CCE, 10 janvier 1996, n° 96-478
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
ADALAT
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, et notamment son article 3, son article 15 paragraphe 2 et son article 16 paragraphe 1, vu la décision de la Commission du 26 septembre 1994 d'engager la procédure dans la présente affaire, après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17, en liaison avec le règlement n° 99-63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit :
CHAPITRE I
LES FAITS (3)
SECTION I
Le produit
1. Type du produit
(1) ADALAT (en France, ADALATE) est la marque d'une gamme de médicaments dont le principe actif est la nifédipine. Cette substance possède des propriétés pharmacologiques remarquables.
(2) Les différents produits de la gamme des produits ADALAT se présentent comme suit :
- capsules (5 mg, 10 mg, 20 mg),
- comprimés (20 mg),
- comprimés à effet retard (10 mg, 20 mg, 5 + 15 mg),
- comprimés 1 prise par jour (30 mg, 60 mg).
(3) Ces produits sont commercialisés comme suit en république fédérale d'Allemagne (RFA), France, Espagne et au Royaume-Uni :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
(4) Il existe également des produits ADALAT sous forme de solution injectable réservée à l'usage hospitalier. Ces produits ne sont pas visés par la présente décision qui se limitera aux produits ADALAT commercialisés dans les trois pays suivants : France, Espagne et Royaume-Uni. De ce fait, seuls les deux produits suivants de la gamme ADALAT sont visés par la présente décision : la capsule de 10 mg (commercialisée au Royaume-Uni et en Espagne sous le nom ADALAT, en France sous le nom ADALATE) et le comprimé à effet retard (ou libération prolongée) de 20 mg (commercialisé au Royaume-Uni et en Espagne sous le nom ADALAT RETARD, en France sous le nom ADALATE 20 mg LP). Comme il apparaîtra dans les faits exposés ci-après, c'est l'ADALAT RETARD qui a fait l'objet des restrictions à l'exportation les plus importantes. C'est en effet pour ce produit que la demande est la plus forte pour des raisons médicales. Dans la suite de la présente décision, le terme "ADALAT" vise ces deux produits.
(5) En France, ADALATE 10 mg est homologué depuis mai 1979 et ADALATE 20 mg LP, depuis 1985. Ces deux produits sont fabriqués, conditionnés et commercialisés par Bayer Pharma SA (France) (4).
(6) En Espagne, ADALAT et ADALAT Retard sont fabriqués, conditionnés et commercialisés par Quimica Farmacéutica Bayer SA (Espagne) (5). Ils sont homologués depuis janvier 1986.
(7) Bayer allègue que, au Royaume-Uni, un brevet a été demandé par Bayer au début des années quatre-vingt pour le comprimé ADALAT RETARD 20 mg et que ce brevet a été accordé de façon définitive au début de l'année 1995.
2. Marchés sur lesquels ADALAT est présent
(8) ADALAT appartient à une catégorie de médicaments dits "antagonistes du calcium" et sert à soigner les maladies cardio-vasculaires qui se subdivisent en trois catégories, l'insuffisance coronarienne, l'hypertension artérielle et l'insuffisance cardiaque congestive. Cette troisième maladie semble cependant représenter un marché mineur pour Bayer (6) :
"Si l'on compare les deux marchés qui sont actuellement les plus importants pour Bayer, c'est-à-dire celui de l'insuffisance coronarienne et celui de l'hypertension, il apparaît clairement que c'est celui de l'hypertension qui détient de loin le potentiel le plus grand. Le marché de l'hypertension a connu une croissance sensible au cours des dernières années, et cette tendance devrait se poursuivre. (...) En revanche, sur le marché de l'insuffisance coronarienne, la croissance devrait être faible." [2]
2.1. L'insuffisance coronarienne
(9) L'insuffisance coronarienne est une maladie caractérisée par des crises de douleur constrictives violentes dans la région précordiale. Trois types de traitements sont utilisés : les antagonistes du calcium, les nitrates et les bêta-bloquants.
"En termes de recettes, ce sont les antagonistes du calcium qui dominent le marché. Ils sont restés en tête des ventes depuis 1985, avec une part de marché de 40 % en 1989 (34 % en 1985) (...). (En Europe) les catégories de produits qui dominent le marché sont les antagonistes du calcium (34 %) (...) :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
De 1988 à 1989, les ventes d'ADALAT ont légèrement reculé dans les cinq pays européens (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne), essentiellement en raison de la concurrence de la nifédipine et du diltiazem." [3]
2.2. L'hypertension artérielle
(10) L'hypertension artérielle est une maladie de coeur dans laquelle l'augmentation de la tension dans les artères augmente la pression du sang.
"Le marché (mondial) de l'hypertension est le plus important marché pharmaceutique. Il a connu un excellent taux de croissance (environ 10 % par an) au cours des cinq dernières années, puisqu'il est passé de 10,9 milliards de DM en 1985 à 14,5 milliards de DM en 1989." [4]
(11) Quatre types de traitements sont utilisés : les inhibiteurs ACE (enzyme de conversion de l'angiotensine), les bêta-bloquants, les antagonistes du calcium et les diurétiques.
"Les inhibiteurs ACE dominent le marché européen en termes de recettes. Cette domination est particulièrement nette dans les pays méditerranéens, tels que l'Italie et l'Espagne, alors que en Grande-Bretagne et en Allemagne, les antagonistes du calcium et les bêta-bloquants sont relativement plus importants, comme il est indiqué ci-dessous :
Parts de marché en Europe, en termes de recettes, par catégorie de produits (1989)
<EMPLACEMENT TABLEAU>
Source : IMS" [5]
L'Europe et les Etats-Unis forment plus de 70 % du marché mondial.
2.3. L'insuffisance cardiaque congestive
(12) L'insuffisance cardiaque congestive est une insuffisance cardio-vasculaire et les troubles de la circulation qui en résultent.
"Le marché mondial de l'insuffisance cardiaque congestive a été évalué, en 1989, à 3,2 milliards de DM (...) :
Inhibiteurs ACE 23 %
Diurétiques 19 %
Glycosides 19 %
Antagonistes du calcium 16 %
Autres 23 %" [6]
La part du marché mondial détenue par l'Europe pour cette maladie était de 40 % (Japon : 14 %, Amérique du Nord : 33 %, autres : 13 %).
3. Importance du produit
(13) ADALAT arrive en neuvième position parmi les quarante produits pharmaceutiques les plus vendus dans le monde en 1992, avec des ventes mondiales s'élevant à [...] (7) millions de dollars des Etats-Unis (USD) (environ [...] millions d'écus).
3.1. Un produit majeur pour Bayer
a) Pour le groupe
(14) Le rapport annuel de gestion (1990) de Bayer indique que :
"Les antagonistes des canaux calciques très efficaces figurent parmi les principes thérapeutiques les plus importants pour le traitement de l'insuffisance coronarienne et de l'hypertension. Eprouvé depuis de nombreuses années, notre ADALATE - molécule nifédipine - est aujourd'hui disponible dans plus de cent pays (...)." [7]
(15) Plus loin, le rapport confirme qu'ADALAT est le produit le plus important de Bayer :
"Le Ciprobay (...) est devenu en peu de temps notre spécialité pharmaceutique la plus importante après l'ADALATE." [8]
(16) Un rapport interne de Bayer confirme qu'ADALAT est le produit majeur de Bayer :
"L'image actuelle de Bayer dans le domaine cardio-vasculaire est étroitement liée au succès d'ADALAT, qui constitue actuellement l'un des principaux produits sur le marché de l'hypertension et de l'insuffisance coronarienne, et qui est la référence pour les chercheurs du monde entier." [9]
(17) Un autre rapport indique qu'ADALAT est le premier produit de Bayer par son chiffre d'affaires ([...] millions de marks allemands (DM), - soit environ [...] millions d'écus en 1991, en progression de 7 % par rapport à 1990).
(18) En 1990, ADALAT représentait [...] du chiffre d'affaires du groupe pour les médicaments vendus sur ordonnance et [...] du chiffre d'affaires du groupe dans le secteur des maladies cardio-vasculaires.
(19) De nombreux documents font état des qualités d'ADALAT qui font de ce produit "un produit leader à identité forte" [10]. Ces qualités sont les suivantes :
"- référence (du produit) en matière d'inhibiteur calcique
- son efficacité est certaine
- utilisable en cas de pathologies associées
- facilité d'emploi
- tolérance
- produit Bayer." [11]
b) Un produit majeur dans la stratégie de vente des filiales dans les différents Etats membres
(20) En Espagne, ADALAT est le premier produit dans les ventes de Bayer Espagne. En 1992, le chiffre d'affaires réalisé par Bayer Espagne pour ADALAT (tous produits) représentait [...] de son chiffre d'affaires total et [...] du chiffre d'affaires réalisé dans le secteur des maladies cardio-vasculaires.
(21) En France, pour 1992, ADALATE a représenté [...] du chiffre d'affaires total de Bayer France et [...] de son chiffre d'affaires dans le secteur des maladies cardio-vasculaires.
(22) Au Royaume-Uni, ADALAT apparaît de loin comme le premier produit en chiffre d'affaires de Bayer UK pour 1992. ADALAT représente en effet en 1992 [...] du chiffre d'affaires total de Bayer UK et quasiment [...] de son chiffre d'affaires dans le secteur des maladies cardio-vasculaires.
3.2. Parts de marché
(23) Seules les parts de marché dans les pays pertinents pour la présente décision sont reprises ici, compte tenu du fait que dans le secteur pharmaceutique, les marchés sont nationaux (cf. infra considérants 150-152). Pour les besoins de cette décision, les parts de marché sont indiquées par référence aux indications thérapeutiques majeures du produit (= maladies, insuffisance coronarienne et hypertension).
a) En France
(24) Bayer a indiqué les parts de marché suivantes, calculées en valeur :
- sur le marché de l'insuffisance coronarienne, ADALATE (Capsules + Retard) détient 5,1 %,
- sur le marché de l'hypertension, ADALATE détient 4,1 %.
b) En Espagne
(25) Bayer a indiqué les parts de marché suivantes, calculées en valeur :
- sur le marché de l'insuffisance coronarienne, ADALAT détient 7,4 %,
- sur le marché de l'hypertension, ADALAT détient 8,7 % du marché.
c) Au Royaume-Uni
(26) Bayer a indiqué les parts de marché suivantes, calculées en valeur :
- sur le marché de l'insuffisance coronarienne, ADALAT détient 19,6 %,
- sur le marché de l'hypertension, ADALAT détient 16,6 %.
d) Dans la Communauté (des Douze)
(27) Bayer a indiqué les parts de marché suivantes, calculées en valeur :
- sur le marché de l'insuffisance coronarienne, ADALAT détient 7,6 %,
- sur le marché de l'hypertension, ADALAT détient 5,8 % du marché.
e) Conclusion
(28) Il faut noter que, dans le secteur des médicaments, les médecins et les patients sont souvent très attachés à une marque, notamment pour les maladies chroniques. C'est le cas pour ADALAT, qui bénéficie de la renommée de Bayer et qui est reconnu comme l'un des produits majeurs au plan mondial pour le traitement des maladies en cause. Il faut donc considérer que en cas de prescription expresse du produit ADALAT par le médecin, il est souvent difficile d'envisager qu'un autre produit concurrent, par exemple un médicament générique, puisse lui être substitué, cela pour des raisons tant psychologiques (réticences du patient) que réglementaires (interdiction réglementaire dans certains pays au pharmacien de substituer un produit ayant des propriétés thérapeutiques équivalentes au produit expressément prescrit par le médecin). Cet élément contribue à donner une valeur toute particulière aux parts de marché détenues par Bayer sur le produit ADALAT, ces parts de marché étant par elles-mêmes déjà relativement importantes, notamment au Royaume-Uni.
3.3. Importations parallèles d'ADALAT
a) Différences importantes de prix entre les différents Etats membres favorisant les importations parallèles
(29) De très nombreux documents trouvés dans les locaux des différentes sociétés de Bayer ayant fait l'objet d'une vérification donnent les prix des produits ADALAT dans les différents pays. Par exemple, un document compare les prix entre les différents pays à la date du 14 octobre 1991 :
"Comparaison des prix des comprimés à effet retard 20 mg ADALAT (en DM par comprimé)
<EMPLACEMENT TABLEAU>
(30) De nombreux documents reprennent ces données en calculant la différence de prix entre certains pays. Des annotations manuscrites montrent clairement les différences entre les pays à prix bas et le Royaume-Uni.
(31) Le document le plus récent (18 mars 1992) donne les comparaisons de prix suivantes :
"Comparaison des prix sur place par régions
ADALAT - comprimés 20 mg à effet retard **par comprimé**
<EMPLACEMENT TABLEAU>
On observe notamment que, le prix de l'ADALAT RETARD 20 mg en Espagne est, selon le type de conditionnement, de 35 à 47 % inférieur au prix au Royaume-Uni, le prix en France étant inférieur de 24 %. En ce qui concerne l'ADALAT capsule 10 mg, le prix en Espagne est, selon le type de conditionnement, de 48 à 55 % inférieur au prix pratiqué au Royaume-Uni. Le prix en France est inférieur de 39 à 45 % au prix britannique.
b) Importance des importations parallèles
i) Origine des importations parallèles
(32) De nombreux documents statistiques trouvés dans les locaux des différentes sociétés du groupe Bayer ayant fait l'objet d'une vérification comptabilisent de manière régulière, avec mise à jour mensuelle, les importations parallèles en indiquant leur niveau et leur pays d'origine.
(33) Le tableau suivant donne les chiffres relatifs aux pays d'origine des importations parallèles pour 1990 et 1991. Il constitue une récapitulation des données disponibles sur ces deux années quant à l'origine des importations parallèles.
<EMPLACEMENT TABLEAU>
[14]
ii) Parts de marché des importations parallèles
(34) Les parts de marché (Europe) des importations parallèles sont les suivantes :
"ADALAT et copies
<EMPLACEMENT TABLEAU>
c) Coût des importations parallèles
(35) De nombreux documents indiquent les importations parallèles parmi les "points faibles" ou "les menaces pour" ADALAT.
Pour des raisons de prix, comme il a été indiqué plus haut, le Royaume-Uni est l'un des destinataires privilégiés des importations parallèles. En 1989, un rapport de l'ABPI (Association of British Pharmaceutical Industry) concluait :
"Les effets globaux des importations parallèles sur l'économie britannique sont négatifs (...). D'après une estimation spécifique que nous avons effectuée, la valeur des ventes sur le marché intérieur que les producteurs britanniques ont perdues du fait des importations parallèles s'est élevée à 350 millions de livres en 1987/1988, ce qui représente 0,1 % du produit national brut de 1987." [16]
En 1992, un rapport de Bayer UK concluait :
"En cas de libération totale des échanges et si les revendeurs pouvaient se fournir à leur guise dans les pays à faible prix, les pertes subies par le marché britannique du fait des importations parallèles s'élèveraient à1,4 milliard de livres." [17]
3.4. Prospective : dans le futur, ADALAT restera un produit majeur pour Bayer
(36) Le document suivant met en lumière les objectifs de Bayer pour ADALAT :
"L'objectif de Bayer dans le domaine cardio-vasculaire est de faire d'ADALAT le produit numéro [...] en chiffre d'affaires et en prescriptions, tant pour les maladies coronariennes que pour l'hypertension, d'ici [...]." [18]
Le dernier rapport annuel (1992) du groupe Bayer confirme la réussite de celui-ci pour le produit ADALAT :
"Nous avons résolument poursuivi le développement du produit avec lequel nous réalisons le chiffre d'affaires le plus élevé, ADALAT, un médicament pour le coeur et la circulation (...). Cela nous a permis de renforcer notre position de leader mondial dans le domaine du coeur et de la circulation." [19]
SECTION II :
Bayer
(37) Bayer est un groupe chimique international très diversifié. Il déploie ses activités dans quelque 180 pays dans six secteurs : polymères, organique, produits industriels, santé, agriculture et techniques d'information. Le chiffre d'affaires du groupe Bayer s'est élevé à 41 195 millions de DM pour 1992 (environ 22 029 millions d'écus). Le chiffre d'affaires pour le secteur santé s'est élevé en 1992 à 7 198 millions de DM (environ 3 849 millions d'écus).
En 1991/1992, le groupe Bayer occupe le huitième rang mondial dans le secteur pharmaceutique, avec des ventes s'élevant à 4 309,1 millions d'USD (environ 3 264 millions d'écus).
SECTION III :
Grossistes en pharmacie
1. Généralités
(38) La distribution pharmaceutique en Europe emprunte trois canaux distincts : les hôpitaux, les pharmacies et drugstores et les grossistes.
Les hôpitaux s'approvisionnent en général directement auprès des laboratoires ou par le biais de groupements d'achat. Le recours aux grossistes par les hôpitaux est exceptionnel. Il y a environ 6 000 hôpitaux dans la Communauté (des Douze). La demande hospitalière représente 11 % en France, 12 % en Espagne et 5 % au Royaume-Uni.
Les pharmacies et drugstores s'approvisionnent peu directement auprès des laboratoires. On compte actuellement 103 500 officines et 14 650 drugstores dans la Communauté (des Douze). La vente directe de spécialités pharmaceutiques aux officines représente 7 % en France, 3 % en Espagne et 19 % au Royaume-Uni.
Les grossistes en pharmacie sont donc dans la Communauté (des Douze) les principaux intermédiaires entre les laboratoires et les détaillants. Les grossistes européens distribuent ainsi 90 % des médicaments. Ils sont environ 500. Les spécialités pharmaceutiques représentent 75 à 95 % de leur chiffre d'affaires et leur marge se situe entre 9,7 et 16,5 %.
2. La situation en France
2.1. Les grossistes présents sur le marché (1990)
(39) "OCP 38,8 %
IFP Santé 15,2 %
Erpi 11,6 %
CERP Rouen 12,4 %
CERP Rhin-Rhône-Méditerranée 6,1 %
Bourely 4,1 %
CERP Lorraine 3,2 %
GRP (Repha-Vendée)(Schulze, RFA) 2,1 %
CERP Bretagne Nord 1,5 %
Chafer (Schulze) 0,85 %
Martin 0,8 %
Bialais 0,15 %" [(20[
2.2. Législation applicable aux grossistes-répartiteurs
(40) La législation française (8) applicable aux grossistes-répartiteurs repose sur les bases suivantes :
- les articles législatifs L. 596, L. 596-1, L. 598, L. 599, L. 600 du Code de la santé publique (9),
- les articles réglementaires relatifs aux établissements de préparation et de vente en gros des produits pharmaceutiques (articles R. 5105 à R. 5516 du code de la santé publique),
- l'arrêté du 3 octobre 1962 (10) fixant les obligations des grossistes-répartiteurs en ce qui concerne l'approvisionnement des officines en médicaments.
Cette législation pose les règles suivantes :
- il doit y avoir un pharmacien responsable (article L.596),
- l'ouverture d'un établissement pharmaceutique (pouvant pratiquer la distribution en gros de médicaments) est subordonnée à une autorisation administrative (article L.598),
- les établissements pharmaceutiques doivent fonctionner dans des conditions offrant toutes les garanties pour la santé publique (locaux aménagés spécialement, disponibilité du matériel, des moyens et des personnes nécessaires) (article R.5115-6),
- les grossistes-répartiteurs doivent posséder un stock de médicaments suffisant pour assurer l'approvisionnement des officines intéressées (article R.5115-6 troisième alinéa),
- ce dernier article est précisé par l'arrêté du 3 octobre 1962, qui dispose notamment que :
"Tout établissement de vente en gros de produits pharmaceutiques (...) ainsi que ses succursales doivent détenir en permanence un stock de médicaments spécialisés permettant d'assurer l'approvisionnement de la consommation mensuelle des officines du secteur qu'ils desservent et appartenant à leur clientèle habituelle.
Ce stock de médicaments doit correspondre en nature à une "collection" de spécialités comportant au moins les deux tiers du nombre des présentations des spécialités effectivement exploitées et en importance il doit correspondre à la valeur moyenne des chiffres d'affaires mensuels de l'année précédente (article 1er).
Tout établissement de vente en gros de produits pharmaceutiques ainsi que ses succursales doivent être en mesure d'assurer la livraison de toute spécialité exploitée à toute officine faisant partie de leur clientèle habituelle et relevant de leur secteur de répartition et dans les vingt-quatre heures suivant la réception de la commande, de toute spécialité faisant partie de leur "collection".
Ils doivent surveiller leur approvisionnement des spécialités afin d'éviter toute rupture de stock (article 2).
Le secteur mentionné à l'article 2 est constitué par la zone géographique dans laquelle le pharmacien responsable de l'établissement de vente en gros de produits pharmaceutiques ou de la succursale d'un établissement de vente en gros de produits pharmaceutiques a déclaré exercer son activité (article 3)." [21]
(41) La législation française n'interdit pas les exportations. Aucune entrave implicite aux exportations ne peut être déduite de l'examen du texte de cette législation. Il est par conséquent clair que, aux yeux du législateur, les exportations sont autorisées.
Telles sont l'interprétation et la pratique qui ont toujours prévalu. La récente loi de 1992 et ses décrets d'application précisent d'ailleurs la question en ce sens et transcrivent explicitement ce que la loi prévoyait déjà de manière implicite : la loi française accorde au grossiste-répartiteur le monopole de la distribution des médicaments en officine. En contrepartie de ce monopole, elle impose certaines obligations de service public. Le territoire de la Communauté est assimilé par la loi au territoire national français et les grossistes-répartiteurs ont toute possibilité, une fois leurs obligations de service public remplies, d'exporter vers d'autres pays de la Communauté.
(42) Les producteurs ne sont soumis à aucune obligation légale quant à la livraison des grossistes ou l'approvisionnement du marché national.
3. La situation en Espagne
3.1. Les grossistes présents sur le marché (1990)
(43) "COFARES 20,6 %
Federacion Farmacéutica 11,0 %
Safa (incl. Galenica) 6,3 %
Hermandad FCA Del Mediterràneo (HEFAME) 6,1 %
CECOFAR 5,3 %
HUFASA (CERP Rouen) 3,9 %
Centro Farmacéutico 3,9 %" [22]
3.2. Législation applicable aux grossistes
(44) La législation espagnole applicable aux grossistes en pharmacie repose sur l'arrêté ministériel du 7 avril 1964 (11), complété par l'arrêté ministériel du 5 mai 1965 (12). En 1990, a été adoptée en complément la loi relative aux médicaments qui précise la loi antérieure sans la modifier (13).
Cette législation pose des règles comparables à celles de la législation française :
- il doit y avoir un pharmacien responsable (chapitre IV articles 14 et suivants de l'arrêté ministériel de 1964),
- l'ouverture d'un établissement pharmaceutique est subordonnée à une autorisation administrative (chapitre I articles 1er et suivants de l'arrêté ministériel de 1964),
- les établissements pharmaceutiques doivent fonctionner dans des conditions offrant toutes garanties pour la santé publique (chapitre II articles 9 et suivants de l'arrêté ministériel de 1964),
- les grossistes doivent disposer en permanence d'un stock suffisant pour la région où ils exercent leurs activités (chapitre III article 12 de l'arrêté ministériel de 1964). En 1964, le terme "région" désignait les provinces. Il désigne aujourd'hui les communautés autonomes. Le stock suffisant a été défini par une liste publiée dans l'arrêté ministériel de 1965. Cette liste n'a jamais été mise à jour depuis 1965.
(45) - La loi espagnole ne prévoit pas d'obligation d'approvisionner les pharmacies.
- En ce qui concerne les exportations, la loi de 1990, confirmant la pratique antérieure, prévoit explicitement à son article 82 le droit pour les grossistes en pharmacie d'exporter.
(46) - Les producteurs ne sont soumis à aucune obligation légale quant à la livraison des grossistes ou l'approvisionnement du marché national.
SECTION IV
Relations commerciales continues de Bayer France et Bayer Espagne avec leurs clients grossistes
1. En France
(47) Bayer France est en relation continue d'affaires avec les grossistes qui lui passent régulièrement commande d'ADALATE et autres médicaments pour répondre à la demande des pharmaciens qu'ils doivent approvisionner. Les livraisons directes du producteur aux pharmacies sont rares et ne font pas partie de la politique générale de commercialisation de Bayer France.
Les grossistes en produits pharmaceutiques constituent dès lors les clients naturels de Bayer France qui, en règle générale, les approvisionne à leur demande, sauf cas particulier.
