TPICE, 4e ch., 17 février 2000, n° T-241/97
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Stork Amsterdam (BV)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, Serac Group (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Moura Ramos
Juges :
Mme Tiili, M. Mengozzi
Avocats :
Mes Braakman, Loesch, Wolter, Mitchell
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),
Faits à l'origine du litige
1. Stork Amsterdam BV (ci-après "Stork") est une société de droit néerlandais qui produit des machines destinées à la fabrication de bouteilles en plastique au moyen de la méthode du moulage par "soufflage".
2. Le 14 août 1987, Stork a conclu avec Serac SA, devenue, depuis lors, Serac Group (ci-après "Serac"), une société anonyme de droit français qui produit des machines permettant un remplissage aseptique de bouteilles en plastique, un accord de coopération pour la commercialisation de lignes complètes de machines destinées à la fabrication desdites bouteilles et à leur remplissage aseptique avec des produits alimentaires liquides (ci-après "accord de coopération" ou "accord"). Les deux entreprises s'engageaient à s'acheter les machines qu'elles produisaient et à les vendre en lignes complètes sous le nom de "Stork-Serac" ou de "Serac-Stork". L'accord prévoyait aussi l'obligation pour chaque entreprise de mettre à la disposition de l'autre les connaissances (knowledge) nécessaires à la commercialisation, à l'installation et au maintien en service de telles machines (article 5 de l'accord).
3. L'article 6 de cet accord contenait une clause de "non-concurrence", qui stipulait, notamment :
"6.1.Les parties conviennent de s'abstenir, l'une et l'autre, de développer, produire et vendre, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'agents ou d'auxiliaires de quelque nature que ce soit, des appareils ou parties d'appareils qui sont en concurrence avec ceux, produits par l'autre partie, qui sont visés par la présente coopération ou y sont analogues.
6.2.Si un client potentiel réclame à Stork ou à Serac des appareils de remplissage ou de moulage par soufflage fabriqués par des tiers, le vendeur est tenu de solliciter l'accord de l'autre partie. Celle-ci ne pourra refuser de manière injustifiée. Si l'une des parties vend la machine concurrente d'un tiers sans l'accord de l'autre, celle-ci est en droit d'exiger le versement d'une amende, à titre d'indemnité forfaitaire, équivalente à 30 %(trente pour cent) de la machine remplacée.
6.3.En cas de résiliation de l'accord en application de l'article 14 [à savoir, après que l'accord a été en vigueur pendant cinq ans et suivant dénonciation écrite avec un délai de préavis de douze mois] et dans ce cas seulement, l'obligation de non-concurrence stipulée à l'article 6.1 demeurera en vigueur à l'égard de la partie qui résilie pendant les quatre années qui suivent ladite résiliation."
4. En 1989, Stork a essayé d'obtenir le consentement de Serac pour mettre fin à leur accord de coopération, et ce, notamment, par lettre du 13 juillet 1989, dans laquelle elle menaçait également de déposer une plainte auprès de la Commission pour violation de l'article 85 du traité CE (devenu article 81 CE), si Serac refusait d'accepter de mettre fin à l'accord.
5. En l'absence de réponse positive de Serac, la requérante a, le 20 septembre 1989, saisi la Commission d'une plainte visant à faire constater l'incompatibilité de leur accord de coopération avec l'article 85 du traité. Stork faisait valoir que Serac avait violé cette disposition en refusant de mettre fin à cet accord.
6. Le 24 janvier 1990, Serac a notifié l'accord de coopération à la Commission afin d'obtenir une attestation négative ou une exemption, tout en déclarant qu'elle pourrait se contenter d'une lettre administrative de classement ("lettre de confort").
7. La Commission a répondu à la plainte de Stork et à la notification de Serac par une lettre du 20 mars 1991, signée par M. J. Dubois, directeur faisant fonction à la direction générale Concurrence (DG IV), et contenant une proposition de solution amiable du litige qui était présentée à la suite de leur plainte et notification, "ainsi qu'aux informations complémentaires fournies par [les] deux sociétés". Analysant l'accord de coopération, M. Dubois indiquait que celui-ci, bien que ne réunissant pas les conditions d'une exemption, était assez proche de ceux visés par le règlement (CEE) n° 417-85 de la Commission, du 19 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords de spécialisation (JO 1985, L 53, p. 1, ci-après "règlement n° 417-85"), l'accord se distinguant essentiellement par les paragraphes 2 et 3 de son article 6. L'auteur de la lettre précisait que, sur base de toutes les informations dont il disposait, il estimait que ces clauses limitaient la concurrence et n'étaient pas indispensables à la réalisation des objectifs de l'accord. Il proposait, dès lors, une modification desdites clauses pour adapter l'accord à l'esprit du règlement n° 417-85.
8. L'adaptation proposée du paragraphe 2 de l'article 6 (sur l'exclusivité mutuelle d'approvisionnement) devait le rendre conforme à l'article 2, sous b), dudit règlement, en prévoyant la possibilité pour chacune des parties de s'approvisionner - sans pénalité - auprès de tiers lorsqu'ils offraient des conditions d'approvisionnement plus favorables. Dans la même perspective d'adaptation de l'accord au règlement n° 417-85, M. Dubois précisait encore que le paragraphe 3 de l'article 6 (relatif à l'obligation de non-concurrence pendant quatre années après l'expiration de l'accord) "devrait être supprimé".
