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Décisions

TPICE, 1re ch., 21 février 1995, n° T-29/92

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Vereniging van Samenwerkende Prijsregelende Organisaties in de Bouwnijverheid et autres

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schintgen

Juges :

MM. Kirschner, Vesterdorf, Lenaerts, Bellamy

Avocats :

Mes van Lennep, Pijnacker Hordijk.

TPICE n° T-29/92

21 février 1995

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

Faits à l'origine du recours

1. A partir de 1952, sont apparues sur le marché néerlandais de la construction différentes associations regroupant les entrepreneurs selon des critères sectoriels ou régionaux. Ces associations ont élaboré à l'intention de leurs membres des règles ayant pour objet d'organiser la concurrence.

2. En 1963, ces différentes associations ont créé la Vereniging van Samenwerkende Prijsregelende Organisaties in de Bouwnijverheid (ci-après "SPO"), qui, aux termes de l'article 3 de ses statuts, a pour objet "de promouvoir et de gérer une concurrence ordonnée, d'éviter et de combattre des comportements inconvenants lors de l'offre de prix et de promouvoir la formation de prix économiquement justifiés". A cette fin, la SPO élabore des réglementations dites de "régulation institutionnalisée des prix et de la concurrence" et est habilitée à prononcer des sanctions contre les entreprises affiliées à ses organisations membres en cas de manquement aux obligations découlant desdites réglementations. La mise en œuvre de ces réglementations est confiée à huit bureaux exécutifs dont la SPO contrôle le fonctionnement. Les associations membres de la SPO sont actuellement au nombre de 28 et regroupent, au total, plus de quatre mille entreprises de construction établies au Pays-Bas.

3. En 1969, la plupart des associations sectorielles ou régionales ont adhéré à la SPO.

4. Entre 1973 et 1979, les différentes associations ont procédé, sous le contrôle de la SPO, à une uniformisation de leurs règlements (ci-après "règlements antérieurs").

5. Le 3 juin 1980, le Erecode voor ondernemers in het Bouwbedrijf (code d'honneur des entrepreneurs de la construction, ci-après "code d'honneur") a été adopté par l'assemblée générale de la SPO et rendu obligatoire pour toutes les entreprises appartenant aux associations membres de la SPO. Ce code d'honneur prévoit un système uniforme de sanction des infractions aux règlements uniformisés entre 1973 et 1979, ainsi que certaines règles matérielles nécessaires à l'application de ces règlements. Le code d'honneur est entré en vigueur le 1er octobre 1980.

6. Le 16 août 1985, la Commission a adressé une demande de renseignements à la SPO, au titre de l'article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"), afin d'obtenir des informations sur la participation à la SPO des entreprises étrangères.

7. Par arrêté ministériel du 2 juin 1986, les autorités néerlandaises ont adopté l'Uniform Aanbestedingsreglement (règlement uniforme relatif aux adjudications, ci-après "UAR") qui définit les règles de passation des marchés publics et qui est entré en vigueur le 1er novembre 1986.

8. Le 9 octobre 1986, l'assemblée générale de la SPO a adopté deux Uniforme Prijsregelende Reglementen (règlements uniformes de régulation des prix, ci-après "UPR"), qui ont pour but de définir le cadre procédural dans lequel s'exerce la concurrence entre les entrepreneurs participant à la mise en adjudication d'ouvrages de construction. Le premier UPR concerne les appels d'offres selon la procédure restreinte (ci-après "UPRR") et le second les appels d'offres selon la procédure ouverte (ci-après "UPRO"). Les deux règlements ont une structure identique et comportent des dispositions précises et détaillées définissant les obligations des entreprises participant à l'organisation et les conditions de fonctionnement de celle-ci. Ces UPR sont eux-mêmes complétés par quatre règlements et trois annexes. Tous ces règlements sont entrés en vigueur le 1er avril 1987.

9. Par arrêté royal du 29 décembre 1986, le gouvernement néerlandais a déclaré ces règlements non contraignants, à l'exception de ceux qui remplissaient certaines conditions. Cet arrêté royal est entré en vigueur le 1er avril 1987. Les UPR remplissaient les conditions de l'arrêté royal.

10. Le 15 juin 1987, la Commission a effectué des vérifications auprès de la SPO en application de l'article 14 du règlement n° 17. En juillet et en novembre de la même année, elle a fait de même auprès de la Zuid Nederlandse Aannemers Vereniging (ci-après "ZNAV"). Ces vérifications avaient pour objet d'examiner si les règlements de la SPO étaient de nature à affecter le commerce entre États membres.

11. Le 13 janvier 1988, la SPO a notifié les UPR ainsi que le code d'honneur à la Commission en vue d'obtenir, à titre principal, une attestation négative et, à titre subsidiaire, une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE (ci-après "traité").

12. Le 23 juin 1988, les UPR ont été modifiés. Cette modification est entrée en vigueur le 1er juillet 1988.

13. Le 13 juillet 1989, la SPO a complété sa notification du 13 janvier 1988.

14. Le 26 juillet 1989, la municipalité de Rotterdam (Pays-Bas) a saisi la Commission d'une plainte dirigée contre certaines parties des règlements.

15. Le 7 novembre 1989, la Commission a décidé d'engager une procédure à l'encontre de la SPO et lui a adressé une communication des griefs le 5 décembre 1989.

16. La SPO a répondu à la communication des griefs le 5 avril 1990.

17. L'audition, prévue par l'article 19 du règlement n° 17, a eu lieu le 12 juin 1990.

18. Le 15 mars 1991, la SPO a entamé des discussions avec la Commission dans le but d'examiner si les règlements notifiés ne pourraient pas bénéficier d'une exemption s'ils étaient modifiés. Un échange de lettres a eu lieu entre la SPO et la Commission à cet égard entre le 12 avril 1991 et le 15 janvier 1992.

19. Le 5 février 1992, la Commission a adopté la décision attaquée.

20. Le 12 février 1992, une décision datée du 5 février 1992 portant le n° C (92) 66 déf. a été envoyée aux requérantes. Elle a été notifiée le 17 février 1992. Dans cette décision, un passage faisait défaut et les adresses de différentes associations d'entreprises mentionnées dans le dispositif de la décision étaient erronées.

21. Le 26 février 1992, une décision datée du 5 février 1992 portant le n° C (92) 66 déf. rév. a été envoyée aux requérantes (et est parvenue à la SPO le 2 mars 1992). Ce texte-ci comportait le passage qui manquait dans le texte notifié le 17 février 1992 et qui y avait donc été ajouté. Les erreurs relatives aux adresses des différentes associations d'entreprises avaient également été corrigées.

22. Par l'article 1er de la décision, la Commission constate que les statuts de la SPO, du 10 décembre 1963, tels que modifiés depuis lors, les deux UPR du 9 octobre 1986 et les règlements et annexes qui en font partie, les UPR antérieurs et similaires qu'ils ont remplacés et le code d'honneur, à l'exclusion de son article 10, constituent une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

23. Par l'article 2 de sa décision, la Commission rejette la demande d'exemption formulée le 13 janvier 1988 au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité en faveur des UPR du 9 octobre 1986 et du code d'honneur.

24. Par l'article 3, paragraphes 1 et 2, de la décision, la Commission enjoint à la SPO et à ses organisations membres de mettre fin immédiatement aux infractions constatées et d'informer par écrit les entreprises concernées du contenu de la décision et du fait qu'il a été mis fin aux infractions, en précisant les conséquences pratiques qui en découleront, telles que la liberté de chacune de ces entreprises de se soustraire à chaque instant aux règlements. La SPO et ses organisations membres sont, en outre, tenues de communiquer à la Commission, dans les deux mois suivant la réception de la décision, l'information transmise aux entreprises conformément au paragraphe 2 de cette disposition.

25. Par l'article 4 de la décision, la Commission inflige aux 28 associations concernées des amendes d'un montant total de 22 498 000 écus.

La procédure

26. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 avril 1992, la SPO ainsi que 28 associations qui en sont membres ont introduit, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité, un recours dans lequel elles ont conclu à ce qu'il plaise au Tribunal de déclarer inexistante ou, à titre subsidiaire, d'annuler la décision 92-204-CEE de la Commission, du 5 février 1992, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité (IV-31.572 et IV-32.571 - Industrie de la construction aux Pays-Bas, JO L. 92, p. 1).

27. Par acte séparé enregistré au greffe du Tribunal le même jour, les requérantes ont également introduit, en vertu des articles 185 et 186 du traité et de l'article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, une demande de mesures provisoires visant à obtenir le sursis à l'exécution de la décision litigieuse.

28. Les parties ont été entendues en leurs explications orales le 18 juin 1992.

29. Le 16 juillet 1992, le président du Tribunal a rendu une ordonnance dont le dispositif est le suivant :

"1) L'exécution de l'article 3 de la décision de la Commission relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité (IV-31.572 et IV-32.571 - Industrie de la construction aux Pays-Bas) est suspendue dans la mesure où il vise des éléments des réglementations litigieuses qui ne sont pas liés à l'existence d'une concertation et d'un échange d'informations entre les entrepreneurs, à l'octroi de la préférence et à la répercussion directe sur les adjudicateurs des montants d'indemnisation pour frais de calcul et des contributions professionnelles.

2) Les parties requérantes communiqueront à la Commission et au Tribunal, le 1er octobre 1992 au plus tard, les mesures qu'elles auront prises pour rendre le fonctionnement du système conforme à la présente ordonnance.

3) La demande de sursis à exécution est rejetée pour le surplus.

4) Les dépens sont réservés."

30. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 14 août 1992, les requérantes ont transmis au président du Tribunal les instructions provisoires, applicables depuis le 20 juillet 1992, que la première requérante a adressées aux autres requérantes en application de l'ordonnance du président du Tribunal du 16 juillet 1992.

31. Le 27 août 1992, la société de droit néerlandais Dennendael BV a introduit une demande d'intervention à l'appui des conclusions de la partie défenderesse, conformément à l'article 37 du statut (CEE) de la Cour.

32. Par ordonnance du 12 janvier 1993, le Tribunal a admis cette intervention à l'appui des conclusions de la partie défenderesse.

33. Le 21 janvier 1993, la partie intervenante a déposé son mémoire en intervention.

34. Par lettre du 17 novembre 1993, la partie intervenante a fait savoir au Tribunal qu'elle retirait son intervention, ce dont le Tribunal a pris acte par ordonnance du 4 mai 1994.

35. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, le Tribunal a invité les parties à répondre à certaines questions par écrit et avant l'audience.

36. Suite à l'arrêt rendu par la Cour le 15 juin 1994, Commission/BASF e.a. (C-137-92 P, Rec. p. I-2555), le Tribunal a enjoint, par ordonnance du 27 juin 1994, à la Commission de "produire la décision adoptée par la Commission en sa séance du 5 février 1992 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-31.572 et IV-32.571 - Industrie de la construction aux Pays-Bas) authentifiée à l'époque dans la langue où elle fait foi, par les signatures du président et du secrétaire exécutif en application de l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur en vigueur à l'époque" et de faire parvenir cette production au Tribunal "au plus tard le 6 juillet 1994".

37. Suite à cette ordonnance, la Commission a déposé, par lettre du 4 juillet 1994, un exemplaire de la décision de la Commission du 5 février 1992 portant la référence C (92) 66 déf. rév. et la signature du président de la Commission et de son secrétaire général précédée de la mention "la présente décision a été adoptée par la Commission lors de sa 1 092e réunion tenue à Bruxelles le 5 février 1992. Elle comprend 92 pages + annexes". Elle a également déposé un certain nombre d'autres documents.

38. Le premier de ces documents est une lettre que l'un des avocats des requérantes a adressée au fonctionnaire compétent de la direction générale de la concurrence (DG IV) le 19 février 1992 pour lui signaler que, dans la décision qui lui avait été notifiée, il manquait quelque chose dans la transition de la page 86 à la page 87. Il demandait à ce fonctionnaire de faire les vérifications nécessaires et d'adopter les mesures qui s'imposent pour apporter les corrections requises.

39. Le deuxième document est une télécopie, également datée du 19 février 1992, que le fonctionnaire en question adresse à un fonctionnaire du secrétariat général de la Commission afin qu'il vérifie "si la version de la décision adoptée par la Commission et notifiée à ses destinataires correspond parfaitement avec le projet et, si nécessaire, de faire ce qu'il faut pour que les destinataires de la décision soient informés formellement du texte complet de celle-ci".

40. Le troisième document est une lettre du 21 février 1992 adressée au fonctionnaire compétent de la DG IV par un des avocats des requérantes dans laquelle celui-ci demande à la Commission de bien vouloir notifier uniquement à la SPO les exemplaires de la version corrigée de la décision en raison du fait que les adresses de certaines de ses organisations membres étaient incorrectes.

41. Le quatrième document est une lettre du fonctionnaire compétent de la DG IV, également du 21 février 1992, aux avocats des requérantes dans laquelle il indique que, suite à un coup de téléphone avec l'un d'eux, le secrétariat général envisageait différentes modalités de (re)notification, et cela à toutes les organisations destinataires de la décision (à leur adresse corrigée, le cas échéant).

42. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l'audience du 11 juillet 1994. Au cours de celle-ci, un film ayant trait aux règlements en cause dans la présente procédure a été projeté à la demande des requérantes et leur expert a été entendu.

Conclusions des parties

43. Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

1) à titre principal, déclarer en droit que l'acte de la Commission, intitulé "décision de la Commission du 5 février 1992 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE" (IV-31.572 et IV-32.571 -Industrie de la construction aux Pays-Bas) est inexistant ;

2) à titre subsidiaire, annuler la décision de la Commission du 5 février 1992 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-31.572 et IV-32.571 -Industrie de la construction aux Pays-Bas) ;

3) prendre toutes autres mesures que le Tribunal jugera nécessaires ;

4) condamner la Commission aux dépens, y compris les dépens relatifs à la demande de mesures provisoires présentée en application des articles 185 et 186 du traité.

La Commission conclut, de son côté, à ce qu'il plaise au Tribunal :

1) rejeter les demandes des requérantes ;

2) condamner les requérantes aux dépens de l'instance, y compris ceux du recours en référé.

Moyens et arguments des parties

44. Les requérantes formulent deux demandes dans leur recours : la première, présentée à titre principal, tend à la constatation que la décision attaquée est inexistante ou, à tout le moins, nulle pour violation des formes substantielles ; la seconde, formulée à titre subsidiaire, tend à l'annulation de cette même décision.

La demande principale

Arguments des parties

45. Les requérantes font valoir, à titre principal, que, en vertu de la jurisprudence du Tribunal, la décision attaquée est inexistante (arrêt du 27 février 1992, BASF e.a. /Commission, T-79-89, T-84-89 à T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-98-89, T-102-89 et T-104-89, Rec. p. II-315) pour violation du principe d'intangibilité de l'acte et pour incompétence - une page y ayant été ajoutée sans avoir été approuvée par le collège des commissaires - et pour violation du régime linguistique, puisque le collège des commissaires n'aurait pas adopté la décision dans la seule langue faisant foi. En effet, dans la décision C (92) 66 déf., du 5 février 1992, qui a été envoyée aux requérantes le 12 février 1992 et qui leur a été notifiée le 17 février 1992, un passage faisait défaut et les adresses de différentes associations d'entreprises mentionnées dans le dispositif de la décision étaient incorrectes.

46. Le 26 février 1992, une décision datée du 5 février 1992 portant le n° C (92) 66 déf. rév. a été envoyée aux requérantes (et est parvenue à la SPO le 2 mars 1992). Ce texte-ci comportait le passage qui manquait dans le texte notifié le 17 février 1992 et qui y avait donc été ajouté. Les erreurs relatives aux adresses des différentes associations d'entreprises avaient également été corrigées.

47. Les requérantes relèvent encore que le document portant la référence C (92) 66 déf. a d'abord été envoyé à chacune des requérantes par lettre du 12 février 1992 signée par le secrétaire général de la Commission et qu'il n'aurait été notifié qu'aux environs du 17 février. Le fait que le texte de la décision contestée n'était pas disponible le lendemain du 5 février 1992 confirmerait que le texte notifié aux requérantes n'était pas le même que celui qui avait été soumis au collège des commissaires. Le fait que le document révisé a reçu une nouvelle référence [à savoir C (92) 66 déf. rév.] autoriserait la même conclusion. La Commission ne contesterait d'ailleurs pas que le document C (92) 66 déf. rév. n'a jamais été soumis comme tel au collège des commissaires.

48. Par conséquent, les requérantes invitent la Commission à prouver, au moyen d'un extrait certifié conforme du compte rendu de la réunion de la Commission du 5 février 1992, qu'elle s'est effectivement réunie pour examiner la version néerlandaise de la décision litigieuse et que c'est ce texte-là qu'elle a adopté.

49. La Commission répond que les requérantes n'ont avancé aucun indice permettant de conclure que le principe de l'intangibilité d'un acte adopté aurait été violé après l'adoption de la décision. Or, à défaut d'indications dans ce sens, la décision devrait être considérée comme légale (voir l'arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Hoechst/Commission, T-10-89, Rec. p. II-629, point 375).

50. Elle soutient que la décision a été envoyée une seconde fois aux requérantes parce qu'une page était manquante dans le texte envoyé le 12 février 1992 et que, pour un certain nombre de requérantes, elle avait été envoyée à une adresse qui n'était plus correcte. La disparition d'une page serait imputable à une déficience technique du système interne de courrier électronique de la Commission intervenue postérieurement à l'adoption de la décision.

51. Par ailleurs, la Commission fait valoir que le collège des commissaires a pu disposer, le 5 février 1992, du texte du projet de décision dans toutes les langues communautaires, y compris le néerlandais. Ce projet aurait été adopté lors de cette réunion.

Appréciation du Tribunal

52. Le Tribunal constate, en premier lieu, qu'il résulte de l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., précité (point 52), que les irrégularités dénoncées par les requérantes, qui concernent la procédure d'adoption de la décision de la Commission, n'apparaissent pas d'une gravité à ce point évidente que la décision doive être regardée comme juridiquement inexistante.

53. Il s'ensuit que la demande principale des requérantes doit être rejetée en tant qu'elle vise à la constatation de l'inexistence de la décision attaquée.

54. Il y a lieu, cependant, d'examiner, en second lieu, si les irrégularités dénoncées par les requérantes ne doivent pas conduire, ainsi que celles-ci l'ont fait valoir à titre subsidiaire, à l'annulation de la décision attaquée pour violation du principe d'intangibilité de l'acte et violation du régime linguistique.

55. Pour ce qui concerne l'intangibilité de l'acte, le Tribunal considère qu'il résulte de l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., précité (point 59), que ce n'est qu'en présence d'une contestation dans le cadre de laquelle des indices sérieux et probants d'atteinte au principe de l'intangibilité de l'acte ont été avancés, que le Tribunal peut être amené à ordonner la production de la décision, dans la ou les langues faisant foi, authentifiée par les signatures du président et du secrétaire exécutif, afin de vérifier la correspondance parfaite des textes notifiés avec le texte adopté par le collège des commissaires.

56. En l'espèce, le Tribunal a considéré, sur la base des données dont il disposait à ce moment, que le fait que le texte de la décision notifié le 17 février 1992 ne correspondait pas au texte notifié le 26 février 1992 constituait, à première vue, un indice sérieux et probant de ce que les modifications apportées au premier texte n'avaient pas été adoptées par le collège des commissaires. C'est pourquoi il a ordonné, le 27 juin 1994, la production de la décision adoptée par la Commission en sa séance du 5 février 1992 authentifiée à l'époque, dans la langue dans laquelle elle fait foi, par les signatures du président et du secrétaire exécutif, en application de l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur de la Commission en vigueur à l'époque.

57. Toutefois, le Tribunal constate que les documents produits par la Commission en réponse à son ordonnance du 27 juin 1994 confirment que la différence entre le premier texte notifié et le second résultait d'une déficience technique dans le fonctionnement de son système de courrier électronique qui a fait disparaître une page et que, par conséquent, le texte notifié le 26 février 1992 correspondait parfaitement au texte adopté par le collège des commissaires en sa séance du 5 février 1992. En effet, les avocats des requérantes ont signalé à la Commission dès le 19 février 1992 que "dans la décision SPO, quelque chose manque au passage de la page 86 vers la page 87. Je vous prie de bien vouloir vérifier cela et prendre les mesures nécessaires afin d'apporter une correction. S'il s'avère qu'une erreur s'est glissée dans le texte, je vous prie de bien vouloir envoyer une rectification à tous les destinataires". Le destinataire de cette lettre, fonctionnaire compétent de la DG IV, a envoyé le même jour une note à l'attention du secrétariat général de la Commission afin qu'il fasse procéder aux vérifications nécessaires. On peut lire dans cette note : "J'ai reçu de votre service le texte de la décision susvisée en langue néerlandaise. Dans ce document, il manque un passage qui figurait bien au projet ayant été soumis à la Commission. Puis-je vous prier de faire vérifier si le texte que la Commission a adopté et qui a été notifié aux destinataires de la décision correspond parfaitement au projet et, si nécessaire de faire en sorte que les destinataires puissent formellement prendre connaissance du texte intégral de la décision? Vous voudrez bien trouver comme annexe I à la présente : la page de couverture du document C (92) 66 déf. ... les pages 86 et 87 de ce document. Vous voudrez bien trouver comme annexe II à la présente : les pages 85, 86 et 87 du projet de décision en question (version en langue néerlandaise, tel que celui-ci avait été soumis à la Commission : le passage manquant de ce document C (92) 66 déf. est clairement indiqué."

58. Au regard de ces éléments dont les requérantes n'ont pas contesté l'interprétation avancée par la Commission, les indices produits par les requérantes ne peuvent plus être considérés comme sérieux et probants.

59. Il s'ensuit qu'il a été établi que le texte de la décision notifié aux requérantes le 26 février 1992 concorde parfaitement avec celui qui a été adopté par le collège des commissaires le 5 février 1992.

60. Pour ce qui concerne le respect du régime linguistique, le Tribunal considère qu'il résulte de la lettre adressée par le fonctionnaire de la DG IV au secrétariat général que le projet de décision a été soumis à la Commission dans sa version en langue néerlandaise, ce que corrobore également le fait que, dès le 5 février 1992, le dispositif de la décision a été communiqué par télécopieur aux requérantes en langue néerlandaise.

61. Il s'ensuit qu'il ne saurait être question de violation du régime linguistique en l'espèce.

62. Au surplus, le Tribunal relève que, en réponse à son ordonnance du 27 juin 1994, la Commission a produit le texte de la décision de la Commission du 5 février 1992 portant la référence C (92) 66 déf. rév. et les signatures du président de la Commission et de son secrétaire général précédées de la mention "la présente décision a été adoptée par la Commission lors de sa 1 092e réunion tenue à Bruxelles, le 5 février 1992. Elle comprend 92 pages + annexes". Lors de l'audience, les requérantes ont critiqué le fait que ce document ne précise pas la date à laquelle les signatures du président et du secrétaire général ont été apposées. Dans sa lettre de couverture datée du 4 juillet 1994 et lors de l'audience, l'agent de la Commission a affirmé que ce document est le texte de la décision tel qu'il a été adopté par le collège des commissaires le 5 février 1992 et tel qu'il a été authentifié à l'époque. En réponse à une question du Tribunal, l'agent de la Commission a précisé que son affirmation sur ce point est corroborée par le fait que, au moment de l'adoption de la décision, la Commission avait déjà été avertie des conséquences qui pourraient être attachées par le Tribunal à une absence d'authentification de ses actes, puisque, à ce moment, l'audience dans l'affaire BASF e.a./Commission s'était déjà déroulée devant le Tribunal qui avait déjà ordonné la production du texte de la décision en cause dans cette affaire authentifié par les signatures du président et du secrétaire exécutif, en application de l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur de la Commission en vigueur à l'époque. Le Tribunal relève que les requérantes n'ont formulé aucune objection à l'encontre de l'explication avancée par l'agent de la Commission.

63. Sur la base de ces documents et des informations fournies par l'agent de la Commission, le Tribunal constate que le document portant la référence C (92) 66 déf. rév. produit par la Commission est le texte de la décision tel qu'il a été adopté par le collège des commissaires le 5 février 1992 et tel qu'il a été authentifié à l'époque.

64. Il résulte de tout ce qui précède que la demande formulée à titre principal par les requérantes doit être rejetée.

La demande subsidiaire

65. A l'appui de leur demande subsidiaire, les requérantes invoquent neuf griefs qui peuvent être résumés en cinq moyens. Le premier moyen est pris de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité en ce que la Commission aurait défini le marché en cause de manière erronée, aurait méconnu la portée des règlements litigieux et considéré à tort qu'ils affectaient de manière sensible le commerce entre États membres. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité en ce que la Commission aurait, en premier lieu, omis de tenir compte des caractéristiques particulières du secteur de la construction aux Pays-Bas et renversé la charge de la preuve, qu'elle aurait, en deuxième lieu, mal apprécié la portée des règlements en cause au regard des quatre conditions d'octroi d'une exemption, notamment en refusant de tenir compte des propositions de modification formulées par les requérantes "dans le cadre de la notification" et qu'elle aurait, en troisième lieu, violé les principes de proportionnalité et de subsidiarité en refusant l'exemption demandée. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 4, paragraphe 2, sous 1), et 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 en ce que la Commission aurait infligé une amende alors que l'infraction n'était pas établie ou, à tout le moins, qu'elle bénéficiait d'une immunité, et en ce qu'elle aurait estimé à tort que l'infraction a été commise de propos délibéré ou par négligence et aurait infligé une amende excessive. Le quatrième moyen est tiré de la violation de l'article 190 du traité en ce que la Commission n'aurait motivé à suffisance de droit ni la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité ni le rejet de l'exemption demandée au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Le cinquième moyen est pris de la violation des droits de la défense des requérantes.

Premier moyen : violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité

Première branche : définition erronée du marché en cause

Arguments des parties

66. Les requérantes rappellent qu'il ressort de la jurisprudence du Tribunal que la définition adéquate du marché en cause est une condition nécessaire et préalable à tout jugement porté sur un comportement prétendument anti-concurrentiel (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission, T-68-89, T-77-89 et T-78-89, Rec. p. II-1403). En l'espèce, la Commission aurait omis de définir le marché de produit et le marché géographique en cause.

67. Pour ce qui est du marché de produit, elles exposent que les huit secteurs de l'industrie de la construction couverts par les règlements en cause ne relèvent pas d'un seul marché de produit, mais constituent au moins autant - sinon plus - de marchés de produits distincts dans la mesure où les activités qu'ils couvrent ne seraient interchangeables ni sous l'angle de la demande ni sous celui de l'offre.

68. Les requérantes ajoutent que, si elles ont estimé dans leur notification que le marché néerlandais de la construction constitue un seul et unique marché de produit, c'était dans la perspective d'une demande d'attestation négative/exemption en faveur des UPR qui avaient été introduits en 1987 et qui étaient pour la première fois applicables indifféremment aux huit marchés de produit en cause. La perspective de la décision attaquée serait totalement différente puisqu'elle est dirigée non seulement contre les UPR de 1987, mais également contre les règlements antérieurs aux UPR qui différaient pour chacun des secteurs de l'industrie de la construction. Par conséquent, la Commission aurait dû opérer une distinction selon les marchés de produit en cause, à tout le moins dans la mesure où elle entendait incriminer les règlements applicables avant le 1er avril 1987.

