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Décisions

TPICE, 1re ch., 6 avril 1995, n° T-143/89

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ferriere Nord (SpA)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Kirschner

Juges :

MM. Bellamy, Vesterdorf, Garcia-Valdecasas, Lenaerts

Avocats :

Mes Viscardini Dona, Campeis

TPICE n° T-143/89

6 avril 1995

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES (première chambre),

Les faits à l'origine du recours

1 La présente affaire a pour objet la décision 89-515-CEE de la Commission, du 2 août 1989, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-31.553 - Treillis soudés, JO L 260, p. 1, ci-après "Décision"), par laquelle celle-ci a infligé à quatorze producteurs de treillis soudés une amende pour avoir violé l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. Le produit faisant l'objet de la Décision est le treillis soudé. Il s'agit d'un produit préfabriqué d'armature, constitué de fils d'acier tréfilés à froid, lisses ou crantés, qui sont assemblés par soudage de chaque point de croisement pour former un réseau. Il est utilisé presque dans tous les domaines de la construction en béton armé.

2 A partir de 1980, un certain nombre d'ententes et de pratiques, qui sont à l'origine de la Décision, se seraient développées dans ce secteur sur les marchés allemand, français et du Benelux.

3 Les 6 et 7 novembre 1985, en application de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"), des fonctionnaires de la Commission ont procédé, simultanément et sans avertissement, à des inspections dans les bureaux de sept entreprises et de deux associations: à savoir, Tréfilunion SA, Sotralentz SA, Tréfilarbed Luxembourg-Saarbrücken SARL, Ferriere Nord SpA (Pittini), Baustahlgewebe GmbH, Thibo Draad-en Bouwstaalprodukten BV (Thibodraad), NV Bekaert, Syndicat national du tréfilage d'acier (STA) et Fachverband Betonstahlmatten eV; les 4 et 5 décembre 1985, ils ont procédé à d'autres inspections dans les bureaux des entreprises ILRO SpA, G B Martinelli, NV Usines Gustave Boël (afdeling Trébos), Tréfileries de Fontaine-l'Evêque, Frère-Bourgeois Commerciale SA, Van Merksteijn Staalbouw BV et ZND Bouwstaal BV.

4 Les éléments trouvés dans le cadre de ces vérifications, ainsi que les renseignements obtenus en application de l'article 11 du règlement n° 17, ont amené la Commission à conclure que, entre 1980 et 1985, les producteurs concernés avaient violé l'article 85 du traité par une série d'accords ou de pratiques concertées portant sur les quotas de livraison et sur les prix du treillis soudé. La Commission a engagé la procédure prévue par l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 et, le 12 mars 1987, une communication des griefs a été envoyée aux entreprises concernées qui y ont répondu. Une audition de leurs représentants a eu lieu les 23 et 24 novembre 1987.

5 Au terme de cette procédure, la Commission a pris la Décision. Selon celle-ci (point 22), les restrictions de la concurrence consistaient en une série d'accords et/ou de pratiques concertées ayant pour objet la fixation de prix et/ou de quotas de livraison ainsi que la répartition des marchés du treillis soudé. Ces ententes avaient, selon la Décision, trait à différents marchés partiels (les marchés français, allemand ou celui du Benelux), mais affectaient le commerce entre Etats membres puisqu'y participaient des entreprises établies dans plusieurs Etats membres. Selon la Décision: "Il s'agit moins en l'espèce d'une entente globale entre tous les producteurs de tous les Etats membres concernés que d'un ensemble d'ententes différentes entre des participants parfois différents eux aussi. Toutefois en réglementant les différents marchés partiels, cet ensemble d'ententes a eu pour effet de réglementer dans une large mesure une partie substantielle du Marché commun."

6 La Décision comporte le dispositif suivant:

"Article premier

Les entreprises Tréfilunion SA, Société métallurgique de Normandie (SMN), CCG (TECNOR), Société de treillis et panneaux soudés (STPS), Sotralentz SA, Tréfilarbed SA ou Tréfilarbed Luxembourg-Saarbrücken SARL, Tréfileries de Fontaine-l'Evêque, Frère-Bourgeois Commerciale SA (maintenant Steelinter SA), NV Usines Gustave Boël, afdeling Trébos, Thibo Draad- en Bouwstaalprodukten BV (maintenant Thibo Bouwstaal BV), Van Merksteijn Staalbouw BV, ZND Bouwstaal BV, Baustahlgewebe GmbH, ILRO SpA, Ferriere Nord SpA (Pittini) et G B Martinelli fu G B Metallurgica SpA ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE en participant, entre le 27 mai 1980 et le 5 novembre 1985, dans un ou plusieurs cas, à un ou plusieurs accords et/ou pratiques concertées (ententes) qui consistaient à fixer des prix de vente, à restreindre les ventes, à se répartir les marchés et à prendre des mesures visant à appliquer ces ententes et à contrôler cette application.

