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Décisions

TPICE, 22 novembre 1995, n° T-395/94 R II

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Atlantic Container Line (AB), Cho Yang Shipping Compagny Ltd, DSR- Senator Lines GmbH, Hapag Lloyd AG, MSC Mediterranean Shipping Compagny (SA), AP Moeller-Maersk Line, Nedlloyd Lijnen BV, Neptune Orient Lines Ltd, Nippon Yusen Kaisha, Orient Overseas Container Line, P & O Containers Ltd, Polish Ocean Lines, Sea-Land Service Inc., Tecomar (SA), Transportacion Maritima Mexicana (SA), Japanese Shipowners' Association, European Community Shipowners' Associations ASBL

Défendeur :

Commission des Communautés européennes, Freight Transport Association Ltd, Assocoation des utilisateurs de transport de fret, European Council of Transport Users ASBL

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Saggio

Avocats :

Mes Waelbroeck, Pheasant, Bromfield, Kim, Forwood, Ruttley, Clough.

TPICE n° T-395/94 R II

22 novembre 1995

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

FAITS ET PROCEDURE

1 Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 23 décembre 1994, quinze compagnies de transport maritime de ligne, qui ont été parties à un accord dénommé Trans Atlantic Agreement (ci-après "TAA"), ont introduit, en vertu de l'article 173, quatrième alinéa, du traité instituant la Communauté européenne (ci-après "traité CE"), un recours visant à l'annulation de la décision 94-980-CE de la Commission, du 19 octobre 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE à l'égard du TAA (IV/34.446 - Trans Atlantic Agreement, JO L 376, p. 1, ci-après "décision attaquée").

2 Par acte séparé enregistré au greffe du Tribunal le même jour, les requérantes ont également introduit, en vertu des articles 185 et 186 du traité CE, une demande de sursis à l'exécution de la décision attaquée.

3 Par requêtes enregistrées au greffe du Tribunal le 9 janvier 1995, Freight Transport Association Ltd (ci-après "FTA") et l'Association des utilisateurs de transport de fret (ci-après "AUTF") ont demandé à être admises à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par requêtes enregistrées le 20 janvier 1995, Japanese Shipowners' Association (ci-après "JSA") et European Community Shipowners' Associations ASBL (ci-après "ECSA") ont demandé à être admises à intervenir au soutien des conclusions des requérantes. Enfin, par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 24 janvier 1995, European Council of Transport Users ASBL (ci-après "ECTU") a également demandé à être admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

4 Par ordonnance du 10 mars 1995, le président du Tribunal a accueilli les demandes d'intervention susmentionnées dans la procédure de référé et a décidé de surseoir à l'exécution des articles 1er, 2, 3 et 4 de la décision attaquée, jusqu'au prononcé de l'arrêt du Tribunal mettant fin à l'instance dans l'affaire au principal, dans la mesure où ces articles interdisent aux requérantes d'exercer conjointement le pouvoir de fixer les taux applicables aux segments terrestres, sur le territoire de la Communauté, dans le cadre des services de transport combiné (Atlantic Container e.a./Commission, T-395-94 R, Rec. p. II-595). Cette ordonnance faisant droit à la demande de sursis à l'exécution de la décision attaquée, en ce qui concerne la fixation des taux applicables aux segments terrestres sur le territoire de la Communauté, a fait l'objet d'un pourvoi et a été confirmée par une ordonnance du président de la Cour rendue le 19 juillet 1995 (Commission/Atlantic Container Line e.a., C-149-95 P (R), Rec. p. I-2165).

5 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 octobre 1995, les quinze compagnies requérantes dans l'affaire T-395-94, susvisée, ont présenté une seconde demande de mesures provisoires, au titre de l'article 186 du traité, dans cette même affaire, en vue d'obtenir que le président du Tribunal ordonne que "la Commission ne (puisse), le cas échéant, rendre effective une décision visant à retirer aux requérantes le bénéfice de l'immunité d'amende, en ce qui concerne l'exercice du pouvoir de fixer les taux des services de transport combiné en Europe, qu'après que le Tribunal... aura statué définitivement sur un recours visant à l'annulation de cette décision, fondé sur les articles 173 et 174 du traité CE, que les requérantes introduiront d'urgence" (point 1.26 de la requête en référé). Les requérantes sollicitaient, en outre, la condamnation de la Commission aux dépens.

6 La Commission a présenté des observations écrites par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 octobre 1995. JSA et ECSA, intervenant au soutien des conclusions des parties requérantes, ainsi que FTA, AUTF et ECTU, intervenant au soutien des conclusions de la Commission, ont également présenté des observations écrites par acte déposé au greffe du Tribunal le même jour.

7 Les parties ont été entendues en leurs explications orales le 18 octobre 1995, au cours de l'audition dans le cadre de la procédure de référé.

8 Avant d'examiner cette seconde demande en référé, il y a lieu de rappeler les faits essentiels, à l'origine du litige, tels qu'ils sont exposés dans les ordonnances susvisées et qu'ils résultent des observations des parties.