69. Pour ce qui est du marché géographique, elles relèvent que la Commission a constaté au point 23 de la décision qu'il existe différents marchés géographiques pertinents à l'intérieur du marché des travaux auquel s'appliquent les règlements. Ainsi aurait-elle admis que l'étendue du marché géographique en cause peut varier selon le secteur et la nature des activités concernées. Le marché géographique des travaux de moindre importance étant plus limité, la Commission aurait dû constater que tous les règlements sortent du champ d'application de l'article 85 du traité pour autant qu'ils concernent ces travaux puisqu'ils ne sauraient affecter le commerce entre les États membres (voir, ci-après, troisième branche du moyen).

70. En ce qui concerne le marché de produit, la Commission répond, d'une part, qu'il ne faut pas définir le marché en cause à partir de la substituabilité des produits concernés, mais bien à partir des activités qu'effectuent les entrepreneurs et du champ d'application des règlements. Les UPR et le code d'honneur s'appliqueraient, en effet, indifféremment aux différents secteurs mentionnés par les requérantes sans distinction quant à la nature, l'importance ou la localisation des travaux. Cette approche serait tout à fait conforme au point de vue que les requérantes ont défendu au cours de la procédure administrative.

71. La Commission fait encore valoir qu'il n'y a pas lieu d'opérer de distinction entre les règlements antérieurs à 1987 et les UPR du point de vue de la définition du marché de produit en cause puisque les règlements antérieurs applicables dans les différents secteurs avaient été uniformisés entre 1973 et 1979 sous l'égide de la SPO.

72. En ce qui concerne le marché géographique, la Commission répond que les fluctuations régulières de la demande, le rayon d'action des grandes et moyennes entreprises et le fait que même certaines petites entreprises soumissionnent parfois pour des travaux situés en dehors de la région où elles sont établies démontrent qu'il n'existe pas de marchés géographiques distincts à l'intérieur du marché des travaux qui fait l'objet des règlements incriminés. Elle relève, en outre, que, au cours de la procédure administrative, les requérantes n'ont jamais évoqué l'existence de différents marchés géographiques ni fourni de données permettant de les délimiter.

Appréciation du Tribunal

73. Le Tribunal considère qu'il y a lieu, à titre liminaire, de déterminer la portée de l'obligation pour la Commission de définir le marché en cause avant de constater une infraction aux articles 85 et 86 du traité.

74. Il y a lieu d'observer que la définition du marché en cause ne joue pas le même rôle selon qu'il s'agit d'appliquer l'article 85 ou l'article 86 du traité. Dans le cadre de l'application de l'article 86, la définition adéquate du marché en cause est une condition nécessaire et préalable au jugement porté sur un comportement prétendument anticoncurrentiel (arrêt SIV e.a./Commission, précité, point 159), puisque, avant d'établir l'existence d'un abus de position dominante, il faut établir l'existence d'une position dominante sur un marché donné, ce qui suppose que ce marché ait été préalablement délimité. Dans le cadre de l'application de l'article 85, c'est pour déterminer si l'accord, la décision d'association d'entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d'affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun qu'il faut définir le marché en cause.

75. C'est pourquoi, dans le cadre de l'application de l'article 85, les griefs formulés par les requérantes à l'encontre de la définition du marché retenue par la Commission ne sauraient revêtir une dimension autonome par rapport à ceux relatifs à l'affectation du commerce entre États membres et à l'atteinte à la concurrence. Le bien-fondé de cette approche est corroboré par le fait que, dans leur demande d'attestation négative ou d'exemption, les requérantes ont abordé la question de la définition du marché exclusivement dans la partie relative à l'affectation du commerce entre États membres.

76. Il importe de relever que, en retenant comme marché pertinent le marché de la construction aux Pays-Bas dans son ensemble, la Commission n'a fait que se conformer à l'approche qu'avaient adoptée les requérantes dans leur notification des UPR en vue de l'obtention d'une attestation négative ou d'une exemption et dans leur réponse à la communication des griefs. Au cours de la procédure administrative, les requérantes n'ont jamais prétendu que les huit secteurs de l'industrie de la construction constituaient des marchés distincts pour l'application des règles communautaires de la concurrence ni qu'il existait des marchés géographiques distincts. Au contraire, elles ont indiqué dans leur notification (p. 19, point 2.2.1) ce qui suit :

"Naar het oordeel van de SPO dient als de relevante produktmarkt vanuit een macro-perspectief te worden aangemerkt de markt voor het aannemen van bouwwerken. Slechts die produktmarkt lijkt vanuit kartelrechtelijk oogpunt relevant. Dit is een omvangrijke markt. Weliswaar is het in beginsel (wellicht) mogelijk binnen deze markt talloze marktsegmenten te onderscheiden naar gelang de aard en de omvang van de aan te nemen bouwwerken, doch het is twijfelachtig of dergelijke segmenten zouden kunnen worden aangemerkt als afzonderlijke produktmarkten in het licht van het Europees mededingingsrecht. Zowel de aanbodzijde als de vraagzijde van de betrokken markt heeft een dermate diverse samenstelling, dat het in beginsel onmogelijk lijkt bepaalde submarkten te isoleren, waarop bepaalde categorieën aanbesteders en aannemers bij uitsluiting opereren. Een - noodgedwongen - kunstmatige indeling van de bouwmarkt in submarkten is bovendien niet dienstig voor de beoordeling van de onderhavige mededingingsregelingen, aangezien enerzijds de Erecode van toepassing is op bouwwerken van alle categorieën, terwijl het UPR betrekking heeft op alle werken van de categorieën, genoemd onder nr. 2.1.1."

["D'après la SPO, le marché de produit pertinent d'un point de vue macro-économique est celui de la réalisation d'ouvrages de construction. Seul ce marché de produit semble pertinent du point de vue du droit de la concurrence. C'est un marché étendu. S'il est certes peut-être possible, en principe, de discerner à l'intérieur de ce marché d'innombrables segments de marché en fonction de la nature et de l'importance des constructions à effectuer, il est néanmoins douteux que ces segments puissent être qualifiés de marchés de produit distincts au regard du droit européen de la concurrence. Tant l'offre que la demande ont une composition à ce point diversifiée sur ce marché qu'il semble, en principe, impossible d'isoler des sous-marchés sur lesquels opéreraient uniquement certaines catégories d'adjudicateurs. Une division forcément artificielle du marché de la construction en sous-marchés serait en outre inutile pour apprécier les règlements de concurrence en question, eu égard au fait, d'une part, que le code d'honneur est applicable à tous les travaux de construction et, d'autre part, que l'UPR a trait à tous les travaux des catégories mentionnées sous le n° 2.1.1." (C'est-à-dire toutes celles auxquelles la Commission allègue que les UPR sont applicables.)]

77. C'est à bon droit que la Commission s'est ralliée à cette définition du marché dans la mesure où les règlements introduits en 1987 s'appliquent indifféremment à l'ensemble des huit secteurs en cause.Au stade de la réplique, les requérantes ont d'ailleurs souscrit à cette approche pour ce qui concerne l'appréciation des UPR introduits en 1987.

78. Toutefois, elles maintiennent leur critique relative à la définition du marché pour ce qui concerne les règlements antérieurs en affirmant que le point de vue qu'elles avaient adopté au cours de la procédure administrative était dicté par le fait que leur demande d'attestation négative ou d'exemption portait sur les règlements introduits en 1987 alors que la décision incrimine également les règlements antérieurs qui étaient distincts pour chaque secteur.

79. A cet égard, il importe de faire remarquer que, s'il est vrai que les considérations contenues dans la notification avaient uniquement trait aux règlements introduits en 1987, la communication des griefs incriminait également les règlements antérieurs. Par conséquent, la réponse des requérantes à cette communication [voir p. 23 à 71 et en particulier le titre 3 intitulé "De relevante markt : de bouwmarkt in Nederland" ("Le marché pertinent : le marché de la construction aux Pays-bas")], dans laquelle elles ont maintenu le même point de vue en ce qui concerne la définition du marché, portait quant à elle également sur les règlements antérieurs.

80. Il s'ensuit qu'au cours de la procédure administrative, les requérantes n'ont pas estimé qu'une approche distincte devait être adoptée quant à la définition du marché pour les règlements antérieurs.

81. Au surplus, le Tribunal considère que c'est à bon droit également que la Commission s'est ralliée à cette définition du marché même pour ce qui concerne les règlements antérieurs. En effet, d'une part, les requérantes n'ont pas pu indiquer les différences substantielles qui pouvaient exister entre les règlements antérieurs et les règlements introduits en 1987 ainsi qu'entre les différents règlements antérieurs entre eux. Il faut en conclure que les différents règlements antérieurs s'appliquaient de la même manière à chacun des secteurs et à chacune des zones géographiques qu'ils couvraient. D'autre part, les requérantes ont déclaré, lors de l'audience, que l'ensemble des produits de la construction étaient couverts pour l'ensemble des Pays-Bas par les différents règlements antérieurs, soit qu'ils étaient couverts par un règlement régional couvrant différents produits, soit qu'ils l'étaient par un règlement spécifique à certains produits mais couvrant l'ensemble du territoire néerlandais.

82. Il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que la Commission a retenu comme marché en cause le marché néerlandais de la construction en ce qui concerne tant les règlements antérieurs que les règlements introduits en 1987 pour apprécier s'ils affectaient le commerce entre États membres ou portaient atteinte à la concurrence.

83. Cette branche du moyen doit, dès lors, être rejetée dans la mesure où elle ne se confond pas avec les deux autres branches de ce moyen et être examinée avec celles-ci pour le surplus.

Deuxième branche : méconnaissance du contenu et de la portée des règlements litigieux

I - Présentation générale

Arguments des parties

84. Selon les requérantes, il serait essentiel de garder à l'esprit la finalité des règlements litigieux lorsqu'on examine leur compatibilité avec le droit communautaire de la concurrence : empêcher le marchandage en établissant un système contraignant dans lequel la concurrence a lieu en un seul temps et améliorer la structure transactionnelle du marché en imputant à chaque ouvrage adjugé les frais d'études qu'il a engendrés.

85. Elles font valoir que la Commission a méconnu l'article 85, paragraphe 1, du traité en considérant que les règlements enfreignent largement cette disposition. Cette méconnaissance résulterait de l'acception purement théorique et abstraite qu'aurait la Commission de la concurrence qui doit être préservée par cette disposition, acception qui s'opposerait a priori à toute régulation du marché.

86. La Commission répond que, dans le cadre de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la seule chose qui importe est de savoir s'il y a restriction de la concurrence et non de savoir si une restriction de concurrence est acceptable ou non. Pour répondre à cette question, la Commission aurait analysé le contexte économique et juridique dans lequel s'est située l'infraction. Elle aurait donc fait porter son appréciation sur le marché de la construction et non sur un "marché type au fonctionnement idéal". Elle s'est cependant refusée à admettre que les ententes sont inévitables sur le marché de la construction et considère qu'une concurrence non faussée constitue un moyen concret d'atteindre les objectifs du traité.

Appréciation du Tribunal

87. Le Tribunal relève que, selon la décision, le système mis en place par les règlements introduits en 1987 peut être présenté de la manière suivante. Ces règlements ont pour objet d'établir une procédure à laquelle doivent se soumettre les membres des requérantes lorsqu'ils ont l'intention de soumettre une offre de prix pour un ouvrage déterminé. Cette procédure a, selon les requérantes, un double objectif : lutter contre le marchandage auquel les adjudicateurs auraient tendance à se livrer et corriger les déséquilibres entre l'offre et la demande résultant du manque de transparence du marché pour l'offre et des coûts de transaction élevés supportés par l'offre.

88. A cette fin, les requérantes ont mis en place des infrastructures matérielles et humaines qui sont chargées d'appliquer la procédure instituée par les règlements. Cette procédure, qui diffère quelque peu selon que les appels d'offres de prix sont ouverts ou restreints ou qu'ils sont simultanés ou non, comporte plusieurs étapes entre la notification au bureau compétent de la SPO de l'intention de soumettre une offre de prix pour un ouvrage déterminé et la passation du contrat entre l'adjudicateur et l'adjudicataire.

89. Ces étapes peuvent être résumées de la manière suivante : tout entrepreneur membre des requérantes qui a l'intention de soumettre une offre de prix pour un ouvrage déterminé doit en avertir le bureau compétent de la SPO afin que celui-ci puisse appliquer les règlements (décision, point 24).

90. S'il y a plusieurs notifications, le bureau convoque les entreprises notifiantes à une réunion. Celles-ci sont tenues de s'y rendre sous peine de sanctions. Au cours de cette réunion, présidée par un fonctionnaire du bureau, différentes décisions seront prises soit à la majorité soit à l'unanimité (décision, point 25). La première de ces décisions porte sur le point de savoir si un ayant droit sera désigné, l'ayant droit étant l'un des entrepreneurs participant à la réunion qui sera le seul à pouvoir avoir des contacts avec l'adjudicateur en vue de négocier le contenu et le prix de son offre (décision, points 26 et 39 à 41). S'il est décidé qu'un ayant droit sera désigné, la réunion se poursuit afin de déterminer sur la base de quelles données les différentes offres de prix seront comparées. Ainsi, la réunion décide, selon les requérantes, si les appels d'offres de prix sont ou peuvent être rendus comparables et, selon la Commission, si les offres de prix des différents entrepreneurs sont ou peuvent être rendues comparables (décision, point 27). Si la réponse est affirmative, un ayant droit pourra être désigné par la réunion. Avant de procéder à la désignation de l'ayant droit, la réunion décide selon quelles modalités des augmentations de prix seront définies. Ces augmentations, qui seront supportées par l'adjudicateur, sont essentiellement de deux types : les indemnisations pour frais de calcul et les contributions aux frais de fonctionnement des organisations professionnelles au nombre desquelles figurent la SPO et ses bureaux (décision, points 31 à 33). Une fois cette décision prise, chaque entrepreneur définit son chiffre de soumission (appelé chiffre blanc) et le remet au président (décision, point 28). Ce chiffre ne comprend pas encore les augmentations de prix. A ce moment, un entrepreneur peut demander à la réunion de lui accorder la préférence, c'est-à-dire de lui conférer la qualité d'ayant droit à la condition de soumettre une offre de prix égale à celle du chiffre blanc le plus bas (décision, point 30). Ensuite, le président prend connaissance de ces chiffres et peut les communiquer aux participants si la réunion le décide (décision, point 28). Après avoir pris connaissance des chiffres des autres, chaque entrepreneur peut décider de retirer son offre moyennant la perte de certains droits (décision, point 29). En principe, l'entrepreneur qui a soumis le chiffre blanc le plus bas est désigné comme ayant droit (décision, point 39). Après quoi, chaque entrepreneur augmente son chiffre blanc des augmentations de prix calculées selon les modalités décidées préalablement par la réunion. Ces augmentations sont identiques pour chaque entrepreneur et sont notamment destinées à couvrir l'ensemble des frais de calcul de l'ensemble des participants à la réunion. Elles seront supportées par l'adjudicateur si celui-ci attribue le marché à l'un des membres de la SPO (décision, points 31 à 33). L'adjudicataire auquel elles seront payées devra les transférer au bureau qui les reversera pour l'essentiel aux entrepreneurs, pour les frais de calcul, et aux organisations professionnelles, pour les contributions qui leur sont dues (décision, points 42 à 46). Enfin, les écarts entre les prix de soumission des différents entrepreneurs peuvent être augmentés ou réduits par la réunion (décision, point 38).

91. Si le bureau ne reçoit qu'une seule notification pour un marché, celui-ci sera considéré comme passé de gré à gré et la seule entreprise notifiante bénéficiera de la qualité d'ayant droit, c'est-à-dire que les entreprises membres des requérantes qui seraient consultées ultérieurement ne pourront soumettre une offre que moyennant son consentement ou, en cas de contestation, celui d'une commission d'arbitrage (décision, points 41, 52 et 53). Toutefois, il est possible qu'entre le moment de la notification du premier entrepreneur et l'attribution du marché à celui-ci, l'adjudicateur consulte d'autres entrepreneurs membres des requérantes dont la notification intervient après la passation du marché. Dans ce cas, l'adjudicataire se voit dans l'obligation de verser au bureau un montant égal à 3 % du prix au titre des augmentations de prix (décision, point 60).

92. Il existe également un règlement organisant une procédure applicable aux offres faites par des entreprises de sous-traitance qui reprend, en substance, les règles applicables aux autres offres de prix tout en les adaptant à la spécificité de la sous-traitance (décision, points 55 à 59).

93. Le Tribunal constate que la décision formule en substance quatre types de griefs à l'encontre des règlements établis par les requérantes. Le premier type de grief porte sur le fait qu'ils mettent en place une concertation entre entrepreneurs au cours de laquelle sont échangées des informations portant sur les éléments de coût du marché, les caractéristiques des offres et les prix proposés par chacun. Le deuxième type de grief est dirigé contre le fait que, au cours de cette concertation, des parties de prix sont fixées, que les prix proposés sont parfois modifiés et que des prix partiels sont également fixés. Le troisième type de grief porte sur le fait que, suite à cette concertation, un des entrepreneurs - l'ayant droit - bénéficie d'une protection contre les autres participants à la concertation car ceux-ci perdent le droit de négocier leur offre avec le maître de l'ouvrage. L'ayant droit bénéficie aussi d'une protection contre les autres entrepreneurs membres des requérantes dans la mesure où, si ceux-ci sont ultérieurement consultés, ils ne pourront soumettre une offre que moyennant son accord ou celui d'une commission d'entrepreneurs et ce à condition que cette offre soit inférieure d'un certain pourcentage à celle de l'ayant droit. Le quatrième type de grief concerne le fait que les règlements confèrent aux membres des requérantes des avantages dans la concurrence qui les oppose à des tiers.

94. Face à ces différents types de griefs, les requérantes répondent sur des plans différents : soit elles mettent en évidence les effets bénéfiques des règlements pour la concurrence et donc pour les consommateurs, soit elles contestent la matérialité des griefs dans les faits, soit elles récusent la qualification juridique des faits au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

95. Le Tribunal constate tout d'abord que c'est à juste titre que la Commission considère les règlements des requérantes comme un tout dont on ne saurait isoler artificiellement les différents éléments constitutifs.

96. Le Tribunal relève, ensuite, que les effets bénéfiques des règlements invoqués par les requérantes ne peuvent pas être pris en considération pour l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité et qu'ils doivent l'être uniquement pour l'application des critères fixés par l'article 85, paragraphe 3, du traité. Il s'ensuit que ces différents arguments devront être examinés dans le cadre du deuxième moyen.

97. Il résulte de ce qui précède que, dans le cadre du présent moyen, il y a lieu d'examiner exclusivement les arguments des requérantes portant sur la matérialité des faits et sur leur appréciation au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité. A cette fin, le Tribunal examinera successivement les arguments relatifs à la concertation entre entrepreneurs ayant l'intention de soumettre une offre de prix, à la fixation concertée de prix ou de parties de prix, à la limitation de l'autonomie de négociation des entrepreneurs et au comportement de la SPO à l'égard des entrepreneurs non associés.

II - La concertation entre entrepreneurs ayant l'intention de soumettre une offre de prix

Arguments des parties

1. L'obligation de notifier l'intention de soumettre une offre de prix (décision, points 24 et 79)

98. Les requérantes, qui ne contestent pas la présentation de cet élément des règlements contenue au point 24 de la décision, font valoir que l'obligation de notification et la notification elle-même n'ont, comme telles, aucune signification au regard du droit de la concurrence. Elles estiment, en particulier, que le troisième alinéa du point 79 de la décision est mal fondé en ce qu'il incrimine le fait que le bureau puisse communiquer, sur demande, à une entreprise notifiante le nombre des entreprises ayant notifié.

99. La Commission répond que l'obligation de notification ne doit pas être considérée en soi, mais comme partie intégrante des règlements. Elle ajoute que les informations obtenues grâce aux notifications permettent aux entreprises notifiantes d'anticiper l'intensité de la concurrence et donc indirectement le niveau prévisible de l'offre finale.

2. Les réunions tenues conformément aux UPR (décision, points 25 à 58, et 80 à 92)

a) Accord sur le principe de la désignation d'un ayant droit (décision, points 26 et 80)

100. Les requérantes contestent l'affirmation contenue au point 80 de la décision selon laquelle le nombre de cas où la réunion décide de renoncer à désigner un ayant droit est faible et affirment qu'il ressort de leurs recherches qu'un ayant droit n'est désigné que dans 39 % des cas.

101. La Commission répond que le point 80 se réfère au nombre de cas où la réunion renonce à la désignation d'un ayant droit a priori, c'est-à-dire avant de se prononcer sur la comparabilité des données relatives à l'adjudication, et non au nombre de cas où, sans y renoncer a priori, la réunion ne désigne pas d'ayant droit, le plus souvent parce qu'elle a constaté que les données relatives à l'adjudication ne sont pas comparables.

b) Confrontation des éléments de coût du marché (décision, points 27 et 81)

102. Les requérantes soutiennent que la décision méconnaît la nature des informations échangées au cours de la réunion. Ces informations auraient exclusivement trait à des données définies par l'adjudicateur. Leur échange serait indispensable pour vérifier si les appels auxquels les participants à la réunion répondent sont comparables et pour éviter ainsi qu'on ne compare ensuite des chiffres blancs correspondant à des appels différents. Aussi, cet échange favoriserait la qualité de la concurrence, à la plus grande satisfaction des adjudicateurs.

103. Par ailleurs, elles font valoir qu'il est nécessaire que les informations portent également sur certaines conditions de l'adjudication lorsque celles-ci sont déraisonnables afin d'éviter que les adjudicateurs ne fassent supporter des risques imprévisibles aux entrepreneurs. Sans cette concertation, les entrepreneurs seraient individuellement confrontés au dilemme suivant : soit accepter les conditions exorbitantes - et donc avoir des problèmes lors de l'exécution -, soit assortir leur offre de prix d'autres conditions - et donc se voir préférer un concurrent. Ainsi, une concertation sur les délais d'exécution ne pourrait-elle avoir lieu que si les délais indiqués par l'adjudicateur sont irréalistes.

104. Les requérantes ajoutent que les échanges d'informations conduisent les entrepreneurs à formuler des offres de prix calculées au plus près parce que les risques sont mieux prévisibles, ce dont bénéficient finalement les adjudicateurs.

105. Elles considèrent qu'incriminer l'échange d'informations sur la demande de l'adjudicateur repose non seulement sur une erreur quant au contenu de ces informations mais également sur un amalgame entre l'adjudication et la situation d'oligopole qui a conduit la Commission à considérer tout échange d'informations relatives à une adjudication comme contraire au traité.

106. Les requérantes font grief, en définitive, à la Commission de considérer que tout échange d'informations entre concurrents susceptibles de réduire les incertitudes d'un marché totalement opaque constitue en soi une restriction de la concurrence.

107. La Commission répond que les requérantes donnent une image fausse du contenu des informations échangées. Il serait, en effet, impossible de vérifier si les offres demandées sont comparables ou peuvent être rendues telles sans savoir comment les participants à la réunion ont l'intention de réagir à l'appel d'offres. C'est ainsi que l'échange d'informations porterait sur des aspects particuliers de l'ouvrage connus seulement de l'un ou de l'autre des participants auquel un avantage concurrentiel serait ainsi soustrait. Il n'en résulterait pas une meilleure concurrence mais plutôt une concurrence tronquée. La Commission produit différents comptes rendus de réunions d'entrepreneurs à l'appui de ses affirmations.

108. Elle ajoute qu'il n'appartient pas aux entrepreneurs de décider ensemble si certaines conditions de l'appel d'offres, comme les délais d'exécution ou l'ampleur des fondations, sont déraisonnables et encore moins de fixer, si tel est le cas, leurs conditions de manière concertée.

109. La Commission expose que l'échange d'informations auquel il est procédé au cours de la réunion est tout aussi préjudiciable à la concurrence que celui qui a lieu entre concurrents dans un marché oligopolistique.

c) Remise des chiffres blancs (décision, points 28 et 82)

110. Les requérantes exposent que la remise des chiffres blancs intangibles au président du bureau ne restreint pas la concurrence, mais ne fait qu'avancer le moment où la concurrence se fait. A la remise des offres de prix à l'adjudicateur serait substituée la remise des chiffres blancs au président indépendant du bureau SPO concerné. L'intangibilité des chiffres blancs après qu'ils ont été remis garantirait que la concurrence n'est pas faussée mais seulement anticipée pour éviter le "marchandage".

111. Pour la Commission, ce n'est pas la remise des chiffres blancs intangibles elle-même qui constitue une infraction, mais bien le fait qu'ils aient été fixés sur la base des informations échangées lors de la réunion. Elle ajoute que la remise des chiffres blancs fait partie intégrante d'une procédure qui substitue une coopération pratique entre entrepreneurs aux risques de la concurrence et qui doit être considérée comme telle.

d) Possibilité de retrait après comparaison des prix (décision, points 29, 83 et 84)

112. Les requérantes soutiennent que la possibilité de retrait après comparaison des prix non seulement n'implique aucune restriction de la concurrence mais renforce celle-ci en ce qu'elle permettrait aux entrepreneurs de calculer leurs offres de manière plus serrée puisqu'ils savent qu'en cas d'erreur pouvant conduire à des prix économiquement injustifiés, ils pourront retirer leur offre. Cette possibilité ne serait d'ailleurs utilisée qu'en cas d'erreur de calcul de l'offre commise par un des entrepreneurs ayant remis un chiffre blanc.

113. Par ailleurs, elles exposent, que la comparaison des prix ayant lieu après la remise des chiffres blancs, elle ne saurait avoir d'effet anticoncurrentiel puisque les chiffres blancs ne peuvent plus être modifiés. En outre, les informations tirées de cette comparaison, comme l'écart de prix entre l'offre de l'ayant droit et celles de ses concurrents, ne sauraient être exploitées par l'ayant droit dans ses négociations avec l'adjudicateur car les chiffres blancs sont des chiffres définitifs.

114. La Commission répond qu'à supposer même - quod non - que le retrait ne soit utilisé qu'en cas d'erreur conduisant à un prix économiquement injustifié, il n'appartiendrait pas aux entrepreneurs de juger unilatéralement du caractère économiquement justifié d'un prix et de priver l'adjudicateur d'une offre de prix avantageuse, surtout lorsque ces entrepreneurs concurrents portent ce jugement après avoir échangé des informations sur les prix.

115. Elle ajoute que l'ayant droit peut utiliser les informations dont il dispose quant aux prix des autres soumissionnaires dans ses négociations avec l'adjudicateur puisque la différence entre son prix et celui des autres constitue la marge dans laquelle il est protégé, ces derniers ne pouvant soumettre un prix inférieur (voir, ci-après, points relatifs à la protection de l'ayant droit). Dans cette perspective, la comparaison des prix restreint également la concurrence.

Appréciation du Tribunal

116. Le Tribunal constate que l'obligation pour les membres des requérantes de notifier au bureau compétent de la SPO leur intention de soumettre une offre de prix constitue le point de départ de la concertation. Il faut constater avec la Commission que le fait que le bureau compétent puisse communiquer aux entreprises notifiantes qui le demandent le nombre des entreprises ayant effectué une notification peut être de nature à restreindre la concurrence dans la mesure où cela permet aux entreprises notifiantes d'anticiper l'intensité de la concurrence entre elles et d'y adapter leur comportement ainsi que de disposer d'informations dont ne disposent pas encore à ce stade les entreprises non membres de la SPO.

