TPICE, 27 avril 1995, n° T-96/92
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Comité central d'entreprise de la Société générale des grandes sources
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vesterdorf
Juges :
MM. Barrington, Saggio, Kirschner, Kalogeropoulos
Avocats :
Mes Méloux, Masse-Dessen
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
FAITS ET PROCEDURE
1 Le 25 février 1992, Nestlé SA (ci-après "Nestlé") a notifié à la Commission, conformément à l'article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO L 395, p. 1, ci-après "règlement n° 4064-89"), une offre publique d'achat (ci-après "OPA") portant sur les actions de Source Perrier SA (ci-après "Perrier"). Cette OPA avait été lancée, le 20 janvier 1992, par Demilac SA (ci-après "Demilac"), filiale commune de Nestlé et de la banque Indosuez. Nestlé et Demilac se seraient engagées à vendre, en cas de succès de l'OPA, une des filiales de Perrier, la société Volvic, au groupe BSN.
2 Après avoir procédé à l'examen de la notification, la Commission a décidé, le 25 mars 1992, en application de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064-89, d'engager la procédure au motif que l'opération de concentration notifiée soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun. De l'avis de la Commission, l'opération risquait d'entraîner la création d'une position dominante soit de l'entité Perrier-Nestlé prise isolément soit de Perrier-Nestlé et BSN pris dans leur ensemble.
3 Le 25 mai 1992, Nestlé et BSN ont été entendus par la Commission en qualité de "parties intéressées".
4 Par lettre du 19 juin 1992, le syndicat CGT de la Source Perrier (ci-après "CGT Perrier") a demandé à la Commission des renseignements sur l'enquête en cours à propos de l'opération de rachat de Perrier par Nestlé-Demilac. Suite à cette lettre, les services de la Commission se sont déclarés disposés à organiser une réunion d'information, qui a eu lieu le 2 juillet 1992. Au cours de celle-ci, les représentants du syndicat ont fait part à la Commission de leurs préoccupations concernant les répercussions sociales de l'opération de concentration notifiée et ont déposé un dossier comportant, notamment, des comptes rendus des réunions du comité d'établissement et du comité de groupe de Perrier, des documents relatifs aux démarches entreprises auprès des autorités judiciaires et administratives françaises, ainsi que des communiqués syndicaux et des extraits de presse. Le lendemain de cette réunion, CGT Perrier a transmis à la Commission, qui avait demandé à disposer de données chiffrées concernant les conséquences sociales de l'acquisition de Perrier par Nestlé, le rapport annuel de Perrier pour l'année 1991.
5 Le 22 juillet 1992, au vu des engagements pris par Nestlé à son égard, la Commission a adopté la décision 92-553-CEE, relative à une procédure au titre du règlement n° 4064-89 (affaire n° IV-M.190 - Nestlé/Perrier, JO L 356, p. 1, ci-après "décision"), déclarant la concentration compatible avec le Marché commun. La Décision subordonne cette déclaration de compatibilité au respect de toutes les conditions et obligations contenues dans les engagements pris par Nestlé (voir le cent trente-sixième considérant et l'article 1er du dispositif de la décision). Ces conditions et obligations, qui ont pour objet de faciliter l'entrée sur le marché français des eaux embouteillées d'un concurrent viable, disposant de ressources adéquates pour exercer une concurrence effective vis-à-vis de Nestlé et de BSN, peuvent être résumées comme suit :
- Nestlé doit vendre à ce concurrent les marques et les sources Vichy, Thonon, Pierval, Saint-Yorre et un certain nombre d'autres sources locales ;
- le choix de l'acquéreur, qui devra disposer de ressources financières et d'un savoir-faire suffisants dans le domaine des boissons ou des produits alimentaires de marque, sera soumis à l'agrément de la Commission ;
- Nestlé ne doit fournir aucune donnée remontant à moins d'un an concernant le volume de ses ventes à une association professionnelle ou à toute entité susceptible de les rendre accessibles à d'autres concurrents aussi longtemps que la structure oligopolistique étroite actuelle persiste sur le marché français de l'eau embouteillée ;
- Nestlé doit gérer de manière séparée l'ensemble des actifs et des intérêts qu'elle a acquis de Perrier, tant que la vente des marques et sources précitées n'aura pas été réalisée ;
- Nestlé ne pourra procéder, au cours de la période susvisée, à une quelconque modification structurelle au sein de Perrier, sans l'accord préalable de la Commission ;
- Nestlé ne doit pas transmettre à une entité commerciale de son groupe des informations commerciales ou industrielles ou des droits de propriété de nature confidentielle ou interne à la société obtenus de Perrier ;
- Nestlé ne pourra pas vendre Volvic à BSN jusqu'à ce qu'intervienne la vente des marques et sources identifiées ci-dessus ;
- Nestlé ne pourra pas racheter, directement ou indirectement, pendant une période de dix ans, les marques et sources qu'elle est tenue de vendre et devra informer la Commission de l'achat éventuel qu'elle pourrait faire, pendant une période de cinq ans à compter de l'adoption de la décision, de toute entité présente sur le marché français des eaux embouteillées dont la part de marché serait supérieure à 5 %.
6 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 novembre 1992, le comité central d'entreprise de la Société générale des grandes sources (ci-après "CCE Perrier"), le comité d'établissement de la Source Perrier (ci-après "CE Perrier"), CGT Perrier et le comité de groupe Perrier (ci-après "CG Perrier") ont demandé, en vertu de l'article 173 du traité CE, l'annulation de la décision attaquée.
7 Par acte séparé, enregistré au greffe du Tribunal le 9 novembre 1992, les requérants ont également introduit, en vertu des articles 185 et 186 du traité CE, une demande en référé visant à obtenir le sursis à l'exécution de l'acte attaqué.
8 Cette demande en référé a été rejetée par ordonnance du président du Tribunal du 15 décembre 1992, CCE grandes sources e.a./Commission, (T-96-92 R, Rec. p. II-2579). Les dépens ont été réservés.
9 Dans le cadre du recours en annulation de la décision attaquée, la procédure écrite s'est achevée le 28 juin 1993. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. La procédure orale s'est déroulée le 5 octobre 1994.
CONCLUSIONS DES PARTIES
10 Les parties requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :
- déclarer recevable le présent recours en annulation ;
- annuler la décision litigieuse et renvoyer la Commission à procéder selon l'article 8, paragraphe 4, du règlement n° 4064-89 ;
- condamner la Commission aux dépens et, en application des articles 87, paragraphe 3, et 91, sous b), du règlement de procédure du Tribunal, à la somme de 20 000 écus.
11 La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le présent recours ;
- condamner solidairement les parties requérantes aux dépens.
