TPICE, 2e ch. élargie, 27 avril 1995, n° T-442/93
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Association des amidonneries de céréales de la CEE et autres
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, Italgrani Spa
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vesterdorf
Juges :
MM. Barrington, Saggio, Kirschner, Kalogeropoulos
Avocats :
Mes Waelbroeck, Siragusa, D'Albora, Scassellati-Sforzolini, Pappalardo, Sico, Casucci, Annesi, Merola.
FAITS A L'ORIGINE DU LITIGE
1 Les requérantes sont une association d'entreprises et six entreprises productrices d'amidon. L'Association des amidonneries de céréales de la CEE (ci-après "AAC") regroupe l'ensemble des producteurs d'amidon et de produits amylacés de la Communauté, dont les autres requérantes. Levantina Agricola Industrial SA (ci-après "LAISA") est productrice d'amidon de maïs, de sirops de glucose, de sirops au contenu élevé en maltose, d'isoglucose et de dextrose. Società piemontese amidi e derivati SpA (ci-après "SPAD") est productrice d'amidon de maïs, de sirops de glucose, de sirops au contenu élevé en maltose, d'isoglucose et de dextrose. Pfeifer & Langen est productrice d'amidon de blé et de sirops de glucose. Ogilvie Aquitaine SA est productrice d'amidon de blé. Cargill BV est productrice d'amidon de maïs, d'amidon de blé, de sirops de glucose et de sirops au contenu élevé en maltose. Latenstein Zetmeel BV est productrice d'amidon de blé.
2 Par sa décision 88-318-CEE, du 2 mars 1988, relative à la loi n° 64 du 1er mars 1986 régissant l'intervention extraordinaire en faveur du Mezzogiorno (JO L. 143, p. 37, ci-après "décision 88-318"), la Commission a approuvé, de façon générale, un régime d'aides de l'Etat italien en faveur du Mezzogiorno, sous condition cependant du respect de la réglementation communautaire et de la notification ultérieure de certains programmes relevant de la compétence des régions italiennes. Auparavant, la Commission avait, par décision du 30 avril 1987, accepté l'application de la loi n° 64 du 1er mars 1986 (ci-après "loi n° 64-86") dans la plupart des régions du Mezzogiorno.
3 Par lettre du 3 août 1990, l'AAC a adressé à la Commission une plainte à l'encontre d'un programme d'aides, approuvé le 12 avril 1990 par les autorités italiennes en faveur de Italgrani SpA (ci-après "Italgrani"). Par lettre du 17 juillet 1990, une entreprise du secteur agro-alimentaire, Casillo Grani Snc (ci-après "Casillo Grani"), avait déjà invité la Commission, conformément à l'article 175 du traité CEE, à prendre position au sujet de ces aides. A la demande de la Commission, les autorités italiennes lui ont communiqué des informations sur les aides envisagées, notamment la décision du comité interministériel pour la coordination de la politique industrielle (ci-après "CIPI), du 12 avril 1990, relative au programme d'investissements en question.
4 Selon ces informations, les aides en cause concernaient un "contrat de programme" entre le ministère pour les interventions dans le Mezzogiorno et Italgrani, conformément à la loi n° 64-86. Dans le cadre de ce contrat, la partie intervenante Italgrani s'engageait à réaliser dans le Mezzogiorno des investissements pour un montant global de 964,5 milliards de LIT se répartissant comme suit (en milliards de LIT) :
a) Investissements technico-industriels : 669,5
b) Centres de recherche : 140
c) Projets de recherche : 115
d) Formation du personnel : 40
5 Les aides prévues s'élevaient à un montant global de 522,1 milliards de LIT, dont 297 milliards de LIT consacrés aux investissements technico-industriels, 97,1 milliards de LIT aux centres de recherche, 92 milliards de LIT aux projets de recherche et 36 milliards de LIT à la formation du personnel.
6 Les secteurs concernés étant caractérisés par des échanges intra-communautaires importants, la Commission a considéré que les interventions en question constituaient des aides au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CEE et a estimé, sur la base des informations à sa disposition, qu'elles ne semblaient pas pouvoir bénéficier des dérogations prévues par l'article 92, paragraphe 3, et, en particulier, par les dispositions de la loi n° 64-86 selon les conditions fixées à l'article 9 de la décision 88-318. La Commission a, dès lors, ouvert la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité CEE à l'encontre des aides destinées à :
- la création d'une amidonnerie et des installations devant servir directement ou indirectement à la production d'isoglucose ;
- la production d'huiles de graines ;
- la production de semoules et de farines ;
- des investissements dans le secteur de l'amidon.
En outre, la Commission a estimé qu'il subsistait des doutes au sujet du respect des niveaux d'intensité des aides à l'investissement.
7 Par lettre du 23 novembre 1990, la Commission a informé le gouvernement italien de la décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité et l'a mis en demeure de lui présenter ses observations dans le cadre de ladite procédure. Les autres Etats membres et les tiers intéressés en ont été informés par publication d'une communication au Journal officiel des Communautés européennes (JO 1990, C. 315, p. 7, rectificatif JO 1991, C. 11, p. 32, ci-après "communication aux intéressés"). Huit associations, parmi lesquelles se trouvaient l'association italienne Assochimica, dont SPAD est membre, et deux entreprises, dont Italgrani, ont présenté leurs observations et celles-ci ont été communiquées aux autorités italiennes le 8 avril 1991.
8 Le gouvernement italien et Italgrani ont saisi la Cour de justice d'un recours en annulation à l'encontre de la décision, notifiée au gouvernement italien par la lettre de la Commission du 23 novembre 1990, susmentionnée, relative à l'ouverture de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité. Italgrani s'est ultérieurement désistée de son recours (C-100-91), tandis que, par arrêt du 5 octobre 1994, Italie/Commission (C-47-91, Rec. p. I-4635), la Cour a annulé les points I.3 et I.4 de la décision, sauf dans la mesure où ils concernaient l'aide à la constitution de stocks de produits agricoles. Lesdits points avaient, respectivement, ordonné la suspension du versement des aides et rappelé que les aides versées en dépit de cette injonction étaient susceptibles de faire l'objet d'une demande de remboursement auprès de leurs bénéficiaires et que les dépenses communautaires qui seraient affectées par elles pourraient ne pas être prises en charge par le FEOGA.
9 Suite aux observations présentées par les autorités italiennes dans le cadre de la procédure, la Commission a estimé que les aides à la recherche, à la formation et aux huiles de graines pouvaient être considérées comme compatibles avec le marché commun, car conformes aux conditions fixées par sa décision 88-318.
10 Par lettres des 23 et 24 juillet 1991, les autorités italiennes ont modifié de manière substantielle le programme d'investissements initialement prévu ainsi que les aides qui s'y rattachaient.
11 Le nouveau programme modifiait comme suit le projet initialement prévu :
- suppression de l'aide en faveur de la création d'une amidonnerie, ainsi que des semoules et farines ;
- suppression de l'aide pour la création d'élevages industriels de porcs ;
- suppression de l'aide pour le financement des stocks de produits visés à l'annexe II du traité ;
- réduction de la capacité de production annuelle de l'amidon de 357 000 tonnes à environ 150 000 tonnes ;
- augmentation des investissements et des aides dans la chimie des sucres (glucoserie) avec suppression de toute production d'isoglucose ;
- augmentation des investissements et des aides dans le secteur de la fermentation et de l'acide citrique ;
- augmentation des aides pour les projets de recherche.
12 Après ces modifications, les investissements prévus s'élevaient à 815 milliards de LIT, se répartissant comme suit (en milliards de LIT) :
a) Investissements technico-industriels : 510
b) Centres de recherche : 140
c) Projets de recherche : 125
d) Formation du personnel : 40
Les aides prévues s'élevaient à un montant global de 461 milliards de LIT, dont 228,17 milliards de LIT consacrés aux investissements technico-industriels, 96,83 milliards de LIT aux centres de recherche, 100 milliards de LIT aux projets de recherche et 36 milliards de LIT à la formation du personnel.