117. Il convient de relever ensuite que la concertation entre entrepreneurs incriminée dans la décision ne s'enclenche que pour autant que la réunion ne renonce pas a priori à la désignation d'un ayant droit. En l'absence de renonciation, les participants échangent des informations. Il y a donc concertation, même si celle-ci aboutit à la conclusion que les offres de prix ne sont pas et ne peuvent pas être rendues comparables, de sorte qu'un ayant droit ne pourra pas être désigné. Face à l'affirmation des requérantes selon laquelle un ayant droit n'est désigné que dans 39 % des cas, il y a lieu d'observer, d'une part, que, à tout le moins dans ces cas, la concertation entre entrepreneurs incriminée dans la décision peut jouer pleinement et, d'autre part, que, en ce qui concerne les autres cas, les requérantes n'ont ni allégué ni prouvé que la réunion renonce a priori à la désignation d'un ayant droit, rendant ainsi toute concertation ultérieure inutile. Les requérantes ne sont donc pas parvenues à réfuter l'affirmation contenue au point 80 de la décision selon laquelle "le nombre de cas où la réunion des entrepreneurs décide de renoncer à cette désignation, permettant ainsi un jeu de la concurrence non faussé, est faible". En effet, cette affirmation porte sur le nombre de cas où la réunion décide a priori de renoncer à la désignation d'un ayant droit alors que l'affirmation des requérantes porte sur le nombre de cas où un ayant droit ne peut pas être désigné, soit parce qu'on y a renoncé a priori, soit parce que les offres de prix n'étaient pas comparables et n'avaient pu être rendues comparables.

118. Lorsque la réunion ne renonce pas a priori à la désignation d'un ayant droit, il convient, pour les participants, de décider sur la base de quelles données techniques et économiques ils compareront les prix, un ayant droit ne pouvant être désigné que sur la base d'offres de prix comparables. A cet égard, les parties divergent d'opinion quant à la nature des informations échangées pour juger de la comparabilité des offres de prix : les requérantes soutiennent que ces informations ont uniquement trait à l'appel d'offres de l'adjudicateur et ont pour seul but de vérifier si tous les participants se basent sur les mêmes données. Elles concèdent cependant que les informations échangées peuvent également porter sur l'attitude qu'il convient d'adopter à l'égard de certaines conditions imposées par l'adjudicateur lorsque celles-ci sont déraisonnables. La Commission affirme que l'échange d'informations va bien plus loin et porte sur la manière dont les différents entrepreneurs entendent répondre à l'appel d'offres.

119. A cet égard, le Tribunal constate, tout d'abord, qu'il est incompatible avec l'article 85, paragraphe 1, du traité pour des entrepreneurs de se concerter sur la manière dont ils entendent répondre à un appel d'offres et ce, même lorsque celui-ci stipule des conditions déraisonnables. En effet, il appartient à chaque entrepreneur de déterminer de manière autonome ce qu'il considère comme raisonnable et comme déraisonnable ainsi que d'en tirer les conséquences pour son propre comportement.

120. Force est de relever, ensuite, que, contrairement à ce qu'affirment les requérantes, les informations échangées n'ont pas uniquement trait à l'appel d'offres. D'une part, il ressort d'une lecture combinée des articles 1er, sous b), et 6.2 de l'UPRO et 6.3 de l'UPRR que ces informations portent sur d'autres données que l'appel d'offres. En effet, les articles 6.2 et 6.3 des UPR disposent ce qui suit :

"Avant que les notes contenant les EP (évaluations proposées pour la réalisation de l'ouvrage) soient remplies, l'assemblée arrête, sur la base des données relatives à l'adjudication fournies par le maître d'ouvrage et de toutes autres données utiles en vue de procéder à l'étude comparative objective des prix, les données devant être retenues pour établir l'EP sur la note prévue à cet effet. Elle arrête également, selon les modalités visées au présent article, les chiffres et les détails que devra mentionner la note contenant l'EP."

L'article 1er, sous b), quant à lui, stipule que les "données relatives à l'adjudication" contiennent "l'ensemble des documents, dont font partie le cahier des charges, les dessins, l'appel d'offres, l'imprimé de déclaration d'intention de soumissionner, tous les documents similaires ainsi que toutes les instructions ou notifications utiles à la présentation de l'offre".

Ceci montre que, parmi les "autres données utiles en vue de procéder à l'étude comparative objective des prix", figurent des éléments qui n'apparaissent pas dans les données relatives à l'adjudication. D'autre part, les comptes rendus de certaines réunions d'entrepreneurs font clairement apparaître qu'ils y discutent de la manière dont ils entendent formuler leurs offres en comparant les caractéristiques de l'ouvrage qu'ils ont l'intention de proposer et donc des éléments concourant à la détermination des prix. C'est ainsi que, lors d'une réunion tenue le 14 mars 1988, les participants ont conclu que les offres n'étaient pas comparables parce qu'un des entrepreneurs proposait un silo rond et l'autre un silo carré (annexe 1 à la duplique). Outre le fait que les entrepreneurs comparent les caractéristiques techniques des offres qu'ils se proposent de soumettre, il leur arrive de comparer les différents éléments de chacune des offres de prix. C'est ainsi qu'on peut lire dans le compte rendu de la réunion 040388 relative à un ouvrage sis à Tilburg (Pays-Bas) qu'un des entrepreneurs participant à la réunion "wil blanken maar geen inzicht geven in samenstelling prijsaanbieding. Prijsvergelijking daarom niet mogelijk. VH stapt kwaad op. Verliest rechten" ("veut introduire un chiffre blanc mais refuse de communiquer la composition de son offre de prix. La comparaison des prix n'est donc pas possible. VH s'en va furieux. Perd ses droits"). La mention que "la comparaison des prix n'est pour cette raison pas possible" indique que ce que les requérantes appellent un examen de la comparabilité des données relatives à l'adjudication présuppose en réalité que les participants à la réunion soient disposés à se communiquer entre eux la ventilation de leurs offres de prix.

121. Il s'ensuit que la Commission a établi à suffisance de droit que, au cours des réunions qu'ils tiennent en exécution des règlements, les entrepreneurs échangent des informations relatives notamment aux coûts du produit offert, à ses caractéristiques spécifiques et à la ventilation des offres de prix, alors qu'il s'agit d'informations qu'un opérateur indépendant préserve rigoureusement comme secrets d'affaires (arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7-89, Rec. p. II-1711, point 217).

122. Par ailleurs, il convient de relever qu'au cours de ces réunions les participants échangent des informations sur les prix.En effet, les articles 6.4 et 7 des UPR prévoient la possibilité de communiquer les chiffres blancs à l'ensemble des participants à la réunion. S'il est vrai, comme l'ont fait remarquer les requérantes, qu'en principe cet échange d'informations a lieu à un moment où ces chiffres ne peuvent plus être modifiés (voir toutefois, ci-après, point 157), les requérantes ne sauraient le justifier en affirmant que les règlements ne font que déplacer dans le temps le moment où la concurrence a lieu en la déplaçant de la remise des offres à l'adjudicateur vers la remise des chiffres blancs au président du bureau et que, par conséquent, l'échange d'informations relatives aux prix a lieu après que la concurrence a déjà joué. En effet, force est de constater que, ainsi que les requérantes l'ont fait remarquer notamment à l'audience, la remise des chiffres blancs ne met pas un terme à la concurrence puisqu'il subsiste des possibilités de négociation entre l'adjudicateur et l'ayant droit ainsi qu'entre l'adjudicateur et des entrepreneurs qui n'ont pas pris part à la réunion. Or, dans le cadre de ces négociations, l'ayant droit disposera d'informations relatives notamment aux caractéristiques spécifiques du produit et aux prix auxquels les participants à la réunion sont autorisés à soumettre une offre ou ne sont pas prêts à soumettre une offre au cas où ils se sont retirés en application de l'article 10 des UPR, privant ainsi l'adjudicateur d'une offre intéressante dont il aurait pu obtenir l'exécution en justice, si elle lui avait été soumise en dehors de toute concertation des entrepreneurs entre eux.

123. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que la Commission a considéré dans sa décision (point 81) que cette concertation entre entrepreneurs, en ce qu'elle a notamment pour objet et pour effet de dévoiler à ses concurrents le comportement que chaque entrepreneur a décidé, ou envisage d'adopter sur le marché (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, points 173 et 174 ; voir également l'arrêt du Tribunal Hercules Chemicals/Commission, précité, point 260) et en ce qu'elle peut aboutir à la fixation de certaines conditions de la transaction, substitue sciemment une coopération pratique entre entrepreneurs aux risques de la concurrence (arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, point 191) et constitue donc une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

III - La fixation concertée de prix ou de parties de prix

Arguments des parties

1. Les augmentations de prix en cas d'offres simultanées (décision, points 31 à 34, 42 à 46, 86, 87 et 96)

124. Les requérantes soutiennent, en premier lieu, que le système d'indemnisation pour frais de calcul ne nuit nullement à la concurrence entre les entrepreneurs puisqu'au moment de la remise de son chiffre blanc, chacun d'entre eux est en mesure d'anticiper le montant de l'indemnisation qu'il percevra étant donné que celle-ci est, en principe, calculée sur la base de la moyenne des chiffres blancs présentés par les entreprises et que cette moyenne pourrait être anticipée en raison de la faiblesse des différences qu'il y a entre les chiffres blancs remis. L'indemnisation pourrait également être anticipée si elle était calculée sur une autre base. Dans le cadre de l'UPRR, chaque soumissionnaire pourrait le faire en appliquant les barèmes d'indemnisation en vigueur (pour les ouvrages de moindre importance), en anticipant la soumission de chaque entrepreneur dont l'indemnité constitue un pourcentage (lorsqu'aucun chiffre blanc n'est remis), ou en présumant qu'il sera lui-même le moins-disant (lorsque le montant de l'indemnisation est fixé par celui qui a remis le chiffre blanc le plus bas). Les requérantes ajoutent que le fait que, dans le cadre de l'UPRO, le reversement des indemnités ait lieu annuellement par l'intermédiaire de la caisse de calcul ne fait pas obstacle à l'anticipation des reversements, chaque entrepreneur pouvant anticiper le nombre de points qu'il peut gagner s'il est le moins-disant, ainsi que la valeur de ces points qui ne varierait guère d'une année à l'autre. Enfin, la prise en compte, pour le calcul de l'indemnisation, de la valeur des livraisons ou des travaux effectués par l'adjudicateur ou par des tiers n'empêcherait pas non plus l'anticipation, cette valeur étant connue ou estimable approximativement.

125. Les requérantes rappellent, en second lieu, que le système d'indemnisation pour frais de calcul a pour objet et pour effet d'améliorer la structure transactionnelle du marché en permettant d'imputer à chaque ouvrage les frais de transaction auxquels il a donné lieu.

126. La Commission répond, en premier lieu, que le système des indemnisations pour frais de calcul nuit à la concurrence pour les motifs repris dans la décision. En effet, contrairement aux affirmations des requérantes, le montant des indemnisations ne pourrait pas être anticipé avec suffisamment de précision pour que le système soit neutralisé parce qu'il dépend toujours d'éléments qui ne peuvent pas être connus avec un degré de certitude suffisant lors de la remise des chiffres blancs. Par conséquent, tous les entrepreneurs auraient tendance à intégrer simplement les indemnisations pour frais de calcul dans leur offre de prix sans adapter cette dernière. C'est pourquoi les autorités néerlandaises qualifieraient ces indemnités de "majorations". En tout état de cause, même si une anticipation intervenait régulièrement, le système d'indemnisation n'en resterait pas moins une fixation directe d'une partie des prix de vente au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

127. La Commission conteste, en second lieu, que le système des indemnisations pour frais de calcul augmente l'efficacité du marché en limitant les coûts de transaction parce que les adjudicateurs n'ont aucun droit de regard sur les indemnisations pour frais de calcul qui leur sont appliquées.

2. Les augmentations de prix des marchés de gré à gré (décision, points 60, 61 et 100)

128. Les requérantes contestent le point 61 de la décision selon lequel les règlements entraîneraient une augmentation généralisée des prix des marchés passés de gré à gré de 3 %, parce que, dans l'hypothèse où le maître d'ouvrage contacterait d'autres entrepreneurs après avoir reçu l'offre du premier soumissionnaire et attribuerait néanmoins le marché à ce dernier après avoir reçu les offres demandées ultérieurement, le premier soumissionnaire serait tenu de verser un montant égal à 3 % au maximum de la valeur du marché au titre des augmentations de prix prévues par les règlements.

129. Elles soutiennent que la Commission confond là une obligation de céder 3 % du prix au bureau SPO avec une obligation de prendre en compte ces 3 % dans l'offre de prix. En outre, le montant de 3 % constituerait un maximum qui n'est que rarement appliqué. De plus, la Commission omettrait de tenir compte du fait que, s'il est fait usage de la possibilité pour les entrepreneurs de renoncer a priori aux droits découlant de la qualité d'ayant droit, les 3 % ne doivent en aucun cas être versés et que, si l'adjudicateur a effectivement l'intention de passer le marché avec le premier entrepreneur consulté et négocie à budget ouvert ou en équipe avec lui, il pourra constater si une provision pour risque est incluse dans le prix et en obtenir l'annulation en cas d'adjudication sans sollicitation ultérieure.

130. Les requérantes font valoir, en outre, que l'entrepreneur premier sollicité dispose de deux possibilités d'intégrer le risque dans son offre de prix sans pour autant que cela entraîne une majoration des prix du marché s'il est passé de gré à gré. D'une part, il pourrait se réserver le droit d'augmenter son offre de prix d'un montant de 3 % au maximum au cas où l'adjudicateur solliciterait ultérieurement d'autres offres. D'autre part, il pourrait, en remettant son offre, indiquer à l'adjudicateur que cette offre contient une provision pour risque qui pourrait être supprimée au cas où l'adjudicateur ne solliciterait pas d'autres offres ultérieurement. Le plus souvent l'entrepreneur ne prévoirait aucune provision pour risque.

131. Elles exposent, enfin, que la vive concurrence entre les entrepreneurs et la position de force de la demande garantiraient, en définitive, que les 3 % seraient finalement restitués aux adjudicateurs au cas où le risque aurait été provisionné sans se matérialiser ensuite.

132. La Commission répond d'abord qu'elle a constaté que les entrepreneurs sont régulièrement amenés à verser un montant au bureau en application de la règle des 3 %.

133. Elle doute que des entrepreneurs fassent usage des possibilités qui ont été évoquées par les requérantes, et ceci afin de tenir compte du risque découlant de la règle des 3 %, parce que les entrepreneurs peuvent sans aucun risque se borner à inclure dans leur offre de prix une provision couvrant ces 3 %.

134. Selon la Commission, l'entrepreneur qui intègre une telle provision dans son offre n'encourt aucun désavantage concurrentiel puisque les autres entrepreneurs consultés ultérieurement doivent en faire autant, sauf si des outsiders ont été invités, ce qui arriverait assez rarement.

135. Elle conclut que ce qui importe, c'est que, en l'absence de la règle des 3 %, les entrepreneurs n'auraient pas à prendre en compte, dans leur offre de prix, le risque de devoir finalement verser ces 3 %.

3. Les augmentations des prix des marchés de sous-traitance (décision, points 55 à 59 et 100, troisième alinéa)

136. Les requérantes exposent que le fait que l'entrepreneur principal ne peut se voir imputer que les frais de soumission exposés par les sous-traitants qui lui ont soumis une offre de prix, à l'exclusion donc des frais exposés par les sous-traitants qui ont fait des offres de prix à d'autres entrepreneurs principaux, n'est nullement en contradiction avec la philosophie générale qui préside à la réglementation relative aux frais de soumission en ce qu'elle tend à faire imputer à chaque maître d'ouvrage les frais de transaction que son appel d'offres a occasionnés. En effet, un entrepreneur principal ne saurait être rendu responsable de frais de soumission auxquels il n'a nullement contribué. En outre, ce système d'imputation spécifique permettrait d'éviter que des entrepreneurs sous-traitants qui ont fait des offres auprès de différents entrepreneurs principaux, dans le cadre d'un même marché, ne puissent bénéficier d'une double, voire d'une triple, indemnisation.

137. Elles font valoir enfin que la Commission ne saurait prétendre que le règlement relatif à la sous-traitance entraîne une augmentation systématique du montant des offres de prix de 3 % dans les cas où l'entrepreneur principal sollicite une offre de prix de gré à gré. Elles se réfèrent à cet égard à ce qu'elles ont dit à propos des marchés de gré à gré.

138. La Commission fait valoir que le système mis en place par le règlement relatif à la sous-traitance est incompatible avec la philosophie générale du système d'indemnisation pour frais de soumission telle qu'elle est présentée par les requérantes. En effet, dans le cadre de la sous-traitance, la totalité des frais de soumission suscités par un ouvrage ne serait pas imputée à celui-ci puisque les sous-traitants d'un entrepreneur principal qui ne se serait pas vu attribuer l'ouvrage ne bénéficieraient d'aucune indemnisation et seraient dès lors contraints d'intégrer leurs frais de soumission dans leurs frais généraux. Par conséquent, dans le cadre d'adjudications ultérieures, l'adjudicateur devrait supporter, outre les indemnisations pour frais de calcul, les frais généraux suscités par la non-indemnisation des frais de soumission supportés dans le cadre de marchés antérieurs.

139. La Commission ajoute que le système aboutit bien à une augmentation de 3 % du montant des offres de prix, comme c'est le cas dans le cadre des marchés passés de gré à gré.

Appréciation du Tribunal

140. Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que les arguments des requérantes relatifs à l'amélioration de la structure transactionnelle du marché sont dépourvus de pertinence dans le cadre d'un moyen pris de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité et qu'ils seront examinés dans le cadre du moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

141. Les règlements prévoient la fixation de deux types d'augmentations de prix qui seront ajoutées de manière uniforme aux offres de prix des différents entrepreneurs participant à la réunion et qui seront donc supportées par l'adjudicateur. Il s'agit, d'une part, des indemnisations pour frais de calcul (décision, points 32, 33 et 86, 87) et, d'autre part, des contributions aux frais de fonctionnement des organisations professionnelles (décision, points 34 à 37).

142. Les griefs des requérantes portent en substance sur la manière dont la Commission a analysé les premières. Les offres de prix des différents entrepreneurs sont majorées d'un montant identique qui est censé représenter la somme des frais de calcul exposés par l'ensemble des entrepreneurs participant à la réunion. Ces augmentations de prix sont calculées par l'application des barèmes sectoriels annexés aux UPR. Ces barèmes, qui fixent les indemnités maximales, sont appliqués, selon le cas, à la moyenne des chiffres blancs ou à la valeur estimée de l'ouvrage (pour plus de détails, voir les points 32 et 33 de la décision, qui ne sont pas contestés par les requérantes). Ce système a pour conséquence de faire supporter à l'adjudicateur l'ensemble, évalué forfaitairement, des frais de calcul auxquels son appel d'offres a donné lieu, y compris donc les frais des entrepreneurs qui n'ont pas été retenus. Il a pour but d'amener les adjudicateurs à peser le pour et le contre de l'appel à un plus ou moins grand nombre d'entrepreneurs. Ces augmentations de prix, qui sont intégrées dans l'offre de prix, sont perçues par l'entrepreneur adjudicataire qui doit en reverser l'essentiel au bureau qui le répartit ensuite entre les différents entrepreneurs et lui-même. Ce reversement a lieu marché par marché dans le cas des UPRR et par année civile dans le cas des UPRO. Au surplus, ce système d'augmentations de prix a son équivalent au niveau de la passation des marchés de gré à gré et des marchés de sous-traitance. En effet, dans le cadre de ces marchés, l'entrepreneur consulté doit se prémunir contre le risque de voir l'adjudicateur ou l'entrepreneur principal consulter d'autres entrepreneurs et de devoir dans ce cas reverser un montant de 3 % du marché au bureau afin de couvrir les frais de calcul des entrepreneurs ultérieurement consultés et non retenus (pour plus de détails, voir décision, points 55 à 59).

143. Les requérantes, sans contester la description du mécanisme des augmentations de prix contenue dans la décision, soutiennent qu'il ne restreint pas la concurrence puisque les entrepreneurs participant à une adjudication ont la possibilité d'anticiper le montant de l'indemnité qu'ils percevront au titre de leurs frais de calcul. Ainsi, le mécanisme, en raison de son caractère forfaitaire, serait neutre du point de vue de la concurrence puisque, sachant qu'ils percevront une indemnité supérieure aux frais encourus, les entrepreneurs les plus efficaces au niveau des calculs pourraient diminuer d'autant leur offre de prix. La Commission répond que les possibilités d'anticipation sont insuffisantes pour neutraliser le système et qu'en tout état de cause la fixation en commun de ces indemnités constitue une fixation d'une partie du prix.

144. Le Tribunal relève que la décision retient essentiellement trois griefs à l'encontre du système des augmentations de prix. Il s'agirait, en premier lieu, d'une fixation d'une partie du prix ; il s'agirait, en deuxième lieu, d'une clause de non-concurrence quant aux frais de calcul (décision, point 86, troisième alinéa) ; et, en troisième lieu, ce système aboutirait à une augmentation du niveau des prix pour les adjudicateurs faisant appel à un grand nombre d'entrepreneurs ainsi que pour les marchés passés de gré à gré et les marchés de sous-traitance (décision, points 57, 87 et 100).

145. En premier lieu, force est de constater que les requérantes n'avancent aucun argument de nature à réfuter que la fixation en commun d'augmentations de prix qui sont ajoutées uniformément aux offres de prix des différents entrepreneurs constitue une fixation d'une partie du prix au sens de l'article 85, paragraphe 1, sous a), du traité. En effet, l'argumentation des requérantes relatives aux possibilités d'anticipation du montant des augmentations de prix est dépourvue de toute pertinence à cet égard et porte exclusivement sur le point de savoir si le système des augmentations de prix aboutit à supprimer la concurrence entre entrepreneurs au niveau de leurs frais de calcul, ce qui constitue un grief distinct.

146. Il s'ensuit que c'est à bon droit que la Commission a considéré que la fixation en commun des augmentations de prix constitue une fixation d'une partie du prix interdite par l'article 85, paragraphe 1, sous a), du traité.

147. En deuxième lieu, quant à la question de savoir si cette fixation d'une partie du prix aboutit à supprimer la concurrence entre entrepreneurs au niveau des frais de calcul et favorise ainsi les entrepreneurs les moins performants à ce niveau par rapport à ceux qui le sont plus, il convient d'examiner si, comme le prétendent les requérantes, les entrepreneurs sont en mesure d'anticiper parfaitement le montant de l'indemnité qu'ils percevront au titre des frais de calcul et si, dans l'affirmative, le système est, grâce à son caractère forfaitaire, entièrement neutre puisque chaque entrepreneur pourrait diminuer son offre de prix d'un montant égal à la différence entre les frais de calcul qu'il a réellement encourus et l'indemnité à percevoir.

148. A cet égard, il suffit de constater que la capacité d'anticipation du montant de l'indemnité est loin d'être parfaite. En effet, une anticipation parfaite est impossible dans la mesure où l'offre de prix doit être calculée à un moment où des paramètres indispensables à une telle anticipation ne sont pas encore connus (moyenne des chiffres blancs, valeur estimée de l'ouvrage, offre de prix la plus basse).

149. Dans le cadre de l'UPRO, une anticipation un tant soit peu précise est impossible en raison du système annuel de reversement des indemnités et de la difficulté de prévoir le nombre de points et la valeur de ceux-ci.

150. Le cas dans lequel l'anticipation semble la meilleure est celui où, dans le cadre de l'UPRR, la réunion laisse à l'entrepreneur qui a présenté le chiffre blanc le plus bas le soin de définir les augmentations de prix. Dans ce cas, en effet, chaque entrepreneur présume qu'il sera le moins-disant et qu'il pourra fixer lui-même l'indemnité. Il convient toutefois de faire remarquer qu'en pareille hypothèse l'entrepreneur devra tenir compte du risque de ne pas être le moins-disant et de devoir intégrer dans son offre de prix le montant décidé par le moins-disant, qui peut être supérieur ou inférieur à son propre niveau de frais de calcul. S'il est exact que chaque entrepreneur a pu adapter son chiffre blanc en fonction du montant de l'indemnité qu'il fixerait lui-même, il n'en reste pas moins que, pour qu'il puisse correctement répercuter sur son chiffre blanc le montant de l'indemnité finalement fixé, il faut qu'il connaisse les intentions à ce propos de tous ses concurrents, dont chacun peut être le moins-disant et être amené à ce titre à fixer le montant de l'indemnité en fonction de ses propres frais de calcul. Or, les entrepreneurs ne peuvent disposer d'une telle information qui constitue pour chacun d'eux un secret d'affaires.

151. Ce système peut, en outre, avoir pour conséquence de priver l'adjudicateur du bénéfice de la plus grande efficacité d'un entrepreneur donné au niveau de ses frais de calcul.Ainsi, lorsqu'un entrepreneur A, qui est très efficace au niveau de ses frais de calcul, se propose de fixer le montant de l'indemnité à 12 au cas où il serait le moins-disant avec son chiffre blanc de 105, tandis qu'un entrepreneur B, qui est moins efficace, se propose d'en fixer le montant à 20 au cas où il serait le moins-disant avec son chiffre blanc de 100, on risque d'aboutir à la situation suivante : B s'avérant être le moins-disant, il décide de fixer l'indemnité à 20. Par conséquent, le montant de l'offre de prix qu'il fera à l'adjudicateur sera de 120, tandis que le montant de l'offre de A sera de 125. Si la concurrence avait joué librement, A aurait fait une offre de prix de 117 et B de 120. L'adjudicateur se voit donc présenter B au lieu de A comme le moins-disant pour l'offre définitive et ce à un prix plus élevé que celui qui aurait été obtenu à la suite d'une concurrence non faussée. Si A avait su que B fixerait le montant de l'indemnité à 20, il aurait pu baisser son chiffre blanc de 105 à 97, sachant qu'au total il obtiendrait toujours les 117 nécessaires pour lui, et devenir ainsi le moins-disant. Toutefois, A n'aurait pu prendre connaissance du montant auquel B fixerait son indemnité qu'à la suite d'une concertation interdite avec B, ce qui n'a plus rien à voir avec la transparence objective du système et la possibilité d'une anticipation parfaite du montant de l'indemnité, alléguées par les requérantes.

152. Il s'ensuit que, dans toutes les hypothèses, la concurrence entre les entrepreneurs en ce qui concerne leurs frais de calcul se trouve restreinte par le système d'indemnisation pour frais de calcul et que l'adjudicateur se trouve ainsi privé du fruit d'une telle concurrence.

153. En troisième lieu, il convient de vérifier si le système d'indemnisation pour frais de calcul, comme le système de contribution aux frais de fonctionnement des organisations professionnelles, aboutit à une augmentation généralisée des prix. A cet égard, il faut opérer une distinction entre trois niveaux : celui des offres simultanées, celui des marchés de gré à gré et celui de la sous-traitance.

