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Décisions

TPICE, 4e ch., 8 mars 1995, n° T-34/93

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Société générale (SA)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lenaerts

Juges :

MM. Schintgen, Garcia-Valdecasas

Avocat :

M. Saint-Esteben.

Comm. CE, du 1er avr. 1993

1 avril 1993

LE TRIBUNAL

LES FAITS A L'ORIGINE DU RECOURS

1 Par lettre du 12 septembre 1992, la Commission, faisant référence aux "Affaires n° IV/30.717-A - Eurocheque : accord d'Helsinki et n° IV/30.717-B - Eurocheque : accord Package Deal", a adressé à la Société générale une demande de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17").

2 Cette demande de renseignements s'inscrit dans le cadre suivant : l'accord dit "Package Deal" sur les Commissions, les dates de valeur et le recouvrement centralisé des eurochèques uniformes émis en monnaie locale et l'ouverture du secteur non bancaire a été conclu le 31 octobre 1980 par les groupements nationaux représentant les organismes financiers de chacun des pays participant au système Eurocheque. L'accord, conclu pour une durée de cinq ans à partir du 1er mai 1981, s'insère dans les accords Eurocheque et fixe, en substance, les principes ci-après :

- le secteur non bancaire (boutiques, grands magasins, stations-service, hôtels et restaurants) doit être ouvert officiellement à l'acceptation d'eurochèques uniformes et doit être informé des conditions de garantie ;

- les eurochèques uniformes doivent être tirés dans la devise du pays étranger visité ;

- une Commission de 1,25 % du montant du chèque, sans minimum, est appliquée à tout eurochèque uniforme tiré à l'étranger en monnaie locale. Cette Commission n'est plus prélevée par les guichets payeurs lors du paiement, ni par le commerçant lors de l'acceptation du chèque, mais est payée lors du remboursement du chèque par la centrale de compensation.

3 Lors de la réunion de l'Assemblée Eurocheque, tenue à Helsinki les 19 et 20 mai 1983, a été conclu entre les banques et institutions financières françaises, d'une part, et l'Assemblée Eurocheque, d'autre part, un "accord sur l'acceptation par les commerçants en France des eurochèques tirés sur des institutions financières étrangères" (ci-après "accord d'Helsinki"). Aux termes de cet accord, les banques et institutions financières françaises sont convenues avec la communauté internationale Eurocheque que les commerçants affiliés au Groupement Carte bleue et/ou à Eurocard France SA accepteront, à partir du 1er décembre 1983, les eurochèques étrangers émis en francs français pour le paiement de biens et de services, aux mêmes conditions que celles des organisations précitées. En conséquence, le Groupement Carte bleue, d'une part, le Crédit agricole et le Crédit mutuel, d'autre part, se sont engagés à prendre notamment les mesures suivantes : "Pour les achats réglés par eurochèques, les membres du Groupement Carte bleue et d'Eurocard percevront auprès de leurs commerçants affiliés une Commission qui ne pourra pas être supérieure à celle prévue pour les paiements Carte bleue et Eurocard."

4 Le 10 décembre 1984, la Commission a adopté la décision 85-77-CEE relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-30.717 - Eurochèques uniformes, JO 1985, L.35, p. 43), déclarant inapplicables les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, à l'accord Package Deal pour la période du 7 juillet 1982 au 30 avril 1986.

5 Le 5 mai 1986, Eurocheque International a demandé à la Commission le renouvellement de l'exemption accordée à l'accord Package Deal.

6 Le 16 décembre 1987, Eurocheque International a notifié à la Commission le nouvel accord Package Deal conclu le 5 juin 1987 pour une durée indéterminée à partir du 1er janvier 1988.

7 Le 31 juillet 1990, la Commission a adressé à Eurocheque International une communication des griefs portant tout à la fois sur le nouvel accord Package Deal et sur l'accord d'Helsinki. En même temps elle a adressé au Groupement des cartes bancaires "CB" (ci-après Groupement "CB") une communication des griefs limitée à l'accord d'Helsinki.

8 Le 22 mai 1991, le Groupement "CB" a informé la Commission de la décision de l'Assemblée Eurocheque de mettre fin aux accords d'Helsinki compte tenu de l'opposition manifestée par les services de la Commission.

9 Le 5 juin 1991, Eurocheque International a informé la Commission qu'elle était disposée à supprimer l'accord d'Helsinki.

10 La Commission a adopté le 25 mars 1992 la décision 92-212-CEE, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-30.717-A - Eurocheque : accord d'Helsinki, JO L.95, p. 50). Le Groupement "CB" et Eurocheque International (devenu Europay International) ont introduit, chacun pour leur part, le 25 mai 1992, un recours à l'encontre de cette décision. Dans son arrêt du 23 février 1994, le Tribunal a annulé les articles 1er et 3 de la décision de la Commission pour autant qu'ils visent Eurocheque International et a fixé l'amende infligée au Groupement "CB" à un montant de 2 millions d'écus (arrêt CB et Europay/Commission, T-39-92 et T-40-92, Rec. p. II-49).

