CJCE, 24 octobre 1996, n° C-73/95 P
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Viho Europe (BV)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Mancini
Avocat général :
M. Lenz.
Juges :
MM. Kakouris, Ragnemalm (rapporteur)
LA COUR :
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 14 mars 1995, Viho Europe BV a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de Justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du 12 janvier 1995, Viho/Commission (T-102-92, Rec. P. II-17, ci-après l'arrêt entrepris"), par lequel le tribunal de première instance a rejeté son recours tendant à l'annulation de la décision de la Commission du 30 septembre 1992, qui a rejeté sa plainte du 22 mai 1991 (ci-après la "décision litigieuse").
2. Il ressort des constatations faites par le tribunal dans l'arrêt entrepris :
"1. La requérante, la société de droit néerlandais Viho Europe BV (ci-après "Viho"), commercialise des articles de bureau par la vente en gros, l'importation et l'exportation de ceux-ci.
4. Parker Pen Ltd (ci-après "Parker"), société de droit anglais, produit une large gamme de stylos et d'autres articles similaires qu'elle vend dans toute l'Europe par l'intermédiaire de filiales ou de distributeurs indépendants. La vente et la commercialisation des produits Parker dans l'intermédiaire des filiales, ainsi que la politique des filiales en matière de personnel, sont contrôlées par une équipe régionale composée de trois directeurs, à savoir un Directeur de zone, un Directeur financier et un Directeur du marketing. Le Directeur de zone est membre du conseil d'administration de la société-mère.
5. Après avoir essayé sans succès d'entrer en relation commerciale avec Parker et d'obtenir des produits Parker à des conditions équivalentes à celles octroyées aux filiales et distributeurs indépendants de Parker, Viho a déposé, le 19 mai 1988, une plainte au titre de l'article 3 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"), dans laquelle elle faisait grief à Parker d'interdire l'exportation de ses produits par ses distributeurs, de partager le Marché commun, en marchés nationaux des Etats membres et de maintenir sur les marché nationaux des prix artificiellement élevés pour les produits Parker.
6. A la suite de cette plainte, la Commission a engagé une procédure administrative qui a porté sur l'examen des accords liant Parker et ses distributeurs indépendants.
7. Le 22 mai 1991, Viho a déposé une nouvelle plainte, enregistrée auprès de la Commission le 29 mai 1991, à l'encontre de Parker, dans laquelle elle faisait valoir que la politique de distribution mise en œuvre par Parker, consistant à oblige ses filiales à limiter la distribution des produits Parker à des territoires impartis, constituait une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE (devenu traité CE, ci-après "traité").
8. Suite aux observations formulées par Parker les 16 avril et 31 mai 1991, en réponse à la communication des griefs que lui a adressée à la Commission le 21 janvier 1991, dans le cadre de l'instruction portant sur les accord liant Parker et ses distributeurs indépendants, une audition s'est tenue à Bruxelles le 4 juin 1991 à laquelle ont participé les représentants de Viho, de API, de Herlitz et de Parker.
9. Dans les observations complémentaires présentées le 21 juin 1991, à la demande de la Commission, Parker admis que, à l'intérieur du groupe Parker, les demandes de livraison émanant de clients locaux sont renvoyées aux filiales locales de Parker, ces dernières se trouvant le mieux placées pour répondre à de telles demandes. C'est ainsi que Viho, société néerlandaise, après avoir demandé à être livrée par la filiale allemande de Parker, chargée d'assurer les livraisons demandées.
10. Le 5 mars 1992, la Commission a informé Viho, en application de l'article 6 du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du conseil (JO 1963, 127, p. 2268), qu'elle envisageait de rejeter la plainte du 22 mai 1991, au motif que les filiales de Parker sont totalement dépendantes de Parker Pen UK et qu'elles ne jouissent d'aucune autonomie réelle. Considérant que le système de distribution mis en place par Parker reste à l'intérieur des limites définies par la jurisprudence de la Cour pour exclure l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la Commission a déclaré ne pas voir en quoi ce système de distribution irait au-delà d'une répartition normale des tâches à l'intérieur d'un groupe d'entreprises. Elle a indiqué également que, pour parvenir éventuellement à une conclusion différente, il y aurait lieu, préalablement, de procéder à de nouvelles enquêtes et de mener de nouvelles investigations.