154. Au premier niveau, il ne saurait être contesté que le système entraîne une augmentation des prix pour les adjudicateurs qui adressent leur appel d'offres à un grand nombre d'entrepreneurs puisqu'ils auront à supporter les frais de calcul de chacun d'eux. De même, ce système prive les adjudicateurs d'offres plus avantageuses que celle de l'ayant droit chaque fois que la plus grande efficacité d'un entrepreneur au niveau des frais de calcul fait plus que compenser sa moindre efficacité sur les autres plans et que cet entrepreneur, ignorant l'ampleur de sa plus grande efficacité, n'a pu la répercuter entièrement sur son chiffre blanc (voir, ci-dessus, point 151). Enfin, la contribution aux frais de fonctionnement des organisations professionnelles aboutit également à une augmentation des prix.

155. Aux deuxième et troisième niveaux, il est constant entre les parties que les entrepreneurs qui soumissionnent de gré à gré ou dans le cadre d'un marché sous-traité sont exposés au risque de devoir verser au bureau de la SPO une somme correspondant à 3 % du prix du marché au cas où soit l'adjudicateur soit l'entrepreneur principal procéderait à d'autres consultations en vue de l'attribution du marché en cause. S'il est vrai, comme le relèvent les requérantes, qu'il est possible à l'adjudicateur ou à l'entrepreneur principal de négocier avec les entrepreneurs afin qu'ils ne provisionnent pas ce risque et ne le répercutent pas sur le prix, force est cependant de constater que le système, en tant que tel, incite les entrepreneurs à répercuter ce risque sur leurs clients et qu'il contraint ceux-ci à des négociations s'ils veulent y échapper. Il s'ensuit qu'à ce niveau également, ce système peut avoir pour conséquence une augmentation des prix.

156. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que la Commission a considéré que le système d'augmentations de prix constitue une fixation d'une partie du prix, restreint la concurrence entre entrepreneurs au niveau des frais de calcul et aboutit à une augmentation des prix, qui, en ce qui concerne les UPR, est d'autant plus importante que l'adjudicateur entend faire jouer la concurrence entre un plus grand nombre d'entrepreneurs.

157. Au surplus, le Tribunal relève que les requérantes ne contestent pas qu'après que les augmentations de prix ont été ajoutées aux chiffres blancs, les prix de soumission des entrepreneurs autres que l'ayant droit peuvent être diminués à condition de ne pas remettre en cause l'ordre de succession des chiffres blancs, de telle sorte que les écarts de prix entre les offres de prix adressées au maître de l'ouvrage n'apparaissent pas excessifs. Elles ne contestent pas non plus que les prix de soumission peuvent être augmentés lorsque la préférence a été octroyée afin d'assurer une position préférentielle à l'ayant droit et que des prix partiels ou des prix unitaires peuvent être fixés afin d'éviter que l'adjudicateur n'adjuge l'ouvrage par morceaux.

158. Or, de telles manipulations de prix constituent incontestablement des fixations concertées de prix au sens de l'article 85, paragraphe 1, sous a), du traité, puisqu'il reste possible, comme les requérantes l'ont itérativement affirmé, que l'adjudicateur attribue le marché à un autre entrepreneur que le moins-disant.

IV - La limitation de l'autonomie de négociation des entrepreneurs et du maître de l'ouvrage

Arguments des parties

1. La préférence (décision, points 30 et 85)

159. Les requérantes soutiennent que le système de la préférence n'entraîne pas une répartition du marché, parce que chaque adjudication doit être considérée comme un marché "ad hoc" sur lequel l'identité des offreurs est déterminée par les adjudicateurs. Les entrepreneurs ne pourraient pas se répartir les travaux, puisqu'aucun d'entre eux n'aurait la garantie de se retrouver ultérieurement en concurrence avec l'entrepreneur auquel il a accordé la préférence et de pouvoir donc bénéficier d'une compensation de la part de ce dernier.

160. Elles soulignent, en outre, qu'il faut en principe un accord unanime de tous les participants à la réunion pour que la préférence soit accordée. Les octrois de préférence seraient donc rares (0,3 % des cas en 1988).

161. Les requérantes mettent, enfin, en évidence le fait que le bénéficiaire de la préférence est tenu de soumettre une offre équivalente à l'offre la plus basse, ce qui accroîtrait les risques pour lui, ces risques étant à la mesure de l'intérêt qu'il porte à l'ouvrage.

162. La Commission répond que l'intérêt que porte un entrepreneur à un ouvrage doit se manifester dans le prix qu'il soumet et non dans l'obtention de la part de ses concurrents d'un droit de préférence.

163. Elle souligne que l'octroi de la préférence à l'un des soumissionnaires constitue une répartition du marché en cause puisque ce sont les concurrents qui décident, entre eux, qui sera protégé contre la concurrence des autres.

2. La protection de l'ayant droit (décision, points 39 à 41, 52 à 54 et 93 à 95)

164. Les requérantes, qui ne contestent pas la description théorique du fonctionnement du système contenue dans la décision, font grief à celle-ci d'avoir négligé l'objectif du système, à savoir la protection contre le "marchandage", et d'avoir incorrectement analysé les conséquences pratiques du système sur le jeu de la concurrence.

165. En ce qui concerne la protection contre le "marchandage", qui consiste dans le fait pour un maître d'ouvrage d'opposer les unes aux autres les offres qu'il a réunies simultanément ou successivement auprès de différents entrepreneurs afin d'obtenir une diminution des prix, les requérantes exposent que cette protection est souhaitée par l'ensemble des protagonistes du marché et qu'elle est indispensable pour lutter contre le risque de formation de prix économiquement injustifiés dû à la position de force de la demande par rapport à l'offre, contre la perte d'efficacité de la structure transactionnelle du marché imputable à l'anticipation du marchandage dans les premières offres de prix et contre l'atteinte au caractère objectif de l'adjudication résultant du fait que, au cours des négociations de marchandage, les adjudicateurs pourraient faire prévaloir des préférences subjectives au lieu du prix le plus bas. Elles affirment que le système en cause ne dépasse pas ce qui est indispensable pour faire face au marchandage et relèvent qu'il est moins rigoureux que les législations nationales et communautaires ayant le même objet.

166. Dans cette perspective, les requérantes soulignent que la protection de l'ayant droit est le résultat d'une procédure objective qui aboutit à désigner automatiquement comme ayant droit le soumissionnaire le moins-disant et qui donc, loin de restreindre la concurrence, ne fait que déplacer dans le temps le moment où elle a lieu. Elles ajoutent que la Commission ne saurait faire grief aux règlements d'empêcher l'adjudicateur de faire prévaloir d'autres considérations que le prix dans ses négociations avec les entrepreneurs dans la mesure où le fait pour l'adjudicateur de demander des offres comparables révélerait son intention de concentrer la concurrence sur le prix.

167. Elles considèrent que le règlement sur les offres de prix non simultanées et les offres de prix partiels est indispensable pour éviter que le règlement sur les offres de prix simultanées soit contourné par l'opposition d'offres de prix successives ou d'offres de prix partiels.

168. En ce qui concerne les conséquences pratiques du système, les requérantes soutiennent qu'il est inexact que le système crée en fait, pour l'ayant droit, un monopole temporaire pour un marché déterminé. D'une part, le système ne s'opposerait pas à ce que, dans le cas des offres simultanées, l'adjudicateur attribue le marché à un autre soumissionnaire que l'ayant droit. D'autre part, dans le cas des offres non simultanées, le système n'empêcherait pas les entrepreneurs soumissionnant après l'ayant droit de formuler une offre de prix mais la subordonnerait, en cas d'appel d'offres comparables, soit au consentement de l'ayant droit, soit à celui d'une commission ad hoc instituée pour vérifier que ces offres ne sont pas le résultat d'un marchandage. Ce consentement serait, en fait, rarement refusé et il ne pourrait pas l'être si la nouvelle offre est inférieure d'un certain pourcentage à l'offre de l'ayant droit. Ce pourcentage, variant selon le secteur en cause, serait à la mesure de l'avantage dont pourrait disposer l'auteur de la nouvelle offre s'il a eu connaissance de l'ancienne offre. Si les nouvelles offres répondent à une demande qui n'est pas comparable à celle à laquelle les anciennes offres répondaient, il résulterait de l'étude empirique réalisée par M. Hartelust, intitulée "La rencontre de la demande et de l'offre sur le marché néerlandais de la construction au cours de la période 1975-1979", que l'ayant droit n'est jamais protégé. En définitive, le système n'aboutirait à une protection de l'ayant droit, dans le cas des offres non simultanées, que dans 10,5 % des cas.

169. La Commission répond que le système de protection de l'ayant droit aboutit non seulement à protéger les entrepreneurs contre le "marchandage" et la concurrence ruineuse qui s'ensuivrait, mais également contre toute forme de concurrence puisqu'il exclut les soumissionnaires autres que l'ayant droit des négociations avec l'adjudicateur ou, à tout le moins, subordonne la participation à ces négociations à l'accord de l'ayant droit ou d'une commission d'entrepreneurs.

170. Elle soutient que les requérantes ne sauraient comparer le système de protection de l'ayant droit aux réglementations de droit public qui s'appliquent dans d'autres États membres et à celles qui ont été mises en place par la directive 71-305-CEE du Conseil, du 26 juillet 1971, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L. 185, p. 5, ci-après "directive 71-305"). En effet, ces réglementations ne viseraient que les marchés publics et auraient un objet différent des règlements en cause puisqu'elles visent à préserver l'égalité de chances des entrepreneurs par rapport aux pouvoirs publics. Par ailleurs, les règlements en cause non seulement limitent la liberté de négociation de l'adjudicateur, comme le font les règles communautaires et nationales, mais ils prévoient également un échange d'informations et l'ajustement mutuel et préalable des offres de prix. Enfin, la Commission relève que la législation néerlandaise accorde elle aussi une certaine protection aux entrepreneurs lors des négociations qui suivent l'obtention des offres de prix et que le système des règlements n'était donc pas aussi indispensable que le prétendent les requérantes.

171. La Commission expose encore que les requérantes ne sauraient prétendre que la protection de l'ayant droit n'intervient qu'après que la concurrence a déjà eu lieu. En ce qui concerne les offres simultanées, le processus de désignation de l'ayant droit ne serait, en effet, pas aussi objectif que le prétendent les requérantes, en particulier, quand il s'agit pour les entrepreneurs eux-mêmes de juger de la comparabilité des offres. La Commission ajoute que l'argumentation des requérantes repose sur l'idée fausse que l'adjudicateur qui réunit plusieurs offres de prix a, par là même, décidé qu'il déterminera son choix en fonction du prix. L'adjudicateur pourrait, en effet, légitimement éprouver le besoin de négocier avec d'autres soumissionnaires que le moins-disant et rien ne justifierait qu'il soit privé de cette possibilité par une décision unilatérale des entrepreneurs.

172. Elle soutient, ensuite, que le système de protection de l'ayant droit se justifie encore moins pour ce qui concerne les offres de prix non simultanées. Dans ce cas, en effet, la protection de l'ayant droit interviendrait dès le moment où l'adjudicateur décide, après avoir reçu initialement une seule offre de prix, d'en demander une ou plusieurs autres, c'est-à-dire à un moment où la concurrence n'a encore aucunement joué. Or, cette protection de l'ayant droit aurait pour conséquence que les entrepreneurs invités ultérieurement ne pourront, si la demande d'offre est comparable à celle à laquelle a répondu l'ayant droit, soumettre leur offre à l'adjudicateur que si elle est inférieure d'un certain pourcentage à celle de l'ayant droit. Ce pourcentage dépasserait largement ce qui est nécessaire à protéger le premier soumissionnaire contre l'utilisation, par les soumissionnaires ultérieurs, du contenu de son offre.

173. La Commission fait encore valoir que le système de fixation de prix partiels ou unitaires n'est nullement nécessaire pour préserver les entrepreneurs du marchandage, puisque, contrairement à ce qu'affirment les requérantes, ils disposent de la possibilité de subordonner leurs offres de prix partiels à la condition que l'ensemble de l'ouvrage leur soit attribué.

174. Elle relève qu'en tout état de cause les requérantes ont admis que, dans 10,5 % des cas, l'ayant droit conserve son statut grâce au droit de priorité consacré par le règlement sur les offres de prix non simultanées. Selon la Commission, ces 10,5 % représentent les cas dans lesquels le statut d'ayant droit a permis à ce dernier d'empêcher que soient soumises des offres de prix ultérieures inférieures à la sienne.

175. La Commission souligne, en ce qui concerne la transparence du marché, que le système mis en place par les requérantes aboutit à rendre le marché totalement opaque pour les adjudicateurs occasionnels. Dans ce cas, ce seraient les entrepreneurs qui se trouveraient en position de force sur le marché et non l'inverse.

3. La sous-traitance (décision, points 55 à 59 et 100, troisième alinéa)

176. Les requérantes soutiennent que le règlement relatif à la sous-traitance a pour objectif d'éviter que les entrepreneurs principaux ne marchandent à partir des offres qu'ils se voient remettre par différents sous-traitants. A cette fin, le règlement général aurait été adapté à la spécificité de la sous-traitance, à partir d'une transposition de la relation maître d'ouvrage/soumissionnaires à la relation entrepreneur principal/sous-traitants.

177. La Commission renvoie à ce qu'elle a dit à propos de la protection de l'ayant droit pour ce qui concerne la nécessité de protéger les sous-traitants contre les risques de marchandage.

Appréciation du Tribunal

178. Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que les arguments des requérantes visant à établir que la protection de l'ayant droit serait indispensable pour éviter le marchandage, lequel conduirait à une concurrence ruineuse, sont dépourvus de pertinence dans le cadre d'un moyen pris de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité et qu'ils seront examinés dans le cadre du moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

179. Dès lors que les offres de prix des différents participants à la réunion ont été jugées comparables ou ont été rendues comparables par la réunion, la procédure mise en place a pour objet d'aboutir à la désignation d'un ayant droit. Il importe de rappeler l'objet de la protection dont bénéficie l'ayant droit. L'ayant droit a seul le droit de négocier son offre de prix avec le maître de l'ouvrage. En effet, les autres offrants se voient privés du droit d'entrer en contact avec le maître de l'ouvrage pour négocier le prix des prestations ou les éléments du marché en cause [article 28 des UPRR, article 30 des UPRO et article 5 (2) du code d'honneur]. Ils ne peuvent donc obtenir le marché qu'en l'acceptant au prix qu'ils ont offert et conformément au cahier des charges. Dans le cas d'offres de prix non simultanées, la protection de l'ayant droit couvre aussi les offres de prix ultérieures [article 28 des UPRR, article 30 des UPRO et article 5 (3) du code d'honneur ainsi que règlement concernant les offres de prix non simultanées]. Il est interdit aux entrepreneurs qui ont été sollicités ultérieurement par un maître de l'ouvrage de remettre un prix sans le consentement de l'ayant droit ou, en cas de refus, sans le consentement d'une commission ad hoc désignée par le bureau concerné. Celle-ci ne peut rendre une décision positive que si le prix proposé dans l'offre ultérieure présente un écart considérable vers le bas (de 2,5 % à 10 % selon le secteur en cause) par rapport au prix offert par l'ayant droit. Cette protection de l'ayant droit a une durée de deux ou cinq ans (selon la valeur du marché concerné).

180. Les règlements prévoient trois modes de désignation de l'ayant droit. Celui-ci sera soit l'entrepreneur le moins disant lors de la réunion, soit l'entrepreneur qui a été consulté en premier lieu dans le cas d'offres de prix non simultanées, soit enfin l'entrepreneur désigné a priori comme tel par la réunion en application du mécanisme de la préférence.

181. En ce qui concerne les offres de prix simultanées en l'absence de retrait et de préférence, il y a lieu de remarquer que l'ayant droit est l'entrepreneur dont le chiffre blanc est le moins élevé. Il convient toutefois de se demander si cette protection, outre le fait qu'elle intervient après qu'un échange d'informations anticoncurrentiel a eu lieu et qu'elle fait suite à des fixations de parties de prix, n'aboutit pas également à restreindre par elle-même la concurrence.

182. Le système de protection de l'ayant droit a pour objet de conférer à l'entrepreneur qui a soumis le chiffre blanc le plus bas lors de la réunion (c'est-à-dire l'offre de prix la plus basse dont on a retiré les augmentations de prix) une protection de son offre quant à son contenu et quant à son prix contre les négociations qui pourraient avoir lieu entre l'adjudicateur et d'autres membres de la SPO, tant ceux qui ont participé à la réunion que ceux qui n'y ont pas participé, les uns ne pouvant pas négocier leur offre tandis que les autres doivent obtenir le consentement de l'ayant droit ou d'une commission d'arbitrage pour pouvoir soumissionner. A cette fin, les entrepreneurs participant à la réunion commencent par déterminer entre eux les termes dans lesquels ils se feront la concurrence. Ainsi, ils déterminent quel devra être le contenu des différentes offres pour qu'elles puissent constituer des alternatives équivalentes pour l'adjudicateur, qui ne devront plus être départagées que sur la base du prix.

183. Il convient de souligner que, à supposer même que, lors de la réunion, le jugement porté sur la comparabilité des offres soit le plus objectif possible, on ne saurait accepter que les entrepreneurs substituent unilatéralement leur jugement à celui de l'adjudicateur qui doit légitimement avoir la possibilité de faire intervenir des préférences subjectives, comme la réputation de l'entrepreneur, sa disponibilité, sa proximité, et de porter lui-même, comme futur utilisateur, un jugement sur l'équivalence, de son propre point de vue, des différentes offres.

184. En ce qui concerne les offres de prix non simultanées, il importe d'observer que les requérantes se bornent à souligner que désigner le premier entrepreneur consulté comme ayant droit est indispensable pour éviter que le règlement sur les offres de prix simultanées ne soit contourné, mais qu'elles ne contestent pas qu'à ce niveau une protection est accordée sans que la concurrence ait joué. Il s'ensuit que le caractère restrictif de la concurrence de la protection dont bénéficie l'ayant droit en cas d'appels d'offres non simultanés n'est pas contesté, mais qu'il y aura lieu d'examiner si ce mécanisme, comme complément indispensable du règlement sur les appels d'offres simultanés, remplit les conditions nécessaires à l'octroi d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité (voir, ci-après, deuxième moyen).

185. En ce qui concerne la préférence, il convient de relever que celle-ci permet à son bénéficiaire d'être désigné comme ayant droit par les participants à la réunion, quel que soit le chiffre blanc qu'il remettra, mais à la condition qu'il adopte comme chiffre de soumission définitif le chiffre blanc le plus bas augmenté des indemnités applicables. Ainsi que l'a relevé la Commission (décision, point 85), le mécanisme de la préférence constitue une répartition de marché en ce sens que ce sont les participants à la réunion qui décident lequel d'entre eux bénéficiera de la protection de l'ayant droit à un moment où la concurrence n'a pas encore joué. Ce faisant, ils se répartissent le marché et portent atteinte au libre choix par les consommateurs de leur fournisseur (arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, point 180). A cet égard, peu importe que les participants à la réunion ne se retrouvent pas d'une manière permanente et structurée en concurrence entre eux à cause des spécificités de chaque ouvrage. En effet, il n'est nul besoin de s'interroger sur les motivations des entreprises qui se répartissent entre elles un marché pour déterminer si une telle répartition de marché tombe sous le coup de l'interdiction édictée par l'article 85, paragraphe 1, du traité.

186. Il est certes exact que le mécanisme de protection de l'ayant droit ne supprime pas totalement les possibilités de choix de l'adjudicateur qui peut encore attribuer le marché à un autre participant à la réunion que l'ayant droit (mais sans pouvoir négocier son offre) ou à un autre entrepreneur (moyennant le consentement de l'ayant droit ou d'une commission d'arbitrage s'il est membre de la SPO). Force est toutefois de relever que ces possibilités de choix sont extrêmement restreintes par la protection conférée à l'ayant droit, puisque les autres participants à la réunion ne pourront accepter le marché que dans la forme contenue dans leurs offres de prix. Ainsi, l'adjudicateur sera-t-il privé du droit de faire valoir ses préférences en termes de contenu et de prix à l'intérieur de chacune de ces offres et sera donc limité à un choix entre des offres prises globalement. En outre, la possibilité pour lui d'opérer des choix à l'intérieur même de l'offre de l'ayant droit sera fortement limitée, puisque celui-ci se sait protégé et connaît l'ampleur de la protection dont il bénéficie en matière de prix vis-à-vis des entrepreneurs membres de la SPO puisqu'il a connaissance des chiffres de soumission des autres participants à la réunion et des barèmes applicables aux offres de prix non simultanées.

187. Il résulte de ce qui précède que la protection dont bénéficie l'ayant droit restreint la concurrence, mais qu'il y aura lieu d'examiner dans le cadre du second moyen si cette protection, qui est destinée à préserver les entrepreneurs du marchandage, devait bénéficier d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

V - Comportement de la SPO à l'égard des entrepreneurs non associés (décision, points 49 à 51, 98 et 99)

Arguments des parties

188. Les requérantes soutiennent que les entrepreneurs sont totalement libres d'adhérer ou non à la SPO de manière permanente ou de se soumettre à ses règlements pour un marché déterminé. Aucune pression ne serait exercée sur les entrepreneurs non associés pour qu'ils adhèrent. Toutefois, elles estiment que, pour éviter que certains entrepreneurs n'abusent du système tantôt en s'y soumettant tantôt en ne s'y soumettant pas, il est nécessaire de prévoir des sanctions. En effet, le système des règlements constituant un tout, il faudrait éviter que certains n'en tirent que les avantages sans en supporter les charges.

189. Elles reconnaissent certes que les bureaux de la SPO ont des contacts avec des entrepreneurs non-membres mais ceux-ci seraient ponctuels et ne sauraient en aucun cas être assimilés à des pressions. Tout au plus, certains non-membres seraient-ils invités de temps en temps à participer à une réunion.

190. Les requérantes contestent, en outre, l'affirmation contenue au point 99, deuxième alinéa, de la décision selon laquelle les entreprises étrangères devraient, pour agir sur le marché néerlandais, s'associer à une entreprise néerlandaise soumise aux règlements. Cette affirmation serait contredite par les chiffres qu'elles produisent tant en ce qui concerne le nombre de contrats de coopération souscrits qu'en ce qui concerne le nombre de marchés obtenus par des entreprises étrangères sans qu'elles aient adhéré aux règlements.

191. Elles concèdent certes que, durant les réunions, on cherche à savoir si, outre les participants, des tiers sont également invités à soumissionner, mais elles affirment que cet échange d'informations ne restreint pas la concurrence. En effet, les informations échangées auraient peu de valeur et ne permettraient pas aux participants d'y adapter leur comportement, notamment pour fixer leur chiffre blanc, puisque celui-ci dépendrait d'autres facteurs économiques.

192. Les requérantes contestent le fait que les règlements permettraient aux membres de la SPO de se protéger efficacement contre la concurrence de tiers. Cette thèse de la Commission omettrait le fait que les entrepreneurs membres de la SPO n'en resteraient pas moins des concurrents qui rivalisent tant entre eux que vis-à-vis des tiers. C'est ainsi qu'elles nient que, en ce qui concerne la désignation d'un ayant droit ou la fixation des indemnités pour frais de calcul, les participants adoptent un comportement différent selon que des concurrents extérieurs se présentent ou non. La Commission n'aurait établi aucune corrélation entre ces deux éléments et les chiffres qu'elle cite ne seraient ni significatifs ni pertinents. En particulier, le chiffre de 80 %, cité au point 51 de la décision, n'indiquerait pas que les participants à la réunion ont plus de chances d'obtenir le marché que les non participants et encore moins que ces meilleures chances seraient le résultat d'une collusion.

193. Les requérantes concluent que les accusations que la Commission porte sans avoir effectué d'enquête sont dépourvues de fondement. Elles en veulent pour preuve que, si les entrepreneurs non-membres étaient réellement victimes du comportement des membres de la SPO, soit ils auraient porté plainte contre ce comportement, soit ils seraient devenus membres de la SPO. En outre, il ne faudrait pas perdre de vue que, dans la plupart des cas, c'est l'adjudicateur qui, en recourant à une adjudication restreinte, détermine le nombre et l'identité des entrepreneurs qui seront mis en concurrence pour l'ouvrage à adjuger.

194. La Commission répond que le système de sanction prévu par les règlements peut inciter les non-membres à se soumettre aux règlements de manière plus ou moins permanente et ce même si ce système a pour objet d'éviter qu'on abuse des règlements.

195. Elle relève que les requérantes ne nient pas que les bureaux prennent contact avec les entreprises non-membres et elle affirme que son enquête a établi que ces contacts ne se bornaient pas à demander à ces entreprises de se soumettre aux règlements.

196. La Commission fait encore valoir que la liberté d'adhérer ou non aux règlements est assez relative pour les entreprises étrangères dans la mesure où elles doivent le plus souvent passer par l'intermédiaire d'une collaboration avec un entrepreneur néerlandais pour accéder au marché, comme le montre une recommandation de la chambre de commerce germano-néerlandaise. Or, la plupart des entrepreneurs avec lesquels une collaboration serait possible sont membres de la SPO. La Commission considère que les chiffres produits par les requérantes sont partiels car ils ont uniquement trait aux associations formelles d'entrepreneurs.

197. Elle rappelle que la nature des informations échangées au cours des réunions permet aux participants de disposer d'un avantage vis-à-vis des entreprises extérieures, comme l'aurait démontré la décision (points 49 à 51, 98 et 99).

198. La Commission conclut qu'il y a restriction de la concurrence puisque chaque outsider est placé devant le dilemme suivant : soit attaquer seul le front uni des participants à la réunion soit participer à ce front uni et restreindre ainsi ses possibilités de faire concurrence aux autres entreprises.

Appréciation du Tribunal

199. Le Tribunal considère que, indépendamment de toute pression ponctuelle exercée par les requérantes sur les non-membres pour qu'ils adhèrent à la SPO, le système des règlements en lui-même, en ce qu'il attribue aux entreprises qui y participent des avantages considérables notamment en termes d'échanges d'informations et de remboursement de frais de calcul, constitue par son existence même une pression exercée sur les non-membres en vue d'obtenir leur adhésion (voir décision, point 98).

200. En outre, par sa nature, le système des règlements atteint d'autant mieux ses objectifs qu'y participent un grand nombre d'entreprises. En effet, la limitation des frais de transaction et la lutte contre le marchandage sont d'autant plus efficaces que le nombre de cas dans lesquels des marchés sont attribués à des non-membres de la SPO est réduit. Dans cette perspective, l'adjudication d'un marché à un non-membre est considérée comme un risque contre lequel il faut se prémunir en reversant une partie des augmentations de prix à un fonds de garantie destiné notamment à couvrir ce risque (décision, point 43).

201. Il s'ensuit que les conditions sont réunies pour que des pressions soient exercées sur les non-membres pour qu'ils adhèrent au système. Dans ces circonstances, le simple fait, admis par les requérantes, que les bureaux de la SPO prennent contact avec des entreprises non-membres peut être assimilé à des pressions.

202. Par ailleurs, il est constant entre les parties que les règlements prévoient la possibilité pour la réunion de renoncer a priori à la désignation d'un ayant droit (voir, ci-dessus, points 100, 101 et 117) et à l'application des augmentations de prix. Ces possibilités permettent aux participants à la réunion d'adapter leur comportement sur le marché à l'intensité de la concurrence extérieure. Ils peuvent ainsi participer à cette concurrence avec le bénéfice qu'ils ont retiré auparavant du système d'indemnisation pour frais de calcul qui leur permet ponctuellement de n'imputer aucun frais de calcul sur l'ouvrage pour lequel ils sont en concurrence avec des entreprises qui ne sont pas membres des requérantes. De même, la renonciation a priori à la désignation d'un ayant droit leur permet de participer, le cas échéant, à un marchandage qui les opposerait à des entreprises non-membres et d'augmenter ainsi les chances qu'une d'entre elles obtienne le marché.