Article 2

Dans la mesure où elles continuent à exercer une activité dans le secteur des treillis soudés dans la Communauté, les entreprises citées à l'article 1er sont tenues de mettre fin immédiatement aux infractions constatées (si elles ne l'ont pas encore fait) et de s'abstenir à l'avenir, en ce qui concerne cette activité, de tous accords et/ou pratiques concertées ayant un objet ou un effet identique ou similaire.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises citées ci-après pour les infractions constatées à l'article 1er:

1) Tréfilunion SA (TU): une amende de 1 375 000 écus;

2) Société métallurgique de Normandie (SMN): une amende de 50 000 écus;

3) Société des treillis et panneaux soudés (STPS): une amende de 150 000 écus;

4) Sotralentz SA: une amende de 228 000 écus;

5) Tréfilarbed Luxembourg-Saarbrücken SARL: une amende de 1 143 000 écus;

6) Steelinter SA: une amende de 315 000 écus;

7) NV Usines Gustave Boël, afdeling Trébos: une amende de 550 000 écus;

8) Thibo Bouwstaal BV: une amende de 420 000 écus;

9) Van Merksteijn Staalbouw BV: une amende de 375 000 écus;

10) ZND Bouwstaal BV: une amende de 42 000 écus;

11) Baustahlgewebe GmbH (BStG): une amende de 4 500 000 écus;

12) ILRO SpA: une amende de 13 000 écus;

13) Ferriere Nord SpA (Pittini): une amende de 320 000 écus;

14) G B Martinelli fu G B Metallurgica SpA: une amende de 20 000 écus.

..."

La procédure

7 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe de la Cour le 18 octobre 1989, la requérante, Ferriere Nord SpA (ci-après "Ferriere Nord"), a introduit le présent recours, visant à l'annulation de la Décision. Dix des treize autres destinataires de cette Décision ont également introduit un recours.

8 Par ordonnances du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé cette affaire ainsi que les dix autres devant le Tribunal, en application de l'article 14 de la décision 88-591-CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 319, p. 1). Ces recours ont été enregistrés sous les numéros T-141-89 à T-145-89 et T-147-89 à T-152-89.

9 Par ordonnance du 13 octobre 1992, le Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 50 du règlement de procédure.

10 Par lettres déposées au greffe du Tribunal entre le 22 avril et le 7 mai 1993, les parties ont répondu aux questions qui leur avaient été posées par le Tribunal.

11 Au vu des réponses fournies à ces questions et sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.

12 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 14 au 18 juin 1993.

Conclusions des parties

13 La requérante a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal:

à titre principal:

- déclarer la Décision nulle et non avenue, pour autant que ses dispositions concernent Ferriere Nord;

à titre subsidiaire:

- supprimer l'amende infligée à Ferriere Nord ou la réduire à un montant équitable;

- condamner la Commission aux dépens.

14 La Commission a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours présenté par Ferriere Nord comme non fondé;

- condamner la requérante aux dépens de l'instance.

Sur le fond

15 Le Tribunal constate que la Décision (points 23, 51, 159 et 160) fait grief à la requérante d'avoir participé à deux séries d'ententes sur le marché français. Ces ententes auraient impliqué, d'une part, les producteurs français (Tréfilunion, STPS, SMN, CCG et Sotralentz) et, d'autre part, les producteurs étrangers opérant sur le marché français (ILRO, Ferriere Nord, Martinelli, Boël/Trébos, Tréfileries de Fontaine-l'Evêque, Frère-Bourgeois Commerciale et Tréfilarbed) et auraient eu pour objet de définir des prix et des quotas, en vue de limiter les importations de treillis soudés en France, et de procéder à un échange d'informations. La première série d'ententes aurait été mise en œuvre entre avril 1981 et mars 1982. La seconde série d'ententes aurait été mise en œuvre entre le début de l'année 1983 et la fin de l'année 1984. Cette seconde série d'ententes aurait été formalisée par l'adoption en octobre 1983 d'un "protocole d'accord".

16 La requérante soulève trois moyens à l'appui de son recours. Le premier est tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, le deuxième est pris de la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et le troisième est tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité

Arguments des parties

17 La requérante admet sa participation aux accords incriminés, mais considère que cette participation "n'a pas constitué concrètement une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité".

