TPICE, 1re ch., 12 janvier 1995, n° T-102/92
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Viho Europe BV (Sté)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Schintgen
Juges :
MM. Garcia-Valdecasas, Kirschner, Vesterdorf, Bellamy
Avocats :
Mes Kleinmann, Freund, Hamburger.
FAITS ET PROCEDURE
1 La requérante, la société de droit néerlandais Viho Europe BV (ci-après "Viho"), commercialise des articles de bureau par la vente en gros, l'importation et l'exportation de ceux-ci.
2 API SpA (ci-après "API"), société de droit italien, vend du matériel de bureau et dispose d'un réseau de distribution situé principalement en Italie. Elle distribue en Italie depuis 1949 les produits fabriqués par Parker Pen Ltd.
3 Herlitz AG (ci-après "Herlitz"), société de droit allemand, produit une large gamme d'articles de bureau et de produits connexes et distribue également des produits d'autres fabricants, notamment des produits fabriqués par Parker Pen Ltd.
4 Parker Pen Ltd (ci-après "Parker"), société de droit anglais, produit une large gamme de stylos et d'autres articles similaires qu'elle vend dans toute l'Europe par l'intermédiaire de filiales ou de distributeurs indépendants. La vente et la commercialisation des produits Parker par l'intermédiaire des filiales, ainsi que la politique des filiales en matière de personnel, sont contrôlées par une équipe régionale composée de trois directeurs, à savoir un directeur de zone, un directeur financier et un directeur du marketing. Le directeur de zone est membre du conseil d'administration de la société-mère.
5 Après avoir essayé sans succès d'entrer en relation commerciale avec Parker et d'obtenir des produits Parker à des conditions équivalentes à celles octroyées aux filiales et distributeurs indépendants de Parker, Viho a déposé, le 19 mai 1988, une plainte au titre de l'article 3 du règlement n.17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p 204, ci-après "règlement n.17"), dans laquelle elle faisait grief à Parker d'interdire l'exportation de ses produits par ses distributeurs, de partager le Marché commun en marchés nationaux des États membres et de maintenir sur les marchés nationaux des prix artificiellement élevés pour les produits Parker.
6 A la suite de cette plainte, la Commission a engagé une procédure administrative qui a porté sur l'examen des accords liant Parker et ses distributeurs indépendants.
7 Le 22 mai 1991, Viho a déposé une nouvelle plainte, enregistrée auprès de la Commission le 29 mai 1991, à l'encontre de Parker, dans laquelle elle faisait valoir que la politique de distribution mise en œuvre par Parker, consistant à obliger ses filiales à limiter la distribution des produits Parker à des territoires impartis, constituait une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE (devenu traité CE, ci-après "traité").
8 Suite aux observations formulées par Parker les 16 avril et 31 mai 1991, en réponse à la communication des griefs que lui a adressée la Commission le 21 janvier 1991, dans le cadre de l'instruction portant sur les accords liant Parker et ses distributeurs indépendants, une audition s'est tenue à Bruxelles le 4 juin 1991 à laquelle ont participé les représentants de Viho, de API, de Herlitz et de Parker.
9 Dans les observations complémentaires présentées le 21 juin 1991, à la demande de la Commission, Parker a admis que, à l'intérieur du groupe Parker, les demandes de livraison émanant de clients locaux sont renvoyées aux filiales locales de Parker, ces dernières se trouvant le mieux placées pour répondre à de telles demandes. C'est ainsi que Viho, société néerlandaise, après avoir demandé à être livrée par la filiale allemande de Parker, aurait été renvoyée par cette dernière à la filiale néerlandaise de Parker, chargée d'assurer les livraisons demandées.
10 Le 5 mars 1992, la Commission a informé Viho, en application de l'article 6 du règlement n.99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n.17 du Conseil (JO 1963, 127, p.2268), qu'elle envisageait de rejeter la plainte du 22 mai 1991, au motif que les filiales de Parker sont totalement dépendantes de Parker Pen UK et qu'elles ne jouissent d'aucune autonomie réelle. Considérant que le système de distribution mis en place par Parker reste à l'intérieur des limites définies par la jurisprudence de la Cour pour exclure l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la Commission a déclaré ne pas voir en quoi ce système de distribution irait au-delà d'une répartition normale des tâches à l'intérieur d'un groupe d'entreprises. Elle a indiqué également que, pour parvenir éventuellement à une conclusion différente, il y aurait lieu, préalablement, de procéder à de nouvelles enquêtes et de mener de nouvelles investigations.
