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Décisions

TPICE, 1re ch., 6 avril 1995, n° T-145/89

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Baustahlgewebe (GmbH)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

M. Kirschner, juges : MM. Bellamy, Vesterdorf, Garcia-Valdecasas, Lenaerts

Avocats :

Mes Deringer, Tessin, Herrmann, Sedemund, Montag, May.

TPICE n° T-145/89

6 avril 1995

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Les faits à l'origine du recours

1 La présente affaire a pour objet la décision 89-515-CEE de la Commission, du 2 août 1989, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-31553 ° Treillis soudés, JO L. 260, p. 1, ci-après "Décision"), par laquelle celle-ci a infligé à quatorze producteurs de treillis soudés une amende pour avoir violé l'article 85, paragraphe 1, du traité. Le produit faisant l'objet de la Décision est le treillis soudé. Il s'agit d'un produit préfabriqué d'armature, constitué de fils d'acier tréfilés à froid, lisses ou crantés, qui sont assemblés par soudage de chaque point de croisement pour former un réseau. Il est utilisé dans presque tous les domaines de la construction en béton armé.

2 A partir de 1980, un certain nombre d'ententes et de pratiques, qui sont à l'origine de la Décision, se seraient développées dans ce secteur sur les marchés allemand, français et du Benelux.

3 Pour le marché allemand, le Bundeskartellamt a autorisé, le 31 mai 1983, la constitution d'un cartel de crise structurelle des producteurs allemands de treillis soudé, qui, après avoir été prorogé une fois, a pris fin en 1988. Le cartel avait pour objet une réduction des capacités et prévoyait également des quotas de livraison et une régulation des prix, qui n'ont toutefois été approuvés que pour les deux premières années de son application (points 126 et 127 de la Décision).

4 La Commission française de la concurrence a émis, le 20 juin 1985, un avis relatif à la situation de la concurrence sur le marché des treillis soudés en France, qui a été suivi par une décision n°85-6-DC, du 3 septembre 1985, du Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget français, imposant des amendes à diverses sociétés françaises pour avoir mis en œuvre des actions et des pratiques ayant pour objet et pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence et d'entraver le fonctionnement normal du marché durant la période allant de 1982 à 1984.

5 Les 6 et 7 novembre 1985, en application de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n°17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n°17"), des fonctionnaires de la Commission ont procédé, simultanément et sans avertissement, à des inspections dans les bureaux de sept entreprises et de deux associations: à savoir, Tréfilunion SA, Sotralentz SA, Tréfilarbed Luxembourg-Saarbruecken SARL, Ferriere Nord SpA (Pittini), Baustahlgewebe GmbH, Thibo Draad-en Bouwstaalprodukten BV (Thibodraad), NV Bekaert, Syndicat national du tréfilage d'acier (STA) et Fachverband Betonstahlmatten eV les 4 et 5 décembre 1985, ils ont procédé à d'autres inspections dans les bureaux des entreprises ILRO SpA, G B Martinelli, NV Usines Gustave Boël (afdeling Trébos), Tréfileries de Fontaine-l'Évêque (TFE), Frère-Bourgeois Commerciale SA (FBC), Van Merksteijn Staalbouw BV et ZND Bouwstaal BV.

6 Les éléments trouvés dans le cadre de ces vérifications ainsi que les renseignements obtenus en application de l'article 11 du règlement n°17 ont amené la Commission à conclure que, entre 1980 et 1985, les producteurs concernés avaient violé l'article 85 du traité par une série d'accords ou de pratiques concertées sur les quotas de livraison et sur les prix du treillis soudé. La Commission a engagé la procédure prévue par l'article 3, paragraphe 1, du règlement n°17 et, le 12 mars 1987, la communication des griefs a été envoyée aux entreprises concernées qui y ont répondu Une audition de leurs représentants a eu lieu les 23 et 24 novembre 1987.

7 Au terme de cette procédure, la Commission a pris la Décision. Selon celle-ci (point 22), les restrictions de la concurrence consistaient en une série d'accords et/ou de pratiques concertées ayant pour objet la fixation de prix et/ou de quotas de livraison ainsi que la répartition des marchés du treillis soudé. Ces ententes avaient, selon la Décision, trait à différents marchés partiels (les marchés français, allemand ou celui du Benelux), mais affectaient le commerce entre États membres puisqu'y participaient des entreprises établies dans plusieurs États membres. Selon la Décision: "Il s'agit moins en l'espèce d'une entente globale entre tous les producteurs de tous les États membres concernés que d'un ensemble d'ententes différentes entre des participants parfois différents eux aussi. Toutefois en réglementant les différents marchés partiels, cet ensemble d'ententes a eu pour effet de réglementer dans une large mesure une partie substantielle du Marché commun" ;

8 La Décision comporte le dispositif suivant:

"Article premier

Les entreprises Tréfilunion SA, Société métallurgique de Normandie (SMN), CCG (TECNOR), Société de treillis et panneaux soudés (STPS), Sotralentz SA, Tréfilarbed SA ou Tréfilarbed Luxembourg-Saarbruecken SARL, Tréfileries de Fontaine-l'Évêque, Frère-Bourgeois Commerciale SA (maintenant Steelinter SA), NV Usines Gustave Boël, afdeling Trébos, Thibo Draad- en Bouwstaalprodukten BV (maintenant Thibo Bouwstaal BV), Van Merksteijn Staalbouw BV, ZND Bouwstaal BV, Baustahlgewebe GmbH, ILRO SpA, Ferriere Nord SpA (Pittini) et G B Martinelli fu G B Metallurgica SpA ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE en participant, entre le 27 mai 1980 et le 5 novembre 1985, dans un ou plusieurs cas, à un ou plusieurs accords et/ou pratiques concertées (ententes) qui consistaient à fixer des prix de vente, à restreindre les ventes, à se répartir les marchés et à prendre des mesures visant à appliquer ces ententes et à contrôler cette application.

Article 2

Dans la mesure où elles continuent à exercer une activité dans le secteur des treillis soudés dans la Communauté, les entreprises citées à l'article 1er sont tenues de mettre fin immédiatement aux infractions constatées (si elles ne l'ont pas encore fait) et de s'abstenir à l'avenir, en ce qui concerne cette activité, de tous accords et/ou pratiques concertées ayant un objet ou un effet identique ou similaire.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises citées ci-après pour les infractions constatées à l'article 1er:

1) Tréfilunion SA (TU): une amende de 1 375 000 écus

2) Société métallurgique de Normandie (SMN) : une amende de 50 000 écus

3) Société des treillis et panneaux soudés (STPS) : une amende de 150 000 écus

4) Sotralentz SA: une amende de 228 000 écus

5) Tréfilarbed Luxembourg-Saarbruecken SARL : une amende de 1 143 000 écus

6) Steelinter SA: une amende de 315 000 écus

7) NV Usines Gustave Boël, afdeling Trébos : une amende de 550 000 écus

8) Thibo Bouwstaal BV : une amende de 420 000 écus

9) Van Merksteijn Staalbouw BV : une amende de 375 000 écus

10) ZND Bouwstaal BV : une amende de 42 000 écus

11) Baustahlgewebe GmbH (BStG) : une amende de 4 500 000 écus

12) ILRO SpA: une amende de 13 000 écus

13) Ferriere Nord SpA (Pittini) : une amende de 320 000 écus

14) G B Martinelli fu G B Metallurgica SpA : une amende de 20 000 écus.

"

9 A l'époque des faits, Baustahlgewebe GmbH (ci-après "BStG") était une entreprise commune dont les propriétaires étaient Thyssen Draht AG: 34 % Kloeckner Draht GmbH : 33,5 % Arbed: 25,001 % Roesler Draht AG, Schwabenthal: 7,499 % Son capital s'élevait à 20 millions de DM BStG possédait ses propres installations en Allemagne (Aalen, près de Stuttgart, et Glinde, près de Hambourg). Elle possédait aussi une série de machines installées dans les usines de ses associés et vendait, en son propre nom, la production provenant de ces machines. Tel était le cas, en particulier, pour l'usine de St Ingbert (Allemagne) et pour celle de Roermond (Pays-Bas), toutes deux propriété du groupe Arbed. Avec des ventes annuelles d'environ 320 000 tonnes, BStG était de loin l'entreprise qui détenait la plus grande part du marché (36 % environ) de la République fédérale d'Allemagne.

La procédure

10 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe de la Cour le 20 octobre 1989, la requérante a introduit le présent recours, visant à l'annulation de la Décision. Dix des treize autres destinataires de cette Décision ont également introduit un recours.

11 Par ordonnances du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé cette affaire ainsi que les dix autres devant le Tribunal, en application de l'article 14 de la décision 88-591-CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L. 319, p. 1). Ces recours ont été enregistrés sous les numéros T-141-89 à T-145-89 et T-147-89 à T-152-89.

12 Par ordonnance du 13 octobre 1992, le Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 50 du règlement de procédure.

13 Par lettres déposées au greffe du Tribunal entre le 22 avril et le 7 mai 1993, les parties ont répondu aux questions qui leur avaient été posées par le Tribunal.

14 Au vu des réponses fournies à ces questions et sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.

15 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 14 au 18 juin 1993.

Conclusions des parties

16 La requérante a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal :

° annuler la Décision dans la mesure où elle vise la requérante

à titre subsidiaire,

° réduire l'amende infligée à la requérante à l'article 3, point 11, de la Décision d'un montant de 4,5 millions d'écus à un montant raisonnable

° condamner la Commission aux dépens de l'instance.

17 En outre, la requérante, dans le cadre de son moyen tiré de la violation des droits de la défense, a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal d'ordonner à la Commission de permettre à la requérante de consulter les documents suivants:

° l'ensemble des pièces de procédure, dans la mesure où elles se rapportent à la requérante,

° tous les documents, correspondances, notes et procès-verbaux par lesquels le Bundeskartellamt a informé la Commission de l'existence du cartel de crise structurelle,

° tous les documents, pièces, procès-verbaux et notes relatifs aux négociations trilatérales entre la Commission, le Bundeskartellamt et des représentants de la communauté allemande du cartel, concernant la prorogation de celui-ci.

18 La défenderesse a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal :

° rejeter le recours comme non fondé,

° condamner la requérante aux dépens de l'instance.

Sur le fond

19 La requérante invoque, en substance, trois moyens à l'appui de son recours. Le premier est tiré de la violation des droits de la défense le deuxième est tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité le troisième est pris de la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n°17.

Sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense

20 La requérante articule ce moyen en deux branches. La première branche est fondée sur une violation des droits de la défense au cours de la procédure administrative la seconde branche est basée sur une violation postérieure à l'adoption de la Décision. Dans le cadre de ce moyen, la requérante demande, en outre, au Tribunal d'ordonner à la Commission de produire certains documents.

I ° Sur la première branche du moyen

Arguments des parties

21 La requérante se plaint de ce que la Commission n'a pas respecté son droit à être entendue. Elle fait valoir que la Commission a d'abord cherché, dans la communication des griefs, à rendre le "groupe allemand" et le Fachverband Betonstahlmatten responsables des prétendues infractions au droit de la concurrence qu'elle examinait et que cette attitude l'a amenée à penser qu'elle n'était pas la première concernée. La requérante souligne que c'est pour cette raison qu'elle n'a pas jugé nécessaire, au cours de la procédure administrative, de demander à avoir accès au dossier et à le consulter ainsi que de constituer avocat. La requérante fait valoir que ce n'est que dans la Décision que la Commission a exclu le Fachverband Betonstahlmatten des destinataires et qu'elle a tout simplement remplacé le "groupe allemand", dont les membres n'avaient pas été indiqués, par une mention la désignant. Elle fait observer qu'elle n'a pas pu prendre position sur cette concentration de tous les griefs sur sa personne et qu'elle n'y a pas été invitée par la Commission. Si la Commission estimait devoir diriger tous les griefs contre la requérante, elle aurait dû modifier la communication des griefs, lui notifier la nouvelle version et lui donner à nouveau l'occasion de faire connaître son point de vue par écrit et oralement.

22 La Commission fait valoir que la communication des griefs est un acte procédural préparatoire, destiné uniquement aux entreprises contre lesquelles la procédure est engagée, en vue de leur assurer l'exercice efficace de leur droit d'être entendues. Elle souligne que les appréciations de fait et de droit contenues dans ce document ont un caractère purement provisoire et que la Commission est tenue de les vérifier à la lumière des explications fournies par lesdites entreprises (ordonnance de la Cour du 18 juin 1986, British-American Tobacco et Reynolds/Commission, 142-84 et 156-84, Rec. p. 1899). La Commission soutient que, lorsque, comme elle y est tenue, elle prend en considération les éléments apparus au cours de la procédure administrative et abandonne des griefs qui se sont révélés insuffisamment fondés à l'égard de certaines personnes initialement concernées, il ne s'agit pas là, si les preuves restent inchangées et si les griefs retenus contre les autres personnes concernées subsistent, d'une nouvelle appréciation qui l'oblige à compléter les griefs précédemment énoncés. Lors de l'audience, la Commission a expliqué que, à l'issue de la procédure administrative, elle a considéré ne pas pouvoir maintenir les griefs articulés à l'encontre du Fachverband Betonstahlmatten, mais qu'elle a toujours considéré BStG comme l'une des responsables des pratiques en cause.

Appréciation du Tribunal

23 Le Tribunal relève qu'il ressort de la lettre du 12 mars 1987, du directeur général de la concurrence, qui accompagnait la communication des griefs, que la Commission considérait que les entreprises destinataires avaient enfreint les dispositions de l'article 85 du traité. Elle leur ouvrait la possibilité de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus, en leur fixant un délai pour présenter par écrit leurs observations Ces observations pouvaient éventuellement être accompagnées de documents et de propositions d'entendre des témoins ainsi que contenir une demande d'audition en vue de compléter oralement les observations écrites. Le signataire de la lettre ajoutait que les principaux documents relatifs à l'affaire étaient joints et que, pour éviter toute divulgation de secrets professionnels, seuls étaient envoyés les documents concernant directement ou indirectement l'entreprise destinataire. Il précisait aussi que les entreprises avaient la possibilité, pour la préparation de leurs observations, de prendre connaissance, moyennant une autorisation, d'autres documents détenus par la Commission.

