CJCE, 6e ch., 5 octobre 1995, n° C-96/94
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Centro Servizi Spediporto Srl
Défendeur :
Spedizioni Marittima del Golfo Srl
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
et rapporteur : M. Schockweiler
Avocat général :
M. Léger
Juges :
MM. Mancini, Murray, Hirsch, Ragnemalm
Avocats :
Mes Schiaffino, Dani, Conte, Giacomini.
LA COUR (sixième chambre),
1 Par ordonnance du 7 mars 1994, parvenue à la Cour le 21 mars suivant, le Tribunale di Genova a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, trois questions préjudicielles portant sur l'interprétation des articles 3, sous g), 5, 30, 85, 86 et 90 du traité CE, du règlement (CEE) n° 4055-86 du Conseil, du 22 décembre 1986, portant application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre États membres et entre États membres et pays tiers (JO L 378, p. 1), ainsi que de la directive 92-106-CEE du Conseil, du 7 décembre 1992, relative à l'établissement de règles communes pour certains transports combinés de marchandises entre États membres (JO L 368, p. 38), en vue de lui permettre de se prononcer sur la compatibilité avec ces dispositions de la réglementation italienne relative à la fixation des tarifs des transports routiers de marchandises.
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant la société de transports Centro Servizi Spediporto Srl (ci-après "Centro Servizi") à Spedizioni Marittima del Golfo Srl (ci-après "Marittima del Golfo") à qui elle réclame paiement du prix des transports par route effectués pour le compte de cette dernière.
3 En Italie, le secteur des transports routiers de marchandises est régi par la loi n° 298 du 6 juin 1974, instituant le registre national des transporteurs routiers de marchandises pour compte d'autrui, régissant les transports routiers de marchandises et établissant un système de tarifs à fourchette pour les transports de marchandises par route (GURI n° 200 du 31 juillet 1974, ci-après la "loi italienne").
4 La tenue de ce registre est confiée à un comité central qui, d'après l'article 3, est composé
"a) d'un conseiller d'État ayant la fonction de président
b) de quatre représentants du ministère des Transports et de l'Aviation civile d'un représentant de chacun des ministères de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat, des Participations d'État, du Commerce extérieur, de l'Agriculture et des Forêts, de l'Intérieur, des Travaux publics, des Finances et du Trésor.
c) de quatre représentants des régions.
d) de douze représentants des associations nationales les plus représentatives de la catégorie des transports routiers de marchandises pour compte d'autrui, ainsi que des associations nationales de représentation, assistance et protection du mouvement coopératif, juridiquement reconnues par le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale.
Les membres du comité sont nommés par arrêté du ministre des Transports et de l'Aviation civile Les nominations ont lieu sur désignation :
- du président du Conseil d'État pour le membre visé à la lettre a),
- des ministres respectifs pour les membres visés à la lettre b),
- des associations nationales respectives pour les membres visés à la lettre d)".
5 En vertu des articles 1er, troisième alinéa, 26 et 41 de la loi italienne, l'activité de transport routier de marchandises pour compte d'autrui est subordonnée à l'inscription au registre et à la possession d'une autorisation administrative.
6 Cette loi institue, aux articles 50 et suivants, un système de tarifs obligatoires à fourchette comportant une limite maximale et minimale.
7 Aux termes de l'article 52,
" Chaque tarif est calculé sur un prix de base situé au centre de la fourchette. Le prix de base est déterminé en tenant compte du coût moyen des prestations de transport correspondantes, y compris les frais commerciaux, calculé pour des entreprises bien gérées et qui bénéficient de conditions normales d'utilisation de leur capacité de transport, ainsi que de la situation du marché, et de manière à permettre aux entreprises de transport d'obtenir une rémunération équitable ".
8 D'après l'article 53 de la loi italienne, les tarifs de transport et leurs conditions particulières d'application, ainsi que leurs modifications ultérieures, sont proposés par le comité central au ministre des Transports et de l'Aviation civile. Ce dernier, après avoir consulté les régions ainsi que les représentations confédérales nationales des secteurs économiques directement intéressés, approuve, sur la base des directives du Comité interministériel des prix, les tarifs, les conditions et leurs modifications, en les rendant exécutoires par arrêté.
9 Si le ministre n'admet pas les propositions, il les renvoie devant le comité central en vue de nouvelles propositions ou de contrepropositions. Si le ministre ne juge pas satisfaisantes ces nouvelles propositions ou contrepropositions, il a le droit de modifier celles présentées initialement et les rend exécutoires par arrêté.
