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Décisions

TPICE, 3e ch. élargie, 6 juin 1995, n° T-14/93

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Union internationale des chemins de fer

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Biancarelli

Juges :

MM. Schintgen, Briët, Garcia-Valdecasas, Bellamy

Avocat :

Me Momège.

TPICE n° T-14/93

6 juin 1995

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

LES FAITS A L'ORIGINE DU LITIGE

1 Les transports ferroviaires internationaux de voyageurs fonctionnent, pour l'essentiel, par addition de prestations nationales successives et s'effectuent donc dans le cadre d'une coopération entre les entreprises ferroviaires nationales ("réseaux"). Le prix d'un billet international correspond généralement à la totalisation des tarifs des parcours nationaux. Une compensation entre les réseaux permet à chaque réseau de recevoir la partie du prix qui correspond à sa prestation, chacun garantissant aux autres le calcul et le paiement des prestations dues.

2 Les billets internationaux peuvent être vendus directement par les réseaux ou par des agences de voyages agréées. La vente d'un billet par une agence de voyages donne lieu au versement d'une commission calculée sur le prix total. Lorsqu'une agence vend un billet pour un transport international réalisé par deux ou plusieurs réseaux, elle reçoit de chaque réseau participant une commission proportionnelle à la recette qui revient à chacun. De même, lorsqu'un réseau vend directement un billet international, pour un transport qu'il réalise avec un ou plusieurs autres réseaux, il reçoit une commission de la part de chaque réseau pour le compte duquel il a commercialisé le billet. Environ 130 millions de billets internationaux sont vendus chaque année.

3 En 1952, la commission "voyageurs" de l'Union internationale des chemins de fer (ci-après "UIC"), qui fédère 69 réseaux, a élaboré la fiche UIC 130 "Agences de voyages" (ci-après "fiche 130"). Cette fiche, actualisée à de nombreuses reprises, notamment en 1989, règle certains aspects des relations entre les réseaux et les agences de voyages. Dans sa version litigieuse, elle contient notamment les dispositions suivantes.

4 En ce qui concerne les conditions d'agrément des agences, l'article 1.1 de la fiche 130 prévoit:

"1.1 L'accréditation est accordée aux agences par le principal réseau de chemin de fer du pays où ces agences sont situées. Cette accréditation pour les coupons directs ou les coupons de sections intéressant un autre réseau sera donnée avec l'accord de ce dernier.

Des exceptions à ces règles peuvent cependant être prévues, notamment dans les accords de réciprocité conclus entre les divers réseaux ferroviaires."

5 Selon la requérante, un "coupon direct" est un billet international et un "coupon de section" est un billet domestique d'un autre réseau.

6 En ce qui concerne l'octroi des commissions aux agences, l'article 3 de la fiche 130 prévoit:

"3.1 Il est recommandé à chaque réseau d'accorder aux agences une commission identique sur ses coupons de section et sa part des billets et coupons directs.

Dans le cas où certains réseaux, laissant aux agences le soin d'imprimer leurs coupons, désireraient marquer une différence entre les taux de commission des deux catégories de billets, afin de laisser aux agences une rémunération de leurs frais d'impression, il est désirable que la différence entre les taux accordés soit aussi réduite que possible.

3.2 Les réseaux doivent accorder une commission sur leurs parts des billets et coupons directs et des coupons de section achetés par les agences dans les gares et les bureaux officiels du réseau qui les a accrédités, pour autant que le contrat liant lesdites agences à ce réseau ne leur permet pas de les établir elles-mêmes.

Il est recommandé aux réseaux d'allouer sur les billets achetés un taux de commission inférieur (5 %) à celui qui est consenti pour les billets émis par les agences elles-mêmes..."

7 En ce qui concerne le taux des commissions, l'article 4 de la fiche 130 prévoit:

"4.1 Les taux de commission alloués aux agences accréditées par un réseau étranger pour les prestations effectuées ou aux réseaux étrangers pour les prestations émises par leurs gares sont repris à l'annexe 4.

Ces taux de commission s'appliquent à toutes les prestations du trafic international couvertes par le TCV (tarif commun voyageurs)...

4.3 Le taux de commission consenti aux autres réseaux et aux agences accréditées par un réseau étranger est en principe fixé uniformément à 10 %.

Les réseaux qui accordent un taux de commission inférieur à 10 % ne reçoivent des autres réseaux que le taux correspondant à celui qu'ils accordent eux-mêmes aux autres réseaux (accord de réciprocité).

Cette règle vaut pour les ventes "agences" et "gares".

4.4 Par accord bilatéral ou multilatéral, les réseaux peuvent accorder un taux de commission supérieur à celui prévu à l'annexe 4.

4.5 Le réseau qui accrédite une agence pour la vente de prestations règle lui-même et en totalité la commission due à cette agence pour la vente desdites prestations. Il en est de même pour les prestations que les agences sont autorisées à se procurer aux guichets du chemin de fer, étant précisé que la commission réduite accordée dans ce cas est comprise dans celle octroyée par les autres réseaux au titre des ventes gares du réseau accréditeur.