11. Dans ses observations adressées à la Commission le 6 avril 1992, Viho a contesté que la politique de renvoi mise en œuvre par le groupe Parker puisse constituer un acte purement interne, dans la mesure où elle prive les tiers de la liberté de s'approvisionner où ils le souhaitent à l'intérieur du Marché commun et où elle leur impose de s'approvisionner exclusivement auprès de la filiale du lieu de leur établissement. Si rien ne s'opposer à ce qu'un groupe puisse librement organiser sa distribution en confiant à une filiale la commercialisation de ses produits dans un Etat membre, il ne saurait cependant contraindre les acheteurs, sous peine de se rendre coupable d'un comportement abusif, à s'approvisionner exclusivement auprès d'une filiale déterminée.
12. Le 15 juillet 1992, la Commission, répondant à la plainte déposée par Viho le 19 mai 1988, a adopté la décision 92-426-CEE, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-32.725 - Viho/Parker Pen, JO L 233, p. 27), dans laquelle elle a, d'une part, constaté que Parker et Herlitz avaient commis une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité en incluant une interdiction d'exporter dans un accord conclu entre elles et, d'autre part infligé une amende de 700 000 écus à Parker et une amende de 40 000 écus à Herlitz. Les recours introduits par Herlitz et Parker respectivement les 16 et 24 septembre 1992 contre cette décision ont fait l'objet de deux arrêts rendus par le tribunal le 14 juillet 1994, Herlitz/Commission et Parker/Commission (respectivement T-66-92 Rec. p. II-531, et T-77-92, Rec. p. II-549), qui, entre-temps, ont acquis force de chose jugée.
LA DECISION ATTAQUEE
13. Le 30 septembre 1992, la Commission a rejeté la plainte de Viho du 22 mai 1991. Dans sa décision, la Commission a qualifié le système de distribution intégrée, instauré par Parker pour assurer la vente de ses produits en Allemagne, en France, en Belgique, en Espagne et aux Pays-Bas, par l'intermédiaire de filiales établies dans ces pays, comme répondant aux conditions fixées par la Cour pour la non-application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, aux motifs que "les filiales forment avec la société-mère une unité économique dans laquelle les filiales ne peuvent déterminer de manière autonome leur comportement sur le marché" et que "l'attribution d'un territoire de vente déterminé à chacune des filiales Parker ne va d'ailleurs pas au-delà de ce qui est normalement considéré comme indispensable pour assurer une distribution correcte des fonctions à l'intérieur d'un groupe". La Commission a retenu également que Parker était en droit de refuser à Viho des prix et conditions analogues à ceux accordés à ses distributeurs indépendants, sans enfreindre l'interdiction des ententes".
3. Il ressort de l'arrêt entrepris que la requérante avait notamment conclu à l'annulation par le tribunal de la décision litigieuse, tandis que la Commission avait conclu au rejet du recours.
4. A l'appui de ses conclusions, la requérante invoquait trois moyens. Le premier était tiré de la violation de l'article 85 paragraphe 1, du traité, le deuxième de la violation de l'article 86 du traité et le troisième de la violation de l'article 190 du traité.
5. Sur le moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, le tribunal a constaté à titre préliminaire :
"31. Le moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité s'articule en deux branches. La requérante fait valoir, tout d'abord, que le système de distribution de Parker, consistant à obliger ses filiales à renvoyer les commandes provenant de clients situés dans d'autres Etats membres à la filiale établie dans le pays du client, s'inscrit dans le même objectif que les interdictions expresses d'exportation faites aux distributeurs exclusifs, à savoir le maintien des marchés nationaux et leur cloisonnement les uns par rapport aux autres aux fins d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun. Elle soutient, ensuite, que ce système constitue une discrimination collective des partenaires commerciaux du fait de l'application, en violation de l'article 85, paragraphe 1, sous d), de conditions inégales à des prestations équivalentes".