10 Le non-respect par les opérateurs économiques des tarifs fixés est passible de sanctions administratives et, en cas de récidive, de mesures disciplinaires.
11 Les critères pour le calcul des tarifs à fourchette ont été notamment précisés par le décret du président de la République italienne n° 56 du 9 janvier 1978 (GURI n° 77 du 18 mars 1978).
12 L'arrêté ministériel du 18 novembre 1982 (supplément au GURI n° 342 du 14 décembre 1982) qui opère la première détermination des tarifs à fourchette autorise certaines dérogations au tarif obligatoire. L'article 13 de cet arrêté prévoit que:
" des contrats particuliers peuvent être conclus à des conditions différentes uniquement en vertu d'accords économiques collectifs passés entre les associations les plus représentatives des transporteurs présentes au comité central du registre, et des usagers ".
13 Le décret-loi n° 82 du 29 mars 1993, portant mesures urgentes en faveur du secteur du transport routier de marchandises pour le compte d'autrui (GURI n° 73 du 29 mars 1993), converti, après modifications, par la loi n° 162 du 27 mai 1993 (GURI n° 123 du 28 mai 1993), a prévu, à l'article 3, par voie d'interprétation authentique, qu'une stipulation contractuelle dérogeant aux tarifs résultant de la loi ou/et des accords collectifs prévus par l'arrêté ministériel du 18 novembre 1982 n'est pas admise.
14 Dans le courant de l'année 1993, Marittima del Golfo a chargé Centro Servizi d'effectuer divers transports de marchandises par route sur le territoire italien. Les marchandises provenaient tantôt de Chine ou d'Indonésie par la voie maritime, tantôt d'Espagne par route.
15 Pour ces transports, Centro Servizi a facturé à son commettant les tarifs fixés par arrêté ministériel Marittima del Golfo a refusé le paiement soutenant que les prix étaient excessifs.
16 Centro Servizi a demandé au Tribunale di Genova la délivrance d'une injonction à l'encontre de Marittima del Golfo en vue d'obtenir paiement des frais de transport.
17 C'est dans le cadre de ce litige que le Tribunale di Genova a sursis à statuer et a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
" 1) Les articles 3, sous f), 5, 30, 85, 86 et éventuellement 90 du traité sont-ils compatibles avec une réglementation nationale qui :
a) fait fixer les tarifs des transports par route de marchandises pour compte d'autrui par un comité auquel participent (en tant que représentants de leurs intérêts catégoriels) des représentants d'associations d'entreprises de transports routiers et/ou par des accords entre personnes privées, en rendant lesdits tarifs obligatoires pour tous les opérateurs économiques, après approbation par la puissance publique selon les modalités prévues par les lois n° 162-93 et n° 298-74 ainsi que par le décret ministériel du 18 novembre 1982,
b) permet:
- d'empêcher la libre formation des prix,
- d'imposer des conditions contractuelles résultant de l'application de tarifs obligatoires qui n'ont pas été calculés sur la base du coût effectif du service,
- d'étendre le caractère obligatoire du tarif à tout autre contrat comportant une prestation de transport, en soustrayant ladite prestation au régime de libre formation des prix,
- de discriminer les usagers des services de transports routiers en fonction du tarif adopté,
- d'appliquer des conditions différentes à des prestations semblables en raison de la faculté laissée au transporteur de conclure des contrats à des conditions dérogatoires,
- de modifier les rapports contractuels entre le transporteur et le commettant en soumettant ce dernier au risque d'être assigné en justice par les entreprises de transport pour l'obtention de la différence entre le prix payé et le tarif,
- de faire obstacle à une réorganisation de l'offre de transports routiers visant à la rendre plus adaptée aux exigences de l'usager ?
2) Le monopole légal des transports par route de marchandises pour compte d'autrui relève-t-il de la notion communautaire visée à l'article 90 du traité CEE ?
En cas de réponse affirmative,
les droits reconnus aux entreprises autorisées sont-ils de nature à constituer l'exploitation abusive d'une position dominante collective au sens l'article 86 du traité CEE ?
ou
le monopole en cause, tel qu'il est réglementé par les dispositions nationales applicables, mentionnées dans la question précédente, et dans la mesure où il est de nature à affecter le coût des produits importés, peut-il constituer une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation au sens de l'article 30 du traité ?