18 Elle soutient, d'abord, qu'elle occupe une position très faible sur le marché français en raison des frais de transport élevés encourus pour le treillis soudé et de la localisation de ses usines à l'est de l'Italie. Eu égard à sa faible position sur ce marché, sa participation aux ententes n'aurait pu avoir aucun effet ni sur la concurrence ni sur le commerce entre Etats membres. Elle en veut pour preuve que les ententes n'ont pas modifié la part de marché détenue globalement par les producteurs italiens et que ses exportations en France sont demeurées de beaucoup inférieures au quota qui lui était attribué.

19 La requérante ajoute que, si les ententes ont conduit, comme le prétend la Commission, à une augmentation des prix sur le marché français, celle-ci a entraîné une augmentation du commerce entre Etats membres et de la concurrence. En effet, seuls des prix élevés en France lui auraient permis de pénétrer sur ce marché, compte tenu des frais de transport élevés auxquels elle devait faire face. Or, selon la jurisprudence de la Cour, l'altération de la concurrence peut être mise en doute si l'accord apparaît précisément nécessaire à la pénétration d'une entreprise dans une zone où elle n'intervenait pas ou si elle a eu un effet bénéfique sur les échanges (arrêt du 30 juin 1966, Société technique minière, 56-65, Rec. p. 337).

20 Au stade de la réplique, la requérante a contesté les données reproduites par la Commission au point 25 de la Décision, concernant l'ampleur de l'augmentation de prix ayant résulté des ententes et a fait valoir que la Commission ne saurait pallier l'absence d'effet des ententes en se référant à leur objet, dans la mesure où la version italienne de l'article 85 du traité implique que les accords aient à la fois un objet et un effet anticoncurrentiel pour pouvoir être sanctionnés au titre de cette disposition.

21 En outre, la requérante rappelle que la valeur ajoutée du treillis soudé est relativement faible (20 à 25 %) par rapport à la valeur du produit intermédiaire, le fil machine, produit qui relève du traité CECA. Le prix du treillis soudé dépendrait donc dans une large mesure du prix du fil machine, comme la Commission elle-même l'a admis au point 2 de la Décision. Par conséquent, la marge de concurrence aurait été très réduite et l'atteinte à cette dernière impossible. La requérante fait valoir que, si les ententes ont eu pour effet une augmentation des prix du treillis soudé, ce résultat a coïncidé avec le souhait, manifesté par la Commission dans le cadre de sa politique de restructuration de l'industrie sidérurgique, de voir augmenter le prix du fil machine puisque ce dernier a pu augmenter grâce à la hausse du prix du treillis soudé. Elle ajoute que, comme producteur de fil machine, elle partageait elle-même ce souci de la Commission.

22 La Commission, en se référant au point 25 de la Décision, relève que les ententes ont permis, grâce à la fixation de prix et de quotas, une hausse spectaculaire des prix sur le marché français et que cela a entraîné une modification des conditions de la concurrence, le marché étant devenu rémunérateur même pour la requérante. Elle fait observer qu'aucun document ne vient étayer l'affirmation de la requérante selon laquelle la hausse des prix sur le marché aurait différé de ce qui est affirmé au point 25 de la Décision.

23 Elle ajoute que la diminution des exportations de la requérante vers la France ne fait que souligner l'intérêt que celle-ci portait à une hausse sensible des prix en France, surtout pour pénétrer un marché n'ayant jamais été vraiment rémunérateur en situation de concurrence normale (arrêt de la Cour du 30 janvier 1985, BNIC, 123-83, Rec. p. 391). La Commission réaffirme que l'entente illicite a modifié sensiblement les échanges franco-italiens, car elle visait une sorte d'"isolement" du marché français en vue de permettre une hausse sensible des prix. En tout état de cause, il ressortirait de la jurisprudence de la Cour qu'il n'est pas nécessaire d'établir que les accords ont sensiblement affecté ces échanges, mais qu'ils sont de nature à avoir un tel effet (arrêt du 1er février 1978, Miller/Commission, 19-77, Rec. p. 131, point 15).

24 La Commission fait observer que les mesures qu'elle a adoptées pour certains produits relevant du traité CECA sont dépourvues de pertinence au regard de l'infraction commise par la requérante sur le marché du treillis soudé. En effet, le fait que la Commission réglemente le marché de ces produits ne permettrait pas aux entreprises de fixer des prix et des quotas de livraison pour un autre produit relevant du traité CEE. Elle affirme cependant avoir dûment tenu compte, aux fins de la détermination du montant de l'amende (point 201 de la Décision), de l'influence qu'exerce sur le prix du treillis soudé le prix du fil machine.