9. Il ajoutait, encore, que, étant donné l'importance économique limitée de l'affaire sur le plan communautaire, il ne lui semblait pas "opportun, à ce stade, de proposer à la Commission l'ouverture d'une procédure". Au cas où les parties ne se mettraient pas d'accord pour modifier les clauses dans le sens proposé, elles étaient invitées à porter l'affaire devant les instances judiciaires ou les autorités administratives nationales compétentes en faisant état de la lettre de la Commission.
10. La lettre destinée à Stork comportait un paragraphe supplémentaire ainsi libellé :
"En l'absence de réaction de votre part dans les quatre semaines suivant la réception de cette lettre, je clôturerai ce dossier ; il pourra, néanmoins, être réouvert à n'importe quel moment, si un changement dans les circonstances factuelles ou légales appelle un nouvel examen de la situation."
11. Par lettre du 19 juillet 1991, Serac a fait savoir à la Commission que les parties envisageaient de régler leur litige à l'amiable. Cependant, les discussions entre les deux parties n'ont pas abouti et l'accord a expiré le 14 août 1992 sans avoir été modifié.
12. Le 21 décembre 1992, Serac a envoyé une autre lettre à M. Dubois, invitant la Commission à reconsidérer son analyse du dossier. Serac faisait valoir, notamment, que la proposition faite par la Commission dans sa lettre du 20 mars 1991, visant à modifier ou à supprimer un certain nombre de clauses de l'accord, reflétait une méconnaissance du marché en cause et une appréciation erronée des répercussions de l'accord de coopération sur la concurrence. Dans cette lettre, Serac ajoutait qu'elle confirmait son accord pour ne pas invoquer le paragraphe 3 de l'article 6 de l'accord de coopération, sous la seule réserve de la non-utilisation des "connaissances secrètes communiquées pendant sa durée".
13. Par lettre du 25 février 1993, M. F. Giuffrida, chef d'unité à la DG IV, a répondu que les arguments présentés par Serac n'étaient pas de nature à remettre en question la position de la Commission exprimée dans sa lettre du 20 mars 1991, selon laquelle les paragraphes 2 et 3 de l'article 6 de l'accord étaient trop restrictifs de la concurrence et non indispensables pour atteindre les objectifs de l'accord. Il a conclu la lettre de la façon suivante : "Il me paraît, en conséquence, que cette affaire doit être considérée comme close." La Commission a envoyé une copie de cette lettre à Stork.
14. Le 15 mai 1993, Serac a introduit auprès du Tribunal un recours en annulation de la décision contenue dans la lettre de la Commission du 25 février 1993 (affaire T-31-93).
15. Le 16 juillet 1993, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité, en faisant valoir que la lettre de M. Giuffrida n'était pas un acte attaquable mais une simple prise de position provisoire en ce qu'elle n'était pas destinée à produire des effets juridiques et qu'elle ne contenait pas de décision définitive quant à la plainte ou la notification. Dans le mémoire qui soulevait l'exception d'irrecevabilité, la Commission annonçait également qu'elle irait poursuivre l'analyse de l'affaire. Dans ce contexte, Serac s'est désistée de son recours et l'affaire a été radiée par ordonnance du président du Tribunal du 20 décembre 1993.
16. Le 5 octobre 1994, la Commission, au titre de l'article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"), a adressé à chacune des parties des demandes de renseignements identiques concernant "les données les plus récentes sur la répartition du marché selon les types de présentation (brique, bouteille plastique ou verre, carton...) pour chacun des segments du marché du lait", ces demandes ayant pour objet de "permettre à la Commission d'apprécier la compatibilité de [l'accord] au regard des règles de concurrence de la CEE et notamment de l'article 85 du traité [...], en pleine connaissance des faits et dans leur véritable contexte économique".
17. Les deux parties ont transmis les renseignements demandés et l'affaire a été, par la suite, examinée par la Commission en liaison avec le conseil de Stork le 14 novembre 1994, puis avec le conseil de Serac le 13 décembre 1994.
18. En application de l'article 6 du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99-63"), M. G. Rocca a, au nom de M. Alexander Schaub, directeur général de la DG IV, et par lettre du 23 janvier 1996, précisé à la requérante les raisons justifiant le rejet de sa plainte. Après avoir exposé son analyse du dossier au regard de l'article 85 du traité, M. Rocca a conclu qu'il n'était pas réaliste de soutenir que "l'accord permettait aux entreprises concernées d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en question, d'autant plus que, par sa lettre du 21 décembre 1992, Serac avait renoncé aux droits conférés par l'article 6, paragraphe 3, de l'accord" (droits d'exclusivité après la fin de l'accord). La lettre de la Commission se terminait par un avertissement, indiquant que l'institution n'adopterait pas de décision définitive avant d'avoir pris connaissance des commentaires ou des informations nouvelles de la requérante, à charge pour celle-ci de les faire parvenir par écrit et dans un délai de quatre semaines.