Sur la recevabilité
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
12 Tout en engageant le débat au fond, la Commission excipe de l'irrecevabilité du présent recours. Elle fait valoir, à titre préliminaire, que la recevabilité d'un recours est subordonnée non seulement à la réunion des deux conditions énoncées à l'article 173 du traité CE, exigeant que les requérants soient directement et individuellement concernés par l'acte attaqué, mais également à la justification d'un intérêt à agir (voir les arrêts de la Cour du 31 mars 1977, Exportation des sucres/Commission, 88-76, Rec. p. 709, et du 10 juillet 1986, DEFI/Commission, 282-85, Rec. p. 2469). En l'espèce, la Commission estime que les requérants ne justifient pas d'un tel intérêt, au regard de la finalité essentielle du règlement n° 4064-89, qui tend à préserver et à développer une concurrence effective dans le Marché commun. Elle admet, certes, que son appréciation des effets d'une opération de concentration sur la concurrence doit s'inscrire dans le cadre général de la réalisation des objectifs fondamentaux visés à l'article 2 du traité, y compris celui du renforcement de la cohésion économique et sociale de la Communauté visé à l'article 130 A du traité CE, comme le rappelle le treizième considérant du règlement n° 4064-89. Toutefois, ce dernier considérant n'imposerait pas une analyse détaillée de l'impact d'une concentration sur la situation de l'emploi dans une entreprise donnée, mais la prise en compte de ses effets prévisibles sur la situation de l'emploi dans l'ensemble de la Communauté ou une partie de celle-ci. D'après la Commission, les représentants reconnus des travailleurs ne justifient donc d'un intérêt digne de protection que s'ils sont en mesure de montrer, au moins prima facie, qu'une opération de concentration, autorisée par cette institution, est de nature à porter atteinte de façon caractérisée aux objectifs sociaux visés à l'article 2 du traité CE.
13 Par ailleurs, la Commission soutient que les requérants n'ont pas qualité pour agir, dans la mesure où ils ne remplissent pas les deux conditions de recevabilité énoncées à l'article 173 du traité, susvisé. En premier lieu, elle conteste que les requérants soient individuellement concernés par la décision. Elle rappelle, à cet égard, que les tiers ne remplissent cette condition que si la décision en cause les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d'une manière analogue à celle du destinataire. Elle en déduit que les tiers intéressés qui ne se sont pas manifestés au cours de la procédure administrative n'ont pas qualité pour agir contre la décision adoptée à l'issue de cette procédure. Elle allègue que, tant en matière de concurrence que d'aides d'Etat, de dumping et de subventions, la Cour a reconnu la qualité pour agir des tiers disposant de garanties procédurales, dans le but, précisément, de lui permettre de contrôler le respect de ces droits procéduraux (voir les arrêts du 25 octobre 1977, Metro/Commission, 26-76, Rec. p. 1875, du 4 octobre 1983, Fediol/Commission, 191-82, Rec. p. 2913, et du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169-84, Rec. p. 391). Admettre la qualité pour agir d'un requérant n'ayant pas souhaité se prévaloir de ses droits procéduraux reviendrait donc à instituer une procédure alternative à celle prévue par la réglementation communautaire, en l'occurrence par l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064-89.
14 La Commission relève qu'en l'espèce le CCE Perrier, le CE Perrier et le CG Perrier n'ont pas participé à la procédure. Ils ne sauraient dès lors être individuellement concernés par la décision litigieuse.
15 En ce qui concerne le syndicat CGT Perrier, la Commission admet qu'il a participé, à sa demande, à la procédure administrative. Toutefois, elle soutient que, pour établir qu'il est individuellement concerné, ce syndicat doit démontrer au préalable qu'il possède, selon le droit national applicable, la qualité de représentant de l'ensemble du personnel de Perrier et non pas seulement de ses propres membres, requise par l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064-89. A cet égard, la Commission prend acte, dans sa duplique, des observations des requérants, dont il ressort que CGT Perrier répond à la notion de représentant reconnu des travailleurs d'une entreprise, au sens de l'article 18 du règlement n° 4064-89.
16 En second lieu, la Commission estime qu'en tout état de cause, à supposer même que CGT Perrier soit individuellement concerné par la décision dans la mesure où il a soumis des observations au cours de la procédure, il ne saurait, tout comme les autres requérants, être directement concerné par ladite décision. A cet égard, la Commission rappelle que, selon une jurisprudence constante, un particulier est directement concerné par un acte communautaire lorsque les effets juridiques qu'il subit découlent directement de cet acte et de lui seul. Or, en vertu des dispositions de la directive 77-187-CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements (JO L 61, p. 26, ci-après "directive 77-187"), la décision ne saurait être la cause réelle et immédiate ni d'éventuels licenciements, décidés par le groupe Nestlé au sein du groupe Perrier, ni d'une éventuelle remise en question d'avantages collectifs dont bénéficient les travailleurs de Perrier.
17 Les requérants soutiennent, pour leur part, que l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission n'est pas fondée. Afin de démontrer qu'ils ont qualité pour attaquer la décision, ils se fondent sur l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064-89, qui mentionne les "représentants reconnus des travailleurs" des entreprises concernées par l'opération de concentration en cause parmi les personnes physiques ou morales justifiant d'un "intérêt suffisant" pour bénéficier du droit d'être entendues à leur demande par la Commission, avant qu'elle n'adopte sa décision quant à la concentration qui lui a été notifiée. Ils invoquent également l'article 15, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2367-90 de la Commission, du 25 juillet 1990, relatif aux notifications, aux délais et aux auditions conformément au règlement n° 4064-89 (JO L 219, p. 5, ci-après "règlement n° 2367-90"), confirmant les dispositions de l'article 18, paragraphe 4, précité, du règlement n° 4064-89.
18 A cet égard, les requérants soulignent que CGT Perrier possède la qualité de représentant reconnu des travailleurs de l'une des entreprises concernées par l'opération de concentration en cause, au sens de l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064-89. Ils allèguent que, en vertu de l'article L. 411-11 du Code du travail français, ce syndicat est compétent pour défendre non seulement ses propres intérêts ainsi que ceux de ses adhérents, mais également les intérêts collectifs de la profession à l'intérieur du groupe Perrier.
19 Les requérants font valoir qu'il résulte des dispositions, susvisées, de l'article 18 du règlement n° 4064-89 et de l'article 15 du règlement n° 2367-90 que, bien qu'adressée aux représentants du groupe Nestlé, la décision les concerne directement et individuellement, en leur qualité de représentants reconnus des travailleurs de l'entreprise Perrier. A tout le moins, il existerait une très forte présomption en faveur de la qualité des requérants pour agir, au titre de l'article 173 du traité, contre la décision attaquée. Cette thèse trouverait confirmation dans la circonstance que CGT Perrier a été entendu, à sa demande, par la Commission en tant que tiers intéressé. A cet égard, les requérants rappellent que la Cour a consacré le droit, pour les entreprises tierces auxquelles un règlement accorde des garanties procédurales au cours de la procédure administrative, de disposer d'une voie de recours destinée à protéger leurs intérêts légitimes.
