de l'EPC (CG, paragraphes 27 à 29 et 67; décision attaquée, paragraphes 30, 35 à 37 et 59).

3992. Les documents invoqués par Valenciana démontrent l'existence de certaines exportations de ciment vers des destinations européennes. Cependant, l'accord Cembureau n'interdisait pas le "commerce inter-Etats de caractère traditionnel, voire structurel" [mémorandum à l'intention du président pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729)], mais il s'opposait aux exportations "sauvages" [notes de séance de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737)], à savoir les exportations non contrôlées ou non réglementées. En outre, aucun des documents visés par la partie requérante ne concerne le comportement de celle-ci sur le marché. Il ne peut donc nullement être constaté sur la base de ces documents qu'elle se serait lancée dans des exportations "sauvages" de ciment gris vers des destinations communautaires pendant la période prise en considération par la décision attaquée. Il s'ensuit que les documents examinés ne sont pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée pour constater l'existence de l'accord Cembureau et le respect, par Valenciana, du principe de respect des marchés domestiques, dans le cadre de l'EPC.

3993. Il y a donc lieu de conclure que le fait que Valenciana n'a pas eu accès aux documents n° 33.322/1901, 33.126/14799, 14958, 14965, 19397 et 19418 au cours de la procédure administrative n'a pas pu nuire à sa défense.

3994. Deuxièmement, Valenciana invoque, dans son mémoire du 22 décembre 1997, un avis juridique du 24 octobre 1988 préparé à l'intention de Blue Circle par un cabinet d'avocats (documents n° 33.126/11256 à 11259). Il résulterait de cet avis que, après que Blue Circle eut probablement expliqué quelles étaient les activités exercées au sein de l'ECEC et de l'EPC et après avoir analysé en détail les procès-verbaux de ces comités, le cabinet d'avocats l'a prévenue que son éventuelle adhésion à ces comités pourrait l'exposer au risque que la coopération réalisée dans ces comités soit considérée comme une violation du droit antitrust américain. Valenciana estime que, si une atteinte au droit communautaire de la concurrence avait été aussi évidente, ce cabinet d'avocats n'aurait pas manqué d'informer sa cliente de ce risque. L'avis juridique constituerait donc un indice de ce que les activités de l'EPC n'avaient pas pour objet le respect de la règle des marchés domestiques.

3995. Cet argument doit être rejeté. Manifestement, l'avis qui avait été demandé au cabinet d'avocats en question portait sur l'application du droit antitrust américain aux activités de l'ECEC et de l'EPC au moment où Blue Circle s'interrogeait sur l'opportunité d'une éventuelle (ré)adhésion à l'un ou l'autre de ces comités. Toutefois, dans l'avis juridique concerné, Blue Circle a été averti dans les termes suivants: "l'affiliation à l'EPC ou à l'ECEC [...] exposerait la société et ses investissements aux Etats-Unis à des risques considérables sous l'angle du droit américain criminel et civil. Il y a aussi lieu de prendre en considération les implications sous l'angle des lois sur la concurrence dans la Communauté européenne". Dès lors, même si l'avis se limitait au droit américain, le cabinet d'avocats a néanmoins cru nécessaire de rappeler à son client l'intérêt de se faire conseiller sur l'application du droit communautaire de la concurrence.

3996. Troisièmement, Valenciana invoque, dans son mémoire du 22 décembre 1997, une note interne de Lafarge du 25 avril 1988, dans laquelle les avantages que pourrait avoir une alliance de Lafarge avec le fabricant de ciment espagnol Uniland sont analysés (documents n° 33.126/6916 à 6919): "Une alliance avec Uniland peut présenter un intérêt stratégique dissuasif contre des importations des producteurs de Barcelone; elle ne pourrait sans doute pas contrôler des attaques venant de Cementos del Mar ou de Valence."

3997. Même si, comme le souligne la Commission dans son mémoire du 17 février 1998, le contenu du document est spéculatif, il révèle qu'un autre membre de l'EPC, à savoir Lafarge, ne perçoit plus Valenciana comme étant liée par la règle du respect des marchés domestiques, règle sous-jacente aux activités de l'EPC. Le document fait en effet état d'une possibilité d'"attaque sauvage" de la part de Valenciana.

3998. Néanmoins, si Valenciana avait eu accès à ce document au cours de la procédure administrative, celle-ci n'aurait pas pu aboutir à un résultat différent pour ce qui concerne le début de sa participation à l'infraction. Le fait que Valenciana ait pu démontrer, au cours de la procédure administrative, sur la base de la note interne en cause, qu'elle était perçue comme ne respectant plus la règle sous-jacente aux activités dans le cadre de l'EPC au 25 avril 1988 n'aurait pas été de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes citées dans la CG (paragraphes 27 à 29 et 67) et dans la décision attaquée (paragraphes 30, 35 à 37 et 59), dont il ressort, sans équivoque, que Valenciana a participé à des réunions de l'EPC avant le 25 avril 1988, dans le cadre desquelles les participants se sont concertés afin d'éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté.

3999. En effet, il est constant que M. Manglano, de Valenciana, a participé aux réunions de l'EPC des 18 novembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 36, point 2; documents n° 33.126/11365 à 11373) et 13 mai 1987 (décision attaquée, paragraphe 36, point 6; documents n° 33.126/13004 à 13011). Or, toute participation à des réunions ayant un objet clairement anticoncurrentiel relève d'une pratique concertée interdite par l'article 85, paragraphe 1, du traité, à moins que l'entreprise ne se distancie ouvertement du résultat de la réunion. Valenciana, qui ne prétend même pas s'être distanciée ouvertement du contenu desdites réunions, a, par sa présence à celles-ci, souscrit à l'objectif poursuivi au cours de ces réunions ou, à tout le moins, donné à penser aux autres participants qu'elle y souscrivait (voir jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

4000. Dans ces conditions, la note interne de Lafarge du 25 avril 1988 aurait été utile pour la défense de Valenciana contre les griefs retenus à l'article 6 de la décision attaquée, mais uniquement aux fins de la démonstration d'une moindre durée de sa participation à la pratique concertée dans le cadre de l'EPC.

4001. Dans son mémoire du 17 février 1998, la Commission indique que l'existence d'un certain commerce transfrontalier n'infirme pas ses affirmations. Elle explique que la décision attaquée fait référence à l'existence de tels échanges. Elle renvoie sur ce point au procès-verbal de la réunion de l'EPC du 18 novembre 1983 (documents n° 33.126/11365 à 11373), mentionné au paragraphe 36, point 2, et au document de M. Gac intitulé "EPC au-delà de 1986" (documents n° 33.126/12771 à 12773), mentionné au paragraphe 36, point 4.

4002. Les tensions qui auraient existé au sein de l'EPC concernant certains échanges intracommunautaires ne sont toutefois pas de nature à occulter le fait que la note de Lafarge du 25 avril 1988 aurait été utile à la défense de Valenciana au cours de la procédure administrative pour mettre en exergue la moindre durée de sa participation à l'infraction.

4003. La Commission insiste sur la confidentialité de cette note. Selon elle, cette pièce n'aurait pas pu être rendue accessible à Valenciana au cours de la procédure administrative à cause de son caractère confidentiel.

4004. Cet argument doit être rejeté. Le droit des entreprises à la protection de leurs secrets d'affaires doit être mis en balance avec la garantie des droits de la défense (arrêt Solvay/Commission, T-30/91, cité au point 106 ci-dessus, point 88). Rien n'aurait empêché la Commission d'occulter, dans les passages de la note de Lafarge utiles pour la défense de Valenciana, les informations confidentielles.

4005. Il ressort de tout ce qui précède que, en ne rendant pas accessible la note de Lafarge du 25 avril 1988 à Valenciana au cours de la procédure administrative, la Commission a violé les droits de la défense de cette partie. Néanmoins, dès lors que Valenciana avait participé à la réunion de l'EPC du 13 mai 1987, qui visait à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs européens, la Commission aurait retenu sa participation à l'infraction jusqu'à cette date, même si la partie requérante avait eu accès à la note interne en question au cours de la procédure administrative. Comme ce document aurait pu modifier l'appréciation de la Commission concernant la participation de Valenciana à l'infraction pour la période postérieure au 13 mai 1987, il y a donc lieu d'annuler l'article 6 de la décision attaquée à l'égard de Valenciana dans la mesure où il constate que l'infraction a duré au-delà de cette date.

2. Affaire T-69-95, Hornos Ibéricos/Commission

4006. Hornos Ibéricos se réfère, dans son mémoire du 10 décembre 1997, à deux documents qui, selon elle, auraient été utiles pour sa défense contre le grief relatif à sa participation aux activités de l'EPC (article 6 de la décision attaquée).

4007. Premièrement, elle invoque un compte rendu pour le conseil d'administration d'Hispacement d'une visite de deux employés de cette société à la partie requérante, le 26 juin 1986 (documents n° 33.322/2906 à 2909). Dans ce compte rendu, il est expliqué, en ce qui concerne les exportations vers l'Algérie: "Hornos Ibéricos a donné l'impression qu'elle n'était pas disposée pour l'instant à prendre, à l'égard du Conmex, un engagement susceptible d'entraîner une limitation de ses possibilités d'augmenter ses exportations. L'obliger à prendre un tel engagement comporte le risque qu'elle ne le respecte pas et qu'il faille, a posteriori, chercher des interprétations permettant de justifier ce comportement." Hornos Ibéricos estime que, si les limitations alléguées des exportations à destination de pays tiers non membres de la Communauté avaient pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence à l'intérieur de la Communauté, il faudrait admettre a contrario que l'attitude claire qu'elle avait adoptée de n'accepter aucune limitation de ses exportations supposait également une volonté claire de ne pas restreindre la concurrence à l'intérieur de la Communauté. Cette attitude dénoterait de surcroît la volonté ferme de la partie requérante de prendre ses décisions elle-même et d'agir de manière indépendante.

4008. Il convient de rappeler que la Commission s'est fondée sur des preuves documentaires directes dans la CG (paragraphes 27 à 29 et 67) et dans la décision attaquée (paragraphes 30, 35 à 37 et 59) pour constater la pratique concertée dans le cadre de l'EPC visée à l'article 6 de la décision attaquée. Le document invoqué par Hornos Ibéricos n'a aucun rapport avec les activités de l'EPC. Il n'est donc pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée pour constater l'infraction. En outre, force est de constater que, dans la CG (paragraphe 67) et dans la décision attaquée (paragraphe 59), la Commission a considéré que les activités de l'EPC ne visaient pas à limiter les ventes de ciment sur les marchés tiers, mais, au contraire, à canaliser les surplus de production vers les marchés tiers afin de sauvegarder le respect de la règle des marchés domestiques européens. Dès lors, le refus d'Hornos Ibéricos de limiter ses ventes vers l'Algérie, loin de contredire la thèse de la Commission, est en parfaite conformité avec celle-ci.

4009. Deuxièmement, Hornos Ibéricos se réfère au compte rendu d'une réunion de l'EPC qui s'est tenue le 13 février 1987 à Londres (documents n° 33.126/18181 à 18187). Elle relève que le marché intracommunautaire du ciment ne faisait pas partie de l'ordre du jour et n'a pas été abordé au cours des discussions. Il n'aurait donc pas été possible de déduire de ce compte rendu que les membres de l'EPC avaient consciemment examiné la situation du marché communautaire du ciment afin d'échafauder et de mettre à exécution une stratégie de vente consistant à ne pas fournir de ciment à des destinataires communautaires.

4010. Il y a lieu de constater qu'Hornos Ibéricos, en tant que membre de l'EPC, a nécessairement reçu communication du compte rendu de la réunion de l'EPC du 13 février 1987. Elle aurait donc pu se fonder sur ce document au cours de la procédure administrative, si elle l'avait cru utile pour sa défense. Dans ces circonstances, il ne saurait être question d'une violation de ses droits de la défense (voir ci-dessus point 248). En outre, il convient de rappeler que la Commission s'est fondée sur des preuves documentaires directes dans la CG (paragraphes 27 à 29 et 67) et dans la décision attaquée (paragraphes 30, 35 à 37 et 59) pour constater que les discussions menées au sein de l'EPC avaient un lien avec le commerce intracommunautaire. Le fait que le compte rendu de la réunion de l'EPC du 13 février 1987 ne mentionne pas le marché intracommunautaire n'est pas de nature à donner un éclairage différent à ces preuves directes, qui démontrent l'existence d'une pratique concertée dans le cadre de l'EPC, dont l'objet était de canaliser les surplus de production vers les pays tiers, afin d'éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté.

3. Affaire T-88-95, Blue Circle/Commission

4011. Blue Circle soutient que le document n° 33.322/1485 aurait été utile pour sa défense contre le grief relatif à sa participation aux activités de l'EPC (article 6 de la décision attaquée).

4012. Il y a lieu de constater que ce document est identique au document n° 33.126/12751, qui figurait dans la boîte (voir ci-dessus point 95) et auquel Blue Circle a eu accès au cours de la procédure administrative.

4013. Blue Circle invoque par ailleurs une série de documents (documents n° 33.322/1488 à 1507) relatifs à l'ECEC, qui viendraient corroborer sa thèse selon laquelle les comités à l'exportation visés dans la décision attaquée avaient pour seul objet d'élever le niveau des prix à la grande exportation, et non pas, comme la Commission l'a toujours soutenu, d'accroître le volume de ces exportations. Ces documents démontreraient ainsi l'absence totale de lien entre ces comités à l'exportation et le principe du respect des marchés domestiques. Blue Circle fait valoir que le document n° 33.322/1494 énonce explicitement: "en vertu de ses statuts, le comité ne discute ni ne s'occupe d'aucune manière des exportations de ses membres vers des pays d'Europe occidentale. Aucune recommandation de ce comité ne pourrait, dès lors, s'appliquer à de telles exportations."

4014. Il convient d'observer que la Commission n'a nullement imputé à Blue Circle le grief retenu à l'article 5 de la décision attaquée, relatif aux activités de l'ECEC. S'agissant de la coopération à la grande exportation, la responsabilité de Blue Circle a uniquement été retenue à propos des activités de l'EPC (article 6 de la décision attaquée). Partant, les commentaires que Blue Circle formule à partir de pièces documentaires se rapportant à l'ECEC manquent de pertinence au regard des infractions qui lui sont reprochées. En tout état de cause, les commentaires que Blue Circle aurait pu faire valoir à partir des documents invoqués n'auraient pas été de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la CG (paragraphes 27 à 29 et 67) et dans la décision attaquée (paragraphes 30, 35 à 37 et 59) pour conclure à l'existence, au sein de l'EPC, d'une pratique concertée "visant à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté".

Conclusions

4015. L'article 6 de la décision attaquée doit être annulé dans son intégralité à l'égard d'Heracles et de Titan. Il doit l'être à l'égard d'Halkis dans la mesure où il constate une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité avant le 18 novembre 1983 et après le 1er septembre 1986. Il doit l'être également à l'égard de Ciments français, de Lafarge et de Blue Circle dans la mesure où il constate une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité avant le 18 novembre 1983. Il sera également annulé à l'égard de Valenciana dans la mesure où il constate une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité au-delà du 13 mai 1987. Les moyens examinés doivent être rejetés pour le surplus.

XII Sur les moyens tirés d'erreurs d'appréciation et de violations des articles 85, paragraphe 1, et 190 du traité, du principe d'égalité de traitement et des droits de la défense, en ce que la Commission a qualifié d'accord unique et continu l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée et a constaté la participation des différentes parties mises en cause à cet accord unique et continu

4016. Toutes les parties requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur d'appréciation et/ou une violation des dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité en retenant leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée. Le SFIC (T-36-95), Heidelberger (T-42-95), Lafarge (T-43-95), Aalborg (T-44-95), Alsen-Breitenburg (T-45-95), Nordcement (T-46/95), Rugby (T-53-95), Castle (T-56-95), Uniland (T-58-95), Oficemen (T-59-95), Italcementi (T-65-95), Hornos Ibéricos (T-69-95), Aker (T-70-95), Euroc (T-71-95), Cementir (T-87-95) et Blue Circle (T-88-95) contestent spécifiquement la qualification de cette infraction d'accord unique et continu.

4017. Le SFIC, Vicat (T-37-95), Ciments français (T-39-95), Asland (T-55-95), Uniland, Cimpor (T-61-95), Secil (T-62-95), Italcementi, Aker, Euroc, Blue Circle et l'AGCI (T-103-95) dénoncent une violation du principe de non-discrimination en ce qui concerne le système d'imputation de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée. En outre, CBR (T-25-95), Dyckerhoff (T-35-95), le SFIC, Vicat, Ciments français, Heidelberger, Aalborg, la BCA (T-54-95), Asland, Irish Cement (T-60-95), Italcementi, Holderbank (T-68-95), Aker, Euroc, Blue Circle, l'AGCI et Halkis (T-104-95) relèvent une violation des dispositions de l'article 190 du traité.

4018. Enfin, toutes les parties requérantes, à l'exception de la BCA et d'Halkis, dénoncent une violation de leurs droits de la défense en raison d'un accès insuffisant, au cours de la procédure administrative, aux éléments du dossier de la Commission concernant le grief retenu à l'article 1er de la décision attaquée.

Décision attaquée

4019. L'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée se rapporte à l'accord Cembureau qui, dans ladite décision attaquée, est qualifié d'accord unique et continu et constitué par "l'ensemble des arrangements arrêtés dans le cadre de Cembureau et des réunions et contacts bilatéraux et/ou multilatéraux" (décision attaquée, paragraphe 46, point 1, premier alinéa).

4020. Ainsi, dans la décision attaquée, les échanges d'informations sur les prix (article 2), les ententes franco-italiennes (article 3, paragraphe 1), l'entente ibérique (article 3, paragraphe 2), l'entente franco-allemande (article 3, paragraphe 3), la constitution de l'ETF et les différentes mesures ayant un rapport avec cette task-force (article 4), les activités de l'ECEC (article 5) et les activités de l'EPC (article 6) ont tous été considérés comme des éléments constitutifs de l'accord unique et continu Cembureau.

4021. Pour parvenir à cette conclusion, la Commission se fonde sur deux constatations.

4022. En premier lieu, elle relève que les comportements visés aux articles 2 à 6 de la décision attaquée poursuivent le même objectif, "à savoir la règle commune de respect des marchés domestiques" (décision attaquée, paragraphe 46, point 2, deuxième alinéa).

4023. En second lieu, elle constate que tous les participants aux comportements visés aux articles 2 à 6 de la décision attaquée étaient conscients que leurs actions s'intégraient dans un "plan commun" (décision attaquée, paragraphe 46, point 2, troisième alinéa). Selon elle, "la situation se caractérise par l'adhésion de l'industrie européenne du ciment, directement ou à travers les associations professionnelles nationales, à une règle commune et par la mise en application de cette règle, dans les divers cas concrets, par ceux qui sont les plus directement concernés" (décision attaquée, paragraphe 46, point 2, deuxième alinéa). Le fait que les différents destinataires de la décision attaquée n'ont pas participé à toutes les mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau n'affecterait pas la qualification de l'infraction d'accord unique et continu. La Commission explique (décision attaquée, paragraphe 46, point 2, troisième alinéa): "[...] c'est l'essence même du concours d'entreprises dans l'accomplissement d'un plan commun qu'il y ait des actions et des acteurs différents qui, toutefois, interagissent pour concourir à l'objectif commun poursuivi."

Participation des parties requérantes concernées à l'accord unique et continu Cembureau

4024. Il convient d'examiner, en premier lieu, si les différents comportements visés aux articles 2 à 6 de la décision attaquée constituent des manifestations d'adhésion à l'objectif de l'accord Cembureau conclu au cours de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et, comme telles, des éléments constitutifs d'un accord unique Cembureau. En second lieu, il y aura lieu d'examiner si la participation à l'infraction de chaque entreprise ou association d'entreprises concernée a été continue, et d'apprécier la durée de cette participation.

A Accord unique Cembureau

4025. Il y a lieu de vérifier d'abord si, comme le prétend la Commission, les comportements visés aux articles 2 à 6 de la décision attaquée, d'une part, et l'accord Cembureau, d'autre part, poursuivaient le même objectif (décision attaquée, paragraphes 46, points 1 et 2, et 48, point 2). Il conviendra ensuite d'examiner si la Commission a pu estimer à bon droit que tous les participants aux comportements visés aux articles 2 à 6 de la décision attaquée étaient conscients que leurs actions s'intégraient dans un "plan commun", à savoir l'accord Cembureau (décision attaquée, paragraphe 46, point 2, troisième alinéa).

1. Identité d'objet entre les mesures mises en cause aux articles 2 à 6 de la décision attaquée et l'accord Cembureau

4026. Toutes les parties requérantes soutiennent que les différents comportements mis en cause aux articles 2 à 6 de la décision attaquée, ou, à tout le moins, ceux auxquels elles auraient participé, ne poursuivaient pas le même objectif que le prétendu accord Cembureau. Chaque mesure mise en cause dans la décision attaquée aurait poursuivi son propre objectif concret et ne se serait pas intégrée dans une entente paneuropéenne.

4027. A cet égard, il convient de relever que les comportements en cause ne peuvent être considérés comme des éléments constitutifs de l'accord unique Cembureau que s'il est établi qu'ils s'inscrivaient dans un plan global poursuivant un objectif commun (arrêt Rhône-Poulenc/Commission, cité au point 1053 ci-dessus, point 126).

4028. Il convient dès lors d'examiner dans un premier temps si, comme le prétend la Commission, "la règle commune du respect des marchés domestiques [...] régit et conditionne tous les autres arrangements [visés aux articles 2 à 6 de la décision attaquée], lesquels ont été convenus pour compléter cette règle et/ou pour concourir à son application" (décision attaquée, paragraphe 46, point 1, deuxième alinéa).

1.1. Echanges d'informations (article 2 de la décision attaquée)

4029. Ciments luxembourgeois et le SFIC soulignent que, dans la décision attaquée, les échanges d'informations organisés dans le cadre de Cembureau n'ont pas été qualifiés de mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4030. Cet argument doit être rejeté. Aux termes mêmes de l'article 2, paragraphes 1 et 2, ces échanges visaient à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau. En outre, le paragraphe 46, point 1, premier alinéa, énonce que l'"ensemble des arrangements" visés par la décision attaquée a constitué un "accord unique et continu". Enfin, l'article 9 de la décision attaquée mentionne que l'"infraction constatée à l'article 1er [...] a été mise en œuvre en particulier par les comportements décrits aux articles 2, 3, 4, 5 et 6". Dans ces circonstances, en relevant que Ciments luxembourgeois, qui avait pris part aux échanges d'informations visés par l'article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision attaquée, n'avait "mis en œuvre [...] aucune mesure d'exécution" [décision attaquée, paragraphe 65, point 9, sous b), troisième tiret; voir aussi paragraphe 65, point 3, troisième alinéa, sous a)], la Commission a entendu souligner que cette société, à la différence de toutes les autres entreprises visées par la décision attaquée, n'avait participé à aucune des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau sur le marché, auxquelles fait référence le paragraphe 65, point 3, premier alinéa, de la décision attaquée, à savoir les comportements visés aux articles 3 à 6. Ce faisant, elle n'a nullement considéré que les échanges d'informations visés à l'article 2 de la décision attaquée ne constituaient pas un élément constitutif de l'accord unique Cembureau.

4031. Par ailleurs, il a déjà été constaté que la Commission a considéré à bon droit que les échanges ponctuels d'informations visés à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée et les échanges périodiques d'informations visés à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée visaient, dans la mesure précisée ci-dessus, respectivement, aux points 1501 à 1518 et 1576 à 1647, à "faciliter l'exécution de l'accord [Cembureau]".

4032. La finalité poursuivie par ces échanges d'informations correspondant à l'objectif de l'accord Cembureau, à savoir le respect des marchés domestiques, il y a lieu de conclure qu'il y avait identité d'objet entre l'accord Cembureau et les comportements visés à l'article 2 de la décision attaquée.

1.2. Ententes franco-italiennes (décision attaquée, article 3, paragraphe 1)

4033. La Commission a distingué trois ententes franco-italiennes, à savoir une pratique concertée entre Lafarge et Buzzi [article 3, paragraphe 1, sous a)], une pratique concertée entre Ciments français et Buzzi [article 3, paragraphe 1, sous b)] et une pratique concertée entre Vicat et Buzzi [article 3, paragraphe 1, sous c)].

4034. En ce qui concerne la pratique concertée entre Lafarge et Buzzi, elle a constaté que ces deux entreprises s'étaient concertées "pour limiter leur autonomie de comportement [...] pour se répartir le marché du Sud de la France" (décision attaquée, paragraphe 48, point 3, second alinéa).

4035. Elle se réfère à cet égard à un compte rendu d'un entretien du 26 novembre 1988 entre M. Buzzi et M. Saint-Hillier, de Lafarge (décision attaquée, paragraphe 20, point 3; document n° 33.126/6857 bis), qui résume la position de Buzzi comme suit:

" Le marché appartient à Ciments Lafarge.

Aucun souhait de venir sur la Côte d'Azur pour perturber le marché. Ils ont seulement deux ou trois clients depuis vingt ans.

La guerre est inutile.

Il faut faire des accords pour éviter des conflits."

4036. Il ressort des termes mêmes de ce compte rendu qu'il y avait identité d'objet entre l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision attaquée et l'accord Cembureau, à savoir le respect des marchés domestiques.

4037. En ce qui concerne la pratique concertée entre Vicat et Buzzi, la Commission se réfère dans la décision attaquée à un télex de Buzzi à Vicat du 23 avril 1986 (décision attaquée, paragraphe 20, point 5; document n° 33.126/6144), dans lequel il est mentionné: "Des demandes de fourniture de ciment nous parviennent, en plus de Nice, de Toulon. Nous avons donné une réponse négative à toutes et nous avons l'intention de continuer à le faire."

4038. Il y a donc lieu de conclure, comme la Commission l'a fait (décision attaquée, paragraphe 20, point 6), que la communication par laquelle Buzzi a informé Vicat qu'elle avait refusé des commandes de ciment provenant du Sud de la France et qu'elle avait l'intention de continuer à le faire s'inscrivait dans le cadre d'une répartition du marché entre Buzzi et Vicat. Même si l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée ne reproche pas expressément à Vicat et à Buzzi d'avoir participé à une pratique concertée portant sur le partage du marché (voir ci-dessus point 1927), il n'en reste pas moins que l'extrait précité du télex de Buzzi à Vicat du 23 avril 1986 démontre que l'échange d'informations critiqué visait à "ne pas déranger le marché dans le Sud de la France" (décision attaquée, paragraphe 48, point 6, troisième alinéa). La finalité poursuivie par les comportements visés à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée était donc de contribuer au respect de la règle des marchés domestiques.

4039. Il s'ensuit que la pratique concertée entre Vicat et Buzzi et l'accord Cembureau poursuivaient également le même objectif.

4040. En ce qui concerne, enfin, la pratique concertée entre Ciments français et Buzzi, elle portait "sur des informations sur les prix en vigueur et sur une prévision de hausse des prix, en vue d'une limitation de leur autonomie de comportement" [décision attaquée, article 3, paragraphe 1, sous b)].

4041. Il y a lieu de constater que, à la différence des documents invoqués à l'appui des infractions visées à l'article 3, paragraphe 1, sous a) et sous c), le seul document sur lequel se fonde la Commission pour établir l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 1, sous b), à savoir la télécopie de Ciments français à Buzzi du 17 mars 1988 (décision attaquée, paragraphe 20, point 4; documents n° 33.126/11982 à 11987), n'exprime aucune intention des parties concernées de respecter un quelconque principe de respect des marchés domestiques. En outre, à aucun endroit de la décision attaquée, la Commission n'affirme que, par l'échange de prix visé à l'article 3, paragraphe 1, sous b), Ciments français et Buzzi cherchaient à respecter un tel principe. Elle indique seulement, au paragraphe 20, point 6, de la décision attaquée, "que les transmissions par Ciments français de son tarif et de la prévision de hausse des prix [... avaient] pour but de donner à Buzzi la possibilité d'aligner ses prix pour les ventes de ciment en France sur ceux de Ciments français". Elle ajoute (même point), en ce qui concerne l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée, que "la communication par laquelle Buzzi a informé Vicat d'avoir refusé des commandes de ciment provenant du Sud de la France et d'avoir l'intention de continuer à le faire s'inscrit dans le cadre d'une répartition du marché du Sud de la France". Toutefois, elle n'avance aucune explication similaire pour ce qui concerne l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la décision attaquée. Enfin, il y a lieu d'ajouter que la Commission cherche encore à relier cette entente à l'accord Cembureau en faisant valoir que celui-ci visait aussi à l'"alignement sur les prix locaux en cas de dépassement des frontières" (décision attaquée, paragraphe 48, point 1). Or, il doit être rappelé que cet aspect relève des "règles de concurrence loyale" (voir décision attaquée, paragraphe 47, point 2), dont la Commission a reconnu qu'elles n'avaient pas fait l'objet d'un grief dans la décision attaquée (voir, notamment, ci-dessus point 1513).

4042. Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que la Commission n'a pas établi une identité d'objet entre l'accord Cembureau et la pratique concertée visée à l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la décision attaquée.

1.3. Entente ibérique (décision attaquée, article 3, paragraphe 2)

4043. Le compte rendu de Cimpor d'une réunion tenue le 22 juillet 1985 (décision attaquée, paragraphe 21, point 2; documents n° 33.322/155 à 157) énonce: "Les parties présentes, qui peuvent être considérées comme les représentants des producteurs de ciment d'Espagne et du Portugal, ont manifesté leur adhésion non équivoque au principe qu'il ne devait pas y avoir de mouvements de ciment d'Espagne vers le Portugal et du Portugal vers l'Espagne, à moins qu'ils ne soient voulus ou contrôlés par l'industrie cimentière de chacun des deux pays." De même, la partie opposable du document d'Hispacement (décision attaquée, paragraphe 21, point 2; document n° 33.322/2901) fait état de ce que "les présidents des sociétés cimentières portugaises se sont réunis dans les locaux d'Oficemen avec leurs homologues espagnols au mois de décembre [1985] et que la décision a été prise à cette occasion de s'interdire toute exportation d'un pays à l'autre".

4044. Il ressort sans équivoque de ces deux documents que l'objectif poursuivi par les parties à l'entente ibérique visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée correspondait parfaitement à l'objectif de l'accord Cembureau.

1.4. Entente franco-allemande (décision attaquée, article 3, paragraphe 3)

4045. L'entente franco-allemande visée à l'article 3, paragraphe 3, de la décision attaquée se compose de deux éléments. A l'article 3, paragraphe 3, sous a), la Commission constate que certaines entreprises françaises et allemandes, ainsi que les associations française (le SFIC) et allemande (le BDZ), ont participé "à des accords et à des pratiques concertées portant sur la réglementation des livraisons de ciment de France vers l'Allemagne et d'Allemagne vers la France". L'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée constate ensuite que le BDZ et le SFIC ont participé à une "pratique concertée portant sur l'échange d'informations visant à contrôler le respect des limitations quantitatives à l'exportation entre la France et l'Allemagne ainsi que leur destination aux différents Länder allemands".

4046. En ce qui concerne l'infraction constatée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, et dans la mesure précisée ci-dessus au point 2469, il ressort des documents analysés au paragraphe 22 de la décision attaquée que, à la suite des exportations de Cedest vers les Länder allemands autres que la Sarre, ainsi que des réactions en France des producteurs allemands, des concertations bilatérales ont eu lieu, qui avaient pour objectif de limiter les flux transfrontaliers de ciment. Ainsi, la note interne de Lafarge du 23 juin 1982 (décision attaquée, paragraphe 22, point 4; documents n° 33.126/6592 à 6596) précise: "Nous avons clairement exprimé l'avis que chacun doit rester dans ses frontières." A cet égard, elle fait état du "Principe home market". Il ressort également d'un compte rendu de Ciments français du 17 mai 1983 (décision attaquée, paragraphe 22, point 9; documents n° 33.126/4251 à 4253) que Dyckerhoff avait communiqué à Ciments français son intention de ne pas vendre en France.

4047. La lettre que le président de Ciments français, également président du SFIC, a écrite le 22 septembre 1986 au président de Heidelberger, lui-même également président du BDZ (décision attaquée, paragraphe 22, point 10; documents n° 33.126/3574 à 3576), énonce notamment: "[...] Ted Brenke [de Heidelberger] a exprimé l'avis que, si nous devions renouveler notre accord, il y aurait du côté allemand une demande de réduire l'écart existant depuis 1984 entre les livraisons françaises et allemandes. Je lui ai répondu que si cette demande était maintenue je voyais peu de chances que nous arrivions à un autre accord. Ainsi que vous vous en souvenez, il n'y avait aucune justification logique et, encore moins, éthique de cet écart, lequel, en fait, n'était pas le résultat de discussions bilatérales entre les intérêts français et allemands [...]"

4048. Comme la Commission le soutient dans la décision attaquée (paragraphe 50, point 4), et comme cela ressort également de l'appréciation portée par le Tribunal ci-dessus aux points 2427 à 2433, les pratiques concertées relatives à la recherche d'une solution portant sur la limitation des ventes de Cedest en Allemagne en dehors de la Sarre et l'accord de 1984 qui devait être renouvelé, et dont il est question dans la lettre du 22 septembre 1986 avaient tous pour objet "le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre, à savoir la répartition des marchés" (décision attaquée, paragraphe 45, point 9). Il s'ensuit que l'infraction constatée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée poursuivait le même objectif que l'accord Cembureau.

4049. En ce qui concerne l'infraction constatée à l'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, dans la mesure précisée ci-dessus aux points 2471 à 2491, elle consiste en une pratique concertée portant sur un échange d'informations entre le SFIC et le BDZ visant à contrôler le respect des limitations quantitatives à l'exportation entre la France et l'Allemagne. Il s'agit donc d'une infraction complémentaire à l'infraction constatée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée et poursuivant le même objectif. Il y a dès lors aussi identité d'objet entre l'échange d'informations visé à l'article 3, paragraphe 3, sous b), et l'accord Cembureau.

1.5. Eléments de l'accord unique relatif à l'ETF (article 4 de la décision attaquée)

4050. Il a été constaté (voir ci-dessus point 2537) que, par l'accord portant sur la constitution de l'ETF, visé à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, les entreprises et associations concernées visaient à "éliminer les importations en Europe occidentale, actuellement les importations de Grèce" [compte rendu de la réunion de l'ETF à Genève du 19 août 1986 (décision attaquée, paragraphe 25, point 15; annexe 15 au mémoire en réponse à la CG d'Aker et d'Euroc)]. L'objectif poursuivi par la constitution de l'ETF était donc le respect des marchés domestiques européens.

4051. Il doit être rappelé ensuite que les accords et pratiques concertées visés à l'article 4, paragraphes 2 et 3, ont été animés d'une même finalité anticoncurrentielle. En effet, l'accord portant sur la constitution d'Interciment visé à l'article 4, paragraphe 2, a eu pour but de mettre en œuvre les mesures dissuasives et persuasives à l'encontre des producteurs qui, ne se sentant pas tenus par la règle du respect des marchés domestiques européens, menaçaient la stabilité des marchés des pays membres de Cembureau (voir ci-dessus point 2978). Les pratiques concertées retenues à l'article 4, paragraphe 3, sous a), et l'accord visé à l'article 4, paragraphe 3, sous b), ont eu pour but d'éviter, dans un esprit anticoncurrentiel, des importations par le groupe Ferruzzi/Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce (voir ci-dessus points 3163 et 3356) et, partant, de rétablir l'ordre sur le marché dans le respect des frontières nationales.

4052. Au vu des éléments qui précèdent, il y a lieu de conclure que les infractions visées à l'article 4, paragraphes 1 à 3, avaient la même finalité ce qui a permis à la Commission de conclure à l'existence d'un accord unique relatif à l'ETF (voir ci-dessus point 3706) et que cette finalité correspondait, en outre, parfaitement à l'objectif de l'accord Cembureau.

4053. En revanche, l'article 4, paragraphe 4, de la décision attaquée devant être annulé dans son intégralité (voir ci-dessus point 3769), dès lors qu'il n'est pas établi que les achats visés par cette disposition tendaient à éviter des importations de produits grecs en Europe occidentale, il ne peut être retenu que la règle du respect des marchés domestiques animait les comportements en cause.

1.6. ECEC (article 5 de la décision attaquée)

4054. Il convient de rappeler que la Commission n'a pas établi que les activités de l'ECEC visaient au respect de la règle des marchés domestiques, ce qui doit conduire à l'annulation de l'article 5 de la décision attaquée (voir ci-dessus points 3849 et 3850). Dans ces circonstances, les activités au sein de ce comité à l'exportation ne peuvent être considérées comme une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

1.7. EPC (article 6 de la décision attaquée)

4055. Il a déjà été constaté (voir ci-dessus point 3919) que la Commission a considéré à bon droit que la coopération dans le cadre de l'EPC visait "à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté" (article 6 de la décision attaquée).

4056. La finalité poursuivie par la coopération au sein de l'EPC correspondant à l'objectif de l'accord Cembureau, à savoir le respect des marchés domestiques, il y a lieu de conclure qu'il y avait identité d'objet entre l'accord Cembureau et les comportements visés à l'article 6 de la décision attaquée.

1.8. Conclusions

4057. Il ressort de l'analyse qui précède que les comportements visés aux articles 2 et 3, paragraphe 1, sous a) et sous c), et paragraphes 2 et 3, ainsi qu'aux articles 4, paragraphes 1 à 3, et 6 de la décision attaquée, poursuivaient tous la même finalité anticoncurrentielle que l'accord Cembureau. C'est donc à bon droit que la Commission a conclu que ces comportements avaient tous pour objectif la réglementation commune du respect des marchés domestiques (décision attaquée, paragraphe 46, point 2).

4058. En revanche, dès lors qu'il n'a pas été établi que les comportements visés aux articles 3, paragraphe 1, sous b), 4, paragraphe 4, et 5 de la décision attaquée poursuivaient le même objectif que l'accord Cembureau, ces comportements ne sauraient être considérés comme des éléments constitutifs de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée.

2. Elément subjectif

2.1. Démonstration de l'élément subjectif par rapport aux différentes catégories de parties requérantes concernées

4059. Toutes les parties requérantes soutiennent qu'elles n'ont jamais eu connaissance d'un quelconque accord Cembureau qui aurait été conclu et confirmé au cours des réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984.

4060. Ainsi qu'elles le relèvent, la seule identité d'objet entre les différents arrangements bi- et multilatéraux et l'accord Cembureau ne suffit pas pour démontrer que les arrangements auxquels les parties requérantes concernées ont participé constituaient des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 203). En effet, à défaut de connaissance de l'existence d'un accord Cembureau, ces actions ne pouvaient constituer, de la part des parties requérantes, l'expression d'une adhésion ou d'une participation à cet accord.

4061. Il y a donc lieu d'examiner si la Commission a pu considérer à bon droit dans la décision attaquée (paragraphe 46, point 2) que les parties aux ententes bi- et multilatérales caractérisées par une même finalité anticoncurrentielle que l'accord Cembureau avaient conscience que leurs comportements s'inscrivaient dans le cadre du plan commun arrêté et confirmé au cours des réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus point 4023).

4062. Aux fins de cet examen, il convient de distinguer deux catégories de parties requérantes.

4063. S'agissant, d'une part, de Cembureau et de ses membres directs, à l'exception d'Unicem, il a déjà été constaté que la Commission a établi leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (voir ci-dessus points 1400 à 1403). En effet, pour ces associations et ces entreprises, la preuve de leur participation à l'accord unique Cembureau ne repose pas, dans la décision attaquée, sur leur participation à une mesure de mise en œuvre de cet accord, mais sur leur affiliation directe à Cembureau et sur leur participation à une ou plusieurs réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et/ou confirmé (voir ci-dessus points 1301 et 1302).

4064. Or, Cembureau et ses membres directs, à l'exception d'Unicem, qui ont participé à une ou plusieurs de ces réunions (voir ci-dessus points 1342 à 1353), ont nécessairement su que leur participation à un ou plusieurs des arrangements bi- ou multilatéraux caractérisés par une identité d'objet entre ceux-ci et l'accord Cembureau s'inscrivait dans le cadre de cet accord. Leur participation à des ententes poursuivant l'objectif de respect des marchés domestiques constituait donc, de leur part, une mise en œuvre de l'accord Cembureau et, partant, une manifestation d'adhésion continue à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée.

4065. L'élément subjectif est donc établi dans le chef de Cembureau, de la FIC, de la VNC, de Ciments luxembourgeois, du SFIC, d'Aalborg, du BDZ, de la BCA, d'Oficemen, d'Irish Cement, de l'ATIC, d'Italcementi, d'Aker, d'Euroc, de Cementir et de l'AGCI. Il n'est ainsi pas nécessaire d'examiner pour ces parties requérantes les différents éléments de rattachement (voir ci-après points 4069 à 4073) avancés dans la décision attaquée pour établir un lien subjectif entre les différents arrangements bi- et multilatéraux auxquels elles ont participé et l'accord Cembureau.

4066. S'agissant, d'autre part, des membres indirects de Cembureau ainsi que d'Unicem et de Buzzi, il y a lieu de rappeler que la preuve de leur participation à l'infraction visée à l'article 1er repose, dans la décision attaquée (paragraphes 45, points 10 et 13, et 65, point 3), sur leur participation à une ou plusieurs mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau (voir ci-dessus points 1439 à 1448). En effet, pour ces parties, la participation à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau est révélatrice de leur adhésion à cet accord conclu et confirmé au cours des réunions des chefs de délégation.

4067. Or, ces parties soulignent que, même si les chefs de délégation présents au cours des réunions mises en cause dans la décision attaquée avaient conclu un accord Cembureau, la décision attaquée n'établit pas qu'elles aient été informées de l'existence de cet accord par les chefs de délégation concernés. Leur éventuelle participation à une entente locale ne pourrait donc être considérée comme une manifestation de leur adhésion à l'accord Cembureau.

4068. La démonstration de l'élément subjectif pour ces parties requérantes revêt donc une importance particulière. En effet, si la Commission ne démontre pas que ces entreprises savaient, ou devaient nécessairement savoir, que les arrangements bi- et multilatéraux poursuivant le même objectif que l'accord Cembureau auxquels elles ont participé s'inscrivaient dans le cadre d'une entente paneuropéenne portant sur le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre, la participation de ces entreprises à l'infraction unique visée à l'article 1er de la décision attaquée ne peut pas être retenue.

2.2. Eléments de rattachement avancés dans la décision attaquée

4069. Dans la décision attaquée, la Commission invoque plusieurs éléments qui démontreraient que la participation des destinataires de la décision attaquée à une entente bi- ou multilatérale ayant le même objet que l'accord Cembureau doit être considérée comme une manifestation de leur participation à l'accord Cembureau.

4070. En premier lieu, elle relève [décision attaquée, paragraphe 65, point 3, sous b)]: "Les entreprises Blue Circle, CBR, Ciments français, Lafarge, Dyckerhoff, Heidelberger, Titan, ENCI, Asland et Cimpor, tout en n'étant pas des membres de Cembureau, ont représenté leur association nationale en tant que 'Head Delegate lors des réunions organisées par Cembureau les 14 janvier 1983, 19 mars 1984 et 7 novembre 1984; la participation de ces entreprises à l'accord [Cembureau] ne fait donc pas de doute."

4071. En deuxième lieu, la Commission estime que, au cours des réunions des chefs de délégation, les associations membres directs de Cembureau ont assumé des "engagements [...] dans l'intérêt de leurs membres", et que, "en fait, les producteurs de ciment sont les véritables acteurs qui agissent à travers leurs associations professionnelles" (décision attaquée, paragraphe 44, point 5; voir aussi paragraphe 46, point 2, deuxième alinéa).

4072. En troisième lieu, se référant à la lettre de convocation pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 2; documents n° 33.126/11552 et 11553) et au projet d'exposé introductif du président pour cette même réunion (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n° 33.126/11583 à 11585), la Commission considère (décision attaquée, paragraphe 46, point 2, quatrième alinéa; voir aussi paragraphe 50, point 3, quatrième alinéa): "Cembureau et ses membres reconnaissent [...] que les frictions dues aux échanges intermembres sont d'intérêt commun parce qu'elles constituent des 'infractions aux 'règles du jeu' communes. Ces situations bilatérales sont donc une manifestation concrète de l'accord général de respect des marchés domestiques." Elle ajoute (décision attaquée, paragraphe 46, point 2, cinquième et sixième alinéas): "Il n'est pas nécessaire [...] que chaque situation bilatérale ou multilatérale ait été évoquée explicitement dans les réunions de Cembureau, bien que cela puisse être démontré dans le cas de certaines d'entre elles [...] En effet, il ressort des documents de Cembureau que seules ont été discutées dans les réunions collégiales les situations qui n'ont évidemment pas pu être résolues au moyen de contacts directs entre les parties intéressées. Par exemple, le 'point chaud' entre l'Italie et la Suisse, inséré dans le mémorandum à l'intention du président de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 [...] ne semble pas avoir été discuté collégialement parce que 'le différend' (...) est en voie de trouver une solution [...] Il s'ensuit que rentrent dans le cadre de l'application de l'accord général non seulement les situations spécifiquement mentionnées dans les documents de Cembureau, mais aussi celles qui ont apparemment trouvé une solution au moyen de contacts directs entre les parties intéressées, comme c'est le cas pour les situations franco-italienne et hispano-portugaise."

4073. Enfin, en quatrième lieu, dans le cadre de l'ETF et de l'EPC, la Commission se réfère à l'existence d'un lien institutionnel entre l'ETF et Cembureau (décision attaquée, paragraphe 24) et entre l'EPC et Cembureau (décision attaquée, paragraphe 59, point 1, premier alinéa) pour démontrer que les comportements visés aux articles 4 et 6 de la décision attaquée constituaient des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

2.3. Démonstration de la participation des membres indirects de Cembureau, d'Unicem et de Buzzi à l'accord Cembureau à travers leur participation à une mesure de mise en œuvre de cet accord

4074. Il a lieu de rappeler d'abord que la Commission n'a pas établi que les comportements visés aux articles 3, paragraphe 1, sous b), 4, paragraphe 4, et 5 de la décision attaquée constituaient des éléments constitutifs de l'accord Cembureau (voir ci-dessus point 4058). En outre, l'article 3, paragraphe 3, sous a), d'une part, et l'article 6, d'autre part, doivent être annulés respectivement vis-à-vis de Cedest (voir ci-dessus points 2384 et 2385), d'Heracles et de Titan (voir ci-dessus point 3970).

4075. Cette constatation a pour conséquence que, pour certains membres indirects de Cembureau, à savoir ENCI, Cedest, Nordcement, Alsen-Breitenburg, Rugby, Castle, Heracles et Titan, la participation à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau dans la décision attaquée n'est pas établie. En effet, pour Cedest, les comportements visés à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée constituent, dans la décision attaquée, la seule manifestation de son adhésion à l'accord Cembureau. Il en va de même de la participation de Rugby aux comportements visés à l'article 4, paragraphe 4, sous a), de la décision attaquée, et de la participation d'ENCI, de Nordcement et d'Alsen-Breitenburg aux comportements visés à l'article 5 de la décision attaquée. Pour Castle, sa participation aux arrangements visés aux articles 4, paragraphe 4, sous a), et 5 de la décision attaquée constituent aussi les seules manifestations de sa participation à l'accord Cembureau. Enfin, les comportements visés aux articles 4, paragraphe 4, et 6 de la décision attaquée constituent les seules "mesures de mise en œuvre" de l'accord Cembureau auxquelles Heracles et Titan auraient participé.

4076. Or, s'agissant des membres indirects de Cembureau, la décision attaquée expose explicitement que ces entreprises ont participé indirectement à l'accord Cembureau "à travers leur participation aux différents arrangements et mesures convenus pour compléter l'accord général et/ou pour concourir à son application" (décision attaquée, paragraphe 45, point 10). Pour cette raison, l'article 1er ne vise que les entreprises qui (décision attaquée, paragraphe 65, point 3) ont "clairement manifesté leur adhésion à l'accord [Cembureau] en participant [à une mesure de mise en œuvre de celui-ci]".

4077. Dès lors, la Commission, faute d'avoir démontré la participation d'ENCI, de Cedest, de Nordcement, d'Alsen-Breitenburg, de Rugby, de Castle, d'Heracles et de Titan à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau, n'est pas fondée, selon le système d'imputation propre à la décision attaquée, à retenir la participation de ces entreprises, membres indirects de Cembureau, à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée.

4078. Elle ne saurait prétendre, comme elle l'a fait dans la présente procédure, que la participation d'ENCI et de Titan à l'accord Cembureau est en tout état de cause établie dès lors qu'un membre du personnel de ces entreprises a participé à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 au cours de laquelle l'accord concerné a été conclu. Il doit être rappelé à cet égard que, dans l'optique de la décision attaquée, cet élément n'a pas suffi pour retenir la participation d'une entreprise, membre indirect de Cembureau, à l'infraction visée à l'article 1er (voir ci-dessus point 1441). En effet, la preuve de la participation d'un membre indirect de Cembureau à l'accord Cembureau a été tirée uniquement de sa participation à une ou plusieurs mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau. Pour cette raison, les membres indirects de Cembureau dont un membre du personnel avait assisté à une ou plusieurs réunions des chefs de délégation ont été considérés, tout comme les autres membres indirects et à la différence des membres directs, comme ayant "participé indirectement à [l']accord [Cembureau], à travers leur participation aux différents arrangements et mesures convenus pour compléter l'accord général et/ou pour concourir à son application" (décision attaquée, paragraphe 45, point 10). Pour cette raison également, Ciments d'Obourg, membre indirect de Cembureau, dont un membre du personnel, M. Pestalozzi, a assisté à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 4), n'est pas visée par l'article 1er de la décision attaquée, la Commission n'ayant pas constaté la participation de cette entreprise à une des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4079. L'article 1er de la décision attaquée doit donc être annulé vis-à-vis d'ENCI, de Cedest, de Nordcement, d'Alsen-Breitenburg, de Rugby, de Castle, d'Heracles et de Titan.

4080. Il y a lieu ensuite d'examiner si la Commission était en droit de constater l'adhésion à l'accord unique et continu Cembureau des autres membres indirects de Cembureau, à savoir CBR, Dyckerhoff, Vicat, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Valenciana, Asland, Uniland, Cimpor, Secil, Holderbank, Hornos Ibéricos, Blue Circle et Halkis, à travers leur participation à une ou plusieurs ententes bi- ou multilatérales visées dans la décision attaquée et ayant le même objet que l'accord Cembureau. Le même examen doit être effectué pour Unicem, membre direct de Cembureau qui n'a participé à aucune des réunions des chefs de délégation, et pour Buzzi, qui n'était ni membre direct ni membre indirect de Cembureau.

4081. Pour ces entreprises, il y a donc lieu d'apprécier si les éléments de rattachement mentionnés ci-dessus aux points 4069 à 4073 sont de nature à établir un lien entre, d'une part, leur participation à une entente particulière ayant le même objet que l'accord Cembureau et, d'autre part, ce dernier accord, lien qui montrerait qu'une telle participation constituait de leur part une manifestation d'adhésion à l'accord Cembureau.

2.3.1. Présence d'un membre du personnel d'une entreprise aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et/ou confirmé

4082. La Commission se fonde sur la présence d'un membre du personnel de certains membres indirects de Cembureau aux réunions des chefs de délégation pour établir leur participation à l'accord Cembureau [décision attaquée, paragraphe 65, point 3, sous b)]. Un chef de délégation qui représentait l'association nationale était en effet normalement un haut dirigeant d'une entreprise du secteur du ciment du pays en cause. Il y a toutefois lieu de rappeler que, dans l'optique de la décision attaquée, la présence d'un membre du personnel d'un membre indirect de Cembureau n'a pas suffi, en tant que telle, pour retenir la participation de ce membre indirect à l'accord Cembureau (voir ci-dessus point 1441). Néanmoins, pour les membres indirects qui ont participé à une ou plusieurs ententes bi- ou multilatérales visées dans la décision attaquée, cet élément est pertinent pour démontrer que leur participation à une telle entente particulière doit être considérée comme une adhésion à l'accord Cembureau.

4083. Il n'est pas contesté qu'un membre du personnel des entreprises suivantes, membres indirects de Cembureau, a assisté à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, dans le cadre de laquelle l'accord Cembureau a été conclu: M. Van Hove, de CBR, M. Gruner, de Dyckerhoff, M. Poitrat, de Ciments français, M. Schuhmacher, de Heidelberger, M. Bertrán, d'Asland, M. Toscano Jr, de Cimpor et Sir John Milne, de Blue Circle. Ce fait est d'ailleurs confirmé par la liste des personnes Attendues à la réunion du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 4; document n° 33.126/11581). En outre, il n'est pas contesté que ces entreprises ont délégué un membre de leur personnel à au moins une des deux réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été confirmé (décision attaquée, paragraphe 19, points 8 et 13; documents n° 33.126/11699, 11752 et 11753).

4084. Il est en outre constant qu'un membre du personnel de Lafarge, à savoir M. Collomb, a assisté aux réunions des chefs de délégation des 19 mars et 7 novembre 1984, au cours desquelles l'accord Cembureau a été confirmé (décision attaquée, paragraphe 19, points 8 et 13; documents n° 33.126/11699, 11752 et 11753).

4085. Bien que, comme le soulignent CBR, Ciments français et Asland, les personnes mentionnées ci-dessus aux points 4083 et 4084 aient été présentes aux réunions aux cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et/ou confirmé en leur qualité de chef de délégation ou en leur qualité d'expert, il n'en reste pas moins que, par la présence d'un de leurs hauts dirigeants auxdites réunions, les entreprises concernées ont nécessairement pris connaissance de l'existence de l'accord Cembureau et de son contenu.

4086. Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que ces membres indirects de Cembureau se sont rendu compte que leur participation à une entente bi- ou multilatérale ayant le même objet que l'accord Cembureau correspondait, de leur part, à la mise en œuvre de celui-ci.

4087. Ainsi, la participation de CBR aux infractions visées à l'article 4, paragraphes 1 à 3, sous a), de Dyckerhoff aux infractions visées aux articles 3, paragraphe 3, sous a), et 4, paragraphes 1 à 3, sous a), de Ciments français aux infractions visées aux articles 3, paragraphe 3, sous a), 4, paragraphes 1 et 2, et 6, de Heidelberger aux infractions visées aux articles 3, paragraphe 3, sous a), et 4, paragraphe 1, de Lafarge aux infractions visées aux articles 3, paragraphe 1, sous a), 3, paragraphe 3, sous a), 4, paragraphes 1 à 3, sous a), et 6, d'Asland à l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 1, de Cimpor à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 2, et de Blue Circle aux infractions visées aux articles 4, paragraphes 1 à 3, sous a), et 6 de la décision attaquée constituait la manifestation de leur adhésion à l'accord Cembureau.

4088. C'est donc à bon droit que la Commission a constaté, dans la décision attaquée, que CBR, Dyckerhoff, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Asland, Cimpor et Blue Circle ont participé à l'infraction unique visée à l'article 1er de la décision attaquée. La durée de leur participation à cette infraction sera examinée ultérieurement.

2.3.2. Autres éléments de rattachement

4089. Pour Unicem, pour les membres indirects de Cembureau dont aucun membre du personnel n'a assisté à une des réunions des chefs de délégation, ainsi que pour Buzzi, qui n'est ni membre direct ni membre indirect de Cembureau, l'éventuel lien entre, d'une part, une entente bi- ou multilatérale portant sur le respect des marchés domestiques, à laquelle ils ont participé, et, d'autre part, l'accord Cembureau doit être établi sur la base d'autres indices. L'analyse qui précède ayant déjà permis de constater que l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée ne peut être retenue à l'encontre d'ENCI, de Cedest, de Nordcement, d'Alsen-Breitenburg, de Rugby, de Castle, d'Heracles et de Titan, les autres facteurs de rattachement sur lesquels la Commission s'est fondée dans la décision attaquée conservent leur pertinence à l'égard des seules neuf entreprises suivantes: Unicem (membre direct de Cembureau), Vicat, Halkis, Holderbank, Secil, Uniland, Hornos Ibéricos, Valenciana (membres indirects de Cembureau) et Buzzi (ni membre direct ni membre indirect de Cembureau).

4090. Il y a lieu de rappeler que, selon la Commission, s'agissant des ententes bi- et multilatérales ayant le même objet que l'accord Cembureau, le fait que les entreprises concernées, à l'exception d'Unicem et de Buzzi, sont des membres indirects de Cembureau et le fait que des situations de frictions bilatérales ont été discutées au cours des réunions des chefs de délégation permettent de conclure que ces ententes constituaient des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau. S'agissant des infractions visées aux articles 4 et 6 de la décision attaquée, la Commission se réfère, en outre, au lien institutionnel entre Cembureau et, respectivement, l'ETF et l'EPC.

4091. En ce qui concerne les discussions relatives à des frictions bilatérales, il doit être constaté qu'une seule desdites frictions peut être mise en rapport avec une entente bi- ou multilatérale visée dans la décision attaquée, à savoir l'entente franco-allemande (décision attaquée, article 3, paragraphe 3). En effet, selon la décision attaquée, les "exportations de la France vers l'Allemagne" ont fait l'objet de discussions au cours de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (mémorandum à l'intention du président pour la réunion du 19 mars 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729). Les autres frictions bilatérales dont fait état la documentation relative aux réunions des chefs de délégation, en particulier le mémorandum à l'intention du président pour la réunion du 19 mars 1984 et les notes de séance de cette réunion (décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737), n'ont pas donné lieu à une entente bi- ou multilatérale sanctionnée par la décision attaquée.

4092. Il s'ensuit que le fait que certaines situations de frictions bilatérales ont été discutées au cours des réunions des chefs de délégation ne démontre pas la participation à l'accord Cembureau des neuf entreprises susvisées. Aucune de ces entreprises n'a, en effet, selon les termes de la décision attaquée, participé à l'entente franco-allemande.

4093. Il y a encore lieu d'ajouter que la Commission soutient à juste titre dans la décision attaquée (paragraphe 46, point 2, cinquième et sixième alinéas) que l'accord Cembureau prévoit, lorsque cela s'avère nécessaire, le renvoi à des dialogues bi- ou multilatéraux entre les parties directement concernées, de sorte que seuls les transferts de ciment intermembres qualifiés de "points chauds", pour lesquels aucune solution n'avait été trouvée sur le terrain, ont été discutés au cours des réunions des chefs de délégation [voir projet d'exposé introductif du président pour la réunion du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n° 33.126/11583 à 11585) et notes de séance de la réunion du 19 mars 1984 visées ci-dessus au point 4091].

4094. Cependant, même si l'absence d'éléments de preuve établissant que des frictions sous-jacentes à des ententes ayant le même objet que l'accord Cembureau ont été discutées au cours des réunions des chefs de délégation ne signifie pas pour autant que ces ententes ne constituent pas des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau, la non-évocation des frictions se rapportant aux ententes franco-italiennes et ibérique, à l'ETF et à l'EPC au cours des réunions des chefs de délégation ne peut, à l'évidence, constituer une preuve positive de l'existence d'un lien entre ces ententes et l'accord Cembureau.

4095. En ce qui concerne le prétendu lien institutionnel entre Cembureau, d'une part, et l'ETF et l'EPC, d'autre part, force est de constater que la Commission n'explique pas en quoi cet élément est de nature à démontrer que les neuf entreprises mentionnées ci-dessus dans la phrase finale du point 4089 avaient connaissance de l'accord Cembureau, condition nécessaire pour que leur participation aux infractions visées aux articles 4 et 6 de la décision attaquée puisse être considérée comme une adhésion à cet accord.

4096. En revanche, l'affiliation indirecte à Cembureau constitue un critère de rattachement pertinent. En effet, comme le relève à juste titre la Commission, les véritables acteurs sur le marché sont les entreprises et non les associations professionnelles, membres directs de Cembureau (décision attaquée, paragraphe 44, point 5). Ces associations doivent dès lors être censées avoir informé leurs membres de la conclusion et de la confirmation de l'accord Cembureau à la suite des réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984. Au cours de la réunion du 14 janvier 1983, le président de Cembureau a d'ailleurs explicitement invité les chefs de délégation présents à "répandre autour [d'eux] des paroles de sagesse" [projet d'exposé introductif du président pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n° 33.126/11583 à 11585)].

4097. En outre, sur le marché du ciment, toute action sur un marché donné risque de se propager, comme une vague, sur les marchés plus lointains, comme l'indique le passage du document de Zurich/Céligny (décision attaquée, paragraphe 25, point 3; documents n° 33.126/18772 à 18779; voir ci-dessus point 2539), selon lequel, s'agissant des exportations grecques vers le Royaume-Uni et l'Italie: "La situation actuelle constitue manifestement une menace pour toute l'Europe et pas seulement pour les pays plus directement attaqués." Le succès de la règle du respect des marchés domestiques arrêtée et confirmée au cours des réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 dépendant de son application généralisée, les associations nationales, membres directs de Cembureau, ont nécessairement informé leurs membres de l'existence et du contenu de l'accord Cembureau.

4098. Il s'ensuit que tous les membres indirects de Cembureau ont dû avoir connaissance de l'existence et du contenu de cet accord. Dès lors, même si, dans la présente espèce, la représentation des membres indirects de Cembureau aux réunions des chefs de délégation ne peut être retenue comme telle en tant que critère d'imputation de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (voir ci-dessus points 563 et 564), l'affiliation indirecte à Cembureau montre néanmoins que la participation d'une entreprise à une entente bi- ou multilatérale ayant le même objet que l'accord Cembureau a constitué une mise en œuvre de l'accord Cembureau et impliqué, par conséquent, une adhésion à cet accord.

4099. Parmi les neuf parties requérantes citées ci-dessus dans la phrase finale du point 4089, figurent les membres indirects de Cembureau suivants: Vicat, Valenciana, Uniland, Secil, Holderbank, Hornos Ibéricos et Halkis. Lorsque ces entreprises ont participé à une entente bi- ou multilatérale ayant le même objet que l'accord Cembureau, elles ont nécessairement su que, ce faisant, elles s'intégraient dans l'entente paneuropéenne qui avait été conclue et confirmée au cours des réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984.

4100. Partant, la participation de Vicat à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de Secil à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 2, d'Uniland et de Holderbank aux infractions visées à l'article 4, paragraphes 1 à 3, sous a), de Valenciana, d'Hornos Ibéricos et d'Halkis à l'infraction visée à l'article 6 de la décision attaquée ont constitué des manifestations de leur adhésion à l'accord Cembureau.

4101. C'est donc à bon droit que la Commission a constaté, dans la décision attaquée, que Vicat, Valenciana, Uniland, Secil, Holderbank, Hornos Ibéricos et Halkis ont participé à l'infraction unique visée à l'article 1er de la décision attaquée. La durée de leur participation à cette infraction sera examinée ultérieurement.

2.3.3. Cas particulier d'Unicem et de Buzzi

4102. S'agissant d'Unicem, il ne peut être retenu qu'elle a été représentée aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et confirmé (voir ci-dessus points 1404 à 1416).

4103. Il a déjà été constaté que la Commission a démontré qu'Unicem a participé aux infractions suivantes dans le cadre de l'ETF:

constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1; voir ci-dessus points 2682 et 2683);

pratiques concertées visant à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a); voir ci-dessus points 3252 et 3253];

accord ayant pour but d'éviter des importations, par Calcestruzzi, de ciment en provenance de Grèce [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous b); voir ci-dessus point 3396].

4104. Or, Unicem, compte tenu de sa qualité de membre direct de Cembureau, savait nécessairement, pour des motifs analogues à ceux exposés ci-dessus aux points 4096 à 4098 à l'égard des membres indirects de Cembureau, que, en participant aux différents comportements visés à l'article 4, paragraphes 1 et 3, sous a) et sous b), dont l'objet était identique à celui de l'accord Cembureau (voir ci-dessus points 4050 à 4052), elle mettait en œuvre ce dernier accord.

4105. Il y a encore lieu de souligner que, dans le cadre de l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, Unicem a eu des contacts directs avec des représentants de Blue Circle, d'Oficemen et de Lafarge, qui, soit ont directement participé, soit ont délégué un membre de leur personnel aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et/ou confirmé. En effet, Unicem a participé avec M. Marichal, de Lafarge, M. Andia, d'Oficemen, et M. Shepherd, de Blue Circle, au sous-groupe "Echange d'expériences défensives" constitué dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 9 septembre 1986 [compte rendu de la réunion du 9 septembre 1986 (décision attaquée, paragraphe 25, point 22; documents n° 33.126/18849 à 18862) et note de Lafarge du 25 mars 1987 (décision attaquée, paragraphe 25, point 47; documents n° 33.126/4858 à 4861)]. De même, en ce qui concerne l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 3, sous b), il doit être constaté que les deux autres cocontractants de l'accord ayant eu pour but d'éviter des importations, par Calcestruzzi, de ciment en provenance de Grèce, à savoir Cementir et Italcementi, sont des membres directs de Cembureau qui étaient représentés aux réunions au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et/ou confirmé.

4106. Comme le souligne à juste titre la Commission, la méconnaissance par Unicem de l'accord Cembureau est en outre inconciliable avec les termes suivants du télex adressé par Italcementi à Titan le 13 mai 1987 (décision attaquée, paragraphe 27, point 8; document n° 33.126/19204): "Me référant au contrat entre Titan et Calcestruzzi relatif aux livraisons de ciment en Italie et à la réunion envisagée à la demande de Calcestruzzi elle-même et prévue pour le 24 mai 1987 à Luxembourg, je vous informe que nous, producteurs de ciment, nous participerons évidemment à ladite réunion puisque nous sommes les parties impliquées au plus haut niveau. Par conséquent, Messieurs Pesenti, Testore et Carella (à la tête respectivement d'Italcementi, Unicem et Cementir) seront heureux d'être disponibles pour la réunion après l'assemblée générale de Cembureau dans le but de trouver une solution au problème, objet de nos discussions, avec le même esprit qui depuis plusieurs années a lié les industries du ciment des divers pays européens."

4107. Il s'ensuit qu'un lien entre les mesures prises par Unicem dans le cadre de l'ETF et l'accord Cembureau est établi. C'est donc à bon droit que la Commission a constaté, dans la décision attaquée, qu'Unicem a participé à l'infraction unique visée à l'article 1er de la décision attaquée. La durée de sa participation à cette infraction sera examinée ultérieurement.

4108. S'agissant de Buzzi, qui n'est ni membre direct ni membre indirect de Cembureau, il y a lieu de rappeler qu'elle a participé à deux infractions dont l'objet était identique à celui de l'accord Cembureau, à savoir la pratique concertée avec Lafarge visée à l'article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision attaquée (voir ci-dessus points 1868 et 4036) et la pratique concertée avec Vicat visée à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée (voir ci-dessus points 1959 et 4039).

4109. En l'espèce, il y a toutefois lieu de vérifier si Buzzi, lorsqu'elle a participé à ces ententes franco-italiennes a su, ou aurait dû savoir, que, ce faisant, elle s'intégrait dans l'entente paneuropéenne conclue et confirmée au cours des réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984. Comme la Commission l'a d'ailleurs reconnu à l'audience dans l'affaire T-51-95, la seule identité d'objet entre les ententes bi- ou multilatérales et l'accord Cembureau ne suffit pas pour démontrer une telle adhésion (voir également ci-dessus point 4060). En effet, ce n'est que si la connaissance par Buzzi de l'existence de l'accord Cembureau était suffisamment établie que sa participation aux ententes franco-italiennes concernées pourrait constituer l'expression de son adhésion à cet accord.

4110. Il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission invoque plusieurs éléments qui démontreraient, de la part des entreprises ayant participé à une entente bi- ou multilatérale, une connaissance de l'accord Cembureau (voir ci-dessus points 4069 à 4073). Or, la Commission n'invoque même pas un de ces éléments à l'égard de Buzzi (décision attaquée, paragraphes 20 et 48).

4111. Afin de démontrer la connaissance par Buzzi de l'accord Cembureau, la Commission se réfère uniquement au fait que cette partie requérante a eu des contacts dans le cadre des ententes franco-italiennes avec des parties à l'accord Cembureau (décision attaquée, paragraphe 48, point 2). Elle ajoute: "Ce qui importe est l'élément objectif [des ententes franco-italiennes auxquelles Buzzi a participé] qui coïncide avec l'accord général." (Décision attaquée, paragraphe 48, point 2.)

4112. Toutefois, comme cela a déjà été relevé, la coïncidence de l'élément objectif ne suffit pas pour imputer à une entreprise la participation à l'accord Cembureau. En outre, aucune des preuves documentaires sur lesquelles la Commission s'est fondée pour démontrer l'identité d'objet entre les ententes franco-italiennes et l'accord Cembureau (voir ci-dessus points 4033 à 4042) ne contient d'indices établissant que Buzzi aurait eu connaissance de l'accord Cembureau. A défaut de tels indices, le fait que Buzzi a eu des contacts avec des entreprises dont la participation à l'accord Cembureau est établie ne suffit pas pour démontrer sa connaissance de cet accord.

4113. Il s'ensuit que, bien que la participation de Buzzi aux ententes bilatérales visées à l'article 3, paragraphe 1, sous a), sous b) et sous c), ait été établie (voir ci-dessus points 1819 à 2035), la Commission n'a pas démontré que cette participation constituait une adhésion, de sa part, à l'accord Cembureau, une entente paneuropéenne caractérisée d'une gravité particulière (décision attaquée, paragraphes 46 et 65, point 5). Dès lors, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé à l'égard de Buzzi.

2.4. Conclusions

4114. Il résulte de tout ce qui précède que la Commission a établi la participation de CBR, de Cembureau, de la FIC, de la VNC, de Ciments luxembourgeois, de Dyckerhoff, du SFIC, de Vicat, de Ciments français, de Heidelberger, de Lafarge, d'Aalborg, du BDZ, d'Unicem, de Valenciana, de la BCA, d'Asland, d'Uniland, d'Oficemen, d'Irish Cement, de Cimpor, de Secil, de l'ATIC, d'Italcementi, de Holderbank, d'Hornos Ibéricos, d'Aker, d'Euroc, de Cementir, de Blue Circle, de l'AGCI et d'Halkis à l'accord Cembureau. Dès lors que ces associations et ces entreprises, par leur participation, selon le cas, aux comportements visés aux articles 2, 3, paragraphe 1, sous a) et sous c), 3, paragraphes 2 et 3, 4, paragraphes 1 à 3, et 6 de la décision attaquée mettaient en œuvre l'accord Cembureau, c'est à bon droit que ces ententes bi- et multilatérales ont été considérées comme des éléments constitutifs de l'accord Cembureau et, partant, que cet accord a été qualifié d'accord unique dans la décision attaquée (paragraphe 46).