Pour chacun des trois grossistes importants en France, OCP, CERP Rouen et CERP Lorraine (représentant à eux trois au moins 80 % du marché), des procédures semblables s'appliquent :
1.1. Début des relations commerciales
(48) - Entre OCP et Bayer France, elles remontent au début du siècle. Les relations commerciales se sont créées dès que les deux sociétés ont existé et n'ont jamais cessé depuis. Le grossiste-répartiteur est le client privilégié et naturel de tout producteur de produits pharmaceutiques désireux de distribuer en France.
- CERP Rouen a communiqué des éléments d'information semblables : les relations commerciales remontent à la création de CERP Rouen, en 1919. Depuis, CERP Rouen a toujours été livrée par Bayer France.
- CERP Lorraine a aussi fourni des éléments semblables : les débuts des relations commerciales remontent à la création de CERP Lorraine en 1935 et elles n'ont jamais cessé depuis que CERP Lorraine et Bayer France existent.
1.2. Cadre des relations commerciales normales
(49) - Pour OCP, la commande normale se fait par téléphone. La facture est envoyée après coup par Bayer France. Le règlement se fait normalement dans les quatre-vingt-dix jours.
- Pour CERP Rouen, les commandes s'effectuent environ tous les huit jours par courrier électronique. La commande est livrée par Bayer France en général dans un délai de quelques jours, rarement plus d'une semaine. CERP Rouen établit lors de la livraison un bon de réception qui lui permet de vérifier la livraison. Bayer France envoie la facture après coup.
- Pour CERP Lorraine, les commandes sont normalement séparées selon leur destination : en ce qui concerne les commandes destinées à la France, ces commandes sont générées automatiquement par la "chaîne approvisionnement" dont l'ordinateur passe automatiquement les commandes en fonction du niveau des stocks. En ce qui concerne les commandes destinées à l'exportation (Communauté et pays tiers), celles-ci ont un caractère irrégulier parce qu'elles dépendent de la demande du client étranger dont CERP Lorraine ne peut pas toujours évaluer avec précision les besoins à l'avance. C'est pourquoi ces commandes sont passées séparément des commandes France. Toutes les commandes normales sont passées par fax ou téléphone, plus rarement par simple lettre. La facture est envoyée après coup par Bayer France.
1.3. Factures
(50) Sur les factures envoyées par Bayer France à ses clients grossistes, figurent des clauses relatives aux conditions générales de vente. La facture française comporte, en bas à gauche du document, une indication claire en lettres majuscules renvoyant au verso de celui-ci :
"Voir au verso nos conditions générales de vente." [23]
Ces conditions sont neutres : ce sont les clauses habituelles d'un contrat de fourniture de marchandises.
1.4. Procédures en cas de problèmes de livraison
(51) Les problèmes "normaux" de livraison se règlent en général par téléphone. En ce qui concerne les problèmes "particuliers", tous les grossistes ont fait des réclamations par téléphone ou, plus rarement, par écrit et dans certains cas, ont même passé leurs commandes par lettre recommandée pour essayer (en vain) d'obliger Bayer France à livrer. Ces éléments seront repris plus loin dans l'exposé détaillé des ruptures de livraison et de leurs motifs, qui font l'objet de cette décision.
2. En Espagne
(52) La situation est semblable à celle de la France.
En ce qui concerne les relations commerciales continues, les contacts entre les grossistes en produits pharmaceutiques et Bayer Espagne sont réguliers et fréquents. Les commandes se font normalement par téléphone ou courrier électronique et les factures sont envoyées après coup.
Sur la facture espagnole, la clause "conditions de vente" [24] indique que :
"l'acceptation des marchandises implique la conformité avec les conditions de vente ci-après." [25]
Suivent les clauses habituelles d'un contrat de fourniture de marchandises.
SECTION V
Entraves aux exportations parallèles d'ADALAT vers le Royaume-Uni
I. COMPORTEMENT INTRAGROUPE AU SEIN DE BAYER
1. Les exportations parallèles : un problème permanent pour Bayer
1.1. Une préoccupation générale depuis de nombreuses années
(53) De très nombreux documents font état de la préoccupation permanente que représentent les importations parallèles d'ADALAT, en particulier vers le Royaume-Uni.
(54) Par exemple, en 1988, un mémorandum interne de Bayer UK indique :
"Réunion de réflexion sur les importations parallèles."
"Le but de cette réunion de réflexion sur les importations parallèles était de trouver des idées afin de combattre l'augmentation potentielle de la demande d'ADALAT en provenance de l'étranger (...)." [26]
(55) En 1989, la même préoccupation apparaît :
"Il ne fait aucun doute que la cause principale de la baisse globale des ventes pendant la période concernée est l'augmentation sensible du niveau des importations parallèles des produits de la gamme ADALAT, notamment ADALAT à effet retard 20 mg. Les importations parallèles d'ADALAT RETARD 20 mg représentent aujourd'hui environ 25 % des ventes de ce produit au Royaume-Uni." [27]
Fin 1989, l'ABPI (Association of British Pharmaceutical Industry) décide de lancer une étude afin de déterminer l'ampleur des importations parallèles. Le projet est soutenu par tous les grands producteurs et Bayer UK indique :
"Nous tentons de déterminer l'ampleur réelle des importations parallèles, que des sources "officielles" évaluent à 70 - 300 millions de UKL ADALAT est très fortement touché et il est de notre intérêt de soutenir ce projet." [28]
(56) En 1990, les rapports de Bayer UK indiquent la source des problèmes :
"PH(PHARMA) (14) a enregistré de très bons résultats, en dépit de l'érosion persistante des ventes d'ADALAT, due aux importations parallèles (...)." [29]
"(...) PH continue à enregistrer des pertes dans les ventes d'ADALAT, au profit des importations parallèles (...)." [30]
(57) En 1991, de nouveaux rapports indiquent que les importations parallèles continuent :
"(...) progression d'ADALAT RETARD 20 mg, en dépit des importations parallèles!" [31]
(58) En 1992, des documents font toujours état du problème :
"Le lancement d'ADALAT LA se poursuit dans de bonnes conditions et les ventes augmentent chaque semaine (...). Toutefois, nous sommes très préoccupés par l'augmentation persistante des importations parallèles, qui a des répercussions très négatives sur nos affaires." [32]
1.2. Des études et des recherches sur le problème des exportations parallèles
(59) Pour étudier le problème, Bayer a mis en place des structures de réflexion afin de chercher des solutions.
(60) En 1988, une "réunion de réflexion importations parallèles" [33] se réunissait chez Bayer UK. Au cours de cette réunion, différents moyens ont été envisagés pour combattre l'augmentation prévisible de la demande d'ADALAT "étranger".
"L'objet de cette réunion de réflexion sur les importations parallèles était d'explorer des voies permettant de lutter contre l'augmentation potentielle de la demande d'ADALAT "étranger". Les idées avancées lors de cette réunion peuvent être réparties en quatre catégories.
Promotion
Actions à engager immédiatement afin d'assurer une défense à court terme.
Approvisionner la société pratiquant les importations parallèles à partir des stocks britanniques
Baisser les prix au Royaume-Uni
Participer à des foires commerciales pour la promotion locale
Demander des stocks gratuits pour financer la promotion
Adapter la procédure de crédit/facturation afin d'aider les grossistes
Accorder des stocks gratuits aux hôpitaux
Augmenter les ventes directes
Utiliser des techniques de télévente
Cerner les zones à problèmes et y réaliser des ventes intensives aux distributeurs
Augmenter les rabais aux grossistes de 0,34 %, afin d'éliminer les "clawbacks".
Actions de marketing
Défense à moyen terme
Mettre en place un programme d'information sur les maladies cardio-vasculaires
Augmenter les efforts de formation des généralistes
Promouvoir des gammes de produits spécifiques pour le Royaume-Uni
Prévoir des conditionnements conformes aux souhaits des patients
Varier la taille des conditionnements pour le Royaume-Uni
Obtenir des numéros de lots spéciaux pour le Royaume-Uni
Publier une brochure de dissuasion
Cesser la promotion des capsules
Supprimer ADALAT RETARD 20 mg pendant un certain temps
Imprimer "Bayer UK" sur les capsules
Organiser une campagne d'information nationale dans la presse
Engager un représentant qui interviendrait lors des réunions avec les grossistes
Renforcer les liens avec la Royal Pharmaceutical Society.
Actions juridiques
Soutenir les pharmaciens détaillants dans une action de contestation du "clawback"
Poursuivre tous les utilisateurs non autorisés
Fournir des informations aux services de la TVA, des impôts, des douanes, etc., sur les comptes clients
Parler ouvertement des importations parallèles illégales
Actions au niveau de la société
Défense à long terme
Engager des discussions avec le ministère de la Santé
Limiter les livraisons en provenance de l'étranger
Demander à Bayer AG de fournir des stocks d'ADALAT sur présentation de prévisions de marché rigoureuses
Coopérer avec d'autres fabricants
Acheter un grossiste
Ne rien faire.
Certaines de ces idées sont manifestement extrêmes, mais le but de la réunion était d'explorer autant de voies que possible." [34]
(61) En 1989, le groupe de réflexion "CE 92" s'était réuni. Le compte-rendu de la réunion indique notamment :
"D'une manière générale, tous les représentants des pays à prix faible ont mentionné le risque d'exportations parallèles à partir de leurs pays." [35]
Au cours de cette réunion, des groupes d'études placés sous la responsabilité de hauts dirigeants de Bayer sont créés. Parmi eux, le groupe "Prix de transfert, importations parallèles et réimportations". [36]
(62) En 1990, un groupe de réflexion "CE 92" se réunit à plusieurs reprises :
"Comment parvenir à maîtriser les "euro-achats" des grossistes/hôpitaux?"
(...) "le groupe est parvenu aux recommandations suivantes : (...) 3. identifier les grossistes européens éventuels." [37]
(63) En 1991, ce même groupe continue à faire des propositions :
"(...) la production PH reste pour l'instant en Espagne. (...)
Il faudra également examiner la future "stratégie de distribution", notamment sous l'angle de la coopération envisageable avec les grossistes anglais." [38]
(64) En 1992, un "groupe de travail grossistes" se réunit et indique que les importations parallèles augmentent et qu'il convient d'envisager des mesures telles que les suivantes :
"(...)
Plan en plusieurs étapes :
1. Menacer les grossistes de livraisons directes en réaction aux importations
2. Livraisons directes** limitées à l'échelon régional, à des pharmaciens grossistes ayant des rotations rapides
(3) Prise de participation chez des grossistes suprarégionaux *** ( >75 %), afin de participer à la concurrence pour les produits de substitution (en faisant éventuellement du grossiste un fournisseur partiel)
*) pas de remboursement des retours provenant d'importations
*) Possibilité Sensibilisation préventive des parties concernées ayant des intérêts similaires en matière de niveau de prix (p.ex. ABDA - Fédération des pharmaciens allemands -, grossistes)
**) autres solutions envisageables Coopération avec des grossistes régionaux, mais moins recommandée en raison du risque de dépendance
***) autres solutions envisageables Désignation d'un grossiste "MPS" : solution contestable en raison de la longue période de mise en place (deux ans) et de questions de coûts (...)" [39]
2. Système complet d'information relatif aux importations parallèles au sein du groupe Bayer
2.1. Echanges permanents d'informations relatives aux importations parallèles entre les différentes sociétés Bayer
(65) A la suite du Hauptländertreffen de Travemünde (22.9.1991) au cours duquel des décisions majeures ont été prises (cf. infra considérant 76), Bayer UK envoie dans tous les pays à prix faible une lettre circulaire :
"Cher docteur Acebillo,
Importations parallèles d'ADALAT
Me référant à nos récentes discussions lors du "Top Country Meeting", je vous communique par la présente les chiffres mis à jour concernant le volume des importations parallèles d'ADALAT au Royaume-Uni. Les informations fournies sont les suivantes :
1. Quantités des différentes formes et des différents conditionnements vendus au Royaume-Uni au cours des douze mois précédant septembre 1991.
2. Pays d'origine.
Ces données ont été fournies par IMS (British Pharmaceutical Index) et Taylor Nelson Healthcare (contrôle des importations parallèles). Toutefois, ces deux sociétés ne nous ont communiqué que les quantités et la taille des différents conditionnements. Nous avons associés les conditionnements et les pays d'origine de la façon suivante :
1. ADALAT capsules 5 mg
16 190 boîtes - Belgique
4 282 boîtes - France
2. ADALAT capsules 10 mg
66 238 boîtes - Allemagne
55 691 boîtes - France
147 665 boîtes - Belgique/France
3. ADALAT RETARD comprimés 20 mg
249 945 boîtes - Italie
1 005 042 boîtes - Grèce/Espagne
257 838 boîtes - Espagne
Je pense que nous sommes tous d'accord pour examiner cette question de façon objective et faire de notre mieux pour établir des faits et de ne pas baser notre discussion sur de simples suppositions ... Toutes les parties concernées devraient collaborer étroitement pour établir les faits en question. Toutefois, veuillez conseiller à vos collaborateurs de travailler ensemble et de ne pas se contenter de défendre leur point de vue!
Vous remerciant pour votre coopération, je vous prie d'agréer ...
Klaus Behrend
cc : Dr. Kley - Region 2
David St George
Roger Cuff
Egalement à :
Dr G. Pecci - Italie
M. F. Schönig - France
Dr K. Bohle - Belgique
M. A. Zumbaum - Leverkusen" [40]
Toutes les personnes qui ont reçu cette lettre soit ont la fonction de directeur général de la société soit sont des spécialistes des études de marché et des importations parallèles. La gestion des importations parallèles est donc traitée au niveau le plus élevé de décision et de responsabilité.
(66) Les réponses obtenues et figurant au dossier sont les suivantes.
La réponse de Bayer Grèce indique :
"(...) En ce qui concerne les indications que vous avez fournies sur le volume des exportations Grèce-Espagne, nous vous communiquons que les quantités indiquées sont, à notre avis, incorrectes.
Pour votre information, sachez que nous prévoyons de vendre 1 220 000 boîtes en 1991. Nous partons du principe que 850 000 d'entre elles seront consommées en Grèce." [41]
La copie de cette lettre a été transmise à Bayer AG à Leverkusen (15).
La réponse de Bayer Belgique indique :
"Nous comprenons vos questions, mais les faits concernant la Belgique sont les suivants :
1) ADALAT capsules 5 mg :
Exportations supposées vers l'Angleterre : 16 190 boîtes,
Exportations supposées vers Chypre : environ 30 000 boîtes, c'est-à-dire 46 000 boîtes au total.
Nombre de boîtes vendues cette année (1 - 11) en Belgique par Bayer Belgique : 19 349
Observation : A notre connaissance, les exportations sont pratiquement nulles.
2) ADALAT capsules 10 mg :
147 665 - Belgique/France ?
Nous ne comprenons pas très bien ce que signifie ce "Belgique/France".
Ventes de Bayer Belgique cette année (1 - 11) : 760 817 boîtes.
Observation : L'exportation de telles quantités d'ADALAT capsules 10 mg
vers l'Angleterre est très improbable.
Pourrait-il s'agir de marchandises de contrefaçon? (...)." [42]
Copie de cette lettre est transmise à Leverkusen.
Pour la France, la copie de la lettre de Bayer UK figure au dossier avec les annotations manuscrites suivantes : "Impossible" [43] (en face du chiffre attribué à la France pour les capsules 5 mg) et "Lequel?" [44] (en face du chiffre attribué à la France/Belgique pour les capsules 10 mg).
(67) D'autres documents montrent que Bayer UK s'informe souvent auprès d'autres filiales. Par exemple, en Irlande et au Danemark :
"Pourriez-vous m'indiquer la situation actuelle en ce qui concerne la nifédipine (Elan), l'Allemagne ayant fait une autre enquête à ce propos." [45]
Une note manuscrite indique que le texte a été transmis par télex à Leverkusen.
(68) "Bayer Danemark nous informe qu'ils surveillent de très près toutes les possibilités d'importations parallèles. Etant donné qu'il s'agit d'un petit pays avec un petit chiffre d'affaires, celles-ci seront rapidement visibles." [46]
2.2. Centralisation de l'information à Leverkusen
(69) Les documents repris aux considérants 65 à 68 montrent que toutes les informations recueillies entre filiales sont transmises à Leverkusen de façon systématique.
Par exemple, un courrier de Bayer France à Leverkusen indique :
"Objet : Angleterre
Nous vous remercions pour les statistiques concernant les importations parallèles vers l'Angleterre. Ces données sont révélatrices.
On doit supposer que les importations en provenance de France ont fortement augmenté à partir du quatrième trimestre 89.
La situation que vous décrivez impose la plus grande prudence auprès de tous les clients." [47]
Un courrier de Bayer Pays-Bas à Leverkusen indique de même :
"Nous vous envoyons ci-joint les informations relatives aux ventes et au pays d'origine des importations parallèles d'ADALAT vers les Pays-Bas." [48]
De même, le mémorandum suivant transmis à Leverkusen indique :
"Compte-rendu de la visite à Bayer Italie 18-19/3.1991.
1. ADALAT (...)
1.3. Il semble y avoir encore des importations parallèles pour les capsules. Elles sont évaluées à 100 000 - 150 000 boîtes pour 1990." [49]
De nombreux documents transmettent de façon régulière à Leverkusen des statistiques relatives aux importations parallèles.
2.3. Autres moyens d'information sur les importations parallèles
a) Instruments extérieurs à Bayer
(70) Pour parfaire sa connaissance du marché, Bayer se sert également d'instruments de mesure des importations parallèles extérieurs à ses propres services, ainsi que l'indique ce rapport fait par un consultant extérieur chargé par Bayer d'une étude sur les importations parallèles :
"Grandes lignes du projet
Il y a eu des doutes quant à la fiabilité d'une série de sources de données industrielles pour mesurer certains paramètres. Le présent projet a pour but de comparer les données sur les importations parallèles et les médicaments génériques émanant de plusieurs sources industrielles, en l'occurrence :
British Pharmaceutical Index (B.P.I) - I.M.S. (16)
Medical Data Index (M.D.I.) - I.M.S.
Scriptcount - Taylor Nelson
Parallel Import Monitor - Taylor Nelson
Données du ministère de la Santé
Cette comparaison a été réalisée sur la base des données relatives à cinq produits, c'est-à-dire (...), ADALAT, (...).
(...)
Tableau : Comparaison des données sur les importations parallèles de Parallel Import Monitor et B.P.I. [50]
(...)"
(71) Bayer UK reçoit régulièrement les documents à jour du Parallel Import Monitor (Taylor Nelson). Ces documents détaillent toutes les données disponibles sur certains produits, dont ADALAT, par mois, par produit (chaque produit de la gamme ADALAT), par pays, par réseau de distribution (pharmacies, hôpitaux), et par importateur.
Bayer AG et toutes ses filiales sont abonnées soit directement à IMS, soit à sa branche nationale, soit à un groupement national fournissant le même type de données.
L'étude croisée de toutes les données extérieures complétées par les informations venues des filiales permet au département "Recherches de marché" de Bayer AG d'être parfaitement informé en permanence sur les importations parallèles.
b) Préparation informatisée du budget annuel de Bayer
(72) Un document interne de Bayer AG indique que, en vue de la préparation annuelle du budget pour le groupe, toutes les filiales sont reliées à un système informatisé centralisé de préparation du budget annuel dans le secteur santé. Le document donne les instructions pour introduire les données sur la disquette. Le système est divisé en "GARTs" (types d'opérations) comme suit :
[...] [51]
Cette division des données permet d'identifier rapidement les ventes sur le marché national et les autres. Elle est utilisée de façon générale dans les documents notamment de Bayer France (et pas seulement dans les documents budgétaires).
(73) Parmi les "Indications importantes en vue de la planification" [52], figure l'indication suivante :
[...] [53]
Le produit ADALAT et quelques autres produits majeurs de Bayer ont donc un code spécial d'entrée dans le système. Les données chiffrées ne sont pas agrégées comme dans les chiffres figurant dans les GARTs. Sous ce code spécifique, elles sont détaillées pour chaque produit de la gamme ADALAT.
Ces mêmes instructions indiquent qu'il faut informer immédiatement Leverkusen en cas de différence entre les chiffres provenant de différents instruments informatiques internes de planification.
Le système comporte enfin une entrée spécifique "Commentaires relatifs à la planification" [54] qui elle-même comporte un chapitre particulier pour [...] produits [...] [55].
Le système informatique permettant à Bayer de préparer son budget comporte donc les entrées nécessaires pour prévoir les besoins de chaque marché national pour chaque produit stratégique.
Bayer ne s'est cependant pas contentée de se tenir informée de l'évolution des besoins nationaux et du niveau des importations parallèles en se dotant des instruments adéquats à cet effet. Elle a également mis en place une véritable stratégie en vue d'empêcher les importations parallèles ou au moins de les freiner et a pris à cette fin des décisions formelles.
3. Décisions formelles au sein du groupe en vue de réduire les exportations parallèles vers le Royaume-Uni
(74) Les dirigeants de toutes les filiales se réunissent à intervalles réguliers au cours de Hauptländertreffen ou Top Country Meetings. Au cours de ces réunions, les différents dirigeants prennent contact entre eux de façon informelle. Les documents écrits disponibles sur les résultats de ces importantes réunions sont rares.
(75) Des procès-verbaux sous forme de tableau récapitulatif des interventions et résultats obtenus sont rédigés après ces réunions. Ces documents sont neutres, en particulier celui de la réunion de Travemünde.
(76) Cependant, l'un des dirigeants de Bayer Espagne a fait pour son compte personnel un rapport de cette réunion de Travemünde, rapport où il détaille les diverses décisions prises au cours de la réunion. Le point 19 de ce compte rendu intitulé "Commentaires relatifs au Hauptländertreffen de Travemünde (23/09/91)" [56] indique :
"Les actions destinées à réduire au maximum les exportations parallèles vers l'Angleterre seront poursuivies. En ce qui concerne l'Espagne, la situation est stable, bien qu'elle soit le pays dans lequel les prix d'ADALAT retard et ADALAT capsules sont les plus faibles." [57]
(77) Pour le Hauptländertreffen de San Felice qui a eu lieu du 27 au 29 avril 1992, le procès-verbal comporte le commentaire suivant :
"Les aspects politiques et les importations parallèles sont importants pour la stratégie européenne. La disponibilité d'ADALAT CC permet cependant d'introduire dans tous les pays européens "ADALAT une prise par jour", tout en protégeant les marchés sur lesquels les prix sont élevés." [58]
II. CONCRETISATION DE LADITE STRATEGIE INTRAGROUPE EN FRANCE ET EN ESPAGNE
1. Le cas de la France
1.1. Identification par Bayer France des clients exportateurs
(78) Le directeur du centre de production de Sens envoie régulièrement par courrier au directeur de Bayer France des listings reprenant les noms des clients et le montant de leurs commandes auprès de Bayer France. Sur de nombreux documents, les commandes importantes d'ADALATE sont surlignées.
(79) Un document recense six clients sur les années 1990 et 1991 en indiquant par mois les quantités commandées et l'augmentation (mise en évidence) de leur montant par rapport aux statistiques GERS (17) pour la même période.
(80) Ces données sont complétées par les informations circulant au sein du groupe, qui permettent de "faciliter les contrôles", comme l'indique le document suivant (1er octobre 1990) :
"Objet : Angleterre
Nous vous remercions pour les statistiques concernant les importations parallèles vers l'Angleterre. Ces données sont révélatrices.
On doit supposer que les importations en provenance de France ont fortement augmenté à partir du quatrième trimestre 89. La situation que vous décrivez impose la plus grande prudence pour tous les clients.
Par ailleurs, nous pouvons vous garantir que nous n'avons pas favorisé volontairement ces mouvements et que nous n'avons jamais tenté de développer nos activités aux dépens d'un autre marché. Cela serait pour nous totalement inacceptable.
(...) Nous vous prions de bien vouloir nous tenir informés de l'évolution des importations parallèles vers l'Angleterre et de faciliter nos contrôles en nous donnant des informations sur les numéros de lots, etc. Nous vous communiquons ci-joint quelques représentations graphiques succinctes de nos ventes." [59]
(81) Un rapport du comité de direction de Bayer France (5 février 1992) comporte l'instruction suivante :
"Vu l'importance croissante des exportations en parallèle dans notre CA Gart 1 (France) et pour mieux cerner notre potentiel de vente, le service "Facturation" indiquera mensuellement au service "Controlling" les quantités des produits susceptibles d'être exportés par nos principaux clients." [60]
Cette instruction est donnée par le comité de direction, c'est-à-dire au niveau le plus élevé de décision et de responsabilité au sein de Bayer France.