20 Par ailleurs, les requérants invoquent plusieurs décisions rendues par différentes juridictions françaises, auprès desquelles ils étaient intervenus au contentieux pour s'opposer aux prétentions des sociétés Nestlé, "dont l'entreprise d'acquisition de la totalité des actifs Perrier comportait des décisions de nature à léser gravement les intérêts majeurs dont les requérants ont légalement la garde". Ils citent, notamment, le jugement du Tribunal de commerce de Nîmes du 6 mars 1992, qui, statuant sur un litige entre Nestlé et Demilac, d'une part, et Perrier, de l'autre, a admis l'intervention des trois comités susvisés et du syndicat CGT au motif que ceux-ci avaient "effectivement intérêt... au litige dans la mesure où ils représentent les salariés de la société et du groupe Perrier, lesquels sont concernés par l'organisation juridique et économique de leur entreprise".
21 En l'espèce, les requérants font d'abord valoir qu'ils ont un intérêt particulier à l'annulation de la décision attaquée dans la mesure où celle-ci lèse des droits fondamentaux de nature sociale, qui auraient été reconnus tant en droit français que dans l'ordre juridique communautaire et que la Commission serait tenue de respecter lorsqu'elle exerce son contrôle sur les opérations de concentration au titre du règlement n° 4064-89. Ils allèguent en particulier que le droit des travailleurs au maintien de l'emploi et celui de leurs représentants à l'information et à la consultation au sein des entreprises trouvent leur base légale dans la charte sociale européenne signée à Turin le 18 octobre 1961, dans le protocole additionnel signé à Strasbourg le 25 mai 1988, dans la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux signée à Strasbourg le 9 décembre 1989, dans la directive 75-129-CEE du Conseil, du 17 février 1975, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs (JO L 48, p. 29), telle que modifiée par la directive 92-56-CEE du Conseil, du 24 juin 1992 (JO L 245, p. 3), dans la directive 77-187, dans les articles 117, 118, 118 A et 118 B du traité CE, ainsi que dans les dispositions de la Convention Européenne des Droits de l'Homme consacrant notamment le droit à un procès équitable, au respect de la vie privée et familiale et à la protection contre un traitement inhumain et dégradant. Les droits des travailleurs susmentionnés seraient également reconnus, au niveau national, par la Constitution française.
22 Dans ce contexte, l'intérêt des requérants à l'annulation de la décision résulterait d'abord du fait que, dès l'autorisation de la concentration, Nestlé, acquéreur par OPA de la quasi-totalité du capital de Perrier, avait pu modifier la direction du groupe et que les nouveaux administrateurs avaient décidé de procéder à une importante suppression d'emplois. En effet, le 23 mars 1992, lors d'une réunion extraordinaire du CCE de la Société générale des Grandes sources, la direction avait fait connaître aux représentants des travailleurs son intention de supprimer, en 1993, 740 emplois dans le groupe, qui en comptait au total 5 400, parce que "les études récentes avaient confirmé l'existence d'un sureffectif dans les sociétés d'eaux minérales du groupe". Selon les requérants, Nestlé n'aurait pas pris une telle décision en l'absence d'autorisation de l'opération de concentration. En outre, en imposant à Nestlé de procéder à de nouvelles cessions d'entreprises par voie de transfert hors du groupe Perrier, la décision entraînerait la remise en cause, pour les salariés desdites entreprises, de la convention collective d'entreprise du 14 mars 1989, en vigueur au sein de Perrier.
23 Dans ces conditions, comme un syndicat est habilité à la défense de l'intérêt collectif de la profession, on ne saurait contester, d'après les requérants, que CGT Perrier a qualité pour demander l'annulation de la décision qui serait destinée à provoquer des suppressions d'emplois et à compromettre les avantages collectifs d'un grand nombre de salariés de Perrier. Quant aux trois comités requérants, ils justifieraient du même intérêt, d'une part, parce que la réduction de la masse salariale affecterait leurs ressources, qui sont calculées par rapport à cette masse, et, d'autre part, parce que les "suppressions d'emplois... nécessitent leur intervention consultative aux divers niveaux et en temps utiles afin que puisse être envisagé... le retrait des décisions prises et en tout cas leur modification favorable aux travailleurs".
24 Les requérants contestent la thèse défendue par la Commission, selon laquelle l'atteinte aux droits fondamentaux qu'ils affirment avoir subie ne découlerait pas directement de la décision. Ils soulignent que les suppressions d'emplois alléguées résulteront automatiquement de la décision et que, du fait du changement d'employeur et de la restructuration de toute la branche d'activité économique des eaux embouteillées sur le territoire français, consécutive à la décision, nombre de travailleurs perdront ou, du moins, verront compromis les avantages collectifs dont ils bénéficient à présent au sein du groupe Perrier.
Appréciation du Tribunal
25 Selon l'article 173 du traité, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre une décision adressée à une autre personne que si cette décision la concerne directement et individuellement.La décision attaquée étant adressée à Nestlé, il y a lieu de vérifier si les requérants sont directement et individuellement concernés par celle-ci.
26 A cet égard, la seule circonstance qu'un acte soit susceptible d'exercer une influence sur la situation juridique des requérants ne suffit pas pour considérer qu'il les concerne directement et individuellement. S'agissant, en premier lieu, de la condition de recevabilité relative à l'individualisation des requérants, il faut encore, selon une jurisprudence bien établie, que la décision attaquée les atteigne en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et les individualise d'une manière analogue à celle d'un destinataire (voir les arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25-62, Rec. p. 197, 223, et du 10 décembre 1969, Eridania e.a./Commission, 10-68 et 18-68, Rec. p. 459, point 7, ainsi que l'arrêt du Tribunal du 28 octobre 1993, Zunis Holding e.a./Commission, T-83-92, Rec. p. II-1169, points 34 et 36).
27 Dans la présente espèce, il convient dès lors de vérifier si la décision attaquée atteint les requérants en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et les individualise d'une manière analogue à celle d'un destinataire.
28 A cette fin, il y a lieu de relever liminairement que, dans le système du règlement n° 4064-89, la priorité accordée à l'instauration d'un régime de libre concurrence peut, dans certains cas, être conciliée, dans le cadre de l'appréciation de la compatibilité d'une opération de concentration avec le Marché commun, avec la prise en considération des incidences sociales de cette opération, lorsque celles-ci sont de nature à porter atteinte aux objectifs sociaux visés à l'article 2 du traité. La Commission peut ainsi être conduite à vérifier si l'opération de concentration est susceptible d'avoir des répercussions, même indirectes, sur la situation des salariés dans les entreprises concernées, de nature à affecter le niveau ou les conditions d'emploi dans la Communauté ou une partie substantielle de celle-ci.
29 En effet, l'article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064-89 impose à la Commission d'effectuer un bilan économique de l'opération de concentration en cause, lequel peut faire intervenir, le cas échéant, des considérations d'ordre social, comme le confirme le treizième considérant de ce même règlement, énonçant que "la Commission se doit de placer son appréciation dans le cadre général de la réalisation des objectifs fondamentaux visés à l'article 2 du traité, y compris celui du renforcement de la cohésion économique et sociale de la Communauté visé à l'article 130 A". Dans ce cadre juridique, la consécration expresse, à l'article 18, paragraphe 4, du règlement, concrétisant le principe énoncé au dix-neuvième considérant, du droit des représentants des travailleurs des entreprises concernées d'être entendus, à leur demande, manifeste la volonté d'assurer la prise en considération des intérêts collectifs desdits travailleurs au cours de la procédure administrative.