19. Le 22 mars 1996, Stork a répondu à la Commission en réfutant les arguments de celle-ci et en remettant en cause la possibilité pour la défenderesse de procéder à une nouvelle analyse de l'affaire après ses lettres du 20 mars 1991 et du 25 février 1993.
20. Par lettre du 20 juin 1997, la Commission a informé Stork de la décision de rejet de sa plainte du 20 septembre 1989 (décision IV-F - 1-33.302 Stork, ci-après "décision attaquée"). Reprenant, pour l'essentiel, l'analyse de l'accord contenue dans sa lettre du 23 janvier 1996, la Commission en conclut que, même si les clauses restrictives de concurrence figurant dans l'accord relèvent de l'article 85, paragraphe 1, du traité, les conditions d'application du paragraphe 3 du même article sont remplies.
Procédure et conclusions des parties
21. Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 21 août 1997, la requérante a introduit le présent recours en annulation contre la décision de la Commission contenue dans la lettre du 20 juin 1997.
22. Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 20 avril 1998, Serac a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.
23. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, les parties ont été invitées à répondre par écrit à certaines questions avant l'audience.
24. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 22 avril 1999.
25. La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- annuler la décision attaquée ;
- condamner la Commission aux dépens.
26. La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours ;
- condamner la requérante aux dépens de l'instance.
27. La partie intervenante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours introduit par Stork ;
- condamner Stork aux entiers frais et dépens de l'instance, y compris ceux exposés à l'occasion de son intervention.
En droit
28. A l'appui de ses conclusions, la requérante invoque trois moyens tirés, premièrement, de l'incompétence ou abus de pouvoir de la Commission pour adopter la décision attaquée, alors que ses lettres de mars 1991 et de février 1993 comportaient déjà une décision définitive, et l'affaire, au moins après la lettre du 25 février 1993, devait être considérée comme close, deuxièmement, de l'erreur de fait et de droit entachant ladite décision et, troisièmement, d'une absence ou d'une insuffisance de motivation de la décision attaquée.
29. La Commission conteste les moyens de la requérante et conclut au rejet du recours.
Sur le premier moyen, tiré de l'incompétence ou abus de pouvoir de la Commission pour adopter la décision attaquée
30. Le premier moyen de la requérante vise, en substance, à contester le droit de la Commission de rouvrir la procédure concernant la plainte et la notification et d'adopter la décision attaquée et s'articule en deux branches. Dans la première branche, la requérante soutient que les lettres du 20 mars 1991 et du 25 février 1993 comportaient une décision susceptible de recours et que l'affaire, en tout cas après la dernière lettre, devait être considérée comme close, dans la mesure où aucun élément nouveau ne justifiait un réexamen du dossier. Dans la seconde branche, la requérante allègue que la Commission a méconnu son obligation de prendre, dans un délai raisonnable, une décision quant à sa plainte du 20 septembre 1989, en réouvrant la procédure administrative le 5 octobre 1994 et en adoptant la décision finale le 20 juin 1997.
31. Dans sa réplique, dans le cadre de son deuxième moyen d'annulation, la requérante invoque également que la décision de reprise de la procédure avait été adoptée en violation de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE).
32. Pour apprécier le bien-fondé du premier moyen, le Tribunal estime qu'il y a lieu d'examiner la première branche de celui-ci avec le moyen relatif au défaut de motivation de la décision de réouverture de la procédure.
Arguments des parties
33. La requérante fait valoir que dans les lettres du 20 mars 1991 et du 25 février 1993, considérées isolément ou de façon combinée, la Commission a adopté une décision susceptible de recours, par laquelle elle s'est prononcée, en vue de créer des effets juridiques, sur l'application de l'article 85 du traité à l'accord de coopération.
34. Eu égard à son contenu, la lettre de la Commission du 25 février 1993 devrait être considérée comme un acte attaquable, car destinée à produire des effets juridiques. Cette lettre comporterait une appréciation de l'accord en cause et correspondrait à une prise de position de la Commission tant sur l'incompatibilité avec le marché commun de deux clauses de l'accord du 14 août 1987, au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité, que sur le fait que lesdites clauses ne relevaient pas des dispositions du paragraphe 3 du même article. Par cette lettre, la Commission aurait clôturé formellement la procédure, et l'appréciation juridique portée sur l'accord serait devenue définitive.
35. La requérante conclut que la défenderesse n'était pas habilitée à rouvrir la procédure administrative après avoir rendu une décision et sans qu'aucun élément nouveau ne justifie une telle réouverture. En le faisant, la Commission aurait abusé de son pouvoir.
36. Dans son mémoire en réplique, la requérante allègue, également, une motivation défectueuse de la décision attaquée, laquelle n'expose pas les raisons explicitant, d'une part, le changement d'avis de la défenderesse sur l'importance économique de l'accord et, d'autre part, son choix de procéder à un réexamen approfondi du dossier, au lieu de proposer, comme auparavant, qu'il soit soumis aux autorités nationales faute d'acceptation des modifications proposées, alors qu'aucun élément nouveau n'est intervenu pour justifier un tel réexamen.