(82) Une note du directeur du centre de production de Sens au directeur de Bayer France indique enfin :
"Comme convenu, je vous fais parvenir le tableau des ventes ADALATE 20 mg LP qui récapitule les ventes dont la destination finale n'était vraisemblablement pas le territoire métropolitain." [61]
1.2. Arrêt des livraisons aux clients ainsi identifiés
(83) Un certain nombre de documents du dossier montrent que Bayer France stoppe les livraisons aux grossistes identifiés. Le 21 octobre 1991, le directeur du centre de production de Sens indique par une note interne au directeur général de Bayer France :
"Livraisons d'ADALATE 20 mg LP à CERP Rouen.
(...) Depuis fin septembre, nous ne livrons plus CERP Boulogne, à qui nous devons 40 000 boîtes. (...) A l'heure actuelle, nous avons bloqué, au total, 11 commandes (7 grossistes) soit 137 000 boîtes." [62]
(84) Certains documents font état d'un "contingentement" appliqué à ADALATE, ainsi qu'en témoigne le document suivant (17 février 1992) :
Lettre de CERP Rouen (agence de Boulogne) à Bayer France :
"(...) Boulogne n'a pas reçu sa commande du 10 février de 3 200 unités.
La réponse donnée par votre service achats a été que ce produit (ADALATE LP) ne devait pas dépasser un contingent de 2 000 unités par mois et pour toute commande supplémentaire, une demande écrite doit être adressée directement à votre attention." [63]
Réponse de Bayer France :
(...) "Nous pouvons livrer chaque mois 5 à 6 000 boîtes environ d'ADALATE 20 mg LP pour nos commandes exceptionnelles sans perturber nécessairement nos livraisons aux pharmaciens d'officine par l'intermédiaire des grossistes-répartiteurs.
(...) Bien entendu, la quantité de 5 à 6 000 boîtes dont il a été question ci-dessus concerne toutes les commandes exceptionnelles. Si nous livrons Boulogne, nous ne livrons pas St Etienne du Rouvray et vice-versa." [64]
(85) Des notes manuscrites trouvées dans les dossiers du directeur du centre de production de Sens indiquent la situation des ventes en établissant régulièrement la liste des clients et de leurs commandes. Ces notes comportent les indications :
"j'ai bloqué 2 000/3 000 boîtes à CERP Hérouville"
"j'ai bloqué 2 000/4 400 boîtes à CERP St Lo"
"ne pas livrer"
"bloqué". [65]
1.3. L'argument officiel de Bayer France : la rupture de stock
(86) La Commission a en sa possession des documents se référant à une rupture de stock pour expliquer les difficultés de livraison. Dans le cas de CERP Lorraine, Bayer France, de juin à septembre 1991, a pu augmenter notablement ses livraisons et livrer en moyenne 67 300 boîtes d'ADALATE 20 mg par mois. Or l'année précédente, en 1990, Bayer France avait livré seulement 8 900 boîtes en juillet et 2 800 boîtes en août, répondant ainsi aux commandes du moment par CERP Lorraine. Si Bayer France fondait réellement ses prévisions de production sur les commandes livrées l'année précédente, elle n'aurait pas été en mesure de suivre une augmentation aussi importante de la demande durant quatre mois en 1991.
(87) A partir d'octobre 1991, CERP Lorraine continue à commander sur un rythme identique aux mois précédents, mais les livraisons de Bayer France commencent à baisser de façon très importante comme le montre le tableau récapitulatif suivant :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
On peut noter une correspondance entre la baisse drastique des livraisons et la date de la décision du Hauptländertreffen de Travemünde.
A partir de février 1992, CERP Lorraine passe ses commandes par plis recommandés. La réponse de Bayer France fut la suivante :
"(...) Vous rappelez que nous vous avons livré 75 000 boîtes/mois de juin à septembre 1991 et vous semblez dire que nous ne vous livrerons que 5 000 boîtes dorénavant.
Nous n'avons jamais dit cela. Nous avons dit lors de notre entretien, le 17 janvier 1992, à Sens, que, pour éviter des ruptures de stock sur le marché français, nous livrerions en priorité les commandes destinées aux hôpitaux et aux officines.
Par contre, les autres commandes seraient livrées en fonction de nos possibilités. Nous n'avons pas, à notre connaissance failli à cette règle." [67]
La lettre continue en détaillant les achats effectués par mois l'année précédente par CERP Lorraine pour montrer que les besoins mensuels (en moyenne) de CERP Lorraine étaient de 9 000 boîtes par mois. Pour cette raison, Bayer France se serait trouvée dans l'impossibilité de suivre la demande accrue l'année d'après.
La Commission rappelle que Bayer France, durant quatre mois, a pu suivre la demande sans problème apparent, puis ne le put brusquement plus. Ses structures de production avaient visiblement pu s'adapter très rapidement durant quatre mois. Malgré l'augmentation rapide des commandes, le délai de livraison était resté de deux semaines.
A partir de février 1992, les livraisons de Bayer France ont été réduites à 5 000 boîtes par mois pour couvrir la première commande de CERP en février (50 000 boîtes) et à 2 500 boîtes par mois pour couvrir la deuxième commande de CERP en février (50 000 boîtes).
Enfin, on peut remarquer que la formulation même de la lettre de Bayer France montre la volonté de celle-ci d'affecter la marchandise au seul marché français.
(88) Les deux autres grossistes français OCP et CERP Rouen se sont trouvés dans la même situation que CERP Lorraine. Ces deux grossistes ont confirmé ce point lors des vérifications effectuées dans leurs locaux, dans les réponses orales apportées aux questions des inspecteurs de la Commission.
1.4. Réaction des grossistes devant le comportement de Bayer France
(89) Les grossistes, avant le nouveau comportement de Bayer France, avaient coutume de passer leurs commandes en mentionnant expressément qu'elles étaient destinées à l'exportation. Bayer France était donc parfaitement informée de la destination finale des produits livrés.
L'indication était souvent donnée sur le bon de commande lui-même. Cela était plus simple pour les grossistes, pour qui la demande France a un caractère assez régulier et peut être gérée de façon quasi automatique en fonction du niveau des stocks disponibles chez le grossiste, alors que la demande extérieure est plus irrégulière.
A partir du moment où Bayer France a allégué des problèmes de production et de rupture de stock pour ne plus livrer, les grossistes ont réagi en deux temps, comme décrit ci-après.
a) Proposition d'un planning à Bayer France
(90) Après avoir vainement tenté de se faire livrer en réclamant par téléphone, ce qui correspond aux usages commerciaux du secteur, les grossistes ont eu l'idée de proposer à Bayer France un planning de leur besoins futurs afin de lui permettre de s'organiser pour produire en quantité suffisante. Dès le 20 novembre 1991, CERP Rouen envoie au directeur du centre de production de Sens la lettre suivante :
"(...) J'ai le plaisir de vous envoyer un planning mensuel des commandes d'ADALATE LP 20 mg.
Ne constatant toujours aucun dérapage au niveau des livraisons France et compte tenu du fait que l'ADALATE fait partie des plus grosses ventes européennes, nous sommes totalement convaincus que vous n'aurez aucune peine à livrer les quantités commandées.
En plus de notre calendrier d'achat, nous vous commandons 45 000 ADALATE LP 20 mg par mois à livrer à notre agence de Boulogne-sur-Mer (ceci ne prend pas en compte la commande de 15 000 boîtes passée par Boulogne le 11.10.1991 que nous attendons toujours).
Avec un planning, l'argument des difficultés d'approvisionnement ne saurait tenir bien sûr plus longtemps. (...)." [68]
La quantité commandée dans cette lettre est, compte tenu de son niveau, destinée à l'exportation. Les commandes France ont des niveaux très inférieurs. De plus, dans l'organisation interne de CERP Rouen, l'agence de Boulogne est spécialisée dans l'exportation vers le Royaume-Uni. En demandant la livraison directe à cette agence, CERP Rouen dévoile explicitement et volontairement la destination des produits commandés.
Bayer France ne donne aucune suite à cette lettre. Les commandes ne sont pas livrées ainsi qu'en attestent les factures ultérieures de Bayer France et les documents de CERP Rouen destinés à confirmer la conformité des factures par rapport à la réception des produits. Sur ces factures, figure sous la rubrique "quantité facturée" [69] la quantité commandée par CERP Rouen. On peut y voir les montants élevés d'ADALATE 20 mg commandés par le grossiste, destinés à l'exportation. Sous la rubrique "prix unitaire facturé" [70], apparaît la mention apposée par Bayer France "renouveler la commande" [71]. Cela signifie en pratique que CERP Rouen n'était pas livré. Très vite, CERP Rouen renonce à cette méthode qui ne lui permet pas de satisfaire la demande de ses clients britanniques.
(91) OCP réagit de la même façon en envoyant début 1992 un planning de commande à hauteur de 50 000 boîtes pour mars, avril et mai 1992. Là encore, aucune suite n'est donnée par Bayer France à ce planning. Les livraisons suivent un rythme minime compte tenu de la demande du grossiste ainsi qu'en atteste le télex suivant en date du 6 mai 1992 de OCP à Bayer France :
"A ce jour, nous n'avons plus de livraison d'ADALATE LP CP BT 30 pour nos commandes export à expéditions mensuelles.
Vos dernières livraisons ont été :
15 000 ADALATE CP BT 30 votre facture n° 701893 du 10.2.1992
5 000 ADALATE CP BT 30 votre facture n° 701993 du 4.3.1992
Depuis 2 mois nous n'avons plus de produits. Nos clients réclament. Nous nous sommes engagé par cotation sur prix et quantité. Actuellement nous notons une augmentation de la demande. Nous sommes obligés d'augmenter notre planning à 80 000 boîtes/mois. (...)" [72]
Aucune suite n'est donnée par Bayer France à cette demande. Il faut noter que OCP mentionne explicitement l'objet de la commande destinée à l'exportation. Bayer France est donc parfaitement informée de la destination et des quantités commandées pour l'exportation.
(92) CERP Lorraine n'a pas recours à la méthode du planning. Il se met à commander par lettres recommandées, ce qui marque une nette rupture avec les méthodes très souples de commande normale par téléphone ou simple lettre.
(93) Très vite - en quelques semaines - les trois grossistes français comprennent clairement, fin 1991, que leurs efforts pour se faire livrer dans des conditions normales pour l'exportation sont vains. Ils s'organisent alors en conséquence.
b) Prise de conscience par les grossistes de l'objectif véritable de Bayer France
(94) Tous les grossistes ont demandé des explications à Bayer France. Des documents internes de Bayer France le montrent, comme cette note du directeur du centre de production de Sens au directeur général de Bayer France en date du 21 octobre 1991 :
"TRES IMPORTANT
Confidentiel
J'ai eu un entretien téléphonique avec (...) CERP Rouen au sujet des livraisons d'ADALATE 20 mg LP.
La CERP Rouen est notre 3e client avec un chiffre d'affaires, au 30 Septembre 1991, de (...) Mio F.
(...) Depuis fin septembre, nous ne livrons plus CERP Boulogne, à qui nous devons 40 000 boîtes.
Elle considère qu'il s'agit d'une politique délibérée de Bayer pour empêcher le développement des importations parallèles, car elle a constaté qu'en Belgique et en Espagne Bayer a la même attitude.
Les marchés belge et espagnol sont de petits marchés, mais le marché français est important. (...) J'ai expliqué (...) que nous avions des stocks très bas et que notre principal souci était d'approvisionner le marché français. Elle m'a demandé si je me moquais d'elle, etc... (...)" [73]
(95) Le 17 janvier 1992, le directeur export de CERP Lorraine rend visite au directeur du centre de production de Sens. Après la vérification chez CERP Lorraine, il en fait le compte-rendu suivant :
"J'ai rencontré M. Giraldi à Sens le 17/1/1992 pour parler des problèmes d'approvisionnement de l'ADALATE LP 20 mg. Je lui ai demandé pourquoi, après nous avoir livré 65 000 boîtes par mois en moyenne entre avril et septembre 1991, il était maintenant impossible d'obtenir ces quantités. Il m'a répondu qu'il avait reçu des consignes strictes de la direction générale Bayer pour stopper les activités d'export parallèle, que ceci ne serait jamais écrit et qu'officiellement ils invoqueraient des problèmes d'approvisionnement de matière première." [74]
c) Les grossistes s'organisent pour tenter d'être livrés
i) Description générale du système
(96) Les trois grossistes ont utilisé la même méthode : ils cessent de passer des commandes pour l'exportation et s'organisent sur le plan interne pour augmenter les commandes officiellement destinées au marché français.
Bayer France accepte une variation, jugée normale, de plus ou moins 10 % des besoins français. Les grossistes sont organisés avec un certain nombre d'agences locales réparties sur le territoire national, chargées en temps normal de l'approvisionnement au niveau local.
Les commandes France passées par chacune des agences augmentent et ne comportent vis-à-vis de Bayer France aucune indication de destination. Il s'agit de laisser croire à Bayer France que la demande France a augmenté, en la répartissant sur les différentes agences. Les quantités destinées en réalité à l'exportation sont ensuite réacheminées au plan interne au sein de l'organisation du grossiste en vue de l'exportation.
ii) Le cas de CERP Rouen
(97) Le premier document illustrant ce comportement apparaît très tôt chez CERP Rouen - dès le 18 octobre 1991 - dans la lettre suivante du service central d'achat aux directeurs d'agence :
"ADALATE LP
Suite à notre entretien téléphonique de ce jour, nous avons bien noté que vous adressiez à BOULOGNE les quantités suivantes :
ST ETIENNE ROUVRAY 1 000
LAIGNEVILLE 1 000
ST QUENTIN 400
MARCQ EN BAROEUIL 400
LIEVIN 400
HEROUVILLE 1 600
ST LO 400
Nous avons demandé à Boulogne de vous adresser personnellement un bon de commande.
Merci de votre collaboration." [75]
Boulogne est l'agence de CERP Rouen spécialisée dans l'exportation vers le Royaume-Uni. Le service achat prie donc les autres agences de lui transmettre une partie des commandes (destinées au marché français) qu'ils ont reçues afin que Boulogne puisse répondre à la demande britannique.
(98) Les documents ultérieurs deviennent de plus en plus explicites :
Une lettre du service central d'achat de CERP Rouen aux directeurs d'agence du 25 octobre 1991 demande :
"URGENT
Pour aider l'agence de BOULOGNE à réunir 20 000 ADALATE LP 20mg code PHON :TE 360 nous vous demandons de bien vouloir passer la commande ci-dessous :
ST ETIENNE ROUVRAY 6 000
LAIGNEVILLE 4 000
LILLE 4 000
HEROUVILLE 6 000
TOTAL 20 000
Dès réception, faire suivre ces produits à Boulogne.
Nous vous remercions de votre collaboration et de votre discrétion." [76]
(99) Le 27 novembre 1991, le service central d'achat adresse le même type de lettre aux agences.
Mais le système ne fonctionne pas longtemps : la commande de 20 000 boîtes répartie sur les agences par la lettre du 27 novembre n'est pas livrée par Bayer France. Le grossiste ne peut alors plus se contenter d'augmenter ses commandes d'agences en les répartissant selon le montant de la demande réelle : il doit passer des commandes destinées au seul marché français et dont le montant est plausible aux yeux de Bayer France pour le seul marché français.
Le type de document suivant apparaît alors dans les courriers du service central d'achat de CERP Rouen aux agences :
"ADALATE LP
La commande d'ADALATE LP que nous vous avons demandé de passer (voir note du 27 nov. 1991) n'est parvenue dans aucune agence - nous considérons que vous ne la recevrez pas. BAYER est très réticent pour livrer des commandes exceptionnelles.
En conséquence lors des 3 prochaines commandes :
M le 17 décembre
R le 24 décembre
C le 2 janvier 92
Incorporer 1/3 de la quantité demandée avec chacune de vos commandes hebdomadaires (en respectant le gabarit) - Dès réception, faire suivre la marchandise à BOULOGNE.
Merci de faire le nécessaire - surtout pas de commande téléphonée -" [77]
Cette demande de ne pas effectuer de commande téléphonée montre que la situation est anormale. En temps normal (cf. supra considérant 49), les commandes sont simplement passées par téléphone. Cet élément peut également être rapproché de la lettre citée infra (considérant 115) dans l'étude du cas espagnol de Comercial Genové ("J'essaie de monter un dossier solide à l'encontre des labos" [78]).
CERP Rouen sera effectivement livrée d'un montant de 7 000 boîtes (1/3 des 20 000 nécessaires).
(100) CERP Rouen adresse dès lors régulièrement ce type de lettre à ses agences.
Le document suivant de CERP Rouen du 27 janvier 1992 éclaire ce mécanisme :
"Service central d'achat
Mmes et Mrs les Directeurs d'agence
ADALATE LP - code TE 360 -
Nous avons besoin de 50 000 ADALATE LP pour l'agence de BOULOGNE pour le mois de FEVRIER 92.
Lors des prochaines commandes :
C le 3 février
H le 10 février
M le 17 février
Vous devrez ajouter 1/3 de la quantité indiquée ci-dessous à chacune de vos commandes hebdomadaires (en respectant le gabarit) - Dès réception, faire suivre la marchandise à BOULOGNE.
Merci de votre collaboration
Service central d'achat
ST ETIENNE ROUVRAY 7 000 Attention : aucune de ces commandes ne doit être téléphonée
LAIGNEVILLE 5 000
COIGNIERES 3 000
ST QUENTIN 3 000
LILLE 5 000
HEROUVILLE 6 000
ST LO 5 000
ABBEVILLE 3 000
MEAUX 4 000
VERNEUIL 4 000
TOTAL 45 000
BOULOGNE + 5 000
= 50 000" [79]
(101) De même que la lettre suivante :
"ADALATE LP - code TE 360
L'agence de BOULOGNE a besoin de constituer un stock de 8 000 à 9 000 ADALATE LP par semaine.
Vous voudrez bien ESSAYER de constituer ce stock en ajoutant les quantités ci-après à vos besoins.
Cependant, compte tenu des quotas mensuels attribués par Bayer pour nous empêcher (illégalement) d'exporter, vous n'expédiez à Boulogne que si vos besoins mensuels sont assurés.
(...)" [80]
CERP Rouen adresse tout au long de 1992 le même type de lettre à ses agences.
iii) Le cas de CERP Lorraine
(102) CERP Lorraine a utilisé le même mécanisme, ainsi que l'ont expliqué oralement ses dirigeants lors de la vérification dans ses locaux. Dans un rapport interne de CERP Lorraine, l'extrait suivant confirme :
"(...) Bien que je ne voie pas d'issue favorable à court terme concernant les approvisionnements de Bayer (nous réussissons à obtenir quelques minimes quantités du produit par les agences), je pense que le budget devrait pouvoir être réalisé à la fin de l'exercice." [81]
iv) Le cas d'OCP
(103) OCP a utilisé le même système, ainsi que l'ont expliqué oralement ses dirigeants durant la vérification.
1.5. Résultats
(104) Les grossistes ne parviennent à se faire livrer que des quantités peu importantes qui ne couvrent pas leurs besoins. La méthode de répartition des commandes sur les agences locales ne permet pas de suivre la demande réelle. Elle occasionne en outre des frais supplémentaires de manutention, gestion et transport. Les clients des grossistes finissent par se décourager et la demande en provenance du Royaume-Uni cesse.
(105) Le document "Situation export au 30. 6. 1992" montre à titre d'exemple les pertes subies par CERP Lorraine du fait de l'obstruction de Bayer France :
"A la mi-exercice, la situation export en termes de CA est en retrait par rapport au budget prévisionnel tel qu'il avait été établi.
CA budgété (...)
CA réalisé (...) soit (...) (- 5,06 %)
Cette différence s'explique principalement (pour ne pas dire uniquement) par les difficultés d'approvisionnement que nous rencontrons depuis début janvier auprès des laboratoires Bayer qui font obstruction aux livraisons d'ADALATE LP 20 mg (cf. ma note de janvier après mon entrevue avec M. Giraldi à Sens chez Bayer).
En effet, nos besoins mensuels minimaux sont de (...) boîtes soit (...) boîtes sur ces 6 derniers mois, or, nous avons été livrés de 10 000 boîtes en janvier et 7 500 boîtes par mois depuis février, soit 55 000 au total d'où une différence de (...) boîtes. Ces (...) boîtes représentent un manque à gagner de (...) (commandes non honorées).
Ceci signifie également que, malgré ces difficultés, nous avons réussi à compenser une partie de cette différence puisque nous ne sommes pas en retard de (...) MF sur l'objectif mais de (...) MF. Aussi, bien que je ne voie pas d'issue favorable à court terme concernant les approvisionnements de Bayer (nous réussissons à obtenir quelques minimes quantités du produit par les agences), je pense que le budget devrait pouvoir être réalisé à la fin de l'exercice." [82]
(106) Pour CERP Rouen, la demande alla jusqu'à 50 000 boîtes par mois début 1992. CERP Rouen ne fut en mesure de couvrir cette demande qu'à hauteur de 7 000 boîtes grâce à la demande augmentée sur la France (cf. considérant 99).
(107) Pour OCP, la demande alla jusqu'à 80 000 boîtes par mois. OCP fut livrée dans des proportions minimes. Le fax cité au considérant 91 montre qu'OCP a été livrée de 15 000 boîtes en février 1992 (pour une demande de 50 000 boîtes) et de 5 000 boîtes en mars (pour une demande de 50 000 boîtes). Le document suivant donne un exemple des pertes subies par OCP :
"(...) Nous vous rappelons que nous perdons un CA achat mensuel de (...) mio F ainsi que des clients potentiels. (...)" [83]
(108) La situation se présente de façon semblable en Espagne. Les documents repris ci-après décrivent ce qui s'est passé en Espagne et éclairent utilement la situation française.
2. Le cas de l'Espagne
2.1. Identification par Bayer Espagne des clients exportateurs
(109) La Commission a trouvé dans les locaux de Bayer France un document émanant de Bayer Espagne contenant une description complète du système utilisé par Bayer Espagne pour identifier parmi ses clients ceux qui exportent. Le document indique qu'un manager de Bayer Espagne est venu chez Bayer France pour faire une conférence d'information sur le sujet : "Système de contrôle de la distribution (Espagne)" [84].
Les transparents de la conférence commencent par poser le problème :
"Le problème
- Le volume des commandes d'ADALAT augmente jusqu'à 300 % en quelques semaines
- Ruptures de stock
- Une distribution uniforme dans tout le pays n'est pas garantie
- Mécontentement des grossistes/organisation des ventes intérieures et extérieures : pharmaciens
- Perturbation du rythme de production due à des besoins pressants d'ADALAT." [85]
Suivent des indications sur la façon dont Bayer Espagne procède pour résoudre ce problème :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
Certains éléments du système sont particulièrement importants :
"Très important
- Discuter (pas d'informations écrites) les limites assignées avec les grossistes concernés, afin d'éviter les problèmes juridiques
- Livraison hebdomadaire afin d'éviter une accumulation de produits dans les entrepôts des grossistes (des exportations de petites quantités ne sont pas intéressantes)
- Le service "Distribution" (au niveau inférieur de la hiérarchie) donne toujours les mêmes renseignements : rupture de stocks en raison d'une forte augmentation des ventes
- Informer l'organisation des ventes de la société
- Nommer un responsable pour les contacts directs (appel et visites) avec les grossistes.
Les grossistes, représentants, directeurs régionaux et directeurs des ventes, ainsi que les pharmacies, appelleront continuellement pour obtenir une révision des limites fixées." [87]
Les transparents montrent comment fonctionne le système dans la pratique :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
A la fin de la conférence, des exemples sont donnés afin de bien faire comprendre comment les commandes des clients sont évaluées et traitées :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
Liste des grossistes espagnols à participation étrangère
- Hermandad Fca. del Mediterráneo (HEFAME) - Pologne
- HUFASA - Séville (CERP)
- Genové - Barcelone (CERP)
- Centro Europeo de Reparto - Palma de Majorque (CERP)
- Centro Europeo de Reparto - Barcelone (CERP)
- Sisenz Gurb-Vic (CERP)
- Union Fca. Guipuzcoana - San Sebastian (OCP)
- Centro Fco. Del Norte - Santander (OCP)
- Centro Fco. Asturiano - Oviedo (OCP)
Autres exportateurs
- Coop. Fca. Española (COFARES) - Madrid
- SAFA - Saragosse
- Galenica - Barcelone
- Grupo J.J. (Farmacén, Olmeda y Vinuesa, Sefarma, Dimafar y S. Ortiz)
- Hermandad Fca. Del Mediterráneo - Murcie
- Centro Coop. Farmacéutica - Valence
- Compañia Fca. Madrileña - Madrid
- Centro Fco. Nacional, SA - Madrid" [89]
2.2. Arrêt des livraisons aux clients identifiés
(110) Le document suivant (4 avril 1989) indique clairement que Bayer Espagne procède depuis longtemps à l'arrêt des livraisons aux grossistes exportateurs identifiés comme tels :
"EXPORTATIONS PARALLELES ADALAT 50 - ADALAT RETARD
- Il a été convenu de limiter, dans la mesure du possible, les ventes aux quatre grossistes exportateurs identifiés jusqu'à présent.