11 Dans sa demande de renseignements précitée du 12 septembre 1992, mentionnant sous rubrique "Affaires n° IV-30.717-A - Eurocheque : accord d'Helsinki et n° IV-30.717-B - Eurocheque : accord Package Deal", la Commission a rappelé que l'accord d'Helsinki, qui a fait l'objet d'une décision d'interdiction assortie d'amendes, adoptée par la Commission le 25 mars 1992, opérait, en principe, une distinction entre trois sortes d'eurochèques étrangers émis en France, à savoir les eurochèques émis contre espèces aux guichets des banques françaises, les eurochèques émis chez les commerçants français adhérents du Groupement "CB" et les eurochèques étrangers émis en France chez des commerçants non adhérents du Groupement "CB" ou remis à des particuliers, alors que l'accord Package Deal, conclu en 1980 et bénéficiant d'une décision d'exemption adoptée par la Commission le 10 décembre 1984, n'opère nullement une telle différenciation de traitément. Constatant que l'abandon de l'accord d'Helsinki par les banques françaises en 1991 a fait disparaître cette différenciation injustifiée entre trois catégories d'eurochèques, qui, selon elle, n'était nullement prévue par l'accord Package Deal, la Commission en déduisait que, depuis lors, l'ensemble des eurochèques étrangers émis en France devrait relever du seul régime prévu par l'accord Package Deal, pour autant que le montant des eurochèques en question soit inférieur au montant maximal de compensation au-delà duquel les eurochèques ne sont plus traités dans le système Eurocheque, mais assimilés à des virements en provenance de l'étranger. Or, la bénéficiaire française d'un eurochèque étranger tiré sur une banque allemande s'était étonnée auprès d'elle de s'être vu facturer par la Société générale une Commission de 92,50 FF, alors qu'elle n'aurait dû, selon l'accord Package Deal, ne rien se voir facturer par celle-ci. Après avoir exprimé le souhait d'obtenir des explications de la Société générale, la Commission précisait que la demande de renseignements avait "pour objet de permettre à la Commission de compléter les informations dont elle dispose de par la plaignante, afin de lui permettre d'apprécier la compatibilité des ententes ou agissements en cause au regard des règles de concurrence de la CEE, en pleine connaissance des faits et dans leur véritable contexte économique". Les renseignements demandés faisaient l'objet d'un questionnaire annexé à la demande de renseignements.

12 Dans sa réponse du 12 octobre 1992, la Société générale a constaté que l'exposé des motifs ne la mettait pas en mesure d'apprécier le devoir de collaboration qui lui incombait. L'enquête étant présentée comme tendant à compléter les informations dont la Commission disposait sur les conditions dans lesquelles la Société générale avait facturé une Commission de 92,50 FF à une cliente, titulaire d'un compte de particulier, qui avait remis à la Société générale pour encaissement un eurochèque de 4 710 FF tiré sur une banque allemande, la Société générale a estimé qu'"on voit mal quelle peut être la base juridique de (la) recherche dès lors qu'elle paraît sans rapport avec le double objet mentionné en référence à la demande". La requérante a souligné, d'une part, qu'il s'agissait en l'espèce d'un chèque émis en faveur d'un particulier alors que l'accord d'Helsinki régit l'acceptation par les commerçants en France des eurochèques tirés sur les institutions financières étrangères. Elle a fait observer, d'autre part, que l'accord Package Deal vise exclusivement les eurochèques utilisés dans le secteur bancaire et dans le secteur commercial. La Société générale en a conclu que le contenu des questions laissait penser que leur but réel était d'étayer la défense de la Commission dans le contentieux déjà engagé devant le Tribunal par le Groupement "CB" et par Eurocheque International contre la décision de la Commission du 25 mars 1992.

13 Par lettre du 23 octobre 1992, la Commission a relevé qu'il importait, dans le cadre de la procédure engagée par la Commission, le 19 juillet 1990, suite à la demande de renouvellement de l'exemption de l'accord Package Deal présentée par Eurocheque International, que la Société générale réponde aux questions qui lui avaient été posées, afin que la Commission ait une vue claire de la situation actuelle, suite à l'abandon de l'accord d'Helsinki qui devait mettre un terme à la distinction que la Société générale continuait d'invoquer entre trois catégories d'eurochèques. En conclusion, la Commission a invité la Société générale à répondre aux questions qui lui avaient été adressées au plus tard trois semaines après réception de la lettre.

14 Le 16 novembre 1992, la Société générale a fait savoir à la Commission que ses recherches étaient fondées sur une fausse interprétation de la portée de l'accord Package Deal et de l'accord d'Helsinki, cette interprétation faisant l'objet d'un contentieux introduit par le Groupement "CB" et Europay International devant le Tribunal, dont il y avait lieu, selon elle, d'attendre l'issue. S'agissant des faits dont la Commission avait été saisie par plainte, la Société générale a rappelé qu'elle prélevait sur tous les eurochèques étrangers remis par un non-commerçant les mêmes Commissions que sur les chèques étrangers et qu'elle ne percevait pas, sur ces opérations, la Commission interbancaire prévue par l'accord Package Deal, les eurochèques remis à des particuliers étant recouvrés par transmission directe à ses correspondants étrangers et non pas par le système de traitément et de compensation Eurocheque.

15 Dans sa réponse du 1er décembre 1992, la Commission a estimé qu'il n'appartenait pas à la Société générale d'émettre un jugement quant à l'opportunité d'attendre la fin du contentieux engagé devant le juge communautaire avant de poursuivre la procédure engagée à propos de l'accord Package Deal. Selon la Commission, les vagues et très succinctes indications fournies par la Société générale ne sauraient être considérées comme les réponses qu'elle était en droit d'attendre à sa demande de renseignements du 12 septembre 1992 et elle a précisé que cette lettre constituait le dernier rappel adressé à la requérante.

