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Décisions

TPICE, 4e ch. élargie, 9 janvier 1996, n° T-575/93

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Koelman

Défendeur :

Commission des Communautés européennes, Buma

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Barrington

Juges :

MM. Garcia-Valdecasas, Lenaerts, Azizi, Mme Lindh

Avocats :

Mes Molitor, Dupong, Feltgen, Van Rij, Engels.

Comm. CE, du 14 oct. 1993

14 octobre 1993

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),

FAITS A L'ORIGINE DU RECOURS

1 La retransmission par câble des programmes de télévision et de radio constitue, selon un arrêt du Hoge Raad der Nederlanden, une "publication" au sens de l'article 1er de l'"Auteurswet" (loi sur les droits d'auteur), ce qui rend cette dernière applicable à ce service et confère aux ayants droit - au sens de l'Auteurswet - de ces programmes le droit de donner ou refuser leur consentement à la retransmission ainsi que le droit de recevoir une rémunération en cas de retransmission.

2 Le 29 mai 1985, les représentants des sociétés de télédistribution ou de radiodiffusion par câble ont conclu une convention-cadre avec les ayants droit des programmes de télévision et de radio, permettant la conclusion à titre individuel de deux conventions types entre ces ayants droit et chaque société de télédistribution ou de radiodiffusion par câble, l'une pour les programmes de télévision et l'autre pour les programmes de radio, dans lesquelles l'application de l'Auteurswet à la retransmission de ces programmes se trouve concrétisée. Depuis lors, ces conventions ont été prorogées à plusieurs reprises.

3 En ce qui concerne la retransmission par câble de programmes de télévision, les ayants droit mentionnés dans la convention type étaient à l'époque les chaînes de télévision NOS, BRT, RTBF, ARD, ZDF, BBC, TF1, A2 et France 3, la fondation Sekam, l'association Agicoa et l'association Buma. A l'occasion d'une prorogation de cette convention type, les chaînes de télévision Nederland 3, RAI Uno et RTL+ se sont ajoutées à cette liste. En ce qui concerne la retransmission par câble de programmes de radio, le seul ayant droit mentionné dans la convention type est la Buma.

4 La Buma est intervenue dans ces conventions sous deux qualités différentes. En premier lieu, en tant que mandataire de tous les titulaires de droits d'auteur néerlandais : des droits d'auteur en matière musicale, des droits dans l'exécution d'œuvres musicales accompagnée d'une représentation scénique, des droits littéraires, des droits en matière d'arts plastiques et de photographie, des droits sur les œuvres cinématographiques et des droits propres des organismes de radiodiffusion. En second lieu, elle est intervenue en tant que représentant des organisations affiliées à la CISAC (organisation internationale regroupant les différentes organisations nationales représentant les titulaires des droits d'auteur énumérés ci-dessus). En ces deux qualités, la Buma perçoit au nom de tous les ayants droit les redevances dues par les sociétés de télédistribution ou de radiodiffusion par câble.

5 Par ailleurs, la Buma jouit d'un monopole légal en tant qu'organisation néerlandaise des titulaires de droits d'auteur en matière musicale. Elle est en effet la seule à avoir été autorisée, par arrêté du ministre de la justice du 24 mars 1933, en vertu de l'article 30 A de la loi de 1912 sur les droits d'auteur, à agir professionnellement en qualité d'intermédiaire dans le domaine des droits d'auteur en matière musicale. Dans ce cadre, la Buma conclut des contrats d'exploitation avec les auteurs d'œuvres musicales. C'est la raison pour laquelle la convention type pour la retransmission par câble de programmes de radio prévoit uniquement la Buma comme ayant droit.

6 Les conventions types prévoient que les ayants droit accordent à la société de télédistribution ou de radiodiffusion par câble l'autorisation non exclusive de retransmission des programmes. Une clause de garantie figure dans les conventions types, selon laquelle les ayants droit, parties à celles-ci, prennent en charge toute responsabilité financière de la société de télédistribution ou de radiodiffusion par câble qui résulterait des réclamations formulées, dans un délai de six mois après la fin de l'année civile au cours de laquelle a eu lieu la retransmission d'une émission, par un titulaire ou un ayant droit de droits d'auteur qui n'aurait pas été représenté par une partie aux conventions types et ne peut, par conséquent, pas être censé avoir donné son consentement à la retransmission. Au moment du dépôt du mémoire en intervention de la Buma, aucun appel à cette clause de garantie n'avait eu lieu.

7 Ces conventions types ont été notifiées à la Commission le 18 décembre 1985 en vue d'obtenir une attestation négative ou une exemption.

8 Par lettre du 16 juin 1986, M. A. C. Overbury, directeur à la Commission, a répondu que la direction générale de la concurrence n'avait pas l'intention de poursuivre l'examen des conventions notifiées dans le cadre de l'application des règles de concurrence et que le dossier était par conséquent clos.

9 A partir du 8 août 1985, le requérant, compositeur et gérant d'une agence d'œuvres photographiques, a commencé à adresser une correspondance régulière à la Commission dans laquelle il attirait l'attention de celle-ci sur les monopoles de fait dont bénéficient les sociétés de droits d'auteur dans les différents Etats membres et dénonçait la conclusion des conventions types susmentionnées. Le 26 octobre 1990, cette correspondance a abouti au dépôt d'une plainte relative à ces conventions types. Cette plainte initiale a été complétée le 6 mars 1992, lorsque le requérant a demandé à la Commission de constater l'incompatibilité avec le droit communautaire des articles 2, 3, 5, 6, 8 et 9 du contrat type d'exploitation du 23 décembre 1986 entre la Buma et les auteurs d'œuvres musicales.

10 Le requérant estime que son affiliation à la Buma comme compositeur ainsi que son autre activité professionnelle d'intermédiaire pour les droits d'auteur d'œuvres photographiques lui donnaient un intérêt suffisant pour introduire cette plainte auprès de la Commission.

11 Le 6 août 1992, le requérant a introduit un recours en carence contre la Commission après avoir préalablement invité celle-ci à agir par lettre du 8 avril 1992 (affaire T-56-92). Le 8 octobre 1992, la Commission a envoyé, en vertu de l'article 6 du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99-63"), une lettre signée par M. C. D. Ehlermann, directeur général de la direction générale de la concurrence de la Commission, indiquant qu'elle avait l'intention de rejeter la plainte du requérant et a invité celui-ci à faire valoir ses observations à cet égard.

12 Par lettre du 8 novembre 1992, le requérant a fait connaître ses observations.

13 Par lettre du 14 octobre 1993, signée par le membre de la Commission en charge des questions de concurrence, la Commission a définitivement rejeté la plainte du requérant.

14 Par ordonnance du 29 novembre 1993, Koelman/Commission (T-56-92, Rec. p. II-1267), le Tribunal a constaté qu'il n'y avait dès lors plus lieu de statuer sur le recours en carence (voir ci-dessus point 11).

15 Le 14 décembre 1993, le requérant a introduit un recours fondé, d'une part, sur l'article 173 du traité, tendant à l'annulation de la décision de la Commission de rejeter sa plainte et, d'autre part, sur les articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité, tendant à la réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi.

16 Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 7 juin 1994, l'association Buma a été admise à intervenir à l'appui des conclusions de la Commission.

17 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.

18 A l'audience, l'avocat du requérant a déclaré qu'il ne souhaitait pas plaider ni répondre aux questions que désirait lui poser le Tribunal dans la langue de procédure, parce qu'il ne maîtrisait pas suffisamment celle-ci. Dans ces circonstances, la Commission a aussi renoncé à plaider. En accord avec la Commission, le Tribunal a proposé à l'avocat du requérant de répondre en français à certaines questions qu'il souhaitait lui poser. Alors même que la traduction en français des questions à poser était assurée pendant l'audience, l'avocat du requérant a déclaré qu'il préférait que le Tribunal ne lui pose plus aucune question vu le caractère complet des développements consacrés à la thèse du requérant pendant la procédure écrite. Le Tribunal s'est alors contenté de poser certaines questions à la Commission qui y a répondu dans la langue de procédure. La partie intervenante n'était pas représentée à l'audience.