- Le programme de vente au P3 sera porté à :
200 000/mois pour ADALAT 50 capsules.
130 000/mois pour ADALAT RETARD 60.
- Il a été convenu de créer un stock spécial (pour la comptabilité, entrepôt Felguera) de 50 000 unités pour les deux spécialités, en maintenant le stock théorique habituel à quatre et six semaines respectivement.
Le stock spécial sera mis à jour chaque mois en passant commande à l'unité de production (P3).
- La distribution permettra de détecter toute anomalie relative aux quantités commandées." [90]
Cette lettre, signée du manager qui a fait la conférence d'information en France sur le système de contrôle de la distribution en Espagne (cf. supra considérant 109), a été transmise à Leverkusen.
(111) Un mémorandum (toujours signé du même manager) indique en 1991 :
"Modification listing CLI 208
Contrôle des ventes d'ADALAT
Il y a environ deux mois, nous avons demandé oralement la modification du listing quotidien qui, lorsqu'un nouveau mois commence, continue à répertorier les quantités du mois précédent.
A plusieurs reprises, ces informations erronées ont suscité des discussions avec des grossistes qui, bien évidemment, ne pouvaient confirmer les données dont nous faisions état.
Il n'est pas nécessaire de souligner à quel point il est important de pouvoir disposer d'informations correctes pour pouvoir bien gérer une question aussi compliquée, en ce qui concerne les clients et PH Allemagne.
Je te prie de bien vouloir prendre toutes les mesures nécessaires pour modifier immédiatement le programme." [91]
2.3. Réaction des grossistes devant l'obstruction de Bayer Espagne
a) Prise de conscience par les grossistes de l'objectif véritable de Bayer Espagne
(112) Les grossistes savaient que Bayer Espagne voulait empêcher les exportations parallèles. Le cas des quatre grossistes étudié ci-après est révélateur : le groupe des filiales espagnoles du groupe français CERP Rouen, Comercial Genové, HUFASA et DISDASA (environ 4 % du marché), le groupe SAFA, GALENICA, DFM (regroupées au sein de SAFA, environ 6,5 % du marché), Hermandad Farmacéutica del Mediterráneo (HEFAME, environ 6 % du marché) et COFARES (le plus important grossiste en Espagne, avec 20,6 % du marché). Ces grossistes représentent à eux tous environ 40 % du marché espagnol et sont les principaux grossistes sur ce marché, qui a une structure extrêmement dispersée (environ 200 grossistes en Espagne, dont la plupart agissent sur un marché purement local et très restreint).
i) Le cas du groupe Comercial Genové, HUFASA et DISDASA (filiales espagnoles du groupe CERP Rouen)
(113) Dès le premier semestre de 1989, Comercial Genové indique dans son rapport de gestion :
"Les exportations ont enregistré une baisse (... millions) due essentiellement aux limitations imposées par (...) et par Bayer dans les livraisons d'ADALAT RETARD et (...)." [92]
Les rapports de gestion des années suivantes donnent régulièrement la même information. Le texte de ces rapports sera cité plus loin dans l'évaluation des résultats (considérant 132) obtenus par Bayer Espagne.
(114) Comercial Genové est en contact permanent avec les autres entreprises dans lesquelles CERP Rouen a des participations, par exemple HUFASA. HUFASA a eu une réunion avec les dirigeants de Bayer Espagne pour tenter d'obtenir des livraisons. Un compte-rendu interne de cette réunion qui a eu lieu fin 1989 indique :
"A la suite du dernier entretien avec les dirigeants de Bayer, ceux-ci ont déclaré qu'ils ne pouvaient pas accepter les quantités demandées par HUFASA, d'une part parce qu'elles représentent 50 % du marché national, d'autre part parce qu'elles sont très supérieures à celles d'autres entreprises de la même zone (...). Ceci les faisait supposer qu'une proportion importante des produits était destinée à l'exportation. (...)" [93]
La suite de ce compte rendu montre que HUFASA a négocié durement pour obtenir livraison de quantités plus importantes en arguant d'une forte demande intérieure. Ce passage sera repris plus loin (considérant 127), dans l'étude des systèmes mis en place par les grossistes pour être livrés malgré l'obstruction de Bayer Espagne.
(115) De nombreux documents échangés entre Comercial Genové et CERP Rouen, sa maison mère en France, montrent que les motivations de Bayer Espagne étaient parfaitement connues :
"Je veux avoir chaque semaine pour l'ADALATE et (...) la copie des bons de commande aux laboratoires ainsi que les bons de livraison correspondant à ces commandes.
J'essaie de monter un dossier solide à l'encontre des labos (...)." [94]
"Faisant référence à votre fax de ce jour concernant les laboratoires (...) et Bayer, je vous donne ma parole que je tente l'impossible pour obtenir un approvisionnement supérieur à nos besoins.
Ces laboratoires refusent de considérer tout raisonnement que ce soit. Ils savent que les quantités qu'ils nous livrent sont suffisantes pour couvrir les besoins du marché espagnol amplement. (...)" [95]
<EMPLACEMENT TABLEAU>
(...)
Vous trouverez ci-dessus la situation consternante des rentrées de marchandises des 3 derniers mois. Pour l'ADALAT, je sais que le nouvel interlocuteur chez Bayer n'arrange rien mais il n'est rien rentré à Disdasa et Genové depuis début juin. (...)" [96]
(116) Les documents suivants montrent que les livraisons n'ont pas lieu :
"ACHATS EXPORT POUR L'ANGLETERRE
Depuis ma note du 13. 8. 1990, nous aurions dû constater des rentrées de marchandises vers le 20 du mois à DISDASA, GENOVE, HUFASA.
Or, nous avons la situation suivante :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
(...)
N.B. : Depuis la dernière date indiquée, aucune autre livraison ne nous a été signalée." [97]
"Achats export pour l'Angleterre
Si les problèmes avec Bayer sont toujours les mêmes, ce n'est pas le cas pour (...) (...) Pour mémoire, je rappelle les quantités d'ADALAT livrées en septembre et octobre." [98]
(Suivent les quantités, soit nulles soit minimes par filiale).
"Je suis fatiguée d'entendre toujours la même chanson dès que nous transmettons une nouvelle demande en Espagne.
A part des oranges et des fraises, je me demande ce que l'Espagne est capable d'exporter.. .." [99]
(117) Enfin, cette lettre :
"Merci de me faire la liste des laboratoires qu'on vous a demandés et pour lesquels le labo a dit "pas possible pour exportation", bref tous les fournisseurs à problèmes.
urgent" [100]
La réponse est la suivante.
"L'unique laboratoire qui nous a dit "pas possible pour exportation" est comme vous le savez : (...). Les autres, quand nous demandons un produit de vente trop petite dans notre marché ou bien que le produit se vende très bien en Espagne, ils comprennent que si la demande est superieure à notre besoin normal, sera pour exportation. Ces laboratoires avec problèmes sont :
Bayer
(...)
Au contraire, (...) nous donnent tout ce que nous demandons." [101]
(118) Dans ses relations avec ses clients, Comercial Genové donne parfois une explication pour s'excuser de ne pas pouvoir livrer :
"(...) En raison de la difficulté que nous éprouvons à nous faire livrer par ces laboratoires, nous avons attendu jusqu'à maintenant pour voir si nous pouvions obtenir des quantités plus importantes de ces produits.
Toutefois, la situation actuelle est la suivante :
nous ne pouvons pas accepter de nouvelles commandes pour ADALAT ni (...)." [102]
"(...) Malheureusement, nous ne pouvons vous livrer aucun des deux produits, les producteurs contrôlant nos commandes.
Bayer et (...) ne souhaitent pas voir leurs produits espagnols apparaître dans d'autres pays, et ils ne nous livrent donc pas les quantités dont nous avons besoin. Nos stocks couvrent uniquement notre propre marché." [103]
"(...) Je regrette d'avoir à vous dire que nous serons dans l'impossibilité de vous livrer les produits mentionnés. Les producteurs ne livrent que de petites quantités d'ADALAT, (...) ainsi que de (...)." [104]
ii) Le cas de GALENICA
(119) La Commission a obtenu lors de la vérification chez GALENICA des documents montrant que cette société connaissait les motivations de Bayer :
"Nous sommes très préoccupés par le fait que les relations commerciales avec votre société deviennent de plus en plus difficiles en raison de l'impossibilité dans laquelle vous êtes de couvrir nos besoins en ADALAT RETARD.
Pourriez-vous avoir l'obligeance de nous expliquer pourquoi vous ne pouvez pas couvrir nos commandes." [105]
La réponse de Galenica est la suivante :
"Je (...) regrette de ne pas pouvoir fournir à votre société les quantités d'ADALAT retard commandées.
La raison en est que le laboratoire qui le produit (Bayer) ne nous fournit pas les quantités que nous commandons, parce qu'il veut éviter toute exportation de ce produit. Il ne nous livre donc que les quantités qu'il estime nécessaires au marché intérieur." [106]
iii) Le cas de HEFAME
(120) Chez HEFAME, des explications ont été données à des clients mécontents au Royaume-Uni. Les documents les plus explicites en ce sens sont les suivants :
"Nous connaissons actuellement en Espagne un très gros problème en ce qui concerne ADALAT, (...), car Bayer et (...) ne nous livrent pas (...)." [107]
"Je suis désolé en ce qui concerne votre fax, mais nous connaissons actuellement en Espagne des problèmes, en ce qui concerne les exportations parallèles, avec ADALAT 10 mg, RETARD 40, RETARD 60 et aussi (...).
La situation actuelle est la suivante :
En ce qui concerne ADALAT, les prévisions sont très difficiles.
(...) Je peux actuellement vous livrer 1 000 x 50 ADALAT 10 mg.
Je comprends que ces nouvelles ne vous réjouissent guère, mais tout a changé en un an et les exportations parallèles sont devenues trop importantes, de même que le contrôle des multinationales." [108]
"Bayer et (...) : entraves au libre-échange
Depuis un certain temps déjà, nous connaissons de sérieuses difficultés pour obtenir des quantités suffisantes d'ADALAT RETARD, (...) et (...) en Espagne.
Je reconnais que notre deuxième fournisseur a, lui aussi, de graves problèmes.
Il semble qu'une fois de plus, Bayer et (...) fassent tout leur possible pour limiter leurs stocks disponibles aux besoins présumés de l'Espagne, entravant ainsi la libre circulation des marchandises au sein de la CE.
Vous est-il possible d'engager une action contre ces sociétés? Si vous ne pouvez pas nous garantir que, dans un proche avenir, vous serez en mesure d'obtenir des quantités suffisantes pour répondre à nos besoins, nous devrons, à notre grand regret, commencer à nous fournir en Italie ou en France." [109]
iv) Le cas de COFARES
(121) COFARES a fait, durant la vérification effectuée dans ses locaux, la déclaration suivante :
"- Les exportations de COFARES par rapport à son chiffre d'affaires total sont négligeables, compte tenu des difficultés suscitées par certains laboratoires (notamment Bayer) pour livrer des produits destinés à l'exportation .
- En sa qualité de directeur des achats, lorsque Bayer a fixé un contingent d'ADALAT pour COFARES qui, initialement, était tout à fait insuffisant pour couvrir les besoins de son marché national, il les a avertis qu'il pourrait éventuellement porter plainte pour ces restrictions des ventes. Bayer a alors livré à COFARES des quantités suffisantes pour couvrir la consommation nationale de ce produit." [110]
Il ressort de cette déclaration que COFARES s'est pliée à l'exigence de Bayer Espagne de rester sur son marché national.
b) Les grossistes s'organisent pour tenter d'être livrés
i) Le cas de HEFAME
(122) Cette société a organisé un système d'approvisionnement en concluant des accords avec d'autres petits grossistes et des pharmaciens qui lui rétrocédaient l'ADALAT qu'ils avaient pu obtenir sur leurs commandes officiellement destinées à l'Espagne. Ces petits grossistes, au marché purement local, ne figuraient pas parmi les grossistes contrôlés par les services de Bayer Espagne. Ce système devait permettre à HEFAME d'obtenir de l'ADALAT pour l'exportation. Le dossier contient sur ce point un accord conclu entre HEFAME et un petit grossiste stipulant notamment :
"PROTOCOLE DE COLLABORATION POUR LES MARCHES EXTERIEURS
(...) TROISIEMEMENT. En dépit de ce qui précède, "HEFAME", compte tenu de la demande de ses clients étrangers et de son désir de pénétrer sur de nouveaux marchés, souhaite obtenir, pour l'exportation, des produits nouveaux ou de plus grandes quantités des produits qu'elle diffuse actuellement.
QUATRIEMEMENT. En outre, (...) est disposé à apporter au service "exportations" de "HEFAME" de nouveaux produits ou des quantités supplémentaires importantes de produits déjà existants, qui pourraient répondre, en grande partie, aux besoins des clients étrangers de "HEFAME" et faciliter l'introduction de "HEFAME" sur de nouveaux marchés ou l'apport de nouveaux clients.
(...)
ACCORDS
(...)
III. Comme premier point de la collaboration mise en place par le présent accord, (...) s'engage à apporter son aide, en fournissant les produits, dans les quantités dont elle pourra disposer, qui permettront à "HEFAME", en venant s'ajouter à ses propres produits, de livrer normalement et régulièrement, et dans les quantités requises, ses clients étrangers. Afin d'aider (...) à respecter cet engagement, "HEFAME" sera tenue de l'informer régulièrement, dans les délais requis, des quantités de produits dont elle a besoin pour les livraisons à ses clients, en lui signalant également, toujours dans les meilleurs délais, quelles sont ses disponibilités pour répondre aux commandes en question.
IV. (...)
V. (...)
VI. (...)
Quand des produits difficiles à obtenir (par exemple ADALAT) figurent dans une commande à côté de produits faciles à obtenir, le service "exportations" de Hefame s'engage à demander à (...) et à inclure dans la commande à exporter une quantité de ces produits éventuels égale à l'apport par (...) des produits difficiles à obtenir, conformément au point IV du présent protocole. (...)" [111]
(123) Le même type d'accord est conclu avec un petit grossiste placé sur un marché purement local et qui n'est donc pas parmi les entreprises contrôlées par Bayer Espagne.
"Un rapport de collaboration pour le commerce extérieur a été engagé entre les deux sociétés, selon les mêmes termes que l'accord entre Hefame et (...)." (grossiste cité au considérant 122). [112]
(124) La Commission est en possession d'un certain nombre de lettres montrant que l'accord est appliqué : commandes passées par HEFAME au petit grossiste, modalités de livraison, fax indiquant les quantités demandées, parfois sous la forme
"(...) Notre commande est la suivante : tout l'ADALAT RETARD que vous pouvez fournir(...)." [113]
Enfin, la Commission est en possession de documents relatifs à des commandes passées par HEFAME à d'autres petits grossistes par l'intermédiaire desquels HEFAME est parvenue à rassembler de petites quantités d'ADALAT.
Peu de temps après la mise en place de cette coopération entre HEFAME et d'autres grossistes, Bayer Espagne identifie (cf. considérant 109, système informatisé d'identification des grossistes exportateurs) ces autres grossistes qui se font livrer des quantités anormalement élevées par rapport à leurs besoins "normaux" sur le marché espagnol, se met à les contrôler et ne les livre plus qu'à hauteur de leurs besoins pour le marché local.
ii) Le cas de Comercial Genové, HUFASA et DISDASA
(125) Comercial Genové est, comme il a été dit plus haut, une filiale espagnole du groupe français CERP Rouen. Le cas de CERP Rouen a été décrit en détail aux considérant 97 à 101.
(126) Chez Comercial Genové ont été trouvés des documents montrant que CERP Rouen a utilisé ses filiales espagnoles, Comercial Genové, HUFASA et DISDASA pour répondre à la demande britannique. CERP Rouen s'est donc comportée comme un groupe international qui utilisait toutes les possibilités tant en France qu'en Espagne pour se faire livrer les quantités nécessaires pour ses clients britanniques. Dans ce système, les filiales espagnoles ont été utilisées de la même façon que les agences régionales françaises : elles ont été priées d'augmenter de façon plausible leurs commandes pour le marché espagnol et les montants ainsi réunis ont été fournis aux clients britanniques pour le compte de CERP Rouen. La lettre suivante de CERP Rouen aux responsables des achats des trois filiales confirme ce mécanisme qui a été décrit par les dirigeants de Comercial Genové durant la vérification :
"EXPORT
Les vacances sont enfin finies et j'espère que nous allons retrouver des livraisons normales pour nos 3 "produits-pièges" : pouvez-vous reprendre le planning de départ et essayer d'obtenir ces quantités. Je refuse tout autre client car je préfère ne pas augmenter le nombre des mécontents.
Il nous faudrait via GENOVE, HUFASA et DISDASA :
100 000 ADALAT RETARD Bte 60 ou 40
(...)
CHAQUE MOIS pour satisfaire nos deux clients principaux : (...)
Je demande à (...) de me transmettre, quand elle aura vu le problème avec (...) et (...), les prévisions d'achats pour DISDASA et GENOVE et à (...) pour les agences HUFASA. Essayons de faire mieux en profitant de la rentrée." [114]
Ce document prend tout son sens s'il est replacé dans le contexte du système de répartition des commandes utilisé en France : les mécanismes en sont semblables, DISDASA et Genové sont de petites structures; HUFASA, plus puissant, répartit ses commandes sur ses différentes agences.
(127) Un compte-rendu d'une réunion de HUFASA avec Bayer Espagne explique que cette société a négocié durement avec Bayer Espagne pour faire admettre à celle-ci que les besoins nationaux étaient élevés et qu'il fallait les satisfaire. HUFASA accepte donc pleinement les arguments de Bayer Espagne : il faut se concentrer sur les ventes nationales. Le compte-rendu est cependant explicite : cette négociation menée chez Bayer Espagne sur des arguments de marché intérieur n'est qu'un moyen pour HUFASA d'obtenir des quantités destinées à l'exportation :
"A la suite du dernier entretien avec les dirigeants de Bayer, ceux-ci ont déclaré qu'ils ne pouvaient pas accepter les quantités demandées par HUFASA, d'une part parce qu'elles représentent 50 % du marché national, d'autre part parce qu'elles sont très supérieures à celles d'autres entreprises de la même zone (...). Ceci les faisait supposer qu'une proportion importante des produits était destinée à l'exportation.
Face à ces affirmations, j'ai indiqué qu'HUFASA avait besoin de quantités importantes d'ADALAT parce que :
- ils se basent pour HUFASA sur l'exercice 1988, où on a observé une diminution importante des achats due à la crise de la compagnie,
- comme ils livrent des quantités inférieures aux besoins réels, il faut commander plus pour pouvoir constituer un stock, puisque ceci a été impossible jusqu'à présent dû aux petites quantités livrées, lesquelles nous ont obligés à afficher des manquants dans les commandes,
- en ce moment non seulement on a récupéré le marché mais aussi on se maintient au-dessus du niveau de 1987, année qui peut être considérée comme normale pour HUFASA.
Considérant ces arguments et une position très ferme vis-à-vis de Bayer, il a été accepté de nous fournir davantage d'ADALAT RETARD dans des quantités semblables à celle de (...) bien qu'ils ne puissent pas nous fournir tout ce que nous demandions par manque de matière première fournie depuis l'Allemagne.
Les quantités demandées furent :
AR 40 29 700
AR 60 19 200
AN 66 300
Bayer s'est engagé à livrer l'ADALAT nécessaire, bien que sans s'engager quant à ces chiffres qu'ils considèrent très élevés. J'ai demandé ces quantités en prenant en compte les renseignements donnés par (...) et en les augmentant de 30 %.
Après avoir commenté avec (...) que Bayer ferait de son mieux pour fournir des quantités importantes d'ADALAT mais sans parvenir aux quantités demandées, j'ai demandé à (...) qu'il réduise légèrement les quantités commandées à Bayer, puisqu'ils ne tenaient pas compte de ce que nous commandions et que nous étions parvenus à un accord avec Bayer pour maintenir des livraisons plus importantes d'ADALAT, il convenait de ne pas faire apparaître des chiffres qui ne seraient pas acceptés comme possibles pour Hufasa et qui dénonçaient l'intérêt pour réaliser un volume important d'exportations. Pour cette raison, j'ai considéré qu'il était plus important d'obtenir un volume d'ADALAT pour des exportations avec des chiffres très crédibles plutôt que de maintenir un chiffre très élevé de commandes mais qui ensuite ne soient pas livrées. L'important, c'est ce qu'on obtient, pas ce qu'on commande. Ceci est sans doute la raison pour laquelle (...) commande moins que prévu." [115]
(128) La lettre suivante de CERP Rouen à ses filiales espagnoles répond à la même préoccupation : il faut négocier durement avec Bayer :
"MARCHANDISES DESTINEES A L'EXPORTATION
Je sais que nous traversons actuellement une période difficile, mais les quantités de marchandises qui entrent en ce moment sont plus faibles que jamais et il ne me semble pas que les interventions auprès des laboratoires se soient multipliées afin que la situation s'améliore.
Depuis début mars, elle continue à se dégrader. Je souhaiterais que les responsables interviennent personnellement auprès des laboratoires (... Bayer et ...) et me tiennent directement informée. Les laboratoires (...) ne peuvent être en faillite tous ensemble.
Je regrette de devoir intervenir encore une fois, mais nous avons besoin de ce volume de ventes." [116]
(129) Les documents suivants confirment les efforts entrepris :
"Faisant référence à votre fax de ce jour concernant les laboratoires (...) et Bayer, je vous donne ma parole que je tente l'impossible pour obtenir un approvisionnement supérieur à nos besoins.
Ces laboratoires refusent de considérer tout raisonnement que ce soit. Ils savent que les quantités qu'ils nous livrent sont suffisantes pour couvrir les besoins du marché espagnol amplement." [117]
Dans la lettre citée supra (considérant 117), qui faisait la liste des laboratoires qui entravent le commerce parallèle, la fin de cette lettre montrait que Comercial Genové tente tout de même de se faire livrer, en utilisant le système de l'augmentation plausible pour Bayer Espagne de la demande espagnole et en recevant, sans toutefois préciser comment, de la marchandise de DISDASA, une autre filiale du même groupe (ce mécanisme a été expliqué supra aux considérant 97 à 101 pour CERP Rouen) :
"(...) si nous voulons un produit qui se vend bien à notre marché, il se pourra commander entre les commandes habituelles, mais s'il est rare, nous ne pourrons pas dissimuler.
D'autre part, DISDASA nous donne marchandise." [118]
iii) Le cas de GALENICA
(130) GALENICA a également confirmé oralement aux agents de la Commission qu'elle a eu des difficultés à se faire livrer. De plus, des "résumés des produits "difficiles" [119] ont été trouvés lors de la vérification dans ses locaux. Ces résumés se présentent comme suit :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
Compte tenu du contexte et des pratiques des autres grossistes déjà étudiées en détail, ce document montre que les commandes de GALENICA étaient réparties sur les trois sociétés du groupe afin d'obtenir une quantité raisonnable de produit.
iv) Le cas de COFARES
(131) Lors des réponses apportées par COFARES aux questions des agents de la Commission durant la vérification dans les locaux de cette entreprise, COFARES a indiqué qu'elle a préféré se concentrer sur le marché intérieur, compte tenu des pressions de Bayer Espagne (cf. supra considérant 121).
2.4. Résultats
a) L'exemple de Comercial Genové
(132) Le rapport de gestion de Comercial Genové pour le premier semestre de 1989 indique :
"(...) Les exportations ont baissé (... millions), essentiellement en raison des contingentements imposés par (...) et Bayer pour les livraisons d'ADALAT RETARD et (...).