Appréciation du Tribunal

25 Le Tribunal constate liminairement que la requérante a reconnu avoir adhéré aux accords conclus entre producteurs de treillis soudé et qu'elle ne conteste pas l'objet de ceux-ci, à savoir fixer des prix et des quotas.

26 L'article 85, paragraphe 1, du traité interdit comme étant incompatibles avec le Marché commun tous accords entre entreprises ou pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction et à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.

27 Il résulte du texte de cette disposition que les seules questions pertinentes sont celles de savoir si les accords auxquels la requérante a participé avec d'autres entreprises avaient pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence et s'ils étaient susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres. Par conséquent, la question de savoir si la participation individuelle de la requérante à ces accords pouvait, eu égard à sa faible position sur le marché français, restreindre la concurrence ou affecter le commerce entre Etats membres est dépourvue de pertinence (arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Enichem Anic/Commission, T-6-89, Rec. p. II-1623, points 216 et 224).

28 Or, en fixant des prix et des quotas, les accords auxquels la requérante a adhéré avaient pour objet de restreindre la concurrence et étaient susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres. A cet égard, il suffit de rappeler, pour la période 1981-1982, que la requérante a assisté à une réunion qui s'est tenue à Paris le 1er avril 1981, à laquelle ont participé des producteurs français, italiens et belges et au cours de laquelle, pour une période de douze mois à partir d'avril 1981, un quota de 32 000-33 000 tonnes a été fixé pour les producteurs italiens, dont 4 000 tonnes pour la requérante. Lors de cette réunion ont été également fixés les prix des différents types de treillis soudés, les rabais, les primes de pénétration et diverses modalités d'échanges d'informations. C'est ce qui ressort du télex du 9 avril 1981, adressé par Italmet, l'agent en France de Ferriere Nord et de Martinelli, à Martinelli (point 33 de la Décision), du mémorandum daté du 9 avril 1981 (point 34 de la Décision) de M. Marie, directeur de la division treillis soudés de Tréfilunion et président de l'Association technique pour le développement de l'emploi du treillis soudé depuis 1983, du tableau de Tréfilunion intitulé "Importations du treillis soudé en provenance d'Italie" (point 35 de la Décision) et de la lettre du 4 mai 1981 de M. Cattapan, le représentant de Ferriere Nord, à M. François d'Italmet (point 36 de la Décision), qui fait référence à l'acceptation des conditions de cet accord. En outre, pour la période 1983/1984, la requérante a participé avec d'autres producteurs italiens et français à une réunion, qui s'est tenue le 23 février 1983, au cours de laquelle ont été décidées une répartition des quotas (61 %, producteurs français intégrés, 19 %, producteurs français non intégrés, 3 %, Belgique, 7 %, Allemagne, 10 %, Italie) et une augmentation des prix (200 à 300 FF à partir d'avril 1983, 300 FF pour le mois de juillet). C'est ce qui ressort des notes de M. Cattapan sur ladite réunion (point 53 de la Décision) et d'une note de M. Haller, le représentant de CCG (point 54 de la Décision).

29 En ce qui concerne l'affectation de la concurrence, il est vrai, comme le relève la requérante, que le prix du treillis soudé dépend largement de celui du fil machine, mais il n'en résulte pas pour autant que toute possibilité de concurrence efficace dans ce domaine était exclue. Il restait, en effet, aux producteurs une marge suffisante pour permettre une concurrence effective sur le marché. Par conséquent, les ententes ont pu avoir un effet sensible sur la concurrence (arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125, points 133 et 153).

30 En outre, la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, dès lors qu'il apparaît, comme c'est le cas des accords constatés par la Décision, que ceux-ci ont pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun (arrêt de la Cour du 11 janvier 1990, Sandoz Prodotti Farmaceutici/Commission, C-277-87, Rec. p. I-45).

31 La requérante ne saurait se prévaloir de la version italienne de l'article 85 du traité pour exiger que la Commission établisse que l'entente avait à la fois un objet et un effet anticoncurrentiels. En effet, cette version ne saurait prévaloir seule contre toutes les autres versions linguistiques, qui font clairement apparaître par l'utilisation du terme "ou" le caractère non cumulatif mais alternatif de la condition en cause, comme l'a jugé la Cour dans une jusrisprudence constante depuis son arrêt Société technique minière, précité (Rec. p. 359). L'interprétation uniforme des normes communautaires exige, en effet, qu'elles soient interprétées et appliquées à la lumière des versions établies dans les autres langues communautaires (arrêts de la Cour du 5 décembre 1967, Van der Vecht, 19-67, Rec. p. 445, 456, et du 6 octobre 1982, Cilfit et Lanificio di Gavardo, 283-81, Rec. p. 3415, point 18).

