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Décisions

CCE, 10 juin 1999, n° M.1516

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Thomson-CSF/Eurocopter

CCE n° M.1516

10 juin 1999

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

1. Le 07-05-1999, la Commission a reçu une notification, au titre de l'article 4 du règlement du Conseil (CEE) n° 4064-89, d'un projet de concentration aux termes Thomson-CSF (" Thomson ") et Eurocopter acquerront, au sens de l'article 3 paragraphe 1 point b du règlement du Conseil, le contrôle conjoint d'une société nouvellement créée constituant une entreprise commune.

2. Après examen de la notification, la Commission est arrivée à la conclusion que l'opération notifiée relève du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil et ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun et avec l'accord EEE.

I. LES PARTIES ET L'OPERATION

3. Thomson est une société française, contrôlée conjointement par Thomson SA et Alcatel Alsthom, présente dans l'électronique professionnelle et de défense Eurocopter est une société française, présente dans la production et la vente d'hélicoptères civils et militaires, et dont les actionnaires sont la société française Aérospatiale et Eurocopter Holding, une filiale commune à Aérospatiale et à la société allemande DASA (contrôlée par le groupe DaimlerChrysler).

4. Aux termes d'une convention d'associés, Eurocopter et Thomson (à travers sa filiale Thomson Training & Simulation (" TT&S ")) ont décidé de créer une entreprise commune, présente dans la formation au pilotage d'hélicoptères de la gamme Eurocopter (et, dans un premier temps, les hélicoptères Super Puma et Dauphin) par simulation.

II. CONCENTRATION

Contrôle conjoint

5. Thomson et Eurocopter détiendront chacune 50 % du capital de l'entreprise commune. Elles disposeront chacune de la moitié des sièges au Comité de Direction et de Surveillance de l'entreprise commune, dont les décisions relatives à la désignation du président de l'entreprise commune, à l'approbation du plan stratégique et à l'approbation du budget annuel seront prises à l'unanimité. Par conséquent, il apparaît que Thomson et Eurocopter détiendront le contrôle conjoint de l'entreprise commune.

Entité autonome de plein exercice

6. L'entreprise commune disposera de son propre site d'exploitation et de son propre personnel. Bien que ses clients soient également des clients d'Eurocopter, l'entreprise commune fixera elle-même sa politique commerciale et effectuera sa propre prospection de clientèle. De même, bien qu'une partie des prestations de l'entreprise soit associée à la vente d'appareils neufs par Eurocopter, ces activités ne représenteront pas plus de 25 % du chiffre d'affaires de l'entreprise commune, et les relations entre l'entreprise commune et Eurocopter seront conduites sur la base de relations commerciales normales. Enfin, bien que l'entreprise commune achète ses deux premiers simulateurs auprès de TT&S, elle pourra ensuite s'approvisionner auprès de fournisseurs concurrents de cette société.

7. Au vu de ce qui précède, l'entreprise commune exercera de manière durable toutes les fonctions d'une entité autonome de plein exercice.

III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

8. Thomson, Aérospatiale et DaimlerChrysler réalisent un chiffre d'affaires total sur le plan mondial supérieur à 5 milliards d'euros (Thomson : 5,8 milliards d'euros et Aérospatiale: 8,5 milliards d'euros et DaimlerChrysler : 118,8 milliards d'euros). Le chiffre d'affaires total réalisé individuellement dans la Communauté par ces trois entreprises représente un montant supérieur à 250 millions d'euros (Thomson: 2,9 milliards d'euros Aérospatiale : 5,4 milliards d'euros et DaimlerChrysler : 40,0 milliards d'euros). Enfin, ces entreprises ne réalisent pas plus des deux tiers de leur chiffre d'affaires communautaire dans un seul et même Etat membre. L'opération a donc une dimension communautaire. Elle ne constitue pas un cas de coopération au sens de l'Accord EEE.

IV. COMPATIBILITE AVEC LE MARCHE COMMUN

A. Marché de produits

9. Les parties notifiantes proposent de considérer que la formation au pilotage d'hélicoptères par simulation et la formation au pilotage d'hélicoptères par vol sur appareil appartiennent à des marchés de produits distincts ; Elles proposent également de considérer que la formation par simulation de chaque type d'appareil constitue un marché de produits spécifique, dans la mesure où les simulateurs de vols sont spécifiques à un seul type d'appareil.