On constate un important déséquilibre dans les exportations, puisqu'il était prévu qu'elles s'éleveraient à (...) millions et qu'elles ont été en fait de (...), en raison des problèmes de fournitures des produits mentionnés précédemment." [121]
Le rapport de gestion de Comercial Genové pour 1990 indique :
"En ce qui concerne les exportations, il est de plus en plus difficile d'obtenir les produits nécessaires pour couvrir la demande, et leur chiffre est donc plus faible que l'année dernière. C'est pourquoi l'effort de vente a été réalisé essentiellement sur le marché intérieur." [122]
Le rapport de gestion de Comercial Genové pour 1991 indique :
"Le marché national a évolué de façon satisfaisante, avec une croissance de 25,2 %, tandis que le marché à l'exportation a connu une forte baisse (-25,8 %), en raison des difficultés persistantes suscitées par les laboratoires pour la livraison de produits destinés à l'exportation." [123]
(133) Plusieurs documents au dossier montrent d'autre part que Comercial Genové refuse des commandes en provenance de clients britanniques, par exemple cette lettre :
"Nous regrettons de ne plus pouvoir accepter d'autres commandes pour l'ADALAT, l'ADALAT RETARD, (...), tant que la situation n'aura pas été clarifiée en Espagne." [124]
(134) De même, les factures recueillies durant la vérification montrent que les livraisons sont rares et difficiles.
b) L'exemple de Galenica
(135) Durant la vérification, des listes des produits "difficiles" par mois ont été recueillies pour la période février 1991 à août 1993. Ces listes montrent que les livraisons d'ADALAT étaient minimes (quelques centaines de boîtes par mois, souvent pas de livraison du tout).
c) L'exemple de HEFAME
(136) Les dirigeants d'HEFAME ont indiqué, suite aux questions des agents de la Commission durant la vérification, que les livraisons d'ADALAT ont été réduites de manière drastique à partir de 1989.
d) L'exemple de COFARES
(137) A la demande des agents de la Commission, COFARES a fourni un tableau récapitulatif de ses ventes à l'export depuis 1989, ventes qui se maintiennent à un niveau minime :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
COFARES a accepté la règle imposée par Bayer Espagne en demeurant strictement sur le marché national espagnol.
3. Le cas du Royaume-Uni : identification de la source des importations parallèles arrivées au Royaume-Uni
(138) Un mémorandum interne de Bayer UK du 26 juillet 1990 indique que :
"Comme suite à nos récents entretiens concernant le pays d'origine des importations parallèles d'ADALAT et les différences de prix en Europe, j'ai examiné les données suivantes, que je joins à la présente :
1. Comparaison des prix de l'ADALAT en Europe (source : Bayer Leverkusen/Information Marketing).
2. Données IMS (BPI Avril 1990).
3. Taylor Nelson parallel Imports Monitor - données sur les pays d'origine (graphiques).
J'ai utilisé les informations sur les prix pour comparer les prix, en fonction des conditionnements, avec les prix britanniques correspondants, dans le but d'identifier la source la plus probable pour chacun d'entre eux et les différences de prix y afférentes. J'ai également indiqué les données sur les importations parallèles d'ADALAT de l'IMS pour la période de 12 mois prenant fin en avril 1990, afin de voir quels sont les conditionnements importés parallèlement que l'on trouve le plus fréquemment au Royaume-Uni.
L'analyse des données montre ceci :
ADALAT RETARD 20
Les boîtes de 30 comprimés ont constitué la plus grande partie des importations parallèles d'ADALAT retard au cours de la période considérée. Les sources les moins chères semblent être la France et la Grèce.
Les boîtes de 60 comprimés ne semblent être disponibles qu'en Espagne, à des prix très inférieurs (indice 66). Les importations de ce type de boîtes se sont élevées à 2,4 millions de livres sterling (prix NHS) au cours de la période concernée.
Cela correspond très bien aux tendances relatives aux pays d'origine indiquées par les données Taylor Nelson (voir graphique). La France et l'Italie constituent une source d'approvisionnement régulière, bien que fluctuante, pour les importations parallèles, et l'Espagne a fortement augmenté sa participation en 1989, puisque c'est de ce pays que proviennent probablement l'ensemble des boîtes de 60 comprimés.
ADALAT 5 mg
Les importations parallèles d'ADALAT 5mg ne représentent qu'une très faible part des importations parallèles totales. C'est la boîte de 50 comprimés qui sera probablement la plus importée, et c'est au Portugal et en Belgique qu'elle est la moins chère.
ADALAT 10 mg
La plupart des importations parallèles d'ADALAT 10 mg effectuées au cours de la période considérée l'ont été sous forme de boîtes de 50 comprimés. Les pays européens les moins chers pour ce type de produits sont actuellement l'Espagne et le Portugal, l'Italie et la Belgique pratiquant également des prix inférieurs à ceux du Royaume-Uni.
Les boîtes de 30 comprimés sont également importées de façon parallèle. Elles sont beaucoup moins chères en France.
Les données Taylor Nelson confirment ce tableau, dans une large mesure, et l'on voit à nouveau l'Espagne gagner du terrain en 1989.
Il convient bien sûr de noter que les importations parallèles sont toujours susceptibles de connaître des fluctuations, les taux de change jouant à cet égard un rôle vital. Il est également clair que les types de conditionnements en stock peuvent varier selon les périodes.
J'espère que ces informations présentent de l'intérêt pour vous." [126]
(139) De nombreux autres textes donnent le même type d'information :
"(...) Le niveau des importations parallèles est actuellement de 35,34 % (chiffre ne comprenant pas l'ADALAT RETARD 10).
(...) Les importations parallèles totales d'ADALAT, selon cette source (Scriptcount PI monitor), sont actuellement de 51,13 %. Toutefois, ces données ne tiennent pas compte de Boots et elle ne constitue donc qu'une indication de tendance.
La Belgique reste le principal pays d'origine pour l'ADALAT 10 mg (30 %), suivie par l'Italie (28 %) et par l'Espagne (21 %). Pour l'ADALAT RETARD 20, la plus grande partie des importations parallèles viennent de Grèce (43 %), suivie par la France (19 %) ainsi que par l'Italie et l'Espagne (10 % chacune)." [127]
(140) Une lettre de Bayer UK à Bayer AG (Region 2) du 27 juin 1991 indique :
"Veuillez trouver ci-joint des brochures d'information des patients et des boîtes vides d'ADALAT RETARD, qui ont été découvertes dans les locaux de l'importateur parallèle au Royaume-Uni (...). D'après notre source, environ 8 000 brochures concernant l'ADALAT RETARD espagnol ont été trouvées. Selon le Dr Ebsworth, l'Espagne a réussi à contrôler la plus grande partie de son produit et les numéros de lots figurant sur les trois boîtes pourraient mener aux grossistes espagnols exportant vers le Royaume-Uni. Veuillez me tenir informé de l'évolution de la situation." [128]
(141) Un mémorandum du 5 mai 1992 indique :
"Objet : IMPORTATIONS PARALLELES
Comme suite à votre demande, veuillez trouver ci-joint les données sur les importations parallèles, par pays d'origine, depuis janvier 1991.
Tant la France que la Grèce continuent à se tailler la part du lion, et il n'y a pas le moindre signe de ralentissement." [129]
4. Résultats
4.1. Plaintes des grossistes non livrés
(142) Le 2 février 1990, Bayer Espagne transmet à Leverkusen par fax la lettre suivante du grossiste HEFAME.
"Je suis très étonné qu'en cette nouvelle année, les livraisons d'ADALAT, sous toutes ses formes, n'aient pas repris leur cours normal.
J'aimerais beaucoup que vous nous fassiez savoir par écrit quelles sont les raisons de ces constantes ruptures de stock et du sous-approvisionnement du marché pour les produits en cause, afin de pouvoir les communiquer, le cas échéant, aux autorités espagnoles de la santé.
Notre société, HEFAME, avec ses 12 succursales qui couvrent pratiquement la moitié du territoire espagnol, a certainement pour vous une importance telle que vous résoudrez au plus vite ces difficultés de livraisons.
J'espère que vous tiendrez compte, à l'avenir, de tout ce qui vient d'être dit et que nous retrouverons un rythme de livraisons normal." [130]
(143) Un mémorandum interne de Bayer Espagne en date du 21 mai 1990 montre clairement que COFARES, le plus important grossiste espagnol, demande des explications sur les livraisons restreintes qu'il reçoit :
"Arguments pour la discussion avec COFARES sur le thème : "Réductions des livraisons d'ADALAT et ADALAT RETARD"
A compter du premier trimestre 1989, la demande d'ADALAT et d'ADALAT RETARD a été plus importante que les besoins du marché espagnol. Les commandes que nous avons reçues étaient supérieures de 50 % à 100 % à la normale. Nous avons calculé le besoin de l'Espagne à partir des facteurs suivants :
a) historique des ventes des dernières années aux grossistes des différentes provinces ;
b) statistiques des ventes des principaux grossistes, que nous avons achetées pour une période donnée ;
c) valeurs de marché d'IMS et du marché régional de la pharmacie.
Compte tenu de ses pronostics à moyen terme, de ses achats de matières premières et de ses capacités de production, QFB ne peut couvrir que le besoin du marché espagnol, augmenté de la croissance du marché et des taux de croissance propres escomptés pour ces produits. Afin d'éviter que certaines parties du marché ne soient pas du tout approvisionnées, ce qui serait contraire à l'obligation éthique première d'une société pharmaceutique espagnole, qui est de couvrir les besoins du marché national, nous nous voyons actuellement contraints d'approvisionner nos clients en fonction de leur potentiel de marché et de réduire les commandes excédentaires. Comme, malgré tout cela, les pharmacies n'ont pas pu être livrées par certains grossistes, nous nous voyons contraints, dans certaines provinces, de fournir directement les pharmaciens afin de pouvoir garantir l'approvisionnement des patients dans des cas aussi graves que l'angine de poitrine et l'hypertension.
Les quantités convenues avec COFARES tiennent compte de la croissance et de la pénétration constantes de ces chaînes de grossistes dans de nouvelles provinces espagnoles." [131]
(144) Une note du directeur du centre de production de Bayer France à Sens adressée au directeur général de Bayer France en date du 21 octobre 1991 (document déjà cité en partie supra au considérant 94) indique que :
"TRES IMPORTANT
Confidentiel
Livraisons d'ADALAT 20 mg LP à CERP Rouen."
"(...) Depuis fin septembre, nous ne livrons plus CERP Boulogne, à qui nous devons 40 000 boîtes.
Elle considère qu'il s'agit d'une politique délibérée de Bayer pour empêcher le développement des importations parallèles, car elle a constaté qu'en Belgique et en Espagne Bayer a la même attitude.
Les marchés belge et espagnol sont de petits marchés, mais le marché français est important. (...)
J'ai expliqué (...) que nous avions des stocks très bas et que notre principal souci était d'approvisionner le marché français. Elle m'a demandé si je me moquais d'elle, etc.. (...).
A l'heure actuelle, nous avons bloqué, au total, 11 commandes (7 grossistes) soit 137 000 boîtes.
Il faut donc que nous prenions rapidement une décision pour définir très exactement notre position dans cette affaire." [132]
(145) Une lettre du grossiste français CERP Lorraine à Bayer France en date du 5 mars 1992 indique :
"(...) Nous nous permettons de vous faire part de nos réflexions (...) Il apparaît évident, si l'on se réfère à nos commandes des mois de juin à septembre 1991, qu'il y a de la part des laboratoires Bayer une obstruction manifeste à nous livrer.
En effet, entre juin et septembre 1991, nous vous avons passé commande d'environ 300 000 boîtes d'ADALATE 20 mg LP. Ces commandes ont été honorées, vos factures en faisant foi. Ceci représente 75 000 boîtes par mois en moyenne. Aussi, il paraît difficilement imaginable d'invoquer de votre part des problèmes de stocks ou de production pour ne plus nous livrer aujourd'hui dans les mêmes proportions. De ce fait, vos propositions de livraisons étalées (à raison de 5 000 boîtes par mois) ressemblent à s'y méprendre à un refus de vente déguisé." [133]
(146) Une lettre de CERP Rouen à Bayer France en date du 3 août 1992 indique :
"Nous tenons à vous informer d'une rupture de stock d'ADALATE LP à notre agence de LAIGNEVILLE en raison de commandes non honorées par vos services sous prétexte de contingentements destinés à nous empêcher d'exporter dans les autres pays européens.
Cependant notre agence de LAIGNEVILLE a une progression globale supérieure à 15 % depuis le début de l'année et de 34 % en juillet. Nous ne pouvons accepter plus longtemps de subir vos refus de vente sans réagir compte tenu du préjudice subi et dont vous êtes responsable.
Nous vous demandons d'honorer désormais nos commandes dans leur intégralité (...)." [134]
4.2. Résultats enregistrés par Bayer
(147) Le compte-rendu du comité de direction de Bayer France du 8 avril 1992 indique :
"Suite à une étroite surveillance des différents grossistes nous arrivons - malgré de fortes pressions de leur part - à réduire l'incidence des réexportations sur nos affaires. Giraldi." [135]
(148) Les résultats obtenus par Bayer UK sur les années 1990 à 1993 sont en hausse constante (ventes d'ADALAT sur le marché britannique) :
1990 [...] millions de livres sterling (environ [...] millions d'écus)
1991 [...] millions de livres sterling (environ [...] millions d'écus)
1992 [...] millions de livres sterling (environ [...] millions d'écus)
1993 [...] millions de livres sterling (environ [...] millions d'écus)
(149) Parallèlement, on peut observer l'évolution suivante des ventes chez Bayer France où, après 1991, d'une part, le chiffre d'affaires (en millions de francs français) pour ADALAT (France et export) diminue et d'autre part, le chiffre à l'export devient minime :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
CHAPITRE II
APPRECIATION JURIDIQUE
SECTION I
Définition du marché
1. Marché géographique
(150) Au début de l'infraction, en 1989 pour l'Espagne et en 1991 pour la France, l'activité de l'industrie pharmaceutique se déroulait dans un contexte essentiellement national. En particulier, aucun médicament ne pouvait être commercialisé sans l'approbation préalable de l'autorité nationale responsable et la décision d'autoriser la commercialisation d'un médicament restait entièrement du domaine réservé des Etats membres.
Depuis le 1er janvier 1995, l'harmonisation de la législation technique dans la Communauté et l'entrée en vigueur de nouvelles procédures d'autorisation de commercialisation pour les médicaments représentent la réalisation du programme du marché unique du point de vue des impératifs scientifiques et techniques pour les médicaments. Depuis le début de 1995, les sociétés pharmaceutiques ont la possibilité (et l'obligation pour les produits biotechnologiques) de soumettre une demande pour l'autorisation de nouveaux médicaments à l'Agence européenne d'évaluation des médicaments, qui adresse ensuite un avis à la Commission, dont la décision est contraignante pour tous les Etats membres.
(151) La vente des médicaments est influencée par les politiques administratives ou d'approvisionnement adoptées dans les Etats membres par les services de santé nationaux. Par exemple, certains pays prennent des mesures directes ou indirectes visant à influencer les prix et il existe différents niveaux de remboursement par le système de sécurité sociale pour les différentes catégories de médicaments. En France et en Espagne, les prix sont directement fixés par l'administration nationale compétente. Le Royaume-Uni utilise un moyen indirect de contrôle des prix des produits pharmaceutiques de marque, par le biais d'une réglementation de la rentabilité globale des sociétés à partir de leurs ventes au service de santé national britannique. Ces différences dans les mécanismes de fixation des prix et les modalités de remboursement engendrent de fortes disparités de prix des médicaments dans les Etats membres.
(152) C'est pourquoi les marchés retenus comme pertinents pour les besoins de la présente décision sont les marchés nationaux.
2. Marché de produits
(153) Le marché de produits est défini pour les besoins de la présente décision par référence au critère de l'usage thérapeutique identique pour les divers produits concurrents. ADALAT ainsi que les produits concurrents substituables sont utilisés pour le traitement de trois maladies cardio-vasculaires : l'insuffisance coronarienne, l'hypertension artérielle et l'insuffisance cardiaque congestive. L'hypertension et l'insuffisance coronarienne représentent toutefois les indications majeures d'ADALAT (cf. considérant 8).
3. Marché pertinent
(154) Compte tenu du comportement décrit dans cette décision, qui consiste en une entrave aux exportations parallèles vers le Royaume-Uni, le marché pertinent sera le suivant :
- En premier lieu, le Royaume-Uni, pour les deux maladies, insuffisance coronarienne et hypertension artérielle, sera considéré comme le marché pertinent principal dans la mesure où l'effet des accords s'exerce directement sur ce marché en le protégeant des importations parallèles. Ce marché est en effet celui où Bayer réalise le chiffre d'affaires le plus important par l'intermédiaire de sa filiale britannique et où les effets des accords sont le plus nettement identifiables. On observe sur ce marché une augmentation des ventes de Bayer UK aux clients britanniques aux prix britanniques.
- A titre secondaire, les marchés de départ des importations parallèles, France et Espagne pour les deux maladies, insuffisance coronarienne et hypertension artérielle, seront considérés comme marchés pertinents dans la mesure où ces marchés sont artificiellement fermés par l'entrave aux exportations parallèles. Sur ces deux marchés, les effets du comportement décrit dans la présente décision sont identifiables pour les partenaires commerciaux de Bayer Espagne et de Bayer France. Ce sont les grossistes qui voient leur volume d'affaires à l'exportation se réduire très nettement et leurs activités se limiter au seul marché national.
SECTION II
Article 85 paragraphe 1
(155) Bayer France et Bayer Espagne ont commis une infraction à l'article 85 paragraphe 1 prévoyant une interdiction d'exporter (point 1.1), qui s'insère dans le cadre de leurs relations commerciales continues avec leurs clients (point 1.2). Cet accord constitue une restriction sensible de la concurrence (point 2) et affecte de manière sensible le commerce entre Etats membres (point 3).
1. Accord
1.1. Interdiction d'exporter
(156) L'analyse du comportement adopté par Bayer France et Bayer Espagne vis-à-vis de leurs grossistes respectifs permet d'établir en l'espèce l'existence d'une interdiction d'exporter imposée par Bayer France et Bayer Espagne dans le cadre des relations commerciales les unissant à leurs clients.
Cette interdiction d'exporter se déduit des éléments complémentaires suivants : un système de détection des grossistes exportateurs (a), des réductions successives des volumes livrés par Bayer France et Bayer Espagne dans le cas où les grossistes exportent tout ou partie de ces produits (b).
a) Système de détection des grossistes exportateurs
(157) Les éléments rassemblés dans le chapitre "Les faits" (cf. les considérants 78-82 en ce qui concerne la France et le considérant 109 en ce qui concerne l'Espagne) montrent que Bayer Espagne et Bayer France disposent d'un système d'identification des grossistes exportateurs.
(158) En Espagne, l'objet de ce système est explicitement de détecter les grossistes qui auraient des activités à l'exportation. Il convient notamment de citer le texte de la conférence du manager de Bayer Espagne chez Bayer France qui porte le titre "Système de contrôle de la distribution (Espagne)" (cité au considérant 109). Dans le corps du document, figurent des indications telles que
"Déterminer une limite pour chaque grossiste"
"Connaissance des grossistes "suspects"
De même, le document cité au point 110, "Exportations parallèles ADALAT 50/ADALAT RETARD" indique :
"Il est convenu de limiter, dans la mesure du possible, les ventes aux quatre grossistes exportateurs identifiés jusqu'à présent."
(159) En ce qui concerne la France, outre le fait que le directeur des ventes était informé des méthodes utilisées en Espagne (cf. considérant 109), la Commission dispose de documents sous forme de listings indiquant par mois les quantités commandées et l'augmentation mise en évidence de leur montant par rapport aux statistiques établies pour l'année précédente (cf. les considérants 78-79). De plus, parmi les documents dont la Commission dispose, figure le compte-rendu du comité de direction de Bayer France (cf. considérant 81) donnant l'instruction suivante :
"Vu l'importance croissante des exportations en parallèle dans notre CA Gart 1 (France) et pour mieux cerner notre potentiel de vente, le service "Facturation" indiquera mensuellement au service "controlling" les quantités de produits susceptibles d'être exportées par nos principaux clients."
Cette procédure d'identification des grossistes exportateurs par Bayer France et Bayer Espagne est préalable à toute action de Bayer France et Bayer Espagne en vue d'entraver les exportations parallèles.
b) Réductions successives des volumes livrés par Bayer France et Bayer Espagne dans le cas où les grossistes exportent tout ou partie de ces produits
(160) Lorsque les grossistes exportent une partie des produits livrés, ils s'exposent de la part de Bayer France et Bayer Espagne à une réduction des livraisons sur les commandes ultérieures.
Les documents probants ont été étudiés en détail pour la France aux considérants 83-85 et 96-103 et pour l'Espagne aux considérants 110-131.
(161) En ce qui concerne la France, la Commission dispose notamment de la note interne du directeur des ventes de Bayer France au directeur général (cf. considérant 83), indiquant :
"Depuis fin septembre, nous ne livrons plus CERP Boulogne, à qui nous devons 40 000 boîtes (...) A l'heure actuelle, nous avons bloqué, au total, 11 commandes (7 grossistes) soit 137 000 boîtes."
(162) En ce qui concerne l'Espagne, le document suivant (cf. point 110) indique clairement que Bayer Espagne va prendre toutes mesures nécessaires en vue de réduire les livraisons aux grossistes détectés :
"Il est convenu de limiter, dans la mesure du possible, les ventes aux quatre grossistes exportateurs identifiés jusqu'à présent."
(163) Les éléments dont dispose la Commission montrent que la livraison des volumes consentis par Bayer France et Bayer Espagne est subordonnée au respect d'une interdiction d'exporter.
La réduction des volumes livrés par Bayer France et Bayer Espagne est modulée par Bayer Espagne et Bayer France en fonction du comportement que les grossistes adoptent vis-à-vis de cette interdiction d'exporter. Si les grossistes violent l'interdiction d'exporter, cela entraîne pour eux une nouvelle réduction automatique des livraisons.
(164) En ce qui concerne la France, ces réductions successives sont attestées en particulier par les documents étudiés aux considérants 96-103. Parmi ces documents, il faut citer notamment les lettres du service commercial de CERP Rouen à ses agences les invitant à réunir les marchandises et par exemple celle-ci (cf. point 99) :
"La commande d'Adalate LP que nous vous avons demandé de passer (voir note du 27 novembre) n'est parvenue dans aucune agence - nous considérons que vous ne la recevrez pas. Bayer est très réticent pour livrer des commandes exceptionnelles."
ainsi que la lettre suivante (cf. 101) :
"L'agence de Boulogne (18) a besoin de constituer un stock de 8 000 à 9 000 Adalate LP par semaine. Vous voudrez bien ESSAYER de constituer ce stock en ajoutant les quantités ci-après à vos besoins. Cependant, compte tenu des quotas mensuels attribués par Bayer pour nous empêcher (illégalement) d'exporter, vous n'expédiez à Boulogne que si vos besoins mensuels sont assurés."
La remarque finale ("Vous n'expédiez à Boulogne que si vos besoins mensuels sont assurés") montre que les agences de CERP Rouen sont soumises à un contrôle permanent parce qu'elles sont soupçonnées d'exporter et que ce contrôle peut même dans certains cas mener CERP Rouen à une suspension des livraisons - y compris des livraisons destinées au marché national.
(165) L'étude chiffrée des livraisons obtenues par CERP Lorraine (cf. considérant 87) montre que Bayer France contrôle étroitement les commandes de celle-ci et que, dans la mesure où elle sait que CERP Lorraine exporte, elle n'accepte de la livrer qu'au strict niveau de l'année précédente.
(166) En ce qui concerne l'Espagne, parmi les documents dont dispose la Commission figure notamment le compte-rendu rédigé par HUFASA d'une réunion qui a eu lieu avec les dirigeants de Bayer Espagne pour tenter d'obtenir des livraisons (cf. considérants 114 et 127) :
"A la suite du dernier entretien avec les dirigeants de Bayer, ceux-ci ont déclaré qu'ils ne pouvaient pas accepter les quantités demandées par Hufasa, d'une part parce qu'elles représentent 50 % du marché national, d'autre part parce qu'elles sont très supérieures à celles d'autres entreprises de la même zone (...). Ceci les faisait supposer qu'une proportion importante des produits était destinée à l'exportation."
(167) Ce compte rendu indique également que :
"(...) J'ai indiqué qu'HUFASA avait besoin de quantités importantes d'Adalat parce que :
- ils (Bayer Espagne) se basent pour HUFASA sur l'exercice 1988, où l'on a observé une diminution importante des achats due à la crise de la compagnie.
- Comme ils livrent des quantités inférieures aux besoins réels, il faut commander plus pour pouvoir constituer un stock, puisque ceci a été impossible jusqu'à présent dû aux petites quantités livrées, lesquelles nous ont obligés à afficher des manquants dans les commandes.
- En ce moment non seulement on a récupéré le marché mais aussi on se maintient au-dessus du niveau de 1987, année qui peut être considérée comme normale pour HUFASA."
Cette citation montre que HUFASA, à la suite des contrôles effectués par Bayer Espagne parce qu'elle avait été détectée comme exportateur, a non seulement été dans l'impossibilité de répondre à la demande à l'exportation mais encore s'est trouvée en rupture sur son marché national dans certains cas.