9 Le TAA, entré en vigueur le 31 août 1992, était un accord aux termes duquel les requérantes assuraient en commun les transports maritimes de ligne en conteneurs à travers l'Atlantique, entre l'Europe du Nord et les Etats-Unis d'Amérique, dans les sens Est-Ouest et Ouest-Est. Cet accord s'appliquait à plusieurs aspects du transport maritime.

10 Le TAA fixait notamment les tarifs applicables au transport maritime et au transport combiné, lequel comprend non seulement le transport maritime mais aussi l'acheminement terrestre, vers ou à partir des côtes, de marchandises à destination ou en provenance d'un point à l'intérieur des côtes. Les tarifs applicables au transport combiné, qui se réfèrent pour chaque opération à un seul contrat de transport, couvrent donc le segment maritime et le segment terrestre.

11 Le 19 octobre 1994, la Commission a adopté la décision attaquée. L'article 1er de cette décision constate que les dispositions du TAA relatives aux accords de prix et de capacité constituent des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Dans son article 2, la décision attaquée refuse d'appliquer l'article 85, paragraphe 3, du traité et l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68 du Conseil, du 19 juillet 1968, portant application de règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 175, p. 1) aux dispositions du TAA visées à l'article 1er. L'article 3 ordonne aux destinataires de la décision attaquée de mettre fin aux infractions constatées à l'article 1er et l'article 4 leur enjoint de s'abstenir à l'avenir de tout accord ou pratique concertée pouvant avoir un objet ou un effet identiques ou similaires aux accords ou pratiques visés à l'article 1er.

12 Dans l'intervalle, à la suite des discussions avec la Commission au cours de la procédure précontentieuse qui a abouti à l'adoption de la décision attaquée, les requérantes avaient notifié à cette institution, le 5 juillet 1994, une version modifiée du TAA, le Trans Atlantic Conference Agreement (ci-après "TACA"). Après l'introduction de plusieurs amendements, le TACA est entré en vigueur le 24 octobre 1994, se substituant au TAA. La Commission n'avait pas, à cette date, terminé l'analyse de ce nouvel accord.

13 Le TACA fait actuellement l'objet d'une procédure d'application de l'article 85 du traité.

14 Le 21 juin 1995, la Commission a adressé aux parties au TACA une communication des griefs se rapportant uniquement à leur accord relatif à la fixation conjointe des taux applicables aux segments terrestres, sur le territoire de la Communauté européenne, dans le cadre des services de transport combiné, en vue de leur exposer les raisons pour lesquelles elle estimait, après un examen provisoire, que les conditions d'un retrait de l'immunité d'amende résultant de la notification du TACA étaient réunies en ce qui concerne précisément ces pratiques ("Statement of objections concerning Case n° IV/35.134 - Trans-Atlantic Conference Agreement", annexe 1 à la demande en référé, points 46 et 47, ci-après "communication des griefs"). Elle indiquait, dans cette communication des griefs, qu'elle était disposée à adopter une décision portant retrait du bénéfice de l'immunité d'amende - découlant de la notification de ce nouvel accord, à condition, soulignait-elle, de pouvoir appliquer par analogie les dispositions de l'article 15 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204), qui prévoit, en son paragraphe 5, une telle immunité pour les agissements postérieurs à la notification à la Commission et antérieurs à la décision accordant ou refusant l'exemption en application de l'article 85, paragraphe 3, du traité et instaure, en son paragraphe 6, une procédure de retrait de cette immunité - parce qu'elle estimait, à la suite d'un examen provisoire, que l'accord relatif aux prix applicables aux segments terrestres, sur le territoire de la Communauté, dans le cadre des services de transport combiné, enfreignait les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, de l'article 2 du règlement n° 1017-68, du 19 juillet 1968, précité, et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord sur l'Espace économique européen et qu'il ne remplissait pas les conditions d'exemption énoncées à l'article 85, paragraphe 3, du traité, à l' article 5 du règlement n° 1017-68 et à l'article 53, paragraphe 3, de l'accord sur l'Espace économique européen.

En droit

15 En vertu des dispositions combinées des articles 185 et 186 du traité et de l'article 4 de la décision 88-591-CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 319, p. 1), telle que modifiée par la décision 93-350-Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993 (JO L 144, p. 21) et la décision 94-149-CECA, CE du Conseil, du 7 mars 1994 (JO L 66, p. 29), le Tribunal peut, s'il estime que les circonstances l'exigent, ordonner le sursis à l'exécution de l'acte attaqué ou prescrire les autres mesures provisoires nécessaires.

Sur la recevabilité de la présente demande de mesures provisoires

Arguments des parties

16 La Commission, soutenue par les parties intervenantes FTA, AUTF et ECTU, oppose l'irrecevabilité de la présente demande de mesures provisoires. Elle invoque deux moyens, auxquels se rallient les parties intervenantes, susmentionnées. Le premier moyen est tiré de ce que la demande des requérantes ne se réfère pas à la demande principale, tendant à l'annulation de la décision attaquée, dans l'affaire T-395-94. Le second est pris du caractère prématuré de cette demande en référé.