Conclusions des parties

19 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

1) déclarer nuls, sur la base des articles 173 et 174 du traité, la décision de la Commission de ne pas engager la procédure prévue à l'article 3 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"), à la suite de la plainte qu'il a déposée le 26 octobre 1990, concernant ce qu'il est convenu d'appeler les deux conventions du 29 mai 1985 relatives à la radiodiffusion par câble et à la télédistribution, ainsi que tous les accords qui en dérivent, les participations à ces accords et à d'autres des organisations de gestion de droits d'auteur d'œuvres musicales occupant une position dominante, les contrats d'exploitation type appliqués par la Buma et le rôle joué par l'Etat néerlandais dans l'élaboration des conventions précitées relatives à la transmission par câble ;

garantir aux auteurs le libre choix de l'organisation à laquelle ils souhaitent confier la gestion de leurs œuvres ;

garantir aux entreprises qui s'occupent de la gestion de droits un accès loyal au marché et les protéger contre les abus de position dominante exercés par les monopoles dans le domaine des droits d'auteur d'œuvres musicales ;

2) déclarer :

a) incompatibles avec l'article 85, paragraphe 1, du traité les deux conventions du 29 mai 1985 relatives à la radiodiffusion par câble et à la télédistribution, ainsi que tous les accords qui en dérivent ;

b) incompatibles avec l'article 7 du traité la convention type du 29 mai 1985 relative à la télédistribution ainsi que tous les accords qui en dérivent ;

c) incompatible avec l'article 86 du traité la participation de la Buma aux conventions relatives à la transmission par câble, sous la forme qui a été adoptée ;

d) incompatible avec les obligations qui lui incombent en vertu de l'article 90, le rôle joué par l'Etat néerlandais dans l'élaboration des conventions relatives à la transmission par câble et leur mise en œuvre pratique au moyen de suppléments de facture émanant d'entreprises d'utilité publique ;

e) que les articles 2, 3, 5, 6, 8 et 9 des contrats d'exploitation type de la Buma constituent une violation de la décision 71-224-CEE de la Commission, du 2 juin 1971, relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CEE (IV-26760 - Gema ; JO L 134, p. 15), et sont incompatibles avec l'article 86 du traité en ce qu'ils constituent un abus de position dominante de la Buma à l'égard des auteurs ;

3) statuer sur les autres points que le Tribunal estime pertinents ;

4) condamner la Commission à l'indemnisation du préjudice subi par M. Koelman qu'il évalue au minimum à 1 500 000 HFL, ou du moins à la partie du préjudice que le Tribunal imputera au comportement de la Commission ;

5) condamner la Commission aux dépens.

20 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- à titre principal, déclarer de toute manière irrecevable la demande formulée au point 1, dans la mesure où elle va au-delà d'une demande en annulation, ainsi que les demandes formulées aux points 2, 3 et 4, et rejeter le recours pour le surplus ;

- à titre subsidiaire, rejeter le recours dans son intégralité ;

- dans l'un et l'autre cas, condamner le requérant aux dépens de l'instance.

21 La partie intervenante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- déclarer le recours formé par M. Koelman irrecevable en tous points ou le rejeter ;

- condamner M. Koelman aux dépens, y compris ceux de la partie intervenante.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

22 La Commission estime que seule une partie de la demande du requérant, formulée au point 1 de ses conclusions, est recevable, les autres demandes se situant manifestement en dehors de la compétence du juge communautaire ou n'étant pas suffisamment élaborées et précises.

23 Ainsi, la Commission fait valoir que, le Tribunal n'ayant compétence que pour annuler les actes d'une institution communautaire dans le cadre d'un recours en vertu de l'article 173 du traité, il n'est pas compétent pour ordonner les mesures spécifiques qui ont été demandées au point 1 des conclusions du requérant. En effet, en vertu de l'article 176 du traité, il incombe à l'institution dont l'acte a été annulé de prendre les mesures nécessaires à l'exécution de l'arrêt en cause. Il n'appartiendrait pas non plus au Tribunal de statuer sur la compatibilité avec le droit communautaire des accords conclus entre personnes physiques ou morales, comme il est demandé au point 2 des conclusions du requérant. Cette appréciation relèverait de la compétence de la Commission à laquelle le Tribunal ne pourrait pas se substituer (ordonnances du président du Tribunal du 6 décembre 1989, Cosimex/Commission, T-131-89 R, Rec. 1990 p. II-1, point 12, et du 14 décembre 1993, Gestevision Telecinco/Commission, T-543-93 R, Rec. p. II-1409, points 24 et 25).

24 La Commission allègue ensuite que la demande formulée au point 3 des conclusions du requérant de "statuer sur les autres points que le Tribunal estime pertinents" n'est pas suffisamment précise pour être déclarée recevable.

25 Enfin, la Commission estime que les conclusions en indemnité sont irrecevables parce que la requête ne permettrait d'identifier sans ambiguïté ni la faute qui serait imputable à la Commission ni le préjudice prétendument subi par le requérant ni, a fortiori, le lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice prétendument subi. Quant à l'évaluation du préjudice, la Commission fait remarquer que le requérant propose un simple montant sans y apporter de justifications et sans avoir indiqué la façon de le calculer. En outre, la Commission souligne que, lorsque la faute reprochée consiste en une carence, il faut que le préjudice subi se rapporte à la période postérieure à la date à laquelle la carence peut être constatée.

26 En réponse, le requérant fait remarquer que ses conclusions se situent toutes dans le cadre des compétences du Tribunal.

27 S'agissant plus précisément de ses conclusions en indemnité, le requérant souligne qu'il a clairement indiqué que le manque de diligence et la lenteur avec lesquels la Commission a traité ses plaintes constituent une faute. Plus particulièrement, l'omission de la Commission de l'informer du fait qu'elle avait accordé une attestation négative en ce qui concerne les conventions types notifiées rendrait son comportement illicite.

Appréciation du Tribunal

28 Le Tribunal examinera la recevabilité des conclusions de la partie requérante suivant l'ordre dans lequel elles ont été présentées dans la requête.

29 En premier lieu, en ce qui concerne la partie du point 1 des conclusions du requérant dans laquelle ce dernier conclut à ce qu'il plaise au Tribunal de "garantir aux auteurs le libre choix de l'organisation à laquelle ils souhaitent confier la gestion de leurs œuvres" et de "garantir aux entreprises qui s'occupent de la gestion de droits un accès loyal au marché" et de "les protéger contre les abus de position dominante exercés par les monopoles dans le domaine des droits d'auteur d'œuvres musicales", le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, il n'est pas compétent pour adresser des injonctions aux institutions communautaires, aux Etats membres ou à des personnes physiques ou morales(voir ordonnance Koelman/Commission, précitée, point 18, et l'arrêt du Tribunal du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T-102-92, Rec. p. II-17, point 28). Il s'ensuit que les demandes formulées par le requérant dans cette partie du point 1 des conclusions ne sont pas recevables.

30 En deuxième lieu, en ce qui concerne les demandes reprises au point 2 des conclusions du requérant, le Tribunal estime qu'elles ne relèvent manifestement pas de sa compétence et doivent, par conséquent, être déclarées irrecevables. En effet, le juge communautaire n'est pas compétent, d'une part, pour se prononcer, à l'initiative d'une personne physique ou morale, sur la compatibilité avec les dispositions du traité du comportement d'un Etat membre ou d'une personne physique ou morale et, d'autre part, pour annuler tout ou partie d'accords conclus par des personnes physiques ou morales (voir ordonnance Koelman/Commission, précitée, point 18).

31 En troisième lieu, en ce qui concerne la demande énoncée au point 3 des conclusions du requérant, par laquelle ce dernier invite le Tribunal à "statuer sur les autres points que le Tribunal estime pertinents", le Tribunal considère qu'une telle demande n'indique pas son objet et qu'elle ne revêt dès lors pas le degré de précision requis par l'article 19 du statut (CE) de la Cour et l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal pour être recevable.

32 Il résulte de ce qui précède que toutes les conclusions du requérant autres que sa demande visant à obtenir l'annulation de la décision de la Commission de rejeter sa plainte, mentionnée dans la première partie du point 1 de ses conclusions, et celle tendant à obtenir l'indemnisation du préjudice qu'il a prétendument subi, mentionnée au point 4 de ses conclusions, doivent être déclarées irrecevables.