(168) Il faut aussi citer notamment le cas de HEFAME, qui a conclu des accords avec certains petits grossistes qui n'étaient pas susceptibles de figurer sur une quelconque "liste noire" de Bayer Espagne puisqu'ils opéraient uniquement sur des marchés régionaux à l'intérieur de l'Espagne. Ces grossistes commandaient des quantités d'ADALAT auprès de Bayer Espagne, qu'ils rétrocédaient ensuite à HEFAME, avec partage des bénéfices résultant de l'exportation réalisée par celle-ci. Ces petits grossistes, aussitôt détectés, ont cessé d'être livrés par Bayer Espagne pour les quantités excédant leurs besoins habituels (cf. considérants 122-124).
(169) Parmi les documents dont dispose la Commission figure la déclaration de COFARES (cf. considérant 121) :
"- Les exportations de COFARES par rapport à son chiffre d'affaires total sont négligeables, compte tenu des difficultés suscitées par certains laboratoires (notamment BAYER) pour livrer des produits destinés à l'exportation.
- En sa qualité de Directeur des achats, lorsque BAYER a fixé un contingent d'ADALAT pour COFARES qui, initialement, était tout à fait insuffisant pour couvrir les besoins de son marché national, il les a avertis qu'il pourrait éventuellement porter plainte pour restriction des ventes. Bayer a alors livré à COFARES des quantités suffisantes pour couvrir la consommation nationale de ce produit."
Cette déclaration montre que COFARES a été détectée comme exportateur et s'est trouvée en rupture sur son marché national. COFARES s'est ensuite limitée au marché national et a retrouvé de ce fait un niveau de livraison suffisant pour approvisionner le marché espagnol.
c) Conclusions
(170) Tous ces éléments du comportement de Bayer France et Bayer Espagne permettent de montrer que celles-ci ont soumis leurs grossistes à une menace permanente de réduction des quantités livrées, menace qui a été mise à exécution de façon répétée s'ils ne se conformaient pas à l'interdiction d'exporter.
1.2. L'interdiction d'exporter s'insère dans les relations continues entre Bayer France et Bayer Espagne et leurs grossistes respectifs.
a) Le précédent de la jurisprudence Sandoz
(171) Dans l'affaire Sandoz (19), la Commission a établi tout d'abord l'existence d'une interdiction d'exporter (la clause "exportation interdite" apposée sur les factures) puis a établi que cette interdiction d'exporter s'insérait dans le cadre des relations commerciales continues entre Sandoz et ses clients.
La Commission a considéré que :
"le type d'accord visé à l'article 85 consiste dans la relation commerciale continue établie et concrétisée par l'ensemble des procédures commerciales (...) habituellement suivies par Sandoz PF dans ses relations avec sa clientèle et acceptée, tout au moins implicitement, par celle-ci."
La Cour de justice (20) avait confirmé les vues de la Commission en indiquant :
"(...) La Commission était en droit de considérer que l'ensemble des relations commerciales continues, dont la clause d'exportation interdite faisait partie intégrante, établies entre Sandoz PF et ses clients, étaient régies par un accord général préétabli applicable aux innombrables commandes individuelles de produits Sandoz. Un tel accord est visé par les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE."
Dans la présente affaire, comme dans l'affaire Sandoz, l'interdiction d'exporter a été établie. Il s'agit maintenant de montrer qu'elle constitue un élément essentiel et indissociable des relations commerciales continues unissant les parties.
b) Relations commerciales continues
(172) L'ensemble des relations commerciales entre, d'une part, Bayer Espagne et ses grossistes et, d'autre part, Bayer France et ses grossistes est fondé sur des procédures commerciales régulières et parfaitement connues des deux parties (commandes régulières par téléphone, courrier électronique ou courrier simple, livraisons régulières dans des délais très rapides ainsi que factures comportant expressément les clauses régissant la livraison des marchandises objet du contrat) (cf. pour la France points 47-51 et pour l'Espagne point 52). Cela démontre l'existence d'une relation commerciale continue régie par des accords généraux préétablis applicables aux diverses commandes individuelles d'ADALAT.
c) Insertion de l'interdiction d'exporter dans le cadre de ces relations commerciales continues
(173) L'interdiction d'exporter dont les éléments ont été dégagés aux considérants 156-170 s'insère dans le cadre de ces relations commerciales continues entre Bayer France et Bayer Espagne et leurs grossistes respectifs.
Les éléments constitutifs de cette interdiction d'exporter le démontrent : les volumes commandés (i), l'interdiction d'exporter, qui a un caractère systématique et uniforme à l'égard des grossistes exportateurs (ii), les grossistes ont adopté un comportement implicite d'acquiescement à l'interdiction d'exporter (iii).
(174) i) Les volumes commandés représentent un élément permanent et essentiel de toute relation commerciale de vente. A ce titre, les commandes régulières passées par les grossistes, renouvelées régulièrement, montrent que les relations commerciales sont continues et permanentes pour le produit ADALAT.
(175) ii) Bayer Espagne et Bayer France ont mis en place une interdiction applicable de façon systématique et uniforme à toutes les opérations de vente entre elles et leurs grossistes respectifs, dans la mesure où elles savaient qu'ils étaient exportateurs.
(176) iii) les grossistes ont adopté dans cette affaire un comportement implicite d'acquiescement à l'interdiction d'exporter.
- Connaissance par les grossistes des motivations réelles de Bayer France et Bayer Espagne
(177) Les documents cités dans la présentation des faits (cf. notamment considérants 94-95 en ce qui concerne la France et considérants 112-121 en ce qui concerne l'Espagne) montrent que les grossistes connaissaient les motivations véritables de Bayer France et Bayer Espagne quant aux exportations parallèles. Leur attitude a été interprétée aussitôt comme une volonté claire d'empêcher les exportations parallèles. C'est la raison pour laquelle les grossistes ont très vite cessé de commander explicitement pour des destinations hors du territoire national, car ils savaient que seule une destination nationale leur permettrait d'être livrés.
(178) En ce qui concerne la France, plusieurs documents recueillis par la Commission chez les grossistes indiquent expressément que les réductions de livraisons d'ADALATE sont liées à l'interdiction d'exporter de Bayer France et constituent la sanction qui sera mise à exécution lorsque le grossiste sera identifié à nouveau comme se livrant au commerce parallèle. Notamment, la lettre déjà citée (considérant 101) de CERP Rouen indique :
"(...) compte tenu des quotas mensuels attribués par Bayer pour nous empêcher (illégalement) d'exporter (...)."
Le document cité au considérant 105 "Situation export au 30.6.1992" indique :
"A la mi-exercice, la situation export en termes de CA est en retrait par rapport au budget prévisionnel tel qu'il avait été établi. (...) Cette différence s'explique principalement (pour ne pas dire uniquement) par les difficultés d'approvisionnement que nous rencontrons depuis début janvier auprès des laboratoires Bayer qui font obstruction aux livraisons d'ADALATE LP 20 mg (...)."
(179) En ce qui concerne l'Espagne, la Commission dispose également de documents du même type, par exemple, ce rapport de gestion de Comercial Genové (cf. considérant 113) :
"Les exportations ont enregistré une baisse (... millions), due essentiellement aux limitations imposées par (...) et par Bayer dans les livraisons d'ADALAT RETARD (...)."
De même, la lettre de Comercial Genové à la société mère en France (cf. considérant 115) lui indiquant :
"Faisant référence à votre fax de ce jour concernant les laboratoires (...) et Bayer, je vous donne ma parole que je tente l'impossible pour obtenir un approvisionnement supérieur à nos besoins. Ces laboratoires refusent de considérer tout raisonnement que ce soit. Ils savent que les quantités qu'ils nous livrent sont suffisantes pour couvrir les besoins du marché espagnol amplement."
Certains grossistes donnent même des explications à leurs clients (cf. considérant 119) :
"Je (...) regrette de ne pas pouvoir fournir à votre société les quantités d'ADALAT RETARD commandées.
La raison en est que le laboratoire qui le produit (Bayer) ne nous fournit pas les quantités que nous commandons, parce qu'il veut éviter toute exportation de ce produit. Il ne nous livre donc que les quantités qu'il estime nécessaires au marché intérieur."
Ces exemples montrent que les grossistes ont connaissance des exigences de Bayer France et Bayer Espagne en ce qui concerne la destination des marchandises livrées.
(180) La connaissance par les grossistes de l'interdiction d'exporter a été déterminante dans l'affaire Sandoz. Les grossistes ne pouvaient ignorer l'existence d'une interdiction expresse d'exporter apposée de façon systématique sur toutes les factures. Leur simple absence de réaction devant cette interdiction d'exportation a permis de considérer qu'ils acceptaient celle-ci et que les éléments constitutifs nécessaires à l'existence d'un accord étaient réunis. Dans le cas présent, l'interdiction d'exporter s'insérant dans le cadre des relations commerciales continues entre Bayer France et Bayer Espagne et leurs grossistes respectifs comporte un élément supplémentaire par rapport aux éléments retenus comme pertinents dans l'affaire Sandoz : le comportement même des grossistes montre qu'ils ont non seulement compris qu'une interdiction d'exporter s'appliquait aux marchandises livrées mais encore qu'ils alignent leur comportement sur cette interdiction.
- Alignement du comportement des grossistes sur les exigences de Bayer France et Bayer Espagne
(181) Tout d'abord, il faut noter que l'offre de planning des ventes faite en France par la plupart des grossistes à Bayer France constitue en réalité un test de la part des grossistes pour sonder les intentions véritables de Bayer France. Bayer France ne donne aucune réponse à ce test et confirme par là ses intentions. Les grossistes vont alors s'adapter aux nouvelles relations commerciales qui en découlent pour eux et aligner leur comportement sur celui de Bayer France, montrant par là leur adhésion, au moins dans les apparences, vis-à-vis de Bayer France à la condition d'interdiction d'exportation mise par leur fournisseur dans le cadre de leurs relations commerciales avec lui.
(182) Les grossistes, en utilisant différents systèmes pour être livrés, en particulier le système de la répartition des commandes destinées à l'exportation sur les différentes agences (cf. les considérants 97-103 pour la France et les considérants 113-118 pour l'Espagne) et les commandes auprès d'autres petits grossistes "non-contrôlés" (cf. les considérants 122-124), se sont adaptés dans la présentation de leurs commandes à l'exigence de Bayer France et Bayer Espagne selon laquelle il était interdit d'exporter le produit.
(183) Ils se sont mis, dans la forme, à ne commander que pour couvrir les besoins nationaux en ce qui concerne la présentation de leurs commandes vis-à-vis de Bayer France ou Bayer Espagne. Lorsque ces sociétés ont compris ce premier mécanisme, ils ont alors respecté les "quotas" nationaux qui leur étaient imposés, en négociant au mieux pour les gonfler au maximum, dans la mesure où ils se sont pliés à l'application stricte et au respect des chiffres considérés par Bayer France et Bayer Espagne comme normaux pour l'approvisionnement du marché national.
(184) Cette attitude montre que les grossistes avaient connaissance des raisons véritables de Bayer France et Bayer Espagne et des mécanismes mis en place par ces sociétés pour contrer les exportations parallèles : ils s'adaptent au système mis en place par leur partenaire contractuel pour respecter les exigences de celui-ci. Ce comportement démontre donc leur adhésion à l'interdiction d'exportation des marchandises s'insérant dans les relations commerciales continues entre Bayer France et Bayer Espagne et leurs grossistes.
(185) Cela est particulièrement clair, par exemple, dans le document émanant de HUFASA (cf. considérant 127), d'où il ressort que les responsables achat de HUFASA négocient durement avec Bayer Espagne pour obtenir des quantités qui seraient normalement destinées au marché national, mais qui seront en réalité exportées; sur ce point, le rapport de cette réunion par HUFASA indique explicitement :
"(...) j'ai considéré qu'il était plus important d'obtenir un volume d'ADALAT pour des exportations avec des chiffres crédibles plutôt que de maintenir un chiffre très élevé de commandes qui ensuite ne soient pas livrées. L'important, c'est ce qu'on obtient, pas ce qu'on commande."
1.3. Conclusion générale
(186) L'ensemble des éléments examinés montre que l'interdiction d'exporter est devenue un élément indissociable des relations commerciales continues entre les parties. On se trouve dès lors en présence d'un accord au sens de l'article 85 paragraphe 1.
(187) La Commission a déjà eu à traiter d'une problématique présentant de nombreuses analogies avec le cas présent dans l'affaire Johnson et Johnson (21). La filiale britannique de Johnson et Johnson, Ortho UK, avait modifié la clause d'interdiction d'exportation en la limitant aux pays tiers. Cependant, elle avait omis d'en informer ses clients et elle avait continué à exercer des pressions sur les pharmaciens britanniques qui exportaient vers d'autres pays de la Communauté en cessant de les approvisionner (blocage total des livraisons ou réduction drastique des livraisons). Il n'y avait donc dans cette affaire plus de clause explicite interdisant les exportations qui aurait figuré dans l'un des documents commerciaux propres à établir les relations commerciales continues entre les parties. C'est seulement le comportement des parties en cause qui a permis d'établir que ces relations commerciales continues étaient caractérisées par une interdiction des exportations. La Commission indiquait alors :
"Ceux-ci (les distributeurs) savaient qu'ils ne seraient désormais approvisionnés que s'ils se conformaient à la demande de ne pas exporter. (...) Ces efforts continus pour empêcher les distributeurs d'exporter ont contraint ces derniers à accepter le fait que les exportations n'étaient toujours pas permises. Les contrats de vente d'Ortho UK étaient par conséquent toujours assortis d'interdictions d'exporter, qui faisaient partie intégrante d'accords au sens de l'article 85 paragraphe 1."
(188) D'autres exemples utilisant le même type d'approche dans d'autres secteurs d'activité pourraient être cités (22).
2. Restriction de concurrence
2.1. Objet et effet restrictif de concurrence
(189) L'accord prévoyant une interdiction d'exporter a pour objet de limiter la liberté contractuelle des grossistes de répondre à la demande en provenance du Royaume-Uni, qui s'est trouvé ainsi protégé en tant que marché d'exportation contre la concurrence des produits ADALAT en provenance d'autres pays de la Communauté.
(190) Il a également eu pour effet de restreindre les ventes d'ADALAT provenant d'importations parallèles, notamment sur le marché du Royaume-Uni, qui s'est trouvé protégé contre de telles importations. Cela a pour effet de cloisonner artificiellement le Marché commun et d'empêcher la création d'un marché unique entre les Etats membres, qui constitue l'un des objectifs essentiels du traité.
2.2. Restriction sensible de la concurrence
(191) Les parts de marché détenues par les produits ADALAT sont importantes, notamment sur le marché britannique (cf. les considérants 23-26) :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
(192) Le groupe Bayer a réalisé les chiffres d'affaires suivants sur le produit ADALAT :
1990 [...] millions DM [...] millions d'écus)
1991 [...] millions DM [...] millions d'écus)
1992 [...] millions DM [...] millions d'écus).
(193) Bayer UK a réalisé les chiffres d'affaires suivants sur le produit ADALAT :
1990 [...] millions UKL [...] millions d'écus)
1991 [...] millions UKL [...] millions d'écus)
1992 [...] millions UKL [...] millions d'écus)
1993 [...] millions UKL [...] millions d'écus).
Il faut également noter que Bayer UK réalise sur ADALAT la quasi-totalité de son chiffre d'affaires dans le secteur cardio-vasculaire.
(194) De plus, les données indiquées supra (cf. les considérants 29-31) montrent qu'il existe pour ADALAT des différences importantes de prix entre la France et le Royaume-Uni, d'une part, et entre l'Espagne et le Royaume-Uni, d'autre part. En ce qui concerne l'ADALAT RETARD 20 mg, le prix en Espagne est, selon le type de conditionnement, de 35 à 47 % inférieur au prix au Royaume-Uni, le prix en France étant inférieur de 24 %. En ce qui concerne l'ADALAT capsule 10 mg, selon le type de conditionnement, le prix en Espagne est de 48 à 55 % inférieur au prix pratiqué au Royaume-Uni. Le prix en France est inférieur de 39 à 45 % au prix britannique.
(195) Il faut noter que cette différence importante de prix devient moindre en septembre 1992 entre le Royaume-Uni et la France à cause de la dévaluation de la livre sterling qui s'est produite à ce moment. Le commerce parallèle d'ADALAT perd alors de son intérêt économique pour les exportateurs potentiels. Cependant, l'objet des mesures mises en place par Bayer France demeure le même et est susceptible d'avoir de nouveau des effets dès que les parités monétaires le permettraient. La restriction de concurrence reste donc potentiellement sensible sur le marché britannique.
(196) Ces constatations, notamment l'importance de la marque au Royaume-Uni et les fortes différences de prix, font que le marché britannique réunit toutes les conditions favorables pour qu'une activité d'importation parallèle puisse s'y développer.
(197) Le développement d'une activité importante d'importation parallèle constitue une menace considérable pour le marché protégé où cette activité a lieu alors que de fortes différences de prix existent entre les pays et notamment pour le marché britannique de l'ADALAT, qui constitue, d'une part, l'un des marchés majeurs pour ce produit dans la Communauté et, d'autre part, l'un des marchés dans la Communauté où le prix de ce produit est élevé.
3. Affectation sensible du commerce entre Etats membres
(198) L'objet de l'accord étant de restreindre ou empêcher les exportations parallèles, le commerce entre Etats membres est affecté de deux façons : fermeture des marchés potentiels de départ des exportations (France et Espagne), d'une part, et protection du marché de destination de ces exportations (Royaume-Uni), d'autre part. Ces trois marchés, notamment la France et le Royaume-Uni sont des marchés majeurs dans la Communauté.
Dans ces conditions, l'affectation du commerce entre les Etats membres revêt un caractère sensible.
4. Conclusions
(199) Les éléments examinés dans cette section montrent qu'il existe entre les parties un accord comportant une interdiction d'exporter. Cette restriction de concurrence revêt un caractère sensible et affecte de manière sensible les échanges entre certains Etats membres de la Communauté. Toutes les conditions de l'article 85 paragraphe 1 se trouvent ainsi réunies.
SECTION III
Les contre-arguments de Bayer
1. L'argument de la rupture de stock
(200) L'argument de la "rupture de stock", utilisé systématiquement par les responsables français et espagnols de Bayer France et Bayer Espagne en cas de restriction des livraisons, est fictif ainsi que le montrent de nombreux éléments du dossier, notamment les explications sur les mécanismes du système espagnol (cf. les recommandations "importantes" faites au cours de la conférence citée au considérant 109), le refus par Bayer de tenir compte des plannings envoyés à l'avance par les grossistes pour lui permettre de s'organiser (cf. considérant 90-93), ou encore le fait que, en France, avant le blocage de fin 1991 lié à la décision de Travemünde, Bayer France a été en mesure de livrer des quantités très importantes dans un délai normal alors que l'année précédente, sur la même période, elle avait livré des quantités réduites (cf. considérant 87). Cela montre que l'adaptation à la demande était parfaitement possible et que Bayer ne fondait pas ses prévisions de production sur la demande de l'année antérieure.
(201) Cet argument de la rupture de stocks avait été utilisé par les parties dans l'affaire Moët et Chandon (London) (23), qui avait soutenu que le fait que les commandes de produits destinés à être consommés en dehors du Royaume-Uni devaient être traitées et facturées par la maison-mère en France ne constituait pas une tentative de cloisonner le marché mais une mesure destinée à réduire au minimum les effets perturbateurs de la pénurie structurelle de champagne. La Commission avait indiqué que:
"(...) le fait que les commandes pour l'exportation doivent être adressées à la "maison-mère" en France ne fait pas disparaître l'interdiction d'exporter en cause, mais la confirme. (...) Les justifications avancées par les parties, à savoir la politique commerciale du groupe et les mesures de répartition des quantités entre les Etats membres, ne font que mieux mettre en lumière l'objet et l'effet restrictif de l'interdiction d'exporter en cause destinée à leur donner toute leur efficacité. La situation de pénurie alléguée et les mesures prises pour y faire face ne sauraient justifier la privation pour les acheteurs-revendeurs britanniques de revendre, dans les pays du Marché Commun qui leur conviennent, des produits mis en circulation par Moët et Chandon au Royaume-Uni et ne sauraient exclure une application de l'article 85 paragraphe 1."
2. L'argument de la législation imposant certaines obligations quant à l'approvisionnement du marché national
(202) - En ce qui concerne les grossistes
Les lois française comme espagnole laissent toute autonomie aux grossistes quant à leur politique de vente des produits dans la mesure où ils s'acquittent de leurs obligations légales. De plus, elles les laissent libres de procéder à des exportations s'ils le souhaitent. La loi espagnole prévoit expressément cette possibilité. La pratique en France est courante.
(203) En France, l'obligation légale de détenir un stock minimal défini par référence aux besoins du marché national ou régional n'implique en rien que les grossistes devraient se limiter aux activités couvrant ce territoire national. De plus, le stock de médicaments imposé par la loi française ne correspond qu'aux deux tiers des spécialités effectivement exploitées. Le grossiste français n'est donc pas entièrement lié par la loi quant à la constitution de son stock.
Au surplus, la notion même de stock minimal, imposée pour des raisons de protection de la santé publique, implique que le grossiste peut avoir des activités dépassant le seuil de ce stock minimal. La loi ne pose dès lors aucune limite à l'activité d'un grossiste désireux, une fois qu'il a répondu aux demandes du marché national, d'exporter hors de ce marché.
(204) En ce qui concerne l'Espagne, la loi prévoit une obligation pour les grossistes de disposer d'un stock suffisant pour la région où ils exercent leurs activités. La loi ne pose aucune condition particulière quant à la composition de ce stock. Les conclusions applicables aux grossistes français sont donc a fortiori applicables.
(205) - En ce qui concerne les producteurs
Ni la loi française ni la loi espagnole n'imposent une obligation à charge du producteur d'approvisionner le marché national.
(206) - Conclusions
Par conséquent, si un producteur intervenait, dans le cadre de ses relations contractuelles avec ses grossistes, pour limiter les activités de ceux-ci à la seule satisfaction des besoins du marché national, il ne pourrait se défendre en arguant qu'il se contente de respecter la loi nationale. Au contraire, il faudrait considérer qu'il va contractuellement au-delà des obligations légales imposées aux grossistes.
3. L'argument de l'existence d'un brevet portant sur ADALAT RETARD
(207) Bayer avance l'argument selon lequel, conformément à l'article 47 du traité d'adhésion de l'Espagne, les importations parallèles d'ADALAT RETARD d'Espagne vers le Royaume-Uni seraient illégales et constitueraient une infraction aux droits de brevet de Bayer dans cet Etat membre, compte tenu du fait que Bayer ne pourrait pas obtenir un brevet similaire en Espagne. Cette situation juridique aurait existé non seulement depuis l'obtention définitive du brevet au Royaume-Uni mais également depuis la demande au début des années quatre-vingt.
(208) Cet argument pourrait amener à penser que Bayer dispose d'un moyen légal de s'opposer au Royaume-Uni à l'entrée des importations parallèles du produit ADALAT RETARD en provenance d'Espagne, pour autant que Bayer ait mis en œuvre la protection de ce droit par le biais d'actions appropriées auprès des autorités nationales compétentes, et n'aurait donc eu aucun besoin de recourir à des accords entre Bayer Espagne et ses grossistes en vue d'interdire les exportations parallèles à partir de l'Espagne vers les autres Etats membres.
(209) Or, la possibilité pour Bayer d'utiliser la protection du droit de brevet ne permet pas d'exclure que cette entreprise ait recours, pour des raisons qui lui sont propres, à d'autres moyens moins apparents aux yeux de l'opinion publique afin d'entraver les importations parallèles. Cette hypothèse se trouve confirmée par le fait que, à la connaissance de la Commission, Bayer n'a pas entrepris d'actions appropriées fondées sur la protection du droit de brevet contre les produits importés au Royaume-Uni.
(210) Il faut également rappeler que l'interdiction d'exporter ADALAT RETARD à partir de l'Espagne s'inscrit dans le cadre d'accords entre, d'une part, Bayer France et ses grossistes et, d'autre part, Bayer Espagne et ses grossistes, accords qui ne portent pas sur le seul produit ADALAT RETARD. Il n'y a aucune raison de penser qu'un traitement différent ait été réservé à ce seul produit. Les faits exposés dans cette décision montrent le contraire.
(211) Enfin, l'objet des accords, visant une interdiction d'exporter, est restrictif de concurrence et leur caractère illégal n'est pas remis en question par la protection du brevet existant au Royaume-Uni. De surcroît, les éléments dont dispose la Commission montrent que des restrictions à l'exportation à partir de l'Espagne d'ADALAT RETARD ont été mises en œuvre et ont effectivement entravé de manière significative le courant d'exportation de ces produits vers le Royaume-Uni.