8 Il ressort de l'annexe 4 de la fiche 130, dans sa version en vigueur à partir du 1er janvier 1990, que le taux de commission accordé aux agences de voyages accréditées par un réseau étranger est égal à 10 % du prix de vente du billet pour 26 réseaux européens, parmi lesquels figurent onze des douze réseaux des Etats membres de la Communauté, dans sa composition antérieure au 1er janvier 1995. Seul le réseau italien fait exception à cette règle, en consentant une commission d'un taux de 6 % pour les billets achetés dans les gares et de 9 % pour ceux émis par les agences de voyages. Pour ce réseau, il en est d'ailleurs de même pour les billets vendus en Italie, pour lesquels le réseau italien perçoit une commission dont le taux est également de 6 ou 9 %.

9 Enfin, l'article 1.3 de la fiche 130 recommande aux réseaux d'utiliser dans leurs accords avec les agences de voyages les dispositions du contrat type qui figurent à l'annexe 1 à cette fiche. L'article 1er et l'article 4 de ce contrat type stipulent ce qui suit:

"ARTICLE 1

Portée de l'accord

1) Le réseau de chemin de fer (à désigner ci-après)... autorise l'agence de voyages (à désigner ci-après)... à émettre les titres de transport intérieurs et internationaux correspondant aux tarifs qui lui ont été remis.

...

ARTICLE 4

Obligations de l'agence

L'agence est tenue:

1) de s'efforcer, par tous les moyens dont elle dispose, de développer le trafic voyageurs sur les lignes des réseaux participant aux tarifs selon l'article 1 et sur les autres modes de transport exploités, soit par les réseaux eux-mêmes, soit en collaboration avec eux;

2) d'effectuer, en faveur des voyages sur les lignes des réseaux intéressés ou par les autres modes de transport visés à l'alinéa précédent, le maximum de publicité par tous les moyens appropriés;

3) de ne pas favoriser dans sa publicité, dans ses offres, ainsi que dans ses conseils à la clientèle, le trafic des modes de transport concurrents par rapport au trafic ferroviaire et aux autres modes de transport visés à l'alinéa 1);

...

6) de faire assurer la vente des titres qui lui sont confiés selon les prescriptions du réseau et aux prix qui lui sont notifiés;

7) d'établir et de vendre les titres aux prix officiels indiqués dans les tarifs et de s'abstenir de percevoir des frais de confection pour les titres de transport émis."

10 En 1990, la Commission a adressé des demandes de renseignements à la requérante et à certains réseaux européens. Ces demandes de renseignements concernaient la fiche 130. Les demandes adressées à la Société nationale des chemins de fer français (ci-après "SNCF") et à British Rail étaient fondées sur l'article 11, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17").

11 Le 10 octobre 1991, conformément à l'article 2 du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99-63"), la Commission a adressé à la requérante une communication des griefs. Le 18 février 1992, une audition s'est déroulée à Bruxelles, conformément à l'article 7 du règlement n° 99-63.

12 Après avoir recueilli l'avis du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, prévu par l'article 10, paragraphe 3, du règlement n° 17, la Commission a adopté, le 25 novembre 1992, la décision 92-568-CEE, relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité CEE (IV/33.585 - Distribution des billets de transport ferroviaire par les agences de voyages, JO L 366, p. 47, ci-après "Décision"). Le dispositif de la Décision, fondée sur le règlement n° 17, se lit comme suit:

"Article premier

L'Union internationale des chemins de fer (UIC) a enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE en adoptant et diffusant une fiche UIC relative aux relations entre entreprises ferroviaires et agences de voyages (fiche 130) prévoyant:

- la maîtrise de l'agrément des agences par chaque entreprise ferroviaire nationale,

- la fixation commune de conditions d'octroi des commissions,

- la fixation d'un taux de commission uniforme,

- l'obligation pour les agences d'établir et de vendre les billets aux prix officiels indiqués dans les tarifs,

- l'interdiction faite aux agences de favoriser, dans leurs offres ou conseils à la clientèle, des modes de transport concurrents.

Article 2

L'Union internationale des chemins de fer est tenue de mettre fin aux infractions constatées à l'article 1er dans un délai de douze mois à compter de la date de notification de la présente décision.

Article 3

Pour les infractions constatées à l'article 1er une amende de un million (1 000 000) d'écus est infligée à l'Union internationale des chemins de fer.

..."

PROCEDURE ET CONCLUSIONS DES PARTIES

13 C'est dans ces conditions que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 février 1993, la requérante a introduit le présent recours.

14 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l'audience publique du 8 novembre 1994.

15 La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler la Décision, pour erreur sur le fondement juridique de celle-ci et insuffisance de motivation;

- annuler cette Décision pour violation et application erronée de l'article 85, paragraphe 1, du traité et insuffisance de motivation;

- annuler cette Décision pour violation des droits de la défense en ce que la Commission n'a pas permis à l'UIC de contester l'objet anticoncurrentiel de la fiche 130;

- annuler cette Décision pour violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité et de l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68 du Conseil, du 19 juillet 1968, portant application de règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 175, p. 1, ci-après "règlement n° 1017-68"), en refusant l'application de ces textes;

- à titre subsidiaire, annuler l'article 3 de la Décision, relatif aux amendes infligées à l'UIC, pour défaut des conditions requises pour le prononcé de l'amende;

- de manière encore plus subsidiaire, réduire, conformément aux principes de proportionnalité et d'équité, le montant de l'amende infligée à l'UIC;

- condamner la Commission aux dépens.