32 En ce qui concerne l'affectation du commerce entre Etats membres, il y a lieu de rappeler que l'article 85, paragraphe 1, du traité n'exige pas que les restrictions de concurrence constatées aient effectivement affecté sensiblement les échanges entre Etats membres, mais requiert uniquement qu'il soit établi que ces accords sont de nature à avoir un tel effet(arrêt Miller/Commission, précité, point 15).

33 En l'espèce, il convient de relever que le fait que les unités de production de treillis soudé de la requérante soient éloignées du marché français n'est pas en soi de nature à faire obstacle à ses exportations vers ce marché. A cet égard, l'argumentation de la requérante démontre d'ailleurs par elle-même que les ententes, dans la mesure où elles tendaient à augmenter les prix, étaient susceptibles d'accroître ses exportations vers la France et donc d'affecter les échanges entre Etats membres.

34 De plus, à supposer, comme le prétend la requérante, que les ententes n'aient pas modifié la part de marché détenue globalement par les producteurs italiens et que ses exportations soient restées de beaucoup inférieures au quota qui lui avait été attribué, il n'en reste pas moins que les restrictions de concurrence constatées étaient susceptibles de détourner les courants commerciaux de l'orientation qu'ils auraient autrement connue (arrêt Van Landewyck e.a./Commission, précité, point 172). Les ententes avaient, en effet, pour objet de contingenter les importations sur le marché français en vue de permettre une augmentation artificielle des prix sur ce marché.

35 Il résulte de ce qui précède que, ainsi que l'a constaté la Décision, en adhérant à des accords qui avaient pour objet de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun et qui étaient susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres, la requérante a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité.

36 Le moyen doit donc être rejeté.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 15 du règlement n° 17

37 Ce moyen comporte quatre branches. La première a trait à l'absence de propos délibéré ou de négligence dans le chef de la requérante; la deuxième a trait au rôle limité qu'aurait joué la requérante; la troisième a trait à une violation du principe d'égalité de traitement; enfin, la quatrième a trait à une prise en compte insuffisante du contexte économique et juridique.

I - Sur l'absence de propos délibéré ou de négligence dans le chef de la requérante

Arguments des parties

38 La requérante soutient qu'elle n'a pas eu l'intention d'enfreindre l'article 85 du traité et que son seul but en participant aux accords était de pouvoir pénétrer le marché français, ce qui ne pouvait se faire sans augmentation des prix.

39 La requérante fait valoir que, comme producteur d'acier dont les activités sont régies par le traité CECA, qui permet la réglementation des prix et l'établissement des quotas, elle ne s'est pas rendue compte que les accords auxquels elle a adhéré étaient illégaux au regard du traité CEE.

40 La Commission répond que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 n'exige nullement, pour infliger une amende, la présence d'un élément intentionnel, qui, de toute façon, est présent en l'espèce. Elle rappelle que Ferriere Nord a activement participé à la préparation, à la conclusion, à l'interprétation et à la réalisation des ententes illicites.

Appréciation du Tribunal

41 Le Tribunal rappelle que, pour qu'une infraction aux règles de concurrence du traité puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre ces règles, mais il suffit qu'elle n'ait pu ignorer que sa conduite avait pour objet de restreindre la concurrence (arrêts de la Cour du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246-86, Rec. p. 2117, point 41, et du 8 février 1990, Tipp-Ex/Commission, C-279-87, Rec. p. I-261; arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Chemie Linz/Commission, T-15-89, Rec. p. II-1275, point 350).

42 En l'espèce, eu égard à la gravité intrinsèque et au caractère patent de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, et en particulier à ses points a) et c), le Tribunal considère que la requérante ne saurait prétendre qu'elle n'a pas agi de propos délibéré. Pour ces motifs également, la requérante ne saurait pas non plus tirer argument de ce que, comme producteur d'acier dont les activités sont habituellement régies par le traité CECA, elle ignorait que ces accords étaient contraires au traité CEE.