33 Enfin, le Tribunal tient à remarquer que la requête est peu structurée, que sa rédaction est assez confuse et que les moyens invoqués par le requérant à l'appui des conclusions en annulation et en indemnité ne sont pas identifiés en tant que tels. Toutefois, malgré ces déficiences formelles de la requête, le Tribunal estime que celle-ci contenait suffisamment d'informations pour que la Commission ait pu prendre position sur le fond et pour que le Tribunal puisse exercer son contrôle (arrêt de la Cour du 12 avril 1984, Unifrex/Commission et Conseil, 281-82, Rec. p. 1969, point 15), de sorte que, à cet égard, il a été satisfait aux exigences de l'article 19 du statut (CE) de la Cour et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal.

34 Par conséquent, les conclusions en annulation et en indemnité sont recevables.

Sur le fond

35 Compte tenu des observations faites aux points précédents, le Tribunal considère que les conclusions en annulation sont fondées en réalité sur quatre moyens. Le premier moyen est tiré d'une violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité, en ce que la Commission a fait référence aux conditions d'exemption figurant dans cette disposition pour rejeter la plainte du requérant en ce qui concerne les conventions types, sans avoir préalablement pris une décision d'exemption de ces conventions. Le deuxième moyen comporte deux branches. En sa première branche, ce moyen est tiré d'une erreur manifeste d'appréciation, en ce que la Commission aurait à tort basé son rejet de la plainte du requérant sur la constatation que les conventions types remplissaient toutes les conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Dans la seconde branche de ce moyen, il est reproché à la Commission de ne pas avoir retenu que la Buma a violé l'article 86 du traité en concluant les conventions types et de ne pas avoir estimé nécessaire d'examiner, à la lumière de l'article 86, la compatibilité des actes de l'Etat néerlandais avec l'article 90, paragraphe 1, du traité. Le troisième moyen est tiré de la violation de l'article 155 du traité et de l'article 3 du règlement n° 17, en ce que la Commission n'aurait pas ouvert d'instruction sur la compatibilité avec le droit communautaire des contrats d'exploitation conclus par la Buma avec les auteurs d'œuvres musicales considérant que la plainte du requérant à cet égard ne présentait pas un intérêt communautaire suffisant. Le quatrième moyen est tiré d'une violation de l'obligation de motivation, en ce que la Commission aurait rejeté la plainte sans mentionner les raisons pour lesquelles le comportement de la Buma à l'égard de ses membres ne justifiait pas une instruction concernant une violation éventuelle de l'article 86 du traité. Les conclusions en indemnité sont fondées, quant à elles, sur le fait que la Commission aurait violé le principe de bonne administration, ce qui aurait provoqué la disparition de l'agence de photos du requérant dans laquelle il agissait en tant qu'intermédiaire en matière de droits d'auteur d'œuvres photographiques.

Sur les conclusions en annulation

Premier moyen : violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité

- Arguments des parties

36 Le requérant allègue que la Commission a violé l'article 85, paragraphe 3, du traité en rejetant sa plainte sur la base du fait que les conventions types satisfaisaient aux conditions d'exemption mentionnées dans cette disposition, sans toutefois avoir pris de décision d'exemption à cet égard. Or, le requérant estime que, pour des raisons de sécurité juridique, la Commission ne peut se référer à ces conditions qu'après avoir pris une décision d'exemption. Par conséquent, la Commission n'aurait pas pu rejeter la plainte, en l'espèce, en se référant à l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

37 La Commission répond qu'elle a le droit de rejeter une plainte sans être obligée de prendre au préalable une décision d'exemption des conventions dénoncées par le plaignant et notifiées auprès d'elle par les parties à ces conventions.

- Appréciation du Tribunal

38 Par ce moyen, le Tribunal est invité à déterminer si la Commission peut rejeter une plainte au sens de l'article 3 du règlement n° 17 au motif que les conventions dénoncées par le plaignant satisfont en tout état de cause aux exigences posées par l'article 85, paragraphe 3, du traité en vue de bénéficier d'une exemption de l'interdiction contenue à l'article 85, paragraphe 1, du traité, alors qu'elle n'a pas adressé de décision à cet égard aux parties à ces conventions, qui les lui ont par ailleurs notifiées, et qu'elle ne s'est pas prononcée définitivement sur le point de savoir si celles-ci enfreignent l'article 85, paragraphe 1, du traité.

39 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, lorsque la Commission est saisie d'une plainte introduite en vertu de l'article 3 du règlement n° 17, elle est obligée d'examiner attentivement les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par la partie plaignante, en vue d'apprécier si lesdits éléments font apparaître un comportement de nature à fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun et à affecter le commerce entre Etats membres (arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992, Automec/Commission, dit "Automec II", T-24-90, Rec. p. II-2223, point 79). Néanmoins, il ressort également d'une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal que l'article 3 du règlement n° 17 ne confère pas à l'auteur d'une demande présentée en vertu dudit article le droit d'obtenir une décision de la Commission, au sens de l'article 189 du traité, quant à l'existence ou non d'une infraction à l'article 85 du traité (arrêt de la Cour du 18 octobre 1979, Gema/Commission, 125-78, Rec. p. 3173, point 17 ; arrêt du Tribunal du 24 janvier 1995, BEMIM/Commission, T-114-92, Rec. p. II-147, point 62).

40 Le Tribunal estime qu'il résulte de cette jurisprudence que, en rejetant une plainte, la Commission doit indiquer les raisons pour lesquelles l'examen attentif des éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par la partie plaignante ne la conduisent pas à entamer une procédure de constatation d'une infraction à l'article 85 du traité. Ce faisant, la Commission peut examiner les conventions et pratiques dénoncées au regard de l'article 85 pris dans son ensemble et exposer les raisons pour lesquelles elle considère que - à supposer même que ces conventions et pratiques constituent une infraction à l'article 85, paragraphe 1 - cette dernière disposition pourrait en tout état de cause être déclarée "inapplicable" à ces conventions et pratiques en vertu de l'article 85, paragraphe 3, de telle sorte qu'il ne lui apparaît pas que l'examen attentif de la plainte doit la conduire à mettre en œuvre l'action demandée par le plaignant. Il s'ensuit, en l'espèce, que la Commission avait le droit de motiver sa décision de rejeter la plainte en indiquant les raisons pour lesquelles elle a considéré, sur la base des éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant, que les conventions types remplissaient les conditions de l'article 85, paragraphe 3, sans adopter au préalable une décision d'exemption de ces conventions adressée aux parties contractantes, ni se prononcer définitivement sur la compatibilité de ces conventions avec l'article 85, paragraphe 1.

41 Le Tribunal remarque néanmoins qu'une telle décision de rejet d'une plainte, qui ne se prononce pas définitivement sur l'existence ou l'inexistence d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, et n'accorde pas d'exemption au sens de l'article 85, paragraphe 3, comporte uniquement une appréciation, de la part de la Commission, des conventions et pratiques en cause. De ce fait, elle a la même valeur juridique que les "lettres de confort", ainsi que la Commission l'a reconnu à l'audience (arrêts de la Cour du 10 juillet 1980, Giry et Guerlain e.a., 253-78 et 1-79 à 3-79, Rec. p. 2327, point 13, Marty, 37-79, Rec. p. 2481, point 10, et Lancôme et Cosparfrance, 99-79, Rec. p. 2511, point 11).

42 Il s'ensuit que les appréciations portées par la Commission dans une décision de rejet d'une plainte du type de celle qui est ici en cause ne sont pas de nature à empêcher que le juge national, amené à se prononcer sur la compatibilité des conventions et pratiques dénoncées par le plaignant avec l'article 85, paragraphe 1, déclare ces dernières nulles de plein droit en vertu de l'article 85, paragraphe 2, du traité, eu égard aux éléments dont il dispose. Le fait que les appréciations de la Commission sont contenues, à la différence d'une lettre de confort, dans un acte attaquable ne change rien à cette conclusion, dans la mesure où de telles appréciations ne comportent pas de prononcé définitif quant à l'existence ou non d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, ni d'exemption au sens de l'article 85, paragraphe 3, intervenus dans les conditions fixées à cet effet dans le règlement n° 17.