3. Arguments généraux mettant en cause le recours à la notion d'accord unique

4115. En premier lieu, la FIC, le SFIC, Vicat, Ciments français, Lafarge, Unicem, Uniland, Oficemen, Cimpor, Secil, Hornos Ibéricos et Blue Circle font valoir que la Commission a tenu un raisonnement circulaire pour démontrer l'existence de l'accord unique Cembureau. Elle aurait ainsi qualifié d'anticoncurrentiels un certain nombre de comportements prétendument innocents ou confinés à une dimension locale, en raison de leur rattachement à un hypothétique accord unique, tout en s'appuyant sur eux pour prouver l'existence de l'accord Cembureau.

4116. Cet argument doit être rejeté. La Commission n'a pas déduit l'existence de l'accord Cembureau de l'existence des arrangements bi- ou multilatéraux visés aux articles 2 à 6 de la décision attaquée, mais des preuves documentaires directes mentionnées aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée (voir ci-dessus points 862 à 1095), qui démontrent que, au cours des réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984, un concours de volontés s'est manifesté, portant sur le principe du respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre. Dans la décision attaquée, la preuve de l'existence de l'accord Cembureau ne dépend donc en rien de l'existence des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau. De même, la Commission a chaque fois fondé sur des pièces le caractère infractionnel des différents comportements dénoncés aux articles 2, 3 et 4, paragraphes 1 à 3, de la décision attaquée. En ce qui concerne l'infraction visée à l'article 6 de la décision attaquée, le raisonnement de la Commission n'est circulaire que pour autant qu'elle déduit le caractère infractionnel des activités de l'EPC du fait que tous les membres de l'EPC sont membres indirects de Cembureau et donc tenus au respect de la règle des marchés domestiques (voir ci-dessus point 3879). Toutefois, les autres éléments de preuve avancés par la Commission fondent sa conclusion selon laquelle les activités de l'EPC violaient les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, dès lors qu'elles visaient "à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté" (voir ci-dessus points 3882 à 3933). Il s'ensuit que, dans la décision attaquée, la preuve du caractère infractionnel des mesures visées aux articles 2, 3, 4, paragraphes 1 à 3, et 6 ne repose pas sur un rattachement théorique à l'accord Cembureau, mais sur des preuves documentaires directes.

4117. En deuxième lieu, Vicat, Heidelberger, Italcementi et Blue Circle prétendent que, en recourant à la théorie de l'accord unique, la Commission a allégé et même renversé la charge de la preuve, en se dispensant d'établir l'existence d'un comportement infractionnel de chaque destinataire de la décision attaquée. La Commission aurait en effet présumé que tous les comportements adoptés par les producteurs européens de ciment l'avaient été en application de l'accord Cembureau, élaborant ainsi une présomption de culpabilité. Blue Circle souligne encore qu'il ressort de différents passages de la décision attaquée que la Commission a estimé qu'il ne lui incombait pas de prouver les différentes infractions, mais qu'il revenait aux entreprises défenderesses de démontrer que les allégations contenues dans la CG étaient fausses.

4118. Ces arguments doivent être rejetés. Les différentes infractions dénoncées dans la CG et retenues dans la décision attaquée, ainsi que la participation des différentes parties requérantes concernées à celles-ci, ont été établies non pas sur la base d'une présomption de culpabilité, mais sur la base de preuves documentaires directes.

4119. En outre, le fait que, dans la décision attaquée, la Commission estime que les arguments de Blue Circle ainsi que des autres destinataires de celle-ci n'infirment pas les constatations qu'elle avait faites dans la CG sur la base des preuves documentaires ne démontre nullement que la Commission ait renversé la charge de la preuve.

4120. En troisième lieu, Heidelberger, Uniland et Oficemen mettent en cause la qualification d'accord unique donnée aux mesures prises dans le cadre de Cembureau, le dispositif de la décision attaquée faisant apparaître l'absence totale d'identité subjective entre les différentes infractions. Elles soulignent que certaines infractions sont imputées à Cembureau et à ses membres (décision attaquée, article 2, paragraphes 1 et 2), d'autres à quelques membres directs et à quelques membres indirects de Cembureau (décision attaquée, articles 3, paragraphes 2 et 3, et 4, paragraphes 1 à 3), d'autres encore à des membres indirects de Cembureau uniquement (décision attaquée, articles 3, paragraphe 1, et 6) ou à des entreprises non affiliées à Cembureau (cas de Buzzi; décision attaquée, article 3, paragraphe 1).

4121. Aker et Euroc font observer que pour aucune des infractions bilatérales ou multilatérales présumées sur des marchés particuliers il n'est établi que les entreprises concernées considéraient qu'elles appliquaient un accord Cembureau, qu'elles sanctionnaient d'autres entreprises si elles ne respectaient pas cet accord, qu'elles menaçaient de porter des cas de "concurrence déloyale" devant Cembureau, qu'elles attribuaient leur comportement à un accord Cembureau ou qu'elles invoquaient cet accord. Elles insistent encore sur le fait que, dans de nombreux cas, les comportements ne se sont manifestés que sur les marchés locaux ou régionaux.

4122. Il y a lieu de rappeler que la Commission a établi que, dans le cadre de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, l'accord Cembureau a été conclu, accord qui portait sur le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre (voir ci-dessus points 862 à 1095). Le succès de cet accord dépendait de son application généralisée. En effet, compte tenu de l'interdépendance des différents marchés nationaux, toute action sur un marché donné risquait de se propager, comme une vague, sur les marchés plus lointains. Pour cette raison, l'accord Cembureau prévoyait, en cas d'exportations non contrôlées en Europe, l'organisation de "dialogues bi- ou multilatéraux" pour faire respecter la "règle du jeu" [projet d'exposé introductif du président de Cembureau pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n° 33.126/11583 à 11585)]. Ainsi, l'application de l'accord unique Cembureau a été ad hoc et locale.

4123. Dès lors, comme le soutient la Commission, le fait que différentes entreprises aient joué des rôles différents dans la poursuite d'un objectif commun n'élimine pas l'identité subjective (décision attaquée, paragraphe 46, point 2, troisième alinéa). En effet, chaque partie dont la participation à l'accord Cembureau est établie a, à son propre niveau, contribué à la poursuite de l'objectif commun, en participant à une ou plusieurs des mesures de mise en œuvre mentionnées dans la décision attaquée, consciente que les autres participants à l'accord Cembureau prendraient des mesures similaires au moment où leurs frontières nationales seraient menacées. Ainsi, les actions entreprises par différentes parties à l'accord Cembureau interagissaient pour concourir à l'objectif commun poursuivi, à savoir le respect généralisé des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre.

4124. Le fait qu'aucun des documents concernant les ententes bi- et multilatérales ne contient une référence explicite à l'accord Cembureau n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation. Il y a lieu de rappeler à cet égard que l'accord Cembureau ne se rapporte pas à un accord formel, mais à un concours de volontés informel portant sur "le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre, à savoir la répartition des marchés" (décision attaquée, paragraphe 45, point 9) (voir ci-dessus point 998).

4125. Les arguments de Heidelberger, d'Uniland, d'Oficemen, d'Aker et d'Euroc doivent donc être rejetés.

4126. En quatrième lieu, Heidelberger et Hornos Ibéricos font valoir que, contrairement aux faits analysés dans les affaires Polypropylène (voir, par exemple, arrêt du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, cité au point 140 ci-dessus, point 263, et arrêt BASF/Commission, cité au point 1852 ci-dessus, points 244 et suivants), les prétendues parties à l'accord Cembureau n'ont pas participé à un système de réunions régulières. Les parties requérantes concernées estiment qu'un accord unique requiert au moins l'organisation de réunions régulières ou de divers contacts au cours desquels tous les participants sont généralement ou du moins régulièrement présents et les objectifs des arrangements et leurs modalités d'application examinés. Or, en l'espèce, hormis les trois réunions des chefs de délégation visées par la décision attaquée qui se sont tenues entre le 14 janvier 1983 et le 7 novembre 1984, il n'y aurait eu aucune réunion à laquelle la majorité des entreprises/associations visées à l'article 1er de la décision attaquée aurait été présente ou représentée.

4127. Cet argument doit être rejeté. Le caractère unique de l'infraction résulte, en effet, de l'unicité de l'objectif poursuivi par chaque participant à l'accord Cembureau et non des modalités d'application de cet accord. A cet égard, il y a lieu de rappeler que l'objet de l'accord Cembureau était simple. Il s'agissait du principe "chacun chez soi". A la différence de l'entente qui faisait l'objet des affaires Polypropylène, dont l'objectif consistait à faire augmenter les prix sur le marché, l'organisation de réunions périodiques afin de mettre en œuvre l'accord Cembureau ne s'imposait pas. Le respect de l'accord conclu supposait uniquement que chaque participant ne s'engage pas dans des exportations non contrôlées de ciment vers d'autres pays européens et que "s'organisent chaque fois que nécessaire des dialogues bi- ou multilatéraux" pour faire respecter la "règle du jeu" [projet d'exposé introductif du président de Cembureau pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n° 33.126/11583 à 11585)].

4128. En cinquième lieu, Heidelberger, Unicem, la BCA, Italcementi, Aker, Euroc, Cementir et Blue Circle font valoir que, par l'effet de la théorie de l'accord unique, elles ont été tenues coresponsables de la totalité des faits retenus dans la décision attaquée, y compris de ceux que celle-ci ne leur reproche pas spécifiquement. La Commission aurait ainsi violé le principe selon lequel la responsabilité découlant de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité a un caractère personnel (conclusions du juge M. Vesterdorf faisant fonction d'avocat général sous l'arrêt Rhône-Poulenc/Commission, citées au point 1053 ci-dessus, p. II-953).

4129. Toutefois, le caractère personnel de la responsabilité pour la commission d'infractions à l'article 85 du traité n'empêche pas la Commission de qualifier d'infraction unique différents comportements de plusieurs parties, si, comme en l'espèce, il est établi que celles-ci considéraient leur participation à ces comportements comme leur contribution à un plan global liant toute l'industrie du ciment. Or, la participation personnelle des parties requérantes concernées à l'accord unique Cembureau a été établie par la Commission (voir ci-dessus point 4114).

4130. En sixième lieu, Italcementi et Cementir reprochent à la Commission d'avoir utilisé la notion d'infraction unique pour déduire de leur seule qualité de membre de Cembureau leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée.

4131. Cet argument repose sur une lecture erronée de la décision attaquée et doit être rejeté. En effet, la démonstration de la participation d'Italcementi et de Cementir, membres directs de Cembureau, à l'accord unique Cembureau repose non seulement sur leur affiliation à Cembureau, mais également et surtout sur leur participation aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et/ou confirmé (voir ci-dessus points 1302 et 1342 à 1353).

4132. En septième lieu, Blue Circle reproche à la Commission d'avoir retenu l'existence d'un accord unique Cembureau en se fondant sur les trois documents identifiés au paragraphe 18 de la décision attaquée, à savoir les deux notes internes de Blue Circle, l'une du 1er décembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 18, point 2; documents n° 33.126/11332 à 11334), l'autre non datée (décision attaquée, paragraphe 18, point 3; documents n° 33.126/11335 à 11337), et la déclaration du président d'Heracles (décision attaquée, paragraphe 18, point 5; documents n° 33.126/19875 à 19877).

4133. Cet argument doit être rejeté. La Commission s'est fondée sur l'identité objective entre les comportements relevés aux articles 2 à 6 de la décision attaquée et le contenu dudit accord Cembureau, tel qu'il ressort notamment des trois pièces avancées par la partie requérante et de la documentation citée aux paragraphes 19 et 45 de la décision attaquée, ainsi que sur la considération selon laquelle les parties ont participé, en parfaite connaissance de l'accord Cembureau, aux comportements visés aux articles 2 à 6 de la décision attaquée, pour conclure que ces différents comportements avaient procédé d'un accord unique (décision attaquée, paragraphe 46).

4134. En huitième lieu, Italcementi, Aker, Euroc, Cementir et Blue Circle font valoir que, en décidant d'abandonner les griefs nationaux, la Commission a contredit sa théorie relative à l'existence d'une infraction unique.

4135. Il y a lieu de rappeler à cet égard que la Commission n'a jamais prétendu, dans la CG, que les griefs nationaux qui y étaient visés relevaient de l'accord unique et continu Cembureau (voir ci-dessus point 119). Seuls les "arrangements arrêtés dans le cadre de Cembureau et des réunions et contacts bilatéraux et multilatéraux", décrits aux paragraphes 59 à 62 et 66 à 68 des chapitres internationaux de la CG, ont été jugés par elle constitutifs d'un accord unique et continu (CG, paragraphe 59). Dans ces conditions, la Commission ne s'est pas contredite en abandonnant les griefs nationaux au terme de la procédure administrative tout en maintenant sa thèse fondée sur l'existence d'un accord unique et continu.

4136. En neuvième lieu, Oficemen prétend que le fait de se fonder sur le critère de l'identité subjective des participants pour établir le lien entre un accord spécifique et l'accord Cembureau a pour effet, en raison du grand nombre de prétendus participants à l'accord Cembureau, de lier à l'accord Cembureau pratiquement tout accord ou pratique concertée mis en œuvre par les producteurs européens de ciment. La même conclusion s'imposerait, s'agissant du critère de l'identité objective, étant donné la définition large que la Commission donne au contenu de l'accord Cembureau.

4137. Cet argument doit être rejeté. La Commission n'a pas utilisé une présomption d'adhésion de toute l'industrie du ciment à l'accord Cembureau pour établir l'existence d'un lien entre les différentes mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau et ce dernier. Elle a démontré que les "mesures de mise en œuvre" visées par la décision attaquée, à l'exception des comportements visés aux articles 3, paragraphe 1, sous b), 4, paragraphe 4, et 5, avaient pour objet le respect des marchés domestiques et poursuivaient ainsi la même finalité que l'accord Cembureau. L'objet même de l'accord Cembureau et des mesures de mise en œuvre de cet accord ressort sans équivoque des preuves documentaires mentionnées dans la décision attaquée. En participant à une mesure ayant le même objet que l'accord Cembureau, les différentes parties requérantes ont manifesté leur adhésion à l'accord Cembureau, dont elles avaient connaissance.

4138. Enfin, en dixième lieu, Aker et Euroc prétendent que l'hétérogénéité des conditions de concurrence et la dimension locale des marchés dans la Communauté sont incompatibles avec la théorie de la Commission relative à l'existence d'un accord unique à l'échelle européenne.

4139. Cet argument doit être rejeté. En effet, l'analyse économique du marché du ciment ne peut pas effacer la réalité incontournable des preuves documentaires sur lesquelles la Commission s'est fondée à juste titre pour conclure à l'existence de l'accord Cembureau à une échelle européenne. Elle ne peut pas non plus occulter l'identité d'objet entre différentes "mesures de mise en œuvre" et l'accord Cembureau, ce qui a permis à la Commission de qualifier ce dernier d'accord unique liant tous ceux qui, comme Aker et Euroc (voir ci-dessus points 4063 à 4065), avaient participé à ces mesures en connaissance de cause de l'accord Cembureau.

4. Circonstances particulières qui seraient de nature à démontrer que les différentes ententes bi- et multilatérales ne constituaient pas des mesures de mise en œuvre de l'accord unique Cembureau

4140. Certaines parties requérantes relèvent différentes circonstances relatives aux ententes bi- ou multilatérales auxquelles elles ont participé, qui contrediraient la thèse de la Commission selon laquelle ces ententes constituaient des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4141. Ainsi, Lafarge prétend que, en s'abstenant de lui imputer les infractions relatives aux échanges d'informations sur les prix constatées à l'article 2 de la décision attaquée, alors que ces infractions étaient réputées avoir visé à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau, auquel il lui est reproché d'avoir adhéré, la Commission se contredirait et démontrerait ainsi l'absence de lien entre ces échanges et l'accord Cembureau.

4142. Cet argument doit être rejeté. Les échanges d'informations sur les prix retenus à l'article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision attaquée ont été reprochés à Cembureau et à l'ensemble de ses membres directs. Le lien entre ces échanges d'informations et l'accord Cembureau résulte sans équivoque, outre de l'identité d'objet avérée entre ces deux infractions (voir ci-dessus point 4032), du fait que Cembureau et ses membres directs ont participé auxdits échanges d'informations en pleine "connaissance de cause" de l'accord Cembureau, puisque ce sont précisément eux à l'exception d'Unicem qui l'ont conclu, puis confirmé, lors des réunions des chefs de délégation visées au paragraphe 19 de la décision attaquée. Les comportements retenus à l'article 2 peuvent donc bien être considérés comme des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau par Cembureau et ses membres directs, à l'exception d'Unicem (voir ci-dessus points 1695 à 1699). Le fait que ces comportements n'ont pas été imputés aux membres indirects de Cembureau et notamment à Lafarge auxquels il a été reproché d'avoir adhéré à l'accord Cembureau n'est pas de nature à affecter cette démonstration.

4143. En outre, Cembureau, la FIC, le SFIC, Lafarge, la BCA, Oficemen, Cimpor, Secil, l'ATIC, Aker, Euroc et Blue Circle prétendent que les échanges d'informations périodiques visés à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée ne sauraient être considérés comme une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau, dès lors que ces échanges ont débuté en 1980, selon les termes mêmes de la décision attaquée (paragraphe 16, point 8).

4144. Toutefois, le fait que les échanges d'informations ont débuté avant l'adoption de l'accord Cembureau n'est nullement de nature à infirmer la constatation que ces échanges ont visé à faciliter l'exécution de l'accord Cembureau, après la conclusion de ce dernier (voir ci-dessus points 1625 à 1647).

4145. S'agissant des infractions visées à l'article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée, Vicat souligne que les relations "France-Italie" n'ont jamais été évoquées comme un "point chaud" au cours des réunions des chefs de délégation.

4146. De même, en ce qui concerne l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée, Cimpor, Secil et Oficemen soulignent que les échanges de ciment entre l'Espagne et le Portugal n'ont jamais été considérés comme une source de friction bilatérale lors des réunions des chefs de délégation. En outre, aucune des pièces du dossier ne ferait apparaître que le commerce hispano-portugais de ciment a fait l'objet de discussions au sein des organes de Cembureau ou d'un comité ou groupe de travail mentionné dans la décision attaquée.

4147. Toutefois, comme le prétend la Commission (décision attaquée, paragraphe 46, point 2, cinquième et sixième alinéas), le fait qu'il n'existe pas de preuves que certaines frictions bi- ou multilatérales aient été discutées au cours des réunions des chefs de délégation dans le cadre desquelles l'accord Cembureau a été conclu ou confirmé n'exclut nullement que les ententes bi- ou multilatérales conclues en réponse à de telles frictions aient constitué des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau. A cet égard, il ressort du projet d'exposé introductif du président pour la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (décision attaquée, paragraphe 19, point 5; documents n° 33.126/11583 à 11585) que, pour "tempérer l'évolution des marchés", il fallait organiser "chaque fois que nécessaire, des dialogues bi- ou multilatéraux dans chaque cas d'espèce". Dès lors, le mécanisme de l'accord Cembureau prévoyait, lorsque cela s'avérerait nécessaire, le renvoi à des dialogues bi- ou multilatéraux entre les parties directement concernées, et non le renvoi à des discussions au sein de Cembureau. Ainsi, seuls les transferts de ciment intermembres qualifiés de "points chauds", pour lesquels aucune solution n'avait été trouvée sur le terrain, étaient discutés au cours des réunions des chefs de délégation.

4148. L'argument doit donc être rejeté.

4149. Oficemen prétend encore que le lien entre l'entente ibérique et l'accord Cembureau repose sur une pure spéculation et un raisonnement circulaire. En substance, la Commission se serait bornée à affirmer que le fait que l'entente ibérique n'ait pas été discutée au sein de Cembureau ne prouvait pas qu'elle ne présentait pas de lien avec l'accord Cembureau, puisque ledit accord aurait supposé que seuls les conflits non résolus au moyen de contacts directs devaient être discutés à ce niveau (décision attaquée, paragraphe 46, point 2, cinquième et sixième alinéas). Or, la Commission aurait déduit cette caractéristique de l'accord Cembureau du fait même que l'entente ibérique n'avait pas fait l'objet de discussions au sein de Cembureau.

4150. Cet argument ne saurait non plus être accueilli. Le lien entre l'entente ibérique et l'accord Cembureau est fondé sur la constatation que les parties à l'entente ibérique, qui avaient toutes connaissance de l'accord Cembureau, ont dû se rendre compte que, par leur participation à cette entente poursuivant le même objectif que l'accord Cembureau, elles mettaient en œuvre le plan commun arrêté et confirmé au cours des réunions des chefs de délégation.

4151. En outre, la Commission n'a jamais fondé sa conclusion selon laquelle l'accord Cembureau n'exigeait pas nécessairement que "chaque situation bilatérale ou multilatérale ait été évoquée explicitement dans les réunions de Cembureau" (décision attaquée, paragraphe 46, point 2, cinquième alinéa) sur le constat que l'entente ibérique n'avait jamais été évoquée au niveau de Cembureau, mais sur différents extraits documentaires attestant que, pour tempérer l'évolution des marchés, la priorité avait, d'abord et avant tout, été donnée aux dialogues bi- ou multilatéraux, et que ne devaient être discutés au niveau de Cembureau que les "points chauds" qui ne pouvaient pas être résolus par les seuls contacts directs entre les parties concernées (voir décision attaquée, paragraphe 46, point 2, dernier alinéa).

4152. En ce qui concerne l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, de la décision attaquée, Dyckerhoff, le SFIC, Lafarge, Oficemen, Aker, Euroc et Blue Circle soutiennent que l'entente franco-allemande, si elle était établie, ne pourrait être considérée comme présentant un lien avec l'accord Cembureau, dès lors qu'elle aurait été mise en œuvre bien avant 1983. En raison de son antériorité, elle ne présenterait donc aucun rapport avec l'accord conclu lors de la réunion du 14 janvier 1983.

4153. Toutefois, même si l'entente franco-allemande est antérieure à l'accord Cembureau, le lien entre eux ressort non seulement de l'identité d'objet entre ces ententes et de la circonstance que toutes les entreprises et associations d'entreprises dont la participation aux infractions visées à l'article 3, paragraphe 3, est établie avaient délégué un membre de leur personnel aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau avait été conclu et/ou confirmé, mais aussi des documents se rapportant à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984. Ainsi, dans le mémorandum à l'intention du président pour cette réunion (décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729), la violation de la règle du respect des marchés domestiques au niveau franco-allemand a été qualifiée de "point chaud", ce qui démontre que l'entente franco-allemande a été considérée par les chefs de délégation mêmes comme un élément constitutif de l'accord Cembureau.

4154. Dans ces circonstances, les parties à l'entente franco-allemande ont eu conscience que leur participation à cette entente, conforme à "la règle du jeu" arrêtée au cours de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, serait perçue, à partir de cette date, par les autres parties à l'accord Cembureau comme une manifestation de leur adhésion à celui-ci.

4155. S'agissant des infractions visées à l'article 4, paragraphes 1 à 3, de la décision attaquée, Lafarge invoque l'objet prétendument limité de l'ETF - faire face aux menaces d'exportations au départ de la Grèce, réputées subventionnées de manière illicite - pour contester le lien entre, d'une part, l'ETF et ses mesures d'application et, d'autre part, l'accord Cembureau, qui poursuivait un objectif plus large.

4156. Il y a lieu de rappeler à cet égard que, si l'ETF a été constituée principalement pour faire face au problème grec, elle avait une vocation plus générale que celle que Lafarge lui attribue, puisque son but était d'"étudier les mesures pour éliminer les importations en Europe occidentale" [compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986 à Genève (décision attaquée, paragraphe 25, point 15; annexe 15 au mémoire en réponse à la CG d'Aker et d'Euroc)] ou encore d'"examiner les mesures possibles 'dissuasives' et 'persuasives' contre les incursions de ciment bon marché sur les marchés européens" [résumé des présentations et des conclusions de la réunion des chefs de délégation et des représentants de la task-force à Baden-Baden, le 9 septembre 1986 (décision attaquée, paragraphe 25, point 22; documents n° 33.126/18849 à 18862)]. Il y avait donc identité objective parfaite, y compris en termes de portée géographique, entre l'ETF et l'accord Cembureau.

4157. Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Irish Cement, Italcementi, Aker et Euroc contestent encore la pertinence des différents éléments avancés par la Commission au paragraphe 24, point 3, de la décision attaquée pour établir le lien entre l'ETF et Cembureau. Elles prétendent qu'il n'existait aucun lien institutionnel entre Cembureau et l'ETF.

4158. Ciments français prétend, sur la base de l'arrêt AITEC e.a./Commission, cité au point 2554 ci-dessus (points 141 et 142), que la Commission ne pouvait pas, sous peine de violer le principe de proportionnalité, estimer que l'accord unique relatif à l'ETF était une application grave du principe Cembureau, sans avoir procédé à un examen des effets prévisibles sur la concurrence et sur le commerce interétatique des subventions accordées aux producteurs de ciment grecs.

4159. Toutefois, l'identité d'objet entre les infractions visées à l'article 4, paragraphes 1 à 3, de la décision attaquée et l'accord Cembureau, ainsi que la conscience qu'avaient les participants à ces infractions de mettre en œuvre l'accord Cembureau étant démontrées, il importe peu de savoir, aux fins de l'appréciation du lien entre l'entente ETF et l'accord Cembureau, si l'ETF entretenait des liens de filiation et des liens institutionnels avec Cembureau, ce que soutient la Commission sur la base des différents indices qu'elle avance au paragraphe 24, point 3, de la décision attaquée.

4160. En outre, indépendamment du point de savoir si les aides d'Etat accordées à l'industrie grecque ont faussé la concurrence et affecté les échanges entre Etats membres, c'est à bon droit que la Commission a conclu que les mesures privées prises dans le cadre de l'accord unique relatif à l'ETF constituaient une application grave de l'accord Cembureau, au vu du nombre d'entreprises et d'associations qui y participaient et de l'identité parfaite entre cet accord ETF et l'accord Cembureau.

4161. Enfin, Lafarge et Blue Circle font valoir que la pratique concertée visée à l'article 6 de la décision attaquée, si elle était établie, ne pourrait être considérée comme présentant un lien avec l'accord Cembureau, puisque cette prétendue entente aurait été mise en œuvre bien avant 1983. En raison de son antériorité, la coopération au sein de l'EPC ne présenterait donc aucun rapport avec l'accord conclu lors de la réunion du 14 janvier 1983.

4162. Cet argument est devenu sans objet, dès lors que l'article 6 de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité avant le 18 novembre 1983 (voir ci-dessus point 3980). Or, à partir de cette date, il est établi que certains membres de l'EPC ont, à travers leur coopération au sein de ce comité, cherché à atteindre l'objectif de l'accord Cembureau.

4163. Lafarge souligne encore qu'aucun des documents concernant l'EPC ne contient une référence au contenu de l'accord Cembureau.

4164. Il y a lieu de rappeler qu'il a été démontré que certains membres de l'EPC ont, dans le cadre des activités de ce comité à l'exportation, cherché à renforcer la règle du respect des marchés domestiques en canalisant les surplus de production vers les pays tiers et qu'ils ont ainsi mis en œuvre l'accord Cembureau (voir ci-dessus points 4055, 4056, 4086, 4087, 4099 et 4100). Le fait qu'aucun des documents concernant l'EPC ne contient une référence explicite à l'accord Cembureau, qui ne constitue d'ailleurs pas un accord formel (voir ci-dessus point 4124), n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation.

5. Circonstances particulières qui démontreraient que certaines parties requérantes s'étaient distanciées de l'accord unique Cembureau ou que leur participation à celui-ci ne constituait pas une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité

4165. CBR, Unicem et Blue Circle font d'abord valoir qu'elles n'ont pas participé aux contacts bilatéraux discutés lors des réunions des chefs de délégation relevées par la Commission, contacts visés à l'article 3 de la décision attaquée. Unicem souligne que l'affirmation énoncée au cours de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, selon laquelle "la pression due au commerce intermembres s'est affaiblie nettement grâce à l'amélioration des contacts bilatéraux" (notes de séance du 2 avril 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737) devrait constituer un élément à sa décharge, eu égard au fait qu'elle n'a jamais participé à des contacts bilatéraux de cette espèce.

4166. Ces arguments sont dépourvus de pertinence, dès lors que la Commission a pu constater à bon droit la participation des entreprises concernées à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée, à travers leur participation à des éléments constitutifs de l'accord unique relatif à l'ETF (voir ci-dessus points 4087 et 4104).

4167. Ensuite, CBR prétend s'être distanciée de l'accord Cembureau par l'intermédiaire de son association nationale, la FIC. Elle renvoie tout d'abord au procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de la FIC du 1er septembre 1987 (annexe 3 à la requête), dont elle extrait deux passages. Le premier passage (p. 2 et 3 du procès-verbal), relatif au "séminaire de planning stratégique de l'industrie cimentière européenne à Aldermaston, les 2 et 3 octobre 1987", indique que "Cembureau n'a pas pour mission d'élaborer ou de préconiser des politiques de l'industrie cimentière européenne, ni d'en faire la police économique". Le second (p. 6 du procès-verbal), qui se rapporte au thème "Structure de l'industrie cimentière européenne et capacité à l'horizon des années 1990-2000", énonce, à propos d'un questionnaire présenté par Cembureau au sujet des capacités de production: "Il aurait pour effet de collationner les données stratégiques confidentielles des sociétés membres en vue d'élaborer une stratégie cimentière européenne, ce dont Cembureau doit s'abstenir. Le Conseil [de la FIC] ne voit donc aucune utilité d'y répondre. Il est demandé à M. Latteur d'élaborer un projet de réponse à Cembureau, résumant les principales critiques émises en séance sur cette initiative inopportune et déclinant d'y répondre au nom des cimentiers belges."

4168. CBR se réfère ensuite à l'intervention du chef de délégation belge, M. Van Hove, qui, lors de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, aurait déclaré, à propos des "exportations sauvages", qu'il était inutile de tenir un pareil débat au sein de Cembureau (notes de séance du 2 avril 1984; décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737). Selon CBR, cette observation reflétait la position arrêtée par le CLC (voir ci-dessus point 799) du 17 mars 1983 à propos des échanges intracommunautaires, selon laquelle "il [n'était] pas permis d'adopter une attitude commune au niveau du CLC, ni même entre industries et/ou entre sociétés cimentières" (annexe 7 à la requête; p. 5 du projet de procès-verbal de la réunion du CLC du 17 mars 1983), position qui avait elle-même été discutée, puis approuvée, lors d'une discussion préalable tenue à la FIC (voir annexes 8, 9 a et 9 b à la requête).

4169. Selon CBR, les interventions de M. Van Hove au cours des réunions des chefs de délégation reflétaient le souci permanent de maintenir toute action que pourrait entreprendre Cembureau dans le cadre des limites imposées par l'article 85 du traité.

4170. Toutefois, il y a lieu de rappeler que CBR, en tant que membre indirect de Cembureau, a eu connaissance de l'existence et du contenu de l'accord Cembureau (voir ci-dessus point 4098). En outre, un membre du personnel de CBR, à savoir M. Van Hove, a assisté aux trois réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et confirmé (décision attaquée, paragraphe 19, point 4, document n° 33.126/11581; décision attaquée, paragraphe 19, point 8, document n° 33.126/11699; décision attaquée, paragraphe 19, point 13, documents n° 33.126/11752 et 11753).

4171. Dans la décision attaquée, la Commission s'est fondée à bon droit sur la participation de CBR à des infractions dans le cadre de l'ETF pour établir son adhésion à l'accord Cembureau. En effet, lorsque CBR a participé aux ententes visées à l'article 4, paragraphes 1 à 3, sous a), de la décision attaquée, qui avaient le même objet que l'accord Cembureau, elle s'est nécessairement rendu compte qu'elle mettait en œuvre le plan commun arrêté et confirmé au cours des réunions des chefs de délégation et qu'elle serait dorénavant perçue par les autres participants à l'accord Cembureau comme adhérant à celui-ci.

4172. Aucun des éléments avancés par CBR n'est de nature à infirmer cette constatation. Les documents qu'elle invoque ne contiennent en effet aucune référence à une position adoptée par CBR. Ils ne peuvent donc être interprétés comme reflétant une distanciation ouverte de CBR par rapport au contenu de l'accord Cembureau auquel cette société adhérait.

4173. A titre surabondant, il y a lieu de relever que l'extrait du projet de procès-verbal de la réunion du CLC du 17 mars 1983 atteste tout au plus que les membres du CLC se sentaient concernés par les importations et les exportations de ciment entre les Etats membres de la Communauté. Loin de démontrer une renonciation au principe de respect des marchés domestiques qui avait été arrêté deux mois plus tôt lors de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, ces documents attestent clairement que les membres du CLC ont continué à discuter des solutions possibles pour résoudre ce problème. En ce qui concerne encore les arguments que CBR tire des extraits du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de la FIC du 1er septembre 1987 et de l'intervention du chef de délégation belge au cours de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, ils doivent être rejetés pour les motifs énoncés ci-dessus aux points 1366 à 1368.

4174. Dyckerhoff, Uniland, Holderbank, Hornos Ibéricos et Halkis soulignent qu'elles n'avaient aucun intérêt à participer à un accord tel que l'accord Cembureau.

4175. Toutefois, ces parties requérantes ont nécessairement eu connaissance de l'accord Cembureau, dès lors qu'elles sont des membres indirects de cette association (voir ci-dessus point 4098). En outre, un membre du personnel de Dyckerhoff, à savoir M. Gruner, et de Holderbank, à savoir M. Schrafl, ont assisté à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 au cours de laquelle l'accord Cembureau a été conclu (décision attaquée, paragraphe 19, point 4; document n° 33.126/11581). Dans ces circonstances, lorsque les parties requérantes concernées ont participé à des ententes bi- et multilatérales ayant le même objet que l'accord Cembureau [participation de Dyckerhoff aux ententes visées aux articles 3, paragraphe 3, sous a), et 4, paragraphes 1 à 3, sous a); participation d'Uniland et de Holderbank aux ententes visées à l'article 4, paragraphes 1 à 3, sous a)], elles se sont nécessairement rendu compte qu'elles mettaient en œuvre le plan commun arrêté et confirmé au cours des réunions des chefs de délégation et qu'elles seraient dorénavant perçues par les autres participants à l'accord Cembureau comme adhérant à celui-ci. Les parties requérantes concernées ne sauraient donc se prévaloir d'une prétendue absence d'intérêt à participer à l'accord Cembureau.

4176. Vicat conteste l'existence d'un lien entre la pratique concertée qui lui est reprochée avec Buzzi et l'accord Cembureau. Elle soutient que les échanges de tarifs relevés au paragraphe 20, point 5, de la décision attaquée sont résultés à chaque fois d'une initiative de Buzzi, qui n'était ni membre direct ni membre indirect de Cembureau, et dont les initiatives ne sauraient dès lors être considérées comme l'exécution d'instructions reçues de Cembureau en vue de garantir le respect des marchés domestiques.

4177. Elle fait encore valoir que, contrairement à ce qui aurait dû résulter de l'application de l'accord Cembureau, les ventes de Buzzi dans le Sud de la France ont progressé de 1980 à 1987 et que les prix pratiqués par cette entreprise dans cette zone géographique ont toujours été sensiblement inférieurs à ceux qu'elle-même y pratiquait. Enfin, elle fait remarquer que, à la fin de l'année 1987, elle a procédé au rachat du plus gros client français de Buzzi, ce qui n'aurait pas été nécessaire si elle avait effectivement mis en place avec Buzzi une pratique concertée visant à garantir le respect de l'accord Cembureau.

4178. Ces arguments doivent être rejetés.

4179. Il doit en effet être rappelé que Vicat, en tant que membre indirect de Cembureau, a nécessairement eu connaissance du contenu et de l'existence de l'accord Cembureau (voir ci-dessus point 4098). En outre, il ressort d'une note de Vicat du 22 juillet 1982 (décision attaquée, paragraphe 22, point 1; documents n° 33.126/6055 à 6057), relative à l'entente franco-allemande, que cette entreprise se rendait compte de l'interdépendance des marchés. Ainsi, elle estimait que l'action de Cedest en Allemagne "fai[sai]t en sorte de pourrir le climat, ce qui [pouvait] déboucher sur une situation conflictuelle qui risqu[ait] de faire tache d'huile". Dans ces circonstances, lorsqu'elle a participé à l'entente visée à l'article 3, paragraphe 1, sous c), ayant le même objet que l'accord Cembureau, elle s'est nécessairement rendu compte qu'elle mettait en œuvre le plan commun arrêté et confirmé au cours des réunions des chefs de délégation et qu'elle serait dorénavant perçue par les autres participants à l'accord Cembureau comme adhérant à celui-ci.

4180. Vicat considère enfin que, en déduisant la participation du SFIC à l'accord Cembureau de la présence du président du SFIC à des réunions de chefs de délégation, la Commission contredit l'attitude qu'elle a adoptée aux points 143 et 207 de sa décision 89/515/CEE, du 2 août 1989, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.553 Treillis soudés) (JO L 260, p. 1).

4181. Force est de constater que, par cet argument, Vicat conteste en réalité la responsabilité du SFIC, et non pas la sienne, dans l'accord Cembureau. Il s'ensuit que son argument est dénué de pertinence dans le cadre de l'affaire T-37-95, Vicat/Commission, et qu'il doit être rejeté.

4182. Ciments français souligne qu'elle n'a jamais eu connaissance d'un quelconque accord Cembureau. Même si elle avait été informée de l'existence de celui-ci, elle n'aurait pas pu marquer son dissentiment par rapport à lui, puisqu'elle n'était pas membre de Cembureau. Elle fait remarquer que, en exonérant les entreprises espagnoles en raison de l'intervention exclusive de leur association dans l'entente ibérique visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée et en exonérant également 18 entreprises espagnoles et allemandes, bien que celles-ci fussent membres de leurs syndicats nationaux qui demeuraient incriminés au titre de l'accord Cembureau, la Commission a reconnu elle-même qu'elle ne pouvait exiger la preuve d'un dissentiment d'une entreprise pour les actes accomplis par une association.

4183. Toutefois, il doit être souligné que Ciments français a nécessairement eu connaissance de l'accord Cembureau, dès lors qu'elle était un membre indirect de cette association (voir ci-dessus point 4098). En outre, comme l'a reconnu la partie requérante à l'audience, un membre de son personnel, à savoir M. Poitrat, a assisté à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, au cours de laquelle l'accord Cembureau a été conclu (décision attaquée, paragraphe 19, point 4; document n° 33.126/11581). Dans ces circonstances, lorsqu'elle a participé à des ententes bi- et multilatérales ayant le même objet que l'accord Cembureau, à savoir les ententes visées aux articles 3, paragraphe 3, sous a), 4, paragraphes 1 et 2, et 6, elle s'est nécessairement rendu compte qu'elle mettait en œuvre le plan commun arrêté et confirmé au cours des réunions des chefs de délégation et que, à défaut de manifestations de distanciation de sa part, elle serait dorénavant perçue par les autres participants à l'accord Cembureau comme adhérant à celui-ci.

4184. La Commission n'a pas demandé à Ciments français d'apporter la preuve d'une distanciation par rapport aux actes accomplis par l'association nationale dont elle était membre. Au contraire, elle a établi que Ciments français a adhéré à l'accord Cembureau en participant à plusieurs mesures de mise en œuvre de cet accord. A défaut d'acte de distanciation de cette entreprise par rapport au contenu de l'accord Cembureau, la Commission a retenu à bon droit sa participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée.

4185. Enfin, Ciments français ne saurait tirer argument du traitement discriminatoire qu'elle aurait subi par rapport à différentes entreprises allemandes et espagnoles, dès lors que sa participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée a été correctement établie (voir, en ce sens, arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146).

4186. Lafarge fait valoir que les mesures de mise en œuvre auxquelles elle aurait participé sont totalement étrangères au prétendu accord Cembureau. En l'absence d'éléments de preuve de son adhésion à la consigne générale des organes de Cembureau, elle considère que la Commission ne saurait retenir sa participation à un "accord" portant sur le respect des marchés domestiques.

4187. Cet argument doit être rejeté. Lafarge a nécessairement eu connaissance de l'accord Cembureau, puisqu'elle était un membre indirect de cette association (voir ci-dessus point 4098). En outre, un membre du personnel de Lafarge, à savoir M. Collomb, a assisté aux réunions des chefs de délégation des 19 mars et 7 novembre 1984, au cours desquelles l'accord Cembureau a été confirmé (décision attaquée, paragraphe 19, points 8 et 13; documents n° 33.126/11699, 11752 et 11753). Dans ces circonstances, lorsque Lafarge a participé à des ententes bi- et multilatérales ayant le même objet que l'accord Cembureau, à savoir les ententes visées aux articles 3, paragraphes 1, sous a), et 3, sous a), 4, paragraphes 1 à 3, sous a), et 6, cette entreprise s'est nécessairement rendu compte qu'elle mettait en œuvre le plan commun arrêté et confirmé au cours des réunions des chefs de délégation, que la Commission, à bon droit, a qualifié d'accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir ci-dessus points 1071 à 1078), et qu'elle serait dorénavant perçue par les autres participants à l'accord Cembureau comme adhérant à celui-ci.

4188. Heidelberger se retranche derrière le fait qu'aucun membre de son personnel n'a été présent à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, pour contester sa participation à l'accord Cembureau. Elle soutient en outre que quatre documents démontrent clairement qu'elle s'est toujours efforcée d'exporter autant que possible, et qu'elle n'a jamais respecté ni mis en application un quelconque accord de respect des marchés domestiques. Ces quatre documents contrediraient donc sa prétendue participation à l'accord Cembureau.

4189. La partie requérante se réfère à cet égard:

au mémorandum rédigé à l'intention du président de Cembureau pour la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 9; documents n° 33.126/11728 et 11729), en particulier à l'extrait indiquant, parmi les "points chauds", les "exportations de l'Allemagne vers la Grande-Bretagne et l'Irlande" et "les exportations de la France vers l'Allemagne";

aux notes de séance de la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, notamment au passage relatif aux "exportations 'sauvages' complémentaires (de l'Allemagne) vers les Pays-Bas et la Belgique" (décision attaquée, paragraphe 19, point 10; documents n° 33.126/11733 à 11737);

à la note interne, sans date, de Blue Circle, intitulée "Menaces d'importations" (décision attaquée, paragraphe 18, point 3; documents n° 33.126/11335 à 11337), plus précisément à l'extrait faisant allusion aux importations au Royaume-Uni en provenance d'Allemagne de l'Ouest;

aux déclarations de M. Schuhmacher, consignées dans les notes manuscrites se rapportant à la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984 (décision attaquée, paragraphe 19, point 15; document n° 33.126/11765), selon lesquelles "[il est] insensé d'entrer en contact avec des sociétés qui pourraient entrer dans [le] marché".

4190. Heidelberger souligne encore qu'elle n'a pas été citée dans les documents établissant l'existence de l'accord Cembureau. Elle estime dès lors qu'aucune participation à ce dernier ne peut lui être reprochée.

4191. Ces arguments doivent être rejetés. Heidelberger a nécessairement eu connaissance de l'accord Cembureau, puisqu'elle était un membre indirect de cette association (voir ci-dessus point 4098). En outre, son président, M. Schuhmacher, a assisté aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983 et 7 novembre 1984, au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et confirmé (décision attaquée, paragraphe 19, points 4 et 13; documents n° 33.126/11581, 11752 et 11753). Dans ces circonstances, en participant à des ententes bi- et multilatérales ayant le même objet que l'accord Cembureau, à savoir les ententes visées aux articles 3, paragraphe 3, sous a), et 4, paragraphe 1, elle s'est nécessairement rendu compte qu'elle mettait en œuvre le plan commun arrêté et confirmé au cours des réunions des chefs de délégation et qu'elle serait dorénavant perçue par les autres participants à l'accord Cembureau comme adhérant à celui-ci.

4192. Aucun des éléments avancés ci-dessus aux points 4188 à 4190 n'est de nature à infirmer cette constatation. En effet, rien dans les documents faisant état d'importations intracommunautaires en provenance d'Allemagne n'atteste que Heidelberger aurait violé l'accord Cembureau en se livrant à des exportations intracommunautaires. En outre, le fait que M. Schuhmacher ait jugé insensé d'entrer en contact avec des sociétés qui pourraient pénétrer le marché prouve non pas qu'il ne souscrivait pas à l'accord de respect des marchés domestiques qui avait été conclu en sa présence lors de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, mais qu'il désapprouvait éventuellement la voie des contacts bilatéraux pour chercher à garantir le respect de cet accord.

4193. Unicem soutient que l'intérêt éventuel qu'elle aurait pu trouver dans un accord sur le respect des marchés domestiques, dans la mesure où la fermeture du marché italien aurait pu lui être favorable, n'implique nullement sa responsabilité au titre de l'accord Cembureau. La thèse de la Commission, qui viserait à créer une sorte de responsabilité objective de tous les adhérents à une association vis-à-vis des mesures adoptées par les organes de l'association, sans exiger aucun élément additionnel de culpabilité, serait en contradiction avec les principes énoncés par la jurisprudence (arrêt de la Cour du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer/Commission, 45-85, Rec. p. 405, point 32; conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt BNIC, cité au point 1320 ci-dessus, Rec. p. 392; conclusions du juge M. Vesterdorf faisant fonction d'avocat général sous l'arrêt Rhône-Poulenc/Commission, citées au point 1053 ci-dessus, p. II-875 à 953).

4194. Il y a lieu de rappeler que la seule qualité de membre de Cembureau ne suffit pas à rendre Unicem responsable des décisions manifestement illicites prises par les chefs de délégation en son absence (voir ci-dessus point 1413). Pour cette raison, aux fins de l'appréciation de sa participation à l'accord Cembureau, Unicem a été assimilée à un membre indirect de Cembureau.

4195. Or, la Commission a établi qu'Unicem a manifesté son adhésion à l'accord Cembureau à travers sa participation à des mesures prises dans le cadre de l'accord unique relatif à l'ETF (voir ci-dessus point 4104). Dans ces conditions, l'argument d'Unicem tiré d'une responsabilité objective des membres de Cembureau pour les comportements de cette association doit être rejeté.

4196. Valenciana affirme que, en l'absence de tout lien entre Cembureau et l'EPC, la Commission ne pouvait retenir sa participation à l'accord Cembureau sur la base de sa participation à l'EPC.

4197. Cet argument doit être rejeté. En effet, Valenciana, en tant que membre indirect de Cembureau, a nécessairement eu connaissance de l'accord Cembureau (voir ci-dessus point 4098). Indépendamment du point de savoir si l'EPC entretenait des liens avec Cembureau, Valenciana, en participant aux activités de ce comité à l'exportation, dont il est établi qu'elles poursuivaient le même objectif que l'accord Cembureau (voir ci-dessus points 4055 et 4056), s'est rendu compte qu'elle mettait en œuvre le plan commun arrêté et confirmé au cours des réunions des chefs de délégation et qu'elle serait dorénavant perçue par les autres participants à l'accord Cembureau comme adhérant à celui-ci.

4198. Asland et Uniland expliquent que, compte tenu de la position particulière de l'industrie espagnole du ciment par rapport aux autres industries communautaires du ciment au moment où la Commission situe la conclusion de l'accord Cembureau, il ne pouvait être reproché aux producteurs espagnols d'avoir participé audit accord Cembureau. Elles relèvent que les exportations espagnoles sur les marchés communautaires ont suscité de nombreuses réactions de l'industrie européenne du ciment, notamment de l'industrie irlandaise (voir décision attaquée, paragraphe 19, point 5), qui se sont traduites par le dépôt de plaintes antidumping auprès de la Commission par le CLC. Elles ajoutent qu'il ressort de la note interne de Blue Circle citée au paragraphe 18, point 2, de la décision attaquée que les producteurs britanniques n'envisageaient pas d'autre moyen que le dépôt de plaintes antidumping pour faire face aux exportations espagnoles. Uniland souligne encore que les producteurs espagnols ont accru leurs exportations à destination de l'Irlande, malgré les pressions dont ils ont fait l'objet. Enfin, Uniland rejette les différents documents, datant tous de 1984, sur lesquels la Commission se fonde, dans son mémoire en défense, pour affirmer que le retrait des plaintes antidumping contre les producteurs espagnols a été consécutif à leur participation, et notamment à celle de la partie requérante, à l'accord Cembureau. Elle relève que c'est l'adhésion de son pays à la Communauté, le 1er janvier 1986, qui a constitué l'élément déterminant du retrait de ces plaintes.

4199. Ces arguments doivent aussi être rejetés. Asland et Uniland ont nécessairement eu connaissance de l'accord Cembureau, puisqu'elles étaient des membres indirects de cette association (voir ci-dessus point 4098). En outre, un membre du personnel d'Asland, à savoir M. Bertrán, a assisté aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983 et 19 mars 1984, au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et confirmé (décision attaquée, paragraphe 19, points 4 et 8; documents n° 33.126/11581 et 11699). Dans ces circonstances, lorsqu'Asland et Uniland ont participé, en 1986, à des ententes ayant le même objet que l'accord Cembureau dans le cadre de l'ETF [participation d'Asland à l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée; participation d'Uniland à l'infraction visée à l'article 4, paragraphes 1, 2 et 3, sous a), de la décision attaquée], elles se sont nécessairement rendu compte qu'elles mettaient en œuvre le plan commun arrêté et confirmé au cours des réunions des chefs de délégation et qu'elles seraient dorénavant perçues par les autres participants à l'accord Cembureau comme adhérant à celui-ci.

4200. Les différents éléments avancés par les parties requérantes concernées, qui se rapportent à une période antérieure à leur participation à "leurs" mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau, ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation. En tout état de cause, l'accord Cembureau n'interdisait pas toute exportation entre Etats membres. Il s'opposait uniquement aux exportations "sauvages" (voir ci-dessus points 1120 et 1121).

4201. CBR, Ciments français et Asland soutiennent que les chefs de délégation représentaient tout au plus leurs associations nationales respectives au cours des réunions des chefs de délégation, et non des entreprises individuelles. La Commission n'aurait pu, dès lors, constater leur participation à l'accord Cembureau sur la base de la présence d'un membre de leur personnel aux réunions concernées.

4202. Asland relève encore que l'approche retenue par la Commission à propos de l'accord Cembureau, en vertu de laquelle l'institution a estimé que le comportement de M. Bertrán aux réunions des chefs de délégation de 1983 et de 1984 engageait simultanément deux personnes morales distinctes, à savoir Asland et Oficemen, contraste avec celle adoptée à propos de l'entente ibérique, à l'égard de laquelle la Commission a considéré que les personnes physiques représentant Oficemen n'agissaient pas, par ailleurs, au nom des différentes entreprises dont elles faisaient partie.

4203. Il y a cependant lieu de constater que ces arguments reposent sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, la preuve de la participation des parties requérantes concernées, toutes membres indirects de Cembureau, à l'accord Cembureau a été tirée non pas de la présence d'un membre de leur personnel aux réunions des chefs de délégation, mais de leur participation à des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau (voir ci-dessus points 1308 à 1310, 1440 et 1441).

4204. En outre, la circonstance que la Commission a choisi de ne pas incriminer les entreprises espagnoles dans le cadre de l'entente ibérique visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée n'est pas de nature à exonérer les parties requérantes concernées de leur pleine responsabilité du fait de leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée, dès lors que celle-ci a été correctement établie (voir, en ce sens, arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146).

4205. Cimpor et Secil prétendent que la Commission a recouru au prétendu accord Cembureau pour expliquer l'absence de ventes de leur part en Espagne et qu'elle utilise cette dernière circonstance, ainsi que l'existence d'une prétendue entente ibérique, pour démontrer leur adhésion au prétendu accord Cembureau.

4206. Secil souligne qu'elle n'a pas été citée dans les documents établissant l'existence de l'accord Cembureau. Elle estime, dès lors, qu'aucune participation à ce dernier ne peut lui être reprochée.

4207. Il doit cependant être observé que, dans la décision attaquée, seule la participation de Cimpor et de Secil à l'entente ibérique constatée à l'article 3, paragraphe 2, et non l'éventuelle absence de ventes de ces entreprises en Espagne, a été considérée comme la manifestation de leur adhésion à l'accord Cembureau. L'existence de l'entente ibérique et la participation de Cimpor et de Secil à celle-ci ont été établies sur la base de preuves documentaires directes (voir ci-dessus points 2053 à 2092). Cette entente poursuivait le même objectif que l'accord Cembureau, accord dont Cimpor et Secil ont nécessairement eu connaissance en raison de leur qualité de membre indirect de Cembureau (voir ci-dessus points 4043, 4044 et 4098). Il y a lieu de souligner que, à l'époque prise en compte dans la décision attaquée, l'ATIC, membre direct de Cembureau, ne comptait que deux membres, à savoir Cimpor et Secil (lettre de l'ATIC au greffe du Tribunal du 29 juin 1998). En outre, un membre du personnel de Cimpor a assisté aux trois réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et confirmé (décision attaquée, paragraphe 19, points 4, 8 et 13; documents n° 33.126/11581, 11699, 11752 et 11753).

4208. Dans ces conditions, lorsque Cimpor et Secil ont participé à l'entente ibérique, elles se sont nécessairement rendu compte qu'elles mettaient en œuvre le plan commun conclu et confirmé au cours des réunions des chefs de délégation et qu'elles seraient dorénavant perçues par les autres participants à l'accord Cembureau comme adhérant à celui-ci.

4209. Le fait que Secil n'est pas mentionnée dans les documents établissant l'existence de l'accord Cembureau n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation.

4210. Halkis prétend que son appartenance à l'association grecque était purement formelle, puisqu'elle ne jouait aucun rôle substantiel dans l'adoption des décisions de cette association. Afin de contester sa participation à l'accord Cembureau, elle souligne que celui-ci et ses mesures de mise en œuvre allaient à l'encontre de ses intérêts.

4211. Elle se prévaut encore du fait que son comportement a suscité de vives réactions de la part d'un certain nombre d'entreprises, d'associations et de gouvernements européens. Elle relève que son nom n'est pas mentionné dans les deux notes internes de Blue Circle, l'une du 1er décembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 18, point 2; documents n° 33.126/11332 à 11334), l'autre non datée (décision attaquée, paragraphe 18, point 3; documents n° 33.126/11335 à 11337).

4212. Il convient toutefois d'observer que, en tant que membre indirect de Cembureau, Halkis a nécessairement eu connaissance de l'accord Cembureau (voir ci-dessus point 4098). Indépendamment du rôle qu'elle jouait dans l'AGCI, cette entreprise, en participant aux activités de l'EPC, qui poursuivaient le même objectif que l'accord Cembureau, à tout le moins à partir du 18 novembre 1983 (voir ci-dessus points 3980 et 4056), s'est nécessairement rendu compte qu'elle mettait en œuvre le plan commun conclu et confirmé au cours des réunions des chefs de délégation et qu'elle serait perçue par les autres participants à l'accord Cembureau comme adhérant à celui-ci. Le fait qu'elle n'est pas mentionnée dans les notes internes de Blue Circle est sans importance à cet égard. En outre, Halkis ne saurait prétendre que l'accord Cembureau allait à l'encontre de ses intérêts, dès lors que cet accord protégeait le marché grec, tout comme les autres marchés domestiques européens, contre les importations.

4213. Néanmoins, en raison notamment du comportement particulier des entreprises grecques sur le marché, il a déjà été constaté que, à dater du 1er septembre 1986, Halkis n'était plus perçue par les autres producteurs de ciment comme souscrivant à la règle commune du respect des marchés domestiques. Le comportement particulier sur le marché auquel se réfère la partie requérante et qui a déclenché la constitution de l'ETF et les mesures prises dans le cadre de celle-ci est donc un élément qui entre en ligne de compte pour évaluer la durée de la participation d'Halkis à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (voir ci-après points 4414 à 4417).

B Continuité de l'infraction unique

4214. Dyckerhoff, le SFIC, Heidelberger, Lafarge, Aalborg, la BCA, Asland, Uniland, Oficemen, Holderbank, Hornos Ibéricos, Aker, Euroc et l'AGCI contestent explicitement la durée de leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée dans le cadre de leurs moyens tirés de l'illégalité de cette disposition. CBR, Ciments luxembourgeois, Vicat, Ciments français, Unicem, Valenciana, Irish Cement, Cimpor, Secil, Italcementi, Cementir, Blue Circle et Halkis contestent la durée de l'infraction dans le cadre de leurs moyens visant à l'annulation de l'amende. En tout état de cause, dès lors que toutes les parties requérantes ont contesté leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée, elles ont également soulevé l'argument plus limité tiré de la preuve insuffisante de la durée de leur participation à cette infraction.

1. Décision attaquée

4215. En ce qui concerne la continuité, soit encore la durée de l'accord unique Cembureau, la Commission a fixé le point de départ de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée au 14 janvier 1983, date de la conclusion de l'accord Cembureau (décision attaquée, paragraphes 45, point 1, et 65, point 4).

4216. Cette date a été retenue vis-à-vis de tous les destinataires de la décision attaquée qui étaient établis dans la Communauté à l'époque des réunions des chefs de délégation mises en cause, à l'exception de Buzzi.

4217. La Commission explique à cet égard (décision attaquée, paragraphe 65, point 3, premier alinéa): "Toutes les associations d'entreprises et les entreprises destinataires de la [...] décision [attaquée] ont adhéré à l'accord ou au principe de respect des marchés domestiques concernant le marché du ciment gris, conclu le 14 janvier 1983 entre les associations et entreprises membres directs de Cembureau. Cet accord liait à partir de cette date lesdites entreprises ainsi que les entreprises membres des associations nationales concernées."

4218. S'agissant des parties requérantes espagnoles, Asland, Uniland, Oficemen, Hornos Ibéricos et Valenciana, et des parties requérantes portugaises, Cimpor, Secil et l'ATIC, la Commission affirme qu'elle "pourrait prendre en considération les effets dans la Communauté de leur adhésion à l'accord en cause à partir de la date à laquelle elles y ont adhéré" (décision attaquée, paragraphe 45, point 11). Elle ajoute toutefois qu'"elle prend en considération l'infraction à partir du 1er janvier 1986, puisque la participation des entreprises espagnoles et portugaises n'a, d'après les informations en [sa] possession, produit d'effets significatifs dans la Communauté qu'après l'adhésion de leurs pays à la Communauté" (même point; voir aussi paragraphe 65, point 4, troisième alinéa, deuxième tiret).

4219. La Commission prend en considération l'infraction à partir du 28 mai 1986 pour Holderbank et à partir du 9 juin 1986 pour Aker et Euroc (décision attaquée, paragraphes 45, point 11, et 65, point 4, troisième alinéa, troisième et quatrième tirets). Pour ces entreprises, la Commission affirme ne pas disposer de preuves que leur participation à l'accord Cembureau a eu des effets à l'intérieur de la Communauté avant les dates retenues.

4220. En ce qui concerne la fin de l'infraction, la Commission dit ne pas disposer d'"éléments de fait pour déterminer la date de la fin de l'infraction" (décision attaquée, paragraphe 45, point 6). Elle ne retient d'ailleurs pas de date de fin d'infraction à l'article 1er de la décision attaquée, dès lors qu'"elle n'est pas certaine que l'infraction ait jamais réellement cessé" (décision attaquée, paragraphe 65, point 4, quatrième alinéa). Pour cette raison, à l'article 8 de la décision attaquée, elle enjoint aux entreprises de mettre fin à l'infraction si elles ne l'ont pas déjà fait.

4221. Puisque la dernière manifestation apparente, connue de la Commission, de l'accord Cembureau est constituée par la dissolution, le 26 mars 1993, d'Interciment, société dont la constitution fait l'objet de l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée, la Commission a retenu cette date pour déterminer la période de référence de l'amende (décision attaquée, paragraphe 65, point 4).

2. Point de départ de l'infraction

2.1. Cembureau et ses membres directs

4222. Il a déjà été constaté que la Commission a pu légalement retenir la participation de Cembureau, de la FIC, de la VNC, de Ciments luxembourgeois, du SFIC, d'Aalborg, du BDZ, de la BCA, d'Irish Cement, de Cementir et de l'AGCI à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée à partir du 14 janvier 1983 (voir ci-dessus point 1401). Ces associations et ces entreprises ont, en effet, participé à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 au cours de laquelle l'accord Cembureau a été conclu (voir ci-dessus points 1344 et 1345).

4223. Pour ce qui concerne Italcementi, il a été constaté que sa participation à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984, au cours de laquelle l'accord Cembureau a été confirmé, démontre sa participation à l'accord Cembureau et, partant, à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée (voir ci-dessus point 1403).

4224. Toutefois, la décision attaquée n'avance aucun élément dont il ressortirait qu'Italcementi a adhéré, avant le 19 mars 1984, au concours de volontés qui s'était manifesté au cours de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983. Une participation de cette partie requérante à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau avant le 19 mars 1984 n'a pas non plus été établie.

4225. Dans ces circonstances, il y a lieu d'annuler l'article 1er de la décision attaquée dans la mesure où il constate la participation d'Italcementi à l'accord Cembureau avant le 19 mars 1984.

4226. En ce qui concerne Oficemen et l'ATIC, ces associations ont aussi participé à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983. Elles doivent donc être considérées comme parties à l'accord Cembureau à partir de cette date (voir ci-dessus point 1400).

4227. La Commission a toutefois retenu le 1er janvier 1986 comme point de départ de leur participation à l'infraction. Elle estimait en effet qu'il n'était pas établi que la participation des entreprises espagnoles et portugaises à l'accord Cembureau avait produit des effets significatifs dans la Communauté avant l'adhésion de leurs pays à celle-ci (décision, attaquée, paragraphe 45, point 11; voir aussi paragraphe 65, point 4, troisième alinéa, second tiret).

4228. Oficemen et l'ATIC considèrent que, dans la mesure où la Commission a estimé qu'elles n'avaient pas participé à l'infraction avant le 1er janvier 1986, au motif que, à cette époque, leur participation à l'accord Cembureau n'avait pas produit d'effets significatifs dans la Communauté (décision attaquée, paragraphe 45, point 11), elle aurait dû, a fortiori, reconnaître l'absence de tels effets après le 1er janvier 1986, période pour laquelle l'institution n'aurait disposé d'aucun élément ou indice concret de leur participation à l'accord Cembureau.

4229. Il doit toutefois être constaté que la participation d'Oficemen et de l'ATIC à l'accord Cembureau violait manifestement les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité à partir du 1er janvier 1986.

4230. A cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission a constaté à bon droit que, au 1er janvier 1986, Oficemen et l'ATIC participaient, dans le cadre de Cembureau, aux échanges d'informations périodiques visés à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée et qu'Oficemen participait aussi à l'entente ibérique visée à l'article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée. Ces comportements constituaient, de leur part, une mise en œuvre de l'accord Cembureau, qui démontrait, à la date du 1er janvier 1986, leur adhésion à l'objet anticoncurrentiel de l'accord Cembureau (voir ci-dessus point 4064).

4231. Force est de constater ensuite que, au 1er janvier 1986, les parties requérantes concernées étaient établies dans la Communauté. Indépendamment de la question de savoir si la Commission était en droit de retenir leur participation à l'infraction avant cette date, dès lors qu'elles avaient directement participé à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, la Commission, en tout état de cause, n'avait pas à démontrer, pour incriminer ces parties à partir du 1er janvier 1986, que leur participation à l'accord Cembureau avait eu un effet significatif sur les échanges entre Etats membres. En effet, l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité requiert seulement que les accords restrictifs de concurrence soient susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres, sans qu'il soit nécessaire que la Commission démontre que la participation individuelle de chaque partie est de nature à affecter les échanges entre Etats membres (arrêt Petrofina/Commission, cité au point 2260 ci-dessus, points 226 et 227). Or, l'accord Cembureau, auquel les parties requérantes ont effectivement participé, avait pour objet d'empêcher ou de réglementer les échanges entre Etats membres. Il était dès lors susceptible d'affecter d'une manière sensible les échanges entre Etats membres.

4232. L'argument d'Oficemen et de l'ATIC doit donc être rejeté.

4233. L'ATIC soutient encore que tous les documents que la Commission a utilisés pour démontrer l'existence de l'accord Cembureau et sa participation à celui-ci sont antérieurs au 1er janvier 1986. Ils renverraient donc à des faits qui se seraient produits avant la date à partir de laquelle, selon la décision attaquée, les comportements imputés à la requérante ont présenté un caractère anticoncurrentiel. L'ATIC ajoute que la preuve de sa participation à l'accord Cembureau a ainsi été fondée sur sa seule qualité de membre de Cembureau.

4234. Il doit être rappelé que la démonstration de la participation des membres directs de Cembureau à l'accord unique et continu Cembureau repose non seulement sur leur affiliation à Cembureau, mais également et surtout sur leur participation aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et/ou confirmé (voir ci-dessus points 1302 et 1342 à 1353). Or, l'ATIC a participé aux trois réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et confirmé. Sa participation à l'accord Cembureau à partir du 14 janvier 1983 est donc établie. La Commission n'a toutefois constaté le caractère infractionnel de la participation de l'ATIC à cet accord qu'à partir du 1er janvier 1986, non pas au motif que le comportement de l'ATIC n'avait pas eu un caractère anticoncurrentiel avant cette date, mais parce que la participation de cette association d'entreprises à l'accord Cembureau n'avait pas eu d'effets significatifs dans la Communauté avant cette date.

4235. Dès lors qu'il est établi que, au 1er janvier 1986, l'ATIC manifestait encore une adhésion continue au contenu anticoncurrentiel de l'accord Cembureau à travers sa participation aux échanges d'informations périodiques visés à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, l'argument de l'ATIC doit être rejeté.

4236. En ce qui concerne ensuite Aker et Euroc, ces entreprises font valoir qu'il ressort de l'arrêt Pâtes de bois I, cité au point 1325 ci-dessus (points 11 à 18), que la Commission n'est compétente pour appliquer l'article 85, paragraphe 1, du traité à une entreprise établie en dehors de la Communauté que si cette entreprise a mis en œuvre l'accord, la décision ou la pratique concertée à l'intérieur de la Communauté. Or, les parties requérantes n'auraient jamais mis en œuvre l'accord Cembureau dans la Communauté, à supposer même que l'existence de cet accord soit établie. L'article 1er de la décision attaquée devrait donc être annulé à leur égard.

4237. Il y a lieu de rappeler qu'Aker et Euroc sont des membres directs de Cembureau, dont les chefs de délégation respectifs, MM. Heiberg et Borelius, ont participé à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 (voir ci-dessus point 1344). Comme les chefs de délégation représentaient les membres directs de Cembureau au cours des réunions des chefs de délégation (voir ci-dessus points 1314 à 1318), la participation d'Aker et d'Euroc à l'accord Cembureau est donc établie à partir du 14 janvier 1983.

4238. L'accord Cembureau, conclu entre associations et entreprises établies dans la Communauté et en dehors de la Communauté, visait au respect des marchés domestiques en Europe, notamment dans la Communauté, et à la réglementation des ventes d'un pays à l'autre. Son objet était manifestement anticoncurrentiel et susceptible d'affecter de manière sensible les échanges entre Etats membres.

4239. Néanmoins, dans la décision attaquée, la Commission n'a retenu la participation d'Aker et d'Euroc à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée qu'à partir du 9 juin 1986.

4240. Même si, dans le cas d'espèce, les principes de l'arrêt Pâtes de bois I, cité au point 1325 ci-dessus, devaient s'appliquer, force serait de constater que, contrairement à ce que prétendent Aker et Euroc, la Commission a fait une appréciation correcte, dans la décision attaquée, du domaine d'application territorial de l'article 85 du traité.

4241. En effet, à partir du 9 juin 1986 (voir ci-dessus points 2764, 3006 à 3021 et 3081), Aker et Euroc ont participé, dans le cadre de l'accord unique relatif à l'ETF, à deux ententes, à savoir l'accord constitutif de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1) et l'accord constitutif d'Interciment (décision attaquée, article 4, paragraphe 2). Or, les participants à ces ententes étaient pour l'essentiel des producteurs de la Communauté et, surtout, la finalité unique desdites ententes était d'éliminer les importations en Europe occidentale. En y participant, les deux parties requérantes concernées ont mis en œuvre l'accord Cembureau à partir du 9 juin 1986 sur le territoire de la Communauté.

4242. C'est donc à bon droit que la Commission a considéré que la participation d'Aker et d'Euroc à l'accord Cembureau constituait une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité à partir du 9 juin 1986.

4243. Enfin, en ce qui concerne Unicem, elle n'a participé à aucune réunion des chefs de délégation, ainsi qu'elle le souligne à juste titre.

4244. Néanmoins, la Commission a constaté à bon droit une participation de cette entreprise à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée. En effet, la participation d'Unicem à la constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1) et aux mesures prises dans le cadre de l'accord unique relatif à l'ETF visant à éviter des importations par Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce (décision attaquée, article 4, paragraphe 3) constituait la manifestation de son adhésion à l'accord Cembureau (voir ci-dessus point 4107).

4245. Toutefois, il n'a pas été établi qu'Unicem ait participé à l'accord unique relatif à l'ETF avant le 9 septembre 1986 (voir ci-dessus points 3744 et 3745). La participation de cette entreprise aux différentes mesures prises dans le cadre de l'accord unique relatif à l'ETF ne témoigne donc de sa participation à l'accord Cembureau qu'à partir de cette date.

4246. Même si, comme la Commission le prétend, Unicem a participé aux échanges d'informations périodiques à partir du 1er janvier 1984, cette circonstance n'est pas de nature à démontrer sa participation à l'accord Cembureau avant le 9 septembre 1986. En effet, la participation à ces échanges ne visait qu'à "faciliter l'exécution de l'accord [Cembureau]" (décision attaquée, article 2, paragraphe 2) par les associations et les entreprises dont la participation à l'accord Cembureau est déjà établie (voir ci-dessus points 1695 à 1699). Or, la décision attaquée ne contient aucun indice susceptible de démontrer qu'Unicem avait adhéré à l'accord Cembureau avant le 9 septembre 1986.

4247. Dans ces circonstances, il y a lieu d'annuler l'article 1er de la décision attaquée dans la mesure où il constate la participation d'Unicem à l'accord Cembureau avant le 9 septembre 1986.