16 La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours;

- condamner la requérante aux dépens.

SUR LE FOND

17 Le Tribunal estime que les conclusions de la requérante, telles que précitées, doivent être regardées comme tendant, d'une part, à titre principal, à l'annulation de la Décision et, d'autre part, à titre subsidiaire, à l'annulation de l'amende qui lui a été infligée ou à la réduction de son montant.

Sur les conclusions principales tendant à l'annulation de la Décision

18 Au soutien de ses conclusions principales, la requérante invoque, en substance, six moyens tirés, premièrement, de la méconnaissance de la portée du règlement n° 1017-68; deuxièmement, de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, eu égard au caractère indispensable des dispositions de la fiche 130 concernant l'agrément du réseau local et le taux uniforme des commissions; troisièmement, de la méconnaissance, de la part de la Commission, des dispositions de la fiche 130 concernant la rétrocession des commissions; quatrièmement, de la violation des droits de la défense, en ce que la Commission n'aurait pas permis à la requérante de contester l'objet de certaines dispositions de la fiche 130; cinquièmement, de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en ce qui concerne l'obligation de ne pas favoriser les modes de transports concurrents; et, sixièmement, de la violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité et/ou de l'article 5 du règlement n° 1017-68.

Sur le premier moyen tiré de la méconnaissance de la portée du règlement n° 1017-68

19 Les articles 1er et 2 du règlement n° 1017-68 disposent ce qui suit:

"Article premier

Disposition de principe

Dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, les dispositions du présent règlement s'appliquent aux accords, décisions et pratiques concertées qui ont pour objet ou pour effet la fixation des prix et conditions de transport, la limitation ou le contrôle de l'offre de transport, la répartition des marchés de transport, l'application d'améliorations techniques ou la coopération technique, le financement ou l'acquisition en commun de matériel ou de fournitures de transport directement liés à la prestation de transport pour autant que cela soit nécessaire pour l'exploitation en commun d'un groupement d'entreprises de transport par route ou par voie navigable tel que défini à l'article 4, ainsi qu'aux positions dominantes sur le marché des transports. Ces dispositions s'appliquent également aux opérations des auxiliaires de transport qui ont le même objet ou les mêmes effets que ceux prévus ci-dessus.

Article 2

Interdiction des ententes

Sous réserve des dispositions prévues aux articles 3 à 6, sont incompatibles avec le Marché commun et interdits, sans qu'une décision préalable soit nécessaire à cet effet, tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun et notamment ceux qui consistent à:

a) fixer de façon directe ou indirecte les prix et conditions de transport ou d'autres conditions de transaction,

b) limiter ou contrôler l'offre de transport, les débouchés, le développement technique ou les investissements,

c) répartir les marchés de transport,

d) appliquer des conditions inégales à des prestations équivalentes à l'égard de partenaires commerciaux, en leur infligeant, de ce fait, un désavantage dans la concurrence,

e) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec la prestation de transport."

- Exposé sommaire des arguments des parties

20 La requérante fait valoir que la Décision est fondée sur une base juridique erronée, à savoir le règlement n° 17, et non pas sur la base juridique correcte, à savoir le règlement n° 1017-68. Elle fait valoir notamment que la fiche 130 porte sur "le contrôle de l'offre de transport" et sur "la fixation du prix du transport" au sens de l'article 1er du règlement n° 1017-68.

21 Elle souligne, à titre liminaire, que les réseaux ne sont pas en concurrence, mais sont tenus de coopérer dans la prestation des transports ferroviaires internationaux (voir, ci-dessus, points 1 et 2). Par ailleurs, dans le cadre de la politique commune des transports, le Conseil aurait toujours insisté sur le besoin de coopération, afin notamment que les réseaux se présentent sur le marché des transports internationaux comme un transporteur unique [voir les résolutions du Conseil du 7 décembre 1970, relative à la coopération entre les entreprises de chemins de fer (JO 1971, C 5, p. 1), et du 15 décembre 1981, concernant la politique ferroviaire de la Communauté (JO 1982, C 157, p. 1), ainsi que la recommandation 84-646-CEE du Conseil, du 19 décembre 1984, adressée aux entreprises de chemins de fer nationales des Etats membres en ce qui concerne le renforcement de la coopération relative au trafic international de voyageurs et de marchandises (JO L 333, p. 63)].

22 C'est dans ce contexte que, selon la requérante, la fiche 130 a été établie pour permettre la vente des billets internationaux de chemin de fer dans un très grand nombre d'agences. Elle souligne que le système de la fiche 130 repose sur un principe de mandat général et mutuel, selon lequel chaque réseau agrée, forme et contrôle ses agences sur son territoire et se porte garant vis-à-vis des autres réseaux pour les agences ainsi accréditées. Elle ajoute que chaque réseau calcule et reverse leur quote-part du prix du billet aux autres réseaux, sans contrôle de la part de ces derniers.