SECTION IV
Article 85 paragraphe 3
(212) Les accords en cause entre Bayer France et ses grossistes, d'une part, et Bayer Espagne et ses grossistes, d'autre part, n'ont pas été notifiés à la Commission. Ils ne peuvent donc pas bénéficier d'une exemption. En tout état de cause, il est peu probable que ces accords bénéficieraient d'une exemption, dans la mesure où, en imposant une restriction très grave non indispensable pour un bon système de distribution du produit et susceptible de porter préjudice aux consommateurs, ils sont foncièrement contraires aux règles communautaires en matière de concurrence.
SECTION V
Durée de l'infraction
1. En ce qui concerne l'Espagne
(213) On peut avec certitude faire remonter la date de l'infraction au 4 avril 1989, ainsi que le montre le document, "Exportations parallèles ADALAT 50/ADALAT Retard" (cf. considérant 110) :
"Il a été convenu de limiter, dans la mesure du possible, les ventes aux quatre grossistes exportateurs détectés jusqu'à présent."
(214) La décision de Travemünde de septembre 1991 (cf. considérant 76) confirme la pratique générale au sein du groupe :
"Les actions destinées à réduire au maximum les exportations parallèles vers l'Angleterre seront poursuivies."
Ce document indique par sa formulation que le début de l'infraction est antérieur à la décision ("seront poursuivies"); la décision est prise au plus haut niveau décisionnel du groupe Bayer (Hauptländertreffen).
(215) L'infraction se poursuit encore aujourd'hui. Les grossistes désireux d'exporter se heurtent toujours à des restrictions.
2. En ce qui concerne la France
(216) Les restrictions sont attestées par des documents probants à compter de fin septembre 1991 ("blocage" des livraisons à CERP Rouen et six autres grossistes à hauteur de 137 000 boîtes, cf. considérant 83).
(217) Les restrictions ont eu des effets significatifs jusqu'en septembre 1992, date à laquelle la dévaluation de la livre britannique a conduit à une forte baisse de la marge bénéficiaire sur le prix de l'ADALAT, rendant ainsi l'exportation parallèle de ce produit peu rentable, surtout compte tenu des restrictions imposées par Bayer.
Il faut cependant considérer que, même si le comportement restrictif n'a plus depuis lors d'effets restrictifs en France, rien n'indique un changement majeur de politique dans l'attitude de Bayer France ni un changement dans le comportement des grossistes. La décision de Travemünde concernait l'ensemble du groupe et la politique restrictive de Bayer n'a pas cessé en Espagne.
Si les parités monétaires et les prix s'y prêtaient de nouveau, le comportement restrictif pourrait parfaitement reprendre en France, tout comme il pourrait trouver à s'appliquer dans tous les pays de la Communauté où des prix bas favorisent des exportations parallèles au départ de ces pays.
(218) Pour ces raisons, l'infraction n'a pas pris fin lors de la dévaluation de la livre britannique en septembre 1992.
SECTION VI
Article 3 du règlement n° 17
(219) Conformément à l'article 3 du règlement n° 17, si la Commission constate, sur demande ou d'office, une infraction aux dispositions de l'article 85 du traité, elle peut obliger les entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée.
(220) Pour mettre fin à l'infraction constatée en l'espèce et compte tenu du fait que celle-ci persiste encore aujourd'hui, Bayer France et Bayer Espagne devront notamment communiquer officiellement à tous leurs clients une circulaire indiquant clairement que les exportations sont permises au sein de la Communauté et ne sont en aucune façon sanctionnées.
(221) Ces éléments devront également faire l'objet d'une mention claire dans les conditions générales de vente applicables entre Bayer France et ses grossistes, d'une part, et Bayer Espagne et ses grossistes, d'autre part.
(222) Compte tenu de la gravité de l'infraction consistant en une entrave aux exportations, l'efficacité des mesures prescrites commande de menacer l'entreprise concernée d'une astreinte.
SECTION VII
Destinataire de la présente décision
(223) La Commission considère que, bien que la plupart des faits concernent les rapports entre les filiales française et espagnole et les grossistes opérant sur les marchés français et espagnol, l'infraction a été commise par Bayer AG, entreprise mère du groupe Bayer.
(224) En effet, les filiales française et espagnole sont des filiales à 100 % de Bayer AG. A ce titre, Bayer AG est responsable de leurs activités (24).
(225) De plus, Bayer AG avait connaissance des activités de ses filiales et même avait inspiré celles-ci ainsi que le montre le procès-verbal de la réunion de Travemünde (cf. considérant 76).
(226) C'est pourquoi le destinataire de la présente décision est Bayer AG.
SECTION VIII
Article 15 du règlement n° 17
(227) En vertu de l'article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17, la Commission peut infliger des amendes, dans les limites définies par cet article, lorsque de propos délibéré ou par négligence, les entreprises ont commis une infraction aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1.
(228) La Commission considère qu'une amende à l'intention de Bayer AG en tant qu'elle représente le groupe Bayer s'impose dans le cas présent.
(229) Pour déterminer le montant de l'amende, la Commission doit tenir compte de tous les éléments pertinents et, en particulier, de la gravité et de la durée de l'infraction.
(230) L'infraction porte atteinte à l'objectif de la création d'un Marché commun, principe fondamental du traité, et doit donc être considérée comme particulièrement grave.
(231) De nombreux cas d'entraves aux exportations parallèles ont déjà été examinés par la Commission et les règles applicables en cette matière ont été fixées depuis de nombreuses années. La Commission a notamment arrêté les décisions suivantes :
- la décision 78-163-CEE - Distillers,
- la décision 87-406-CEE - Tipp-Ex,
- la décision 91-335-CEE - Gosme/Martell.
(232) De nombreux cas d'entraves aux exportations parallèles dans le secteur pharmaceutique ont déja été examinés par la Commission. Il faut citer notamment :
- la décision 87-409-CEE - SANDOZ, confirmée par l'arrêt de la Cour de justice Sandoz précité,
- la décision 80-1283-CEE - JOHNSON et JOHNSON.
(233) Bayer est une très grande entreprise qui dispose d'une forte position sur les marchés pertinents dans la Communauté. C'est un groupe chimique international puissant et très diversifié. Son chiffre d'affaires s'est élevé à 41 195 millions de DM pour 1992 (environ 22 029 millions d'écus). Le chiffre d'affaires pour le secteur santé s'est élevé en 1992 à 7 198 millions de DM (environ 3 849 millions d'écus).
(234) L'infraction existe au moins depuis 1989 pour l'Espagne et au moins depuis 1991 pour la France.
(235) Bayer a commis l'infraction de propos délibéré. Cette entreprise n'a pu ignorer que les accords en cause s'insérant dans les relations commerciales avec ses distributeurs français et espagnols avaient pour effet de restreindre la concurrence.
Certains documents probants dont la Commission dispose montrent que Bayer savait que sa politique d'entraves aux exportations parallèles constituait une infraction grave à ces règles : en témoignent, par exemple, les "recommandations importantes" faites au cours de la conférence chez Bayer France (cf considérant 109) :
"Examiner (pas d'informations écrites) les limites imposées avec les grossistes concernés (éviter les problèmes juridiques)"
En témoigne également la déclaration de CERP Lorraine (cf. considérant 95) relative à la visite que le directeur export de CERP Lorraine a faite à Bayer France pour obtenir des explications sur le comportement de Bayer :
"... Il (le Directeur administratif et financier de Bayer France) m'a répondu qu'il avait reçu des consignes strictes de la Direction Générale Bayer pour stopper les activités d'export parallèle, que ceci ne serait jamais écrit et qu'officiellement ils invoqueraient des problèmes d'approvisionnement de matières premières."
Bayer fait valoir qu'elle considère que les éléments de son comportement analysés dans la présente décision ne tombent pas sous le coup de l'article 85 paragraphe 1. Une erreur d'appréciation juridique de la part de Bayer ne remet pas en cause le fait que ce comportement a été adopté de propos délibéré.
(236) L'application de l'accord a mis les grossistes dans l'impossibilité de livrer dans des conditions normales leurs clients britanniques. En outre, les conséquences de cette situation pour eux ont été lourdes : perte importante de chiffre d'affaires, perte des clients, perte de crédibilité commerciale. Ce sont les raisons pour lesquelles il ne convient pas de leur imposer une amende.
(237) Dans le secteur pharmaceutique, les différences de prix entre les Etats membres sont liées aux diverses réglementations nationales relatives aux prix et aux modalités de remboursement des médicaments par la sécurité sociale. En ce sens, l'infraction commise par Bayer AG, contrairement aux entraves comparables à l'exportation dans d'autres secteurs, ne vise pas à créer une discrimination dans la fixation du prix au consommateur dans les différents Etats membres. Cela est un élément à prendre en considération dans l'appréciation des effets de l'infraction.
(238) Un autre élément à prendre en considération dans l'appréciation des effets de l'infraction est la protection par brevet d'ADALAT RETARD au Royaume-Uni. L'existence de cette protection contribue à isoler le marché britannique et, dès lors, la mise en œuvre de cette protection aurait pu réduire les effets de l'interdiction d'exporter ce produit à partir de l'Espagne. Cependant, ces effets ne se font sentir que pour une part relativement faible des produits visés par la présente décision. Pour ces produits, le marché espagnol est quantitativement beaucoup moins important que le marché français. Les informations dont dispose la Commission montrent que les quantités exportées à partir de l'Espagne vers le Royaume-Uni étaient moins importantes que celles exportées à partir de la France. De surcroît, ces quantités d'ADALAT RETARD exportées à partir de l'Espagne vers le Royaume-Uni ont été d'autant plus réduites que l'infraction a commencé plus tôt en Espagne qu'en France et que Bayer a obtenu en Espagne un meilleur respect de l'interdiction d'exporter qu'en France.
(239) Les restrictions aux exportations parallèles sont le fruit d'une stratégie décidée au niveau du groupe Bayer et simplement mise en application par les filiales française et espagnole, sans que celles-ci disposent d'une marge de manœuvre véritable dans la gestion de leur politique de commercialisation de leurs produits. C'est pourquoi l'amende doit être imposée à la société mère, Bayer AG, en tant qu'elle représente le groupe BAYER,
A ARRETE LA PRESENTE DECISION :
Article premier
L'interdiction d'exporter les produits ADALATE et ADALATE 20 mg LP à partir de la France ainsi que les produits ADALAT et ADALAT RETARD à partir de l'Espagne dans d'autres Etats membres, convenue avec leurs grossistes depuis 1991 par Bayer France et depuis au moins 1989 par Bayer Espagne, dans le cadre de relations commerciales continues, constitue de la part de Bayer AG une infraction à l'article 85 paragraphe 1 du traité.
Article 2
Bayer AG doit mettre fin à l'infraction constatée à l'article 1er, et notamment :
- envoyer, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, une circulaire aux grossistes en France et en Espagne précisant que les exportations sont permises au sein de la Communauté et ne sont pas sanctionnées,
- indiquer, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, ces éléments de façon claire dans les conditions générales de vente applicables en France et en Espagne.
Article 3
Pour les infractions décrites à l'article 1er, une amende d'un montant de 3 000 000 écus (trois millions d'écus) est infligée à Bayer AG.
L'amende doit être versée dans les trois mois à compter de la notification de la présente décision, en écus, au compte de la Commission des Communautés européennes n° 310-0933000-43, Banque Bruxelles Lambert, Agence européenne, rond-point Schuman 5, B-1040 Bruxelles.
Après l'expiration de ce délai, des intérêts sont automatiquement exigibles au taux calculé le premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée, par l'Institut monétaire européen, majoré de 3,5 points de pourcentage, soit 8,75 %.
Article 4
Une astreinte d'un montant de 1 000 écus est infligée à Bayer AG pour chaque jour de retard dans l'exécution des obligations spécifiques énoncées à l'article 2, à l'expiration du délai de deux mois prévu pour leur exécution.
Article 5
Bayer AG, D-51368 Leverkusen est destinataire de la présente décision.
La présente décision forme titre exécutoire conformément à l'article 192 du traité CE.
[1]ANNEXE
<EMPLACEMENT TABLEAU>
[2] Texte original :
"On comparing the 2 markets important to Bayer at the moment, ie Coronary Heart Disease (CHD) and Hypertension it is clear that the hypertension market holds by far the greatest potential. There has been a significant growth in the hypertension market in the last few years and this is expected to continue. (...) In contrast there is little growth expected in the CHD market."
[3] Texte original :
"Leading product classes by revenue are Ca-antagonists. They maintained their leading position since 1985 with a market share of 40 % in 1989 (34 % in 1985).
(...)
(In Europe), leading product classes are Ca-antagonists (34 %) (...) :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
From 1988 to 1989, ADALAT is slightly losing ground in all 5 european countries (France, Great-Britain, Germany, Italy, Spain) mainly due to the generic competition of Nifedipine and Diltiazem."
[4] Texte original :
"The (world) Hypertension Market is the largest pharmaceutical market and has experienced a very healthy growth rate of approximately 10 % per annum over the last five years, growing from DM 10.9 bn in 1985 to DM 14.5 bn in 1989."
[5] Texte original :
"ACE-Inhibitors are, in revenue terms, dominant market leaders in Europe as a whole. This dominance is especially marked in the Mediterranean countries such as Italy and Spain, whereas in Great Britain and Germany Calcium Antagonists and Bêta-Blockers are relatively much stronger as illustrated below :
1989 European Revenue Market Share by Product Class
<EMPLACEMENT TABLEAU>
Source : IMS"
[6] Texte original :
"The world market in CHF (Congestive Heart Failure) in 1989 was valued at 3.2 bn DM. (...) :
ACE-inhibitors 23 %
Diuretics 19 %
Glycosides 19 %
Ca-antagonists 16 %
Others 23 %"
[7] En français dans le texte original.
[8] En français dans le texte original.
[9] Texte original :
"Bayer's current image in the CV-business is closely linked to the market success of ADALAT which currently represents one of the leading products in HT and CHD and the standard reference for investigators all over the world."
[10] En français dans le texte original.
[11] En français dans le texte original.
[12] Texte original :
"Preisvergleich ADALAT 20 mg ret. Tabl. (in DM p. Tabl.)
<EMPLACEMENT TABLEAU>
Preisvergleich ADALAT 10 mg Kaps. (in DM p. Kaps)
<EMPLACEMENT TABLEAU>
[13] Texte original :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
[16] Texte original :
"The overall effects of parallel imports on the UK economy are harmful (...) our direct estimate of the value of domestic sales lost to parallel imports by UK manufacturers in 1987/8 was 350 m. representing 0,1 % of gross National Product in 1987."
[17] Texte original :
"Estimated loss to the UK market through PI would be 1.4 bn if total free trade and unlimited supply in low cost countries".
[18] Texte original :
"The objective of Bayer cardiovascular is to make ADALAT the number [...] product in cash and scrips in both (coronary and hypertension) indications by [...]."
[19] Texte original :
"Unser umsatzstaerkstes Produkt, das Herz/Kreislaufmittel ADALAT, haben wir konsequent weiterentwickelt (...). Damit haben wir unsere weltweit führende Marktposition auf dem Herz/Kreislaufgebiet gestaerkt".
[20] En français dans le texte original.
[21] En français dans le texte original.
[22] Texte original :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
[23] En français dans le texte original.
[24] Texte original :
"condiciones de las ventas."
[25] Texte original :
"la aceptación de las mercancias conlleva la conformidad con las siguientes condiciones de venta."
[26] Texte original :
"Parallel import brainstorm meeting."
"The purpose of this PI brainstorming meeting was to explore ideas to combat the potential increase in the demand for foreign ADALAT (...)."
[27] Texte original :
"Without doubt the main cause of the overall decline in sales for the period is the significant increase in the level of parallel imports of the ADALAT product range, in particular the 20 mg presentation of ADALAT RETARD. Parallel imports of ADALAT RETARD 20 mg now account for some 25 % of that products sales in the UK."
[28] Texte original :
"We are trying to establish the true size of Parallel Imports (PIs) which "official" sources put at between 70-300m. ADALAT is quite badly affected and it is in our interest to support the project."
[29] Texte original :
"PH(PHARMA) in spite of the continued erosion of ADALAT sales due to parallel imports performed very well (...)."
[30] Texte original :
(...) "PH still losing sales of ADALAT against parallel imports (...)."
[31] Texte original :
(...)"progress of ADALAT RETARD 20 mg in spite of parallel imports!"
[32] Texte original :
"The launch of ADALAT LA continues to do well and is rising every week (...) However there is considerable concern over the continued increase in parallel imports which is affecting our business badly."
[33] Texte original :
"PI Brainstorm Meeting".
[34] Texte original :
"The purpose of this PI brainstorming meeting was to explore ideas to combat the potential increase in the demand for foreign ADALAT. The ideas put forward at the meeting fell into four groups.
Promotional
Action which could be taken immediately to offer defence in the short term.
Supply PI company with UK stock
Cut UK price
Attend trade shows for local promotions
Request free AG stock to fund promotion
Adjust credit/invoice procedure to aid wholesalers
Provide free UK stock to hospitals
Increase direct dealing
Employ telesales techniques
Target problem areas and conduct intensive sell-ins
Increase discount to wholesalers by 0.34 % to eliminate the clawback rationale.
Marketing Orientated Activity
Medium Term Defence
Run a cardiovascular awareness programme
Increase efforts to educate GP's
Promote product lines which are UK specific
Provide patient compliance packs
Vary UK pack sizes
Obtain unique batch numbers for the UK
Release a medical information deterrent
Stop promoting capsules
Delete ADALAT RETARD 20mg for a period
Print Bayer UK on capsules
Run a national newspaper awareness campaign
Employ a speaker for wholesaler meetings
Become more involved with the Royal Pharmaceutical Society.
Legal Actions
Back retail chemist to challenge clawback
Prosecute all unlicensed users
Supply information to VAT, inland revenue, customs, etc., on customer accounts
Highlight illegal PI's
Corporate Action
Long Term Defence
Hold discussion with DHSS
Restrict foreign supply
Bayer AG to allocate ADALAT stock against stirct market forecasts.
Cooperate with other manufacturers
Purchase a wholesaler
Do nothing.
Some of these ideas are obviously extreme but the purpose of the meeting was to explore as many different angles as possible."
[35] Texte original :
"Allgemein wiesen alle Vertreter von Niedrigpreis-Ländern auf das Risiko von Parallelexporten aus ihren Ländern hin"
[36] Texte original :
"Transferpreise, Parallel- und Reimporte."
[37] Texte original :
"Wie können wir die "Eurokäufe" des Grossisten/Krankenhäuser in den Griff bekommen?"
(...) "die Gruppe kam zu folgenden Empfehlungen : (...) 3. Mögliche europäische Grosshändler identifizieren."
[38] Texte original :
"(...) die PH Produktion verbleibt vorerst in Spanien. (...)
Darüber hinaus soll auch über die künftige "Distributionsstrategie", insbesondere was eine denkbare Zusammenarbeit mit engl. Grosshändlern betrifft, diskutiert werden."
[39] Texte original :
"(...)
Stufenplan :
1. Dem Grosshandel die Direktbelieferung als Reaktion auf Import vor Augen führen (Drohgebaerde)
2. Regional begrenzte ** Direktbelieferung von Apotheken des Grosshaendlers mit Schnelldrehern
3. Beteiligung bei überregionalen Grosshändlern *** (>75 %), um im Substitutionswettbewerb zu bestehen (evtl. Weiterentwicklung des Grosshändlers zum Teilsortimenter)
*) Keine Vergütung von Retouren aus Importen
*) Möglichkeit Präventiv-Sensibilisierung von Beteiligten mit ähnlicher Interessenlage bsgl. Preisniveau (z.B. ABDA, Grosshandel)
**) alternativ denkbar regionalem Grosshändler, aber wegen Gefahr der Abhängigkeit suboptimal
***) alternativ denkbar Neugründung eines "MPS-eigenen" Grosshändlers, aber da gegenüber Kauf hoher zeitlicher Vorlauf (2 Jahre) und Kostenvorteil fraglich"
[40] Texte original :
"Dear Dr Acebillo,
ADALAT/Parallel Imports
I refer to our recent discussions at the "Top Country Meeting" and would like to send you updated figures regarding the quantities of parallel imported ADALAT to the UK. Please find enclosed.
1. Quantities of the different forms and packages sold in the UK in the twelve months to September 1991.
2. Countries of origin.
The source of these data is IMS (British Pharmaceutical Index) and Taylor Nelson Healthcare (Parallel Imports Monitor). However, both research companies provide us only with quantities and the respective package size. We associate the packs with the country of origin as follows :
1. ADALAT capsules 5 mg
16,190 packs - Belgium
4,282 packs - France
2. ADALAT capsules 10 mg
66,238 packs - Germany
55,691 packs - France
147,665 packs - Belgium/France
3. ADALAT RETARD 20 mg tablets
249,945 packs - Italy
1,005,042 packs - Greece/Spain
257,838 packs - Spain
I think we all agreed to discuss this matter in an objective way and to try our best to find and talk about facts instead of just assumptions... All parties concerned should cooperate closely in the fact finding. However, please advise your staff to work together rather than merely to defend their positions!
Thanking you for your co-operation.
Yours sincerely,
Klaus Behrend
cc Dr. Kley - Region 2
David St George
Roger Cuff
Also sent to :
Dr G Pecci - Italy
Mr F Schönig - France
Dr K Bohle - Belgium
Mr A Zumbaum - Leverkusen"
[41] Texte original :
"(...) Entgegen Ihren Angaben über das Exportvolumen Griechenland/Spanien müssen wir Ihnen mitteilen, dass die genannten Mengen unseres Erachtens nicht korrekt sind.
Zu Ihrer Information beabsichtigen wir 1991 1.220.000 Packungen zu verkaufen. Wir gehen davon aus, dass 850.000 Packungen davon in Griechenland verbraucht werden."
[42] Texte original :
"Wir haben Verständnis für Ihre Fragestellung.
Die Fakts in Belgien sehen jedoch wie folgt aus :
1) ADALAT Kapseln 5 mg :
Angeblicher Export nach England : 16.190 Packungen
Angeblicher Export nach Zypern : ca. 30.000 Packungen D.H. insgesamt ca
46.000 Packungen
Verkauft in Belgien von Bayer Belgien in diesem Jahr (1-11) : 19.349
Packungen
Kommentar : nach unserer Kenntnis wird praktisch nichts exportiert.
2) ADALAT Kapseln 10mg :
147.665 - Belgien/Frankreich?
Wir verstehen nicht ganz, was Belgien/Frankreich bedeutet.
Verkauf Bayer Belgium in diesem Jahr (1-11) : 760.817 Pack.
Kommentar : Export von ADALAT Kapseln 10mg in dieser Grössenordnung nach
England aeusserst unwahrscheinlich.
Handelt es sich bei der Ware möglicherweise um Fälschungen? (...)"
[43] Texte original :
"Impossible."
[44] Texte original :
"Which one?"
[45] Texte original :
"Please could you let me know the current situation re the nifedipine (Elan) as Germany have made another enquiry concerning this."
[46] Texte original :
"Bayer Denmark inform us that they are keeping a very close eye on the possibility of any parallel imports. As it is such a small country with such a small turnover, it will become rapidly obvious."
[47] Texte original :
"Betr. : England"
"Besten Dank für die Statistiken betreffend Parallel-Importe nach England. Die DATEn sind aufschlussreich.
Es muss angenommen werden, dass die Importe aus Frankreich ab dem 4.Quartal 89 stark zugenommen haben.
Der von Ihnen aufgezeigte Sachverhalt gibt Anlass zu grösster Vorsicht bei allen Kunden."
[48] Texte original :
"Herewith we send you the information concerning sales and country of origin of the ADALAT parallel imports in the Netherlands."
[49] Texte original :
"Bericht über Besuch der Bayer Italia 18-19/3.91.
1. ADALAT (...)
1.3. Parallelimport scheint bei Kapseln noch zu laufen. Etwa 100.000 bis 150.000 Packungen im 1990 werden geschätzt."
[50] Texte original :
"Project Outline
There has been concern over the reliability of a range of industry data sources to measure certain parameters. This project is concerned with the comparison of data relating to parallel imports and generics available from a range of those industry sources, namely :
British Pharmaceutical Index (B.P.I) - I.M.S.
Medical Data Index (M.D.I.) - I.M.S.
Scriptcount - Taylor Nelson
Parallel Import Monitor - Taylor Nelson
D.H.S.S. data
The comparison has been carried out through the examination of data for five products, namely (...), ADALAT, (...).
Table : Comparison of parallel import data from Parallel Import Monitor and B.P.I.
(...)"