30 Dans ces conditions, le Tribunal estime que, dans l'économie du règlement n° 4064-89, la situation des salariés des entreprises faisant l'objet de l'opération de concentration en cause peut, dans certains cas, être prise en considération par la Commission lorsqu'elle adopte sa décision. C'est pour cette raison que le règlement individualise les représentants reconnus des travailleurs de ces entreprises, lesquels constituent une catégorie fermée et clairement délimitée au moment de l'adoption de la décision, en leur conférant, de manière expresse et spécifique, le droit de présenter leurs observations au cours de la procédure administrative. Ces organismes, qui sont chargés de la défense des intérêts collectifs des salariés qu'ils représentent, justifient en effet d'un intérêt pertinent par rapport aux considérations d'ordre social susceptibles, le cas échéant, d'être prises en compte par la Commission, dans le cadre de son appréciation de la régularité de l'opération de concentration au regard du droit communautaire.
31 Il en résulte que, dans l'économie du règlement n° 4064-89, la désignation expresse des représentants reconnus des travailleurs des entreprises concernées par une opération de concentration, parmi les tiers justifiant d'un intérêt suffisant pour être entendus par la Commission, suffit à les caractériser par rapport à tout autre tiers, sans qu'il y ait lieu d'établir, comme le soutient l'institution défenderesse, aux fins de l'appréciation de la recevabilité du recours, si, au moins prima facie, cette opération est de nature à porter atteinte aux objectifs sociaux visés par le traité.Cette dernière question relève, en effet, d'une appréciation au fond.
32 Il s'ensuit que les représentants reconnus des travailleurs des entreprises concernées par une opération de concentration doivent, en principe, être considérés comme individuellement concernés par la décision de la Commission sur la compatibilité de cette opération avec le Marché commun.
33 Dans la présente espèce, la qualité de représentant reconnu des travailleurs des entreprises concernées, au sens de l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064-89, précité, n'est pas contestée par la Commission en ce qui concerne trois requérants, à savoir le CCE Perrier, le CE Perrier et le CG Perrier. Pour ce qui est de CGT Perrier, l'institution défenderesse estime qu'il appartient audit syndicat d'établir que sa qualité de représentant des travailleurs des entreprises concernées par l'opération de concentration en cause est reconnue en droit français.
34 A cet égard, le Tribunal rappelle qu'il appartient aux Etats membres de définir quels sont les organismes compétents pour représenter les intérêts collectifs des salariés et de déterminer leurs droits et leurs prérogatives, sous réserve de l'intervention de mesures d'harmonisation (voir par exemple la directive 94-45-CE du Conseil, du 22 septembre 1994, concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs, JO L 254, p. 64). Dans la présente espèce, la Commission ne conteste d'ailleurs pas, à la suite des précisions apportées par les requérants dans la réplique, que la représentativité du syndicat CGT Perrier à l'intérieur de l'entreprise Perrier est reconnue, en droit français, dans la mesure où ce syndicat est affilié à la confédération représentative CGT. Cette circonstance suffit pour considérer que CGT Perrier constitue un représentant reconnu des travailleurs des entreprises concernées par l'opération de concentration en cause, au sens de l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064-89.
35 Par ailleurs, l'argumentation de la Commission suggérant que, faute d'avoir demandé à être entendus en cours de procédure administrative, au titre de l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064-89, trois des quatre requérants, à savoir le CCE Perrier, le CE Perrier et le CG Perrier, ne sont pas individuellement concernés par la décision est privée de tout fondement. En subordonnant, en règle générale, la qualité pour agir des tiers qualifiés qui bénéficient de droits procéduraux au cours de la procédure administrative à leur participation effective à cette procédure, la thèse de la Commission introduit une condition de recevabilité supplémentaire, sous la forme d'une procédure précontentieuse obligatoire, laquelle n'est pas prévue à l'article 173 du traité. Ainsi que le font observer les requérants, cette interprétation restrictive est en contradiction avec les dispositions susvisées du traité prévoyant que toute personne a qualité pour attaquer une décision la concernant directement et individuellement.
36 L'analyse de la jurisprudence de la Cour confirme que la qualité pour agir des tiers, justifiant d'un intérêt suffisant pour être entendus au cours de la procédure administrative, n'est pas nécessairement subordonnée à leur participation à cette procédure.D'autres circonstances spécifiques peuvent, le cas échéant, être de nature à individualiser lesdits tiers d'une manière analogue à celle du destinataire de la décision attaquée. En effet, contrairement aux allégations de l'institution défenderesse, la Cour a uniquement pris en considération, tant en matière de concurrence et d'aides d'Etat que de dumping et de subventions, la participation de tiers qualifiés à la procédure administrative pour juger qu'elle entraîne, dans certaines conditions particulières, une présomption en faveur de la recevabilité de leur recours tendant à ce que le juge communautaire vérifie non seulement si leurs droits procéduraux ont été respectés mais également si la décision adoptée à l'issue de cette procédure n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'un détournement de pouvoir. La Cour n'a jamais jugé que leur participation à la procédure représentait une condition nécessaire pour admettre que ces tiers sont individuellement concernés par la décision de la Commission (voir notamment les arrêts de la Cour Metro/Commission, précité, point 13, Fediol/Commission, précité, points 28 à 31, du 11 octobre 1983, Demo-Studio Schmidt/Commission, 210-81, Rec. p. 3045, points 14 et 15, du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission, 264-82, Rec. p. 849, points 11 à 17, Cofaz e.a./Commission, précité, point 25, et du 22 octobre 1986, Metro/Commission, 75-84, Rec. p. 3021, points 18 à 23).
37 Dans ces conditions, s'agissant plus particulièrement des représentants reconnus des travailleurs des entreprises concernées, dont le nombre et l'identité étaient susceptibles d'être connus lors de l'adoption de la décision, la seule circonstance que le règlement n° 4064-89 les mentionne de manière expresse et spécifique, parmi les tiers justifiant d'un "intérêt suffisant" pour présenter leurs observations devant la Commission, suffit à les caractériser par rapport à toute autre personne et à considérer qu'ils sont individuellement concernés par la décision adoptée au titre dudit règlement, qu'ils se soient ou non prévalus de leurs droits au cours de la procédure administrative. Il en résulte que, dans la présente espèce, cette condition de recevabilité, énoncée à l'article 173 du traité, doit être considérée, pour l'ensemble des raisons qui viennent d'être exposées, comme remplie à l'égard des quatre requérants, qu'ils aient ou non participé à la procédure.