37. La défenderesse conteste la thèse de la requérante. Elle indique qu'elle a été confrontée, à partir de septembre 1989, à un conflit entre Stork et Serac concernant la mise en œuvre et la validité de leur accord de coopération et rappelle les règles applicables à son intervention dans de telles circonstances. Elle invoque les points 45 à 47 de l'arrêt du 10 juillet 1990, Automec-Commission (T-64-89, Rec. p. II-367, ci-après "arrêt Automec I"), dans lequel le Tribunal a, d'une part, constaté l'existence de trois phases successives dans le déroulement de la procédure régie par l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17 et par l'article 6 du règlement n° 99-63 et, d'autre part, considéré que les observations préliminaires émises par les services de la Commission dans le cadre de contacts informels lors de la première phase ne sauraient être qualifiées d'acte attaquable.
38. Dans ce contexte, les lettres du 20 mars 1991 et du 25 février 1993 constitueraient manifestement des observations préliminaires émises par les services de la Commission d'une manière informelle, sur la base d'un premier examen des arguments et des faits exposés par les deux parties. Dans ces lettres, la Commission n'aurait pas rendu un avis définitif, produisant des effets juridiques, sur l'application de l'article 85 du traité.
39. La lettre de mars 1991 contiendrait une proposition pragmatique destinée à mettre fin au conflit entre les deux parties et non une interprétation définitive de l'article 85 du traité. Le passage le plus important de cette lettre serait celui où M. Dubois indiquait que, compte tenu de l'importance économique relative de cette affaire, il ne lui semblait pas opportun, à ce stade, de proposer à la Commission l'ouverture d'une procédure. Cette constatation expliquerait la suggestion faite aux parties de régler le litige dans le sens proposé et, dans l'hypothèse d'un désaccord persistant, de porter l'affaire devant les instances judiciaires nationales.
40. La lettre de février 1993 confirmerait simplement que la Commission, même après avoir pris connaissance des arguments et des éléments d'information complémentaires avancés par Serac, ne jugeait pas opportun d'ouvrir une procédure et que, en conséquence, "cette affaire [devait] être considérée comme close".
41. La Commission ajoute que les deux lettres précitées ne peuvent être considérées comme une décision définitive produisant des effets juridiques et constatant l'incompatibilité de l'accord avec l'article 85 du traité, car une telle décision ne peut être prise que dans le respect de la procédure prescrite par le règlement n° 17, qui prévoit, notamment, une communication des griefs. La Commission estime que, en l'espèce, la réalité de cette communication n'est pas établie et que l'absence de signature desdites lettres, par le, ou au nom du, membre de la Commission chargé de la concurrence, confirme que ces dernières ne font qu'exprimer un premier avis provisoire.
42. Par ailleurs, la défenderesse admet que, après le désistement de Serac dans l'affaire T-31-93, elle a décidé, compte tenu notamment des arguments et données fournis par Serac dans sa requête, de réexaminer - de manière approfondie cette fois - les répercussions de l'accord de coopération sur la concurrence. De cette manière, en "réactivant la procédure", elle serait revenue sur sa position initiale, selon laquelle l'affaire ne présentait pas une importance économique suffisante pour justifier un examen approfondi.
43. La Commission estime que la lettre du 20 mars 1991 laissait déjà entrevoir la possibilité d'une ouverture ultérieure de la procédure, lorsqu'il était précisé, par son auteur, qu'il ne lui semblait pas "opportun, à ce stade, de proposer à la Commission l'ouverture d'une procédure".
44. S'appuyant sur le point 77 de l'arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992, Automec-Commission (T-24-90, Rec. p. II-2223, ci-après "arrêt Automec II"), elle soutient que la décision de soumettre une affaire, considérée comme de moindre importance dans une première analyse, à un examen approfondi par la suite constitue une mesure qui relève de la libre appréciation de toute administration ayant une mission de surveillance et de contrôle. De même, la compétence requise pour établir des priorités impliquerait également celle de réviser ces priorités, ce qui serait d'autant plus vrai dans la présente affaire où la réouverture de la procédure n'aurait lésé les intérêts d'aucune des parties. Ni la requérante ni Serac n'auraient émis d'objections contre la priorité nouvelle accordée par la Commission à l'examen de leur affaire.
45. La défenderesse conteste la recevabilité du moyen présenté par la requérante dans sa réplique, tiré de la motivation défectueuse de la décision attaquée (voir ci-dessus, point 36). Elle soutient, à titre subsidiaire, qu'elle n'avait pas à indiquer dans cette décision les raisons pour lesquelles elle avait ouvert une enquête en octobre 1994, d'autant plus que cette question n'avait pas été évoquée par Stork ou Serac qui avaient, en outre, collaboré sans réserve à ladite enquête.
46. La partie intervenante conteste, aussi, le fait que les lettres de la Commission de 1991 et 1993 doivent être considérées comme une décision définitive, non susceptible d'être remise en cause.