43 Il convient en outre de rappeler que les appréciations de la Commission constituent des éléments de fait que les juridictions nationales peuvent prendre en compte dans leur examen de la conformité des accords ou comportements en cause avec les dispositions précitées (voir l'arrêt Giry et Guerlain e.a., précité, point 13), en faisant appel, le cas échéant, aux services de la Commission (arrêt de la Cour du 28 février 1991, Delimitis, C-234-89, Rec. p. I-935, points 43 à 55). En l'espèce, parmi ces éléments de fait, se trouve précisément l'appréciation de la Commission selon laquelle "on ne peut exclure à l'avance que les conventions relatives à la transmission par câble ont pour but ou pour conséquence que la concurrence est restreinte au sens de l'article 85, paragraphe 1" (voir décision attaquée, points 10 à 12), alors même que la Commission n'a pas encore fait usage de la compétence exclusive dont elle dispose en vertu du règlement n° 17 pour accorder une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, ce qui laisse intact le pouvoir du juge national d'annuler une telle convention.

44 Il résulte de tout ce qui précède que le moyen doit être rejeté.

Deuxième moyen : erreur manifeste d'appréciation

- Arguments des parties

45 Dans la première branche de ce moyen, le requérant allègue que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en fondant partiellement son rejet de la plainte sur la considération que les conventions types de télédistribution ou de radiodiffusion par câble remplissent en tout état de cause les conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité, de sorte que, même si ces conventions étaient contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, ledit article pourrait être déclaré inapplicable. Selon le requérant, les conditions de l'article 85, paragraphe 3, ne sont pas réunies en l'espèce.

46 A cet égard, le requérant estime, en premier lieu, que les conventions types ne contribuent pas à une amélioration de la production ou de la distribution des programmes de télévision ou de radio. Selon lui, la Commission n'a pas montré que la conclusion de telles conventions générales, incluant toutes les parties intéressées, favorise la production de programmes de télévision ou de radio et augmente le nombre de programmes retransmis par câble. Au contraire, les pays dans lesquels de telles conventions n'ont pas été conclues connaîtraient une offre à tout le moins aussi importante de programmes retransmis par câble.

47 En deuxième lieu, le requérant doute aussi de l'affirmation de la Commission - qu'elle n'aurait pas démontrée - selon laquelle de telles conventions entraîneraient une offre plus large de programmes et une diminution du risque de perturbation des émissions engendrée par le refus d'un titulaire ou d'un ayant droit d'autoriser la transmission d'un programme sur lequel il a un droit d'auteur. Il se demande dès lors de quelle façon de telles conventions peuvent réserver une partie équitable de leurs avantages aux téléspectateurs ou auditeurs de radio, lorsqu'il n'y en a pas.

48 En troisième lieu, le requérant estime que la Commission n'a pas démontré la nécessité de conclure de telles conventions types pour assurer une retransmission par câble des programmes de télévision et de radio qui respecte tous les droits d'auteur en cause. Selon lui, deux alternatives moins restrictives à la concurrence seraient envisageables. L'une serait un règlement à la source entre l'auteur et le premier diffuseur, le dernier payant à l'auteur un supplément pour la retransmission par câble autorisée du programme concerné. L'autre assurerait le paiement des droits d'auteur par un système automatique de repérage, enregistrant toutes les émissions retransmises sur la base d'un signal électronique codé.

49 Enfin, en quatrième lieu, le requérant allègue que les clauses d'exclusivité contenues dans les conventions types éliminent la concurrence parce qu'elles ont pour effet que seuls les ayants droit parties à ces conventions peuvent autoriser les sociétés de télédistribution ou de radiodiffusion par câble à retransmettre des programmes de télévision ou de radio, comportant des éléments protégés par des droits d'auteur. En effet, ces conventions types offriraient une licence globale de retransmission par câble de programmes des chaînes de télévision et des stations de radio représentées, couvrant à la fois les droits d'auteur des ayants droit parties aux conventions types et les droits d'auteur d'autres titulaires et ayants droit qui ne sont pas parties aux conventions types. Cela créerait un effet anticoncurrentiel en ce que d'autres intermédiaires voulant intervenir dans le règlement des droits d'auteur de titulaires ou d'ayants droit non représentés, dus sur les programmes retransmis par câble, seraient dans l'impossibilité d'entrer sur ce marché. Cet effet anticoncurrentiel serait encore renforcé par le fait qu'une chaîne de télévision ou une station de radio partie aux conventions types ne pourrait plus conclure d'accord de retransmission par câble avec une société de télédistribution ou de radiodiffusion par câble qui ne correspondrait pas à la convention type. En outre, le monopole légal de la Buma, dans sa fonction d'intermédiaire assurant l'application de la réglementation relative aux droits d'auteur d'œuvres musicales, contribuerait également à l'élimination de la concurrence par les conventions en cause pour des œuvres autres que musicales, en ce que ce monopole assurerait toujours l'intervention de la Buma dès qu'une émission retransmise par câble comporte une œuvre musicale et empêcherait ainsi le recours à des négociations indépendantes de l'intervention de la Buma entre une chaîne de télévision ou station de radio et une société de distribution par câble.

50 Dans la seconde branche de ce moyen, le requérant allègue que la décision attaquée, pour autant qu'elle concerne la violation de l'article 86 du traité par la Buma en raison de la conclusion des conventions types et la violation de l'article 90, paragraphe 1, du traité, lu à la lumière de l'article 86 du traité, par l'Etat néerlandais, est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la part de la Commission. Il ressortirait en effet de la décision attaquée, selon laquelle la Commission ne voyait pas de raison d'examiner de sa propre initiative de tels griefs, que cette dernière a omis de constater, d'une part, que la Buma a exploité d'une manière abusive sa position dominante d'intermédiaire sur le marché des droits d'auteur des œuvres musicales pour atteindre la même position sur des marchés connexes et, d'autre part, que l'Etat néerlandais a pris des mesures qui sont incompatibles avec l'article 90, paragraphe 1, du traité. Ainsi, en cas de conclusion simultanée de conventions types pour la retransmission par câble de programmes de télévision et de radio, la Buma aurait favorisé les premières qui, en termes de droits d'auteur, sont plus lucratives pour elle, dès lors qu'elle perçoit des redevances pour toutes les catégories de droits d'auteur et non pas seulement pour les œuvres musicales, en renonçant aux redevances dues pour la retransmission de programmes de radio, laquelle peut uniquement faire l'objet d'une convention de retransmission par câble conclue par la Buma en raison de son monopole légal.

51 En ce qui concerne la première branche de ce moyen, la Commission conteste que les conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité ne soient pas remplies en l'espèce. En effet, selon elle, la motivation de la décision attaquée ne peut qu'être confirmée. Ainsi, elle ne voit pas de quelle façon il pourrait être contesté qu'une convention collective de télédistribution ou de radiodiffusion par câble contribue à l'augmentation du nombre de programmes retransmis ou qu'elle assure une retransmission sans interruption ni perturbation provoquées par le refus d'un titulaire ou d'un ayant droit de donner son consentement.

52 Quant aux deux autres méthodes proposées par le requérant, la Commission fait remarquer qu'elles ne mettent pas en cause la nécessité de conclure une convention collective de télédistribution ou de radiodiffusion par câble en raison du fait qu'elles ne constituent pas des alternatives à part entière. C'est ainsi que le système du "règlement à la source" ne prendrait pas en compte les problèmes qui surgissent souvent entre les titulaires ou les ayants droit de droits d'auteur et les sociétés de télédistribution ou de radiodiffusion par câble. Comme le souligne également la partie intervenante, le système de repérage ne prévoirait, quant à lui, qu'une solution pour la détermination des droits dus à la suite d'une retransmission, mais ne résoudrait pas le problème du consentement préalable. En outre, cette dernière possibilité ne serait utile que pour la retransmission d'œuvres musicales, mais ne serait pas applicable - par exemple - à la retransmission par câble d'œuvres photographiques.