38 S'agissant, en second lieu, de la question de savoir si la décision attaquée concerne directement les requérants, force est de constater, tout d'abord, que l'opération de concentration en cause ne saurait porter atteinte aux droits propres des représentants des salariés des entreprises concernées. Contrairement aux allégations des requérants, à supposer même que la concentration entraîne une diminution des ressources propres des divers comités requérants, à la suite des suppressions d'emplois alléguées, cette circonstance ne saurait, en tout état de cause, être considérée comme portant atteinte aux droits propres desdits comités. Ceux-ci ne bénéficient d'aucun intérêt au maintien de l'effectif des salariés de l'entreprise, dans le but spécifique de se prémunir contre toute réduction de leurs ressources dont le montant est basé sur celui de la masse salariale. En effet, les organismes représentatifs des salariés peuvent uniquement se prévaloir de droits propres en relation avec les fonctions et les prérogatives qui leur sont attribuées, en vertu de la réglementation applicable, dans une entreprise présentant une structure déterminée. A cet égard, il ressort d'ailleurs, en substance, de l'article 5 de la directive 77-187 que, en cas de transfert d'entreprise, la garantie des droits propres des organismes représentatifs des salariés ainsi que les mesures de protection dont bénéficient les représentants des salariés doivent être assurées conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres. Il découle de l'ensemble de ces considérations que seule une décision susceptible d'exercer une incidence sur le statut des organismes représentatifs des salariés, ou sur l'exercice des prérogatives et des missions qui leur sont confiées par la réglementation en vigueur, peut affecter les intérêts propres de tels organismes. Tel ne saurait être le cas d'une décision autorisant une concentration.
39 En outre, s'agissant de l'atteinte prétendument portée par la décision aux attributions consultatives des comités requérants, au sein de leur entreprise, en ce qui concerne, par exemple, les décisions afférentes à l'opération de concentration elle-même, à la restructuration ou aux suppressions d'emplois alléguées, il y a lieu de rappeler que le règlement n° 4064-89 prévoit les modalités du contrôle des opérations de concentration, au regard du droit communautaire de la concurrence, sans préjudice de l'exercice, par les représentants des salariés des entreprises concernées, de l'ensemble de leurs droits, dans le cadre du régime national applicable. A cet égard, le règlement n° 4064-89 confirme d'ailleurs expressément, en son trente et unième considérant, qu'il "ne porte en aucune manière atteinte aux droits collectifs des travailleurs, tels qu'ils sont reconnus dans les entreprises concernées".
40 Par ailleurs, il convient de relever, ensuite, que l'argumentation selon laquelle la décision attaquée porte directement atteinte aux intérêts des salariés de Perrier, dans la mesure où elle entraîne, d'après les requérants, la suppression d'emplois et la perte d'avantages collectifs, ne résiste pas davantage à l'examen. A cet égard, il importe de souligner que la réglementation destinée à garantir les droits des salariés, notamment en cas de concentration, s'oppose, ainsi que cela sera démontré aux points suivants, à ce que la réalisation d'une opération de concentration entraîne, à elle seule, les effets allégués sur le niveau et les conditions d'emploi dans les entreprises concernées. La production de tels effets présuppose donc l'adoption préalable, selon le cas, par les seules entreprises en cause ou par les partenaires sociaux, dans les conditions strictement définies par les règles applicables, de mesures autonomes par rapport à la concentration elle-même. Compte tenu notamment de la marge de négociation des divers partenaires sociaux, l'éventualité que de telles mesures ne soient pas adoptées n'est pas purement théorique, ce qui exclut de considérer que les représentants des salariés sont directement concernés par la décision autorisant la concentration (voir les arrêts de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki Patraiki e.a./Commission, 11-82, Rec. p. 207, et Cofaz e.a./Commission, précité).
41 Sous cet aspect, le caractère non inéluctable, à la suite d'une opération de concentration, des suppressions d'emplois et de l'altération des avantages sociaux reconnus aux salariés du groupe Perrier soit par leur contrat individuel soit, notamment au sein de l'Unité économique et sociale des entreprises signataires de cette convention, par la convention collective d'entreprise du 14 mars 1989, à laquelle se réfèrent les requérants, ressort clairement de la réglementation applicable. En effet, la directive 77-187 prévoit, en son article 3, le transfert, au cessionnaire, des droits et obligations résultant pour le cédant d'un contrat de travail ou d'une relation de travail existant à la date du transfert d'entreprise. En outre, cette même directive précise, en son article 4, paragraphe 1, premier alinéa, que "le transfert d'une entreprise... ne constitue pas en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le concessionnaire".
42 A cet égard, il est d'ailleurs à noter que l'annulation de la décision de la Commission, en ce qu'elle autorise l'opération de concentration en cause en subordonnant sa déclaration de compatibilité notamment à l'obligation, pour Nestlé, de céder certaines entreprises appartenant au groupe Perrier, ne constituerait pas une garantie contre toute mesure de suppression d'emplois, dans les termes prévus par la loi. Dans ce contexte, le fait que la disposition, précitée, de l'article 4 de la directive 77-187 se poursuive en indiquant qu'elle "ne fait pas obstacle à des licenciements pouvant intervenir pour des raisons économiques, techniques ou d'organisation impliquant des changements sur le plan de l'emploi", confirme que de tels licenciements ne peuvent en aucun cas résulter directement d'une opération de concentration, mais nécessitent l'adoption de mesures autonomes, soumises à un régime identique à celui qui s'applique en dehors de toute concentration.
43 De même, en ce qui concerne plus particulièrement les allégations relatives à la perte des avantages sociaux dont bénéficient les salariés de Perrier, il y a lieu de relever que cette même directive 77-187 énonce, en son article 3, paragraphe 2, premier alinéa, que, "après le transfert, le cessionnaire maintient les conditions de travail convenues par une convention collective dans la même mesure que celle-ci les a prévues pour le cédant, jusqu'à la date de la résiliation ou de l'expiration de la convention collective ou de l'entrée en vigueur ou de l'application d'une autre convention collective". A cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article L. 132-8 du Code du travail français prévoit, ainsi qu'il est constant entre les parties, que toute convention collective - destinée, conformément à la définition consacrée à l'article L. 132-1 dudit code, à traiter de l'ensemble des conditions d'emploi - et tout accord collectif de travail - qui ne traite, d'après ladite définition, que de certaines conditions - à durée indéterminée peut être dénoncé par les parties signataires dans les conditions prévues dans la convention ou dans l'accord. Lorsque la convention ou l'accord est dénoncé en raison notamment d'une fusion, d'une cession ou d'une scission, le même texte indique que cette convention ou cet accord continuera à s'appliquer intégralement jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle convention ou d'un nouvel accord ou, à défaut, pendant une durée minimale d'un an à compter de la dénonciation, étant entendu que les salariés concernés conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis si la convention ou l'accord dénoncé n'a pas été remplacé à l'issue de cette période. Par ailleurs, les garanties relatives au maintien des avantages sociaux sont encore renforcées par l'article 4, deuxième alinéa de la directive 77-187, susmentionnée, aux termes duquel, lorsque le contrat de travail est résilié du fait que le transfert de l'entreprise entraîne une modification substantielle des conditions de travail au détriment du travailleur, la résiliation est considérée comme intervenue du fait de l'employeur.