17 Dans le cadre de son premier moyen d'irrecevabilité, la Commission conteste que la présente demande de mesures provisoires se rapporte à la décision attaquée par les requérantes, dans le cadre de l'affaire T-395-94. Elle fait valoir que les arguments avancés par les requérantes pour établir le fumus boni juris n'ont aucun rapport avec ceux qu'ils invoquent dans ladite affaire, mais se réfèrent seulement à une décision "attendue" de la Commission.

18 A cet égard, la Commission rejette l'argument des requérantes selon lequel la décision attendue, visant à leur retirer le bénéfice de l'immunité d'amende, serait incompatible avec l'ordonnance du président du Tribunal du 10 mars 1995, suspendant l'exécution des articles 1er à 4 de la décision attaquée dans la mesure où ils interdisent aux requérantes d'exercer conjointement le pouvoir de fixer les taux applicables aux segments terrestres, sur le territoire de la Communauté, dans le cadre des services de transport combiné.

19 La Commission allègue que cette suspension couvre uniquement l'interdiction des pratiques susvisées et n'a aucune incidence sur leur régularité, ainsi qu'il ressort de l'ordonnance du président de la Cour du 15 octobre 1974, Frubo/Commission (71-74 R et RR, Rec. p. 1031, point 5). Admettre le contraire reviendrait à préjuger de la décision du Tribunal dans le litige principal.

20 Par ailleurs, une décision visant à retirer le bénéfice de l'immunité d'amende ne comporterait en soi aucune injonction. En particulier, la simple possibilité qu'une amende soit infligée ultérieurement, pour la période considérée, ne ferait pas obstacle à la poursuite des pratiques en cause (voir l'ordonnance du président du Tribunal du 7 juin 1991, Vichy/Commission, T-19-91 R, Rec. p. II-265, point 20). Dans ces conditions, la décision attendue ne serait pas en contradiction avec le sursis à l'exécution de la décision attaquée, en ce qu'elle interdit ces pratiques.

21 De surcroît, les parties intervenantes FTA, AUTF et ECTU ont fait valoir dans leurs observations écrites et confirmé, au cours de l'audition, que, en tout état de cause, à supposer même que le Tribunal estime que la décision de retrait de l'immunité d'amende attendue soit incompatible avec l'ordonnance du président du Tribunal, du 10 mars 1995 - ce qu'elles contestent -, il appartiendrait alors au juge des référés de rapporter ou, pour le moins, de modifier cette ordonnance en application de l'article 108 du règlement de procédure du Tribunal, de manière à tenir compte du changement de circonstances résultant de ce que les requérantes auraient elles-mêmes modifié des aspects fondamentaux du TACA après que cette ordonnance a été rendue.

22 Après avoir déduit de ce qui précède que la demande en référé examinée ne présente aucun lien avec la demande en annulation dont les requérantes ont saisi le Tribunal dans l'affaire T-395-94, la Commission soutient, dans le cadre du second moyen d'irrecevabilité, que cette demande en référé est, par ailleurs, prématurée et ne présente pas un caractère nécessaire.

23 A l'appui de cette thèse, la Commission relève qu'elle n'a pris aucune mesure susceptible d'affecter la situation juridique des requérantes. Elle allègue que le seul acte adopté dans le cadre de la procédure relative au TACA, actuellement en cours, est la communication des griefs, laquelle ne saurait faire l'objet ni d'un recours en annulation, ni de mesures provisoires, ainsi que l'a jugé le président de la Cour dans son ordonnance du 7 juillet 1981, IBM/Commission (60-81 R et 190-81 R, Rec. p. 1857, points 9 et 10; voir également l'arrêt du Tribunal du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-10-92, T-11-92, T-12-92 et T-15-92, Rec. p. II-2667, point 42).

24 Dans ces circonstances, la Commission conteste l'allégation des requérantes selon laquelle le Tribunal serait habilité à accorder une mesure provisoire telle que celle qui est sollicitée, dès lors qu'est attendu un acte juridique attaquable au titre de l'article 173 du traité (point 4.4 de la requête en référé). Elle fait valoir que les affaires invoquées par les requérantes concernaient toutes deux des mesures qui auraient immédiatement créé des droits à l'égard des tiers et auraient ainsi produit des effets auxquels il n'aurait pas été possible de remédier au moyen d'une demande ultérieure de mesures provisoires, présentée le jour suivant.

25 Dans la présente espèce, la seule voie appropriée pour obtenir la mesure provisoire sollicitée consisterait, dès lors, à attendre que la Commission adopte une décision de retrait du bénéfice de l'immunité d'amende, puis à former un recours contre celle-ci tout en introduisant, le même jour, une demande de sursis à l'exécution de cette décision, en vertu de l'article 185 du traité.