23 Quant à "l'offre de transport", la requérante soutient, en substance, que la fiche 130 comporte un système d'accréditation réciproque, afin d'offrir aux usagers, d'une façon globale et efficace, des prestations de transports internationaux. Cette offre de transport, destinée aux usagers, serait matérialisée dans un titre, le billet, lequel est distribué soit directement par les entreprises ferroviaires elles-mêmes, soit par les agences de voyages. Le billet ne serait qu'un support non détachable de l'offre de prestation de transport, qui matérialiserait cette offre et n'aurait aucune valeur en lui-même.

24 En outre, la fiche 130 prévoirait les modalités de vente des billets délivrés par les réseaux ou par les agences et constituerait donc "le contrôle de l'offre de transport". Dans ce contexte, le terme "offre" devrait être pris au sens économique de "la quantité de biens et de services qu'un producteur est disposé à vendre pour un prix donné", sens qui prévaudrait également en droit communautaire de la concurrence.

25 Quant à la "fixation des prix de transport", le prix de transport, au sens du règlement n° 1017-68, serait le prix que paie le voyageur pour son déplacement. Or, la fiche 130 porterait sur ce point, puisque, en application de la convention relative aux transports internationaux ferroviaires du 9 mai 1980 (ci-après "Cotif") et des règles uniformes concernant le contrat de transport international ferroviaire des voyageurs et des bagages (ci-après "CIV") y annexé, elle permettrait aux réseaux d'introduire, dans leurs conventions avec les agences, l'obligation d'établir et de vendre les titres de transport aux prix officiels indiqués dans les tarifs.

26 En outre, le prix que paie le voyageur pour son déplacement devrait couvrir l'ensemble des frais du transporteur, y compris la rémunération de l'agence. Même si la distribution des billets est distincte de la prestation de transport, elle serait néanmoins indispensable, et indissociable de ce service.

27 Quant au raisonnement de la Commission, exposé aux points 50 à 59 de la Décision, selon lequel il faut un lien direct entre l'accord litigieux et la prestation de transport, la requérante fait valoir qu'une telle nécessité ne ressort ni de l'article 1er du règlement n° 141 du Conseil, du 26 novembre 1962, portant non-application du règlement n° 17 du Conseil au secteur des transports (JO 1962, 124, p. 2751, ci-après "règlement n° 141"), ni de l'article 1er du règlement n° 1017-68. Par ailleurs, nonobstant son troisième considérant, le titre et l'article 1er du règlement n° 141 ne traiteraient que de la non-application du règlement n° 17 "au secteur" des transports ou "dans le secteur" des transports, et l'article 2 du règlement n° 141 mentionnerait "le domaine des transports par chemin de fer". En tout état de cause, le règlement n° 141 serait devenu sans objet, depuis l'adoption du règlement n° 1017-68, lequel n'imposerait pas de lien direct entre l'accord litigieux et la prestation de transport.

28 La requérante ajoute qu'en tout état de cause, à supposer même qu'un tel lien direct soit exigé, celui-ci existerait en l'espèce. A cet égard, la requérante relève que, dans son mémoire en défense, la Commission a elle-même défini la prestation de l'agence de voyages comme "la négociation et la conclusion de contrats pour le compte d'entreprises de transport". Or une telle activité concernerait directement la prestation de transport.

29 La requérante fait également valoir que l'arrêt de la Cour du 1er octobre 1987, VVR (311-85, Rec. p. 3801), auquel la Commission se réfère dans la Décision, n'est pas pertinent, en l'espèce.

30 La Commission répond qu'elle s'est fondée sur le règlement n° 17 parce que, d'une part, la fiche 130 ne concernerait pas "directement" la prestation de transport et, d'autre part, les agences de voyages ne seraient pas des auxiliaires de transport, mais des prestataires de services indépendants.

31 Le troisième considérant du règlement n° 141 définirait le champ d'application de ce règlement de manière telle que des prestations non directement liées à la prestation du service de transport n'y entreraient pas. Dans le même esprit, l'expression "auxiliaires de transport" devrait avoir une portée limitée (voir les conclusions de l'avocat général M. Dutheillet de Lamothe sous l'arrêt de la Cour du 14 juillet 1971, Muller, 10-71, Rec. p. 723, 732 et 737, et les points 55 à 59 de la Décision).

32 Le fait que le règlement n° 141 n'est plus en vigueur ne serait pas pertinent, puisque le règlement n° 1017-68, adopté conformément aux articles 2 et 3 du règlement n° 141, se référerait explicitement à celui-ci (premier et huitième considérants) et couvrirait logiquement les activités exclues du champ d'application du règlement n° 17 par le règlement n° 141. Par ailleurs, si certains comportements non directement liés au transport entraient dans le champ d'application du règlement n° 1017-68, ils seraient en même temps couverts par le règlement n° 17, ce qui créerait une confusion incompatible avec l'économie du règlement n° 1017-68.