24 Le Tribunal constate que la requérante a été l'une des destinataires de la communication des griefs [voir points 11, sous a) et 16] qu'elle a été désignée nommément, à plusieurs reprises, dans l'analyse de la partie en fait et dans l'appréciation juridique de la communication des griefs [voir notamment points 96, 97, 98, 100, 101, 104, 143, 144, 146, 148, sous a), 175, 181, 182, 183 et 187] et qu'elle a reçu de nombreuses annexes sur lesquelles la Commission fondait ses griefs. Le Tribunal considère, en outre, que le contenu d'une communication des griefs est individuellement opposable à chacun de ses destinataires, parmi lesquels figure, en l'espèce, la requérante, à moins que la communication ne précise expressément le contraire, ce qui n'a pas été le cas en ce qui concerne la requérante. Quant à la question de savoir si la Commission a maintenu ses griefs à l'encontre de la requérante dans la Décision et si, dans l'affirmative, elle a établi à suffisance de droit les constatations de fait les supportant, elle relève de l'examen par le Tribunal du bien-fondé de l'établissement de l'infraction (voir l'arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Enichem Anic/Commission, T-6-89, Rec. p. II-1623, points 37 et 40).

25 Le Tribunal constate également que la requérante a envoyé une lettre à la Commission, datée du 29 mai 1987, dans laquelle elle a présenté des observations écrites sur la communication des griefs Dans cette lettre, la requérante a demandé, à titre subsidiaire, la tenue d'"une audition, afin de pouvoir expliciter ou compléter la prise de position écrite ci-après". La requérante ajoutait qu'elle se réservait de produire d'autres éléments de preuve ainsi que de se faire assister et représenter par des avocats de son choix. Ladite audition, lors de laquelle l'entreprise a été représentée par M. Michael Mueller, gérant de BStG, qui y a participé tant en qualité de président de la gérance de BStG qu'en qualité de représentant légal et de président du Fachverband Betonstahlmatten, a eu lieu les 23 et 24 novembre 1987.

26 Par conséquent, le Tribunal ne saurait admettre l'argument de la requérante selon lequel elle n'aurait pas été concernée par la communication des griefs et selon lequel celle-ci aurait dû être modifiée afin de diriger tous les griefs contre elle. En effet, il y a lieu de souligner que la requérante a été expressément désignée dans la communication des griefs comme l'une des personnes concernées, qu'elle a reçu les documents annexés qui la concernaient, qu'elle a présenté des observations écrites et a été représentée lors de l'audition devant la Commission et que le fait de ne pas avoir constitué un avocat lors de la procédure administrative a été le résultat d'un choix de sa part, qu'elle s'était expressément réservé le droit de faire. Il s'ensuit que la requérante a pu exprimer, à plusieurs reprises et à suffisance de droit, son point de vue lors de la procédure administrative devant la Commission.

27 Partant, la première branche du moyen doit être rejetée.

II ° Sur la seconde branche du moyen

Arguments des parties

28 La requérante fait valoir que, lors de la préparation de la requête, la Commission a porté atteinte à ses droits de la défense, notamment à son droit d'être entendue, dans la mesure où elle a rejeté pour l'essentiel sa demande de consultation du dossier du 30 août 1989. Par cette lettre, la requérante avait demandé à la Commission l'autorisation de consulter les documents sur lesquels reposaient la communication des griefs ainsi que la Décision. La requérante fait valoir qu'elle a eu un échange de correspondances avec la Commission, au cours duquel elle a attiré l'attention de celle-ci sur le fait que le droit fondamental de la défense à consulter le dossier continue d'exister après l'adoption d'une décision formelle et que la Commission a répondu qu'elle lui avait transmis, en annexe à la communication des griefs, les documents sur lesquels reposait celle-ci. La requérante souligne que, la Commission lui ayant offert, par télécopie du 11 octobre 1989, de lui transmettre des copies de certains documents, elle a, suite à cette offre, demandé, par télécopie du 16 octobre 1989, d'une part, l'envoi du rapport et du dossier relatif à l'inspection effectuée les 6 et 7 novembre 1985 dans ses bureaux ainsi que du rapport relatif à l'inspection effectuée les mêmes jours dans les bureaux du Fachverband Betonstahlmatten et, d'autre part, l'autorisation de consulter les procès-verbaux et autres documents par lesquels le Bundeskartellamt avait informé la Commission de l'existence, en Allemagne, d'un cartel de crise structurelle. La Commission n'aurait pas réagi jusqu'à l'introduction du recours, le 20 octobre 1989.

29 La Commission fait observer que la requérante fonde son grief sur une prétendue infraction de la Commission commise après notification de la Décision et que la légalité d'une décision ne peut dépendre d'événements postérieurs à sa notification. La Commission souligne que, bien que le respect des droits de la défense exige que l'entreprise intéressée ait été en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les documents retenus par la Commission dans les considérations qui sont à la base de sa décision, elle n'est pas tenue, selon la jurisprudence de la Cour, de communiquer le contenu du dossier aux parties concernées (arrêt du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43-82 et 63-82, Rec. p. 19, point 25). Si le principe trouve à s'appliquer lors de la procédure administrative, il devrait a fortiori trouver à s'appliquer après la clôture de celle-ci, comme c'est le cas en l'espèce.

Appréciation du Tribunal

30 Le Tribunal constate que la demande de la requérante tendant à avoir à nouveau accès au dossier a été formulée auprès de la Commission après l'adoption de la Décision, qu'il s'agit donc d'un élément postérieur à l'adoption de celle-ciet que, par conséquent, la légalité de cette dernière ne peut, en aucun cas, être affectée par le refus de la Commission d'accorder l'accès demandé ni par l'omission de transmettre certains documents pendant la période des délais de recours.

31 Par conséquent, la seconde branche du moyen doit être rejetée.

III ° Sur la mesure d'organisation de la procédure demandée par la requérante

32 La requérante conclut expressément dans la requête à ce qu'il plaise au Tribunal d'ordonner à la Commission de lui permettre de consulter les documents suivants :

° l'ensemble des pièces de procédure, dans la mesure où elles se rapportent à la requérante,

° tous les documents, correspondances, procès-verbaux et notes relatifs à l'information de la Commission par le Bundeskartellamt au sujet de l'existence du cartel de crise structurelle,

° tous les documents, pièces, procès-verbaux et notes relatifs aux négociations trilatérales entre la Commission, le Bundeskartellamt et des représentants de la communauté allemande du cartel de crise structurelle.

33 Le Tribunal considère que la demande de la requérante doit être considérée comme une demande de mesure d'organisation de la procédure au sens de l'article 64, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure.

34 En vue d'apprécier l'opportunité de cette mesure d'organisation de la procédure, il convient d'examiner, en premier lieu, la demande de production de l'ensemble des pièces de procédure, dans la mesure où elles se rapportent à la requérante. A cet égard, il y a lieu de rappeler que la requérante ne conteste pas avoir reçu, au cours de la procédure administrative devant la Commission, tous les documents du dossier la concernant directement ou indirectement et sur lesquels était basée la communication des griefs. En outre, la requérante n'a pas présenté d'indices de nature à établir que d'autres documents auraient été pertinents à sa défense. Par conséquent, le Tribunal estime que la requérante a été mise en mesure de faire valoir, comme elle l'entendait, son point de vue sur l'ensemble des griefs formulés par la Commission à son encontre dans la communication des griefs qui lui a été adressée, ainsi que sur les éléments de preuve destinés à étayer ces griefs, mentionnés par la Commission dans ladite communication des griefs ou annexés à celle-ci et que, dès lors, le respect des droits de la défense a été assuré (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322-81, Rec. p. 3461, point 7, et arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Chemie Linz/Commission, T-15-89, Rec. p. II-1275, point 51, et du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR ea/Commission, T-10-92, T-11-92, T-12-92 et T-15-92, Rec. p. II-2667, point 38 et 39). Il s'ensuit que, tant lors de la préparation de la requête que durant la procédure devant le Tribunal, les avocats de la requérante ont été en mesure d'examiner en toute connaissance de cause la légalité de la Décision et d'assurer pleinement la défense de la requérante Par conséquent, il n'y a pas lieu d'ordonner à la Commission la production des documents mentionnés.

35 Il convient, en second lieu, d'examiner la demande de la requérante de production des documents transmis par le Bundeskartellamt, pour autant qu'elle se rapporte au sujet du cartel de crise structurelle ainsi que des documents concernant les négociations trilatérales entre la Commission, le Bundeskartellamt et les représentants de la communauté allemande du cartel de crise structurelle. A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante n'a pas fait état de ce que, faute de disposer de ces documents, elle n'a pas été en mesure de se défendre des griefs qui lui ont été imputés et qu'elle n'a avancé aucun indice de nature à établir en quoi ces pièces pouvaient présenter un intérêt pour la solution du présent litige. Il convient d'ajouter que, en tout état de cause, il s'agit de documents concernant le cartel de crise structurelle qui ne fait pas, comme tel, partie intégrante des infractions constatées par la Décision (voir ci-après points 55 et suivants) et que, de ce fait, les documents se rapportant audit cartel constituent des éléments de preuve étrangers à l'objet de la présente procédure. Partant, il n'y a pas lieu d'adopter la mesure d'organisation de la procédure demandée par la requérante.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité

I ° Sur le marché en cause

Arguments des parties

36 La requérante soutient que l'affirmation faite au point 3 de la Décision, selon laquelle les panneaux standard et les panneaux lettrés sont largement interchangeables, est erronée. A cet égard, elle rappelle que, à la différence des panneaux standard, ce que l'on appelle les panneaux lettrés (Listenmatten) sont des treillis soudés taillés sur mesure pour des projets de construction particuliers et que, en principe, un panneau lettré ne peut pas être intégré dans un autre bâtiment que celui pour lequel il a été spécialement conçu. La requérante considère qu'il faut également établir une distinction entre les panneaux lettrés (Listenmatten) et les panneaux fabriqués aux Pays-Bas (Lettermatten), qui seraient, en réalité, des panneaux semi-standardisés. La requérante fait valoir que les panneaux standard et les panneaux lettrés ne sont pas interchangeables en raison de leur différence de prix (panneaux standard: 760 DM la tonne et panneaux lettrés: 850 à 1 500 DM la tonne). Lorsqu'il existe un panneau standard de la bonne dimension, l'usager y aurait recours en raison de son prix défiant toute concurrence et n'utiliserait jamais un panneau lettré, beaucoup plus cher, à la place d'un panneau standard. Les panneaux lettrés seraient plutôt en concurrence avec les ronds à béton (produit CECA), qui sont vendus au détail après avoir été travaillés en liaison avec l'entrepreneur en fonction du bâtiment à construire. Afin d'établir la preuve de ses affirmations, la requérante propose qu'un rapport d'expertise soit établi.

37 La Commission fait valoir que le prix des panneaux standard ne pouvait être indifférent à la requérante, étant donné que le prix des panneaux standard influe sur celui des panneaux lettrés (points 3 et 114 de la Décision). En tant qu'exportatrice de panneaux lettrés, la requérante devait forcément souhaiter maintenir le niveau des prix des panneaux standard dans une certaine fourchette par rapport aux prix des panneaux lettrés. Tel aurait été précisément l'objet de la fixation de prix minimaux dans le cadre des ententes sur les prix concernant le marché du Benelux.

Appréciation du Tribunal

38 Le Tribunal relève que la description du marché faite par la requérante ne contredit nullement celle de la Commission. En effet, la requérante établit une distinction entre panneaux standard, panneaux lettrés type "Lettermatten" ou semi-standardisés, panneaux lettrés type "Listenmatten" et panneaux sur devis, pour soutenir que les deux premiers types sont tout à fait proches l'un de l'autre et que les deux derniers types sont également proches l'un de l'autre, mais présentent des différences essentielles par rapport aux deux premiers. Le Tribunal considère que la Décision ne dit pas autre chose lorsque, dans son point 3, elle expose que "ce sont surtout les panneaux standard et les panneaux lettrés qui sont largement interchangeables" et "qu'on peut parler de manière générale dans ce domaine d'un marché du treillis soudé à l'intérieur duquel il existe un sous-marché de treillis soudés sur devis".

39 En ce qui concerne les prix des panneaux standard et des panneaux "Listenmatten" auxquels se réfère la requérante, le Tribunal constate qu'ils ne sont pas très éloignés. Ce rapprochement de prix découle, à l'évidence, de facteurs objectifs qui influencent les deux marchés de panneaux en cause, à savoir, le prix du fil machine, matière première de ces deux produits, et l'évolution de la demande sur le marché utilisateur, celui de la construction, reflétant la conjoncture générale.

40 Ces constatations établies, il y a lieu d'examiner une question qui leur est étroitement liée, est celle de l'influence du prix des panneaux standard sur le prix des panneaux "Listenmatten" et des panneaux sur devis. En d'autres termes, il s'agit de savoir si une baisse du prix des panneaux standard peut rendre ceux-ci substituables aux panneaux "Listenmatten" et aux panneaux sur devis et peut entraîner un déplacement de la clientèle vers les panneaux standard. D'emblée, il y a lieu de rappeler que l'emploi de panneaux standard sur certains chantiers où devraient être utilisés des panneaux "Listenmatten" ou des panneaux sur devis n'est possible que si la configuration des armatures à mettre en place le permet et, en tout cas, à la condition de prendre sur les chantiers des mesures d'adaptation qui ne présentent pas de gêne technique ni n'entraînent de coûts supplémentaires trop importants. A cet égard, il y a aussi lieu de constater qu'il est apparu, lors de l'audience, que l'emploi de panneaux standard sur des chantiers où des panneaux sur devis devraient normalement être utilisés est effectivement possible, lorsque le prix des panneaux standard est tellement bas qu'il assure au maître d'œuvre une économie significative, couvrant les suppléments de coût et compensant les inconvénients techniques liés au changement de matériel utilisé, et que cette situation s'est produite pendant une partie de la période couverte par les ententes.