44 Il ressort de l'ensemble de ces éléments que les contrats individuels en cours sont intégralement transférés à la nouvelle société. Quant à la convention collective en vigueur au sein du groupe Perrier, elle continuera à s'appliquer dans les conditions définies par l'article L. 132-8 du Code du travail, précité. A cet égard, il y a lieu de souligner que, d'après la réglementation applicable, le transfert d'une entreprise, comme tel est le cas en l'espèce, n'entraîne pas, en lui-même, la dénonciation ou une quelconque modification des conventions ou accords collectifs en vigueur. Si cette cession devait néanmoins être suivie d'une mise en cause de la convention collective, l'article L. 132-8, septième alinéa, du Code du travail français prévoit un régime identique à celui applicable à toute dénonciation par une ou plusieurs des parties signataires, en dehors de l'hypothèse d'un transfert d'entreprise, conformément aux dispositions de la directive 77-187 (voir, notamment, l'arrêt de la Cour du 12 novembre 1992, Watson Rask et Christensen, C-209-91, Rec. p. I-5755, points 26 et suivants).
45 Il en résulte que, dans la présente espèce, l'acquisition de Perrier par Nestlé, assortie de la cession par cette entreprise, à un tiers, de certaines marques et sources du groupe Perrier, n'entraîne, en elle-même, aucune conséquence directe sur les droits résultant pour les salariés de Perrier de leur contrat ou de leur relation de travail. En l'absence de tout lien de causalité directe entre, d'une part, l'atteinte prétendument portée à ces droits et, d'autre part, la décision de la Commission qui subordonne l'autorisation de la concentration notamment à la cession de certaines marques et sources, les intéressés doivent disposer d'une voie de droit appropriée pour défendre leurs intérêts légitimes non pas au stade du contrôle de la régularité de ladite décision, mais à celui des mesures directement à l'origine des atteintes ainsi alléguées, susceptibles d'être adoptées par les entreprises et, le cas échéant, par les partenaires sociaux concernés, en dehors de toute intervention de la Commission. C'est, en effet, au stade de l'adoption de telles mesures, dont le contrôle relève de la compétence du juge national, qu'interviennent les garanties conférées aux salariés par les dispositions tant du droit interne que du droit communautaire, telles que, notamment, la directive 77-187 du Conseil concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements (précitée ; voir également la proposition de directive du Conseil présentée par la Commission le 8 septembre 1994, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements, en vue de refondre ladite directive, JO C 274 p. 10), ainsi que la directive 75-129-CE, du 17 février 1975, telle que modifiée par la directive 92-56, du 24 juin 1992, précitées.
46 Pour l'ensemble des raisons qui viennent d'être exposées, les requérants ne peuvent pas être considérés comme directement concernés par la décision attaquée, sous réserve de la garantie des droits procéduraux qui leur sont conférés par le règlement n° 4064-89, au cours de la procédure administrative. En effet, il y a lieu de rappeler que, en règle générale, lorsqu'un règlement accorde des droits procéduraux à des tiers, ces derniers doivent disposer d'une voie de recours destinée à protéger leurs intérêts légitimes, conformément à une jurisprudence bien établie (voir notamment l'arrêt du 25 octobre 1977, Metro/Commission, précité, point 13). A cet égard, il convient de relever, en particulier, que le droit des tiers qualifiés d'être régulièrement entendus, à leur demande, au cours de la procédure administrative, ne peut, en principe, être sanctionné par le juge communautaire qu'au stade du contrôle de la régularité de la décision finale de la Commission. Il s'ensuit que, bien que, dans la présente espèce, les développements qui précèdent fassent apparaître que, dans sa substance, la décision finale ne concerne pas directement les requérants, ces derniers doivent cependant se voir reconnaître qualité pour agir à l'encontre de ladite décision dans le but précis d'examiner si les garanties procédurales auxquelles ils étaient en droit de prétendre, au cours de la procédure administrative, en vertu de l'article 18 du règlement n° 4064-89, ont été méconnues, ainsi qu'ils l'allèguent. C'est uniquement si le Tribunal devait constater une violation caractérisée de ces garanties, de nature à porter atteinte au droit des requérants de faire valoir utilement leur position au cours de la procédure administrative, s'ils en ont exprimé la demande, qu'il lui appartiendrait d'annuler cette décision pour violation des formes substantielles. En l'absence d'une telle violation substantielle de leurs droits procéduraux, le seul fait, pour les requérants, de se prévaloir, devant le juge communautaire, de la violation de ces droits au cours de la procédure administrative ne saurait entraîner la recevabilité du recours en ce qu'il est fondé sur des moyens tirés de la violation de règles matérielles, dès lors que, ainsi que le Tribunal l'a déjà établi, ci-dessus, la situation juridique des requérants n'est pas directement affectée par la teneur de la décision. C'est uniquement si cette dernière condition était remplie que les requérants seraient habilités, en vertu de l'article 173 du traité, à demander au Tribunal d'examiner la motivation et la régularité matérielle de la décision.
47 Le présent recours doit, dès lors, être déclaré irrecevable, dans la seule mesure où il ne tend pas à assurer la protection des garanties procédurales reconnues aux requérants durant la procédure administrative.Il convient d'examiner, au fond, si, comme le soutiennent ces derniers, la décision méconnaît leurs droits procéduraux.
Sur le bien-fondé du moyen tiré de la méconnaissance des droits procéduraux des requérants
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
48 Les requérants soutiennent que la Commission a omis de les informer par écrit de la nature et de l'objet de l'affaire, avant l'audition, afin de leur permettre de formuler leur point de vue. L'institution défenderesse aurait ainsi méconnu les dispositions des articles 11, 12 et 15 du règlement n° 2367-90. A cet égard, CGT Perrier conteste que les informations fournies par la presse spécialisée étaient de nature à pallier la carence de la Commission en ce qui concerne la communication de ces informations, qui est expressément prévue par la réglementation communautaire.
49 En outre, les requérants font valoir que, dans la mesure où le syndicat CGT Perrier avait demandé à être entendu par la Commission, il devait, en qualité de tiers justifiant d'un "intérêt suffisant", non seulement bénéficier de l'audition qui lui a été accordée le 2 juillet 1992, mais également avoir accès au dossier, ce qu'il aurait d'ailleurs implicitement demandé dans sa lettre du 19 juin 1992, susvisée. Ils se fondent sur l'article 18, paragraphe 3, du règlement n° 4064-89, énonçant que "l'accès au dossier est ouvert au moins aux parties directement intéressées tout en respectant l'intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d'affaires ne soient pas divulgués".
50 Enfin, la Commission se serait abstenue d'aviser le syndicat CGT Perrier, eu égard à son inexpérience dans le domaine des procédures d'application du règlement n° 4064-89, de l'urgence de présenter des observations écrites avant la date de l'audition, fixée au 2 juillet 1992. Il résulterait, en effet, des dixième et onzième considérants du règlement n° 2367-90 que l'audition n'est, en principe, destinée qu'à compléter les observations écrites préalables. Par ailleurs, la Commission n'aurait pas informé CGT Perrier qu'il pouvait être assisté notamment par un avocat, lors de son audition, en application de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 2367-90.
51 Dans ces conditions, les requérants estiment que les modalités effectives de l'audition des représentants reconnus des travailleurs n'ont pas permis à la Commission de prendre en compte leurs observations, comme l'exigeaient les dispositions précitées. Une telle situation serait équivalente à l'absence d'audition et, comme il s'agit d'une audition obligatoire, elle entraînerait la nullité de l'acte attaqué pour violation des formes substantielles, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice.