3) La définition du " transport combiné des marchandises entre États membres ", telle qu'elle figure à l'article 1er de la directive 92-106-CEE du Conseil, du 7 décembre 1992, relative à l'établissement de règles communes pour certains transports combinés de marchandises entre États membres, doit- elle être interprétée de manière à ne pas priver d''effet utile'le principe de la libre prestation des services de transport maritime entre États membres et entre États membres et pays tiers, visée à l'article 1er du règlement (CEE) n° 4055-86 du Conseil, du 22 décembre 1986, à savoir être interprétée en ce sens que le transport de marchandises est à considérer comme libéré, même lorsque le parcours maritime, effectué sur un bateau battant pavillon communautaire entre un port d'un pays tiers et un port d'un État membre, constitue une partie de trajet dans le cadre d'un transport combiné entre un pays tiers et un État membre ? "
Sur la première question
18 La première question posée par le Tribunale di Genova doit être comprise, en substance, comme visant à savoir si les articles 3, sous g), 5, 85, 86 et 90 ainsi que l'article 30 du traité s'opposent à ce qu'une réglementation d'un État membre prévoie que les tarifs des transports routiers de marchandises sont approuvés et rendus exécutoires par l'autorité publique, sur la base de propositions d'un comité, dans des conditions telles que celles prévues par la loi italienne.
En ce qui concerne les articles 85, 86 et 90 du traité
19 Il y a lieu de préciser, d'abord, que les règles de concurrence du traité s'appliquent au secteur des transports (voir arrêts du 17 novembre 1993, Reiff, C-185-91, Rec. p. I-5801, point 12, et du 9 juin 1994, Delta Schiffahrts-und Speditionsgesellschaft, C-153-93, Rec. p. I-2517, point 12).
20 Il convient de rappeler ensuite que, par eux-mêmes, les articles 85 et 86 du traité concernent uniquement le comportement des entreprises et ne visent pas des mesures législatives ou réglementaires émanant des États membres. Il résulte cependant d'une jurisprudence constante que les articles 85 et 86, lus en combinaison avec l'article 5 du traité, imposent aux États membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures, même de nature législative ou réglementaire, susceptibles d'éliminer l'effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises(voir, pour l'article 85 du traité, arrêts du 21 septembre 1988, Van Eycke, 267-86, Rec.p. 4769, point 16 Reiff, point 14, et Delta Schiffahrts- und Speditionsgesellschaft, point 14 voir, pour l'article 86 du traité, arrêt du 16 novembre 1977, GB-Inno-BM, 13-77, Rec. p. 2115, point 31).
21 La Cour a jugé qu'il y a violation des articles 5 et 85 lorsqu'un État membre soit impose ou favorise la conclusion d'ententes contraires à l'article 85 ou renforce les effets de telles ententes, soit retire à sa propre réglementation son caractère étatique en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d'intervention d'intérêt économique (voir arrêt Van Eycke, point 16, arrêt Reiff, point 14, et Delta Schiffahrts-und Speditionsgesellschaft, point 14).
22 A cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans les arrêts Reiff (point 15) et Delta Schiffahrts-und Speditionsgesellschaft (point 15), la Cour, saisie de questions similaires à propos de la fixation des tarifs des transports routiers de marchandises à grande distance ou des tarifs du trafic fluvial commercial en Allemagne, a jugé que, afin de donner une réponse utile à la juridiction nationale, il convient d'examiner, en premier lieu, si une réglementation du type de celle en cause dans l'affaire au principal permet de conclure à l'existence d'une entente au sens de l'article 85 du traité.
23 S'agissant d'une réglementation nationale telle que la loi italienne, il importe de relever d'abord que le comité central est composé de dix-sept représentants de la puissance publique et d'une minorité de douze représentants des associations des opérateurs économiques.
24 Il convient d'ajouter que le comité central doit respecter, lors de l'adoption de ses propositions, un certain nombre de critères d'intérêt public définis dans la loi et précisés par le décret du président de la République italienne n° 56, précité.
25 Il résulte des considérations qui précèdent que, dans un régime de fixation des tarifs de transports routiers de marchandises, tel que celui instauré par la loi italienne, les propositions délibérées au sein du comité ne peuvent être considérées comme des ententes entre opérateurs économiques que les pouvoirs publics ont imposées ou favorisées ou dont ils ont renforcé les effets.
26 Il convient de rechercher, en second lieu, ainsi que la Cour l'a dit dans les arrêts Reiff (point 20) et Delta Schiffahrts-und Speditionsgesellschaft (point 19), si les pouvoirs publics n'ont pas délégué leurs compétences, en matière de fixation des tarifs, à des opérateurs économiques privés.