41 Au surplus, le Tribunal constate que certaines entreprises visées par la Décision, parmi lesquelles se trouve la requérante, ont la capacité de produire différents types de treillis soudés, ce qui permet d'en déduire raisonnablement qu'il existe dans l'industrie une certaine capacité d'adapter les outils de production afin de produire les différents types de treillis soudés en cause.

42 Enfin, le Tribunal constate que les contrats de livraison du 24 novembre 1976 et du 22 mars 1982 conclus entre BStG, d'une part, et Bouwstaal Roermond BV et Arbed SA afdeling Nederland, d'autre part [annexe (ann) 109 et 109 A à la communication des griefs (cg)], ont pour objet des panneaux standard et des panneaux non standard.

43 Au vu de tout ce qui précède, le Tribunal estime que l'analyse du marché faite par la Commission n'est pas erronée et, par conséquent, que le grief de la requérante doit être rejeté, sans qu' il soit besoin d'ordonner, ainsi qu'elle l'a proposé, l'établissement d'un rapport d'expertise.

II ° Sur l'établissement des ententes

A ° Sur l'absence d'une entente globale

44 La requérante conteste, à titre liminaire, l'existence d'une entente globale Elle fait valoir que le grief de la Commission, selon lequel les producteurs allemands auraient mis en place, sous sa direction, une concertation globale à l'échelle européenne sur l'interpénétration, constituée par un réseau d'ententes concernant les différents marchés nationaux, n'est en rien prouvé. Elle relève que, s'il est vrai que son gérant a fait état, au sein du comité de décision du cartel de crise structurelle, de contacts isolés qu'il a eus au niveau international, des limitations du commerce international n'ont cependant jamais été décidées ni n'ont fait l'objet de déclarations d'intentions.

45 A cet égard, elle estime que c'est à tort que la Commission croit pouvoir se baser sur une note du 15 octobre 1985, adressée par Me Guenter Mueller, avocat, dirigeant de la Wirtschaftsvereinigung Ziehereien und Kaltwalzwerke et représentant du cartel de crise structurelle au sens de l'article 36 de la loi allemande contre les restriction de la concurrence (GWB) (ann 101 (a) cg, point 131 de la Décision) à un de ses employés, dans laquelle Me Guenter Mueller demandait la modification du projet de compte rendu d'une réunion de la commission du marché, en vue de parvenir à une formulation plus neutre pour expliquer les raisons de la mauvaise situation du marché dans la zone Nord-Ouest, laquelle aurait été due à des importations ainsi qu'à des livraisons de quantités considérables réalisées par des entreprises non-membres du cartel. La requérante propose, à cet égard, d'entendre, en qualité de témoins, certains représentants d'entreprises au sein du comité de décision du cartel de crise structurelle ainsi que Me Guenter Mueller.

46 Le Tribunal relève que la Commission n'a jamais considéré qu'il y avait une entente globale, mais un ensemble d'ententes différentes (point 22 de la Décision) à des époques différentes et sur des marchés géographiques différents au contraire, ce que la Décision (points 132 et 175) reproche aux producteurs allemands en général et, en particulier, à la requérante, c'est d'avoir participé à des ententes bilatérales avec les producteurs d'autres États membres.

47 Par conséquent, il y a lieu de conclure que la Décision ne fait pas grief à la requérante d'avoir participé à une entente globale et, dès lors, il y a lieu de rejeter ce grief sans qu'il soit besoin de procéder à l'audition des témoins que la requérante a proposée.

B ° Sur le marché allemand

1 La prise en considération du cartel de crise structurelle allemand comme partie intégrante des infractions constatées par la Décision

Arguments des parties

48 La requérante fait valoir que la Commission ne pouvait en aucun cas lui infliger une amende en raison de sa participation au cartel de crise structurelle allemand. En effet, celui-ci n'enfreignant pas l'interdiction édictée par l'article 85, paragraphe 1, du traité, la requérante n'aurait pas non plus enfreint cet article dans la mesure où elle s'est fondée sur la légalité du cartel. En réponse à l'affirmation de la Commission selon laquelle le contrat du cartel ne fait pas partie intégrante des infractions constatées dans la Décision et n'a pas été retenu à sa charge dans le calcul de l'amende qui lui a été infligée, la requérante rétorque que cette affirmation est en contradiction flagrante avec les termes de la Décision, dont il ressort clairement le contraire. A cet égard, la requérante cite le point 126 de la Décision, selon lequel "les concertations qui concernent le marché allemand résultent du contrat de cartel lui-même". Elle fait observer que les points 127 à 129 sont exclusivement consacrés au cartel, cette mise en cause culminant au point 130 de la Décision, selon lequel "la référence (à l'article 5, paragraphe 2, et à l'article 7, paragraphe 1, du contrat de cartel) à des quotas de livraison pour le marché allemand et non pas à des quotas de production a été choisie consciemment et délibérément pour utiliser le cartel comme instrument pour parvenir à une concertation bilatérale avec des producteurs étrangers en vue de limiter leur pénétration réciproque sur les marchés (voir les points 132 et suivants)".

49 La requérante fait observer que, sous la partie "appréciation juridique" de la Décision, la Commission expose les raisons pour lesquelles le cartel aurait été incompatible avec l'article 85, paragraphe 1, et qu'elle n'évoque que sous le point 206 (considérations sur le montant de l'amende) le fait que le cartel a été autorisé par le Bundeskartellamt. Elle relève qu'il est nullement dit dans ce point que le cartel "ne fait pas l'objet de l'amende infligée à la requérante et ne constitue pas l'infraction constatée par la Décision". Si la Commission n'avait véritablement pas voulu infliger d'amende pour le cartel, il lui aurait été facile de le faire savoir clairement, comme elle l'a fait à d'autres égards (voir, par exemple, point 133, in fine de la Décision).

50 La requérante relève, par ailleurs, qu'il n'était pas nécessaire d'interdire, avec injonction d'y mettre fin à l'avenir, le contrat de cartel comme la Décision l'a fait pour chacune des infractions établies (points 209 et 210 de la Décision), du fait que la période pour laquelle il avait été conclu avait déjà expiré. Au surplus, le procès-verbal de l'audition du 24 novembre 1987 montrerait que celle-ci a porté presque exclusivement, en ce qui concerne le marché allemand, sur la question des effets du cartel M. Michael Mueller ayant expressément demandé à la Commission de confirmer que le contrat de cartel était disjoint de la procédure, le fonctionnaire de la Commission responsable du dossier aurait répondu que la Commission ne s'était pas engagée à exclure le contrat de cartel de la procédure.

51 De l'avis de la requérante, il est clair que le contrat du cartel a été effectivement retenu contre elle dans la Décision et qu'il est la base principale de l'amende qui lui a été infligée et le seul motif explicable pour lequel la Commission répète qu'elle a assumé une responsabilité particulière en raison des fonctions de son gérant, qui présidait le conseil de surveillance des membres du cartel.

52 Afin d'apporter la preuve de ses affirmations, la requérante propose d'entendre, en qualité de témoins, M Hohls, à l'époque rapporteur de la cinquième section du Bundeskartellamt, M Kirschstein, à l'époque président de la cinquième section du Bundeskartellamt, et Me Guenter Mueller.

53 La Commission soutient que le contrat de cartel ne fait pas partie intégrante des infractions constatées par la Décision et rappelle qu'elle a tenu compte (point 206) de l'autorisation accordée par le Bundeskartellamt et n'a pas infligé d'amende sur ce point. La Commission considère qu'il ne lui est pas interdit d'évoquer dans une décision formelle des infractions ayant fait l'objet d'un règlement informel, sans pour autant que l'infraction en cause devienne partie intégrante de la décision formelle. La Commission reconnaît qu'elle a considéré, au point 174 de sa Décision, comme incompatibles avec l'article 85, paragraphe 1, les articles 5, paragraphe 2, et 7, paragraphe 1, du contrat de cartel Cependant, elle a indiqué (point 210 de la Décision) qu'elle n'interdisait pas officiellement ces deux clauses. Au lieu de constater formellement, dans le dispositif de la Décision, l'incompatibilité du contrat de cartel avec les règles de concurrence et d'infliger une amende à la requérante, en sa qualité de représentante des membres de l'entente, elle se serait contentée de mener des négociations avec le Bundeskartellamt et les représentants du cartel de crise dans le but de modifier les clauses concernées (point 129 de la Décision), lesquelles auraient été effectivement modifiées.

54 En ce qui concerne l'audition du 24 novembre 1987, la Commission souligne que, à la demande de M. Michael Mueller, le fonctionnaire de la Commission responsable du dossier a précisé, "sans engagement et de manière correcte", que la Commission ne s'était nullement engagée à exclure le contrat de cartel de la procédure.

Appréciation du Tribunal

55 Le Tribunal estime que l'analyse de la Décision permet d'aboutir à la conclusion que le cartel ne fait pas, comme tel, partie intégrante des infractions qui y sont constatées. En effet, la requérante fait une citation incomplète du point 126 de la Décision, dont le quatrième alinéa est libellé comme suit: "Les concertations qui concernent le marché allemand résultent du contrat de cartel lui-même ou s'inscrivent dans le cadre des efforts visant à protéger ce cartel contre les importations non contrôlées". L'idée prédominante exprimée dans cet alinéa est celle déjà exprimée dans le premier alinéa du même point, à savoir que "les ententes concernant le marché allemand doivent être vues dans le contexte de la constitution et du fonctionnement du cartel de crise structurelle pour les treillis soudés". Cette idée est confirmée et explicitée dans d'autres points de la Décision. Ainsi, au point 130, il est indiqué que le contrat de cartel, et en particulier ses articles 5, paragraphe 2, et 7, paragraphe 1, ont été utilisés comme instruments pour parvenir à une "concertation bilatérale avec des producteurs étrangers en vue de limiter leur pénétration réciproque sur les marchés". Au point 175, il est également indiqué que les clauses citées avaient "en outre pour objet ou, du moins, ont eu pour effet que le cartel de crise structurelle a été utilisé comme instrument de concertations bilatérales entre producteurs allemands et producteurs d'autres États membres". Enfin, au point 206, il est constaté que le cartel a été utilisé "pour protéger le marché allemand contre la concurrence d'autres États membres par des mesures non compatibles avec le droit communautaire".

56 Au vu de cette analyse, le Tribunal estime que le cartel est considéré, dans la Décision, comme un élément qui a facilité les ententes entre les différents producteurs et qui contenait des clauses contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité néanmoins, on ne peut déduire du libellé de la Décision que ledit cartel fait, comme tel, partie intégrante des infractions constatées par celle-ci. En effet, le point 210 précise clairement que la Commission s'est limitée à constater l'incompatibilité des clauses mentionnées avec l'article 85, paragraphe 1, du traité. Cette interprétation de la Décision n'est pas contredite par son point 174, qui ne fait que constater que le contrat de cartel faussait la concurrence dans les transactions communautaires et, par conséquent, était susceptible d'affecter le commerce entre États membres. Quant au point 206 de la Décision, il ne se prononce que sur les effets juridiques du contrat de cartel au regard des diverses infractions constatées dans d'autres points de la Décision. Par conséquent, il y a lieu de conclure que l'article 1er du dispositif de la Décision, pour autant qu'il constate l'existence d'ententes et/ou de pratiques concertées, ne se réfère pas au cartel de crise.

57 Partant, il n'y a pas lieu de procéder à l'audition de témoins sur le fonctionnement et les détails de l'organisation du cartel qu'a proposée la requérante.

58 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le cartel de crise structurelle allemand ne fait pas, comme tel, partie intégrante des infractions constatées par la Décision et que la requérante n'a pas été incriminée dans la Décision pour sa participation à ce cartel Dès lors, le grief de la requérante doit être rejeté.

2 Sur l'entente de 1985 entre BStG et Tréfilunion concernant des échanges d'interpénétration entre l'Allemagne et la France

Acte attaqué

59 La Décision (points 135 à 143 et 176) fait grief à la requérante d'avoir participé à des ententes concernant des échanges d'interpénétration entre l'Allemagne et la France avec l'entreprise française Tréfilunion. Ces ententes auraient été conclues au cours d'une conversation du 7 juin 1985 entre M. Michael Mueller et M. Marie, directeur de Tréfilunion, ainsi qu'il ressortirait d'une note interne établie par M. Marie du 16 juillet 1985 (ann 106 cg) et d'une note interne établie par M. Michael Mueller du 27 août 1985 (ann 107 cg). Selon la Décision (point 140), les concessions réciproques faites au cours de cette conversation ont été respectées, ce qui serait attesté par le fait que ni Tréfilunion ni les autres producteurs français n'ont déposé plainte auprès de la Commission contre le cartel de crise structurelle allemand et que l'usine de la requérante de Gelsenkirchen (Allemagne) n'a pas exporté de panneaux lettrés vers la France. En outre, il ressortirait des deux notes que toute activité d'exportation future devait être subordonnée à la fixation d'un quota de livraison.

60 Selon la Décision (point 176), les ententes conclues au cours de la conversation du 7 juin 1985 entre M. Michael Mueller et M. Marie concernant des échanges d'interpénétration entre l'Allemagne et la France constituent une restriction de la concurrence entre producteurs allemands et français, susceptible d'affecter le commerce entre États membres.

Arguments des parties

61 La requérante soutient que les conclusions que la Commission tire des deux notes précitées sont erronées, puisqu'il ne ressort pas de leur contenu que des ententes aient été conclues. Elle fait valoir qu'il s'agit du seul entretien qu'ont eu MM. Michael Mueller et Marie pendant toute la période considérée et ce en leur qualité de présidents d'associations. Il résulterait desdites notes que M. Marie a fait à M Michael Mueller des propositions concernant une canalisation future des importations, dont ce dernier se serait contenté de prendre note. En outre, la requérante estime que les propos relatifs à un éventuel dépôt de plainte auprès de la Commission relèvent du domaine politique et ne concernent en aucune façon une restriction de la concurrence. Afin d'apporter la preuve de ses affirmations, la requérante propose, dans la requête, d'entendre, en qualité de témoin, son conseil juridique, Me Pillmann et, dans la réplique, de comparaître en la personne de M Michael Mueller.