26 Les requérantes, soutenues par les parties intervenantes qui se rallient à leur argumentation, estiment, pour leur part, que les conditions de recevabilité énoncées à l'article 104, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal sont réunies. Elles font valoir que leur demande de mesures provisoires se réfère au recours en annulation de la décision attaquée, relative au TAA, dans le cadre de l'affaire T-395-94. Cette demande viserait à leur permettre de continuer à fixer conjointement les taux applicables aux segments terrestres, sur le territoire de la Communauté, dans le cadre des services de transport combiné, et à maintenir de la sorte la protection déjà accordée par l'ordonnance du président du Tribunal du 10 mars 1995, précitée, prononçant le sursis à l'exécution des articles 1er à 4 de la décision attaquée, en ce qu'ils interdisent ces pratiques instaurées par le TAA, et qui se poursuivent dans le cadre du TACA. Au cours de l'audition, les requérantes ont confirmé, en réponse à une question, que la présente demande en référé a précisément pour objet de priver d'effet la décision attendue portant retrait de l'immunité d'amende, dans le cadre de la procédure relative au TACA, aussi longtemps que le Tribunal n'a pas statué sur une demande en annulation de cette décision, de manière à ce que le sursis à l'exécution, susmentionné, de la décision attaquée demeure effectif. A cet égard, les requérantes rappellent que, dans son ordonnance du 19 juillet 1995, précitée (point 33), le président de la Cour a constaté que l'article 4 de la décision attaquée relative au TAA, qui interdit à l'avenir notamment tout accord de prix concernant les segments terrestres, sur le territoire de la Communauté, des transports combinés, couvrait incontestablement le TACA, lequel était une version modifiée du TAA.

27 A l'appui de la recevabilité de leur demande, les requérantes rappellent que la Cour, dans son arrêt du 15 mars 1967, Cimenterie CBR e.a./Commission (8-66 à 11-66, Rec. p. 92, 118 et 135), a souligné, suivant les conclusions de l'avocat général M. Roemer, l'importance du droit de soumettre le plus tôt possible au contrôle juridictionnel une décision retirant le bénéfice de l'immunité d'amende, afin d'éviter que cette décision ne contraigne les parties à un accord à renoncer à leur accord, quel que soit leur éventuel bon droit, en raison du "risque d'une grave menace d'amende" qu'elle fait peser sur eux.

28 En outre, les requérantes allèguent que, pourvu que soit attendu un acte juridique susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation en vertu de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, le Tribunal a le pouvoir d'ordonner, à titre de mesure provisoire, que cet acte à venir ne produise pas ses effets avant que sa légalité ait fait l'objet d'un contrôle juridictionnel approprié. Elles invoquent les ordonnances du 16 mars 1974, Miles Druce/Commission (160-73 R II, 161-73 R II, et 170-73 R II, Rec. p. 281), et du 15 août 1983, CMC e.a./Commission (118-83 R, Rec. p. 2583), dans lesquelles le président de la Cour a jugé que la Cour pouvait, à titre provisoire, adresser des injonctions appropriées à la Commission en vue de prévenir l'adoption d'un acte ou de différer la prise d'effet d'une décision de cette institution, afin de permettre aux personnes affectées de solliciter une décision judiciaire effective, de manière à ce qu'aucun dommage irréparable ne soit causé.

29 Dans la présente espèce, il ressortirait de la communication des griefs adressée aux requérantes dans le cadre de la procédure administrative relative au TACA, ainsi que de plusieurs déclarations publiques du membre de la Commission en charge des questions de concurrence, que la Commission entend adopter et rendre effective une décision retirant le bénéfice de l'immunité d'amende, sans attendre que le Tribunal ait statué sur le recours au principal formé contre la décision attaquée, relative au TAA. Il serait évident que la décision attendue, combinée avec "l'annonce de l'imposition certaine de substantielles amendes", est en contradiction avec le sursis à l'exécution des articles 1er à 4 de la décision attaquée, dans la mesure où elle vise à contraindre les requérantes à renoncer immédiatement à l'exercice du pouvoir de fixer les taux des segments terrestres, sur le territoire de la Communauté, dans le cadre des services de transport combiné. Or, une telle renonciation occasionnerait un préjudice grave et irréparable, comme l'aurait reconnu le président du Tribunal lorsqu'il a décidé, dans son ordonnance du 10 mars 1995, précitée, de surseoir à l'exécution des articles susvisés de la décision attaquée.

30 A cet égard, les requérantes et les parties intervenant au soutien de leurs conclusions ont précisé, en réponse à des questions posées au cours de l'audition, que la pression résultant de l'annonce, par la Commission, de son intention de retirer le bénéfice de l'immunité d'amende, était plus spécialement liée à l'incertitude juridique entourant, au vu de l'ordonnance du président du Tribunal, Vichy/Commission, précitée, la question de savoir si, le moment venu, la décision de retrait du bénéfice de l'immunité d'amende pourrait faire l'objet d'une mesure de sursis à exécution en application de l'article 185 du traité. C'est la raison pour laquelle les requérantes auraient choisi de solliciter sans tarder des mesures provisoires au titre de l'article 186 du traité.