47. Elle rappelle que la Commission a, en plusieurs occasions, indiqué que les lettres de 1991 et 1993 n'étaient pas des décisions définitives. Elle fait valoir, également, que, en acceptant sans réserve de répondre à la demande de renseignements que lui a adressée la Commission en octobre 1994, la requérante a accepté le fait que la procédure introduite en 1989 n'était pas définitivement clôturée.
48. Elle conclut que seule la lettre de 1997 constitue une prise de position définitive de la Commission sur le dossier, et que les deux lettres de 1991 et 1993 n'ont aucun contenu décisionnel et n'ont pas produit d'effets juridiques.
Appréciation du Tribunal
Sur la qualification juridique des lettres de la Commission de mars 1991 et février 1993
49. Selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation, au sens de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE), les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci. Plus particulièrement, lorsqu'il s'agit d'actes ou de décisions dont l'élaboration s'effectue en plusieurs phases, notamment au terme d'une procédure interne, ne constituent, en principe, des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l'institution au terme de cette procédure, à l'exclusion des mesures intermédiaires dont l'objectif est de préparer la décision finale. Par ailleurs, la forme dans laquelle des actes ou décisions sont pris est, en principe, indifférente en ce qui concerne la possibilité de les attaquer par un recours en annulation (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM-Commission, 60-81, Rec. p. 2639, point 9, et arrêt Automec I, point 42).
50. Pour apprécier, à la lumière des principes jurisprudentiels qui viennent d'être rappelés, la nature juridique des lettres en question, il convient de les examiner dans le cadre de la procédure d'instruction des demandes formées au titre de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17.
51. La procédure d'examen d'une plainte s'articule autour de trois phases successives. Pendant la première phase, consécutive au dépôt de la plainte, la Commission recueille les éléments qui lui permettent d'apprécier quelle suite elle réservera à la plainte. Cette phase peut comprendre un échange informel de vues entre la Commission et la partie plaignante, visant à préciser les éléments de fait et de droit qui font l'objet de la plainte et à donner à la partie plaignante l'occasion de développer ses allégations, le cas échéant, à la lumière d'une première réaction des services de la Commission. Au cours de la deuxième phase, la Commission indique, dans une communication adressée à la partie plaignante, les motifs pour lesquels il ne lui paraît pas justifié de donner une suite favorable à sa plainte et lui procure l'occasion de présenter ses observations éventuelles, dans un délai qu'elle fixe à cet effet. Dans la troisième phase de la procédure, la Commission prend connaissance des observations présentées par la partie plaignante. Bien que l'article 6 du règlement n° 99-63 ne prévoie pas expressément cette possibilité, cette phase peut se terminer par une décision finale (arrêts du Tribunal Automec I, points 45 à 47, et du 18 mai 1994, BEUC et NCC-Commission, T-37-92, Rec. p. II-285, point 29).
52. Ainsi, ni les observations préliminaires éventuellement émises, dans le cadre de la première phase de la procédure d'examen des plaintes, ni les communications au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63 ne sauraient être qualifiées d'actes attaquables (arrêt Automec I, points 45 et 46).
53. En revanche, les lettres de classement rejetant définitivement la plainte et clôturant le dossier sont susceptibles de recours, car elles ont le contenu d'une décision et en produisent les effets en ce qu'elles mettent fin à l'enquête engagée, comportent une appréciation des accords en cause et empêchent les requérantes d'exiger la réouverture de l'enquête, à moins que celles-ci ne fournissent des éléments nouveaux (arrêts de la Cour du 11 octobre 1983, Demo-Studio Schmidt-Commission, 210-81, Rec. p. 3045, points 14 et 15, du 28 mars 1985, CICCE-Commission, 298-83, Rec. p. 1105, point 18, et du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds-Commission, 142-84 et 156-84, Rec. p. 4487, point 12).
54. En l'espèce, il convient de déterminer si, comme le soutient la Commission, les lettres de 1991 et 1993 relèvent de la première phase de la procédure d'examen des plaintes ou si, comme l'affirme la requérante, elles doivent être considérées comme faisant état d'une décision de classement, produisant des effets juridiques et relevant, donc, de la dernière phase de ladite procédure.
55. Se référant aux paragraphes 2 et 3 de l'article 6 de l'accord, l'auteur de la lettre de la Commission du 20 mars 1991 indiquait en premier lieu :
"Sur base de toutes les informations actuellement en ma possession, ces clauses me semblent effectivement trop restrictives de la concurrence et non indispensables pour atteindre les objectifs de [l'accord]."
Il était également proposé la suppression du paragraphe 3 de l'article 6 de l'accord et l'adaptation du paragraphe 2 de cette disposition, à l'esprit du règlement n° 417-85, qui n'était pas, en l'état, applicable à l'accord.
56. En second lieu, il précisait :
"Compte tenu de l'importance économique relative de [l'affaire] sur le plan communautaire, il ne me semble pas opportun, à ce stade, de proposer à la Commission l'ouverture d'une procédure. Au cas où vous n'arriveriez pas à un accord pour modifier les clauses dans le sens indiqué ci-dessus, je vous invite donc à porter cette affaire devant les instances judiciaires ou les autorités administratives nationales compétentes en faisant état de la présente lettre."