62 La Commission fait valoir qu'il ressort des notes du 16 juillet 1985 et 27 août 1985 que les concurrents étaient d'accord pour que la requérante renonce à exporter des panneaux lettrés vers la France et pour que Tréfilunion ne menace pas l'existence du cartel de crise structurelle en déposant plainte auprès de la Commission. La Commission estime qu'il ressort également de ces notes qu'il y a eu une entente en vue de limiter les exportations réciproques et de se répartir le marché dans le sens d'un "équilibrage des interpénétrations entre les deux pays en tonnages absolus". Pour la Commission, cette entente constituait déjà en soi une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, sans qu'il ait été nécessaire de vérifier si l'intention d'inclure l'ensemble des producteurs allemands dans cette entente s'est réalisée.

Appréciation du Tribunal

63 Le Tribunal constate que la Décision (point 140) impute à la requérante d'avoir mené avec Tréfilunion une concertation générale tendant à limiter la pénétration réciproque de leurs produits en Allemagne et en France, concertation qui se serait concrétisée en trois points: Tréfilunion ne déposerait pas de plainte auprès de la Commission contre le cartel de crise allemand; l'usine de la requérante de Gelsenkirchen n'exporterait pas de panneaux lettrés vers la France pendant une période de deux à trois mois enfin; les deux parties se seraient mises d'accord pour subordonner leurs exportations futures à la fixation de quotas.

64 Le Tribunal estime que l'analyse des deux notes précitées (voir point 59) permet de conclure que la Commission a établi, à suffisance de droit, une concertation de la requérante avec Tréfilunion sur les deux premiers points énumérés. En effet, dans sa note, sous le titre "Conclusions", M. Marie écrit que "aucune plainte n'est déposée à Bruxelles contre le Kartellvertrag" Pour sa part, la note de M. Michael Mueller est aussi claire à cet égard: "M. Marie s'est engagé à ne pas déposer plainte il serait prêt à approuver une homologation pour Gelsenkirchen, à condition que celle-ci ne soit pas utilisée avant deux ou trois mois. J'ai accepté le délai de deux à trois mois" Le Tribunal considère que l'engagement de M. Marie de ne pas déposer plainte contre le cartel allemand doit être analysé comme un comportement adopté vis-à-vis d'un concurrent, en contrepartie de concessions de ce même concurrent, dans le cadre d'une entente violant l'article 85, paragraphe 1, du traité.

65 L'analyse du libellé des deux notes démontre également le souhait chez les deux parties d'aboutir à un équilibre et à une limitation de la pénétration réciproque de leurs produits dans les deux pays. En effet, le Tribunal constate, d'une part, que M. Michael Mueller, dans sa note précitée, indique que "pour notre part, nous sommes très intéressés à une limitation des interpénétrations réciproques. Cela est cependant plus difficile à régler en raison du grand nombre de participants que cela ne serait le cas à l'échelle nationale, mais cela devrait se faire le plus tôt possible, en tout cas certainement lorsque le niveau des prix sera pratiquement le même sur tous les marchés concernés". Dans la même note, M. Michael Mueller relève que M. Marie a fait certaines propositions et exprimé certains souhaits, parmi lesquels l'"équilibrage des interpénétrations entre les deux pays en tonnages absolus". D'autre part, M. Marie, dans sa note précitée, sous le titre "Conclusions", écrit que "dans l'immédiat et dans l'attente d'une prochaine rencontre. BStG prend contact avec les autres producteurs allemands pour faciliter l'introduction en Allemagne des producteurs français par la levée de certains dispositifs et négocier un chiffre de pénétration tenter de réduire l'action de Moselstahl (via Stiness) et rechercher la possibilité d'intégrer Gelsenkirchen dans un ensemble RFA, la part à atteindre sur le marché français restant à déterminer".

66 Au vu de cette analyse, le Tribunal estime qu'il est seulement établi que les deux parties ont envisagé la conclusion d'un accord de quotas, laquelle dépendait de la réaction des autres entreprises allemandes.

67 A la lumière de ce qui précède, le Tribunal considère que la Commission a établi à suffisance de droit les faits exposés au point 140, premier alinéa, de la Décision, à savoir, l'engagement de Tréfilunion de ne pas déposer de plainte contre le cartel de crise structurelle ainsi que la renonciation de la requérante à exporter en France des panneaux lettrés pendant une période de deux à trois mois. En revanche, le Tribunal estime que la Commission n'a pas établi à suffisance de droit l'existence d'un accord ayant pour objet de subordonner leurs futures exportations à la fixation de quotas, tel qu'il est décrit au point 140, deuxième alinéa, de la Décision.

68 Par conséquent, et sans qu'il soit besoin de procéder à l'audition de témoins ni d'ordonner la comparution de la requérante, il y a lieu, d'une part, de rejeter le grief de la requérante en ce qui concerne les accords décrits au point 140, premier alinéa, de la Décision et de confirmer que c'est à juste titre que la Commission a estimé qu'ils constituaient une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traitéet d'autre part, d'accueillir le grief de la requérante en ce qui concerne les faits reprochés au point 140, deuxième alinéa, de la Décision et de déclarer que, faute d'avoir été établis à suffisance de droit par la Commission, ils ne sauraient tomber sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

3. Les ententes entre BStG et Sotralentz

Acte attaqué

69 La Décision (points 144 à 146 et 177), dans le cadre des ententes visant à protéger le cartel de crise structurelle allemand contre les importations non contrôlées de treillis soudés, fait grief à la requérante d'avoir participé à une entente avec Sotralentz sur le contingentement des exportations de celle-ci vers l'Allemagne. La Décision se base sur un télex adressé par BStG à Sotralentz le 24 octobre 1985, communiquant les chiffres d'approvisionnement du marché en Allemagne, et sur la réponse de Sotralentz par télex du 4 novembre 1985, communiquant ses chiffres d'expédition en Allemagne en septembre et en octobre 1985. Selon la Décision, qui, à cet égard, se base sur les déclarations faites par M. Michael Müller aux fonctionnaires de la Commission au cours de l'inspection des 6 et 7 novembre 1985, cet échange d'informations aurait eu lieu chaque mois et constituerait au moins une pratique concertée, susceptible d'affecter le commerce entre États membres (points 144 et 177). La Décision constate, enfin, que l'échange d'informations démontrerait, hormis l'existence d'un accord de quotas, un effort de la part de BStG de contrôler les importations en provenance de France sur une base mensuelle (point 146), mode de calcul qui était aussi à la base du contrat de cartel.

70 La Décision souligne que BStG et Sotralentz ont tenté de justifier cette correspondance par l'existence d'un contrat de licence de brevet entre les deux entreprises, qui autorisait Sotralentz à produire des panneaux lettrés en France selon le brevet BStG. En communiquant les chiffres des expéditions qu'elle avait effectuées, Sotralentz se serait simplement conformée aux obligations d'information et de paiement qui lui étaient imposées dans le cadre de ce contrat. Selon la Décision (point 145), cet argument est démenti par : a) le fait que l'obligation qui incombe à un preneur de licence de communiquer certaines informations concerne l'ensemble de la production et non pas uniquement les livraisons sur un marché déterminé ; b) le fait que BStG ait communiqué les chiffres exacts de l'approvisionnement du marché allemand, communication qui ne peut s'expliquer que dans le cadre d'un système de quotas, et c) le fait que le brevet de BStG était arrivé à expiration avant le moment de la communication des renseignements en cause et que Sotralentz n'avait donc plus aucune obligation d'information ni de paiement.

Arguments des parties

71 La requérante nie qu'il ait existé une entente avec Sotralentz. Elle affirme qu'il ne s'agissait que d'un contrat de licence de brevet, d'une relation contractuelle bilatérale de longue durée, accompagnée d'obligations de paiement de la part de Sotralentz, et non d'une coopération dans le cadre d'un réseau global d'ententes sur l'interpénétration.

72 La Commission souligne que le fait que BStG ait communiqué à Sotralentz le total des quantités livrées en Allemagne est bien l'indice de l'existence d'un accord de quotas. Pour la Commission, la constatation de la périodicité mensuelle des échanges d'informations, en liaison avec d'autres éléments du dossier, lui a permis de conclure que l'échange d'informations mis en cause dans la Décision ne découlait pas des obligations du contrat de licence.

73 En réponse aux questions posées par le Tribunal lors de la procédure écrite et à l'audience, les parties ont indiqué quels étaient les brevets faisant l'objet du contrat de licence entre la requérante et Sotralentz ainsi que leurs dates d'expiration respectives.

Appréciation du Tribunal

74 Il convient de vérifier si les éléments avancés par la Commission - à savoir, l'échange mensuel d'informations, le fait que BStG a communiqué à Sotralentz le total des quantités livrées en Allemagne - constituent un faisceau d'indices sérieux, précis et concordants qui prouveraient l'existence d'un accord de quotas.

75 Il y a lieu de rappeler que la requérante a opposé à ces indices une justification de l'échange d'informations observé basée sur l'existence d'un contrat de licence de brevet qui la liait à Sotralentz. Dans ces circonstances, le Tribunal doit vérifier si les indices avancés par la Commission ne peuvent s'expliquer autrement que par l'existence d'un accord de quotas et, en particulier, par celle d'un accord de licence de brevet entre BStG et Sotralentz (voir arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström e.a./Commission, C-89-85, C-104-85, C-114-85, C-116-85, C-117-85 et C-125-85 à C-129-85, Rec. p. I-1307, points 70 à 72).

76 Le Tribunal souligne, à titre liminaire, que la Commission ne s'est pas prononcée sur la question de savoir si le contrat de licence de brevet liant BStG et Sotralentz constituait une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Il s'ensuit que cette question est sans pertinence pour l'appréciation du Tribunal.

77 En ce qui concerne le nombre de brevets couverts par le contrat de licence du 28 juin 1979 et leur durée, le Tribunal, au vu des réponses fournies par les différentes parties aux questions qu'il leur a posées au cours des procédures écrite et orale, constate que l'entreprise BStG était titulaire de brevets pour les territoires français, néerlandais et allemand. Pour le territoire français, BStG était titulaire du brevet n° 1 578 746 (procédé pour l'obtention d'une barre d'armature de béton) et du brevet n° 6 920 046 (treillis d'armature soudé par points) ; pour le territoire néerlandais, BStG était titulaire du brevet n° 135 455 (werkwijze voor het vervaardigen van een stalen wapeningsstaaf voor beton - procédé pour l'obtention d'une barre d'armature de béton) et, pour le territoire allemand, BStG était titulaire du brevet n° 1 609 605 (Verfahren und Vorrichtung zum Herstellen eines Betonbewehrungsstabes - procédé pour l'obtention d'une barre d'armature de béton), valable jusqu'au 3 janvier 1985, et du brevet n° 1 759 969 (Punktgeschweisste Bewehrungsmatte - treillis d'armature soudé par points), valable jusqu'au 25 juin 1986.

78 Le contrat de licence conclu le 28 juin 1979 entre BStG et Sotralentz réservait, en son article 5, à BStG, le droit de limiter, par année civile, la quantité de produits couverts par l'accord que Sotralentz était autorisée à distribuer. Cependant, le contrat garantissait à Sotralentz que cette quantité maximale annuelle ne pourrait être fixée par BStG à moins de 1 % des ventes totales de treillis soudés et de barres d'armature en Allemagne et de 2,5 % des ventes totales de treillis soudés et de barres d'armature aux Pays-Bas. Le contrat prévoyait, pour l'année 1979, un plafond de 12 500 tonnes pour l'Allemagne et de 4 000 tonnes pour les Pays-Bas, en ce qui concernait la distribution des produits couverts par les brevets.

79 Le contrat de licence prévoyait aussi le paiement d'une redevance de 1,5 DM par tonne, à verser trimestriellement, pour les quantités de produits couverts par l'accord distribués par Sotralentz (article 6, paragraphes 1 et 5). Lors de l'audience, il a été établi qu'au lieu d'être payée, cette redevance a été prise en compte lors d'achats de certains outils que Sotralentz a acquis auprès de la division "machines" de BStG. Le contrat de licence prévoyait une pénalité dès que la quantité annuelle prévue était dépassée de 200 tonnes (article 8). Il stipulait également que Sotralentz devait tenir une comptabilité régulière des livraisons de produits couverts par l'accord, laquelle pouvait toujours être contrôlée par BStG (articles 6, paragraphes 6 et 7). Enfin, le contrat était entré en vigueur le 1er mars 1979 pour une durée indéterminée, mais devait prendre fin au plus tard à l'extinction du dernier droit concédé subsistant (article 9).

80 Au vu de cette analyse, le Tribunal estime que, en l'espèce, les conclusions tirées par la Commission, selon lesquelles l'échange d'informations découlait d'un accord de quotas, ne sont pas les seules possibles. Cet échange d'informations correspond en effet aux stipulations du contrat de licence de brevet existant, à l'époque des faits sous examen, entre BStG et Sotralentz et y trouve ainsi une explication plausible. Plus particulièrement, l'imposition vis-à-vis de Sotralentz d'une limite maximale annuelle de livraisons en Allemagne, qui, à son tour, ne devait pas être inférieure à 1 % des ventes totales réalisées sur le territoire allemand, le droit de regard ouvert à BStG sur les livraisons de Sotralentz afin de surveiller le respect de cette limitation ainsi que le paiement de redevances trimestrielles pouvaient rendre nécessaire, aux fins d'une planification correcte de la production, un échange mensuel d'informations tant de la part de BStG, sur les quantités totales vendues en Allemagne, que de la part de Sotralentz, sur l'importance de ses propres livraisons. En ce qui concerne la durée de l'échange d'informations, il y a lieu de relever que le contrat, du fait qu'il devait produire ses effets jusqu'à l'extinction du dernier droit concédé subsistant, a été en vigueur jusqu'au 25 juin 1986, couvrant ainsi l'échange d'informations mis en cause dans la Décision, lequel a eu lieu aux mois d'octobre et de novembre 1985.

81 L'échange d'informations mis en cause dans la Décision trouvant une explication dans l'accord de licence de brevet entre BStG et Sotralentz, il y a lieu de conclure que la Commission n'a pas établi à suffisance de droit la participation de la requérante à une entente concernant le contingentement des exportations de Sotralentz vers l'Allemagne.

82 Il y a donc lieu d'accueillir le grief de la requérante et d'annuler la Décision, pour autant qu'elle retient à l'encontre de la requérante sa participation à une entente sur le contingentement des exportations de Sotralentz vers l'Allemagne.

4) Les ententes sur les quotas et sur les prix avec les producteurs du Benelux

Acte attaqué

83 La Décision (points 147 et 182) fait grief à la requérante d'avoir participé à des ententes sur le marché allemand ayant pour objet, d'une part, de réguler les exportations des producteurs du Benelux vers l'Allemagne et, d'autre part, de respecter les prix en vigueur sur le marché allemand. Selon la Décision, à ces ententes auraient participé la requérante, Tréfilarbed (Roermond), Boël/Trébos, TFE/FBC - FBC commercialisant la production de TFE - et Thibodraad (points 150, 153, 154, 179 et 181 de la Décision).

Arguments des parties

84 La requérante nie l'existence d'ententes sur les prix et sur les quotas relatives au marché allemand. Elle conteste l'exactitude des conclusions tirées par la Commission de documents mentionnés dans la Décision et souligne que celle-ci ne contient aucun élément de preuve à l'appui des prétendues ententes globales sur l'interpénétration, ni aucune précision au sujet des entreprises allemandes dont la participation à ces ententes est alléguée et qu'elle ne semble pas disposer d'indices quelconques quant au contenu ou même à la durée des prétendues ententes concernant l'Allemagne.

85 La requérante souligne, en ce qui concerne la limitation des exportations belges à destination de l'Allemagne, que le télex du 15 décembre 1983 ne comporte pas la moindre indication d'une telle entente (participants, contenu, durée, etc...). Il aurait été écrit par M. Michael Müller, en sa qualité de président du conseil de surveillance de la communauté du cartel de crise structurelle et de président du Fachverband Betonstahlmatten, et non en tant que président de la gérance de la requérante. Elle ajoute qu'il ressort de la phrase du télex, selon laquelle M. Müller s'efforçait, "dans l'intérêt général, de lier également ou du moins de restreindre les petits producteurs fugueurs", que M. Müller, précisément en sa qualité de président du Fachverband, cherchait à repousser les attaques dirigées contre le cartel. Elle ajoute que, si ledit télex fait référence à des "conversations raisonnables sur la coopération", c'est parce que le cartel n'autorisait pas de réglementation obligatoire des exportations.

86 En ce qui concerne les ententes sur les prix, la requérante souligne qu'il est symptomatique que la Commission ne connaisse pas plus que les participants le contenu, la durée ou tout autre détail concernant les prétendues ententes et que ses accusations reposent sur de simples présomptions. La requérante soutient que la Commission ne peut déduire du télex du 17 avril 1985 (annexe 111 c.g., point 153 de la Décision), adressé par l'association allemande Deutsche Walzstahlvereinigung - qui n'aurait rien à voir avec elle - à Cockerill Sambre, au sujet des "livraisons belges de treillis soudés en Allemagne, qu'il y avait à cette époque une entente sur les prix des treillis soudés en ce qui concerne le marché allemand". Il ressortirait seulement de ce télex que le cartel de crise structurelle allemand avait été évoqué dans le cadre de la Commission internationale du fil machine et que les résultats positifs dudit cartel en matière de prix avaient été soulignés à cette occasion. La Walzstahlvereinigung aurait considéré que ces effets positifs étaient remis en cause par des exportations à bas prix de TFE et aurait tenu à exposer à celle-ci les résultats positifs qui avaient été obtenus en Allemagne et à lui demander de ne pas les remettre en cause. Pas un seul mot dans ce télex n'évoquerait des ententes sur les prix. La requérante ajoute que le télex de M. Peters, de Tréfilunion, du 11 janvier 1984 (ann. 66 c.g.) ne constitue pas davantage la preuve d'un prétendu accord, car les participants à la réunion à laquelle il se réfère se seraient bornés à échanger des reproches.

87 Au stade de la réplique, la requérante offre, afin de rapporter la preuve de ses affirmations, d'entendre, en qualité de témoin, M. Broekman, ancien président du "cercle de Breda", et de comparaître en la personne de M. Michael Müller.

88 La Commission relève que les documents mentionnés dans la Décision suffisent à établir la participation de la requérante aux ententes en cause.

89 En ce qui concerne le caractère de la participation de M. Michael Müller, la Commission fait valoir que ses multiples fonctions - notamment la présidence de BStG, du Fachverband Betonstahlmatten et du conseil de surveillance du cartel - n'ont pas été démenties lors de l'audition du 24 novembre 1987. Nonobstant, à cette occasion, M. Michael Müller aurait déclaré que le Fachverband n'avait rien à voir avec cette affaire. Au surplus, la Commission souligne que M. Michael Müller s'est toujours servi de l'infrastructure de la requérante et a agi en son nom, notamment lors de l'envoi du télex du 15 décembre 1983, même s'il ne manquait pas d'autres possibilités, et que les collaborateurs cités dans le télex sont ceux de BStG.

Appréciation du Tribunal

90 Le Tribunal estime que la participation de la requérante aux ententes relatives au marché allemand ressort du télex daté du 15 décembre 1983, adressé par M. Michael Müller à Thibodraad (ann. 65 (b), c.g., point 92 de la Décision), suite à une réunion tenue à Breda le 5 décembre 1983, à laquelle a participé la requérante, dans lequel il est dit : "Je me permets toutefois de faire observer que les échanges transfrontières qui ont le plus augmenté sont les échanges de la Belgique vers l'Allemagne, augmentation qui, étant donné la concertation étroite avec Boël, est manifestement imputable au deuxième producteur belge... Je reste disposé à maintenir le statu quo des exportations vers les pays voisins et à ne pas les augmenter davantage que les importations en provenance de ces pays." L'implication de la requérante dans ces ententes est confirmée par le télex daté du 11 janvier 1984, adressé par M. Peters à M. Marie (ann. 66 c.g., points 95 et 153 de la Décision), qui fait référence à une réunion tenue à Breda le 5 janvier 1984, à laquelle ont assisté la requérante, Boël/Trébos, FBC, Tréfilarbed, Tréfilunion et d'autres entreprises néerlandaises. Ce télex précise ce qui suit : "Les participants habituels demandent aux représentants de BStG de ne plus perturber les marchés du Benelux par des exportations importantes et à très bas prix vers ces marchés. Les Allemands se défendent en expliquant que les Belges (Boël et plus récemment Frère-Bourgeois) exportent vers l'Allemagne des tonnages comparables. Les Belges précisent que, eux respectant les prix du marché allemand, que l'on doit parler de pourcentage de marché et non de tonnes. Rien de concret n'est décidé." Ces deux éléments de preuve sont également corroborés par une note interne, datée du 24 avril 1985 (ann. 112 c.g., point 153 de la Décision), élaborée par M. Debelle, de FBC, à propos d'une réunion tenue le même jour à Bunnik selon laquelle "Monsieur Ruthotto (représentant de BStG) a confirmé en séance que les deux usines belges respectaient scrupuleusement les accords de prix décidés à la Baustahlgewebe".

91 C'est également à bon droit que la Décision s'est référée au télex du 17 avril 1985 (ann. 111 c.g.), adressé par l'association allemande Walzstahlvereinigung à Cockerill Sambre, pour corroborer son analyse. Ce télex concerne les "livraisons belges de treillis soudés dans la République fédérale d'Allemagne" et, même s'il ne mentionne pas la participation de BStG, il démontre l'existence de l'entente. Le télex fait état de ce que "tous les producteurs allemands de treillis soudés faisaient preuve de discipline" en matière de prix et il y est reproché à TFE, filiale de Cockerill Sambre, de ne pas respecter le niveau général des prix appliqués sur le marché allemand (810 DM par tonne) en offrant un prix de 770 DM par tonne. Cockerill Sambre est priée d'attirer l'attention de sa filiale TFE "sur l'évolution positive des prix sur le marché allemand et de l'inciter à une meilleure discipline en matière de prix".

92 Face à ces différents éléments, le Tribunal ne saurait admettre l'argument de la requérante, selon lequel M. Michael Müller, son gérant, n'aurait agi qu'en qualité de président du Fachverband Betonstahlmatten ou du conseil de surveillance du cartel et non en tant que président de la requérante. Le Tribunal estime que cet argument n'est étayé par aucune preuve. En effet, rien dans le télex du 15 décembre 1983 ne permet d'arriver à cette conclusion : M. Müller a envoyé sa lettre en utilisant le télex de la requérante et en son nom, sans que, en aucun endroit, ne figure sa qualité de président du Fachverband Betonstahlmatten ou du conseil de surveillance du cartel. En outre, la lettre du 16 décembre 1983 (ann. 65 (a), c.g.), sous couvert de laquelle Thibodraad a envoyé à Tréfilarbed Gentbrugge le télex de M. Müller, est rédigée en ces termes : "Veuillez trouver ci-jointe une copie du télex envoyé par M. Müller de BStG... annexe : copie du télex de BStG". En outre, il y a lieu de rappeler que, comme la Commission l'a souligné, lors de l'audition, M. Müller a affirmé que "pendant la durée du contrat du cartel, il n'a jamais agi au nom de l'association pour des affaires d'une importance quelconque que ce soit sur le marché allemand ou sur d'autres marchés".

93 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante a participé aux ententes de prix et de quotas sur le marché allemand.

94 Il y a donc lieu de rejeter le grief de la requérante, sans qu'il soit besoin de procéder à l'audition du témoin proposé ni d'ordonner la comparution de la requérante en la personne de M. Michael Müller. En outre et en tout état de cause, le Tribunal considère que ces offres de preuve, formulées dans la réplique, sont tardives, la requérante n'ayant invoqué aucune circonstance qui l'aurait empêchée de les formuler dans la requête et que, par conséquent, elles doivent être rejetées, conformément à l'article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure (voir arrêt du Tribunal du 11 février 1992, Panagiotopoulou/Parlement, T-16-90, Rec. p. II-89, point 57).

5) Les contrats de distribution exclusive entre, d'une part, BStG et, d'autre part, Bouwstaal Roermond BV et Arbed SA afdeling Nederland

Acte attaqué

95 Selon la Décision (point 148), le souci de BStG d'arriver à une réduction ou régulation des exportations étrangères vers l'Allemagne trouve son expression, en ce qui concerne les Pays-Bas, dans les deux contrats de livraison du 24 novembre 1976 (ann. 109 c.g.) et du 22 mars 1982 (ann. 109 A c.g.), entre BStG, d'une part, et Bouwstaal Roermond BV (ultérieurement Tréfilarbed Bouwstaal Roermond) et Arbed SA afdeling Nederland, d'autre part. Le dernier contrat était accompagné en annexe d'une note signée portant la même date et dans laquelle Arbed SA afdeling Nederland s'engageait, pendant la durée du contrat, à n'effectuer ni directement ni indirectement des livraisons en Allemagne. Dans ces contrats, BStG prenait en charge la vente exclusive en Allemagne, à un prix à fixer selon des critères déterminés, d'un volume annuel déterminé de treillis soudé provenant de l'usine de Roermond. Bouwstaal Roermond et Arbed SA afdeling Nederland s'engageaient, pendant la durée de ces contrats, à n'effectuer ni directement ni indirectement des livraisons en Allemagne.

96 La Décision (point 189) constate que ces accords de distribution exclusive ne remplissaient pas les conditions exigées par le règlement n° 67-67-CEE de la Commission, du 22 mars 1967, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords d'exclusivité (JO 1967, 57, p. 849, ci-après "règlement n° 67-67"), du moins depuis l'existence des ententes sur les échanges d'interpénétration entre l'Allemagne et le Benelux. Depuis cette date, ces accords devraient être considérés comme faisant partie intégrante d'une entente globale sur la répartition des marchés à laquelle participaient plus de deux entreprises et, partant, le règlement n° 67-67 ne leur serait pas applicable (article 1er en liaison avec l'article 8 du règlement n° 67-67). La Décision (point 178) ajoute que ces accords constituaient une restriction de la concurrence entre deux entreprises concurrentes établies dans deux États membres, qui était susceptible d'affecter le commerce entre États membres.

Arguments des parties

97 La requérante considère qu'il est surprenant que la Commission tente d'expliquer "le souci de BStG d'arriver à une réduction ou régulation des exportations étrangères vers l'Allemagne" par les contrats de distribution exclusive existant entre BStG et Bouwstaal Roermond BV, une filiale du groupe Arbed, qui était lui-même associé, à concurrence d'une participation de 25,001 % dans le capital de BStG. La requérante fait valoir que dans l'usine de Roermond, qui appartenait à l'Arbed, se trouvaient tant des machines qui étaient la propriété de BStG, dont la production lui appartenait, que des machines qui étaient la propriété de l'Arbed, dont la production faisait l'objet des contrats de livraison exclusive. La requérante fait observer que les rapports contractuels entre BStG et Bouwstaal Roermond BV ont été déterminés par les liens sociaux existant entre l'Arbed, en tant qu'associé de BStG, et BStG. Elle estime que la collaboration avec Bouwstaal Roermond BV avait un caractère interne au groupe et était basée sur des contrats relevant du droit des sociétés.

98 La requérante relève qu'il ne s'agissait que de simples contrats de fourniture entre elle-même et l'un de ses associés, en vertu desquels ses cocontractants avaient seulement pour obligation de ne livrer sur le territoire contractuel - c'est-à-dire l'Allemagne - aucune autre entreprise qu'elle-même. Il ne se serait nullement agi d'empêcher des importations parallèles. La requérante est d'avis que ces contrats, existants depuis fin 1976, à savoir depuis l'acquisition de l'usine de Roermond par l'Arbed, bénéficiaient de l'exemption prévue par l'article 1er, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 67-67. En outre, la requérante relève que ces contrats, conclus des années auparavant, n'avaient pas le moindre lien matériel ou temporel avec les ententes globales sur l'interpénétration auxquelles auraient participé les producteurs allemands et les producteurs du Benelux. Pour cette raison, elle trouve incompréhensible l'affirmation de la Commission selon laquelle les contrats de distribution exclusive ne relevaient pas du règlement n° 67-67 au motif qu'ils faisaient "partie intégrante d'une entente globale sur la répartition des marchés".

99 La Commission fait observer que les deux contrats de livraison ont en commun une disposition selon laquelle Bouwstaal Roermond BV et Arbed SA afdeling Nederland s'engageaient, pendant la durée du contrat, à n'effectuer ni directement ni indirectement des livraisons en Allemagne. Au début, cette disposition aurait figuré dans le contrat du 24 novembre 1976 lui-même ; lors de la conclusion du contrat du 22 mars 1982, elle aurait fait l'objet d'une note séparée portant la même date, signée par les cocontractants tout comme le contrat de livraison lui-même. Cette note ferait expressément état d'une "renonciation aux livraisons" de la part d'Arbed SA. La Commission considère qu'une telle renonciation absolue en matière de livraison ne bénéficie pas de l'exemption accordée par le règlement n° 67-67. Le règlement partant du principe qu'il ne peut être porté atteinte aux importations parallèles, seule serait exemptée l'obligation faite au fournisseur de livrer uniquement aux représentants exclusifs les marchandises faisant l'objet du contrat et destinées à être revendues à l'intérieur d'un territoire délimité du Marché commun. Toute autre renonciation contractuelle du fournisseur à des livraisons sur le territoire couvert par le contrat dans un but de protection territoriale ne pourrait bénéficier d'une exemption. En outre, les contrats en cause auraient perdu leur caractère bilatéral dans la mesure où ils se seraient insérés dans le cadre d'autres ententes plus larges avec des concurrents (point 189 de la Décision). Au surplus, la Commission fait valoir que, dans une lettre adressée par la requérante à Arbed SA afdeling Nederland le 26 septembre 1979 (ann. 110 c.g., point 148 de la Décision), dans laquelle MM. Michael Müller et Ruthotto se plaignaient de livraisons de treillis soudés standard effectuées en Allemagne contrairement aux accords contractuels, figure la constatation suivante : "Le contrat de livraison qui a été conclu est, bien entendu, destiné à contribuer à l' apaisement du marché allemand afin d'éviter justement, sans aucun désavantage pour vous, des sous-cotations inutiles."

100 En outre, la Commission, au point 178 de la Décision, fait valoir qu'elle ne saurait accepter l'argument avancé par BStG et Tréfilarbed, selon lequel il s'agirait d'une affaire purement interne au groupe du fait que l'Arbed détenait dans BStG une participation de 25 %. Compte tenu de l'existence de participations plus élevées d'autres associés (Thyssen 34 % et Klöckner 33,5%), une simple participation de 25,001 % ne saurait être considérée comme constitutive d'un lien de société-mère à filiale, qui ferait qu'une entente restreignant la concurrence entre ces deux entreprises ne relèverait pas de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

Appréciation du Tribunal

101 Le Tribunal constate que la requérante conteste, d'une part, le refus de la Commission de faire application du règlement n° 67-67 aux contrats en cause et, d'autre part, son refus de considérer lesdits contrats comme un accord interne au groupe auquel appartenaient les entreprises concernées.

102 Le Tribunal estime que les contrats de distribution exclusive en cause ne remplissent pas les conditions exigées par le règlement n° 67-67. En effet, l'article 9 du contrat du 24 novembre 1976, qui liait BStG et Bouwstaal Roermond, stipule que "pendant la durée du présent contrat (Bouwstaal Roermond) n'effectuera ni directement ni indirectement de livraisons en République fédérale d'Allemagne". En ce qui concerne le contrat du 22 mars 1982 (ann. 109 A c.g.) entre BStG et Arbed SA afdeling Nederland, il y a lieu de relever l'existence d'une clause jointe audit contrat (ann. 109 B c.g.), qui stipule que "les parties contractantes conviennent d'un commun accord qu'Arbed SA n'effectuera, pendant la durée du contrat, ni directement ni indirectement des livraisons en République fédérale d'Allemagne. En compensation de cette renonciation, Arbed bénéficie...".

103 Le Tribunal estime que la signification des mots "directement ni indirectement" va, dans le cas d'espèce, au-delà d'un simple engagement du fournisseur de ne livrer qu'à BStG des produits dans le but de la revente. Cette appréciation s'appuie sur deux éléments. En premier lieu, il existait, de la part de Tréfilarbed Roermond, une renonciation expresse à toute sorte des livraisons - renonciation qui faisait l'objet d'une compensation, ainsi qu'il ressort du document signé séparément comme avenant au contrat du 22 mars 1982 -, même aux livraisons dont le but ne serait pas la revente. En second lieu, le mot "indirectement" pouvait être interprété par le revendeur en ce sens qu'il engageait le fournisseur à faire le nécessaire pour éviter des livraisons en Allemagne en provenance d'autres pays, c'est-à-dire, à contrôler les autres distributeurs exclusifs en vue de leur interdire d'exporter vers l'Allemagne.

104 Le Tribunal relève que l'esprit du règlement n° 67-67, tel qu'il se reflète dans son exposé des motifs et dans son article 3, sous b), sous 2), est de subordonner l'exemption qu'il prévoit à la condition qu'il soit assuré, par la possibilité d'importations parallèles, que les utilisateurs se verront réserver une partie équitable des avantages résultant de la distribution exclusive. Cela est en accord avec la jurisprudence constante selon laquelle un contrat de distribution exclusive qui ne comporte aucune interdiction d'exportation ne peut bénéficier de l'exemption par catégorie en vertu du règlement n° 67-67, lorsque les entreprises concernées participent à une pratique concertée visant à restreindre les importations parallèles destinées à un revendeur non agréé (voir arrêt de la Cour du 21 février 1984, Hasselblad/Commission, 86-82, Rec. p. 883, point 35, et arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T-43-92, Rec. p. II-441, point 88).

105 Ces considérations sont encore plus vraies dans le cas d'espèce, si l'on interprète les clauses contractuelles susmentionnées à la lumière des plaintes de la requérante contenues dans sa lettre du 26 septembre 1979 (ann. 110 c.g., point 148 de la Décision), dans laquelle elle a reproché à l'Arbed l'existence de livraisons indirectes en Allemagne, "par le biais de la société Eurotrade, Alkmaar", ce qui conduit à tenir pour établie l'existence d'une protection territoriale absolue contraire à l'esprit et au libellé du règlement n° 67-67.

106 Il s'ensuit que les contrats en question ne remplissaient pas les conditions exigées par le règlement n° 67-67.

107 En ce qui concerne la question de savoir si ces contrats doivent être considérés comme un accord interne au groupe, le Tribunal estime que la simple participation de 25,001 % que le groupe Arbed détenait dans BStG ne satisfaisait pas aux conditions requises pour considérer que les accords conclus entre les deux sociétés aient pu échapper à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité. A cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article 85 du traité ne s'applique pas aux accords et pratiques concertées qui sont le fait d'entreprises appartenant à un même groupe en tant que société-mère et filiale et formant une unité économique à l'intérieur de laquelle la filiale ne bénéficie pas d'une autonomie réelle dans la détermination de sa ligne d'action sur le marché (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48-69, Rec. p. 619, point 134 et du 11 avril 1989, Ahmed Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, 66-86, Rec. p. 803, point 35). En l'espèce, il y a lieu de relever que le contrôle que l'Arbed exerçait sur BStG correspondait au pourcentage qu'elle détenait dans le capital social, c'est-à-dire à 25,001 %, ce qui est très éloigné de la majorité. Force est donc de constater qu'une telle participation ne saurait aboutir à la conclusion que l'Arbed et BStG appartenaient à un groupe à l'intérieur duquel elles constituaient une unité économique, avec pour conséquence qu'une entente restreignant la concurrence entre ces deux entreprises ne relèverait pas de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

108 En tout état de cause, le Tribunal constate que BStG elle-même a affirmé qu'elle était une entreprise autonome et indépendante et que, chacun de ses quatre associés n'ayant qu'une participation minoritaire, elle ne pouvait être considérée comme affiliée à un groupe.

109 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que c'est à bon droit que la Commission a considéré que les contrats de distribution exclusive étaient contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Dès lors, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante.

6) L'entente entre BStG et Tréfilarbed (St Ingbert)

Acte attaqué

110 La Décision (points 152 et 180) fait grief à la requérante d'avoir participé à une entente avec Tréfilarbed ayant pour objet la cessation des réexportations de treillis soudé de l'usine de St Ingbert vers l'Allemagne via le Luxembourg. Cette entente aurait constitué une restriction de la concurrence, susceptible d'affecter le commerce entre États membres.

Arguments des parties

111 La requérante rappelle qu'avant 1972 elle était une société qui commercialisait la production de ses associés, parmi lesquels l'Arbed. En 1972 et suite à des suggestions du Bundeskartellamt, BStG serait devenue elle-même producteur et aurait acheté certaines des machines qui se trouvaient dans les usines appartenant à ses associés, y compris à St Ingbert, propriété de l'Arbed, et qui y seraient restées. A partir de ce moment, et sur la base de contrats de production, les associés, y compris l'Arbed, auraient produit pour le compte de BStG, sur les machines qui étaient propriété de BStG. Ainsi, la totalité de la production de St Ingbert provenant des machines de BStG aurait appartenu à BStG. En même temps, St Ingbert aurait disposé de machines propres, dont la production de treillis soudés était destinée à l'exportation, principalement à destination de la France.

112 La requérante fait observer que, dans le cadre de ces contrats de production, Tréfilarbed aurait eu le droit de prélever des quantités limitées de panneaux standard pour approvisionner le Luxembourg, où les normes allemandes sont d'application ; ces panneaux auraient été fabriqués sur les machines appartenant à BStG, les seules à St Ingbert à produire des treillis conformes aux normes allemandes. Les responsables de Tréfilarbed, ayant vu la possibilité de réaliser quelques profits sur le marché allemand où les prix étaient relativement élevés à cause du cartel de crise, auraient prélevé sur les stocks appartenant à BStG des quantités de treillis comme si elles étaient destinées au Luxembourg. Par l'intermédiaire d'un commerçant luxembourgeois, ces quantités auraient été réexpédiées du Luxembourg vers l'Allemagne. La requérante soutient que, pour autant que Tréfilarbed a produit, sur des machines qui ne lui appartenaient pas, et sans le déclarer, des treillis pour le marché allemand, ce comportement a constitué non seulement une violation du contrat de cartel, mais également une violation des contrats passés avec BStG, puisqu'il s'agissait d'une production de BStG.

113 Au surplus, la requérante rappelle que le contrat de cartel prévoyait pour les usines allemandes des quotas de livraison, sans le strict respect desquels la réduction des capacités recherchée ne pouvait être atteinte et auxquels elles ne pouvaient se soustraire par des exportations simulées (exportations officielles suivies d'une réimportation en Allemagne). M. Michael Müller aurait été chargé d'assurer le respect des obligations imposées par le contrat de cartel, en sa qualité de président du Fachverband Betonstahlmatten, aux entreprises membres de l'association et, en sa qualité de gérant, aux usines de BStG. Ce serait pour cette raison que, dans la réponse à la communication des griefs, M. Michael Müller a présenté la cessation des réexportations et l'imposition d'amendes comme des mesures visant à empêcher les fausses exportations. La requérante fait valoir que ces exportations, qui ne traversaient la frontière que sur le papier, étaient, en réalité, des livraisons destinées, dès le début, au marché national et pour lesquelles le montant de 80 DM par tonne fixé dans le contrat de cartel n'était pas acquitté. A l'appui de ses affirmations, la requérante a offert, au stade de la réplique, de comparaître en la personne de M. Michael Müller.

114 La Commission fait valoir que l'entente entre la requérante et Tréfilarbed, dans le but d'empêcher les réimportations de treillis soudés vers l'Allemagne, est prouvée par la lettre envoyée le 27 avril 1984 (ann. 110 (a) c.g.) par M. Michael Müller à MM. Rimbeaux, de Tréfilarbed St Ingbert, et Schürr, de Tréfilarbed, dans laquelle M. Michael Müller se plaint des réexportations de treillis soudés de l'usine St Ingbert - portant les marques de laminage de BStG - via le Luxembourg vers l'Allemagne "et ce, à des prix inférieurs aux prix minimaux cartel". La Commission souligne que M. Michael Müller qualifie ces réexportations d'infractions aux "accords clairs et précis conclus à ce sujet à la suite de faits semblables survenus l'année dernière" et qu'il fait valoir que ce comportement d'une usine appartenant à BStG n'est pas tolérable et menace de recourir à des mesures appropriées pour mettre fin à de telles perturbations, parmi lesquelles l'application d'amendes.

Appréciation du Tribunal

115 Le Tribunal constate que la requérante admet qu'elle avait conclu un accord avec Tréfilarbed, selon lequel cette dernière avait le droit de prélever certaines quantités de treillis soudés fabriqués à St Ingbert sur les machines appartenant à BStG, à condition qu'elles soient revendues au Luxembourg, condition imposée pour éviter la réexportation de treillis soudés vers l'Allemagne. Ceci ressort clairement du texte de la lettre du 27 avril 1984, adressée par M. Michael Müller à Tréfilarbed, dans laquelle M. Müller se plaint de réexportations vers l'Allemagne, "à des prix inférieurs aux prix minimaux cartel" en violation "des accords clairs et précis conclus à ce sujet" (ann. 110 (a) c.g.).

116 Il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé que les clauses d'exportation insérées dans un contrat de vente et obligeant le revendeur à exporter la marchandise en cause dans un pays déterminé constituent une infraction à l'article 85 du traité, lorsqu'elles ont essentiellement pour objet d'empêcher la réexportation de la marchandise vers le pays de production afin de maintenir un système de double prix dans le Marché commun et de restreindre ainsi le jeu de la concurrence à l'intérieur de celui-ci (arrêt de la Cour du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29-83 et 30-83, Rec. p. 1679, points 24 et 28).

117 A cet égard, force est de constater que les accords conclus entre la requérante et Tréfilarbed avaient pour objet et pour effet de restreindre la concurrence en affectant les échanges entre États membres et en protégeant ainsi les différences de prix pratiquées à l'intérieur du Marché commun et, partant, qu'ils sont contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

118 Le Tribunal ne saurait admettre l'argument de la requérante, selon lequel les treillis soudés dont la réimportation en Allemagne était interdite auraient été des produits sur lesquels elle avait un pouvoir de décision, du fait que les machines sur lesquelles ils étaient fabriqués lui appartenaient. En effet, du moment où les produits en question ont été prélevés par Tréfilarbed, le droit de propriété sur les machines utilisées pour leur fabrication est un élément sans pertinence, qui ne pouvait octroyer à la requérante le droit de déterminer où les produits pourraient être revendus.

119 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi, à suffisance de droit, la participation de la requérante à une entente avec Tréfilarbed ayant pour objet l'interdiction de réexportations de treillis soudés provenant de l'usine de St Ingbert vers l'Allemagne et que cette entente était contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

120 Dès lors, le grief de la requérante doit être rejeté, sans qu'il soit besoin d'ordonner sa comparution. En outre et en tout état de cause, la requérante n'ayant invoqué aucune circonstance qui l'aurait empêchée de formuler cette offre de preuve dans la requête, il y a lieu, conformément à l'article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, de la rejeter comme tardive (voir arrêt Panagiotopoulou/Parlement, précité, point 57).

121 Néanmoins, le Tribunal estime que l'interdiction de réexportations vers l'Allemagne, bien que contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, trouvait une explication dans le contrat de cartel de crise structurelle. En effet, le simple transit par le Luxembourg vers l'Allemagne de treillis fabriqués par BStG, portant ses marques de laminage, constituait une violation du cartel, dans la mesure où cette production échappait au contrôle des quotas de livraison qui étaient attribués à la requérante. Dès lors, la requérante se trouvait confrontée à l'alternative suivante : soit respecter les clauses du contrat du cartel, qui lui imposait de contrôler et de déclarer le montant de sa production écoulée sur le marché allemand, soit respecter les règles de concurrence du traité, en vertu desquelles elle ne pouvait imposer une clause interdisant les exportations à Tréfilarbed. Pour sa part, Tréfilarbed admet avoir disposé des produits en cause sans que BStG en ait eu connaissance et n'y ait donné son consentement, en violation à la fois des accords passés avec cette dernière, en vertu desquels elle pouvait disposer d'une partie de la production de BStG, et du contrat de cartel, puisque la production réexportée en Allemagne échappait au quota de livraison de BStG.

122 Au vu de tout ce qui précède et compte tenu du fait que, à l'époque, le cartel de crise jouissait d'une présomption de légalité, la Commission ne s'étant pas prononcée à son encontre, le Tribunal estime que les circonstances très spécifiques de l'espèce doivent être considérées comme une circonstance atténuante du comportement de la requérante et que, par conséquent, le montant de l'amende infligée du fait de cette infraction à la requérante doit être réduit.

C - Sur le marché du Benelux : les ententes sur les quotas et les prix

Acte attaqué

123 La Décision (points 78, sous b), 163 et 168) fait grief à la requérante d'avoir participé à des ententes entre les producteurs allemands qui exportent vers le Benelux et les autres producteurs vendant dans le Benelux sur le respect de prix fixés pour le marché du Benelux. Selon la Décision, ces ententes ont été arrêtées lors de réunions qui ont eu lieu à Breda et à Bunnik entre août 1982 et novembre 1985, réunions auxquelles ont participé (point 168 de la Décision) au moins les entreprises Thibodraad, Tréfilarbed, Boël/Trébos, FBC, Van Merksteijn, ZND, Tréfilunion et, parmi les producteurs allemands, au moins BStG. La Décision se base sur de nombreux télex envoyés à Tréfilunion par son agent pour le Benelux. Ces télex contiennent des données précises sur chaque réunion [date, lieu, participants, absents, objet (discussion de la situation du marché, propositions et Décisions concernant les prix), fixation de la date et du lieu de la prochaine réunion].

124 La Décision [point 78, sous b), et 171] fait aussi grief à la requérante d'avoir participé à des ententes entre les producteurs allemands, d'une part, et les producteurs du Benelux ("club de Breda"), d'autre part, consistant en l'application de restrictions quantitatives aux exportations allemandes vers la Belgique et les Pays-Bas ainsi qu'en la communication des chiffres d'exportation de certains producteurs allemands au groupe belgo-néerlandais.

Arguments des parties

125 La requérante nie avoir participé à des ententes sur les prix. Elle admet que certains de ses employés ont participé à 5 des 23 réunions relatives au marché du Benelux, pendant lesquelles ont été échangées des informations sur les prix pratiqués et que des ententes sur les prix de certains types de treillis soudés ont pu être conclues à ces occasions. Toutefois, elle fait valoir que ses employés y ont participé en qualité d'auditeurs invités et de représentants du cartel ou du Fachverband Betonstahlmatten, et non pas en son nom, et que le but de ces réunions, qui étaient des initiatives isolées, était de formuler des griefs à l'encontre du cartel de crise structurelle allemand. Elle ajoute qu'elle n'avait aucun intérêt à participer à des ententes parce qu'elle n'exporte que des panneaux lettrés, type "Listenmatten", qu'elle n'en a exporté que des quantités minimes, moins de 2 % des produits qu'elle fabrique, vers les États membres de la Communauté à six, et que les ententes, selon les notes de M. Peters, n'ont porté que sur les prix des panneaux standard et des panneaux lettrés, type "Lettermatten", en partie standardisés.

126 En ce qui concerne l'application de restrictions quantitatives aux exportations allemandes vers la Belgique et les Pays-Bas et, plus particulièrement, du télex du 15 décembre 1983, adressé par M. Michael Müller à Thibodraad à la suite de la réunion du 5 décembre 1983, qui constitue la preuve essentielle fournie à cet égard par la Commission, la requérante fait valoir que M. Michael Müller a rédigé ce télex en sa qualité de président du Fachverband Betonstahlmatten et du conseil de surveillance du cartel et non pas en tant que président de son conseil de gérance. La requérante souligne que ce télex s'inscrivait dans le contexte d'une politique destinée à faire accepter le cartel et à convaincre les producteurs étrangers de l'absence d'effets négatifs à leur encontre. Elle ajoute que ce télex ne prouve pas l'existence d'ententes, car son but était de dissiper les inquiétudes des producteurs du Benelux, en promettant de s'occuper d'éventuels producteurs "fugueurs", obligation à laquelle M. Michael Müller était tenu en vertu du contrat de cartel.

127 Au stade de la réplique, la requérante a proposé, afin de rapporter la preuve de ses affirmations, d'entendre M. Broekman, en qualité de témoin, et de comparaître en la personne de M. Michael Müller, son ancien directeur général.

128 La Commission fait remarquer que les réunions de Breda et de Bunnik ont eu en commun la mise en place d'une coopération suivie, pratiquement institutionnalisée, dans le but de fixer les prix des panneaux standard et des panneaux lettrés aux Pays-Bas et en Belgique. La Commission rappelle que la requérante a participé à six réunions au moins et qu'il en résulte que ses affirmations selon lesquelles il s'agissait d'initiatives isolées sont inexactes.

129 Quant au prétendu défaut d'intérêt de la requérante à participer aux ententes en cause, la Commission rétorque d'abord que, en présence d'un objectif de restriction de la concurrence, tel qu'il existait notamment dans les ententes sur les prix concernant le Benelux, les motifs ne jouent aucun rôle. La notion d'"objet", visée à l'article 85 paragraphe 1, du traité, aurait un caractère objectif. Le fait de s'entendre sur des prix minimaux constituerait, par nature même, une restriction de la concurrence. Du reste, la Commission estime que la requérante n'était pas aussi dépourvue d'intérêt qu'elle le laisse entendre. Elle exportait des panneaux lettrés et les ententes sur les prix pour le Benelux concernaient notamment les panneaux lettrés. De plus, le prix des panneaux standard ne saurait avoir été indifférent à la requérante en raison du lien existant entre les prix des différents types de treillis soudés.

130 En ce qui concerne la qualité en laquelle M. Michael Müller a participé à ces réunions, la Commission rejette les arguments de la requérante pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus au point 89.

Appréciation du Tribunal

131 Le Tribunal constate que la requérante admet sa participation à certaines réunions, mais qu'elle nie avoir souscrit à des accords de prix et de quotas. Il convient cependant de relever que la requérante ne conteste pas que les réunions auxquelles elle a participé avaient pour objet de fixer des prix. Il faut donc examiner si c'est à bon droit que la Commission a inféré de la participation de la requérante à ces réunions sa participation aux ententes.

132 Le Tribunal constate que la requérante a participé à six réunions à Breda et à Bunnik : le 5 décembre 1983 à Breda (ann. 64 c.g., point 90 de la Décision), le 5 janvier 1984 à Breda (ann. 66 c.g., point 95 de la Décision), le 28 février 1984 à Bunnik (ann. 67 c.g., point 96 de la Décision), le 29 mars 1984 à Breda (ann. 70 c.g., point 99 de la Décision), le 24 avril 1985 (ann. 112 c.g., points 108 et 153 de la Décision) et le 24 octobre 1985 à Breda (ann. 80 c.g., point 111 de la Décision). Le Tribunal considère que, eu égard au caractère manifestement anticoncurrentiel de l'objet des réunions, démontré par les télex de M. Peters à Tréfilunion, la requérante en y participant sans se distancer publiquement de leur contenu, a donné à penser aux autres participants qu'elle souscrivait au résultat des réunions et qu'elle s'y conformerait (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7-89, Rec. p. II-1711, point 232, et du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12-89, Rec. p. II-907, points 98 à 100). Cette appréciation n'est pas infirmée par le fait que, lors des réunions en cause, des reproches ont été adressés aux producteurs allemands par les autres producteurs. En effet, il ressort du contenu des télex de M. Peters (notamment ann. 64 et 67 c.g.) que la requérante était considérée comme l'entreprise qui devait inciter, et qui a incité en fait, certains producteurs allemands à respecter les prix sur le marché du Benelux.

133 En ce qui concerne les ententes sur les quotas, le Tribunal considère qu'elles sont établies par le télex du 15 décembre 1983 de M. Michael Müller, gérant de BStG, à Thibodraad [ann. 65 (b) c.g.] ainsi que par le télex du 11 janvier 1984 (ann. 66 c.g.) de M. Peters à Tréfilunion. Dans le télex du 15 décembre 1983, il est dit : "Comme vous le savez, je m'efforce bien entendu, dans l'intérêt général, de lier également ou du moins de restreindre les petits producteurs "fugueurs"... Je n'entends pas nier par-là qu'un producteur allemand de treillis ait augmenté des livraisons dans les pays voisins... En outre, l'accord de cartel allemand n'autorise pas de réglementation obligatoire des exportations. Il ne peut donc s'agir que de conversations raisonnables sur la coopération entre nos groupes, qui ne devraient être entravées, mais au contraire facilitées par l'accord de cartel en Allemagne... J'apprends que la prochaine réunion Hollande/Belgique est prévue pour le 5 janvier 1984 à Breda. Si on le souhaite, je suis disposé à y participer et je pense pouvoir disposer de chiffres d'exportation relativement précis pour ce qui est des producteurs allemands en question. Je reste disposé à maintenir le statu quo des exportations vers les pays voisins et à ne pas les augmenter davantage que les importations en provenance de ces pays."

134 L'implication de la requérante dans ces ententes est confirmée par le télex daté du 11 janvier 1984, concernant la réunion du 5 janvier 1984. Ce télex précise ce qui suit : "Les participants habituels demandent aux représentants de BStG de ne pas perturber les marchés du Benelux par des exportations importantes et à très bas prix vers ces marchés. Les Allemands se défendent en expliquant que les Belges (Boël et plus récemment Frère-Bourgeois) exportent vers l'Allemagne des tonnages comparables. Les Belges précisent que eux respectent les prix du marché allemand, que l'on doit parler de pourcentage de marché et non de tonnes. Rien de concret n'est décidé." Ce télex montre donc que, si les producteurs belges respectaient les prix du marché allemand, c'était en contrepartie d'une limitation des exportations de BStG vers le Benelux et d'un prix minimal pratiqué par celle-ci sur le marché.

135 Au vu de ces différents éléments, le Tribunal ne saurait, pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus au point 92, admettre l'argument de la requérante, selon lequel M. Michael Müller, son gérant, n'aurait agi qu'en qualité de président du Fachverband Betonstahlmatten ou du conseil de surveillance du cartel et non en tant que président de la requérante.

136 Le Tribunal ne saurait non plus admettre l'argument tiré par la requérante de son prétendu défaut d'intérêt à participer aux ententes sur les prix en raison des faibles quantités de panneaux lettrés qu'elle aurait exportées. En effet, il y a lieu de relever, en premier lieu, que ces exportations n'étaient pas si faibles en termes absolus, puisque, selon une lettre de la requérante du 24 mars 1989, celles-ci ont atteint le chiffre de 18 000 tonnes en 1985, dont 5 128 tonnes à destination des États membres de la Communauté à six, ce qui se traduisait par un chiffre d'affaires à l'exportation sur le territoire de la Communauté de 4 969 032 DM. En deuxième lieu, il convient de rappeler qu'il existe un lien entre le prix de différents types des treillis soudés, dans la mesure où le prix des panneaux standard influe sur celui des panneaux lettrés et sur devis (voir, ci-dessus, points 38 et suivants). En tant qu'exportatrice de panneaux lettrés, la requérante devait forcément souhaiter maintenir le niveau des prix des panneaux standard dans une certaine fourchette par rapport aux prix des panneaux lettrés. En troisième lieu, enfin, il y a lieu de constater que les ententes auxquelles a participé la requérante reposaient sur le réciprocité. BStG respectait les prix et les quotas sur le marché du Benelux et les producteurs du Benelux faisaient de même sur le marché allemand.

137 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi, à suffisance de droit, la participation de la requérante aux ententes sur le marché du Benelux concernant les prix et aux ententes sur les restrictions quantitatives aux exportations allemandes vers le Benelux ainsi que sur la communication des chiffres d'exportation.