33 Quant à la question de savoir si le règlement n° 1017-68 s'applique au "secteur", ou seulement aux "activités" de transport, le contexte dans lequel s'inscrivent les règlements n° 141 et 1017-68 appellerait la même interprétation pour ces deux termes. La référence aux "aspects spéciaux des transports" exclurait les accords conclus par les entreprises de transport et portant sur d'autres activités comme la restauration, l'hôtellerie ou les loisirs. L'élément déterminant serait la nature de l'activité sur laquelle porte l'accord.

34 En réponse aux arguments de la requérante relatifs à "l'offre de transport" et à "la fixation des prix de transport", la Commission se prévaut du raisonnement tenu par la Cour au point 20 des motifs de l'arrêt VVR, précité, selon lequel l'agence doit être considérée "comme un intermédiaire indépendant exerçant une activité de prestation de services autonome". Par ailleurs, si la distribution des billets ne constituait pas un service autonome, distinct de celui du transport, il ne serait pas compréhensible que les réseaux se rémunèrent mutuellement pour ce service.

35 Il ne serait pas non plus exact que la fiche 130 règle les conditions de l'offre de transport ferroviaire international, matière qui serait encadrée par la Cotif et par la CIV. La Commission a précisé, lors de la procédure orale, que la notion d'"offre de transport", au sens du règlement n° 1017-68, est limitée aux accords tels que ceux régissant le nombre ou la capacité des trains.

Appréciation du Tribunal

36 Il ressort des points 51 à 59 de la Décision que la Commission n'a pas estimé devoir appliquer en l'espèce le règlement n° 1017-68 pour trois motifs: en premier lieu, la Commission estime qu'il ressort de l'arrêt VVR, précité, que l'agent de voyages est "un intermédiaire indépendant" qui rend "un service autonome"; en deuxième lieu, elle estime que la fiche 130 ne concerne pas "directement" la prestation du service de transport; en troisième lieu, elle soutient que l'agence de voyages n'est pas un "auxiliaire de transport".

37 En ce qui concerne, premièrement, l'argument de la Commission fondé sur l'interprétation de l'arrêt VVR, précité, le Tribunal considère que cet arrêt n'est pas pertinent pour déterminer le règlement applicable dans le cas d'espèce.

38 Il convient, en effet, de rappeler que l'arrêt VVR concernait la législation d'un Etat membre, autorisant certains accords entre agents de voyages et organisateurs de voyages, dont l'objet était d'imposer aux premiers le respect des prix de vente des voyages fixés par les seconds. Dans ce contexte, l'Etat membre en cause a fait valoir, notamment, que l'article 85, paragraphe 1, du traité ne trouvait pas à s'appliquer à une telle situation, dès lors qu'un agent de voyages devait être considéré comme un organe auxiliaire de l'organisateur de voyages, au sens de la "communication" de la Commission relative aux contrats de représentation exclusive conclus avec des représentants de commerce (JO 1962, 139, p. 2921). C'est en réponse à cette argumentation que la Cour a jugé, au point 20 des motifs de cet arrêt, qu'un agent de voyages tel que visé par la juridiction nationale doit être considéré comme un intermédiaire indépendant exerçant une activité de prestation de services autonome, et non pas comme un organe auxiliaire intégré dans l'entreprise de tel ou tel organisateur de voyages. L'arrêt VVR ne concernait donc pas l'interprétation du règlement n° 1017-68.

39 Par ailleurs, le cadre factuel de cet arrêt était différent de celui du cas d'espèce, notamment en ce que les parties qui ont arrêté la fiche 130 sont des entreprises de transport ferroviaire et non pas des agences de voyages. En tout état de cause, la requérante ne soutient pas que l'agence de voyages devrait être considérée comme un organe auxiliaire, au sens de la communication de la Commission, précitée. Le point 20 des motifs de l'arrêt VVR répond ainsi à un argument qui n'est pas soulevé en l'espèce.

40 Toutefois, à supposer même que, en vendant un titre de transport ferroviaire, l'agence de voyages fournisse une "prestation de services autonome", pour laquelle elle est rémunérée par la commission octroyée par le réseau, le Tribunal estime qu'une telle considération ne suffirait pas, en elle-même, à rendre le règlement n° 1017-68 inapplicable à la fiche 130.

41 En effet, il est exact que l'agence de voyages, lorsqu'elle vend un titre de transport ferroviaire international, rend un service au réseau concerné. Toutefois, il convient de relever que ce service, rendu par une agence agréée, agissant au nom et pour le compte du réseau, est rendu dans le cadre de l'exécution d'un mandat qui lui est conféré par le réseau et que, dès lors, l'agence conclut, à l'occasion de la vente d'un titre de transport international, un contrat de transport entre le réseau et le voyageur. Le Tribunal estime que la négociation et la conclusion de tels contrats de transport au nom du réseau et l'émission des titres de transport du réseau qui en résulte constituent l'objet principal de l'accréditation de l'agence par le réseau.

42 Le Tribunal estime donc que c'est à tort que la Commission a conclu, au point 54, deuxième alinéa, de la Décision, que la "prestation de services" de l'agence de voyages "ne concerne donc pas la prestation de transport, fournie exclusivement par le commettant".