13 Les principaux produits que se proposait de produire Italgrani étaient les suivants (en tonnes) :
Maltose : 23 400
Sirops au contenu de maltose élevé : 36 000
Sirops de fructose : 18 000
Fructose cristalline : 16 200
Manitol : 14 400
Sorbitol : 27 000
Autres glucoses hydrogénés : 18 000
Glucoses et dextroses a.b.v. : 9 000
Glucose pour chimie fine : 9 000
Levures : 16 500
Acide citrique : 18 000
Protéines végétales
- protéine texturisée : 112 750
- lécithine : 2 610
- huile de soja : 49 590
14 Suite aux modifications intervenues, la Commission a estimé que les niveaux d'intensité des aides en cause correspondaient aux limites établies en particulier par la loi n° 64-86. Toutefois, la Commission a admis que l'on ne saurait négliger le lien existant entre l'amidon et les produits bénéficiaires des aides en cause, dans la mesure où ces produits sont dérivés et/ou transformés de l'amidon. L'octroi de toutes les aides a donc été subordonné à certaines conditions.
15 A l'issue de la procédure, la Commission a arrêté la décision 91-474-CEE, du 16 août 1991, concernant les aides accordées par le gouvernement italien à la société Italgrani pour la réalisation d'un complexe agro-alimentaire dans le Mezzogiorno (JO L. 254, p. 14, ci-après "décision"), dont le dispositif est le suivant :
"Article premier
1. Les aides d'un montant global de 461 milliards de lires italiennes, accordées par le gouvernement italien à la société Italgrani pour la réalisation du programme d'investissements visé par la délibération du Cipi du 12 avril 1990 successivement modifié par lettres des 23 et 24 juillet 1991, sont compatibles avec le Marché commun et peuvent bénéficier des interventions prévues par la loi n° 64-86 du 1er mars 1986 (interventions en faveur du Mezzogiorno).
2. Toutefois, les aides ci-avant d'un montant global de 461 milliards de lires italiennes ne peuvent être octroyées qu'en subordonnant la réalisation du programme d'investissements au respect de la part de la société Italgrani des conditions suivantes :
- les produits transformés ou dérivés de l'amidon doivent être fabriqués à partir uniquement de l'amidon d'origine communautaire ;
- la production d'amidon d'Italgrani dans le cadre du programme, dont la capacité annuelle prévue est d'environ 150 000 tonnes, doit être strictement limitée aux quantités requises pour satisfaire aux besoins de sa propre production de produits dérivés et/ou transformés de l'amidon ; la production d'amidon en question devra ainsi évoluer en fonction des besoins des produits dérivés et/ou transformés et ne pourra augmenter au-delà de ces besoins ;
- aucune quantité d'amidon produit dans le cadre du programme ne pourra être mise sur le marché (national, communautaire ou des pays tiers)."
Article 2
(omissis)
Article 3
(omissis)
Article 4
(omissis)."
Procédure
16 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe de la Cour, le 27 novembre 1991, les requérantes ont introduit le présent recours. La décision de la Commission a également fait l'objet d'un recours en annulation introduit par l'Association of Sorbitol producers within the EC (Association des producteurs de sorbitol dans la CE, ci-après "ASPEC") et un certain nombre de producteurs de dérivés d'amidon ainsi que par Casillo Grani (T-435-93 et T-443-93).
17 Par ordonnance du président de la Cour du 1er octobre 1992, la République française a été admise à intervenir à l'appui des conclusions des parties requérantes. Par ordonnances du président de la Cour du 8 février 1993, Casillo Grani et Italgrani ont été admises à intervenir à l'appui des conclusions, respectivement, des parties requérantes et de la Commission.
18 En application de l'article 4 de la décision 93-350-Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993, modifiant la décision 88-591-CECA, CEE, Euratom, instituant le Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L. 144, p. 21), l'affaire a été renvoyée, par ordonnance de la Cour du 27 septembre 1993, devant le Tribunal. L'affaire a été attribuée à la deuxième chambre élargie.
19 La procédure écrite s'est déroulée, en partie, devant la Cour et s'est terminée par le dépôt, le 3 décembre 1993, des observations des requérantes sur les mémoires en intervention d'Italgrani et de Casillo Grani.
20 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Le Tribunal a, toutefois, invité la Commission à produire des documents relatifs à l'adoption de la décision et a invité les parties à se prononcer sur les conséquences à tirer, pour le présent recours, de l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., dit "PVC" (C-137-92 P, Rec. p. I-2555).
21 Par ordonnance du président de la deuxième chambre élargie du 28 septembre 1994, l'affaire a été jointe, aux fins de la procédure orale, avec les affaires T-435-93 et T-443-93.
22 Après la fixation de la date de l'audience, un des avocats de la partie intervenante Casillo Grani a, par lettre déposée au greffe du Tribunal le 3 octobre 1994, fait connaître au Tribunal que ladite société avait été déclarée en faillite. Par télécopie parvenue au greffe du Tribunal le 2 novembre 1994, l'avocat a transmis une copie d'une décision du juge délégué à la faillite, ordonnant au curateur de la société d'élire domicile, aux fins de la procédure devant le Tribunal, en l'étude de Mes Siragusa et Scassellati-Sforzolini.
23 Les parties principales et la partie intervenante Italgrani ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l'audience du 9 novembre 1994. A l'issue de celle-ci, le Tribunal a invité la Commission à produire le télex du 14 novembre 1986, adressé au gouvernement italien, mentionné au point 22 de l'arrêt Italie/Commission, précité. Suite à la production dudit télex par la Commission, les parties ont été invitées à se prononcer sur sa signification pour le présent recours.
CONCLUSIONS DES PARTIES
24 Les parties requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :
- annuler la décision ;
- condamner la Commission aux dépens.
25 Dans leur réplique, les requérantes concluent, en outre, à ce qu'il plaise au Tribunal :
- constater l'inexistence de la décision attaquée.
26 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours comme irrecevable ou non fondé ;
- condamner les parties requérantes aux dépens.
27 La République française conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- annuler la décision ;
- condamner la Commission aux dépens de la présente instance.
28 La partie intervenante Casillo Grani conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- constater l'inexistence de la décision contestée ;
- subsidiairement, annuler la décision contestée et déclarer la décision 88-318 inapplicable au cas d'espèce ;
- condamner la Commission aux dépens exposés par Casillo Grani.
29 La partie intervenante Italgrani conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours comme irrecevable ou non fondé ;
- condamner les requérantes aux dépens, y compris ceux de la partie intervenante.
Sur l'intervention de Casillo Grani
30 Il convient de relever qu'il ressort du dossier que l'intérêt de Casillo Grani à la solution du litige n'a existé qu'en ce que cette entreprise était en situation de concurrence avec la société bénéficiaire des aides en cause. Or, suite à la déclaration de faillite de Casillo Grani, dont son avocat a informé le Tribunal le 2 novembre 1994, le Tribunal ne peut que constater que cet intérêt a disparu. En outre, selon les informations fournies lors de la procédure orale par la partie intervenante Italgrani, société bénéficiaire des aides litigieuses, les aides en cause ne lui ont pas encore été versées. La décision n'a donc pas pu, non plus, affecter la situation concurrentielle de Casillo Grani avant qu'elle n'ait été déclarée en faillite.
31 Il n'y a, dès lors, pas lieu de statuer sur les conclusions et arguments présentés par Casillo Grani.
Sur la recevabilité
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
32 Sans soulever une exception d'irrecevabilité formelle, la Commission conteste la recevabilité du recours. A cet égard, se référant à l'arrêt de la Cour du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission (169-84, Rec. p. 391), la Commission expose que, dans le domaine des aides d'Etat, seules les entreprises qui ont joué un certain rôle dans le cadre de la procédure administrative et dont la position sur le marché est substantiellement affectée par les mesures d'aides qui font l'objet de la décision attaquée sont considérées comme directement et individuellement concernées, au sens de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE (actuellement l'article 173, quatrième alinéa, du traité CE).