52 En effet, CGT Perrier ne saurait être tenu pour responsable de la précipitation avec laquelle il a été invité à l'audition du 2 juillet 1992, sans recevoir d'informations préalables et, par conséquent, sans avoir la possibilité de préparer sa rencontre avec l'administration. Une telle précipitation, imputable à l'administration, constituerait, au contraire, une violation évidente des droits de la défense.
53 La Commission soutient, pour sa part, que l'audition de CGT Perrier s'est déroulée dans des conditions régulières. Pour ce qui est du prétendu droit des requérants d'être informés par écrit de la nature et de l'objet de l'affaire avant de faire connaître leur point de vue, elle fait valoir, dans son mémoire en défense, que, dans sa lettre du 19 juin 1992, précitée, CGT Perrier n'a pas demandé à être entendu en qualité de représentant reconnu des travailleurs de Perrier, au titre de l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064-89, mais simplement à être informé de l'état de la procédure. C'est la raison pour laquelle elle n'aurait pas été tenue de l'informer au préalable de la nature et de l'objet de l'affaire. En effet, la Commission estime que, même si l'on admet que ce syndicat était un représentant reconnu des travailleurs de Perrier, le caractère de sa demande introduite, en outre, à un stade très avancé de la procédure justifiait la convocation rapide d'une réunion sans information préalable. Une telle solution serait d'autant plus légitime que le syndicat était censé bien connaître la nature et l'objet de l'affaire, compte tenu des références abondantes faites par les requérants à la presse spécialisée, dans le cadre du présent litige.
54 Quant au droit d'accès au dossier, consacré à l'article 18, paragraphe 3, du règlement n° 4064-89, il aurait pour finalité de permettre aux intéressés de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus à leur encontre par la Commission. Comme la décision attaquée ne retient aucun grief à l'encontre des représentants reconnus des travailleurs des entreprises concernées par l'opération de concentration en cause et ne rejette aucune demande qu'ils auraient formulée au titre du règlement n° 4064-89, ces derniers ne sauraient avoir accès au dossier. En outre et en tout état de cause, les requérants n'auraient jamais demandé à bénéficier du droit d'accès au dossier.
Appréciation du Tribunal
55 Il y a lieu de rappeler, tout d'abord, que, en vertu de l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064-89, la Commission n'est tenue d'entendre les représentants reconnus des travailleurs des entreprises concernées par l'opération de concentration en cause, en leur qualité de tiers justifiant d'un intérêt suffisant, que dans la mesure où ceux-ci demandent effectivement à être entendus.En outre, il ressort du dizième considérant du règlement n° 2367-90 que cette demande doit être, en principe, présentée par écrit.
56 En effet, la protection des intérêts légitimes des tiers qualifiés n'exige pas qu'ils bénéficient, au cours de la procédure administrative, de garanties identiques à celles qui sont accordées aux personnes intéressées par l'opération de concentration en cause en vue d'assurer le respect de leurs droits de la défense dans le déroulement de la procédure devant la Commission. Comme les intérêts de ces dernières sont, en principe, directement affectés par la décision, celles-ci doivent avoir accès au dossier et être mises en mesure de faire valoir leur point de vue au sujet des objections retenues à leur encontre, comme le prévoit l'article 18, du règlement n° 4064-89, en ses paragraphes 1 et 3. A l'inverse, les tiers sont uniquement susceptibles, le cas échéant, de subir les effets incidents de la décision sur leur sphère juridique. C'est la raison pour laquelle ils se voient uniquement reconnaître, à l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064-89, le droit d'être entendus par la Commission s'ils en expriment la demande, et après avoir justifié, en règle générale, qu'ils bénéficient d'un intérêt suffisant à cette fin, étant entendu qu'il suffit, à cet égard, que les représentants des travailleurs des entreprises concernées établissent que leur représentativité dans l'entreprise est reconnue en vertu du droit national applicable. Cette interprétation est confirmée par l'arrêt de la Cour du 9 juillet 1987, Ancides/Commission (43-85, Rec. p. 3131, point 8), qui a jugé que la position procédurale des tiers qualifiés ne saurait être assimilée à celle des intéressés, dans le cadre du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204), dont l'article 19, paragraphe 2, prévoit expressément, en des termes sur ce point identiques à ceux de l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064-89, que les tiers justifiant d'un intérêt suffisant doivent uniquement être entendus à leur demande.
57 C'est dans le cadre du système de protection des droits respectifs des intéressés et des tiers qui vient d'être décrit que l'article 15 du règlement n° 2367-90 précise, en son paragraphe 1, que, si des tiers justifiant d'un intérêt suffisant, tels que les représentants reconnus des travailleurs des entreprises concernées, demandent à être entendus, conformément à l'article 18, paragraphe 4 du règlement n° 4064-89, "la Commission les informe par écrit de la nature et de l'objet de l'affaire et leur fixe un délai pour lui faire connaître leur point de vue". Aux termes du paragraphe 2 dudit article, "les tiers désignés au paragraphe 1 expriment leur point de vue, dans le délai fixé, par écrit ou oralement. Ils peuvent confirmer leurs observations orales par écrit". A l'inverse, dans le cas où des tiers justifiant d'un intérêt suffisant ne demandent pas à être entendus, la Commission "peut (leur) donner l'occasion d'exprimer leur point de vue", en application du paragraphe 3 de ce même article, qui ne lui impose alors aucune obligation d'information.
58 Dans la présente espèce, l'examen des pièces du dossier fait clairement apparaître que CGT Perrier n'a pas saisi la Commission d'une demande d'audition, au sens de l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064-89, mais d'une simple demande d'informations, ainsi libellée dans sa lettre du 19 juin 1992 : "Pouvez-vous nous indiquer les sources de renseignements nous permettant d'avoir une information très précise sur l'enquête que mène la Commission des Communautés européennes, sur l'opération de rachat de Source Perrier par Nestlé/Demilac ?" Dans ces conditions, la seule circonstance que CGT Perrier justifie dans cette même lettre sa demande d'informations par le fait qu'il est un syndicat représentatif au sein du groupe Perrier et qu'il a notamment introduit une plainte devant les juridictions nationales concernant diverses opérations financières relatives à l'OPA de Nestlé sur Perrier ne suffit pas pour interpréter ladite lettre comme une demande d'audition, même implicite, au titre de l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064-89, en qualité de représentant reconnu des travailleurs de Perrier. La télécopie adressée par la Commission à CGT Perrier, le 29 juin suivant, pour confirmer la tenue d'une "réunion d'information" le 2 juillet 1992, atteste d'ailleurs que ladite lettre n'a pas été interprétée par cette institution comme une demande d'audition. En outre, aucune demande de ce type n'a été présentée par ailleurs par le syndicat en cause. En effet, ce dernier ne prétend avoir formulé une telle demande ni par écrit, postérieurement à sa lettre du 19 juin 1992, précitée, ni même lors de la réunion du 2 juillet 1992. De plus, la lettre de CGT Perrier à la Commission, du 3 juillet 1992, confirme explicitement que la réunion susvisée présentait bien, de l'avis de ce syndicat, le caractère d'une simple réunion d'information.