31 Dans ces conditions, les requérantes se trouveraient dans une situation inédite et exceptionnelle, la Commission n'ayant jamais retiré le bénéfice de l'immunité d'amende, à l'égard d'une pratique, en considération de la période durant laquelle un recours tendant à l'annulation de la décision interdisant cette pratique est pendant devant le Tribunal. A fortiori, la Commission ne saurait retirer le bénéfice de l'immunité d'amende lorsque cette décision a fait l'objet d'un sursis à exécution au titre de l'article 185 du traité.

32 A cet égard, la partie intervenante ECSA souligne que, lorsque le Tribunal décide de surseoir à l'exécution d'une décision de la Commission ordonnant à une entreprise de mettre fin à certaines pratiques, à l'égard desquelles il estime que la requérante avance, à première vue, des arguments permettant de considérer qu'elles ne sont pas anticoncurrentielles, la requérante bénéficie automatiquement de l'immunité d'amende en relation avec ces pratiques, jusqu'au prononcé de l'arrêt du Tribunal dans l'action au principal.

33 En l'espèce, il ne serait donc pas nécessaire que les requérantes attendent que la Commission adopte la décision portant retrait de l'immunité d'amende et l'attaquent dans le cadre d'une procédure séparée. ECSA rappelle que, saisi d'une demande de sursis à l'exécution d'un avis de vacance relatif au poste qu'il occupait précédemment, par un fonctionnaire qui avait attaqué la décision de la Commission le transférant d'Ispra à Bruxelles, le président de la Cour a rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par cette institution au motif que "ce serait exiger un formalisme excessif, dans une procédure de référé, que d'obliger les parties à multiplier les actes de procédure alors qu'il ressort en l'espèce des éléments de la cause que les objets respectifs du recours principal et de la demande en référé sont unis par un lien de cause à effet tel que le second de ces objets apparaît comme la conséquence inévitable du premier" (ordonnance du 8 avril 1965, Gutmann/Commission, 18-65 R, Rec. 1966 p. 195, 197).

34 La partie intervenante JSA ajoute que, dans la mesure où elle méconnaît l'ordonnance du 10 mars 1995, précitée, l'intention déclarée de la Commission de retirer le bénéfice de l'immunité d'amende est en contradiction non seulement avec l'article 176 du traité CE, lui faisant obligation de s'abstenir de prendre toute mesure incompatible avec cette ordonnance, mais également avec les principes de sécurité juridique et de confiance légitime, ainsi qu'avec le principe non bis in idem, consacré en particulier par la Convention européenne des Droits de l'Homme. Ces principes s'opposeraient, en effet, à la poursuite d'une nouvelle procédure à l'égard des mêmes pratiques qui étaient déjà en cause dans le cadre du TAA et dont l'interdiction a fait l'objet d'une décision de sursis à exécution dans l'ordonnance susmentionnée.

35 En outre, JSA soutient qu'il n'existe pas, concrètement, de différence entre les pratiques protégées par l'ordonnance du président du Tribunal du 10 mars 1995, précitée, et celles en cause dans le cadre de l'affaire T-86-95 R, Compagnie générale maritime e.a./Commission, pendante devant le Tribunal, dans laquelle la Commission a accepté une suspension volontaire de la procédure. L'intention de la Commission de retirer le bénéfice de l'immunité d'amende en ce qui concerne le TACA présenterait donc un caractère incohérent, arbitraire et discriminatoire, au regard de son attitude dans l'affaire T-86-95 R.

Appréciation du juge des référés

36 Dans les circonstances de l'espèce et au vu de l'argumentation des parties, il y a lieu d'examiner la recevabilité de la présente demande en référé.

37 A cette fin, il convient de rappeler liminairement que, conformément aux dispositions des articles 185 et 186 du traité habilitant le juge communautaire à prescrire des mesures provisoires dans les affaires dont il est saisi, l'article 104, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal subordonne la recevabilité des demandes de mesures provisoires aux conditions suivantes. Il prévoit qu'une demande de sursis à l'exécution d'un acte d'une institution, au titre de l'article 185 du traité, n'est recevable que si le demandeur a attaqué cet acte dans un recours devant le Tribunal. Par ailleurs, toute demande relative à l'une des autres mesures provisoires visées à l'article 186 du traité n'est recevable que si elle émane d'une partie à une affaire dont le Tribunal est saisi et si elle se réfère à ladite affaire (voir, par exemple, l'ordonnance du président du Tribunal du 2 décembre 1994, Union Carbide Corporation/Commission, T-322-94 R, Rec. p. II-1159, point 28).