33 En ce qui concerne la première condition, la Commission reconnaît que les requérantes ont joué, soit directement, soit indirectement, un certain rôle dans le cadre de la procédure. Cependant, l'AAC ne serait intervenue qu'au sujet des aides à la production d'amidon, lesquelles ont été supprimées. Aucune des requérantes ne pourrait donc se prévaloir des interventions de l'AAC pour satisfaire à cette condition.
34 S'agissant de la seconde condition, la Commission soutient que les sociétés Pfeifer & Langen et Latenstein Zetmeel ne produisent que de l'amidon de blé, production non subventionnée, et qu'elles ne sont pas, dès lors, directement et individuellement concernées par la décision. Pour les autres sociétés requérantes, la Commission constate qu'une partie de leur production se trouve en concurrence avec la production subventionnée. Toutefois, à son avis, elles n'ont pas indiqué de manière suffisante les raisons pour lesquelles la décision est susceptible de léser leurs intérêts légitimes en affectant substantiellement leur position sur le marché en cause. En effet, aucune donnée pertinente à cet égard n'aurait été avancée.
35 En ce qui concerne plus précisément l'AAC, la Commission fait observer que, déjà dans son arrêt du 14 décembre 1962, Confédération nationale des producteurs de fruits et légumes e.a./Conseil (16-62 et 17-62, Rec. p. 901), la Cour a précisé qu'"on ne saurait accepter le principe selon lequel une association, en sa qualité de représentante d'une catégorie d'entrepreneurs, serait concernée individuellement par un acte affectant les intérêts généraux de cette catégorie". Si, dans son arrêt du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission (67-85, 68-85 et 70-85, Rec. p. 219), la Cour a reconnu qu'un organisme représentant les intérêts d'un groupe de producteurs était directement et individuellement concerné par une décision de compatibilité de la Commission, elle se serait fondée sur trois raisons : 1) la position de l'organisme aurait été affectée en sa qualité de négociateur du régime tarifaire concerné ; 2) il aurait participé activement à la procédure ; et 3) il aurait été obligé d'entamer de nouvelles négociations tarifaires et de conclure un nouvel accord.
36 La Commission répète que les observations soumises par l'AAC n'ont porté que sur les aides en faveur de la production d'amidon, lesquelles ont été finalement supprimées. De plus, l'AAC n'aurait pas démontré que sa position est affectée de manière analogue à celle de l'association en cause dans l'arrêt Van der Kooy e.a./Commission, précité. L'AAC ne serait donc pas individuellement concernée par la décision de la Commission.
37 La partie intervenante Italgrani se rallie pour l'essentiel à l'argumentation de la Commission. Elle ajoute que les requérantes autres que l'AAC ne peuvent se prévaloir de l'intervention de cette dernière, laquelle n'aurait pas participé à la procédure pour le compte de ces entreprises ni pour défendre leurs intérêts particuliers.
38 Les requérantes relèvent qu'elles ont joué un rôle prépondérant durant la phase précontentieuse en ce que l'AAC a déposé une plainte et, suite à la publication de la communication aux intéressés, des observations supplémentaires sur le projet d'aides en cause. A cet égard, les requérantes font valoir que l'AAC a agi en qualité de mandataire de ses membres, dont elle est, selon ses statuts, chargée de défendre les intérêts.
39 Les requérantes soutiennent, ensuite, qu'Italgrani se trouvera dans un rapport direct de concurrence avec elles sur un marché fortement excédentaire. Eu égard au fait que la capacité nouvelle de production des produits de l'amidonnerie prévue (soit environ 360 000 tonnes par an) représenterait plus que la production totale actuelle de ces produits en Italie (environ 338 000 tonnes par an) et que les deux membres italiens de l'AAC, à savoir Cerestar Italia SpA (ci-après "Cerestar") et SPAD, produiraient respectivement 209 000 et 167 000 tonnes de produits amylacés, on pourrait aisément apprécier l'impact que les aides auront en Italie. En effet, le projet modifié entraînerait une augmentation de la production des produits amylacés de l'ordre de 7 % à l'échelle communautaire. Dans un marché caractérisé par de fortes surcapacités et une demande stagnante, les aides en cause fausseraient de manière sensible le marché communautaire de l'amidonnerie et porteraient, en particulier, gravement atteinte à la position des entreprises requérantes.
40 Selon les requérantes, l'effet sur l'industrie amidonnière dans son ensemble serait d'autant plus sensible que le marché des produits amylacés serait caractérisé par une complète substituabilité de l'offre. La demande connaîtrait une faible élasticité, de sorte qu'un accroissement de la capacité de production provoquerait une chute brutale des prix.
41 En ce qui concerne l'AAC, les requérantes relèvent que le recours en annulation est également ouvert aux associations d'entreprises, et ce d'autant plus en l'espèce que l'AAC regroupe, selon elles, l'ensemble des entreprises du secteur concerné. L'AAC ne serait pas intervenue qu'au sujet des aides à l'amidon ; sa démarche aurait porté sur tous les produits amylacés, notion qui concernerait tant l'amidon que ses produits dérivés. Dans ses observations sur les mémoires en intervention d'Italgrani et de Casillo Grani, les requérantes ajoutent que l'AAC a été l'interlocuteur de la Commission lors de l'instauration, en 1986, du nouveau régime en matière d'amidon et a continué de l'être en ce qui concerne toutes les réglementations communautaires affectant les intérêts des amidonneries. Elle aurait donc eu une position analogue à celle des associations en cause dans les arrêts de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C-313-90, Rec. p. I-1125), et Van der Kooy e.a./Commission, précité.
42 Enfin, les requérantes soutiennent que, lorsque la Commission n'a pas donné à des tiers concurrents l'occasion de soumettre des observations et de participer à la procédure, ceux-ci sont néanmoins recevables à attaquer la décision autorisant une aide (arrêts de la Cour du 19 mai 1993, Cook/Commission, C-198-91, Rec. p. I-2487, et du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225-91, Rec. p. I-3203). La Commission n'ayant pas donné aux requérantes l'occasion de se prononcer sur le programme définitif, il devrait, mutatis mutandis, en être de même en l'espèce.
43 La République française n'a pas présenté d'observations sur la recevabilité.
Appréciation du Tribunal
44 Il convient de rappeler, liminairement, que l'article 173, quatrième alinéa, du traité CE permet aux personnes physiques ou morales d'attaquer les décisions dont elles sont les destinataires ou celles qui, bien que prises sous l'apparence d'un règlement ou d'une décision adressée à une autre personne, les concernent directement et individuellement. Dès lors, la recevabilité du présent recours, dépend de la question de savoir si la décision attaquée, adressée au gouvernement italien et clôturant la procédure ouverte au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité, les concerne directement et individuellement.
45 Pour ce qui est de la question de savoir si les requérantes sont directement concernées par la décision attaquée, il est vrai que, comme l'a soutenu Italgrani, la décision ne pourrait, sans mesures d'exécution adoptées au niveau national par le CIPI, affecter les intérêts des requérantes. Toutefois, étant donné que le CIPI avait déjà, par sa décision du 12 avril 1990, approuvé le programme d'investissements initialement prévu ainsi que les aides s'y rattachant et que les modifications intervenues par la suite ont été présentées par les autorités italiennes elle-mêmes, la possibilité que les autorités italiennes décident de ne pas accorder les aides autorisées par la décision de la Commission est purement théorique, la volonté des autorités italiennes d'agir ne faisant aucun doute.
46 Il y a donc lieu de reconnaître que les requérantes sont directement concernées par la décision litigieuse(voir, dans le même sens, l'arrêt du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11-82, Rec. p. 207). Il convient d'ajouter qu'il ressort du dossier que le CIPI a, par décision du 8 octobre 1991, approuvé le programme modifié. En outre, bien que les aides en cause n'aient pas encore été versées à Italgrani, cette dernière a indiqué, lors de la procédure orale, que cette situation est due à la décision des autorités italiennes d'attendre l'issue du présent recours.