16 Le 1er avril 1993, la Commission a adopté la décision C (93) 746 finale dont le dispositif a la teneur suivante :

"Article premier

La Société générale est tenue de fournir, dans les deux semaines de la date de notification de la présente décision, les renseignements précisés dans l'annexe à la présente décision.

Article 2

A défaut pour la Société générale de fournir les renseignements demandés dans les conditions déterminées à l'article 1er ci-dessus, il lui est infligé une astreinte de 1 000 écus par jour de retard à compter du délai de deux semaines après la notification de la présente décision.

..."

17 Suite à la notification de la décision, la Société générale, faisant état de l'astreinte dont elle se trouvait menacée, a répondu par lettre du 19 avril 1993 au questionnaire. Elle a cependant maintenu qu'elle n'était pas tenue de répondre à la demande de renseignements du fait que le champs couvert par les questions posées était excessivement étendu au point d'être disproportionné par rapport à la plainte dont la Commission avait été saisie, du fait qu'une partie des questions posées portait sur l'application par la Société générale de l'accord d'Helsinki avant son abandon en 1991 et que les principes généraux de la procédure, en particulier les règles sur la charge de la preuve, interdiraient à la Commission de contraindre une entreprise à révéler une infraction, à supposer que, par impossible, la décision du 25 mars 1992 soit confirmée par le Tribunal.

Procédure et conclusions

18 C'est dans ces conditions que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er juin 1993, la requérante a introduit le présent recours.

19 Par décision du Tribunal du 6 octobre 1994, les parties entendues en leurs observations, l'affaire a été renvoyée à la quatrième chambre composée de trois juges.

20 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Le Tribunal a néanmoins posé une question à la requérante qui y a répondu par lettre du 19 octobre 1994. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l'audience du 9 novembre 1994.

21 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

1) déclarer la demande en annulation de la Société générale recevable et bien fondée ;

et par voie de conséquence

2) annuler la décision de la Commission du 1er avril 1993 ;

3) dire qu'en conséquence la lettre en réponse de la Société générale du 19 avril 1993 sera retirée de la procédure, de même que toutes les demandes de la Commission (lettres des 12 septembre 1992, 23 octobre 1992 et 1er décembre 1992) ;

4) voir déclarer la Société générale recevable et bien fondée en son recours en responsabilité extra-contractuelle ;

5) condamner, en conséquence, la Commission à payer à la Société générale 1 FF en réparation du préjudice moral et matériel subi ;

6) condamner la Commission à tous les dépens.

22 La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

1) rejeter le recours présenté par la Société générale tendant à l'annulation de la décision de la Commission du 1er avril 1993 ;

2) rejeter la demande de condamnation de la Commission au paiement d'une somme de 1 FF ;

3) condamner la Société générale aux dépens de la présente instance.

Sur les conclusions visant à l'annulation de la décision du 1er avril 1993

23 A l'appui de ses conclusions en annulation, la requérante invoque en substance trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l'article 11 du règlement n° 17, le deuxième moyen est tiré de la violation de l'obligation de motivation visée à l'article 190 du traité CEE (devenu traité CE, ci-après "traité") et le troisième de la violation des droits de la défense.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 11 du règlement n° 17

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

24 La requérante fait grief à la Commission d'avoir violé l'article 11 du règlement n° 17 en omettant d'indiquer clairement et précisément les bases juridiques et le but de sa demande de renseignements et en n'établissant pas le lien entre les questions posées et l'infraction présumée.

25 S'agissant, tout d'abord, des bases juridiques de la demande de renseignements, la requérante relève que la Commission, après avoir mentionné dans ses visas les articles 85 et 86 du traité, se borne, dans les considérants de la décision attaquée, à évoquer la question de la conformité du comportement de la Société générale "aux règles communautaires de la concurrence", sans préciser pour autant s'il s'agit de l'article 85 et/ou de l'article 86.

26 La requérante fait grief, ensuite, à la Commission de ne pas avoir indiqué clairement si la demande de renseignements avait pour objet d'enquêter sur d'éventuelles infractions commises par la Société générale, ou d'éclairer la Commission sur la "situation actuelle" afin d'apprécier la licéité de l'accord Package Deal dans le cadre d'une procédure déterminée impliquant des personnes morales autres que la Société générale ou encore de revenir sur la procédure relative à l'accord d'Helsinki.

27 La requérante soutient à cet égard que, au vu de la lettre de la Commission du 12 septembre 1992, elle a pu considérer qu'elle était interrogée, suite à une plainte de sa cliente, au sujet d'une éventuelle infraction commise par elle-même. Or, la requérante affirme ne pas voir en quoi la perception de la Commission, en prétendue violation d'un accord entre entreprises ou associations d'entreprises, pourrait constituer une infraction aux règles de concurrence du traité.

28 La référence figurant dans cette lettre aux "Affaires n° IV-30.717 - A - Eurocheque : accord d'Helsinki et n° IV-30.717 - B - Eurocheque : accord Package Deal" aurait porté à croire que la demande de renseignements se situait dans le cadre des procédures anciennes visant non pas la Société générale, mais le Groupement "CB" et Europay International, personnes morales tierces.