138 Dès lors, le grief de la requérante doit être rejeté, sans qu'il soit besoin de procéder à l'audition du témoin proposée par la requérante ni d'ordonner la comparution de celle-ci en la personne de M. Michael Müller. En outre et en tout état de cause, le Tribunal considère que ces offres de preuve, formulées dans la réplique, sont tardives, la requérante n'ayant invoqué aucune circonstance qui l'aurait empêchée de les formuler dans la requête et que, par conséquent, elles doivent être rejetées, conformément à l'article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure (voir arrêt Panagiotopoulou/Parlement, précité, point 57).

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 15 du règlement n° 17

139 Le Tribunal constate que la requérante fait grief à la Commission de lui avoir imposé une amende prenant en considération sa participation au cartel de crise structurelle comme à une infraction. La requérante soutient que le cartel de crise ne constituait pas une infraction et que, par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui imposer une amende à ce titre. En outre, la requérante estime que l'amende infligée en raison de sa participation au cartel de crise structurelle viole le principe de la protection de la confiance légitime et le principe de la personnalité des peines.

140 Le Tribunal rappelle qu'il a été établi ci-dessus que le cartel de crise structurelle ne fait pas, comme tel, partie intégrante des infractions constatées par la Décision (voir ci-dessus points 55 et suivants). Dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur les griefs de la requérante.

I - Sur l'absence d'individualisation des critères de détermination de la gravité des infractions

Arguments des parties

141 La requérante rappelle que, selon une jurisprudence constante (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825), toute amende doit être fixée et motivée pour chaque entreprise en fonction de sa participation et de sa faute personnelles et, en particulier, qu'il y a lieu de retenir le comportement, le rôle joué, le profit tiré, le volume et la valeur des marchandises concernées. La requérante soutient que les points 197 et suivants de la Décision, consacrés au calcul des amendes fixées, sont si généraux et si vagues qu'il n'est pas possible de comprendre comment la Commission est parvenue à lui infliger une amende aussi élevée que les amendes infligées aux treize autres entreprises réunies. A son avis, ce caractère non différencié des considérations relatives à la détermination des amendes constitue, outre une violation du principe fondamental de la personnalité des peines, un défaut de motivation.

142 La requérante rappelle que, au point 203, la Décision expose qu'elle a tenu compte, dans la fixation des amendes, de l'intensité des infractions, de leur durée ainsi que de la situation financière et économique des différentes entreprises et qu'elle a retenu l'existence du cartel de crise structurelle allemand comme constituant une circonstance atténuante pour les producteurs non allemands (point 206). La requérante fait valoir qu'elle a considéré le cartel comme licite, compte tenu, d'une part, de l'autorisation qui avait été accordée par le Bundeskartellamt et, d'autre part, du fait que la Commission, officiellement informée de son existence, n'avait soulevé aucune objection. Par conséquent, elle estime que, eu égard au principe de protection de la confiance légitime, une sanction devrait être en tout cas exclue et qu'on ne peut parler globalement d'infraction commise "délibérément" (point 197 de la Décision). La Décision souffrirait ainsi d'un défaut de motivation en ce qui concerne la détermination de l'importance des infractions.

143 La requérante fait observer que, même dans l'hypothèse où les affirmations de la Commission sur sa participation à des ententes avec des producteurs français et du Benelux seraient exactes, ce qu'elle conteste, avec fermeté, la durée de sa participation serait, en tout cas, minime.

144 En ce qui concerne sa situation financière et économique, la requérante fait également observer qu'elle est beaucoup moins importante que celle de chacune des sociétés participantes, lesquelles sont affiliées à des groupes qui les détiennent à 100 %. Elle affirme être une entreprise autonome et indépendante et soutient que, chacun de ses quatre associés n'ayant qu'une participation minoritaire, elle ne peut pas être considérée comme affiliée à un groupe, ce que la Commission semblerait pourtant avoir fait lors de la fixation de l'amende.

145 La Commission fait valoir que les considérations relevées aux points 198 à 202 de la Décision l'ont amenée à infliger des amendes qui, malgré la gravité de l'infraction, sont nettement inférieures aux montants qui auraient été justifiés dans des circonstances normales. La Commission détaille encore les circonstances atténuantes dont elle a tenu compte, notamment, le fait de ce que le prix des treillis soudés dépend, à raison de 75 à 80 %, du prix du fil machine, l'existence d'une situation caractérisée par un fléchissement structurel de la demande de treillis soudés, la constitution du cartel de crise structurelle allemand, les amendes infligées par les autorités françaises à certaines entreprises françaises et le fait que certaines entreprises, qui avaient participé au départ aux ententes interdites, s'en sont retirées et ont ainsi réduit leur efficacité. Elle rappelle qu'il ressort du point 207 de la Décision que des entreprises telles que la requérante, dont les dirigeants occupaient également des fonctions importantes à l'intérieur des associations professionnelles, se sont vu infliger des amendes plus élevées que les autres en raison de leur participation particulièrement active. Elle conclut que les amendes infligées sont, en conséquence, différenciées.

Appréciation du Tribunal

146 Le Tribunal relève que la requérante procède à une lecture de la Décision qui isole artificiellement une partie de celle-ci, alors que, la Décision constituant un tout, chacune de ses parties doit être lue à la lumière des autres. En effet, le Tribunal considère que la Décision, prise dans son ensemble, a fourni à la requérante les indications nécessaires pour connaître les différentes infractions qui lui ont été reprochées ainsi que les circonstances spécifiques de son comportement et, plus particulièrement, les éléments concernant la durée de sa participation aux différentes infractions. Le Tribunal constate également que, dans la partie de la Décision consacrée à l'appréciation juridique, la Commission expose les différents critères de l'évaluation de la gravité des infractions imputées à la requérante ainsi que les diverses circonstances qui ont atténué les conséquences économiques des infractions.

147 En ce qui concerne les circonstances atténuantes, il y a lieu de rappeler que, dans sa réponse écrite aux questions posées par le Tribunal, la Commission a indiqué que la requérante ne bénéficiait d'aucune circonstance atténuante individuelle. Le Tribunal considère que c'est à bon droit que la Commission a refusé d'appliquer à la requérante, comme circonstance atténuante, le fait de ne pas appartenir à une entité économique puissante. A cet égard, il suffit de constater que, avec un volume de ventes annuelles, à l'époque des faits, d'environ 320 000 tonnes, la requérante était, de loin l'entreprise qui détenait la plus grande part du marché allemand (36 % environ).

148 Par ailleurs, le Tribunal considère que c'est à bon droit que la Commission n'a pas retenu l'existence du cartel de crise structurelle comme circonstance atténuante générale à l'égard de la requérante, à l'exception de l'appréciation du Tribunal au point 122. En effet, il y a lieu de relever, d'une part, que la requérante n'a pas utilisé la possibilité qu'offrait l'article 85, paragraphe 3, du traité de notifier le contrat de cartel à la Commission pour obtenir une déclaration d'inapplicabilité du paragraphe 1 et, d'autre part, que la requérante a utilisé le cartel pour protéger le marché allemand contre la concurrence des producteurs d'autres États membres par des mesures non compatibles avec le droit communautaire.

149 En ce qui concerne les circonstances aggravantes retenues à sa charge, le Tribunal constate que la requérante n'a avancé aucun élément permettant de contredire les preuves produites par la Commission pour établir le rôle actif qu'elle a joué dans les ententes, tel qu'il ressort du télex du 15 décembre 1983 [ann. 65 (b) c.g., points 93 et 94 de la Décision] et du télex de M. Peters du 4 mars 1984 concernant la réunion du 28 février 1984 (ann. 67 c.g., point 96 de la Décision).

150 Quant à l'affirmation de la requérante qu'il ne saurait lui être fait grief d'avoir agi de propos délibéré, il suffit de rappeler que, pour qu'une infraction aux règles de concurrence du traité puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre ces règles, il suffit qu'elle n'ait pu ignorer que sa conduite avait pour objet de restreindre la concurrence (arrêts de la Cour du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246-86, Rec. p. 2117, point 41, et du 8 février 1990, Tipp-Ex/Commission, C-279-87, Rec. p. I-261 ; arrêt du Tribunal, Chemie Linz/Commission, précité, point 350).

151 Par conséquent, le Tribunal considère que la Décision, prise dans son ensemble, a fourni à la requérante les indications nécessaires pour savoir si elle était ou non fondée et a permis au Tribunal d'exercer son contrôle sur sa légalité.

152 Il y a donc lieu de rejeter le grief de la requérante.

II - Sur le caractère disproportionné de l'amende

Arguments des parties

153 La requérante conteste le montant, à son avis disproportionné, de l'amende. Il s'agit d'une amende de 4,5 millions d'écus (9,2 millions de DM) qui représenterait près de 50 % de son capital propre (20 millions de DM) et qui menacerait sa survie.

154 La requérante soutient que la Commission n'a pas indiqué les motifs pour lesquels elle lui a infligé une amende s'élevant à 3 % de son chiffre d'affaires, alors que sa participation aux prétendues infractions aurait été très réduite et que, selon la Commission, la participation au cartel n'a donné lieu à aucune amende. De surcroît, elle ajoute qu'il est manifestement contraire au principe d'égalité et de proportionnalité d'infliger une amende exorbitante de 4,5 millions d'écus.

155 La Commission estime que, conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, le chiffre de référence pour infliger une amende est la chiffre d'affaires, et non le capital propre, comme semble le croire la requérante. Selon la jurisprudence de la Cour (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, précité), il serait possible de tenir compte aussi bien du chiffre d'affaires global, qui constitue une indication de la taille et de la puissance économique de l'entreprise, que de la part de ce chiffre qui provient des marchandises faisant l'objet de l'infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l'ampleur de celle-ci. La Commission fait valoir que, en l'espèce, la Décision est fondée, pour toutes les parties concernées, sur le chiffre d'affaires réalisé grâce aux treillis, le chiffre de la requérante dépassant de loin celui de ses concurrents.

156 S'agissant du pourcentage appliqué, la Commission souligne que l'amende infligée à la requérante représente 3,15 % de son chiffre d'affaires pour les treillis soudés, pourcentage correspondant au nombre et à l'importance des infractions retenues contre elle, ainsi qu'à sa part plus grande de responsabilité, en tant que circonstance aggravante particulière (point 207 de la Décision). La Commission fait valoir que l'amende infligée à la requérante n'est aussi que très faiblement supérieure en valeur relative, c'est-à-dire de 0,15 %, à celle infligée à l'une des entreprises néerlandaises, qui l'a acquittée sans introduire de recours.

157 Au surplus, la Commission souligne que, depuis 1979, la pratique en matière d'amendes est devenue de façon générale plus sévère, avec l'accord de la Cour. Elle rappelle que l'affaire "Tipp-Ex" a donné à la Cour l'occasion de souligner qu'une amende s'élevant à 3 % du chiffre d'affaires réalisé dans la Communauté est sensiblement inférieure à la limite maximale de 10 % fixée par le règlement n° 17 et ne peut être considérée comme exagérée (arrêt Tipp-Ex/Commission, précité).

Appréciation du Tribunal

158 Le Tribunal rappelle que, aux termes de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut infliger des amendes de mille écus au moins et d'un million d'écus au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction. Pour déterminer le montant de l'amende à l'intérieur de ces limites, ladite disposition prescrit de prendre en considération la gravité et la durée de l'infraction. Le concept de chiffre d'affaires ayant été interprété par la Cour comme se référant au chiffre d'affaires global (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, précité, point 119), il y a lieu de conclure que la Commission, qui n'a pas pris en compte le chiffre d'affaires global réalisé par la requérante, mais seulement le chiffre d'affaires se rapportant aux treillis soudés dans la Communauté à six, et qui n'a pas dépassé la limite de 10 %, n'a pas, dès lors, eu égard la gravité et la durée de l'infraction, méconnu les dispositions de l'article 15 du règlement n° 17.

159 S'agissant de l'argument concernant le rapport entre le montant du capital social de la requérante et celui de l'amende, il y a lieu de relever que le fait d'avoir un capital social réduit est une décision économique adoptée par la requérante et ne peut avoir aucune influence sur le montant de l'amende, qui se base sur le chiffre d'affaires.

160 Enfin, en ce qui concerne le pourcentage de 3,15 %, il suffit de rappeler que la requérante ne bénéficie d'aucune circonstance atténuante, à l'exception de ce qui est jugé au point 122 et que, en revanche, elle s'est vu appliquer une circonstance aggravante - de même que Tréfilunion, qui s'est vu appliquer un pourcentage plus élevé, 3,60 % -, qui correspond, comme l'a souligné la Commission, à juste titre, au nombre et à l'importance des infractions retenues contre la requérante.

161 Il s'ensuit que le grief de la requérante doit être rejeté.

162 A la lumière de l'ensemble des considérations qui précèdent et eu égard à l'absence de participation de la requérante à un accord avec Tréfilunion, ayant pour objet de subordonner leurs exportations futures à la fixation de quotas, à son absence de participation à une entente avec Sotralentz sur le contingentement des exportations de celle-ci sur le marché allemand et à l'application d'une circonstance atténuante à l'entente entre la requérante et Tréfilarbed ayant pour objet la cessation des réexportations de St Ingbert vers l'Allemagne, le Tribunal considère, au titre de sa compétence de pleine juridiction, que le montant de l'amende de 4,5 millions d'écus infligée à la requérante doit être réduit et fixé à 3 millions d'écus.

Sur les dépens

163 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon le paragraphe 3 du même article, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Le recours ayant été partiellement accueilli et les parties ayant l'une et l'autre conclu à la condamnation de l'autre aux dépens, le Tribunal estime qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supportera ses propres dépens ainsi que un tiers des dépens de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1) L'article 1er de la décision 89-515-CEE de la Commission, du 2 août 1989, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-31.553 - Treillis soudés), est annulé, pour autant qu'il retient la participation de la requérante à une entente avec Sotralentz SA ayant pour objet le contingentement des exportations de celle-ci vers le marché allemand et pour autant qu'il retient l'existence d'un accord entre la requérante et Tréfilunion SA ayant pour objet de subordonner leurs exportations futures à la fixation de quotas.

2) Le montant de l'amende infligée à la requérante par l'article 3 de cette décision est fixé à 3 millions d'écus.

3) Le recours est rejeté pour le surplus.

4) La requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens de la Commission.

5) La Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.