47 Pour ce qui est de la question de savoir si les requérantes sont individuellement concernées par la décision litigieuse, il convient de rappeler qu'il ressort d'une jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires d'une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés, au sens de l'article 173 du traité, que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d'une manière analogue à celle du destinataire(voir les arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25-62, Rec. p. 199, et du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C-309-89, Rec. p. I-1853, point 20).
48 S'agissant de décisions de la Commission clôturant une procédure ouverte au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité, la Cour a admis, comme éléments établissant qu'une telle décision concerne une entreprise au sens de l'article 173, le fait que cette entreprise a été à l'origine de la plainte ayant donné lieu à la procédure d'enquête, qu'elle a été entendue en ses observations et que le déroulement de la procédure a été largement déterminé par ses observations si, toutefois, sa position sur le marché est substantiellement affectée par la mesure d'aide qui fait l'objet de la décision attaquée (voir l'arrêt Cofaz e.a./Commission, précité).
49 Cependant, l'arrêt Cofaz e.a./Commission ne doit pas être interprété en ce sens que les entreprises ne pouvant pas démontrer l'existence de circonstances identiques ne sauraient jamais être considérées comme individuellement concernées au sens de l'article 173 du traité. En effet, la Cour n'a fait que constater que les entreprises pouvant établir de telles circonstances sont concernées au sens de l'article 173, ce qui n'exclut pas qu'une entreprise puisse être en mesure de démontrer d'une autre façon, par renvoi à des circonstances spécifiques l'individualisant de manière analogue à celle du destinataire, qu'elle est individuellement concernée.
50 A cet égard, il convient d'observer qu'il ressort du dossier que la société requérante SPAD, avec une production annuelle de produits amylacés d'environ 160 000 tonnes, est l'un des deux producteurs italiens les plus importants de ces produits, la production annuelle italienne s'élevant à environ 390 000 tonnes. Selon les observations présentées, dans le cadre de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité, par l'association italienne Assochimica (Gruppo Chimica Agraria), dont SPAD est membre, les autres producteurs italiens importants de ces produits sont Cerestar et Seda Manildra Europe SpA avec, respectivement, une production annuelle de 209 000 tonnes et de 12 000 tonnes. La Commission n'a pas fourni d'éléments de fait de nature à mettre en doute ces données relatives à la situation sur le marché italien des produits amylacés.
51 En outre, il ressort de la décision attaquée que la production annuelle prévue de produits amylacés par Italgrani s'élève à environ 190 000 tonnes, impliquant ainsi une croissance de la production annuelle italienne d'environ 50 %. Le Tribunal estime qu'une telle augmentation ne saurait être réalisée sans entraîner des effets considérables sur la situation concurrentielle des producteurs déjà présents sur le marché italien.
52 En ce qui concerne la requérante SPAD, il ressort également du dossier que celle-ci avait, préalablement à l'ouverture de la procédure au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité, introduit un recours devant le tribunale Amministrativo Régionale del Lazio à l'encontre de la décision du CIPI du 12 avril 1990 portant approbation du projet d'investissements d'Italgrani et des aides s'y rattachant. Cerestar avait introduit un recours ayant le même sujet. Il ressort par ailleurs des observations presentées par Assochimica que celles-ci étaient basées sur des documents collectés lors de ces procédures. Il ressort encore de ces observations que les membres d'Assochimica s'inquiétaient particulièrement, en tant que concurrents directs, des aides prévues pour les produits amylacés.
53 Certes, la seule circonstance qu'un acte est susceptible d'exercer une influence sur les rapports de concurrence existants sur le marché dont il s'agit ne saurait suffire pour que tout opérateur économique se trouvant dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de l'acte puisse être considéré comme directement et individuellement concerné par ce dernier (voir l'arrêt de la Cour du 10 décembre 1969, Eridania e.a./Commission, 10-68 et 18-68, Rec. p. 459). Toutefois, compte tenu, en l'espèce, des données fournies quant au marché italien des produits amylacés, du rôle joué par SPAD dans la participation, lors de la procédure administrative, d'Assochimica et de l'augmentation importante de la capacité de production qu'entraîneraient les investissements prévus par la société bénéficiaire des aides prévues par la décision litigieuse, le Tribunal considère que SPAD a établi l'existence d'un ensemble d'éléments constitutifs d'une situation particulière la caractérisant, au regard de la mesure en cause, par rapport à tout autre opérateur économique.Dès lors, le Tribunal estime que SPAD peut être assimilée à un destinataire de la décision, au sens de l'arrêt Plaumann/Commission, précité.
54 Il résulte de ce qui précède que le recours est recevable en ce qui concerne la requérante SPAD.
55 S'agissant d'un seul et même recours, il n'y a pas lieu d'examiner la qualité pour agir des autres requérantes (voir l'arrêt CIRFS e.a./Commission, précité).
SUR LE FOND
56 A l'appui de leur recours, les requérantes invoquent cinq moyens tirés, respectivement,
- d'une méconnaissance des règles concernant la procédure d'adoption des décisions de la Commission ;
- d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une violation de l'article 92 du traité CEE, tenant à l'absence de fondement économique et de viabilité des investissements prévus et à l'incohérence du programme envisagé par rapport au programme antérieur ;
- de l'incompatibilité de la décision attaquée avec les règlements en matière agricole ;
- d'une violation de l'article 190 du traité CEE, en ce que la décision attaquée ne serait pas suffisamment motivée et que la motivation serait contradictoire ;
- d'une violation des droits des plaignantes, en ce qu'elles n'auraient jamais eu l'occasion d'avoir accès au dossier ou de présenter des observations sur le projet de décision.
Sur la méconnaissance des règles concernant la procédure d'adoption des décisions de la Commission
Les circonstances ayant conduit le Tribunal à demander à la Commission de produire des documents internes relatifs à la procédure suivie
57 Dans leur réplique, les requérantes ont conclu à ce que la décision soit déclarée inexistante - ou à tout le moins nulle - en raison des violations particulièrement graves et évidentes de formes substantielles commises lors de son adoption. A cet égard, les requérantes se sont référées à l'arrêt de la Cour du 23 février 1988, Royaume-Uni/Conseil, dit des "poules pondeuses" (131-86, Rec. p. 905) et à l'arrêt du Tribunal du 27 février 1992, BASF e.a./Commission (T-79-89, T-84-89 à T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-98-89, T-102-89 et T-104-89, Rec. p. II-315, ultérieurement annulé par l'arrêt PVC). Elles ont fait observer que ce moyen étant d'ordre public, il pourrait être invoqué sans condition de délai au cours de la procédure.
58 A l'appui de ce moyen, les requérantes ont fait valoir qu'il ressort du mémoire en défense de la Commission dans l'affaire T-443-93, Casillo Grani/Commission que le 31 juillet 1991, soit une semaine à peine après la notification par les autorités italiennes du nouveau programme d'investissements d'Italgrani ainsi que des aides qui s'y rattachaient, et de plus à la veille des vacances de la Commission, le collège des commissaires a décidé :
- de clore la procédure engagée au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité concernant l'aide en question ;
- d'habiliter M. Mac Sharry, le membre de la Commission alors en charge des questions d'agriculture et de développement rural, en accord avec le président, à finaliser l'approbation du nouveau régime d'aides, tel qu'il avait été communiqué par les autorités italiennes, sous forme d'une décision conditionnelle formelle ;
- de demander aux autorités italiennes de soumettre des rapports annuels à la Commission.
59 Il serait donc constant que, en violation du principe de collégialité, la Commission n'a jamais adopté le texte formel de la décision. A cet égard, les requérantes ont rappelé qu'il ressort de la décision, telle que publiée au Journal officiel des Communautés européennes, qu'elle a été adoptée le 16 août 1991 "par la Commission". Les requérantes ont reconnu que l'article 27, premier alinéa, du règlement intérieur 63-41-CEE de la Commission, du 9 janvier 1963 (JO 1963, 17, p. 181), maintenu provisoirement en vigueur par l'article 1er de la décision 67-426-CEE de la Commission, du 6 juillet 1967 (JO 1967, 147, p. 1), dans sa version en vigueur résultant elle-même de la décision 75-461-Euratom, CECA, CEE de la Commission, du 23 juillet 1975 (JO L. 199, p. 43), autorise celle-ci, à condition que le principe de sa responsabilité collégiale soit pleinement respecté, à habiliter ses membres à prendre "des mesures de gestion ou d'administration clairement définies" ; elles ont toutefois contesté que la décision puisse être ainsi qualifiée.