29 La seconde lettre de la Commission, adressée à la Société générale le 23 octobre 1992 à la suite de la réponse de celle-ci du 12 octobre 1992, aurait certes précisé le but de la demande de renseignements, en soulignant qu'elle s'insérait dans le cadre de "la procédure engagée par la Commission le 19 juillet 1990, suite à la demande de renouvellement de l'exemption de l'accord Package Deal présentée par Eurocheque", mais continuait, d'une part, à faire référence à la procédure "IV-30.717 - A - Eurocheque : accord d'Helsinki", alors que la procédure relative à l'accord d'Helsinki avait été clôturée par une décision définitive de la Commission, et, d'autre part, à viser une infraction imputable à la Société générale, par la mention de la plainte dirigée contre elle. La décision elle-même ne serait pas davantage de nature à clarifier la situation à cet égard.

30 La requérante fait encore grief à la Commission de ne pas avoir établi de lien entre les questions posées et l'infraction présumée. A cet égard, elle fait valoir que les faits évoqués par la Commission, tels qu'ils résultent de la plainte déposée, à savoir la perception d'une Commission sur un eurochèque étranger remis à la Société générale par un particulier, ne présentent aucun lien avec l'accord d'Helsinki, qui, selon son intitulé même, ne concerne que l'acceptation par les commerçants en France des eurochèques tirés sur des institutions financières étrangères.

31 De même, la requérante soutient que les questions relatives à l'accord Package Deal n'ont aucun lien avec le comportement qui lui est imputé ni avec la finalité de l'enquête, dès lors que, selon elle, l'accord Package Deal vise exclusivement les eurochèques utilisés dans le secteur bancaire et, à certaines conditions, dans le secteur commercial. Or, il résulterait clairement de la décision d'exemption de l'accord Package Deal du 10 décembre 1984 que l'ouverture aux eurochèques du secteur non bancaire, à titre expérimental, ne concernait que les commerçants et non pas les particuliers.

32 La requérante en déduit que, eu égard à l'ambiguïté de la demande de renseignements quant à sa finalité exacte, elle était en droit de ne pas répondre à cette demande et que la décision attaquée doit être annulée.

33 La Commission soutient que la demande de renseignements adressée à la Société générale, le 12 septembre 1992, répond aux exigences de l'article 11, paragraphe 3, du règlement n° 17, tel qu'il a été interprété par la jurisprudence de la Cour et du Tribunal.

34 Elle estime, d'abord, qu'elle a indiqué clairement les bases juridiques de la demande en précisant que cette lettre constituait une demande de renseignements formelle présentée en vertu des dispositions de l'article 11 du règlement n° 17 et qu'elle se proposait d'apprécier la compatibilité des ententes ou agissements en cause au regard des règles de concurrence.

35 La Commission estime, ensuite, que, en faisant référence à la décision relative à l'accord d'Helsinki et au principe de la perception intégrale de l'eurochèque par son bénéficiaire contenu, selon elle, dans l'accord Package Deal, elle a clairement fait apparaître dans sa lettre du 12 septembre 1992 que la demande de renseignements avait pour objet de rechercher, suite à la plainte que lui avait adressée la bénéficiaire d'un eurochèque étranger qui s'était vu facturer une Commission par la Société générale, s'il existait une entente portant sur la perception de Commissions à l'encaissement d'eurochèques étrangers à charge des clients.

36 Elle fait observer, enfin, que la base juridique et le but de la demande de renseignements résultent clairement de la combinaison des points 1 à 5 et 7 à 12 de la décision attaquée.

Appréciation du Tribunal

37 Il convient de rappeler, tout d'abord, que la Commission est autorisée, en vertu de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 17, à adresser aux entreprises des demandes de renseignements en vue de recueillir auprès d'elles, dans l'accomplissement des tâches qui lui sont assignées par l'article 89 du traité et par les dispositions arrêtées en application de l'article 87 du traité, tous les renseignements qui lui sont nécessaires.

38 Il y a lieu de rappeler encore que l'article 11 du règlement n° 17 soumet l'exercice par la Commission du pouvoir de demander des renseignements à une procédure en deux phases, dont la seconde, comportant l'adoption par la Commission d'une décision qui "précise les renseignements demandés", ne peut être engagée que si la première phase, caractérisée par l'envoi d'une demande de renseignements, a été tentée sans succès (arrêt de la Cour du 26 juin 1980, National Panasonic/Commission, 136-79, Rec. p. 2033, point 10).

39 L'article 11 prévoit également en son paragraphe 3 que, dans sa demande de renseignements, la Commission indique "les bases juridiques et le but de sa demande".

40 De même que la Cour l'a jugé dans un domaine comparable à celui de l'article 11, dans son arrêt du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission (46-87 et 227-88, Rec. p. 2859, point 29), relatif aux pouvoirs de vérification conférés à la Commission par l'article 14 du règlement n° 17, l'obligation qui incombe à la Commission d'indiquer les bases juridiques et le but de la demande de renseignements constitue une exigence fondamentale en vue de faire apparaître le caractère justifié des informations sollicitées auprès des entreprises concernées, mais aussi de mettre celles-ci en mesure de saisir la portée de leur devoir de collaboration tout en préservant en même temps leurs droits de défense. Il en découle que seule peut être requise par la Commission la communication de renseignements susceptibles de lui permettre de vérifier les présomptions d'infraction qui justifient la conduite de l'enquête et sont indiquées dans la demande de renseignements (arrêt du Tribunal du 12 septembre 1991, SEP/Commission, T-39-90, Rec. p. II-1497, point 25).

41 Par conséquent, il y a lieu de vérifier, en l'espèce, si la Commission, en exerçant à l'égard de la requérante son droit de lui demander des renseignements, a agi dans les limites de l'accomplissement des tâches qui lui incombent en vertu du règlement n° 17 et si la procédure en deux phases prévue à l'article 11 du règlement n° 17 a été suivie.

42 Il convient de rappeler, tout d'abord, que, dans sa lettre du 12 septembre 1992, la Commission, après avoir dénoncé la différenciation, à son avis injustifiée, opérée dans le traitément d'un eurochèque étranger émis en France, selon qu'il est remis au guichet d'une banque, à un commerçant ou à un particulier, en ce qui concerne la Commission perçue à la charge du bénéficiaire, a fait valoir que l'abandon de l'accord d'Helsinki par les banques françaises en 1991 a eu pour effet de replacer l'ensemble des eurochèques étrangers émis en France sous le seul régime de l'accord Package Deal. Évoquant le cas d'une ressortissante française qui s'était plainte auprès d'elle du fait que la Société générale l'avait grevée d'une Commission non prévue par l'accord Package Deal au moment de la remise à l'encaissement d'un eurochèque tiré sur une banque allemande, la Commission a sollicité des explications de la requérante à cet égard en vue de "compléter les informations dont elle dispose de par la plaignante, afin de lui permettre d'apprécier la compatibilité des ententes ou agissements en cause au regard des règles de concurrence de la CEE, en pleine connaissance des faits et dans leur véritable contexte économique".

43 Il convient de rappeler, ensuite, que la Commission, à la suite du refus de la requérante d'obtempérer à la demande de renseignements, a précisé, dans sa lettre du 23 octobre 1992, que sa demande se situait "dans le cadre de la procédure engagée par la Commission, le 19 juillet 1990, suite à la demande de renouvellement de l'exemption de l'accord Package Deal présentée par Eurocheque" et que les réponses sollicitées avaient pour objectif de lui fournir "une vue claire de la situation actuelle, suite à l'abandon de l'accord d'Helsinki qui devait mettre un terme à cette distinction que vous continuez d'invoquer entre trois catégories d'eurochèques".

44 Le Tribunal estime que, par cette précision, la Commission, sans modifier l'objet de sa demande initiale du 12 septembre 1992, a levé l'ambiguïté qui avait pu naître dans l'esprit du destinataire de la demande de renseignements du fait que l'accord Package Deal, conclu le 31 octobre 1981, ainsi que l'accord d'Helsinki, conclu les 19 et 20 mai 1983, avaient cessé d'être en vigueur au moment de la demande.

45 Ainsi, il apparaît à la lecture combinée de la lettre initiale du 12 septembre 1992 et de celle du 23 octobre 1992 que c'est dans le seul cadre de la procédure administrative de notification et de demande d'exemption du nouvel accord Package Deal que la Commission, à la faveur d'une plainte dont elle avait été saisie, a entendu vérifier la réalité et la portée de la situation de fait et de droit en matière de rémunération du service d'encaissement d'un eurochèque tiré sur une banque étrangère et présenté à l'encaissement par un particulier auprès de la requérante.

46 De même, dans la décision attaquée du 1er avril 1993, prise à la suite du refus de la Société générale de fournir les renseignements demandés, la Commission a souligné la finalité de la demande de renseignements, en reprenant textuellement les termes des lettres précitées et en mentionnant qu'elle entend compléter ses informations sur les conditions appliquées par la Société générale aux eurochèques étrangers pour pouvoir apprécier si le comportement mis en cause par la plaignante et les conditions qui ont été ou sont appliquées par la Société générale à l'encaissement des eurochèques étrangers sont ou non conformes aux règles communautaires de la concurrence.

47 Le Tribunal considère, par conséquent, que la Commission, agissant dans le cadre de l'instruction de la demande d'exemption du nouvel accord Package Deal conclu le 5 juin 1987 et notifié le 16 décembre 1987, pouvait légitimement solliciter de la requérante qu'elle lui fournisse des renseignements portant sur le traitément qu'elle réservait aux eurochèques tirés sur une banque étrangère en ce qui concerne la rémunération qu'elle tirait du service d'encaissement rendu, d'une part, aux bénéficiaires, qu'ils soient particuliers ou commerçants, et, d'autre part, à la banque des émetteurs de tels chèques.

48 Or, il est constant que, tant dans la lettre du 12 septembre 1992 que dans celle du 23 octobre 1992, la Commission a clairement mis en cause la légalité, au regard de l'accord Package Deal, d'une rémunération différenciée du service d'encaissement d'un eurochèque étranger selon la qualité de son bénéficiaire.

49 Il est constant, également, que, dans la communication des griefs adressée à Eurocheque International le 31 juillet 1990, à laquelle se réfère la requérante au point 10 de sa requête, la Commission a laissé entendre que l'exemption du nouvel accord Package Deal serait soumise à la condition que le bénéficiaire d'un eurochèque perçoive l'intégralité de son montant à l'encaissement.