203. Il convient d'ailleurs de relever que le fait pour les membres des requérantes de se voir contraints d'adopter de concert une attitude défensive lorsqu'ils sont confrontés à une concurrence extérieure, corrobore l'intérêt qu'ils ont à voir augmenter le nombre des membres et donc diminuer le nombre de concurrents extérieurs susceptibles de les amener à renoncer aux avantages de leur adhésion aux requérantes.

204. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que la Commission a considéré que le système des règlements introduits en 1987 porte en fait atteinte à la liberté des entrepreneurs d'y adhérer ou de ne pas y adhérer dans la mesure où leur non-adhésion les prive d'un certain nombre d'avantages liés à ce système et les met en concurrence, non avec une série d'entrepreneurs agissant indépendamment les uns des autres, mais bien avec un certain nombre d'entrepreneurs ayant des intérêts et des informations communs et donc des comportements communs.

205. Il s'ensuit que les règlements introduits en 1987 constituent une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

206. En ce qui concerne les règlements antérieurs, le Tribunal relève que, après avoir constaté qu'ils différaient des règlements introduits en 1987 par certains aspects essentiels comme l'existence d'une procédure de contre-notification, d'une possibilité d'améliorer et de corriger les prix et d'un mécanisme de préférence, qui aboutissait à une augmentation des prix de tous les participants, la Commission a considéré dans la décision (points 62 à 65) que les règlements introduits en 1987 n'étaient, pour l'essentiel, que la continuation des règlements antérieurs et que, par conséquent, l'appréciation juridique qu'elle avait portée pour les uns valait également mutatis mutandis pour les autres (point 114). La Commission estime, en outre (décision, point 138), qu'à partir du 1er octobre 1980 les différents règlements antérieurs, d'une part, étaient suffisamment uniformisés puisqu'ils étaient approuvés par la SPO (points 15, 62 et 138) et, d'autre part, étaient l'objet d'un système de sanction uniforme établi par le code d'honneur et rendu obligatoire pour les membres de la SPO par décision de son assemblée générale prenant effet le 1er octobre 1980 (points 12, 13 et 138).

207. Le Tribunal constate que, face à ces affirmations, les requérantes soutiennent, d'une part, que les règlements introduits en 1987 ne constituent pas "la continuation d'ententes de même nature conclues précédemment", mais bien "un revirement" par rapport à celles-ci (requête, point 3.14, en droit) et, d'autre part, que la SPO n'a jamais arrêté le texte d'un UPR "Burger- & Utiliteitsbouw Openbaar" (construction résidentielle et non résidentielle selon la procédure ouverte) qui aurait pris effet au 1er janvier 1973 puisque les différentes associations ont continué à appliquer individuellement leurs propres règlements jusqu'en 1987 (réplique, p. 24).

208. Force est de relever, en premier lieu, que, loin de contredire les points 62 et 65 de la décision, le raisonnement présenté par les requérantes revient en réalité à admettre le bien-fondé de l'analyse que la Commission y développe. En effet, pour démontrer que les règlements introduits en 1987 apparaissent comme un "revirement" par rapport aux ententes de même nature conclues précédemment, elles soulignent que ces règlements ne contiennent plus certaines possibilités, comme la "contre-notification" ou les "améliorations" et les "corrections de prix", dont elles admettent, pour la première, qu'elle "risquait d'offrir aux entrepreneurs concernés la possibilité d'amorcer une concertation illicite" et, pour la seconde, qu'elle avait été interdite "parce qu'elle était appliquée non seulement dans une situation de concurrence désastreuse, mais également parce que, visant à mesurer le phénomène de compression des prix, ce système comportait inévitablement un certain nombre d'éléments arbitraires" (requête, point 3.14, en droit). Ainsi, en affirmant que les règlements introduits en 1987 sont moins restrictifs de la concurrence que les règlements antérieurs et que c'est en cela qu'ils constituent un revirement par rapport à ceux-ci, les requérantes ont indiqué qu'ils en étaient la continuation.

209. Par conséquent, c'est à bon droit que la Commission a considéré qu'il y avait une continuité entre les règlements antérieurs et les règlements introduits en 1987 et que, sur certains points, les premiers comportaient des restrictions de concurrence au moins aussi importantes que les seconds.

210. Force est de constater, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que semblent considérer les requérantes dans leur réplique, la décision n'affirme pas qu'à partir du 1er octobre 1980, les différents règlements antérieurs ont été arrêtés par la SPO. La décision affirme uniquement qu'à partir de cette date, ces règlements devaient être approuvés par la SPO, ce que n'ont pas contredit les requérantes qui se sont bornées à exposer que jusqu'en 1987, c'étaient les différentes associations qui arrêtaient ces règlements. Il convient d'ailleurs de relever avec la Commission que la décision n'a fait que reprendre, sur ces points, les éléments que lui avaient fournis les requérantes dans les réponses qu'elles avaient apportées le 19 décembre 1988 aux demandes de renseignements que la Commission leur avait adressées (duplique, annexe 2). Au surplus, il importe de remarquer que les requérantes n'ont pas contesté qu'à partir du 25 novembre 1980, l'article 4 du Besluit Algemene Bepalingen (décision concernant les dispositions générales) exigeait l'approbation de la SPO pour l'adoption et la mise en application des règlements des différentes requérantes.

211. Force est d'observer, en troisième lieu, qu'à partir du 1er octobre 1980, les différents règlements antérieurs ont bien fait l'objet d'un système de sanction uniforme établi par le code d'honneur et rendu obligatoire pour les membres de la SPO par décision de son assemblée générale à compter de cette date.

212. Il s'ensuit que, dans les circonstances de l'espèce, c'est à bon droit que la décision n'a pas procédé à une analyse distincte du contenu des règlements antérieurs et a considéré qu'ils restreignaient au moins autant la concurrence que les règlements introduits en 1987, qui en étaient la continuation. C'est également à juste titre que la décision a considéré qu'à partir du 1er octobre 1980 les différents règlements avaient été suffisamment uniformisés par le système d'approbation par la SPO et par le système uniforme de sanction pour pouvoir être appréhendés comme un ensemble homogène.

213. Il résulte de tout ce qui précède que la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée.

Troisième branche : absence d'affectation du commerce entre États membres

Arguments des parties

214. Les requérantes soutiennent que, pour que l'article 85 du traité soit applicable à des accords limités au territoire d'un seul État membre, il faut que ceux-ci affectent de manière sensible le commerce entre États membres. Cela supposerait, d'une part, qu'il y ait des échanges entre États membres dans le marché concerné (arrêt de la Cour du 31 mai 1979, Hugin/Commission, 22-78, Rec. p. 1869) et, d'autre part, que ces échanges soient affectés d'une manière négative et tangible par les accords en cause (arrêt de la Cour du 12 mai 1989, Ottung, 320-87, Rec. p. 1177, point 19). En l'espèce, aucune de ces exigences ne serait réunie et l'article 85 du traité ne trouverait donc pas à s'appliquer.

215. En ce qui concerne la première exigence, les requérantes font valoir qu'il ressort notamment de l'étude de M. Hartelust que le commerce entre États membres est presque inexistant sur le marché de la construction, qu'on le considère sous l'angle du nombre de chantiers ou de leur valeur, et qu'il est totalement inexistant dans des marchés de produit déterminés comme ceux de la démolition ou du marquage. Au stade de la réplique, elles ajoutent que la Commission ne saurait se référer à l'arrêt de la Cour du 1er février 1978, Miller/Commission (19-77, Rec. p. 131), pour soutenir qu'il faut non seulement avoir égard aux échanges existants mais également à leur évolution future induite par des modifications législatives ou par d'autres facteurs. En effet, elles estiment que les modifications législatives auxquelles se réfère la Commission n'étaient pas prévisibles au moment où les parties requérantes ont élaboré et appliqué leurs règlements respectifs.

216. En ce qui concerne la seconde exigence, les requérantes estiment, en substance, qu'en l'absence d'échanges ceux-ci ne peuvent être affectés d'une manière négative et tangible par les règlements, à moins que la Commission n'établisse que l'absence d'échanges significatifs est imputable aux règlements. En l'occurrence, la Commission n'en aurait pas apporté la preuve pour la simple raison que l'absence d'échanges est imputable à des facteurs structurels, comme le rayon d'action géographique limité des entreprises, les coûts de transport élevés, le rôle de l'entrepreneur principal, les problèmes liés à la diversité des cahiers de charges (normalisés), des cultures, des goûts, des langues, etc., ainsi qu'au fait que c'est l'adjudicateur qui définit le nombre et la qualité des entrepreneurs qu'il sollicite. De surcroît, la Commission n'aurait pas démontré, pour chacun des règlements antérieurs, qu'il y a eu des échanges internationaux sur chaque marché de produit et sur chacun des marchés géographiques que ces règlements couvraient séparément. A cet égard, elles estiment que la Commission n'est pas en droit de se prévaloir de la théorie de l'effet cumulatif dans la mesure où celle-ci suppose que les différents accords se situent sur le même marché de produit et sur le même marché géographique. Or, elles auraient démontré que chaque secteur constituait un marché distinct (voir, ci-dessus, première branche du moyen). Enfin, il conviendrait de mettre ces règlements en parallèle avec la législation communautaire sur les marchés publics de travaux, qui, en fixant un seuil de 5 millions d'écus (qui est nettement plus élevé que le seuil de 200 000 écus fixé par la directive sur les marchés publics de livraisons), indiquerait que seuls des travaux de construction très importants peuvent induire des échanges internationaux importants.

217. Elles font encore valoir qu'en tout état de cause les règlements n'ont pas pour effet de cloisonner le marché néerlandais puisqu'ils sont indistinctement applicables aux entrepreneurs étrangers et aux entrepreneurs néerlandais, les uns et les autres étant libres de s'y soumettre ou non.

218. Les requérantes contestent le fait que les règlements diminuent le recours à la procédure de l'adjudication ouverte et défavorisent ainsi les entreprises étrangères. En effet, les adjudications ouvertes ne seraient pas plus rares aux Pays-Bas qu'ailleurs et les étrangers n'y participeraient pas plus qu'aux adjudications restreintes.

219. Par ailleurs, elles considèrent que les effets que les règlements exerceraient prétendument sur la demande aux Pays-Bas provenant de maîtres de l'ouvrage établis dans d'autres États membres ne relèvent pas du concept de commerce entre États membres au sens de l'article 85 du traité et qu'en tout état de cause le raisonnement de la Commission repose sur l'idée fausse que les règlements provoquent une augmentation uniforme des prix aux Pays-Bas.

220. Enfin, les requérantes soutiennent que la thèse du prétendu "avantage" concurrentiel dont disposeraient les entreprises néerlandaises lorsqu'elles agissent sur le marché d'autres États membres, grâce aux règlements et plus particulièrement grâce au système d'imputation des frais de calcul, est démentie par la faible rentabilité des entreprises de construction aux Pays-Bas, ainsi que par la comparaison effectuée par le bureau PRC BV Management Consultants (ci-après "PRC") entre, d'une part, le montant des frais généraux augmentés des indemnités pour frais de calcul aux Pays-Bas et, d'autre part, le pourcentage pratiqué au titre des frais généraux dans quatre autres États membres.

221. La Commission répond en se référant aux points 103 à 108 de la décision. Elle ajoute que, loin d'exiger que les règlements évincent les entrepreneurs étrangers du marché néerlandais, la jurisprudence constante de la Cour exigerait uniquement que les règlements soient susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre États membres. Par conséquent, il faudrait tenir compte non seulement du commerce interétatique actuel mais aussi du commerce interétatique potentiel (arrêt Miller/Commission, précité).

222. La Commission considère qu'il est totalement déplacé d'invoquer l'arrêt de la Cour Hugin/Commission, précité, dans la mesure où il s'agissait alors d'atteintes à la concurrence qui, loin de porter sur la totalité du territoire d'un État membre, n'en couvraient qu'une toute petite partie ou étaient d'un tout autre ordre que les présentes réglementations. Or, des accords couvrant la totalité du territoire d'un État membre, comme ce serait le cas en l'espèce, seraient, par leur essence même, de nature à entraîner un cloisonnement du marché national contraire à l'interpénétration économique visée par le traité (arrêt de la Cour du 17 octobre 1972, Vereniging van Cementhandelaren/Commission, 8-72, Rec. p. 977). En effet, de tels accords auraient pour résultat un morcellement du Marché commun en plusieurs marchés nationaux caractérisés par des conditions artificiellement différenciées (arrêt de la Cour du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246-86, Rec. p. 2117). Selon la Commission, il lui appartient, non pas d'établir que les règlements évincent les entrepreneurs étrangers du marché néerlandais de la construction, mais bien, comme elle l'aurait démontré dans la décision, qu'ils modifient radicalement les conditions de concurrence dans lesquelles doivent opérer les entrepreneurs étrangers, tant lorsqu'ils participent au système que lorsqu'ils soumissionnent en dehors de celui-ci. Elle ajoute que cette manière d'affecter le commerce entre États membres était couverte par la communication des griefs (points 98 et suivants) et par la décision (points 106 et suivants).

223. Dans le cas d'espèce, elle estime que le commerce entre États membres est faible mais existe et que l'étude de M. Hartelust n'est pas significative parce qu'elle ne tient pas compte des échanges qui ont lieu en dehors des règlements, qu'elle ne précise pas si elle a porté sur les procès-verbaux de la totalité des réunions tenues en application des règlements et qu'elle ne porte que sur une période limitée allant du 1er janvier 1986 au 1er octobre 1988.

224. Par ailleurs, elle estime que, par le biais du système d'indemnisation pour frais de calcul, les règlements ont pour effet de décourager les adjudicateurs de recourir à la procédure ouverte. Or, la procédure ouverte constituerait le meilleur moyen pour les entrepreneurs étrangers d'avoir accès au marché néerlandais, puisque, dans ce cas, l'identité des offreurs ne serait pas déterminée par l'adjudicateur. La Commission en veut pour preuve la plainte déposée par la municipalité de Rotterdam.

225. La Commission en déduit que les règlements sont bien susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. Elle ajoute qu'il est vain, pour les requérantes, de distinguer selon les périodes et le caractère unifié ou non des réglementations, puisque les règlements antérieurs au 1er avril 1987 avaient un contenu encore plus répréhensible au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité que les règlements actuellement en vigueur. Ils avaient été établis et uniformisés sous l'égide ou sous le contrôle de la SPO et, à partir de 1980, ils faisaient l'objet d'un système uniforme de sanction prévu par le code d'honneur. Par conséquent, il importerait non de savoir si, dans certains secteurs, il y avait ou non des échanges entre les États membres, mais si les règlements, pris dans leur ensemble, sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres (voir, ci-dessus, première branche du moyen).

Appréciation du Tribunal

226. Le Tribunal constate que la Commission a considéré que les règlements affectaient le commerce entre États membres de trois manières différentes : en affectant l'offre provenant des autres États membres (points 103 à 111 de la décision), la demande provenant des autres États membres (point 112) et l'offre des entreprises participantes dans les autres États membres (point 113).

227. Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que la condition relative aux effets sur le commerce entre États membres, figurant aux articles 85 et 86 du traité, a pour but de déterminer le domaine du droit communautaire par rapport à celui du droit des États membres (arrêt de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56-64 et 58-64, Rec. p. 429).

228. Il suffit donc qu'une seule des trois formes d'affectation du commerce entre États membres relevées par la Commission aux points 103 à 113 de la décision soit établie pour que l'article 85 du traité soit applicable aux règlements adoptés par les requérantes.

229. Il importe de rappeler également qu'il ressort d'une jurisprudence constante qu'une entente qui s'étend à l'ensemble du territoire de l'un des États membres a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité(arrêts de la Cour Vereniging van Cementhandelaren/Commission, précité, point 29, et du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42-84, Rec. p. 2545, point 22).

230. En l'espèce, il n'est pas contesté que les règlements introduits en 1987 s'appliquent à l'ensemble du territoire néerlandais. En ce qui concerne les règlements antérieurs, il importe de rappeler qu'ils sont analogues les uns aux autres et que, pris dans leur ensemble, ils couvrent la totalité du territoire néerlandais ainsi que l'entièreté du marché de la construction(voir, ci-dessus, point 81). Par conséquent, aucun de ces règlements ne saurait être examiné séparément des autres au milieu desquels il s'insère, d'autant plus que ces règlements faisaient l'objet de procédures uniformisées de sanction dans le cadre d'une association unique depuis 1980. Les règlements antérieurs doivent ainsi être assimilés aux règlements introduits en 1987 (voir, ci-dessus, points 206 à 212). Tous ces règlements sont, dès lors, par leur nature même, susceptibles d'affecter le commerce entre États membres puisqu'ils modifient les conditions de concurrence aux Pays-Bas en les différenciant artificielement de celles qui prévalent dans d'autres États membres et débouchent ainsi sur un morcellement du Marché commun.

231. En tout état de cause, le Tribunal considère que c'est à bon droit que la Commission a constaté que les règlements sont susceptibles d'avoir une incidence sensible sur l'offre provenant des autres États membres et sur l'offre des entreprises participantes dans les autres États membres.

232. En ce qui concerne l'incidence des règlements sur l'offre provenant des autres États membres, force est de relever avec la Commission que les requérantes elles-mêmes ont indiqué que le système d'indemnisation pour frais de calcul a notamment comme objectif d'inciter les adjudicateurs à peser le pour et le contre de l'appel à un nombre plus ou moins élevé de soumissionnaires puisque, les frais de transaction étant devenus visibles, l'adjudicateur saurait qu'il aura à en supporter le coût. Un tel système aboutirait, sur le plan global, à des coûts de transaction moins élevés. Pour atteindre cet objectif, le système incite les adjudicateurs à mieux centrer leurs appels d'offre et à inviter ainsi un nombre moins élevé de soumissionnaires, en faisant supporter aux adjudicateurs les frais de calcul de l'ensemble des soumissionnaires qu'ils ont invités. Limiter le nombre de soumissionnaires invités par les adjudicateurs n'étant possible que dans le cadre de la procédure restreinte, le système favorise les adjudications restreintes par rapport aux adjudications ouvertes et, parmi les adjudications restreintes, les adjudications les plus restreintes, comme l'indique la plainte de la municipalité de Rotterdam(points 19 et 34 de cette plainte).

233. Or, c'est à bon droit que la Commission considère que la procédure ouverte constitue le moyen par excellence dont disposent les entrepreneurs étrangers pour pénétrer le marché néerlandais.

234. Il s'ensuit qu'à ce titre, les règlements sont susceptibles d'avoir un effet direct ou indirect sur l'offre provenant des autres États membres.

235. Ainsi que le soutient la Commission, les requérantes ne sauraient opposer la faiblesse du commerce entre États membres à cette analyse puisqu'elles ne contestent pas les chiffres produits par la Commission dans la décision qui font apparaître l'existence d'un commerce entre États membres bien réel, même s'il est encore faible. Ainsi, les requérantes ne contestent-elles pas qu'environ 150 entreprises établies dans d'autres États membres adhèrent, d'une manière plus ou moins permanente, aux UPR. Ces entreprises sont établies principalement en Allemagne et en Belgique, et parmi elles figurent toutes les plus grandes entreprises allemandes et belges, les autres étant des entreprises françaises, luxembourgeoises ou italiennes. Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour que les ententes soient interdites par l'article 85, paragraphe 1, du traité, il n'est pas exigé qu'elles affectent sensiblement les échanges entre États membres mais seulement qu'elles soient susceptibles d'avoir un tel effet (arrêt Miller/Commission, précité, point 15). Dès lors qu'un effet potentiel suffit, l'évolution future des échanges peut être prise en considération pour apprécier l'effet de l'entente sur le commerce entre États membres, qu'elle ait été prévisible ou non. Enfin, en ce qui concerne le caractère sensible de cet effet, force est de relever avec la Commission que plus les échanges sont faibles, plus ils sont susceptibles d'être affectés par l'entente.

236. Le Tribunal considère, également, que les requérantes ne sauraient se prévaloir du seuil de 5 millions d'écus établi par la directive 71-305. En effet, ainsi que l'a relevé la Commission dans sa décision (point 105), les objectifs de l'article 85 du traité et ceux de cette directive sont trop différents pour que le seuil établi par cette dernière puisse servir de référence au niveau de l'application de la première disposition. A cet égard, il importe de relever que cette directive a une base juridique étrangère à l'article 85 du traité et qu'elle ne mentionne cette disposition dans aucun de ses considérants. Nul ne saurait dès lors prétendre que le seuil prévu par cette directive doit éclairer la Commission lorsqu'elle applique l'article 85 du traité.

237. En ce qui concerne l'incidence des règlements sur l'offre des entreprises participantes dans les autres États membres, il est incontestable que, par rapport à un ouvrage déterminé, lorsqu'elles opèrent en dehors du champ d'application des règlements, comme c'est le cas en dehors des Pays-Bas, les entreprises membres des requérantes disposent d'avantages par rapport aux entreprises non-membres.

238. A cet égard, la comparaison invoquée par les requérantes est une comparaison globale alors que l'avantage dont disposent les entrepreneurs néerlandais lorsqu'ils opèrent à l'étranger doit être apprécié pour chaque ouvrage. Or, il est incontestable que le système d'imputation des frais de calcul, y compris le fonds de garantie, permet aux membres des requérantes de ne pas intégrer dans leurs frais généraux les frais de calcul supportés pour des soumissions pour lesquelles ils n'ont pas été adjudicataires alors que les entrepreneurs étrangers doivent intégrer ces frais dans leurs frais généraux. Ainsi, pour un marché déterminé, soumissionné hors des Pays-Bas, les membres des requérantes ne doivent-ils intégrer dans leur offre que les frais de calcul générés par ce marché, alors que les autres entrepreneurs doivent y intégrer une part des frais de calcul occasionnés par l'ensemble des soumissions auxquelles ils ont participé sans succès. Ainsi, ils disposent d'un avantage concurrentiel artificiel par rapport aux entrepreneurs concurrents qui exercent l'essentiel de leurs activités dans d'autres États membres. Le commerce entre États membres s'en trouve donc affecté.

239. Les requérantes ne sauraient réfuter la force probante de ces éléments en invoquant la faiblesse des marges bénéficiaires des entreprises de construction néerlandaises, qui serait attestée par une comparaison entre, d'une part, le montant des frais généraux augmentés des indemnités pour frais de calcul aux Pays-Bas et, d'autre part, le pourcentage pratiqué au titre des frais généraux dans quatre autres États membres. En effet, la faible rentabilité des entreprises néerlandaises peut être attribuée à de nombreux facteurs autres que le système d'imputation des frais de calcul.

240. Il s'ensuit que les règlements sont susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre États membres et que cette branche du moyen doit donc être rejetée.

241. Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen ne peut être accueilli.

Deuxième moyen : violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité

Première branche : méconnaissance des caractéristiques du marché et des règles de la charge de la preuve

1. Les caractéristiques du marché

Arguments des parties

242. Les requérantes font valoir qu'il résulte de l'arrêt de la Cour du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer/Commission (45-85, Rec. p. 405, points 14 et 15), que, si le régime communautaire de la concurrence s'applique pleinement au secteur néerlandais de la construction, cela n'implique nullement que le droit communautaire de la concurrence ne permet pas de tenir compte des particularités de certaines branches d'activités économiques. Il appartiendrait à la Commission, dans le cadre de sa compétence pour accorder, conformément à l'article 85, paragraphe 3, du traité, des exemptions aux interdictions prévues par l'article 85, de tenir compte de la nature particulière des différents secteurs économiques et des difficultés propres à ces secteurs. Or, en l'espèce, la Commission aurait omis de tenir compte des caractéristiques particulières du secteur de la construction, comme le fait qu'il s'agit d'un secteur typique de petites et moyennes entreprises, et des difficultés propres à ce secteur, lesquelles auraient justifié l'adoption des règlements notifiés qui seraient typiquement sectoriels.

243. Parmi ces caractéristiques, elles mettent plus particulièrement en exergue le fait que c'est chaque adjudicateur qui définit son produit et que celui-ci ne peut donc être utilisé qu'une seule fois, la nature des entreprises de construction (caractérisées par la relation asymétrique entre la taille de l'entreprise et la taille du chantier ; par les problèmes de continuité ; par l'absence d'économies d'échelle ; par le fait que, dans un même marché de produit, les entreprises de construction sont largement interchangeables ; par l'absence de seuil d'accès pour les opérateurs modestes), le fait que le prix de l'ouvrage doit être fixé à l'avance, que l'élaboration d'une offre suscite des coûts de transaction élevés et, enfin, le fait que le recours à l'adjudication comme mode de passation des marchés risque de conduire à des prix économiquement injustifiés.

244. Les requérantes soutiennent que ces différentes caractéristiques conduisent à des déséquilibres structurels sur le marché entre, d'une part, une demande pour laquelle le marché est entièrement transparent, qui dispose de la faculté de déterminer l'identité des entrepreneurs qui auront accès au marché ainsi que de la faculté d'opposer les unes aux autres les différentes offres qui lui sont soumises, et, d'autre part, une offre pour laquelle le marché n'est pas transparent, qui dépend des choix des adjudicateurs et qui doit supporter des coûts de transaction élevés pour accéder au marché. Ce déséquilibre structurel conduirait à des prix économiquement injustifiés et à une concurrence ruineuse.

245. Selon les requérantes, ce déséquilibre structurel entre l'offre et la demande, attesté par de nombreuses études scientifiques, serait spécialement marquant aux Pays-Bas, d'une part, parce que l'entrepreneur principal y serait responsable, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, de la bonne exécution des travaux, y compris ceux effectués par les sous-traitants, et, d'autre part, parce que la législation néerlandaise n'interdirait pas, de manière aussi rigoureuse que la législation d'autres États membres, à l'adjudicateur d'opposer les unes aux autres les offres formulées par les différents soumissionnaires, pratique qualifiée de "marchandage".

246. Les requérantes font valoir que les règlements sanctionnés ont uniquement pour objet de corriger ce déséquilibre structurel essentiellement en diminuant les frais de transaction exposés par l'offre et en faisant obstacle au marchandage. La faiblesse des marges bénéficiaires observée sur le marché néerlandais de la construction corroborerait cette analyse. Cet objectif serait commun à l'ensemble des acteurs du marché et aux autorités néerlandaises elles-mêmes, parce que, en l'absence des règlements interdits, on assisterait soit à une concurrence ruineuse, soit à des ententes secrètes destinées à corriger ces déséquilibres.

247. Dans leur réplique, les requérantes font valoir que l'ensemble des allégations de la Commission relatives au fonctionnement d'autres marchés de services ou à celui de la construction dans d'autres États membres ne sont fondées sur aucune analyse ni sur aucune enquête effectuée par la Commission et qu'elles sont donc gratuites. La Commission se contenterait de rechercher à un niveau micro-économique dans quelle mesure la liberté d'action des opérateurs serait restreinte et elle assimilerait toute restriction de la liberté d'action à une restriction de la concurrence, alors qu'elle aurait dû examiner les règlements au niveau macro-économique.