2.2. Membres indirects de Cembureau

4248. Les membres indirects de Cembureau n'ont pas participé directement aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et confirmé. Néanmoins, à l'égard de ceux qui étaient établis à l'époque des faits à l'intérieur de la Communauté (voir ci-dessus points 4216 et 4217), la Commission a retenu le 14 janvier 1983, date de la réunion des chefs de délégation au cours de laquelle l'accord Cembureau a été conclu, comme point de départ de leur participation à l'infraction. Elle estime, en effet, que les chefs de délégation représentaient au cours de leurs réunions non seulement les membres directs, mais également les membres indirects de Cembureau. Elle souligne, à cet égard, que "les producteurs de ciment sont les véritables acteurs qui agissent à travers leurs associations professionnelles" (décision attaquée, paragraphe 44, point 5).

4249. Toutefois, il a déjà été constaté que, pour des raisons de défaut de concordance entre la CG et la décision attaquée, la Commission n'était pas en droit de se fonder dans la décision attaquée sur l'appartenance des membres indirects de Cembureau à une association nationale membre de Cembureau, en tant que critère d'imputation de l'infraction (voir ci-dessus points 544 à 563). Le seul critère d'imputation sur lequel la Commission a pu légalement se fonder vis-à-vis des membres indirects de Cembureau est celui de l'adhésion à l'accord Cembureau à travers une mesure de mise en œuvre de celui-ci (décision attaquée, paragraphes 45, point 10, et 65, point 3) (voir ci-dessus point 564). Il s'agit du même critère d'imputation que celui utilisé dans la CG (voir ci-dessus points 556 à 563). Dans celle-ci, la Commission a en effet considéré que les entreprises qui n'étaient pas des membres directs de Cembureau avaient adhéré à l'accord Cembureau à compter de la date de leur participation à une mesure de mise en œuvre de cet accord.

4250. Il a ensuite été constaté, dans le cadre de l'appréciation des moyens au fond, que la Commission a établi que les membres indirects suivants avaient adhéré à l'accord Cembureau à travers leur participation à une ou plusieurs mesures de mise en œuvre de celui-ci: CBR, Dyckerhoff, Vicat, Ciments français, Heidelberger, Lafarge, Valenciana, Asland, Uniland, Cimpor, Secil, Holderbank, Hornos Ibéricos, Blue Circle et Halkis.

4251. Il convient encore d'examiner si la Commission a établi une participation de ces membres indirects à l'infraction à partir de la date retenue à leur égard dans la décision attaquée.

4252. Il doit être rappelé que la preuve de la participation de Dyckerhoff, de Ciments français et de Lafarge à l'entente franco-allemande [décision attaquée, article 3, paragraphe 3, sous a)] à partir du 23 juin 1982 a été rapportée. La Commission a également pu constater une participation de Heidelberger à cette même entente à partir du 17 novembre 1982 (voir ci-dessus point 2436). Dès lors que l'entente franco-allemande constituait, de la part de ces entreprises, une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau à partir du 14 janvier 1983 (voir ci-dessus point 4154), la Commission a pu constater à bon droit une participation de Dyckerhoff, de Ciments français, de Heidelberger et de Lafarge à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée à partir de cette date.

4253. Il doit être relevé ensuite que, pour les entreprises portugaises Cimpor et Secil, la Commission était en droit de fixer le début de leur participation à l'infraction au 1er janvier 1986. En effet, elle a établi que leur participation à l'infraction portant sur l'entente ibérique à partir du 1er janvier 1986 (décision attaquée, article 3, paragraphe 2) constituait une manifestation de leur adhésion à l'accord Cembureau (voir ci-dessus point 4208).

4254. Toutefois, Cimpor et Secil affirment que les documents que la Commission a utilisés pour démontrer l'existence de l'accord Cembureau et leur participation à celui-ci sont antérieurs au 1er janvier 1986.

4255. Cet argument manque en fait. En effet, la Commission a établi la participation de Cimpor et de Secil à l'infraction portant sur l'entente ibérique à partir du 1er janvier 1986 sur la base de preuves documentaires directes, dont plusieurs sont postérieures au 1er janvier 1986 (voir ci-dessus points 2070 à 2082 et 2115). Or, la participation de Cimpor et de Secil à cette entente ibérique constitue, de leur part, la manifestation de leur adhésion à l'accord Cembureau.

4256. De même, l'article 1er constate à bon droit la participation de Valenciana et d'Hornos Ibéricos à l'infraction à partir du 1er janvier 1986, dès lors que, à partir de cette date, elles ont manifesté leur adhésion à l'accord Cembureau à travers leur participation à la pratique concertée dans le cadre de l'EPC (article 6 de la décision attaquée).

4257. Eu égard au fait que le point de départ de la participation de Holderbank à la constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1) a été légalement fixé au 28 mai 1986, participation qui a constitué de sa part la manifestation de son adhésion à l'accord Cembureau, la Commission a démontré la participation de Holderbank à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée à partir de cette date.

4258. En revanche, pour CBR, Vicat, Asland, Uniland, Blue Circle et Halkis, la Commission n'a pas rapporté la preuve de leur participation à l'infraction à partir de la date mentionnée dans la décision attaquée.

4259. En premier lieu, il doit être rappelé que, après avoir relevé le défaut de concordance mentionné ci-dessus au point 4249, le Tribunal a déjà constaté, dans le cadre du moyen tiré d'une violation des droits de la défense, que l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il fixe le point de départ de la participation à l'infraction avant le 11 mai 1983 en ce qui concerne Vicat et avant le 28 mai 1986 en ce qui concerne CBR, Asland et Uniland (voir ci-dessus point 568). Après l'examen des moyens au fond, il convient d'apprécier si ces entreprises peuvent encore être considérées comme ayant adhéré à l'accord Cembureau à partir de ces dates.

4260. Vicat a manifesté son adhésion à l'accord Cembureau à travers sa participation à la pratique concertée avec Buzzi visée à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée, dont la date de début a légalement été fixée au 11 mai 1983. La Commission a dès lors démontré la participation de cette entreprise à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée à partir de cette date.

4261. S'agissant de CBR, d'Asland et d'Uniland, leur participation à l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée constitue la première manifestation de leur adhésion à l'accord Cembureau.

4262. Pour ce qui concerne Asland, la date de début de cette infraction a légalement été fixée au 28 mai 1986. La Commission a dès lors démontré la participation de cette entreprise à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée à partir de cette date.

4263. Asland, comme Oficemen et l'ATIC (voir ci-dessus point 4228), soutient que, à aucun moment, sa prétendue participation à l'accord Cembureau n'a produit des effets significatifs dans la Communauté (décision attaquée, paragraphe 45, point 11). Cet argument doit être rejeté pour les motifs énoncés ci-dessus au point 4231.

4264. S'agissant de CBR et d'Uniland, l'article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate la participation de ces entreprises à l'accord constitutif de l'ETF avant, respectivement, le 9 juin 1986 (voir ci-dessus point 2604) et le 9 septembre 1986 (voir ci-dessus point 2699). A défaut d'indices d'une adhésion de CBR et d'Uniland à l'accord Cembureau avant ces dates, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate la participation de CBR à l'accord Cembureau avant le 9 juin 1986 et d'Uniland avant le 9 septembre 1986.

4265. En second lieu, en ce qui concerne Blue Circle et Halkis, leur participation à la pratique concertée dans le cadre de l'EPC, visée à l'article 6 de la décision attaquée, a constitué la première manifestation de leur adhésion à l'accord Cembureau. Toutefois, la Commission n'a pas établi que les membres de l'EPC ont cherché "à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté" avant le 18 novembre 1983 (voir ci-dessus point 3980). Les comportements visés à l'article 6 de la décision attaquée ne sauraient donc être considérés comme une mise en œuvre, par Blue Circle et Halkis, de l'accord Cembureau avant cette date.

4266. Il s'ensuit que l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate la participation de Blue Circle et d'Halkis à l'accord Cembureau avant le 18 novembre 1983.

2.3. Conclusions

4267. L'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate la participation à l'accord Cembureau de:

CBR avant le 9 juin 1986;

Vicat avant le 11 mai 1983;

Unicem avant le 9 septembre 1986;

Asland avant le 28 mai 1986;

Uniland avant le 9 septembre 1986;

Italcementi avant le 19 mars 1984;

Blue Circle avant le 18 novembre 1983;

Halkis avant le 18 novembre 1983.

3. Continuité de l'infraction

4268. Les parties requérantes mentionnées ci-dessus au point 4214 contestent le caractère continu de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée. La Commission n'aurait pas pu estimer, au moment de l'adoption de ladite décision attaquée, que l'infraction perdurait. Les parties requérantes soulignent que la dernière réunion des chefs de délégation visée par la décision attaquée date du 7 novembre 1984. Elles estiment que, en tout état de cause, une participation à l'accord Cembureau ne peut leur être imputée pour une durée supérieure à celle des mesures de mise en œuvre qui leur sont reprochées.

4269. La Commission explique, en se référant aux conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, citées au point 2800 ci-dessus (p. 1941), que, "à partir du moment où l'existence d'une entente est établie, cette entente est présumée se poursuivre jusqu'à preuve du contraire". L'existence de l'accord Cembureau et la participation des différentes parties requérantes à cet accord ayant été démontrées, il incomberait dès lors aux parties requérantes concernées de prouver que cette entente avait pris fin ou qu'elles avaient manifesté leur dissentiment par rapport à cette entente.

4270. Cet argument ne peut être accueilli, pour les motifs énoncés ci-dessus aux points 2801 et 2802. En effet, il appartient à la Commission de prouver non seulement l'existence de l'entente, mais aussi la durée de celle-ci (arrêt Dunlop Slazenger/Commission, cité au point 270 ci-dessus, point 79).

4271. Afin d'apprécier si la Commission était en droit de ne pas fixer de date de fin de l'infraction et, dès lors, de présumer que l'entente perdurait au moment de l'adoption de la décision attaquée, il y a lieu d'examiner d'abord les deux seuls passages des motifs de celle-ci consacrés à la durée de l'infraction.

4272. Au paragraphe 45, point 6, consacré à l'accord Cembureau, il est expliqué: "La Commission ne dispose pas d'éléments de fait pour déterminer la date de la fin de l'infraction; elle n'est d'ailleurs pas en mesure d'établir que les entreprises en cause y ont mis fin."

4273. Au paragraphe 65, point 4, quatrième alinéa, consacré aux amendes, la Commission fait encore valoir: "Si la Commission est en mesure d'établir la date de début de l'infraction constituée par l'accord ou principe Cembureau, elle n'est pas certaine que l'infraction ait jamais réellement cessé et donc elle ne peut pas établir une date de fin de l'infraction. Toutefois, puisque la dernière manifestation apparente et connue de la Commission de l'accord est constituée par la dissolution, le 26 mars 1993, de Interciment SA [société dont la constitution fait l'objet de l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée], la Commission retient cette date pour déterminer la période de référence de l'amende."

4274. Il s'ensuit que la Commission a présumé que l'entente constatée avait continué à être respectée même au-delà de la dernière manifestation connue de son application, pour ne pas fixer de date de fin d'infraction à l'article 1er de la décision attaquée.

4275. A l'audience, elle a défendu son approche sur la base des particularités de l'accord Cembureau. Elle a expliqué que l'accord en question se caractérisait par une durée indéterminée. Elle a souligné que l'objet de l'accord était simple, à la différence, par exemple, d'une entente de fixation de prix, et qu'elle ne nécessitait pas l'organisation de réunions périodiques. Pour respecter l'accord, les parties devaient uniquement s'abstenir de ventes (non contrôlées) en dehors de leur territoire. Ainsi, le respect de l'accord en question n'aurait pas laissé de traces. Dès lors, le fait que, à un moment donné, les entreprises n'aient plus participé à des mesures de mise en œuvre visibles de l'accord Cembureau ne démontrerait pas qu'elles n'adhéraient plus à cet accord. La Commission a par ailleurs insisté sur le fait que le succès de l'accord reposait sur son respect par tous les producteurs.

4276. Il y a lieu d'admettre que l'accord Cembureau présentait effectivement les particularités mises en exergue par la Commission. En l'espèce, la question est toutefois de savoir si, eu égard à la charge de la preuve qui incombe à la Commission dans l'établissement d'une infraction à l'article 85 du traité, de telles particularités constituent des indices suffisants de la participation de chaque partie requérante à l'accord Cembureau jusqu'au jour de l'adoption de la décision attaquée.

4277. A cet égard, il doit être constaté que toutes les ententes bi- ou multilatérales que la Commission a correctement qualifiées de mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau ont, à l'exception de l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée, pris fin au plus tard le 19 mai 1989, date qui correspond, pour certains membres de l'EPC, à la date de fin de l'infraction visée à l'article 6 de la décision attaquée. Il convient de rappeler à cet égard que les paragraphes 1 et 2 de l'article 4 de la décision attaquée doivent être annulés dans la mesure où ils constatent une infraction au-delà, respectivement, du 31 mai 1987 (voir ci-dessus point 2806) et du 7 novembre 1988 (voir ci-dessus point 3097).

4278. Même si la Commission a démontré que l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision attaquée a duré jusqu'au 3 avril 1992, cette infraction ne concerne que trois parties requérantes, à savoir Unicem, Italcementi et Cementir. Bien que les contrats d'une durée de cinq ans, qui font l'objet de cette infraction et qui avaient "pour but d'éviter des importations de ciment grec de la part de Calcestruzzi", aient eu des effets sur le marché communautaire jusqu'au 3 avril 1992, cette constatation n'implique toutefois pas que l'accord Cembureau régissait encore à cette dernière date les relations concurrentielles entre les producteurs européens de ciment, et encore moins au moment de l'adoption de la décision attaquée, le 30 novembre 1994. Le fait que toutes les autres mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau visées par la décision attaquée ont pris fin au plus tard le 19 mai 1989, quelques semaines après les premières vérifications effectuées par la Commission (décision attaquée, paragraphe 1), tend plutôt à démontrer le contraire.

4279. Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que, au vu de l'ensemble des indices relevés dans la décision attaquée, la Commission n'était pas en droit de considérer que tous les destinataires de celle-ci dont la participation à l'accord Cembureau avait été établie adhéraient encore à cet accord au moment de l'adoption de la décision attaquée.

4280. Il convient d'examiner ensuite la durée de la participation de chaque partie requérante à l'accord Cembureau, en fonction des différents éléments de fait contenus dans la décision attaquée.

4281. Comme le relève à juste titre la Commission (décision attaquée, paragraphe 65, point 4), la participation d'une entreprise ou d'une association à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau a constitué de sa part une manifestation de son adhésion à cet accord. Dès lors, la participation d'une partie requérante à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée est établie au moins pour toute la période pour laquelle la Commission a légalement établi sa participation à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4282. Certes, comme le prétend la Commission, la participation d'une partie requérante à l'accord Cembureau a laissé peu de traces. Néanmoins, eu égard au système d'établissement de l'infraction retenu dans la décision attaquée, la Commission n'était pas en droit de se fonder sur ce facteur pour constater une adhésion continue à l'accord Cembureau d'une partie requérante au-delà de la date de fin de sa dernière mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4283. A cet égard, il faut noter que, dans la décision attaquée, la Commission a choisi de se fonder uniquement sur des preuves documentaires directes pour établir les différentes infractions et la participation des entreprises et associations concernées à celles-ci. Ce choix a eu pour effet que les entreprises dont la participation à l'accord Cembureau ne ressortait pas d'un tel élément de preuve n'ont pas été visées par la décision attaquée. Dès lors que la Commission elle-même considérait que la participation d'une entreprise à l'accord Cembureau ne pouvait être établie en l'absence de preuves documentaires démontrant une telle participation, elle ne pouvait, à défaut de telles preuves documentaires, présumer la continuité de l'adhésion d'une entreprise pour laquelle la participation à l'accord Cembureau était établie au-delà de sa dernière participation prouvée à une mesure de mise en œuvre.

4284. En effet, les preuves documentaires que la Commission a avancées dans la décision attaquée au soutien de sa constatation des infractions visées aux articles 2, 3, paragraphe 1, sous a) et sous c), 3, paragraphes 2 et 3, 4, paragraphes 1 à 3, et 6 démontrent sans équivoque une adhésion des parties requérantes concernées à l'accord Cembureau. En revanche, l'absence de preuve documentaire d'une adhésion continue se prête à une double interprétation. Elle peut constituer un indice de ce que la partie concernée pour laquelle la participation à l'accord Cembureau a été établie a continué à adhérer à l'accord sans laisser de traces. Elle peut toutefois constituer aussi un indice d'une absence de poursuite de sa participation à l'accord. C'est précisément cette double interprétation possible de l'absence de preuves documentaires qui a conduit la Commission à ne prendre en considération, aux fins de la décision attaquée, que les entreprises pour lesquelles une participation à l'accord Cembureau avait pu être constatée sur la base de preuves documentaires directes.

4285. Dans ces conditions, pour chaque partie requérante pour laquelle la Commission a établi la participation à l'accord Cembureau, il y a lieu d'évaluer, sur la base des seules preuves documentaires contenues dans la décision attaquée, la durée de sa participation à l'accord Cembureau.

3.1. Situation de CBR

4286. Il a déjà été constaté que la Commission n'était pas en droit de fixer la date de début de la participation de CBR à l'infraction avant le 9 juin 1986 (voir ci-dessus point 4264).

4287. CBR a manifesté son adhésion à l'accord Cembureau à travers différentes mesures de mise en œuvre de celui-ci. Ainsi, elle a participé à l'accord portant sur la constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1) du 9 juin 1986 au 31 mai 1987 (voir ci-dessus points 2604, 2784 et 2806), à l'accord portant sur la constitution d'Interciment (décision attaquée, article 4, paragraphe 2) du 9 juin 1986 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus points 3017 et 3097), ainsi qu'aux pratiques concertées visant à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs et en particulier à Titan [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a)], du 9 septembre 1986 au 15 mars 1987 (voir ci-dessus points 3204, 3205 et 3301 à 3305).

4288. A défaut d'indices d'une participation continue de CBR à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 9 juin 1986 au 7 novembre 1988.

4289. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de CBR à cette infraction avant le 9 juin 1986 et au-delà du 7 novembre 1988.

3.2. Situation de Cembureau

4290. Cembureau a participé aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus point 1342). Il a en outre participé à plusieurs mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4291. Ainsi, il a participé aux échanges ponctuels d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 1) du 14 janvier 1983 au 19 mars 1984 et aux échanges périodiques d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 2) du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1988 (voir ci-dessus point 1817). Il a aussi participé à des mesures dans le cadre de l'accord unique relatif à l'ETF [décision attaquée, article 4, paragraphes 1 et 3, sous a)] du 28 mai 1986 au 31 mai 1987 (voir ci-dessus points 3731 et 3732).

4292. A défaut d'indices d'une participation continue de Cembureau à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette association à l'accord en question doit être considérée comme établie du 14 janvier 1983 au 31 décembre 1988.

4293. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de Cembureau à cette infraction au-delà du 31 décembre 1988.

3.3. Situation de la FIC

4294. La FIC a participé aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus points 1344, 1345, 1350 et 1352). Elle a en outre participé à deux mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4295. Ainsi, elle a participé aux échanges ponctuels d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 1) du 14 janvier 1983 au 19 mars 1984 et aux échanges périodiques d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 2) du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1988 (voir ci-dessus point 1817).

4296. A défaut d'indices d'une participation continue de la FIC à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette association d'entreprises à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 14 janvier 1983 au 31 décembre 1988.

4297. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de la FIC à cette infraction au-delà du 31 décembre 1988.

3.4. Situation de la VNC

4298. La VNC a participé aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983 et 19 mars 1984 (voir ci-dessus points 1344, 1345 et 1350). Elle a en outre participé à deux mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4299. Ainsi, elle a participé aux échanges ponctuels d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 1) du 14 janvier 1983 au 19 mars 1984 et aux échanges périodiques d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 2) du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1988 (voir ci-dessus point 1817).

4300. A défaut d'indices d'une participation continue de la VNC à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette association d'entreprises à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 14 janvier 1983 au 31 décembre 1988.

4301. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de la VNC à cette infraction au-delà du 31 décembre 1988.

3.5. Situation de Ciments luxembourgeois

4302. Ciments luxembourgeois a participé aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus points 1344, 1345, 1350 et 1352). Elle a en outre participé à deux mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4303. Ainsi, elle a participé aux échanges ponctuels d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 1) du 14 janvier 1983 au 19 mars 1984 et aux échanges périodiques d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 2) du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1988 (voir ci-dessus point 1817).

4304. A défaut d'indices d'une participation continue de Ciments luxembourgeois à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 14 janvier 1983 au 31 décembre 1988.

4305. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de Ciments luxembourgeois à cette infraction au-delà du 31 décembre 1988.

3.6. Situation de Dyckerhoff

4306. Dyckerhoff a manifesté son adhésion à l'accord Cembureau à travers différentes mesures de mise en œuvre de cet accord.

4307. Ainsi, du 23 juin 1982 au 12 août 1987 (voir ci-dessus point 2469), elle a participé à l'entente franco-allemande [décision attaquée, article 3, paragraphe 3, sous a)], qui a constitué de sa part une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau à partir du 14 janvier 1983 (voir ci-dessus point 4154). Elle a en outre participé à l'accord portant sur la constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1) du 28 mai 1986 au 31 mai 1987 (voir ci-dessus points 2620 et 2806), à l'accord portant sur la constitution d'Interciment (décision attaquée, article 4, paragraphe 2) du 9 juin 1986 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus points 3017 et 3097), ainsi qu'aux pratiques concertées visant à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a)], du 9 septembre 1986 au 15 mars 1987 (voir ci-dessus points 3204, 3205 et 3301 à 3305).

4308. A défaut d'indices d'une participation continue de Dyckerhoff à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 14 janvier 1983 au 7 novembre 1988.

4309. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de Dyckerhoff à cette infraction au-delà du 7 novembre 1988.

3.7. Situation du SFIC

4310. Le SFIC a participé aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus points 1344, 1345, 1350 et 1352). Il a en outre participé à plusieurs mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4311. Ainsi, il a participé aux échanges ponctuels d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 1) du 14 janvier 1983 au 19 mars 1984 et aux échanges périodiques d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 2) du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1988 (voir ci-dessus point 1817). Du 23 juin 1982 au 12 août 1987, il a aussi participé à l'entente franco-allemande (décision attaquée, article 3, paragraphe 3) (voir ci-dessus points 2469 et 2503), qui a constitué de sa part une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau à partir du 14 janvier 1983 (voir ci-dessus point 4154). Il a en outre participé à des mesures dans le cadre de l'accord unique relatif à l'ETF [décision attaquée, article 4, paragraphes 1 à 3, sous a)] du 28 mai 1986 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus points 2625, 2806, 3030, 3097, 3135 et 3136).

4312. Il s'ensuit que la continuité de la participation du SFIC à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 14 janvier 1983 au 31 décembre 1988.

4313. A défaut d'indices d'une participation continue du SFIC à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de cette association d'entreprises à l'infraction au-delà du 31 décembre 1988.

3.8. Situation de Vicat

4314. Il a déjà été constaté que la Commission n'était pas en droit de fixer la date de début de la participation de Vicat à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée avant le 11 mai 1983 (voir ci-dessus points 4259 et 4260).

4315. Vicat a manifesté son adhésion à l'accord Cembureau à travers une mesure de mise en œuvre de l'accord. Il s'agit de la pratique concertée avec Buzzi [décision attaquée, article 3, paragraphe 1, sous c)], dont le caractère infractionnel a été établi pour la période du 11 mai 1983 au 23 avril 1986 (voir ci-dessus points 1970 et 2034).

4316. A défaut d'indices d'une participation continue de Vicat à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à cette seule mesure de mise en œuvre, la continuité de sa participation à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 11 mai 1983 au 23 avril 1986.

4317. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de Vicat à cette infraction avant le 11 mai 1983 et au-delà du 23 avril 1986.

3.9. Situation de Ciments français

4318. Ciments français a manifesté son adhésion à l'accord Cembureau à travers différentes mesures de mise en œuvre de cet accord.

4319. Ainsi, du 23 juin 1982 au 12 août 1987 (voir ci-dessus point 2469), elle a participé à l'entente franco-allemande [décision attaquée, article 3, paragraphe 3, sous a)], qui a constitué de sa part une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau à partir du 14 janvier 1983 (voir ci-dessus point 4154). Elle a en outre participé à l'accord portant sur la constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1) du 28 mai 1986 au 31 mai 1987 (voir ci-dessus points 2632 et 2806) et à l'accord portant sur la constitution d'Interciment (décision attaquée, article 4, paragraphe 2) du 9 juin 1986 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus points 3038 et 3097). Enfin, elle a participé à la pratique concertée dans le cadre de l'EPC du 18 novembre 1983 au 17 février 1989 (voir ci-dessus point 3980).

4320. A défaut d'indices d'une participation continue de Ciments français à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 14 janvier 1983 au 17 février 1989.

4321. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de Ciments français à cette infraction au-delà du 17 février 1989.

3.10. Situation de Heidelberger

4322. Heidelberger a manifesté son adhésion à l'accord Cembureau à travers deux mesures de mise en œuvre de cet accord.

4323. Ainsi, du 17 novembre 1982 au 12 août 1987 (voir ci-dessus point 2469), elle a participé à l'entente franco-allemande [décision attaquée, article 3, paragraphe 3, sous a)], qui a constitué de sa part une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau à partir du 14 janvier 1983 (voir ci-dessus point 4154). Elle a en outre participé à l'accord portant sur la constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1) du 28 mai 1986 au 31 mai 1987 (voir ci-dessus points 2643 et 2806).

4324. A défaut d'indices d'une participation continue de Heidelberger à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 14 janvier 1983 au 12 août 1987.

4325. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de Heidelberger à cette infraction au-delà du 12 août 1987.

3.11. Situation de Lafarge

4326. Lafarge a manifesté son adhésion à l'accord Cembureau à travers plusieurs mesures de mise en œuvre de cet accord.

4327. Ainsi, elle a participé à une pratique concertée avec Buzzi [décision attaquée, article 3, paragraphe 1, sous a)] du 26 novembre au 31 décembre 1988 (voir ci-dessus points 1829 à 1876) et, du 23 juin 1982 au 12 août 1987 (voir ci-dessus point 2469), à l'entente franco-allemande [décision attaquée, article 3, paragraphe 3, sous a)], qui a constitué de sa part une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau à partir du 14 janvier 1983 (voir ci-dessus point 4154). Elle a en outre participé à l'accord portant sur la constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1) du 28 mai 1986 au 31 mai 1987 (voir ci-dessus points 2650 et 2806), à l'accord portant sur la constitution d'Interciment (décision attaquée, article 4, paragraphe 2) du 9 juin 1986 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus points 3017 et 3097), ainsi qu'aux pratiques concertées visant à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a)], du 17 juin 1986 au 15 mars 1987 (voir ci-dessus points 3228 et 3301 à 3305). Enfin, elle a participé à la pratique concertée dans le cadre de l'EPC du 18 novembre 1983 au 19 mai 1989 (voir ci-dessus points 3973 et 3980).

4328. A défaut d'indices d'une participation continue de Lafarge à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 14 janvier 1983 au 19 mai 1989.

4329. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de Lafarge à cette infraction au-delà du 19 mai 1989.

3.12. Situation d'Aalborg

4330. Aalborg a participé aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus points 1344, 1345, 1350 et 1352). Elle a en outre participé à plusieurs mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4331. Ainsi, elle a participé aux échanges ponctuels d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 1) du 14 janvier 1983 au 19 mars 1984 et aux échanges périodiques d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 2) du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1988 (voir ci-dessus point 1817). Elle a en outre participé à des mesures dans le cadre de l'accord unique relatif à l'ETF [décision attaquée, article 4, paragraphes 1 et 3, sous a)] du 9 septembre 1986 au 31 mai 1987 (voir ci-dessus points 2657, 2806, 3204, 3205 et 3301 à 3305).

4332. A défaut d'indices d'une participation continue d'Aalborg à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 14 janvier 1983 au 31 décembre 1988.

4333. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation d'Aalborg à cette infraction au-delà du 31 décembre 1988.

3.13. Situation du BDZ

4334. Le BDZ a participé aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus points 1344, 1345, 1350 et 1352). Il a en outre participé à plusieurs mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4335. Ainsi, il a participé aux échanges ponctuels d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 1) du 14 janvier 1983 au 19 mars 1984 et aux échanges périodiques d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 2) du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1988 (voir ci-dessus point 1817). Du 23 juin 1982 au 12 août 1987 (voir ci-dessus points 2469 et 2503), il a participé à l'entente franco-allemande (décision attaquée, article 3, paragraphe 3), qui a constitué de sa part une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau à partir du 14 janvier 1983 (voir ci-dessus point 4154). Il a en outre participé à des mesures dans le cadre de l'accord unique relatif à l'ETF [décision attaquée, article 4, paragraphes 1 à 3, sous a)] du 9 juin 1986 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus points 2673, 2806, 3030, 3097, 3239, 3240 et 3301 à 3305).

4336. A défaut d'indices d'une participation continue du BDZ à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette association d'entreprises à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 14 janvier 1983 au 31 décembre 1988.

4337. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation du BDZ à cette infraction au-delà du 31 décembre 1988.

3.14. Situation d'Unicem

4338. Il a déjà été constaté que la Commission n'était pas en droit de fixer la date de début de la participation d'Unicem à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée avant le 9 septembre 1986 (voir ci-dessus point 4247).

4339. Unicem a manifesté son adhésion à l'accord Cembureau à travers plusieurs mesures de mise en œuvre de cet accord.

4340. Ainsi, elle a participé aux échanges périodiques d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 2) du 9 septembre 1986 au 31 décembre 1988 (voir ci-dessus point 1817). Elle a participé à l'accord portant sur la constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1) du 9 septembre 1986 au 31 mai 1987 (voir ci-dessus points 2683 et 2806), aux pratiques concertées visant à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a)], du 9 septembre 1986 au 15 mars 1987 (voir ci-dessus points 3252, 3253 et 3301 à 3305), ainsi qu'à l'accord avec Italcementi et Cementir portant sur les contrats et les conventions signés les 3 et 15 avril 1987 ayant pour but d'éviter des importations par Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous b)], du 3 avril 1987 au 3 avril 1992 (voir ci-dessus point 3396).

4341. A défaut d'indices d'une participation continue d'Unicem à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 9 septembre 1986 au 3 avril 1992.

4342. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation d'Unicem à cette infraction avant le 9 septembre 1986 et au-delà du 3 avril 1992.

3.15. Situation de Valenciana

4343. Valenciana a manifesté son adhésion à l'accord Cembureau à travers une mesure de mise en œuvre de cet accord. Il s'agit de la pratique concertée dans le cadre de l'EPC (article 6 de la décision attaquée), qui, dans le chef de Valenciana, constitue une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité du 1er janvier 1986 au 13 mai 1987 (voir ci-dessus point 4005).

4344. A défaut d'indices d'une participation continue de Valenciana à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à cette seule mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 1er janvier 1986 au 13 mai 1987.

4345. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de Valenciana à cette infraction au-delà du 13 mai 1987.

3.16. Situation de la BCA

4346. La BCA, qui doit répondre des comportements de la CMF (voir ci-dessus point 1341), a participé aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus points 1344, 1345, 1350 et 1352). Elle a en outre participé à deux mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4347. Ainsi, l'association britannique a participé aux échanges ponctuels d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 1) du 14 janvier 1983 au 19 mars 1984 et aux échanges périodiques d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 2) du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1988 (voir ci-dessus point 1817).

4348. A défaut d'indices d'une participation continue de la BCA à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette association d'entreprises à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 14 janvier 1983 au 31 décembre 1988.

4349. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de la BCA à cette infraction au-delà du 31 décembre 1988.

3.17. Situation d'Asland

4350. Il a déjà été constaté que la Commission n'était pas en droit de fixer la date de début de la participation d'Asland à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée avant le 28 mai 1986 (voir ci-dessus point 4267).

4351. Asland a manifesté son adhésion à l'accord Cembureau à travers une seule mesure de mise en œuvre de l'accord. Il s'agit de l'accord portant sur la constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1), auquel il est établi qu'elle a participé du 28 mai 1986 au 31 mai 1987 (voir ci-dessus points 2690 et 2806).

4352. A défaut d'indices d'une participation continue d'Asland à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à cette seule mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 28 mai 1986 au 31 mai 1987.

4353. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation d'Asland à cette infraction avant le 28 mai 1986 et au-delà du 31 mai 1987.

3.18. Situation d'Uniland

4354. Il a déjà été constaté que la Commission n'était pas en droit de fixer la date de début de la participation d'Uniland à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée avant le 9 septembre 1986 (voir ci-dessus points 4264 et 4267).

4355. Uniland a manifesté son adhésion à l'accord Cembureau à travers plusieurs mesures de mise en œuvre de cet accord.

4356. Ainsi, elle a participé à l'accord portant sur la constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1) du 9 septembre 1986 au 31 mai 1987 (voir ci-dessus points 2699 et 2806), à l'accord portant sur la constitution d'Interciment (décision attaquée, article 4, paragraphe 2) du 9 septembre 1986 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus points 3073 et 3097), ainsi qu'aux pratiques concertées visant à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a)], du 9 septembre 1986 au 15 mars 1987 (voir ci-dessus points 3204, 3205 et 3301 à 3305).

4357. A défaut d'indices d'une participation continue d'Uniland à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 9 septembre 1986 au 7 novembre 1988.

4358. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation d'Uniland à cette infraction avant le 9 septembre 1986 et au-delà du 7 novembre 1988.

3.19. Situation d'Oficemen

4359. Oficemen a participé aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983 et 19 mars 1984 (voir ci-dessus points 1344, 1345 et 1350). Elle a en outre participé à plusieurs mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4360. Ainsi, elle a participé aux échanges périodiques d'informations dans le cadre de Cembureau (décision attaquée, article 2, paragraphe 2) du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1988 (voir ci-dessus point 1817). Elle a participé à l'entente ibérique du 1er janvier 1986 au 24 avril 1989 (voir ci-dessus point 2132). Elle a en outre participé à des mesures dans le cadre de l'accord unique relatif à l'ETF [décision attaquée, article 4, paragraphes 1 à 3, sous a)] du 9 juin 1986 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus points 2720, 2806, 3030, 3097, 3239, 3240 et 3301 à 3305).

4361. A défaut d'indices d'une participation continue d'Oficemen à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette association d'entreprises à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée est ainsi établie du 1er janvier 1986 (voir ci-dessus points 4226 à 4231) au 24 avril 1989.

4362. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation d'Oficemen à cette infraction au-delà du 24 avril 1989.

3.20. Situation d'Irish Cement

4363. Irish Cement a participé aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus points 1344, 1345, 1350 et 1352). Elle a en outre participé à plusieurs mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4364. Ainsi, elle a participé aux échanges ponctuels d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 1) du 14 janvier 1983 au 19 mars 1984 et aux échanges périodiques d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 2) du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1988 (voir ci-dessus point 1817). Elle a en outre participé à des mesures dans le cadre de l'accord unique relatif à l'ETF [décision attaquée, article 4, paragraphes 1 et 3, sous a)] du 9 septembre 1986 au 31 mai 1987 (voir ci-dessus points 2737, 2806, 3204, 3205 et 3301 à 3305).

4365. A défaut d'indices d'une participation continue d'Irish Cement à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 14 janvier 1983 au 31 décembre 1988.

4366. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation d'Irish Cement à cette infraction au-delà du 31 décembre 1988.

3.21. Situation de Cimpor

4367. Cimpor a manifesté son adhésion à l'accord Cembureau à travers une mesure de mise en œuvre de l'accord. Il s'agit de l'entente ibérique (décision attaquée, article 3, paragraphe 2), dont le caractère infractionnel a été établi pour la période du 1er janvier 1986 au 24 avril 1989 (voir ci-dessus point 2132).

4368. A défaut d'indices d'une participation continue de Cimpor à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à cette seule mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 1er janvier 1986 au 24 avril 1989.

4369. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de Cimpor à cette infraction au-delà du 24 avril 1989.

3.22. Situation de Secil

4370. Secil a manifesté son adhésion à l'accord Cembureau à travers une mesure de mise en œuvre de l'accord. Il s'agit de l'entente ibérique (décision attaquée, article 3, paragraphe 2), dont le caractère infractionnel a été établi pour la période du 1er janvier 1986 au 24 avril 1989 (voir ci-dessus point 2132).

4371. A défaut d'indices d'une participation continue de Secil à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à cette seule mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 1er janvier 1986 au 24 avril 1989.

4372. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de Secil à cette infraction au-delà du 24 avril 1989.

3.23. Situation de l'ATIC

4373. L'ATIC a participé aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus points 1344, 1345, 1350 et 1352). Elle a en outre participé à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4374. Ainsi, elle a participé aux échanges périodiques d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 2) du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1988 (voir ci-dessus point 1817).

4375. A défaut d'indices d'une participation continue de l'ATIC à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à cette seule mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette association d'entreprises à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée est ainsi établie du 1er janvier 1986 (voir ci-dessus points 4226 à 4231) au 31 décembre 1988.

4376. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de cette association d'entreprises à l'infraction au-delà du 31 décembre 1988.

3.24. Situation d'Italcementi

4377. Il a déjà été constaté que la Commission n'était pas en droit de fixer la date de début de la participation d'Italcementi à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée avant le 19 mars 1984 (voir ci-dessus point 4225).

4378. En ce qui concerne la continuité de la participation d'Italcementi à l'accord Cembureau, il doit être rappelé que cette entreprise a participé à la réunion des chefs de délégation du 19 mars 1984 (voir ci-dessus point 1351). Elle a en outre participé à plusieurs mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4379. Ainsi, elle a participé aux échanges ponctuels d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 1) le 19 mars 1984 et aux échanges périodiques d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 2) du 19 mars 1984 au 31 décembre 1988 (voir ci-dessus point 1817). Elle a en outre participé à l'accord portant sur la constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1) du 28 mai 1986 au 31 mai 1987 (voir ci-dessus points 2747 et 2806), à l'accord portant sur la constitution d'Interciment (décision attaquée, article 4, paragraphe 2) du 9 juin 1986 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus points 3017 et 3097), aux pratiques concertées visant à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a)], du 17 juin 1986 au 15 mars 1987 (voir ci-dessus points 3270 et 3301 à 3305), ainsi qu'à l'accord avec Unicem et Cementir portant sur les contrats et les conventions signés les 3 et 15 avril 1987 ayant pour but d'éviter des importations par Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous b)], du 3 avril 1987 au 3 avril 1992 (voir ci-dessus point 3396).

4380. A défaut d'indices d'une participation continue d'Italcementi à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 19 mars 1984 au 3 avril 1992.

4381. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation d'Italcementi à cette infraction avant le 19 mars 1984 et au-delà du 3 avril 1992.

3.25. Situation de Holderbank

4382. Holderbank a manifesté son adhésion à l'accord Cembureau à travers plusieurs mesures de mise en œuvre de cet accord.

4383. Ainsi, elle a participé à l'accord portant sur la constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1) du 28 mai 1986 au 31 mai 1987 (voir ci-dessus points 2783 et 2806), à l'accord portant sur la constitution d'Interciment (décision attaquée, article 4, paragraphe 2) du 9 juin 1986 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus points 3081 et 3097), ainsi qu'aux pratiques concertées visant à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a)], du 17 juin 1986 au 15 mars 1987 (voir ci-dessus points 3275 et 3301 à 3305).

4384. A défaut d'indices d'une participation continue de Holderbank à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 28 mai 1986 au 7 novembre 1988.

4385. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de Holderbank à cette infraction au-delà du 7 novembre 1988.

3.26. Situation d'Hornos Ibéricos

4386. Aux termes de la décision attaquée, Hornos Ibéricos a manifesté son adhésion à l'accord Cembureau à travers une mesure de mise en œuvre de cet accord. Il s'agit de la pratique concertée dans le cadre de l'EPC (article 6 de la décision attaquée), qui, de la part d'Hornos Ibéricos, a constitué une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité du 1er janvier 1986 au 19 mai 1989 (voir ci-dessus points 3975 et 3980).

4387. Il s'ensuit que la continuité de la participation d'Hornos Ibéricos à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 1er janvier 1986 au 19 mai 1989.

4388. Dans sa duplique, la Commission a souligné l'implication de cette partie requérante dans Interciment aux fins de la démonstration de la durée de sa participation à l'accord Cembureau. Toutefois, Hornos Ibéricos ne figure pas parmi les entreprises et associations d'entreprises visées par l'article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée. En tout état de cause, cet article devant être annulé pour autant qu'il constate une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité au-delà du 7 novembre 1988, une éventuelle participation d'Hornos Ibéricos à l'accord portant sur la constitution d'Interciment ne serait pas de nature à démontrer une participation continue de cette entreprise à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à l'infraction visée à l'article 6 de la décision attaquée.

4389. A défaut d'indices d'une participation continue d'Hornos Ibéricos à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la pratique concertée dans le cadre de l'EPC, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de cette entreprise à cette infraction au-delà du 19 mai 1989.

4390. L'argument d'Hornos Ibéricos selon lequel la Commission aurait méconnu les règles relatives à l'administration de la preuve, en fixant la fin de la période de référence pour le calcul des amendes au 26 mars 1993, alors qu'elle ne disposait pas de preuves de la continuation d'agissements délictueux au-delà du 19 mai 1989, devient ainsi sans objet.

3.27. Situation d'Aker

4391. Aker a participé aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983 et 19 mars 1984 (voir ci-dessus points 1344, 1345 et 1350). Elle a en outre participé à plusieurs mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4392. Ainsi, elle a participé à l'accord portant sur la constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1) du 9 juin 1986 au 31 mai 1987 (voir ci-dessus points 2764 et 2806), à l'accord portant sur la constitution d'Interciment (décision attaquée, article 4, paragraphe 2) du 9 juin 1986 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus points 3017 et 3097), ainsi qu'aux pratiques concertées visant à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a)], du 9 septembre 1986 au 15 mars 1987 (voir ci-dessus points 3281, 3282 et 3301 à 3305).

4393. A défaut d'indices d'une participation continue d'Aker à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée doit être considérée comme établie du 9 juin 1986 (voir ci-dessus point 4242) au 7 novembre 1988.

4394. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation d'Aker à cette infraction au-delà du 7 novembre 1988.

3.28. Situation d'Euroc

4395. Euroc a participé aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus points 1344, 1345, 1350 et 1352). Elle a en outre participé à plusieurs mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4396. Ainsi, elle a participé à l'accord portant sur la constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1) du 9 juin 1986 au 31 mai 1987 (voir ci-dessus points 2764 et 2806), à l'accord portant sur la constitution d'Interciment (décision attaquée, article 4, paragraphe 2) du 9 juin 1986 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus points 3017 et 3097), ainsi qu'aux pratiques concertées visant à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a)], du 9 septembre 1986 au 15 mars 1987 (voir ci-dessus points 3281, 3282 et 3301 à 3305).

4397. A défaut d'indices d'une participation continue d'Euroc à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée doit être considérée comme établie du 9 juin 1986 (voir ci-dessus point 4242) au 7 novembre 1988.

4398. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation d'Euroc à cette infraction au-delà du 7 novembre 1988.

3.29. Situation de Cementir

4399. Cementir a participé aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983 et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus points 1344, 1345 et 1352). Elle a en outre participé à plusieurs mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4400. Ainsi, elle a participé aux échanges ponctuels d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 1) le 14 janvier 1983 et aux échanges périodiques d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 2) du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1988 (voir ci-dessus point 1817). Elle a en outre participé aux pratiques concertées visant à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a)], du 9 septembre 1986 au 15 mars 1987 (voir ci-dessus points 3289, 3290, 3301 à 3304 et 3306), ainsi qu'à l'accord avec Unicem et Italcementi portant sur les contrats et les conventions signés les 3 et 15 avril 1987 ayant pour but d'éviter des importations par Calcestruzzi de ciment en provenance de Grèce [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous b)], du 3 avril 1987 au 3 avril 1992 (voir ci-dessus point 3395).

4401. A défaut d'indices d'une participation continue de Cementir à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 14 janvier 1983 au 3 avril 1992.

4402. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de Cementir à cette infraction au-delà du 3 avril 1992.

3.30. Situation de Blue Circle

4403. Il a déjà été constaté que la Commission n'était pas en droit de fixer la date de début de la participation de Blue Circle à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée avant le 18 novembre 1983 (voir ci-dessus points 4266 et 4267).

4404. Blue Circle a manifesté son adhésion à l'accord Cembureau à travers plusieurs mesures de mise en œuvre de cet accord.

4405. Ainsi, elle a participé à l'accord portant sur la constitution de l'ETF (décision attaquée, article 4, paragraphe 1) du 28 mai 1986 au 31 mai 1987 (voir ci-dessus points 2783 et 2806), à l'accord portant sur la constitution d'Interciment (décision attaquée, article 4, paragraphe 2) du 9 juin 1986 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus points 3081 et 3097), ainsi qu'aux pratiques concertées visant à soustraire Calcestruzzi en tant que cliente aux producteurs grecs, et en particulier à Titan [décision attaquée, article 4, paragraphe 3, sous a)], du 17 juin 1986 au 15 mars 1987 (voir ci-dessus points 3298, 3301 et 3307 à 3310). Elle a en outre participé à la pratique concertée dans le cadre de l'EPC du 18 novembre 1983 au 12 octobre 1987 (voir ci-dessus points 3973 à 3980).

4406. A défaut d'indices d'une participation continue de Blue Circle à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à la dernière mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 18 novembre 1983 au 7 novembre 1988.

4407. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de Blue Circle à cette infraction avant le 18 novembre 1983 et au-delà du 7 novembre 1988.

3.31. Situation de l'AGCI

4408. L'AGCI a participé aux réunions des chefs de délégation des 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984 (voir ci-dessus points 1344, 1345, 1350 et 1352). Elle a en outre participé à deux mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4409. Ainsi, elle a participé aux échanges ponctuels d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 1) du 14 janvier 1983 au 19 mars 1984 et aux échanges périodiques d'informations (décision attaquée, article 2, paragraphe 2) du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1988 (voir ci-dessus point 1817).

4410. Il s'ensuit que la continuité de la participation de l'AGCI à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 14 janvier 1983 au 31 décembre 1988.

4411. L'AGCI soutient que le comportement de l'industrie grecque sur le marché était totalement incompatible avec une participation à l'accord Cembureau. Elle souligne que, jusqu'en 1985, sa participation à Cembureau était animée par un objectif purement informatif: d'une part, ses membres n'étaient pas présents sur les marchés communautaires à cette époque, leurs débouchés à l'exportation se situant au Moyen-Orient; d'autre part, le niveau extrêmement bas des prix en vigueur sur son marché faisait, en lui-même, obstacle aux importations de ciment à destination de son marché, ce qui explique qu'elle n'avait aucun intérêt à participer à un accord restrictif de concurrence. Quant à la période postérieure à 1985, l'AGCI se prévaut de l'augmentation spectaculaire des exportations de ses membres vers les marchés communautaires, qui a d'ailleurs valu à ceux-ci d'être victimes d'une riposte collective de la part des principaux producteurs européens dans le cadre de l'ETF, pour affirmer que, à partir de 1986, le comportement de l'industrie grecque n'a pas non plus illustré sa prétendue participation à l'accord Cembureau. En conclusion, l'AGCI prétend que, tout au long de la période litigieuse, ses membres ont adopté un comportement exclusivement dicté par des considérations économiques et commerciales, en tous points conformes aux exigences du marché international.

4412. Toutefois, ces explications ne permettent pas d'écarter la participation continue de l'AGCI à l'accord Cembureau du 14 janvier 1983 au 31 décembre 1988. En effet, l'AGCI, qui ne se réfère qu'au comportement commercial adopté par ses membres, n'avance aucun élément démontrant qu'elle-même aurait cherché à prendre ses distances par rapport à l'accord Cembureau avant le 31 décembre 1988. En tout état de cause, en participant aux échanges d'informations périodiques sur les prix visés à l'article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, elle a donné aux autres participants à l'accord Cembureau l'assurance de son soutien continu à l'objet de celui-ci.

4413. A défaut d'indices d'une participation continue de l'AGCI à l'accord Cembureau au-delà du 31 décembre 1988, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de cette association à l'infraction après le 31 décembre 1988.

3.32. Situation d'Halkis

4414. Il a déjà été constaté que la Commission n'était pas en droit de fixer la date de début de la participation d'Halkis à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée avant le 18 novembre 1983 (voir ci-dessus points 4265 et 4267).

4415. Halkis a participé à une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau, à savoir la pratique concertée dans le cadre de l'EPC (article 6 de la décision attaquée), du 18 novembre 1983 au 1er septembre 1986 (voir ci-dessus point 3980).

4416. A défaut d'indices d'une participation continue d'Halkis à l'accord Cembureau au-delà de la fin de sa participation à cette seule mesure de mise en œuvre, la continuité de la participation de cette entreprise à l'accord Cembureau doit être considérée comme établie du 18 novembre 1983 au 1er septembre 1986.

4417. Partant, l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate une participation de cette entreprise à cette infraction avant le 18 novembre 1983 et au-delà du 1er septembre 1986.

Violation du principe d'égalité de traitement

4418. Vicat et Hornos Ibéricos affirment que constitue une discrimination la circonstance que certains membres du SFIC et d'Oficemen ne sont pas visés par la décision attaquée.

4419. Ciments français, Aker et Euroc soutiennent qu'en distinguant, aux fins de la décision attaquée, les entreprises selon qu'elles avaient ou non mis en œuvre l'accord Cembureau la Commission a violé le principe de non-discrimination. Elles ajoutent que la clôture de la procédure engagée à l'encontre d'entreprises qui n'auraient pas pris de mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau était discriminatoire. Selon elles, les producteurs qui n'avaient effectué aucune vente en dehors de leur marché national auraient dû être déclarés coupables d'avoir adhéré de la manière la plus flagrante à l'accord Cembureau. Selon Ciments français, l'approche de la Commission était en outre contradictoire.

4420. Asland, Uniland, Cimpor et Secil considèrent encore que la décision attaquée est discriminatoire à leur égard, puisque tous les membres directs et indirects de Cembureau n'ont pas été sanctionnés.

4421. Irish Cement prétend avoir été discriminée, en ce qui concerne les conditions d'imputation de l'accord Cembureau, par rapport aux entreprises membres indirects de Cembureau. La Commission se serait en effet fondée sur sa seule appartenance à Cembureau pour la tenir responsable de l'infraction liée à l'accord susvisé, alors que seules les entreprises membres indirects de Cembureau qui, en plus de leur appartenance à une association nationale, avaient manifesté leur adhésion audit accord en participant à des mesures de mise en œuvre de celui-ci se sont vu imputer l'infraction en question.

4422. Sous le couvert d'un moyen tiré d'une violation de l'article 190 du traité, Italcementi prétend relever une contradiction, dans la décision attaquée, entre la participation directe et la participation indirecte des parties à l'accord Cembureau (décision attaquée, paragraphes 45, point 9, et 65, point 3). Elle constate, en effet, que le critère selon lequel la seule qualité de membre de Cembureau démontrerait la participation à l'accord Cembureau n'a pas été appliqué uniformément. La Commission aurait distingué les entreprises qui participaient directement à Cembureau et celles qui y participaient par l'intermédiaire de leur association professionnelle nationale, l'adhésion de ces dernières faisant l'objet d'un examen particulier dans le cadre des prétendues mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau (décision attaquée, paragraphe 45, point 10). Après avoir rappelé qu'elle conteste le principe selon lequel on pourrait imputer directement aux membres d'une association des décisions éventuelles de celle-ci, elle constate que la Commission n'a pas appliqué ce principe de façon uniforme à l'ensemble des destinataires de la décision attaquée.

4423. Ces arguments doivent être rejetés. La situation des membres directs de Cembureau qui ont participé à une ou plusieurs réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et/ou confirmé est objectivement différente de celle des membres indirects de Cembureau. En effet, la participation des membres directs de Cembureau à l'accord Cembureau ressort déjà de leur participation aux réunions au cours desquelles le concours de volontés portant sur le principe du respect des marchés domestiques s'est manifesté, alors que la participation audit accord des membres indirects a dû être établie à travers leur participation à une mesure qui traduisait leur adhésion à l'accord.

4424. Il y a lieu de rappeler qu'Irish Cement, Italcementi, Aker et Euroc sont des entreprises, membres directs de Cembureau, qui ont directement participé à la conclusion et/ou à la confirmation de l'accord Cembureau. L'argument des parties requérantes, qui ne prétendent pas que d'autres entreprises membres directs de Cembureau ne seraient pas visées par la décision attaquée, doit donc être rejeté.

4425. Quant à Vicat, Ciments français, Asland, Uniland, Cimpor, Secil et Hornos Ibéricos, elles sont des membres indirects dont la participation à l'accord Cembureau a été établie à travers leur participation à une mesure de mise en œuvre de cet accord.

4426. Pour les membres indirects de Cembureau qui ne sont pas visés par la décision attaquée et dont la situation n'est pas soumise à l'appréciation du Tribunal, la Commission estime ne pas disposer de preuves documentaires attestant qu'ils auraient, d'une quelconque façon, marqué leur adhésion à l'accord Cembureau.

4427. La situation des entreprises non visées par la décision attaquée diffère donc de celle de Vicat, de Ciments français, d'Asland, d'Uniland, de Cimpor, de Secil, d'Hornos Ibéricos et des autres membres indirects de Cembureau pour lesquels la Commission dispose de preuves documentaires attestant leur participation à une ou plusieurs mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau. L'argument doit donc aussi être rejeté pour autant qu'il a été invoqué par ces entreprises.

4428. En tout état de cause, à supposer même que la situation de quelques entreprises non destinataires de la décision attaquée ait été analogue à celle des parties requérantes concernées, une telle constatation ne permettrait pas d'écarter l'infraction retenue à l'encontre de Vicat, de Ciments français, d'Asland, d'Uniland, d'Irish Cement, de Cimpor, de Secil, d'Italcementi, d'Hornos Ibéricos, d'Aker et d'Euroc, dès lors que celle-ci a été correctement établie sur le fondement de preuves documentaires attestant leur participation à l'accord Cembureau (voir, en ce sens, arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146).

4429. Blue Circle considère encore qu'il est arbitraire, de la part de la Commission, de considérer que des accords de limitation des importations impliquant les producteurs de plus d'un Etat membre constituent des manifestations d'une adhésion à l'accord Cembureau, alors que des accords purement nationaux ayant le même objet que l'accord Cembureau n'ont pas été considérés comme des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4430. Il y a lieu de rappeler que la CG comportait différents chapitres relatifs à des ententes purement nationales. Ces griefs nationaux ont toutefois été abandonnés par décision du 23 septembre 1993 et ne sont dès lors pas repris dans la décision attaquée.

4431. A supposer même que quelques entreprises non destinataires de la décision attaquée aient considéré leur participation à une entente nationale, visée par un des chapitres nationaux de la CG, comme une mise en œuvre de l'accord Cembureau, cela ne permettrait pas d'écarter l'infraction retenue à l'encontre de Blue Circle dans la décision attaquée, dès lors que celle-ci a été correctement établie (voir, en ce sens, arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146).

4432. Aker et Euroc considèrent qu'elles ont subi une discrimination par rapport aux entreprises et associations ibériques. Ces dernières parties n'auraient en effet pas été considérées comme ayant enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité à une époque où elles n'étaient pas établies dans la Communauté.

4433. Cependant, à supposer même qu'Aker et Euroc se soient trouvées, au moment de l'adoption de la décision attaquée, dans une situation analogue à celle des destinataires ibériques de la décision attaquée avant l'adhésion de leurs pays à la Communauté, cela ne permettrait pas d'écarter l'infraction retenue contre elles à partir du 9 juin 1986, dès lors que celle-ci a été correctement établie (voir, en ce sens, arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146).

4434. Enfin, l'AGCI dénonce la discrimination qui résulterait de ce que tous les participants à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 n'ont pas été sanctionnés pour leur participation à l'accord Cembureau à partir de cette date. Elle prend comme exemple la situation de Holderbank, qui n'est sanctionnée pour sa participation à l'accord Cembureau qu'à partir du 28 mai 1986, alors même qu'un représentant de sa filiale belge Ciments d'Obourg, M. Pestalozzi, aurait été présent au cours de ladite réunion.

4435. Cet argument doit être rejeté. L'AGCI est un membre direct de Cembureau qui, à la différence de Holderbank, membre indirect de Cembureau, a directement participé à la conclusion de l'accord Cembureau. M. Pestalozzi a participé à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, non en tant que représentant de Holderbank, mais en sa qualité de représentant de la FIC. En tout état de cause, à supposer même que Holderbank se soit trouvée dans une situation analogue à celle de l'AGCI, ce qui n'est pas établi, cela ne permettrait pas d'écarter l'infraction retenue à l'encontre de l'AGCI à partir du 14 janvier 1983, dès lors que celle-ci a été correctement établie (voir, en ce sens, arrêt Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 146).

Violation de l'article 190 du traité

A En ce qui concerne la qualification d'accord unique et continu donnée à l'accord Cembureau

4436. Le SFIC allègue que la décision attaquée ne démontre pas l'unité et la continuité de l'accord Cembureau. Il reproche à la Commission de ne pas avoir établi l'existence d'un lien de rattachement entre le prétendu accord Cembureau et les ententes bi- et multilatérales dans lesquelles étaient impliquées les entreprises françaises, la seule apparence d'une coïncidence objective entre l'accord Cembureau et le comportement des entreprises françaises ne pouvant suffire à cet égard. Il fait remarquer que l'entente franco-allemande repose sur des éléments factuels antérieurs à la date de conclusion de l'accord Cembureau dont elle est censée être le résultat.

4437. Il doit être constaté que les griefs formulés par le SFIC concernent en réalité le bien-fondé de la décision attaquée. Ils sont donc dénués de pertinence dans le cadre d'un moyen fondé sur l'article 190 du traité. En tout état de cause, le lien de rattachement entre l'accord Cembureau et les ententes bi- ou multilatérales qui ont été constatées est suffisamment explicité au paragraphe 46 de la décision attaquée.

4438. Heidelberger soutient que la décision attaquée n'explique pas la notion d'accord unique et continu. En tout état de cause, elle estime que plusieurs accords ou arrangements, tous contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, ne peuvent pas constituer un accord "unique".

4439. Selon elle, la décision attaquée est en outre totalement incompréhensible, dans la mesure où elle affirme que l'existence de l'"accord unique et continu" peut être déduite de la seule "adhésion" des producteurs au principe Cembureau (décision attaquée, paragraphe 46, point 1). Une adhésion ne saurait en effet créer un accord, supposant au contraire la préexistence d'un accord.

4440. Heidelberger soutient qu'il est contradictoire de qualifier, d'une part, l'accord Cembureau d'accord unique et continu et, d'autre part, de mettre en cause, dans le dispositif de la décision attaquée, non seulement cet accord "unique" (article 1er de la décision attaquée), mais aussi les différentes mesures de mise en œuvre de cet accord (articles 2 à 6 de la décision attaquée).

4441. Toutefois, au paragraphe 46 de la décision attaquée, la Commission expose clairement (point 1) les raisons qui l'amènent à considérer que "l'ensemble des arrangements arrêtés dans le cadre de Cembureau et des réunions et contacts bilatéraux et/ou multilatéraux [...] a constitué un 'accord unique et continu".

4442. L'argument de Heidelberger tiré de l'incohérence relevée ci-dessus au point 4439 doit aussi être rejeté. En effet, il procède d'une confusion entre la question de la preuve de l'existence de l'accord Cembureau, d'une part, et celle de la qualification d'accord unique et continu donnée aux différents arrangements constatés dans la décision attaquée, d'autre part. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la Commission a constaté l'existence de l'accord Cembureau sur la seule base des pièces documentaires directes analysées aux paragraphes 18, 19 et 45 de la décision attaquée et non sur celle des "mesures de mise en œuvre" dudit accord. Au paragraphe 46 de la décision attaquée, après avoir constaté l'adhésion des entreprises en cause à l'accord Cembureau à travers leur participation à des arrangements poursuivant le même objectif que cet accord, la Commission a qualifié l'ensemble de ces arrangements d'accord unique et continu. Aucune contradiction ou incohérence ne peut être décelée dans cette approche.

4443. Enfin, il n'y a pas davantage de contradiction, de la part de la Commission, à retenir la participation des différents destinataires de la décision attaquée à l'infraction relative à l'accord unique et continu de respect des marchés domestiques, constatée à l'article 1er de la décision attaquée, tout en détaillant, aux articles 2 à 6 de celle-ci, les différentes mesures illicites par le biais desquelles cet accord a, selon la Commission, été appliqué (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 81). En tout état de cause, il a été soutenu dans la décision attaquée que les différents arrangements visés aux articles 2 à 6 pouvaient "être considérés comme des infractions en soi" (décision attaquée, paragraphe 46, point 1, premier alinéa).

4444. Italcementi prétend que la Commission se contredit lorsqu'elle soutient, au paragraphe 53, point 4, de la décision attaquée, que chaque destinataire de la décision attaquée était responsable de toutes les infractions mises en œuvre par des parties à l'accord Cembureau, même lorsqu'elle n'y avait pas effectivement participé, alors que la Commission exclut par ailleurs la responsabilité de certaines entreprises, dont Italcementi, pour certaines infractions, notamment celles constatées aux articles 3 et 6 de la décision attaquée.

4445. Cette critique procède d'une lecture inexacte du paragraphe 53, point 4, de la décision attaquée.

4446. Celui-ci se rapporte à la question de la participation à l'accord unique relatif à l'ETF et non pas à celle de la participation à l'accord Cembureau. En outre, la Commission n'y affirme nullement ce que prétend Italcementi. Elle s'explique dans les termes suivants sur les raisons qui l'ont amenée à juger non fondées les observations formulées par certaines entreprises et associations d'entreprises pendant la procédure administrative, selon lesquelles elles ne pouvaient être tenues pour responsables des mesures étudiées par l'ETF, dès lors qu'elles n'avaient participé qu'aux réunions des chefs de délégation tenues à cette époque, à l'exclusion des réunions de l'ETF et de ses sous-groupes de travail: "[...] même si elles n'ont pas participé aux réunions de la task-force, celle-ci étant composée d'un groupe restreint, elles ont participé aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles des propositions de la task-force ont été entérinées et les mesures adoptées. Ainsi qu'il est dit au par[agraphe] 44 ci-dessus, le fait que la composition des différentes instances peut varier de l'une à l'autre ne signifie pas que toutes les activités des parties de cette structure ne soient pas imputables à tous les membres, puisque la structure agit avec et se fonde sur le concours de tous les membres."

4447. Il s'ensuit que l'argument d'Italcementi doit être rejeté.

B En ce qui concerne la participation des différentes parties requérantes à l'accord unique et continu Cembureau

4448. CBR soutient que la décision attaquée se caractérise par une absence ou une contradiction de motivation qui la place dans l'impossibilité d'apprécier avec suffisamment de précision la nature exacte des griefs dirigés contre elle et l'empêche ainsi d'assurer sa défense.

4449. A titre d'exemple, elle relève que la décision:

retient l'existence d'un accord conclu le 14 janvier 1983 et lui donne un contenu spécifique, alors qu'il n'existerait aucune preuve documentaire de l'existence et du contenu de cet accord;

retient comme preuve d'un accord de respect des marchés domestiques conclu le 14 janvier 1983 la prétendue existence d'un principe similaire depuis 30 ans;

voit dans l'existence de prétendues relations bilatérales ou multilatérales entre certaines entreprises la preuve d'un accord liant toutes les associations membres de Cembureau et leurs membres;

retient comme preuve d'un accord conclu le 14 janvier 1983 des "règles d'usage et d'éthique" dégagées de la pratique, ou des "règles de bon voisinage" que Cembureau encourageait;

soutient que les associations membres de Cembureau et leurs membres sont parties à un accord Cembureau dès lors qu'elles sont parties prenantes aux "activités de fait" de cette association;

considère que l'achat de clinker grec par CBR s'inscrivait dans les activités de l'ETF, alors que celle-ci avait été dissoute un an plus tôt;

considère qu'une coopération qui a pour objet l'exportation en dehors de la Communauté est contraire à l'article 85 du traité, sans examiner les effets réels que cette coopération pourrait avoir sur le marché communautaire.

4450. Il doit toutefois être constaté que les différentes illustrations avancées par CBR à l'appui de son moyen procèdent en réalité d'arguments au fond, qui ont déjà été examinés à l'occasion de l'appréciation du bien-fondé de la décision attaquée.

4451. Cembureau et le SFIC relèvent une contradiction dans les motifs de la décision attaquée, en ce que celle-ci, d'une part, retient leur participation à l'accord Cembureau et différentes prétendues mesures de mise en œuvre de cet accord et, d'autre part, ne leur enjoint pas de mettre fin aux infractions constatées.

4452. Il convient de rappeler que, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 (voir ci-dessus point 2), lorsque la Commission constate une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, "elle peut obliger par voie de décision les entreprises et les associations d'entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée". Ainsi, dès lors qu'aucune obligation n'incombe à la Commission sur ce point, les parties requérantes ne sauraient prétendre qu'il est contradictoire, d'une part, de constater leur participation à l'accord Cembureau et à des mesures de mise en œuvre de cet accord et, d'autre part, de ne pas leur enjoindre de mettre fin aux infractions constatées. L'argument doit donc être rejeté.

4453. Le SFIC, Ciments français, Vicat et Irish Cement estiment que le raisonnement tenu par la Commission pour fonder l'article 1er de la décision attaquée est contradictoire, en ce qu'il repose sur le postulat selon lequel toute entreprise membre d'une association nationale concernée par la conclusion de l'accord Cembureau était liée à cet accord, alors que, en définitive, seules les entreprises ayant pris une part directe à la conclusion de cet accord et celles ayant manifesté leur adhésion par des actions précises ont été sanctionnées.

4454. Cet argument repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. Dans celle-ci, la Commission n'a pas constaté que des entreprises, membres indirects de Cembureau, qui ne sont pas visées par la décision attaquée, ont participé à l'accord Cembureau, bien qu'elle ait estimé qu'une telle participation était vraisemblable "puisque l'adhésion à cet accord [avait] été donnée par les chefs de délégation assimilables aux 'représentants des gouvernements dans des organismes internationaux' [...] désignés 'pour exercer le droit de vote au sein de l'assemblée générale" (décision attaquée, paragraphe 45, point 5). Eu égard à la charge de la preuve qui lui incombe, la Commission a considéré, à juste titre, qu'elle ne pouvait retenir la participation à l'infraction des membres indirects de Cembureau que s'il était établi qu'ils avaient clairement manifesté leur adhésion à l'accord Cembureau par leur participation à une mesure de mise en œuvre de celui-ci. Aucune contradiction ne peut être décelée dans cette approche.

4455. Selon Heidelberger, la Commission se contredit lorsqu'elle déclare, d'une part, qu'elle a pris part indirectement à l'accord Cembureau et, d'autre part, qu'elle y a adhéré.

4456. Toutefois, eu égard au fait que Heidelberger n'a pas directement participé aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et confirmé, il n'est nullement contradictoire de considérer que cette entreprise a participé indirectement à cet accord à travers sa participation à des mesures de mise en œuvre de celui-ci (décision attaquée, paragraphes 45, point 10, et 65, point 3, premier alinéa).

4457. Heidelberger prétend encore que, dans la décision attaquée, la Commission n'indique pas clairement si elle lui reproche une participation directe ou bien une participation indirecte, par le biais de mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau.

4458. Cet argument doit aussi être rejeté. En effet, au paragraphe 45, point 10, de la décision attaquée, Heidelberger figure parmi les entreprises pour lesquelles la Commission constate qu'elles ont "participé indirectement à [l´]accord [Cembureau], à travers leur participation aux différents arrangements et mesures convenus pour compléter l'accord général et/ou pour concourir à son application".

4459. Dyckerhoff, Aalborg, Asland, Irish Cement, Holderbank et Blue Circle reprochent à la Commission de ne pas avoir pris en compte, dans la décision attaquée, les différentes observations qu'elles avaient émises au cours de la procédure administrative.

4460. Il y a lieu de rappeler que la Commission n'est pas tenue de fournir, dans la décision, une réponse détaillée à tous les arguments formulés par les différents destinataires de la CG au cours de la procédure administrative. Il suffit que l'exposé des motifs permette au juge communautaire d'exercer son contrôle juridictionnel de la légalité de la décision attaquée et fournisse aux entreprises et aux associations concernées les informations nécessaires afin qu'elles puissent apprécier si la décision est ou non bien fondée (arrêts cités au point 846 ci-dessus, VBVB et VBBB/Commission, point 22, BAT et Reynolds/Commission, point 72, et La Cinq/Commission, point 42). Or, il ressort de l'appréciation du bien-fondé de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée que les motifs de celle-ci donnent au Tribunal ainsi qu'aux parties requérantes une indication suffisante pour connaître les principaux éléments de fait et de droit qui sont à la base du raisonnement ayant conduit la Commission à tenir les parties requérantes concernées pour responsables de cette infraction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 juillet 1998, ITT Promedia/Commission, T-111-96, Rec. p. II-2937, point 81). L'argument doit donc être rejeté.

4461. La BCA prétend que la Commission n'a pas expliqué comment le fait que l'association britannique n'avait plus fourni d'informations à Cembureau à partir de 1985 pouvait être concilié avec la conclusion selon laquelle la BCA avait souscrit au principe du respect des marchés domestiques, alors que la Commission était convaincue, dans la CG, que la fourniture d'informations sur les prix et l'adhésion au principe Cembureau étaient étroitement liées.

4462. Dans la décision attaquée (paragraphe 45, point 12), la Commission explique que la BCA, "membre de Cembureau depuis le 1er juin 1988, répond [...], en tant que successeur, des comportements de l'ancien membre de Cembureau, [la CMF]". Elle déduit ensuite la participation de l'association britannique à l'accord Cembureau de son affiliation à Cembureau et de sa participation aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles ledit accord a été arrêté et confirmé [décision attaquée, paragraphes 45, points 1 et 10, et 65, point 3, sous a)], pour une durée dont la Commission n'est pas certaine qu'elle ait jamais pris fin (décision attaquée, paragraphe 65, point 4). Partant, le grief de la BCA tiré d'un défaut de motivation sur ce point doit être rejeté.

4463. Aker et Euroc font valoir que la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée sur la question de la compétence territoriale de la Commission à l'égard des entreprises établies en dehors de la Communauté. La Commission aurait dû détailler de manière explicite les raisons qui la conduisaient à se déclarer compétente pour appliquer l'article 85, paragraphe 1, du traité à Aker et Euroc.

4464. Il y a lieu de constater que, au paragraphe 65, point 4, de la décision attaquée, la Commission déclare que, à l'égard de ces deux parties requérantes, elle prend en compte le 9 juin 1986 comme date de début de l'infraction au motif qu'elle ne dispose pas de preuves que leur participation à l'accord Cembureau a eu des effets dans la Communauté avant cette date.