10. La formation au pilotage d'hélicoptères par simulation constitue un nouveau type de service. Elle diffère substantiellement de la formation traditionnelle (c'est-à-dire par vol réel) par les moyens employés, par la variété de situations (et notamment des situations extrêmes) qu'elle permet au pilote de rencontrer, et par son prix. En outre, la réglementation impose souvent que la formation initiale sur un hélicoptère comprenne un nombre minimum d'heures de vol réel, ce qui suggère que la formation par simulation n'est pas totalement équivalente à la formation en vol réel.

11. Toutefois, à l'heure actuelle, l'essentiel de la formation au pilotage est réalisé par vol réel. Dans la mesure où les contraintes réglementaires sur la présence de vols réels ne concernent qu'un volume relativement limité d'heures de formation, il semble probable que la formation par simulation se développe en grande partie en remplaçant des formations par vol réel existantes. Pour toutes ces situations, la formation par simulation sera donc probablement, et au moins dans un premier temps, en concurrence directe avec la formation traditionnelle. Il ne semble donc pas exclu que la formation par simulation et la formation par vols appartiennent aujourd'hui toutes deux au marché plus large de la formation au pilotage d'hélicoptères.

12. De même, si la formation au pilotage de chaque type d'hélicoptère nécessite des moyens différents, il semble exister une certaine substituabilité de l'offre, permettant à une entreprise présente dans la formation au pilotage sur un type d'hélicoptère de former également des pilotes d'autres types d'hélicoptères.

13. Néanmoins, il n'est pas nécessaire de définir les marchés des produits en cause avec plus de précision car, quelle que soit la définition retenue, l'opération prévue n'aurait pas pour effet d'entraver la concurrence de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.

B. Marché géographique

14. Selon les parties notifiantes, les marchés de la formation par simulation sont des marchés mondiaux, dans la mesure où les coûts liés au déplacement du pilote en formation ne représentent qu'environ 6 % du coût total de la formation, et où tous les pilotes connaissent la langue anglaise.

15. Les exigences concernant la formation des pilotes sont actuellement définies par des réglementations nationales. Toutefois, il apparaît que ces réglementations sont souvent proches (et en cours d'harmonisation), et qu'il existe des autorités de référence (comme la Federal Aviation Authority américaine ou la Joint Airworthiness Authority), dont la certification est reconnue par les différentes autorités nationales. L'existence de réglementations nationales ne semble donc pas remettre en cause la dimension mondiale du marché, d'autant que la qualification délivrée par l'entreprise commune sera unique quelle que soit l'origine des pilotes en formation, et que les pilotes actuellement formés par Eurocopter à Marignane sont originaires de presque toutes les régions du monde.

16. Néanmoins, la question de la définition précise des marchés géographiques de référence peut demeurer ouverte, dans la mesure où, quelles que soient les définitions alternativement considérées, l'opération ne créera pas ou ne renforcera pas une position dominante dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.

C. Appréciation concurrentielle

17. Ni Thomson ni Eurocopter ne sont actuellement présentes dans la formation au pilotage d'hélicoptères par simulation.

18. Toutefois, TT&S produit et commercialise des simulateurs de vol pour hélicoptères, et notamment pour le Super Puma et le Dauphin. En outre, Eurocopter produit les hélicoptères (et notamment le Super Puma et le Dauphin) dont l'entreprise commune assurera la formation au pilotage. Enfin, Eurocopter est présente dans la formation au pilotage par vol réel : elle détiendrait environ [15-25 %], et ses distributeurs et opérateurs-distributeurs environ [40-50 %], du marché libre de la formation par vol réel sur Super Puma et Dauphin (qui ne représente cependant pas plus de [30-40 %] du total des heures de formation par vol réel sur ces appareils).

19. L'entreprise commune sera la première société à offrir des services de formation par simulation sur Dauphin, et la seconde (après NHS, un opérateur d'hélicoptères) à dispenser des services de formation par simulation sur Super Puma A ses débuts, elle détiendra donc évidemment une part très importante de ces activités.