27 A cet égard, il y a lieu de constater que la loi italienne prévoit que le comité central propose au ministre compétent les tarifs de transport et leurs conditions particulières d'application et investit le ministre du pouvoir de les approuver, de les rejeter ou de les modifier avant de les rendre exécutoires.
28 Il convient d'ajouter que le ministre, avant d'approuver et de rendre exécutoires les tarifs, doit consulter les régions, les représentants des secteurs économiques intéressés et tenir compte des directives du comité interministériel des prix.
29 La possibilité de conclure des accords collectifs, au titre de l'article 13 de l'arrêté ministériel du 18 novembre 1982, précité, n'a pas pour effet de restreindre la concurrence, mais permet certaines dérogations aux tarifs obligatoires et est dès lors de nature à accroître les possibilités de concurrence.
30 Il résulte des considérations qui précèdent que, dans un régime de fixation des tarifs des transports routiers de marchandises, tel que celui instauré par la loi italienne, les pouvoirs publics n'ont pas délégué leurs compétences à des opérateurs économiques privés.
31 Les articles 3, sous g), 5 et 86 du traité ne pourraient s'appliquer à une réglementation du type de la loi italienne que dans l'hypothèse où il serait prouvé que cette loi confère à une entreprise une situation de puissance économique qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis des ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs (arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85-76, Rec. p. 461, point 38).
32 La Cour a jugé que l'article 86 du traité interdit des pratiques abusives résultant de l'exploitation, par une ou plusieurs entreprises, d'une position dominante sur le Marché commun, ou dans une partie substantielle de celui-ci, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'être affecté par ces pratiques (arrêt du 27 avril 1994, Almelo e.a., C-393-92, Rec. p. I-1477, point 40).
33 Pour conclure à l'existence d'une position dominante collective, il faudrait toutefois que les entreprises en cause soient suffisamment liées entre elles pour adopter une même ligne d'action sur le marché (arrêt Almelo e.a., point 42).
34 A cet égard, on ne peut pas considérer qu'une réglementation nationale qui prévoit la fixation des tarifs des transports routiers de marchandises par les pouvoirs publics aboutit à investir les opérateurs économiques d'une position dominante collective qui serait caractérisée par l'absence de rapports concurrentiels entre eux.
35 Il résulte des considérations qui précèdent que l'article 86 du traité, lu en combinaison avec les articles 3, sous g), et 5 du traité, ne s'oppose pas à une réglementation telle que la loi italienne.
36 La juridiction nationale s'interroge également sur la compatibilité de la loi italienne avec les dispositions de l'article 90 du traité.
37 A cet égard, il convient de rappeler que l'article 90 vise, au paragraphe 1, les entreprises publiques et les entreprises auxquelles les États membres accordent des droits spéciaux exclusifs et, au paragraphe 2, les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal.
38 Or, une réglementation nationale du type de la loi italienne se borne à fixer les conditions d'accès au marché et certains éléments du comportement des entreprises, notamment en matière de prix, sans toutefois donner à ces dernières le caractère d'entreprises publiques ni leur accorder des droits exclusifs ou spéciaux ni leur conférer la gestion de services d'intérêt économique général.
39 Il s'ensuit que l'article 90 ne s'oppose pas à une législation du type de la loi italienne.
En ce qui concerne l'article 30 du traité
40 La juridiction nationale s'interroge également sur la compatibilité de la loi italienne avec l'article 30, dans la mesure où elle a pour effet de rendre les transports plus onéreux et donc de faire obstacle aux importations de marchandises en provenance d'autres États membres.
41 Il suffit sur ce point de constater qu'une législation du type de la loi italienne ne fait aucune distinction selon l'origine des marchandises transportées, qu'elle n'a pas pour objet de régir des échanges de marchandises avec les autres États membres et que les effets restrictifs qu'elle pourrait produire sur la libre circulation des marchandises sont trop aléatoires et trop indirects pour que l'obligation qu'elle édicte puisse être regardée comme étant de nature à entraver le commerce entre les États membres (arrêt du 14 juillet 1994, Peralta, C-379-92, Rec. p. I-3453, point 24, et jurisprudence citée).