4465. Cette motivation est suffisante, dès lors que l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité à Aker et Euroc s'inscrivait dans une pratique décisionnelle de la Commission, qui avait, en outre, été consacrée par la Cour dans l'arrêt Pâtes de bois I, cité au point 1325 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique e.a./Commission, 73-74, Rec. p. 1491, point 31).

4466. L'AGCI reproche à la Commission de ne pas avoir expliqué les critères qu'elle a appliqués pour déterminer quels étaient les participants à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 qui devaient être considérés comme parties à l'accord Cembureau. Elle constate aussi une incohérence entre les motifs et le dispositif de la décision attaquée. En effet, la Commission l'aurait condamnée, ainsi que ses membres, pour une prétendue restriction au commerce intracommunautaire, alors que l'examen de leur comportement révélerait une contribution importante à celui-ci, qui aurait conduit à la formation d'une coalition des principaux producteurs européens de ciment contre eux.

4467. Ces arguments doivent être rejetés. Il ressort, en effet, des paragraphes 19 et 45 de la décision attaquée que la Commission a imputé l'infraction à l'AGCI sur la base de son affiliation à Cembureau et sur la base de sa présence aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau a été conclu et confirmé. La Commission n'avait pas à exposer les raisons pour lesquelles elle n'imputait pas cette infraction à des entreprises ou associations d'entreprises qui n'étaient pas visées par la décision attaquée.

4468. La Commission a par ailleurs expliqué les motifs pour lesquels elle considérait que l'accord Cembureau, auquel l'AGCI participait, violait les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité (décision attaquée, paragraphes 45, 46 et 52). La prétendue incohérence à laquelle se réfère l'AGCI ne vise, en substance, qu'à contester le bien-fondé de l'appréciation de la Commission relative à la gravité de la participation de l'AGCI à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée. Or, un tel argument, relevant de l'examen du bien-fondé de la décision attaquée est dénué de pertinence dans le cadre d'un moyen fondé sur l'article 190 du traité.

4469. Halkis dénonce l'absence de corrélation entre l'exposé des faits, l'appréciation juridique et le dispositif de la décision attaquée. Après avoir analysé les différents chapitres de la partie "Les faits" de la décision attaquée (chapitres 2 à 7 de la décision attaquée), elle conclut que, à l'exception de son comportement dans le cadre de l'EPC, la Commission la considère comme totalement étrangère aux prétendues ententes qui y sont décrites. Elle ajoute que, contrairement à la CG, la décision attaquée ne poursuit plus l'accord gréco-espagnol relatif à la constitution de la CMA, accord dans lequel Halkis prétend de toute manière ne pas avoir été impliquée. L'examen de l'exposé des faits présenté dans la décision attaquée l'amène encore à penser que la Commission lui a peut-être aussi reproché sa participation à des échanges d'informations sur les prix au sein de son association nationale, ainsi qu'au niveau de Cembureau, par le biais de son appartenance indirecte à ce dernier. Halkis nie cependant avoir jamais échangé de telles informations, à quelque niveau que ce soit, en ajoutant que pareils échanges d'informations ne sauraient, de toute manière, être jugés illicites. Compte tenu de tout ce qui précède, Halkis ne comprend pas comment la Commission a pu retenir sa responsabilité dans le cadre de l'accord Cembureau.

4470. Il y a lieu de constater que, dans la décision attaquée, la Commission ne retient la participation d'Halkis qu'aux infractions visées aux articles 1er et 6 du dispositif.

4471. Aux paragraphes 18 et 19 de la décision attaquée, elle énumère clairement les éléments de fait et les pièces qui l'ont amenée à conclure, au paragraphe 45, points 1 à 3, de la décision attaquée, à l'existence de l'accord Cembureau, qu'elle a qualifié d'accord unique et continu au paragraphe 46 de ladite décision. Ensuite, aux paragraphes 30, 35 à 37 de celle-ci, elle énumère les éléments de fait et les preuves documentaires sur lesquels elle se fonde pour conclure, au paragraphe 59, à l'existence, dans le cadre de l'EPC, de la pratique concertée continue de canalisation des surplus de productions vers les pays tiers, qu'elle constate à l'article 6 de la décision attaquée, et à la participation d'Halkis à cette infraction. Elle explique enfin, aux paragraphes 45, 46 et 65, que la participation d'Halkis à l'infraction visée à l'article 6 doit être considérée comme une manifestation de son adhésion à l'accord unique et continu Cembureau constaté à l'article 1er.

4472. Il s'ensuit que le grief tiré de l'absence de corrélation entre l'exposé des faits, l'appréciation juridique et le dispositif de la décision attaquée doit être rejeté.

4473. Enfin, Halkis fait valoir que, en 1988, alors que, dans la CG, la Commission l'accusait de participer à une entente globale avec les autres producteurs européens de ciment, elle entamait, au même moment, une procédure relative à l'octroi d'aides d'Etat [décision 91-144-CEE de la Commission, du 2 mai 1990, relative à une aide accordée par le Gouvernement grec à un fabricant de ciment (Halkis Cement Company) (JO 1991, L 73, p. 27)], dans laquelle elle lui reprochait d'essayer de s'introduire sur les autres marchés communautaires. Halkis reproche à la Commission de ne pas s'être expliquée sur cette attitude ambivalente, en raison de laquelle elle a été sanctionnée à la fois pour avoir prétendument restreint la concurrence sur les marchés communautaires et pour avoir tenté de s'introduire sur ceux-ci.

4474. Cet argument d'Halkis est devenu sans objet, dès lors qu'il a été constaté que la Commission n'a pas établi sa participation à l'accord Cembureau au-delà du 1er septembre 1986 (voir ci-dessus point 4417). En tout état de cause, contrairement à ce qu'Halkis cherche à faire valoir, la décision 91-144 ne lui a jamais reproché ses tentatives de pénétration des marchés communautaires. Dans cette décision, la Commission s'est uniquement prononcée sur la légalité de l'aide qui avait été accordée par le Gouvernement hellénique à Halkis. Or, aucune contradiction ne peut être décelée dans le fait de reprocher la participation d'une entreprise à une entente européenne, tout en engageant à l'encontre d'un Etat membre une procédure concernant l'octroi d'une aide illégale à cette même entreprise.

Violation des droits de la défense à l'occasion de l'accès au dossier

4475. Les arguments des parties requérantes concernées tirés d'une violation de leurs droits de la défense à l'occasion de l'accès au dossier ont déjà été largement examinés.

4476. Ainsi, tous les arguments concernant un accès insuffisant aux éléments à charge du dossier d'instruction exploités par la Commission au soutien de sa constatation de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée ont été examinés ci-dessus aux points 1111, 1112 et 1429 à 1431.

4477. S'agissant des prétendus éléments à décharge, les différents arguments des parties requérantes concernées, selon lesquels elles n'auraient pas eu accès au cours de la procédure administrative à des éléments du dossier qui leur auraient été utiles pour leur défense contre le grief concernant l'existence de l'accord Cembureau, ont été examinés ci-dessus aux points 1113 à 1295. En outre, les arguments de Cembureau et de Cementir concernant un prétendu accès insuffisant aux éléments du dossier d'instruction se rapportant à leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée ont été examinés ci-dessus aux points 1432 à 1438.

4478. Doivent encore être examinés, d'une part, les arguments que différents membres indirects de Cembureau et Unicem ont formulés dans les observations qu'ils ont déposées à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 (voir ci-dessus points 164 et 168), concernant un prétendu accès insuffisant aux éléments du dossier d'instruction se rapportant à leur participation à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée, ainsi que, d'autre part, des arguments de certains membres directs et indirects de Cembureau concernant un prétendu accès insuffisant aux éléments du dossier d'instruction se rapportant à l'unicité et à la continuité de l'accord Cembureau.

A Affaire T-25-95, CBR/Commission

4479. Dans ses observations du 12 novembre 1997, CBR présente plusieurs documents qui démontreraient que les interventions de M. Van Hove au cours de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983 s'inscrivaient dans une volonté générale de trouver une solution aux problèmes rencontrés par l'industrie du ciment dans le respect des règles européennes en matière de concurrence. Elle mentionne trois notes internes émanant de Lafarge. La première date du 16 juin 1982 (document n° 33.126/6962). Elle indique que CBR a refusé de "tordre le cou" aux indépendants allemands exerçant une forte pression sur son marché. La deuxième date du 1er décembre 1982 (document n° 33.126/6966). Elle indique que M. Van Hove semble attacher une importance exagérée aux dires de la Communauté. La troisième date du 14 janvier 1984 (document n° 33.126/7452). Elle indique que les Belges et les Néerlandais sont les plus européens.

4480. Il convient cependant de constater que ces documents ne permettent pas d'établir une violation des droits de la défense de CBR. Ils ne sont en effet pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée, dans la CG et la décision attaquée, pour constater l'existence de l'accord Cembureau [CG, paragraphes 9 et 61, sous a); décision attaquée, paragraphes 18, 19 et 45] et la participation de CBR à celui-ci à travers sa participation à des mesures prises dans le cadre de l'accord unique relatif à l'ETF [CG, paragraphes 16 à 19, 59 et 61, sous h); décision attaquée, paragraphes 24 à 27, 29, 45, point 10, 46, 53 à 55, 57 et 65, point 3].

4481. En ce qui concerne la note de Lafarge du 16 juin 1982 (document n° 33.126/6962), l'existence d'importations allemandes en Belgique dans un cas précis n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes de l'existence de l'accord Cembureau (voir ci-dessus point 1140). En outre, le fait que CBR ne soit pas intervenue en vue de faire cesser des importations en provenance d'entreprises allemandes indépendantes n'est nullement révélateur d'un éventuel non-respect par CBR des obligations découlant de l'accord Cembureau. L'objet de l'accord se limite en effet au respect des marchés domestiques et à la réglementation de transferts de ciment d'un pays à l'autre par les participants à l'accord Cembureau. Dans ces circonstances, l'accès, au cours de la procédure administrative, à la note interne de Lafarge du 16 juin 1982 (document n° 33.126/6962), qui est au surplus antérieure à la conclusion de l'accord Cembureau, n'aurait pas pu faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent.

4482. En ce qui concerne la note de Lafarge du 1er décembre 1982 (document n° 33.126/6966), il importe de replacer l'extrait commenté par CBR dans sa phrase d'origine: "Il [M. Van Hove] semble attacher une importance exagérée aux dires de la CEE, est-ce à cause de la proximité ou bien avec une idée derrière la tête: celle de faire sauter le verrou des frontières sans être dénoncé par la profession comme le fauteur de désordre." Loin de démontrer un comportement distinct de celui qui est reproché à CBR dans la décision attaquée, la note examinée tend au contraire à confirmer que cette entreprise se comportait, en décembre 1982 déjà, conformément à une règle ultérieurement arrêtée dans le cadre de l'accord Cembureau. L'accès à cette note au cours de la procédure administrative n'aurait donc pas pu non plus faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent.

4483. En ce qui concerne enfin la note interne du 14 janvier 1984 (document n° 33.126/7452), qui comporte l'observation "Belges et Holl. les +européens", elle n'est pas non plus de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée, dans la CG et la décision attaquée, pour constater la participation de CBR à l'accord Cembureau à travers sa participation à des mesures de mise en œuvre de cet accord dans le cadre de l'accord unique relatif à l'ETF. En effet, la remarque qu'elle contient est succincte, n'est assortie d'aucune explication et ne se réfère pas à un comportement particulier de CBR.

B Affaire T-30-95, FIC/Commission

4484. Dans ses observations du 20 janvier 1998, la FIC se fonde sur un document ayant trait au plan d'entreprise de la société néerlandaise ENCI pour les années 1989-1991 (documents n° 33.126/732 à 735), dont il ressortirait que cette société, lorsqu'elle fut confrontée à des importations en provenance de marchés du Sud de l'Europe, n'envisagea, comme seule réaction, qu'un effort de productivité pour améliorer sa compétitivité à l'égard de ces importations. La FIC estime que, si le prétendu accord Cembureau de respect des marchés domestiques avait existé, ENCI aurait plutôt envisagé d'essayer de rappeler les "coupables" à leurs prétendues obligations.

4485. Il y a lieu de constater d'abord que cet argument est devenu sans objet, dès lors qu'il a été constaté (voir ci-dessus points 4077 à 4079) que la Commission n'a pas démontré à suffisance la participation d'ENCI à l'accord Cembureau. En outre, le document se rapporte à une période (1989 à 1991) postérieure à celle de la participation infractionnelle à l'accord Cembureau qu'il y a lieu de retenir à l'égard de la FIC (voir ci-dessus point 4296). En tout état de cause, le fait que le document d'ENCI (documents n° 33.126/732 à 735) ne comporte aucune allusion au principe Cembureau ou aux obligations qui en découlaient pour les producteurs européens de ciment n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée pour conclure à l'existence de l'accord Cembureau et à la participation de la FIC à celui-ci [CG, paragraphes 9 et 61, sous a); décision attaquée, paragraphes 18, 19 et 45].

C Affaire T-37-95, Vicat/Commission

4486. Dans ses observations du 10 février 1997, Vicat souligne, premièrement, l'absence de liens structurels entre Buzzi et Cembureau. Elle relève ainsi que les documents n° 33.126/2945 à 2951 démontrent que les problèmes soulevés par les exportations grecques et yougoslaves ont été examinés par les producteurs de ciment italiens entre eux, sans qu'il ait été fait appel à Cembureau. En effet, lesdits documents ne comporteraient aucune mention de Cembureau. Vicat prétend également que tant les chapitres de la CG consacrés à l'Italie (chapitres 3 et 13) que les documents n° 33.126/2945 à 2951 établissent que Buzzi n'a pas pris part à la constitution de la SIPAC, société de droit italien qui aurait servi d'intermédiaire commun à plusieurs producteurs de ciment italiens pour fournir du ciment à Calcestruzzi.

4487. Elle se prévaut encore des documents n° 33.126/2929 à 2931 et 3150 à 3154 pour souligner la position isolée de Buzzi par rapport à ses concurrents nationaux, cette entreprise exprimant une vive hostilité à sa participation à un accord avec Italcementi, Unicem et Cementir. Le comportement de franc-tireur de Buzzi sur le marché italien démontrerait ainsi que ce producteur était peu enclin à des ententes, a fortiori avec une entreprise étrangère telle que Vicat.

4488. Toutefois, aussi bien dans la CG [paragraphes 9 et 61, sous a)] que dans la décision attaquée (paragraphes 18, 19 et 45), la Commission s'est fondée sur des preuves documentaires directes pour établir l'existence de l'accord Cembureau. Il en est de même pour ce qui concerne l'entente entre Vicat et Buzzi [CG, paragraphes 10 et 61, sous b); décision attaquée, paragraphes 20, points 5 à 7, et 48]. Selon la Commission, la participation de Vicat à l'entente franco-italienne visée à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée constituait, de la part de cette entreprise, une manifestation de son adhésion à l'accord Cembureau. La Commission se fonde à cet égard sur l'identité d'objet entre l'accord Cembureau et cette entente franco-italienne, ainsi que sur la considération que Vicat, en tant que membre indirect de Cembureau, a nécessairement eu conscience que, en agissant ainsi, elle mettait en œuvre l'accord Cembureau (décision attaquée, paragraphes 46 et 48). Il doit donc être constaté que, dans la CG et dans la décision attaquée, la Commission n'a nullement fondé la participation de Vicat à l'accord Cembureau et à l'entente franco-italienne sur l'existence de liens structurels entre Buzzi et Cembureau. Au contraire, au paragraphe 48, point 2, de la décision attaquée, elle a expressément indiqué: "Il est vrai que Buzzi n'est pas membre de Cembureau, mais il est vrai aussi que les trois producteurs français en cause [à savoir Vicat, Ciments français et Lafarge] le sont indirectement à travers leur association. Même si Buzzi n'était pas membre de Cembureau, elle a appliqué en fait, à travers ses contacts avec les producteurs français, qui, eux, étaient en liaison avec Cembureau, l'accord en cause." Partant, si Vicat avait pu démontrer l'inexistence d'un lien structurel entre Buzzi et Cembureau au cours de la procédure administrative sur la base des documents cités ci-dessus aux points 4486 et 4487, cette procédure n'aurait pas pu aboutir à un résultat différent. En outre, l'absence de mention de l' accord Cembureau ou de Cembureau dans ces documents, ainsi que la position spécifique de Buzzi sur le marché italien, qui ressortirait des mêmes documents, ne sont pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée, dans la CG et la décision attaquée, pour constater la participation de Vicat à l'accord Cembureau à travers sa participation à une concertation illicite avec Buzzi [CG, paragraphes 10, 59 et 61, sous b); décision attaquée, paragraphes 20, points 5 à 7, 45, point 10, 46, 48, et 65, point 3].

4489. Deuxièmement, Vicat cite des documents qui, selon elle, démontreraient qu'elle n'a pas participé indirectement aux activités de Cembureau. Elle souligne qu'il existe des documents démontrant que les représentants d'Oficemen à Cembureau étaient désignés et mandatés par le comité de direction de cette association (documents n° 33.322/1334 à 1346 et 1348 à 1353) et que les représentants de la CMF à Cembureau étaient aussi désignés par leur association (documents n° 33.126/17073 à 17075 et 17199 à 17202). L'absence de documents de même nature concernant les représentants du SFIC indiquerait que la Commission ne dispose pas des moyens de preuve nécessaires pour établir la participation, même indirecte, de Vicat à Cembureau.

4490. Cet argument doit être rejeté. En effet, la Commission n'a jamais prétendu que la participation de Vicat à l'accord Cembureau reposait sur la preuve de la nomination d'un délégué national particulier. Au contraire, la preuve de la participation de Vicat à l'accord Cembureau repose, aussi bien dans la CG [paragraphes 10, 59 et 61, sous b)] que dans la décision attaquée [paragraphes 45, point 10, 46, 48, et 65, point 3], sur la participation de cette entreprise à une mesure de mise en œuvre de cet accord.

4491. Troisièmement, Vicat mentionne des documents qui démontreraient l'absence de lien entre l'entente hispano-portugaise et l'accord Cembureau. Elle soutient que les documents n° 33.322/1406 à 1408 et 1410 à 1412 lui auraient permis de démontrer que Cembureau n'était pas impliqué dans les relations bilatérales entre producteurs de ciment, même lorsque ces relations allaient jusqu'à l'élaboration d'un accord de limitation des exportations. Elle insiste sur l'absence de référence à Cembureau ou à un principe Cembureau dans ces documents. En outre, elle relève que les échanges qu'elle a eus avec Buzzi ont été beaucoup plus rares et moins précis que ceux entre les producteurs de ciment espagnols et portugais.

4492. Cet argument doit aussi être rejeté. En effet, l'existence d'une entente bilatérale entre les producteurs espagnols et portugais n'a pas été retenue par la Commission pour établir la participation de Vicat à l'accord Cembureau. Cette participation est fondée, dans la CG et dans la décision attaquée, sur une participation de l'entreprise à une pratique concertée avec Buzzi, qui constituait, de la part de Vicat, une mise en œuvre de l'accord Cembureau. Les documents n° 33.322/1406 à 1408 et 1410 à 1412 relatifs à l'entente hispano-portugaise ne sauraient dès lors donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes retenues dans la CG et dans la décision attaquée pour établir la réalité de la pratique concertée entre Vicat et Buzzi et de la participation de Vicat à l'accord Cembureau [CG, paragraphes 10, 59 et 61 sous b); décision attaquée, paragraphes 20, points 5 à 7, 45, point 10, 46, 48, et 65, point 3].

4493. Dans ses observations du 8 janvier 1998, Vicat présente encore plusieurs documents qui établiraient qu'elle n'a pas participé à un prétendu accord Cembureau.

4494. Premièrement, elle cite les documents n° 33.126/370, 371, 387, 423, 623, 630, 632, 673, 674 et 1543 à 1547 relatifs à l'entente franco-belge visée dans la CG, pour soutenir que la Commission a délibérément gardé sous silence une entente nationale belge dont elle avait pourtant reçu notification et sur laquelle elle avait pris une position plutôt positive. Elle prétend qu'il s'agit d'un élément objectif qui aurait été de nature à étayer, par des faits concrets, l'explication alternative du comportement des producteurs européens de ciment en raison de rigidités naturelles ou objectives dans les différents marchés nationaux. Elle souligne en outre que le document n° 33.126/18023, qui contient les réponses de l'entreprise belge CCB (voir ci-dessus point 1169) aux questions écrites des agents de la Commission, aurait été utile à sa défense au titre du grief relatif à sa participation à une prétendue entente franco-belge.

4495. Il doit toutefois être constaté que les commentaires que formule Vicat sur la base des documents précités ne démontrent pas une violation de ses droits de la défense. D'une part, Vicat ne saurait se prévaloir de documents étayant son analyse du marché en cause pour contester l'existence de l'accord Cembureau, qui a été établie sur la base de preuves documentaires directes (voir ci-dessus point 264). D'autre part, force est de constater que, dans la décision attaquée, il n'est nulle part reproché à Vicat d'avoir participé à une entente franco-belge. L'accès aux documents précités n'aurait dès lors pas été de nature à amener la Commission à adopter une décision différente sur ce point. Son argument doit donc être rejeté.

4496. Vicat présente, deuxièmement, plusieurs documents qui établiraient la spécificité de sa position sur le marché français et l'indépendance de sa stratégie commerciale à l'égard de ses concurrents. Elle se réfère ainsi à des notes internes de Lafarge du 25 avril 1988 (documents n° 33.126/4621 à 4624) et du 21 avril 1989 (documents n° 33.126/4796 à 4804), ainsi qu'à un compte rendu de Lafarge d'une mission effectuée à Bruxelles le 11 novembre 1987 (documents n° 33.126/7418 à 7428), dont le contenu démontrerait, par comparaison, sa position atypique sur le marché français et sur le marché européen et son absence d'intérêt pour des ententes impliquant des entreprises d'autres pays européens.

4497. Toutefois, les documents précités n'auraient été d'aucune utilité pour la défense de Vicat au cours de la procédure administrative. En effet, l'appréciation de la position concurrentielle particulière de Vicat et de son intérêt à prendre part à des ententes internationales n'était pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée, dans la CG et dans la décision attaquée, pour établir l'existence de l'accord Cembureau et la participation de Vicat à celui-ci à travers une entente illicite avec Buzzi [CG, paragraphes 9, 10, 59 et 61, sous b); décision attaquée, paragraphes 18, 19, 20, points 5 à 7, 45, point 10, 46, 48, et 65, point 3].

D Affaire T-39-95, Ciments français/Commission

4498. Ciments français prétend, dans ses observations du 10 février 1997, que le contenu des dossiers nationaux lui aurait permis de démontrer l'absence de lien du prétendu accord Cembureau avec l'entente franco-allemande, avec l'entente hispano-portugaise, avec l'entente franco-italienne et avec les actions de l'ETF. Elle fait valoir que les documents concernant les ententes nationales ne contiennent aucune référence à Cembureau ou à un accord Cembureau.

4499. Cet argument doit être rejeté. En effet, le fait que les documents relatifs aux ententes nationales ne contiennent aucune référence à Cembureau ou à l'accord Cembureau n'est pas de nature à donner un éclairage différent aux éléments de preuve sur lesquels la Commission s'est fondée, dans la CG et la décision attaquée, pour démontrer l'existence de l'accord Cembureau et du lien entre les différentes ententes internationales et cet accord (CG, paragraphes 9 à 19, 27 à 29, 59, 61 et 67; décision attaquée, paragraphes 18 à 27, 30, 35 à 37, 45 à 55, 59 et 65).

E Affaire T-42-95, Heidelberger/Commission

4500. Dans ses observations du 20 février 1998, Heidelberger invoque un télex de M. Schuhmacher à M. Schleicher daté du 16 mars 1984 (documents n° 33.126/5217 et 5218). Le contenu de ce document permettrait de constater que, pendant sa participation à la réunion du 14 janvier 1983, M. Schuhmacher ne percevait pas précisément les contours de la notion et de la fonction de chef de délégation. Celui-ci aurait ainsi confondu la réunion des chefs de délégation avec celle du groupe de liaison, dans le cadre de laquelle aucun sujet contraire à la réglementation communautaire sur les ententes n'aurait été abordé. M. Schuhmacher, ignorant manifestement sa fonction dans le cadre du système que la Commission croit avoir décelé au sein de Cembureau, n'aurait pas pu engager l'industrie allemande dans une entente contraire aux dispositions du traité.

4501. Toutefois, il doit être constaté que M. Schuhmacher, qui a rédigé le télex invoqué, était à l'époque le président du conseil d'administration de Heidelberger. Le document en question était donc connu de Heidelberger au moment de la procédure administrative. Si Heidelberger avait estimé à cette époque que ce document contenait des éléments à sa décharge, rien ne l'aurait empêchée de les invoquer au cours de la procédure administrative. Il ne saurait donc être question d'une violation de ses droits de la défense (voir ci-dessus point 248). En tout état de cause, le télex n'aurait pas été de nature à donner un éclairage différent au faisceau de preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée pour conclure à l'existence de l'accord Cembureau (CG, paragraphes 9 et 61; décision attaquée, paragraphes 18, 19 et 45) ainsi qu'à la mise en application de cet accord par Heidelberger, notamment à travers sa participation à l'entente franco-allemande et à la constitution de l'ETF [CG, paragraphes 12, 16, 17, 59 et 61, sous d) et sous h); décision attaquée, paragraphes 22, 24, 25, 45, point 10, 46, 50, 53, et 65, point 3].

F Affaire T-50-95, Unicem/Commission

4502. Dans ses observations du 28 novembre 1997, Unicem soutient que plusieurs documents (documents n° 33.126/4140 à 4142 et 6619 à 6622) auxquels elle a eu accès à la suite des mesures d'organisation de la procédure confirment que son marché interne ne pouvait pas, en raison de la forte fragmentation de l'offre qui le caractérise, être le théâtre des collusions que la Commission a cru pouvoir y déceler. Ces documents démontreraient également que les producteurs de ciment italiens n'étaient pas à même de préparer des mesures de rétorsion coordonnées à l'encontre des importations de l'étranger, en raison du grand nombre d'acteurs sur le marché, et qu'ils n'étaient pas en position d'exporter, dès lors que le marché italien ne relevait pas d'un marché transfrontalier "naturel", comme c'était le cas, par exemple, des marchés de l'Allemagne de l'Ouest, de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg et du nord de la France (voir documents n° 33.126/939, 1081, 1107, 2550, 7810, 7835, 7857, 7858, 8107 et 9212). Un document de Lafarge de juin 1985 (document n° 33.126/6852) attesterait d'ailleurs explicitement que, en raison de la distance entre les cimenteries d'Unicem et la côte, des infrastructures portuaires insuffisantes et de la puissance des syndicats de dockers, il était impossible pour Unicem d'exporter de manière rentable.

4503. Se référant aux documents mentionnés ci-dessus au point 1224, relatifs aux ententes nationales, Unicem fait encore valoir qu'elle n'a participé à aucune initiative de "verrouillage" des marchés nationaux.

4504. Il convient tout d'abord de rappeler que seuls les griefs internationaux ont été poursuivis par la Commission dans la décision attaquée, à l'exclusion des griefs nationaux. Le seul grief international impliquant uniquement des producteurs italiens qui a été retenu dans la décision attaquée est l'accord entre Italcementi, Cementir et Unicem, relatif aux contrats et aux conventions signés les 3 et 15 avril 1987 avec la société italienne Calcestruzzi [article 4, paragraphe 3, sous b)]. A cet égard, force est de constater que les explications fondées sur l'analyse économique du marché italien, qu'Unicem aurait pu faire valoir, à partir des documents qu'elle met en avant dans ses observations du 28 novembre 1997, pour contester la possibilité de collusions sur son marché interne, n'auraient pas été de nature à donner un éclairage différent au faisceau de preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est appuyée pour conclure à l'existence de cet accord entre les trois principaux producteurs de ciment italiens, ainsi qu'à sa finalité anticoncurrentielle, qui était d'éviter une menace d'importation, par Calcestruzzi, dans une dizaine de ports, de 1,5 million de tonnes de ciment en provenance de Grèce, ce qui aurait été catastrophique pour les prix [CG, paragraphes 19, sous d), et 61, sous h); décision attaquée, paragraphe 27, particulièrement points 5 et 7 à 11, et paragraphe 55, point 2].

4505. Il y a lieu ensuite d'observer que les trois producteurs italiens, dont Unicem, ont fait valoir, dans leur mémoire en réponse à la CG, que "l'Italie ne pouvait pas être concernée par l'accord sur le respect des marchés domestiques puisqu'elle [...] n'exportait pas" (décision attaquée, paragraphe 45, point 14). Pour les raisons énoncées au paragraphe 45, point 14, de la décision attaquée, la Commission a toutefois estimé que "[c]ette prise de position n'[était] pas correcte" et que, en tout état de cause, elle était dépourvue de pertinence, car "il n'en [restait] pas moins que les entreprises de [ce] pays [membre] de Cembureau [avaient] participé à un accord ayant un objet anticoncurrentiel". Partant, les commentaires additionnels qu'Unicem aurait pu faire valoir pour démontrer qu'il lui était impossible, comme aux autres producteurs italiens, d'exporter de manière rentable n'auraient, de toute évidence, pas été de nature à conduire la procédure administrative à un résultat différent.

4506. Ensuite, Unicem affirme qu'il ressort des éléments de preuve auxquels elle a eu accès à la suite des mesures d'organisation de la procédure que les comportements locaux, les actions individuelles, les relations et les accords bilatéraux recensés à l'époque parmi les producteurs européens de ciment se sont déroulés de manière totalement autonome par rapport à un prétendu accord européen de respect des marchés domestiques. Elle souligne que la documentation qu'elle a pu consulter ne contient aucune allusion à un quelconque dessein global visant à garantir, à l'échelon européen, le respect des marchés domestiques. Cela contredirait ainsi clairement la thèse de la Commission selon laquelle les différentes actions et formes de coopération bilatérales ou multilatérales qui ont pu être observées sur les marchés avaient pour assise un principe Cembureau de répartition des marchés nationaux. Les différents dossiers nationaux attesteraient en réalité que chacune des actions constatées sur les marchés relevait de la responsabilité propre du ou des producteurs concernés et répondait à des contraintes commerciales et à des impératifs de production spécifiques à chaque marché.

4507. Unicem se fonde tout d'abord sur le document n° 33.126/375, qui correspond au procès-verbal du comité de direction de Ciments d'Obourg du 26 juin 1987. Il ressortirait de cette pièce que, lorsque des producteurs de ciment étaient menacés par des importations, ils décidaient seuls de mesures de rétorsion. Unicem invoque ensuite une série de documents relatifs, successivement, à la coopération franco-allemande (documents n° 33.126/14763, 14801 à 14803, 16383 à 16389, 16600 à 16608 et chapitres de la CG relatifs à l'Allemagne), aux accords allemands d'échanges d'informations et de répartition des marchés régionaux (p. 176 à 262 du dossier allemand et documents n° 33.126/20382, 20383, 20416 à 20431, 20433 à 20442, 20498 et 20560 à 20571), aux démarches fructueuses des producteurs allemands destinées à convaincre la société PZW d'adhérer à l'association nationale et aux accords locaux d'attribution de quotas de production (documents n° 33.126/3740, 3741, 5385 à 5388, 5392 à 5394, 6687, 6710 à 6714, 7041 bis à 7041 decies, 16545, 16546, 16559, 16560, 16588 à 16595, 20386 à 20397, 20405, 20492 à 20497 et 20499), à la coopération ibérique (documents n° 33.322/311, 996 à 1011 et 2897 à 2903) et à la coopération franco-britannique (document n° 33.126/17220). Tous ces documents démontreraient l'indépendance totale de ces agissements locaux et de ces accords bilatéraux par rapport à une prétendue entente européenne de respect des marchés domestiques. La documentation relative aux accords bilatéraux, en particulier les documents se rapportant aux coopérations ibérique et franco-allemande, prouverait aussi que ces accords suffisaient amplement à garantir l'harmonisation des intérêts respectifs des marchés, sans qu'il ait été nécessaire de recourir, à cette fin, à un principe général européen. Unicem considère encore que, si elle avait eu accès à la documentation relative aux accords franco-allemand et ibérique, elle aurait pu étayer son argumentation en défense selon laquelle elle était totalement étrangère aux relations bi- ou multilatérales qui ont pu exister entre certains producteurs européens.

4508. Toutefois, aucun grief national n'a été retenu dans la décision attaquée. En outre, celle-ci n'a imputé à Unicem aucune des ententes bilatérales qui ont été retenues à l'article 3, à savoir les ententes franco-italiennes (article 3, paragraphe 1), l'entente ibérique (article 3, paragraphe 2) et l'entente franco-allemande (article 3, paragraphe 3). Par conséquent, les commentaires qu'Unicem aurait pu faire valoir au cours de la procédure administrative, pour démontrer l'absence de lien entre ces ententes nationales, bi- et multilatérales et l'accord Cembureau, n'auraient pas pu faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent à son égard.

4509. En tout état de cause, ni l'absence d'allusion, dans les différents documents qu'Unicem invoque, à une entente ou à un principe Cembureau de respect des marchés domestiques, ni les commentaires qu'Unicem aurait pu développer sur l'autonomie des actions individuelles et des relations et accords bilatéraux recensés sur les différents marchés, ainsi que sur l'efficacité de ces relations et accords à garantir, seuls, l'harmonie des intérêts respectifs des marchés, n'auraient été de nature à donner un éclairage différent au faisceau de preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée pour conclure à l'existence de l'accord Cembureau (CG, paragraphes 9 et 61; décision attaquée, paragraphes 18, 19 et 45), ainsi qu'à la mise en application de cet accord par Unicem, à travers sa participation à différentes mesures dans le cadre de l'accord unique relatif à l'ETF [CG, paragraphes 16 à 19, 59 et 61, sous h); décision attaquée, paragraphes 24 à 27, 45, point 10, 46, 53 à 55 et 65, point 3].

G Affaire T-55-95, Asland/Commission

4510. Asland prétend, dans ses observations du 10 février 1997, qu'il n'existe aucun indice, dans les documents auxquels elle a eu accès, qui permette de conclure qu'elle a manifesté de manière claire et délibérée son adhésion au prétendu accord Cembureau.

4511. Toutefois, elle n'explique pas en quoi l'absence d'indice de sa participation à l'accord Cembureau dans les documents qui ne lui ont pas été accessibles au cours de la procédure administrative est de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes qui lui ont été accessibles et sur lesquelles la Commission s'est fondée pour conclure à l'existence de l'accord Cembureau [CG, paragraphes 9 et 61, sous a); décision attaquée, paragraphes 18, 19 et 45] et à l'adhésion d'Asland à cet accord à travers sa participation à la constitution de l'ETF [CG, paragraphes 17, 59 et 61, sous h); décision attaquée, paragraphes 25, 45, point 10, 46, 53, et 65, point 3]. Son argument doit donc être rejeté.

H Affaire T-65-95, Italcementi/Commission

4512. Dans ses observations du 10 février 1997, Italcementi souligne qu'il ressort du dossier allemand qu'aucun lien n'aurait pu exister entre l'entente franco-allemande et le prétendu accord Cembureau.

4513. Toutefois, cet argument manque de pertinence quant à l'établissement d'une violation de ses droits de la défense. En effet, le grief franco-allemand visé à l'article 3, paragraphe 3, de la décision attaquée n'a pas été imputé à Italcementi. Partant, ces commentaires n'auraient pas pu aboutir à un résultat différent à son égard. En tout état de cause, ils n'auraient pas été de nature à donner un éclairage différent aux différents éléments de preuve sur lesquels la Commission s'est appuyée, dans la CG et dans la décision attaquée, pour conclure que l'entente franco-allemande avait été, à partir du 14 janvier 1983, une mesure d'application de l'accord Cembureau [CG, paragraphes 12 et 61, sous d); décision attaquée, paragraphes 22, 46 et 50, point 3].

I Affaire T-88-95, Blue Circle/Commission

4514. Dans son mémoire du 12 décembre 1997, Blue Circle soutient que le fait qu'aucun des documents auxquels elle a eu accès à la suite des mesures d'organisation de la procédure ne mentionne sa participation à l'accord Cembureau constitue un élément à sa décharge.

4515. Toutefois, elle n'explique pas en quoi l'absence de référence à sa participation à l'accord Cembureau dans les documents qui lui ont été accessibles au cours de la présente procédure est de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée pour conclure à l'existence de l'accord Cembureau [CG, paragraphes 9 et 61, sous a); décision attaquée, paragraphes 18, 19 et 45] et à l'adhésion de Blue Circle à cet accord à travers sa participation à différentes mesures prises dans le cadre de l'accord unique relatif à l'ETF [CG, paragraphes 16 à 19, 59 et 61, sous h); décision attaquée, paragraphes 25 à 27, 45, point 10, 46, 53 à 55 et 65, point 3] et à travers sa participation aux activités de l'EPC (CG, paragraphes 24, 27 à 29, 59 et 67; décision attaquée, paragraphes 30, 35 à 37, 45, point 10, 46, 59 et 65, point 3). Son argument doit donc être rejeté.

Conclusions finales

4516. Il ressort de tout ce qui précède que l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans son intégralité à l'égard d'ENCI, de Cedest, d'Alsen-Breitenburg, de Nordcement, de Buzzi, de Rugby, de Castle, d'Heracles et de Titan.

4517. Le même article du dispositif doit être annulé dans la mesure où il constate la participation à l'infraction:

- de CBR, avant le 9 juin 1986 et au-delà du 7 novembre 1988;

- de Cembureau, au-delà du 31 décembre 1988;

- de la FIC, au-delà du 31 décembre 1988;

- de la VNC, au-delà du 31 décembre 1988;

- de Ciments luxembourgeois, au-delà du 31 décembre 1988;

- de Dyckerhoff, au-delà du 7 novembre 1988;

- du SFIC, au-delà du 31 décembre 1988;

- de Vicat, avant le 11 mai 1983 et au-delà du 23 avril 1986;

- de Ciments français, au-delà du 17 février 1989;

- de Heidelberger, au-delà du 12 août 1987;

- de Lafarge, au-delà du 19 mai 1989;

- d'Aalborg, au-delà du 31 décembre 1988;

- du BDZ, au-delà du 31 décembre 1988;

- d'Unicem, avant le 9 septembre 1986 et au-delà du 3 avril 1992;

- de Valenciana, au-delà du 13 mai 1987;

- de la BCA, au-delà du 31 décembre 1988;

- d'Asland, avant le 28 mai 1986 et au-delà du 31 mai 1987;

- d'Uniland, avant le 9 septembre 1986 et au-delà du 7 novembre 1988;

- d'Oficemen, au-delà du 24 avril 1989;

- d'Irish Cement, au-delà du 31 décembre 1988;

- de Cimpor, au-delà du 24 avril 1989;

- de Secil, au-delà du 24 avril 1989;

- de l'ATIC, au-delà du 31 décembre 1988;

- d'Italcementi, avant le 19 mars 1984 et au-delà du 3 avril 1992;

- de Holderbank, au-delà du 7 novembre 1988;

- d'Hornos Ibéricos, au-delà du 19 mai 1989;

- d'Aker, au-delà du 7 novembre 1988;

- d'Euroc, au-delà du 7 novembre 1988;

- de Cementir, au-delà du 3 avril 1992;

- de Blue Circle, avant le 18 novembre 1983 et au-delà du 7 novembre 1988;

- de l'AGCI, au-delà du 31 décembre 1988;

- d'Halkis, avant le 18 novembre 1983 et au-delà du 1er septembre 1986.

4518.

Les moyens examinés doivent être rejetés pour le surplus.

XIII Sur les moyens tirés de violations des articles 85, paragraphe 1, et 190 du traité et des droits de la défense, en ce que la Commission constate l'existence, dans le cadre du WCC, d'infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité et la participation des différentes parties requérantes mises en cause (article 7 de la décision attaquée)

Observations liminaires

4519. Aux termes de l'article 7 de la décision attaquée, Italcementi, Dyckerhoff, Lafarge, Ciments français, CBR, du 6 mai 1982 au 26 mai 1988, et Valenciana, du 1er janvier 1986 au 26 mai 1988, "ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant, dans le cadre du WCC, à la pratique concertée et à l'accord relatifs au respect des marchés domestiques, à la pratique concertée continue relative à la canalisation vers l'exportation dans les pays tiers des surplus de production, à une pratique concertée continue relative aux échanges d'informations individualisées par entreprise sur les capacités productives, les productions, les ventes internes et à l'exportation, les prix internes pour le ciment blanc et pour le ciment gris et les prix à l'exportation".

4520. Les développements consacrés à ces infractions sont repris, dans l'exposé des faits, aux paragraphes 38 à 41 et, dans l'appréciation juridique, aux paragraphes 61 à 63 de la décision attaquée.

4521. La Commission présente d'abord le cadre dans lequel ces infractions auraient été commises, à savoir le WCC, en précisant l'objectif poursuivi par les membres de celui-ci et les activités illicites auxquelles ils se seraient livrés.

4522. Au paragraphe 38, point 1, de la décision attaquée, elle relève ainsi, en se prévalant d'une note manuscrite sans date de Ciments français (document n° 33.126/4454), d'une note interne de Ciments français du 7 mars 1989 (documents n° 33.126/4466 et 4467) et du compte rendu de la réunion du WCC du 3 octobre 1985 établi par CBR (documents n° 33.126/9962 à 9966), que "le WCC [était] un club qui regroup[ait] des producteurs européens de ciment blanc qui export[ai]ent". Il se serait agi (paragraphe 38, point 2) d'un club informel, sans statuts ni acte constitutif, dont le secrétariat était assuré à tour de rôle par les membres.

4523. La Commission ajoute (même point):

"Les seules certitudes sur [le] WCC, d'après les comptes rendus des réunions des 6 et 7 mai 1982 au 26 mai 1988 versés au dossier, sont que ses membres se réuniss[ai]ent deux fois par an, que l'activité du club [était] appuyée par un White Cement Promotion Committee (WCPC), composé uniquement par les membres du WCC [...], qui s'occup[ait] de la promotion du ciment blanc et de l'échange d'informations sur ses diverses utilisations."

4524. Elle indique également (paragraphe 38, point 5):

"Selon une note d'Italcementi du 30 août 1985 (document n° 33.126/2802), qui rappelle que le WCC n'[était] pas une émanation de Cembureau bien qu'il ait été constitué depuis plusieurs années par des membres de Cembureau, les membres fondateurs du WCC ont été: Aalborg Portland (Danemark), Alsen-Breitenburg et Dyckerhoff (Allemagne), CBR (Belgique), Lafarge (France), Blue Circle (Royaume-Uni), Italcementi (Italie); sont devenus membres successivement, d'abord Ciments français (France), ensuite Valenciana (Espagne) [...]"

4525. Elle ajoute (paragraphe 39, point 7):

"En janvier 1984 (documents n° 33.126/2850 à 2852), Italcementi, Dyckerhoff, Lafarge, Ciments français et CBR se sont réunis en comité restreint et, après avoir constaté que la coopération avec Aalborg n'était plus possible, ont décidé de suspendre le vieux WCC et d'en créer un nouveau [...]"

4526. Se référant au contenu d'une note interne d'Italcementi du 30 avril 1984 (paragraphe 39, point 8; documents n° 33.126/2842 à 2844), elle constate que le nouveau WCC, composé de ces cinq entreprises et de Valenciana, a tenu sa première réunion le 13 mars 1984.

4527. La Commission fait ensuite état des activités illicites auxquelles se seraient livrées les parties requérantes en cause dans le cadre du WCC. Ces activités auraient consisté, d'une part, à instaurer une coopération étroite fondée sur la double règle du respect des marchés domestiques et de canalisation des surplus de production en dehors du marché communautaire, et, d'autre part, à échanger des informations individualisées par entreprise sur une série de données: capacités productives, productions, ventes internes et à l'exportation, prix internes pour le ciment blanc et pour le ciment gris, prix à l'exportation.

4528. En ce qui concerne le premier volet de ces activités, la Commission expose (paragraphe 61, points 1 et 2):

"Les documents mentionnés au paragraphe 39 révèlent que l'objet du WCC est la protection des marchés intérieurs des membres et l'exportation de leurs surplus de production dans un accord général.

Les membres du WCC ont instauré une coopération étroite et une communauté d'intérêts dans laquelle la division des marchés communautaires constitue la base d'un consensus général entre eux. Pour que cette division soit efficace, elle a été renforcée par la pratique de canalisation vers l'exportation dans les pays tiers de la partie de la production non absorbable par les marchés des pays dans lesquels chaque membre est installé. Protection des marchés intérieurs et canalisation vers l'exportation des surplus de production constituent donc deux aspects indissociables d'une même obligation."

4529. Quant au second volet des activités du WCC, la Commission affirme (paragraphe 62, point 1):

"Le système d'échange d'informations (paragraphe 40), en vertu duquel les membres du WCC se communiquent aux réunions des données individualisées par entreprise portant sur les capacités productives, les productions, les ventes internes et à l'exportation, les prix internes pour le ciment blanc et pour le ciment gris et les prix à l'exportation [...] a pour objet de faire connaître le comportement que chaque membre envisage de tenir sur les différents marchés communautaires et à l'exportation et crée, entre les entreprises qui y participent, un système de solidarité et d'influence réciproques visant à réaliser une coordination de leurs activités économiques."

4530. CBR (T-25-95), Dyckerhoff (T-35-95), Lafarge (T-43-95), Valenciana (T-52-95) et Italcementi (T-65-95) contestent tant l'existence de ces infractions que leur participation à celles-ci. Ciments français (T-39-95) ne consacre aucun moyen de son recours à la contestation formelle de l'infraction visée à l'article 7 de la décision attaquée. Les griefs formulés par les parties requérantes portent tant sur l'appréciation du contexte économique des infractions retenues à l'article 7 que sur l'interprétation des éléments de preuve présentés par la Commission dans la décision attaquée. Des arguments sont aussi tirés de la prescription des faits reprochés. Valenciana et Italcementi invoquent également une violation de leurs droits de la défense découlant de l'absence d'accès, au cours de la procédure administrative, à des pièces du dossier de la Commission qui auraient pu être utiles à leur défense, au regard des griefs finalement retenus à l'article 7 de la décision attaquée.

Protection des marchés intérieurs et exportation coordonnée des surplus de production en dehors de la Communauté

4531. Au paragraphe 39 de la décision attaquée, la Commission mentionne cinq documents qui la conduisent à considérer (paragraphe 61, point 1) que "l'objet du WCC [était] la protection des marchés intérieurs des membres et l'exportation de leurs surplus de production dans un accord général".

4532. Elle cite, en premier lieu (paragraphe 39, point 1; document n° 33.126/4454), une note manuscrite sans date de Ciments français, selon laquelle le WCC "est un club: objet: protection des marchés intérieurs règle: chacun respecte ses marchés intérieurs et exporte ses surproductions dans un consensus général".

4533. En deuxième lieu, elle explique (paragraphe 39, point 2):

"Cet objet et cette règle sont confirmés par certains comptes rendus des réunions du WCC. Le compte rendu de la réunion du 9 mai 1985, fait par Ciments français (documents n° 33.126/2793 à 2798) affirme au point 2 'Relations avec Aalborg/BC et ABZ/Japon, que la décision a été prise de ne plus convoquer Aalborg aux réunions et [i]ls [les membres du WCC présents lors de la réunion du 9 mai 1985] rappellent que le respect des 'home markets est la condition sine qua non aux participations au WCC ou au WCPC."

4534. En troisième lieu, elle reproduit in extenso (paragraphe 39, point 3; documents n° 33.126/9958 à 9961) les conclusions générales des commentaires formulés par CBR dans une note interne consécutive à la réunion du WCC du 3 octobre 1985, et notamment les conclusions suivantes:

"Les membres actuels respectent entre eux une certaine règle du jeu, mais jusqu'à quand? (Exemple de la Tunisie.)

La plupart des cimentiers blancs vivent confortablement à l'intérieur de leurs frontières [...]

Ce respect du home market ne nous convient pas bien, car il limite de fait notre marché naturel au Benelux."

4535. Enfin, en quatrième lieu, elle se prévaut du contenu de deux comptes rendus de réunions du WCC.

4536. Elle vise d'abord (paragraphe 39, point 4; documents n° 33.126/9874 et 9875) un extrait du compte rendu de la réunion du 2 octobre 1986 établi par CBR, dont le point "1° Aalborg" relate la conversation suivante entre Ciments français et Aalborg:

(Aalborg) "Vous ne voulez toujours pas de nous au WCC";

(Ciments français) "Vous [savez] bien pour quelles raisons vous n'êtes plus dans le WCC. Nous sommes tous touchés proportionnellement aux exportations que nous faisions. Il y avait un gentlemen's agreement (to) respect home market."

4537. La Commission vise ensuite (paragraphe 39, point 4; documents n° 33.126/2737 à 2739) un compte rendu d'Italcementi relatif à la même réunion, qui indique:

"M. Leboeuf [représentant de Ciments français] a saisi l'occasion pour rappeler le respect des marchés nationaux."

4538. Les parties requérantes formulent, en substance, six arguments distincts pour contester le caractère illicite de l'objet du WCC.

4539. En premier lieu, CBR, Dyckerhoff, Lafarge, Valenciana et Italcementi prétendent que l'unique objet du WCC était de promouvoir les exportations de ses membres vers les pays tiers à la Communauté, notamment à travers des échanges d'informations sur les marchés à la grande exportation, de sorte que les activités du WCC n'auraient eu aucune incidence sur la concurrence dans le marché communautaire du ciment. Dyckerhoff ajoute que, si le WCC était effectivement chargé de promouvoir la vente dans les pays tiers des quantités de ciment blanc que ses membres ne pouvaient pas écouler dans la Communauté, il ne s'agissait pas d'une activité contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, puisque les entreprises membres du WCC restaient libres de décider de manière autonome de la vente de leur production. Lafarge souligne pour sa part que le WCC n'avait nullement pour objet de canaliser les surplus de production de ses membres en dehors de la Communauté, mais d'obtenir les meilleurs prix, les procès-verbaux des réunions du WCC traitant d'ailleurs uniquement de la grande exportation.

4540. Il y a d'abord lieu de constater qu'il ressort des différents documents évoqués au paragraphe 40 de la décision attaquée que la coopération entre les membres du WCC a visé tous les domaines, et non la seule grande exportation en dehors de la Communauté: capacités productives (actuelles et futures) et productions; ventes et prévisions de ventes sur les marchés nationaux; ventes et prévisions de ventes à l'exportation; prix à l'exportation; prix sur les marchés nationaux. Il est donc indéniable que les membres du WCC analysaient et échangeaient mutuellement des informations sur leurs politiques commerciales, tant domestiques qu'à l'exportation.

4541. Ensuite, les allégations des parties requérantes ne sauraient occulter le contenu du faisceau des pièces visées par la Commission au paragraphe 39, points 1 à 4, de la décision attaquée (voir ci-dessus points 4531 à 4537), qui atteste sans équivoque que le véritable objet du WCC était le respect des marchés domestiques des membres, ainsi que la canalisation de leurs surplus de production vers les pays tiers en vue de garantir le premier objectif.

4542. A la lecture de ces différentes pièces, la Commission était fondée à considérer (paragraphe 61, point 1) que "l'objet du WCC [était] la protection des marchés intérieurs des membres et l'exportation de leurs surplus de production dans un accord général".

4543. Or, l'article 85, paragraphe 1, sous c), du traité proscrit explicitement tous accords et pratiques concertées "consistant à répartir les marchés". A cet égard, lorsque des entreprises s'entendent pour écarter des produits donnés de certains marchés de la Communauté, elles se livrent à un comportement anticoncurrentiel contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, que les productions en question soient canalisées vers d'autres Etats membres ou en dehors de l'Europe (voir, notamment, arrêt Dunlop Slazenger/Commission, cité au point 270 ci-dessus, points 67, 68 et 87 à 127).

4544. En l'espèce, le WCC poursuivait donc une finalité restrictive de concurrence, contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

4545. En deuxième lieu, CBR, Dyckerhoff, Valenciana et Italcementi contestent la valeur probante des documents présentés par la Commission au paragraphe 39 de la décision attaquée ou, à tout le moins, de certains d'entre eux. Le WCC n'ayant ni statuts ni structure et organisation formelles, il s'agirait de documents internes exprimant tout au plus le point de vue individuel de leurs auteurs respectifs et n'engageant donc que la responsabilité de ces derniers.

4546. Ces arguments doivent être rejetés. Les éléments de preuve doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (arrêts ICI/Commission, 48-69, cité au point 636 ci-dessus, point 68, et Thyssen Stahl/Commission, cité au point 2062 ci-dessus, point 175). Or, les différents documents susvisés, qui proviennent pourtant de sources diverses (CBR, Ciments français, Italcementi), attestent de manière concordante que la finalité du WCC était le respect des marchés domestiques. La Commission a donc pu, à juste titre, s'appuyer sur ce faisceau concordant de preuves pour dégager les conclusions qu'elle tire au paragraphe 61, point 1, de la décision attaquée.

4547. Dyckerhoff prétend encore que le contenu des documents en question ne correspond pas au déroulement effectif des différentes réunions auxquelles son représentant a participé.

4548. Toutefois, elle ne produit aucun élément de preuve de nature à démontrer que les documents retenus par la Commission ne rendent pas fidèlement compte des débats qui ont eu lieu au cours des réunions du WCC auxquelles ces documents se rapportent. Son argument doit en conséquence être écarté.

4549. Dyckerhoff met aussi en exergue le nombre limité de documents cités par la Commission par rapport au nombre total de documents, relatifs au WCC, figurant dans le dossier de l'institution, documents qui démontreraient que les membres du WCC se sont concentrés sur leurs exportations en dehors de la Communauté.

4550. Il convient cependant de souligner que la preuve de l'existence d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité ne dépend pas du nombre de documents utilisés à cette fin, mais de leur valeur probante. Or, à cet égard, la critique de Dyckerhoff n'affecte nullement la valeur probante que la Commission a, à juste titre, reconnue aux documents mentionnés au paragraphe 39, points 1 à 4, de la décision attaquée. L'argument de Dyckerhoff doit donc être rejeté.

4551. De même, doivent être écartées les critiques formulées par Italcementi à l'encontre de la traduction en italien de la note manuscrite sans date de Ciments français (décision attaquée, paragraphe 39, point 1; documents n° 33.126/4454 et 4455). En effet, ces critiques ne sauraient infirmer la signification explicite de la version originale de cet extrait, qui seule fait foi.

4552. Valenciana soutient encore, en réponse à l'allusion faite par la Commission, dans son mémoire en défense, au compte rendu de la réunion du WCC du 17 décembre 1987 (document n° 33.126/9890), que la référence aux marchés intérieurs qui figure dans ce document ne permet pas de conclure à l'existence d'un accord préalable de répartition des marchés nationaux, mais illustre simplement l'influence inévitable qu'exerce l'approvisionnement des marchés nationaux sur le volume des exportations vers les marchés des pays tiers.

4553. Or, si la Commission indique, dans la note en bas de page n° 185 de la décision attaquée, les références des différents comptes rendus des réunions du WCC tenues pendant toute la période d'infraction, parmi lesquelles la réunion du 17 décembre 1987, il ressort de la lecture du paragraphe 39 de la décision attaquée que la Commission ne s'est nullement fondée sur le compte rendu de cette dernière réunion pour démontrer que la règle de base du WCC était le respect des marchés domestiques. L'argument de Valenciana est donc dépourvu de pertinence.

4554. En troisième lieu, Valenciana soutient que la Commission ne saurait présumer que la canalisation des surplus de production et la protection des marchés domestiques constituaient les deux aspects d'une même règle, sous peine d'aboutir à la conclusion, inexacte, que toute coopération à l'exportation vers des pays tiers implique nécessairement l'existence d'un pacte de non-agression sur les marchés respectifs des différentes parties à ce pacte.

4555. Cette argumentation doit être rejetée. En effet, plusieurs documents présentés par la Commission dans la décision attaquée contredisent les allégations de Valenciana. Ainsi, il ressort tout d'abord de la note manuscrite sans date de Ciments français (décision attaquée, paragraphe 39, point 1; document n° 33.126/4454) que le WCC "[était] un club: objet: protection des marchés intérieurs règle: chacun respecte ses marchés intérieurs et exporte ses surproductions dans un consensus général". Ensuite, l'extrait de la conversation entre Aalborg et Ciments français reproduit dans le compte rendu de CBR de la réunion du WCC du 2 octobre 1986 (décision attaquée, paragraphe 39, point 4; documents n° 33.126/9874 et 9875) indique: "Nous sommes tous touchés proportionnellement aux exportations que nous faisions. Il y avait un gentlemen's agreement (to) respect home market."

4556. Ces deux extraits de documents établissent que les membres du WCC avaient fait du respect des marchés intérieurs et de la canalisation des exportations vers les pays tiers deux volets interdépendants d'une même règle du jeu visant à garantir la protection de leurs marchés domestiques. La Commission était donc fondée à conclure (paragraphe 61, point 2, in fine) que "protection des marchés intérieurs et canalisation vers l'exportation des surplus de production constitu[ai]ent [...] deux aspects indissociables d'une même obligation", ou encore (paragraphe 61, point 5) que "la canalisation vers les pays tiers des surplus de production [était] un corollaire de la pratique concertée et de l'accord sur la protection des marchés domestiques".

4557. L'appréciation qui précède (points 4555 et 4556) amène également à rejeter l'argument de Dyckerhoff selon lequel le grief relatif à la canalisation des surplus de production vers l'exportation à destination des pays tiers serait dépourvu de motivation, en fait et en droit, dans la décision attaquée, dès lors que la mention d'une telle canalisation concertée au sein du WCC n'apparaîtrait nulle part dans les documents cités par la Commission.

4558. En quatrième lieu, Lafarge soutient qu'il n'existait aucun lien, même indirect, entre le WCC et Cembureau. Dyckerhoff et Italcementi contestent, pour leur part, l'affirmation de la Commission (décision attaquée, paragraphe 38, point 6) selon laquelle le WCC relevait de l'ECMEC, au même titre que l'EPC et l'ECEC.

4559. Toutefois, si la Commission procède effectivement, au paragraphe 38 de la décision attaquée ("Nature et fonctions du WCC"), à une analyse de documents qui l'amène à conclure (paragraphe 38, point 6) que l'"ECMEC regroupait les trois comités pour l'exportation, à savoir [l']ECEC, [l']EPC et [le] WCC", force est de constater que, pour conclure à la finalité anticoncurrentielle du WCC, elle s'est exclusivement fondée (paragraphe 61, point 1) sur "les documents mentionnés au paragraphe 39", sans jamais faire du lien entre le WCC et Cembureau ou l'ECMEC un élément déterminant de son appréciation juridique. Les arguments présentés sur ce point par les parties requérantes doivent donc être écartés.

4560. En cinquième lieu, CBR, Dyckerhoff, Valenciana et Italcementi contestent l'analyse des cas concrets d'application de la règle des marchés domestiques que la Commission développe au paragraphe 39, points 6 à 17, de la décision attaquée, à savoir l'exclusion d'Aalborg du WCC pour la prétendue violation de la règle des marchés domestiques (paragraphe 39, points 6 à 13), l'exclusion de Blue Circle et d'Alsen-Breitenburg du WCC pour des motifs prétendument liés à ceux ayant entraîné l'exclusion d'Aalborg (paragraphe 39, points 14 et 15), les relations entre Blue Circle et Lafarge (paragraphe 39, point 16) et les relations entre Italcementi et Dyckerhoff (paragraphe 39, point 17).

4561. Avant d'examiner en détail les différents arguments formulés par les parties requérantes à propos de ces différents cas, il y a lieu de rappeler que le seul fait qu'un accord ou une pratique concertée soit animé d'une finalité anticoncurrentielle suffit à le rendre incompatible avec l'article 85, paragraphe 1, du traité, qu'il ait été ou non suivi d'effets de cette nature (voir, en ce sens, jurisprudence citée, respectivement, au point 837 et au point 1674 ci-dessus). Or, il est établi que, en l'espèce, la finalité du WCC était anticoncurrentielle (voir ci-dessus points 4531 à 4544). Du reste, en l'absence de preuve contraire qu'il incombait aux opérateurs concernés de rapporter, il y a lieu de considérer que la coopération intervenue au niveau du WCC a influencé le comportement de ses membres, qui sont demeurés actifs sur le marché (voir, en ce sens, arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, point 118, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 161).

4562. Il convient à présent de vérifier, en examinant les arguments développés par les parties requérantes en ce qui concerne chacun des cas présentés par la Commission comme une application de la règle du respect des marchés domestiques, en vigueur au sein du WCC, si la Commission était fondée à renforcer sa démonstration du caractère infractionnel de l'objet du WCC en soulignant (décision attaquée, paragraphe 61, point 3) que "la règle du marché domestique [avait] été appliquée [...] [et que] la violation de cette règle [avait] été effectivement sanctionnée".

4563. En ce qui concerne, premièrement, l'exclusion d'Aalborg du WCC, CBR, Dyckerhoff et Italcementi soutiennent que cette exclusion était motivée non pas, comme la Commission le prétend, par le fait que cette entreprise ait violé le prétendu principe du respect des marchés domestiques, mais par des considérations liées à l'agressivité de sa politique de prix sur les marchés à la grande exportation.

4564. CBR explique que, à l'issue de la réunion du WCC du 24 juillet 1986 spécifiquement consacrée au cas d'Aalborg, il a été décidé de réagir individuellement, et non pas collectivement, au comportement d'Aalborg. La nécessité d'organiser une réunion ad hoc sur cette question confirmerait d'ailleurs que l'objet du WCC n'était pas d'imposer la règle du respect mutuel des marchés domestiques.

4565. Dyckerhoff prétend que l'exposé du cas d'Aalborg confirme que l'activité du WCC a uniquement consisté à coopérer sur les marchés d'outre-mer. Elle explique ainsi que, soucieuse d'accroître ses exportations sur les marchés d'outre-mer en adoptant un comportement très agressif sur les prix, Aalborg a participé aux réunions du WCC dans le seul but de récolter des informations à cette fin. Cette attitude aurait conduit les autres membres du WCC à exclure Aalborg de l'échange des informations portant sur les marchés d'outre-mer, comme le confirmeraient les différents procès-verbaux des réunions du WCC, particulièrement celui de la réunion du 13 septembre 1983 (décision attaquée, paragraphe 39, point 6). Dyckerhoff ajoute qu'il paraît totalement illogique d'exclure, pour la violation d'une prétendue règle du marché domestique, l'un des plus importants fournisseurs de ciment blanc du WCC, dont le but principal aurait justement été, selon les termes de la Commission, de mettre en œuvre cette règle du marché domestique. De même, aucun des documents présentés dans la décision attaquée ne permettrait de présumer que les membres du WCC auraient effectivement soumis la reprise de la collaboration avec Aalborg à une reconnaissance de sa part, sous quelque forme que ce soit, de la prétendue règle du marché domestique.

4566. Italcementi soutient qu'il est erroné de qualifier d'expulsion ou de sanction le refus qui a été opposé par les membres du WCC à la demande d'adhésion d'Aalborg. Cette dernière n'aurait pas été admise au WCC, parce qu'elle pratiquait une politique commerciale agressive sur les marchés d'outre-mer [voir note d'Italcementi du 3 septembre 1982 (documents n° 33.126/2876 à 2880) et compte rendu de la réunion du WCC du 2 octobre 1986 rédigé par CBR (décision attaquée, paragraphe 39, point 4; documents n° 33.126/9874 et 9875)].

4567. Il doit toutefois être constaté que les éléments de preuve avancés par la Commission dans la décision attaquée contredisent formellement la thèse défendue par ces trois parties requérantes.

4568. Ainsi, les documents mentionnés au paragraphe 39, points 6 à 8, de la décision attaquée attestent sans équivoque qu'Aalborg a, dans un premier temps, été temporairement exclue du WCC pour avoir cassé ses prix sur les marchés à la grande exportation, alors qu'il avait été convenu entre les membres du WCC que l'exportation des surplus de production devait se faire "dans un consensus général" afin de garantir la protection des marchés intérieurs (voir note manuscrite sans date de Ciments français; décision attaquée, paragraphe 39, point 1; document n° 33.126/4454). Comme l'indique la décision attaquée (paragraphe 39, point 9), cette suspension provisoire a pris les allures d'une exclusion à partir du moment où les membres du WCC ont appris qu'Aalborg avait commencé à exporter sur certains marchés européens (Allemagne et Belgique), qu'elle s'apprêtait à vendre en Europe du ciment blanc en sacs de 5 kg et qu'elle n'avait donné aucune suite à la lettre qui lui avait été envoyée le 19 mars 1984 par M. Clemente (Italcementi) au nom des membres du nouveau WCC. A la réunion du 21 mai 1984, les membres du WCC ont exprimé le désir de ne pas reprendre Aalborg au sein de ce comité (décision attaquée, paragraphe 39, point 9; documents n° 2830 à 2832). Le comportement d'Aalborg a été perçu par les membres du WCC comme enfreignant la règle du respect des marchés domestiques arrêtée au WCC, comme le confirme l'extrait de la conversation entre Ciments français et Aalborg, consigné dans les notes rédigées par CBR à la suite de la réunion du WCC du 2 octobre 1986 (décision attaquée, paragraphe 39, point 4): (Ciments français) "Vous [savez] bien pour quelles raisons vous n'êtes plus dans le WCC. Nous sommes tous touchés proportionnellement aux exportations que nous faisions. Il y avait un gentlemen's agreement (to) respect home market." L'analyse de la Commission est encore confirmée par la note d'Italcementi du 30 août 1985 (décision attaquée, paragraphe 38, point 5; document n° 33.126/2808 et non 2802, comme indiqué par erreur à cet endroit de la décision attaquée ) qui évoque la raison pour laquelle Aalborg n'a pas pu adhérer au nouveau WCC en 1984: "Aalborg a contrevenu aux accords." La Commission a donc pu considérer que l'exclusion d'Aalborg du WCC avait visé à sanctionner la violation, par cette dernière, de la double règle du respect des marchés domestiques et de l'exportation, dans un consensus général, des surplus de production en dehors de la Communauté.

4569. Il convient encore d'ajouter que, contrairement à ce que prétend Dyckerhoff, il ressort de toute cette documentation, et particulièrement de l'extrait de la conversation entre Ciments français et Aalborg visé au point précédent, que la sanction finalement infligée à Aalborg a été l'expulsion pure et simple du WCC, et pas uniquement du système d'échange d'informations périodiques sur les marchés à la grande exportation.

4570. De même, contrairement aux allégations de CBR, le fait que les membres du WCC ont jugé nécessaire d'organiser, le 24 juillet 1986, une séance de travail spécialement consacrée à l'examen des moyens de rétorsion envisageables pour contrer une éventuelle attaque d'Aalborg sur leurs marchés intérieurs et que, à la suite de cette séance, il a été finalement convenu, lors de la réunion du WCC du 2 octobre 1986, que chacun répondrait individuellement aux attaques d'Aalborg (décision attaquée, paragraphe 39, points 11 à 13) n'est de nature à infirmer aucun des points de l'analyse présentée par la Commission dans la décision attaquée. Au contraire, la tenue de cette réunion, spécialement consacrée à l'examen des mesures de représailles envisageables pour éviter l'intrusion d'un concurrent sur les marchés intérieurs, ne fait que confirmer la finalité anticoncurrentielle du WCC.

4571. En ce qui concerne, deuxièmement, les exclusions de Blue Circle et d'Alsen-Breitenburg du WCC (décision attaquée, paragraphe 39, points 14 et 15), CBR, Dyckerhoff, Valenciana et Italcementi prétendent qu'elles s'expliquent uniquement par le fait que la première avait cessé d'exporter du ciment blanc vers les pays tiers, tandis que la seconde ne produisait plus de ciment blanc.

4572. A nouveau, force est de constater que les éléments de preuve avancés par la Commission dans la décision attaquée contredisent formellement la thèse défendue par les parties requérantes. Si Blue Circle et Alsen-Breitenburg ont été effectivement suspendues, puis exclues du WCC, la première parce qu'elle ne produisait plus de ciment blanc pour l'exportation, la seconde parce qu'elle avait cessé toute production de ciment blanc (décision attaquée, paragraphe 39, point 14), le compte rendu d'Italcementi relatif à la réunion du WCC de janvier 1984 (décision attaquée, paragraphe 39, point 7; documents n° 33.126/2850 à 2852) indique: "[L]a collaboration devient aussi improbable avec la britannique Blue Circle [...] et Alsen-Breitenburg [...], parce que ces deux sociétés achètent les produits d'Aalborg pour les fournitures de leurs clients étrangers." En ce qui concerne Blue Circle, le compte rendu de la réunion du WCC du 19 juin 1986, après avoir indiqué, sous le point consacré au "Retour éventuel d'anciens membres", que, en l'absence de majorité, la demande de Blue Circle visant à sa réadmission dans le WCC a été rejetée, fait état de deux remarques (décision attaquée, paragraphe 39, point 15; documents n° 33.126/9914 à 9920, particulièrement 9920): "1) CBR a fait allusion à ses contacts avec Blue Circle (position vis-à-vis des importations [d']Aalborg en Ecosse); 2) Ciments français pense [qu']Aalborg fournit ou a fourni du clinker blanc à Blue Circle" (décision attaquée, paragraphe 39, point 15; documents n° 33.126/9914 à 9920, particulièrement 9920). Il ressort de ces différents documents que, si l'exclusion de Blue Circle et d'Alsen-Breitenburg du WCC a découlé, en partie, des choix industriels et commerciaux opérés par ces deux entreprises, elle a été également motivée par le fait que celles-ci achetaient du ciment blanc à Aalborg pour fournir leurs clients étrangers, se rendant ainsi complices, aux yeux des autres membres du WCC, d'une violation de la double règle du respect des marchés domestiques et de canalisation des exportations dans un consensus général.

4573. En ce qui concerne, troisièmement, les relations entre Blue Circle et Lafarge (décision attaquée, paragraphe 39, point 16), Dyckerhoff reproche à la Commission de s'être fondée sur le compte rendu, fait par Italcementi, de la réunion du WCC du 2 octobre 1984 (documents n° 33.126/2815 à 2817) pour conclure à un cas d'application du respect des marchés domestiques, alors que l'auteur de ce compte rendu ne provenait d'aucune des deux entreprises concernées et que le document faisait allusion à une personne (M. Wiggins) qui n'avait pas assisté à la réunion en question. Dyckerhoff prétend en outre qu'elle n'a pris connaissance de ce document qu'à la lecture de la décision attaquée.