20. Néanmoins, la formation par simulation constitue un nouveau type de formation au pilotage. Elle ne représente actuellement pas plus de [5-15 %] des heures de formation sur les hélicoptères de la gamme Eurocopter, mais elle devrait connaître une croissance importante, liée, d'une part, à celle de la formation au pilotage (due à l'évolution des exigences en matière de qualification des pilotes) et, d'autre part, au remplacement progressif de formations par vol réel (selon les parties, la formation par simulation devrait, à terme, représenter environ [80-90 %] du total des heures de formation au pilotage sur Super Puma et Dauphin).

21. Il semble donc raisonnable de penser que d'autres sociétés souhaiteront concurrencer l'entreprise commune, et notamment des opérateurs d'hélicoptères déjà présents dans la formation au pilotage (comme NHS), ou des entreprises actives dans la formation par simulation sur d'autres types d'appareils (comme FSI).

22. Pour entrer, les nouveaux concurrents devront acquérir des simulateurs de vol correspondant au Super Puma et au Dauphin.Or, TT&S est à ce jour le seul fournisseur de simulateurs de vol pour Dauphin. En outre, pour réaliser leurs simulateurs, les concurrents potentiels de TT&S devront disposer de données permettant de modéliser le comportement des hélicoptères concernés. Ces données, nommées data packages, sont normalement fournies par le constructeur des hélicoptères, c'est-à-dire, pour le Super Puma et le Dauphin, Eurocopter.

23. En théorie, il pourrait donc être possible à TT&S et Eurocopter de protéger ensemble l'entreprise commune contre l'entrée de nouveaux concurrents (au moins pour ce qui concerne le Dauphin), en empêchant la diffusion des simulateurs de TT&S et des data packages d'Eurocopter à des tiers.

24. Toutefois, l'entrée ne pourrait être empêchée qu'au cas où TT&S et Eurocopter décideraient ensemble d'une telle pratique,puisqu'il suffit que TT&S offre ses simulateurs à des conditions concurrentielles, ou qu'Eurocopter propose ses data packages à des conditions commerciales raisonnables, pour permettre l'entrée de concurrents. Or, d'une part, la convention d'actionnaires spécifie explicitement que chaque partie pourra librement proposer les moyens de formation dont elle dispose, à savoir le simulateur pour TT&S et les data packages pour Eurocopter ; d'autre part, la formation par simulation ne semble représenter qu'un volume d'affaires relativement marginal si on la compare à la vente d'hélicoptères ou de simulateurs ; et, enfin, la vente de data packages représente pour Eurocopter une activité relativement rémunératrice.

25. De plus, et dans tous les cas, les ventes de formation par simulation dépendent évidemment de celles des hélicoptères concernés, et elles s'adressent aux mêmes clients, c'est-à-dire les opérateurs d'hélicoptères. Le pouvoir de marché de l'entreprise commune sera donc lié à celui d'Eurocopter sur le secteur des ventes d'hélicoptères. Or, les opérateurs d'hélicoptères sont des clients sophistiqués, et les hélicoptères d'Eurocopter sont en concurrence avec ceux d'autres constructeurs (et ont représenté, en moyenne, moins de [15-25 %] des ventes d'hélicoptères civils moyens et lourds pour les trois dernières années). . Le comportement concurrentiel des parties sera donc significativement contraint, d'autant plus que les principaux clients, qui disposent déjà de leurs propres unités de formation, souhaiteront probablement obtenir leurs propres simulateurs, et que, compte tenu des capacités de ces simulateurs, ces clients exerceront une concurrence (réelle ou potentielle) envers l'entreprise commune.

26. Par conséquent, il peut être conclu que l'opération ne mène pas à la création ou au renforcement d'une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le Marché commun ou une partie substantielle de celui-ci.

V. RESTRICTIONS ACCESSOIRES

27. Thomson et Eurocopter sont convenues de ne pas exercer, seules ou avec un tiers, des prestations de formation au pilotage d'hélicoptères de la gamme Eurocopter par simulation, et ce tant qu'elles sont actionnaires de l'entreprise commune. Cette clause garantit la valeur des investissements réalisés par les sociétés mères dans l'entreprise commune [...]. La présente décision ne couvre donc cette clause que pour une période de 5 ans.

VI. CONCLUSION

28. Pour les motifs exposés ci-avant, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et la déclare compatible avec le Marché commun et avec l'accord EEE. La présente décision est adoptée en application de l'article 6 paragraphe 1 point b du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil.