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Décisions

TPICE, 1re ch., 6 avril 1995, n° T-141/89

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Tréfileurope Sales (SARL)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Kirschner

Juges :

MM. Bellamy, Vesterdorf, Garcia-Valdecasas, Lenaerts

Avocat :

Mes Voillemot.

TPICE n° T-141/89

6 avril 1995

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Les faits à l'origine du recours

1 La présente affaire a pour objet la décision 89-515-CEE de la Commission, du 2 août 1989, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-31.553 - Treillis soudés, JO L. 260, p 1, ci-après "Décision"), par laquelle celle-ci a infligé à quatorze producteurs de treillis soudés une amende pour avoir violé l'article 85, paragraphe 1, du traité. Le produit faisant l'objet de la Décision est le treillis soudé. Il s'agit d'un produit préfabriqué d'armature, constitué de fils d'acier tréfilés à froid, lisses ou crantés, qui sont assemblés par soudage de chaque point de croisement pour former un réseau. Il est utilisé dans presque tous les domaines de la construction en béton armé.

2 A partir de 1980, un certain nombre d'ententes et de pratiques, qui sont à l'origine de la Décision, se seraient développées dans ce secteur sur les marchés allemand, français et du Benelux.

3 Pour le marché allemand, le Bundeskartellamt a autorisé, le 31 mai 1983, la constitution d'un cartel de crise structurelle des producteurs allemands de treillis soudé, qui, après avoir été prorogé une fois, a pris fin en 1988. Le cartel avait pour objet une réduction des capacités et prévoyait également des quotas de livraison et une régulation des prix, qui n'ont toutefois été approuvés que pour les deux premières années de son application (points 126 et 127 de la Décision).

4 La Commission française de la concurrence a émis, le 20 juin 1985, un avis relatif à la situation de la concurrence sur le marché des treillis soudés en France, qui a été suivi par une décision n 85-6-DC, du 3 septembre 1985, du Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget français, imposant des amendes à diverses sociétés françaises pour avoir mis en œuvre des actions et des pratiques ayant pour objet et pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence et d'entraver le fonctionnement normal du marché durant la période allant de 1982 à 198, la requérante s'est vu imposer une amende de 10 000 FF pour avoir participé à une entente ayant pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence de la fin septembre 1983 au mois d'avril 1984.

5 Les 6 et 7 novembre 1985, en application de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n°17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p 204, ci-après "règlement n°17"), des fonctionnaires de la Commission ont procédé, simultanément et sans avertissement, à des inspections dans les bureaux de sept entreprises et de deux associations: à savoir, Tréfilunion SA, Sotralentz SA, Tréfilarbed Luxembourg-Saarbruecken SARL, Ferriere Nord SpA (Pittini), Baustahlgewebe GmbH (BStG), Thibo Draad- en Bouwstaalprodukten BV (Thibodraad), NV Bekaert, Syndicat national du tréfilage d'acier (STA) et Fachverband Betonstahlmatten eV les 4 et 5 décembre 1985, ils ont procédé à d'autres inspections dans les bureaux des entreprises ILRO SpA, G B Martinelli, NV Usines Gustave Boël (afdeling Trébos), Tréfileries de Fontaine-l'Évêque (TFE), Frère-Bourgeois Commerciale SA (FBC), Van Merksteijn Staalbouw BV et ZND Bouwstaal BV.

6 Les éléments trouvés dans le cadre de ces vérifications ainsi que les renseignements obtenus en application de l'article 11 du règlement n°17 ont amené la Commission à conclure que, entre 1980 et 1985, les producteurs concernés avaient violé l'article 85 du traité par une série d'accords ou de pratiques concertées sur les quotas de livraison et sur les prix du treillis soudé. La Commission a engagé la procédure prévue par l'article 3, paragraphe 1, du règlement n°17 et, le 12 mars 1987, la communication des griefs a été envoyée aux entreprises concernées qui y ont répondu. Une audition de leurs représentants a eu lieu les 23 et 24 novembre 1987.

7 Au terme de cette procédure, la Commission a pris la Décision. Selon celle-ci (point 22), les restrictions de la concurrence consistaient en une série d'accords et/ou de pratiques concertées ayant pour objet la fixation de prix et/ou de quotas de livraison ainsi que la répartition des marchés du treillis soudé. Ces ententes avaient, selon la Décision, trait à différents marchés partiels (les marchés français, allemand ou celui du Benelux), mais affectaient le commerce entre États membres puisqu'y participaient des entreprises établies dans plusieurs États membres. Selon la Décision: "Il s'agit moins en l'espèce d'une entente globale entre tous les producteurs de tous les États membres concernés que d'un ensemble d'ententes différentes entre des participants parfois différents eux aussi. Toutefois en réglementant les différents marchés partiels, cet ensemble d'ententes a eu pour effet de réglementer dans une large mesure une partie substantielle du Marché commun".

8 La Décision comporte le dispositif suivant:

"Article premier

Les entreprises Tréfilunion SA, Société métallurgique de Normandie (SMN), CCG (TECNOR), Société de treillis et panneaux soudés (STPS), Sotralentz SA, Tréfilarbed SA ou Tréfilarbed Luxembourg-Saarbruecken SARL, Tréfileries de Fontaine-l'Évêque, Frère-Bourgeois Commerciale SA (maintenant Steelinter SA), NV Usines Gustave Boël, afdeling Trébos, Thibo Draad- en Bouwstaalprodukten BV (maintenant Thibo Bouwstaal BV), Van Merksteijn Staalbouw BV, ZND Bouwstaal BV, Baustahlgewebe GmbH, ILRO SpA, Ferriere Nord SpA (Pittini) et G B Martinelli fu G B Metallurgica SpA ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE en participant, entre le 27 mai 1980 et le 5 novembre 1985, dans un ou plusieurs cas, à un ou plusieurs accords et/ou pratiques concertées (ententes) qui consistaient à fixer des prix de vente, à restreindre les ventes, à se répartir les marchés et à prendre des mesures visant à appliquer ces ententes et à contrôler cette application.

Article 2

Dans la mesure où elles continuent à exercer une activité dans le secteur des treillis soudés dans la Communauté, les entreprises citées à l'article 1er sont tenues de mettre fin immédiatement aux infractions constatées (si elles ne l'ont pas encore fait) et de s'abstenir à l'avenir, en ce qui concerne cette activité, de tous accords et/ou pratiques concertées ayant un objet ou un effet identique ou similaire.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises citées ci-après pour les infractions constatées à l'article 1er:

1) Tréfilunion SA (TU): une amende de 1 375 000 écus

2) Société métallurgique de Normandie (SMN): une amende de 50 000 écus

3) Société des treillis et panneaux soudés (STPS): une amende de 150 000 écus

4) Sotralentz SA: une amende de 228 000 écus

5) Tréfilarbed Luxembourg-Saarbruecken SARL: une amende de 1 143 000 écus

6) Steelinter SA: une amende de 315 000 écus

7) NV Usines Gustave Boël, afdeling Trébos: une amende de 550 000 écus

8) Thibo Bouwstaal BV: une amende de 420 000 écus

9) Van Merksteijn Staalbouw BV: une amende de 375 000 écus

10) ZND Bouwstaal BV: une amende de 42 000 écus

11) Baustahlgewebe GmbH (BStG): une amende de 4 500 000 écus

12) ILRO SpA: une amende de 13 000 écus

13) Ferriere Nord SpA (Pittini): une amende de 320 000 écus

14) G B Martinelli fu G B Metallurgica SpA: une amende de 20 000 écus.

"

9 Avant le 1er août 1984, Tréfilarbed SA était une société de gestion et de commercialisation, filiale du groupe Arbed, qui contrôlait les entreprises de production de treillis soudés installées à Gand (Belgique), à Roermond (Pays-Bas) et à St Ingbert (Allemagne), ainsi que d'autres tréfileries et des bureaux de vente installés notamment à Paris et à Gand En 1984, Tréfilarbed SA s'est transformée en une société de commercialisation, dénommée Tréfilarbed Luxembourg -Saarbruecken SARL, dont le capital était détenu à parts égales par Arbed SA et par Techno Saarstahl GmbH (filiale à 100 % de Saarstahl). Selon la Décision [point 195, sous d)], Tréfilarbed Luxembourg-Saarbruecken doit, par conséquent, être considérée comme le successeur de Tréfilarbed SA et être tenue pour responsable des agissements de cette dernière ainsi que de ses propres agissements postérieurs à la date du 1er août 1984. La Décision précise que les agissements dont Tréfilarbed Luxembourg-Saarbruecken SARL doit être tenue pour responsable comprennent aussi les agissements de ses filiales en France, en Belgique et aux Pays-Bas, car Tréfilarbed SA ou Tréfilarbed Luxembourg-Saarbruecken SARL doit être considérée comme constituant une seule entité avec ces filiales En 1993, suite à la décision des groupes Arbed et Usinor-Sacilor/Saarstahl de regrouper leurs activités de tréfilage conduites par Schmerbeck & Kuhlmann, Techno Saarstahl, Tréfilarbed Bissen et Tréfileurope France, Tréfilarbed Luxembourg-Saarbruecken SARL a changé de raison sociale et est devenue Tréfileurope Sales SARL (ci-après "Tréfilarbed").

La procédure

10 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe de la Cour le 13 octobre 1989, la requérante a introduit le présent recours, visant à l'annulation de la Décision. Dix des treize autres destinataires de cette Décision ont également introduit un recours.

11 Par ordonnances du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé cette affaire ainsi que les dix autres devant le Tribunal, en application de l'article 14 de la décision 88-591-CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L. 319, p 1). Ces recours ont été enregistrés sous les numéros T-141-89 à T-145-89 et T-147-89 à T-152-89.

12 Par ordonnance du 13 octobre 1992, le Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 50 du règlement de procédure.

13 Par lettres déposées au greffe du Tribunal entre le 22 avril et le 7 mai 1993, les parties ont répondu aux questions qui leur avaient été posées par le Tribunal.

14 Au vu des réponses fournies à ces questions et sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.

15 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 14 au 18 juin 1993.

Conclusions des parties

16 La requérante a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler en tout ou en partie les articles 1er et 3 de la Décision, dans la mesure où lesdits articles concernent Tréfilarbed

- au cas où le Tribunal ne ferait pas droit à cette demande, modifier l'article 3 de la Décision de manière à supprimer ou à réduire substantiellement l'amende infligée à Tréfilarbed

- condamner la Commission à tous les frais et dépens dont les justificatifs seront fournis ultérieurement.

17 La défenderesse a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours comme non fondé

- condamner la requérante aux dépens de l'instance.

Sur le fond

18 La requérante invoque, en substance, deux moyens à l'appui de son recours Le premier est tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité et le second est tiré de la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n°17.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité

I - Sur le marché en cause

A - Sur le marché du produit

Arguments des parties

19 La requérante soutient que l'analyse du marché à laquelle a procédé la Commission dans sa Décision est générale et superficielle et qu'elle a commis une erreur manifeste dans la détermination du marché à prendre en considération.

20 La requérante fait observer que la Décision (point 3) indique qu'il existe différents types de treillis soudés: panneaux standard, panneaux lettrés et panneaux sur devis. Contrairement à l'affirmation faite dans la Décision, la requérante soutient que ces trois types de treillis ne sont pas en concurrence entre eux et ne constituent pas un seul et même marché La requérante estime qu'il existe deux marchés distincts: celui des panneaux standard ou "Lagermatten" et celui des panneaux sur devis ou "Zeichnungsmatten". Ces deux types de panneaux seraient différents du point de vue de leur mode de fabrication, de leurs caractéristiques externes, des besoins auxquels ils répondent chez les utilisateurs et de leur prix. Les panneaux standard seraient des panneaux plats, de format et de maillage standard, fabriqués par des machines entièrement automatiques et susceptibles d'être entreposés dans des dépôts en attendant l'acheteur Les panneaux sur devis seraient des panneaux fabriqués sur la base des spécifications particulières fournies par le bureau d'étude du projet auquel ils sont destinés ils ne seraient pas stockables, mais livrés directement sur chantier et il serait fréquent que le constructeur exige la livraison "just in time", ce qui imposerait au fournisseur des contraintes de transport particulières. La requérante fait observer que les panneaux dits lettrés et les "Listenmatten" ne correspondent pas aux mêmes types de panneaux et ne constituent pas une catégorie homogène. La notion de "Listenmatten" recouvrirait en principe celle des panneaux sur devis. Toutefois, il existerait des "Listenmatten" de type simple, qui seraient des panneaux non pas standard mais standardisés.

21 La requérante souligne la différence existant, quant aux prix, entre ces deux catégories de panneaux, qui résulterait de la différence de valeur ajoutée, qui serait très faible, de 20 à 25 % du prix de vente, pour les panneaux standard, et beaucoup plus élevée, de 50 à 80 % et même 100 %, pour les treillis sur devis. La requérante ajoute que les éléments entrant dans le coût des panneaux standard sont assez simples tandis que ceux entrant dans le coût des panneaux sur devis varient en fonction du travail qu'ils exigent. A cet égard et sur la base d'un graphique annexé à la requête, la requérante allègue que, s'il est vrai que l'évolution du prix des deux types de panneaux n'est pas totalement déconnectée, les deux prix évoluent néanmoins de manière indépendante. Quant à l'influence que le prix des panneaux standard aurait sur le prix des panneaux sur devis, la requérante relève que ce n'est que dans des circonstances totalement anormales - telle qu'une chute radicale du prix du treillis standard - qu'un utilisateur renoncerait à commander des panneaux sur devis pour utiliser des panneaux standard, situation qui ne se serait pas présentée pendant la période 1980-1985.

22 La requérante conclut que les deux catégories de panneaux décrites ci-dessus ne sont pas interchangeables du point de vue de l'utilisateur et constituent donc des marchés distincts et que la véritable concurrence qui s'exerce à l'égard des panneaux sur devis est celle des ronds à béton.

23 La Commission considère que la description du marché faite par la requérante ne semble nullement contredire la sienne. Elle rappelle qu'elle a reconnu la différence entre les treillis standard et les treillis sur devis, notamment quant à leur prix de revient, et que c'est la raison pour laquelle elle a considéré, au point 3 de la Décision, que les treillis sur devis constituaient bien un sous-marché. Elle estime toutefois que l'on n'est pas en présence de deux marchés distincts. En ce qui concerne l'influence réciproque qu'exercent les prix des différents panneaux les uns sur les autres, la Commission fait observer que, selon les affirmations de la requérante, une substitution des panneaux sur devis par des panneaux standard est techniquement possible, ce qui démontre leur interchangeabilité. Le fait que de telles substitutions n'aient pas eu lieu serait dû, comme la requérante l'a elle-même reconnu, à la circonstance que les prix des panneaux standard ne seraient pas descendus à un niveau qui les aurait rendus en mesure de concurrencer efficacement les panneaux sur devis. Or, un producteur de treillis sur devis aurait intérêt à participer à la fixation des prix des treillis standard et tel aurait précisément été l'objet de la fixation des prix minimaux dans le cadre des ententes sur les prix concernant le marché du Benelux, auxquelles il est reproché à la requérante d'avoir participé.

Appréciation du Tribunal

24 Le Tribunal relève que la description du marché faite par la requérante ne contredit nullement celle de la Commission. En effet, la requérante établit une distinction entre panneaux standard, panneaux lettrés ou semi-standardisés, panneaux "Listenmatten" et panneaux sur devis, pour soutenir que les deux premiers types sont tout à fait proches l'un de l'autre et que les deux derniers types sont également proches l'un de l'autre, mais présentent néanmoins des différences essentielles par rapport aux deux premiers. Le Tribunal considère que la Décision ne dit pas autre chose lorsque, dans son point 3, elle expose que "ce sont surtout les panneaux standard et les panneaux lettrés qui sont largement interchangeables" et "qu'on peut parler de manière générale dans ce domaine d'un marché du treillis soudé à l'intérieur duquel il existe un sous-marché de treillis soudés sur devis".

25 En ce qui concerne les prix des panneaux standard et des panneaux sur devis auxquels se réfère la requérante, le Tribunal constate qu'ils ne sont pas très éloignés. Ce rapprochement des prix découle, à l'évidence, comme la requérante le reconnaît elle-même, de facteurs objectifs qui influencent les deux marchés de panneaux en cause, à savoir, le prix du fil machine, matière première de ces deux produits, et l'évolution de la demande sur le marché utilisateur, celui de la construction, reflétant la conjoncture générale.

26 Ces constatations établies, il y a lieu d'examiner une question qui leur est étroitement liée, celle de l'influence du prix des panneaux standard sur le prix des panneaux "Listenmatten" et des panneaux sur devis. En d'autres termes, il s'agit de savoir si une baisse du prix des panneaux standard peut rendre ceux-ci substituables aux panneaux "Listenmatten" et aux panneaux sur devis et peut entraîner un déplacement de la clientèle vers les panneaux standard. D'emblée, il y a lieu de rappeler que l'emploi de panneaux standard sur certains chantiers ou devraient être utilisés des panneaux "Listenmatten" ou des panneaux sur devis n'est possible que si la configuration de l'armature à mettre en place le permet et, en tout cas, à condition de prendre sur les chantiers des mesures d'adaptation qui ne présentent pas de gêne technique ni n'entraînent de coûts supplémentaires trop importants. A cet égard, il y a aussi lieu de constater que la requérante a admis que l'emploi de panneaux standard sur un chantier où des panneaux sur devis devraient normalement être utilisés est effectivement possible, lorsque le prix des panneaux standard est tellement bas qu'il assure au maître d'œuvre une économie significative, couvrant les suppléments de coût et compensant les inconvénients techniques liés au changement de matériel utilisé. En outre, il y a lieu de rappeler que, lors de l'audience, il est apparu que cette situation s'est produite pendant une partie de la période couverte par les ententes.

27 Au surplus, le Tribunal constate que certaines entreprises visées par la Décision, parmi lesquelles se trouve la requérante, ont la capacité de produire différents types de treillis soudés, ce qui permet d'en déduire raisonnablement qu'il existe dans l'industrie une certaine capacité d'adapter les outils de production afin de produire les différents types de treillis soudés.

28 En effet, la possibilité de produire différents types de treillis soudé et l'existence d'une influence réciproque sur les prix entre ces différents types sont attestées par plusieurs documents sur lesquels se base la Décision.A cet égard, il y a lieu de relever la lettre du 6 juin 1980 [annexe (ann) 55 à la communication des griefs (cg), point 79 de la Décision] de Tréfilunion à STA sur la réunion tenue, le 27 mai 1980, à Bruxelles, entre Thibodraad, l'Arbed, Van Merksteijn, Tréfilunion et TFE, selon laquelle "la firme Van Merksteijn, qui domine de très loin le marché des produits standard et qui ne fabrique que cette gamme de produits, souhaite manifestement maintenir des prix bas, afin de perpétuer dans ce créneau sa domination sur les importations et les autres producteurs locaux, dont M Bakker lui-même, qui paraît déjà avoir pratiquement abandonné le standard au profit du semi-standard et du devis, tout comme l'Arbed d'ailleurs" Par ailleurs, il ressort d'un télex de la requérante du 22 juin 1983 (ann 33 cg, point 55 de la Décision) que celle-ci a également inclus les treillis sur devis dans l'accord concernant le marché français pour la période 1983-1984. En outre, dans une lettre de Tréfilarbed France à Tréfilarbed Luxembourg du 4 novembre 1983 (ann 36 cg, point 59 de la Décision), on peut lire que "la position à tenir était celle exposée lors de notre réunion à Paris avec M Marie du 28031983, c'est-à-dire circonscrire les accords aux treillis standard et rationalisés représentant au moins 95 % du marché actuel". Il y a lieu également de souligner l'existence d'un rapport interne de Thibodraad, daté du 3 mars 1980, relatant une discussion qui avait eu lieu avec l'Arbed le 27 février 1980 (ann 83 cg, point 117 de la Décision), dans lequel il est indiqué qu'il serait préférable de travailler avec des prix de base et des prix maximaux concernant tous les types de panneaux Il convient encore de relever les termes d'un rapport de mission de Tréfilarbed du 7 mai 1980, relatif à une visite chez Van Merksteijn le 28 avril 1980 (ann 81 cg, point 114 de la Décision), selon lesquels, "étant donné que la production est orientée vers des panneaux standard et que la vente au commerce est étrangère à l'objet, il n'y a pas de concurrence directe entre Van Merksteijn et Thibo/Staalmat ou Tréfilarbed il n'empêche que le niveau des prix pratiqués par Van Merksteijn pour les panneaux standard a une certaine influence sur celui des panneaux lettrés". La possibilité, pour certains producteurs, d'opérer sur les prétendus différents marchés de treillis ressort également d'une note interne de Tréfilarbed du 18 décembre 1981, concernant une autre visite chez Van Merksteijn, le 1er décembre 1981 (ann 82 cg, point 116 de la Décision). Enfin, le Tribunal constate que les contrats de livraison du 24 novembre 1976 et du 22 mars 1982 conclus entre BStG, d'une part, et Bouwstaal Roermond BV et Arbed SA afdeling Nederland, d'autre part (ann 109 et 109 A cg), ont pour objet des panneaux standard et des panneaux non standard.

29 Au vu de tout ce qui précède, le Tribunal estime que l'analyse du marché du produit faite par la Commission n'est pas erronée et, partant, que le grief de la requérante doit être rejeté.

B - Sur le marché géographique

Arguments des parties

30 La requérante estime que c'est à juste titre que la Commission a pris en considération de manière séparée trois marchés nationaux: le marché français, le marché allemand et celui du Benelux. Ces trois marchés présenteraient des caractéristiques différentes tant du point de vue économique que de celui des contraintes administratives imposées par chaque État membre: ainsi, l'importation dans un État membre serait pratiquement impossible sans respect des normes en vigueur et sans homologation ou agrément, encore que, comme l'admet la requérante, il soit possible d'écouler les produits en cause sur deux marchés si les outils de production sont adaptés aux exigences de chacun de ces marchés. Toutefois, Tréfilarbed estime que le vrai marché du treillis soudé est un marché régional la zone naturelle de vente du treillis se situerait, en effet, dans un rayon de 150 km autour du point de production et pourrait se trouver elle-même divisée par une frontière La raison en serait que le coût du transport est exceptionnellement élevé par rapport au prix du produit. Cette circonstance aurait pour conséquence que la concurrence ne s'exercerait que dans la zone naturelle de vente et entre les producteurs dont les coûts de production, de transport et de commercialisation sont suffisamment proches pour permettre une certaine pénétration. La concurrence ne s'exercerait donc pas à l'échelle des marchés nationaux.

31 Partant, la requérante considère que c'est à tort que la Décision, dans son point 22, constate que "cet ensemble d'ententes a eu pour effet de réglementer dans une large mesure une partie substantielle du Marché commun". Selon la requérante, la régulation d'une partie substantielle du Marché commun qu'imagine la Commission s'est réduite, en pratique, à des dispositifs de protection accessoires concernant la pénétration dans les zones frontalières et le prétendu cloisonnement d'une partie substantielle du Marché commun n'a concerné que les volumes produits à distance économique de la frontière La requérante affirme qu'elle s'est efforcée de rester en dehors des ententes nationales de manière à garder sa liberté, étant donné que ses usines étaient situées en zone frontalière et que sa zone de vente s'étendait sur les régions frontalières de divers États membres. Elle ajoute que l'aspect transfrontalier de ces ententes n'avait pour objet et pour effet qu'une protection de chacun des systèmes nationaux dans les régions frontalières.

32 La Commission est d'accord avec l'affirmation de la requérante selon laquelle le marché du treillis soudé est essentiellement régional et transfrontalier, plutôt que national Cependant et en opposition avec la requérante, elle en conclut que, à l'évidence, le commerce entre États membres était susceptible d'être affecté par les ententes pratiquées sur ce marché et que l'article 85 du traité leur était donc applicable.

33 En ce qui concerne les développements de la requérante sur l'aspect transfrontalier des ententes nationales, la Commission constate que Tréfilarbed explique tout simplement que les ententes auxquelles elle a participé avaient pour objet et pour effet d'entraver l'interpénétration économique voulue par le traité. Elle ajoute que, à partir du moment où Tréfilarbed était réellement présente sur les marchés français, allemand et du Benelux, et où elle s'est jointe à des ententes sur ces marchés, elle a réellement été partie à des ententes faussant la concurrence dans le Marché commun et affectant le commerce entre États membres. La Commission ajoute que les dispositifs de protection concernant la pénétration dans les zones frontalières n'avaient rien d'accessoire, mais qu'ils étaient justement la raison d'être des ententes en cause.

34 En ce qui concerne les différentes normes d'homologation auxquelles la requérante a fait référence, la Commission fait observer que ces normes ne sont pas des spécifications obligatoires - hormis les cas particuliers d'homologation pour les marchés publics - et qu'il ne s'agit pas d'une barrière infranchissable, comme en témoignent les ententes en cause d'ailleurs, l'évolution du commerce intra-communautaire de treillis soudés serait passée, entre 1980 et 1985, de 8,5 % à 15 % de la production. La Commission relève que l'existence d'une telle barrière aux échanges, qui doit être tolérée dans l'attente de l'élaboration d'une norme communautaire, conduit à exiger des entreprises qu'elles ne restreignent pas la concurrence effective qui demeure (arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec p. 3125, points 133 et 134).

Appréciation du Tribunal

35 Le Tribunal constate liminairement que la thèse de la requérante ne contredit nullement celle de la Commission. En effet, dans son point 5, la Décision expose que le commerce intra-communautaire de treillis soudés est particulièrement intense dans les régions frontalières et que les frais de transport sont élevés, bien que, lorsque le prix du produit est relativement élevé sur le marché concerné, les frais de transport ne représentent pas un obstacle insurmontable.

36 En premier lieu, il convient de relever que ce n'est pas à tort que la Commission a constaté, au point 22 de la Décision, qu'une partie substantielle du Marché commun a été réglementée par les différentes ententes. Le fait que la concurrence pour le produit en cause s'exerce essentiellement, comme s'accordent à le reconnaître les parties, dans les différentes zones frontalières implique nécessairement que le marché national est affecté dans la zone naturelle de vente et le fait que cette zone n'occupe qu'une partie géographique du territoire d'un État membre n'exclut pas que le marché national, dans son ensemble, soit affecté. De même, la présence d'un élément transfrontalier dans les ententes, se traduisant par une protection des zones frontalières, ne peut pas être considérée comme un élément accessoire, mais, ainsi que la Commission l'a souligné à juste titre, comme la raison d'être des ententes en cause. Le Tribunal constate que la requérante elle-même reconnaît que l'aspect transfrontalier des ententes avait pour objet et pour effet une protection de systèmes nationaux. Il en découle que les diverses ententes ont bien affecté le commerce intra-communautaire.

37 En second lieu, il convient de souligner que la requérante admet, dans sa requête, que les différents marchés nationaux peuvent être alimentés par des producteurs communautaires ayant adapté leurs outils de production aux normes en cause et qu'elle ne conteste pas que l'homologation n'est nécessaire que pour les marchés publics.

38 Au vu de tout ce qui précède, le Tribunal estime que l'analyse du marché géographique faite par la Commission n'est pas erronée et, par conséquent, que le grief de la requérante doit être rejeté.

II - Sur l'établissement des ententes

A - Sur le marché français

1 Pour la période 1981-1982

Acte attaqué

39 La Décision (points 23 à 50 et point 159) fait grief à la requérante d'avoir participé, entre avril 1981 et mars 1982, à une première série d'ententes sur le marché français. Ces ententes auraient impliqué, d'une part, les producteurs français (Tréfilunion, STPS, SMN, CCG et Sotralentz) et, d'autre part, les producteurs étrangers opérant sur le marché français (ILRO, Ferriere Nord, Martinelli, Boël/Trébos, TFE, FBC et Tréfilarbed). Elles auraient eu pour objet de définir des prix et des quotas, en vue de limiter les importations des treillis soudés en France.

Arguments des parties

40 La requérante reconnaît avoir participé aux réunions des ententes et avoir eu des conversations au sujet des quotas, mais nie avoir participé à un accord et s'y être tenue. Elle soutient que c'est à tort que la Commission infère sa participation aux ententes de sa participation aux réunions.

41 Elle fait valoir, en premier lieu, que, si elle a participé aux réunions, c'est parce qu'elle y était contrainte pour éviter des réactions négatives, puisque les producteurs français exerçaient sur elle des pressions considérables.

42 En deuxième lieu, la requérante expose que l'avis de la Commission française de la concurrence du 20 juin 1985, relatif à la situation de la concurrence sur le marché des treillis soudés en France, ainsi que la décision du 3 septembre 1985 des autorités françaises prise sur la base de cet avis portaient sur des ententes couvrant les périodes 1981-1982 et 1983-1984, mais que aucune infraction n'a été retenue à charge de Tréfilarbed pendant la période 1981-1982.

43 En troisième lieu, elle estime que l'article 85, paragraphe 1, du traité, ne s'applique pas aux négociations entre entreprises, même si elles ont une intention infractionnelle, si elles n'ont pas débouché sur un accord.

44 En quatrième lieu, la requérante conteste l'interprétation et les conclusions que la Commission tire des divers documents qui constitueraient la preuve de sa prétendue participation aux accords.

45 En ce qui concerne la réunion avec Tréfilunion du 20 octobre 1981 (note de Tréfilunion du 23 octobre 1981, ann 1 cg, point 46 de la Décision), la requérante reconnaît que, au cours de ladite réunion, Tréfilunion lui a proposé un quota de 1 300 tonnes/mois, mais affirme qu'elle ne l'a pas accepté, en faisant valoir que sa part de marché réelle en France était supérieure. La requérante ajoute que ce document démontre qu'elle n'était pas au courant du quota de FBC, ce qui n'aurait pas été le cas si elle avait été partie à l'entente.

46 S'agissant de la réunion du 21 avril 1982 avec tous les producteurs français (sauf Sotralentz) (ann 24 cg, point 45 de la Décision), la requérante admet y avoir participé, mais affirme que la seule décision à laquelle elle a souscrit concernait le montant des rabais sur les seuls mois de mai et de juin 1982. Les termes du compte rendu de cette réunion démontreraient qu'à cette date elle n'était liée par aucun quota il en ressortirait, en effet, que, suite à une demande de Tréfilunion de reconduire les accords de l'année précédente, elle a répondu qu'il n'était pas nécessaire d'adopter un accord sur les quotas.

47 Se référant à son télex du 25 mai 1983, adressé à M Chopin de Janvry, représentant de Sacilor (ann 31 cg, point 55 de la Décision), la requérante explique que les termes qui y sont employés, "déjà à l'époque, on nous a forcé la main pour accepter un accord", ne démontrent pas l'acceptation d'un quelconque accord, mais indiquent plutôt un but.

48 La requérante estime que le tableau figurant à l'annexe 6 à la communication des griefs (point 29 de la Décision) fait apparaître une augmentation des exportations (24,28 à 26,95 %) sur le marché français de 1980 à 1981, ce qui contredirait l'affirmation de la Commission selon laquelle les importations en France auraient été contingentées. Pour la requérante, le pourcentage de 7,4 %, qui résulte de la comparaison des deux dernières colonnes dudit tableau, ne constitue pas un quota qui lui a été attribué, mais seulement une estimation de sa position sur le marché en cause. La requérante produit un tableau, indiquant ses chiffres d'expédition, pour démontrer qu'elle n'a pas accepté ni respecté un quelconque quota.

49 Enfin, la requérante relève que la Commission n'a pas établi l'existence d'un lien entre les hausses de prix et les prétendues ententes et affirme que si les importations en France ont augmenté, c'est parce que les importateurs et, en particulier, Tréfilarbed ont pratiqué des prix compétitifs pour accroître leur part de marché.

50 La Commission relève que la requérante a reconnu sa participation aux réunions dans le cadre des ententes et qu'elle ne conteste pas l'objet anticoncurrentiel de celles-ci. Le fait que cette participation aurait eu pour but des échanges de vues quant aux répartitions idéales des produits n'ôterait pas à cette participation son caractère d'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, puisqu'une telle participation serait par elle-même contraire à cette disposition.

51 Elle ajoute que les documents mentionnés dans la Décision suffisent à établir que la requérante a pris une part active aux ententes. Le fait que la requérante n'ait pas respecté les prix et les quotas n'altérerait pas l'existence de l'infraction.

52 La Commission fait observer qu'elle n'est aucunement liée par les conclusions des autorités françaises (arrêt de la Cour du 28 mars 1985, CICCE/Commission, 298-83, Rec. p. 1105, point 27) et qu'elle a pu obtenir certaines preuves qui n'étaient pas en possession de celles-ci (notamment ann 1 et 24 cg).

Appréciation du Tribunal

53 Le Tribunal constate que la requérante admet sa participation aux réunions, mais qu'elle nie avoir souscrit à des accords de prix et de quotas. Il convient cependant de relever que la requérante ne conteste pas que les réunions auxquelles elle a participé avaient pour objet de fixer des prix et des quotas. Il faut donc examiner si c'est à bon droit que la Commission a inféré de la participation de la requérante à ces réunions sa participation aux ententes.

54 Le Tribunal considère que les documents avancés par la Commission permettent d'établir que la requérante a participé aux ententes sur le marché français en 1981 et en 1982. En effet, il ressort de la note de Tréfilunion du 23 octobre 1981 (ann 1 cg, point 46 de la Décision) que la requérante a participé à une réunion qui s'est tenue à Paris le 20 octobre 1981, avec Tréfilunion. Lors de cette réunion, Tréfilarbed ne s'est pas montrée opposée au principe d'une répartition des marchés et ne s'est pas exprimée non plus comme un opérateur qui n'aurait pas participé à l'accord en cours En effet, elle s'est référée explicitement aux "derniers arrangements" avec les producteurs italiens et belges pour estimer que leur part était "trop belle" par rapport à celle de Tréfilarbed. Il ressort de cette note que le représentant de la requérante a ensuite évoqué la part de Tréfilarbed. La note fait aussi état d'un quota de 1 300 tonnes pour la requérante: "Tréfilunion dit que Tréfilarbed doit livrer mensuellement environ 500 tonnes à Woippy et Strasbourg ce qui laisserait quelques 800 tonnes pour les autres clients".

55 Une autre note datée du 23 avril 1982 de Tréfilarbed, concernant la réunion qui s'est tenue avec les producteurs français le 21 avril 1982, montre qu'un des objectifs était la "reconduction des accords de l'an dernier", sans qu'il apparaisse qu'une distinction ait été faite entre les anciens participants à ces accords et d'éventuels nouveaux, dont Tréfilarbed, qui auraient été invités à s'y joindre pour l'avenir. S'il est vrai que Tréfilarbed a manifesté une préférence, pour l'avenir, en faveur de la fixation d'un tonnage en valeur absolue par rapport à l'octroi de quotas, cet élément ne contredit pas l'existence d'une entente pendant la période précédente, d'une part, parce qu'il s'agit d'une déclaration concernant l'avenir et, d'autre part, parce que, en tout état de cause, elle s'inscrit dans le cadre d'une entente de répartition de marché ayant pour objet une limitation quantitative.

56 La participation de la requérante aux ententes est corroborée par le télex du 25 mai 1983, émanant de Tréfilarbed et adressé à Sacilor, dans lequel le représentant de la requérante souligne que "déjà à l'époque, on nous a forcé la main pour accepter un accord qui ne nous convenait pas" et se plaint de ce que Tréfilarbed ne disposait que "d'un quota de 6,3 % pour St Ingbert et de 0,75 % pour Gand" pour avoir accepté les limitations que les producteurs français avaient imposées aux producteurs italiens et à elle-même.

57 Quant à l'argument de la requérante concernant l'augmentation des exportations, il y a lieu de rappeler qu'il résulte d'une jurisprudence constante que la circonstance qu'un accord favorise une augmentation, même considérable, du volume du commerce entre États membres ne suffit pas à exclure que cet accord puisse affecter ce commerce dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d'un marché unique entre lesdits États(arrêt de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56-64 et 58-64, Rec. p. 429, 495).

58 Le Tribunal estime que la requérante ne peut se prévaloir du fait qu'elle aurait participé aux réunions sous la contrainte. En effet, la requérante aurait pu dénoncer les pressions dont elle faisait l'objet aux autorités compétentes et introduire auprès de la Commission une plainte en application de l'article 3 du règlement n°17, plutôt que de participer auxdites réunions (voir l'arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Hüls/Commission, T-9-89, Rec.p. II-499, point 128).

59 S'agissant de l'avis de la Commission française de la concurrence, le Tribunal ne saurait retenir l'argument de la requérante En premier lieu, comme l'a souligné la Commission à juste titre, elle pouvait arriver à ses propres conclusions, en fonction des preuves dont elle disposait, qui n'étaient pas nécessairement les mêmes que celles dont disposait la Commission française de la concurrence en second lieu, la Commission ne saurait être liée par les conclusions des autorités nationales.

60 Enfin, le Tribunal relève que le fait que la requérante n'ait pas respecté les prix et les quotas n'est pas de nature à la disculper. En effet, il résulte de la jurisprudence de la Cour que la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue "dès lors qu'il apparaît qu'il a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun" (arrêt de la Cour du 11 janvier 1990, Sandoz Prodotti Farmaceutici/Commission, (C-277-87, Rec p I-45, point 15).

61 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission a établi, à suffisance de droit, la participation de la requérante aux ententes qui avaient pour objet de définir des prix et des quotas sur le marché français pendant la période d'avril 1981 à mars 1982.

62 Il s'ensuit que le grief de la requérante doit être rejeté.

2 Pour la période 1983-1984

Acte attaqué

63 La Décision (points 51 à 76 et 160) fait grief à la requérante d'avoir participé à une seconde série d'ententes impliquant, d'une part, les producteurs français (Tréfilunion, STPS, SMN, CCG et Sotralentz) et, d'autre part, les producteurs étrangers opérant sur le marché français (ILRO, Ferriere Nord, Martinelli, Boël/Trébos, TFE, FBC - FBC commercialisant la production de TFE - et Tréfilarbed). Ces ententes auraient eu pour objet de définir des prix et des quotas, en vue de limiter les importations de treillis soudés en France. Cette série d'ententes aurait été mise en œuvre entre le début de l'année 1983 et la fin de l'année 1984 et aurait été formalisée par l'adoption, en octobre 1983, d'un "protocole d'accord" conclu pour la période du 1er juillet 1983 au 31 décembre 1984. Ce protocole regrouperait les résultats des différentes négociations entres les producteurs français, italiens, belges et l'Arbed concernant les quotas et les prix à appliquer sur le marché français et fixerait les quotas de la Belgique, de l'Italie et de l'Allemagne à 13,95 % de la consommation sur le marché français "dans le cadre d'une convention établie entre ces producteurs et la profession française".

Arguments des parties

64 La requérante reconnaît avoir participé à ces ententes. Néanmoins, elle fait valoir qu'elle a opposé une forte résistance et qu'elle n'a adhéré que sous la contrainte, pour éviter des représailles.

65 Au surplus, la requérante fait observer qu'elle n'a pas respecté les accords et qu'elle a toujours effectué des livraisons au-dessus de son quota.

66 Quant aux prix, la requérante souligne que, s'il est vrai qu'il est fait mention, dans le protocole d'accord, de "directive de prix", la Décision n'établit néanmoins en aucune manière que de telles directives aient été émises, ni qu'elles aient été respectées.

67 Quant à la durée de l'infraction, la requérante conteste l'affirmation, faite au point 76 de la Décision, selon laquelle elle n'aurait pas respecté les ententes après le mois de juin 1984. Elle soutient qu'elle a dépassé les quotas qui lui avaient été attribués dès le milieu de l'année 1983. A l'appui de son affirmation, la requérante produit un tableau, indiquant ses chiffres d'importation en France de juillet 1983 à mars 1984, lesquels montreraient qu'elle aurait livré des quantités équivalentes à 8,33 %, dépassant ainsi son quota de 7,55 %.

68 La Commission relève que la requérante a reconnu sa participation aux ententes. Elle fait valoir que si Tréfilarbed a opposé une forte résistance quant au niveau de quotas qui lui était proposé, elle ne s'est pas opposée au principe d'une répartition de marché. Au contraire, en donnant son accord aux conditions de l'entente, le représentant de la requérante, M Buck, avait relevé que "l'accord est, à mon avis, insuffisamment sévère en ce sens qu'aucune pénalité ni aucune garantie n'est prévue" (ann 33 cg, point 55 de la Décision).

69 En ce qui concerne les prix, la Commission rappelle que le protocole d'accord comportait une clause aux termes de laquelle les participants s'engageaient à respecter les directives de prix fixées par le secrétariat.

Appréciation du Tribunal

70 Le Tribunal constate que la requérante a reconnu avoir participé aux ententes sur le marché français au cours de la période 1983-1984 et qu'elle ne conteste pas l'objet de celles-ci, à savoir, fixer des prix et des quotas.

71 Le Tribunal estime que, pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus au point 58, la requérante ne peut se prévaloir du fait qu'elle aurait participé aux ententes sous la contrainte. En outre, le Tribunal estime que le libellé du télex que le représentant de la requérante a adressé à Tréfilunion, comportant les termes "l'accord est, à mon avis, insuffisamment sévère en ce sens qu'aucune pénalité ni aucune garantie n'est prévue", tend à infirmer l'argumentation de la requérante à cet égard.

72 Enfin, le Tribunal relève que, pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus au point 60, le fait que la requérante n'ait pas respecté les prix et les quotas n'est pas de nature à la disculper.

73 Concernant la durée de la participation de la requérante aux ententes, il y a lieu de relever le manque de clarté des chiffres relatifs aux quantités que la requérante soutient avoir livrées en France de juillet 1983 à mars 1984: 12 373 tonnes selon la requête, 900 tonnes selon la réplique. En tout état de cause et en admettant que les chiffres réels sont ceux de la requête, à savoir 12 373 tonnes, il suffit de constater que la requérante ne fournit aucune preuve pour étayer ses affirmations et que le pourcentage de 8,33 % allégué par Tréfilarbed n'est pas très éloigné de celui de 7,71 % mentionné au point 65 de la Décision.

74 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi, à suffisance de droit, la participation de la requérante aux ententes sur le marché français pendant la période 1983-1984, ententes qui avaient pour objet de définir des prix et des quotas en vue de limiter les importations de treillis soudés en France.

75 Il y a donc lieu de rejeter le grief de la requérante.

B - Sur le marché du Benelux

76 La Décision fait grief à la requérante d'avoir participé à des ententes concernant le marché du Benelux et comportant notamment, d'une part, des ententes sur les quotas et, d'autre part, des ententes sur les prix.

1 Les ententes sur les quotas

77 La Décision [point 78, sous b), et 171] fait grief à la requérante d'avoir participé à des ententes entre les producteurs allemands, d'une part, et les producteurs du Benelux ("club de Breda"), d'autre part, consistant en l'application de restrictions quantitatives aux exportations allemandes vers la Belgique et les Pays-Bas ainsi qu'en la communication des chiffres d'exportation de certains producteurs allemands au groupe belgo-néerlandais.

78 Le Tribunal constate que la requérante ne conteste aucunement sa participation aux ententes sur les restrictions quantitatives aux exportations allemandes vers le Benelux ainsi que sur la communication des chiffres d'exportation.

2 Les ententes sur les prix

Acte attaqué

79 La Décision [points 78, sous a) et b), 163 et 168] fait grief à la requérante d'avoir participé à des ententes sur les prix entre les principaux producteurs vendant sur le marché du Benelux, y compris les producteurs "non Benelux", et à des ententes entre les producteurs allemands qui exportent vers le Benelux et les autres producteurs vendant dans le Benelux sur le respect de prix fixés pour le marché du Benelux. Selon la Décision, ces ententes ont été arrêtées lors des réunions qui ont eu lieu à Breda et à Bunnik (Pays-Bas) entre août 1982 et novembre 1985, réunions auxquelles ont participé (point 168 de la Décision) au moins Thibodraad, Tréfilarbed, Boël/Trébos, FBC, Van Merksteijn, ZND, Tréfilunion et, parmi les producteurs allemands, au moins BStG. La Décision se base sur de nombreux télex envoyés à Tréfilunion par son agent pour le Benelux Ces télex contiennent des données précises sur chaque réunion [date, lieu, participants, absents, objet (discussion de la situation du marché, propositions et décisions concernant les prix), fixation de la date et du lieu de la prochaine réunion].

Arguments des parties

80 La requérante admet avoir participé à toutes les réunions relatives au marché du Benelux pendant lesquelles ont été échangées des informations concernant la situation et les perspectives de ce marché et sont intervenus des accords sur les prix des panneaux standard et lettrés. Elle soutient cependant qu'elle n'y a assisté que pour s'informer des conditions du marché, qu'elle a joué un rôle purement passif, qu'elle ne s'est jamais engagée vis-à-vis des autres participants et qu'elle n'avait aucun intérêt aux accords parce qu'elle ne vendait que des panneaux sur devis qui ne sont pas, selon elle, en concurrence directe avec les panneaux standard et lettrés. Toutefois, la requérante reconnaît qu'elle a livré une quantité résiduelle de panneaux standard ou lettrés, mais à un prix nettement plus élevé que ceux fixés lors des réunions, puisque la fabrication de panneaux standard sur des machines destinées à fabriquer des panneaux sur devis - les seules dont Tréfilarbed disposait à Gand et à Roermond - comportait un surcoût significatif.

81 La Commission se demande pourquoi la requérante aurait eu intérêt à participer aux réunions pendant plusieurs années et pourquoi elle aurait assumé le 31 août 1984 la présidence du groupe si elle n'était pas concernée par les accords. Au surplus, la Commission fait valoir que le niveau des prix des panneaux standard influence le niveau des prix des panneaux sur devis, si bien que les producteurs de ces derniers ont un intérêt immédiat à participer à la fixation des prix des panneaux standard afin que ceux-ci soient les moins bas possibles. La Commission souligne que c'est la requérante elle-même qui a déclaré que ce n'est que dans des circonstances totalement anormales - telles qu'une chute radicale du prix des treillis standard - qu'un utilisateur renoncerait à commander des panneaux sur devis au profit de panneaux standard.

Appréciation du Tribunal

82 A titre liminaire, le Tribunal rappelle que les arguments de la requérante concernant l'analyse prétendument erronée du marché en cause par la Commission ont déjà été rejetés ci-dessus.

83 Le Tribunal constate que la requérante admet sa participation aux réunions, mais qu'elle nie avoir souscrit à des accords de prix. Il convient cependant de relever que la requérante ne conteste pas que les réunions auxquelles elle a participé avaient pour objet de fixer des prix. Il faut donc examiner si c'est à bon droit que la Commission a inféré de la participation de la requérante à ces réunions sa participation aux ententes.

84 Le Tribunal constate que, contrairement à ce qu'elle affirme, la requérante ne s'est pas bornée au cours des réunions à récolter des informations sur le marché, mais qu'elle y a pris une part active. A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante a toujours été considérée comme une participante habituelle aux réunions. La requérante a aussi été perçue par ses partenaires comme une entreprise dont l'opinion devait être connue afin d'établir une position commune Cette approche ressort notamment de la lettre de Thibodraad à Tréfilarbed du 16 décembre 1983 [ann 65 (a), cg, point 93 de la Décision], en annexe à laquelle lui a été transmis le télex de M Mueller, gérant de BStG, du 15 décembre 1983. Enfin, il y a lieu de souligner qu'il ressort du télex du 31 août 1984 (ann 74 cg) de Tréfilunion que la requérante a pris la présidence des réunions de Breda et de Bunnik le 24 août 1984, à la suite du départ du représentant de Thibodraad, qui exerçait ladite présidence.

85 En tout état de cause, à supposer même que la requérante n'ait pas pris, du moins en partie, une part active aux réunions, le Tribunal considère que, eu égard au caractère manifestement anticoncurrentiel de l'objet de celles-ci, démontré par les nombreux télex de M. Peters à Tréfilunion mentionnés par la Décision, la requérante, en y participant sans se distancier publiquement de leur contenu, a donné à penser aux autres participants qu'elle souscrivait au résultat des réunions et qu'elle s'y conformerait (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7-89, Rec. p. II-1711, point 232, et du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12-89, Rec. p. II-907, points 98 à 100).

86 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit la participation de la requérante aux ententes sur le marché du Benelux pendant la période d'août 1982 à novembre 1985 et qui ont porté sur les prix.

87 Le grief de la requérante doit donc être rejeté.

3 Gentlemen's agreement entre Tréfilarbed et Thibodraad, d'une part, et Van Merksteijn, d'autre part

Acte attaqué

88 La Décision (points 114 à 116 et 172) fait grief à la requérante d'avoir participé à un "gentlemen's agreement" en vertu duquel Van Merksteijn, d'une part, ne produisait pas de panneaux lettrés et Tréfilarbed, à Gand et à Roermond, et Thibodraad, d'autre part, ne produisaient pas de panneaux standard. Selon la Décision, cet accord doit être considéré comme une restriction de la concurrence entre les participants, qui était susceptible d'affecter le commerce entre États membres puisque chacune des parties renonçait à fabriquer et à vendre par son propre réseau de vente le produit concédé à l'autre partie, le réseau de distribution de chaque partie s'étendant sur plusieurs États membres et n'étant pas identique à celui de l'autre. Cette entente existait déjà avant le 1er décembre 1981, ou a existé au plus tard à partir de cette date, et a duré au moins jusqu'au début des vérifications de la Commission (6 et 7 novembre 1985) La Décision (point 191) constate que le "gentlemen's agreement" ne peut être considéré comme un accord ou une pratique concertée en matière de spécialisation susceptible d'être exempté, étant donné que le chiffre d'affaires total des entreprises participantes, y compris les chiffres d'affaires consolidés de l'Arbed et de Hoogovens [voir l'article 4 du règlement (CEE) n°2779-72 de la Commission, du 21 décembre 1972, l'article 4, paragraphe 3, et l'article 5 du règlement (CEE) n°3604-82 de la Commission, du 23 décembre 1982, et les articles 6 et 7 du règlement (CEE) n°417-85 de la Commission, du 19 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords de spécialisation (respectivement JO L. 292, p. 23, JO L. 376, p. 33, et JO 1985, L. 53, p. 1)], dépasse le plafond de 150, 300 et 500 millions d'écus fixé à l'article 3 du règlement applicable pendant la durée de l'accord considéré.

Arguments des parties

89 La requérante reconnaît l'existence de discussions entre les représentants des trois entreprises, mais soutient que celles-là n'ont consisté qu'en un simple échange d'informations et d'opinions n'entraînant, pour chacune des parties, aucune obligation. Elle ajoute que les parties se sont limitées à prendre acte de leurs capacités de production respectives et à manifester leur intention de continuer la même politique de production.

90 Elle estime que la Commission n'a apporté aucune preuve ni indice de ce que les parties aux discussions se seraient, à la suite de ces dernières, engagées dans une pratique concertée ayant pour objet de limiter leurs investissements respectifs dans la création de nouvelles capacités pour la production des produits fabriqués par les autres partenaires.

91 La requérante conteste la non-application par la Commission des règlements n°s 3604-82 et 417-85 du fait que le chiffre d'affaires total des entreprises participantes, y compris les chiffres d'affaires consolidés de l'Arbed et de Hoogovens, aurait dépassé le plafond de 150, 300 et 500 millions d'écus. Il s'agit, selon la requérante, d'une raison bien formelle car, dès lors que de grands groupes de la sidérurgie sont en cause, les plafonds des chiffres d'affaires sont presque nécessairement dépassés, alors que l'accord sous examen peut répondre à un véritable besoin et à une vraie rationalité économique.

92 La Commission considère que la requérante n'avance aucun argument pour étayer son affirmation de ce que le "gentleman's agreement" ne constituait pas un véritable accord.

93 La Commission relève que, en tout état de cause, la description que la requérante fait de sa rencontre avec Van Merksteijn révèle l'existence d'une pratique concertée, au sens de l'arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, (40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, points 173 à 175), ne lui permettant pas d'échapper à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

94 En outre, la Commission fait observer que le respect des plafonds prévus dans les règlements d'exemption par catégories s'impose non pas pour des raisons formelles, mais en vertu d'une disposition impérative, motivée par la nécessité d'assurer que la concurrence n'est pas éliminée pour une partie substantielle des produits en cause (sixième considérant des règlements n°s 2779-72, 3604-82 et 417-85). Néanmoins, la Commission rappelle que les entreprises concernées auraient pu lui notifier leurs accords de spécialisation, en vue de demander une exemption individuelle sur la base de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

Appréciation du Tribunal

95 Le Tribunal rappelle qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (voir les arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, Chemiefarma/Commission, 41-69, Rec. p. 661, point 112, et du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, précité, point 86).

96 Le Tribunal estime que la Commission a pu, à bon droit, considérer le "gentlemen's agreement" comme représentant la fidèle expression de la volonté commune des membres de l'entente sur leur comportement dans le Marché commun et, de ce fait, comme constituant un accord visé à l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir arrêt Chemiefarma, précité, point 112).A cet égard, le Tribunal relève que le libellé de la note de la requérante du 18 décembre 1981, concernant la visite chez Van Merksteijn, ZND et Thibodraad le 1er décembre 1981 (ann 82 cg, point 116 de la Décision), ne laisse aucun doute quant à l'existence de l'accord. En effet, la note expose que "notre gentlemen's agreement, selon lequel Merksteijn ne produit pas de panneaux lettrés et Tréfilarbed (à Gand et à Roermond) ne produit pas de panneaux standard, a été confirmé", que "Van Merksteijn a cru nécessaire de nous avertir de ce que TM (Thy Marcinelle) est sur le point de se lancer également sur le marché des panneaux lettrés". En outre, la requérante s'y déclare à son tour d'accord "pour peser sur Thibodraad afin qu'elle n'entre pas sur le marché des panneaux standard" et, enfin, fait état de ce que "Thibodraad a une nouvelle fois été encouragée à respecter elle aussi scrupuleusement notre gentlemen's agreement avec la société Van Merksteijn". Le Tribunal estime que, face à ces éléments de preuve, qui émanent de la requérante elle-même, les arguments qu'elle a développés dans ses mémoires manquent en fait.

97 Il s'ensuit que la Commission a établi à suffisance de droit l'existence d'un accord entre Tréfilarbed et Thibodraad, d'une part, et Van Merksteijn, d'autre part, en vertu duquel Van Merksteijn ne produisait pas de panneaux lettrés, tandis que Tréfilarbed (à Gand et à Roermond) et Thibodraad ne produisaient pas de panneaux standard. Cet accord constitue, par sa gravité intrinsèque et son caractère patent, une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, et en particulier à son point c), et, par conséquent, était susceptible d'affecter le commerce entre États membres et de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun.

98 En ce qui concerne le respect des plafonds des chiffres d'affaires prévus par les règlements d'exemption par catégorie précités, le Tribunal relève, à titre surabondant, que, comme la Commission l'a fait valoir à juste titre, l'existence de ces plafonds dans les règlements concernés constitue une disposition impérative motivée par la nécessité d'assurer que la concurrence ne soit pas éliminée pour une partie substantielle des produits en cause. Au surplus, il y a lieu de constater que la requérante n'a demandé à la Commission aucune décision d'application individuelle de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

99 Dès lors il y a lieu de rejeter le grief de la requérante.

4 Contacts et ententes bilatéraux entre Tréfilarbed et Thibodraad

100 La Décision (points 117 à 124 et 173) fait grief à la requérante d'avoir participé à une entente avec Thibodraad sur les prix des panneaux lettrés au moins depuis le 1er janvier 1982 et à une entente sur les prix des treillis sur devis au moins depuis le 1er octobre 1983. Selon la Décision, l'entente bilatérale sur les prix des panneaux lettrés a été remplacée par des ententes globales sur les prix à Breda et à Bunnik et celle sur les prix des treillis sur devis a été maintenue jusqu'à fin 1984. La Décision précise que ces ententes avaient pour objet ou ont eu pour effet d'éliminer ou de restreindre considérablement la concurrence entre les participants et étaient aussi susceptibles d'affecter le commerce entre États membres, étant donné que les deux entreprises réalisaient des volumes d'exportation considérables et qu'en plus Tréfilarbed était établi dans plusieurs États membres.

101 Le Tribunal constate que la requérante ne conteste aucunement sa participation aux ententes bilatérales précitées.

C - Sur le marché allemand

102 La Décision (points 147 et 182) fait grief à la requérante d'avoir participé à des ententes sur le marché allemand ayant pour objet, d'une part, de réguler les exportations des producteurs du Benelux vers l'Allemagne et, d'autre part, de respecter les prix en vigueur sur le marché allemand. Selon la Décision, à ces ententes auraient participé la requérante, BStG, Boël/Trébos, TFE/FBC et Thibodraad.

1 Les contrats de distribution exclusive entre, d'une part, BStG et, d'autre part, Bouwstaal Roermond BV et Arbed SA afdeling Nederland

a) Acte attaqué

103 Selon la Décision (point 148), le souci de BStG d'arriver à une réduction ou régulation des exportations étrangères vers l'Allemagne trouve son expression, en ce qui concerne les Pays-Bas, dans les deux contrats de livraison du 24 novembre 1976 (ann 109 cg) et du 22 mars 1982 (ann 109 A cg), entre BStG, d'une part, et Bouwstaal Roermond BV (ultérieurement Tréfilarbed Bouwstaal Roermond) et Arbed SA afdeling Nederland, d'autre part. Le dernier contrat était accompagné en annexe d'une note signée portant la même date et dans laquelle Arbed SA afdeling Nederland s'engageait, pendant la durée du contrat, à n'effectuer ni directement ni indirectement des livraisons en Allemagne. Dans ces contrats, BStG prenait en charge la vente exclusive en Allemagne, à un prix à fixer selon des critères déterminés, d'un volume annuel déterminé de treillis soudé provenant de l'usine de Roermond Bouwstaal. Roermond BV et Arbed SA afdeling Nederland s'engageaient, pendant la durée de ces contrats, à n'effectuer ni directement ni indirectement des livraisons en Allemagne.

104 La Décision (point 189) constate que ces accords de distribution exclusive ne remplissaient pas les conditions exigées par le règlement n° 67-67-CEE de la Commission, du 22 mars 1967, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords d'exclusivité (JO 1967, 57, p. 849, ci-après "règlement n°67-67"), du moins depuis l'existence des ententes sur les échanges d'interpénétration entre l'Allemagne et le Benelux. Depuis cette date, ces accords devraient être considérés comme faisant partie intégrante d'une entente globale sur la répartition des marchés à laquelle participaient plus de deux entreprises et, partant, le règlement n°67-67 ne leur serait pas applicable (article 1er en liaison avec l'article 8 du règlement n°67-67).

105 Selon la Décision (point 178), ces accords de distribution exclusive constituaient une restriction de la concurrence entre deux entreprises (concurrentes) établies dans deux États membres, qui était susceptible d'affecter le commerce entre États membres. La Commission ne saurait accepter l'argument avancé par BStG et Tréfilarbed, selon lequel il se serait agi d'une affaire purement interne au groupe du fait que l'Arbed détenait dans BStG une participation de 25,001 %. Compte tenu de l'existence de participations plus élevées d'autres associés (Thyssen 34 % et Kloeckner 33,5 %), une simple participation de 25,001 % ne saurait être considérée comme constitutive d'un lien de société-mère à filiale, qui ferait qu'une entente restreignant la concurrence entre ces deux entreprises ne relèverait pas de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

106 Le Tribunal constate que la requérante conteste, d'une part, le refus de la Commission de faire application du règlement n°67-67 aux contrats en cause et, d'autre part, son refus de considérer lesdits contrats comme un accord interne au groupe auquel appartenaient les entreprises concernées. Il y a lieu d'examiner séparément ces deux branches.

b) Sur l'application du règlement n°67-67

Arguments des parties

107 La requérante fait valoir qu'avant 1972 BStG était une société qui commercialisait la production de ses associés, parmi lesquels l'Arbed En 1972 et suite à des suggestions du Bundeskartellamt, BStG serait devenue elle-même producteur et aurait acheté certaines des machines qui se trouvaient dans les usines appartenant à ses associés, y compris dans l'usine de Cologne (Allemagne) de Felten & Guillaume, propriété de l'Arbed, laquelle a été fermée en 1976, et des machines appartenant à BStG auraient été transférées à l'usine de Roermond, également propriété de l'Arbed. A partir de ce moment, et sur la base de contrats de production, les associés, y compris l'Arbed, auraient produit pour le compte de BStG, sur les machines qui étaient propriété de BStG Ainsi, la totalité de la production de Roermond provenant des machines de BStG aurait appartenu à BStG. En même temps, Bouwstaal Roermond aurait disposé de machines propres, dont la production de treillis soudés était commercialisée dans le Benelux par Trefilarbed, ainsi qu'en Allemagne par le canal de BStG, sur la base des contrats de distribution exclusive en cause.

108 La requérante rappelle que, selon la Décision (point 189), la seule raison pour laquelle les accords de distribution exclusive ne rempliraient pas les conditions prévues par le règlement n° 67-67 serait qu'ils devraient être considérés comme "faisant partie intégrante d'une entente globale sur la répartition des marchés à laquelle participent plus de deux entreprises". La requérante considère que c'est à tort que la Décision affirme que les accords faisaient partie d'une entente et soutient que le règlement n° 67-67 leur était bien applicable et qu'ils ont pu ainsi bénéficier de l'exemption par catégorie prévue par le règlement pendant toute leur durée.

109 Elle estime que la Commission a arbitrairement rassemblé des "comportements déconnectés entre eux" qui avaient des justifications objectives autres que l'existence d'une entente. Ainsi, les accords en question, introduits en 1976, à un moment où il n'était pas question d'entente, n'auraient été que des arrangements commerciaux de type classique, conséquence des évolutions historiques dans la participation de l'Arbed dans le capital de BStG, dont le but aurait été d'approvisionner de façon satisfaisante et efficace le marché allemand, sans que l'Arbed ait à créer un réseau de ventes parallèles pour commercialiser les quantités produites à Roermond sur ses propres machines et sans qu'elle ait à concurrencer sa propre filiale. Dans ce contexte, la requérante fait valoir que l'interdiction pour Bouwstaal Roermond de livrer d'autres quantités en Allemagne pendant la durée du contrat ne serait que l'expression de l'exclusivité consentie au bénéfice du distributeur allemand, sans affaiblir sa position en lui faisant concurrence directement ou indirectement.

110 La requérante conteste également la thèse de la Commission selon laquelle un contrat de distribution perdrait son caractère bilatéral dans le cas où il existerait, parallèlement à celui-ci, une entente entre plusieurs entreprises.

111 La requérante fait valoir que ces accords n'ont concerné qu'une part très faible du marché allemand, à savoir 0,60 % de l'approvisionnement total de ce marché, et que, par conséquent, les quantités produites à Roermond sur ses propres machines et livrées par le canal de BStG n'ont pu exercer aucune influence réelle sur le jeu de la concurrence et sur sa structure en Allemagne.

112 En outre, la requérante affirme que, ayant, dès la réception de la communication des griefs, fait connaître à la Commission sa volonté de porter remède à la situation critiquée en ce qui concernait les contrats de livraison exclusive et ayant effectivement mis en place une autre solution, il lui a été assuré par des fonctionnaires responsables des services de la Commission, au cours de la procédure administrative dans la présente affaire, que la Commission ne reviendrait pas sur cette question.

113 La Commission affirme qu'il ne s'agit pas de contrats commerciaux de type classique, mais de contrats instituant des quotas d'importation pour Bouwstaal Roermond sur le marché allemand, assortis d'une exclusivité de distribution desdits quotas pour BStG. En effet, dans ces contrats, BStG prenait en charge la vente exclusive en Allemagne d'un volume annuel maximum de treillis soudé provenant de l'usine de Roermond et Bouwstaal Roermond et Arbed SA afdeling Nederland s'engageaient, pendant la durée de ces contrats, à n'effectuer ni directement ni indirectement des livraisons en Allemagne.

114 La Commission affirme que les contrats de livraison doivent être examinés dans leur contexte global et conteste la thèse de la requérante selon laquelle un accord de distribution exclusive doit être considéré comme une relation strictement bilatérale, quelles que soient les autres ententes auxquelles participent les parties à l'accord. En effet, selon la jurisprudence de la Cour (arrêt du 12 décembre 1967, Brasserie de Haecht, 23-67, Rec. p. 525), l'article 85, paragraphe 1, du traité, impliquerait la nécessité d'observer les effets des accords dans le cadre où ils se produisent, c'est-à-dire dans le contexte économique et juridique au sein duquel ces accords se situent. Dès lors, ils devraient être examinés en liaison avec l'entente globale avec laquelle ils ont des liens, à savoir : l'entente sur les prix et les restrictions quantitatives des exportations belgo-néerlandaises vers l'Allemagne. A cet égard, la Commission se réfère au télex du 15 décembre 1983 adressé à Thibodraad et transmis par cette dernière à Tréfilarbed [annexe 65, sous b), c.g., point 92 de la Décision], dans lequel M. Müller déclare qu'il existait une "concertation étroite" entre Boël/Trébos et BStG, et ajoute qu'il "reste disposé à maintenir le statu quo des exportations vers les pays voisins et à ne pas les augmenter davantage que les importations en provenance de ces pays". Il serait donc important de replacer les accords de livraison entre Tréfilarbed Roermond et BStG dans ce contexte général pour réaliser qu'il ne s'agissait pas d'une "variété de comportements déconnectés entre eux", mais bien d'une ligne de conduite très cohérente. Dans ce contexte et à la lumière de la jurisprudence rappelée ci-dessus, la part de marché représentée par les seules ventes des quantités produites sur les machines de Tréfilarbed Roermond en Allemagne serait sans incidence pour apprécier l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

115 Enfin, la Commission reconnaît qu'il est exact que l'accord de distribution exclusive entre Tréfilarbed Roermond et BStG a fait l'objet de discussions avec ses fonctionnaires avant qu'elle n'arrête sa Décision. Toutefois, la Commission précise que ces discussions ont porté sur la suppression de cet accord et sur les nouvelles modalités de distribution en Allemagne des produits fabriqués à Roermond, suite à des restructurations à l'intérieur du groupe Arbed et de BStG. Dans sa lettre du 11 août 1988, le fonctionnaire responsable aurait effectivement émis une opinion favorable à l'égard des arrangements futurs envisagés par Tréfilarbed et BStG, mais sans préjudice de la position de la Commission sur les faits et pratiques constatés dans le passé. La Commission conclut que ses services n'ont donc jamais donné aucune assurance à Tréfilarbed à propos des quotas fixés dans l'accord de distribution entre Tréfilarbed Roermond et BStG.

Appréciation du Tribunal

116 A titre liminaire, le Tribunal relève que, à supposer même que les allégations de la requérante concernant l'opinion prétendument émise par des fonctionnaires de la Commission sur les ententes en question, que la Commission conteste avec force, puissent être considérées comme établies, des opinions formulées en de telles circonstances ne pouvaient, en tout état de cause, créer l'impression d'un engagement de la part de la Commission, du fait que lesdits fonctionnaires n'étaient pas autorisés à prendre un tel engagement (arrêt de la Cour du 15 mai 1975, Frubo/Commission, 71-74, Rec. p. 563, point 20).

117 Le Tribunal estime que les contrats de distribution exclusive en cause ne remplissent pas les conditions exigées par le règlement n° 67-67. En effet, l'article 9 du contrat du 24 novembre 1976, qui liait BStG et Bouwstaal Roermond, stipule que, "pendant la durée du présent contrat (Bouwstaal Roermond) n'effectuera ni directement ni indirectement de livraisons en République fédérale d'Allemagne". En ce qui concerne le contrat du 22 mars 1982 (ann. 109 A c.g.), précité, entre BStG et Arbed SA afdeling Nederland, il y a lieu de relever l'existence d'une clause jointe audit contrat (ann. 109 B c.g.), qui stipule que "les parties contractantes conviennent d'un commun accord qu'Arbed SA n'effectuera, pendant la durée du contrat, ni directement ni indirectement des livraisons dans la République fédérale d'Allemagne. En compensation de cette renonciation, Arbed bénéficie...".

118 Le Tribunal estime que la signification des mots "directement ni indirectement" va, dans le cas d'espèce, au-delà d'un simple engagement du fournisseur de ne livrer qu'à BStG des produits dans le but de la revente. Cette appréciation s'appuie sur deux éléments. En premier lieu, il existait, de la part de Tréfilarbed Roermond, une renonciation expresse à toute sorte de livraisons - renonciation qui faisait l'objet d'une compensation, ainsi qu'il ressort du document signé séparément comme avenant au contrat du 22 mars 1982 - même aux livraisons dont le but ne serait pas la revente. En second lieu, le mot "indirectement" pouvait être interprété par le revendeur en ce sens qu'il engageait le fournisseur à faire le nécessaire pour éviter des livraisons en Allemagne en provenance d'autres pays, c'est-à-dire à contrôler les autres distributeurs exclusifs en vue de leur interdire d'exporter vers l'Allemagne.

119 Le Tribunal relève que l'esprit du règlement n° 67-67, tel qu'il se reflète dans son exposé des motifs et dans son article 3, sous b), sous 2), est de subordonner l'exemption qu'il prévoit à la condition qu'il soit assuré, par la possibilité d'importations parallèles, que les utilisateurs se verront réserver une partie équitable des avantages résultant de la distribution exclusive. Cela est en accord avec la jurisprudence constante selon laquelle un contrat de distribution exclusive qui ne comporte aucune interdiction d'exportation ne peut bénéficier de l'exemption par catégorie en vertu du règlement n° 67-67, lorsque les entreprises concernées participent à une pratique concertée visant à restreindre les importations parallèles destinées à un revendeur non agréé (voir arrêt de la Cour du 21 février 1984, Hasselblad/Commission, 86-82, Rec. p. 883, point 35 et arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T-43-92, Rec. p. II-441, point 88).

120 Ces considérations sont encore plus vraies dans le cas d'espèce, si l'on interprète les clauses contractuelles susmentionnées à la lumière des plaintes de BStG contenues dans sa lettre du 26 septembre 1979 (ann. 110 c.g., point 148 de la Décision), dans laquelle elle reproche à l'Arbed l'existence de livraisons indirectes en Allemagne, "par le biais de la société Eurotrade, Alkmaar", ce qui conduit à tenir pour établie l'existence d'une protection territoriale absolue contraire à l'esprit et au libellé du règlement n° 67-67.

121 Il s'ensuit que les contrats en question ne remplissaient pas les conditions exigées par le règlement n° 67-67.

122 Par ailleurs, le Tribunal estime que la requérante ne saurait se prévaloir du fait que les accords n'ont concerné qu'une part très faible du marché allemand et que les livraisons de Tréfilarbed Roermond à travers BStG n'ont pu exercer aucune influence réelle sur le jeu de la concurrence. En effet, il résulte du libellé de l'article 85, paragraphe 1, du traité que les seules questions pertinentes sont celles de savoir si les accords auxquels la requérante a participé avec d'autres entreprises avaient pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence et s'ils étaient susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres. Par conséquent, la question de savoir si la participation individuelle de la requérante à ces accords pouvait, malgré sa petite taille, restreindre la concurrence ou affecter le commerce entre Etats membres est dépourvue de pertinence(arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Enichem Anic/Commission, T-6-89, Rec. p. II-1623, points 216 et 224). Il convient d'ailleurs de relever que l'article 85, paragraphe 1, du traité n'exige pas que les restrictions de concurrence constatées aient effectivement affecté sensiblement les échanges entre Etats membres, mais requiert uniquement qu'il soit établi que ces accords aient été de nature à avoir eu un tel effet (arrêt de la Cour du 1er février 1978, Miller/Commission, 19-77, Rec. p. 131, point 15).

123 Par conséquent, cette branche du moyen doit être rejetée.

c) Sur l'existence d'un rapport de groupe

Arguments des parties

124 La requérante conteste le refus de la Commission d'accepter que les contrats en cause aient constitué une affaire purement interne au groupe. Selon la requérante, divers éléments compléteraient le fait que l'Arbed possède 25 % du capital de BStG et permettraient d'assimiler les rapports entre les deux sociétés à des rapports internes à un groupe. En effet, bien que BStG soit une société de capitaux, une Gesellschaft mit beschrankter Haftung (ci-après "GmbH"), il existerait entre ses associés et elle-même un accord de codomination (en allemand : Mehrmütterorganschaft mit Beherrschungsvertrag), qui rapprocherait sa structure de celle des sociétés de personnes - dans lesquelles le droit allemand des sociétés prohibe clairement toute concurrence qu'un associé ferait à sa société - et en vertu duquel l'Arbed était intimement associée à sa gestion et était coresponsable de celle-ci. De même, il existerait un "accord de transfert des résultats de la société aux associés", qui conférerait à chacun d'entre eux un intérêt direct à favoriser au maximum la rentabilité de l'entreprise commune. Ce serait aller à l'encontre de cet intérêt que d'affaiblir l'entreprise commune en la concurrençant de l'extérieur. La requérante soutient que, par l'effet de cet accord, les relations commerciales qui ont existé entre BStG et Tréfilarbed doivent être considérées comme ayant été des relations internes au groupe, et les accords instituant ces relations comme n'entrant pas dans le champ d'application de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

125 La Commission souligne que, s'il est vrai que le droit allemand des sociétés permet, plus que dans la plupart des autres Etats membres, des formes variées de contrôle, particulièrement dans le cas des GmbH, il n'en reste pas moins que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêt de la Cour de 31 octobre 1974, Centrafarm et Peijper, 15-74, Rec. p. 1147), les seuls cas que l'article 85 ne vise pas sont les accords ou pratiques concertées entre des entreprises appartenant à un même groupe, lorsque les entreprises forment une unité économique à l'intérieur de laquelle la filiale ne jouit pas d'une autonomie réelle dans la détermination de sa ligne d'action sur le marché et lorsque ces accords ou pratiques ont pour but d'établir une répartition interne des tâches entre les entreprises. La Commission reproche en outre à la requérante de n'avoir fait état, pour la première fois, que devant le Tribunal des données qu'elle estime importantes pour l'appréciation de ses relations juridiques avec BStG, en procédant de plus par de simples affirmations, sans fournir aucune précision qui contredirait le fait qu'une simple participation de 25,001 % ne serait pas constitutive d'un lien de société-mère à filiale.

Appréciation du Tribunal

126 Suite à la demande du Tribunal, la requérante a produit un contrat de mise en commun de résultats entre les associés de BStG - réunis dans la "Vereinigung der Gesellschafter der Baustahlgewebe" (union des associés de BStG) - et BStG (août 1962), les statuts de l'union des associés de BStG (13 juillet 1970) et leur annexe ainsi que l'accord concernant l'entrée d'Arbed Saarstahl GmbH dans l'union susvisée (janvier-février 1986). Les parties ont expliqué le contenu et la raison d'être de ce contrat lors de la procédure orale.

127 Le Tribunal relève que, selon le contrat de mise en commun des résultats, BStG agit exclusivement selon la volonté unanime des associés, ses bénéfices sont transférés à l'union des associés, qui assume, le cas échéant, ses pertes.

128 Le Tribunal relève encore que, selon les statuts de l'union des associés de BStG, ses associés sont tous les titulaires de parts de société de BStG et que la qualité d'associé est fonction des parts détenues dans BStG. L'union doit être considérée comme une entreprise commerciale opérant dans tous les domaines d'activités de BStG. Chaque associé dispose, en cas de prise de décisions par l'union, du même nombre de voix dont il dispose, selon les statuts de BStG, dans son assemblée. Les décisions de l'union sont prises à la majorité simple des voix disponibles selon le capital social, à condition qu'elles émanent d'au moins deux associés. Lorsque la loi ou les statuts prévoient, pour la prise de décisions dans une assemblée de BStG, une majorité plus importante, cette majorité est également nécessaire pour les décisions de l'union.

129 L'analyse des documents susmentionnés montre que la relation entre l'Arbed et BStG ne satisfaisait pas aux conditions requises pour considérer que les accords conclus entre les deux sociétés aient pu échapper à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité. A cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article 85 du traité ne s'applique pas aux accords et pratiques concertées qui sont le fait d'entreprises appartenant à un même groupe en tant que société-mère et filiale et formant une unité économique à l'intérieur de laquelle la filiale ne bénéficie pas d'une autonomie réelle dans la détermination de sa ligne d'action sur le marché (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48-69, Rec. p. 619, point 134, et du 11 avril 1989, Ahmed Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, 66-86, Rec. p. 803, point 35). En l'espèce, il y a lieu de relever que le contrôle que l'Arbed exerçait sur BStG correspondait au pourcentage qu'elle détenait dans le capital social, c'est-à-dire à 25,001 %, ce qui est très éloigné de la majorité. Or, force est de constater qu'une telle participation ne saurait justifier la conclusion que l'Arbed et BStG appartenaient à un groupe, à l'intérieur duquel elles constituaient une unité économique, qui ferait qu'une entente restreignant la concurrence entre ces deux entreprises ne relèverait pas de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

130 Cette constatation est corroborée par les affirmations de BStG lors de l'audience, selon lesquelles le contrat de codomination et le contrat de mise en commun des résultats ont été conclus essentiellement pour des raisons fiscales, parce que ce dernier permettait de transférer les pertes et bénéfices de BStG à ses associés. En raison des contraintes du droit fiscal allemand, tous les associés devaient être allemands. C'est pourquoi l'Arbed ne participait pas directement à ce contrat, mais était représentée par un partenaire allemand, St Ingbert (et avant par Felten & Guillaume).

131 Enfin, le Tribunal constate que BStG elle-même a affirmé qu'elle était une entreprise autonome et indépendante et que, chacun de ses quatre associés n'ayant qu'une participation minoritaire, elle ne pouvait être considérée comme affiliée à un groupe.

132 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que c'est à bon droit que la Commission a considéré que les contrats de distribution exclusive étaient contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité et que, dès lors, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante.

133 Partant, la deuxième branche du moyen doit être rejetée.

2. L'entente entre BStG et Tréfilarbed (St Ingbert)

Acte attaqué

134 La Décision (points 152 et 180) fait grief à la requérante d'avoir participé à une entente avec BStG ayant pour objet la cessation des réexportations de treillis soudé de l'usine de St Ingbert vers l'Allemagne via le Luxembourg. Cette entente aurait constitué une restriction à la concurrence, susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres.

Arguments des parties

135 La requérante rappelle qu'avant 1972 BStG était une société qui commercialisait la production de ses associés, parmi lesquels l'Arbed. En 1972 et suite à des suggestions du Bundeskartellamt, BStG serait devenue elle-même producteur et aurait acheté certaines des machines qui se trouvaient dans les usines appartenant à ses associés, y compris à St Ingbert, propriété de l'Arbed, et qui y seraient restées. A partir de ce moment et sur la base de contrats de production, les associés, y compris l'Arbed, auraient produit pour le compte de BStG, sur les machines qui étaient propriété de BStG. Ainsi, la totalité de la production de St Ingbert provenant des machines de BStG aurait appartenu à BStG et aurait été commercialisée sur le marché allemand par celle-ci. En même temps, St Ingbert aurait disposé de machines propres, dont la production de treillis soudés était destinée à l'exportation, principalement à destination de la France.

136 La requérante fait observer que, dans le cadre de ces contrats de production, elle aurait eu le droit de prélever des quantités limitées de panneaux standard nécessaires pour approvisionner le Luxembourg, où les normes allemandes sont d'application ; ces panneaux auraient été fabriqués sur les machines appartenant à BStG, les seules à St Ingbert à produire des treillis conformes aux normes allemandes. Les responsables de Tréfilarbed, ayant vu la possibilité de faire quelques profits sur le marché allemand où les prix étaient relativement élevés à cause du cartel de crise, auraient prélevé sur les stocks appartenant à BStG des quantités de treillis comme si elles étaient destinées au Luxembourg. Par l'intermédiaire d'un commerçant luxembourgeois, ces quantités ont été réexpédiées du Luxembourg vers l'Allemagne. Bien que les quantités ainsi prélevées sur les stocks de BStG aient été, par la suite, remplacées dans lesdits stocks, grâce à une fabrication ultérieure, BStG aurait été, selon la requérante, entièrement fondée à se plaindre du procédé employé, qui n'aurait pas respecté l'accord conclu entre les intéressés. Si les auteurs de l'opération n'ont commis aucun "vol" au détriment de BStG, ils auraient néanmoins, en particulier, réussi à vendre en Allemagne des produits d'origine allemande pour lesquels n'avaient pas été acquittées les redevances dues à BStG, conformément à ce qui avait été établi dans le contrat de cartel.

137 Ainsi s'expliquent, selon la requérante, les lettres envoyées par M. Müller le 27 avril 1984 à MM. Rimbeaux, de Tréfilarbed St Ingbert, et Schürr, de Tréfilarbed Luxembourg [ann. 110 (a) c.g., point 152 de la Décision]. Les "accords clairs et précis" auxquels M. Müller fait référence seraient les accords passés par BStG avec St Ingbert, d'une part, pour la fabrication, le stockage, la commercialisation, la gestion et toutes autres opérations relatives aux machines appartenant à BStG et avec Tréfilarbed, d'autre part, pour les fournitures de panneaux conformes aux normes allemandes sur le marché luxembourgeois, ainsi que la promesse, faite l'année précédente, de ne pas recommencer les agissements critiqués.

138 La Commission fait observer qu'il ressort de ces explications que, en application de l'accord conclu entre BStG et Tréfilarbed en ce qui concerne les fournitures de panneaux conformes aux normes allemandes destinés au Luxembourg, les importations parallèles en Allemagne étaient interdites. Elle en conclut qu'il s'agissait bien là d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

139 En outre, la Commission souligne que la lettre de M. Müller du 27 avril 1984 fait bien état d'un accord et que M. Müller lui-même, en réponse à la communication des griefs de la Commission, a expliqué que cette lutte contre les réimportations avait pour objet de surveiller le respect des quotas de livraisons fixés par le cartel.

Appréciation du Tribunal

140 Le Tribunal constate que la requérante admet qu'elle avait conclu un accord avec BStG, selon lequel la requérante avait le droit de prélever certaines quantités de treillis soudés fabriqués à St Ingbert sur les machines appartenant à BStG, à condition qu'elles soient revendues au Luxembourg, condition imposée pour éviter la réexportation de treillis soudés vers l'Allemagne. Ceci ressort clairement du texte de la lettre du 27 avril 1984, adressée par M. Müller à Tréfilarbed, dans laquelle M. Müller se plaint de réexportations vers l'Allemagne, "à des prix inférieurs aux prix minimaux cartel" en violation "des accords clairs et précis conclus à ce sujet" (ann. 110 (a) c.g.).

141 Il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé que les clauses d'exportation insérées dans un contrat de vente et obligeant le revendeur à exporter la marchandise en cause dans un pays déterminé constituent une infraction à l'article 85 du traité, lorsqu'elles ont essentiellement pour objet d'empêcher la réexportation de la marchandise vers le pays de production afin de maintenir un système de double prix dans le Marché commun et de restreindre ainsi le jeu de la concurrence à l'intérieur de celui-ci (arrêt de la Cour du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29-83 et 30-83, Rec. p. 1679, points 24 et 28).

142 A cet égard, force est de constater que les accords conclus entre la requérante et BStG avaient pour objet et pour effet de restreindre la concurrence en affectant les échanges entre Etats membres et en protégeant ainsi les différences de prix pratiquées à l'intérieur du Marché commun et, partant, qu'ils sont contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

143 Quant au fait que les treillis soudés prélevés par la requérante, dont la réimportation était interdite en Allemagne, ont été fabriqués sur des machines appartenant à BStG, le Tribunal considère que cette circonstance est, en l'espèce, inopérante. En effet, du moment où les produits en question ont été prélevés par Tréfilarbed, le droit de proprieté sur les machines utilisées dans leur fabrication est un élément sans pertinence, qui ne pouvait octroyer au propriétaire le droit de déterminer où les produits pourraient être revendus.

144 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi, à suffisance de droit, la participation de la requérante à une entente avec BStG ayant pour objet l'interdiction de réexportation de treillis soudés provenant de l'usine de St Ingbert vers l'Allemagne et que cette entente était contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

145 Dès lors, le grief de la requérante doit être rejeté.

146 Au surplus, il y a lieu de relever que, dans son arrêt du même jour, BStG/Commission, T-145-89, le Tribunal a jugé, à l'égard de BStG, que l'interdiction de réexportation vers l'Allemagne, bien que contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, trouvait une explication dans le contrat de cartel de crise structurelle. En effet, le simple transit par le Luxembourg vers l'Allemagne de treillis fabriqués par BStG, portant ses marques de laminage, constituait une violation du cartel, dans la mesure où cette production échappait au contrôle des quotas de livraison qui étaient attribués à BStG. Dès lors, BStG se trouvait confrontée à l'alternative suivante : soit respecter les clauses du contrat de cartel, qui lui imposait de contrôler et de déclarer le montant de sa production écoulée sur le marché allemand, soit respecter les règles de concurrence du traité, en vertu desquelles elle ne pouvait imposer une clause interdisant les exportations à la requérante. Au vu de cela et compte tenu du fait que, à l'époque, le cartel de crise jouissait d'une présomption de légalité, la Commission ne s'étant pas prononcée à son encontre, le Tribunal a estimé que les circonstances très spécifiques de l'espèce devaient être considérées comme une circonstance atténuante du comportement de BStG.

147 Néanmoins, le Tribunal estime que les circonstances de l'espèce ne justifient pas que la requérante se voie appliquer cette circonstance atténuante. En tout état de cause et à supposer que les circonstances de l'espèce justifieraient l'application d'une circonstance atténuante pour la requérante, celle-ci se confondrait avec la circonstance prise en compte par la Commission au point 206 de la Décision, en faveur de tous les producteurs non allemands. En effet, le point 206 de la Décision indique que l'existence du cartel de crise structurelle allemand a été considérée comme une circonstance atténuante en faveur des producteurs non allemands.

3. Sur les ententes visant à protéger le marché allemand

Arguments des parties

148 La requérante fait observer que, aux points 182 et 183 de la Décision, la Commission, procédant par globalisation arbitraire, rassemble, en un paquet, des comportements divers qui auraient concerné les relations entre le Benelux et l'Allemagne et auxquels auraient participé la quasi-totalité des producteurs belges et néerlandais ainsi que BStG. Elle fait valoir que ces accusations sont vagues, qu'elle n'est pas en mesure de déterminer si elle est visée par celles-ci et que, au-delà des contrats de distribution exclusive conclus avec BStG, elle n'a pas participé ni n'a été concernée par les ententes sur les prix et les restrictions quantitatives des exportations belgo-néerlandaises vers l'Allemagne.

149 La requérante fait valoir qu'elle n'exerçait aucune activité commerciale en Allemagne, parce que toutes les quantités de treillis produites par l'usine de Roermond, qu'elles aient été fabriquées sur les machines de BStG ou sur celles en sa propriété, ont été commercialisées sur le marché allemand par BStG.

150 La requérante admet avoir participé aux réunions de Breda et de Bunnik, mais déclare qu'elle n'occupait qu'une position d'observateur, qu'elle ne participait pas aux concertations et qu'elle gardait ses distances et son indépendance par rapport auxdites concertations. Enfin, la requérante relève que le fait que Thibodraad lui ait communiqué le télex de M. Müller du 15 décembre 1983 est normal, puisqu'elle participait aux réunions et puisque M. Müller avait demandé à Thibodraad d'examiner sa position avec les collègues du cercle de Breda.

151 La Commission soutient que la participation de la requérante aux ententes visant à protéger le marché allemand découle de sa participation habituelle aux réunions de Breda et de Bunnik, auxquelles participait aussi BStG pour discuter l'interpénétration réciproque entre le marché du Benelux et le marché allemand, ainsi qu'il ressort des nombreux documents mentionnés dans la Décision. Elle ajoute que le fait que le télex de M. Müller du 15 décembre 1983 ait été transmis à la requérante par Thibodraad démontre également son implication dans les ententes.

152 La Commission fait valoir que le fait que la requérante n'ait pas eu d'activité propre en Allemagne, à cause de son contrat de distribution exclusive avec BStG, ne lui enlève pas son caractère de producteur aux Pays-Bas vendant une partie de sa production en Allemagne.

Appréciation du Tribunal

153 Il y a lieu de rappeler que le Tribunal a jugé (voir ci-dessus points 117 et suivants et 126 et suivants) que les contrats de distribution exclusive entre BStG et la requérante (Roermond) ne remplissaient pas les conditions exigées par le règlement n° 67-67 et étaient contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, que la requérante (St Ingbert) a participé à une entente avec BStG concernant les réexportations de treillis soudés vers l'Allemagne, jugée (voir ci-dessus points 140 et suivants) également contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, et que ces deux ententes visaient à protéger le marché allemand.

154 Au surplus, il y a lieu de relever que l'implication de la requérante dans les ententes visant à protéger le marché allemand découle du télex de M. Müller, du 15 décembre 1983. Le télex, adressé à Thibodraad, se réfère à la réunion tenue à Breda le 5 décembre 1983, à laquelle ont participé la requérante, Thibodraad, Van Merksteijn, FBC, Boël/Trébos, ZND, Tréfilunion et BStG. M. Müller indique qu'il "reste disposé à maintenir le statu quo des exportations vers les pays voisins et à ne pas les augmenter davantage que les importations en provenance de ces pays". Une copie de ce télex a été transmise à la requérante par lettre de Thibodraad du 16 décembre 1983 (ann. 65 (a) c.g., point 93 de la Décision), pour que "nous puissions alors faire connaître notre décision à M. Müller".

155 L'implication de la requérante dans les ententes découle également du télex daté du 11 janvier 1984 adressé par M. Peters, de Tréfilunion, à M. Marie, de Tréfilunion (ann. 66 c.g., points 95 et 153 de la Décision), qui fait référence à une réunion tenue à Breda le 5 janvier 1984, à laquelle ont assisté la requérante, Boël/Trébos, FBC, BStG, Tréfilunion et d'autres entreprises néerlandaises. Ce télex précise ce qui suit : "Les participants habituels demandent aux représentants de BStG de ne plus perturber les marchés du Benelux par des exportations importantes et à très bas prix vers ces marchés. Les Allemands se défendent en expliquant que les Belges (Boël et plus récemment Frère-Bourgeois) exportent vers l'Allemagne des tonnages comparables. Les Belges précisent que eux respectent les prix du marché allemand, que l'on doit parler de pourcentage de marché et non de tonnes. Rien de concret n'est décidé."

156 Au vu de ces éléments de preuve, le Tribunal ne saurait admettre l'argument de la requérante selon lequel elle n'exerçait aucune activité commerciale en Allemagne parce que le fait qu'elle produisait des treillis soudés à Roermond et que ces treillis étaient vendus en Allemagne par BStG, montre qu'elle gardait tout intérêt à profiter des prix élevés sur le marché allemand.

157 Enfin, le Tribunal rappelle qu'il a déjà constaté ci-dessus que la requérante a participé aux réunions de Breda et de Bunnik et que, contrairement à ce qu'elle affirme, elle y a pris une part active. A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante a toujours été considérée comme une participante habituelle aux réunions. La requérante a aussi été perçue par ses partenaires comme une entreprise dont l'opinion devait être connue afin d'établir une position commune. Cette approche ressort notamment de la lettre de Thibodraad à Tréfilarbed du 16 décembre 1983 (ann. 65 (a) c.g., point 93 de la Décision) en annexe à laquelle lui a été transmise le télex de M. Müller du 15 décembre 1983. Enfin, il y a lieu de souligner qu'il ressort du télex précité du 31 août 1984 de Tréfilunion que la requérante a pris la présidence des réunions de Breda et de Bunnik le 24 août 1984, à la suite du départ du représentant de Thibodraad qui exerçait ladite présidence.

158 En tout état de cause, à supposer même que la requérante n'ait pas pris, du moins en partie, une part active aux réunions, le Tribunal considère que, eu égard au caractère manifestement anticoncurrentiel de l'objet de celles-ci, la requérante, en y participant sans se distancier publiquement de leur contenu, a donné à penser aux autres participants qu'elle souscrivait au résultat des réunions et qu'elle s'y conformerait (arrêts Hercules Chemicals/Commission, précité, point 232, et Solvay/Commission, précité, points 98 à 100).

159 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi, à suffisance de droit, la participation de la requérante aux ententes visant à protéger le marché allemand.

160 Le grief de la requérante doit donc être rejeté.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 15 du règlement n° 17

I - Sur l'absence d'individualisation des critères de détermination de la gravité des infractions et de détermination du montant de l'amende

Arguments des parties

161 Dans sa requête, la requérante fait valoir que la Commission commet une erreur de qualification lorsqu'elle considère comme une infraction unique des comportements infractionnels qui n'étaient pas liés entre eux et qui se sont produits sur des marchés différents. Confrontée à la réponse de la Commission, selon laquelle elle n'a jamais considéré qu'il y avait une seule entente générale, mais un ensemble d'ententes différentes à des époques différentes et sur des marchés géographiques différents, la requérante, au stade de la réplique, a fait valoir que la Commission lui a imposé une amende unique pour l'ensemble des faits reprochés, sans indiquer la part de l'amende ni le pourcentage imputable à chacune des infractions. Cette façon de procéder empêcherait toute analyse comparative de l'appréciation faite par la Commission de la gravité des infractions commises par la requérante et par les autres entreprises individuelles. La requérante considère que la Commission a ainsi manqué à son obligation de motivation.

162 La requérante soutient que c'est à tort que la Décision, dans son point 22, constate que les ententes ont eu pour effet de réglementer une partie substantielle du Marché commun. La requérante considère qu'il s'agissait de concertations nationales de caractère, de portée et de "timing" assez différents, mais que la Commission a amalgamé cet ensemble d'éléments disparates par le biais de leur caractère transfrontalier commun, ce qui aurait entraîné un effet de "grossissement", lors de leur appréciation, qui lui aurait été particulièrement préjudiciable. Pour la requérante, la régulation d'une partie substantielle du Marché commun qu'imagine la Commission s'est réduite, en pratique, à des dispositifs de protection accessoires concernant la pénétration dans les zones frontalières et le prétendu cloisonnement d'une partie substantielle du Marché commun n'a concerné que les volumes produits à distance économique de la frontière.

163 La Commission rétorque que l'amende infligée à Tréfilarbed n'est pas la somme arithmétique de plusieurs amendes distinctes pour des infractions distinctes, parce qu'il ne s'agit pas d'ententes distinctes mais, comme elle l'a exposé au point 22 de la Décision, d'un ensemble d'ententes, qui, par leur conjonction, ont eu pour effet de réglementer une partie substantielle du Marché commun. En effet, les entreprises auraient participé en même temps à plusieurs ententes sur des marchés géographiques partiels distincts, si bien que le résultat, à un moment donné, aurait été un cloisonnement du marché de la Communauté. C'est ainsi qu'en 1982 Tréfilarbed aurait participé à la fois à une entente sur le marché français, à une entente sur le marché du Benelux et à une entente sur le marché allemand. La Commission conclut que, dans ces conditions, on ne saurait lui reprocher une prétendue globalisation artificielle des infractions.

164 Au surplus, la Commission ajoute que les dispositifs de protection concernant la pénétration dans les zones frontalières n'avaient rien d'"accessoires", mais qu'ils étaient justement la raison d'être des ententes en cause. Le fait que ces dispositifs concernaient au premier chef la pénétration dans les zones frontalières ne diminuerait en rien leur caractère infractionnel, mais découlerait tout simplement du fait que le commerce intracommunautaire des treillis soudés se situe essentiellement dans ces zones, en raison des coûts de transport du produit.

Appréciation du Tribunal

165 Le Tribunal relève qu'il est de jurisprudence constante que la Commission peut imposer une amende unique pour différentes infractions (voir à cet égard les arrêts de la Cour, Suiker Unie e.a./Commission, précité, du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27-76, Rec. p. 207, et du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825), qu'il en est d'autant plus ainsi lorsque, comme en l'espèce, les infractions constatées par la Décision ont eu pour objet le même type d'agissements sur les différents marchés, notamment la fixation de prix et de quotas et un échange d'informations, et que les participants à ces infractions étaient, dans une large mesure, les mêmes entreprises. A cet égard, on ne peut ignorer que la requérante a participé, à un moment donné, à des ententes sur plusieurs marchés comme le marché français, allemand et du Benelux.

166 Il y a lieu de souligner, en outre, que le fait d'imposer une amende unique n'a pas privé la requérante de la possibilité de juger si la Commission a correctement apprécié la gravité et la durée des infractions. En effet, la requérante procède à une lecture de la Décision qui isole artificiellement une partie de celle-ci, alors que, la Décision constituant un tout, chacune de ses parties doit être lue à la lumière des autres. Or, le Tribunal considère que la Décision, prise dans son ensemble, a fourni à la requérante les indications nécessaires pour connaître les différentes infractions qui lui ont été reprochées ainsi que les circonstances spécifiques de son comportement et a permis au Tribunal d'exercer son contrôle de légalité.

167 Le Tribunal rappelle que les arguments de la requérante concernant le marché géographique en cause ont été rejetés ci-dessus.

168 Le Tribunal ne saurait retenir l'argument de la requérante, selon lequel la Commission, en amalgamant l'ensemble des ententes par le biais de leur caractère transfrontalier commun, aurait produit un effet de "grossissement" inapproprié. En effet, si la Commission a constaté qu'il y a eu un ensemble d'ententes différentes à des époques différentes et sur des marchés différents, elle a également constaté que l'objet des ententes était le même, à savoir la fixation de prix et de quotas, et que les mêmes entreprises participaient en même temps à des ententes différentes sur plusieurs marchés.

169 Force est de constater, face à cet ensemble d'éléments, que la Commission, en retenant au point 22 de la Décision que l'ensemble des ententes en cause, en réglementant les différents marchés partiels, a eu pour effet de réglementer dans une large mesure une partie substantielle du Marché commun, n'a pas commis une erreur d'appréciation juridique.

170 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante.

II - Sur l'absence de propos délibéré ou de négligence dans le chef de la requérante

Arguments des parties

171 La requérante invoque sa bonne foi et nie avoir agi de propos délibéré. A cet égard, elle fait valoir, d'une part, que la plupart des entreprises opérant sur le marché des treillis soudés se considéraient comme des entreprises sidérurgiques et comme relevant du traité CECA et, partant, comme étant liées par le régime anti-crise institué par la Communauté, qui comportait une fixation des prix et des quotas de production. En outre, elle relève que le marché allemand de treillis soudés faisait lui-même l'objet d'un cartel de crise structurelle autorisé par le Bundeskartellamt et toléré par la Commission. Il serait incontestable que l'existence du cartel avait amené les producteurs du secteur à instaurer des mesures de contrôle des prix et des quotas, suivant l'idée que ce qui était licite en Allemagne devait être licite partout ailleurs. La requérante soutient que ces deux circonstances ont donné aux entreprises du secteur le sentiment que leur comportement était à l'abri de toute critique.

172 La requérante fait valoir qu'elle s'est trouvée sous la menace d'un retrait de l'homologation par les producteurs français et que son comportement coopératif s'explique par cette pression continue.

173 La Commission fait observer qu'on ne saurait accepter l'excuse selon laquelle les entreprises auraient cru relever du traité CECA pour les treillis soudés. Si tel était le cas - ce qui ne serait pas vraisemblable, car elles auraient été conscientes de ce que, contrairement aux "produits CECA", il n'y avait pas de prix fixés sur le plan communautaire ni de prélèvement à payer sur la base de l'article 49 du traité CECA -, elles auraient, à tout le moins, agi par négligence, ce qui justifierait également l'imposition d'amendes en application de l'article 15, paragraphe 1, du règlement n° 17.

174 En ce qui concerne le cartel de crise allemand, la Commission fait valoir que, au point 206 de sa Décision, le cartel a été pris en compte comme circonstance atténuante pour le calcul de l'amende. Elle rappelle que le cartel n'a été conclu qu'en 1983, c'est-à-dire après qu'aient été commises plusieurs des infractions reprochées. Enfin, la Commission estime qu'on ne saurait justifier un comportement infractionnel par référence au comportement d'autres entreprises, que ce dernier constitue ou non une infraction.

175 En réponse à l'explication de Tréfilarbed, selon laquelle sa "coopération" avec les producteurs français lui aurait évité un retrait de l'homologation, la Commission relève qu'un tel marchandage n'échappe pas à l'article 85, paragraphe 1, du traité et que, quelles qu'aient été la réalité et l'intensité des menaces dont a pu être victime la requérante, elle n'apporte aucun élément permettant de conclure qu'elle y ait fait face en respectant le droit communautaire de la concurrence.

Appréciation du Tribunal

176 Le Tribunal rappelle que pour qu'une infraction aux règles de la concurrence du traité puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre ces règles ; il suffit qu'elle n'ait pu ignorer que sa conduite avait pour objet de restreindre la concurrence(arrêts de la Cour du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246-86, Rec. p. 2117, point 41, et du 8 février 1990, Tipp-Ex/Commission, C-279-87, Rec. p. I-261 ; arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Chemie Linz/Commission, T-15-89, Rec. p. II-1275, point 350).

177 Au surplus, le Tribunal relève que la Commission a tenu compte d'un ensemble de circonstances applicables à toutes les entreprises, ce qui l'a conduite à limiter les amendes à un montant qui se situe nettement au-dessous du montant qui se justifierait dans des circonstances normales (point 208 de la Décision). Parmi ces circonstances se trouvent le fait que le prix du treillis soudé dépend, à raison de 75 à 80 %, du prix du fil machine, produit soumis à des quotas de production, la situation de recul structurel de la demande, l'existence de capacités excédentaires, les fluctuations à court terme du marché et de la rentabilité peu satisfaisante du secteur (point 201 de la Décision) ainsi que l'interdépendance entre le treillis soudé et le rond à béton (point 202 de la Décision). En outre, la Décision a aussi tenu compte, en tant que circonstance atténuante, du fait de l'existence du cartel de crise structurelle en Allemagne, qui a amené les parties établies dans d'autres Etats membres à chercher de leur côté à se protéger, sans toutefois justifier les mesures illicites qu'elles ont prises (point 206 de la Décision).

178 Il y a lieu de relever que les craintes que nourrissait la requérante d'être victime de mesures de rétorsion de la part de ses concurrents ne sauraient justifier sa participation aux ententes. En effet, à supposer ses craintes fondées, la requérante aurait pu dénoncer les pressions dont elle faisait l'objet aux autorités compétentes et introduire auprès de la Commission une plainte en application de l'article 3 du règlement n° 17 plutôt que de participer auxdites ententes (voir l'arrêt Hüls/Commission, précité, point 128).

179 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.

III - Sur le caractère disproportionné de l'amende

Arguments des parties

180 La requérante estime que le montant de l'amende de 1 143 000 d'écus qui lui a été infligée est excessif et disproportionné. Elle fait valoir que le pourcentage du chiffre d'affaires qui lui a été appliqué, à savoir 3 %, est supérieur au pourcentage moyen, 2,5 %, retenu à l'encontre des autres entreprises et considère qu'il est injustifié et injuste qu'elle ait été traitée plus sévèrement que les autres entreprises. La requérante ajoute que la Commission l'a sanctionnée plus sévèrement parce que, pour apprécier la gravité des prétendues infractions, elle a additionné les marchés nationaux et les ententes en fonction des frontières. A cet égard, la requérante fait valoir que la Commission n'a pas pris en compte la position géographique de ses usines, toutes en bordure des frontières des trois marchés, ce qui aurait donné l'impression qu'elle devait nécessairement entrer dans toutes les concertations qui concernaient le passage des frontières. Cette circonstance aurait amené la Commission à lui imputer une culpabilité plus lourde qu'aux autres entreprises qui, en raison de la situation de leurs usines, n'opéraient que sur un ou deux marchés nationaux, alors qu'elle n'aurait pas eu la moindre intention d'opérer des cloisonnements, qui, au contraire, l'auraient gênée, puisqu'elle devait nécessairement exporter ses produits. La requérante ajoute que, son marché géographique naturel étant à cheval sur les frontières et occupant pratiquement la zone centrale de la Communauté, l'effet de toute entente dans laquelle elle aurait été engagée ne pouvait s'exercer que dans cette zone de vente, déterminée par la géographie.

181 La Commission précise qu'elle n'a pas retenu, à l'encontre de Tréfilarbed, une "culpabilité plus lourde" qu'à l'encontre d'entreprises ayant joué un rôle moteur dans l'organisation des ententes et que c'est précisément le contraire qui est exposé au point 207 in fine de la Décision. La Commission relève que Tréfilarbed s'est vu infliger une amende supérieure, en pourcentage du chiffre d'affaires, à la moyenne des autres parce que toutes les entreprises n'ont pas participé, comme Tréfilarbed, à toutes les ententes reprochées. La Commission ajoute que le taux retenu à l'encontre de Tréfilarbed est inférieur au taux maximal appliqué qui a été de 3,6 % et que deux autres entreprises ont été frappées d'amendes plus élevées que la requérante.

182 La Commission nie que la situation géographique de Tréfilarbed impliquerait nécessairement sa participation à des ententes transfrontalières et affirme qu'il est paradoxal de voir une entreprise, qui est nécessairement présente sur le marché de plusieurs Etats membres, se prévaloir précisément de cette situation pour tenter d'échapper à l'application du droit communautaire. La Commission relève que, si l'on suivait le raisonnement de Tréfilarbed, on devrait en conclure que les principes de libre circulation inscrits dans le traité ne s'appliquent pas aux zones frontalières.

Appréciation du Tribunal

183 Le Tribunal rappelle que, aux termes de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut infliger des amendes de mille écus au moins et d'un million d'écus au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction. Pour déterminer le montant de l'amende à l'intérieur de ces limites, ladite disposition prescrit de prendre en considération la gravité et la durée de l'infraction. Le concept de chiffre d'affaires ayant été interprété par la Cour comme se référant au chiffre d'affaires global (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, précité, point 119), il y a lieu de conclure que la Commission, qui n'a pas pris en compte le chiffre d'affaires global réalisé par la requérante, mais seulement le chiffre d'affaires se rapportant aux treillis soudés dans la Communauté à six, et qui n'a pas dépassé la limite de 10 %, n'a pas, dès lors, méconnu, eu égard à la gravité et à la durée de l'infraction, les dispositions de l'article 15 du règlement n° 17.

184 Par ailleurs, le Tribunal constate que la requérante ne fournit pas d'indices suffisants pour établir que, eu égard à la durée et à la gravité particulière des infractions constatées à son encontre, elle aurait été traitée plus sévèrement que d'autres entreprises visées par la Décision.

185 En effet, en ce qui concerne la différence entre le pourcentage appliqué à la requérante, 3 %, et celui appliqué à Tréfilunion, 3,60 %, entreprise à laquelle la Décision applique le pourcentage le plus élevé, le Tribunal estime qu'elle n'est pas disproportionnée. En effet, même si Tréfilunion se voit appliquer une circonstance aggravante - le fait d'avoir été l'une des initiatrices et l'une des principales actrices de comportements sanctionnés - il n'en est pas moins vrai que la Décision impute à la requérante une participation à un nombre d'infractions supérieur à celui qui a été retenu à la charge de Tréfilunion. De même, la différence entre le pourcentage appliqué à la requérante et celui, de niveau inférieur, appliqué aux autres entreprises participantes est justifiée par l'application à ces derniers de circonstances atténuantes, dont la requérante ne jouit pas.

186 Enfin, le Tribunal relève que la requérante ne saurait se prévaloir de la situation géographique de ses usines pour prétendre qu'elle n'a pas participé aux ententes. Ce n'est pas parce que les usines de la requérante étaient situées en bordure des frontières que la Commission lui a imputé sa participation aux ententes, mais parce qu'un ensemble de preuves ont démontré sa participation. La situation géographique des usines de la requérante n'impliquait pas nécessairement sa participation à des ententes transfrontalières, mais évidemment rendait plus facilement possible sa participation aux ententes concernant les différents marchés.

187 Par conséquent, le grief de la requérante doit être rejeté.

IV - Sur la prise en compte de l'amende imposée par les autorités françaises

Arguments des parties

188 La requérante fait valoir qu'elle a été sanctionnée par les autorités françaises en tant qu'importateur en France et qu'il n'appartenait pas à la Commission de lui infliger une sanction supplémentaire pour les mêmes faits, intervenus sur le même marché, au seul prétexte que les comportements qui lui étaient reprochés avaient un caractère "transfrontalier". La requérante considère que la Commission n'a pas établi qu'elle aurait entendu sanctionner des faits différents ou qu'elle aurait découvert des comportements infractionnels nouveaux. La requérante fait grief à la Commission de lui avoir infligé une amende 800 fois plus élevée que celle prononcée par les autorités françaises de la concurrence. Cette énorme différence d'appréciation n'aurait été expliquée par la Commission que par une vague référence aux "conséquences générales de ces ententes [françaises] et en particulier de leur incidence sur le commerce entre Etats membres" (point 205 de la Décision). Enfin, la requérante fait valoir que le fait que la Commission s'est limitée à réduire le montant de l'amende qu'elle lui a infligée du montant qui lui avait été imposé en France ne correspond pas à la manière dont il convient de tenir compte d'une décision nationale préalable, telle qu'elle a été définie par l'arrêt de la Cour du 13 février 1969, Walt Wilhelm e.a. (14-68, Rec. p. 1). La requérante considère qu'une interprétation correcte de cet arrêt exige que, lorsque une autorité communautaire intervient après une autorité nationale, elle doit tenir compte de l'ensemble de la motivation de la décision nationale et pas seulement du montant de l'amende que cette dernière a imposée.

189 La Commission considère que la comparaison avec la décision des autorités françaises est sans pertinence car cette dernière ne concernait qu'un marché national et qu'elle ne saurait être liée, dans l'application de l'article 85 du traité, par des décisions émanant d'autorités nationales.

190 Au surplus, la Commission fait valoir que la décision française n'a retenu la participation de la requérante qu'à l'accord sur le marché français pendant la période 1983-1984. Dès lors, il n'y avait pas lieu de s'étonner de l'importante différence entre l'amende infligée par les autorités françaises et celle qu'elle a infligée à Tréfilarbed pour la longue liste d'infractions retenues à sa charge. La Commission ajoute qu'elle a obtenu des éléments permettant de retenir à l'encontre de Tréfilarbed une infraction sur le marché français pendant la période 1981-1982, ce que n'ont pas fait les autorités françaises. Par ailleurs, la Commission ne saurait suivre la requérante dans l'interprétation qu'elle avance de l'arrêt Walt Wilhelm e.a., laquelle serait contredite par la jurisprudence de la Cour. En application de l'arrêt Walt Wilhelm e.a., la Commission ne pouvait donc que soustraire le montant de l'amende déjà infligée en France.

Appréciation du Tribunal

191 Le Tribunal rappelle que la jurisprudence de la Cour a admis la possibilité d'un cumul de sanctions suite à l'existence de deux procédures parallèles, poursuivant des fins distinctes, dont l'admissibilité résulte du système particulier de répartition des compétences entre la Communauté et les Etats membres en matière d'ententes. Cependant, la Cour a établi qu'une exigence générale d'équité implique que, en fixant le montant de l'amende, la Commission soit obligée de tenir compte de sanctions qui auraient déjà été supportées par la même entreprise pour le même fait, lorsqu'il s'agit de sanctions infligées pour infractions au droit des ententes d'un Etat membre et, par conséquent, commises sur le territoire communautaire(voir à cet égard les arrêts de la Cour, Walt Wilhelm e.a., précité, point 11, et du 14 décembre 1972, Boehringer/Commission, 7-72, Rec. p. 1281, point 3). Force est de constater qu'il en a été ainsi dans le cas d'espèce où la Commission a tenu compte, au point 205 de la Décision, de l'amende déjà infligée par les autorités françaises.

192 En ce qui concerne la différence entre l'amende infligée par la Commission par rapport à celle prononcée par les autorités françaises de la concurrence, le Tribunal estime que la Commission pouvait arriver à des conclusions en fonction des preuves dont elle disposait, qui n'étaient pas nécessairement les mêmes que celles dont disposaient les autorités françaises de la concurrence et qu'elle ne saurait être liée par la conclusion desdites autorités. En effet, il est de jurisprudence constante que les similitudes qui pourraient exister entre la législation d'un Etat membre en matière de concurrence et le régime des articles 85 et 86 du traité ne sauraient en aucun cas restreindre l'autonomie dont la Commission jouit dans l'application des articles 85 et 86 et lui imposer d'adopter la même appréciation que les organismes chargés d'appliquer une telle législation nationale(arrêt CICCE/Commission, précité, point 27).

193 Il y a donc lieu de rejeter le grief de la requérante

194 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

195 Aux termes de l'article 87 du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) La requérante est condamnée aux dépens.