60 En outre, les requérantes ont fait valoir que, en vertu de l'article 12 du règlement intérieur de la Commission, "les actes adoptés par la Commission, en séance..., sont authentifiés, dans la langue ou les langues où ils font foi, par les signatures du président et du secrétaire exécutif". En vertu de l'article 10 du règlement intérieur, le procès-verbal de la séance devrait être approuvé par le collège des commissaires à la prochaine séance. Or, ces obligations n'auraient manifestement pas été respectées. La décision devrait, par conséquent, être déclarée inexistante ou, en tout cas, être annulée pour violation de formes substantielles. A titre subsidiaire, les requérantes ont demandé au Tribunal d'ordonner à la Commission de produire des documents permettant de vérifier que l'ensemble des formalités ont été respectées.
61 Dans sa duplique, la Commission a fait valoir que les requérantes ont soulevé dans leur réplique un moyen d'annulation fondé sur l'illégalité de la décision qu'elles n'avaient pas invoqué dans leur requête. Ce moyen serait irrecevable puisqu'il constituerait un moyen nouveau au sens du règlement de procédure.
62 A titre subsidiaire, la Commission a relevé que le principe de la responsabilité collégiale de la Commission est au coeur même du processus décisionnel de cette institution. Toutefois, en pratique, la Commission ne prendrait que les décisions les plus importantes au cours des séances. Pour les autres cas, il serait nécessaire, afin d'éviter la paralysie institutionnelle, de recourir à des procédures décisionnelles plus souples et notamment à la procédure d'habilitation, visée à l'article 27 du règlement intérieur de la Commission, selon lequel "la Commission peut, à condition que le principe de la collégialité soit pleinement respecté, habiliter ses membres à prendre en son nom et sous son contrôle, des mesures de gestion ou d'administration clairement définies".
63 La Commission a, en outre, fait valoir qu'elle a pris les décisions énumérées par les requérantes, lors de sa réunion du 31 juillet 1991, sur la base des travaux de la réunion des chefs de cabinet du 29 juillet 1991 et d'un projet de décision complète et détaillée, rédigée sous forme de lettre adressée aux autorités italiennes. Après délibération, elle aurait ainsi approuvé la décision dans tous ses éléments et chargé l'un de ses membres de procéder à l'adaptation du texte de la décision. Les dispositions du traité et du règlement intérieur auraient donc été pleinement respectées.
64 Pour ce qui est de la prétendue violation des articles 10 et 12 du règlement intérieur, la Commission a fait valoir que ces dispositions n'ont pas la portée que les requérantes leur prêtent. En fait, l'authentification serait simplement une procédure interne à la Commission, les dispositions des articles 10 et 12 de son règlement intérieur ne concernant pas les tiers et n'affectant ni leurs droits ni les garanties qui leur sont dues. Il serait donc impossible d'invoquer la violation de ces articles en justice.
65 C'est dans ces conditions que le Tribunal, afin d'être en mesure de répondre aux moyens soulevés par les requérantes, a demandé à la Commission de produire le projet de lettre au gouvernement italien soumis au collège des commissaires lors de sa réunion du 31 juillet 1991, le procès-verbal de ladite réunion, la décision attaquée, telle que notifiée au gouvernement italien et authentifiée à la date pertinente par le président et le secrétaire général de la Commission, ainsi que la "fiche bleue" relative à la procédure d'adoption de cette décision.
Exposé sommaire des observations présentées par les parties sur les documents internes déposés par la Commission et sur l'arrêt PVC
66 Dans leurs observations, les requérantes réitèrent leur position selon laquelle les moyens en cause doivent être considérés comme recevables.
67 En ce qui concerne le bien-fondé de ces moyens, les requérantes ajoutent liminairement aux observations déjà présentées dans leur réplique qu'il résulte de l'arrêt PVC que les arguments invoqués par la Commission dans sa duplique doivent être rejetés, ces arguments ayant, comme la Commission l'a indiqué elle-même, été repris du pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt du Tribunal dans ladite affaire.
68 Les requérantes affirment, ensuite, que les différences entre l'acte adopté par le collège et celui notifié aux parties et publié au Journal officiel des Communautés européennes sont encore beaucoup plus significatives que dans l'affaire PVC. A cet égard, elles soulignent que le projet de lettre au gouvernement italien soumis au collège n'était pas rédigé sous la forme d'une proposition de décision, notamment en ce qu'il ne contenait aucun dispositif. Or, il résulterait de l'arrêt PVC que cette circonstance suffit, à elle seule, pour considérer tout l'acte comme inexistant.
69 En outre, il existerait des différences manifestes entre le projet de lettre soumis au collège et la décision finale, en ce que des données essentielles auraient été ajoutées, des chiffres auraient été modifiés et des paragraphes entiers auraient été ajoutés ou supprimés. Contestant l'affirmation de la Commission selon laquelle le collège se serait prononcé sur la base d'un projet de décision complète et détaillée, les requérantes énumèrent les principales différences entre les deux documents et en concluent que les adaptations apportées au texte approuvé par le collège vont au-delà des adaptations purement orthographiques ou grammaticales qui peuvent, selon l'arrêt PVC, être apportées à un texte après son adoption par le collège.
70 Pour ce qui est de la prétendue violation de l'article 27 du règlement intérieur de la Commission, les requérantes ajoutent aux observations déjà présentées dans leur réplique que les documents déposés par la Commission révèlent que la tâche déléguée à M. Mac Sharry comportait, en réalité, le pouvoir de prendre, à lui seul, en l'absence de toute proposition de décision, une décision au nom de la Commission, l'habilitation n'ayant même pas obligé le membre de la Commission à tenir compte du projet de lettre. Une telle tâche ne saurait être considérée ni comme un acte d'administration ou de gestion, ni comme une tâche clairement définie et, dès lors, cette tâche n'aurait pu être déléguée, en vertu dudit article, à un seul membre de la Commission.
71 Enfin, selon les requérantes, il ressort des documents déposés par la Commission, d'une part, que la procédure d'authentification, prévue à l'article 12 du règlement intérieur de la Commission, n'a pas été suivie et, d'autre part, que le régime linguistique n'a pas été respecté, le projet de lettre au gouvernement italien ayant été, pour la plus grande partie, rédigé en français, alors que l'italien était, en l'espèce, la seule langue faisant foi.
72 Dans ses observations, la Commission réitère son affirmation selon laquelle les moyens en cause ont été soulevés tardivement et sont, dès lors, irrecevables, en vertu de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. En effet, les requérantes ne les auraient fait valoir que dans leur réplique et elles ne se seraient fondées sur aucun élément de droit ou de fait nouveau qui se serait révélé au cours de la procédure, tous les faits évoqués étant déjà connus lorsque la requête a été déposée. A cet égard, la Commission fait encore valoir que l'arrêt du Tribunal BASF e.a./Commission, précité, ne saurait en aucun cas être considéré comme un élément nouveau au sens de l'article 48 du règlement de procédure du Tribunal.
73 Se référant à l'arrêt de la Cour du 30 septembre 1982, Amylum/Conseil (108-81, Rec. p. 3107), la Commission souligne que ces nouveaux moyens, invoqués tardivement, ne sauraient être considérés comme étant d'ordre public. En outre, il résulterait de l'arrêt PVC, que les prétendus vices de procédure évoqués par les requérantes ne pourraient pas, en tout état de cause, entraîner l'inexistence de la décision attaquée.