50 Dans de telles circonstances, le Tribunal estime que la Commission pouvait, sans enfreindre l'article 11 du règlement n° 17, définir la portée de ses investigations de manière à faire ressortir, au moyen des informations sollicitées, la situation de fait et de droit en matière de rémunération du service d'encaissement d'un eurochèque étranger à la lumière, le cas échéant, des évolutions qui ont pu la caractériser sous l'effet de l'accord d'Helsinki et de son abrogation.

51 Dès lors, le Tribunal estime, d'une part, que les références tant à l'accord Package Deal, conclu le 31 octobre 1981 et exempté le 10 décembre 1984, qu'à l'accord d'Helsinki, conclu les 19 et 20 mai 1983 et abrogé en 1991, doivent être considérées comme une simple évocation du contexte historique dans lequel s'inscrit le nouvel accord Package Deal et ne visaient pas à désigner l'accord d'Helsinki comme étant la cible même de la demande de renseignements.

52 D'autre part, le Tribunal considère que la requérante n'était pas fondée, ainsi qu'elle l'a fait dans sa réponse du 12 octobre 1992, à se prévaloir de la prétendue inapplicabilité de l'accord Package Deal aux eurochèques étrangers remis à l'encaissement par des particuliers non émetteurs de l'eurochèque pour se soustraire à l'obligation de répondre à la demande de renseignements du 12 septembre 1992, l'examen du bien-fondé de cet argument se trouvant réservé à la Commission.

53 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la requérante n'a pu se méprendre sur les bases juridiques et le but de la demande de renseignements dont elle a été la destinataire et que la Commission, agissant dans le cadre de l'instruction de la demande d'exemption du nouvel accord Package Deal, n'a pas excédé les limites des compétences qui lui sont conférées par l'article 11 du règlement n° 17 en invitant la requérante à lui fournir des renseignements de nature factuelle, portant sur la rémunération qu'elle tirait du service d'encaissement rendu par elle tant aux bénéficiaires qu'à la banque des émetteurs d'eurochèques tirés sur une banque étrangère.

54 Par conséquent, le moyen tiré de la violation de l'article 11 du règlement n° 17 doit être rejeté.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 190 du traité

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

55 Le moyen tiré de la violation de l'article 190 du traité s'articule en deux branches, la première branche étant tirée d'une insuffisance de motivation, la seconde branche d'une contradiction des motifs.

56 En premier lieu, la requérante fait état des graves incertitudes qui, selon elle, entachent la demande de renseignements, telle qu'elle a été formulée dans les différents courriers qui lui ont été adressés par la Commission. Ces courriers, qui se trouveraient intégrés, soit en substance, soit in extenso, dans la motivation de la décision, feraient partie intégrante de celle-ci et entacheraient ainsi la décision elle-même.

57 En second lieu, la requérante estime que l'affirmation de la Commission, au point 12 de la décision, selon laquelle les renseignements demandés lui sont nécessaires pour apprécier si les conditions qui ont été ou qui sont appliquées par la Société générale à l'encaissement des eurochèques étrangers sont ou non conformes aux règles communautaires de concurrence est contredite par la décision elle-même lorsqu'elle conclut, en se référant à la décision adoptée le 25 mars 1992, que les conditions dans lesquelles les banques françaises traitént les eurochèques en question sont illicites.

58 La requérante décèle une autre contradiction dans le fait que la Commission mentionne qu'elle instruit une procédure au regard de l'accord Package Deal afin de vérifier la conformité de cet accord avec l'article 85, paragraphe 1, et, en même temps, affirme, dans la décision attaquée, que l'ensemble des eurochèques étrangers émis en France devraient relever du seul régime prévu par l'accord Package Deal.

59 La Commission soutient, d'abord, que la motivation de la décision est complète, dès lors que, après avoir évoqué les précédents de l'affaire, le contexte de la procédure en cause et le cas particulier de la plainte dirigée contre la Société générale, elle exprime la position de la Commission à l'égard des Commissions perçues à l'encaissement des eurochèques étrangers et rappelle l'obligation qui lui incombe d'apprécier les conditions appliquées aux eurochèques étrangers au regard des règles communautaires de la concurrence.

60 Elle estime, ensuite, qu'il n'est guère contradictoire d'affirmer, d'une part, que les conditions pratiquées par les banques françaises jusqu'en mai 1991 étaient illicites, ainsi que la Commission l'a constaté dans sa décision du 25 mars 1992, et de s'interroger, d'autre part, sur les conditions pratiquées depuis l'abandon formel de l'accord d'Helsinki en mai 1991.

61 De même, la Commission soutient qu'il n'est pas contradictoire, d'une part, de prétendre que le traitément des eurochèques devrait relever du seul régime prévu par l'accord Package Deal et, d'autre part, de notifier une communication des griefs concernant cet accord. En effet la communication des griefs adressée à Eurocheque International viserait le nouvel accord Package Deal notifié à la Commission en 1987, tandis que la référence effectuée par le point 4 de la décision attaquée viserait l'accord Package Deal qui a été notifié en 1980 et qui a fait l'objet de la décision d'exemption du 10 décembre 1984.

Appréciation du Tribunal

62 Il convient de rappeler que, de même que la Cour l'a jugé dans son arrêt National Panasonic/Commission, précité (point 25), à propos de l'article 14, paragraphe 3, disposition comparable en matière de vérification, l'article 11, paragraphe 3, du règlement n° 17 définit lui-même les éléments essentiels de motivation de la demande de renseignements en prévoyant qu'elle doit indiquer les bases juridiques et le but de celle-ci et les sanctions prévues à l'article 15, paragraphe 1, sous b), au cas où des renseignements inexacts seraient fournis.