4574. Cette argumentation ne saurait être accueillie.

4575. Tout d'abord, force est de constater que le paragraphe 22, sous c), de la CG, consacré au "cas Blue Circle-Lafarge", reproduisait l'extrait suivant du "compte rendu de la réunion du 2.10.1984 fait par Italcementi":

"M. Wiggins, ancien secrétaire du WCC, a demandé à M. Balbo de Lafarge des fournitures de ciment pour le Royaume-Uni. M. Balbo a répondu qu'il aurait pu prendre en considération la requête seulement après accords préalables avec Blue Circle."

4576. Ce passage de la CG correspond très largement au contenu du paragraphe 39, point 16, de la décision attaquée. En outre, il s'avère que le compte rendu de la réunion du WCC du 2 octobre 1984 établi par Italcementi (documents n° 33.126/2815 à 2817) figurait dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Dyckerhoff ne saurait donc prétendre avoir seulement pu prendre connaissance du contenu de ce document à la lecture de la décision attaquée.

4577. La Commission était fondée à voir dans l'extrait de document reproduit au paragraphe 39, point 16, de la décision attaquée la manifestation du souci de Lafarge de respecter, à l'égard de Blue Circle, le principe des "home markets", convenu dans le cadre du WCC.

4578. L'absence de M. Wiggins à la réunion du WCC du 2 octobre 1984, de même que le fait que le compte rendu de cette réunion n'émane pas de l'une des deux entreprises concernées, n'affectent ni la valeur probante de cet extrait de document ni la vraisemblance de l'information qu'il contient.

4579. En ce qui concerne, quatrièmement, les relations entre Italcementi et Dyckerhoff (décision attaquée, paragraphe 39, point 17), Dyckerhoff prétend également qu'elle a seulement pris connaissance de la note d'Italcementi du 23 décembre 1987 intitulée "Considérations sur les marchés du ciment blanc" (documents n° 33.126/3370 à 3375), à la lecture de la décision attaquée. Elle ajoute qu'Italcementi ne s'est jamais engagée à son égard.

4580. Italcementi affirme de son côté que, contrairement à ce que soutient la Commission, il ne ressort pas de sa note interne du 23 décembre 1987 qu'elle avait conclu un accord de respect du marché allemand avec Dyckerhoff, en exécution de la prétendue règle du respect des marchés domestiques. Elle prétend avoir décidé de façon autonome, sur la base d'un choix stratégique, d'exporter du ciment blanc à destination des seuls pays limitrophes, tels que la Suisse et l'Autriche, et des pays d'outre-mer, parce qu'elle jugeait difficile et non rentable d'exporter vers d'autres marchés européens. Sa note du 23 décembre 1987 démontrerait en fait qu'elle n'avait pris aucun engagement de ne pas exporter vers l'Allemagne à l'égard de tiers, puisqu'elle indique aussi qu'elle entendait aider la société italienne Sebino à exporter du ciment vers l'Allemagne. Elle explique que son soutien à Sebino dans ses efforts de pénétration du marché allemand avait pour but de parvenir à déplacer une partie de l'offre de ce concurrent italien en dehors de ses propres marchés traditionnels.

4581. Tant les arguments de Dyckerhoff que ceux d'Italcementi doivent être rejetés.

4582. Il convient de rappeler que, au paragraphe 22, sous f), de la CG, consacré au "cas Italcementi-Dyckerhoff", la Commission observe:

"Le 23.12.1987, le représentant d'Italcementi a préparé pour le directeur commercial une note ayant pour titre 'Considérations sur les marchés du ciment blanc'. Cette note analyse, entre autres, les perspectives futures pour chaque marché et, à propos du marché allemand, relate: 'En Allemagne où nous sommes engagés à ne pas déranger directement Dyckerhoff, mais où Sebino [...] pourrait placer, avec notre appui, une partie de sa production, avec des compensations quantitatives pour nous en Autriche et en Suisse."

4583. Ce passage de la CG correspond très largement au contenu du paragraphe 39, point 17, de la décision attaquée. En outre, la note d'Italcementi du 23 décembre 1987 figurait dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Dyckerhoff ne saurait dès lors prétendre avoir seulement pu prendre connaissance du contenu de ce document à la lecture de la décision attaquée.

4584. Les deux parties requérantes ne sauraient soutenir, par ailleurs, que la décision d'Italcementi de ne pas exporter en Allemagne était le fruit d'un choix stratégique librement consenti, alors même que l'un des représentants d'Italcementi affirme, dans une note destinée à son directeur commercial (décision attaquée, paragraphe 39, point 17; documents n° 33.126/3370 à 3375): "En Allemagne [...] nous sommes engagés à ne pas déranger directement Dyckerhoff." Le comportement d'Italcementi à l'égard de Dyckerhoff a nécessairement procédé du souci de respecter, dans leurs relations bilatérales, le principe de la répartition des marchés domestiques, convenu dans le cadre du WCC, dont les deux entreprises étaient membres. L'allusion, dans cette même note, à une assistance possible d'Italcementi à Sebino, afin d'aider cette dernière à placer une partie de sa production en Allemagne, ne saurait effacer la réalité de l'engagement pris par Italcementi à l'égard de Dyckerhoff de respecter le marché intérieur de cette dernière.

4585. En sixième lieu, Dyckerhoff, Lafarge et Italcementi prétendent que la Commission a totalement méconnu le fonctionnement et les caractéristiques propres du marché du ciment blanc par rapport à celui du ciment gris (nombre restreint de producteurs; prix plus élevé du produit; incidence moindre des coûts de transport; élasticité plus grande de la demande par rapport au prix; existence d'une demande substantielle en provenance des pays tiers).

4586. De tels arguments doivent aussi être rejetés. Le paragraphe 7 de la décision attaquée démontre que la Commission a pris en considération les caractéristiques propres à la production du ciment blanc (exigences particulières de production; structure de l'offre; niveau des prix de revient et de vente), pour aboutir à la conclusion que "le ciment blanc a un marché différent du marché du ciment gris" (décision attaquée, paragraphe 7, point 2, et paragraphe 11, point 1).

4587. En tout état de cause, les considérations tirées des spécificités du marché du ciment blanc ne sauraient aboutir à occulter la finalité anticoncurrentielle du WCC, telle que celle-ci ressort de l'analyse développée ci-dessus aux points 4531 à 4544.

4588. Enfin, force est de constater que les producteurs eux-mêmes ont reconnu à différentes occasions que les marchés du ciment blanc et du ciment gris n'étaient pas aussi cloisonnés et indépendants que ce qu'ils tentent de faire croire à présent.

4589. Ainsi, le compte rendu de la réunion du WCC des 19 et 20 juin 1986 (décision attaquée, paragraphe 39, point 11; document n° 33.126/9918) indique:

"Il est donc convenu d'organiser à Bruxelles le 24 juillet une séance de travail WCC avec pour thème: 'Quels sont les moyens de rétorsion à mettre en œuvre pour contrer une éventuelle attaque [d']Aalborg sur nos marchés intérieurs ? Les actions peuvent couvrir le ciment gris également."

4590. Dans le compte rendu de cette séance de travail du 24 juillet 1986 (décision attaquée, paragraphe 39, point 12; documents n° 33.126/9876 à 9883), quelques extraits indiquent que, lorsqu'il s'agissait de défendre leurs marchés domestiques, les producteurs de ciment blanc n'hésitaient pas à prendre en considération indistinctement les marchés du ciment blanc et du ciment gris:

"Dyckerhoff signale avoir perdu deux clients [...] 'visités' par Aalborg et qui ont succombé face aux arguments des Danois [...] Suite à cela, ils [Dyckerhoff] ont rendu visite à Ole Stevens Larsen et l'ont menacé de représailles en ciment gris sur le marché danois [...] Lafarge: Il ne faut pas se voiler la face. On peut difficilement évoquer le blanc sans se soucier du gris [...] M. Leboeuf [Ciments français] n'étant pas mandaté pour parler de ciment gris, on ne parlera pas de ce sujet aujourd'hui, mais chaque membre reconsultera sa direction pour savoir si un scénario basé sur une riposte en gris peut être échafaudé et étudié, sinon appliqué."

4591. Italcementi reproche en outre à la Commission de ne pas avoir défini de manière spécifique le marché géographique du ciment blanc.

4592. Toutefois, Italcementi ne fournit aucun élément qui puisse amener à contester la conclusion tirée par la Commission au paragraphe 11, point 7, de la décision attaquée au terme de l'analyse commune développée pour les marchés du ciment gris et du ciment blanc, à savoir que "l'Europe [constituait] le marché [géographique] en cause formé par un ensemble de marchés juxtaposés et interdépendants".

Système d'échange d'informations individualisées

4593. CBR, Dyckerhoff, Lafarge et Italcementi développent une série d'arguments visant à contester la nature anticoncurrentielle de la coopération instaurée, sous la forme d'échanges d'informations, entre les membres du WCC. Elles prétendent que les données fournies à tout le moins celles relatives aux marchés communautaires étaient limitées et très générales, qu'elles ne contenaient ni information commerciale confidentielle (prix effectivement pratiqués sur les marchés, rabais et autres avantages consentis à la clientèle, etc.), ni indication sur la production de chaque établissement individuel des producteurs réunis au sein du WCC, ni référence aux coûts du transport, de prospection et d'assistance. Les informations relatives aux prix pratiqués sur les marchés communautaires auraient ressorti au domaine public, en raison du régime de contrôle étatique en vigueur dans bon nombre d'Etats membres. Les échanges auraient uniquement visé à comparer les marchés nationaux et les marchés d'outre-mer, ainsi que les marchés du ciment blanc et du ciment gris, dans le seul but de promouvoir la grande exportation. Dyckerhoff ajoute que ce système n'aurait pas pu mettre en œuvre la prétendue règle du respect des marchés domestiques, puisque la preuve de l'existence de cette dernière n'aurait pas été rapportée. En outre, aucun accord sur les prix n'aurait jamais été conclu au sein du WCC.

4594. Il convient d'emblée d'écarter l'argument de Dyckerhoff visant à nier la conclusion d'un accord sur les prix au sein du WCC. En effet, la Commission retient, au paragraphe 62 et à l'article 7 de la décision attaquée, une pratique concertée portant sur un système d'échange d'informations individualisées instauré au niveau du WCC, et non pas un accord sur les prix.

4595. Il y a lieu ensuite de constater que les différents arguments présentés par les parties requérantes ne sont pas fondés. L'abondante documentation recensée par la Commission au paragraphe 40 de la décision attaquée, qui n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucune critique de la part des parties requérantes, atteste en effet que, au cours de leurs réunions, les membres du WCC ont échangé de manière périodique et continue des informations individualisées, par producteur et par pays, sur tous les aspects de leur politique commerciale, actuelle et future, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Communauté: capacités productives installées et futures et productions réalisées; ventes sur les marchés nationaux pour la période précédant chaque réunion et prévisions de ventes pour la période suivant la réunion; niveau actuel des ventes à l'exportation et prévisions de ventes; prix à l'exportation; prix sur les marchés nationaux, tant pour le ciment blanc que pour le ciment gris (prix actuels, mais aussi, parfois, modifications non encore entrées en vigueur).

4596. En prenant part à de telles réunions, les membres du WCC ont participé à une concertation contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité. En effet, à travers ces échanges, ils se sont mutuellement dévoilé, de manière ininterrompue pendant de nombreuses années, le comportement commercial qu'ils tenaient, ou qu'ils envisageaient de tenir, sur les marchés communautaires et à l'exportation, éliminant ainsi l'incertitude quant à leurs politiques respectives, actuelles et futures, et cela dans le but d'aboutir à des conditions de concurrence ne correspondant pas aux conditions normales du marché (voir jurisprudence citée au point 1852 ci-dessus).

4597. Plusieurs pièces démontrent en effet que l'objectif de ces échanges d'informations était de coordonner les politiques respectives des membres du WCC, dans le souci permanent d'une discipline collective qui garantisse la stabilité et la protection des marchés intérieurs du ciment blanc. Ainsi, dans un télex adressé le 17 janvier 1984 à Italcementi (décision attaquée, paragraphe 39, point 7; document n° 33.126/2854), Valenciana indique: "Notre intention est de continuer à collaborer avec Italcementi, Dyckerhoff, Ciments français, Ciments Lafarge et CBR comme nous l'avons fait jusqu'ici en échangeant des informations et en tentant d'obtenir un marché du ciment blanc stable et rentable pour toutes les entreprises." Dans ses conclusions de la réunion du WCC du 9 mai 1985 (décision attaquée, paragraphe 39, point 2; document n° 33.126/2796), Ciments français souligne de son côté: "Notre collaboration a permis d'éviter que l'agressivité des prix constatée sur le marché du ciment gris ne touche le ciment blanc, et cette politique doit être maintenue en accroissant les échanges d'informations et en gardant les contacts entre les sociétés." Enfin, à la réunion du WCC du 26 mai 1988 (décision attaquée, paragraphe 41; documents n° 33.126/9885 à 9887), il a été relevé: "CBR [confirme] l'omniprésence d'Aalborg sur les marchés d'exportation toujours à des niveaux inférieurs aux nôtres."

4598. Du reste, il y a lieu de considérer, à la lumière de l'extrait du document n° 33.126/2796 reproduit au point précédent et à défaut de preuve contraire qu'il incombait aux parties intéressées de rapporter, que les entreprises ayant participé à ces échanges d'informations, qui sont demeurées actives sur le marché, ont tenu compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur le marché. Une telle appréciation s'impose d'autant plus eu égard au fait que les échanges susvisés ont eu lieu sur une base régulière au cours d'une longue période (voir, en ce sens, arrêts Commission/Anic, cité au point 270 ci-dessus, points 118 et 121, et Hüls/Commission, cité au point 155 ci-dessus, points 161 et 162).

4599. CBR cherche encore à se prévaloir de l'arrêt du 27 octobre 1994, Deere/Commission, cité au point 420 ci-dessus (point 51), pour soutenir que le système d'échange d'informations qui avait été instauré au niveau du WCC était licite. Elle conteste, à cet égard, l'affirmation de la Commission selon laquelle le marché du ciment blanc serait un marché oligopolistique.

4600. Toutefois, CBR ne fournit aucun élément au soutien de sa critique générale de la description de l'offre sur le marché du ciment (blanc notamment), à laquelle la Commission procède au paragraphe 12 de la décision attaquée. Dans ces conditions, elle ne peut prétendre tirer parti de l'arrêt du 27 octobre 1994, Deere/Commission, cité au point 420 ci-dessus, pour défendre la licéité du système d'échange d'informations périodiques qui avait été mis en place au niveau du WCC.

4601. CBR déclare encore ne pas comprendre comment les mêmes échanges d'informations ont pu constituer, dans le cadre de Cembureau, une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité dans la seule mesure où ils avaient permis le respect d'un accord anticoncurrentiel et, comment, dans le cadre du WCC, ils ont pu constituer, en tant que tels, des infractions.

4602. Toutefois, l'argumentation de CBR n'infirme pas l'analyse développée ci-dessus aux points 4595 à 4598.

4603. En conclusion, la Commission était fondée à conclure que le système de coopération dénoncé au paragraphe 40 de la décision attaquée "[avait] pour objet de faire connaître le comportement que chaque membre envisage[ait] de tenir sur les différents marchés communautaires et à l'exportation et [créait], entre les entreprises qui y [participaient], un système de solidarité et d'influence réciproques visant à réaliser une coordination de leurs activités économiques" (décision attaquée, paragraphe 62, point 1).

Affectation du commerce interétatique

4604. CBR, Dyckerhoff, Lafarge et Valenciana prétendent que la Commission leur reproche des comportements qui ont été dénués d'effet sur le commerce entre les Etats membres.

4605. CBR considère ainsi que la Commission n'a pas démontré que la collaboration en matière d'exportation en dehors de la Communauté, telle qu'elle était pratiquée au sein du WCC, limitée à l'échange d'informations générales et à des recommandations en matière de prix qui n'ont pas été suivies d'effet comme le reconnaîtrait la Commission (décision attaquée, paragraphe 40, point 5) avait pu affecter la concurrence dans la Communauté.

4606. Dyckerhoff invoque une note d'Italcementi relative à la réunion du WCC des 6 et 7 mai 1982 (décision attaquée, note en bas de page n° 185; document n° 33.126/2881), pour démontrer l'absence d'influence négative, sur le commerce intracommunautaire, des prétendus accords restrictifs de concurrence et échanges d'informations dénoncés au niveau du WCC. Cette note refléterait d'importantes variations, au cours de la période 1980-1982, dans les chiffres d'affaires, nationaux et à l'exportation, des différentes entreprises visées dans ce document.

4607. Lafarge affirme que les échanges d'informations relatives à la grande exportation sont dépourvus d'effets sur la concurrence dans la Communauté.

4608. Valenciana reproche à la Commission de s'être bornée à présumer, au paragraphe 63 de la décision attaquée, que les activités du WCC avaient eu un impact sur le commerce interétatique, sans préciser ou motiver davantage cette allégation. Elle conteste également qu'un préjudice ait été réellement causé au commerce intracommunautaire dans le cadre des activités du WCC.

4609. L'argumentation de ces quatre parties requérantes doit être rejetée.

4610. Tout d'abord, force est de constater que la Commission consacre deux points de la décision attaquée (paragraphe 63, points 1 et 2) à expliquer ce qui l'a amenée à conclure que la double règle du respect des marchés domestiques et de canalisation des exportations, d'une part, et le système d'échange d'informations périodiques, d'autre part, avaient affecté ou, à tout le moins, avaient été susceptibles d'affecter, le commerce interétatique:

"La règle du marché domestique et la règle de canalisation vers l'exportation dans les pays tiers des surplus de production ont pour objet d'exclure ou de limiter la commercialisation entre les Etats membres: les échanges communautaires en sont directement et sensiblement affectés.

Le système d'échange d'informations est susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres dans la mesure où il concourt à la mise en œuvre d'accords et de pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d'empêcher ou de restreindre les échanges de ciment blanc entre les Etats membres de la Communauté. Cette affectation du commerce entre Etats membres résulte également de la circonstance que chacune des entreprises concernées par cet échange est conduite à définir sa politique en matière de prix et de vente en fonction de celle des autres producteurs participants et, par conséquent, les courants commerciaux naturels entre Etats membres sont influencés artificiellement d'une manière sensible."

4611. La décision attaquée n'est donc pas affectée d'un défaut de motivation sur ce point.

4612. Il y a lieu de rappeler, ensuite, que l'article 85, paragraphe 1, du traité, lorsqu'il interdit les accords et pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence et qui sont de nature à affecter les échanges entre Etats membres, n'exige pas qu'il soit établi que de tels accords ou pratiques concertées ont effectivement affecté de manière sensible ces échanges, preuve qui, dans la plupart des cas, ne pourrait d'ailleurs être que difficilement administrée. Il demande qu'il soit établi que l'accord ou la pratique concertée en cause était de nature à avoir un tel effet. La condition d'affectation du commerce entre Etats membres est ainsi remplie lorsque, sur la base d'un ensemble d'éléments de droit et de fait, l'entente constatée permet d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'elle peut exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre Etats membres (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1986 ci-dessus). Compte tenu de l'objet même du WCC (protection des marchés domestiques et canalisation des surplus de production vers l'exportation dans les pays tiers) et de ses activités (système d'échange d'informations), ainsi que de l'importance des entreprises impliquées dans le WCC (principaux producteurs européens de ciment blanc) et de la durée des pratiques incriminées (de 1982 à 1988), la Commission était fondée à considérer que les activités du WCC avaient, à tout le moins, été de nature à affecter de manière sensible le commerce interétatique, comme elle l'indique dans la décision attaquée.

4613. Au demeurant, le WCC et ses activités ont effectivement affecté le commerce interétatique.

4614. Ainsi, Italcementi a décidé de ne pas exporter en Allemagne, compte tenu de son engagement de "ne pas [y] déranger directement Dyckerhoff" (décision attaquée, paragraphe 39, point 17) (voir ci-dessus point 4584).

4615. Par ailleurs, dans sa note de commentaires de la réunion du WCC du 3 octobre 1985 (décision attaquée, paragraphe 39, point 3; document n° 33.126/9961), CBR indique pour sa part:

"La plupart des cimentiers blancs vivent confortablement à l'intérieur de leurs frontières (Italcementi, Ciments français, Dyckerhoff. Ces derniers sont un peu attaqués par Aalborg, via Alsen).

Ce respect du home market ne nous convient pas bien, car il limite de fait notre marché naturel au Benelux."

4616. S'agissant de la note d'Italcementi de mai 1982 invoquée par Dyckerhoff (voir ci-dessus point 4606), elle n'est pas pertinente, dans la mesure où les évolutions commerciales qu'elle retrace se rapportent à une période antérieure au 6 mai 1982, date retenue par la Commission comme point de départ de l'infraction constatée à l'article 7 de la décision attaquée.

4617. Il ressort de l'analyse qui précède (points 4531 à 4616) que les activités du WCC visées dans la décision attaquée avaient un objet anticoncurrentiel et étaient de nature à affecter de manière sensible le commerce interétatique. C'est donc à bon droit que, à l'article 7 de la décision attaquée, la Commission les a jugées contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

Participation des parties requérantes aux infractions visées à l'article 7 de la décision attaquée

4618. Indépendamment de leur contestation de l'existence d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, dans le cadre des activités du WCC décrites dans la décision attaquée, CBR, Dyckerhoff, Valenciana et Italcementi présentent plusieurs arguments pour contester leur participation aux infractions constatées à l'article 7.

4619. CBR soutient ainsi qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité, intentionnellement ou par négligence, dès lors qu'elle aurait été en droit de croire à la légalité des activités du WCC, à la lumière de l'attitude adoptée par la Commission en 1972 dans l'affaire "Cimbel", relative à une entente à la grande exportation.

4620. Cet argument ne saurait être accueilli. Comme la Commission le relève à juste titre dans son mémoire en défense dans l'affaire T-25*95, la conclusion de l'accord Cimbel a été condamnée et sanctionnée [décision 72-474-CEE de la Commission, du 22 décembre 1972, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/243, 244, 245 Cimbel) (JO L 303, p. 24)]. En tout état de cause, CBR, qui était membre fondateur du WCC et qui a participé aux différentes réunions du WCC au cours desquelles le principe du respect des marchés domestiques a été évoqué, rappelé ou appliqué, ne saurait se retrancher derrière la prétendue confiance légitime que l'affaire Cimbel lui aurait inspirée pour soutenir qu'elle avait toutes les raisons de croire à la licéité de l'objectif général du WCC et de ses activités. Les accords et pratiques consistant à répartir les marchés domestiques étant explicitement interdits par l'article 85, paragraphe 1, sous c), du traité, elle a nécessairement participé, en pleine connaissance de cause, à des activités dont elle ne pouvait ignorer le caractère illicite.

4621. Dyckerhoff met l'accent sur son rôle modeste sur le marché du ciment blanc (2 % de part du marché mondial; 8 % de part du marché européen).

4622. Cette circonstance n'est cependant pas de nature à infirmer la réalité de sa participation aux réunions et activités illicites du WCC, établie sur la base des éléments de preuve énumérés par la Commission aux paragraphes 39 et 40 de la décision attaquée.

4623. Dyckerhoff se prévaut également de l'importance de ses activités d'exportation (20 à 40 % de sa production), principalement à destination d'Etats européens, pour démontrer qu'elle ne partageait pas la conception des entreprises dont proviennent les différents documents sur lesquels la Commission s'est fondée pour conclure que la règle de base du WCC était le respect des marchés domestiques. A sa connaissance, la règle du respect des marchés domestiques n'a jamais été évoquée lors des réunions du WCC. Enfin, ce serait de manière délibérée, totalement autonome et indépendante d'un quelconque principe de respect des marchés domestiques, et pour des raisons strictement économiques, qu'elle se serait gardée d'exporter dans les "zones d'influence" des autres producteurs européens de ciment blanc sur le marché communautaire, compte tenu des conditions de concurrence existant sur le marché de ce produit.

4624. Ces arguments doivent être rejetés.

4625. En effet, Dyckerhoff fut membre fondateur du WCC. A ce titre, elle a nécessairement pris l'engagement de respecter la règle de protection des marchés intérieurs des membres du WCC, qui était la règle de base de ce comité. D'ailleurs, au cours de la réunion du WCC du 9 mai 1985, à laquelle elle a assisté, les participants ont précisément rappelé que "le respect des 'home markets [était] la condition sine qua non aux participations au WCC ou au WCPC" (compte rendu de la réunion du WCC du 9 mai 1985; décision attaquée, paragraphe 39, point 2; documents n° 33.126/2793 à 2798). Or, Dyckerhoff n'a fourni aucun élément démontrant que, au cours de cette réunion, elle se serait ouvertement distanciée de cette règle. Dans ces conditions, la Commission a considéré, à juste titre, que Dyckerhoff avait adhéré à la règle du respect des marchés domestiques qui prévalait au niveau du WCC (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 1353 ci-dessus).

4626. S'agissant des allégations de Dyckerhoff selon lesquelles elle aurait exporté une partie importante de sa production de ciment blanc vers d'autres Etats européens, elles ne sont étayées par aucun élément concret. En tout état de cause, à supposer même que le comportement de Dyckerhoff sur le marché n'ait pas été conforme à la règle convenue au niveau du WCC, une telle circonstance n'est pas de nature à priver l'entreprise de sa pleine responsabilité du fait de sa participation à l'entente constatée à l'article 7 de la décision attaquée, dès lors que, au cours des réunions du WCC auxquelles elle a participé, elle ne s'est jamais ouvertement distanciée de cette règle, à laquelle elle avait adhéré lors de la création du WCC (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Tréfileurope/Commission, cité au point 958 ci-dessus, point 85, et du 14 mai 1998, Gruber + Weber/Commission, T-310-94, Rec. p. II-1043, point 130, BPB de Eendracht/Commission, T-311-94, Rec. p. II-1129, point 203, Weig/Commission, T-317-94, Rec. p. II-1235, point 87, et Mayr-Melnhof/Commission, cité au point 897 ci-dessus, point 135).

4627. Valenciana conteste sa participation aux comportements infractionnels constatés à l'article 7 de la décision attaquée, soutenant qu'elle n'a ni adopté ni appliqué la règle du respect des marchés domestiques.

4628. En premier lieu, la règle du respect des marchés domestiques n'aurait jamais été adoptée ou évoquée au cours des réunions du WCC auxquelles elle a assisté. Valenciana met l'accent sur son absence à huit des quatorze réunions organisées par le WCC au cours de la période litigieuse, absence qui aurait été justifiée, selon le cas, par son manque d'intérêt pour les informations échangées ou par le fait qu'elle n'avait simplement pas été invitée à y participer. Elle relève que la Commission n'a pas été en mesure de démontrer qu'elle avait effectivement reçu les comptes rendus des réunions du WCC auxquelles elle n'avait pas participé. Dès lors, la Commission n'aurait pas pu retenir son adhésion à la règle de respect des marchés domestiques sur la seule base d'affirmations des autres membres du WCC lors de telles réunions. Valenciana insiste particulièrement sur un extrait du compte rendu de CBR relatif à la réunion du WCC du 2 octobre 1986 (décision attaquée, paragraphe 39, point 4; documents n° 33.126/9874 et 9875), aux termes duquel, "de l'avis de SCF [Ciments français], l'Espagne est aussi dangereuse qu'Aalborg". En conclusion, elle affirme que, dans son chef, le WCC était un simple lieu de rencontre des exportateurs européens de ciment blanc où étaient échangées des informations sur les exportations vers les pays tiers et où étaient débattues des questions touchant à la défense des intérêts des producteurs européens face aux importations illicites en provenance de pays tiers. Elle souligne enfin qu'elle ne fut pas membre fondateur du WCC.

4629. Cette argumentation doit être rejetée.

4630. Il convient de rappeler que, aux termes du compte rendu de la réunion du WCC du 9 mai 1985, l'engagement de respecter les marchés domestiques avait été érigé en "condition sine qua non aux participations au WCC et au WCPC" (décision attaquée, paragraphe 39, point 2; documents n° 33.126/2793 à 2798). Le fait que cet extrait provienne du compte rendu d'une réunion à laquelle Valenciana n'a pas participé ne le prive pas de sa valeur probante à l'égard de l'entreprise espagnole. L'adhésion au principe du respect des marchés domestiques et à son corollaire, celui de la canalisation des surplus de production vers l'exportation dans les pays tiers, dans un consensus général apparaissant ainsi comme une condition d'accès au WCC, et Valenciana ne contestant pas avoir été membre de celui-ci, il y a lieu de conclure que, lors de son adhésion, elle a nécessairement pris l'engagement de respecter les marchés domestiques des autres membres.

4631. De surcroît, la règle du respect des marchés domestiques a été évoquée lors de la réunion du WCC du 3 octobre 1985, à laquelle Valenciana a participé. La note de commentaires rédigée par CBR à la suite de cette réunion indique en effet, dans ses conclusions générales, que "les membres actuels respectent entre eux une certaine règle du jeu", grâce à laquelle "la plupart des cimentiers blancs vivent confortablement à l'intérieur de leurs frontières" (décision attaquée, paragraphe 39, point 3; documents n° 33.126/9958 à 9961).

4632. Enfin, certes, Valenciana n'a pas assisté à toutes les réunions du WCC et Ciments français a affirmé, lors de la réunion du 2 octobre 1986, que "l'Espagne [était] aussi dangereuse qu'Aalborg". Toutefois, il s'avère que Valenciana a continué à participer aux réunions du WCC jusqu'à la fin de la période d'infraction retenue à l'article 7 de la décision attaquée [voir compte rendu de la réunion du WCC du 17 décembre 1987 à Rome (décision attaquée, note en bas de page n° 185; documents n° 33.126/9888 à 9891) et compte rendu de la réunion du WCC du 26 mai 1988 à Baden-Baden (décision attaquée, paragraphe 41; documents n° 33.126/9885 à 9887)].

4633. C'est donc à juste titre que la Commission a considéré que Valenciana avait adhéré à la double règle du respect des marchés domestiques et de canalisation concertée des surplus de production en dehors de la Communauté, du 1er janvier 1986 au 26 mai 1988 (article 7). A cet égard, est sans incidence le fait que Valenciana n'ait pas reçu, ainsi qu'elle le prétend, les comptes rendus des réunions du WCC auxquelles elle n'avait pas participé.

4634. Valenciana soutient encore que la Commission a commis une erreur d'appréciation en transformant (décision attaquée, paragraphe 61, point 4) la pratique concertée relative au respect des marchés domestiques en un accord (concours de volontés), lequel serait intervenu, d'après la Commission, pendant la réunion du WCC du 21 mai 1984, alors que le document sur lequel la Commission se fonde à cette fin se rapporterait à la réunion du WCC du 9 mai 1985, à laquelle la partie requérante n'aurait pas pris part.

4635. Il doit effectivement être constaté que le document invoqué par la Commission est, non pas le compte rendu de la réunion du WCC du 21 mai 1984, mais le compte rendu de la réunion du WCC du 9 mai 1985 rédigé par Ciments français (décision attaquée, paragraphe 39, point 2; documents n° 33.126/2793 à 2798), plus précisément l'extrait de ce dernier compte rendu aux termes duquel "[i]ls [ont rappelé] que le respect des 'home markets [était] la condition sine qua non aux participations au WCC ou au WCPC". Cependant, cette erreur de fait est sans conséquence. En effet, Valenciana a assisté à la réunion du WCC du 3 octobre 1985, au cours de laquelle la règle du respect des marchés domestiques a été évoquée (voir note de commentaires établie par CBR à l'issue de cette réunion; décision attaquée, paragraphe 39, point 3; documents n° 33.126/9958 à 9961). Valenciana n'ayant fourni aucun élément démontrant que, à cette réunion, elle aurait émis une quelconque réserve ou un quelconque dissentiment à cet égard, il y a lieu de conclure qu'elle a adhéré à cette occasion à ce qui était devenu, à cette époque, un concours de volontés, soit un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, ayant pour objet la protection des marchés domestiques. En tout état de cause, l'argumentation de Valenciana ne saurait occulter le fait qu'elle a souscrit, lors de son affiliation au WCC, au principe du respect des marchés domestiques et a donc adhéré à une entente illicite qui, à la date retenue à son égard comme point de départ de l'infraction (1er janvier 1986, date de l'adhésion de l'Espagne à la Communauté), revêtait la forme, non plus d'une pratique concertée, mais d'un accord.

4636. En deuxième lieu, Valenciana prétend n'avoir jamais pris part aux mesures d'application de la règle de respect des marchés domestiques, retenues par la Commission au paragraphe 39, points 6 à 17, de la décision attaquée.

4637. Ainsi, en ce qui concerne, premièrement, l'exclusion d'Aalborg du WCC, Valenciana prétend qu'elle n'a été présente à aucune des réunions du WCC au cours desquelles des mesures de rétorsion ou de sanction auraient été examinées et/ou adoptées à l'encontre de l'entreprise danoise (réunions des 4 janvier et 2 octobre 1984, des 19 juin, 24 juillet et 2 octobre 1986). Renvoyant aux documents cités au paragraphe 39, points 11 à 13, de la décision attaquée, elle relève encore que certains membres ont d'ailleurs exprimé le souhait qu'elle ne soit pas associée à l'adoption de ces mesures. Elle ajoute que, si elle fut présente aux réunions des 21 mai 1984 et 3 octobre 1985, elle y a seulement fait connaître son opposition à une éventuelle demande de réintégration d'Aalborg au sein du WCC. Elle signale toutefois qu'Aalborg n'a jamais demandé une telle réintégration. Elle insiste également sur le fait que les deux réunions en question ont eu lieu avant l'adhésion de l'Espagne à la Communauté, le 1er janvier 1986.

4638. Il est exact que Valenciana n'a pas participé aux réunions suivantes:

- réunion de janvier 1984, au cours de laquelle il a été convenu de créer le nouveau WCC, en raison de l'impossibilité de continuer à coopérer avec Aalborg (décision attaquée, paragraphe 39, point 7; documents n° 33.126/2850 à 2852);

- réunion du 2 octobre 1984, pendant laquelle la décision de ne pas réintégrer Aalborg dans le WCC fut confirmée (décision attaquée, paragraphe 39, point 9; documents n° 33.126/2815 à 2817);

- réunion des 19 et 20 juin 1986, au cours de laquelle il fut décidé d'organiser, le 24 juillet 1986, un séminaire spécialement consacré à l'examen des moyens de rétorsion envisageables à l'encontre d'Aalborg (décision attaquée, paragraphe 39, point 11; documents n° 33.126/9914 à 9920);

- séminaire du 24 juillet 1986 (décision attaquée, paragraphe 39, point 12; documents n° 33.126/2751 à 2755 et 9876 à 9883);

- réunion du 2 octobre 1986, au cours de laquelle les membres du WCC décidèrent de répondre individuellement aux attaques d'Aalborg et de rejeter la demande de cette dernière d'être admise au WCPC (décision attaquée, paragraphe 39, point 13; documents n° 33.126/9874 et 9875, ainsi que documents n° 33.126/2737 à 2739).

4639. Néanmoins, plusieurs éléments montrent que Valenciana a été impliquée dans l'exclusion d'Aalborg du WCC et a soutenu l'adoption de cette décision.

4640. Tout d'abord, dès la réunion du WCC du 13 septembre 1983, au cours de laquelle les participants constatèrent qu'Aalborg avait augmenté sa capacité de production et avait cassé ses prix malgré l'engagement pris lors de la réunion du 31 mai 1983, Valenciana fit savoir que, dans de telles conditions, elle n'avait plus l'intention de participer aux réunions du WCC, manifestant de la sorte sa désapprobation par rapport au comportement adopté par Aalborg en violation des règles en vigueur au WCC (décision attaquée, paragraphe 39, point 6; documents n° 33.126/2855 à 2858).

4641. Ensuite, elle a participé à Paris, le 13 mars 1984, à la première réunion du nouveau WCC, au cours de laquelle la décision d'exclure temporairement Aalborg du WCC a été confirmée (décision attaquée, paragraphe 39, point 8; documents n° 33.126/2842 à 2844).

4642. Elle a encore participé à la réunion du WCC du 21 mai 1984, au cours de laquelle elle a expressément confirmé sa volonté de ne pas voir Aalborg réintégrée dans le nouveau WCC.

4643. Le compte rendu de cette réunion (documents n° 33.126/2830 à 2832, visés au paragraphe 39, point 9, de la décision attaquée) précise ainsi, sous l'intitulé "1. Attitude des six membres par rapport à Aalborg/BC/ABZ":

"M. Clemente informe les membres présents qu'il n'a pas reçu de réponse officielle des destinataires de la lettre du 19 mars 1984 envoyée au nom des six membres. Un tour de table révèle que personne parmi les membres du WCC restreint ne désire reprendre Aalborg dans le comité. La VC [Valenciana] n'est pas intéressée à voir réintégrer les Danois dans le WCC, car ceux-ci exploitent les informations obtenues pour prendre leurs décisions. Plus tard ils ont ces informations, mieux c'est pour nous. Il ne faut pas leur rendre la tâche facile. Donc, pour M. Boffarul [représentant de Valenciana], il est clair que le WCC doit continuer sans Aalborg."

4644. Enfin, la volonté de Valenciana de ne pas réintégrer Aalborg au sein du WCC est confirmée par la note de commentaires établie par CBR à la suite de la réunion du WCC du 3 octobre 1985 à Milan (décision attaquée, paragraphe 39, point 3; documents n° 33.126/9958 à 9961), réunion à laquelle Valenciana a participé. Cette note de commentaires indique en effet: "Tous les membres actuels sont opposés à la réintégration d'Aalborg, car la direction actuelle de la Dansk [Aalborg] n'a plus leur confiance."

4645. Le fait que tous ces éléments sont antérieurs au 1er janvier 1986 ne saurait empêcher leur prise en considération pour établir l'adhésion de Valenciana à la sanction qui frappa Aalborg et, partant, son adhésion à la règle de protection des marchés intérieurs, dont le respect conditionnait l'appartenance au WCC.

4646. En tout état de cause, l'argumentation développée par Valenciana pour nier son implication dans l'exclusion d'Aalborg du WCC ne saurait écarter la constatation objective faite ci-dessus aux points 4630 à 4632 quant à son adhésion continue à la double règle du respect des marchés domestiques et de canalisation des surplus de production dans un consensus général, en vigueur entre les membres du WCC.

4647. En ce qui concerne, deuxièmement, l'exclusion de Blue Circle et d'Alsen-Breitenburg, Valenciana soutient qu'elle a été étrangère à l'adoption des mesures prises au niveau du WCC à l'encontre de ces deux entreprises.

4648. A cet égard, il y a lieu de constater que, si Valenciana n'était pas présente à la réunion du WCC de janvier 1984 à laquelle il fut constaté que la collaboration devenait improbable avec Blue Circle et Alsen-Breitenburg, notamment en raison du fait que ces deux entreprises avaient acheté les produits d'Aalborg pour fournir leurs clients étrangers (décision attaquée, paragraphe 39, point 14; documents n° 33.126/2850 à 2852), il ressort du compte rendu de la réunion du WCC des 19 et 20 juin 1986 (décision attaquée, paragraphe 39, point 11; documents n° 33.126/9914 à 9920) que Valenciana s'était opposée au retour éventuel de Blue Circle au sein du WCC, lors de la réunion de Milan du 3 octobre 1985 à laquelle elle avait participé (documents n° 33.126/2781 à 2784), et que son avis a été pris en compte lors de la réunion des 19 et 20 juin 1986 pour refuser le retour de Blue Circle.

4649. En tout état de cause, l'argumentation développée par Valenciana pour nier son implication dans les mesures d'exclusion de Blue Circle et d'Alsen-Breitenburg du WCC ne sauraient écarter les constatations objectives opérées ci-dessus aux points 4630 à 4632 quant à son adhésion continue à la double règle du respect des marchés domestiques et de canalisation des surplus de production dans un consensus général, en vigueur entre les membres du WCC.

4650. En ce qui concerne, troisièmement, les relations entre Blue Circle et Lafarge, Valenciana invoque son absence à la réunion du WCC du 2 octobre 1984, au cours de laquelle ces relations ont été évoquées.

4651. Il convient d'observer que, effectivement, Valenciana n'a pas participé à la réunion du WCC au cours de laquelle les relations entre Blue Circle et Lafarge ont été évoquées. Cependant, cette circonstance n'est pas, en tant que telle, de nature à remettre en cause la démonstration de sa participation à l'accord et aux pratiques concertées constatées à l'article 7 de la décision attaquée, en relation avec les règles de respect des marchés domestiques et de canalisation des surplus de production vers l'exportation à destination des pays tiers à la Communauté. En effet, la mention, par la Commission, du cas tiré des relations entre Blue Circle et Lafarge n'avait pas pour objet de démontrer l'implication de tous les membres du WCC dans la décision de Lafarge de respecter les règles en vigueur au niveau du WCC dans ses relations avec Blue Circle, mais d'illustrer l'application concrète de la règle du respect des marchés domestiques arrêtée au sein du WCC, notamment dans les relations entre Blue Circle et Lafarge.

4652. En ce qui concerne, quatrièmement, les relations entre Italcementi et Dyckerhoff, Valenciana nie toute implication dans ce cas d'application de la règle du respect des marchés domestiques, soulignant que la démonstration de la Commission repose sur le contenu de la seule note d'Italcementi du 23 décembre 1987, entreprise avec laquelle Valenciana n'aurait eu aucun lien particulier.

4653. Toutefois, il faut à nouveau relever que la mention, par la Commission, du cas tiré des relations entre Italcementi et Dyckerhoff n'avait pas pour objet de démontrer l'implication de l'ensemble des membres du WCC dans l'engagement pris par Italcementi de ne pas déranger Dyckerhoff en Allemagne. Elle visait uniquement à illustrer l'application concrète de la règle du respect des marchés domestiques arrêtée au niveau du WCC. Dans ces conditions, l'argumentation de Valenciana visant à nier toute implication dans le "cas" Italcementi-Dyckerhoff décrit au paragraphe 39, point 17, de la décision attaquée ne saurait écarter les constatations objectives opérées ci-dessus aux points 4630 à 4632 quant à son adhésion continue à la double règle du respect des marchés domestiques et de canalisation des surplus de production dans un consensus général, en vigueur entre les membres du WCC.

4654. En troisième lieu, Valenciana conteste toute participation, au niveau du WCC, à un système d'échange d'informations qui aurait eu pour but de créer une solidarité entre les membres du WCC. Elle fait ainsi remarquer que certains membres ne lui accordaient pas la même confiance qu'aux autres (note de CBR du 24 juillet 1986; document n° 33.126/9884).

4655. Cependant, force est de constater que la méfiance des membres du WCC à son égard tenait surtout à la position, jugée peu fiable, de ses représentants au WCC (MM. Boffarul et Manglano) et au fait que "les Espagnols [n'étaient] pas des gens à donner facilement leur avis ou leur parole" (voir le document n° 33.126/9882 mentionné au paragraphe 39, point 12, de la décision attaquée). Le manque de confiance vis-à-vis de Valenciana s'est principalement exprimé à l'occasion des discussions qui se sont tenues lors de la réunion spéciale de travail du WCC du 24 juillet 1986, consacrée aux stratégies de défense envisageables à l'encontre d'Aalborg (décision attaquée, paragraphe 39, point 12). En revanche, les documents soumis à l'appréciation du Tribunal ne font pas apparaître que ce manque de confiance ait aussi porté sur la qualité des informations fournies par Valenciana au cours des réunions du WCC.

4656. Par ailleurs, les termes utilisés par Valenciana dans son télex du 17 janvier 1984 à Italcementi (décision attaquée, paragraphe 39, point 7; document n° 33.126/2854) traduisent sa volonté de continuer à participer, avec les autres membres du WCC, au système d'échange d'informations instauré au sein de ce dernier.

4657. En tout état de cause, Valenciana ne conteste pas avoir fourni et reçu périodiquement, pendant la période d'infraction retenue à son égard à l'article 7 de la décision attaquée, des informations portant sur les divers sujets couverts par la coopération instaurée au sein du WCC.

4658. C'est donc à juste titre que la Commission a retenu la participation de Valenciana à la pratique concertée continue relative aux échanges d'informations visés à l'article 7 de la décision attaquée.

4659. En conclusion, la Commission était fondée à retenir la participation de Valenciana aux différentes infractions constatées à l'article 7, en relation avec le WCC. Il conviendra néanmoins d'apprécier, lors de l'examen de la légalité de l'article 10, relatif aux amendes infligées en raison des infractions visées à l'article 7, le bien-fondé de l'argumentation développée à titre subsidiaire par Valenciana quant à son implication moindre dans les comportements infractionnels constatés dans cet article (voir ci-après points 4992 et 4997 à 5004).

4660. Italcementi cherche, pour sa part, à se disculper en mettant en avant son intérêt marginal pour les exportations intracommunautaires de ciment blanc. Elle ajoute qu'elle n'avait aucun intérêt particulier à se protéger contre des importations éventuelles en Italie.

4661. Cet argument doit être rejeté.

4662. Italcementi fut membre fondateur du WCC, "club [regroupant] des producteurs européens de ciment blanc qui exportent" (décision attaquée, paragraphe 38, point 1; documents n° 33.126/4454, 4466, 4467 et 9962 à 9966), ce qui contredit son prétendu manque d'intérêt pour le commerce intracommunautaire du ciment blanc.

4663. Ensuite, la note interne d'Italcementi du 23 décembre 1987 (décision attaquée, paragraphe 39, point 17; documents n° 33.126/3370 à 3375) traduit son intérêt pour certains marchés communautaires, en particulier pour l'Allemagne, où elle s'était cependant engagée à ne pas déranger directement Dyckerhoff, conformément au principe du respect des marchés domestiques des membres du WCC (voir ci-dessus point 4584).

4664. Enfin, il ressort de la documentation présentée par la Commission dans la décision attaquée qu'Italcementi a assisté aux différentes réunions du WCC au cours desquelles les principes du respect des marchés domestiques et de canalisation des exportations vers les pays tiers ont été convenus et rappelés. Italcementi a elle-même souligné, dans son compte rendu de la réunion du WCC du 2 octobre 1986, que "M. Leboeuf [avait] saisi l'occasion pour rappeler le respect des marchés nationaux" (décision attaquée, paragraphe 39, point 4; documents n° 33.126/2737 à 2739). Or, elle n'a fourni aucun élément démontrant qu'elle se serait ouvertement démarquée de la finalité anticoncurrentielle qui animait le WCC. Elle n' a pas non plus fourni d'éléments démontrant que la coopération au sein du WCC n'a pas influencé son comportement sur le marché. Dès lors, la Commission était fondée à considérer qu'Italcementi avait manifesté son adhésion et son soutien aux différents accords et pratiques illicites retenus à l'article 7 de la décision attaquée (voir, à cet égard, jurisprudence citée, respectivement, au point 1353 et au point 1671 ci-dessus).

4665. Italcementi ajoute encore qu'elle ne s'est pas considérablement investie dans le traitement du problème posé par Aalborg et qu'elle s'est même opposée à l'exclusion de celle-ci du WCPC, comme l'attesterait la lettre que son représentant a adressée au directeur commercial d'Aalborg le 11 août 1986 (document n° 33.126/2756).

4666. Toutefois, le document présenté par Italcementi démontre tout au plus que celle-ci n'était pas favorable à l'exclusion d'Aalborg du WCPC, ce que confirment, d'une part, l'extrait du compte rendu de la réunion du WCC du 24 juillet 1986 établi par CBR (décision attaquée, paragraphe 39, point 12; document n° 33.126/9883), aux termes duquel "[...] en ce qui concerne l'appartenance des Danois et de Blue Circle au WCPC, M. Clemente [Italcementi] apporte la précision que sa société n'est pas favorable à leur exclusion, mais se rallie néanmoins à la décision de la majorité", et, d'autre part, le compte rendu d'Italcementi de la réunion du WCC du 2 octobre 1986 (décision attaquée, paragraphe 39, point 4; documents n° 33.126/2737 à 2739).

4667. Ces différents documents ne comportent en revanche aucune prise de position d'Italcementi quant à l'exclusion d'Aalborg du WCC.

4668. Au contraire, il ressort de la documentation visée par la Commission au paragraphe 39, sous a), de la décision attaquée qu'Italcementi a participé aux différentes réunions du WCC de 1983 et de 1984 au cours desquelles les membres du WCC décidèrent d'exclure temporairement, puis définitivement, Aalborg du WCC, ainsi qu'aux réunions du WCC de 1986, au cours desquelles des mesures de représailles envers Aalborg ont été étudiées. Parmi ces pièces, il convient de relever l'extrait du compte rendu de la réunion du WCC du 21 mai 1984 (documents n° 33.126/2830 à 2832 mentionnés au paragraphe 39, point 9, de la décision attaquée), qui rapporte dans les termes suivants la position de M. Clemente, représentant d'Italcementi au WCC: "M. Clemente est tout à fait d'accord avec les membres présents et estime pour son compte aussi qu'il est inopportun de reprendre Aalborg dans le WCC."

4669. Italcementi a donc été pleinement impliquée dans les décisions prises par le WCC à l'encontre d'Aalborg. En tout état de cause, son argumentation sur ce point ne saurait écarter les constatations objectives faites ci-dessus aux points 4662 à 4664 quant à son adhésion continue à la double règle de respect des marchés domestiques et de canalisation des surplus de production vers les pays tiers dans un consensus général, qui était en vigueur entre les membres du WCC.

Prescription des faits retenus à l'article 7 de la décision attaquée

4670. Dyckerhoff affirme que, la décision ordonnant des vérifications ayant été notifiée en avril 1989, il y aurait lieu de conclure, par application de l'article 1er, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2988/74 (voir ci-dessus point 1964), à la prescription des faits antérieurs au 20 avril 1984.

4671. Italcementi relève que, à l'article 7 de la décision attaquée, la Commission reproche notamment aux membres du WCC leur participation à une pratique concertée et à un accord relatifs au respect des marchés domestiques. Elle déduit de la présentation factuelle faite par la Commission au paragraphe 39 de la décision attaquée que les activités des membres de l'ancien WCC auraient été constitutives de la pratique concertée constatée, alors que celles des membres du nouveau WCC auraient procédé de l'accord retenu. Il s'agirait, selon elle, de deux infractions bien distinctes, qui n'auraient pu être qualifiées d'infraction unique et continue par la Commission (décision attaquée, paragraphe 61, point 4). Il conviendrait donc de constater la prescription des faits afférents à l'ancien WCC, soit les faits antérieurs à janvier 1984, conformément à l'article 1er du règlement n° 2988/74.

4672. Ces arguments ne sauraient être accueillis.

4673. Contrairement à ce que prétend Italcementi, la Commission n'a jamais considéré que la pratique concertée relative au respect des marchés domestiques était devenue un accord lorsque le nouveau WCC a succédé à l'ancien, en janvier 1984. Dans la décision attaquée, la Commission situe le passage d'une pratique concertée à un accord lors de la réunion du WCC au cours de laquelle les membres ont rappelé que le respect des "home markets" était une condition "sine qua non" des participations au WCC et au WCPC (voir décision attaquée, paragraphes 39, point 2, et 61, point 4; documents n° 33.126/2793 à 2798).

4674. A cet égard, il ressort de la documentation visée par la Commission aux paragraphes 38 à 41 de la décision attaquée que l'ensemble des faits retenus au titre, d'abord, d'une pratique concertée et, ensuite, d'un accord ont procédé d'une infraction continuée au sens de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 2988/74, constamment guidée, pendant toute la période d'infraction retenue à l'article 7 de la décision attaquée, par la même finalité anticoncurrentielle, à savoir le respect des marchés domestiques et la canalisation des surplus de production en dehors de la Communauté. Ainsi, l'extrait, cité au point précédent, du compte rendu de la réunion du WCC du 9 mai 1985, sur lequel la Commission se fonde pour conclure à la transformation de la pratique concertée en accord, atteste sans équivoque que le même objectif anticoncurrentiel a animé tant la pratique concertée antérieure à cette date que le concours de volontés postérieur à celle-ci. Le fait que la Commission a qualifié cette entente successivement de pratique concertée puis d'accord n'enlève rien à la continuation, du 6 mai 1982 au 26 mai 1988, des faits infractionnels constatés à l'article 7 de la décision attaquée, faits dont la prescription, qui avait commencé à courir le 26 mai 1988, conformément à l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 2988/74, n'était donc pas acquise au moment des vérifications opérées par la Commission à partir d'avril 1989.

Accès au dossier

4675. Ni Valenciana ni Italcementi ne soutiennent qu'elles n'ont pas eu accès, au cours de la procédure administrative, aux éléments à charge mentionnés aux paragraphes 38 à 41 de la décision attaquée, en relation avec les infractions constatées à l'article 7. Quant aux allégations de Dyckerhoff sur ce point, elles ont été rejetées (voir ci-dessus points 4573, 4575, 4576, 4579, 4582 et 4583).

4676. En ce qui concerne les éléments à décharge, Valenciana et Italcementi formulent une série d'observations à partir des documents qu'elles ont pu consulter à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 en matière d'accès au dossier (voir ci-dessus points 164 et 168).

4677. Dans son mémoire du 10 février 1997, Valenciana se réfère à des statistiques du SFIC relatives aux importations françaises de ciment pour l'année 1985 (documents n° 33.126/14956 à 14962), dont il ressortirait que les producteurs espagnols ont exporté 36 tonnes de ciment blanc vers le marché français en 1985. Ces statistiques indiqueraient que les entreprises allemandes, italiennes et britanniques ont fait de même. En outre, des statistiques du SFIC relatives aux importations françaises de ciment pour l'année 1987 (document n° 33.126/14964) feraient apparaître que l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont également exporté du ciment blanc vers le marché français en 1987. Ces documents, attestant tous de l'existence de certaines exportations de ciment blanc vers les pays de la Communauté, démontreraient donc que le WCC n'avait pas pour objet de protéger les marchés intérieurs des membres.

4678. Toutefois, il convient de rappeler que la Commission ne s'est pas fondée, dans la CG (paragraphes 21 à 23 et 63 à 65) et dans la décision attaquée (paragraphes 38 à 41 et 61 à 63), sur des statistiques démontrant le faible niveau des échanges de ciment blanc entre les Etats membres de la Communauté, mais sur des preuves documentaires directes, pour établir les infractions constatées à l'article 7 de la décision attaquée et la participation, notamment de Valenciana, à de telles infractions.

4679. A aucun endroit de la CG et de la décision attaquée, la Commission n'a du reste prétendu que les infractions commises dans le cadre du WCC avaient mis fin à toute exportation de ciment blanc dans la Communauté. Elle a uniquement constaté que l'objet du WCC était la protection des marchés intérieurs.

4680. Les documents du SFIC auxquels Valenciana a eu accès à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 2 octobre 1996 ne sont donc pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires retenues par la Commission pour constater non seulement l'existence des infractions visées à l'article 7 de la décision attaquée, mais également la participation de Valenciana à celles-ci. Ils ne font qu'illustrer l'existence d'exportations de ciment blanc au sein de la Communauté, sans individualiser les entreprises à l'origine de ces exportations. En ce qui concerne particulièrement la participation de Valenciana aux infractions constatées au niveau du WCC, les documents du SFIC relatifs à l'année 1985 (documents n° 33.126/14956 à 14962) font état d'importations de ciment blanc venant d'Espagne à concurrence de 36 tonnes. Valenciana n'a cependant fourni aucun indice démontrant qu'il s'agissait de ses propres exportations. En outre, le document du SFIC relatif à l'année 1987 (document n° 33.126/14964) ne fait même plus état d'exportations espagnoles vers la France.

4681. Dans ces conditions, les statistiques du SFIC relatives aux importations françaises de ciment pour l'année 1985 et pour l'année 1987 n'auraient pas pu être utiles à la défense de Valenciana dans le cadre du grief repris à l'article 7 de la décision attaquée.

4682. Dans son mémoire du 22 décembre 1997, Valenciana se réfère encore à une note interne de Ciments français (documents n° 33.126/4464 et 4465). Cette note confirmerait qu'elle n'a appliqué aucune règle de respect des marchés intérieurs. D'une part, il ressortirait de cette note que Valenciana exportait du ciment blanc vers le marché communautaire. D'autre part, la note mettrait en évidence le fait que Valenciana a commencé à participer aux travaux du WCC lorsque les membres du WCC avaient déjà décidé d'en exclure Alsen-Breitenburg, Aalborg et Blue Circle. Valenciana n'aurait donc participé à aucune des actions en considération desquelles la Commission a conclu (décision attaquée, paragraphe 61, point 3): "La violation de cette règle a été effectivement sanctionnée."

4683. Il convient de constater que la note indique, pour ce qui concerne Valenciana, "capacité de 500 KT", et à propos de l'Espagne, "350 à 400 KT" avec la mention "marché intérieur". Rien ne permet cependant de conclure que la seconde indication concerne les exportations de Valenciana vers les pays communautaires. En outre, les commentaires que Valenciana aurait pu présenter au cours de la procédure administrative, à partir des documents n° 33.126/4464 et 4465, pour contester sa participation aux mesures d'exclusion du WCC d'Aalborg, de Blue Circle et d'Alsen-Breitenburg n'auraient pas pu écarter les constatations objectives opérées ci-dessus aux points 4639 à 4643 et 4648, qui traduisent l'implication de Valenciana dans ces mesures. En tout état de cause, les éléments à présent avancés par Valenciana ne sont pas de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes (voir ci-dessus points 4630 à 4632) qui démontrent que Valenciana a adhéré, sur le marché du ciment blanc, au principe de respect des marchés domestiques et de la canalisation des surplus de production, visé à l'article 7 de la décision attaquée. Au contraire, la note interne de Ciments français (documents n° 33.126/4464 et 4465), mise en avant par Valenciana, ne fait que confirmer les constatations faites par la Commission dans la CG et dans la décision attaquée, puisqu'elle indique que le principe du WCC était d'"exporter les surproductions" et de "ne pas toucher aux marchés intérieurs". Elle confirme également la participation de Valenciana aux réunions du WCC: "Manglano, en théorie, c'est le patron; en fait, c'est [Boffarul]."

4684. Il s'ensuit que la note interne de Ciments français (documents n° 33.126/4464 et 4465) n'aurait pas pu être utile à la défense de Valenciana contre les griefs visés à l'article 7 de la décision attaquée.

4685. Enfin, Valenciana se réfère, dans son mémoire du 22 décembre 1997, à une note interne de CBR du 4 mai 1987 (documents n° 33.126/10209 à 10211). Il en ressortirait qu'elle exportait du ciment blanc vers le marché communautaire. Il s'agirait donc d'une preuve qu'elle n'a jamais appliqué la règle de protection des marchés intérieurs sur le marché du ciment blanc.

4686. Toutefois, il convient de constater que la note en question mentionne simplement que "Valenciana et Aalborg ont continué à développer les tonnages qu'ils exportent en vrac". Elle ne précise pas que ces exportations avaient pour destination des marchés européens et, en particulier, les marchés des autres membres du WCC. En tout état de cause, les commentaires que Valenciana aurait pu formuler à partir de cette note n'auraient pas été de nature à donner un éclairage différent aux preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée à juste titre pour constater, à l'article 7 de la décision attaquée, l'adhésion de l'entreprise espagnole à la règle du respect des marchés domestiques qui était de mise entre les membres du WCC.

4687. Dans ses observations du 26 novembre 1997, Italcementi se prévaut d'une série de documents de CBR, qui démontreraient que cette société écoulait sa production de ciment blanc dans d'autres pays de la Communauté [documents n° 33.126/8519 et suivants (sic), particulièrement 8540, 8969, 8970, 8424, 8425 et 8431]. D'autres documents (documents n° 33.126/6938 et 6943, et document n° 33.322/2017) attesteraient que les moyens envisagés pour faire face aux importations intracommunautaires de ciment blanc consistaient à adopter des mesures de représailles ou d'autres moyens d'action immédiats, mais en aucun cas à se référer à un prétendu principe de respect des marchés domestiques. Ces documents auraient ainsi permis à Italcementi de contester l'existence ou, à tout le moins, l'efficacité d'un principe de respect des marchés domestiques dans le secteur du ciment blanc.

4688. Il convient de relever que plusieurs documents invoqués par Italcementi (documents n° 33.126/8519 et 8540, et document n° 33.322/2017) se rapportent à des faits postérieurs à la période d'infraction (mai 1982-mai 1988) retenue par la Commission dans la décision attaquée. Ces documents manquent donc de pertinence à l'égard des griefs adressés à Italcementi dans le cadre du WCC.

4689. En tout état de cause, les commentaires qu'Italcementi aurait pu développer sur la base des documents qu'elle invoque, si ceux-ci lui avaient été rendus accessibles au cours de la procédure administrative, n'auraient pas été de nature à donner un éclairage différent au faisceau de preuves documentaires directes sur lesquelles la Commission s'est fondée pour établir l'existence d'un principe de respect des marchés domestiques des membres du WCC, au rang desquels figurait Italcementi, ainsi que l'application de ce principe dans un certain nombre de cas particuliers (CG, paragraphes 21 à 23, 63 et 64; décision attaquée, paragraphes 38 à 40 et 61 à 63).

4690. Enfin, la Commission n'a jamais prétendu que le principe du respect des marchés domestiques, applicable entre les membres du WCC sur le marché du ciment blanc, avait eu pour effet d'éliminer tout échange interétatique de ciment blanc, même entre les marchés domestiques des membres du WCC. Elle a sanctionné le WCC pour son objet anticoncurrentiel (décision attaquée, paragraphe 61, point 1), ajoutant qu'elle disposait de preuves directes établissant que ce principe avait été appliqué à l'une ou l'autre occasion et que certains membres du WCC avaient été sanctionnés pour avoir violé cette règle (décision attaquée, paragraphe 61, point 3).

4691. En conclusion, aucun des commentaires de Valenciana et d'Italcementi analysés ci-dessus aux points 4676 à 4690 n'aurait eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Ces parties requérantes n'ont donc pas démontré sur ce point l'existence d'une violation de leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative.

Conclusions générales

4692. Compte tenu de tout ce qui précède (voir ci-dessus points 4519 à 4691), la Commission était fondée à juger, à l'article 7 de la décision attaquée, qu'"[Italcementi], [Dyckerhoff], [Lafarge], [Ciments français], [CBR], du 6 mai 1982 au 26 mai 1988, et [Valenciana], du 1er janvier 1986 au 26 mai 1988, [avaient] enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant, dans le cadre du WCC, à la pratique concertée et à l'accord relatifs au respect des marchés domestiques, à la pratique concertée continue relative à la canalisation vers l'exportation dans les pays tiers des surplus de production, à une pratique concertée continue relative aux échanges d'informations individualisées par entreprise sur les capacités productives, les productions, les ventes internes et à l'exportation, les prix internes pour le ciment blanc et pour le ciment gris et les prix à l'exportation".

4693. Les moyens examinés doivent donc être rejetés dans leur intégralité.

XIV Sur le moyen tiré de l'illégalité de l'injonction formulée à l'article 8 de la décision attaquée

4694. A l'article 8 de la décision attaquée, la Commission enjoint "[aux] entreprises mentionnées aux articles 1er à 7 [de mettre] fin immédiatement aux infractions visées auxdits articles (si elles ne l'ont pas déjà fait) et [de s'abstenir] à l'avenir, dans le cadre des marchés du ciment gris et du ciment blanc, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet identique ou similaire, y compris tout échange d'informations commerciales confidentielles visant à contrôler l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant au partage des marchés dans la Communauté".

4695. La FIC (T-30-95), au titre d'un moyen tiré d'erreurs de fait et de droit, Aalborg (T-44-95), au titre d'un moyen tiré d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, et Halkis (T-104-95), au titre d'un moyen pris de la violation des articles 85, paragraphe 1, et 190 du traité, contestent la légalité de cette injonction.

4696. La FIC demande qu'il lui soit donné acte que l'injonction en question ne la concerne pas et ne fait pas obstacle à un échange de statistiques avec Cembureau. Il y aurait ainsi lieu de conclure que la Commission reconnaît implicitement que les associations n'ont pas commis d'infractions propres, ce qui contredirait son choix de leur imputer les infractions visées dans la décision attaquée et de leur infliger une amende séparée. S'il fallait, au contraire, considérer que l'article 8 concerne la FIC, il conviendrait alors d'annuler cette disposition pour défaut de motivation, la Commission n'ayant pas expliqué les raisons qui l'ont amenée à qualifier d'"entreprise" cette association.

4697. La FIC souligne que l'injonction vise directement les travaux statistiques de Cembureau et, partant, des associations professionnelles, et qu'elle les met en cause pour l'avenir, sans que la Commission se soit expliquée sur les raisons qui l'ont amenée à interdire de telles activités, pourtant conformes à la pratique décisionnelle et à la jurisprudence en la matière.

4698. Il convient de constater que, effectivement, l'injonction formulée à l'article 8 de la décision attaquée ne s'adresse pas aux associations d'entreprises, lesquelles ne sont pas davantage visées dans les considérants relatifs à cette injonction (paragraphe 64). Une telle constatation ne remet cependant pas en cause l'analyse développée ci-dessus aux points 1343 à 1372, 1400, 1401, 1458 à 1755 et 4063 à 4065 quant au bien-fondé de la décision de la Commission de retenir la participation de la FIC aux infractions visées aux articles 1er et 2, paragraphes 1 et 2, de la décision attaquée.

4699. En outre, ainsi que la Commission l'a confirmé lors de la procédure écrite dans l'affaire T-30-95, l'article 8 de la décision attaquée n'interdit pas les échanges d'informations statistiques, d'une part, entre les associations membres de Cembureau et, d'autre part, entre celles-ci et Cembureau, pour autant que de tels échanges statistiques ne visent pas à faciliter le contrôle et/ou la mise en œuvre d'accords ou de pratiques concertées ayant un objet identique ou analogue à celui des infractions visées dans la décision attaquée.

4700. Aalborg considère que l'injonction de l'article 8 de la décision attaquée a un contenu théorique si général qu'elle ne constitue pas une décision formelle au sens du règlement n° 17 (voir ci-dessus point 2). Elle ajoute qu'il lui est impossible de se conformer à cette injonction, dès lors que cette dernière n'indique pas comment se retirer d'un accord auquel on n'est pas partie. Halkis affirme qu'il ne saurait lui être enjoint de mettre fin à des infractions qu'elle n'a jamais commises.

4701. Il convient de rappeler que, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, la Commission, lorsqu'elle constate une infraction, notamment, aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, peut obliger par voie de décision les entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée.

4702. Le paragraphe 64 de la décision attaquée vise explicitement cette disposition du règlement n° 17.

4703. Il énonce ensuite:

"La grande majorité des entreprises ont nié l'existence de la plupart des infractions à l'article 85, paragraphe 1. Si un nombre assez restreint d'entreprises ont informé la Commission qu'elles avaient pris des mesures pour interdire à leur personnel de participer à des réunions ou d'avoir des contacts avec les représentants d'autres entreprises sur des questions commerciales, la Commission n'est pas certaine que les infractions décrites aux paragraphes 45, 46 et 47, 49-50, 53, 55-56 et 61-62 aient jamais réellement cessé. De même, la Commission n'est pas certaine que les pratiques concertées au sein [de l']EPC ne continuent pas sous le nouveau comité CDICT.

Aussi, la Commission doit-elle non seulement constater que des infractions ont été commises, mais également obliger les entreprises à y mettre fin."

4704. L'application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 peut comporter l'interdiction de continuer certaines activités, pratiques ou situations dont l'illégalité a été constatée, mais aussi celle d'adopter un comportement futur similaire (voir, notamment, arrêt PVC, cité au point 734 ci-dessus, point 1249).

4705. En outre, dans la mesure où cette application doit se faire en fonction de l'infraction constatée, la Commission a le pouvoir de préciser l'étendue des obligations qui incombent aux entreprises concernées, afin qu'il soit mis fin à cette infraction. De telles obligations pesant sur les entreprises ne doivent toutefois pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, à savoir le rétablissement de la légalité au regard des règles qui ont été méconnues (arrêt de la Cour du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission, C-241-91 P et C-242-91 P, Rec. p. I-743, point 93; arrêt PVC, cité au point 734 ci-dessus, point 1250).

4706. A l'article 8 de la décision attaquée, la Commission ordonne aux entreprises mentionnées aux articles 1er à 7 de mettre fin immédiatement aux infractions constatées dans ces dispositions. Elle enjoint ensuite aux mêmes entreprises de s'abstenir à l'avenir, dans le cadre des marchés du ciment gris et du ciment blanc, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet identique ou similaire, y compris tout échange d'informations commerciales confidentielles visant à contrôler l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant au partage des marchés dans la Communauté.

4707. De telles injonctions relèvent manifestement du pouvoir dont la Commission dispose au titre de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17.

4708.En effet, la Commission a constaté à juste titre l'existence, sur les marchés du ciment gris et du ciment blanc, d'un accord général de respect des marchés domestiques, ainsi que d'une série de mesures destinées à garantir l'application de cet accord, dont des échanges d'informations commerciales confidentielles.

4709. S'agissant précisément d'Aalborg, la Commission a constaté, à bon droit, sa participation à l'accord Cembureau visé à l'article 1er de la décision attaquée, ainsi qu'aux mesures d'application de cet accord visées à l'article 2, paragraphes 1 et 2 (échanges ponctuels et périodiques d'informations sur les prix), et à l'article 4, paragraphes 1 et 3, sous a) (accord constitutif de l'ETF et pratiques concertées ayant visé à ce que Calcestruzzi ne fût plus cliente des producteurs grecs). Quant à Halkis, la Commission a retenu, à bon droit, sa participation à l'accord Cembureau, ainsi qu'à la pratique concertée de l'EPC visée à l'article 6 de la décision attaquée.

4710. Au vu de ces éléments, il apparaît que les obligations imposées à Aalborg et à Halkis par l'article 8 de la décision attaquée ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour assurer le rétablissement de la légalité au regard des règles qui ont été méconnues.

4711. Les arguments d'Aalborg et d'Halkis doivent donc être rejetés.

4712. Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que, en adoptant l'article 8 de la décision attaquée, la Commission n'a pas outrepassé les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17.

4713. Dès lors, le moyen tiré de l'illégalité de l'injonction contestée doit être rejeté.

Sur les conclusions subsidiaires tendant à l'annulation ou à la réduction des amendes

4714. Les amendes infligées par la Commission aux destinataires de la décision attaquée sont fixées aux articles 9 et 10 de celle-ci:

- l'article 9 fixe les amendes "infligées aux associations et aux entreprises concernées en raison de l'infraction constatée à l'article 1er, laquelle a été mise en œuvre en particulier par les comportements décrits aux articles 2, 3, 4, 5 et 6", soit les amendes relatives à l'infraction liée à l'accord Cembureau constaté sur le marché du ciment gris;

- l'article 10 fixe les amendes "infligées aux entreprises concernées en raison de l'infraction constatée à l'article 7", soit les amendes afférentes à l'infraction commise sur le marché du ciment blanc, dans le cadre du WCC.