57. L'exemplaire de la lettre destinée à Stork comportait un paragraphe supplémentaire ainsi libellé :
"En l'absence de réaction de votre part dans les quatre semaines suivant la réception de cette lettre, je clôturerai ce dossier ; il pourra, néanmoins, être réouvert à n'importe quel moment, si un changement dans les circonstances factuelles ou légales appelle un nouvel examen de la situation."
58. En réponse au courrier de Serac du 21 décembre 1992 invitant la Commission à reconsidérer son analyse, M. F. Giuffrida, chef d'unité à la DG IV, déclarait dans sa lettre du 25 février 1993 (dont une copie a été adressée à Stork) :
"Votre lettre du 21 décembre 1992 a retenu toute mon attention. Après analyse, il ne me semble cependant pas que les arguments avancés soient de nature à remettre en question la teneur de la lettre [...] du 20 mars 1991, selon laquelle les clauses 6.2 et 6.3 de votre contrat [...] avec Stork, étaient trop restrictives de la concurrence et non indispensables pour atteindre les objectifs de [l'accord]. Il me paraît, en conséquence, que cette affaire doit être considérée comme close."
59. Il ressort clairement des lettres du 20 mars 1991 et du 25 février 1993, que la Commission a décidé, après analyse de l'accord, de classer l'affaire, compte tenu de son importance économique limitée sur le plan communautaire. La Commission a, par ailleurs, proposé aux parties une solution amiable du litige, en suggérant certaines modifications de l'accord et les a invitées, en l'absence de mise en œuvre desdites modifications et de persistance du conflit, à porter l'affaire devant les autorités ou les juridictions nationales compétentes.
60. En particulier, la lettre du 20 mars 1991 possède toutes les caractéristiques d'une communication au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63, en ce qu'elle indique les motifs pour lesquels il ne paraît pas justifié de donner une suite favorable à la plainte, se réfère expressément à la clôture du dossier et impartit à la requérante un délai pour présenter ses observations éventuelles (arrêt BEUC et NCC-Commission, précité, point 34).
61. Dans ce contexte, la lettre du 25 février 1993 confirme que, à la suite de l'absence de réaction à la lettre du 20 mars 1991, l'affaire avait été classée, étant donné l'importance économique limitée de l'accord sur le plan communautaire.
62. Dans ces circonstances, l'argument de la défenderesse, selon lequel les lettres du 20 mars 1991 et du 25 février 1993 doivent être considérées comme des "observations préliminaires émises par les services de la Commission d'une manière informelle", dans le cadre de la première des trois phases de la procédure d'enquête, ne saurait être accepté. Au contraire, eu égard à leur contenu et au contexte dans lequel elles ont été élaborées, elles doivent être considérées comme faisant état d'une décision de classement de la plainte déposée par Stork, relevant donc de la dernière phase de la procédure d'examen d'une plainte.
63. On ne saurait prétendre en conséquence que ces lettres ne contiennent que des observations préliminaires ou des mesures préparatoires. Elles comportent, en revanche, une appréciation claire de l'accord et, notamment, de son importance économique, appréciation portée à partir de toutes les informations que la Commission avait estimé devoir recueillir. Tout indique que la décision de classement à laquelle elles se réfèrent devait constituer le stade ultime de la procédure administrative fixant définitivement la position de l'institution. Elle ne serait, donc, suivie d'aucun autre acte susceptible de donner lieu à un recours en annulation (arrêt de la Cour du 16 juin 1994, SFEI e.a. -Commission, C-39-93 P, Rec. p. I-2681, point 28).
64. Le caractère définitif de cette décision n'est pas remis en cause par la déclaration de M. Dubois, dans la lettre du 20 mars 1991, selon laquelle il ne lui semblait pas "opportun, à ce stade, de proposer à la Commission l'ouverture d'une procédure", propos qui laisseraient entrevoir la possibilité de l'ouverture ultérieure d'une procédure avec un examen approfondi du dossier. En effet, cette déclaration doit être regardée comme se référant aux deux autres faits mentionnés dans la lettre, à savoir que l'analyse effectuée et la décision prise étaient basées sur les informations disponibles et que le dossier pourrait être rouvert si des éléments de fait ou de droit nouveaux le justifiaient.
65. En outre, l'argument de la défenderesse, selon lequel l'absence de signature par le, ou au nom du, membre de la Commission chargé de la concurrence confirme qu'elles n'ont fait qu'émettre un premier avis provisoire, doit également être écarté. Il convient de rappeler que, en vertu d'une jurisprudence constante, la forme dans laquelle des actes ou décisions sont pris est, en principe, indifférente en ce qui concerne la possibilité de les attaquer par un recours en annulation et que c'est à leur substance qu'il y a lieu de s'attacher pour déterminer s'ils constituent des actes attaquables au sens de l'article 173 du traité (arrêt IBM-Commission, précité, point 9).