6. Sur la première branche du premier moyen relative à l'interdiction faite aux filiales de Parker de livrer des produits Parker aux clients établis dans des Etats membres autres que celui de la filiale, le tribunal a jugé :
"47. Il convient de rappeler, liminairement, que, s'agissant du sort, au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité, des accords conclus au sein d'un groupe de sociétés, la Cour a jugé que "lorsque la filiale ne jouit pas d'une autonomie réelle dans la détermination de sa ligne d'action sur le marché, les interdictions édictées par l'article 85, paragraphe 1, peuvent être considérées comme inapplicable dans les rapports entre elle et la société-mère, avec laquelle elle forme une unité économique" (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48-69, point 134). De même, dans l'arrêt Ahmed Saeed Flugreisen e.a., précité, la Cour a jugé que "ce n'est pas l'article 85 qui s'applique lorsque la concertation en cause est le fait d'entreprises appartenant à un même groupe en tant que société-mère et filiale, et que ces entreprises forment une unité économique à l'intérieur de laquelle la filiale ne bénéficie pas d'une autonomie réelle dans la détermination de sa ligne d'action sur le marché", ajoutant que "le comportement d'une telle unité sur le marché est cependant susceptible de tomber sous le coup de l'article 86". Il résulte également de la jurisprudence du tribunal que l'article 85, paragraphe 1, du traité ne vise que les rapports entre des entités économiques capables d'entrer en concurrence l'une avec l'autre en excluant les accords et les pratiques concertées entre des entreprises appartenant à un même groupe qui forment une unité économique (arrêt du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission, T-68-89, T-77-89 et T-78-89, Rec. P. II-1403, point 357).
48. D'une part, il est constant en l'espèce que Parker détient 100 % du capital de ses filiales établies en Allemagne, en France, en Belgique et aux Pays-Bas. Il ressort, d'autre part, de la description fournie par Parker au sujet du fonctionnement de ses sociétés filiales, non contestées par la requérante, que les activités de vente et de marketing des filiales sont dirigées par une équipe régionale désignée par la société-mère et qui contrôle, notamment, les objectifs de vente, les marges brutes, les frais de vente, le "'cash flow" et les stocks. Cette équipe régionale prescrit également la gamme des produits à vendre, contrôle les activités publicitaires et donne des directives en ce qui concerne les prix et les remises.
49. Le tribunal en conclut que c'est à bon droit que la Commission, au point 2 de sa décision, a qualifié le groupe Parker d'"unité économique dans laquelle les filiales ne peuvent déterminer de manière autonome leur comportement sur le marché".
50. Il convient de rappeler ensuite que, selon la jurisprudence de la Cour, la notion d'entreprise, "placé dans un contexte de droit de la concurrence, doit être comprise comme désignant une unité économique du point de vue de l'objet de l'accord en cause même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales" (arrêt du 12 juillet 1984, Hydrotherm, 170-83, Rec. p. 2999, point 11). De même, le tribunal a jugé que "l'article 85 paragraphe 1, du traité s'adresse à des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à la commission d'une infraction visée par cette disposition" ( arrêt du 10 mars 1992, Shell/Commission, T-11-89, Rec. p. II-757, point 311). Ainsi, aux fins de l'application des règles de concurrence, l'unité du comportement sur le marché de la société-mère et de ses filiales prime sur la séparation formelle entre ces sociétés, résultant de leurs personnalités juridiques distinctes.
51. Il en résulte que, en l'absence de concours de volontés économiquement indépendantes, les relations au sein d'une unité économique ne peuvent être constitutives d'un accord ou d'une pratique concertée entre entreprises, restrictifs de concurrence au sein de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Lorsque, comme en l'espèce, la filiale, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique les instructions qui lui sont imparties, directement ou indirectement, par la société-mère qui la contrôle à 100 % , les interdictions édictées par l'article 85, paragraphe 1, sont inapplicables dans les rapports entre la filiale et la société-mère avec laquelle elle forme une unité économique.
52. S'il est, certes, vrai qu'il ne saurait être exclu que la politique de distribution mise en œuvre par Parker, qui consiste à interdire à ses filiales de livrer des produits Parker aux clients établis dans des Etats membres autres que celui de la filiale, peut contribuer à maintenir et à cloisonner les différents marchés nationaux, et, ce faisant, contrecarrer un des objectifs fondamentaux de réalisation du Marché commun, il n'en reste pas moins qu'il découle de la jurisprudence citée ci-dessus qu'une telle politique, suivie par une unité économique telle que le groupe Parker, au sein de laquelle les filiales ne jouissent d'aucune autonomie pour déterminer leur comportement sur le marché n'entre pas dans le champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
53. Le tribunal en conclut que c'est à bon droit que la Commission a décidé que "le comportement des filiales est donc attribuable à la société-mère" et que "le système de distribution intégrée qui assure la vente de produits Parker en Espagne, en France, en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas par l'intermédiaire des filiales à 100 % établies dans ces pays, répond aux conditions fixées par la Cour de justice pour la non-application de l'article 85".