53 En ce qui concerne l'allégation du requérant selon laquelle les conventions types élimineraient la concurrence en raison du rôle d'intermédiaire prépondérant de la Buma, la Commission souligne que les effets anticoncurrentiels indiqués par le requérant découlent principalement du monopole légal qu'elle détient, qui ne faisait pas l'objet de la plainte et non pas des conventions types elles-mêmes. Elle remarque, en outre, que ce monopole légal dont la Buma jouit vaut uniquement pour l'émission d'œuvres musicales et que la Buma ne dispose pas d'une situation concurrentielle semblable pour d'autres types d'émission. Quant au reproche du requérant selon lequel l'exclusivité du consentement de tous les ayants droit à la retransmission par câble renforcerait l'effet anticoncurrentiel de la convention, la Commission remarque que le fait qu'un organisme a acquis tous les droits ou représente tous les titulaires de droits d'auteur n'a pas pour conséquence qu'il ne pourrait plus conclure une convention séparée avec une société de télédistribution ou de radiodiffusion par câble.

54 Quant à la seconde branche de ce moyen, en l'absence de preuves convaincantes, la Commission ne voit pas de quelle façon la Buma peut exploiter d'une manière abusive son monopole légal d'intermédiaire sur le marché des droits d'auteur d'œuvres musicales pour étendre sa position dominante au marché des droits d'auteur d'œuvres photographiques. En effet, la Buma reçoit les redevances dues pour la retransmission par câble d'œuvres photographiques au nom de la Burapo, une organisation ayant sa propre administration, qui répartit ensuite les sommes reçues entre les différents photographes.

55 En ce qui concerne la partie de la plainte relative au comportement de l'Etat néerlandais, la Commission remarque que la plainte avait été introduite sur la base du règlement n° 17 contre la Buma et les autres parties aux conventions types et non pas contre l'Etat néerlandais sur la base de l'article 169 ou de l'article 90, paragraphe 3, du traité. Si le Tribunal devait néanmoins estimer qu'une plainte a effectivement été déposée contre l'Etat néerlandais, la Commission fait valoir, à titre subsidiaire, qu'elle n'a pris aucune décision à cet égard de sorte que cette question n'a pas à être examinée dans le cadre de la présente procédure.

- Appréciation du Tribunal

56 A titre liminaire, le Tribunal rappelle qu'il est de jurisprudence constante que, lorsque la Commission a pris une décision de classement d'une plainte introduite en vertu de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17, sans mener d'instruction, le contrôle de légalité auquel le Tribunal doit procéder vise à vérifier si la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, n'est entachée d'aucune erreur de droit ni d'aucune erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir (arrêt du Tribunal du 18 mai 1994, BEUC et NCC/Commission, T-37-92, Rec. p. II-285, point 45).

57 En ce qui concerne la première branche de ce moyen, le Tribunal relève, en premier lieu, que la Commission a déclaré au point 14 de la décision attaquée qu'un "accord collectif et uniforme de l'autorisation de transmettre des programmes de radio et de télévision constitue la méthode la plus effective et efficace permettant d'assurer une transmission légitime de ces programmes par câble dans une situation dans laquelle un grand nombre de titulaires et d'exploitants de câble sont concernés par l'octroi de l'autorisation et par la transmission qui en résulte. Etant donné qu'aussi bien des émetteurs nationaux qu'étrangers sont concernés par cet accord collectif, force est de constater qu'il améliore la distribution des programmes de radio et de télévision dans le marché commun". Or, le Tribunal constate que le requérant a contesté cette allégation en soulignant que la retransmission par câble de programmes de télévision et de radio n'est pas moins importante dans les pays qui ne connaissent pas d'"accord collectif et uniforme de l'autorisation de transmettre des programmes de radio et de télévision", sans apporter le moindre élément de preuve permettant d'établir les faits qu'il invoque, alors même que la Commission l'avait invité à le faire dans la lettre qu'elle lui a adressée le 8 octobre 1992, conformément à l'article 6 du règlement n° 99-63.

58 Le Tribunal estime dès lors que le requérant n'a pas démontré que la thèse de la Commission, selon laquelle un tel accord collectif et uniforme est le moyen le plus effectif et efficace pour assurer la retransmission légitime par câble des programmes de télévision et de radio, était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il s'ensuit que cet argument du requérant ne peut pas être retenu par le Tribunal.

59 En deuxième lieu, le Tribunal constate que, à l'appui de l'argument selon lequel les utilisateurs ne retireraient aucune partie équitable du profit qui résulte d'une amélioration de la retransmission des programmes de télévision et de radio, le requérant n'a soumis aucun élément, ni dans ses observations du 8 novembre 1992 en réponse à la lettre de la Commission du 8 octobre 1992 ni dans la requête ou le mémoire en réplique, de nature à fragiliser la crédibilité de la thèse de la Commission telle qu'exposée dans la décision attaquée, selon laquelle les conventions de télédistribution ou de radiodiffusion par câble en cause permettent de mettre à la disposition des consommateurs une plus grande offre de programmes de télévision et de radio et réduisent au minimum les risques de perturbation ou d'interruption des retransmissions suite à des différends concernant des droits d'auteur. Il s'ensuit que cet argument du requérant ne peut pas non plus être retenu par le Tribunal.

60 En troisième lieu, en ce qui concerne la condition posée par l'article 85, paragraphe 3, du traité selon laquelle les conventions types ne peuvent pas imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre les objectifs mentionnés dans cette disposition, force est de constater que le requérant n'a pas proposé d'alternative valable à l'opinion de la Commission selon laquelle la conclusion d'une convention collective de télédistribution ou de radiodiffusion par câble entre les ayants droit et chaque société de distribution est indispensable pour améliorer la retransmission efficace et légitime des programmes de télévision et de radio. En effet, d'une part, en ce qui concerne la première possibilité proposée par le requérant, selon laquelle le règlement des droits d'auteur sur la retransmission des programmes de télévision et de radio par câble devrait se réaliser à la source, c'est-à-dire entre le premier diffuseur et le titulaire du droit d'auteur, le Tribunal remarque que, à supposer même qu'un tel règlement soit envisageable comme le soutient le requérant, la mise en œuvre d'un tel système n'est pas de nature à empêcher que des obstacles surgissent lors de négociations portant sur la conclusion, entre le premier diffuseur et une société de télédistribution ou de radiodiffusion par câble, d'une convention ayant pour objet la retransmission d'un programme diffusé. En outre, un tel système rend nécessaire la conclusion d'accords individuels entre chaque société de télédistribution ou de radiodiffusion par câble et chaque premier diffuseur d'une œuvre protégée par des droits d'auteur. Comme il peut s'agir de plusieurs premiers diffuseurs pour des parties d'un même programme de télévision ou de radio, il est clair que la conclusion de tels accords individuels ne permet pas d'assurer d'une manière effective et efficace la retransmission par câble des programmes en cause, comme permet de le faire la conclusion d'une convention collective.

61 D'autre part, à l'appui de la seconde méthode, reposant sur un système de repérage automatique des programmes retransmis, le requérant a produit, en annexe à la lettre qu'il a adressée à la Commission le 6 mars 1992, une annonce publicitaire de la société Broadcast Data Systems proposant un système "Record Track, AD Track, Radiotrack et Royalty Track" rédigée dans les termes suivants :

"A method for instantaneously gathering and reporting data about songs and commercials being broadcast. Broadcast Data Systems offers four airplay monitoring information services for different segments of the music, advertising and radio industries" ("Un système pour rassembler et communiquer instantanément des données sur des chansons et des publicités qui sont émises. Broadcast Data Systems offre quatre services d'observation de l'information émise par ondes pour des segments différents de l'industrie musicale, publicitaire et radiophonique") ;

"Record Track lets record companies and associated businesses quickly, easily track songs being played on radio, music TV and cable stations nationwide" ("Record Track permet aux producteurs de disques et aux entreprises exerçant des activités connexes de suivre rapidement et facilement les chansons qui sont jouées à la radio, à la télévision musicale et sur les stations câblées partout dans l'Etat") ;

"Royalty Track allows performing rights societies to expand substantially their ability to monitor the on-air use of copyrighted music" ("Royalty Track permet à des sociétés de droits d'auteur sur l'exécution des œuvres de développer d'une manière significative leur possibilité de contrôler l'utilisation sur les ondes de musique couverte par un droit d'auteur").