43 Le grief ne peut donc pas être accueilli.

II - Sur le caractère limité du rôle joué par la requérante

Arguments des parties

44 La requérante soutient qu'elle a joué un rôle limité puisqu'elle se serait bornée à prendre acte des accords intervenus sans jamais prendre d'initiative. Elle n'aurait participé ni aux accords relatifs au marché du Benelux ni aux accords relatifs au marché allemand et elle n'aurait pas créé d'entente sur le marché italien.

45 Elle fait remarquer que, contrairement à ce qu'affirme la Commission, Italmet, qui a mené toutes les transactions, n'est pas son agent, mais est un agent d'affaires indépendant.

46 La Commission répond que l'amende est pleinement justifiée du fait notamment de la taille de la requérante et de l'impulsion qu'elle a donnée à l'ensemble des ententes illicites, notamment en se faisant l'interprète des producteurs italiens et en se portant garante, en quelque sorte, auprès des producteurs français de la "correcte" exécution des accords par les producteurs italiens.

Appréciation du Tribunal

47 Le Tribunal relève que, contrairement à ce qu'elle affirme, la requérante ne s'est pas bornée à prendre acte des accords intervenus, mais qu'elle en a parfois pris l'initiative, comme le montrent les documents mentionnés aux points 36 à 45 de la Décision, parmi lesquels figure un télex du 19 avril 1982 de M. Cattapan, adressé à M. Marie, formulant une proposition de prorogation des accords pour 1982 (point 42 de la Décision). Selon ce télex: "Considérant enfin la volonté commune de tenter de redresser un secteur déjà déprimé en raison de la faiblesse de la demande, les producteurs italiens marquent leur accord sur la proposition d'appliquer une réduction de 325 FF sur le barème plus un léger rabais dit de pénétration. Les quantités maximales que les producteurs italiens s'engagent à exporter sur le marché français durant les mois d'avril, mai et juin représentent un total de 7 200 tonnes, soit trois fois 1 800 + 300 + 300, à la condition expresse que les prévisions ci-dessus se réalisent d'une manière correcte et se développent normalement. Je crois pouvoir affirmer que notre but et espoirs communs ont été atteints. En conséquence, les décisions prises étant conformes à nos accords seront appliquées à partir d'aujourd'hui."

48 Le fait que la requérante n'ait pas participé aux infractions sur les marchés du Benelux et allemand a été pris en compte par la Décision, puisque celle-ci n'indique pas que la requérante y a participé. De même, la Décision ne constate pas que des accords ont été conclus pour le marché italien. A cet égard, la requérante ne saurait tirer argument de ce que l'infraction qu'elle a commise n'a pas été plus grave qu'elle ne l'a été pour revendiquer une diminution de l'amende qui lui a été infligée.

49 Quant au fait qu'Italmet n'était pas l'agent de la requérante, il convient de souligner que les échanges de notes et de télex entre la requérante et Italmet ne laissaient place à aucun doute quant à la nature des accords auxquels la requérante a participé notamment par l'intermédiaire d'Italmet (voir entre autres les documents mentionnés aux points 36, 41, 42 et 43 de la Décision), mais également et surtout sans passer par Italmet.

50 Il s'ensuit que le grief de la requérante doit être rejeté.

III - Sur la violation du principe d'égalité de traitement

Arguments des parties

51 La requérante fait valoir que la Commission a fixé le montant de l'amende qu'elle lui a infligée sur la base de son seul chiffre d'affaires en treillis soudé, en violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, tel qu'il a été interprété par la Cour dans son arrêt du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission (100-80 à 103-80, Rec. p. 1825). Selon cet arrêt, il y aurait lieu de tenir compte, entre autres, également de l'avantage économique que les entreprises participantes peuvent avoir tiré des accords illégaux. Or, en l'espèce, la requérante n'aurait pas tiré de bénéfice de sa participation aux ententes. Cette erreur de droit aurait conduit la Commission à lui infliger une amende dont le montant serait discriminatoire par rapport à celui des amendes infligées aux autres producteurs italiens.

52 La Commission expose qu'elle a appliqué, en l'espèce, les critères définis par la Cour dans son arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, précité. Elle remarque que, si l'amende infligée à la requérante est certainement plus élevée que celle qui a été infligée aux deux autres entreprises italiennes, cela résulte notamment de la taille de l'entreprise requérante et de l'impulsion qu'elle a donnée à l'ensemble des ententes illicites, points sur lesquels sa situation différait de celle des autres entreprises italiennes.