63 A cet égard, la Commission n'est pas tenue de communiquer au destinataire d'une décision de demande de renseignements toutes les informations dont elle dispose à propos d'infractions présumées ni de procéder à une qualification juridique rigoureuse de ces infractions, mais elle doit indiquer clairement les présomptions qu'elle entend vérifier (voir l'arrêt Hoechst/Commission, précité, point 41).

64 En l'espèce, le Tribunal constate que la Commission, en mentionnant dans sa décision que les renseignements sollicités sont destinés à lui permettre d'apprécier dans quelle mesure les conditions appliquées aux eurochèques étrangers par une banque française sont susceptibles de constituer une infraction aux règles communautaires de la concurrence et que la demande de renseignements se situe dans le cadre de la demande d'exemption du nouvel accord Package Deal conclu le 5 juin 1987 et notifié le 16 décembre 1987, a clairement identifié la base juridique et le but de la demande de renseignements. Dès lors, la décision contient les éléments essentiels exigés par l'article 11, paragraphe 3, du règlement n° 17.

65 Le Tribunal estime, ensuite, que, dans la mesure où la référence à l'accord <d'Helsinki doit être considérée comme étant une simple évocation du contexte historique dans lequel s'inscrit le nouvel accord Package Deal et ne vise pas à désigner l'accord d'Helsinki comme étant la cible même de la demande de renseignements, c'est à juste titre et sans se contredire que la Commission a pu évoquer, au point 4 de la décision attaquée, la décision d'interdiction assortie d'amendes adoptée par la Commission le 25 mars 1992 à l'égard de l'accord d'Helsinki, avant de rappeler qu'elle considère que l'accord Package Deal conclu en 1980 et exempté par elle le 10 décembre 1984 s'oppose à un traitément différencié du service d'encaissement des eurochèques étrangers selon la qualité de leurs bénéficiaires.

66 De même, le Tribunal estime que, dans la mesure où, dans ses lettres des 12 septembre et 23 octobre 1992, ainsi que dans la décision attaquée, la Commission a mis en cause la justification d'un traitément différencié du service d'encaissement des eurochèques au regard de l'accord Package Deal conclu en 1980 et exempté en 1984, c'est à juste titre et sans se contredire qu'elle a pu, dans le cadre de l'instruction de la demande d'exemption du nouvel accord Package Deal et à la lumière de l'abrogation de l'accord d'Helsinki, demander à la requérante de lui fournir des renseignements sur le traitément qu'elle réserve aux eurochèques tirés sur une banque étrangère en ce qui concerne la rémunération qu'elle tire du service d'encaissement rendu, d'une part, aux bénéficiaires, qu'ils soient particuliers ou commerçants, et, d'autre part, à la banque des émetteurs de tels chèques.

67 Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article 190 du traité n'est pas fondé.

Sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

68 La requérante rappelle, d'abord, que l'exigence de l'identification claire, précise et immuable des bases juridiques et du but de l'enquête constitue une base fondamentale des droits de la défense. Or, en l'espèce, elle n'aurait pas été en mesure de saisir la portée de son devoir de collaboration ni la portée des questions posées.

69 La requérante fait grief, ensuite, à la Commission d'avoir outrepassé ses pouvoirs en violation de l'article 189 du traité, de l'article 11 du règlement n° 17 et des principes généraux de procédure, dans la mesure où elle a invité la Société générale à admettre, à travers les questions posées, qu'elle pratiquait, dans le cadre de l'accord d'Helsinki, une différenciation de traitément prétendument illicite entre les bénéficiaires d'eurochèques tirés sur une banque étrangère. Or, l'accord d'Helsinki avait fait l'objet d'une décision de la part de la Commission contre laquelle le Groupement "CB", dont la Société générale est membre, avait introduit un recours qui, au moment où la demande de renseignements a été adressée à la Société générale, était pendant devant le Tribunal.

70 La Commission estime que la demande de renseignements a permis à la requérante de comprendre que, dans le cadre de l'instruction portant sur la notification du nouvel accord Package Deal, la Commission avait reçu une plainte mettant en cause la Société générale et que le cas particulier de la Société générale s'est trouvé intégré dans la procédure générale visant l'accord Package Deal. Ainsi, la requérante aurait parfaitement été en mesure d'évaluer son devoir de collaboration au regard des éléments qui ont été portés à sa connaissance.

Appréciation du Tribunal

71 Il convient de rappeler, liminairement que, au cours de la procédure préalable, le règlement n° 17 ne reconnaît expressément à l'entreprise qui fait l'objet de l'enquête que certaines garanties spécifiques. D'une part, une décision sollicitant la fourniture de renseignements ne peut intervenir qu'après qu'une demande préalable est restée infructueuse. D'autre part, une décision fixant le montant définitif d'une amende ou d'une astreinte, au cas où l'entreprise ne fournit pas les renseignements exigés par la décision, ne peut être prise qu'après que l'entreprise en cause a été mise en mesure de faire connaître son point de vue (arrêt de la Cour du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374-87, Rec. p. 3283, point 26).