[51] Texte original :
[...]
[52] Texte original :
"Wichtige Planungshinweise"
[53] Texte original :
[...]
[54] Texte original :
"Kommentar zur Planung".
[55] Texte original :
[...]
[56] Texte original :
"Comentarios del Hauptländertreffen en Travemünde (23/09/91)"
[57] Texte original :
"Se continuarán realizando actividades con el fin de reducir en lo máximo las exportaciones paralelas a Inglaterra. En el caso de España la situación está estable, a pesar de que es el país con menor precio de ADALAT retard y ADALAT caps."
[58] Texte original :
"Wichtig für die Europa Strategie sind politische sowie auch Parallel Import-Aspekte. Die Verfügbarkeit von ADALAT CC ermöglicht es jedoch, dass die 1x-tägl. Formulierung von ADALAT in allen europäischen Ländern in den Markt eingeführt werden kann, wobei wir gleichzeitig die Hochpreismärkte schützen können."
[59] Texte original : "Betr. : England"
"Besten Dank für die Statistiken betreffend Parallel-Importe nach England. Die DATEn sind aufschlussreich.
Es muss angenommen werden, dass die Importe aus Frankreich ab dem 4. Quartal 89 stark zugenommen haben. Der von Ihnen aufgezeigte Sachverhalt gibt Anlass zu grösster Vorsicht bei allen Kunden.
Andererseits können wir versichern, dass wir keinen willentlichen Vorschub geleistet haben oder je versucht haben, unser Geschäft auf Kosten eines anderen Markts zu machen. Dies wäre für uns völlig unakzeptabel.
(...) Wir möchten Sie bitten, uns über die weitere Entwicklung der Parallel-Importe nach England zu unterrichten und mit Angaben über Lot-Nr. etc. unsere Kontrolle zu erleichtern.
Anbei senden wir einige zusammenfassende graphische Darstellungen über unsere Verkäufe."
[60] En français dans le texte original.
[61] En français dans le texte original.
[62] En français dans le texte original.
[63] En français dans le texte original.
[64] En français dans le texte original.
[65] En français dans le texte original.
[66] En français dans le texte original.
[67] En français dans le texte original.
[68] En français dans le texte original.
[69] En français dans le texte original.
[70] En français dans le texte original.
[71] En français dans le texte original.
[72] En français dans le texte original.
[73] En français dans le texte original.
[74] En français dans le texte original.
[75] En français dans le texte original.
[76] En français dans le texte original.
[77] En français dans le texte original.
[78] En français dans le texte original.
[79] En français dans le texte original.
[80] En français dans le texte original.
[81] En français dans le texte original.
[82] En français dans le texte original.
[83] En français dans le texte original.
[84] Texte original :
"Distribution Control System (Spain)"
[85] Texte original :
"The Problem
- ADALAT order volume grows in a few weeks up to 300 %
- out of stocks
- uniform distribution all over the country is not guaranteed
- dissatisfaction of wholesalers / internal
and external sales organisation : pharmacists
- disturbed production rhythm due to urgencies in ADALAT."
[86] Texte original :
"BG Pharma
Distribution control system
Spain
The way to proceed
- Analyse of product distribution by territories (ABC client-list not falsified by export, il available)
- Identification of different potencials by wholesalers
- Take into account target of our own sales organisation
- Identification of possible exporters
- Move basis for incentive calculation from own sales data to IMS data
Establish a limit for each wholesaler" [86]
[87] Texte original :
"Very Important
- Discuss (no written information) assigned limits with concerned wholesalers ->avoid legal problems
- Weekly shipment in order to avoid accumulation of product at wholesalers warehouse ->. export for small quantities not interesting
- Distribution Dept. (at low level) gives always the same information ->out of stocks due to strong increase of sales
- Inform own sales organisation
- Determine responsible person for direct contact (calls and visits) from wholesalers
Wholesalers, reps, reg, and sales managers and also pharmacies will call continiously for reviewing established limits."
[88] Texte original :
"BG Pharma
Distribution control system
Spain
The solution of the problem
Implementation of a control system which assigns a limit to all costumers
In case of higher quantity than assigned the system stops the order automatically and allows a
<EMPLACEMENT TABLEAU>
2) Fit monthly limit, over annual limit :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
3) Over monthly limit, fit annual limit :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
4) Over monthly limit and annual limit :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
Relation of Spanish Wholesalers with External Capital Participation
- Hermandad Fca. del Mediterraneo (HEFAME) - Poland
- HUFASA - Sevilla (CERP)
- Genové - Barcelona (CERP)
- Centro Europeo de Reparto - Palma Mallorca (CERP)
- Centro Europeo de Reparto - Barcelona (CERP)
- Sisenz Gurb-Vic (CERP)
- Union Fca. Guipuzcoana - San Sebastian (OCP)
- Centro Fco. Del Norte - Santander (OCP)
- Centro Fco. Asturiano - Oviedo (OCP)
Other Exporters
- Coop. Fca. Espanola (COFARES) - Madrid
- SAFA - Zaragoza
- Galenica - Barcelona
- Grupo J.J. (Farmacén, Olmeda y Vinuesa, Sefarma, Dimafar y S. Ortiz)
- Hermandad Fca. Del Mediterraneo - Murcia
- Centro Coop. Farmacéutica - Valencia
- Compania Fca. Madrilena - Madrid
- Centro Fco. Nacional, S.A. - Madrid"
[90] Texte original :
"EXPORTACIONES PARALELAS ADALAT 50 : ADALAT RETARD
- Se acuerda restringir en la medida que nos sea posible la venta de los 4 mayoristas exportadores hasta ahora detectados.
- Se elevara el programa de ventas en el P3 a :
200.000/mes para ADALAT 50 caps.
130.000/mes para ADALAT RETARD 60
- Se acuerda la creación de un stock especial (contablemente almacén Felguera) de 50.000 unidades de ambas especialidades, manteniendo el stock teórico habitual en 4 y 6 semanas respectivamente.
El stock especial será actualizado mensualmente mediante petición a fábrica (P3).
- Distribución informará sobre cualquier anomalia que se pueda producir referente a la cuantia de los pedidos."
[91] Texte original :
"Modificación listado CLI 208
Control ventas ADALAT
Hace aprox. 2 meses se solicito verbalmente la modificacion del listado diario, que al iniciarse un mes sigue acumulando cantidades del mes anterior.
En varias ocasiones esta informacion erronea ha llevado consigo discusiones con clientes mayoristas que lógicamente no podían confirmar los datos expuestos por nosotros.
No hace falta resaltar la importancia de la información correcta para una buena gestión de este tema tan complicado, en lo que a clientes y PH Alemania se refiere.
Te ruego tomes las medidas oportunas para una rectificacion inmediata del programa."
[92] Texte original :
"Las exportaciones han experimentado un descenso (..millones) debido principalmente a las limitaciones impuestas por (...) y Bayer en el suministro de ADALAT RETARD y (...)"
[93] En français dans le texte original.
[94] En français dans le texte original.
[95] En français dans le texte original.
[96] En français dans le texte original.
[97] En français dans le texte original.
[98] En français dans le texte original.
[99] En français dans le texte original.
[100] En français dans le texte original.
[101] En français dans le texte original.
[102] Texte original :
"(...) Due to difficulties in deliveries from these laboratories, we have been waiting until now in order to see whether we could get more quantities of such products.
However, the situation today is as follows :
e cannot accept any new order for ADALAT nor (...)."
[103] Texte original :
"(...) Infortunately, we cannot supply you both products, because the manufacturers are controlling our orders.
Bayer and (...) do not want that their Spanish products appear in other countries, so they do not supply as much we need. We have only stock for our market."
[104] Texte original :
"(...) I am sorry to say that it will be impossible to supply you the mentioned products. The manufacturers are delivering only small quantities of ADALAT, (...) as well as (...)."
[105] Texte original :
"We are very concerned that trading with your company is becoming more and more difficult due to your inability to supply our requirements for ADALAT RETARD.
Could you please explain to us why you are unable to fulfil our orders."
[106] Texte original :
"I (...) apologize for being unable to supply to your company your orders of ADALAT retard.
The reason is that the laboratory that produces it (Bayer) does not deliver to us the quantities we order because they want to avoid any kind of export of this product and then, they deliver only the quantity that estimate we need for the internal market."
[107] Texte original :
"In this moment in Spain we have a very big problem about ADALAT, (...) because Bayer and (...) not send goods for us (...)."
[108] Texte original :
"I'm sorry for your fax. But it is realy in Spain in this moment all the parallel export we have a problem about ADALAT 10mg, RETARD40, RETARD60 and also (...).
In this moment, the situation is :
About the ADALAT is very complicate the prevision
(...) Also I have ready for you 1.000 x 50 ADALAT10mg
I understand you are not happy about this news but in one year all are change and the parallel-export is to big and the multinational-control."
[109] Texte original :
"Bayer et (...) : impediment of free trade
For quite some time now we have been experiencing serious difficulties in obtaining sufficient quantities of ADELAT retard, (...) and (...) from Spain.
I admit that our second supplier is having a hard time too.
It would appear that, once more, Bayer and (...) are doing their utmost to keep availability of their products strictly in line with their presumed needs for Spain, therefore impeding free trade within the EC.
Is there any way in which you can take any action against these companies? If you cannot guarantee that, within the foreseeable future, you can obtain sufficient quantities to meet our requirements I am afraid that we will have to start buying in Italy or France."
[110] Texte original :
"- La actividad exportadora de COFARES n° es apenas apreciable sobre su facturación total habida cuenta de las dificultades que determinados laboratorios (entre ellos BAYER) plantean en las entregas de producto para la exportación.
- Que en su condición de Director de COMPRAS, cuando BAYER estableció un contingente de ADALAT a COFARES que, al principio era netamente insuficiente para cubrir las necesidades de su mercado nacional, les advirtió de una posible denuncia por tales restricciones de venta. A partir de este momento, Bayer surte a COFARES una cantidad suficiente para el consumo nacional de dicho producto."
[111] Texte original :
"PROTOCOLO DE COLABORACION PARA LOS MERCADOS EXTERIORES.
(...) TERCERO. que, no obstante lo anterior, "HEFAME", por requerimiento de sus propios clientes extranjeros y ante su interés por abrir y penetrar en nuevos mercados, tiene el proyecto de conseguir, para la exportacion, nuevos productos o mayores cantidades de los productos con que cuenta actualmente.
CUARTO. Que, además, (...) está en disposición de aportar al Departamento de Exteriores de "HEFAME" nuevos productos, o adicionar cantidades importantes de productos ya existentes, que podrían, en gran medida, paliar las necesidades de los clientes extranjeros de "HEFAME" e, igualmente, facilitaría la introducción de "HEFAME" en nuevos mercados o la captacion de nuevos clientes.
(...)
ACUERDOS
(...)
III. Como primer punto de la colaboración que ahora se inicia, (...) se compromete a apoyar, mediante la aportación de los productos, o cantidades de los mismos, de los que pueda disponer para, junto a los aportados por "HEFAME", posibilitar el suministro normal y habitual, y en las cantidades necesarias, a los clientes de "HEFAME" en el extranjero.
Para facilitar el citado compromiso de (...), "HEFAME" queda obligada a informar puntualmente, y con la debida antelación, a aquella de las necesidades de producto, según cantidades de los mismos, para cumplir con sus suministros a los mencionados clientes e, igualmente, (...) contestará a ésta, también a la mayor brevedad, de sus disponibilidades para hacer frente a los pedidos de los que se le informe.
IV. (...)
V. (...)
VI. (...)
Cuando en un pedido se mezclan productos de dificíl obtención (p.ej ADALAT) con otros de facil aprovisionamiento, el Departamento de exportaciones de Hefame se compromete a solicitar a (...) y a incluir en el pedido a exportar cantidad de estos hipotéticos productos en proporción idéntica a la aportacion por (...)de los productos de dificil obtencion según apartado IV, de este protocolo. (...)"
[112] Texte original :
"Se inicia una relación de colaboración entre ambas sociedades en comercio exterior, dentro de la sistemática que sigue el acuerdo entre Hefame y (...)."
[113] Texte original :
"(...) Nuestro pedidos es el siguiente - todo el ADALAT RETARD que puedan (...)."
[114] En français dans le texte original.
[115] En français dans le texte original.
[116] Texte original :
"MERCANCIAS PARA EXPORTACION
Sé que hemos llegado a un dificil periodo, pero la mercancia entra ahora en menor cantidad que nunca, y n° me parece que se estén multiplicando las intervenciones ante los laboratorios para que haya una mejora.
Desde principios de Marzo la situacion se va degradando. Le agradeceria a los responsables que intervinieran personalmente ante los laboratorios (... Bayer y ...) y me tuvieran directamente informada. Los (...) laboratorios n° puedan estar en quiebra a la vez.
Lamento tener que intervenir de nuevo : necesitamos el volumén de ventas."
[117] En français dans le texte original.
[118] En français dans le texte original.
[119] Texte original :
"Resumen de los productos "dificiles"
[120] Texte original :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
[121] Texte original :
"(...) Las exportaciones han experimentado un descenso (... millones) debido principalmente a las limitaciones impuestas por (...) y Bayer en el suministro de ADALAT RETARD y (...).
En las exportaciones se ha producido un mayor desfase, ya que estaba previsto un giro de (...) millones, y se han realizado (...), por los problemas de suministros de mercancias, indicados anteriormente."
[122] Texte original :
"En cuanto a las exportaciones, cada vez resulta mas dificil la disponibilidad de productos para cubrir la demanda existente, lo que ha hecho que esta cifra en relacion al ano anterior, haya sido inferior. Por lo que el esfuerzo de ventas se ha realizado basicamente en el mercado interior."
[123] Texte original :
"El mercado nacional ha evolucionado satisfactoriamente con un crecimiento del 25,2 %, en tanto que el de exportacion ha tenido mayores dificultades (-25,8 %) por las dificultades que continuamente ponen los laboratorios, para el suministro de productos para la exportacion."
[124] Texte original :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
[126] Texte original :
"Further to our recent discussions regarding the country of origin of ADALAT parallel imports and the price differentials across Europe, I have looked at and attach the following : -
1. ADALAT price comparison across Europe (source : Bayer Leverkusen/ Marketing Information).
2. IMS Data (BPI April 1990).
3. Taylor Nelson parallel Imports Monitor - country of origin data (graphs).
I have used the pricing information to compare pack size prices with the equivalent UK price in order to identify the most likely source for each and the relative price differentials. I have also indicated the IMS ADALAT PI data for the 12 months ending April 1990 in order to see which parallel imported pack sizes are most commonly found in the UK.
Analysis of the data showed the following :
ADALAT retard 20
30 tablet packs formed the largest proportion of ADALAT retard PI during the 12 months to April 1990. The cheapest sources appear to be France and Greece.
The 60 tablet packs appear only to be available in Spain and at a far cheaper price (i.e. an index figure of 66). These packs accounted for 2.4 million (NHS prices) during the period concerned.
This largely reflects the country of origin trends shown by the Taylor Nelson data (see graph). France and Italy account for a regular if fluctuating supply of parallel imports with Spain picking up considerably during 1989, presumably accounting for all the 60 tablet packs.
ADALAT 5 mg
ADALAT 5 mg parallel imports only account for a very small proportion of the total. The 50 mg pack size is the most likely to appear and is cheapest in Portugal and Belgium.
ADALAT 10 mg
Most 10 mg parallel imports were available in 50 tablet packs during the 12 months to April 1990. The cheapest European countries for this pack are currently Spain and Portugal with Italy and Belgium also below the equivalent UK price.
30 packs are also parallel imported and are significantly cheaper in France.
The Taylor Nelson data largely mirrors this picture with Spain again gaining ground during 1989.
It must be noted of course that parallel import trends are always likely to be fluctuating ones with exchange rates playing a vital role. It is also clear that pack sizes in stock may vary over time.
I hope the above information is of interest."
[127] Texte original :
"(...) The level of PI's now stands at 35,34 % (this figure is calculated with ADALAT RETARD 10 excluded).
(...)Total ADALAT PI's from this source (Scriptcount PI monitor) currently stand at 51.13 %. However, this data does not take account of Boots and is therefore an indication of the trend only.
Belgium remains the top country of origin for ADALAT 10 mg (30 %), followed by Italy (28 %) and Spain (21 %). Whilst for ADALAT RETARD 20 the largest number of PI's came from Greece (43 %), followed by France (19 %) and Italy and Spain (10 % each)."
[128] Texte original :
"Please find enclosed patient information leaflets and empty packs of ADALAT RETARD which were discovered at the premises of the UK parallel importer (...). According to our source, some 8,000 leaflets relating to Spanish ADALAT RETARD were seen. According to Dr Ebsworth, Spain has managed to control the majority of its product, and hence the batch numbers on the 3 boxes might provide lead to the Spanish wholesalers who are exporting to the UK. Please keep me informed of any developments."
[129] Texte original :
"Subject : PARALLEL IMPORTS
Further to your request, please find attached the parallel imports data by country of origin since January 91.
Both France and Greece are still taking the lion's share with n° signs of easing off."
[130] Texte original :
"Ich bin sehr überrascht, dass auch im neuen Jahr die Lieferung von ADALAT in allen seinen Darreichungsformen nicht seine normale Formen zurückgefunden hat.
Mich würde es sehr freuen, wenn Sie uns schriftlich wissen lassen würden, worauf die ständigen Fehlbestände und die Unterversorgung des Marktes der genannten Produkte zurückzuführen ist, um dann wenn es notwendig ist, dies den spanischen Gesundheitsbehörden darzulegen.
Unsere Firma Hefame hat mit seinen zwölf Niederlassungen, die fast die Hälfte von Spanien abdecken, für Sie sicherlich eine solche Wichtigkeit, dass Sie diese Lieferausfaelle schnellstens beheben sollten.
Ich hoffe, dass Sie dies alles in Zukunft berücksichtigen werden und zu einem normalen Lieferrhythmus zurückfinden werden."
[131] Texte original :
"Argumentationshilfe für die Diskussion mit Cofares über das Thema : "Kürzungen bei der Lieferung von ADALAT und ADALAT RETARD"
Ab 1. Quartal 1989 war die Nachfrage für ADALAT und ADALAT RETARD grösser als der Bedarf des spanischen Marktes, es gingen Bestellung die um den Faktor 50 % bis 100 % höher waren als normal bei uns ein. Den spanischen Bedarf haben wir ermittelt aus folgenden Faktoren :
a) Historie der Abverkäufe der letzten Jahre an die Grosshändler in den verschiedenen Provinzen
b) Verkaufsstatistiken der wichtigsten Grosshändler, die wir für einen Zeitraum eingekauft haben
c) Marktwerte von IMS und dem regionalen Pharmamarkt
Q.F.B. kann aufgrund seiner Mittelfristprognosen, seiner Materia Prima Bezüge und der Produktionskapazitäten nur den Bedarf des spanischen Marktes erweitert um das Marktwachstum und dei eigenen erwarteten Wachstumsraten für diese Produkte erfüllen. Um Teile des Marktes nicht vollkommen unversorgt zu lassen, was gegen die ethische Hauptverpflichtung einer Spanischen pharmazeutischen Firma spricht, nämlich die Bedürfnisse des nationalen Marktes zu erfüllen, sehen wir uns z.Z. gezwungen, die Lieferung an unsere Kunden gemäss deren Marktpotential vorzunehmen und übermässige Bestellungen zu kürzen. Da es darüberhinaus trotz alldem zu einer Nichtbelieferung von Apotheken durch einige Grosshändler kommt, sehen wir uns in gewissen Provinzen auch schon einmal gezwungen, die Apotheken direkt zu beliefern, um die Versorgung der Patienten bei einer so wichtigen Indikation wie Angina Pectoris und Hochdruck sicherstellen zu können.
Die mit Cofares abgestimmten Liefermengen berücksichtigen das ständige Wachsen und Penetrieren von dieser Grosshändlerketten in neue spanische Provinzen."
[132] En français dans le texte original.
[133] En français dans le texte original.
[134] En français dans le texte original.
[135] En français dans le texte original.
[136] En français dans le texte original.
(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.
(2) JO n° 127 du 20. 8. 1963, p. 2268/63.
(3) NB
1. Les documents probants sont cités dans leur version originale à la fin de la présente décision dans l'annexe "Documents probants originaux". Ils sont désignés par la numérotation simple. L'annexe fait partie intégrante de la présente décision.
2. Les noms "ADALAT" et "ADALATE" sont en majuscules afin de faciliter la lecture de la présente décision.
(4) Bayer Pharma SA (France) sera désignée ci-après sous le nom "Bayer France".
(5) Quimica Farmacéutica Bayer SA (Espagne) sera désignée ci-après sous le nom "Bayer Espagne".
(6) Le groupe Bayer sera désigné ci-après sous le nom "Bayer". Bayer AG (RFA) sera désignée sous le nom de "Bayer AG". Bayer plc (UK) sera désignée sous le nom de "Bayer UK".
(7) Dans le texte de la présente décision destiné à la publication, certaines informations ont été omises, conformément aux dispositions de l'article 21 du règlement n° 17 concernant la non-divulgation des secrets d'affaires.
(8) Code de la santé publique, JORF du 11 décembre 1992.
(9) Ces articles ont été modifiés fin 1992 (Loi n° 92.1279 du 8. 12. 1992 modifiant le Livre V du Code de la santé publique, JORF du 11. 12. 1992), mais ont conservé sur le fond l'ensemble des dispositions applicables aux grossistes-répartiteurs. C'est la formulation d'avant 1992 qui a été reprise ici étant donné que les effets les plus importants du comportement décrit dans cette décision se sont produits entre octobre 1991 et septembre 1992.
(10) JORF du 12. 10. 1962.
(11) Orden de 7 de abril de 1964, del Ministerio de la Gobernacion. Especialidades Farmaceuticas Almacenas, reglamentacion (B. gaceta n° 101 de 27 de abril de 1964).
(12) Orden de 5 de mayo de 1965, del Ministerio de la Gobernacion. Farmaceuticos-Farmacia Existencias Minimas en farmacias y almacenes farmaceuticos (B.O.E. Gaceta de Madrid n° 127, de 28 de mayo de 1965).
(13) Ley 25-1990 de 20 de diciembre, del Medicamento.
(14) PH (=PHARMA) : division pharmacie de la société.
(15) Bayer AG est située à Leverkusen. La division chargée des produits pharmaceutiques s'appelle "Région 2".
(16) IMS = Intercontinental Medical Statistics.
(17) "Groupement pour l'élaboration et la réalisation de statistiques", groupement d'intérêt économique fournissant à ses membres adhérents (laboratoires et grossistes) des statistiques sur leurs ventes, tant au plan national que régional et sectoriel.
(18) Pour rappel, CERP BOULOGNE est l'agence de CERP ROUEN spécialisée dans l'exportation vers le Royaume-Uni.
(19) Décision 87-409-CEE de la Commission - Sandoz (JO n° L 222 du 10. 8. 1987, p. 28.)
(20) Arrêt de la Cour du 11 janvier 1990, affaire C-277-87 Sandoz, Recueil 1990, p. I-45.
(21) Décision 80-1283-CEE de la Commission - Johnson et Johnson (JO n° L 377 du 31. 12. 1980, p. 16).
(22) Par exemple :
- décision 78-163-CEE de la Commission - Distillers (la suppression en cas d'exportation de rabais, ristournes et remises a le même objet qu'une interdiction formelle d'exporter et peut être considérée comme un moyen plus efficace pour décourager ces exportations) (JO n° L 50 du 22. 2. 1978, p.16),
- décision 85/79-CEE de la Commission - John Deere (en cas de non-respect d'une clause implicite interdisant les exportations, résiliation des contrats, raccourcissement des délais de paiement, etc.) (JO n° L35 du 7. 2. 1985, p. 58),
- décision 87-406-CEE de la Commission - Tipp-Ex (la suppression des conditions privilégiées de vente en cas d'exportation ne peut s'expliquer que par la volonté de Tipp-Ex d'empêcher ces exportations), (JO n° L 222 du 10. 8. 1987, p. 1),
- décision 91-335-CEE de la Commission - Gosme/Martell (le refus de remises et ristournes en cas d'exportation rend cette opération moins attrayante pour l'exportateur et constitue un moyen de décourager ces exportations) (JO n° L 185 du 11. 7. 1991, p. 23).
(23) Décision 82-203-CEE de la Commission - Moët et Chandon (London) (JO n° L 94 du 8. 4. 1982, p. 7).
(24) Décision 82-267-CEE de la Commission - AEG Telefunken (JO n° L 117 du 30. 4. 1982, p. 15) confirmée par l'arrêt de la Cour, affaire 107-82 (Recueil 1983, p. 3151).