Appréciation du Tribunal

53 Le Tribunal constate que le fait que la requérante n'a pas tiré de bénéfice de l'infraction a été pris en considération dans le calcul de l'amende qui lui a été infligée. En effet, la Commission a tenu compte de ce que, dans le secteur du treillis soudé, la rentabilité est généralement peu satisfaisante (point 201 de la Décision), ainsi que de la situation financière des entreprises (point 203 de la Décision). En outre, l'absence de bénéfice tiré de l'infraction ne saurait faire obstacle à l'imposition d'amendes importantes sous peine de faire perdre à celles-ci leur caractère dissuasif.

54 Le Tribunal estime qu'il résulte de ce qui précède que la Commission n'a pas fixé le montant de l'amende infligée à la requérante uniquement sur la base de son chiffre d'affaires en treillis soudé. S'il est vrai qu'il s'agit là d'un élément que la Commission a pris en compte parmi d'autres et que cet élément a contribué à ce que la requérante se voie infliger une amende d'un montant absolu plus important que les autres producteurs italiens, il n'en reste pas moins que cette approche est conforme à l'orientation donnée par la Cour dans son arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, précité (points 120 et 121), qui permet à la Commission de tenir compte de l'influence que l'entreprise a pu exercer sur le marché, notamment en raison de sa taille et de sa puissance, sur lesquelles le chiffre d'affaires pour le produit concerné donne des indications. La preuve qu'il ne s'est pas agi du seul critère pris en compte par la Commission est le fait qu'en termes relatifs la requérante s'est vu infliger une amende inférieure (1 %) à celle infligée à Martinelli (1,5 %).

55 Quant au fait que la requérante serait victime d'une discrimination à l'égard d'ILRO, le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, pour qu'il y ait violation du principe d'égalité de traitement, il faut que des situations comparables aient été traitées de manière différente. Selon la Commission, la différence entre l'amende infligée à la requérante et celle infligée à ILRO est imputable aux facteurs suivants: le non-respect par ILRO des accords conclus qui aurait contribué à ébranler l'entente, le fait qu'elle n'a pu établir qu'ILRO ait encouragé la prorogation des ententes de 1981-1982, le fait qu'ILRO a aidé la Commission dans ses investigations en y collaborant de manière décisive comme cela a été précisé à l'audience (point 204 de la Décision), le fait qu'elle avait été victime de mesures de rétorsion de la part des autorités françaises et, enfin, le fait qu'elle a cessé de participer à l'entente en mai 1984 (voir les points 44, 64, 65 et 66 de la Décision).

56 Or, en l'espèce, force est de constater que les différences entre les situations d'ILRO et de la requérante mises en évidence par la Commission sont suffisantes pour justifier la différence de traitement observée entre ces deux entreprises.

57 Il s'ensuit que le grief de la requérante doit être rejeté.

IV - Sur la prise en compte insuffisante du contexte économique et juridique

Arguments des parties

58 La requérante soutient que la Commission aurait dû tenir compte du contexte économique et juridique du secteur situé en amont de la production du treillis soudé, c'est-à-dire le secteur du fil machine. Elle relève le lien étroit existant entre le treillis soudé et le fil machine, pour lequel un régime de quotas et une réglementation des prix étaient en vigueur. A cet égard, elle fait observer que ce lien n'est pas différent, mutatis mutandis, de celui existant entre le sucre et la betterave, examiné par la Cour dans son arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission (40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663). Dans cette affaire, il existait une organisation commune de marchés pour le sucre qui tendait à garantir, par un système de prix et de quotas, une rémunération équitable du produit de base, la betterave. Dans la présente affaire, il existerait "une organisation commune des marchés" au niveau du produit de base, le fil machine, qui viserait à protéger directement ce produit sans que rien ne soit prévu pour le produit transformé. Or, en l'absence de réglementation régissant les livraisons et les prix du produit transformé, le treillis soudé, la protection attribuée au fil machine aurait risqué d'être inefficace. C'est pourquoi les producteurs auraient volontairement comblé cette lacune dans le système par leur propre réglementation. En conséquence, le Tribunal devrait réduire considérablement l'amende, comme l'a fait la Cour dans son arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, au motif que, dans le secteur en question, la marge d'application des règles de concurrence était extrêmement réduite.

59 La requérante rappelle que, si l'entente a eu pour effet une augmentation des prix du treillis soudé, elle a aussi entraîné une augmentation de ceux du fil machine, conformément au souhait exprimé par la Commission.

60 La requérante considère, enfin, que la Commission n'a pas ou n'a pas suffisamment tenu compte de circonstances atténuantes comme la collaboration importante qu'elle aurait apportée à l'enquête de la Commission et les efforts importants qu'elle aurait consentis dans le cadre de la restructuration du marché de l'acier.