54. C'est dès lors, en vain que la requérante allègue que les accords litigieux violeraient l'article 85, paragraphe 1, au motif qu'ils iraient au-delà d'une répartition interne des tâches au sein du groupe. En effet, force est de constater qu'il ressort de ses termes mêmes que l'article 85, paragraphe 1, ne vise pas les comportements qui sont, en réalité, le fait d'une unité économique. Or, il n'appartient pas au tribunal, sous prétexte que certains comportements, tels que ceux dénoncés par la requérante, peuvent échapper aux règles de la concurrence, de détourner l'article 85 de sa fonction aux fins de combler une éventuelle lacune du contrôle prévu par le traité.
55. Il s'ensuit que la première branche du moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité n'est pas fondée".
7. Sur la seconde branche du premier moyen relative au traitement discriminatoire appliqué à la requérante en ce qui concerne les prix et les conditions de vente, le tribunal a jugé :
"61. Il convient de rappeler que l'article 85, paragraphe 1, sous d), du traité interdit les accords entre entreprises, décisions d'associations d'entreprises et pratiques concertées qui consistent à appliquer, à l'égard des partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence. La discrimination visée par l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, doit, dès lors, résulter d'un accord, d'une décision ou d'une pratique concertée entre des entités économiques indépendantes et autonomes et non pas être le fait d'un comportement unilatéral émanant d'une seule entreprise.
62. Le tribunal relève, tout d'abord, que les relations entretenues par Parker avec ses distributeurs indépendants sont sans pertinence pour la solution du présent litige. En tout état de cause, le tribunal constate que, en l'espèce, la requérante n'a pas indiqué en vertu de quel accord, décision ou pratique concertée entre Parker et ses distributeurs indépendants elle aurait été discriminée.
63. Par ailleurs, le tribunal a jugé ci-dessus (voir point 51) que Parker et ses filiales forment une seule entité économique, dont le comportement unilatéral ne relève pas de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, sous d), du traité. Par conséquent, il n'existe pas, en l'espèce, de discrimination à l'encontre de Viho susceptible d'être sanctionnée au regard de l'article 85, paragraphe 1, sous d).
64. Il s'ensuit que la seconde branche du moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité doit également être écartée".
8. Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l'article 86 du traité, le tribunal a jugé :
"68. ... selon l'article 19, premier alinéa, du protocole sur le statut (CE) de la Cour, applicable au tribunal en vertu de l'article 46, premier alinéa, dudit statut et l'article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du tribunal, la requête introductive d'instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est basé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut et du règlement de procédure (arrêt Rendo e.a./Commission, précité, point 130).
69. Le tribunal constate que, en l'espèce, la requérante, qui se borne à affirmer, sans autre précision, que les principaux autres fournisseurs de crayons et de stylos et d'autres articles de bureau pratiquent la même politique de distribution que Parker, soutient qu'il convient de rechercher si l'article 86 du traité ne devrait pas s'appliquer en raison de la position dominante collective qu'occuperaient les gros fabricants sur le marché en cause.
70. Or, la seule référence, dans la requête, à l'article 86 du traité, en l'absence d'allégations précises concernant la position sur le marché des entreprises concernées, leur comportement uniforme éventuel ou leurs liens économiques, ne saurait être considérée comme suffisante au regard du statut et du règlement de procédure.
71. Le tribunal considère, en outre, que la Commission n'était pas tenue de procéder à une instruction au sujet d'une éventuelle position dominante collective des fabricants d'articles de bureau, la plainte de la requérante du 22 mai 1991 ne contenant aucun élément de nature à impliquer à charge de la Commission l'obligation de mener une instruction à ce sujet.