74 A titre subsidiaire, en ce qui concerne le bien-fondé des moyens, la Commission rappelle que le programme d'aides en cause a été octroyé en application d'un régime général d'aides déjà approuvé et qu'elle n'a donc pu que vérifier la conformité du programme individuel d'aides avec ledit régime général. En effet, la raison ayant justifié l'ouverture de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité aurait été que les investissements initialement prévus ne semblaient pas respecter les conditions du régime général. Si le programme d'aides avait été initialement soumis dans la version actuelle, telle qu'elle a été modifiée par les autorités italiennes, les services de la Commission se seraient bornés à informer le plaignant que le projet était conforme au régime général déjà approuvé. Dès lors, l'examen du programme d'aides modifié n'aurait plus comporté l'exercice d'un quelconque pouvoir d'appréciation, mais n'aurait constitué qu'une simple mesure de gestion.
75 La Commission en conclut, en se référant à l'arrêt de la Cour du 23 septembre 1986, AKZO Chemie/Commission (5-85, Rec. p. 2585), que la décision a légitimement pu être adoptée par voie d'habilitation. Cette solution s'imposerait d'autant plus que les cas d'application des régimes généraux d'aides se compteraient par milliers et qu'il serait donc nécessaire de suivre la procédure d'habilitation afin d'éviter une paralysie du fonctionnement de la Commission dans ce secteur. A cet égard, la Commission fait valoir, en outre, que l'arrêt PVC n'a exclu de la procédure de l'habilitation que les décisions constatant une infraction à l'article 85 du traité CE et imposant des sanctions. En effet, dans ledit arrêt, la Cour n'aurait pas donné une définition de la notion de mesures de gestion qui pourraient, en vertu de l'article 27 du règlement intérieur de la Commission, légitimement être adoptées par voie d'habilitation ; les mesures d'instruction, évoquées dans ledit arrêt, ne seraient citées que comme un exemple de mesures de gestion.
76 A titre plus subsidiaire, la Commission fait valoir que la décision a été arrêtée sur la base d'un projet de lettre détaillé et exhaustif et que, dès lors, à supposer même que l'adoption de la décision n'ait pas pu faire l'objet d'une habilitation, il n'y a pas eu violation du principe de collégialité. Compte tenu du fait que la décision attaquée ne ferait pas particulièrement grief aux requérantes, le défaut d'authentification ainsi que les modifications apportées au texte après la délibération du collège des commissaires ne sauraient, en outre, être regardés comme susceptibles d'affecter sa légalité.
77 Enfin, la Commission affirme qu'il résulte clairement de l'arrêt PVC, que ces éventuels vices de forme ne peuvent, en tout état de cause, pas entraîner l'inexistence de la décision attaquée.
Appréciation du Tribunal
78 Il convient de rappeler, liminairement, que, en vertu de l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, "la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure".
79 Dans le cas d'espèce, les requérantes n'ont fait aucune mention dans leur requête d'une prétendue violation des règles concernant la procédure d'adoption des décisions de la Commission. Dans leur réplique, les requérantes ont fait valoir lesdits moyens, en se basant sur le mémoire en défense de la Commission dans l'affaire T-443-93, Casillo Grani/Commission, dont il ressort que le collège des commissaire, lors de sa réunion du 31 juillet 1991, d'une part, a pris position sur la base d'un projet de lettre au gouvernement italien et, d'autre part, a décidé d'habiliter M. Mac Sharry à finaliser l'approbation du nouveau régime d'aides sous forme d'une décision formelle. Bien que la Commission fasse valoir que les moyens en cause ne sont pas fondés sur des éléments de fait nouveaux, elle n'a, cependant, fourni aucune preuve de ce que ces données, relatives à la procédure d'adoption de la décision attaquée, étaient connues par les requérantes avant le dépôt de la requête. Le Tribunal constate, en outre, que les documents préalablement accessibles aux requérantes ne contenaient aucun élément de nature à établir qu'elles auraient pu ou dû savoir, avant qu'elles aient reçu communication du mémoire en défense dans l'affaire T-443-93, Casillo Grani/Commission, que la décision avait été adoptée par voie d'habilitation et que le collège s'était prononcé sur la seule base d'un projet de lettre au gouvernement italien.
80 Les données ainsi révélées ont effectivement suscité des doutes sérieux quant à la légalité de la procédure d'adoption de la décision attaquée et c'est dans ces circonstances que le Tribunal a invité la Commission à produire les documents internes pertinents qui ont permis aux requérantes de développer les moyens en cause sous leur forme définitive. Le Tribunal constate, dès lors, que lesdits moyens se fondent sur des éléments de fait qui se sont révélés pendant la procédure et qu'ils n'ont donc pas été soulevés tardivement (voir, dans le même sens, l'arrêt PVC, précité, points 57 à 60).
81 Quant au bien-fondé desdits moyens, le Tribunal rappelle que l'article 12 du règlement intérieur de la Commission, dans sa version en vigueur lors de l'adoption de la décision attaquée, prévoit ce qui suit : "Les actes adoptés par la Commission, en séance ou par la procédure écrite, sont authentifiés, dans la ou les langues où ils font foi, par les signatures du président et du secrétaire exécutif." Dès lors, l'authentification n'est pas exigée en ce qui concerne les actes adoptés par voie d'habilitation. La décision attaquée n'ayant pas été authentifiée et la Commission ayant fait valoir que la décision a été adoptée par voie d'habilitation, le Tribunal considère qu'il y lieu d'examiner, d'abord, si la décision a pu être légitimement adoptée par voie d'habilitation.
82 A cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que, comme la Cour l'a observé dans les arrêts AKZO Chemie/Commission et PVC, précités, le fonctionnement de la Commission est régi par le principe de collégialité découlant de l'article 17 du traité du 8 avril 1965, instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes (JO 1967, 152, p. 2), disposition maintenant remplacée par l'article 163 du traité CE, aux termes duquel : "Les délibérations de la Commission sont acquises à la majorité du nombre des membres prévu à l'article 10. La Commission ne peut siéger valablement que si le nombre de membres fixé dans son règlement intérieur est présent."
83 Dans les mêmes arrêts, la Cour a précisé que le principe de collégialité ainsi établi repose sur l'égalité des membres de la Commission dans la participation à la prise de décision et implique notamment, d'une part, que les décisions soient délibérées en commun et, d'autre part, que tous les membres du collège soient collectivement responsables, sur le plan politique, de l'ensemble des décisions arrêtées.
84 En second lieu, il convient de relever qu'il résulte d'une jurisprudence constante que le recours à la procédure d'habilitation pour l'adoption de mesures de gestion ou d'administration est compatible avec le principe de collégialité. Dans l'arrêt AKZO Chemie/Commission, précité, la Cour a ainsi rappelé que, "limité à des catégories déterminées d'actes d'administration et de gestion, ce qui exclut par hypothèse les décisions de principe, un tel système d'habilitation apparaît nécessaire, compte tenu de l'augmentation considérable du nombre des actes décisionnels que la Commission est appelée à prendre, pour mettre celle-ci en mesure de remplir sa fonction" (point 37).
85 Il y a donc lieu d'examiner, ensuite, si la décision attaquée peut être considérée comme une mesure de gestion ou d'administration.
86 A cet égard, il y a lieu de relever que, pour ce qui est de l'examen par la Commission des cas individuels d'application d'un régime général d'aides, la Cour a déjà jugé que la Commission doit d'abord se borner, avant l'ouverture de toute procédure, à contrôler si l'aide est couverte par le régime général et satisfait aux conditions fixées dans la décision d'approbation de celui-ci (voir l'arrêt Italie/Commission, précité). De même, après l'ouverture de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité, le respect des principes de confiance légitime et de sécurité juridique ne pourrait pas être assuré si la Commission pouvait revenir sur sa décision d'approbation du régime général. Dès lors, si l'Etat membre concerné propose des modifications à un projet d'aide soumis à l'examen prévu à l'article 93, paragraphe 2, du traité, la Commission doit d'abord apprécier si lesdites modifications ont pour conséquence que le projet est alors couvert par la décision d'approbation du régime général. Si tel est le cas, la Commission n'a pas le droit d'apprécier la compatibilité du projet modifié avec l'article 92 du traité, une telle appréciation ayant déjà été effectuée dans le cadre de la procédure qui a été clôturée par la décision d'approbation du régime général.