66. En l'espèce, dès lors que les deux lettres en question comportent une appréciation de la plainte dont la Commission a été saisie, leur nature juridique ne saurait être remise en cause par la seule circonstance que cette appréciation n'émanerait que des services de la Commission, sauf à priver de tout effet utile les dispositions de l'article 3 du règlement n° 17 (arrêt BEUC et NCC-Commission, précité, point 38).
67. En ce qui concerne l'argument selon lequel la requérante a accepté le fait que les lettres de mars 1991 et février 1993 constituaient des observations préliminaires, en répondant à la demande de renseignements que lui a adressée la Commission en octobre 1994, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, des mesures purement préparatoires ne peuvent, en tant que telles, faire l'objet d'un recours en annulation, mais les illégalités éventuelles qui les entacheraient pourraient être invoquées à l'appui du recours dirigé contre l'acte définitif dont elles constituent un stade d'élaboration (arrêt IBM-Commission, précité, point 12). Ainsi, pour contester le bien-fondé de la décision de réouverture de la procédure, la requérante devait attendre, comme elle l'a fait, la décision adoptée à l'issue de l'instruction engagée par la demande de renseignements que lui a adressée la Commission en octobre 1994. Ce n'était qu'à la fin de cette procédure que la requérante était en mesure d'apprécier le bien-fondé de la décision et plus précisément la nécessité d'un réexamen du dossier, eu égard, notamment, aux nouveaux éléments de fait ou de droit éventuellement recueillis et pris en compte par la Commission.
68. Il y a donc lieu de considérer que les lettres de la Commission du 20 mars 1991 et du 25 février 1993 ont un contenu décisionnel et produisent des effets juridiques, dans la mesure où elles font état d'une décision de classement de la plainte déposée par Stork, qui est basée sur une analyse de l'accord, considéré comme d'une importance économique limitée sur le plan communautaire.
69. La nature juridique de ces lettres étant ainsi déterminée, il y a lieu d'apprécier les conséquences juridiques de celles-ci, afin de vérifier si, en l'espèce, la Commission pouvait rouvrir la procédure administrative et si elle pouvait, partant, adopter la décision attaquée.
Sur la décision de réouverture de la procédure administrative
70. Il convient de relever, à titre liminaire, que, en tant que responsable de la mise en œuvre de la politique communautaire de la concurrence, et dans les limites des règles applicables, la Commission a un certain pouvoir d'appréciation sur le traitement à donner aux plaintes présentées au titre de l'article 3 du règlement n° 17. Elle peut, notamment, accorder des degrés de priorité différents aux plaintes dont elle est saisie et classer une affaire, sans engager des procédures visant à établir d'éventuelles violations du droit communautaire après avoir estimé que ladite affaire ne présentait pas un intérêt communautaire suffisant pour procéder à l'instruction de la plainte (arrêt Automec II, précité, points 73 à 77 et 83 à 85).
71. Parmi les règles délimitant ce pouvoir d'appréciation de la Commission figurent les droits procéduraux prévus par les règlements n° 17 et n° 99-63 au bénéfice des personnes ayant saisi la Commission d'une plainte.
72. D'une part, conformément à l'article 3 du règlement n° 17 et à l'article 6 du règlement n° 99-63, la Commission doit examiner attentivement les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par la partie plaignante, en vue d'apprécier si lesdits éléments font apparaître un comportement de nature à fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun et à affecter le commerce entre États membres. D'autre part, les personnes ayant saisi la Commission d'une plainte ont le droit d'être informées des motifs pour lesquels la Commission entend rejeter leur plainte (voir arrêt Automec II, précité, points 72 et 79).
73. Selon une jurisprudence constante, la portée de l'obligation de motivation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, de façon, d'une part, à fournir aux intéressés une indication suffisante pour savoir si l'acte est fondé, ou s'il est, éventuellement, entaché d'un vice permettant d'en contester la validité et, d'autre part, à permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle de légalité (arrêt du Tribunal du 22 octobre 1997, SCK et FNK-Commission, T-213-95 et T-18-96, Rec. p. II-1739, point 226).
74. Il convient, également, de relever que l'exigence d'une motivation suffisamment précise des actes, consacrée par l'article 190 du traité, constitue l'un des principes fondamentaux du droit communautaire dont il appartient au juge d'assurer le respect, au besoin en soulevant d'office un moyen tiré de la méconnaissance de cette obligation (arrêt du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening-Commission, T-61-89, Rec. p. II-1931, point 129).
75. En l'espèce, l'exception d'irrecevabilité présentée par la défenderesse à l'égard du grief de la requérante tiré de la motivation défectueuse de la décision attaquée, en ce que celle-ci aurait dû exposer les raisons du changement d'avis concernant l'importance économique de l'accord et de son choix de procéder à un réexamen approfondi du dossier, doit donc être rejetée.
76. Concernant le fond, il y a lieu de rappeler que, par lettres du 20 mars 1991 et du 25 février 1993, la Commission a communiqué à la requérante sa décision de classer l'affaire en raison de son importance économique limitée sur le plan communautaire (voir ci-dessus, points 59 à 61). Or, en "réactivant la procédure", par la décision communiquée aux parties dans la lettre du 5 octobre 1994, la Commission est revenue sur sa position antérieure concernant l' importance économique de l'accord sur le plan communautaire (voir ci-dessus, point 42).