59 Il s'ensuit que, à défaut de demande d'audition émanant de CGT Perrier, la Commission n'était pas tenue, en vertu de l'article 15 du règlement n° 2367-90 (voir, ci-dessus, point 57), d'informer ce syndicat par écrit, à la suite de sa lettre du 19 juin 1992, précitée, de la nature et de l'objet de l'affaire, avant de lui donner la possibilité de faire connaître son point de vue.
60 En l'occurrence, la Commission n'a pas seulement accédé à la demande de renseignements de CGT Perrier, en organisant une réunion d'information le 2 juillet 1992. Elle a, en outre, donné la possibilité aux représentants de ce syndicat de présenter des observations, au cours de cette réunion, en ce qui concerne les répercussions sociales de l'opération de concentration envisagée, comme l'y habilitait l'article 15, paragraphe 3, du règlement n° 2367-90, prévoyant que cette institution peut, en règle générale, entendre des tiers dans d'autres cas que ceux dans lesquels une personne justifiant d'un intérêt suffisant a demandé à être entendue. De plus, il ressort des indications non controversées fournies, sur ce point, par la Commission, qu'après la réunion CGT Perrier a présenté, à l'invitation de cette institution, des observations écrites complémentaires et lui a communiqué des renseignements supplémentaires en réponse aux questions qu'elle lui avait posées durant la réunion. Par ailleurs, il ressort des observations de la Commission, non contestées par les requérants, que CGT Perrier n'a soulevé aucune objection, notamment durant la réunion susmentionnée, en ce qui concerne les difficultés auxquelles les requérants prétendent qu'il s'est heurté pour présenter son point de vue, du fait de l'absence d'informations écrites alléguée.
61 Pour ce qui est du grief tiré du fait que la Commission a omis d'aviser CGT Perrier de présenter des observations écrites avant la date de la réunion fixée au 2 juillet 1992, il convient de rappeler que, dans les circonstances de l'espèce, aucune disposition n'imposait une telle obligation. En particulier, l'article 15, paragraphe 3, du règlement n° 2367-90, sur lequel la Commission s'est, en l'occurrence, fondée pour entendre CGT Perrier, ainsi qu'il résulte des développements précédents, ne porte aucune indication relative aux modalités selon lesquelles les tiers qualifiés qui n'ont pas demandé à être entendus peuvent néanmoins exprimer leur point de vue à l'initiative de la Commission. En outre et en tout état de cause, à supposer même que les requérants aient demandé à être entendus au titre de l'article 18, paragraphe 4 du règlement n° 4064-89, il n'en demeure pas moins que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 2367-90 se limite à prévoir que les tiers justifiant d'un intérêt suffisant, qui expriment une telle demande, peuvent faire connaître leur point de vue. Cet article ne fournit aucune indication relative à la forme, écrite ou orale, de leurs observations. Il en résulte que la Commission n'était, en aucun cas, tenue, dans la présente espèce, d'inviter le syndicat en cause à présenter des observations écrites, avant la réunion du 2 juillet 1992.
62 Le onzième considérant du règlement n° 2367-90, invoqué par les requérants, confirme cette interprétation de l'article 15, précité. En effet, après avoir souligné qu'"il est souhaitable que toutes les personnes admises à être entendues présentent des observations par écrit, tant dans leur propre intérêt que dans celui d'une bonne administration, sans préjudice, le cas échéant, de leur droit de demander une audition destinée à compléter leurs observations écrites", ledit considérant nuance ce principe en précisant que, "dans les cas d'urgence, la Commission doit toutefois avoir la possibilité d'entendre immédiatement les intéressés ou les tiers d'abord oralement, sans préjudice du droit des personnes entendues à confirmer leurs observations orales par écrit". En l'espèce, eu égard à l'urgence dans laquelle se trouvait la Commission d'organiser une réunion d'information avec CGT Perrier, en réponse à la demande qu'il avait présentée le 19 juin 1992, à un stade déjà avancé de la procédure qui avait été engagée le 25 mars 1992 et alors que les parties intéressées avaient été entendues le 25 mai 1992, la Commission a, à bon droit, fixé la date de cette réunion au 2 juillet 1992, tout en réservant au syndicat la possibilité de présenter des observations écrites complémentaires à la suite de la réunion, au cours de laquelle il avait fait valoir ses arguments.
63 Par ailleurs, s'il est vrai que les personnes entendues par la Commission, à leur demande ou à l'initiative de cette institution, peuvent être assistées notamment par un avocat, en application de l'article 14 du règlement n° 2367-90, aucune disposition dudit règlement ne fait obligation à la Commission d'informer ces personnes de cette faculté. Quand bien même une telle information pourrait apparaître souhaitable, son omission ne saurait avoir pour effet de vicier la procédure.
64 S'agissant, enfin, du droit d'accès au dossier invoqué par les requérants, il convient de rappeler que, aux termes de l'article 18, paragraphe 3, du règlement n° 4064-89, "l'accès au dossier est ouvert au moins aux parties directement intéressées tout en respectant l'intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d'affaires ne soient pas divulgués". Cette disposition ne saurait en aucun cas être interprétée comme imposant à la Commission d'ouvrir automatiquement l'accès au dossier à tout tiers qui serait entendu, à sa propre demande ou à l'initiative de la Commission, au cours de la procédure administrative. Il s'ensuit que, dans la mesure où le syndicat en question ne relevait pas des "parties directement intéressées" par l'opération de concentration, au sens de l'article 18, paragraphe 3, précité, il ne pouvait, en aucun cas, incomber à la Commission de lui proposer d'accéder au dossier. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de se prononcer, dans le cadre du présent litige, sur la question de savoir si, et dans quelles conditions, les tiers justifiant d'un intérêt suffisant pour être entendus peuvent se voir reconnaître le droit d'accéder au dossier s'ils en formulent la demande, il suffit de constater que, en tout état de cause, dans la présente espèce, la demande de renseignements adressée par CGT Perrier à la Commission dans sa lettre du 19 juin 1992, précitée, ne contenait, même implicitement, aucune demande d'accès au dossier. Il ne saurait, dès lors, être fait grief à la Commission de ce que CGT Perrier n'a pas eu accès au dossier.
65 Pour l'ensemble des raisons qui viennent d'être exposées, le moyen tiré de la violation des droits procéduraux des requérants, et en particulier de ceux de CGT Perrier, doit être rejeté comme non fondé.
66 Il s'ensuit que le présent recours doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
67 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, ce même article prévoit, en son paragraphe 3, que le Tribunal peut décider que chaque partie supportera ses propres dépens, pour des motifs exceptionnels.
68 S'agissant, dans la présente espèce, du premier recours formé par des organismes représentatifs des salariés des entreprises concernées par une opération de concentration, contre la décision de la Commission autorisant cette opération au titre du règlement n° 4064-89, il convient de condamner la Commission à supporter ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie) déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Chaque partie supportera ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.