38 Dans la présente espèce, les requérantes sollicitent une mesure provisoire visant à prévenir l'application d'une décision - portant retrait du bénéfice de l'immunité d'amende découlant de la notification du TACA, en ce qui concerne leur accord relatif à la fixation conjointe des taux applicables aux segments terrestres, sur le territoire de la Communauté, dans le cadre des services de transport combiné - que la Commission a l'intention d'adopter, comme elle l'a déclaré aux requérantes et confirmé au cours de l'audition en réponse à une question, si ces dernières n'amendent pas le TACA sur ce point et ne lui notifient pas ce nouvel accord, après l'avoir rendu conforme aux conditions d'exemption énoncées par l'article 85, paragraphe 3, du traité.

39 A cet égard, force est de constater que la communication, par la Commission, de son intention d'adopter, le cas échéant, une décision portant retrait du bénéfice de l'immunité d'amende ne présente aucun caractère contraignant pour les requérantes. Aussi longtemps qu'une décision retirant le bénéfice de l'immunité n'a pas été adoptée et ne produit pas d'effets juridiques, les requérantes ne sont donc pas habilitées à faire usage du droit, que leur confère l'article 185 du traité, de demander au Tribunal le sursis à l'exécution de cette décision (voir l'arrêt de la Cour du 26 juin 1980, National Panasonic/Commission, 136-79, Rec. p. 2033, point 22, relatif à une décision de la Commission ordonnant des vérifications conformément à l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17). En principe, et sauf circonstances exceptionnelles, il en est de même de leur droit de solliciter l'adoption d'autres mesures provisoires au titre de l'article 186 du traité, lorsque la demande tendant à obtenir ces mesures provisoires vise, en substance, au même résultat, à savoir la suspension d'une décision à venir, comme c'est le cas de la présente demande en référé. En effet, une mesure portant retrait du bénéfice de l'immunité d'amende, adressée à une entreprise ayant notifié un accord, constitue une décision susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation au titre de l'article 173, quatrième alinéa, du traité (arrêts de la Cour Cimenteries CBR e.a./Commission, précité, p. 116 et suivantes, et du Tribunal du 27 février 1992, Vichy/Commission, T-19-91, Rec. p. II-415, points 15 et 16). Les intérêts légitimes des entreprises en cause sont donc protégés par la possibilité de former, le moment venu, un recours contre une telle décision et de saisir, parallèlement, le juge des référés d'une demande de sursis à l'exécution de cette même décision.

40 Il s'ensuit que, eu égard aux conditions de recevabilité entourant les demandes de mesures provisoires, définies par les articles 185 et 186 du traité et 104, paragraphe 1, du règlement de procédure, précités, les requérantes ne sont pas, du moins en principe, habilitées à demander, par anticipation, la suspension d'une décision attendue de retrait du bénéfice de l'immunité d'amende avant même que celle-ci ait été adoptée et que les intéressés aient formé un recours tendant à son annulation, en application de l'article 173, quatrième alinéa, du traité.

41 Il convient, dès lors, de vérifier si, dans les circonstances spécifiques de l'espèce, les éléments invoqués par les requérantes à l'appui de la recevabilité de leur demande de mesures provisoires permettent néanmoins d'admettre la recevabilité de cette demande, avant même l'adoption de la décision de retrait de l'immunité d'amende prétendument attendue. Dans le cadre de cette analyse, il appartient au juge des référés d'examiner successivement les arguments avancés par les requérantes en vue, d'une part, d'établir que la présente demande se rattache, en réalité, au recours qu'elles ont déjà introduit contre la décision attaquée, relative au TAA, et, d'autre part, de justifier la présentation de cette demande, à titre préventif, avant même l'intervention de la décision attendue, en raison du préjudice grave et irréparable qui risquerait de leur être occasionné si l'adoption des mesures provisoires sollicitées était différée.

42 En premier lieu, il convient de vérifier si la présente demande de mesures provisoires se réfère au recours en annulation formé par les requérantes contre la décision attaquée, relative au TAA, dans le cadre de l'affaire T-395-94, ainsi qu'elles le soutiennent. A cet égard, il y a lieu de relever d'abord que, d'après les pièces du dossier, corroborées par les observations concordantes des parties, la décision attendue, qui aurait pour objet, si elle venait à être adoptée, de retirer le bénéfice de l'immunité d'amende conféré aux requérantes par la notification du TACA, viserait une pratique - la fixation en commun des taux applicables aux segments terrestres, sur le territoire de la Communauté, dans le cadre des transports combinés-dont l'interdiction dans le cadre du TAA a fait l'objet d'une décision de sursis à exécution au titre de l'article 185 du traité, par ordonnance du président du Tribunal du 10 mars 1995, précitée. En particulier, la Commission a admis, tant dans ses observations écrites que lors de l'audition, que le TACA comporte certaines clauses relatives aux pratiques susvisées dont l'illégalité a déjà été établie, dans le cadre du TAA, par la décision attaquée. Au cours de l'audition, les requérantes ont confirmé, en réponse à une question qui leur a été posée, que le TAA n'avait pas été amendé sur ce point précis et que le TACA reprenait, en substance, le mécanisme et les modalités de la fixation des prix pour ces segments terrestres, prohibés dans le contexte du TAA par les articles 1er à 4, précités, de la décision attaquée.