62 Il apparaît au Tribunal, sur la base de cette simple annonce publicitaire, que le système ainsi proposé par le requérant est uniquement valable pour repérer la transmission de signaux auditifs. En revanche, l'utilisation d'un tel système ne paraît pas être en mesure de repérer la transmission de signaux visuels tels que des images ou, dans le cas intéressant plus particulièrement le requérant, des œuvres photographiques. Ce système ne saurait par conséquent pas être présenté comme une alternative valable à la conclusion d'une convention collective.

63 Il s'ensuit que le requérant n'a pas démontré que le raisonnement de la Commission à cet égard est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

64 En quatrième lieu, quant à la dernière condition posée par l'article 85, paragraphe 3, selon laquelle les conventions en cause ne peuvent pas éliminer la concurrence pour une partie substantielle du marché, le Tribunal remarque que la Commission, dans la décision attaquée, fait valoir que les conventions types "donnent aux exploitants du câble la possibilité d'obtenir, sur la base d'un seul contrat, une licence englobant tous les droits d'auteur des titulaires et des tiers représentés par eux". La Commission poursuit en déclarant "que ces conventions types n'excluent pas que les exploitants du câble puissent conclure des conventions individuelles avec les titulaires s'ils souhaitent par exemple transmettre une offre plus sélective d'émetteurs" (point 17 de la décision attaquée).

65 A cet égard, il convient tout d'abord de souligner que la Commission n'a pas affirmé que le consentement des ayants droit parties aux conventions types comprend également celui des titulaires ou ayants droit qui ne sont pas parties ou représentés aux conventions types, pour la retransmission par câble de leurs œuvres.

66 Le Tribunal estime dès lors que l'appréciation de la Commission n'implique pas que les intermédiaires en matière de droits d'auteur autres que ceux parties ou représentés aux conventions types ne disposent pas du droit de conclure des conventions particulières avec les sociétés de télédistribution ou de radiodiffusion par câble pour le règlement des droits d'auteur dus en raison de la retransmission des œuvres pour lesquelles ces intermédiaires agissent. Il s'ensuit que l'argument présenté par le requérant est inopérant sur ce point, puisqu'il repose sur une analyse inexacte de l'appréciation de la Commission telle qu'exposée dans la décision attaquée.

67 Le Tribunal relève ensuite que la clause figurant dans le préambule de la convention type pour les programmes de télévision, qualifiée par le requérant de "clause d'exclusivité", se réfère en réalité au droit exclusif qu'ont les ayants droit de consentir à la retransmission par câble des œuvres protégées. Le requérant se méprend à cet égard sur la portée et la nature de cette clause, en lui assignant un caractère de clause constitutive de droits qu'elle n'a pas. En effet, dans la clause dénoncée par le requérant, les ayants droit parties à la convention type assurent simplement aux autres parties à la convention type qu'ils disposent, en vertu de la législation applicable, d'un droit exclusif, de façon à conduire ces autres parties à la convention type à s'engager envers eux. Le Tribunal constate d'ailleurs que l'engagement souscrit par les ayants droit dans l'article 6 de cette convention type, par lequel les ayants droit assument toute responsabilité financière pouvant résulter des revendications de titulaires ou d'ayants droit de droits d'auteur non représentés à la convention type en cas de retransmission d'œuvres qui sont protégées dans leur chef, se justifie uniquement en raison de ce que les ayants droit parties à la convention type affirment dans la clause du préambule dénoncée par le requérant. Par conséquent, il convient de relever que l'exclusivité visée dans cette clause du préambule n'interdit pas, à tout le moins en principe, à ces ayants droit de conclure des conventions autres que les conventions types, mais ayant également pour objet la retransmission par câble de leurs programmes, le cas échéant après l'intervention d'autres intermédiaires sur le marché et, éventuellement, concomitamment à l'intervention - en raison de son monopole légal - de la Buma lorsqu'il s'agit de la retransmission d'œuvres musicales. Ni l'existence de cette clause dans la convention type ni ce monopole légal ne sont dès lors de nature à affecter l'appréciation de la Commission selon laquelle la convention type en cause respecte la dernière condition posée par l'article 85, paragraphe 3, du traité. A cet égard également, le requérant n'a donc pas démontré que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation dans la décision attaquée.

68 Il résulte de ce qui précède que, le requérant n'ayant pas démontré que les appréciations de la Commission relatives aux conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation, la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

69 En ce qui concerne la seconde branche de ce moyen, selon laquelle la Buma aurait exploité d'une façon abusive sa position dominante sur le marché des droits d'auteur d'œuvres musicales pour atteindre une position semblable sur des marchés connexes, il ressort de la décision attaquée que la Commission a refusé d'examiner de sa propre initiative si l'article 86 du traité a été violé par la Buma, à défaut d'indices concrets et précis soumis par le requérant (points 20 et 21 de l'acte attaqué). Le Tribunal estime que, compte tenu du contenu de la plainte du requérant (point 46 de la plainte), de son complément du 6 mars 1992 et des observations qu'il a formulées le 8 novembre 1992 (point 11 de ces observations) en réponse à la lettre de la Commission du 8 octobre 1992 (point 19 de cette lettre), cette appréciation de la Commission n'est pas le résultat d'une erreur manifeste d'appréciation. En effet, le seul indice soumis par le requérant d'une manière assez abstraite consiste à prétendre qu'une société de télédistribution ou de radiodiffusion par câble qui a conclu une convention type pour la retransmission de programmes de radio n'est pas obligée de payer des redevances à la Buma pour la retransmission de ces programmes si elle conclut parallèlement une convention type pour la retransmission de programmes de télévision. Un tel argument ne saurait cependant être retenu. Sur la base d'une lecture combinée de l'article 8, paragraphe 3, de la convention type pour la retransmission des programmes de radio (qui stipule que, dans le cas où la société de télédistribution ou de radiodiffusion par câble conclut à la fois la convention relative à la retransmission de programmes de radio et celle relative à la retransmission de programmes de télévision, la redevance qu'elle verse en vertu de cette dernière inclut la redevance qui est due au titre de la première) et de l'article 9 de la convention type pour la retransmission de programmes de télévision (qui définit la méthode de calcul de la redevance qui est due par la société de télédistribution ou de radiodiffusion par câble en contrepartie de l'autorisation qui lui est accordée de retransmettre des programmes de télévision), le Tribunal constate, en premier lieu, que, comme la partie intervenante l'a observé dans son mémoire (point 39), dans le cas où une société de télédistribution ou de radiodiffusion par câble a conclu à la fois la convention relative à la retransmission de programmes de radio et celle relative à la retransmission de programmes de télévision, la redevance qui est versée au titre de l'article 9 de la seconde inclut non seulement la redevance qui est due pour la retransmission de programmes de télévision, mais aussi celle qui est due pour la retransmission de programmes de radio. Il convient, en second lieu, de remarquer que, sur la base de l'article 10, paragraphe 7, de la convention type pour la retransmission de programmes de télévision, les ayants droit ont la "compétence exclusive" pour répartir les redevances ainsi reçues par leur mandataire, en l'espèce la Buma. Il s'ensuit que la partie de ces redevances qui se rapporte à la retransmission des programmes de radio peut, à l'occasion de cette répartition, être accordée aux ayants droit de ces programmes de radio. Par conséquent, l'allégation du requérant selon laquelle les programmes de radio sont offerts gratuitement dans le cas où une convention de retransmission des programmes de télévision a également été conclue ne semble pas établie. Les calculs peu fiables proposés par le requérant dans ses observations sur le mémoire en intervention ne peuvent pas contredire une telle conclusion. Le Tribunal n'a d'ailleurs pas pu disposer des précisions qu'il aurait voulu obtenir sur ce point de la part de l'avocat du requérant lors de la procédure orale (voir ci-dessus point 18).

70 Enfin, pour autant que cette partie de la plainte vise des actes de l'Etat néerlandais, en l'occurrence l'octroi à la Buma du monopole légal en matière de représentation des auteurs d'œuvres musicales, le Tribunal relève qu'il n'est pas nécessaire de déterminer si la plainte soumise à la Commission était exclusivement basée sur l'article 3 du règlement n° 17, ou si elle contenait également des reproches adressés à l'Etat néerlandais, invitant alors la Commission à entamer une procédure en vertu de l'article 169 du traité ou à faire usage des pouvoirs que lui confère l'article 90, paragraphe 3, du traité.