248. La Commission admet certes que les caractéristiques du secteur de la construction doivent être prises en considération dans la mesure où elles déterminent le contexte économique et juridique dans lequel doit se situer l'appréciation des règlements litigieux. Toutefois, ces caractéristiques ne sauraient avoir pour conséquence de soustraire totalement ou partiellement ces règlements au champ d'application de l'article 85. Dans ces circonstances, une discussion abstraite des caractéristiques du marché, comme celle à laquelle se livrent les requérantes, serait dépourvue de pertinence.

249. Elle soutient que le secteur de la construction aux Pays-Bas ne diffère ni d'autres secteurs de services ni du secteur de la construction dans d'autres États membres à un point tel qu'il doive être apprécié de façon sensiblement différente au regard de l'article 85 du traité. Par conséquent, le fait que le marché de ces différents secteurs fonctionne correctement en l'absence de règlements du type de ceux qui ont été interdits enlève tout fondement à la thèse selon laquelle les règlements litigieux constituent la nécessaire correction des déséquilibres structurels du secteur néerlandais de la construction.

250. La Commission se réfère, pour le surplus, aux points 71 à 77 de la décision où elle a déjà répondu aux arguments des requérantes.

251. Elle rappelle en particulier, en réponse à l'affirmation selon laquelle le recours à l'adjudication comme mode de passation des marchés conduirait à un niveau de prix économiquement injustifié, qu'il n'existe pas de niveau de prix économiquement justifié en raison du fait que le prix de revient global de chaque entreprise est différent et qu'il varie selon les circonstances. Dans certaines circonstances, il serait, en effet, économiquement justifié de pratiquer des prix inférieurs au coût moyen pour amortir les coûts fixes.

252. Enfin, la Commission fait valoir qu'il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir accordé d'attention à la dimension macro-économique des règlements. En effet, pour obtenir une exemption, il appartiendrait aux requérantes d'établir notamment que les règlements contribuent concrètement à améliorer la production, la distribution ou à promouvoir le progrès technique ou économique. Dans cette perspective, invoquer des progrès macro-économiques, dont il n'est nullement établi qu'ils sont attribuables aux règlements, ne saurait suffire.

Appréciation du Tribunal

253. Le Tribunal rappelle qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour qu'il appartient à la Commission, dans le cadre de sa compétence pour accorder, conformément à l'article 85, paragraphe 3, du traité, des exemptions aux interdictions prévues par l'article 85, paragraphe 1, du traité, de tenir compte de la nature particulière des différents secteurs économiques et des difficultés propres à ces secteurs (arrêt Verband der Sachversicherer/Commission, précité, point 15).

254. En l'espèce, les requérantes font grief à la Commission d'avoir procédé à une analyse micro-économique des règlements, alors que ceux-ci auraient pour objet de corriger des déséquilibres existant au niveau macro-économique entre l'offre et la demande en raison des caractéristiques des entreprises agissant dans ce secteur, des caractéristiques des produits en cause, et des insuffisances de la législation néerlandaise qui rendrait l'entrepreneur principal responsable et ne permettrait pas de lutter efficacement contre le marchandage.

255. Le Tribunal constate que la Commission a pris acte, dans sa décision, des cactéristiques du marché décrites par les requérantes (points 71 à 77), mais qu'elle a considéré que ces caractéristiques ne justifiaient pas une exemption (points 115 à 128). C'est donc lors de l'examen du rejet de la demande d'exemption que les requérantes avaient introduite au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité en faveur des règlements en cause, que leur argumentation relative aux caractéristiques du marché devra être prise en compte.

256. Au surplus, il convient de relever que c'est à bon droit que la Commission s'est référée, sans être contredite par les requérantes, au fait qu'il n'existe pas de règlements analogues à ceux qui font l'objet de la présente procédure ni dans d'autres secteurs de services dont les caractéristiques sont proches de celles du marché de la construction ni dans le secteur de la construction d'autres États membres. C'est à juste titre également que la Commission a refusé d'admettre, comme le voulaient les requérantes, que des ententes étaient inévitables dans le secteur de la construction. En effet, on ne saurait justifier l'octroi d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité en affirmant que, si l'on n'octroie pas une exemption à l'entente notifiée, d'autres ententes plus graves encore se constitueront. De même, on ne saurait accepter que des entreprises pallient les effets d'une législation qu'elles considèrent excessivement favorable aux consommateurs par la conclusion d'ententes ayant pour objet de corriger les avantages conférés par cette législation aux consommateurs sous prétexte que celle-ci crée un déséquilibre à leur détriment.

257. Il résulte de ce qui précède que l'argumentation des requérantes relative à la prise en compte insuffisante des caractéristiques du marché par la Commission doit être rejetée dans la mesure où les requérantes lui attribuent une portée autonome par rapport à la deuxième branche du présent moyen.

2. La charge de la preuve

Arguments des parties

258. A titre liminaire, les requérantes font valoir que, eu égard à l'ensemble des faits qu'elles ont porté à la connaissance de la Commission en vue d'obtenir l'exemption demandée, celle-ci ne pouvait pas se contenter de réfuter simplement leurs arguments et devait démontrer qu'une exemption ne se justifiait pas au niveau économique. Ainsi aurait-elle dû notamment démontrer que, sans les règlements, le marché néerlandais de la construction fonctionnerait mieux ou indiquer ce qu'elle considère comme acceptable dans les règlements.

259. Elles soutiennent, en outre, que la Commission aurait dû discuter avec elles les avantages et les inconvénients des règlements sur le plan économique, au lieu d'écarter a priori toute justification économique. En l'espèce, la Commission n'aurait pas satisfait à l'obligation qui lui incombe en vertu de la jurisprudence de prêter son concours actif à l'obtention d'une exemption (arrêt Consten et Grundig/Commission, précité).

260. La Commission répond que, selon la jurisprudence constante de la Cour, il appartient avant tout aux entreprises de la convaincre, sur la base de preuves documentaires, du caractère justifié d'une exemption. La coopération à laquelle peuvent prétendre les entreprises de la part de la Commission consisterait dans un examen des arguments que les entreprises apportent à l'appui de leur demande d'exemption (voir l'arrêt Consten et Grundig/Commission, précité, p. 449 et 521). Cette coopération n'impliquerait pas pour la Commission l'obligation de proposer d'autres solutions. A fortiori ne pourrait-on pas exiger de la Commission qu'elle démontre qu'une exemption n'est pas justifiée ni qu'elle indique ce qu'elle considère comme acceptable.

261. La Commission rappelle que les règlements forment un tout, comme les requérantes elles-mêmes n'ont cessé de le souligner. C'est pourquoi elle estime que, si certains aspects des règlements litigieux avaient satisfait aux conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité, elle n'aurait pu les exempter séparément. Dans ces circonstances, il ne pouvait être question d'une exemption conditionnelle.

Appréciation du Tribunal

262. Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, qu'il résulte d'une jurisprudence constante qu'il appartient aux entreprises demandant le bénéfice d'une exemption, au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, d'établir sur la base de preuves documentaires, le caractère justifié d'une exemption. Dans cette perspective, il ne saurait être fait grief à la Commission de n'avoir pas proposé d'autres solutions ni indiqué ce qu'elle considérerait comme justifiant l'octroi d'une exemption (voir l'arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43-82 et 63-82, Rec. p. 19, point 52). Il appartient uniquement à la Commission, au titre de son obligation de motivation, de mentionner les éléments de fait et de droit et les considérations qui l'ont amenée à prendre une décision rejetant la demande d'exemption, sans que les requérantes puissent exiger qu'elle discute tous les points de fait et de droit qu'elles ont soulevés au cours de la procédure administrative (arrêt Remia e.a./Commission, précité, points 26 et 44).

263. Il s'ensuit qu'il appartient aux requérantes d'établir, en l'espèce, que la Commission a commis une erreur de droit ou de fait en refusant de lui octroyer une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

264. A cet égard, il importe de souligner qu'au cours de la procédure administrative les requérantes ont souligné à maintes reprises que les règlements constituaient un tout cohérent qui devait faire l'objet d'une exemption comme tel. Dans cette perspective, c'est à bon droit que la Commission s'est bornée dans sa décision à examiner si les deux éléments qui se trouvent au centre des règlements et qui ont spécifiquement pour objet de corriger les prétendus déséquilibres macro-économiques du marché, à savoir la protection de l'ayant droit et l'indemnisation pour frais de calcul, satisfaisaient ou non aux quatre conditions d'octroi d'une exemption fixées par l'article 85, paragraphe 3, du traité.

265. Il s'ensuit que la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

Deuxième branche : méconnaissance des conditions d'octroi d'une exemption

266. Le Tribunal considère qu'il y a lieu d'examiner, en premier lieu, si les règlements contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte et, en second lieu, si les règlements imposent aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs et s'ils donnent à ces entreprises la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause, afin de vérifier si c'est à bon droit que la Commission a refusé d'accorder aux règlements une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

267. Il convient de rappeler, à titre liminaire, que les quatre conditions d'octroi d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité sont cumulatives (voir notamment l'arrêt Consten et Grundig, précité, et l'arrêt du Tribunal du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T-39-92 et T-40-92, Rec. p. II-49, point 110) et qu'il suffit dès lors qu'une seule de ces conditions ne soit pas remplie pour que la décision de rejet de la demande d'exemption introduite par les requérantes doive être confirmée. C'est la raison pour laquelle le Tribunal examinera plus particulièrement si c'est à bon droit que la Commission a considéré que les règlements ne réservaient pas aux utilisateurs une partie équitable du profit résultant des règlements et que les restrictions de concurrence imposées par les règlements aux entrepreneurs n'étaient pas indispensables pour atteindre ces objectifs.

1. La contribution des règlements à l'amélioration de la distribution des produits ou à la promotion du progrès technique ou économique et la partie équitable réservée au consommateur

Arguments des parties

268. En ce qui concerne la contribution des règlements à l'amélioration de la distribution des produits ou à la promotion du progrès technique ou économique, les requérantes rappellent que les règlements incriminés ont, pour l'essentiel, un double objet : d'une part, lutter contre le marchandage résultant de la faiblesse structurelle de l'offre par rapport à la demande et pouvant conduire à une concurrence ruineuse et, d'autre part, améliorer la structure transactionnelle du marché en imputant le plus possible les frais de transaction sur l'ouvrage pour lequel ils ont été exposés. Le mécanisme d'indemnisation pour les frais de calcul institué à cette fin inciterait chaque adjudicateur à peser le pour et le contre de l'appel à un nombre plus ou moins élevé de soumissionnaires et donc à mieux cibler ses appels ainsi qu'à peser le pour et le contre d'un libellé plus ou moins rigoureux de la demande, puisque, les frais de transaction étant devenus visibles, l'adjudicateur saurait qu'il aura à les supporter. Un tel système aboutirait au niveau global à des frais de transaction moins élevés et plus équitablement répartis qu'un système où les frais de transaction imposés par les adjudicateurs aux entrepreneurs sont imputés dans les frais généraux de ces derniers, qui les répercutent de manière aveugle sur l'ensemble de leurs prix, faisant ainsi supporter à tous les adjudicateurs les frais de transaction élevés causés par certains. Les objectifs des règlements seraient communs à l'ensemble des acteurs du marché et aux autorités néerlandaises elles-mêmes, parce qu'en l'absence des règlements interdits on assisterait soit à une concurrence ruineuse soit à des ententes secrètes destinées à corriger ces déséquilibres.

269. Elles considèrent que la Commission a commis une erreur en se bornant à examiner les effets du système d'indemnisation pour frais de calcul au niveau de chaque adjudication prise isolément sans prendre en considération ses effets de réduction des coûts de transaction et donc des prix au niveau macro-économique. La nécessité de procéder à une analyse macro-économique serait corroborée par des études scientifiques qui établiraient, d'une part, que le système ne dissuade pas les adjudicateurs d'organiser des adjudications selon la procédure ouverte - ce que confirmerait le fait que la suspension du système suite à l'ordonnance du président du Tribunal du 16 juillet 1992 n'a pas entraîné une augmentation de ce type d'adjudications - et, d'autre part, que les frais généraux, y compris les frais de soumission, sont égaux ou supérieurs, dans plusieurs États membres proches, aux frais généraux aux Pays-Bas, majorés des indemnisations pour frais de calcul et des contributions aux frais de fonctionnement des organisations professionnelles.

270. Selon les requérantes, le fonctionnement du marché néerlandais de la construction attesterait la réalité des effets bénéfiques des règlements sur la production et le progrès technique et économique. En effet, les analyses économiques montreraient que le marché néerlandais de la construction fonctionne d'une manière, toutes proportions gardées, très efficace et que la productivité de ce secteur connaît une des croissances les plus fortes d'Europe, alors que les coûts, les prix et les marges bénéficiaires pratiqués dans ce secteur comptent parmi les plus faibles d'Europe.

271. Elles soutiennent que c'est en dénaturant ces mécanismes mis en place par les règlements que la Commission a considéré qu'ils ne satisfaisaient pas à la première condition d'octroi d'une exemption. Elles renvoient à cet égard aux critiques qu'elles ont formulées dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen.

272. En ce qui concerne la partie équitable du profit réservée aux utilisateurs, les requérantes soutiennent que le caractère erroné de l'appréciation par la Commission de cette condition est démontré par le fait que les adjudicateurs sont satisfaits du fonctionnement du marché et que le seul adjudicateur à l'avoir critiqué (la municipalité de Rotterdam) accorde la préférence à des ajustements des règlements plutôt qu'à leur interdiction pure et simple. Par essence, le critère de la "partie équitable" n'est pas un critère "fixe", de sorte que l'on pourrait rarement envisager d'en imposer la preuve positive ou négative. C'est précisément sous cet angle que les éléments qui viennent d'être évoqués auraient une grande importance. Au stade de la réplique, les requérantes affirment que, contrairement peut-être aux particuliers, l'intérêt des grands adjudicateurs réside, non pas dans l'exploitation maximale de la structure transactionnelle du marché, qui leur procurerait un avantage à court terme, mais dans l'existence d'une situation saine sur ce marché. C'est pour cela qu'ils seraient unanimement partisans des règlements.

273. Les requérantes soutiennent que, contrairement à ce qu'affirme la Commission, l'étude de PRC aurait démontré qu'un système d'indemnisation pour frais de calcul n'est absolument pas moins efficace qu'un système d'imputation des frais exposés par le soumissionnaire évincé dans ses frais généraux.

274. Elles ajoutent que la Commission méconnaît le fait qu'en fin de compte le maître de l'ouvrage tirerait, lui aussi, avantage d'un système d'adjudication qui conduit à des résultats clairs et nets. En outre, le mécanisme anti-marchandage contribuerait à l'ouverture du marché néerlandais, parce qu'il rendrait plus difficile pour les adjudicateurs de favoriser les entrepreneurs néerlandais au détriment des entrepreneurs étrangers.

275. Les requérantes se réfèrent ici encore à ce qu'elles ont affirmé dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen.

276. Les requérantes concluent que toute cette analyse est corroborée par la faiblesse des marges bénéficiaires des entrepreneurs néerlandais, qui montrerait que le fruit de leur grande productivité est équitablement réparti entre les entrepreneurs et les adjudicateurs.

277. En ce qui concerne la première condition, la Commission répond qu'elle a déjà réfuté les arguments des requérantes relatifs au contenu des règlements dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen.

278. Elle précise que, sans droit de regard sur les indemnisations pour frais de calcul, l'adjudicateur ne pourrait pas, selon la terminologie des requérantes, "peser efficacement le pour et le contre" du recours à l'une ou l'autre technique de passation de marché. En outre, les barèmes annexés aux UPR n'indiqueraient que des maxima et ne permettraient dès lors pas aux adjudicateurs d'évaluer l'ampleur des frais de transaction réellement engendrés.

279. La Commission fait encore valoir que les indemnisations pour frais de calcul peuvent inciter le maître de l'ouvrage à ne pas recourir à l'adjudication ouverte. A cet égard, le fait, invoqué par les requérantes, que l'ordonnance du président du Tribunal du 16 juillet 1992 n'a pas entraîné d'augmentation du nombre d'adjudications ouvertes ne serait pas significatif, eu égard à la durée de la période prise en considération.

280. Elle soutient, en outre, en ce qui concerne la redistribution des indemnisations pour frais de calcul, que l'écart entre les montants perçus par l'adjudicataire, d'une part, et ceux reversés aux autres entrepreneurs, d'autre part, conduit à renforcer la position des entrepreneurs qui ont obtenu des marchés par rapport à ceux qui n'en ont pas obtenus.

281. La Commission ajoute que le rapport de PRC ne démontre pas en quoi le système d'indemnisation pour frais de calcul rend le processus d'adjudication plus efficace dans la mesure où ce rapport a trait au niveau des frais généraux, lequel dépend de tellement de facteurs qu'il est impossible d'en tirer une quelconque conclusion.

282. Par ailleurs, elle fait remarquer que les requérantes n'ont pas établi que les bonnes performances qui caractériseraient le secteur néerlandais de la construction dans son ensemble seraient attribuables aux règlements et conteste que les règlements fonctionnent à la satisfaction de toutes les parties concernées. Elle en veut notamment pour preuve la plainte déposée par la municipalité de Rotterdam et l'intervention de Dennendael BV dans la présente procédure.

283. En ce qui concerne la deuxième condition, la Commission estime que le fait que certains adjudicateurs préfèrent des ajustements des règlements à leur interdiction pure et simple ne suffit pas pour pouvoir affirmer que cette condition serait remplie. L'intervention de Dennendael BV montrerait, elle aussi, que certains adjudicateurs sont très critiques par rapport aux règlements, qui entraîneraient pour eux des majorations importantes et inutiles des coûts.

284. Elle ajoute que le niveau des marges bénéficiaires du secteur néerlandais de la construction dans son ensemble dépend de tant de facteurs qu'il est impossible d'en tirer des conclusions sur le point de savoir si une partie équitable du prétendu profit revient aux utilisateurs.

285. Pour le reste, la Commission renvoie à sa réponse à la deuxième branche du premier moyen.

Appréciation du Tribunal

286. Le Tribunal rappelle que, eu égard au caractère cumulatif des quatre conditions auxquelles l'article 85, paragraphe 3, du traité soumet l'octroi d'une exemption, il concentrera plus particulièrement son analyse sur la condition relative à la partie équitable réservée aux utilisateurs.

287. Il convient de relever que les argumentations respectives des requérantes et de la Commission se situent sur des plans différents. Les requérantes fondent leur argumentation sur une analyse macro-économique des avantages pouvant, à leur avis, résulter des règlements. Elles considèrent, en se référant à des analyses macro-économiques comme celle effectuée par PRC, que les performances du secteur néerlandais de la construction, qui pratiquerait des prix très bas et des marges bénéficiaires très limitées, attestent l'effet bénéfique des règlements. Elles estiment que ces meilleures performances sont la conséquence des règlements, en raison notamment du fait qu'ils permettent d'éviter que des ententes secrètes soient conclues aux Pays-Bas, comme ce serait le cas dans les autres États membres de la Communauté. En revanche, l'argumentation de la Commission se situe sur le plan micro-économique, en ce qu'elle part du point de vue de chaque adjudicateur et analyse les effets qu'ont les règlements sur la situation de celui-ci. Elle estime que cette approche micro-économique est la seule possible parce qu'elle refuse catégoriquement d'admettre, à la différence des requérantes, que les ententes secrètes entre les entrepreneurs sont inévitables dans le secteur de la construction et que les règlements ont le mérite de faire obstacle à de telles ententes. Elle estime, en outre, que les requérantes ne sont pas parvenues à établir l'existence d'un lien entre les règlements et les performances du secteur néerlandais de la construction, celles-ci pouvant être attribuées à d'autres facteurs.

288. Face à ces approches différentes des règlements qui conduisent à des jugements divergents quant à la question de savoir si ceux-ci peuvent bénéficier d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, il importe de rappeler que le contrôle exercé par le Tribunal sur les appréciations économiques complexes effectuées par la Commission dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère l'article 85, paragraphe 3, du traité à l'égard de chacune des quatre conditions qu'il contient doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l'exactitude matérielle des faits, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir (voir l'arrêt de la Cour du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds/Commission, 142-84 et 156-84, Rec. p. 4487, point 62, et l'arrêt CB et Europay/Commission, précité, point 109).

289. En l'espèce, il incombe donc au Tribunal de vérifier si les faits sur lesquels la Commission a fondé sa décision de rejet de la demande d'exemption sont exacts sur le plan matériel et si la Commission n'a pas commis d'erreur d'appréciation manifeste en écartant l'approche macro-économique proposée par les requérantes pour adopter une approche micro-économique des règlements.

290. A cet égard, le Tribunal constate, en premier lieu, que c'est à bon droit que la Commission a estimé qu'il ne fallait pas prendre comme point de départ de l'analyse des effets des règlements en cause le fait qu'en l'absence de ceux-ci des infractions encore plus graves à l'article 85, paragraphe 1, du traité seraient commises sur le marché néerlandais de la construction, et qu'elle pouvait légitimement considérer que la conclusion d'ententes secrètes n'était pas inévitable.

291. Le Tribunal constate, en second lieu, que c'est également à bon droit que la Commission a estimé que les requérantes ne sont pas parvenues, notamment à l'aide des études macro-économiques qu'elles ont produites, à établir l'existence d'un lien de causalité entre les règlements et les performances du secteur néerlandais de la construction, qui, à les supposer établies, peuvent être attribuées à un grand nombre d'autres facteurs. Ainsi, il ressort de la première étude de PRC (requête, annexe 11, p. 13) que la productivité horaire est très élevée aux Pays-Bas et que les matériaux de construction y sont meilleur marché que dans les pays environnants. Au surplus, il ressort de l'étude datée du 22 janvier 1993 (réplique, annexe 2, p. 22 à 24) que, selon celle-ci, la meilleure manière de comparer l'efficacité de l'organisation du processus de construction est probablement de rapporter les coûts de transaction aux coûts de production de l'entrepreneur. Or, cette étude montre que, de ce point de vue, le marché néerlandais n'est pas plus efficace que le marché français et est moins efficace que le marché belge, marchés sur lesquels il n'existe pas de réglementation analogue aux règlements qui font l'objet de la présente procédure.

292. Face à ces deux éléments, en prenant acte de la déclaration des requérantes qui affirmaient, sur la base de l'analyse macro-économique qu'elles ont proposée, que les règlements auraient eu des effets bénéfiques, et en mettant leur analyse en balance avec une analyse micro-économique fondée sur un examen concret, adjudication par adjudication, des effets pratiques des règlements sur la concurrence (décision, points 76 et 120 à 123), la Commission n'a pas commis d'erreur d'appréciation manifeste.

293. Il importe de souligner, en particulier, que le bien-fondé de l'approche adoptée par la Commission ressort notamment du fait que les requérantes ont signalé à maintes reprises que le mécanisme de protection de l'ayant droit avait pour objet d'empêcher les prix d'atteindre un niveau injustifié, ce qui indique que les requérantes elles-mêmes admettent que cet aspect des règlements vise au maintien des prix à un niveau plus élevé que celui qui résulterait d'une concurrence non affectée par les règlements. Le bénéfice de la lutte contre le marchandage, à la supposer licite, revient donc aux entrepreneurs. En outre, l'adjudicateur ne peut, à cause de ce mécanisme, négocier qu'avec l'ayant droit, alors qu'en l'absence des règlements il aurait pu négocier leur offre tant avec l'ayant droit qu'avec les autres entrepreneurs participant à la réunion.

294. Les requérantes ne sauraient répondre à cela que de telles négociations conduiraient nécessairement à une concurrence ruineuse qui finirait par se retourner contre les adjudicateurs eux-mêmes. En effet, ainsi que l'a fait observer la Commission, il n'est pas possible de distinguer la concurrence normale de la concurrence ruineuse. Toute concurrence est potentiellement ruineuse pour les entreprises les moins efficaces. C'est pourquoi en luttant contre ce qu'elles qualifient de concurrence ruineuse, les requérantes aboutissent nécessairement à restreindre la concurrence et donc à priver les consommateurs de ses bénéfices.

295. De même, il importe de souligner que la limitation des frais de transaction alléguée profite presque exclusivement aux entrepreneurs. En effet, en les faisant entièrement supporter par l'adjudicateur, le système mis en place permet une diminution des frais de transaction, qui, à défaut, devraient être supportés par les entrepreneurs, notamment lorsqu'un marché leur échappe. Par conséquent, il s'agit d'un transfert de coût de l'offre vers la demande. S'il est vrai que ce transfert de coût n'est pas totalement dépourvu de justification économique dans la mesure où l'importance des frais de transaction est liée notamment au nombre d'entrepreneurs convoqués par l'adjudicateur, qui est donc le seul à pouvoir les limiter, il n'en reste pas moins qu'une telle limitation des frais de transaction suppose de l'adjudicateur qu'il limite le nombre d'entrepreneurs qu'il consulte, ce qui constitue une limitation de son choix et donc de la concurrence. Même si cette limitation peut conduire à une diminution des frais de transaction de l'adjudicateur dans la mesure où celui-ci doit examiner un moins grand nombre d'offres, ce bénéfice apparaît bien faible par rapport aux inconvénients qu'il doit supporter et par rapport au bénéfice que retirent les entrepreneurs de ce système.

296. Par ailleurs, le bénéfice que les adjudicateurs seraient censés tirer du fait que les entrepreneurs ne doivent plus imputer dans leurs frais généraux les frais de calcul qu'ils ont eu à supporter pour tous les marchés qui ne leur ont pas été attribués, permet de compenser l'inconvénient qui résulte pour eux de devoir supporter les indemnités pour frais de calcul uniquement pour ceux d'entre eux qui passent régulièrement un grand nombre de marchés dans le cadre des règlements. En effet, l'adjudicateur qui ne passe que rarement des marchés doit nécessairement payer des indemnités pour frais de calcul qui dépassent largement le bénéfice qu'il peut retirer du fait que, grâce au système, l'entrepreneur adjudicataire a pu diminuer ses frais généraux et donc le montant de son offre de prix. En outre, ce système a pour conséquence que des adjudicateurs qui éprouvent le besoin de solliciter un grand nombre d'entrepreneurs doivent nécessairement payer des indemnités pour frais de calcul qui dépassent largement les frais qu'ils auraient eu à supporter en l'absence de ce système.

297. Il convient, en outre, de rappeler que c'est à bon droit que la Commission a considéré que ce système diminue le recours aux adjudications ouvertes (voir, ci-dessus, point 232) et que la période qui a suivi l'ordonnance du président du Tribunal n'était pas significative.

298. Par conséquent, le système d'indemnisation pour frais de calcul, même s'il devait entraîner une diminution globale des frais de transaction sur le marché, ne permet pas une répartition équitable de cette diminution entre les entrepreneurs et l'adjudicateur.

299. Contrairement à ce qu'affirment les requérantes, leur point de vue n'est pas partagé par l'ensemble des acteurs sur le marché. En effet, il ressort très clairement de la plainte formulée auprès de la Commission par la municipalité de Rotterdam que celle-ci s'oppose au maintien du régime d'indemnisation pour frais de calcul tel qu'il est aménagé par les règlements. En particulier, elle insiste sur le fait que le montant des indemnités pour frais de calcul est excessif et que rien ne justifie que ces indemnités soient calculées, non sur la base du chiffre blanc le moins élevé, mais au départ de la moyenne des chiffres blancs soumis par les différents entrepreneurs.

300. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que la Commission a considéré que les règlements, notamment en ce qu'ils prévoient une indemnisation pour frais de calcul supportée par les adjudicateurs et une protection de l'ayant droit contre les négociations que l'adjudicateur pourrait mener avec d'autres entrepreneurs participant à la réunion, ne réservent pas aux utilisateurs une partie équitable du profit qu'ils permettent de dégager.

2. Le caractère indispensable des restrictions et l'absence de possibilité d'éliminer la concurrence

Arguments des parties

301. En ce qui concerne les règlements notifiés, les requérantes soutiennent que les restrictions de concurrence sont indispensables pour atteindre leur objectif, à savoir lutter contre le "marchandage" et améliorer l'efficacité de la structure transactionnelle du marché. Elles rappellent que la Commission méconnaît la portée du mécanisme de protection de l'ayant droit et du mécanisme de l'indemnisation pour frais de calcul ainsi que le rôle du fonds de garantie. Elles estiment normal que le premier ne joue que dans le cas d'offres comparables et que le point 125 de la décision est donc erroné. En ce qui concerne le second, le caractère forfaitaire et global de l'indemnisation serait précisément ce qui permet de promouvoir la concurrence, à la différence d'un système d'indemnisation individualisée, qui, en outre, serait impraticable, contrairement à ce qui est affirmé au point 126 de la décision. Le règlement relatif à la sous-traitance ne corroborerait pas non plus la thèse de la Commission.

302. Par ailleurs, les requérantes rappellent qu'elles avaient fait savoir à la Commission qu'elles étaient disposées à discuter avec elle de la nécessité des différents éléments des règlements et qu'elles avaient, à cet égard, formulé une série de propositions de modifications qui portaient sur des points essentiels du système. En réponse à ces propositions, la Commission aurait laissé entendre qu'elle avait l'intention d'interdire intégralement les règlements, rendant ainsi vaine toute discussion sur le caractère indispensable de certains de leurs aspects. En refusant de discuter de ces propositions, la Commission aurait commis une erreur d'appréciation de la condition relative au caractère indispensable des restrictions de la concurrence constatées.

303. Elles soutiennent, contre la Commission, que les propositions de modifications formulées par la SPO peuvent faire l'objet de la présente procédure. En effet, compte tenu des circonstances du cas d'espèce, c'est l'ensemble du comportement que la Commission a adopté dans le cadre de la procédure administrative qui devrait être soumis à l'appréciation du Tribunal, sans quoi les droits de la défense des requérantes seraient violés. Il s'agirait, en effet, du seul moyen de soumettre à l'appréciation du Tribunal la légalité du rejet des propositions de modifications formulées par la SPO, puisque les requérantes ne pouvaient introduire de recours au titre de l'article 173 du traité contre les différentes lettres administratives portant rejet de ces propositions (voir l'arrêt du Tribunal du 13 décembre 1990, Vereniging Prodifarma e.a./Commission, T-116-89, Rec. p. II-843).

304. Les requérantes ajoutent que, compte tenu des circonstances du cas d'espèce, il ne saurait leur être fait grief de ne pas avoir transposé ces modifications dans les règlements et de ne pas avoir modifié formellement la notification des règlements. En effet, l'ampleur des conséquences de ces modifications pour l'organisation de la SPO ainsi que pour son personnel était telle qu'il n'était ni rationnel ni possible d'élaborer des UPR totalement modifiés avant d'avoir obtenu l'approbation de la Commission, du moins sur les grandes lignes. En outre, la SPO aurait expressément soumis ces propositions à la Commission dans le cadre de sa notification du 13 janvier 1988, faisant savoir qu'elle était disposée à modifier les règlements notifiés dans le sens des propositions dès l'instant où la Commission donnerait son feu vert à cet effet.

305. Elles expliquent ensuite en quoi leurs propositions de modification des règlements étaient de nature à satisfaire aux exigences de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

306. Les requérantes concluent que ces modifications supprimaient toute possibilité - théorique - pour les entrepreneurs de fausser la concurrence.

307. La Commission répond, en ce qui concerne les règlements notifiés, en renvoyant au contenu de la décision (points 124 à 128) et à la réfutation de la deuxième branche du premier moyen. Elle répète en particulier qu'un système dans lequel tous les soumissionnaires perçoivent une indemnisation supportée par le maître de l'ouvrage ne contribue pas à l'efficacité du processus d'adjudication. Elle ajoute que les versements effectués par le fonds de garantie, lorsque le marché a été attribué à un outsider, procurent aux soumissionnaires membres de la SPO une défense mutuelle contre les outsiders.

308. Elle répond, en ce qui concerne les propositions de modification des règlements qui ont fait l'objet d'une concertation avec ses services, que ces propositions n'étaient pas susceptibles de remédier aux griefs qu'elle avait formulés à l'encontre des règlements. C'est pourquoi elles auraient été rejetées par les services de la Commission.

309. La Commission ajoute que les requérantes n'ayant pas introduit les modifications proposées dans les règlements et n'ayant pas non plus modifié la notification de ceux-ci, il n'existait pas, pour la Commission, de motif d'examiner les propositions de modifications dans la décision. Par conséquent, la décision porterait exclusivement sur les règlements dans la forme qu'ils revêtaient au moment de la décision et non sur les propositions de modifications formulées par les requérantes. Dans ce cadre, les propositions de modifications seraient dépourvues de toute pertinence (voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 1992, Publishers Association/Commission, T-66-89, Rec. p. II-1995, point 90). Ce faisant, la Commission n'aurait pas privé les requérantes de voie de recours contre le rejet de leurs propositions de modifications puisqu'il leur aurait suffi d'introduire lesdites modifications dans les règlements ou de modifier la notification pour que la Commission soit contrainte de se prononcer sur elles, sous peine d'y être contrainte par un recours en carence (voir l'arrêt du Tribunal du 12 juillet 1991, Peugeot/Commission, T-23-90, Rec. p. II-653). La modification de la notification serait indispensable parce que seuls des accords effectivement notifiés pourraient faire l'objet d'une exemption. Elle précise que les requérantes auraient pu se contenter de modifier la notification sans mettre en œuvre immédiatement les modifications proposées, dans la mesure où leur mise en œuvre se heurtait à des difficultés d'ordre pratique.

Appréciation du Tribunal

310. Le Tribunal constate, à titre surabondant eu égard au fait que les règlements ne réservent pas une partie équitable du profit aux utilisateurs, que les restrictions de concurrence induites par les règlements ne sont pas non plus indispensables pour atteindre les objectifs assignés à ceux-ci par les requérantes, à savoir améliorer la structure transactionnelle du marché en limitant les frais de transaction et lutter contre le marchandage qui susciterait une concurrence ruineuse. C'est, en effet, à bon droit que la Commission a considéré que les graves restrictions de concurrence qu'elle avait constatées n'étaient pas indispensables pour atteindre les objectifs poursuivis par les règlements.

311. A cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que le fait que l'ensemble du processus devant conduire à la désignation d'un ayant droit se déroule en l'absence de l'adjudicateur, n'apparaît nullement indispensable pour atteindre ces objectifs. En effet, c'est l'adjudicateur lui-même qui est le mieux placé pour porter avec les entrepreneurs un jugement sur la comparabilité de leurs offres de prix, pour s'assurer que les informations échangées au cours de la réunion ne portent pas atteinte à la concurrence et pour éviter que les prix soumis par les différents entrepreneurs ne soient modifiés afin d'accroître l'avantage concurrentiel des uns ou de diminuer le désavantage concurrentiel des autres.

312. En second lieu, il convient de relever que le fait que, dans le cadre du règlement relatif à la sous-traitance, seuls les sous-traitants qui ont remis une offre à l'entrepreneur principal qui a été désigné comme adjudicataire bénéficient d'une indemnité pour frais de calcul, indique que les requérantes elles-mêmes ne considèrent pas qu'il est indispensable, pour améliorer la structure transactionnelle du marché, d'imputer à chaque maître de l'ouvrage l'ensemble des frais de calcul auxquels son appel d'offres a donné lieu. En outre, les requérantes n'ont pas été en mesure d'établir que le montant des indemnités pour frais de calcul correspondait globalement aux frais réellement encourus par la moyenne des entrepreneurs. Dans cette perspective, il convient de relever que les différentes bases de calcul de ces indemnités apparaissent très élevées, comme la municipalité de Rotterdam l'a souligné dans sa plainte. Par ailleurs, le fait que les barèmes appliqués pour le calcul de l'indemnité pour frais de calcul constituent des maxima qui ne sont pas toujours atteints, alors que l'adjudicateur n'est pas informé du barème qui a été appliqué et n'a aucun recours contre l'application du barème maximal, montre que rien n'est fait dans les règlements pour assurer que l'indemnité pour frais de calcul ne dépassera pas ce qui est indispensable pour couvrir les frais de transaction des différents entrepreneurs.

313. En ce qui concerne la protection de l'ayant droit, le Tribunal rappelle qu'elle intervient à la suite d'une concertation entre les entrepreneurs désirant soumissionner, concertation dont est exclu l'adjudicateur et qui substitue des décisions communes des seuls entrepreneurs au choix de l'adjudicateur.

314. Il résulte de ce qui précède que les restrictions de concurrence que contiennent les règlements notifiés par les requérantes à la Commission ne sont pas indispensables pour atteindre les objectifs poursuivis par ceux-ci.

315. Il s'ensuit que les griefs que les requérantes ont formulés à cet égard doivent être rejetés.

316. Par ailleurs, le Tribunal considère que c'est à bon droit que la Commission n'a pas statué dans la décision attaquée sur les propositions de modifications formulées par les requérantes dans le cadre des discussions qu'elles ont eues entre avril 1991 et janvier 1992 avec la Commission, dans la mesure où les requérantes n'avaient pas retiré leur première notification ni formellement notifié ces modifications à la Commission. Par conséquent, la Commission restait obligée de statuer sur les règlements tels qu'ils avaient été notifiés et n'avait pas, en l'absence de notification formelle, compétence pour statuer sur la compatibilité des propositions de modifications avec l'article 85, paragraphe 3, du traité.

317. Il s'ensuit que les requérantes ne sauraient faire grief à la Commission de n'avoir statué que sur les règlements tels qu'ils lui ont été notifiés.

318. Ainsi que l'a fait observer la Commission, cette solution ne prive pas les requérantes de voie de recours pour faire apprécier la conformité avec l'article 85, paragraphe 3, du traité du rejet informel de leurs propositions de modifications que leur a opposé la Commission. En effet, si les requérantes avaient voulu faire sanctionner ce rejet par le Tribunal, il leur aurait suffi d'introduire lesdites modifications dans les règlements et de notifier ceux-ci à nouveau ou de modifier la notification. Si, en présence de telles notifications, la Commission s'abstenait de statuer, les requérantes seraient en mesure de contraindre celle-ci de mettre fin à son silence par l'introduction d'un recours en carence (arrêt Peugeot/Commission, précité).

319. Les requérantes ne sauraient pas non plus se prévaloir du fait qu'une modification immédiate des règlements aurait eu des conséquences excessivement importantes sur leur fonctionnement et qu'elles ne pouvaient donc pas procéder à une telle modification sans garantie d'obtenir une exemption de la part de la Commission. En effet, pour que la Commission soit tenue de statuer sur les propositions de modifications présentées par les requérantes, il ne faut pas nécessairement que celles-ci les fassent effectivement entrer en vigueur, mais il faut uniquement qu'elles les adoptent et les notifient formellement à la Commission.

320. Il résulte de ce qui précède que, eu égard au caractère cumulatif des quatre conditions d'octroi d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen invoqué par les requérantes, sans qu'il soit besoin d'examiner si la quatrième condition est remplie.

Troisième branche : violation des principes de proportionnalité et de subsidiarité

Arguments des parties

321. Les requérantes soulignent que, en refusant d'exempter les règlements au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, la Commission a méconnu les principes de proportionnalité et de subsidiarité.

322. En ce qui concerne le principe de proportionnalité, elles font valoir que, en refusant d'accorder une exemption aux règlements et en interdisant ainsi purement et simplement ceux-ci, la Commission a dépassé ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du traité, voire même a abouti à un résultat contraire à ces objectifs, compte tenu des caractéristiques du secteur en cause. Elles en veulent pour preuve les prises de position des différents acteurs du marché qui se seraient tous opposés à une interdiction pure et simple des règlements. En défendant une vision rigide et abstraite de la concurrence, empêchant toute mesure de régulation de la concurrence sur un marché, la Commission aurait méconnu le principe de proportionnalité, qui exige que la Commission promeuve une "concurrence efficace". Par ailleurs, la Commission aurait méconnu le principe de proportionnalité en n'envisageant même pas la possibilité d'accorder une exemption assortie de conditions ou une exemption à durée limitée, assortie d'une obligation d'établir des rapports. La Commission aurait également méconnu le principe de proportionnalité en ne limitant pas son intervention à ce qui est strictement nécessaire pour assurer le libre accès au marché néerlandais de la construction pour les opérateurs établis dans d'autres États membres. La Commission se devait d'intervenir avec d'autant plus de retenue qu'il s'agit, en l'espèce, d'un seul marché national pour lequel la politique de concurrence à suivre serait étroitement liée à la politique de l'aménagement, qui est un domaine qui échappe à la compétence de la Commission.

323. Quant au principe de subsidiarité, les requérantes exposent que, en raison de leur expérience du marché néerlandais de la construction, les autorités néerlandaises étaient beaucoup mieux placées que la Commission pour appliquer le droit de la concurrence aux règlements en cause. A cet égard, elles précisent qu'il ne saurait être fait grief aux autorités néerlandaises de ne pas être intervenues pour préserver la concurrence puisqu'elles ont interdit certains aspects des règlements qu'elles jugeaient contraires au droit national de la concurrence.

324. Elles ajoutent, enfin, qu'il appartient au juge de sanctionner les violations du principe de subsidiarité et que, eu égard au fait que, selon la Commission elle-même, ce principe existait implicitement avant son inscription explicite à l'article 3 B, deuxième alinéa, du traité CE, la Commission ne saurait prétendre qu'une décision, parce qu'elle est antérieure à l'entrée en vigueur du traité sur l'Union européenne, qui a introduit cette disposition, ne peut être contrôlée au regard de ce principe.

325. La Commission répond que, par ce moyen du recours, les requérantes contestent l'opportunité de la décision et que ce moyen est inopérant dès lors que ses appréciations au regard de l'article 85, paragraphes 1 et 3, sont légales.

326. Quant à la violation du principe de subsidiarité, la Commission fait valoir que, dans l'état actuel des choses, le principe de subsidiarité n'appartient pas aux principes généraux de droit au regard desquels la légalité des actes communautaires antérieurs à l'entrée en vigueur du traité sur l'Union européenne doit être appréciée.

Appréciation du Tribunal

327. Le Tribunal considère que, dès lors qu'il a constaté que c'était à bon droit que la Commission avait considéré que les règlements notifiés ne remplissaient pas les deuxième et troisième conditions nécessaires à l'octroi d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, il ne saurait être question d'une violation du principe de proportionnalité. Tel est d'autant plus le cas que, au cours de la procédure administrative et de la procédure devant le Tribunal, les requérantes ont insisté sur le fait que les règlements constituent un tout dont les différents éléments ne sauraient être artificiellement isolés.

328. Par ailleurs, les arguments invoqués par les requérantes pour contester l'opportunité de la décision sont fondés, ainsi que l'a relevé la Commission, sur l'idée inexacte que l'ensemble des acteurs du marché sont favorables au maintien des règlements, alors que tant la municipalité de Rotterdam que les organisations de consommateurs ont estimé qu'ils devaient être substantiellement modifiés pour pouvoir bénéficier d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

329. Il résulte de ce qui précède que le grief des requérantes relatif à la violation du principe de proportionnalité doit être rejeté.

330. En ce qui concerne la violation du principe de subsidiarité, le Tribunal constate que l'article 3 B, deuxième alinéa, du traité CE n'était pas encore entré en vigueur au moment de l'adoption de la décision et qu'il ne doit pas se voir conférer une portée rétroactive.

331. En outre, il importe de souligner que, contrairement à ce qu'affirment les requérantes, le principe de subsidiarité ne constituait pas, avant l'entrée en vigueur du traité sur l'Union européenne, un principe général de droit au regard duquel devait être contrôlée la légalité des actes communautaires.

332. Il s'ensuit que le grief des requérantes tiré de la violation du principe de subsidiarité doit être rejeté.

333. Il résulte de tout ce qui précède que le deuxième moyen des requérantes, tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité doit être rejeté.

Troisième moyen : violation des articles 4, paragraphe 2, sous 1), et 15, paragraphe 2, du règlement n° 17

Première branche : absence d'infraction et immunité d'amendes

Arguments des parties

334. Les requérantes rappellent qu'elles ont démontré dans le cadre de leur premier moyen qu'elles n'avaient pas commis d'infraction. Elles estiment donc que, s'il est fait droit à ce moyen, l'amende qui leur a été infligée doit être annulée.

335. Elles soutiennent, en outre, que, en considérant que les règlements antérieurs étaient soumis à l'obligation de notification prévue par le paragraphe 1er de l'article 4 du règlement n° 17, la Commission a violé le paragraphe 2, sous 1), de cette disposition. Les règlements étant des décisions d'associations d'entreprises, ils auraient été dispensés de notification puisque les membres de l'association en cause appartiennent tous au même État membre à une seule exception près (la ZNAV), aucun entrepreneur étranger n'ayant jamais été membre de l'une de ces associations pendant la période en cause.

336. Les requérantes font valoir, à titre subsidiaire, que, s'il faut retenir le critère de la participation aux règlements, comme le prétend la Commission, aucun entrepreneur étranger n'a participé à trois règlements au moins pendant la période en cause et que, pour les autres, la Commission n'a pas établi qu'il en était autrement et encore moins qu'il en était autrement pour toute la période.

337. Elles soutiennent que, compte tenu de l'applicabilité de l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission ne pourrait leur faire grief de ne pas avoir notifié les règlements antérieurs. Les requérantes auraient pu, en effet, raisonnablement considérer que l'absence de notification ne supprimait pas la possibilité d'accorder une exemption. Pour pouvoir justifier des amendes au regard de l'article 4, paragraphe 2, la Commission aurait dû à tout le moins démontrer que chacune des requérantes aurait dû se rendre compte depuis de nombreuses années que les règlements antérieurs n'auraient jamais pu bénéficier d'exemptions. Elle ne serait pas parvenue à le démontrer.

338. La Commission commence par rappeler qu'elle a établi à suffisance de droit l'existence d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

339. En ce qui concerne la violation de l'article 4, paragraphe 2, sous 1), du règlement n° 17, elle précise que l'argumentation des requérantes est dépourvue de pertinence pour autant que les amendes portent sur la période allant du 1er avril 1987 au 13 janvier 1988.

340. La Commission ajoute que, à supposer même, quod non, que les règlements antérieurs ne devaient pas être notifiés, l'article 4, paragraphe 2, sous 1), du règlement n° 17 ne confère aucune immunité d'amendes puisque les règlements antérieurs n'auraient jamais pu bénéficier d'une exemption dès lors qu'ils comportaient des restrictions de la concurrence encore plus graves que les UPR auxquels une exemption a également été refusée.

341. La Commission rappelle, enfin, que la dispense de notification prévue par l'article 4, paragraphe 2, sous 1), du règlement n° 17 n'implique pas qu'aucune amende ne puisse être infligée pour sanctionner l'accord ou la décision en cause.

Appréciation du Tribunal

342. Le Tribunal constate qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que l'interdiction d'infliger des amendes prévues par l'article 15, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 17 ne joue que pour des accords effectivement notifiés et non pour des accords dispensés de notification en vertu de l'article 4, paragraphe 2, sous 1), de ce règlement (arrêt de la Cour du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission, 240-82 à 242-82, 261-82, 262-82, 268-82 et 269-82, Rec. p. 3831, points 73 à 78).

343. Par conséquent, même si les règlements antérieurs étaient couverts par l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission pouvait infliger des amendes aux requérantes qui les ont appliqués, dès lors que ces règlements n'avaient pas été notifiés.

344. En outre, le Tribunal rappelle que c'est à bon droit que la Commission a considéré que les règlements constituaient une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

345. Il s'ensuit que cette branche du moyen doit être rejetée.

Deuxième branche : absence d'intention délibérée ou de négligence

Arguments des parties

346. Les requérantes relèvent que la Commission a affirmé dans la décision qu'elles avaient commis les infractions "de propos délibéré ou, tout au moins, par négligence grave", c'est-à-dire par une négligence pour ainsi dire intentionnelle. Elles font observer que le montant de l'amende a été fixé en fonction de cette appréciation alors qu'il n'y aurait pas eu de négligence et encore moins de négligence grave. La Commission aurait dû démontrer qu'elles savaient ou auraient dû savoir que les règlements relevaient du champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, et ne pouvaient être exemptés au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Elles soutiennent qu'il résulte des deux premiers moyens que, si infraction il y a eu, elle n'était pas évidente et que n'en avoir pas eu conscience ne constituerait pas une négligence.

347. Elles font valoir que différents éléments ont contribué à les maintenir dans la conviction de la légalité des règlements : en premier lieu, les autorités néerlandaises chargées de la concurrence seraient toujours intervenues activement à l'endroit des règlements et leurs interventions se seraient traduites dans l'arrêté royal du 29 décembre 1986, par lequel les UPR auraient à nouveau été expressément entérinés au regard du droit de la concurrence proprement dit ; en deuxième lieu, les scientifiques et les opérateurs intéressés, qui auraient toujours prêté attention aux règlements, n'auraient, eux non plus, jamais exprimé le moindre doute sur la compatibilité des règlements avec le droit communautaire de la concurrence ; certains scientifiques auraient même émis l'avis que les règlements ne restreignaient pas la concurrence ; en troisième lieu, l'attitude des différents acteurs du marché, en particulier du côté de la demande, aurait conforté les requérantes dans leur conviction ; en quatrième lieu, le fait que la Commission n'ait pas formulé d'objections à l'encontre des règlements avant 1987, alors qu'elle en avait connaissance vraisemblablement depuis très longtemps en raison de leur caractère public et certainement depuis 1982 en raison du fait que les règlements avaient fait l'objet d'une procédure préjudicielle devant la Cour dans l'affaire Peters Bauunternehmung (arrêt du 22 mars 1983, 34-82, Rec. p. 987), aurait lui aussi contribué à maintenir les requérantes dans la conviction que les règlements étaient conformes au droit communautaire. A cet égard, les requérantes citent également un rapport de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) de 1976 qui est spécialement consacré à la collusion dans le secteur de la construction. Dans ce rapport, qui n'a pas pu échapper à la Commission, un des règlements antérieurs aux UPR est commenté in extenso.

348. Selon les requérantes, la gravité extrême de l'infraction qu'allègue la Commission s'accommoderait tout aussi mal du fait que le déroulement de la procédure administrative aurait montré que, pendant longtemps, la Commission elle-même n'était pas sûre que les règles européennes de la concurrence s'appliquaient. De surcroît, il ressortirait du mémoire en défense que la Commission aurait elle-même délibérément reporté l'ouverture d'une vérification au travers des contacts qu'elle a eus avec les autorités néerlandaises.

349. Elles ajoutent que, eu égard au fait que la Commission reconnaît elle-même que les amendes ont été infligées au titre des règlements antérieurs, leur raisonnement vaut a fortiori puisque la Commission avait l'obligation de démontrer l'intention délibérée ou la négligence grave pour chacune des associations responsables des règlements sectoriels ou régionaux, alors que ces associations n'avaient pas pu se rendre compte de ce que la condition relative à l'effet négatif sur les échanges intra-communautaires était remplie, puisqu'il n'y avait pratiquement pas d'échanges internationaux sur les marchés géographiques ni sur les marchés de produit auxquels ces règlements se rapportaient.

350. La Commission répond qu'il est indifférent de savoir si c'est délibérément ou non que les requérantes ont transgressé l'interdiction énoncée à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Ce qui importerait, c'est de savoir si les requérantes savaient ou auraient dû savoir que les règlements restreignaient la concurrence et pouvaient affecter le commerce intra-communautaire (voir les arrêts de la Cour Miller/Commission, précité, du 12 juillet 1979, BMW e.a./Commission, 32-78, 36-78 à 82-78, Rec. p. 2435, du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, Rec. p. 3369, Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission, précité, et l'arrêt du Tribunal, du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, T-61-89, Rec. p. II-1931, point 157). En l'espèce, la Commission se demande comment les requérantes auraient pu ignorer qu'un système, comme celui qui fait l'objet de la présente procédure, restreignait la concurrence.

351. Elle réfute ensuite les différents éléments par lesquels les requérantes contestent s'être rendues coupables d'une négligence grave. En premier lieu, les requérantes susciteraient à tort l'impression que les règlements bénéficiaient de l'approbation totale des autorités publiques néerlandaises, alors que certains éléments des règlements antérieurs ont été déclarés non contraignants par l'arrêté royal du 29 décembre 1986 sur la base de l'article 10 de la Wet economische mededinging (loi sur la concurrence économique). Selon l'économie de cette disposition, le fait qu'un règlement concernant la concurrence n'est pas déclaré non contraignant implique tout au plus que les pouvoirs publics considèrent qu'il n'est pas contraire à l'intérêt général. Cette attitude ne signifierait nullement que le règlement concerné ne restreint pas la concurrence. En outre, ses effets sur le commerce entre États membres ne joueraient aucun rôle dans le cadre de cette disposition.

352. En second lieu, elle soutient que les deux scientifiques cités par les requérantes ont estimé que les règlements restreignaient la concurrence. Par ailleurs, les requérantes ne pouvaient croire que les règlements ne pouvaient affecter les échanges intracommunautaires au motif que leur application est limitée au territoire des Pays-Bas (voir également à cet égard l'arrêt Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission, précité, point 65). Même si les autorités néerlandaises avaient, d'une manière quelconque, suscité l'impression que l'article 85 n'était pas applicable en l'espèce, cela n'aurait pas dégagé les requérantes de leur responsabilité.

353. La Commission relève que, si les requérantes avaient effectivement supposé que les règlements pouvaient faire l'objet d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, elles les lui auraient notifiés. Or, elles ne l'ont fait qu'après que la Commission avait entamé son enquête.

354. Elle soutient que, les règlements antérieurs ne lui ayant jamais été notifiés, les requérantes ne peuvent exciper de l'absence d'intervention de la Commission, celle-ci n'étant au courant ni de l'existence ni du contenu de tous ces règlements qui n'avaient jamais été rendus publics. L'arrêt Peters Bauunternehmung, précité, ayant été rendu suite à une question préjudicielle du Hoge Raad der Nederlanden concernant l'interprétation de l'article 5, point 1, de la Convention de Bruxelles par rapport à l'application d'un des règlements litigieux, les aspects liés au droit de la concurrence n'auraient joué aucun rôle.