43 Toutefois, même si la décision attendue, portant retrait du bénéfice de l'immunité d'amende, devait viser, si elle était adoptée, une pratique interdite par la décision attaquée, il n'en demeure pas moins que la décision attendue se rapporterait uniquement à cette pratique telle qu'elle est mise en œuvre dans le cadre du TACA et s'inscrirait ainsi dans une procédure entièrement distincte de celle qui a abouti à l'adoption de la décision attaquée, relative au TAA. En effet, elle aurait pour objet de mettre fin à l'immunité d'amende résultant de la notification du TACA, lequel fait actuellement l'objet d'une procédure d'application de l'article 85 du traité, totalement indépendante de la procédure antérieure relative au TAA.

44 En outre et en toute hypothèse, il importe de souligner que, ainsi qu'il a déjà été rappelé (voir, ci-dessus, point 39), même si la décision attendue, dont les requérantes demandent la suspension à titre préventif, pouvait être considérée comme se rapportant également au TAA, elle constituerait néanmoins une décision détachable de la procédure en constatation d'infraction, clôturée par l'adoption de la décision attaquée. En effet, conformément à une jurisprudence bien établie, une décision portant retrait du bénéfice de l'immunité d'amende est adoptée à l'issue d'une procédure spécifique et est susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation au titre de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, indépendamment de la décision finale mettant fin à la procédure d'application de l'article 85 du traité.

45 Il en résulte que la demande tendant à la suspension, à titre préventif, de la décision attendue ne saurait être considérée comme se référant au recours en annulation de la décision attaquée. A cet égard, la circonstance que cette dernière décision ait fait l'objet d'un sursis à exécution, en ce qu'elle interdit la poursuite de l'accord relatif à la fixation conjointe des taux applicables aux segments terrestres, ne modifie en rien cette analyse.

46 Sous cet aspect, l'argumentation des requérantes, selon laquelle une éventuelle décision de retrait du bénéfice de l'immunité d'amende serait en contradiction avec la décision de sursis à l'exécution de la décision attaquée, n'est pas pertinente aux fins de l'appréciation de la recevabilité de la présente demande de mesures provisoires. En effet, pour l'ensemble des motifs qui viennent d'être exposés, la question de la compatibilité de la décision attendue avec l'ordonnance du président du Tribunal du 10 mars 1995 - qui, en décidant de surseoir à l'exécution des articles 1er à 4 de la décision attaquée, autorise les requérantes à poursuivre la mise en œuvre de l'accord relatif à la fixation en commun des taux applicables aux segments terrestres, interdit par ces articles - relève uniquement de l'appréciation au fond de la régularité de la décision attendue. Elle ne présente pas de liens avec la demande en annulation de la décision attaquée mettant fin à la procédure d'application de l'article 85 du traité à l'égard du TAA. Elle ne pourrait être examinée que dans le cadre du recours en annulation présenté, le cas échéant, contre la décision de retrait du bénéfice de l'immunité d'amende, si celle-ci venait à être adoptée. Dans ces conditions, la protection juridictionnelle des intérêts légitimes des requérantes serait pleinement assurée par la possibilité de former, le cas échéant, un tel recours, qui pourrait être accompagné d'une demande de sursis à l'exécution de cette décision, au titre de l'article 185 du traité.

47 Pour toutes ces raisons, la présente demande de mesures provisoires ne saurait être considérée comme se référant à la demande en annulation de la décision attaquée, relative au TAA, dont les articles 1er à 4 ont fait l'objet d'une décision de sursis à exécution.

48 Il convient dès lors d'examiner, en second lieu, si, bien que les mesures demandées ne se réfèrent pas à une décision attaquée par les requérantes devant le Tribunal, la présente demande remplit cependant, comme celles-ci le soutiennent, les conditions dans lesquelles des particuliers peuvent être admis à présenter, à titre préventif, une demande de mesures provisoires ayant pour objet de prévenir l'application d'une décision attendue.

49 A cet égard, il découle clairement de la jurisprudence invoquée par les requérantes que la possibilité d'accueillir de telles demandes a uniquement été admise dans l'hypothèse où les décisions en cause, non identifiables ou à venir, créeraient immédiatement des droits à l'égard des tiers et produiraient des effets irréversibles, comme le soutient la Commission. En particulier, l'ordonnance Miles Druce/Commission, précitée, se rapportait à une offre publique d'achat qui aurait entraîné l'absorption de la société visée avant que toute mesure judiciaire ait pu être obtenue. De même, dans son ordonnance CMC e.a./Commission, précitée, le président de la Cour n'a pas accueilli l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission, qui faisait valoir qu'il était impossible d'identifier une décision susceptible de faire l'objet d'un recours. Il a jugé que les requérantes avaient un intérêt légitime à demander l'adoption d'une mesure provisoire dans les plus brefs délais, afin d'éviter la création d'une situation de fait irréversible (points 45 et 52).