71 En effet, d'une part, il est de jurisprudence constante que la Commission n'est pas tenue d'engager une procédure au titre de l'article 169 du traité et qu'elle dispose, à cet égard, d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire excluant le droit pour les particuliers d'exiger qu'elle prenne position dans un sens déterminé. Ainsi, dans le cadre d'une procédure au titre de l'article 169 du traité, les personnes ayant déposé une plainte ne bénéficient pas de la possibilité de saisir le juge communautaire d'un recours contre la décision de la Commission de classer leur plainte (voir l'arrêt de la Cour du 14 février 1989, Star Fruit/Commission, 247-87, Rec. p. 291, points 10 à 14, et l'ordonnance du Tribunal du 23 janvier 1995, Bilanzbuchhalter/Commission, T-84-94, Rec. p. II-101, point 23). D'autre part, la jurisprudence est établie en ce que l'exercice du pouvoir d'appréciation de la compatibilité des mesures étatiques avec les règles du traité conféré par l'article 90, paragraphe 3, n'est pas assorti d'une obligation d'intervention de la part de la Commission(arrêt du Tribunal du 27 octobre 1994, Ladbroke Racing/Commission, T-32-93, Rec. p. II-1015, points 36 à 38, ainsi que ordonnance Bilanzbuchhalter/Commission, précitée, point 31). Par conséquent, les personnes physiques ou morales qui demandent à la Commission d'intervenir au titre de l'article 90, paragraphe 3, du traité ne bénéficient pas du droit d'introduire un recours contre la décision de la Commission de ne pas faire usage des prérogatives qu'elle détient à ce titre.

72 Le Tribunal constate dès lors que, en tout état de cause, le requérant n'est pas recevable à attaquer le refus de la Commission d'introduire une procédure au titre de l'article 169 ou d'adresser une directive ou une décision au titre de l'article 90, paragraphe 3, du traité. Il s'ensuit que la question de savoir si la plainte sortait du champ d'application du règlement n° 17 et, le cas échéant, si la Commission a refusé à juste titre d'examiner le rôle de l'Etat néerlandais dans cette affaire n'est pas pertinente.

73 Par conséquent, la seconde branche du deuxième moyen doit également être rejetée.

74 Il ressort de l'ensemble des éléments qui précèdent que le deuxième moyen doit être rejeté.

Troisième moyen : violation de l'article 155 du traité et de l'article 3 du règlement n° 17

- Arguments des parties

75 Pour autant que le rejet de la plainte concerne le contrat type d'exploitation que la Buma conclut avec ses membres, le requérant estime que la Commission n'avait le droit ni de s'abstenir d'examiner la plainte en faisant valoir qu'une action dans ce domaine n'entre pas dans les priorités de sa politique de concurrence, ni de le renvoyer aux juridictions nationales, sauf si elle avait adopté cette décision dans un délai de trois mois à compter de l'introduction de la plainte. De la sorte, le plaignant aurait pu encore utilement agir devant les juridictions nationales avant que les délais n'aient expiré. Il soutient en outre que les coûts très élevés d'une procédure devant le juge national l'empêcheraient d'introduire un recours.

76 La Commission répond qu'il ressort de l'arrêt Automec II, précité, qu'elle peut accorder des degrés de priorité différents dans la poursuite des affaires dont elle est saisie, en se référant à l'intérêt communautaire comme critère de priorité, à la condition que la décision expose les raisons pour lesquelles la plainte considérée ne présente pas le degré de priorité requis. Etant donné que cette partie de la plainte a été rejetée pour manque d'intérêt communautaire, ce qui a été expliqué de façon claire et précise dans la décision en cause, la Commission considère que le moyen est dès lors dénué de toute pertinence.

77 La Commission n'admet pas non plus que des problèmes d'ordre financier soient de nature à justifier la non-utilisation par le requérant des voies de recours devant les juridictions nationales. Privé de ressources, il pourrait bénéficier de l'assistance judiciaire gratuite ou partager les frais judiciaires en formant une association de personnes se trouvant dans la même situation, association qui pourrait ensuite agir en justice.

- Appréciation du Tribunal

78 Le Tribunal constate que le requérant, par ce moyen, se contente d'attaquer le droit de la Commission de déterminer le degré de priorité d'une plainte et n'a pas mis en cause la motivation de la Commission pour rejeter la plainte sur ce point, sauf dans la mesure où la Commission a justifié sa décision en le renvoyant à la possibilité d'introduire un recours devant le juge national pour faire valoir ses droits à cet égard.

79 Or, il est de jurisprudence constante que la Commission est en droit d'accorder des degrés de priorité différents à l'examen d'une plainte dont elle est saisie (arrêt Automec II, précité, point 83). Le Tribunal estime en outre que le requérant n'a pas démontré qu'il serait privé d'une possibilité réelle de recours devant le juge national pour attaquer le prétendu abus de position dominante de la part de la Buma. Le Tribunal n'a par ailleurs pas pu disposer des précisions qu'il aurait voulu obtenir sur ce point de la part de l'avocat du requérant lors de la procédure orale (voir ci-dessus point 18).

80 Il s'ensuit que ce moyen doit être rejeté.

Quatrième moyen : violation de l'obligation de motivation

- Arguments des parties

81 Le requérant estime que la Commission a violé son obligation de motivation en rejetant sa plainte sans avoir mentionné les raisons qui l'ont conduite à rejeter l'existence d'un abus de la position dominante de la Buma envers ses membres. Cet abus consisterait, dans le chef de la Buma, à avoir renoncé, en cas de conclusion simultanée de conventions de télédistribution ou de radiodiffusion par câble avec une société de distribution, aux redevances dues pour les retransmissions des programmes de radio afin de pouvoir conclure des conventions de télédistribution (voir article 8, paragraphe 3, de la convention type relative à la radiodiffusion) qui seraient plus lucratives pour elle en tant qu'entreprise, mais qui ne le seraient pas pour ses membres compositeurs.

82 La Commission répond que ce grief ne faisait pas l'objet de la plainte.

- Appréciation du Tribunal

83 Conformément à une jurisprudence constante selon laquelle l'obligation de motivation consiste à faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte attaqué, de façon à permettre au requérant de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre ses droits et au juge communautaire d'exercer son contrôle (arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350-88, Rec. p. I-395, point 15), le Tribunal estime que la motivation avancée sur ce point par la Commission est appropriée, puisque, ainsi que le démontre l'appréciation du Tribunal sur la seconde branche du deuxième moyen (voir ci-dessus points 69 à 73) et sur le troisième moyen (voir ci-dessus points 78 à 80), le Tribunal a été en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de la réponse fournie par la Commission à la plainte du requérant pour autant que celle-ci concernait le prétendu abus de position dominante pratiqué par la Buma.

84 Il s'ensuit que ce moyen doit être rejeté.

Sur les conclusions en indemnité

Arguments des parties

- Sur la faute

85 Le requérant allègue que la faute engageant la responsabilité de la Communauté résulte d'une violation du principe de bonne administration par la Commission. Cette dernière aurait en fait omis de prendre une décision indiquant publiquement et clairement aux entreprises concernées qu'elle souhaite la disparition des intermédiaires autres que les sociétés de gestion qui gravitent autour des monopoles des droits d'auteur d'œuvres musicales. En outre, la Commission lui aurait caché pendant de nombreuses années qu'elle n'avait pas l'intention de poursuivre les ententes sur la retransmission par câble et elle l'aurait, en même temps, incité à ne pas introduire de plainte, évitant ainsi d'entamer le plus tôt possible une enquête administrative qui aboutirait à une décision positive, nuisant par là à ses intérêts.

86 La Commission estime qu'elle n'a pas violé le principe de bonne administration, pour autant qu'un tel principe existe. En effet, même s'il est exact que huit années se sont écoulées entre la première lettre du requérant et la décision finale de la Commission, cette dernière fait remarquer que cette décision est intervenue trois années seulement après le dépôt de la plainte, ce qui, en l'espèce, devrait être considéré comme un délai raisonnable. L'introduction aussi tardive de la plainte par le requérant ne serait attribuable qu'à ce dernier, ainsi que cela ressortirait d'une lettre adressée par son avocat le 19 septembre 1990 à M. A. C. Overbury, directeur à la Commission.