43 En ce qui concerne, deuxièmement, la question de savoir si la fiche 130 échappe au champ d'application du règlement n° 1017-68 parce que cette fiche ne concerne pas "directement" la prestation de transport, le Tribunal relève que la question dont il est saisi, en l'espèce, porte sur l'interprétation de l'article 1er du règlement n° 1017-68 et non pas sur celle du règlement n° 141. Même si le troisième considérant du règlement n° 141 peut être un élément important dans le cadre législatif dans lequel il s'insère, le mot "directement" ne figure ni à l'article 1er du règlement n° 1017-68, ni à l'article 1er du règlement n° 141, dont la durée de validité a, en tout état de cause, expiré le 30 juin 1968 en ce qui concerne le transport ferroviaire.

44 Par ailleurs, le fait que l'article 1er du règlement n° 1017-68 s'applique d'une part, à certains accords, décisions ou pratiques concertées, conclus par un groupement d'entreprises de transport visant "le financement ou l'acquisition en commun de matériel ou de fournitures de transport directement liés à la prestation du transport" et, d'autre part, à certains accords, décisions ou pratiques concertées portant sur "les opérations des auxiliaires de transport" indique que cet article peut avoir une portée plus large que celle suggérée par la Commission.

45 En outre, le Tribunal relève que l'article 2, sous a), du règlement n° 1017-68 prévoit que les accords, décisions ou pratiques concertées visés par ce règlement sont, notamment, ceux qui fixent "de façon directe ou indirecte" non seulement "les prix et conditions de transport", mais également "d'autres conditions de transaction", et que l'article 2, sous b), se réfère aux accords décisions ou pratiques concertées qui limitent ou contrôlent "l'offre de transport, les débouchés, le développement technique ou les investissements". Par conséquent, la notion d'accord ou de décision qui a pour objet ou pour effet de "limiter ou contrôler l'offre de transport", au sens de l'article 1er du règlement n° 1017-68, ne doit pas être interprétée comme visant les seuls accords ou décisions concernant le nombre ou la capacité des trains (voir point 35 ci-dessus), mais doit englober un accord ou une décision qui limite ou contrôle l'offre de transport ou les débouchés, au sens de l'article 2 du règlement n° 1017-68.

46 Dans ces circonstances, le Tribunal considère que le règlement n° 1017-68 ne saurait être interprété comme excluant de son champ d'application une décision d'association d'entreprises ferroviaires régissant les modalités de vente des billets internationaux ferroviaires telle que la fiche 130. En effet, cette décision porte sur des activités qui sont connexes à la prestation de service de transport par chemin de fer et sont indispensables à cette prestation. Par ailleurs, dès lors que le transport international ferroviaire, dans son état actuel, est fourni par des prestations nationales successives (voir point 1, ci-dessus), la vente des billets internationaux de chemin de fer n'est guère réalisable sans un système de coopération entre les réseaux ferroviaires pour assurer la vente de tels billets et la répartition des recettes qui en découlent. La fiche 130 se rapporte à ces aspects spéciaux de transport ferroviaire international.

47 En outre, le Tribunal considère que la fiche 130 porte tant sur "l'offre du transport" que sur "le prix du transport", au sens du règlement n° 1017-68.

48 En ce qui concerne "l'offre du transport", le Tribunal relève que l'article 1er de la fiche 130 porte directement sur la détermination des points de vente des billets ferroviaires internationaux. A supposer que l'article 1er de la fiche 130 ait les effets mentionnés aux points 70 à 72 de la Décision, le Tribunal considère que cet article limiterait les "débouchés" des réseaux et, de ce fait, limiterait ou contrôlerait "l'offre de transport", au sens du règlement n° 1017-68.

49 En ce qui concerne "le prix du transport", le Tribunal relève également que la commission visée par l'article 4 de la fiche 130 - qui s'applique tant aux billets vendus directement par les réseaux qu'aux billets vendus par les agences de voyages - constitue un coût direct de la vente d'un billet international et détermine le prix net, à savoir le prix du billet moins la commission, que chaque réseau reçoit pour sa part de la prestation de transport ferroviaire international concernée. Le Tribunal considère que, dans les circonstances de l'espèce, l'article 4 de la fiche 130 fixe indirectement "le prix du transport", au sens du règlement n° 1017-68, ou fixe "d'autres conditions de transaction", au sens de l'article 2, sous a), de ce règlement. Les mêmes considérations s'appliquent, mutatis mutandis, à l'article 3 de la fiche 130. En outre, le Tribunal relève que l'article 3.2 de cette fiche se réfère aux ventes des billets par les réseaux à certaines agences et concerne donc directement les prix et conditions de vente des titres de transport.