72. Il s'ensuit que le deuxième moyen tiré de la violation de l'article 86 du traité doit être rejeté".
9. Enfin, sur le troisième moyen tiré de la violation de l'article 190 du traité le tribunal a jugé :
"75. Il y a lieu de rappeler, d'abord, qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour et du tribunal (arrêt de la Cour du 30 septembre 1982, Roquette Frères/Conseil, 110-81, Rec. p. 3159, point 24, et du tribunal du 29 juin 1993, Asia Motor France e.a./Commission, T-7-92, Rec. p. II-669, point 30) que la motivation d'une décision faisant grief doit permettre à son destinataire de connaître les justifications de la mesure prise, afin de faire valoir, le cas échéant, ses droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et au juge communautaire d'exercer son contrôle.
76. Il convient de relever, ensuite, que la Commission n'est pas obligée, dans la motivation des décisions qu'elle est amenée à prendre pour assurer l'application des règles de concurrence, de prendre position sur tous les arguments que les intéressés invoquent à l'appui de leur demande. Il suffit, en effet, à la Commission d'exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision (voir les arrêts du tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T-44-90, Rec. P. II-1, point 35, et Asia Motor France e.a./Commission, précité, point 31).
77. Or, le tribunal constate, à la lecture de la décision litigieuse, que celle-ci indique les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels elle s'est basée pour rejeter la plainte de requérante, permettant ainsi à la requérante de contester son bien-fondé et au tribunal d'exercer son contrôle de légalité. Il s'ensuit que la décision litigieuse n'est entachée d'aucun défaut de motivation.
78. Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son intégralité".
10. Dans son pourvoi, la requérante conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris, puis de la décision litigieuse, ainsi qu'à la condamnation de la Commission aux dépens, y compris ceux de Parker. La Commission conclut au rejet du pourvoi et vraisemblablement à titre subsidiaire, du recours comme étant dénué de fondement. Enfin, la Commission demande la condamnation de la requérante aux dépens.
11. A l'appui de son pourvoi, la requérante fait valoir trois moyens. Le premier est tiré de la violation des articles 2, 3, sous c), et 85, paragraphe 1, du traité CE, le deuxième de la violation de l'article 86 du traité CE et le troisième de la violation de l'article 190 du traité CE.
Sur le premier moyen du pourvoi
12. Le moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité s'articule en deux branches. La requérante fait, tout d'abord, valoir que le tribunal a jugé à tort que le système de distribution mis en place par Parker, consistant à interdire à ses filiales de livrer des produits Parker aux clients établis dans des Etats membres autres que celui de la filiale et à obliger ces filiales à renvoyer leurs commandes à la filiale locale compétente, n'entre pas dans le champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Elle soutient, ensuite, que c'est également à tort que le tribunal a jugé que le traitement discriminatoire appliqué à son égard par Parker et ses distributeurs indépendants n'était pas non plus contraire à l'article 85, paragraphe 1 sous d).
Sur la première branche du premier moyen
13. La requérante soutient que le fait que les comportements en question se produisent au sein d'un groupe ne s'oppose pas à l'application de l'article 85, paragraphe 1, dès lors que la répartition des compétences entre les sociétés du groupe Parker viserait à maintenir et à cloisonner des marchés nationaux au moyen d'une protection territoriale absolue. Un tel comportement d'entreprise, qui produirait des effets néfastes sur la concurrence, ne devrait donc pas être apprécié de manière différente selon qu'il se produit au sein d'un groupe ou entre Parker et des distributeurs indépendants. La requérante observe notamment qu'une telle protection territoriale empêche des tiers, comme la requérante, de s'approvisionner librement au sein de la communauté auprès de la filiale qui proposerait les meilleures conditions économiques et de pouvoir ainsi répercuter de tels avantages sur le consommateur.
14. Par conséquent, la requérante considère que l'article 85, paragraphe 1, interprété à la lumière des articles 2 et 3, sous c) et g) [antérieurement article 3, sous f), du traité CEE], du traité CE doit s'appliquer dès lors que la politique de renvoi en cause va bien au-delà d'une simple répartition interne des tâches au sein du groupe Parker.
15. Il importe tout d'abord de préciser qu'il est établi que Parker détient 100 % du capital de ses filiales établies en Allemagne, en Belgique, en Espagne, en France et aux Pays-Bas et que les activités de vente et de marketing des filiales sont dirigées par une équipe régionale désignée par la société-mère et qui contrôle, notamment, les objectifs de vente, les marges brutes, les frais de vente, le "cash flow" et les stocks. Cette équipe régionale prescrit également la gamme des produits à vendre, contrôle les activités publicitaires et donne des directives en ce qui concerne les prix et les remises.