50 Or, dans la présente espèce, à supposer que la Commission adopte la décision de retrait du bénéfice de l'immunité d'amende, une telle décision ne saurait en aucun cas, compte tenu de sa nature même, produire des effets irréversibles à l'égard des tiers ou à l'égard des requérantes, avant que toute décision judiciaire ait pu être obtenue.

51 En particulier, les allégations des requérantes, selon lesquelles le risque qu'une telle décision retirant le bénéfice de l'immunité d'amende soit adoptée, associé à l'intention déclarée de la Commission d'infliger de très lourdes amendes, les contraindrait à renoncer à la mise en œuvre de leur accord, ne sont pas fondées.

52 En effet, ainsi qu'il a déjà été rappelé (voir, ci-dessus, points 39 et 44), les requérantes disposeraient du droit de demander immédiatement l'annulation d'une telle décision si elle venait à être adoptée. En outre, elles seraient habilitées à saisir le Tribunal, par acte séparé, d'une demande de sursis à l'exécution de cette même décision, en application de l'article 185 du traité. C'est lors de l'examen d'une telle demande en référé qu'il appartiendrait au président du Tribunal d'apprécier, eu égard en particulier au fait que l'interdiction par la décision attaquée de la pratique en cause a été suspendue au titre de l'article 185 du traité, si, à première vue, la décision de retrait du bénéfice de l'immunité d'amende a pour effet d'induire, voire de contraindre les requérantes à mettre fin à cette pratique consistant à fixer en commun les taux applicables aux segments terrestres, sur le territoire de la Communauté, dans le cadre des services de transport combiné.

53 Sous cet aspect, l'incertitude s'attachant, d'après les requérantes, à la question de savoir si une telle demande de sursis à exécution serait ou non accueillie par le juge des référés, ne saurait en aucun cas justifier que les intéressées puissent être habilitées à anticiper cette demande. Concrètement, la décision attendue de la Commission, retirant le bénéfice de l'immunité d'amende, ne serait susceptible de produire ses effets que pour la période postérieure à la date de sa notification aux intéressées. Aussi longtemps qu'une telle décision n'a pas été effectivement adoptée, la simple intention de la Commission de retirer le bénéfice de l'immunité d'amende résultant de la notification du TACA, si un nouvel accord ne lui est pas notifié par les requérantes, ne fait peser sur celles-ci aucun risque de se voir imposer une amende en considération de la période consécutive à la notification du TACA. Contrairement aux allégations des requérantes, l'annonce par la Commission d'une éventuelle décision de retrait de l'immunité d'amende ne saurait donc avoir pour effet de les contraindre à mettre fin à la pratique en cause. Il en résulte que les requérantes ne justifient d'aucun intérêt légitime à obtenir une décision anticipée relative à la suspension de la décision attendue.

54 Il s'ensuit que la présente demande tendant à différer l'application d'une décision attendue de retrait du bénéfice de l'immunité d'amende, aussi longtemps que le Tribunal n'aura pas statué sur la régularité de cette décision, ne remplit pas les conditions de recevabilité édictées par l'article 104, paragraphe 1, du règlement de procédure et apparaît, en toute hypothèse, prématurée.

55 Au surplus, il y a lieu de relever que, eu égard aux négociations qui se poursuivent actuellement entre les parties, une décision de retrait du bénéfice de l'immunité d'amende n'apparaît pas imminente. En effet, il résulte des observations écrites de la Commission, confirmées au cours de l'audition, que cette institution s'est déclarée prête à accorder l'exemption à un accord de coopération, y compris en matière de fixation des taux applicables aux segments terrestres dans le cadre des services de transports combinés, amendé par les requérantes de manière à se conformer aux objectifs qu'elle a définis dans un rapport présenté au Conseil de l'Union européenne, le 8 juin 1994, dans lequel elle propose une nouvelle approche qui concilierait les intérêts des chargeurs et ceux des armateurs en favorisant une organisation plus efficace des transports terrestres de conteneurs. C'est uniquement en l'absence d'un tel amendement du TACA et de la notification de cet accord ainsi modifié de manière à être compatible avec l'article 85, paragraphe 3, du traité que la Commission adoptera, précise-t-elle, une décision portant retrait de l'immunité d'amende. Or, il ressort de la réponse des requérantes à la communication des griefs (annexe 2 à la demande en référé, point 54), ainsi que de la correspondance entre les parties versée au dossier, et notamment de la proposition adressée par les requérantes à la Commission, le 17 octobre 1995, produite lors de l'audition, que celles-ci acceptent d'amender le TACA conformément aux objectifs définis dans le rapport du 8 juin 1994, susvisé, et de notifier le nouvel accord à la Commission, selon des modalités à déterminer d'un commun accord entre les parties.

56 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que la présente demande de mesures provisoires doit être rejetée comme irrecevable.

Par ces motifs,

ordonne:

1) La demande en référé est rejetée.

2) Les dépens sont réservés.