355. La Commission ajoute qu'il est exact qu'elle a adressé une demande de renseignements à la SPO en 1985 et que, après avoir examiné ses réponses à cette demande, la Commission serait convenue avec elle de procéder à une vérification au mois d'avril 1986. Elle en aurait également informé les autorités publiques néerlandaises. Au mois d'avril 1986, le Ministère des Affaires économiques aurait demandé à la Commission de renoncer à la vérification projetée ou, du moins, de reporter celle-ci en raison de l'adoption imminente de l'arrêté royal du 29 décembre 1986. Celui-ci ayant été promulgué le 29 décembre 1986, la Commission aurait à nouveau informé le Ministère des Affaires économiques, au mois de mars 1987, de son intention de procéder à une vérification auprès de la SPO. Cette vérification a eu lieu au mois de juin 1987 et a été suivie d'une vérification auprès de l'une des autres requérantes, au mois de juillet 1987. Les requérantes ne pourraient, en aucun cas, avoir déduit de ces démarches que la Commission estimait à l'époque que les règlements litigieux ne relevaient pas du champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Elle ajoute que les requérantes ne peuvent se prévaloir du fait qu'elle n'a pas fait usage de la faculté dont elle dispose au titre de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 puisque cette disposition aurait pu conduire la Commission à leur infliger des amendes plus sévères.

Appréciation du Tribunal

356. Le Tribunal rappelle à titre liminaire que, ainsi que l'a souligné la Commission, il est de jurisprudence constante que, pour qu'une infraction puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre l'interdiction édictée par l'article 85 du traité ; il suffit qu'elle n'ait pas pu ignorer que la conduite incriminée avait pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence dans le Marché commun (voir l'arrêt de la Cour du 8 février 1990, Tipp-Ex/Commission, C-279-87, Rec. p. I-261, point 29 ; voir également l'arrêt Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, précité, point 157).

357. En l'espèce, eu égard à la gravité des restrictions de concurrence que comportent tant les règlements introduits en 1987 (voir, ci-dessus, points 116 à 123, 140 à 158, 178 à 187, 199 à 205) que les règlements antérieurs (voir, ci-dessus, points 206 à 212), les requérantes ne pouvaient ignorer que les ententes auxquelles elles participaient restreignaient la concurrence.

358. De même, les requérantes ne pouvaient ignorer que les règlements introduits en 1987 et les règlements antérieurs étaient susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. En effet, en leur qualité d'associations d'entreprises, membres d'une association qui couvrait l'ensemble du territoire néerlandais, les requérantes ne pouvaient ignorer que leurs règlements propres, mais approuvés par cette dernière association, s'inscrivaient dans un ensemble plus vaste de règlements qui couvrait l'ensemble du secteur de la construction aux Pays-Bas et que l'effet cumulatif de ces règlements était de nature à affecter le commerce entre États membres (voir, ci-dessus, points 226 à 240). A cet égard, il importe de souligner que la Commission n'a infligé une amende que pour la période au cours de laquelle les différents règlements antérieurs ont été uniformisés sous l'égide de la SPO et soumis à un système de sanction uniforme (voir, ci-dessus, point 206) et pour celle au cours de laquelle les règlements introduits en 1987 n'étaient pas notifiés à la Commission.

359. Dans ces circonstances, les requérantes ne pouvaient avoir aucun doute quant au fait que leurs règlements tombaient sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité. L'attitude relativement bienveillante des autorités néerlandaises à l'égard des règlements aurait dû inciter les requérantes à notifier les règlements à la Commission en vue d'obtenir une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité et de bénéficier de l'immunité d'amende qui est réservée aux ententes notifiées formellement.

360. Les requérantes ne sauraient faire grief à la Commission de ne pas être intervenue plus tôt à l'égard des règlements. En effet, le fait que les règlements étaient publics et qu'ils avaient fait l'objet de nombreux commentaires dans la presse spécialisée ne saurait obliger, en l'absence de plainte formelle, la Commission à entamer une procédure au titre de l'article 85, paragraphe 1, du traité. A ce niveau encore, l'argumentation des requérantes tend à faire grief à la Commission de ne pas avoir agi plus tôt alors que les requérantes disposaient de la faculté de notifier leurs règlements à la Commission afin de bénéficier d'une exemption et d'une immunité d'amendes.

361. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que la Commission a considéré au point 136 de la décision que les infractions commises par les requérantes l'avaient été de propos délibéré ou du moins par négligence grave et qu'elle a donc infligé des amendes.

362. Il résulte de tout ce qui précède que la deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée.

Troisième branche : caractère excessif du montant de l'amende

Arguments des parties

363. A titre plus subsidiaire, les requérantes font valoir que les amendes infligées sont trop élevées compte tenu de la gravité et de la durée des infractions et des plafonds prévus par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

364. En ce qui concerne la gravité, les requérantes soutiennent qu'il résulte de l'ensemble des moyens qu'elles ont invoqués à l'appui de leur recours que, si la Commission a pu déceler une infraction dans les règlements élaborés dans le cadre de la SPO, cette infraction n'a pas la gravité alléguée par la décision. Elles font valoir en particulier, d'une part, que, s'agissant de la première intervention de la Commission dans le secteur de la construction, cette dernière aurait dû s'abstenir d'infliger des amendes, comme elle s'était abstenue d'en infliger pour ce motif dans sa décision 92-521-CEE, du 27 octobre 1992, relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité (IV-33.384 et 33.378 - Distribution des forfaits touristiques lors de la Coupe du monde de football 1990, JO L. 326, p. 31, point 125). D'autre part, elles considèrent que c'est à tort que la Commission a retenu comme circonstance aggravante le fait que les règlements n'ont été notifiés qu'en 1988, d'autant plus qu'avant 1987 ils étaient dispensés de notification en vertu de l'article 4, paragraphe 2, sous 1), du règlement n° 17. Elles ajoutent qu'il est impossible, à la lecture de la décision, de savoir comment la Commission a tenu compte des circonstances atténuantes qu'elle prétend avoir prises en considération. Elles estiment que, eu égard au montant absolu des amendes, il y a tout lieu de penser que la Commission n'a nullement tenu compte de ces circonstances atténuantes.

365. En ce qui concerne la durée des infractions alléguées, elles soutiennent que, si la Commission était intervenue plus tôt contre les règlements, comme elle aurait dû le faire puisqu'elle était au courant de l'existence de ceux-ci, la durée de l'infraction aurait été plus courte. La Commission aurait dû tenir compte de cette passivité inexplicable dans le calcul du montant des amendes, comme l'aurait fait la Cour dans son arrêt du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico et Commercial Solvents/Commission (6-73 et 7-73, Rec. p. 223). Par ailleurs, elles font valoir que la Commission n'a produit aucun élément de preuve ni mené la moindre enquête pour ce qui concerne la période allant de 1980 à 1982, alors qu'elle a pris en considération cette période pour calculer le montant de l'amende.

366. Par ailleurs, les requérantes soutiennent, au stade de la réplique, que les règlements antérieurs repris sous les points IV, V, VI et IX de l'annexe 9 à la décision avaient déjà été abrogés avant la période prise en considération par la Commission dans la décision litigieuse, c'est-à-dire avant 1980. Ce serait donc à tort qu'ils ont fait l'objet de la présente procédure.

367. En ce qui concerne le calcul des amendes, les requérantes soutiennent que la Commission a dépassé le plafond de 10 % du chiffre d'affaires réalisé l'année précédente par les différentes associations d'entreprises et qu'elle a omis de différencier ces amendes en fonction des différents marchés en cause.

368. Enfin, comparant le montant de l'amende que la Commission leur a infligée à celui de l'amende qu'elle a infligée dans sa décision 88-491-CEE, du 26 juillet 1988, relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité (IV-31.379 - Bloemenveilingen Aalsmeer, JO L. 262, p. 27), alors qu'il s'agissait d'une réglementation comptant également plus de 4 100 membres et que l'applicabilité de l'article 85 du traité paraissait plus évidente que dans le cas d'espèce, les requérantes font valoir que la Commission a violé le principe d'égalité de traitement.

369. La Commission répond en renvoyant pour l'essentiel aux points 136, 140 et 141 de la décision. Elle affirme qu'elle n'a pas tenu compte de la tardiveté de la notification comme circonstance aggravante, mais qu'elle a indiqué pourquoi elle ne considérait pas que la notification des règlements en cause constituait une circonstance atténuante, comme elle l'avait jugé dans d'autres espèces. Elle ajoute que les requérantes omettent de prendre en considération dans leur raisonnement le rôle dissuasif que doivent jouer les amendes.

370. Pour ce qui concerne la durée de l'infraction, elle répète qu'elle n'a pu intervenir plus tôt parce qu'elle n'était pas au courant du contenu des réglementations pour les motifs invoqués ci-dessus et que l'invocation par les requérantes de l'arrêt Istituto Chemioterapico et Commercial Solvents, précité, est déplacée. Elle ajoute, pour ce qui concerne la période allant de 1980 à 1982, qu'elle n'avait pas à mener d'enquête distincte puisque les requérantes n'avaient pas allégué que la situation avait été différente pendant cette période.

371. Par ailleurs, la Commission relève que, en alléguant, au stade de la réplique, que différents règlements antérieurs avaient été abrogés avant 1980, les requérantes soulèvent un moyen nouveau qui doit être déclaré irrecevable aux termes de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

372. Elle ajoute, à titre subsidiaire, qu'il est inexact que ces règlements aient été abrogés avant 1980, comme l'attesteraient les réponses fournies par les requérantes citées aux points 3, 5, 6 et 26 de l'article 4 de la décision entre le 12 et le 16 décembre 1988.

373. La Commission considère que les infractions commises par les requérantes n'ont rien d'inédit et que le fait qu'il s'agissait de sa première intervention dans le secteur de la construction ne devait pas la conduire à ne pas infliger d'amende, sous peine de permettre à toutes les entreprises opérant dans des secteurs qui n'ont pas encore fait l'objet d'une décision de la Commission de commettre impunément des infractions aux règles de la concurrence.

374. En ce qui concerne le calcul des amendes, la Commission estime que c'est à tort que les requérantes considèrent que le plafond des amendes doit être déterminé en fonction de leur propre chiffre d'affaires. En effet, il résulterait des termes de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 que ce sont les chiffres d'affaires des affiliés des requérantes qui doivent être pris en considération à cet égard. En l'espèce, la Commission serait restée sensiblement au-dessous de ces plafonds.

375. Elle considère que les amendes ne sauraient être qualifiées d'élevées puisqu'au total elles représentent moins de 0,5 % de la valeur annuelle moyenne des marchés concernés et sont donc sensiblement inférieures aux amendes généralement infligées pour ce type d'infraction.

376. Enfin, la Commission considère que la référence faite par les requérantes à la décision 88-491, du 26 juillet 1988, qu'elle a rendue dans l'affaire Bloemenveilingen Aalsmeer est dépourvue de toute pertinence en raison de la différence de nature et d'effet des deux infractions.

Appréciation du Tribunal

377. Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, qu'il ressort de l'examen du premier moyen que l'infraction avait bien la gravité constatée par la décision. A cet égard, il faut souligner que l'amende porte, pour six ans et demi, sur les règlements antérieurs et, pour neuf mois et demi, sur les règlements introduits en 1987. Or, il importe de rappeler la gravité particulière des restrictions de la concurrence contenues dans les règlements antérieurs, notamment du point de vue des concertations sur les prix mentionnées au point 64 de la décision. Le Tribunal ayant jugé ce point fondé (voir, ci-dessus, points 206 à 212), c'est à la lumière de celui-ci que doit être lu le point 140 de la décision, selon lequel "les concertations sur les prix et sur la dévolution des marchés font partie des infractions les plus graves, poursuivies, interdites et sanctionnées par la Commission".

378. Il convient de relever ensuite que toutes les circonstances atténuantes évoquées par les requérantes dans leurs mémoires ont été prises en considération en vue de la fixation du montant de l'amende, comme le montre le point 141 de la décision et comme l'indique le fait que la Commission a infligé une amende aux requérantes qui, selon la Commission, qui n'a pas été contredite sur ce point par les requérantes, ne représente que 0,5 % de la valeur annuelle moyenne des marchés concernés.

379. On observera cependant que, pour importantes qu'elles soient, notamment en ce qu'elles portent sur le caractère public des règlements, ces circonstances atténuantes ne doivent pas occulter le fait que les requérantes n'ont pas fait usage de la faculté de notifier les règlements à la Commission en vue d'obtenir soit une attestation négative soit une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

380. Par ailleurs, il convient de rappeler que les requérantes ne sauraient faire grief à la Commission de ne pas être intervenue plus tôt puisqu'elles disposaient de la faculté de l'y contraindre en lui notifiant les règlements. Les circonstances qui ont donné lieu à l'arrêt Istituto Chemioterapico et Commercial Solvents/Commission, précité, étaient fort différentes de celles du cas d'espèce dans la mesure où, ainsi que l'a relevé la Commission, elle avait, dans cette affaire, été saisie d'une plainte mais n'y avait pas donné suite immédiatement. Or, en l'espèce, la Commission n'a été saisie d'une plainte par la municipalité de Rotterdam qu'après que les requérantes eurent notifié les règlements. Cette différence est d'importance dans la mesure où, lorsque la Commission est saisie d'une plainte, elle est informée du contenu du comportement incriminé, alors que, en l'espèce, la Commission n'a été informée du contenu objectif des règlements que par leur notification.

381. Il s'ensuit que cet argument doit être rejeté.

382. En ce qui concerne le fait que la Commission n'a pas effectué d'enquête portant sur les années 1980-1982, le Tribunal considère que c'est à bon droit que la Commission excipe du fait que les requérantes n'ont pas allégué, ni pendant la procédure administrative ni dans les mémoires qu'elles ont déposés devant le Tribunal, que la situation était différente durant ces années.

383. En ce qui concerne l'abrogation des règlements antérieurs repris sous les points IV, V, VI et IX de l'annexe 9 à la décision, le Tribunal considère qu'il s'agit d'un moyen nouveau qui doit être déclaré irrecevable aux termes de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

384. Au surplus, force est de constater que, si c'est à tort que la Commission a attrait ces règlements dans la présente procédure, c'est en raison d'erreurs commises par certaines requérantes dans leurs réponses aux demandes de renseignements de la Commission (voir la réponse de l'Aannemersvereniging van Boorondernemers en Buizenleggers du 12 décembre 1988, celle de l'Aannemers Vereniging Haarlem-Bollenstreek du 16 décembre 1988, celle de l'Aannemersvereniging Veluwe en Zuidelijke IJsselmeerpolders du 15 décembre 1988 et celle de l'Utrechtse Aannemers Vereniging du 12 décembre 1988). Celles-ci ne peuvent dès lors pas se prévaloir d'une erreur induite par leurs propres erreurs.

385. Enfin, le Tribunal considère que c'est à tort que les requérantes soutiennent que l'amende dépasse le plafond fixé par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, à savoir 10 % du chiffre d'affaires réalisé durant l'exercice antérieur. En effet, il convient de rappeler que le terme générique "infraction" utilisé à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 couvre sans distinction les accords, les pratiques concertées et les décisions d'associations d'entreprises et que son utilisation indique que les plafonds qui sont prévus par cette disposition s'appliquent de la même manière aux accords et pratiques concertées, ainsi qu'aux décisions d'associations d'entreprises. Il s'ensuit que le plafond de 10 % du chiffre d'affaires doit être calculé par rapport au chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises qui sont parties aux accords et pratiques concertées en cause ou par l'ensemble des entreprises membres des associations d'entreprises, à tout le moins lorsque ses règles internes permettent à l'association d'engager ses membres. Le bien- fondé de cette analyse est corroboré par le fait qu'en fixant le montant des amendes on peut tenir compte, entre autres, de l'influence que l'entreprise a pu exercer sur le marché, notamment en raison de sa taille et de sa puissance économique, sur lesquelles le chiffre d'affaires de l'entreprise donne des indications (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, points 120 et 121), ainsi que de l'effet dissuasif que doivent exercer ces amendes (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12-89, Rec. p. II- 907, point 309). En effet, l'influence qu'une association d'entreprises a pu exercer sur le marché ne dépend pas de son propre "chiffre d'affaires", qui ne révèle ni sa taille ni sa puissance économique, mais bien du chiffre d'affaires de ses membres qui constitue une indication de sa taille et de sa puissance économique (arrêt CB et Europay/Commission, précité, points 136 et 137).

386. Par ailleurs, il convient de souligner que les requérantes ne sauraient se prévaloir du fait que, dans sa décision 88-491, du 26 juillet 1988, rendue dans l'affaire Bloemenveilingen Aalsmeer, la Commission avait infligé des amendes inférieures dans la mesure où, dans cette affaire, la nature de l'infraction et ses effets étaient, comme la souligné la Commission, totalement différents.

387. Il résulte de ce qui précède que cette branche du moyen doit être rejetée.

388. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen, pris de la violation du règlement n° 17, doit être rejeté.

Quatrième moyen : violation de l'article 190 du traité

Arguments des parties

389. Les requérantes font valoir que la Commission a violé l'obligation qui lui incombe de motiver ses décisions. En vertu de cette obligation, elle aurait dû non seulement reproduire dans sa décision les moyens de défense principaux soulevés par les requérantes lors de la procédure administrative, mais répondre également de façon motivée à chacun des moyens soulevés. Il résulterait, en effet, de l'arrêt SIV e.a./Commission, précité (point 159), que, "même si la Commission n'est pas tenue de discuter dans cette décision tous les arguments soulevés par les entreprises, ... en présence des arguments avancés par les requérantes, ... la Commission aurait dû procéder à un examen plus approfondi ... afin de démontrer les raisons pour lesquelles les conclusions tirées par les requérantes étaient dénuées de fondement".

390. En l'espèce, elles soutiennent que la Commission n'a même pas repris dans la décision les principaux arguments qu'elles avaient développés dans leur mémoire en réponse à la communication des griefs et au cours de l'audition.

391. Par ailleurs, les requérantes font valoir, au stade de la réplique, que, dans la mesure où il vise le code d'honneur en tant que tel, la totalité des statuts de la SPO, ainsi que tous les règlements antérieurs, le dispositif de la décision n'est pas couvert par l'exposé des motifs. En effet, en ce qui concerne le code d'honneur, elles soutiennent que, en ce qu'il constate qu'à l'exception de son article 10 le code d'honneur, tel qu'il a été rendu contraignant pour les entreprises affiliées aux organisations membres de la SPO par sa décision du 3 juin 1980, constitue une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, l'article 1er, paragraphe 2, du dispositif de la décision attaquée a une portée plus large que le point 1 des motifs de la décision, qui indique que la procédure concerne la décision de la SPO du 3 juin 1980 rendant le code d'honneur et ses annexes contraignants pour les entreprises affiliées à ces organisations membres. Par conséquent, aucun motif ne supporterait la constatation que le code d'honneur en tant que tel constitue une infraction.

392. En ce qui concerne les statuts de la SPO, les requérantes constatent que, en ce qu'il constate que les statuts de la SPO du 10 décembre 1963, tels que modifiés depuis lors, constituent une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, l'article 1er, paragraphe 1, du dispositif de la décision a une portée plus large que les motifs de la décision qui ne concerneraient que l'article 3 de ces statuts. Or, la plupart des dispositions de ces statuts n'auraient rien à voir avec les questions de concurrence et concerneraient exclusivement le fonctionnement interne de la SPO. Elles soutiennent que la Commission a confondu les statuts de la SPO avec les décisions basées sur ces statuts, ce qui conduirait la Commission à interdire la SPO en tant que telle, sans aucun motif.

393. En ce qui concerne, enfin, les règlements antérieurs, elles affirment qu'ils sont beaucoup plus nombreux que ceux qui figurent à l'annexe 9 de la décision et que, contrairement à ce qu'affirme la décision, l'UPR "Burger- & Utiliteitsbouw Openbaar" n'a pas été arrêté par la SPO, mais par une association individuelle d'entrepreneurs. Elles font en outre grief à la Commission d'avoir porté un jugement global et indifférencié sur l'ensemble des règlements antérieurs sans avoir tenu compte de leurs différences et de leurs spécificités. Enfin, elles rappellent qu'un certain nombre de règlements antérieurs ont été abrogés avant 1980.

394. La Commission répond que sa décision est suffisamment motivée et qu'elle n'avait pas à produire des études scientifiques pour réfuter les études produites par les requérantes dans la mesure où celles-ci étaient dépourvues de pertinence.

395. En ce qui concerne plus spécifiquement les motifs par lesquels la décision rejette la demande d'exemption introduite par les requérantes, elle estime que lui imposer, comme le souhaiteraient les requérantes, de démontrer que les règlements ne pouvaient bénéficier d'une exemption constituerait un renversement de la charge de la preuve.

396. Par ailleurs, la Commission fait valoir que les arguments par lesquels les requérantes contestent la condamnation du code d'honneur en tant que tel, des statuts de la SPO dans leur ensemble et des règlements antérieurs n'apparaissent pas sous cette forme dans la requête et sont au moins partiellement fondés sur des griefs qui n'ont pas été invoqués. Elle considère donc qu'il s'agit d'un moyen nouveau, qui doit être déclaré irrecevable en vertu de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. A titre subsidiaire, elle fait valoir que la mention, au point 1 de la décision, de la décision du 3 juin 1980 comme objet de la procédure, en tant qu'elle rend le code d'honneur et ses annexes contraignants pour les entreprises affiliées aux organisations membres de la SPO ne peut viser que le code d'honneur en tant que tel puisque la décision du 3 juin 1980 n'a aucune portée autonome au regard du droit de la concurrence.

397. En ce qui concerne les statuts de la SPO, la Commission concède que seul leur article 3 pose un problème au regard du droit de la concurrence, les autres dispositions de ces statuts n'ayant pas de portée autonome à cet égard. Toutefois, elle considère que, dans la mesure où ces autres dispositions ont pour objet de permettre à la SPO de réaliser son objet social défini à l'article 3, elles doivent être couvertes par la décision. Elle affirme que la décision n'a pas pour objet d'interdire la SPO en tant que telle, mais uniquement d'interdire la SPO dans la mesure où elle a pour objet social de restreindre la concurrence.

398. Pour ce qui concerne les règlements antérieurs, la Commission affirme qu'elle s'est fondée sur les réponses des requérantes à ses demandes de renseignements pour déterminer le nombre de règlements existants et le rôle de la SPO par rapport aux UPR "Burger- & Utiliteitsbouw Openbaar". Elle ajoute que, si elle a pu se contenter d'une référence générale aux règlements antérieurs dans la décision, c'est parce qu'ils restreignent tous plus fortement la concurrence que les UPR. Elle rappelle, enfin, qu'il est faux que certains règlements antérieurs ont été abrogés avant 1980.

Appréciation du Tribunal

399. Le Tribunal considère qu'il ne saurait être fait grief à la Commission d'avoir violé l'obligation de motivation inscrite à l'article 190 du traité. En effet, la Commission a répondu à l'ensemble des arguments pertinents avancés par les requérantes durant la procédure administrative, tant en ce qui concerne l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité que celle de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

400. En ce qui concerne plus particulièrement cette dernière disposition, le Tribunal considère que c'est à bon droit que la Commission a concentré son analyse des règlements litigieux sur la protection de l'ayant droit et les indemnités pour frais de calcul. En effet, il s'agit des deux éléments centraux qui permettent d'atteindre les objectifs poursuivis par les règlements, à savoir lutter contre le marchandage et limiter les frais de transaction. Dès lors que les requérantes ont affirmé tout au long de la procédure administrative que les règlements formaient un tout et que la Commission était arrivée à la conclusion que les deux éléments qui se trouvaient au coeur de cet ensemble ne pouvaient bénéficier d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, il n'était plus nécessaire qu'elle examine les éventuels avantages pouvant résulter ponctuellement de l'une ou de l'autre disposition des règlements litigieux.

401. Pour ce qui concerne le défaut de motivation du rejet opposé par la Commission aux propositions de modifications des règlements formulées par les requérantes, il suffit de renvoyer à la réfutation de la deuxième branche du deuxième moyen dont il ressort que la Commission n'avait pas l'obligation de prendre position sur des propositions de modifications qui ne lui avaient pas été notifiées.

402. Enfin, le Tribunal considère que, en faisant valoir, au stade de la réplique, que le dispositif de la décision ne serait pas couvert par les motifs en ce qu'il vise le code d'honneur en tant que tel, la totalité des statuts de la SPO, ainsi que tous les règlements antérieurs, les requérantes ont soulevé un moyen nouveau qui est irrecevable en vertu de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. Au surplus, il convient de rappeler que le dispositif doit être lu à la lumière des motifs et que, dès lors, l'article 1er, paragraphe 2, du dispositif de la décision attaquée n'a pas pour objet d'interdire la SPO en tant que telle. De même, le point 1 de la décision, en se référant à "la décision de la SPO du 3 juin 1980 rendant contraignant pour les entreprises adhérant à ses organisations membres le 'Erecode voor ondernemers in het Bouwbedrijf'et ses annexes", n'a pas visé la décision du 3 juin 1980 en tant que telle, mais le code d'honneur rendu obligatoire par cette décision, comme c'est le cas du dispositif de la décision attaquée.

403. Enfin, le Tribunal considère que c'est à bon droit que la Commission s'est contentée de faire référence globalement aux règlements antérieurs dans la décision. En effet, elle y constate que les règlements antérieurs avaient le même objet que les règlements introduits en 1987 et que, dans la mesure où ils différaient de ceux-ci, ils restreignaient au moins autant la concurrence (décision, points 62 à 65 et 114 ; voir, ci-dessus, points 206 à 212).

404. Or, il importe de relever que, pendant la procédure administrative, les requérantes n'ont pas avancé d'arguments spécifiques tendant à démontrer que les règlements antérieurs différaient sur des points fondamentaux des règlements introduits en 1987 ni qu'ils restreignaient moins la concurrence que ceux-ci.

405. Par conséquent, la Commission pouvait elle-aussi, en ce qui concerne les règlements antérieurs, se contenter de se référer pour l'essentiel aux motifs de la décision concernant les règlements introduits en 1987.

406. Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté.

Cinquième moyen : violation des droits de la défense

Arguments des parties

407. Au stade de la réplique, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a violé les droits de la défense, d'une part, en considérant que le code d'honneur constituait une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, alors que le code d'honneur n'aurait pas, comme tel, fait l'objet de la procédure administrative (réplique p. 19), puisque celle-ci aurait uniquement concerné la décision contraignante de la SPO, du 3 juin 1980, rendant obligatoire le code d'honneur pour les membres des associations affiliées à la SPO et, d'autre part, en se fondant sur des "leading questions" posées à des entrepreneurs étrangers sur les motifs de leur appartenance à la SPO pour conclure, dans la décision, que les mesures incriminées affectaient le commerce entre États membres.

408. La Commission répond qu'il s'agit là d'un moyen nouveau qui doit être déclaré irrecevable aux termes de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. Elle le réfute à titre subsidiaire.

Appréciation du Tribunal

409. Le Tribunal considère que le moyen des requérantes tiré de la violation de leurs droits de la défense constitue un moyen nouveau qui doit être déclaré irrecevable en vertu de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure et qui est, en tout état de cause, non fondé.

410. En effet, il importe de souligner que, lors de l'audience, les requérantes n'ont pas contredit la Commission, qui avait affirmé dans la duplique que les griefs retenus à l'encontre du code d'honneur avaient fait l'objet des points 18, 33 à 35, 41, 42, 44 et 46 à 48 de la communication des griefs. D'autre part, la Commission ne s'est pas fondée sur les réponses aux questions critiquées par les requérantes pour déclarer que les mesures en cause affectaient le commerce entre États membres.

411. Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

Sur les dépens

412. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les parties requérantes ayant succombé en leurs conclusions, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la Commission et de condamner les requérantes solidairement aux dépens, y compris les dépens afférents à la procédure en référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre),

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Les parties requérantes sont condamnées solidairement aux dépens, y compris les dépens afférents à la procédure en référé.