87 Toutefois, le Tribunal estime que le fait que, en l'espèce, la décision attaquée a été, à juste titre, arrêtée sur la seule base d'un examen limité au contrôle du respect des conditions fixées dans la décision d'approbation du régime général ne suffit pas, en lui-même, pour permettre de la qualifier de mesure de gestion ou d'administration. A cet égard, le Tribunal relève que, même si la décision attaquée a été prise sans qu'il ait été nécessaire de procéder à un examen de la compatibilité du projet modifié avec l'article 92 du traité, la Commission n'a pas pu se borner à examiner si le projet satisfaisait aux conditions bien précises de la décision d'approbation du régime général, notamment en ce qui concernait l'intensité des aides et les régions bénéficiaires des aides. En effet, l'article 9 de la décision 88-318 dispose : "Dans l'application de la présente décision, l'Italie est tenue de respecter les dispositions et les règlements en vigueur ou qui seront adoptés par les institutions communautaires en matière de coordination des différents types d'aide dans les secteurs de l'industrie, de l'agriculture et de la pêche."
88 Or, le Tribunal considère qu'une décision d'approbation d'une aide d'Etat qui implique un contrôle tel que celui du respect de la condition énoncée à l'article 9 de la décision 88-318 ne peut pas, au moins dans le cas d'espèce, être qualifiée de "mesure de gestion ou d'administration".
89 Sur ce point, il convient de relever que la Commission a soutenu, lors de l'audience, qu'une telle condition est contenue dans toutes ses décisions portant approbation d'un régime général d'aides et qu'elle n'exprime qu'une exigence tout à fait évidente dont ses services contrôlent de manière routinière le respect dans toutes ses décisions en matière d'aides étatiques.
90 Cependant, en ce qui concerne l'aide destinée à la production d'amidon, le Tribunal constate que celle-ci a, selon la Commission elle-même, dû être supprimée afin de remplir la condition énoncée à l'article 9 de la décision 88-318, puisque l'amidon est un secteur dans lequel les investissements sont exclus du financement communautaire [voir, dans la version en vigueur à l'époque des faits, le règlement (CEE) n° 866-90, du Conseil, du 29 mars 1990, concernant l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles (JO L. 91, p. 1, ci-après "règlement n° 866-90"), ainsi que l'annexe de la décision 90-342-CEE, de la Commission, du 7 juin 1990, relative à l'établissement des critères de choix à retenir pour les investissements concernant l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles et sylvicoles (JO L. 163, p. 71, ci-après "décision 90-342")]. En outre, la Commission a déclaré que les exclusions sectorielles de financements communautaires pour certains produits agricoles s'appliquent, selon une pratique constante, par analogie aux aides étatiques. Néanmoins, il ressort de la décision attaquée que le programme d'investissements subventionnés finalement approuvé vise la création d'une capacité annuelle de production d'amidon d'environ 150 000 tonnes. A cet égard, le Tribunal souligne que la Commission a subordonné son approbation à la condition que la production d'amidon d'Italgrani, dans le cadre du programme en cause, soit strictement limitée aux besoins de sa propre production de produits dérivés. Cette condition suppose, cependant, que, dans sa version finale, le programme a pour conséquence que la production d'amidon d'Italgrani sera directement ou, s'agissant d'un projet intégré, indirectement subventionnée, puisque, si cela n'était pas le cas, la Commission n'aurait pas pu subordonner son approbation à une condition relative à l'utilisation de cette production. Le Tribunal estime que cette contradiction entre, d'une part, les affirmations de la Commission dans le cadre de la procédure devant le Tribunal et, d'autre part, le libellé même de la décision litigieuse est de nature à susciter des doutes quant à la conformité de celle-ci aux règles de la politique agricole commune.
91 De plus, en ce qui concerne l'aide destinée à la production des produits dérivés de l'amidon, le Tribunal constate que la Commission a, dans la communication aux intéressés, lors de l'ouverture de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité, indiqué que, "pour ne pas perturber l'équilibre de la production des produits dérivés de l'amidon, les créneaux à découvrir doivent conduire à des utilisations nouvelles". A cet égard, le Tribunal souligne qu'il ressort, pour ce qui est de la réglementation en vigueur à l'époque, de l'annexe de la décision 90-342 que les investissements concernant les produits dérivés de l'amidon sont exclus du financement communautaire si la démonstration de l'existence de débouchés potentiels réalistes n'est pas faite. Dès lors, il y a lieu de constater que la Commission, dans la communication aux intéressés, a fait référence aux critères à retenir pour la sélection des investissements pouvant bénéficier d'un financement communautaire en ce qui concerne les produits dérivés de l'amidon. Toutefois, le Tribunal constate que la décision attaquée ne contient aucune disposition reprenant la condition selon laquelle la production nouvelle de produits dérivés de l'amidon devrait conduire à des utilisations nouvelles et que, au surplus, elle ne contient même pas une indication de ce que la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité a été ouverte à l'encontre des aides destinées à la production des produits dérivés de l'amidon.
92 Dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, la Commission a soutenu, contrairement à l'affirmation figurant dans la communication susmentionnée, que la réglementation relative aux financements communautaires ne s'applique pas par analogie aux aides étatiques destinées à la production des produits dérivés de l'amidon. A l'appui de cette thèse, la Commission a renvoyé à l'article 16, paragraphe 5, du règlement n° 866-90, qui dispose : "Les Etats membres peuvent prendre, dans le domaine du présent règlement, des mesures d'aide dont les conditions ou modalités d'octroi s'écartent de celles qui sont prévues dans le présent règlement ou dont les montants excèdent les plafonds qui y sont prévus, sous réserve que ces mesures soient prises en conformité avec les articles 92 à 94 du traité." Toutefois, le Tribunal constate que cette disposition n'étaye pas la distinction opérée par la Commission entre, d'une part, les exclusions sectorielles de financements communautaires s'appliquant par analogie aux aides étatiques et, d'autre part, les autres exclusions de financements communautaires ne faisant pas l'objet d'une telle application par analogie. En outre, la Commission n'a donné aucune explication quant à la raison pour laquelle elle a, apparemment, changé d'avis au cours de la procédure précontentieuse.
93 Dans ces conditions et sans qu'il soit nécessaire pour le Tribunal, pour résoudre la question de savoir si la décision attaquée peut être qualifiée de mesure de gestion ou d'administration, de se prononcer de façon définitive sur ces points, force est de constater que l'application de l'article 9 de la décision 88-318 soulève, dans le cas d'espèce, des questions de principe quant aux points de savoir, d'une part, si la production d'amidon de la société bénéficiaire des aides sera directement ou indirectement subventionnée et, d'autre part, si la réglementation relative aux financements communautaires doit s'appliquer par analogie aux aides étatiques destinées à la production des produits dérivés de l'amidon.
94 Le Tribunal en conclut que, à supposer même que la condition énoncée à l'article 9 de la décision 88-318 soit une condition insérée de façon routinière par les services de la Commission dans toutes les décisions en matière d'aides d'Etats, le contrôle du respect de cette condition a, en l'espèce, nécessité un tel examen approfondi de questions factuelles et juridiques complexes que la décision attaquée ne peut pas être qualifiée de mesure de gestion ou d'administration.
95 Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée n'a pas pu être arrêtée par voie d'habilitation.
96 Il y a donc lieu d'examiner l'argument de la Commission selon lequel la décision attaquée n'a pas, même si elle n'a pas pu être arrêtée par voie d'habilitation, été adoptée en violation des règles concernant la procédure d'adoption de ses décisions. A cet égard, la Commission a soutenu, d'une part, que le collège des commissaires a pris sa décision sur la base d'un projet de lettre au gouvernement italien détaillé et exhaustif et, d'autre part, que M. Mac Sharry n'a fait que transformer ce projet de lettre en une décision formelle.