77. Il échet de constater que la motivation de ce changement de position n'a pas été explicitée par la Commission, ni ne résulte du contexte d'une telle décision.Par ailleurs, dans ses mémoires et dans ses réponses orales aux questions du Tribunal sur les raisons de la réouverture du dossier, la Commission a déclaré avoir ouvert l'enquête en 1994 à la suite du recours de Serac et pour éviter une procédure contentieuse. Elle n'a pas fait référence à la raison fournie dans ses lettres de 1991 et 1993 pour classer l'affaire, à savoir la faible importance économique de l'accord.
78. Ce défaut de motivation est d'autant plus caractérisé que l'obligation de motivation, qui doit être appréciée en fonction des circonstances de chaque espèce, est particulièrement étendue dans le cas présent.
79. En effet, la Commission avait déjà pris une décision concernant le même accord qui avait expiré en août 1992, bien avant la deuxième lettre de la Commission du 25 février 1993 confirmant le classement de l'affaire. En outre, il ressort du dossier que la décision de classement dont font état les lettres de 1991 et 1993 avait été prise à la suite de plusieurs contacts entre la Commission et les deux parties à l'accord, au cours desquels la défenderesse avait pu parfaitement appréhender le point de vue de chaque partie.
80. Il est, dès lors, constant que la décision de réouverture de la procédure administrative, qui a abouti à l'adoption de la décision attaquée, ne se base pas sur l'existence ou la connaissance d'éléments de fait ou de droit nouveaux justifiant un réexamen de l'affaire (en ce sens voir arrêts de la Cour du 1er octobre 1998, Langnese-Iglo-Commission, C-279-95 P, Rec. p. I-5609, point 30, et du Tribunal du 8 juin 1995, Langnese-Iglo-Commission, T-7-93, Rec. p. II-1533, point 40).
81. Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la requérante n'était pas en mesure de connaître les motifs de la décision attaquée, laquelle impliquait que la Commission, en considérant que l'affaire avait une importance économique suffisante pour justifier un examen approfondi par ses services, était revenue sur sa position initiale.
82. Il découle de tout ce qui précède que le premier moyen de la requérante, en ce qu'il conteste la possibilité pour la Commission de prendre une nouvelle décision sur une plainte relative à une affaire qui avait été précédemment classée en raison de son importance économique limitée sur le plan communautaire, sans que la réouverture de la procédure administrative ayant abouti à cette décision soit dûment motivée, notamment sur la base d'éléments nouveaux, est fondé.
83. Dans ces conditions, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de la requérante, il y a lieu de considérer que la décision attaquée doit être annulée.
84. Par ailleurs, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, des lettres administratives de classement telles que les deux lettres de la Commission de 1991 et 1993 reflétant une appréciation de la Commission et terminant une procédure d'examen par ses services n'ont pas pour effet d'empêcher les juridictions nationales, devant lesquelles l'incompatibilité d'un accord avec l'article 85 du traité est invoquée, de porter, en fonction des éléments dont elles disposent, une appréciation différente sur cet accord. Si elle ne lie pas les juridictions nationales, l'opinion communiquée dans de telles lettres constitue, néanmoins, un élément de fait que les juridictions nationales peuvent prendre en compte dans leur examen de la conformité de l'accord ou du comportement en cause avec les dispositions de l'article 85 du traité (arrêt de la Cour du 11 décembre 1980, L'Oréal, 31-80, Rec. p. 3775, points 11 et 12).
85. En l'occurrence, les juridictions nationales, devant lesquelles l'incompatibilité de l'accord avec l'article 85 du traité serait invoquée, auraient toute latitude, dans le cadre de l'analyse de l'accord, pour prendre en compte, comme un élément de fait, toute la procédure qui s'est déroulée devant la Commission.
Sur les dépens
86. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses conclusions et la requérante ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner la Commission à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la partie requérante, à l'exclusion de ceux occasionnés par l'intervention de Serac. La requérante n'ayant pas conclu à ce que Serac soit condamnée aux dépens liés à son intervention, la partie intervenante ne supportera que ses propres dépens. La requérante supportera les dépens qu'elle a exposés dans le cadre de l'intervention de Serac.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la Commission contenue dans sa lettre du 20 juin 1997, rejetant la plainte déposée par la requérante en vue de faire constater l'incompatibilité avec l'article 85 du traité CE (devenu article 81 CE) d'un accord de coopération conclu entre Stork Amsterdam BV et Serac Group dans le domaine de la commercialisation de lignes complètes de machines destinées à la fabrication de bouteilles en plastique et à leur remplissage aseptique avec des produits alimentaires liquides, est annulée.
2) La Commission supportera ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la partie requérante, à l'exclusion des dépens occasionnés à la requérante par l'intervention de Serac. La partie intervenante Serac supportera ses propres dépens. La requérante supportera les dépens qu'elle a exposés dans le cadre de l'intervention de Serac.