42 Il y a dès lors lieu de répondre à la première question que les articles 3, sous g), 5, 85, 86 et 90 ainsi que l'article 30 du traité ne s'opposent pas à ce qu'une réglementation d'un État membre prévoie que les tarifs des transports routiers de marchandises sont approuvés et rendus exécutoires par l'autorité publique, sur la base de propositions d'un comité, si celui-ci est composé d'une majorité de représentants des pouvoirs publics, à côté d'une minorité de représentants des opérateurs économiques intéressés, et doit respecter dans ses propositions certains critères d'intérêt public et si, par ailleurs, les pouvoirs publics n'abandonnent pas leurs prérogatives en tenant compte, avant l'approbation des propositions, des observations d'autres organismes publics et privés, voire en fixant les tarifs d'office.
Sur la deuxième question
43 Par la deuxième question préjudicielle, le juge national s'interroge sur la compatibilité avec les articles 30, 86 et 90 du traité d'une réglementation nationale qui institue un monopole légal des transports par route par le biais d'un régime d'octroi d'autorisations de transport qui sont contingentées.
44 Dans l'ordonnance de renvoi, le juge national indique cependant que le régime de contingentement des autorisations de transport n'entre pas en considération aux fins de la décision sur le litige qui a trait au paiement du prix des transports effectués.
45 Or, il résulte d'une jurisprudence constante que la Cour n'est pas compétente pour fournir une réponse à la juridiction de renvoi, dès lors que les questions qui lui sont posées ne présentent aucun rapport avec les faits ou l'objet de la procédure au principal et ne répondent donc pas à un besoin objectif pour la solution du litige au principal (voir arrêt du 17 mai 1994, Corsica Ferries, C-18-93, Rec. p. I-1783, point 14, et jurisprudence citée).
46 Il n'y a pas lieu de répondre à la deuxième question.
Sur la troisième question
47 Par la troisième question, la juridiction de renvoi vise à savoir si le règlement n° 4055-86 et la directive 92-106, précités, s'appliquent à des transports du type de ceux en cause dans l'affaire au principal, en vue de pouvoir apprécier la compatibilité de la loi italienne avec ces dispositions.
48 A cet égard, il y a lieu de constater que la directive 92-106 s'applique, d'après l'article 1er, deuxième alinéa, aux transports combinés de marchandises entre États membres et non pas aux transports combinés mer/route provenant de pays tiers comme ceux en cause dans l'affaire au principal.
49 Le règlement n° 4055-86 concerne, aux termes de son article 1er, paragraphe 1, les transports maritimes entre États membres, d'une part, et entre États membres et pays tiers, d'autre part.
50 La notion de service de transport maritime, précisée par le paragraphe 4 du même article, vise le transport de voyageurs ou de marchandises par mer entre un port d'un État membre et un port ou une installation off-shore d'un autre État membre ou d'un pays tiers.
51 Il résulte de cette définition que le service de transport maritime, au sens de ce règlement, cesse à l'arrivée au port ou à l'installation off-shore et ne s'étend donc pas au transport par route de marchandises débarquées du navire.
52 Il y a dès lors lieu de répondre à la troisième question que la directive 92-106 ne s'applique pas aux transports combinés de marchandises entre pays tiers et États membres et que le règlement n° 4055-86 ne s'applique pas aux transports par route de marchandises débarquées du navire.
Sur les dépens
53 Les frais exposés par les gouvernements italien et du Royaume-Uni ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre),
statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunale di Genova, par ordonnance du 7 mars 1994, dit pour droit :
1) Les articles 3, sous g), 5, 85, 86 et 90 ainsi que l'article 30 du traité CE ne s'opposent pas à ce qu'une réglementation d'un État membre prévoie que les tarifs des transports routiers de marchandises sont approuvés et rendus exécutoires par l'autorité publique, sur la base de propositions d'un comité, si celui-ci est composé d'une majorité de représentants des pouvoirs publics, à côté d'une minorité de représentants des opérateurs économiques intéressés, et doit respecter dans ses propositions certains critères d'intérêt public et si, par ailleurs, les pouvoirs publics n'abandonnent pas leurs prérogatives en tenant compte, avant l'approbation des propositions, des observations d'autres organismes publics et privés, voire en fixant les tarifs d'office.
2) La directive 92-106-CEE du Conseil, du 7 décembre 1992, relative à l'établissement de règles communes pour certains transports combinés de marchandises entre États membres, ne s'applique pas aux transports combinés de marchandises entre pays tiers et États membres et le règlement (CEE) n° 4055-86 du Conseil, du 22 décembre 1986, portant application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre États membres et entre États membres et pays tiers, ne s'applique pas aux transports par route de marchandises débarquées du navire.