72 Le règlement n° 17 ne reconnaît, en revanche, à l'entreprise qui fait l'objet d'une mesure d'investigation aucun droit de se soustraire à l'exécution de cette mesure au motif que ses résultats pourraient fournir la preuve d'une infraction aux règles de concurrence qu'elle a commise. Il lui impose, au contraire, une obligation de collaboration active, qui implique qu'elle tienne à la disposition de la Commission tous les éléments d'information relatifs à l'objet de l'enquête.

73 Le respect des droits de la défense, que la Cour a considéré comme un principe fondamental de l'ordre juridique communautaire, exige cependant que certains de ces droits soient respectés dès le stade de l'enquête préalable. En effet, ainsi que la Cour l'a relevé dans ses arrêts Hoechst/Commission, précité (point 15), et Orkem/Commission, précité (point 33), s'il est vrai que les droits de la défense doivent être respectés dans les procédures susceptibles d'aboutir à des sanctions, il importe d'éviter que ces droits ne puissent être irrémédiablement compromis dans le cadre de procédures d'enquête préalable qui peuvent avoir un caractère déterminant pour l'établissement du caractère illégal de comportements d'entreprises.

74 Dès lors, si pour préserver l'effet utile de l'article 11, paragraphes 2 et 5, du règlement n° 17, la Commission est en droit d'obliger l'entreprise à fournir tous les renseignements nécessaires, même si ceux-ci peuvent servir à établir, à son encontre ou à l'encontre d'une autre entreprise, l'existence d'un comportement anticoncurrentiel, elle ne saurait toutefois, par une demande de renseignements, porter atteinte aux droits de la défense reconnus à l'entreprise et lui imposer l'obligation de fournir des réponses par lesquelles celle-ci serait amenée à admettre l'existence de l'infraction dont il appartient à la Commission d'établir la preuve (voir les arrêts de la Cour Orkem/Commission, précité, points 34 et 35, et du 18 octobre 1989, Solvay/Commission, 27-88, Rec. p. 3355).

75 Le Tribunal considère, en l'espèce, que les droits de la défense de la requérante n'ont pas été violés. En effet, même si les réponses aux questions posées par la Commission peuvent impliquer de la part de la Société générale, comme l'a soutenu le représentant de la requérante à l'audience, une interprétation de l'accord Package Deal, il n'en reste pas moins que les réponses sollicitées sont d'ordre purement factuel et ne sauraient être regardées comme étant susceptibles de contraindre la requérante à admettre l'existence d'une infraction aux règles de la concurrence.

76 Le bien-fondé de cette constatation est corroboré par les réponses fournies par la Société générale au questionnaire annexé à la demande de renseignements, en ce que celles-ci ne comportent que des éléments de nature factuelle et ne révèlent aucune auto-incrimination.

77 De même, s'agissant des questions relatives à l'accord d'Helsinki, il convient de rappeler que la décision de la Commission du 25 mars 1992, ayant déclaré que l'accord d'Helsinki constitue d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité et refusé le bénéfice d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, a fait l'objet, au moment de la demande de renseignements, d'un contentieux devant le Tribunal. Cette circonstance ne suffit cependant pas à priver la Commission du droit de recueillir des informations se rapportant à l'accord d'Helsinki, du seul fait que les renseignements sollicités seraient susceptibles de fournir à la Commission des indications sur l'évolution de la situation en matière de rémunération du service d'encaissement des eurochèques étrangers sous l'effet et après l'abandon de l'accord d'Helsinki. En effet, la Commission ne saurait être dessaisie de ses pouvoirs d'enquête sur des faits postérieurs à ceux sanctionnés dans une décision, même si ces faits sont identiques à ceux retenus dans cette décision.

78 En tout état de cause, c'est dans le cadre des recours T-39-92 et T-40-92, dirigés contre la décision du 25 mars 1992 qu'il aurait appartenu au Tribunal d'écarter, le cas échéant, des éléments recueillis de manière illicite par la Commission.

79 Par conséquent, le moyen tiré de la violation des droits de la défense doit être rejeté.

Sur les conclusions en indemnisation

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

80 La requérante fait valoir que, en violant l'article 11 du règlement n° 17, l'article 190 du traité et ses droits de la défense, la Commission a méconnu de manière manifeste et grave les limites qui s'imposent à elle dans l'exercice de ses pouvoirs et commis une faute de nature à engager sa responsabilité non contractuelle.

81 La Commission conteste avoir violé des principes et règles communautaires de nature à entraîner l'annulation de la décision attaquée et, dès lors, à engager d'une façon quelconque sa responsabilité non contractuelle. Elle ajoute que, même au cas où la décision serait annulée, la responsabilité de la Commission ne serait engagée qu'en présence d'une violation caractérisée d'une règle supérieure de droit protégeant les particuliers ou d'une méconnaissance manifeste et grave des limites de ses pouvoirs (arrêt du Tribunal du 27 juin 1991, Stahlwerke Peine-Salzgitter/Commission, T-120-89, Rec. p. II-279, point 74).

Appréciation du Tribunal

82 En l'espèce, le Tribunal constate qu'il résulte de ce qui précède que l'acte attaqué n'est pas entaché d'illégalité. Dans ces conditions, aucune faute de nature à engager la responsabilité de la Communauté ne peut être retenue à l'encontre de la Commission et il y a lieu de rejeter les conclusions en indemnisation (arrêt de la Cour du 18 avril 1991, Assurances du crédit/Conseil et Commission, C-63-89, Rec. p. I-1799, point 28).

83 Il découle de l'ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

84 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) La partie requérante est condamnée aux dépens.