50 De même, le Tribunal rappelle-t-il que, à l'article 1er du dispositif de la Décision, la Commission a constaté que l'obligation imposée par l'article 4.7 du contrat type "d'établir et de vendre les titres aux prix officiels indiqués dans les tarifs" enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité. Le Tribunal estime que, de par son libellé même, une telle disposition a pour objet ou pour effet de "fixer le prix du transport" au sens du règlement n° 1017-68. A cet égard, le fait que l'article 4.7 du contrat type ne concerne pas la fixation des prix officiels eux-mêmes, mais le respect par les agences de voyages des tarifs déjà établis par les réseaux est sans pertinence, dès lors que le prix ainsi stipulé représente la contrepartie de la prestation de transport concernée que chaque voyageur transporté doit supporter.

51 En outre, à supposer que l'article 4.7 du contrat type interdise la rétrocession des commissions, comme l'a soutenu la Commission aux points 89 à 91 des motifs de la Décision, une telle disposition concernerait "la fixation du prix du transport" dans la mesure où les réseaux empêcheraient ainsi toute concurrence concernant le prix de transport entre les agences accréditées, notamment en renonçant à une partie de leurs commissions en faveur de leurs clients. A cet égard, au point 106 de la Décision, la Commission elle-même a constaté que "les pratiques en cause donnent aux entreprises ferroviaires la possibilité d'éliminer la concurrence, notamment en matière tarifaire, entre les agences de voyages pour la vente des titres de transport". De même, au cours de la procédure écrite, la Commission a-t-elle fait valoir que la gravité de l'infraction réside dans l'élimination de la concurrence, "notamment en ce qui concerne les prix offerts aux voyageurs" (défense, p. 42; voir aussi la même affirmation p. 34 de la duplique).

52 Enfin, en ce qui concerne l'interdiction faite aux agences, par l'article 4.3 du contrat type, de favoriser, dans leur publicité, dans leurs offres ou dans leurs conseils aux clients, des modes de transport concurrents, le Tribunal relève que, au point 95 des motifs de la Décision, la Commission a constaté que cette disposition "a pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence entre les différents modes de transport". Il en découle que la Commission elle-même considère que cette disposition relève du secteur des transports.

53 Il en résulte que le deuxième argument de la Commission, basé sur l'emploi du mot "directement" dans le troisième considérant du règlement n° 141, n'est pas fondé.

54 En parvenant à cette conclusion, le Tribunal ne méconnaît pas l'argument de la Commission, tiré de ce que la fiche 130 aurait des effets anticoncurrentiels sur le marché de la distribution des titres de transport. Le Tribunal considère, en effet, que, si, comme dans le cas d'espèce, les aspects principaux d'une décision relèvent du champ d'application du règlement n° 1017-68, le fait que la décision puisse également avoir des répercussions sur la concurrence sur des marchés voisins mais accessoires est sans incidence. Les éventuels effets sur la concurrence sur le marché de la distribution des billets de chemin de fer que pourrait avoir la fiche 130, qui sont invoqués, notamment, aux points 70, 71, 78 à 81, 83 et 84 des motifs de la Décision, seraient, tout au plus, secondaires par rapport aux effets qui relèvent du secteur des transports proprement dit (voir points 46 et suivants, ci-dessus).

55 En troisième lieu, le Tribunal estime que l'argument de la Commission, tel qu'exposé aux points 55 à 58 des motifs de la Décision, selon lequel l'agence de voyages n'est pas un auxiliaire de transport, au sens de l'article 1er du règlement n° 1017-68, n'est pas, lui non plus, fondé. En effet, la question posée en l'espèce n'est pas de savoir si un agent de voyages peut être considéré, d'une façon générale, comme un auxiliaire de transport, mais de savoir si les activités spécifiques en cause, dans le cas d'espèce, constituent des opérations susceptibles d'être exécutées par un auxiliaire de transport.

56 Or, le Tribunal considère que les opérations d'une agence de voyages pertinentes dans le cas d'espèce, à savoir la conclusion, en tant que mandataire, d'un contrat de transport, ainsi que l'émission du titre de transport, doivent être considérées comme des "opérations des auxiliaires de transport", au sens de l'article 1er du règlement n° 1017-68.En effet, l'agence, en tant que mandataire, doit être considérée comme l'"auxiliaire" du réseau et les "opérations" en question sont indispensables au transport du voyageur vers son lieu de destination. Dans ces conditions, la Commission ne peut utilement se prévaloir de la directive 82-470-CEE du Conseil, du 29 juin 1982, relative à des mesures destinées à favoriser l'exercice effectif de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services pour les activités non salariées de certains auxiliaires de transport et des agents de voyages (groupe 718 CITI) ainsi que des entrepositaires (groupe 720 CITI) (JO L 213, p. 1), laquelle est sans pertinence pour la solution du litige.

57 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les points 51 à 59 des motifs de la Décision sont entachés d'erreurs de droit et ne justifient pas la conclusion selon laquelle la fiche 130 ne relève pas du champ d'application du règlement n° 1017-68.

58 Toutefois, le Tribunal estime que, dans les circonstances de l'espèce, il convient de rechercher si l'erreur de droit ainsi commise par la Commission a eu pour effet de priver la requérante de tout ou partie des garanties procédurales auxquelles elle pouvait légitimement prétendre dans le cadre de l'application du règlement n° 1017-68.