16. Parker et ses filiales forment ainsi une unité économique à l'intérieur de laquelle les filiales ne jouissent pas d'une autonomie réelle dans la détermination de leur ligne d'action sur le marché, mais appliquent les instructions qui leur sont imparties par la société-mère qui les contrôle (arrêts ICI/Commission, précité, points 133 et 134 ; du 31 octobre 1974, Sterling Drug, 15-74, Rec. p. 41 ; Winthrop, 16-74, Rec. P. 1183, point 32 ; du 4 mai 1988, Bodson, 30-87, Rec. p. 2479, point 19, et du 11 avril 1989, Ahmed Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebûro, 66-86, Rec. p. 803, point 35).
17.Dans ces conditions, la circonstance que la politique de renvoi mise en œuvre par Parker et qui consiste principalement à répartir différents marchés nationaux entre ses filiales puisse produire les effets à l'extérieur de la sphère du groupe Parker, susceptibles d'affecter la position concurrentielle de tiers, ne saurait être de nature à rendre l'article 85, paragraphe 1, applicable, même lu en combinaison avec les articles 2 et 3, sous c) et g), du traité. En revanche, un tel comportement unilatéral pourrait relever de l'article 86 du traité si les conditions d'application qu'il pose étaient réunies.
18.C'est donc à bon droit que le tribunal s'est uniquement fondé sur l'existence d'une unité économique pour exclure l'application de l'article 85, paragraphe 1, au groupe Parker.
Sur la seconde branche du premier moyen
19. La requérante considère que le tribunal a également jugé à tort que le système de distribution mis en place par Parker n'était pas contraire à l'article 85, paragraphe 1, sous d), dans la mesure où il en constituait pas un traitement discriminatoire appliqué à la requérante tant par le groupe Parker que par ses distributeurs indépendants en ce sui concerne les prix et les conditions de vente.
20. Concernant le traitement discriminatoire qui serait le fait du groupe Parker, il a déjà été jugé ci-dessus qu'un tel comportement, à supposer même qu'il soit établi, ne saurait relever de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1.
21. Concernant, en revanche, le traitement discriminatoire qui serait conjointement appliqué par Parker et ses distributeurs indépendants à l'égard de la requérante, cette dernière reproche au tribunal d'avoir jugé que les relations entretenues par Parker avec ses distributeurs indépendants étaient sans pertinence pour la solution du présent litige.
22. Il y a lieu d'observer que l'arrêt entrepris rejette, au point 62, l'argument de la requérante par deux motivations successives. Par son pourvoi, la requérante conteste uniquement la première motivation, selon laquelle la requérante n'a pas, en tout état de cause, été en mesure d'établir en vertu de quel accord, décision ou pratique concertée entre Parker et ses distributeurs indépendants elle aurait été discriminée. Par conséquent il n'y a pas lieu d'examiner le bien-fondé de cet argument.
23. Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.
Sur le deuxième et troisième moyens du pourvoi
24. La requérante reproche en substance au tribunal d'avoir violé les articles 86 et 190 du traité, mais ne précise pas, sur ces points, ses griefs à l'encontre de l'arrêt entrepris, se limitant à renvoyer à sa requête ainsi qu'aux annexes déposées devant le tribunal.
25. Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l'article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi doit spécifier les moyens et les arguments de droit soutenant les conclusions que la requérante demande à la Cour d'accueillir. Il en résulte qu'un pourvoi doit indique de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande.
26. Ne répond à cette exigence le pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction ; en effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le tribunal, ce qui, aux termes de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, échappe à la compétence de celle-ci (voir notamment ordonnance du 26 septembre 1994, X/Commission, C-26-94 P, Rec. p. I-4379, points 10 à 13).
27. En l'espèce, par les deux moyens avancés, la requérante se limite à renvoyer aux moyens déjà présentés en première instance et écartées par le tribunal.
28. Dans ces conditions, les deuxième et troisième moyens doivent être rejetés comme irrecevables.
29. Aucun moyen n'ayant pu être accueilli, le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
30. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La partie requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner aux dépens la première instance.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre),
déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) La partie requérante est condamnée aux dépens.