61 La Commission répond que, ainsi qu'elle l'a indiqué expressément dans la Décision (point 201), elle a tenu compte, pour déterminer le montant de l'amende, de la situation dans le secteur du fil machine. Elle ajoute que la situation sur le marché du sucre décrite dans l'arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, diffère de celle du marché des treillis soudés dans la mesure où il n'existait, en l'espèce, aucune organisation commune du marché du treillis soudé. Dans cet arrêt, la Cour aurait expressément déclaré que, "quelles que soient les critiques que l'on puisse formuler à l'égard d'un système qui tend à consacrer un cloisonnement des marchés nationaux, notamment par le moyen de quotas nationaux,... il n'en demeure pas moins qu'un domaine résiduel mais réel relève des règles de la concurrence".

62 La Commission relève, en outre, que la coopération de la requérante à son enquête et à la restructuration du marché de l'acier n'a pas dépassé ce qui était légalement requis.

Appréciation du Tribunal

63 En ce qui concerne le lien existant entre le marché du treillis soudé et celui du fil machine, force est, tout d'abord, de constater que la Commission en a tenu compte (point 201 de la Décision). Pour le surplus, la requérante ne saurait se prévaloir de l'arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, dans la mesure où cet arrêt vise une hypothèse qui diffère fondamentalement de celle du cas d'espèce par deux éléments. D'une part, il s'agissait là d'une organisation commune de marché agricole relevant du traité CEE, alors qu'il s'agit en l'espèce d'un régime de prix et de quotas de production relevant du traité CECA. D'autre part, dans l'affaire Suiker Unie e.a./Commission, c'est le produit dérivé qui faisait l'objet d'une organisation commune de marché, alors que, en l'espèce, c'est le produit de base qui fait l'objet du régime de prix et de quotas de production. Il s'ensuit que, sur le plan économique, les hypothèses visées par l'arrêt Suiker Unie e.a./Commission et la présente affaire sont fondamentalement différentes et que la requérante ne saurait donc invoquer cet arrêt à l'appui de ses prétentions.

64 Par ailleurs, à supposer que la mise en œuvre des accords en cause ait conduit indirectement à une hausse des prix du fil machine, hausse qui était souhaitée par la Commission, la requérante ne saurait se prévaloir de cette circonstance comme d'une circonstance atténuante. Des entreprises ne peuvent, en effet, se prévaloir de ce que leurs accords de prix et de quotas pour un produit ont eu indirectement une influence positive sur les prix d'un autre produit, couvert par un système de quotas de production instauré par la Commission, sous peine d'accentuer de manière excessive l'impact de ce système de quotas. Le système de quotas instauré par la Commission, au titre du traité CECA, pour le fil machine, était limité à ce produit. Les entreprises n'étaient pas autorisées à étendre ce système à un produit régi par le traité CEE, tel le treillis soudé.

65 Enfin, le Tribunal considère que la coopération qu'a apportée la requérante à l'enquête de la Commission et à la restructuration de l'industrie sidérurgique n'a pas dépassé ce qui était légalement requis et qu'il n'y avait donc pas lieu d'en tenir compte comme circonstance atténuante.

66 Le grief ne peut donc pas être accueilli.

Sur le moyen tiré du détournement de pouvoir

67 La requérante soutient que la Décision est entachée d'un détournement de pouvoir consistant dans le fait que la Commission a constaté une infraction qui n'existait pas et lui a infligé une amende sans que les conditions pour ce faire soient réunies. A l'appui de cette allégation, elle reprend les arguments présentés sous les deux premiers moyens.

68 Le Tribunal considère que, à supposer qu'une allégation aussi imprécise puisse être considérée comme un moyen, celui-ci doit être rejeté. En effet, un acte n'est entaché de détournement de pouvoir que s'il apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif ou, à tout le moins, déterminant d'atteindre des fins autres que celles excipées ou d'éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l'espèce (arrêt de la Cour du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C-331-88, Rec. p. I-4023, point 24).

69 Or, les arguments présentés par la requérante à l'appui de ses deux premiers moyens ne peuvent, en aucune manière, étayer l'existence d'un détournement de pouvoir, puisque la requérante ne précise aucunement dans quel autre but que celui mentionné dans la Décision la Commission aurait fait usage des pouvoirs qui lui sont conférés par le traité.

70 Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

Sur les dépens

71 Aux termes de l'article 87 du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La requérante est condamnée aux dépens.