4715. Les considérants relatifs à l'imposition de ces amendes sont exposés au paragraphe 65 de la décision attaquée.

4716. Toutes les parties requérantes présentent des conclusions subsidiaires tendant à l'annulation des amendes infligées ou à la réduction de leur montant.

4717. Il n'y a plus lieu d'examiner celles présentées par Cembureau, la FIC, la VNC, le SFIC, le BDZ, la BCA, Oficemen, l'ATIC et l'AGCI, par suite des conclusions tirées ci-dessus aux points 478 à 488.

4718. La participation d'ENCI, de Cedest, d'Alsen-Breitenburg, de Nordcement, de Rugby, de Castle, d'Heracles et de Titan à l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée n'étant pas établie (voir ci-dessus points 4074 à 4079), l'article 9, qui lie l'amende à cette infraction en ce qui concerne le marché du ciment gris (voir ci-dessus point 4714), doit être annulé en ce qui concerne ces différentes entreprises. Celles-ci n'étant par ailleurs pas concernées par l'article 10, leurs conclusions subsidiaires visant à l'annulation ou à la réduction de leur amende sont donc devenues sans objet.

4719. Quant à Buzzi, si, certes, il est établi qu'elle a participé aux trois pratiques concertées visées à l'article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée (voir ci-dessus points 1819 à 2035), il n'est pas démontré que sa participation à ces pratiques concertées a constitué, dans son chef, une manifestation d'adhésion à l'accord Cembureau, visé à l'article 1er (voir ci-dessus points 4108 à 4113). Or, en ce qui concerne le marché du ciment gris, la Commission a choisi de sanctionner, à l'article 9, la seule participation audit accord Cembureau, plutôt que d'infliger, comme elle aurait pu le faire, une amende séparée pour chacune des infractions visées aux articles 1er à 6 (voir ci-dessus point 4714; voir également paragraphe 65, point 8). L'article 9 doit donc être annulé à l'égard de Buzzi. Buzzi n'étant du reste pas concernée par l'article 10, relatif aux amendes infligées en raison de l'infraction constatée sur le marché du ciment blanc, il n'y a plus lieu d'examiner ses conclusions subsidiaires tendant à l'annulation ou à la réduction de son amende.

4720. L'argumentation des autres entreprises requérantes, à savoir CBR (T-25-95), Ciments luxembourgeois (T-34-95), Dyckerhoff (T-35-95), Vicat (T-37-95), Ciments français (T-39-95), Heidelberger (T-42-95), Lafarge (T-43-95), Aalborg (T-44-95), Unicem (T-50-95), Valenciana (T-52-95), Asland (T-55-95), Uniland (T-58-95), Irish Cement (T-60-95), Cimpor (T-61-95), Secil (T-62-95), Italcementi (T-65-95), Holderbank (T-68-95), Hornos Ibéricos (T-69-95), Aker (T-70-95), Euroc (T-71-95), Cementir (T-87-95), Blue Circle (T-88-95) et Halkis (T-104-95), se décompose, en substance, en treize moyens ou série de moyens:

- motivation insuffisante ou contradictoire de la décision attaquée en ce qui concerne les amendes;

- violations de l'article 190 du traité, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et du principe d'égalité de traitement, en ce que la Commission a infligé une amende unique pour le groupe d'infractions constatées sur le marché du ciment gris;

- violations de l'article 190 du traité, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et du principe de proportionnalité dans l'appréciation du caractère délibéré des infractions;

- violation des dispositions du règlement n° 2988/74 sur la prescription;

- violations de l'article 190 du traité, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité et erreurs manifestes d'appréciation quant à la durée de l'infraction retenue sur le marché du ciment gris;

- violations de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et du principe de proportionnalité en ce qui concerne la durée de l'infraction retenue sur le marché du ciment blanc;

- violations de l'article 190 du traité, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement et erreurs manifestes d'appréciation dans l'évaluation de la gravité de l'infraction commise sur le marché du ciment gris;

- violations de l'article 190 du traité, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement et erreurs manifestes d'appréciation dans l'évaluation des responsabilités respectives des entreprises dans l'infraction commise sur le marché du ciment gris;

- violations de l'article 190 du traité, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et du principe de proportionnalité dans l'évaluation des responsabilités respectives des entreprises dans l'infraction commise sur le marché du ciment blanc;

- violations de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement et erreurs manifestes d'appréciation en ce qui concerne le chiffre d'affaires pris en compte aux fins du calcul des amendes;

- violations de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et des principes d'équité, de proportionnalité et d'égalité de traitement liées à la fixation des amendes en écus et au choix du taux de conversion;

- violations de divers principes généraux du droit communautaire;

- violation des droits de la défense liée à un accès incomplet au dossier de la Commission au cours de la procédure administrative.

4721. Ces moyens ne sont pas tous invoqués par chacune des parties requérantes mentionnées au point précédent. Lors de l'examen de chacun de ces moyens seront précisées les parties requérantes qui le soulèvent.

I Sur le moyen tiré d'une motivation insuffisante ou contradictoire de la décision attaquée en ce qui concerne les amendes

4722. En premier lieu, Dyckerhoff, Ciments français, Heidelberger, Aalborg, Asland, Irish Cement, Secil, Italcementi, Holderbank, Hornos Ibéricos, Aker, Euroc, Cementir, Blue Circle et Halkis prétendent que la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée en ce qui concerne les amendes. Les indications fournies au paragraphe 65 seraient générales, vagues et insuffisamment détaillées. Elles ne comporteraient aucune explication sur les considérations de fait et de droit, la méthode et les bases de calcul notamment le chiffre d'affaires (assiette, année, taux de conversion en écus) et le taux d'amende retenues à l'encontre de chaque entreprise. Italcementi, Holderbank, Hornos Ibéricos et Cementir soulignent que les seules informations disponibles à ce sujet proviennent des indications données par M. Van Miert, membre de la Commission en charge de la politique de la concurrence, lors de la conférence de presse organisée le jour de l'adoption de la décision attaquée. De telles indications ne remédieraient toutefois pas au vice de motivation allégué. Cementir ajoute que, même à la lumière des déclarations de M. Van Miert, il lui est impossible de cerner précisément les éléments et les critères de calcul retenus par la Commission pour fixer les amendes. Blue Circle affirme que le vice de motivation ne saurait davantage être comblé par les éclaircissements que la Commission serait amenée à fournir à la demande du Tribunal.

4723. Les parties requérantes susvisées prétendent que, à la lecture des développements contenus au paragraphe 65 de la décision attaquée, ni elles ni le Tribunal ne sont en mesure de contrôler la légalité, la proportionnalité et le caractère non discriminatoire des amendes infligées.

4724. Asland ajoute que le manque de transparence de la décision attaquée est encore aggravé par le fait que la Commission a refusé de communiquer l'enregistrement de la conférence de presse.

4725. Il convient de rappeler que la motivation exigée par l'article 190 du traité, qui constitue une forme substantielle au sens de l'article 173 dudit traité, doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière (voir, notamment, arrêt Commission/Sytraval et Brink's France, cité au point 469 ci-dessus, point 63).

4726. Pour ce qui est d'une décision infligeant des amendes à plusieurs entreprises ou associations pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence, la portée de l'obligation de motivation doit être notamment appréciée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance SPO e.a./Commission, citée au point 483 ci-dessus, point 54). En outre, lors de la fixation du montant de chaque amende, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation et elle ne saurait être considérée comme tenue d'appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise.

4727. En l'espèce, la Commission expose, au paragraphe 65 de la décision attaquée, les éléments pris en considération dans la détermination du montant des amendes.

4728. Elle explique (points 1 et 2) les raisons qui l'amènent à considérer que les infractions constatées sur les marchés du ciment gris et du ciment blanc ont été commises de propos délibéré au sens de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

4729. Elle motive (point 4) la durée prise en compte pour déterminer les amendes infligées. Elle précise les circonstances qui la conduisent à retenir pour une durée moins longue la participation de certaines destinataires de la décision attaquée.

4730. Elle expose (points 5 et 6) les éléments pris en considération pour déterminer le montant général des amendes, en ce qui concerne la gravité de l'infraction constituée par l'accord Cembureau. Elle invoque cinq circonstances qui l'amènent à juger que cette infraction présente une gravité particulière. Elle affirme avoir toutefois tenu compte de la situation difficile du secteur du ciment pendant la période considérée.

4731. Après avoir résumé, pour chaque destinataire de la décision attaquée, les éléments sur lesquels elle se fonde pour établir sa participation à l'accord Cembureau (point 3), elle expose les critères retenus pour pondérer l'amende infligée aux entreprises en fonction de leur degré de responsabilité dans cet accord (point 9). Sur la base de ces critères, elle opère une distinction entre deux catégories d'entreprises. La première catégorie regroupe celles dont elle juge la responsabilité grave au motif qu'elles "ont participé à l'accord [...] Cembureau à travers l'adhésion et/ou l'application des mesures et des arrangements convenus pour compléter cet accord [...] et ayant des effets directs tendant au cloisonnement des marchés domestiques" [même point, sous a)]. La seconde rassemble celles qui "portent une responsabilité moins grave", pour des raisons que la Commission précise [même point, sous b)]. Chaque entreprise est nommément rattachée à l'un des sous-ensembles définis par l'institution à l'intérieur de chacune de ces deux catégories.

4732. Quant à l'infraction relative au marché du ciment blanc, la Commission précise (point 11) qu'elle a tenu compte du fait que celle-ci a été grave dans son ensemble et que toutes les entreprises concernées y ont joué un rôle important.

4733. Il y a lieu de considérer que, à la lumière des allégations factuelles et de l'appréciation juridique exposées à l'égard de chaque destinataire de la décision attaquée, le paragraphe 65 contient une motivation suffisante et pertinente des trois facteurs (agissements de propos délibéré ou par négligence; durée; gravité) dont l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 exige la prise en considération lors de la détermination des amendes.

4734. Il est certes souhaitable que les entreprises, afin de pouvoir arrêter leur position en toute connaissance, puissent connaître en détail, selon tout système que la Commission jugerait opportun, le mode de calcul de l'amende qui leur a été infligée dans une décision constatant une infraction aux règles communautaires de la concurrence, sans être obligées, pour ce faire, d'introduire un recours juridictionnel contre la décision (arrêt Tréfilunion/Commission, cité au point 223 ci-dessus, point 142).

4735. Il en va d'autant plus ainsi lorsque, comme en l'espèce, la Commission a utilisé des formules arithmétiques détaillées aux fins du calcul des amendes. Dans un tel cas, il est souhaitable que les entreprises concernées et, le cas échéant, le Tribunal soient mis en mesure de contrôler que la méthode employée et les étapes suivies par la Commission sont exemptes d'erreurs et compatibles avec les dispositions et les principes applicables en matière d'amendes, et notamment avec le principe de non-discrimination (voir, notamment, arrêt Thyssen Stahl/Commission, cité au point 2062 ci-dessus, point 609).

4736. De telles données ne constituent toutefois pas une motivation supplémentaire et a posteriori de la décision attaquée, mais la traduction chiffrée des critères énoncés dans celle-ci, lorsque ces derniers sont eux-mêmes susceptibles d'être quantifiés (arrêts Thyssen Stahl/Commission, cité au point 2062 ci-dessus, point 610, et PVC, cité au point 734 ci-dessus, point 1181).

4737. A cet égard, il appartient au Tribunal, en application des articles 64 et 65 du règlement de procédure, de demander à la Commission, s'il le juge nécessaire pour l'examen des moyens invoqués par les parties requérantes, des explications concrètes sur les différents critères retenus par elle et exposés dans la décision attaquée (arrêt PVC, cité au point 734 ci-dessus, point 1182).

4738. En l'espèce, le Tribunal a demandé à la Commission, par une question écrite adressée en juin 1998, de lui fournir le détail du calcul de l'amende infligée aux différentes entreprises destinataires de la décision attaquée. En juillet 1998, la Commission a communiqué au Tribunal les indications demandées.

4739. Dans ces conditions, l'argumentation des parties requérantes tirée de la motivation insuffisante de la décision attaquée quant aux critères pris en compte aux fins de la détermination de l'amende doit être rejetée.

4740. En deuxième lieu, Aalborg reproche à la Commission de n'avoir pas pris position, dans la décision attaquée, sur l'objection qu'elle avait émise au cours de la procédure quant à la prescription des actes commis avant le 27 novembre 1986.

4741. Toutefois, au paragraphe 65, point 4, de la décision attaquée, la Commission considère qu'Aalborg a participé de manière ininterrompue, à compter du 14 janvier 1983, à l'infraction liée à l'accord Cembureau et sanctionnée à l'article 9, ajoutant qu'elle n'était pas certaine, au moment de l'adoption de la décision attaquée, que cette infraction ait jamais cessé. Elle estime ainsi ne pas être en mesure d'arrêter une date de fin de l'infraction. Dans son esprit, le délai de prescription fixé par l'article 1er du règlement n° 2988/74 (voir ci-dessus point 1964) n'avait donc même pas commencé à courir au jour de l'adoption de l'acte attaqué.

4742. Une telle analyse privait d'objet une prise de position de la Commission sur l'argument spécifique soulevé par Aalborg au cours de la procédure administrative quant à la prétendue prescription des actes commis avant le 27 novembre 1986.

4743. En troisième lieu, Blue Circle prétend que la décision attaquée n'identifie pas le comportement pour lequel une amende lui est infligée. Il lui semble que l'amende qu'elle s'est vu imposer à l'article 9 tient aux comportements visés aux articles 2 à 6, y compris ceux qui ne la concernent pas.

4744. A cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l'article 9 de la décision attaquée, les amendes ont été infligées sur le marché du ciment gris du chef de l'infraction liée à l'accord Cembureau constaté à l'article 1er, lequel a, d'après la Commission, été mis en œuvre en particulier par les comportements décrits aux articles 2 à 6.

4745. Au paragraphe 65, point 3, troisième alinéa, sous c), vingt-troisième tiret, la Commission précise que Blue Circle a mis en œuvre l'accord Cembureau en participant à l'accord relatif à l'ETF et à la pratique concertée continue de l'EPC.

4746. Ces indications, qui sont du reste établies (voir ci-dessus points 4082 à 4088, 4404 et 4405), identifient donc sans équivoque les mesures d'application de l'accord Cembureau retenues à l'encontre de Blue Circle aux fins de la détermination de l'amende qui lui est imposée à l'article 9. Elles attestent en outre que Blue Circle s'est vu infliger une amende du chef des seuls agissements illicites qui lui sont reprochés.

4747. En quatrième lieu, Halkis s'étonne que la Commission retienne sa responsabilité dans l'accord Cembureau et lui inflige une amende à ce titre, alors qu'elle ne viserait aucun acte illicite de sa part dans l'exposé des faits. Selon Halkis, cette absence de corrélation proviendrait d'une modification de dernière minute de la décision attaquée. La Commission l'aurait ainsi sanctionnée sans avoir établi sa participation à la moindre infraction sur la base des faits qu'elle a retenus. Halkis évoque à cet égard le texte de l'avant-projet de la décision attaquée, qui n'aurait pas prévu de lui infliger une amende.

4748. Toutefois, il convient de relever qu'Halkis est mentionnée tant dans l'exposé des faits (décision attaquée, paragraphes 35 à 37) que dans l'appréciation juridique (paragraphe 59) se rapportant à la pratique concertée de l'EPC, visée à l'article 6. Au paragraphe 45, point 10, la Commission identifie Halkis parmi les entreprises qui ont participé indirectement à l'accord Cembureau à travers leur implication dans des arrangements et mesures convenus pour compléter ledit accord et/ou pour concourir à son application. Au paragraphe 65, point 3, troisième alinéa, sous c), seizième tiret, elle précise qu'Halkis a mis en œuvre cet accord en participant à la pratique concertée continue de l'EPC.

4749. La Commission précise donc clairement, dans la décision attaquée, les éléments de fait et de droit sur la base desquels elle tient Halkis pour responsable de l'accord Cembureau visé à l'article 1er et lui inflige, à ce titre, une amende à l'article 9.

4750. Le fait qu'aucune amende n'ait été prévue à la charge d'Halkis dans l'avant-projet de la décision attaquée est à cet égard dénué de toute pertinence.

4751. L'argument d'Halkis doit donc être écarté.

4752. Il résulte de ce qui précède que le moyen examiné doit être rejeté.

II Sur les moyens tirés de violations de l'article 190 du traité, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et du principe d'égalité de traitement, en ce que la Commission a infligé une amende unique pour le groupe des infractions constatées sur le marché du ciment gris

4753. En premier lieu, Italcementi affirme que la Commission n'a pas indiqué, dans son appréciation juridique, qu'elle entendait considérer l'ensemble des comportements illicites retenus comme une infraction unique aux fins de l'imposition de l'amende. Dans sa réplique, elle souligne que la Commission n'identifie pas, dans son mémoire en défense, le moindre passage qui, dans la décision attaquée, indiquerait que, en ce qui concerne le marché du ciment gris, l'amende globale sanctionne une infraction globale.

4754. Toutefois, il suffit d'observer que, au paragraphe 65, point 8, de la décision attaquée, il est indiqué:

"Pour le groupe [des] infractions qui concernent le marché du ciment gris, la Commission a [...] fixé une amende globale pour chaque entreprise pour sa participation à l'accord ou principe Cembureau et aux mesures d'application de celui-ci. Vu la connexité de toutes ces actions, la Commission n'estime pas nécessaire d'imposer des amendes distinctes pour les diverses mesures d'application."

4755. L'argument d'Italcementi doit, en conséquence, être rejeté.

4756. En deuxième lieu, Lafarge, Asland, Italcementi et Blue Circle reprochent à la Commission d'avoir infligé une amende unique pour le groupe des infractions constatées sur le marché du ciment gris, plutôt qu'une amende distincte pour chacune des infractions retenues.

4757. Lafarge et Blue Circle font valoir que la Commission a, de ce fait, privé les parties de la possibilité de déterminer la fraction de l'amende se rapportant à chaque infraction à laquelle il leur est reproché d'avoir pris part et d'apprécier la responsabilité qui leur a été imputée dans les différents comportements contestés. Il leur serait donc impossible de vérifier le caractère approprié de l'amende qui leur a été infligée. La Commission aurait aussi placé le Tribunal dans l'impossibilité de contrôler la légalité des amendes.

4758. Asland affirme que, ce faisant, la Commission a violé le principe d'égalité de traitement en tenant toutes les entreprises pour responsables de l'infraction dans la même mesure, quel que soit le degré de leur participation à ladite infraction.

4759. Italcementi affirme que le fait de ne pas avoir imposé des amendes distinctes, par infraction, viole les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité. En effet, la Commission aurait pénalisé de façon discriminatoire les destinataires de la décision attaquée qui, comme elle, se seraient uniquement vu reprocher leur présence aux réunions des chefs de délégation de Cembureau. En outre, l'institution n'aurait pas apprécié la responsabilité d'Italcementi en fonction de la gravité réelle des seules infractions qui lui étaient reprochées, de l'étendue de son comportement anticoncurrentiel sur le marché en cause et de l'attitude adoptée à l'égard d'autres justiciables. La partie requérante ajoute que la Commission ne saurait se prévaloir du caractère unique et continu de l'infraction visée à l'article 1er pour justifier l'imposition d'une amende unique, dès lors qu'elle aurait laissé entendre que certaines infractions ne relevaient pas de l'accord unique et continu Cembureau.

4760. Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 9 de la décision attaquée, les amendes relatives au marché du ciment gris ont été infligées "en raison de l'infraction constatée à l'article 1er, laquelle a été mise en œuvre en particulier par les comportements décrits aux articles 2, 3, 4, 5 et 6". Les motifs de ce choix figurent au paragraphe 65, point 8, cité ci-dessus au point 4754.

4761. La Commission peut, en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, infliger une amende unique à une entreprise ayant commis différentes infractions (voir, notamment, arrêts Boël/Commission, cité au point 1353 ci-dessus, point 107, et Cockerill Sambre/Commission, cité au point 837 ci-dessus, point 92), sans devoir ventiler le montant de l'amende par chef d'infraction. Il en est d'autant plus ainsi lorsque les différentes infractions en cause s'inscrivent dans une stratégie d'ensemble cohérente (arrêt Tetra Pak/Commission, cité au point 717 ci-dessus, point 236).

4762. En l'espèce, la Commission a estimé que les différents comportements infractionnels visés aux articles 2 à 6 de la décision attaquée constituaient, de la part des parties impliquées, des manifestations d'adhésion à la règle commune du respect des marchés domestiques, objet de l'accord Cembureau visé à l'article 1er (voir décision attaquée, paragraphe 46).

4763. Si cette allégation n'est pas fondée en ce qui concerne la pratique concertée visée à l'article 3, paragraphe 1, sous b) (voir ci-dessus points 4040 à 4042 et 4058), la participation de Buzzi aux pratiques concertées retenues à l'article 3, paragraphe 1 (voir ci-dessus points 4108 à 4113), ainsi que les accords et pratiques concertées visés aux articles 4, paragraphe 4, et 5, qui ne sont pas établis (voir ci-dessus, respectivement, points 3397 à 3679 et 3771 à 3850), il a, en revanche, été constaté que les infractions auxquelles ont pris part, respectivement, Lafarge, Asland, Italcementi et Blue Circle sur le marché du ciment gris avaient procédé de leur adhésion à l'accord Cembureau (voir ci-dessus points 4063 à 4065, 4082 à 4088, 4326, 4327, 4351, 4378, 4379, 4404 et 4405).

4764. C'est donc à bon droit que ces parties requérantes se sont vu infliger une amende globale du chef de leur participation à l'accord Cembureau.

4765. Le choix opéré par la Commission à l'article 9 ne conduit pas en lui-même à une méconnaissance des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement. En outre, il ne prive pas l'entreprise intéressée de la possibilité de vérifier le bien-fondé des amendes, ni le juge communautaire de celle d'exercer son contrôle de légalité, dès lors que, comme en l'espèce (voir ci-dessus points 4725 à 4738), la décision attaquée, prise dans son ensemble, fournit les indications nécessaires à cet effet (arrêt Boël/Commission, cité au point 1353 ci-dessus, point 108).

4766. Eu égard aux considérations qui précèdent, les moyens examinés doivent être rejetés.

III Sur les moyens tirés de violations de l'article 190 du traité, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et du principe de proportionnalité dans l'appréciation du caractère délibéré des infractions

4767. Des parties requérantes reprochent à la Commission de considérer d'une manière générale que toutes les entreprises ont délibérément enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité, sans expliquer en quoi chacune d'elles aurait été animée d'une telle volonté dans la commission des infractions qui lui sont reprochées. Certaines avancent des éléments visant à démontrer que leur comportement infractionnel n'a pas procédé d'une intention délibérée.

4768. CBR soutient, en ce qui concerne sa participation au WCC, qu'elle était en droit de croire à la légalité des activités de ce comité, compte tenu de l'attitude adoptée par la Commission en 1972 dans l'affaire "Cimbel", relative à une entente à la grande exportation (voir ci-dessus point 4619).

4769. Ciments luxembourgeois fait valoir que, eu égard à la pratique de la Commission, elle ne pouvait pas supposer que la communication de listes de prix bruts accessibles au public pût constituer une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

4770. Dyckerhoff affirme que la Commission n'a pas démontré contre elle l'existence d'une faute commise de propos délibéré ou par négligence. Les passages de la décision attaquée auxquels il est fait référence au paragraphe 65, point 2, porteraient sur des événements auxquels elle n'a pas pris part ou dont elle conteste l'interprétation. Dyckerhoff prétend avoir agi de bonne foi, sans avoir été consciente de l'illicéité des activités de Cembureau et du WCC. Dans sa réplique, elle soutient, en ce qui concerne sa participation à l'ETF, que, dès lors que les discussions auxquelles elle a pris part étaient soumises à la condition de leur compatibilité avec les dispositions du traité relatives à la concurrence, elle pouvait légitimement présumer la légalité des décisions et des mesures arrêtées au cours de ces discussions.

4771. Lafarge affirme que les conditions posées par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et les exigences de motivation requises par l'article 190 du traité imposaient à la Commission d'établir que, pour chacune des infractions visées, elle avait enfreint l'article 85, paragraphe 1, dudit traité de propos délibéré ou par négligence. Or, la Commission n'invoquerait pas la négligence et n'aurait pas prouvé le caractère délibéré des infractions reprochées à Lafarge aux articles 1er, 3, 6 et 7 de la décision attaquée. Lafarge conteste particulièrement le caractère probant des pièces visées au paragraphe 19, points 3 et 5, auxquelles la Commission renvoie au paragraphe 65, point 2.

4772. Aalborg nie toute participation intentionnelle aux faits qui lui sont reprochés.

4773. Unicem fait valoir que son comportement dans les ententes visées par la décision attaquée ne peut pas être qualifié d'intentionnel. Elle souligne que les faits retenus au paragraphe 65, point 2, pour établir le caractère intentionnel de l'infraction ne la concernent pas. Elle ajoute que, à l'époque, ni elle ni aucun autre producteur italien de ciment n'avaient fait l'objet d'une procédure relative à l'application du droit de la concurrence. Par ailleurs, la législation italienne sur la concurrence aurait été adoptée à la fin de l'année 1990.

4774. Valenciana affirme avoir estimé, en toute bonne foi, que sa participation à l'EPC et au WCC était compatible avec l'article 85, paragraphe 1, du traité, même après l'adhésion de l'Espagne à la Communauté. En effet, les autres membres de ces comités auraient été les plus grands producteurs européens de ciment, dont la connaissance du droit communautaire de la concurrence était supérieure à la sienne.

4775. Asland nie avoir enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité de propos délibéré ou par négligence.

4776. Irish Cement affirme qu'il n'existe aucune preuve crédible du caractère délibéré de l'infraction en ce qui la concerne.

4777. Italcementi affirme que sa participation aux infractions liées aux échanges d'informations sur les prix et aux activités du WCC ne revêtait aucun caractère intentionnel. Quant aux activités du WCC, elle ajoute qu'il incombait à la Commission de prouver une telle intention, compte tenu du fait que les comportements mis en cause avaient pour objet l'exportation en dehors de la Communauté et que, partant, leur incompatibilité avec le droit communautaire de la concurrence n'était pas évidente.

4778. Hornos Ibéricos, dans sa réplique, et Halkis allèguent que la Commission n'a pas démontré qu'elles aient commis l'infraction de propos délibéré ou par négligence. Hornos Ibéricos cite un extrait de la lettre d'envoi à Blue Circle du procès-verbal de la réunion de l'EPC du 18 novembre 1983: "Ce qui suit concerne des opérations intra-européennes et je ne suis pas sûr qu'il devrait être inséré dans notre procès-verbal." Selon elle, cet extrait, replacé dans son contexte économique, a une signification contraire à celle que la Commission lui attribue.

4779. Aker et Euroc soutiennent qu'elles n'ont commis aucune infraction de manière intentionnelle. En ce qui concerne leur participation à l'ETF, elles font observer que, en 1986, elles ne détenaient pratiquement aucun intérêt ni participation de contrôle dans l'industrie européenne du ciment. Dans ces conditions, et eu égard à l'état de la jurisprudence pendant la période considérée (voir, notamment, arrêt Pâtes de bois I, cité au point 1325 ci-dessus), elles n'auraient eu aucune raison de penser que leur participation à l'ETF pût les faire tomber sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Elles ajoutent que la Commission cherche à renforcer ses allégations selon lesquelles les infractions constatées ont été commises de propos délibéré en soulignant le caractère occulte des activités visées dans la décision attaquée.

4780. Blue Circle affirme que son intention, en participant à l'ETF, était uniquement de mettre en place une cellule de réflexion. Il ne serait pas établi qu'elle ait été consciente que l'accord constitutif de l'ETF avait pour objet de restreindre le jeu de la concurrence. Quant à l'accord constitutif d'Interciment, elle rappelle que cette société est demeurée inactive. Plusieurs pièces établiraient, en outre, qu'Interciment aurait été notifiée à la Commission s'il avait été décidé de la rendre opérationnelle. Enfin, en ce qui concerne les pratiques concertées visées à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée, il ne serait pas établi que Blue Circle ait été impliquée dans des comportements ayant eu pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence.

4781. Sur cette question, il convient de rappeler que, aux termes de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, "[l]a Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d'entreprises des amendes de mille écus au moins et d'un million d'écus au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence [...], elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1 [...] du traité [...]"

4782. En l'espèce, la Commission a retenu le caractère délibéré des infractions, et non pas la simple négligence.

4783. Au paragraphe 65, point 2, de la décision attaquée, elle affirme en effet:

"Les entreprises [...] destinataires de la présente décision ont délibérément enfreint l'article 85, paragraphe 1. Les infractions sont expressément visées par l'article 85, paragraphe 1. Tout en connaissant pertinemment l'interdiction imposée par le droit communautaire et le risque de se voir infliger des sanctions importantes (voir, en particulier, paragraphe 19, points 3 et 5, paragraphe 21, point 2, paragraphes 25 et 26 ci-dessus), elles ont délibérément arrêté, dans le cadre de Cembureau et d'un système de réunions et de contacts bi- ou multilatéraux et dans le cadre des trois comités d'exportation, des mesures et des arrangements visant au respect des marchés domestiques, à la répartition des marchés et à l'échange d'informations. Il s'agit dès lors d'infractions qui mettent en échec un principe de base du marché commun, c'est-à-dire l'absence d'entraves à la libre circulation des produits."

4784. Pour qu'une infraction aux règles de concurrence du traité puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre ces règles, mais il suffit qu'elle n'ait pu ignorer que sa conduite avait pour objet de restreindre la concurrence (voir, notamment, arrêt de la Cour du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246-86, Rec. p. 2117, point 41, et arrêt du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, cité au point 779 ci-dessus, point 41).

4785. En l'espèce, les infractions sanctionnées par les amendes fixées aux articles 9 et 10 de la décision attaquée se rapportent à des ententes ayant eu pour objet de garantir la protection et la répartition des marchés domestiques. Les entreprises ne pouvaient donc pas ignorer que leur participation à de telles ententes, qui sont du reste explicitement visées à l'article 85, paragraphe 1, sous c), du traité, tendait à fausser ou à restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur de la Communauté.

4786. Il s'ensuit que c'est à bon droit, et au terme d'une motivation suffisante, que la Commission a conclu, au paragraphe 65, point 2, de la décision attaquée, au caractère délibéré des infractions en question.

4787. Les moyens examinés doivent, en conséquence, être rejetés.

IV Sur le moyen tiré d'une violation des dispositions du règlement n° 2988-74 sur la prescription

4788. Les arguments tirés de la prescription des faits liés aux infractions constatées sur le marché du ciment blanc (article 7 de la décision attaquée) ont été examinés ci-dessus aux points 4670 à 4674. Des parties requérantes soutiennent que le pouvoir d'infliger des amendes pour les infractions constatées sur le marché du ciment gris était prescrit en tout ou en partie, en application du règlement n° 2988-74.

4789. En premier lieu, Dyckerhoff, Heidelberger et Italcementi font valoir que la décision ordonnant des vérifications leur a été notifiée en avril 1989. Tous les faits antérieurs à avril 1984 seraient donc prescrits, conformément à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2988-74. L'article 9 de la décision attaquée devrait donc être annulé, dans la mesure où il leur inflige une amende pour de tels faits.

4790. Lafarge affirme que l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée est prescrite, eu égard aux dispositions de l'article 1er, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2988-74. En effet, la Commission n'aurait pas prouvé la poursuite de cette infraction au-delà de l'année 1983. Lafarge ajoute qu'il ne revient pas aux entreprises incriminées de prouver que l'infraction a pris fin, sous peine d'opérer un renversement de la charge de la preuve contraire aux principes fondamentaux du droit de la preuve communs à l'ensemble des Etats membres et à l'article 6, paragraphes 2 et 3, de la CEDH.

4791. Sur cette question, il convient de rappeler que, en vertu de l'article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 2988-74, le pouvoir de la Commission de prononcer des amendes est soumis à un délai de prescription de cinq ans en ce qui concerne les infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité. En application de l'article 1er, paragraphe 2, du même règlement, la prescription court à compter du jour où l'infraction a été commise; toutefois, pour les infractions continuées ou répétées, elle ne court qu'à compter du jour où l'infraction a pris fin.

4792. Conformément à l'article 2 du règlement, elle est interrompue par tout acte de la Commission visant à l'instruction ou à la poursuite de l'infraction, par exemple par les décisions ordonnant des vérifications, les demandes de renseignements et la communication des griefs retenus par la Commission, et elle court à nouveau à partir de chaque interruption.

4793. En l'espèce, l'infraction sanctionnée par les amendes fixées à l'article 9 de la décision attaquée est celle retenue à l'article 1er. Il a été constaté que Dyckerhoff a participé de manière ininterrompue à cette infraction du 14 janvier 1983 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus point 4308), Heidelberger du 14 janvier 1983 au 12 août 1987 (voir ci-dessus point 4324), Lafarge du 14 janvier 1983 au 19 mai 1989 (voir ci-dessus point 4328) et Italcementi du 19 mars 1984 au 3 avril 1992 (voir ci-dessus point 4380).

4794. Compte tenu des vérifications entreprises par la Commission auprès des parties requérantes entre avril 1989 et juillet 1990, des demandes de renseignements qui leur ont été adressées et de la notification de la CG en novembre 1991, le pouvoir de la Commission de leur infliger une amende pour leur participation à l'infraction commise sur le marché du ciment gris n'était pas prescrit au moment de l'adoption de la décision attaquée.

4795. L'argument des parties requérantes doit donc être écarté.

4796. En deuxième lieu, Aalborg fait valoir qu'elle n'a pas reçu de demandes d'informations de la part de la Commission et qu'elle n'a pas non plus fait l'objet de vérifications au titre des articles 11 et 14 du règlement n° 17. La procédure, pour autant qu'elle la concerne, aurait été engagée par l'envoi de la CG, qu'elle a reçue le 27 novembre 1991. Par application des articles 1er et 2 du règlement n° 2988-74, aucune sanction n'aurait donc pu lui être imposée, la dernière preuve de sa participation à des faits infractionnels remontant au 9 septembre 1986 (réunion des chefs de délégation de Baden-Baden), soit à plus de cinq ans avant la réception de la CG.

4797. Toutefois, il a été constaté qu'Aalborg a participé à l'infraction sanctionnée à l'article 9 de la décision attaquée de manière ininterrompue du 14 janvier 1983 au 31 décembre 1988 (voir ci-dessus point 4332). Sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le bien-fondé de l'argumentation de cette partie requérante visant à faire valoir que les enquêtes menées auprès de certaines entreprises destinataires de la décision attaquée n'ont pas interrompu la prescription à son égard, il suffit de relever que celle-ci a, en tout état de cause, été interrompue en novembre 1991, lorsque Aalborg s'est vu notifier la CG. En application des articles 1er et 2 du règlement n° 2988-74, le pouvoir de la Commission d'infliger une amende à Aalborg pour sa participation à l'infraction susvisée n'était donc pas prescrit au moment de l'adoption de la décision attaquée.

4798. Il convient donc d'écarter l'argument d'Aalborg.

4799. En troisième lieu, Unicem affirme que la décision ordonnant des vérifications, qui a interrompu la prescription à son égard, a été prise le 24 octobre 1989. Les comportements illicites qui lui sont reprochés avant le 24 octobre 1984 seraient donc prescrits, conformément à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2988-74.

4800. Cependant, il a été constaté que la participation d'Unicem à l'infraction sanctionnée à l'article 9 de la décision attaquée n'était pas établie avant le 9 septembre 1986 (voir ci-dessus points 4243 à 4247 et 4338). L'examen de son argument est donc devenu sans objet.

4801. En quatrième lieu, Cementir fait valoir que les faits relatifs aux réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 7 novembre 1984, auxquelles elle a pris part, sont prescrits en vertu des dispositions du règlement n° 2988-74. Elle rappelle ensuite que la seule réunion des chefs de délégation à laquelle elle a participé, et au cours de laquelle des informations sur les prix ont été échangées, est celle du 14 janvier 1983. La durée de l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée n'aurait donc pas excédé un jour en ce qui la concerne. Les faits qui lui sont reprochés à ce titre seraient dès lors prescrits.

4802. Toutefois, il convient de rappeler que la participation de Cementir aux comportements infractionnels survenus lors des réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 7 novembre 1984 a procédé de sa participation continue, du 14 janvier 1983 au 3 avril 1992, à l'infraction constatée à l'article 1er de la décision attaquée (voir ci-dessus point 4401), du chef de laquelle l'amende lui est infligée à l'article 9. En vertu du règlement n° 2988-74, le pouvoir de la Commission de lui imposer cette amende n'était pas prescrit au moment de l'adoption de la décision attaquée. L'argument de Cementir doit, en conséquence, être rejeté.

4803. Il résulte de ce qui précède que le moyen examiné doit être écarté.

V Sur les moyens tirés de violations de l'article 190 du traité, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité, ainsi que d'erreurs manifestes d'appréciation, quant à la durée de l'infraction retenue sur le marché du ciment gris

4804. Toutes les parties requérantes mentionnées ci-dessus au point 4720 font valoir que la Commission n'a pas correctement apprécié la durée de leur comportement infractionnel lors de la fixation des amendes visées à l'article 9 de la décision attaquée.

4805. Asland, Italcementi et Uniland contestent la date retenue comme date de début de l'infraction en ce qui les concerne.

4806. Les parties requérantes reprochent particulièrement à la Commission de n'avoir pas pris en considération la durée de leur propre participation aux infractions constatées aux articles 2 à 6 de la décision attaquée. Elles auraient été arbitrairement tenues pour responsables de l'infraction jusqu'au 26 mars 1993. Certaines prétendent que cette date ne les concerne pas. Unicem, Italcementi, Holderbank et Blue Circle soulignent qu'elle correspond à la dissolution formelle d'Interciment par son actionnaire unique, Holderbank. Elle n'aurait donc aucun rapport avec la durée des infractions constatées dans la décision attaquée. Valenciana, Irish Cement, Cimpor, Secil et Hornos Ibéricos font valoir que l'infraction relative à la constitution d'Interciment ne leur est pas imputée. Cementir rappelle qu'elle a été totalement étrangère à l'accord constitutif d'Interciment. En outre, ledit accord aurait été tout au plus une mesure d'application de l'ETF, laquelle n'aurait eu aucun rapport avec la structure et les activités de Cembureau.

4807. Les parties requérantes demandent que le montant de leur amende soit réduit en fonction de la durée réelle de leur participation à l'infraction.

4808. Sur cette question, il convient de rappeler que, en ce qui concerne le marché du ciment gris, les entreprises se sont vu infliger une amende du chef de leur participation à l'infraction constatée à l'article 1er de la décision attaquée, à savoir l'accord Cembureau.

4809. Au paragraphe 65, point 4, premier alinéa, la Commission affirme que "[cette] infraction a été de longue durée".

4810. Elle considère que ladite infraction a commencé le 14 janvier 1983 (même point, deuxième alinéa). Cette dernière date correspond à la réunion des chefs de délégation au cours de laquelle l'accord Cembureau a été conclu. Pour les motifs énoncés au troisième alinéa du point susvisé, la Commission retient cependant à compter d'une date ultérieure la participation à l'infraction de certaines des parties requérantes mentionnées ci-dessus au point 4720. Celle d'Asland, d'Hornos Ibéricos, d'Uniland, de Valenciana, de Cimpor et de Secil est ainsi retenue à partir du 1er janvier 1986, celle de Holderbank à partir du 28 mai 1986 et celle d'Aker et d'Euroc à partir du 9 juin 1986.

4811. Si la Commission est en mesure d'établir la date de début de l'infraction constituée par l'accord Cembureau, elle n'est pas certaine que cette infraction ait jamais réellement cessé. Elle ne pourrait donc pas établir une date de fin de l'infraction. Estimant que la dernière manifestation apparente et connue d'elle de l'accord Cembureau réside dans la dissolution d'Interciment le 26 mars 1993, elle retient cette date pour déterminer la période de référence aux fins du calcul des amendes (quatrième alinéa).

4812. Au paragraphe 65, point 10, elle précise qu'elle a tenu compte de la participation infractionnelle moins longue d'Asland, d'Hornos Ibéricos, d'Uniland, de Valenciana, de Cimpor, de Secil, de Holderbank, d'Aker et d'Euroc lors de la détermination du montant de leur amende.

4813. Il ressort des indications qu'elle a communiquées au Tribunal au mois de juillet 1998 (voir ci-dessus point 4738) qu'elle a calculé la durée de l'infraction en mois. Les entreprises qui, selon elle, ont participé à l'accord Cembureau pendant toute la période de référence, soit du 14 janvier 1983 au 26 mars 1993, ont ainsi été tenues pour responsables de l'infraction pour une durée de 122 mois. La durée de l'infraction d'Asland, d'Hornos Ibéricos, d'Uniland, de Valenciana, de Cimpor et de Secil a été fixée à 86,5 mois, celle de Holderbank à 82 mois, et celle d'Aker et d'Euroc à 81,5 mois.

4814. Or, l'infraction en question est établie:

- à l'égard de CBR, du 9 juin 1986 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus point 4288), soit pour une période de 29 mois;

- à l'égard de Ciments luxembourgeois, d'Aalborg et d'Irish Cement, du 14 janvier 1983 au 31 décembre 1988 (voir ci-dessus, respectivement, points 4304, 4332 et 4365), soit pour une période de 71,5 mois;

- à l'égard de Dyckerhoff, du 14 janvier 1983 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus point 4308), soit pour une période de 70 mois;

- à l'égard de Vicat, du 11 mai 1983 au 23 avril 1986 (voir ci-dessus point 4316), soit pour une période de 35,5 mois;

- à l'égard de Ciments français, du 14 janvier 1983 au 17 février 1989 (voir ci-dessus point 4320), soit pour une période de 73 mois;

- à l'égard de Heidelberger, du 14 janvier 1983 au 12 août 1987 (voir ci-dessus point 4324), soit pour une période de 55 mois;

- à l'égard de Lafarge, du 14 janvier 1983 au 19 mai 1989 (voir ci-dessus point 4328), soit pour une période de 76 mois;

- à l'égard d'Unicem, du 9 septembre 1986 au 3 avril 1992 (voir ci-dessus point 4341), soit pour une période de 67 mois;

- à l'égard de Valenciana, du 1er janvier 1986 au 13 mai 1987 (voir ci-dessus point 4344), soit pour une période de 16,5 mois;

- à l'égard d'Asland, du 28 mai 1986 au 31 mai 1987 (voir ci-dessus point 4352), soit pour une période de 12 mois;

- à l'égard d'Uniland, du 9 septembre 1986 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus point 4357), soit pour une période de 26 mois;

- à l'égard de Cimpor et de Secil, du 1er janvier 1986 au 24 avril 1989 (voir ci-dessus, respectivement, points 4368 et 4371), soit pour une période de 40 mois;

- à l'égard d'Italcementi, du 19 mars 1984 au 3 avril 1992 (voir ci-dessus point 4380), soit pour une période de 96,5 mois;

- à l'égard de Holderbank, du 28 mai 1986 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus point 4384), soit pour une période de 29,5 mois;

- à l'égard d'Hornos Ibéricos, du 1er janvier 1986 au 19 mai 1989 (voir ci-dessus point 4387), soit pour une période de 40,5 mois;

- à l'égard d'Aker et d'Euroc, du 9 juin 1986 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus, respectivement, points 4393 et 4397), soit pour une période de 29 mois;

- à l'égard de Cementir, du 14 janvier 1983 au 3 avril 1992 (voir ci-dessus point 4401), soit pour une période de 110,5 mois;

- à l'égard de Blue Circle, du 18 novembre 1983 au 7 novembre 1988 (voir ci-dessus point 4406), soit pour une période de 59,5 mois;

- à l'égard d'Halkis, du 18 novembre 1983 au 1er septembre 1986 (voir ci-dessus point 4416), soit pour une période de 33,5 mois.

4815. Il conviendra donc de réduire à due concurrence l'amende infligée à ces parties requérantes (voir ci-après point 5115), étant souligné que, à l'égard de chacune d'elles, l'amende sera rapportée à la proportion de la durée totale de 122 mois représentée par la durée effective de sa participation, conformément à la méthode de calcul appliquée par la Commission aux destinataires de la décision attaquée dont elle n'a pas retenu la participation pendant toute la période de référence.

VI Sur les moyens tirés de violations de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et du principe de proportionnalité en ce qui concerne la durée de l'infraction constatée sur le marché du ciment blanc

4816. Dyckerhoff reproche à la Commission de n'avoir pas procédé à l'appréciation de la durée de l'infraction commise par chaque entreprise aux fins de la fixation des amendes visées à l'article 10 de la décision attaquée.

4817. Toutefois, Dyckerhoff n'avance, au soutien de sa critique, aucun élément de nature à infirmer la constatation de la Commission selon laquelle elle a participé à l'infraction commise sur le marché du ciment blanc pendant toute la période retenue à l'article 7 de la décision attaquée, à savoir du 6 mai 1982 au 26 mai 1988. La Commission était donc fondée à retenir cette durée d'infraction lors de la détermination de l'amende.

4818. Ciments français affirme qu'elle a démissionné du WCC en octobre 1988.

4819. Toutefois, l'infraction sanctionnée sur le marché du ciment blanc a été retenue jusqu'au 26 mai 1988 (décision attaquée, article 7 et paragraphe 65, point 4, dernier alinéa). L'allégation de Ciments français est donc dépourvue de pertinence.

4820. En conclusion, il y a lieu de rejeter les moyens examinés.

VII Sur les moyens tirés de violations de l'article 190 du traité, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement, ainsi que d'erreurs manifestes d'appréciation, dans l'évaluation de la gravité de l'infraction commise sur le marché du ciment gris

4821. Des parties requérantes contestent les éléments invoqués par la Commission au paragraphe 65, point 5, de la décision attaquée au soutien de son allégation selon laquelle l'infraction liée à l'accord Cembureau a été d'une gravité particulière. Un argument vise la circonstance atténuante retenue au paragraphe 65, point 6. Des parties requérantes se prévalent de circonstances que la Commission aurait ignorées lors de l'appréciation de la gravité de cette infraction.

Sur les circonstances aggravantes retenues au paragraphe 65, point 5, de la décision attaquée

4822. Au paragraphe 65, point 5, de la décision attaquée, la Commission affirme:

"Pour déterminer le montant général des amendes, la Commission a pris en considération le fait que l'infraction constituée par l'accord ou principe Cembureau et par les diverses actions de mise en œuvre de cet accord présente une gravité particulière, justifiant des amendes substantielles, pour les motifs suivants:

- la collusion en matière de répartition des marchés et d'échange d'informations à cette fin constitue en soi une restriction très grave à la concurrence;

- le marché du ciment est un secteur industriel de base très important pour l'industrie de la construction et pour l'économie en général;

- les entreprises et les associations d'entreprises participant aux infractions représentent la quasi-totalité du marché communautaire du ciment, un marché d'ailleurs qui ne connaît pas de nouveaux entrants;

- la collusion a été institutionnalisée au sein d'organisations internationales ou de réunions et contacts bi- ou multilatéraux ayant pour objet de réglementer et d'organiser le marché du ciment;

- malgré le fait que la collusion a eu lieu dans un cadre institutionnel ayant aussi des objectifs légitimes, les entreprises ont manifesté, lorsqu'il s'agissait de comportements pouvant enfreindre les règles de concurrence, la volonté d'entourer du secret leurs actions et/ou leurs décisions (voir en particulier les paragraphes 19 et 24 à 28 ci-dessus). Même lorsqu'on a envisagé de notifier certaines pratiques à la Commission, cette notification n'a pas eu lieu (voir paragraphe 26 ci-dessus)."

4823. En premier lieu, Lafarge reproche à la Commission d'avoir procédé à une globalisation abusive de la gravité de l'infraction. Les considérations exprimées au paragraphe 65, point 5, de la décision attaquée, à les supposer exactes, ne concerneraient que l'infraction principale visée à l'article 1er. Elles ne pourraient pas s'appliquer aux mesures d'application de celle-ci.

4824. A cet égard, il convient de rappeler que, sur le marché du ciment gris, les amendes ont été infligées du chef de l'infraction constatée à l'article 1er de la décision attaquée. Les circonstances aggravantes visées au paragraphe 65, point 5, se rapportent donc précisément à ladite infraction. Pour le reste, Lafarge ne fournit, dans le cadre de cet argument, aucun élément au soutien de son allégation visant à écarter l'application de ces circonstances aggravantes aux mesures de mise en œuvre de cette infraction. Son argument doit, par conséquent, être rejeté.

4825. En deuxième lieu, Lafarge conteste l'affirmation de la Commission selon laquelle le marché du ciment est un secteur industriel de base très important pour la construction (décision attaquée, paragraphe 65, point 5, deuxième tiret). Elle affirme que, en termes de valeur, ce marché ne représente qu'un pourcentage infime.

4826. Cependant, il ne saurait être raisonnablement contesté que le ciment est un produit essentiel pour l'industrie du bâtiment et, par suite, pour l'économie en général. L'argument de Lafarge doit donc être écarté.

4827. En troisième lieu, Blue Circle soutient qu'aucun élément de preuve ne permet d'étayer l'affirmation selon laquelle les entreprises et les associations ayant participé à l'infraction représentaient pratiquement l'ensemble du marché communautaire du ciment. Au contraire, une telle affirmation serait infirmée par le fait que la Commission a abandonné les griefs qu'elle avait soulevés à l'encontre de 18 producteurs européens de ciment (décision attaquée, paragraphe 4, point 1).

4828. Toutefois, l'infraction liée à l'accord Cembureau a impliqué les principaux producteurs européens de ciment, l'ensemble des associations professionnelles représentant les marchés de la Communauté, ainsi que l'association européenne Cembureau. La Commission était donc fondée à considérer que les entreprises et les associations d'entreprises ayant participé à cette infraction représentaient "la quasi-totalité du marché communautaire du ciment" (décision attaquée, paragraphe 65, point 5, troisième tiret). Par conséquent, il y a lieu de rejeter l'argument de Blue Circle.

4829. En quatrième lieu, Cementir réfute l'allégation selon laquelle la collusion a été institutionnalisée au sein d'organisations internationales. Elle affirme que les organismes professionnels auxquels elle a adhéré ne poursuivaient pas une finalité anticoncurrentielle.

4830. Toutefois, il y a lieu de rappeler que Cementir a assisté, comme membre direct de Cembureau, aux réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et du 7 novembre 1984, au cours desquelles l'accord Cembureau a été arrêté. Elle a pris part, dans le cadre de l'accord relatif à l'ETF, à la stratégie collective ayant visé à éliminer les importations en Europe occidentale, en particulier celles en provenance de Grèce. Elle a participé, de 1984 à 1988, au système d'échange périodique d'informations sur les prix en vigueur au niveau de Cembureau, en vue de faciliter l'exécution de l'accord Cembureau. Il s'ensuit que la circonstance aggravante tirée du caractère institutionnalisé de la collusion lui est opposable.

4831. De son côté, Blue Circle reproche à la Commission d'avoir préservé l'apparence superficielle d'un cartel institutionnalisé, alors qu'elle avait renoncé aux griefs nationaux et aux griefs relatifs à l'entente euro-britannique.

4832. Cet argument ne saurait être retenu. En effet, il résulte de l'examen de la décision attaquée auquel il a été procédé que, nonobstant la renonciation invoquée, la Commission a établi le caractère institutionnalisé de la collusion à la mise en œuvre de laquelle Blue Circle a pris part sur le marché du ciment gris dans le cadre de l'ETF et de l'EPC.

4833. En cinquième lieu, Lafarge, Aker et Euroc nient toute stratégie de dissimulation. Lafarge rappelle les négociations engagées dès 1973 avec la Commission, notamment sur la question du système des points de parité. Elle affirme également que les actions entreprises à l'occasion de la survenance du problème lié aux importations de ciment en provenance de Grèce ont procédé de démarches politiques ayant précisément visé à sensibiliser la Commission à ce problème. Aker et Euroc font valoir que les entreprises concernées n'avaient aucune raison de dissimuler leurs actions, dès lors qu'elles ne s'étaient pas aperçues que celles-ci contrevenaient à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Selon elles, l'allégation de la Commission est également contredite par la masse de documents que celle-ci a pu recueillir lors de ses vérifications.

4834. Unicem affirme que les éléments avancés par la Commission au paragraphe 65, point 5, cinquième tiret, de la décision attaquée pour illustrer la volonté des parties de maintenir leurs actions secrètes ne la concernent pas.

4835. Cementir soutient qu'aucune pièce du dossier ne démontre l'existence d'une volonté de dissimulation de sa part.

4836. Il convient de rappeler qu'Aker, Euroc et Cementir ont partagé, lors de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, la volonté commune des participants d'entourer de secret la conclusion de l'accord Cembureau (voir ci-dessus point 976).

4837. Lafarge, Unicem, Aker et Euroc ont participé à l'accord constitutif de l'ETF et à des mesures de défense du marché italien. Ces différentes mesures ont visé à éliminer les importations déstabilisantes en Europe occidentale, en particulier celles en provenance de Grèce. Alors qu'il avait été suggéré, lors de l'élaboration du document de Zurich/Céligny, d'informer la Commission des actions collectives envisagées à cette fin (décision attaquée, paragraphe 25, point 7; document n° 33.126/18779), aucune entreprise n'a pu établir qu'il en a été ainsi, en ce qui concerne les mesures susmentionnées.

4838. Lafarge, Aker et Euroc ont aussi été parties à l'accord constitutif d'Interciment. Alors que différents avis juridiques recommandaient de notifier celui-ci à la Commission en raison de sa finalité manifestement illicite, une telle notification n'est jamais intervenue (voir ci-dessus point 2984).

4839. Il résulte de ce qui précède que la Commission était fondée à retenir contre Lafarge, Unicem, Aker, Euroc et Cementir la circonstance aggravante tirée de la volonté de dissimuler les infractions commises.

Sur la circonstance atténuante retenue au paragraphe 65, point 6, de la décision attaquée

4840. Au paragraphe 65, point 6, de la décision attaquée, la Commission affirme:

"En établissant le montant des amendes, la Commission a pris en considération le fait que les entreprises communautaires ont dû faire face, pendant la période prise en considération, à des flux accrus et soudains de ciment au moment où l'industrie communautaire avait du mal à sortir de la mauvaise conjoncture économique."

4841. Lafarge affirme ne pas être en mesure de déterminer l'impact de cette circonstance atténuante sur le calcul de l'amende qui lui a été infligée.

4842. Cet argument doit être rejeté. En effet, la Commission n'est pas tenue de quantifier, lors de la détermination des amendes, les différents facteurs qu'elle prend en considération dans l'appréciation de la gravité de l'infraction.

Sur le défaut de prise en compte de certaines circonstances atténuantes

A Taille et influence sur le marché de l'entreprise contrevenante

4843. Vicat, Uniland, Irish Cement, Cimpor, Secil, Hornos Ibéricos et Cementir reprochent à la Commission de n'avoir pas tenu compte de ce que leur influence sur le marché était limitée en raison de leur taille, de leur part de marché et de leur chiffre d'affaires modestes.

4844. Invoquant l'arrêt Boël/Commission, cité au point 1353 ci-dessus (point 131), Vicat ajoute que son actionnariat est familial et qu'elle ne fait pas partie d'une entité économique puissante. Irish Cement précise qu'elle n'est contrôlée par aucune autre entreprise européenne et qu'elle n'en contrôle pas. Cementir affirme qu'elle n'entretient aucun lien avec des unités de production de ciment situées dans d'autres pays.

4845. Il y a lieu de rappeler que, parmi les éléments à prendre en considération pour apprécier la gravité d'une infraction, peuvent figurer la taille et la puissance économique de l'entreprise et, partant, l'influence que celle-ci a pu exercer sur le marché (voir arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 439 ci-dessus, points 120 et 129, et IAZ e.a./Commission, cité au point 1320 ci-dessus, point 52).

4846. En l'espèce, il ressort des indications communiquées au Tribunal par la Commission (voir ci-dessus point 4738) que celle-ci a infligé aux entreprises une amende calculée en fonction de leur chiffre d'affaires. Ces indications font en outre apparaître que Vicat, Uniland, Irish Cement, Cimpor, Secil, Hornos Ibéricos et Cementir se sont vu imposer une amende calculée sur leur propre chiffre d'affaires, alors que les entreprises qui se trouvaient à la tête d'un groupe pendant la période considérée ont été frappées d'une amende calculée à partir de leur chiffre d'affaires consolidé. Les amendes infligées aux entreprises sont donc fonction de leur taille, de leur puissance économique et, partant, de leur influence sur le marché.

4847. La nature de l'actionnariat est quant à elle une circonstance dénuée de pertinence pour l'appréciation de la gravité de l'infraction commise par une entreprise lors de la détermination de son amende.

4848. Enfin, dans l'arrêt Boël/Commission, cité au point 1353 ci-dessus, invoqué par Vicat, le Tribunal a uniquement corrigé l'inégalité de traitement dont avait été victime l'entreprise en cause par rapport à des entreprises qui, bien que ne relevant pas d'entités économiques moins puissantes que celle à laquelle cette entreprise appartenait, s'étaient vu accorder par la Commission le bénéfice d'une circonstance atténuante tirée de ce que leur comportement infractionnel avait eu des effets anticoncurrentiels limités, en raison du fait qu'elles n'appartenaient pas à une entité économique puissante (voir points 131 et 132 de l'arrêt). Vicat ne saurait donc s'appuyer sur cet arrêt pour soutenir que la Commission a méconnu les principes dégagés par la jurisprudence en ne réduisant pas son amende en considération du fait qu'elle n'appartenait pas à une entité économique puissante.

4849. En conclusion, il convient d'écarter l'argumentation des parties requérantes.

4850. Ciments luxembourgeois considère que le montant de l'amende qui lui a été infligée est totalement inéquitable, dans la mesure où son chiffre d'affaires de 1991 s'est élevé à 1 764 000 000 LUF.

4851. Toutefois, pour autant que cet argument consiste à reprocher à la Commission d'avoir infligé à Ciments luxembourgeois une amende disproportionnée au regard du caractère modeste de son chiffre d'affaires, il doit être rejeté pour les motifs énoncés ci-dessus au point 4846.

B Absence ou faible importance des effets anticoncurrentiels des infractions

4852. Des parties requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir pris en compte l'absence ou, du moins, la faible importance des effets anticoncurrentiels, réels ou potentiels, des comportements infractionnels qui leur sont reprochés.

4853. Vicat souligne que la pratique concertée visée à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée a eu un effet anticoncurrentiel dérisoire, eu égard à la faible représentativité des deux entreprises en cause, d'une part, et au caractère limité de ses ventes dans la zone géographique concernée par ses contacts litigieux avec Buzzi, d'autre part. Elle reproche à la Commission de n'avoir pas procédé à une analyse du marché et du degré d'affectation de la concurrence sur le marché régional du Sud de la France.

4854. Aalborg et Italcementi reprochent à la Commission de n'avoir pas tenu compte de ce que leur participation à l'infraction n'avait eu aucun effet sur le marché. Italcementi ajoute que, eu égard aux caractéristiques du marché italien et à son propre comportement, l'accord Cembureau aurait eu la même nature, la même extension, la même durée et les mêmes effets que ceux décrits dans la décision attaquée, si la Commission n'avait pas retenu sa participation.

4855. Unicem reproche à la Commission de ne pas avoir admis que son comportement n'avait causé aucun préjudice aux consommateurs. En effet, ce comportement n'aurait pas empêché l'augmentation constante, entre 1986 et 1991, des importations en Italie de ciment en provenance de Grèce.

4856. Asland affirme que la décision attaquée ne contient aucun passage sur les effets réels de l'infraction constatée. Elle fait grief à la Commission de ne pas avoir examiné ces effets, en se privant ainsi d'un important élément d'appréciation de la gravité des agissements en cause. En effet, une telle analyse aurait, selon elle, conduit la Commission à constater que les échanges intracommunautaires de ciment avaient augmenté depuis 1985.

4857. Irish Cement insiste sur l'absence d'effet anticoncurrentiel de sa participation aux échanges d'informations sur les prix visés dans la décision attaquée.

4858. Cimpor reproche à la Commission de n'avoir pas comparé les effets réels de sa participation à l'infraction à ceux liés à la participation des autres entreprises mises en cause.

4859. Secil reproche à la Commission de n'avoir pas tenu compte des effets réels de sa participation à l'infraction.

4860. Cementir prétend que la Commission, en s'abstenant de tenir compte des particularités du marché du ciment, n'a pas constaté que, par la nature même des rapports de concurrence qui existaient sur ce marché, les effets restrictifs qui avaient pu éventuellement découler des infractions constatées avaient nécessairement eu une importance marginale, limitée à une réduction des échanges qui auraient pu avoir lieu dans les zones frontalières entre les marchés régionaux.

4861. Blue Circle reproche à la Commission de n'avoir pas tenu compte de ce que, pendant la période d'infraction, les flux commerciaux intracommunautaires avaient augmenté de manière significative et que les importations de ciment au Royaume-Uni s'étaient accrues, en dépit du fait que des contraintes importantes, indépendantes de tout comportement infractionnel, pesaient sur de telles importations.

4862. Il convient de rappeler que, pour constater qu'un accord est contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, il n'est pas nécessaire d'établir que l'accord en cause a eu un effet anticoncurrentiel. La constatation que ledit accord poursuivait un objectif anticoncurrentiel suffit à le déclarer contraire à la disposition susvisée du traité (voir jurisprudence citée au point 837 ci-dessus).

4863. En matière d'amendes, l'appréciation des effets d'une infraction peut être pertinente lorsque la Commission se fonde précisément, en ce qui concerne l'évaluation de la gravité de l'infraction en cause, sur de tels effets et qu'elle ne parvient pas à les prouver ou à fournir de bonnes raisons d'en tenir compte.

4864. En l'espèce, il convient de relever que, au paragraphe 65, point 5, de la décision attaquée, la Commission n'invoque pas, pour conclure à la gravité particulière de l'accord Cembureau, le fait que celui-ci se soit traduit par des effets anticoncurrentiels. Elle souligne, à juste titre, que la collusion en matière de répartition de marchés et d'échange d'informations à cette fin constitue, en tant que telle, une restriction très grave à la concurrence (paragraphe 65, point 5, premier tiret).

4865. Certes, il ressort du paragraphe 65, point 9, que, pour apprécier les responsabilités respectives des entreprises concernées, la Commission s'est fondée notamment sur les effets des mesures au moyen desquelles celles-ci avaient appliqué l'accord Cembureau. Elle a ainsi fait peser la responsabilité la plus lourde sur les entreprises qui avaient pris part à des mesures "ayant des effets directs tendant au cloisonnement des marchés domestiques" [même point, sous a)]. En revanche, elle a jugé moins grave la responsabilité des entreprises qui avaient uniquement participé à des mesures de canalisation des surplus de production vers les pays tiers, au motif que de telles mesures avaient des "effets moins directs sur la protection des marchés domestiques" [même point, sous b), premier tiret].

4866. Ces dernières considérations ne sauraient cependant être regardées comme une analyse des effets anticoncurrentiels observés à la suite de l'infraction, qu'il aurait incombé à la Commission d'étayer par des indications concrètes. Elles procèdent d'une appréciation théorique, du reste non contestée par les parties requérantes, des effets sur la concurrence potentiellement liés à ces deux types de mesure.

4867. L'argumentation des parties requérantes doit, en conséquence, être rejetée.

C Comportement sur le marché pendant la période considérée

4868. Vicat reproche à la Commission de n'avoir pas pris en considération l'autonomie de sa stratégie commerciale, axée notamment sur le développement d'un produit qu'elle est la seule à fabriquer, le "Prompt".

4869. Toutefois, un tel élément ne démontre pas que Vicat ait cherché à se soustraire à l'application de l'accord Cembureau pendant la période, comprise entre le 11 mai 1983 et le 23 avril 1986, durant laquelle elle a adhéré à cet accord par le biais de sa participation à la pratique concertée constatée à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision attaquée (voir ci-dessus point 4316). Son argument doit être rejeté.

4870. Asland reproche à la Commission de n'accorder, dans la décision attaquée, aucune importance à son comportement concurrentiel pendant la période considérée. Elle renvoie à des tableaux rendant compte de l'augmentation constante, entre 1985 et 1991, des échanges de ciment entre l'Espagne et les autres pays de la Communauté. Elle met aussi l'accent sur sa participation dans le capital d'Hispacement, filiale commune à plusieurs producteurs catalans visant à la promotion du commerce du ciment en dehors du marché catalan.

4871. Il convient de rappeler que la participation d'Asland à l'accord Cembureau n'est établie que pour la période comprise entre le 28 mai 1986 et le 31 mai 1987 (voir ci-dessus point 4352). Partant, les indications d'Asland se rapportant à la période antérieure au 28 mai 1986 et à celle postérieure au 31 mai 1987 sont à présent dépourvues de pertinence.

4872. Par ailleurs, des données globales indiquant une hausse constante, à partir de 1985, des exportations de ciment de l'Espagne vers les autres pays de la Communauté ne prouvent pas qu'Asland ait personnellement adopté un comportement concurrentiel sur le marché.

4873. Enfin, l'accord Cembureau n'interdisait pas tout commerce intracommunautaire de ciment. Il visait à empêcher les seules exportations "sauvages", susceptibles de déstabiliser les marchés. Il n'excluait pas les exportations à caractère traditionnel, voire structurel (voir ci-dessus point 1121).

4874. Dans un tel contexte, les circonstances avancées par Asland ne sauraient être interprétées comme établissant sa volonté de se soustraire à l'application de l'accord Cembureau pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré à cet accord.

4875. Il y a donc lieu de rejeter l'argument d'Asland.

4876. Cementir reproche à la Commission d'avoir systématiquement omis de prendre en compte la politique qu'elle avait réellement adoptée sur le marché durant la période en cause. La Commission n'aurait pas non plus démontré que la politique de Cementir reflétait le résultat des ententes constatées. Ainsi, sa participation aux accords conclus avec Calcestruzzi n'aurait pas eu, et n'aurait pu avoir, le moindre effet sur les importations de ciment en provenance de Grèce, lesquelles auraient sensiblement augmenté à partir de 1987.

4877. Toutefois, Cementir ne présente, au soutien de son argument, aucun élément de nature à démontrer qu'elle a tenté de se soustraire à l'accord Cembureau durant la période, comprise entre le 14 janvier 1983 et le 3 avril 1992, au cours de laquelle elle a adhéré audit accord. La hausse sensible des importations en Italie de ciment en provenance de Grèce ne saurait, à cet égard, être jugée révélatrice de sa volonté de se démarquer de cet accord (voir ci-dessus point 4401). Elle signifie tout au plus que les mesures d'application de celui-ci, auxquelles Cementir a, ainsi que cela a été constaté ci-dessus aux points 3283 à 3290 et 3343 à 3396, participé à la suite de la survenance du problème lié aux importations en Europe occidentale de ciment en provenance de Grèce, n'ont pas produit les effets escomptés sur le marché italien. L'argument de Cementir doit, en conséquence, être écarté.

D Absence de bénéfice tiré de l'infraction

4878. Vicat et Ciments français reprochent à la Commission de n'avoir pas tenu compte du fait qu'elles n'ont tiré aucun bénéfice des infractions qui leur sont reprochées.

4879. Lafarge affirme que la Commission n'a pas tenu compte des règles qu'elle a elle-même édictées, notamment dans son XXIe Rapport sur la politique de concurrence, selon lesquelles l'avantage financier que les entreprises poursuivies ont retiré de l'infraction serait à l'avenir l'élément déterminant dans le calcul du montant de l'amende.

4880. Irish Cement reproche à la Commission de n'avoir pas établi, ni même cherché à établir, qu'elle avait retiré ou tenté de retirer un bénéfice quelconque du résultat de ses activités illicites.

4881. Toutefois, le fait qu'une entreprise n'ait retiré aucun bénéfice de l'infraction ne saurait faire obstacle à l'imposition d'une amende, sous peine de faire perdre à celle-ci son caractère dissuasif (voir arrêt du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, cité au point 779 ci-dessus, point 53). Il s'ensuit que la Commission n'est pas tenue, en vue de fixer les amendes, d'établir que l'infraction a procuré un avantage illicite aux entreprises concernées, ni de prendre en considération, le cas échéant, l'absence de bénéfice tiré de l'infraction en cause.

4882. L'appréciation du profit illicite engendré par l'infraction peut, certes, être pertinente si la Commission se fonde précisément sur un tel profit pour évaluer la gravité de cette infraction et/ou pour calculer les amendes.

4883. Tel n'est cependant pas le cas en l'espèce. Au paragraphe 65, point 5, de la décision attaquée, la Commission n'invoque pas l'existence d'un bénéfice lié à l'accord Cembureau pour conclure à la gravité particulière de cette infraction. Ainsi que cela a été relevé (voir ci-dessus point 4846), elle a calculé les amendes sur la base du chiffre d'affaires des entreprises concernées.

4884. A l'adresse de Lafarge, il convient encore de préciser que, dans son XXIe Rapport sur la politique de concurrence, la Commission affirme (p. 120):

"Pour fixer le montant de l'amende, la Commission prend en considération tous les éléments de fait pertinents. L'avantage financier que les sociétés qui ont enfreint les règles de concurrence ont retiré de leur infraction deviendra un élément de plus en plus déterminant. Chaque fois que la Commission pourra évaluer ce gain illicite, fût-ce approximativement, c'est de là qu'elle partira pour calculer l'amende."

4885. De telles indications ne signifient pas que la Commission se soit désormais imposé la charge d'établir en toutes circonstances, aux fins de la détermination de l'amende, l'avantage financier lié à l'infraction constatée. Elles traduisent uniquement sa volonté de prendre davantage en considération cet élément et de le retenir comme base de calcul des amendes, pour autant qu'elle ait été en mesure de l'évaluer, fût-ce approximativement. Or, tel n'a pas été le cas en l'espèce.

4886. Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les arguments de Vicat, de Lafarge et d'Irish Cement sur ce point.

E Situation du marché du ciment pendant la période considérée

4887. Irish Cement affirme avoir été victime, de 1982 à 1986, d'un dumping important sur son marché domestique de la part d'exportateurs de pays tiers, ce qui l'aurait d'ailleurs conduite à déposer plainte auprès de la Commission. Hornos Ibéricos reproche à la Commission de n'avoir pas pris en considération la situation générale du marché du ciment pendant la période considérée.