- Sur le préjudice et le lien de causalité

87 Le requérant évalue son préjudice à 1 500 000 HFL, ce qui correspond à cinq fois son revenu annuel estimé, et soutient qu'il a été causé par les effets combinés des nombreuses procédures épuisantes et ruineuses qu'il a dû engager, ainsi que par l'érosion de fait de ses droits d'auteur. Cette situation aurait en outre provoqué la liquidation de son agence de photos.

88 La Commission remarque que cette estimation du préjudice subi n'est assortie d'aucune preuve. Elle ajoute, en outre, que ce dernier ne peut pas non plus avoir été provoqué par son comportement, dès lors que le requérant n'a pas pu établir l'existence d'un lien de causalité entre la disparition de son entreprise et l'exécution des conventions en cause.

Appréciation du Tribunal

89 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence bien établie, la responsabilité de la Communauté ne saurait être engagée sur la base de l'article 215, deuxième alinéa, du traité que si est réuni un ensemble de conditions ayant trait à la réalité du dommage, à l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et le comportement reproché aux institutions et à l'illégalité de ce comportement (voir l'arrêt de la Cour du 28 avril 1971, Lütticke/Commission, 4-69, Rec. p. 325, point 10).

90 En l'espèce, il y a lieu d'examiner, tout d'abord, si les allégations que le requérant avance pour soutenir que la Commission a violé le principe de bonne administration sont établies.

91 A cet égard, le Tribunal relève que le requérant prétend, d'une part, que la Commission aurait omis de communiquer clairement aux entreprises intéressées son souhait de voir disparaître les entreprises agissant en tant qu'intermédiaires en matière de droits d'auteur au profit des sociétés de gestion gravitant autour de monopoles de droits d'auteur d'œuvres musicales et, d'autre part, que la Commission aurait caché son intention de ne pas poursuivre les ententes sur la retransmission par câble tout en invitant le requérant à ne pas introduire une plainte pour éviter une enquête administrative et, le cas échéant, une décision positive, tout ceci à l'encontre des intérêts du requérant.

92 Or, le Tribunal constate, d'une part, que le requérant n'a pas produit la moindre preuve ni le moindre indice permettant d'établir l'existence d'une prétendue intention de la Commission de faire disparaître les entreprises agissant en tant qu'intermédiaires en matière de droits d'auteur.

93 D'autre part, le Tribunal relève que le second reproche formulé par le requérant à l'encontre de la Commission n'est pas fondé. En effet, il ressort tout d'abord de la correspondance échangée entre le requérant et la Commission, telle que produite dans le volume D des annexes complémentaires déposées par le requérant à la demande du Tribunal, que, avant le dépôt de sa plainte le 26 octobre 1990, le requérant avait pris connaissance de l'envoi par la Commission d'une lettre de confort aux parties qui avaient notifié les conventions types.

94 Ainsi, le requérant a saisi la Commission pour la première fois de la question dans une lettre du 8 août 1985, dans laquelle il se plaint du "monopole de fait" de "sociétés des droits d'auteur". Ce n'est que dans sa deuxième lettre à la Commission, datée du 25 août 1985, que le requérant a fait état des conventions types, sans indiquer toutefois la raison pour laquelle il s'y référait. Enfin, le 2 juin 1989, soit après une période d'environ quatre ans, le requérant a mentionné à nouveau les conventions types et informé la Commission qu'il avait introduit un recours ayant pour objet l'annulation de celles-ci devant le juge néerlandais. La Commission lui a répondu, le 21 novembre 1989, qu'une lettre de confort avait été envoyée le 16 juin 1986 aux parties aux conventions types notifiées et elle lui a annoncé également que M. Bloemendaal, fonctionnaire de la Commission, le contacterait pour obtenir des informations supplémentaires en vue de vérifier la conformité actuelle des conventions types au droit communautaire de la concurrence. Il résulte des éléments qui précèdent que la Commission a averti le requérant de la notification des conventions types et de l'envoi d'une lettre de confort, six mois après avoir reçu la lettre du requérant ayant pour la première fois précisément pour objet les conventions types. Il y a lieu de remarquer que, à ce moment, d'une part, le requérant n'avait pas encore annoncé qu'il voulait introduire une plainte auprès de la Commission en vertu de l'article 3 du règlement n° 17 et que, d'autre part, la Commission envisageait explicitement un examen supplémentaire des conventions en cause, ce dont elle a informé le requérant. Le Tribunal considère dès lors que les éléments qui lui ont été soumis par les parties ne démontrent pas que la Commission aurait délibérément caché au requérant qu'elle avait adressé une lettre de confort aux parties aux conventions types qui les lui avaient notifiées.

95 Ensuite, il ressort d'une lettre de la Commission du 22 mai 1992, qui se réfère à une lettre de l'avocat du requérant du 19 septembre 1990 qui n'a pas été produite par les parties, que le requérant n'avait pas encore introduit de plainte à l'époque parce qu'il "eerst door middel van informele contacten de materie dusdanig wenste te bewerken en rangschikken, dat in een klacht geen onnodige ballast zou behoeven te worden meegevoerd" ("entendait tout d'abord, au moyen de contacts informels, préparer et ordonner la matière de façon à ne pas devoir surcharger une plainte d'éléments superflus"). Il s'ensuit que le délai qui s'est écoulé entre la première lettre adressée par le requérant à la Commission le 8 août 1985 et la lettre adressée par l'avocat du requérant à la Commission le 19 septembre 1990 doit être attribué, selon les pièces dont dispose le Tribunal, à la propre décision du requérant et qu'il ne résulte dès lors pas de l'attitude de la Commission durant cette période. En outre, le Tribunal remarque que, pour la période postérieure au 19 septembre 1990, même s'il devait s'avérer que la Commission a tenté d'une quelconque façon de convaincre le requérant de ne pas introduire de plainte au sens de l'article 3 du règlement n° 17, ce qui n'est nullement démontré par le requérant, ces efforts n'ont manifestement pas été de nature à décourager le requérant, puisqu'il a introduit une telle plainte le 26 octobre 1990, soit à peine plus d'un mois plus tard.

96 Le requérant n'a dès lors pas établi l'existence des faits qu'il a allégués. Par conséquent, le Tribunal considère qu'aucune faute de nature à engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l'article 215, deuxième alinéa, du traité ne peut être constatée.

97 Au surplus, en ce qui concerne le préjudice, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence établie, il incombe à la partie requérante d'apporter des éléments de preuve au juge communautaire afin d'établir la réalité et l'ampleur du dommage qu'elle prétend avoir subi (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour du 21 mai 1976, Roquette frères/Commission, 26-74, Rec. p. 677, points 22 à 24). A cet égard, le Tribunal relève que le requérant s'est borné à évaluer son préjudice prétendument subi à 1 500 000 HFL, une somme qui correspondrait à cinq fois son revenu annuel estimé, sans avoir soumis de preuve à l'appui de cette demande. Or, il ne saurait être contesté qu'une telle évaluation n'établit ni la réalité ni l'ampleur du dommage pour la réparation duquel une indemnité est réclamée. Par conséquent, le Tribunal considère que le requérant n'a pas établi l'existence du dommage ni, par conséquent, son ampleur.

98 Il résulte de ce qui précède que ni la faute ni le préjudice n'étant établis en l'espèce, le recours en indemnité doit être rejeté.

Sur les dépens

99 Selon l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. En l'espèce, la partie requérante ayant succombé en ses moyens et la partie défenderesse ainsi que la partie intervenante ayant conclu à la condamnation de la partie requérante aux dépens, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris aux dépens de la partie intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1) Les conclusions de la partie requérante sont rejetées comme irrecevables, dans la mesure où elles n'ont pas pour objet l'annulation de la décision de la Commission du 14 octobre 1993 de rejeter la plainte du requérant ou une demande en indemnité.

2) Pour le surplus, les conclusions en annulation et en indemnité sont rejetées comme non fondées.

3) La partie requérante est condamnée aux dépens, y compris ceux de la partie intervenante.