59 A cet égard, le Tribunal relève qu'il existe au moins trois différences fondamentales entre le règlement n° 17, d'une part, et le règlement n° 1017-68, d'autre part.

60 En premier lieu, dans le régime du règlement n° 17, la notification préalable à la Commission de l'accord, de la pratique concertée ou, comme en l'espèce, de la décision d'association d'entreprises en cause, est, hors le cas des accords, décisions ou pratiques concertées visés à l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 17, une condition indispensable pour obtenir une éventuelle déclaration d'inapplicabilité de l'article 85, paragraphe 1, du traité, adoptée sur le fondement du paragraphe 3 du même article (voir l'arrêt de la Cour du 16 juin 1981, Salonia, 126-80, Rec. p. 1563, point 30, l'arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Montedipe/Commission, T-14-89, Rec. p. II-1155, point 271). En revanche, dans le régime du règlement n° 1017-68, la notification à la Commission de l'accord, de la pratique concertée ou de la décision d'association d'entreprises est facultative et ne constitue pas une condition indispensable à l'obtention d'une déclaration individuelle d'inapplicabilité de l'article 2 du règlement n° 1017-68, adoptée sur le fondement de l'article 5 du même texte. Or, la requérante soutien, en l'espèce, que c'est précisément en raison de cette différence substantielle qu'elle n'a pas notifié la fiche 130 à la Commission.

61 A cet égard, même si, aux points 104 à 107 des motifs de la Décision, la Commission s'est, à titre subsidiaire, brièvement prononcée par la négative sur la question de savoir si la fiche 130 aurait pu être exemptée, en application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, dans l'hypothèse où elle aurait fait l'objet d'une notification, il n'est pas certain que la motivation de la Commission aurait été la même si celle-ci avait constaté, à l'inverse du point 103 des motifs de la Décision, que l'UIC pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 5 du règlement n° 1017-68. En effet, dans de telles circonstances, la Commission aurait dû motiver son rejet éventuel de la demande d'exemption de l'UIC, au titre de l'article 5 du règlement n° 1017-68, de façon à permettre au Tribunal d'exercer son contrôle de légalité et aux Etats membres ainsi qu'aux ressortissants intéressés de connaître les conditions dans lesquelles la Commission a fait application du traité (voir l'arrêt de la Cour du 17 janvier 1995, Publishers Association/Commission, C-360-92 P, non encore publié au Recueil, point 39).

62 En deuxième lieu, il y a lieu de relever que, en l'espèce, la Commission a consulté le comité prévu par l'article 10, paragraphe 3, du règlement n° 17, composé des représentants des Etats membres compétents en matière d'ententes et de positions dominantes, et non le comité consultatif spécialisé composé des représentants des Etats membres compétents en matière d'ententes et de positions dominantes dans le domaine des transports prévu par l'article 16, paragraphe 4, du règlement n° 1017-68. Or, les représentants des Etats membres qui ont été appelés à connaître de l'affaire n'étant pas ceux prévus par la norme qui aurait dû être appliquée au cas d'espèce, on ne peut pas déduire que le résultat de l'avis émis par le comité compétent aurait été le même.

63 En troisième lieu, l'article 17, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1017-68 prévoit que la Commission ne rend une décision pour laquelle la consultation du comité consultatif spécialisé visée à l'article 16 du même règlement est obligatoire qu'après l'écoulement d'un délai de 20 jours, à compter de la date à laquelle le comité consultatif a émis son avis. Pendant cette période, tout Etat membre peut demander la convocation du Conseil pour examiner, avec la Commission, les questions de principe concernant la politique commune des transports qu'il estime liées au cas particulier devant faire l'objet de la Décision. Si une telle demande est formulée, la Commission ne rend sa décision qu'après la session du Conseil. Or, la Commission doit également tenir compte des orientations qui se sont dégagées au sein du Conseil. Par suite, cette disposition organise une protection dont le destinataire de la décision de la Commission doit pouvoir bénéficier.

64 Il résulte de ce qui précède que la mise en œuvre du règlement n° 17, en lieu et place du règlement n° 1017-68, est, en l'espèce, constitutive d'une violation des formes substantielles et a eu pour effet de priver la requérante des garanties procédurales auxquelles elle pouvait légitimement prétendre, dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions du règlement n° 1017-68.

65 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'erreur de droit commise par la Commission a eu des conséquences procédurales dont la requérante est fondée à se plaindre et que, par suite, le premier moyen est fondé.

66 Il s'ensuit que la Décision doit être annulée, sans qu'il soit nécessaire ni d'examiner les autres moyens soulevés par la requérante, dans le cadre de ses conclusions principales en annulation, ni de statuer sur ses conclusions subsidiaires tendant à l'annulation de l'amende ou à la réduction de son montant.

SUR LES DEPENS

67 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses conclusions et la partie requérante ayant conclu en ce sens, il y a lieu de mettre les dépens à la charge de l'institution.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

déclare et arrête:

1)La décision 92-568-CEE de la Commission, du 25 novembre 1992, relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité CEE (IV/33.585 - Distribution des billets de transport ferroviaire par les agences de voyages) est annulée.

2) La Commission est condamnée aux dépens.