97 En ce qui concerne le principe de collégialité, la Cour a, dans l'arrêt PVC, précité, jugé que le respect de ce principe, et spécialement la nécessité que les décisions soient délibérées en commun par les membres de la Commission, intéresse nécessairement les sujets de droit concernés par les effets juridiques qu'elles produisent, en ce sens qu'ils doivent être assurés que ces décisions ont été effectivement prises par le collège et correspondent exactement à la volonté de ce dernier.
98 Dans le même arrêt, la Cour a ajouté : "Tel est le cas, en particulier et comme en l'espèce, des actes, qualifiés expressément de décisions, que la Commission est amenée à prendre, en vertu des articles 3, paragraphe 1, et 15, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité CEE (JO 1962, 13, p. 204), à l'égard des entreprises ou des associations d'entreprises en vue du respect des règles de concurrence et qui ont pour objet de constater une infraction à ces règles, d'émettre des injonctions à l'égard de ces entreprises et de leur infliger des sanctions pécuniaires" (point 65). La Cour en a conclu que seules des adaptations purement orthographiques ou grammaticales auraient pu être apportées au texte de l'acte en cause après son adoption par le collège (point 68).
99 Il convient de relever qu'il ressort expressément de cet arrêt que les décisions d'application des règles de concurrence, telles que celle qui en faisait l'objet, n'y sont mentionnées que comme un exemple de cas d'application stricte du principe de collégialité. Dans le cas d'espèce, la décision attaquée a été arrêtée à l'issue d'une procédure ouverte au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité. De telles décisions, qui expriment l'appréciation finale de la Commission sur la compatibilité d'une aide avec le traité ou, comme en l'espèce, avec un régime général d'aides, affectent non seulement l'Etat membre destinataire de la décision, mais également le bénéficiaire de l'aide prévue ainsi que les concurrents de celui-ci.
100 Or, en l'espèce, seul un projet de lettre au gouvernement italien, relatif au projet d'aides final et ne contenant aucun dispositif, a été soumis au collège des commissaires lors de sa réunion du 31 juillet 1991. Loin d'être, comme l'a soutenu la Commission, un projet de décision détaillé et exhaustif, plusieurs paragraphes et tableaux de ce projet ont dû être complétés dans la version finale, par exemple en ce qui concerne les données relatives aux importations et exportations des produits en cause, à la production prévue de la société bénéficiaire des aides et au montant global des aides prévues.
101 De plus, certaines des données contenues dans le projet de lettre ont été modifiées dans la décision finale, telles que, par exemple, celles relatives aux niveaux d'intensité des aides. A cet égard, le Tribunal souligne qu'il est indiqué dans le projet de lettre, alors que cela ne figure pas dans la décision attaquée, qu'"il convient par ailleurs de constater que les intensités des aides prévues correspondent respectivement aux niveaux d'aides autorisées dans le cadre de la position de la Commission du 1er mars 1986 (levures, protéines, plastique biodégradable) et aux niveaux des aides autorisées dans le cadre du règlement (CEE) n° 866-90 appliqués par analogie aux aides nationales (réfrigération de fruits et légumes (exceptées des tomates, poires et pêches), et glucose. Ces intensités sont aussi conformes aux conditions fixées dans la décision de la Commission du 2 mars 1988 autorisant le régime de la loi 64-86". Le Tribunal considère que ce paragraphe donne l'impression que les dispositions concernant les financements communautaires sont, en règle générale, appliquées par analogie aux aides étatiques et que ces dispositions ont été respectées dans le cas d'espèce. Toutefois, comme il a été rappelé ci-dessus (point 91), il ressort de l'annexe de la décision 90-342 que les investissements concernant les produits dérivés de l'amidon sont exclus du financement communautaire si la démonstration de l'existence de débouchés potentiels réalistes n'est pas faite.
102 Le Tribunal constate, dès lors, que le projet de lettre au gouvernement italien ne contient aucune indication de ce que la décision attaquée reflète, en fait, un changement d'opinion de la Commission, par rapport à la position exprimée dans la communication aux intéressés, à l'égard de l'application par analogie aux aides étatiques des règles relatives aux financements communautaires.
103 Dans ces conditions et à supposer même que le collège des commissaires puisse, en ce qui concerne des décisions comme celle de l'espèce, laisser à un membre déterminé la tâche de finaliser une décision qu'il a arrêtée dans son principe, le Tribunal estime que, en l'espèce, le collège ne peut pas être considéré comme ayant arrêté, dans tous les éléments de fait et de droit, la décision attaquée. Le Tribunal en conclut que les modifications apportées au projet de lettre au gouvernement italien vont bien au-delà des modifications qui pouvaient, en conformité avec le principe de collégialité, être apportées à la décision du collège.
104 Il convient d'ajouter que, lors de ladite réunion, le collège n'a approuvé aucun texte relatif à la décision finale, puisqu'il ressort du procès-verbal de la réunion du 31 juillet 1991 que le collège a décidé "d'habiliter le Commissaire M. Mac Sharry en accord avec M. le Président à finaliser l'approbation du nouveau dispositif d'aides... sous forme d'une décision conditionnelle formelle" et que ledit procès-verbal ne contient aucun élément de nature à établir que le commissaire désigné était lié par le libellé du projet de lettre soumis au collège. En effet, une comparaison entre le libellé du projet de lettre soumis au collège et le libellé de la décision attaquée révèle que, même si les deux documents font largement mention des mêmes questions de fait et de droit, la décision attaquée a été presque entièrement réécrite par rapport au projet de lettre, seul un petit nombre de paragraphes étant restés inchangés. Dans ces conditions, le Tribunal ne peut que constater que la décision attaquée doit être considérée comme ayant été adoptée, en violation de l'article 27 du règlement intérieur de la Commission, par voie d'habilitation.
105 Il y a lieu d'ajouter, en outre, que, à supposer même que la décision attaquée puisse être regardée comme ayant été prise par le collège des commissaires, la Commission aurait, en tout état de cause, violé l'article 12, premier alinéa, de son règlement intérieur, en omettant de procéder à l'authentification de ladite décision dans les termes prévus par cet article (voir l'arrêt PVC, précité, points 74 à 77).
106 Enfin, s'agissant de la question de savoir si la décision est entachée de tels vices de forme qu'elle doit être considérée comme inexistante, le Tribunal constate qu'il résulte du procès-verbal de la réunion du collège, du 31 juillet 1991, que le collège a expressément décidé d'adopter la décision attaquée par voie d'habilitation. Bien que la décision aurait dû être adoptée par le collège lui-même, le Tribunal considère que ce vice de forme n'apparait pas d'une gravité à ce point évidente que ladite décision doive être regardée comme inexistante (voir, dans le même sens, l'arrêt PVC, précité, points 49 à 52).
107 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il convient d'annuler la décision attaquée sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par les requérantes.
Sur les dépens
108 En vertu de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en l'essentiel de ses moyens et les requérantes ayant conclut en ce sens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par les requérantes.
109 Aux termes de l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, dudit règlement, les Etats membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La République française supportera donc ses propres dépens.
110 Aux termes de l'article 87, paragraphe 4, deuxième alinéa, dudit règlement, le Tribunal peut ordonner qu'une partie intervenante autre que les Etats membres et les institutions supportera ses propres dépens. La partie intervenante Italgrani étant intervenue au litige à l'appui des conclusions de la Commission, il y a lieu d'ordonner qu'elle supportera ses propres dépens. La partie intervenante Casillo Grani n'ayant plus d'intérêt à la solution du litige, le Tribunal estime équitable d'ordonner qu'elle supportera également ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie) déclare et arrête :
1) La décision 91-474-CEE de la Commission, du 16 août 1991, concernant les aides accordées par le gouvernement italien à la société Italgrani pour la réalisation d'un complexe agro-alimentaire dans le Mezzogiorno, est annulée.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La Commission supportera ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par les requérantes.
4) Chacune des parties intervenantes supportera ses propres dépens.