4888. A cet égard, il convient de rappeler que, au paragraphe 65, point 6, de la décision attaquée, la Commission affirme: "En établissant le montant des amendes, la Commission a pris en considération le fait que les entreprises communautaires ont dû faire face, pendant la période prise en considération, à des flux accrus et soudains de ciment au moment où l'industrie communautaire avait du mal à sortir de la mauvaise conjoncture économique."

4889. Invitée à préciser cette affirmation en cours d'instance, elle a expliqué (réponse du 6 juillet 1998 à une question écrite du Tribunal):

"[L]a mention, au paragraphe 65, point 6, de la décision, des 'flux accrus et soudains de ciment' se réfère aux importations en provenance des pays tiers. Pendant la période de l'infraction, il y a eu notamment des importations volumineuses en provenance de la Tunisie, de la Turquie et de la Roumanie, contre lesquelles des plaintes antidumping ont été déposées."

4890. A l'audience, Irish Cement a précisé qu'elle visait les importations en provenance d'Allemagne de l'Est et d'Espagne.

4891. A cet égard, il y a lieu de relever que les explications de la Commission montrent que les exemples liés aux importations en provenance de la Tunisie, de la Turquie et de la Roumanie sont indicatifs, et non exhaustifs.

4892. Du reste, une décision constituant un tout, chacune de ses parties doit être lue à la lumière des autres (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150-89, Rec. p. II-1165, point 66, et du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T-49-95, Rec. p. II-1799, point 51). Les considérations énoncées au paragraphe 65, point 6, de la décision attaquée doivent ainsi être lues à la lumière des développements contenus dans l'exposé des faits, lesquels font état des problèmes suscités, pendant la période visée par Irish Cement, par les importations en provenance d'Allemagne de l'Est et d'Espagne (voir paragraphes 18, points 2 et 3, et 19, points 9 et 10).

4893. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les arguments d'Irish Cement et d'Hornos Ibéricos.

F Légitime défense

4894. Ciments français, Lafarge, Unicem, Hornos Ibéricos et Blue Circle reprochent à la Commission de n'avoir pas tenu compte du fait que les mesures prises à l'encontre des importations de ciment en provenance de Grèce procédaient d'une réaction de légitime défense face aux conditions de concurrence déloyale dans lesquelles de telles importations intervenaient. Elles reprochent à la Commission son inertie et l'inefficacité de ses actions à l'égard des aides accordées à l'époque par les autorités helléniques à leur industrie du ciment.

4895. Invoquant l'arrêt AITEC e.a./Commission, cité au point 2554 ci-dessus, Ciments français, Unicem et Hornos Ibéricos font valoir que la Commission n'a pas correctement analysé les effets des importations de ciment en provenance de Grèce. L'institution défenderesse aurait ainsi mal apprécié les difficultés engendrées par de telles importations, illégalement subventionnées.

4896. Sur cette question, outre ce qui a été exposé ci-dessus aux points 2556 à 2559, il convient de rappeler que, sur le marché du ciment gris, ces parties requérantes se sont vu infliger l'amende fixée à l'article 9 de la décision attaquée du chef de l'infraction liée à l'accord Cembureau, lequel visait au respect des marchés domestiques et à la réglementation des transferts de ciment d'un pays à l'autre de la Communauté (voir ci-dessus point 1085).

4897. Leur implication dans cette infraction a consisté, en tout ou partie, en des comportements illicites totalement étrangers au problème lié aux importations de ciment à bas prix en provenance de Grèce, ou dont la portée dépassait le cadre de ce problème.

4898. D'une part, Unicem a participé à des échanges périodiques d'informations sur les prix en vue de faciliter l'exécution de l'accord Cembureau (article 2, paragraphe 2). Lafarge a pris part à une pratique concertée avec Buzzi portant sur le partage du marché du Sud de la France [article 3, paragraphe 1, sous a)]. Ciments français et Lafarge ont été impliquées dans des accords et des pratiques concertées portant sur la réglementation des livraisons de ciment entre l'Allemagne et la France [article 3, paragraphe 3, sous a)]. Ciments français, Lafarge, Hornos Ibéricos et Blue Circle ont pris part à la pratique concertée continue de l'EPC relative à l'examen de la situation des marchés communautaires, le partage des marchés des pays tiers, la fixation des prix pour les produits destinés à la grande exportation, l'échange de données individualisées sur les disponibilités à l'exportation et sur les exportations effectuées dans les pays tiers, et destinée à éviter les incursions des concurrents sur les marchés nationaux respectifs de la Communauté (article 6).

4899. D'autre part, si les mesures prises dans le cadre de l'accord relatif à l'ETF ont, certes, vu le jour à la suite de la menace liée aux importations de ciment à bas prix en provenance de Grèce, plusieurs desdites mesures poursuivaient un objectif illicite dépassant le cadre de cette affaire. Ainsi, l'accord constitutif de l'ETF a eu pour objet l'élimination de toute incursion de ciment à bas prix susceptible de déstabiliser les marchés européens (voir ci-dessus point 2560). L'accord constitutif d'Interciment a visé à exécuter des mesures dissuasives et persuasives à l'encontre des pays menaçant la stabilité des marchés des pays membres (article 4, paragraphe 2).

4900. Enfin, il convient de souligner, en ce qui concerne les mesures visées à l'article 4, paragraphe 3, qu'une entreprise ne saurait utilement se prévaloir du caractère défensif de l'entente à laquelle elle a pris part, dès l'instant où elle a eu recours à des mesures non compatibles avec le droit communautaire pour protéger les marchés des participants contre la concurrence des producteurs d'autres Etats membres (arrêt du 6 avril 1995, Baustahlgewebe/Commission, cité au point 415 ci-dessus, point 148).

4901. L'argumentation des parties requérantes doit, en conséquence, être écartée.

G Coopération au cours de la procédure administrative

4902. Lafarge et Valenciana mettent en avant leur attitude de coopération avec la Commission au cours de la procédure administrative. Valenciana affirme qu'elle a facilité les vérifications effectuées par la Commission dans ses locaux, qu'elle a présenté ses observations écrites et orales sur la CG, alors même qu'elle ne savait pas exactement ce qui lui était reproché, et qu'elle a participé à l'audition. Aker et Euroc font valoir qu'elles ont communiqué à la Commission au cours de la procédure administrative le compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986 rédigé par M. Ulestig (Scancem). La Commission aurait jugé cette pièce suffisamment importante pour l'adresser à tous les destinataires de la CG. Aker et Euroc ajoutent qu'elles ont délégué à l'audition de mars 1993 l'un de leurs principaux dirigeants, ainsi que le premier président de Scancem.

4903. Toutefois, Lafarge n'étaye ses allégations par aucun élément qui permette d'en apprécier le bien-fondé. Pour cette seule raison, son argument doit être rejeté.

4904. Quant à Valenciana, son comportement n'est pas allé au-delà de l'exécution des obligations et de l'exercice des droits qui découlent de la réglementation applicable au déroulement de la procédure administrative en matière d'infractions au droit communautaire de la concurrence. Son argument doit donc aussi être rejeté (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12-89, Rec. p. II-907, points 341 et 342). Pour les mêmes motifs, doit aussi être écarté l'argument d'Aker et d'Euroc tiré de la présence de l'un de leurs principaux dirigeants et du premier président de Scancem à l'audition de mars 1993.

4905. Aker et Euroc ont effectivement joint à leur réponse à la CG (annexe 3, document 15) le compte rendu de la réunion de l'ETF du 19 août 1986 rédigé par M. Ulestig (Scancem), pièce que la Commission vise à différentes reprises dans l'exposé des faits (paragraphes 25, points 14 à 20, 27, point 3, et 28, points 3, 15 à 18 et 22) et dans l'appréciation juridique (paragraphes 53, points 7 et 8, 55, point 1, et 56, points 5, 8, 11 et 13) consacrés à l'ETF.

4906. Cependant, il ressort de leur réponse à la CG (points 6.3.5.7 et 6.3.5.16) que la communication de cette pièce à la Commission a été animée moins par le souci de faciliter la constatation des griefs retenus par la Commission dans la CG que par celui de nier l'implication d'Aker et d'Euroc dans l'infraction tirée de l'accord constitutif d'Interciment. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Commission n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ne retenant pas cet élément comme circonstance atténuante lors de la fixation de l'amende de ces deux parties requérantes. Partant, leur argument doit également être écarté.

H Souci de respecter le droit communautaire de la concurrence

4907. Lafarge reproche à la Commission de n'avoir pas tenu compte de l'attitude des entreprises poursuivies, qui auraient toujours cherché, au cours de la période considérée, à agir dans la légalité, ainsi que l'attesteraient les nombreuses références, dans les pièces saisies par la Commission, aux exigences fixées par le droit communautaire de la concurrence.

4908. Toutefois, une telle argumentation n'enlève rien à la réalité et à la gravité des infractions commises sur les marchés du ciment gris et du ciment blanc. Du reste, elle ne permet pas d'écarter les éléments visés ci-dessus aux points 4836 à 4838, qui attestent la volonté des participants à l'infraction, notamment de Lafarge, d'entourer de secret certains des comportements illicites qu'ils ont adoptés dans le cadre de l'accord Cembureau.

4909. Unicem fait valoir que, dès qu'elle a été informée de l'importance du droit communautaire de la concurrence, elle a adopté un code de comportement à l'usage de son personnel.

4910. Toutefois, s'il est certes important qu'Unicem ait pris des mesures pour empêcher que de nouvelles infractions au droit communautaire de la concurrence soient commises à l'avenir par des membres de son personnel, cela ne change rien à la réalité et à la gravité de l'infraction retenue contre elle en l'espèce (voir, notamment, arrêt du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, cité au point 140 ci-dessus, point 357, et arrêt ICI/Commission, T-13-89, cité au point 323 ci-dessus, point 395).

I Nouveauté de la question

4911. Lafarge reproche à la Commission de n'avoir pas tenu compte de sa pratique selon laquelle elle n'impose pas d'amende, ou impose des amendes modérées, lorsqu'elle se prononce pour la première fois sur le fonctionnement d'un marché communautaire particulier, ce qui serait le cas en l'espèce.

4912. Dyckerhoff affirme qu'il n'y a pas lieu d'imposer une amende en présence d'une situation juridique qui n'a pas encore été éclaircie par la pratique administrative. Or, en l'espèce, l'opinion de la Commission quant à l'illégalité de la collaboration entretenue à l'égard de pays tiers dans le cadre du WCC aurait été totalement nouvelle ou, à tout le moins, imprévisible pour les entreprises.

4913. Il est exact que, lors de la détermination du montant de l'amende, la Commission et le juge communautaire peuvent tenir compte, dans certaines circonstances, de ce que, à la date des faits litigieux, les comportements incriminés n'avaient pas été clairement identifiés comme tels dans la pratique décisionnelle de la Commission (arrêts AKZO/Commission, cité au point 323 ci-dessus, point 163, et Dunlop Slazenger/Commission, cité au point 270 ci-dessus, point 143). La nouveauté de la question doit toutefois s'apprécier non pas au regard du secteur d'activité économique concerné, mais des aspects juridiques soulevés par l'infraction constatée.

4914. En l'espèce, tant sur le marché du ciment gris que sur celui du ciment blanc, l'infraction sanctionnée a procédé d'un accord de respect des marchés domestiques. L'incompatibilité d'une telle entente avec les règles de la concurrence est explicitement affirmée à l'article 85, paragraphe 1, sous c), du traité et elle est consacrée par une jurisprudence constante. Les parties requérantes étaient donc informées de l'illégalité de leurs comportements.

4915. Leur argument tiré du caractère prétendument nouveau des questions visées par la décision attaquée doit, en conséquence, être rejeté.

J Premier rang mondial de l'industrie européenne du ciment

4916. Lafarge fait valoir que la Commission n'a pas tenu compte du fait que, grâce à une politique de restructuration efficace, l'industrie européenne du ciment était devenue la première industrie du ciment au monde. Il ne lui paraît pas conforme aux objectifs d'une politique industrielle communautaire, dont l'importance a été consacrée par l'article 130 du traité CE (devenu article 157 CE), de pénaliser un secteur tout entier, qui a su surmonter une crise difficile en s'adaptant.

4917. Toutefois, l'intérêt de promouvoir un secteur industriel de pointe ne saurait écarter l'imposition d'amendes substantielles pour des infractions graves au droit communautaire de la concurrence, sous peine de garantir l'impunité aux entreprises opérant dans des domaines d'activité réputés importants pour l'industrie et l'économie européennes.

K Existence d'obstacles juridiques et techniques aux échanges intracommunautaires de ciment

4918. Valenciana met en exergue les obstacles juridiques (ouverture d'une procédure antidumping contre les ciments Portland originaires d'Espagne) et techniques (disparité des règles nationales d'homologation) qu'elle a rencontrés dans ses activités d'exportation, tant avant qu'après l'adhésion de l'Espagne à la Communauté.

4919. Toutefois, de tels éléments n'affectent ni la réalité, ni la gravité, ni la durée de l'infraction reprochée à Valenciana. Ils ne justifient donc pas une réduction de son amende.

L Arrivée d'un nouveau concurrent sur le marché

4920. Irish Cement reproche à la Commission de n'avoir pas tenu compte de l'arrivée sur le marché irlandais d'un nouveau producteur, à savoir Sean Quinn Cement Ltd, qui a commencé ses activités de production en 1989 au nord de la frontière entre l'Irlande et l'Irlande du Nord.

4921. Cependant, cette circonstance est postérieure au 31 décembre 1988, date retenue par le Tribunal comme marquant la fin de la participation d'Irish Cement à l'infraction constatée à l'article 1er de la décision attaquée (voir ci-dessus points 4365 et 4366). L'examen du bien-fondé de l'allégation d'Irish Cement est donc, de ce fait, devenu sans objet.

M Absence de déductibilité fiscale des amendes

4922. Italcementi fait valoir que le montant de l'amende qui lui a été infligée est excessif, dès lors qu'il ne prend pas en considération l'absence de déductibilité fiscale des amendes en Italie.

4923. Toutefois, la Commission n'a pas à tenir compte, dans la fixation des amendes, des différences existant entre les législations fiscales nationales (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, Buchler/Commission, 44-69, Rec. p. 733, point 51).

N Situation financière du contrevenant

4924. Halkis fait valoir que l'amende qui lui a été infligée dépasse ses facultés contributives et risque de la mettre dans une situation financière dramatique, dès lors qu'elle se trouve sous le régime de liquidation spéciale. Dans sa réplique, elle ajoute que, si sa mise en liquidation est certes postérieure à la date d'adoption de la décision attaquée, les conséquences de la décision 91-144 relative à l'aide qui lui avait été accordée par le Gouvernement hellénique l'avaient placée, dès cette époque, dans une situation financière très difficile.

4925. Cependant, la Commission n'est pas tenue de prendre en considération la situation financière déficitaire d'une entreprise aux fins de la fixation de son amende, au risque de procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (arrêt IAZ e.a./Commission, cité au point 1320 ci-dessus, point 55).

4926. Il résulte des considérations qui précèdent que les moyens examinés ne peuvent pas être accueillis.

VIII Sur les moyens tirés de violations de l'article 190 du traité, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement, ainsi que d'erreurs manifestes d'appréciation, dans l'évaluation des responsabilités respectives des entreprises dans l'infraction commise sur le marché du ciment gris

4927. En premier lieu, Aalborg fait valoir que la condamnation à une amende pour infraction à l'article 85 du traité suppose une responsabilité individuelle. Elle ne pourrait pas être condamnée en vertu d'une responsabilité collective pour des actes commis par d'autres. Blue Circle affirme qu'une entreprise ne peut pas être tenue pour responsable d'une infraction à laquelle elle n'a pas participé, même si cette infraction a été commise en vertu d'un accord ou d'une pratique concertée auxquels elle était partie.

4928. Toutefois, ainsi que cela ressort de l'examen opéré ci-dessus, respectivement, aux points 4330 à 4333 et 4403 à 4407, Aalborg et Blue Circle ne sont sanctionnées que pour les faits qui leur sont individuellement reprochés dans le cadre de l'infraction constatée à l'article 1er. Leur argumentation doit donc être rejetée.

4929. En deuxième lieu, un grand nombre de parties requérantes reprochent à la Commission d'avoir apprécié leur responsabilité dans l'infraction sanctionnée sur le marché du ciment gris sur la base de critères abstraits et généraux, sans tenir compte de leur implication personnelle dans cette infraction. Plusieurs d'entre elles soutiennent que la Commission n'a pas pris en considération le rôle réel qu'elles ont joué dans les éléments d'infraction qui leur sont imputés. Certaines affirment que la Commission aurait dû tenir compte du nombre limité d'infractions qu'elles avaient commises dans le cadre de l'accord Cembureau et/ou du degré de gravité de chacune des mesures d'application de celui-ci.

4930. CBR reproche à la Commission d'avoir déduit son adhésion à l'accord Cembureau de la circonstance que l'un de ses dirigeants avait représenté, en sa qualité de chef de délégation, son association nationale aux réunions des chefs de délégation de Cembureau du 14 janvier 1983 et des 19 mars et 7 novembre 1984. Or, le comportement adopté par ce dirigeant dans le cadre de ses fonctions à la FIC n'aurait pas pu être imputé à CBR. De plus, ses interventions lors des réunions susvisées des 14 janvier 1983 et 19 mars 1984 auraient uniquement visé à garantir constamment la compatibilité avec l'article 85 du traité des actions susceptibles d'être entreprises dans le cadre de Cembureau. La Commission aurait tenté de faire jouer à ce dirigeant un rôle important dans la conclusion et dans la mise en œuvre de l'accord Cembureau, alors que sa seule intervention aurait porté sur le système des points de parité, dont la légalité n'est pas contestée dans la décision attaquée. CBR fait valoir, par ailleurs, que son rôle dans l'ETF a été très limité.

4931. Dyckerhoff fait grief à la Commission de ne pas avoir évoqué, même brièvement, son rôle mineur dans l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée.

4932. Vicat relève que, aux termes de la décision attaquée, elle n'a participé qu'à une seule mesure d'application de l'accord Cembureau, à savoir la pratique concertée retenue à l'article 3, paragraphe 1, sous c). Cette infraction serait du reste moins grave que les autres mesures de mise en œuvre de cet accord. Vicat reproche à la Commission de n'avoir pas tenu compte de cet élément, en la plaçant sur le même plan que d'autres entreprises à l'égard desquelles les éléments à charge étaient beaucoup plus importants, et de n'avoir pas exposé les raisons pour lesquelles elle croyait pouvoir la condamner aussi sévèrement que de telles entreprises. Comparant sa situation à celles de Lafarge et d'Italcementi, elle conclut que la valeur unitaire de l'amende par infraction commise est nettement plus élevée à son égard qu'à l'égard de ces deux entreprises.

4933. Ciments français affirme qu'elle a participé uniquement, par le biais d'un membre de sa direction agissant en qualité de président du SFIC, à l'une des trois réunions des chefs de délégation de Cembureau au cours desquelles l'accord Cembureau a été arrêté. Elle prétend ensuite qu'elle n'a été que très faiblement impliquée dans les concertations provoquées par les importations de ciment en provenance de Grèce. Enfin, sa participation à l'EPC aurait été négligeable, compte tenu du rôle insignifiant qu'elle était en mesure de jouer sur les marchés à la grande exportation.

4934. Heidelberger reproche à la Commission de s'être fondée sur sa thèse tirée de l'existence d'un accord unique et continu pour ignorer totalement le rôle individuel de chaque entreprise et pour fixer une amende globale pour la participation à cet accord. Son amende devrait dès lors être annulée ou, à tout le moins, réduite. En effet, Heidelberger n'aurait été impliquée que faiblement dans les faits visés dans la décision attaquée. Seules cinq mesures infractionnelles lui seraient reprochées parmi celles visées dans la décision attaquée. De plus, son degré de participation aurait été nettement plus réduit que celui d'autres entreprises. Sa participation aux faits litigieux se serait limitée à une présence plus ou moins passive aux discussions au cours desquelles des accords ou des pratiques concertées anticoncurrentiels ont été arrêtés. En lui infligeant une amende aussi élevée, la Commission aurait totalement méconnu son rôle dans l'accord Cembureau. Heidelberger ajoute que le principe d'égalité de traitement s'oppose à ce qu'une entreprise, à laquelle il est reproché une participation insignifiante à une entente, se voie infliger une amende plus lourde que celle frappant une entreprise à laquelle sont reprochés des faits plus graves.

4935. Aalborg affirme que la Commission a méconnu le principe selon lequel les amendes doivent être proportionnelles au degré de responsabilité et à la portée de l'infraction. Elle reproche aussi à la Commission de n'avoir pas comparé son degré de responsabilité et la gravité de son infraction à ceux des autres entreprises. Comparant sa situation à celle de Ciments luxembourgeois, Aalborg fait valoir qu'une très grande partie de son amende s'explique par sa présence à la réunion des chefs de délégation du 9 septembre 1986 à Baden-Baden. Elle reproche, dès lors, à la Commission de n'avoir pas vérifié scrupuleusement les motifs de sa participation à cette réunion, lesquels tenaient en réalité uniquement au dépôt d'une plainte antidumping et aux activités de lobbying relatives aux aides d'Etat grecques. Elle critique encore le fait que sa participation non intentionnelle à des éléments d'infraction retenus dans la décision attaquée lui fait subir une sanction aussi élevée que celles qui frappent les entreprises les plus concernées.

4936. Unicem fait valoir qu'elle a joué un rôle purement passif dans les échanges périodiques d'informations sur les prix et qu'elle n'a participé qu'à une seule des quatorze réunions qui se sont déroulées entre mai 1986 et mai 1987 dans le cadre de l'ETF. Elle n'aurait jamais pris l'initiative de mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau. Elle aurait en outre été totalement étrangère à certains comportements visés dans la décision attaquée. Son rôle marginal dans les infractions commises tiendrait notamment à son intérêt limité pour le commerce international. La Commission lui aurait pourtant infligé une amende du même ordre de grandeur que celle qui a frappé des entreprises ayant joué un rôle prépondérant dans les comportements anticoncurrentiels dénoncés.

4937. Valenciana fait valoir que, en imposant à chaque entreprise une amende globale pour sa participation aux différentes infractions constatées sur le marché du ciment gris, la Commission n'a pas apprécié la gravité du comportement illicite de chacune de ces entreprises. Ainsi, il n'aurait pas été tenu compte de la gravité réduite de sa participation à l'EPC. La décision attaquée ne ferait pas état de ce que ses activités d'exportation étaient orientées vers les Etats-Unis et de ce qu'elle n'a pas participé aux sous-comités de l'EPC et au Committee for development of international cement trade.

4938. Asland reproche à la Commission d'avoir tenu toutes les entreprises pour responsables de l'infraction dans la même mesure, quel qu'ait été le degré de leur participation à ladite infraction. Elle souligne particulièrement son rôle limité dans l'ETF.

4939. Uniland affirme que la Commission, en se fondant sur la seule présence passive et sporadique de M. Rumeu à deux réunions de l'ETF pour lui reprocher sa participation aux accords et pratiques concertées visés aux articles 1er et 4, paragraphes 1, 2 et 3, sous a), de la décision attaquée, lui attribue de manière injustifiée un rôle comparable à celui d'entreprises comme Holderbank, dont la taille et le degré de participation à l'accord Cembureau ne seraient à l'évidence pas comparables aux siens.

4940. Irish Cement fait valoir qu'elle a joué un rôle mineur dans l'infraction constituée par l'accord Cembureau, ce dont la Commission n'aurait pas tenu compte. Elle n'aurait pas participé aux principaux accords bi- ou multilatéraux visés dans la décision attaquée. Les preuves rassemblées par la Commission permettraient tout au plus de soutenir qu'Irish Cement a accepté l'accord Cembureau et les différentes mesures de mise en œuvre de cet accord. Irish Cement n'aurait pas non plus été directement impliquée dans l'ETF, ainsi que la Commission le reconnaîtrait. Cette dernière aurait aussi admis que les rapports entre Irish Cement et le marché britannique ne constituaient pas une mesure de mise en œuvre de l'accord Cembureau. Irish Cement conclut que, en la faisant figurer parmi les entreprises dont le rôle était le plus important dans l'infraction, la Commission lui attribue une responsabilité excessive et disproportionnée par rapport à celle des autres entreprises classées dans cette catégorie.

4941. Cimpor souligne que, alors que certaines entreprises sont tenues pour responsables de neuf infractions, seules deux infractions lui sont reprochées. Elle affirme ensuite n'avoir pas été directement impliquée dans la conclusion de l'accord Cembureau, dans la mesure où elle n'était pas membre de Cembureau.

4942. Secil fait valoir qu'elle figure parmi les entreprises accusées du plus petit nombre d'infractions. Le recours à des critères abstraits et uniformes, qui la situent parmi les entreprises ayant gravement violé l'article 85, paragraphe 1, du traité, serait dès lors constitutif d'une violation du principe de proportionnalité de l'amende à son égard.

4943. Cimpor et Secil reprochent encore à la Commission de n'avoir pas tenu compte de l'absence totale d'initiative de leur part dans les infractions retenues à leur charge dans la décision attaquée. La Commission n'aurait pas non plus établi que leurs activités aient jamais été considérées comme un "point chaud" et qu'elles aient transmis des informations sensibles ou confidentielles à l'ATIC ou à Cembureau.

4944. Italcementi rappelle l'existence du régime légal de contrôle des prix en Italie, les caractéristiques des données échangées, son absence d'intérêt pour l'exportation et l'absence d'intérêt des autres producteurs européens pour l'Italie. Elle affirme que les mesures adoptées dans le cadre de l'ETF par les producteurs italiens de ciment ont constitué une réponse autonome et licite aux concurrents grecs. De telles mesures ne pourraient dès lors être assimilées aux mesures ayant visé à canaliser les surplus de production grecs vers des pays tiers à la Communauté. Enfin, le comportement d'Italcementi à l'égard d'Interciment ne pourrait être comparé à celui de Holderbank, qui fut l'actionnaire unique de cette société, de sa création à sa dissolution.

4945. Holderbank, dans sa réplique, reproche à la Commission de n'avoir pas examiné son implication individuelle dans les différentes infractions qui lui sont reprochées.

4946. Hornos Ibéricos affirme que l'EPC était un instrument légitime. Les allusions particulières à certaines situations intracommunautaires au cours de réunions de l'EPC ne prouveraient pas que toutes les réunions de ce comité aient été illicites. De plus, la Commission n'aurait pas tenu compte du fait qu'aucune de ces allusions ne concernait Hornos Ibéricos. Elle n'aurait pas non plus pris en considération l'absence d'initiative de sa part dans la création de ce comité, le caractère limité de ses fonctions et de ses responsabilités au sein de l'EPC, ainsi que le fait qu'elle n'a jamais fait partie du Steering Committee de l'EPC. En outre, la décision attaquée ne contiendrait aucun développement sur le contexte économique et juridique de la création de l'EPC et de l'adhésion d'Hornos Ibéricos à ce comité. Hornos Ibéricos fait encore valoir que, en lui imposant une amende du même ordre de grandeur que celle infligée aux entreprises ayant commis des infractions plus graves, la Commission a violé le principe d'égalité de traitement.

4947. Cementir fait grief à la Commission d'avoir sanctionné de manière identique les accords conclus avec Calcestruzzi et des ententes ayant eu pour objet de contrôler ou d'éliminer les échanges entre Etats membres. Elle lui reproche par ailleurs de n'avoir pas pris en compte son rôle marginal, voire inexistant, au sein de Cembureau et de l'ETF, son absence d'intérêt pour les exportations et son assistance irrégulière aux réunions des chefs de délégation. Selon elle, la Commission aurait dû distinguer la sanction qu'elle lui infligeait de celle qu'elle imposait à Italcementi et à Unicem, ces dernières entreprises ayant joué un rôle beaucoup plus important dans les infractions constatées.

4948. Halkis reproche à la Commission de n'avoir pas pris en considération l'absence de gravité de l'infraction retenue contre elle. Elle relève également que la Commission s'est fondée uniquement sur sa participation à l'EPC pour lui infliger une amende, sans avoir démontré qu'une telle participation avait contribué à la mise en œuvre d'un accord de partage des marchés domestiques.

4949. Il convient de rappeler que, lors de la détermination du montant des amendes, il y a lieu de tenir compte de tous les éléments de nature à entrer dans l'appréciation de la gravité des infractions, tels que, notamment, le rôle joué par chacune des parties dans l'infraction et le risque que des infractions de ce type représentent pour les objectifs de la Communauté (voir arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 439 ci-dessus, points 120 et 129, et IAZ e.a./Commission, cité au point 1320 ci-dessus, point 52). Lorsqu'une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu d'examiner la gravité relative de la participation de chacune d'entre elles (arrêts du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission, cité au point 142 ci-dessus, point 110, et Montecatini/Commission, cité au point 270 ci-dessus, point 207).

4950. En l'espèce, la Commission affirme, au paragraphe 65, point 9, de la décision attaquée:

"Pour déterminer le montant de l'amende pour chaque entreprise pour les infractions décrites aux chapitres 8, 9 et 10, la Commission est partie de la considération que toutes les entreprises, ainsi qu'elle l'a explicité au point 3 ci-dessus, ont adhéré à l'accord ou principe de respect des marchés domestiques. Toutefois, elle a tenu compte, dans le cadre de cette constatation générale, du rôle joué par chaque entreprise dans la conclusion de l'accord ou principe de respect des marchés domestiques et dans les arrangements et les mesures convenus pour compléter cet accord ou principe et/ou concourir à son application, de la participation de chaque entreprise aux diverses mesures ou arrangements convenus pour compléter cet accord ou principe et/ou pour concourir à son application et de la durée de ces mesures et arrangements."

4951. Sur la base de ces considérations, la Commission distingue deux catégories d'entreprises.

4952. La première catégorie comprend les entreprises qui, selon elle, portent la responsabilité la plus grave dans l'infraction liée à l'accord Cembureau, parce qu'elles "ont participé à l'accord ou principe Cembureau à travers l'adhésion et/ou l'application des mesures et des arrangements convenus pour compléter cet accord ou principe et ayant des effets directs tendant au cloisonnement des marchés domestiques" [décision attaquée, paragraphe 65, point 9, sous a)]. Il ressort du paragraphe 65, point 9, sous a), deuxième tiret, in fine, et sous b), premier tiret, que, par les mesures et arrangements précités, la Commission entend les infractions visées aux articles 3 et 4 de la décision attaquée.

4953. A l'intérieur de cette première catégorie, la Commission distingue trois sous-ensembles.

4954. Dans le premier de ceux-ci, elle range les entreprises qui "ont, en tant que membres de Cembureau, participé directement à la conclusion de l'accord ou principe de respect des marchés domestiques et ont participé à des mesures d'application visant à protéger directement les marchés domestiques" [décision attaquée, paragraphe 65, point 9, sous a), premier tiret]. Parmi les parties requérantes visées ci-dessus aux points 4929 à 4948, sont rattachées à ce sous-ensemble Aalborg, Unicem, Irish Cement, Italcementi et Cementir.

4955. Le second sous-ensemble comprend les entreprises qui "ont assumé, à travers leurs plus hauts dirigeants, la fonction de chef [...] de délégation auprès de Cembureau, soit à l'époque où l'accord ou principe de respect des marchés domestiques a été convenu, soit pendant la période de sa mise en œuvre" [décision attaquée, paragraphe 65, point 9, sous a), deuxième tiret]. La Commission estime que (même tiret) "le rôle essentiel de ces entreprises dans la conclusion et/ou la mise en œuvre de l'accord ne fait pas de doute", ajoutant que ces entreprises ont par ailleurs participé à des mesures d'application de l'accord Cembureau visant à protéger directement les marchés domestiques. Parmi les parties requérantes visées ci-dessus aux points 4929 à 4948, relèvent de ce sous-ensemble CBR, Dyckerhoff, Ciments français, Heidelberger, Asland et Cimpor.

4956. Le troisième sous-ensemble regroupe les entreprises qui "ont participé à des mesures d'application de l'accord ou principe Cembureau visant à protéger directement les marchés nationaux" [décision attaquée, paragraphe 65, point 9, sous a), troisième tiret]. Parmi les parties requérantes visées ci-dessus aux points 4929 à 4948, figurent dans ce sous-ensemble Vicat, Uniland, Secil et Holderbank.

4957. Il ressort des indications communiquées par la Commission au cours de la présente procédure (voir ci-dessus point 4738) que le taux de base de l'amende infligée aux entreprises rattachées à cette première catégorie est de 4 % de leur chiffre d'affaires de référence.

4958. La seconde catégorie comprend les entreprises qui "portent une responsabilité moins grave" dans l'accord Cembureau [décision attaquée, paragraphe 65, point 9, sous b)].

4959. A l'intérieur de cette seconde catégorie, elle distingue également trois sous-ensembles.

4960. Dans le premier, elle range les entreprises qui "ont uniquement participé aux mesures d'application de l'accord ou principe Cembureau visant à canaliser dans les pays tiers les surplus de production" [décision attaquée, paragraphe 65, point 9, sous b), premier tiret]. Selon elle (même tiret), de telles mesures "ont des effets moins directs sur la protection des marchés domestiques que celles décrites aux chapitres 4 et 5". Parmi les parties requérantes visées ci-dessus aux points 4929 à 4948, sont rattachées à ce sous-ensemble Valenciana, Hornos Ibéricos et Halkis.

4961. Le deuxième sous-ensemble concerne les entreprises qui, "tout en ayant participé à des mesures d'application de l'accord ou principe Cembureau visant à protéger directement les marchés domestiques, ont essayé de se soustraire à l'exécution de l'accord Cembureau auquel [elles] adhéraient" [décision attaquée, paragraphe 65, point 9, sous b), deuxième tiret]. L'appréciation du bien-fondé de la distinction de ce sous-ensemble est devenue sans objet, par l'effet de l'annulation des amendes infligées aux trois entreprises qui lui sont rattachées, à savoir Cedest, Heracles et Titan (voir ci-dessus point 4718).

4962. Dans un troisième sous-ensemble, la Commission classe Ciments luxembourgeois, qui, "tout en étant membre direct de Cembureau et tout en ayant participé aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord ou principe Cembureau a été convenu, n'a mis en œuvre, à la connaissance de la Commission, aucune mesure d'exécution" [décision attaquée, paragraphe 65, point 9, sous b), troisième tiret]. Selon elle (même tiret), le "rôle moins actif [de cette entreprise] justifie donc son classement dans le groupe des entreprises qui portent une responsabilité moins grave".

4963. D'après les indications fournies par la Commission au cours de la présente procédure (voir ci-dessus point 4738), le taux de base de l'amende infligée aux entreprises rattachées à cette seconde catégorie est de 2,8 % de leur chiffre d'affaires de référence.

4964. Il convient d'admettre que l'analyse de la Commission exposée ci-dessus aux points 4950 à 4963 constitue une appréciation pertinente du degré de responsabilité de chacune des parties requérantes dans l'infraction sanctionnée sur le marché du ciment gris.

4965. Ainsi que cela a été jugé ci-dessus aux points 4753 à 4766, la Commission a choisi, à bon droit, d'infliger les amendes, sur le marché du ciment gris, du chef de l'infraction constituée par l'accord Cembureau, plutôt que de sanctionner par des amendes séparées les divers éléments constitutifs de ladite infraction. Dans ces conditions, elle était fondée à apprécier la responsabilité globale des entreprises impliquées dans cette infraction. Elle n'était pas tenue d'évaluer le rôle spécifique joué par chacune d'elles dans les différents faits infractionnels constatés dans la décision attaquée.

4966. Le nombre d'infractions particulières commises par une entreprise donnée dans le cadre de l'accord Cembureau ne constitue pas, en l'espèce, un critère pertinent d'évaluation de son degré de responsabilité dans ledit accord. Chaque entreprise partie à celui-ci a cherché à garantir le respect des marchés domestiques à travers le nombre de mesures jugé nécessaire en fonction, notamment, de ses intérêts commerciaux et de la situation géographique de son marché naturel. Le fait d'avoir pris part, en considération de ces éléments, à un nombre limité de mesures illicites ne traduit dès lors pas une adhésion moins forte à l'accord Cembureau et, donc, une responsabilité moins grave dans l'infraction sanctionnée.

4967. Quant à la gravité de chacune des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau, il ressort des considérations de la Commission exposées ci-dessus aux points 4950 à 4963 que celle-ci a fait une distinction entre les mesures visées aux articles 3 et 4 de la décision attaquée, d'une part, et les mesures de canalisation des surplus de production vers les pays tiers, d'autre part. Les entreprises impliquées dans les premières se sont vu infliger une amende d'un taux de base de 4 % de leur chiffre d'affaires de référence. Celles dont la participation à l'accord Cembureau découlait exclusivement de leur implication dans les secondes de ces mesures ont été frappées d'une amende d'un taux de base de 2,8 % de leur chiffre d'affaires de référence.

4968. Une telle distinction est fondée, ce que ne conteste d'ailleurs formellement aucune partie requérante. Ceux des comportements retenus aux articles 3 et 4 de la décision attaquée qui ont constitué des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau ont visé, ainsi que la Commission le souligne à juste titre au paragraphe 65, point 9, sous a), à la protection directe des marchés domestiques. De tels comportements revêtaient une gravité supérieure à celle de mesures de canalisation des surplus de production vers les pays tiers, lesquelles avaient eu, comme la Commission le relève à bon droit au paragraphe 65, point 9, sous b), des effets moins directs sur le cloisonnement des marchés domestiques.

4969. Pour le reste, il n'incombait pas à la Commission de procéder, à l'intérieur des deux groupes de mesures issus de la distinction examinée aux deux points précédents, à l'évaluation de la gravité de chacune de ces mesures. Tout d'abord, ces dernières n'ont pas fait l'objet d'amendes distinctes, la Commission ayant, à juste titre, choisi d'infliger une amende du chef de l'infraction constatée à l'article 1er de la décision attaquée (voir ci-dessus points 4760 à 4765 et 4965). Ensuite, les mesures relevant du premier de ces deux groupes ont été d'une égale gravité. Elles ont toutes visé, chacune dans la zone géographique sur laquelle elles étaient vouées à produire leurs effets, au cloisonnement direct des marchés domestiques. Quant aux mesures relevant du second groupe, la question est devenue sans objet, dès lors que la seule mesure de ce genre qui est établie est la pratique concertée continue de l'EPC.

4970. En conclusion, l'argumentation des parties requérantes doit être rejetée.

4971. Certes, il a été constaté qu'Unicem n'a pas pris part aux réunions des chefs de délégation du 14 janvier 1983 et des 19 mars et 7 novembre 1984 et qu'elle n'a donc pas participé directement à la conclusion de l'accord Cembureau (voir ci-dessus points 1405 à 1412).

4972. Il a aussi été jugé que la Commission avait, à tort, retenu des infractions ou éléments d'infraction visés aux articles 2 à 5 de la décision attaquée à la charge de parties destinataires de celle-ci.

4973. Ainsi, s'agissant des entreprises requérantes mentionnées ci-dessus au point 4720:

- l'infraction reprochée à CBR à l'article 4, paragraphe 4, sous g), n'est pas établie (voir ci-dessus points 3619 à 3646);

- c'est à tort que la Commission a constaté, à l'article 2, paragraphe 2, sous a), que le système d'échange périodique d'informations sur les prix auquel ont participé Ciments luxembourgeois, Aalborg, Unicem, Irish Cement, Italcementi et Cementir a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les prix minimaux des producteurs de ces deux pays pour les livraisons de ciment par camion et, en ce qui concerne les prix luxembourgeois, sur les prix, rabais inclus, du producteur de ce pays (voir ci-dessus points 1584 à 1593);

- c'est à tort que, à l'article 3, paragraphe 3, sous a), la Commission a reproché à Dyckerhoff, à Ciments français, à Heidelberger et à Lafarge un accord de répartition du marché de la Sarre (voir ci-dessus points 2172 à 2225);

- l'infraction reprochée, à l'article 5, à Dyckerhoff, à Aalborg, à Unicem, à Irish Cement, à Italcementi et à Cementir n'est pas établie (voir ci-dessus points 3771 à 3850);

- la participation de Ciments français à l'infraction constatée à l'article 4, paragraphe 3, sous a), n'est pas établie (voir ci-dessus points 3208 à 3215);

- la participation de Heidelberger et d'Asland aux infractions constatées à l'article 4, paragraphes 2 et 3, sous a), n'est pas établie (voir ci-dessus points 3039 à 3046, 3057 à 3065, 3216 à 3223 et 3254 à 3263);

- c'est à tort que, à l'article 3, paragraphe 1, sous a), la Commission a reproché à Lafarge d'avoir participé à une pratique concertée avec Buzzi portant sur la limitation de leur autonomie de comportement concernant les sources de production (voir ci-dessus points 1831 à 1835);

- les infractions reprochées à Lafarge à l'article 4, paragraphe 4, sous e) et sous f), ne sont pas établies (voir ci-dessus points 3570 à 3617);

- la participation d'Unicem aux infractions constatées à l'article 2, paragraphe 1, et à l'article 4, paragraphe 2, n'est pas établie (voir ci-dessus points 1549 à 1555 et 3047 à 3056);

- les infractions reprochées à Holderbank à l'article 4, paragraphe 4, sous c) et sous d), ne sont pas établies (voir ci-dessus points 3515 à 3569);

- l'infraction reprochée à Aker et à Euroc à l'article 4, paragraphe 4, sous h), n'est pas établie (voir ci-dessus points 3648 à 3678);

- la participation de Cementir aux infractions constatées à l'article 4, paragraphes 1 et 2, n'est pas établie (voir ci-dessus points 2767 à 2782 et 3076 à 3080);

- les infractions reprochées à Blue Circle à l'article 4, paragraphe 4, sous a) et sous b), ne sont pas établies (voir ci-dessus points 3402 à 3513).

4974. Il a encore été jugé que Ciments français, en participant à la pratique concertée retenue à l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la décision attaquée, n'avait pas mis en application l'accord Cembureau, sanctionné à l'article 9 (voir ci-dessus points 4040 à 4042 et 4058).

4975. Ces différents éléments ne sauraient toutefois conduire à une réduction de l'amende infligée aux entreprises concernées. Ainsi que cela a été exposé ci-dessus aux points 4753 à 4766 et 4965, la Commission n'a pas imposé d'amendes séparées pour les différents comportements infractionnels relevant de l'accord Cembureau. A bon droit, elle a choisi de sanctionner la participation à cet accord en tant que telle. En dépit de ce qui est rappelé ci-dessus aux points 4971 à 4974, cette participation présente toujours, dans le chef de ces différentes entreprises, le degré de gravité retenu à juste titre par la Commission au paragraphe 65, point 9, de la décision attaquée.

4976. En effet, il reste établi que celles de ces entreprises qui figurent dans la catégorie visée au paragraphe 65, point 9, sous a), de la décision attaquée ont manifesté de manière continue leur adhésion à l'accord Cembureau en prenant part à une ou à plusieurs des mesures d'application de cet accord à juste titre considérées comme les plus graves, à savoir celles ayant visé à la protection directe des marchés domestiques. Quant à Ciments luxembourgeois, l'élément rappelé ci-dessus au point 4973, deuxième tiret, ne remet pas en cause l'appréciation portée par la Commission au paragraphe 65, point 9, sous b), troisième tiret, sur son degré de responsabilité dans l'accord Cembureau.

4977. En troisième lieu, Vicat, Unicem et Secil font valoir qu'elles n'ont pas assisté aux réunions des chefs de délégation de 1983 et de 1984 au cours desquelles l'accord Cembureau a été arrêté. Elles n'auraient donc joué aucun rôle dans la conclusion de cet accord. Elles auraient pourtant été frappées d'un taux d'amende aussi élevé que les entreprises qui, non seulement avaient pris part à des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau, mais encore avaient été parties à la conclusion et à la confirmation dudit accord lors des réunions susvisées.

4978. Toutefois, il convient de faire observer que ces parties requérantes ont participé à l'infraction sanctionnée à l'article 9 de la décision attaquée par le biais d'une ou de plusieurs des mesures de mise en œuvre de l'accord Cembureau à juste titre considérées par la Commission comme les plus graves, à savoir celles ayant visé au cloisonnement direct des marchés domestiques. Vicat a adhéré à l'accord Cembureau à travers sa participation à la pratique concertée visée à l'article 3, paragraphe 1, sous c) (voir ci-dessus point 4315). Unicem a adhéré audit accord, notamment par le biais de sa participation aux ententes visées à l'article 4, paragraphes 1 et 3 (voir ci-dessus point 4340). Secil a appliqué celui-ci en participant à l'entente visée à l'article 3, paragraphe 2 (voir ci-dessus point 4370). La circonstance que ces entreprises n'ont pas pris part aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles ledit accord a été arrêté n'atténue en rien la force de leur adhésion à cet accord et, partant, la gravité de leur responsabilité dans l'infraction en cause. C'est donc à bon droit que la Commission leur a infligé une amende d'un taux de base de 4 % de leur chiffre d'affaires de référence. L'argument des parties requérantes doit, en conséquence, être rejeté.

4979. En quatrième lieu, Ciments luxembourgeois reproche à la Commission de n'avoir pas tenu compte du caractère restreint de sa participation aux infractions constatées dans la décision attaquée. Elle souligne que la Commission elle-même a reconnu qu'elle n'avait pas participé à la majorité des infractions alléguées. La Commission n'aurait d'ailleurs décelé aucune mesure d'exécution de l'accord Cembureau dans son chef.

4980. Toutefois, ainsi que cela a été relevé ci-dessus au point 4962, la Commission, eu égard aux considérations énoncées au paragraphe 65, point 9, sous b), troisième tiret, de la décision attaquée, a estimé que Ciments luxembourgeois portait une responsabilité moins grave dans l'accord Cembureau que les entreprises visées au même point, sous a). De ce fait, Ciments luxembourgeois s'est vu infliger une amende d'un taux de base de 2,8 % de son chiffre d'affaires de référence, en lieu et place du taux de 4 % appliqué à ces dernières. Ces constatations suffisent à rejeter l'argument de Ciments luxembourgeois.

4981. En cinquième lieu, Vicat soutient que, dès lors qu'une seule amende sanctionne deux infractions dont l'une n'est pas établie, il y a lieu de réduire cette amende à due concurrence.

4982. Toutefois, il convient de rappeler que l'amende infligée à Vicat à l'article 9 de la décision attaquée sanctionne sa participation à l'infraction constatée à l'article 1er, laquelle a été établie à juste titre par la Commission sur la base de la constatation de sa participation à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 1, sous c) (voir ci-dessus point 4315). L'argument de Vicat doit donc être écarté.

4983. En sixième lieu, Hornos Ibéricos soutient que, contrairement à ce qu'elle affirme au paragraphe 65, point 9, sous b), de la décision attaquée, la Commission n'a pas tenu compte de la gravité moindre de sa responsabilité dans l'accord Cembureau. La réduction du taux de son amende à 2,8 % correspondrait en effet à la prise en considération de la durée limitée de sa participation audit accord, et non de sa participation aux seules activités de l'EPC.

4984. Toutefois, il ressort des indications communiquées par la Commission (voir ci-dessus point 4738) que celle-ci a pris en considération la responsabilité limitée d'Hornos Ibéricos dans l'accord Cembureau, en ramenant à 2,8 % le taux de base de son amende. L'argument d'Hornos Ibéricos manque donc de fondement.

4985. En septième lieu, Halkis relève que, en distinguant seulement deux taux de base pour la fixation des amendes, la Commission l'a mise sur le même pied que d'autres entreprises grecques auxquelles elle reproche pourtant un nombre d'infractions beaucoup plus important. En outre, la Commission aurait violé le principe de proportionnalité, eu égard au faible degré de distinction entre la sanction qui lui a été infligée et celles qui frappent les autres producteurs européens, alors que ces derniers sont accusés de comportements bien plus préjudiciables pour la concurrence.

4986. A cet égard, il convient de rappeler que, alors que la participation d'Halkis à l'accord Cembureau est établie (voir ci-dessus point 4101), celle d'Heracles et de Titan n'a pas pu être constatée (voir ci-dessus points 4074 à 4079).

4987. Par ailleurs, la Commission a pu valablement considérer qu'une réduction de 4 à 2,8 % du taux de base de l'amende (soit une réduction de 30 %) reflétait équitablement la prise en compte de la responsabilité moins lourde d'Halkis dans l'infraction sanctionnée, en comparaison de celle des entreprises visées au paragraphe 65, point 9, sous a), de la décision attaquée.

4988. Il y a donc lieu de rejeter l'argument d'Halkis.

4989. Il ressort de l'ensemble de ce qui précède que les moyens examinés doivent être rejetés.

IX Sur les moyens tirés de violations de l'article 190 du traité, de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et du principe de proportionnalité dans l'évaluation des responsabilités respectives des entreprises dans l'infraction commise sur le marché du ciment blanc

4990. Dyckerhoff reproche à la Commission de n'avoir pas procédé à une appréciation distincte de la gravité de l'infraction commise par chaque entreprise dans le cadre du WCC. Elle lui fait grief de ne pas avoir évoqué, même brièvement, le rôle qu'elle a pu jouer dans l'infraction retenue à l'article 7 de la décision attaquée.

4991. Ciments français souligne son rôle négligeable dans le WCC, que démontrerait l'extrait de la note interne de CBR du 3 octobre 1985, selon lequel le WCC n'a pas été en mesure de fixer les prix à respecter sur les marchés à l'exportation, au motif notamment que Ciments français n'exportait plus beaucoup et qu'elle était spectatrice plutôt qu'actrice (décision attaquée, paragraphe 39, point 3; document n° 33.126/9958).

4992. Valenciana prétend que la Commission n'a pas pris en considération différents éléments démontrant la gravité moindre de sa participation au WCC. Elle cite son absence aux réunions au cours desquelles la règle de respect des marchés domestiques a été adoptée puis appliquée à l'encontre d'Aalborg, ainsi que la méfiance des autres membres du WCC à son égard. Elle souligne encore le passage de la décision attaquée (paragraphe 40, point 5) qui rapporte que, à la réunion du WCC du 3 octobre 1985, Lafarge a violemment reproché à Valenciana d'avoir "dégringolé" ses prix sur le marché tunisien.

4993. Italcementi relève que la Commission ne motive pas ses allégations au paragraphe 65, point 11, de la décision attaquée. Elle lui reproche en particulier de ne pas s'être expliquée sur la responsabilité spécifique retenue à sa charge dans le cadre de l'infraction commise au niveau du WCC. Elle souligne ensuite son rôle tout à fait marginal dans les activités du WCC, en raison du caractère limité de ses activités d'exportation de ciment blanc.

4994. Il convient de rappeler que, lors de la détermination du montant des amendes, il y a lieu de tenir compte de tous les éléments de nature à entrer dans l'appréciation de la gravité des infractions, tels que, notamment, le rôle joué par chacune des parties dans l'infraction (voir arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 439 ci-dessus, points 120 et 129, et IAZ e.a./Commission, cité au point 1320 ci-dessus, point 52). Lorsqu'une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu d'examiner la gravité relative de la participation de chacune d'entre elles (arrêts du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission, cité au point 142 ci-dessus, point 110, et Montecatini/Commission, cité au point 270 ci-dessus, point 207).

4995. En l'espèce, la Commission affirme, au paragraphe 65, point 11, de la décision attaquée, que toutes les entreprises visées à l'article 7 ont joué un rôle important dans les infractions commises dans le cadre du WCC.

4996. S'agissant de Dyckerhoff, de Ciments français et d'Italcementi, il y a lieu de constater que ces trois entreprises ont effectivement manifesté, pendant toute la période de l'infraction, une adhésion inconditionnelle à la double règle du respect des marchés domestiques et de la canalisation des excédents de production dans un consensus général, objet du WCC. Elles ont participé de manière constante aux réunions et aux activités du WCC. Elles ont pris l'initiative, avec Lafarge et CBR, de créer le nouveau WCC en janvier 1984, après qu'il eut été constaté que la violation par Aalborg de la règle susvisée rendait impossible la collaboration avec cette entreprise. Elles ont activement participé aux réunions du WCC consacrées, entre juin et octobre 1986, à l'examen de mesures de rétorsion susceptibles de contrer une attaque éventuelle d'Aalborg sur leurs marchés domestiques. La Commission était donc fondée à considérer que ces entreprises ont joué un rôle important, et d'une égale gravité, dans l'infraction sanctionnée à l'article 10 de la décision attaquée.

4997. En revanche, s'il est certes établi que Valenciana a participé à cette infraction (voir ci-dessus points 4627 à 4659), des éléments se rapportant à la période d'infraction retenue à son égard, à savoir celle comprise entre le 1er janvier 1986 et le 26 mai 1988, révèlent une adhésion moins forte de sa part à la règle illicite convenue au niveau du WCC ainsi qu'une implication moins grande dans le cas le plus flagrant d'application de cette règle, à savoir le comportement adopté par ce comité à l'égard d'Aalborg.

4998. D'une part, il ressort du compte rendu de la réunion du WCC du 24 juillet 1986 (décision attaquée, paragraphe 39, point 12; documents n° 33.126/9882 et 9883) que les membres du WCC se sont penchés sur le cas de Valenciana, qui n'avait pas été invitée à la réunion, et qu'ils se sont interrogés sur l'attitude à adopter à son égard. CBR a d'abord fait observer que la "stratégie proposée par Lafarge pour les [Etats-Unis]" et la "propre stratégie de Valenciana" entraient en concurrence. Ciments français a déclaré: "[L]es Espagnols ne sont pas des gens à donner facilement leur avis ou leur parole. On ne peut pas leur accorder le même crédit de confiance qu'aux autres membres." CBR a cependant estimé qu'il était "difficile de ne pas les faire participer". Lafarge, de son côté, a affirmé: "[O]n ne peut pas risquer de provoquer la sortie de Valenciana du WCC en continuant à se réunir sans eux, ce qu'ils finiront bien par apprendre. Il faut être patient avec eux, même si c'est irritant." Sous le point 4 ("Divers") du compte rendu précité, il est encore précisé que M. Fraisse, de Lafarge, après avoir indiqué que, à l'époque, "le prix [...] de fourniture d'Aalborg à GPI [Floride] [était] de 106 USD CIF la short ton", a ajouté: "Valenciana a fait offre à 90 USD CIF la short ton!"

4999. A la réunion du WCC du 2 octobre 1986 consacrée au suivi de celle du 24 juillet 1986, Ciments français a déclaré que "l'Espagne [était] aussi dangereuse qu'Aalborg" (compte rendu de cette réunion rédigé par CBR; décision attaquée, paragraphe 39, point 4; document n° 33.126/9874).

5000. Ces indications démontrent que, à cette époque, Valenciana a été momentanément tenue à l'écart des réflexions du WCC, eu égard au fait que son comportement sur les marchés à la grande exportation n'apparaissait pas, aux yeux des autres membres, conforme à la règle du WCC relative à la canalisation des surplus de production dans un consensus général.

5001. ,D'autre part, si elle a certes soutenu l'exclusion d'Aalborg du WCC (voir ci-dessus points 4639 à 4645), Valenciana n'a pas pris part aux réflexions dudit comité sur les mesures de rétorsion envisageables à l'égard de l'entreprise danoise pour contrer d'éventuelles attaques de sa part sur les marchés domestiques des membres de ce comité. Elle n'a pas assisté à la réunion des 19 et 20 juin 1986, au cours de laquelle il fut convenu d'organiser, le 24 juillet de la même année, une réunion spéciale consacrée à l'examen des mesures de rétorsion précitées (décision attaquée, paragraphe 39, point 11; documents n° 33.126/9914 à 9920). Ainsi que cela a été relevé ci-dessus au point 4998, elle n'a pas été invitée à prendre part à cette dernière réunion (décision attaquée, paragraphe 39, point 12; documents n° 33.126/9876 à 9883).

5002. Il résulte ainsi des éléments qui précèdent que Valenciana porte une responsabilité moins lourde dans l'infraction sanctionnée à l'article 10 de la décision attaquée.

5003. D'après les indications fournies par la Commission (voir ci-dessus point 4738), Valenciana s'est vu infliger, pour cette infraction, une amende d'un taux de base de 4 % de son chiffre d'affaires de référence. Eu égard aux éléments susmentionnés, le Tribunal considère, dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, qu'il y aura lieu de réduire ce taux à 2,8 %.

5004. En conclusion, le moyen tiré par Valenciana d'une violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 doit être accueilli en ce qui concerne le marché du ciment blanc. Les autres moyens examinés doivent être rejetés.

X Sur les moyens tirés de violations de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement, ainsi que d'erreurs manifestes d'appréciation, en ce qui concerne le chiffre d'affaires pris en compte aux fins du calcul des amendes

5005. Des parties requérantes contestent le chiffre d'affaires retenu par la Commission pour calculer leur amende.

5006. En premier lieu, Vicat, Ciments français, Unicem, Italcementi, Holderbank et Cementir prétendent que, en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission est tenue de calculer les amendes sur la base du chiffre d'affaires afférent à l'exercice social de l'année précédant celle de l'adoption de l'acte attaqué. En l'espèce, il s'agirait donc du chiffre d'affaires de 1993. Or, la Commission aurait pris en compte celui de 1992. Ciments français et Italcementi font valoir que, à tout le moins, la Commission aurait dû motiver un tel choix dans la décision attaquée.

5007. Ciments français, Italcementi et Cementir ajoutent que la Commission était en mesure de calculer l'amende sur la base de leur chiffre d'affaires de 1993, puisqu'elles avaient communiqué ce chiffre en même temps que celui de 1992. Selon elles, il incombait à la Commission de prendre les mesures nécessaires pour que chaque entreprise en fît de même.

5008. Invoquant l'arrêt Boël/Commission, cité au point 1353 ci-dessus (point 133), Vicat fait valoir que cette erreur a eu d'importantes conséquences, puisque son chiffre d'affaires de 1993 a été inférieur à celui de 1992, ce qui aurait accentué le caractère disproportionné de l'amende qui lui a été infligée. Ciments français fait état d'une augmentation de son amende de l'ordre de un million d'écus. Unicem, Holderbank et Cementir font observer que, en 1992, elles ont réalisé un chiffre d'affaires bien supérieur à celui de 1993. Le choix de la Commission aurait donc entraîné une aggravation significative de leur amende. Italcementi souligne que son chiffre d'affaires de 1992 a été de 22 % supérieur à celui de 1993.

5009. Il convient de préciser que, au sens de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, cité ci-dessus au point 4781, l'"exercice social précédent" vise le dernier exercice complet de chacune des entreprises concernées à la date de l'adoption de la décision attaquée, soit, en l'espèce, l'exercice social de l'année 1993. La référence à cet exercice se rapporte toutefois à la seule limite supérieure, de 10 %, de l'amende susceptible d'être infligée à une entreprise en raison d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 439 ci-dessus, point 119, et PVC, cité au point 734 ci-dessus, point 1146). Il est donc loisible à la Commission de prendre en compte, aux fins de la détermination des amendes, le chiffre d'affaires afférent à un exercice social antérieur, pourvu que l'amende calculée sur cette base n'excède pas la limite susmentionnée.

5010. En l'espèce, il ressort des indications fournies par la Commission (voir ci-dessus point 4738) que les amendes infligées pour les infractions commises sur les marchés du ciment gris et du ciment blanc ont été calculées sur la base du chiffre d'affaires des entreprises concernées relatif à l'exercice social 1992.

5011. Aucune des parties requérantes n'établissant qu'un tel choix a eu pour conséquence de la frapper d'une amende excédant la limite fixée par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, il y a lieu de conclure que la Commission était fondée à prendre un tel chiffre d'affaires comme base de calcul de l'amende.

5012. A l'adresse de Vicat, il convient encore d'ajouter que, dans l'arrêt Boël/Commission, cité au point 1353 ci-dessus, le Tribunal a réduit l'amende infligée à l'entreprise concernée eu égard au fait que le chiffre d'affaires réalisé par celle-ci au cours de l'année de référence retenue par la Commission, à savoir l'année 1985, avait été le plus élevé de toute la période d'infraction considérée, alors que celui des autres entreprises impliquées dans l'infraction avait été moins important cette année-là. Le Tribunal a estimé que, pour ladite entreprise, le choix de cette année n'avait fait qu'accentuer le caractère disproportionné de l'amende qui lui avait été infligée (voir arrêt Boël/Commission, cité au point 1353 ci-dessus, point 132).

5013. Or, en l'espèce, il suffit de constater que, d'après les renseignements qu'elle a fournis en cours d'instance (réponse du 3 juillet 1998 à une question écrite du Tribunal du 29 mai 1998), Vicat a réalisé en 1992 un chiffre d'affaires certes supérieur à celui de 1993, mais inférieur à celui des quatre années précédentes.

5014. Il résulte de ce qui précède que les arguments des parties requérantes doivent être écartés.

5015. Certes, il ressort des éléments rappelés ci-dessus au point 4814 que, à l'exception d'Unicem, d'Italcementi et de Cementir, aucune des entreprises requérantes visées ci-dessus au point 4720 ne participait encore à l'infraction en 1992. L'année de référence choisie par la Commission, en termes de chiffre d'affaires, aux fins du calcul des amendes ne relève donc plus de la période de participation à l'accord Cembureau retenue par le Tribunal en ce qui concerne lesdites entreprises.

5016. Une telle constatation ne doit cependant pas conduire à remettre en cause le choix opéré à l'époque par la Commission.

5017. D'une part, aucune partie requérante n'a développé d'argument tendant à faire valoir que, dans l'hypothèse où le Tribunal constaterait qu'elle n'a pas participé à l'accord Cembureau jusqu'au terme de la période de référence retenue par la Commission, il y aurait lieu de recalculer son amende sur la base du chiffre d'affaires afférent à l'année au cours de laquelle elle a cessé de participer à l'infraction ou de celui se rapportant au dernier exercice social intégralement compris dans la période d'infraction retenue par le Tribunal.

5018. D'autre part, en ce qui concerne l'infraction sanctionnée sur le marché du ciment blanc, il ressort des indications communiquées par la Commission (voir ci-dessus point 4738) que celle-ci s'est également fondée à juste titre (voir ci-dessus points 5009 à 5011) sur le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises concernées en 1992, alors qu'elle ne retient cette infraction que jusqu'au 26 mai 1988. La date de fin de la période d'infraction n'a donc pas été, dans le cadre de la décision attaquée, le critère décisif quant à l'année de référence à prendre en considération, en termes de chiffre d'affaires, pour la détermination des amendes.

5019. En deuxième lieu, des parties requérantes reprochent à la Commission d'avoir calculé l'amende à partir d'un chiffre d'affaires trop large, en termes d'assiette géographique et de produits.

5020. D'une part, Vicat et Ciments français affirment que le chiffre d'affaires qui aurait dû être pris en considération est celui qu'elles ont réalisé dans la (les) zone(s) géographique(s) concernée(s) par l(es) infraction(s) spécifique(s) à laquelle (auxquelles) il leur est reproché d'avoir pris part. Invoquant l'arrêt Parker Pen/Commission, cité au point 643 ci-dessus, Vicat précise que le chiffre d'affaires réalisé sur le marché géographique de son usine de La Grave de Peille ne représente que 12 % de son chiffre d'affaires total, soit un montant relativement faible par rapport à celui résultant de l'ensemble de ses ventes. Lafarge soutient que la Commission, après avoir abandonné les griefs nationaux, n'aurait dû prendre en compte que le chiffre d'affaires se rapportant aux exportations. Italcementi prétend que la Commission n'aurait dû retenir que le chiffre d'affaires afférent à ses ventes sur les marchés locaux d'Italie septentrionale et sur ceux des pays limitrophes.

5021. D'autre part, Unicem, Italcementi et Cementir font valoir que le chiffre d'affaires relatif aux ventes de clinker n'aurait pas dû être intégré dans l'assiette de calcul des amendes. En effet, la Commission n'aurait constaté de restrictions à la concurrence que sur le marché du ciment. Italcementi souligne particulièrement le fait que l'injonction formulée à l'article 8 de la décision attaquée ne vise pas le marché du clinker. En outre, aux termes mêmes de ladite décision attaquée (paragraphe 11, point 1), le ciment gris, le ciment blanc et le clinker correspondraient à des marchés distincts, chacun de ces produits répondant à des besoins spécifiques.

5022. A cet égard, il convient de préciser que le chiffre d'affaires visé à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 au titre de la limite supérieure de l'amende susceptible d'être infligée s'entend du chiffre d'affaires global de l'entreprise concernée, qui donne seul une indication approximative de l'importance et de l'influence de celle-ci sur le marché (voir arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 439 ci-dessus, point 119, ICI/Commission, T-13-89, cité au point 323 ci-dessus, point 376, et du 6 avril 1995, Baustahlgewebe/Commission, cité au point 415 ci-dessus, point 158). La disposition susvisée du règlement n° 17 ne contient aucune limite territoriale quant au chiffre d'affaires réalisé (arrêt de la Cour du 8 février 1990, Tipp-Ex/Commission, C-279-87, Rec. p. I-261, publication sommaire, point 39).

5023. Dans le respect de la limite fixée par cette dernière disposition, la Commission peut fixer l'amende à partir du chiffre d'affaires de son choix, en termes d'assiette géographique et de produits concernés.

5024. En l'espèce, il ressort des indications fournies par la Commission (voir ci-dessus point 4738) que celle-ci s'est fondée, pour calculer l'amende infligée du chef de l'infraction commise sur le marché du ciment gris, sur le chiffre d'affaires relatif aux ventes de ciment gris et de clinker pour le ciment gris sur le territoire des Etats membres de la Communauté en 1992. Pour déterminer l'amende infligée du chef de l'infraction commise sur le marché du ciment blanc, elle a retenu le chiffre d'affaires relatif aux ventes de ciment blanc et de clinker pour le ciment blanc sur le territoire des Etats membres de la Communauté au cours de cette même année.

5025. Compte tenu des taux d'amende appliqués par la Commission à cette assiette (4 ou 2,8 %, selon le cas), les amendes infligées aux articles 9 et 10 de la décision attaquée sont, ce qu'aucune partie requérante ne conteste, largement inférieures à la limite maximale fixée par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

5026. A l'adresse de Vicat, il y a encore lieu de préciser qu'il est certes arrivé au juge communautaire, en considération du fait que le chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise en cause avec les produits concernés par l'infraction ne représentait qu'une faible proportion de son chiffre d'affaires global, de conclure à la gravité moindre de l'infraction commise par celle-ci et de réduire son amende en conséquence (voir ainsi arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 439 ci-dessus, point 121, et Parker Pen/Commission, cité au point 643 ci-dessus, point 94).

5027. Toutefois, en l'espèce, Vicat ne prétend pas que le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé au cours de l'année de référence avec le produit concerné par cette infraction, tel que celui-ci est défini au paragraphe 11, point 1, n'a représenté qu'une faible proportion de son chiffre d'affaires global. Son argument se fonde sur le caractère modeste, en comparaison de son chiffre d'affaires global, des ventes réalisées au départ de son usine du Sud de la France mentionnée dans l'exposé des faits (paragraphe 20, point 1) relatifs à la pratique concertée qui lui est reprochée à l'article 3, paragraphe 1, sous c). Or, ainsi que cela a été jugé ci-dessus aux points 1093 et 1094, le marché géographique concerné par l'infraction liée à l'accord Cembureau, pour laquelle Vicat est sanctionnée à l'article 9, était l'Europe. Vicat ne soutenant pas que ses ventes sur le marché européen ne représentent qu'une faible part de son chiffre d'affaires global, elle ne saurait utilement se prévaloir de l'arrêt Parker Pen/Commission, cité au point 643 ci-dessus.

5028. Cementir se prévaut encore de l'existence d'une erreur comptable dans les données qu'elle a transmises à la Commission par sa lettre du 22 février 1994. Dans cette lettre, elle aurait communiqué des données incluant les montants relatifs à des fournitures de biens et de services n'ayant, selon elle, aucun rapport avec les ventes de ciment gris et de clinker, à savoir des montants liés au remboursement de frais de transport, à des ventes de sacs et, dans une moindre mesure, à d'autres services. Elle précise que, s'étant rendu compte de son erreur, elle a demandé à la Commission, le 22 février 1995, de rectifier l'amende infligée dans la décision attaquée, en fonction des chiffres exacts résultant de la certification comptable établie par la société d'audit Arthur Andersen, demande qui fut rejetée par la Commission le 2 mars 1995. Elle se dit persuadée que d'autres entreprises se sont bornées à communiquer à la Commission leurs données relatives aux seules ventes de ciment gris. En s'abstenant de procéder à la rectification demandée, la Commission aurait donc non seulement calculé son amende sur la base de chiffres erronés, mais aurait aussi violé le principe d'égalité de traitement.

5029. Cette argumentation ne saurait toutefois être accueillie.

5030. S'agissant des frais de transport, il y a lieu de considérer que, dès lors qu'un producteur de ciment livre à destination, à la demande du client, les quantités vendues, le service de transport fait partie intégrante de la vente du produit. Le prix réclamé pour un tel service, quand bien même il correspondrait, comme le soutient Cementir, au remboursement des sommes dues par le vendeur au transporteur indépendant auquel il a eu recours pour ce service, est donc une composante du prix global de vente, ainsi que le reflète, pour ce type de vente, le système du prix rendu destination.

5031. En ce qui concerne les fournitures de sacs, Cementir ne saurait raisonnablement contester que, dans une vente de ciment emballé, la vente du sac fait partie intégrante de celle du produit. Le prix réclamé pour de telles fournitures est donc une composante du prix global de la transaction.

5032. Quant aux "autres services" prétendument étrangers aux ventes de ciment gris et de clinker pour le ciment gris, Cementir ne fournit aucune indication. Enfin, son allégation selon laquelle d'autres entreprises n'auraient communiqué à la Commission que leur chiffre d'affaires relatif aux ventes de ciment gris relève de la pure spéculation. Cementir ne saurait dès lors utilement invoquer une violation du principe d'égalité de traitement.

5033. En quatrième lieu, Ciments français, Italcementi et Holderbank reprochent à la Commission d'avoir inclus dans le chiffre d'affaires retenu pour le calcul de leur amende celui de filiales qui ne sont pas mises en cause dans la décision attaquée.

5034. Ciments français évoque le cas de ses filiales espagnoles Financiera y Minera (ci-après "FyM") et Cementos Rezola (ci-après "Rezola"), de sa filiale belge, la CCB (voir ci-dessus point 1169), et de sa filiale grecque Halyps. Elle ajoute que, ainsi qu'elle l'avait indiqué à la Commission en février 1994 en transmettant à celle-ci les données relatives à son chiffre d'affaires de 1992 et de 1993, elle n'a acquis le contrôle de Rezola qu'en juillet 1989, de FyM qu'en janvier 1990 et d'Halyps qu'en mai 1990. Elle fait valoir que le taux de son amende, rapporté à son propre chiffre d'affaires, s'élève à 6,5 %.

5035. Italcementi cite le cas de ses deux filiales Cementerie di Sardegna et Cementerie Siciliane, précisant qu'elle ne les contrôle pas entièrement.

5036. Holderbank mentionne le cas de ses deux filiales belges Ciments d'Obourg et Ciments d'Origny.

5037. Ciments français et Holderbank ajoutent que, en procédant de la sorte, la Commission a sanctionné leurs filiales non mises en cause dans la décision attaquée plus lourdement que des filiales qu'elle a estimé responsables d'infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

5038. Ciments français fait ainsi valoir que la Commission a réservé aux filiales étrangères de groupes incriminés dans la décision attaquée une procédure et une sanction distinctes de celles de leur société mère, alors que la participation de cette dernière dans leur capital était majoritaire, voire exclusive, depuis le début de la période considérée. Elle cite le cas des entreprises ENCI, Hornos Ibéricos, Alsen-Breitenburg, Nordcement, Asland, Heracles, Cementir, CBR et Cedest, qui se sont vu infliger une amende en fonction des infractions qui leur étaient reprochées à titre personnel, sans que leur chiffre d'affaires ait été inclus dans celui de leur société mère pour le calcul de l'amende infligée à cette dernière. Elle s'estime victime d'un traitement discriminatoire, dans la mesure où des entreprises de son groupe, quoique non visées dans la décision attaquée, ont été sanctionnées plus sévèrement que des entreprises reconnues responsables de comportements infractionnels.

5039. Holderbank affirme qu'elle s'est vu infliger une amende d'un taux de base de 4 % de son chiffre d'affaires, dans lequel a été inclus celui de ses deux filiales belges visées ci-dessus au point 5036. Partant, celles de ses filiales qui ont été individuellement sanctionnées dans la décision attaquée pour leur participation à l'accord Cembureau (Alsen-Breitenburg, Nordcement et Hornos Ibéricos) auraient bénéficié d'un traitement plus favorable que celui réservé à ses deux filiales belges. Elles auraient en effet été frappées d'une amende d'un taux de 2,8 % de leur chiffre d'affaires, alors que ces deux dernières se sont vu imposer une amende d'un taux de 4 % par suite de l'intégration de leur chiffre d'affaires dans l'assiette de calcul de l'amende qui visait leur société mère.

5040. Sur cette question, il y a lieu de souligner que, lorsque l'auteur de l'infraction se trouve à la tête d'un groupe constituant une unité économique, le chiffre d'affaires à prendre en compte pour le calcul de son amende est celui de l'ensemble de ce groupe. Ce dernier chiffre d'affaires constitue en effet le meilleur indicateur de son poids économique sur le marché.

5041. En l'espèce, Italcementi ne conteste pas qu'elle contrôle Cementerie Siciliane et Cementerie di Sardegna. Tout au plus, elle affirme qu'elle ne les contrôle pas entièrement. Invitée à s'expliquer sur ce point par le biais d'une question écrite du 10 juin 1998, elle a produit le 20 juillet 1998 une série de documents dont il ressort que, jusqu'en 1986, elle fut actionnaire unique de ces deux filiales et que, depuis cette date, elle détient 71,41 % du capital de la première et 76,67 % du capital de la seconde.

5042. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la Commission, en considération de l'unité économique formée par Italcementi et ses deux filiales susmentionnées, a inclus le chiffre d'affaires de ces dernières dans l'assiette de calcul des amendes infligées à Italcementi aux articles 9 et 10 de la décision attaquée.

5043. Holderbank ne nie pas qu'elle contrôle intégralement Ciments d'Obourg et Ciments d'Origny. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la Commission, eu égard à l'unité économique constituée par Holderbank et ses deux filiales belges, a inclus le chiffre d'affaires de ces dernières dans l'assiette de calcul de l'amende infligée à Holderbank à l'article 9 de la décision attaquée.

5044. En ce qui concerne Ciments français, il y a lieu de relever que cette entreprise ne conteste pas que, lorsqu'elle a pris part aux infractions constatées sur les marchés du ciment gris et du ciment blanc, elle contrôlait la CCB. Tout au plus, elle a indiqué au cours de la procédure (réponse du 3 juillet 1998 à une question écrite du Tribunal du 29 mai 1998) que le chiffre d'affaires de sa filiale belge n'avait été intégré dans son périmètre comptable qu'à partir du 1er juillet 1990.

5045. En revanche, il apparaît que Ciments français a pris le contrôle de FyM, de Rezola et d'Halyps alors que sa participation aux infractions susmentionnées avait pris fin. En effet, la participation de Ciments français à l'accord Cembureau n'est pas établie au-delà du 17 février 1989 (voir ci-dessus points 4318 à 4321), et l'infraction à laquelle elle a pris part dans le cadre du WCC n'est retenue que jusqu'au 26 mai 1988 (article 7 de la décision attaquée). Dans ces conditions, il convient de soustraire de la base de calcul retenue par la Commission pour la fixation des amendes infligées à Ciments français aux articles 9 et 10 les montants se rapportant aux ventes réalisées par ces trois filiales au cours de l'exercice social de référence, respectivement sur le marché communautaire du ciment gris et du clinker pour le ciment gris et sur celui du ciment blanc et du clinker pour le ciment blanc.

5046. Il ressort des indications fournies par la Commission (voir ci-dessus point 4738) que le chiffre d'affaires pris en considération par celle-ci pour calculer l'amende infligée à Ciments français du chef de sa participation à l'accord Cembureau s'élève à 4 232 000 000 FRF. D'après les renseignements fournis par Ciments français au cours de la procédure (voir réponse à la question écrite du Tribunal visée ci-dessus au point 5044), le chiffre d'affaires correspondant au montant cumulé des ventes réalisées en 1992 par FyM, Rezola et Halyps sur le marché communautaire du ciment gris et du clinker pour le ciment gris a été de 650 000 000 FRF. Il conviendra donc de recalculer l'amende imposée à Ciments français du chef de sa participation à l'infraction constatée à l'article 1er de la décision attaquée sur la base d'un chiffre d'affaires de référence réduit à 3 582 000 000 FRF.

5047. En ce qui concerne l'infraction sanctionnée à l'article 10 de la décision attaquée, les indications communiquées par la Commission (voir ci-dessus point 4738) font apparaître que le chiffre d'affaires retenu par celle-ci pour calculer l'amende infligée à Ciments français du chef de cette infraction s'élève à 181 000 000 FRF. D'après les renseignements de Ciments français visés au point précédent, le chiffre d'affaires correspondant au montant cumulé des ventes réalisées en 1992 par FyM, Rezola et Halyps sur le marché communautaire du ciment blanc et du clinker pour le ciment blanc correspond à 1 000 000 FRF. Il conviendra donc de recalculer l'amende de Ciments français pour sa participation à l'infraction constatée à l'article 7 de la décision attaquée à partir d'un chiffre d'affaires de référence réduit à 180 000 000 FRF.

5048. Quant aux arguments de Ciments français et de Holderbank tirés d'une prétendue discrimination, en termes d'amendes, entre les filiales visées par la décision attaquée et celles qui ne le sont pas, ils doivent être écartés.

5049. En effet, ces deux parties requérantes ne peuvent prétendre que les filiales non visées par la décision attaquée se sont vu infliger malgré tout une amende par l'effet de l'intégration de leur chiffre d'affaires dans celui de leur société mère pour le calcul de l'amende qui a été imposée à cette dernière société. Les amendes visées à l'article 9, points 2 et 21, sont infligées, respectivement, aux "entreprises" "Holderbank Financière Glar[u]s SA" et "Société des Ciments français SA". L'amende visée à l'article 10, point 4, est infligée à l'"entreprise" "Société des Ciments français SA". Ces deux entreprises sont destinataires en leur nom propre de la décision attaquée (voir article 12, points 2 et 17). Elles seules sont donc redevables des amendes susvisées. Le fait que la charge de celles-ci puisse être répartie à l'intérieur du groupe à la tête duquel ces entreprises se trouvent constitue une circonstance dépourvue de pertinence au regard des règles relatives à la détermination des amendes.

5050. Il ressort des considérations qui précèdent que, sous réserve des conclusions tirées ci-dessus aux points 5046 et 5047 à l'égard de Ciments français, les moyens examinés doivent être écartés.

XI Sur les moyens tirés de violations de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et des principes d'équité, de proportionnalité et d'égalité de traitement, violations liées à la fixation des amendes en écus et au choix du taux de conversion

5051. Asland et Cementir, invoquant l'arrêt de la Cour du 9 mars 1977, Société anonyme Générale sucrière e.a./Commission (41-73, 43-73 et 44-73, Rec. p. 445), ainsi qu'Uniland, font valoir qu'aucune disposition du droit communautaire n'oblige la Commission à fixer le montant des amendes en écus. La Commission serait uniquement tenue d'éviter que des différences de traitement injustifiées surgissent entre les participants à une même infraction par le seul fait d'éventuelles appréciations ou dépréciations des monnaies nationales, ce qu'elle n'aurait pas fait en l'espèce.

5052. Ces trois parties requérantes, ainsi qu'Unicem et Italcementi, reprochent à la Commission d'avoir converti en écus les montants des chiffres d'affaires exprimés en monnaie nationale sur la base du taux moyen de change de l'année 1992. Selon elles, une telle opération aurait dû se faire en fonction du taux de change en vigueur le jour de l'adoption ou de la notification de la décision attaquée. Unicem, Asland et Cementir ajoutent que l'autre possibilité qui s'offrait à la Commission était de calculer et de libeller le montant de l'amende dans la monnaie nationale de l'Etat membre de l'entreprise concernée.

5053. Les parties requérantes visées au point précédent font valoir que leur monnaie nationale a dévalué par rapport à l'écu entre 1992 et novembre 1994. Elles s'estiment victimes d'une discrimination injustifiée par rapport aux entreprises originaires d'un pays dont la monnaie est demeurée stable ou s'est appréciée par rapport à l'écu pendant cette période. Unicem prétend que le choix de la Commission a aggravé son amende de 23,16 %. Asland évalue son préjudice à environ 170 000 000 ESP. Elle compare la valeur de l'amende qui lui a été imposée à celle qu'aurait encourue une entreprise placée dans la même situation qu'elle, mais dont le chiffre d'affaires de l'année de référence aurait été exprimé en marks allemands au taux de change de cette année. Uniland chiffre son préjudice à 361 000 écus. Italcementi évalue à environ 25 % l'aggravation de son amende liée la dépréciation de la lire italienne par rapport à l'écu entre 1992 et novembre 1994. Cementir estime à 23 % l'accroissement de la charge réelle de son amende entre l'année de référence retenue par la Commission pour la conversion en écus des montants exprimés en monnaie nationale et celle du dépôt de sa requête. En termes réels, son amende correspondrait à une amende de 5,5 % de son chiffre d'affaires de 1992, au taux de conversion de l'écu en lires italiennes de 1995.

5054. Il convient de souligner que la Commission est en droit d'exprimer le montant de l'amende en écus, unité monétaire convertible en monnaie nationale. La conversion possible de l'écu en monnaie nationale différencie cette unité monétaire de l'unité de compte initialement mentionnée à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, dont la Cour (arrêt Société anonyme Générale sucrière e.a./Commission, cité au point 5051 ci-dessus, point 15) a expressément reconnu que, n'étant pas une monnaie de paiement, elle impliquait nécessairement la détermination du montant de l'amende en monnaie nationale (arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Ensidesa/Commission, T-157-94, non encore publié au Recueil, point 470, et PVC, cité au point 734 ci-dessus, point 1220).

5055. En l'espèce, il ressort des indications fournies par la Commission (voir ci-dessus point 4738) que celle-ci, aux fins du calcul des amendes, a effectivement converti en écus les chiffres d'affaires exprimés en monnaie nationale sur la base du taux de change moyen de l'année à laquelle lesdits chiffres d'affaires se rapportaient, à savoir 1992.

5056. L'argument des parties requérantes selon lequel une telle opération de conversion aurait dû se faire sur la base du taux de change en vigueur à la date d'adoption ou de notification de la décision attaquée ne saurait être accueilli. La Commission ayant choisi à bon droit (voir ci-dessus points 5009 à 5011) de calculer l'amende à partir du chiffre d'affaires de 1992, elle était fondée à convertir celui-ci, exprimé en monnaie nationale, sur la base du taux de change moyen de cette année de référence. Si une telle solution peut signifier qu'une entreprise donnée doit payer un montant nominalement supérieur ou inférieur à celui qui aurait dû être payé dans l'hypothèse d'une application du taux de change en vigueur à la date de l'adoption ou de notification de la décision attaquée, cela n'est que la conséquence logique des fluctuations des valeurs réelles des différentes monnaies nationales.

5057. En toute hypothèse, aucune partie requérante n'a établi que, par le jeu des dévaluations subies par la monnaie de l'Etat membre dont elle est originaire, l'amende qui lui a été infligée à l'article 9 et, en ce qui concerne Italcementi, à l'article 10 de la décision attaquée, même libellée en monnaie nationale, excède le seuil maximal énoncé à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

5058. Les moyens examinés doivent donc être rejetés.

XII Sur les moyens tirés de violations de divers principes généraux du droit communautaire

5059. Des parties requérantes soutiennent que la détermination des amendes est viciée par la violation de divers principes généraux du droit communautaire, à savoir le principe de protection de la confiance légitime, le principe non bis in idem et celui d'égalité de traitement.

5060. En premier lieu, Lafarge prétend que, eu égard à l'attitude adoptée par la Commission au cours de la période considérée (absence de réaction à la publication de l'étude réalisée en 1976 à sa demande par M. Phlips sur "[l]es systèmes de prix géographiques et la concurrence" étude citée au paragraphe 10 de la décision attaquée ; appréciations informelles sur le système de tarification envisagé par CBR, ainsi que sur les importations en provenance des pays de l'Est faisant l'objet de dumping; attitude dans le "dossier grec"), les producteurs européens de ciment étaient en droit de penser que leurs comportements étaient conformes aux règles communautaires de la concurrence ou, du moins, qu'ils étaient tolérés. En infligeant à Lafarge une amende aussi lourde, la Commission aurait violé le principe de protection de la confiance légitime.

5061. Ce moyen est mal fondé. Dans la décision attaquée, la Commission ne reproche nullement aux parties leurs discussions sur les systèmes de formation des prix et sur les importations faisant l'objet de dumping. Elle vise les comportements par lesquels ces parties ont entendu protéger les marchés domestiques et réglementer les transferts de ciment d'un pays à l'autre. Lafarge ne saurait sérieusement prétendre que les éléments qu'elle invoque au soutien de son moyen ont pu légitimement faire croire aux producteurs européens de ciment que de tels comportements, qui sont formellement prohibés par l'article 85, paragraphe 1, du traité, étaient admissibles au regard des règles communautaires de la concurrence.

5062. En deuxième lieu, Dyckerhoff, Uniland et Holderbank - cette dernière, au stade de la réplique - reprochent à la Commission de les sanctionner doublement sur la base des mêmes faits, une première fois pour leur adhésion à l'accord Cembureau visé à l'article 1er de la décision attaquée et une seconde fois pour leur participation à des mesures de mise en œuvre de cet accord. Blue Circle fait valoir que l'amende infligée pour les infractions qui lui sont reprochées à l'article 4 a pour effet de sanctionner une seconde fois un comportement pour lequel elle a déjà supporté une amende du chef de l'infraction constatée à l'article 1er.

5063. Il y a cependant lieu de souligner que les parties requérantes ne sont frappées que d'une seule amende en ce qui concerne le marché du ciment gris. Aux termes de l'article 9 de la décision attaquée, celle-ci leur est infligée du chef de leur participation à l'accord Cembureau. Les arguments examinés, tirés d'une violation du principe non bis in idem, doivent donc être écartés.

5064. Aalborg fait valoir que, aux termes de l'article 9 de la décision attaquée, une amende spécifique a été infligée à Cembureau. Sa responsabilité dans les faits litigieux n'étant, selon elle, liée qu'à sa qualité de membre direct de Cembureau, elle estime avoir été doublement condamnée pour les mêmes faits. Blue Circle affirme qu'elle devra supporter plus de la moitié du montant de l'amende infligée à la BCA. Dans la mesure où la Commission la tient par ailleurs pour responsable de l'infraction visée à l'article 1er, elle se serait vu infliger deux amendes pour la même infraction.

5065. Toutefois, l'examen de ces arguments est devenu sans objet, par l'effet de l'annulation des amendes infligées aux associations d'entreprises destinataires de la décision attaquée (voir ci-dessus points 478 à 488).

5066. Blue Circle ajoute que, aux termes de l'article 9 de la décision attaquée, elle a été frappée d'une amende du chef de l'infraction constatée à l'article 1er, laquelle aurait été mise en œuvre, notamment, par les comportements visés à l'article 2. Or, d'après cette disposition, seule la BCA aurait été impliquée dans lesdits comportements en ce qui concerne le marché britannique. Blue Circle aurait donc été sanctionnée pour des agissements dont elle ne serait pas tenue pour responsable.

5067. Toutefois, ainsi que cela a été rappelé ci-dessus au point 4746, Blue Circle se voit sanctionner du chef des seuls comportements illicites qui lui sont personnellement reprochés. Son argument doit donc être rejeté.

5068. En troisième lieu, CBR, Ciments français, Lafarge, Asland, Uniland, Cimpor, Secil et Hornos Ibéricos font valoir que la Commission a violé le principe d'égalité de traitement lors de la fixation des amendes.

5069. Premièrement, CBR et Ciments français affirment que la Commission a violé le principe de non-discrimination en imposant une amende pour leur participation à l'accord Cembureau aux seules entreprises qui, à la fois, étaient représentées par leur association au sein de Cembureau et avaient clairement manifesté leur adhésion à cet accord en participant à d'autres actions mises en cause dans la décision attaquée (paragraphe 65, point 8), alors qu'elle indique par ailleurs que l'accord Cembureau engageait tous les membres de Cembureau et toute l'industrie européenne du ciment représentée auprès de celui-ci pendant toute la durée de l'infraction retenue (paragraphes 45, points 5 et 8, et 65, point 3). Ciments français ajoute que, ce faisant, la Commission a par ailleurs introduit une disproportion manifeste entre l'infraction et la sanction.

5070. Outre ce qui a été exposé ci-dessus aux points 4425 à 4427, il convient de rappeler que, dès lors qu'une entreprise a, par son comportement, violé l'article 85, paragraphe 1, du traité, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif que d'autres opérateurs économiques ne se sont pas vu infliger d'amende, alors même que, comme en l'espèce, le juge communautaire n'est pas saisi de la situation de ces derniers (voir arrêts Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 197, Dunlop Slazenger/Commission, cité au point 270 ci-dessus, point 176, et Van Megen Sports/Commission, cité au point 4892 ci-dessus, point 56).

5071. A l'adresse de Ciments français, il convient d'ajouter que, en ne sanctionnant pas les entreprises membres indirects de Cembureau pour lesquelles elle ne disposait d'aucune preuve d'une participation à des mesures d'application de l'accord Cembureau, la Commission n'a commis aucune violation du principe de proportionnalité au détriment de celles qui, comme cette partie requérante, ont au contraire participé à de telles mesures.

5072. Deuxièmement, Lafarge prétend ne pas trouver d'explication rationnelle, cohérente et objective à la variété des traitements réservés aux entreprises sanctionnées, en dépit des indications fournies au paragraphe 65 de la décision attaquée sur les critères pris en compte par la Commission pour le calcul des amendes. Il existerait, selon cette partie requérante, des disparités flagrantes tenant à ce que la totalité du chiffre d'affaires pertinent de certaines entreprises n'aurait pas été prise en compte, ou que la Commission, contrairement aux explications données par M. Van Miert lors de la conférence de presse du 30 novembre 1994, aurait appliqué plus de deux taux d'amende.

5073. A cet égard, il a été jugé (voir ci-dessus points 4725 à 4739) que les considérants exposés au paragraphe 65 de la décision attaquée comportent une motivation appropriée des critères pris en compte par la Commission aux fins de la détermination des amendes fixées aux articles 9 et 10.

5074. En outre, il ressort des indications fournies par la Commission (voir ci-dessus point 4738) que, en ce qui concerne l'infraction sanctionnée sur le marché du ciment gris, la Commission a appliqué deux taux de base pour le calcul des amendes. Les entreprises qui, pour les motifs exposés au paragraphe 65, point 9, sous a), portent une lourde responsabilité dans ladite infraction, ont été frappées d'une amende au taux de base de 4 %. Celles dont la responsabilité dans cette infraction est moins grave, pour les raisons exprimées au paragraphe 65, point 9, sous b), se sont vu infliger une amende au taux de base de 2,8 %. Pour l'infraction sanctionnée sur le marché du ciment blanc, la Commission a retenu un taux de base de 4 % pour l'ensemble des entreprises concernées. Ces taux ont été appliqués, en ce qui concerne l'infraction commise sur le marché du ciment gris, au chiffre d'affaires afférent aux ventes réalisées par chaque entreprise concernée sur le marché communautaire du ciment gris et du clinker pour le ciment gris en 1992 et, en ce qui concerne l'infraction commise sur le marché du ciment blanc, au chiffre d'affaires afférent aux ventes réalisées par chaque entreprise concernée sur le marché communautaire du ciment blanc et du clinker pour le ciment blanc au cours de la même année. Chaque entreprise a vu le montant de son amende adapté en fonction de la durée de sa participation à l'infraction considérée.

5075. Lafarge ne fournissant aucun élément concret de nature à démontrer qu'elle a fait l'objet d'une discrimination injustifiée dans l'application de ces critères de calcul, son argument doit être écarté.

5076. Troisièmement, Asland fait valoir que, en ce qui concerne l'appréciation de la gravité de l'infraction, les entreprises espagnoles ont été victimes d'une discrimination par rapport aux autres entreprises visées dans la décision attaquée, dans la mesure où la région frontalière située entre l'Espagne et le Portugal serait le seul territoire sur lequel l'infraction commise par les entreprises espagnoles aurait pu avoir un effet, alors que les comportements illicites des entreprises allemandes, françaises et britanniques auraient produit leurs effets dans une frange plus variée de régions, à savoir celles chevauchant les frontières entre leurs Etats membres respectifs.

5077. A cet égard, il a été relevé (ci-dessus point 4864) que la question de savoir si l'accord Cembureau s'est ou non traduit par des effets anticoncurrentiels sur les marchés de la Communauté n'a pas été prise en considération dans l'appréciation de la gravité de cette infraction. Ce n'est que dans le cadre de l'examen de la responsabilité des entreprises impliquées dans cette infraction que la Commission s'est livrée à une appréciation des effets normalement attachés aux mesures du type de celles à travers lesquelles ces différentes entreprises ont appliqué l'accord Cembureau. Dans ce contexte, Asland a été classée à juste titre parmi les entreprises portant une responsabilité grave dans l'infraction. La mesure d'application de l'accord Cembureau à laquelle elle a participé, à savoir l'accord constitutif de l'ETF (article 4, paragraphe 1), relève en effet des mesures qui ont des effets directs tendant au cloisonnement des marchés domestiques. Il convient donc de rejeter l'argument d'Asland.

5078. Asland prétend ensuite qu'elle n'a pas bénéficié de la réduction du pourcentage de l'amende dont jouiraient les autres entreprises espagnoles et les entreprises portugaises en raison de la durée réduite de leur participation à l'infraction.

5079. Toutefois, les indications communiquées par la Commission (voir ci-dessus point 4738) font apparaître que l'amende d'Asland a été calculée, comme celles infligées aux autres destinataires espagnoles et portugaises de la décision attaquée, en tenant compte d'une durée d'infraction correspondant à 86,5 mois. Du reste, il sera tenu compte (ci-après point 5115) de ce que la participation d'Asland à l'accord Cembureau n'est établie que du 28 mai 1986 au 31 mai 1987, soit pour une période de douze mois (voir ci-dessus point 4814, dizième tiret).

5080. Quatrièmement, Ciments français relève que, aux termes de la décision attaquée, Hornos Ibéricos a assisté à cinq réunions de l'ETF. Pourtant, la Commission aurait identifié cette entreprise parmi celles qui portent une responsabilité moins grave dans l'accord Cembureau, au motif que sa participation à cette infraction se serait limitée à son implication dans des mesures de canalisation des surplus de production vers les marchés tiers, mesures dont les effets seraient moins directs sur la protection des marchés domestiques. Uniland affirme que la Commission a violé le principe de non-discrimination en la sanctionnant et en jugeant grave sa participation à l'accord Cembureau, alors que d'autres entreprises qui, aux termes mêmes de la décision attaquée, ont participé de façon continue et active aux infractions relatives à l'ETF et à Interciment n'auraient pas été sanctionnées sur ce point (Hornos Ibéricos et Cementos del Norte) ou auraient été exclues de la procédure. Asland dénonce également le traitement réservé à Hornos Ibéricos et à Cementos del Norte.

5081. Il convient de souligner qu'il n'appartient pas au Tribunal, dans l'exercice de son contrôle de légalité, de substituer son appréciation à celle de la Commission quant à la situation d'une entreprise par rapport à une infraction qui n'a pas été retenue à sa charge dans l'acte attaqué.

5082. En l'espèce, Ciments français, Asland et Uniland sont à juste titre classées, au paragraphe 65, point 9, sous a), de la décision attaquée, parmi les entreprises portant une responsabilité grave dans l'infraction sanctionnée à l'article 9. En effet, ces trois parties requérantes ont participé à l'accord Cembureau à travers des mesures de mise en œuvre ayant visé à la protection directe des marchés domestiques. Ainsi, Ciments français a été notamment impliquée dans l'entente franco-allemande visée à l'article 3, paragraphe 3, sous a), dans l'accord constitutif de l'ETF (article 4, paragraphe 1) et dans l'accord constitutif d'Interciment (article 4, paragraphe 2) (voir ci-dessus point 4319). Asland a participé à l'accord constitutif de l'ETF (voir ci-dessus point 4351). Uniland a été partie à ce dernier accord, à l'accord constitutif d'Interciment et aux pratiques concertées de défense du marché italien visées à l'article 4, paragraphe 3, sous a) (voir ci-dessus point 4356).

5083. Dans ces conditions, ces parties requérantes ne sauraient utilement se prévaloir de la comparaison de leur situation avec celle des entreprises qu'elles visent dans leurs argumentations respectives, pour revendiquer le bénéfice de l'annulation ou de la réduction de l'amende qui leur a été infligée à l'article 9 (voir, en ce sens, arrêts Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 197, Dunlop Slazenger/Commission, cité au point 270 ci-dessus, point 176, et Van Megen Sports/Commission, cité au point 4892 ci-dessus, point 56).

5084. Cinquièmement, Cimpor et Secil rappellent que, d'après les pièces visées au paragraphe 21 de la décision attaquée, différents producteurs espagnols ont pris part aux réunions examinées à cet endroit de ladite décision. Elles citent Portland Mallorca, Cementos del Mar, Cementos del Atlantico, Portland Valderrivas, Cementos Portland Hispania, Asland, Hisalba, Hispacement, Cementos Cosmos, Tudela Veguin et Cementos Alba. Or, la plupart de ces entreprises n'auraient pas été destinataires de la décision attaquée. Celles qui l'ont été ne se seraient pas vu imputer l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 2. Par ailleurs, Oficemen, qui, outre les infractions qui lui sont reprochées aux articles 1er, 2, 4 et 5 de la décision attaquée, aurait assumé seule la responsabilité de l'entente ibérique, du côté espagnol, n'a été frappée que d'une amende de 70 000 écus, alors que Cimpor et Secil se sont vu infliger, respectivement, une amende de 9 324 000 écus et de 3 017 000 écus. Il s'agirait d'une violation flagrante du principe d'égalité de traitement.

5085. A cet égard, outre le principe rappelé ci-dessus au point 5081, il y a lieu de faire observer que Cimpor et Secil ont été à juste titre rattachées à la catégorie d'entreprises qui portent une lourde responsabilité dans l'infraction sanctionnée à l'article 9 de la décision attaquée. En effet, l'entente ibérique constatée à l'article 3, paragraphe 2, par laquelle ces deux parties requérantes ont appliqué l'accord Cembureau, a visé à la protection directe des marchés domestiques. Dans ces conditions, ces entreprises ne sauraient utilement se prévaloir de la comparaison de leur situation avec celle des entreprises qu'elles visent dans leur argumentation pour revendiquer le bénéfice de l'annulation ou de la réduction de l'amende qui leur a été infligée à l'article 9 (voir, en ce sens, arrêts Pâtes de bois II, cité au point 106 ci-dessus, point 197, Dunlop Slazenger/Commission, cité au point 270 ci-dessus, point 176, et Van Megen Sports/Commission, cité au point 4892 ci-dessus, point 56).

5086. Quant à la discrimination dont elles prétendent être victimes par rapport à Oficemen, il convient de relever que, si la responsabilité d'Oficemen dans l'infraction constatée à l'article 3, paragraphe 2, est effectivement établie, la situation de cette dernière se distingue objectivement de celle de Cimpor et de Secil. Ainsi que la Commission le relève à juste titre au paragraphe 44, point 5, de la décision attaquée, les producteurs de ciment sont les véritables acteurs sur le marché. Ils agissent à travers leurs associations professionnelles. Dans ces conditions, la Commission était fondée à réprimer les comportements des entreprises par des amendes importantes, calculées en fonction de leur chiffre d'affaires, alors que son intention était, lorsqu'elle a imposé aux associations professionnelles une amende forfaitaire d'un montant peu élevé, de dissuader celles-ci de prendre l'initiative ou de faciliter des ententes anticoncurrentielles dans le futur (paragraphe 65, point 8, premier tiret).

5087. Cimpor et Secil relèvent encore que la Commission a infligé à Oficemen et aux cinq entreprises espagnoles destinataires de la décision attaquée des amendes qui s'élèvent au total à 10 576 000 écus, soit un montant inférieur à la somme des amendes infligées aux deux entreprises portugaises (12 341 000 écus).

5088. Toutefois, la seule comparaison des montants cumulés des amendes infligées aux destinataires espagnoles et portugaises de la décision attaquée ne saurait conduire à constater l'existence d'une violation du principe d'égalité de traitement, eu égard à la variété des paramètres objectifs de calcul susceptibles d'expliquer le résultat d'une telle comparaison.

5089. Il ressort de ce qui précède que les moyens examinés doivent être écartés.

XIII Sur le moyen tiré d'une violation des droits de la défense liée à un accès incomplet au dossier de la Commission au cours de la procédure administrative

5090. Des parties requérantes soutiennent, dans les observations qu'elles ont présentées à la suite des mesures d'organisation de la procédure des 2 octobre 1996 et 18 et 19 juin 1997 (voir ci-dessus points 164 et 168) que, en ne leur accordant qu'un accès limité à son dossier au cours de la procédure administrative, la Commission a violé leurs droits de la défense lors de la détermination des amendes, dans la mesure où elles ont été privées de l'accès à des éléments à leur décharge.

5091. En premier lieu, Lafarge invoque, dans ses observations du 28 janvier 1998, deux pièces qui attesteraient que la Commission a été informée à l'époque de certaines actions collectives envisagées par les producteurs de ciment d'Europe occidentale pour lutter contre les importations en provenance de Grèce.

5092. Elle se fonde d'abord sur le document n° 33.126/19009, note de Blue Circle relative à l'entretien du 6 novembre 1986 entre M. Sutherland, membre de la Commission, et quelques représentants de l'industrie européenne du ciment. D'après ce document, ces derniers auraient fait part au premier de leurs difficultés de procéder à des exportations vers la Grèce à titre de représailles à l'égard des producteurs de ce pays.

5093. Toutefois, ainsi que cela a été relevé ci-dessus au point 3114, ce document ne démontre pas que les représentants de l'industrie européenne du ciment aient avisé M. Sutherland des mesures qu'ils avaient pourtant déjà engagées à l'époque en vue d'éliminer les importations de ciment à bas prix en Europe occidentale, en priorité celles en provenance de Grèce, à savoir la constitution de l'ETF, la constitution d'Interciment et les pratiques concertées destinées à faire en sorte que Calcestruzzi cessât d'être cliente des producteurs grecs de ciment, en particulier de Titan. Les commentaires que Lafarge aurait pu faire valoir à partir du document susvisé au cours de la procédure administrative n'auraient donc pas permis d'écarter les considérations développées par la Commission au paragraphe 65, point 5, cinquième tiret, de la décision attaquée quant à la volonté des parties d'entourer de secret leurs comportements illicites.

5094. Ensuite, Lafarge met en avant un extrait de la lettre adressée le 6 novembre 1986 par M. Van Hove (CBR) à M. Akermann (Holderbank) (document n° 33.126/7639), qui attesterait que la Commission a été informée à l'époque de la constitution d'Interciment:

"[L]a Direction Générale de la concurrence de la CEE pense que cette constitution de société devrait être notifiée, si plusieurs sociétés cimentières de la CEE devaient y participer comme actionnaires ou comme membres d'un organe de direction."

5095. Toutefois, les commentaires que Lafarge aurait pu développer sur la base de cet extrait de document au cours de la procédure administrative n'auraient pas permis d'écarter le reproche spécifique fait par la Commission aux parties concernées par l'accord constitutif d'Interciment, à savoir que celui-ci ne lui a jamais été notifié alors que divers avis juridiques avaient recommandé une telle notification, eu égard à la finalité manifestement illicite de cette mesure (voir décision attaquée, paragraphes 26, point 13, et 65, point 5, cinquième tiret).

5096. En conclusion, les commentaires de Lafarge examinés ci-dessus aux points 5091 à 5095 n'auraient pas eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent.

5097. En deuxième lieu, Aalborg fait valoir, dans ses observations du 12 janvier 1998, que, d'après les documents n° 33.126/3833 à 3844, 18130 à 18138 et 171 à 174, les vérifications de la Commission ont visé à l'origine non pas une entente européenne globale, mais des ententes régionales ainsi qu'une coopération présumée entre plusieurs grands producteurs européens de ciment le "groupe des huit" , à laquelle Aalborg aurait été totalement étrangère. Aalborg affirme que les documents susmentionnés lui auraient utilement permis de démontrer que la Commission n'a enquêté qu'ultérieurement sur l'existence présumée de l'accord Cembureau et, partant, que les faits qui lui sont reprochés dans le cadre de cet accord étaient prescrits.

5098. Toutefois, les documents n° 33.126/171 à 174, cités par Aalborg, contiennent la décision de la Commission du 20 avril 1989 relative aux vérifications à l'origine des présentes affaires. Il en ressort que lesdites vérifications étaient justifiées par les considérations suivantes:

"[...] la Commission a reçu des informations selon lesquelles des accords et/ou pratiques concertées ont été convenus entre les plus importants producteurs européens de ciment au cours de réunions tenues dans diverses villes d'Europe.

[...] d'après les informations parvenues à la Commission, ces accords et/ou pratiques concertées ont eu [notamment] pour objet:

(i) la réduction concertée des capacités de production dans le marché commun dans le but de sauvegarder les parts de marché acquises par chaque producteur;

[...]

(iii) l'attribution de quotas et la répartition géographique des marchés ainsi que le contrôle de leur application à travers la vérification de la destination des produits;

[...]

(v) les échanges systématiques de données ayant pour but de vérifier l'exécution des ententes et de permettre les compensations d'une année à l'autre des quotas attribués à chaque producteur."

5099. Il ressort de ces extraits que les vérifications de la Commission consécutives à sa décision d'avril 1989 ont d'emblée visé l'accord Cembureau et ses mesures d'application. L'argument d'Aalborg manque donc de fondement.

5100. En troisième lieu, Italcementi soutient, dans ses observations du 26 novembre 1997, que plusieurs documents attestent son rôle marginal dans les infractions commises. Il ressortirait ainsi des documents n° 33.126/4869 à 4871 et 3944 à 3948, ainsi que du document n° 33.322/1478, que l'industrie italienne du ciment présente des caractéristiques différentes de celles des autres industries européennes du ciment (barrières naturelles et niveau de prix faisant obstacle aux exportations au départ de l'Italie; absence d'intégration verticale rendant le marché italien vulnérable aux importations) et, partant, qu'Italcementi était étrangère aux discussions qui se sont tenues sur les questions touchant au commerce international du ciment.

5101. Certains documents feraient en outre apparaître que les autres producteurs de ciment percevaient Italcementi comme un opérateur, certes de grande taille, mais peu actif sur le plan international (documents n° 33.126/8895, 8774, 8791, 8792 et 8894), et que, lorsqu'elle participait à des réunions entre producteurs européens de ciment, Italcementi abordait les problèmes exclusivement sous l'angle de son marché intérieur (documents n° 33.126/2545 à 2548 et 4923 à 4926).

5102. Enfin, les documents n° 33.126/19868 à 19870 et 19884 confirmeraient le caractère marginal et licite des actions d'Italcementi dans l'ETF. Celles-ci se seraient limitées à une participation aux activités de lobbying déployées par ce groupe de travail pour résoudre le problème lié aux importations en provenance de Grèce. Elles n'auraient jamais pris la forme d'interventions dissuasives, voire agressives, dont les producteurs britanniques de ciment ont parfois pu se rendre responsables dans cette affaire.

5103. En conclusion, Italcementi affirme que, si elle avait disposé de l'ensemble du dossier d'instruction au cours de la procédure administrative, elle aurait pu convaincre la Commission de la nécessité de porter, lors de la fixation des amendes, une appréciation de la responsabilité individuelle de chaque producteur dans les faits dénoncés, plutôt qu'une appréciation globale des responsabilités.

5104. Cependant, de tels commentaires n'auraient pas permis d'écarter les éléments factuels attestant la présence d'Italcementi, en sa qualité de membre direct de Cembureau, aux réunions des chefs de délégation des 19 mars et 7 novembre 1984 au cours desquelles l'accord Cembureau a été confirmé, ainsi que son rôle de premier plan dans la constitution de l'ETF et d'Interciment et dans les mesures prises pour protéger le marché italien contre les importations de ciment en provenance de Grèce. Ils n'auraient donc pas été de nature à amener la Commission à porter sur la responsabilité d'Italcementi dans l'infraction sanctionnée sur le marché du ciment gris une appréciation autre que celle figurant au paragraphe 65, point 9, sous a), premier tiret, de la décision attaquée, à savoir qu'Italcementi devait être classée parmi les entreprises portant une responsabilité grave dans cette infraction.

5105. Ces commentaires n'auraient en outre pas permis d'occulter le faisceau des pièces visées aux paragraphes 38 à 40 de la décision attaquée, dont il ressort qu'Italcementi a participé de manière constante et assidue, pendant toute la période considérée, aux réunions et aux activités illicites du WCC. Ils n'auraient donc pas permis d'écarter la constatation selon laquelle Italcementi a joué un rôle important dans l'infraction commise sur le marché du ciment blanc.

5106. Il ressort de ce qui précède que les commentaires d'Italcementi examinés ci-dessus aux points 5100 à 5105 n'auraient pas eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent.

5107. En quatrième lieu, Holderbank met en avant, dans ses observations du 8 décembre 1997, une télécopie de Blue Circle du 20 octobre 1987 (document n° 33.126/10959) rédigée dans les termes suivants:

"Une somme d'argent avait été avancée à Holderbank avec l'intention d'en faire une participation au capital, mais par la suite il a été décidé et communiqué à Holderbank que le groupe ne souhaitait pas participer au capital de la société. Cependant, cette décision n'a pas été communiquée aux responsables de la comptabilité de BCO AG et une erreur a donc été commise dans l'enregistrement de la nature de cette opération. Cette erreur sera corrigée en 1987."

5108. Holderbank fait valoir que, si elle avait disposé de ce document au cours de la procédure administrative, elle aurait pu réfuter l'allégation de la Commission selon laquelle Blue Circle a voulu cacher sa participation dans Interciment sous une fausse qualification de l'objet de son versement à Holderbank. Elle estime qu'elle aurait ainsi pu écarter la thèse de la Commission selon laquelle les entreprises ont cherché à dissimuler leurs comportements illicites.

5109. A cet égard, il suffit de rappeler que le document mis en avant par Holderbank avait été classé "A: producteurs européens" aux fins de la consultation du dossier pendant la procédure administrative (voir ci-dessus point 250) et qu'il figurait même dans la boîte (voir ci-dessus point 95). Dans ces conditions, Holderbank ne saurait à présent l'invoquer pour démontrer l'existence d'une violation de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

5110. En cinquième lieu, Cementir se fonde, dans ses observations du 29 décembre 1997, sur les documents visés ci-dessus au point 3391, qui illustreraient la forte pénétration des exportations grecques sur le marché italien pendant la période considérée dans la décision attaquée, particulièrement à partir de 1987. Ces documents démontreraient à tout le moins que l'accord Cembureau n'a produit aucun effet en Italie, ce dont la Commission aurait dû tenir compte, ne serait-ce que lors de la fixation des amendes.

5111. Cependant, ces commentaires, s'ils avaient pu être formulés par Cementir au cours de la procédure administrative, n'auraient pas permis d'écarter les considérations énoncées à juste titre par la Commission au paragraphe 65, point 9, sous a), de la décision attaquée, selon lesquelles Cementir a porté une responsabilité grave dans l'infraction sanctionnée sur le marché du ciment gris, compte tenu du fait qu'elle a, en tant que membre direct de Cembureau, participé directement à la conclusion de l'accord Cembureau et pris part à des mesures d'application de cet accord ayant visé à protéger directement les marchés domestiques.

5112. Il s'ensuit que les commentaires de Cementir exposés ci-dessus au point 5110 n'auraient pas eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent.

5113. En conclusion, le moyen examiné doit être écarté.

XIV Conclusions

5114. L'article 9 de la décision attaquée doit être annulé à l'égard d'ENCI, de Cedest, d'Alsen-Breitenburg, de Nordcement, de Buzzi, de Rugby, de Castle, d'Heracles et de Titan (voir ci-dessus points 4718 et 4719).

5115. Compte tenu de l'examen auquel le Tribunal a procédé ci-dessus aux points 4714 à 5113, d'une part, et des données chiffrées fournies par la Commission en cours d'instance, d'autre part, les amendes visées aux articles 9 et 10 de la décision attaquée, libellées en euros par application de l'article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1103/97 du Conseil, du 17 juin 1997, fixant certaines dispositions relatives à l'introduction de l'euro (JO L 162, p. 1), doivent être réduites dans les conditions suivantes:

- l'amende infligée à CBR à l'article 9 est réduite à 1 711 000 euros;

- l'amende infligée à Ciments luxembourgeois à l'article 9 est réduite à 617 000 euros;

- l'amende infligée à Dyckerhoff à l'article 9 est réduite à 7 055 000 euros;

- l'amende infligée à Vicat à l'article 9 est réduite à 2 407 000 euros;

- les amendes infligées à Ciments français aux articles 9 et 10 sont réduites, respectivement, à 12 519 000 euros et à 1 051 000 euros;

- l'amende infligée à Heidelberger à l'article 9 est réduite à 7 056 000 euros;

- l'amende infligée à Lafarge à l'article 9 est réduite à 14 248 000 euros;

- l'amende infligée à Aalborg à l'article 9 est réduite à 2 349 000 euros;

- l'amende infligée à Unicem à l'article 9 est réduite à 6 399 000 euros;

- les amendes infligées à Valenciana aux articles 9 et 10 sont réduites, respectivement, à 250 000 euros et à 388 000 euros;

- l'amende infligée à Asland à l'article 9 est réduite à 740 000 euros;

- l'amende infligée à Uniland à l'article 9 est réduite à 592 000 euros;

- l'amende infligée à Irish Cement à l'article 9 est réduite à 2 065 000 euros;

- l'amende infligée à Cimpor à l'article 9 est réduite à 4 312 000 euros;

- l'amende infligée à Secil à l'article 9 est réduite à 1 395 000 euros;

- l'amende infligée à Italcementi à l'article 9 est réduite à 25 701 000 euros;

- l'amende infligée à Holderbank à l'article 9 est réduite à 1 918 000 euros;

- l'amende infligée à Hornos Ibéricos à l'article 9 est réduite à 836 000 euros;

- l'amende infligée à Aker à l'article 9 est réduite à 14 000 euros;

- l'amende infligée à Euroc à l'article 9 est réduite à 14 000 euros;

- l'amende infligée à Cementir à l'article 9 est réduite à 7 471 000 euros;

- l'amende infligée à Blue Circle à l'article 9 est réduite à 7 717 000 euros;

- l'amende infligée à Halkis à l'article 9 est réduite à 510 000 euros.

Sur les demandes tendant au remboursement de l'amende, majorée des intérêts de retard, et au remboursement des frais occasionnés par la constitution d'une garantie bancaire

5116. Dans les affaires T-31-95 et T-32-95, les parties requérantes concluent à ce que la Commission soit condamnée à leur verser des intérêts sur l'amende indûment payée.

5117. Dans les affaires T-50-95 et T-51-95, les parties requérantes concluent à ce que la Commission soit condamnée à leur rembourser les frais occasionnés par la constitution d'une garantie bancaire, à tout le moins pour la partie de l'amende faisant l'objet d'une réduction.

5118. Il suffit de constater que ces demandes concernent en réalité l'exécution du présent arrêt et qu'il appartient à la Commission de prendre les mesures que comporte une telle exécution, conformément à l'article 176 du traité CE (devenu article 233 CE) (voir arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, British Steel/Commission, T-151-94, non encore publié au Recueil, point 697). Les demandes sont dès lors irrecevables.

Sur les dépens

5119. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

5120. En application de l'article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du même règlement, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

5121. En vertu de l'article 87, paragraphe 3, second alinéa, le Tribunal peut également condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l'autre partie les frais qu'elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires. Une partie gagnante peut ainsi être condamnée à rembourser à l'autre partie les frais d'une procédure occasionnée par son propre comportement (arrêt du Tribunal du 25 juin 1997, Perillo/Commission, T-7-96, Rec. p. II-1061, point 47).

5122. En l'espèce, il doit être fait application de cette dernière disposition en tenant compte du comportement de la Commission qui, en n'accordant pas un accès régulier au dossier d'instruction au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus point 152), n'a pas respecté les exigences d'une bonne administration. Il ne saurait en effet être tenu rigueur à une partie requérante de saisir le Tribunal en vue d'apprécier un tel comportement, au besoin après avoir adopté les mesures d'organisation de la procédure nécessaires.

5123. Compte tenu des principes exposés ci-dessus, la fixation des dépens dans les différentes affaires en cause sera opérée en considération de cinq catégories distinctes.

5124. En premier lieu, la Commission ayant succombé en ses moyens dans les affaires T-31-95, T-38-95, T-45-95, T-46-95, T-53-95, T-56-95, T-57-95 et T-64-95, elle sera condamnée aux dépens afférents à celles-ci, conformément aux conclusions en ce sens des parties requérantes concernées.

5125. En deuxième lieu, dans l'affaire T-51-95, si la partie requérante a succombé en une partie de ses conclusions, elle a obtenu gain de cause sur la majeure partie de celles-ci. Il a notamment été constaté que les articles 1er et 9 de la décision attaquée doivent être annulés à son égard. En outre, cette partie requérante a dénoncé l'irrégularité des conditions d'accès au dossier de la Commission qui lui ont été réservées au cours de la procédure administrative.

5126. Le Tribunal fera dès lors une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que, dans l'affaire T-51/95, la partie requérante supportera un tiers de ses dépens et que la Commission supportera, outre ses dépens, deux tiers des dépens de la partie requérante.

5127. En troisième lieu, dans les affaires T-26-95, T-30-95, T-32-95, T-36-95, T-48-95, T-54-95, T-59-95, T-63-95 et T-103-95, les parties requérantes en cause ont succombé en une partie de leurs conclusions, mais ont obtenu gain de cause sur une partie significative de celles-ci. En particulier, il a été constaté que l'article 9 de la décision attaquée, qui leur inflige une amende, doit être annulé en ce qui les concerne. En outre, dans les affaires T-26-95, T-30-95, T-32-95, T-36-95, T-48-95, T-59-95, T-63-95 et T-103-95, les parties requérantes ont dénoncé, dans leurs recours, l'irrégularité des conditions d'accès au dossier de la Commission qui leur ont été réservées au cours de la procédure administrative.

5128. Dans ces circonstances, il convient de décider que, dans les affaires T-26-95, T-30-95, T-32-95, T-36-95, T-48-95, T-59-95, T-63-95 et T-103-95, les parties requérantes et la Commission supporteront chacune leurs propres dépens. En revanche, dans l'affaire T-54-95, la partie requérante n'ayant pas dénoncé, dans son recours, l'irrégularité des conditions d'accès au dossier de la Commission au cours de la procédure administrative, la Commission sera condamnée à supporter trois quarts de ses propres dépens et la partie requérante supportera, outre ses propres dépens, un quart des dépens de la Commission.

5129. En quatrième lieu, dans l'affaire T-55-95, la partie requérante a succombé en une partie de ses conclusions, mais a obtenu gain de cause sur une partie significative de celles-ci. En particulier, il a été constaté que l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il retient sa participation à l'infraction reprochée avant le 28 mai 1986 et au-delà du 31 mai 1987. En outre, elle a dénoncé l'irrégularité des conditions d'accès au dossier de la Commission qui lui ont été réservées au cours de la procédure administrative.

5130. Le Tribunal fera dès lors une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que, dans cette affaire T-55-95, la Commission supportera trois quarts de ses dépens et que la partie requérante supportera, outre ses propres dépens, un quart des dépens de la Commission.

5131. En cinquième lieu, dans les affaires T-25-95, T-34-95, T-35-95, T-37-95, T-39-95, T-42-95, T-43-95, T-44-95, T-50-95, T-52-95, T-58-95, T-60-95, T-61-95, T-62-95, T-65-95, T-68-95, T-69-95, T-70-95, T-71-95, T-87-95, T-88-95 et T-104-95, les parties requérantes en cause ont succombé en une partie significative de leurs conclusions, même si elles ont obtenu gain de cause sur une autre partie de celles-ci. Dans les affaires T-25-95, T-35-95, T-39-95, T-43-95, T-52-95 et T-65-95, les parties requérantes ont notamment succombé en leurs conclusions visant l'article 7 de la décision attaquée relatif au marché du ciment blanc. Néanmoins, dans les affaires T-25-95, T-34-95, T-35-95, T-37-95, T-39-95, T-42-95, T-43-95, T-44-95, T-50-95, T-52-95, T-58-95, T-60-95, T-61-95, T-62-95, T-65-95, T-68-95, T-69-95, T-70-95, T-71-95, T-87-95 et T-88-95, les parties requérantes ont dénoncé, dans leurs recours, l'irrégularité des conditions d'accès au dossier de la Commission qui leur ont été réservées au cours de la procédure administrative.

5132. Dès lors, dans ces affaires, la Commission supportera deux tiers de ses dépens et les parties requérantes supporteront, outre leurs propres dépens, un tiers des dépens de la Commission. En revanche, dans l'affaire T-104-95, la partie requérante n'ayant pas dénoncé, dans son recours, l'irrégularité des conditions d'accès au dossier de la Commission au cours de la procédure administrative, la Commission supportera la moitié de ses propres dépens et la partie requérante supportera, outre ses propres dépens, la moitié des dépens de la Commission.

5133. Indépendamment des catégories susvisées, les demandes formulées par les parties requérantes dans les affaires T-55-95, T-58-95 et T-59-95 et visant à ce que la Commission soit condamnée aux dépens, y compris les frais résultant de la constitution et du maintien de la garantie bancaire, doivent être rejetées. En effet, il ressort d'une jurisprudence constante que les frais occasionnés par la constitution d'une garantie bancaire pour éviter l'exécution forcée de la décision ne constituent pas des frais exposés aux fins de la procédure, au sens de l'article 91, sous b), du règlement de procédure (voir ordonnance de la Cour du 20 novembre 1987, Krupp Stahl/Commission, 183-83, Rec. p. 4611, point 10, et arrêt Weig/Commission, cité au point 4626 ci-dessus, point 308).

5134. De même, la demande de la partie requérante dans l'affaire T-51-95, visant à la condamnation de la Commission au remboursement des dépenses auxquelles elle a dû faire face pendant la procédure administrative, doit être rejetée. En effet, aux termes de l'article 91 du règlement de procédure, "sont considérés comme dépens récupérables [...] les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure". Par "procédure", cette disposition ne vise que la procédure devant le Tribunal, à l'exclusion de la phase précontentieuse. Cela résulte notamment de l'article 90 du règlement de procédure qui évoque la "procédure devant le Tribunal" (voir, par analogie, ordonnances de la Cour du 21 octobre 1970, Hake/Commission, 75-69, Rec. p. 901, et du 30 novembre 1994, British Aerospace/Commission, C-294-90 DEP, Rec. p. I-5423, point 10 à 12). En tout état de cause, s'il fallait considérer cette demande comme une demande de dommages et intérêts, elle devrait être déclarée irrecevable, comme ne satisfaisant pas aux exigences posées par les dispositions des articles 19 du statut CE de la Cour et 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure (arrêt du Tribunal du 29 octobre 1998, TEAM/Commission, T-13-96, Rec. p. II-4073, point 27).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie) déclare et arrête:

1) Les affaires T-25-95, T-26-95, T-30-95, T-31-95, T-32-95, T-34-95, T-35-95, T-36-95, T-37-95, T-38-95, T-39-95, T-42-95, T-43-95, T-44-95, T-45-95, T-46-95, T-48-95, T-50-95, T-51-95, T-52-95, T-53-95, T-54-95, T-55-95, T-56-95, T-57-95, T-58-95, T-59-95, T-60-95, T-61-95, T-62-95, T-63-95, T-64-95, T-65-95, T-68-95, T-69-95, T-70-95, T-71-95, T-87-95, T-88-95, T-103-95 et T-104-95 sont jointes aux fins de l'arrêt.

2) Dans l'affaire T-25/95, Cimenteries CBR/Commission :

- l'article 1er de la décision 94-815-CE de la Commission, du 30 novembre 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (Affaire IV/33.126 et 33.322 Ciment), est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 juin 1986 et au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 juin 1986 et au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986;

- l'article 4, paragraphe 4, sous g), de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 1 711 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

3) Dans l'affaire T-26-95, Cembureau Association européenne du ciment/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 décembre 1988;

- l'article 2, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il constate que des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix sont intervenus au cours des réunions du comité exécutif de Cembureau Association européenne du ciment et dans la mesure où il retient la participation de la partie requérante à l'infraction reprochée au-delà du 19 mars 1984;

- l'article 2, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante, dans la mesure où il constate que la circulation périodique d'informations entre la partie requérante et ses membres a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs de ces deux pays et, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les prix, rabais inclus, du producteur de ce pays;

- l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 9 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- chacune des parties supportera ses propres dépens.

4) Dans l'affaire T-30-95, Fédération de l'industrie cimentière belge/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 décembre 1988;

- l'article 2, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il constate que des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix sont intervenus au cours des réunions du comité exécutif de Cembureau Association européenne du ciment et dans la mesure où il retient la participation de la partie requérante à l'infraction reprochée au-delà du 19 mars 1984;

- l'article 2, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante, dans la mesure où il constate que la circulation périodique d'informations entre Cembureau Association européenne du ciment et ses membres a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs de ces deux pays et, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les prix, rabais inclus, du producteur de ce pays;

- l'article 5 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- l'article 9 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le recours est rejeté pour le surplus;

chacune des parties supportera ses propres dépens.

5) Dans l'affaire T-31-95, Eerste Nederlandse Cementindustrie (ENCI)/Commission:

- les articles 1er, 5 et 9 de la décision 94-815 sont annulés à l'égard de la partie requérante;

- la Commission est condamnée aux dépens.

6) Dans l'affaire T-32-95, Vereniging Nederlandse Cementindustrie (VNC)/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 décembre 1988;

- l'article 2, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il constate que des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix sont intervenus au cours des réunions du comité exécutif de Cembureau Association européenne du ciment et dans la mesure où il retient la participation de la partie requérante à l'infraction reprochée au-delà du 19 mars 1984;

- l'article 2, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante, dans la mesure où il constate que la circulation périodique d'informations entre Cembureau Association européenne du ciment et ses membres a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs de ces deux pays et, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les prix, rabais inclus, du producteur de ce pays;

- l'article 9 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- chacune des parties supportera ses propres dépens.

7) Dans l'affaire T-34-95, Ciments luxembourgeois/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 décembre 1988;

- l'article 2, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il constate que des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix sont intervenus au cours des réunions du comité exécutif de Cembureau Association européenne du ciment et dans la mesure où il retient la participation de la partie requérante à l'infraction reprochée au-delà du 19 mars 1984;

- l'article 2, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante, dans la mesure où il constate que la circulation périodique d'informations entre Cembureau Association européenne du ciment et ses membres a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs de ces deux pays et, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les prix, rabais inclus, du producteur de ce pays;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 617 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

8) Dans l'affaire T-35-95, Dyckerhoff/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à un accord de répartition du marché de la Sarre et dans la mesure où il constate la participation de la partie requérante à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE) au-delà du 12 août 1987;

- l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986;

- l'article 5 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 7 055 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

9) Dans l'affaire T-36-95, Syndicat national de l'industrie cimentière (SFIC)/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 décembre 1988;

- l'article 2, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il constate que des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix sont intervenus au cours des réunions du comité exécutif de Cembureau Association européenne du ciment et dans la mesure où il retient la participation de la partie requérante à l'infraction reprochée au-delà du 19 mars 1984;

- l'article 2, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante, dans la mesure où il constate que la circulation périodique d'informations entre Cembureau Association européenne du ciment et ses membres a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs de ces deux pays et, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les prix, rabais inclus, du producteur de ce pays;

- l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à un accord de répartition du marché de la Sarre, à une pratique concertée avec le Bundesverband der Deutschen Zementindustrie eV avant 1984 et à une pratique concertée visant à exercer des pressions sur Cedest SA, et dans la mesure où il constate la participation de la partie requérante à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité au-delà du 12 août 1987;

- l'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il constate l'existence d'une pratique concertée entre la partie requérante et le Bundesverband der Deutschen Zementindustrie eV visant à contrôler la destination par Land des exportations de la France vers l'Allemagne et dans la mesure où il constate la participation de la partie requérante à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité au-delà du 12 août 1987;

- l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 5 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- l'article 9 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- chacune des parties supportera ses propres dépens.

10) Dans l'affaire T-37-95, Vicat/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 11 mai 1983 et au-delà du 23 avril 1986;

- l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 23 avril 1986;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 2 407 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

11) Dans l'affaire T-38-95, Groupe Origny/Commission:

- les articles 1er, 3, paragraphe 3, sous a), et 9 de la décision 94-815 sont annulés à l'égard de la partie requérante;

- la Commission est condamnée aux dépens.

12) Dans l'affaire T-39-95, Ciments français/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 17 février 1989 et dans la mesure où il constate que la partie requérante a mis en œuvre l'accord Cembureau Association européenne du ciment en participant à l'infraction visée à l'article 3, paragraphe 1, sous b);

- l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à un accord de répartition du marché de la Sarre et dans la mesure où il constate la participation de la partie requérante à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité au-delà du 12 août 1987;

- l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- l'article 6 de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 18 novembre 1983;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94/815 est fixé à 12 519 000 euros;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 10 de la décision 94/815 est fixé à 1 051 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

13) Dans l'affaire T-42-95, Heidelberger Zement/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 12 août 1987;

- l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à un accord de répartition du marché de la Sarre et dans la mesure où il constate la participation de la partie requérante à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité avant le 17 novembre 1982 et au-delà du 12 août 1987;

- l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphes 2 et 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 7 056 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

14) Dans l'affaire T-43-95, Lafarge Coppée/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 19 mai 1989;

- l'article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il constate la participation de la partie requérante à une pratique concertée avec Fratelli Buzzi SpA portant sur la limitation de leur autonomie de comportement concernant les sources de production;

- l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à un accord de répartition du marché de la Sarre et dans la mesure où il constate la participation de la partie requérante à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité au-delà du 12 août 1987;

- l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 4, paragraphe 4, sous e) et sous f), de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- l'article 6 de la décision 94/815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 18 novembre 1983;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 14 248 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

15) Dans l'affaire T-44-95, Aalborg Portland/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 décembre 1988;

- l'article 2, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il constate que des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix sont intervenus au cours des réunions du comité exécutif de Cembureau Association européenne du ciment et dans la mesure où il retient la participation de la partie requérante à l'infraction reprochée au-delà du 19 mars 1984;

- l'article 2, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante, dans la mesure où il constate que la circulation périodique d'informations entre Cembureau Association européenne du ciment et ses membres a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs de ces deux pays et, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les prix, rabais inclus, du producteur de ce pays;

- l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986 et au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986;

- l'article 5 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 2 349 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

16) Dans l'affaire T-45-95, Alsen/Commission:

- les articles 1er, 5 et 9 de la décision 94-815 sont annulés à l'égard de la partie requérante;

- la Commission est condamnée aux dépens.

17) Dans l'affaire T-46/95, Alsen/Commission:

- les articles 1er, 5 et 9 de la décision 94-815 sont annulés à l'égard de la partie requérante;

- la Commission est condamnée aux dépens.

18) Dans l'affaire T-48-95, Bundesverband der Deutschen Zementindustrie/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 décembre 1988;

- l'article 2, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il constate que des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix sont intervenus au cours des réunions du comité exécutif de Cembureau Association européenne du ciment et dans la mesure où il retient la participation de la partie requérante à l'infraction reprochée au-delà du 19 mars 1984;

- l'article 2, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante, dans la mesure où il constate que la circulation périodique d'informations entre Cembureau Association européenne du ciment et ses membres a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs de ces deux pays et, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les prix, rabais inclus, du producteur de ce pays;

- l'article 3, paragraphe 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à un accord de répartition du marché de la Sarre et à une pratique concertée avec le Syndicat national de l'industrie cimentière (SFIC) avant 1984 et dans la mesure où il constate la participation de la partie requérante à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité au-delà du 12 août 1987;

- l'article 3, paragraphe 3, sous b), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il constate l'existence d'une pratique concertée entre la partie requérante et le Syndicat national de l'industrie cimentière (SFIC) visant à contrôler la destination par Land des exportations de la France vers l'Allemagne et dans la mesure où il constate la participation de la partie requérante à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité au-delà du 12 août 1987;

- l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 juin 1986 et au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986;

- l'article 9 de la décision 94/815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- chacune des parties supportera ses propres dépens.

19) Dans l'affaire T-50-95, Unicem/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986 et au-delà du 3 avril 1992;

- l'article 2, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- l'article 2, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante, d'une part, dans la mesure où il constate que la circulation périodique d'informations entre Cembureau Association européenne du ciment et ses membres a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs de ces deux pays et, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les prix, rabais inclus, du producteur de ce pays, ainsi que, d'autre part, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986;

- l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986 et au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986;

- l'article 5 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 6 399 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

20) Dans l'affaire T-51-95, Fratelli Buzzi/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- l'article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il constate la participation de la partie requérante à une pratique concertée avec Lafarge Coppée SA portant sur la limitation de leur autonomie de comportement concernant les sources de production;

- l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 23 avril 1986;

- l'article 9 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera un tiers de ses propres dépens;

- la Commission supportera ses propres dépens et deux tiers des dépens exposés par la partie requérante.

21) Dans l'affaire T-52-95, Compañia Valenciana de Cementos Portland/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 13 mai 1987;

- l'article 6 de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 13 mai 1987;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 250 000 euros;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 10 de la décision 94-815 est fixé à 388 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

22) Dans l'affaire T-53-95, The Rugby Group/Commission:

- les articles 1er, 4, paragraphe 4, sous a), et 9 de la décision 94-815 sont annulés à l'égard de la partie requérante;

- la Commission est condamnée aux dépens.

23) Dans l'affaire T-54-95, British Cement Association/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 décembre 1988;

- l'article 2, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il constate que des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix sont intervenus au cours des réunions du comité exécutif de Cembureau Association européenne du ciment et dans la mesure où il retient la participation de la partie requérante à l'infraction reprochée au-delà du 19 mars 1984;

- l'article 2, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante, dans la mesure où il constate que la circulation périodique d'informations entre Cembureau Association européenne du ciment et ses membres a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs de ces deux pays et, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les prix, rabais inclus, du producteur de ce pays;

- l'article 9 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un quart des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera trois quarts de ses propres dépens.

24) Dans l'affaire T-55-95, Asland/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 28 mai 1986 et au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphes 2 et 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 740 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un quart des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera trois quarts de ses propres dépens.

25) Dans l'affaire T-56-95, Castle Cement/Commission:

- les articles 1er, 4, paragraphe 4, sous a), 5 et 9 de la décision 94-815 sont annulés à l'égard de la partie requérante;

- la Commission est condamnée aux dépens.

26) Dans l'affaire T-57-95, Heracles General Cement Company/Commission:

- les articles 1er, 4, paragraphe 4, sous d), sous f) et sous g), 6 et 9 de la décision 94-815 sont annulés à l'égard de la partie requérante;

- la Commission est condamnée aux dépens.

27) Dans l'affaire T-58-95, Corporación Uniland/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986 et au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986 et au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986 et au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 592 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

28) Dans l'affaire T-59-95, Agrupación de Fabricantes de Cemento de España (Oficemen)/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 24 avril 1989;

- l'article 2, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- l'article 2, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante, dans la mesure où il constate que la circulation périodique d'informations entre Cembureau Association européenne du ciment et ses membres a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs de ces deux pays et, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les prix, rabais inclus, du producteur de ce pays;

- l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 juin 1986 et au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986;

- l'article 5 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- l'article 9 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- chacune des parties supportera ses propres dépens.

29) Dans l'affaire T-60-95, Irish Cement/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 décembre 1988;

- l'article 2, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il constate que des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix sont intervenus au cours des réunions du comité exécutif de Cembureau Association européenne du ciment et dans la mesure où il retient la participation de la partie requérante à l'infraction reprochée au-delà du 19 mars 1984;

- l'article 2, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante, dans la mesure où il constate que la circulation périodique d'informations entre Cembureau Association européenne du ciment et ses membres a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs de ces deux pays et, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les prix, rabais inclus, du producteur de ce pays;

- l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986 et au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986;

- l'article 5 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 2 065 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

30) Dans l'affaire T-61-95, Cimpor Cimentos de Portugal/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 24 avril 1989;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 4 312 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

31) Dans l'affaire T-62-95, Secil Companhia Geral de Cal e Cimento/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 24 avril 1989;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94/815 est fixé à 1 395 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

32) Dans l'affaire T-63-95, Associação Técnica da Indústria de Cimento (ATIC)/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 décembre 1988;

- l'article 2, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- l'article 2, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante, dans la mesure où il constate que la circulation périodique d'informations entre Cembureau Association européenne du ciment et ses membres a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs de ces deux pays et, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les prix, rabais inclus, du producteur de ce pays;

- l'article 5 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- l'article 9 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- chacune des parties supportera ses propres dépens.

33) Dans l'affaire T-64-95, Titan Cement Company/Commission:

- les articles 1er, 4, paragraphe 4, sous b), sous c), sous e), sous g) et sous h), 6 et 9 de la décision 94-815 sont annulés à l'égard de la partie requérante;

- la Commission est condamnée aux dépens.

34) Dans l'affaire T-65-95, Italcementi Fabbriche Riunite Cemento/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 19 mars 1984 et au-delà du 3 avril 1992;

- l'article 2, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante, dans la mesure où il constate que des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix sont intervenus au cours des réunions du comité exécutif de Cembureau Association européenne du ciment et dans la mesure où il retient la participation de la partie requérante à l'infraction reprochée avant le 19 mars 1984 et au-delà de cette date;

- l'article 2, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante, d'une part, dans la mesure où il constate que la circulation périodique d'informations entre Cembureau Association européenne du ciment et ses membres a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs de ces deux pays et, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les prix, rabais inclus, du producteur de ce pays, ainsi que, d'autre part, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 19 mars 1984;

- l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 5 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 25 701 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

35) Dans l'affaire T-68-95, Holderbank Financière Glarus/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 4, paragraphe 4, sous c) et sous d), de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 1 918 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

36) Dans l'affaire T-69-95, Hornos Ibéricos Alba (Hisalba)/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 19 mai 1989;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 836 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

37) Dans l'affaire T-70-95, Aker RGI ASA/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 7 novembre 1988;

l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94/815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 juin 1986 et au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986;

- l'article 4, paragraphe 4, sous h), de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 14 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

38) Dans l'affaire T-71-95, Scancem (publ)/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 juin 1986 et au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986;

- l'article 4, paragraphe 4, sous h), de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 14 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

39) Dans l'affaire T-87-95, Cementir Cementerie del Tirreno/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 3 avril 1992;

- l'article 2, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante, dans la mesure où il constate que des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix sont intervenus au cours des réunions du comité exécutif de Cembureau Association européenne du ciment et dans la mesure où il retient la participation de la partie requérante à l'infraction reprochée au-delà du 14 janvier 1983;

- l'article 2, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante, dans la mesure où il constate que la circulation périodique d'informations entre Cembureau Association européenne du ciment et ses membres a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs de ces deux pays et, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les prix, rabais inclus, du producteur de ce pays;

- l'article 4, paragraphes 1 et 2, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 9 septembre 1986;

- l'article 5 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 7 471 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

40) Dans l'affaire T-88-95, Blue Circle Industries/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 18 novembre 1983 et au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 mai 1987;

- l'article 4, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 7 novembre 1988;

- l'article 4, paragraphe 4, sous a) et sous b), de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- l'article 6 de la décision 94/815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 18 novembre 1983;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 7 717 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

- la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.

41) Dans l'affaire T-103-95, Enosi Tsimentoviomichanion Ellados/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée au-delà du 31 décembre 1988;

- l'article 2, paragraphe 1, de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il constate que des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix sont intervenus au cours des réunions du comité exécutif de Cembureau Association européenne du ciment et dans la mesure où il retient la participation de la partie requérante à l'infraction reprochée au-delà du 19 mars 1984;

- l'article 2, paragraphe 2, de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante, dans la mesure où il constate que la circulation périodique d'informations entre Cembureau Association européenne du ciment et ses membres a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs de ces deux pays et, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les prix, rabais inclus, du producteur de ce pays;

- l'article 5 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- l'article 9 de la décision 94-815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- chacune des parties supportera ses propres dépens.

42) Dans l'affaire T-104-95, Tsimenta Chalkidos/Commission:

- l'article 1er de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 18 novembre 1983 et au-delà du 1er septembre 1986;

- l'article 6 de la décision 94-815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction reprochée avant le 18 novembre 1983 et au-delà du 1er septembre 1986;

- le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94-815 est fixé à 510 000 euros;

- le recours est rejeté pour le surplus;

- la partie requérante supportera ses propres dépens et la moitié des dépens exposés par la Commission;

la Commission supportera la moitié de ses propres dépens.