11 Dans ses observations adressées à la Commission le 6 avril 1992, Viho a contesté que la politique de renvoi mise en œuvre par le groupe Parker puisse constituer un acte purement interne, dans la mesure où elle prive les tiers de la liberté de s'approvisionner où ils le souhaitent à l'intérieur du Marché commun et où elle leur impose de s'approvisionner exclusivement auprès de la filiale du lieu de leur établissement. Si rien ne s'oppose à ce qu'un groupe puisse librement organiser sa distribution en confiant à une filiale la commercialisation de ses produits dans un État membre, il ne saurait cependant contraindre les acheteurs, sous peine de se rendre coupable d'un comportement abusif, à s'approvisionner exclusivement auprès d'une filiale déterminée.
12 Le 15 juillet 1992, la Commission, répondant à la plainte déposée par Viho le 19 mai 1988, a adopté la décision 92-426-CEE, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-32725 ° Viho/Parker Pen, JO L.233, p.27), dans laquelle elle a, d'une part, constaté que Parker et Herlitz avaient commis une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité en incluant une interdiction d'exporter dans un accord conclu entre elles et, d'autre part, infligé une amende de 700 000 écus à Parker et une amende de 40 000 écus à Herlitz. Les recours introduits par Herlitz et Parker respectivement les 16 et 24 septembre 1992 contre cette décision ont fait l'objet de deux arrêts rendus par le Tribunal le 14 juillet 1994, Herlitz/Commission et Parker/Commission (respectivement T-66-92, Rec.p.II-531, et T-77-92, Rec.p.II-549), qui, entre-temps, ont acquis force de chose jugée.
La décision attaquée
13 Le 30 septembre 1992, la Commission a rejeté la plainte de Viho du 22 mai 1991. Dans sa décision, la Commission a qualifié le système de distribution intégrée instauré par Parker pour assurer la vente de ses produits en Allemagne, en France, en Belgique, en Espagne et aux Pays-Bas, par l'intermédiaire de filiales établies dans ces pays, comme répondant aux conditions fixées par la Cour pour la non-application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, aux motifs que "les filiales forment avec la société-mère une unité économique dans laquelle les filiales ne peuvent déterminer de manière autonome leur comportement sur le marché" et que "l'attribution d'un territoire de vente déterminé à chacune des filiales Parker ne va d'ailleurs pas au-delà de ce qui est normalement considéré comme indispensable pour assurer une distribution correcte des fonctions à l'intérieur d'un groupe". La Commission a retenu également que Parker était en droit de refuser à Viho des prix et conditions analogues à ceux accordés à ses distributeurs indépendants, sans enfreindre l'interdiction des ententes.
14 C'est dans ces conditions que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 novembre 1992, Viho a introduit le présent recours.
15 Par lettre du 21 avril 1993, la requérante, qui avait omis de déposer un mémoire en réplique dans le délai imparti par le Tribunal, a demandé un nouveau délai pour le dépôt du mémoire en réplique.
16 Par ordonnance du Tribunal du 12 mai 1993, la procédure écrite a été rouverte.
17 Par ordonnance du 16 septembre 1993, Parker a été admise à intervenir à l'appui des conclusions de la Commission.
18 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.
19 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et réponses aux questions du Tribunal à l'audience du 3 mai 1994.
CONCLUSIONS DES PARTIES
20 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
1) annuler la décision de la Commission du 30 septembre 1992;
2) enjoindre à la Commission d'interdire à Parker, d'une part, d'obliger ses filiales installées dans les différents États membres de la Communauté à limiter la distribution des produits Parker à leur territoire propre et, d'autre part, de les obliger à renvoyer les demandes de renseignements en vue d'un approvisionnement ou les commandes émanant de clients situés dans d'autres États membres à la filiale Parker établie dans l'État d'origine du client;
3) enjoindre à la Commission d'obliger Parker à livrer la requérante aux prix et conditions appliqués à ses distributeurs exclusifs indépendants ou à ses filiales dans les différents États membres.
21 A l'audience, le représentant de la requérante a conclu à ce que la défenderesse soit condamnée aux dépens.
22 La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
1) rejeter le recours;
2) condamner la requérante aux dépens de l'instance.
23 L'intervenante Parker conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
1) rejeter comme irrecevable ou, selon le cas, non fondé le recours formé par la requérante;
2) condamner la requérante aux dépens de l'intervention.
SUR LA RECEVABILITE
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
24 La défenderesse soulève une fin de non-recevoir, tirée de ce que les deuxième et troisième chefs des conclusions énoncés dans la requête tendent à obtenir que le Tribunal enjoigne à la Commission d'interdire à Parker de limiter l'activité commerciale de ses filiales à leurs marchés nationaux et d'obliger Parker à approvisionner la requérante aux mêmes prix et conditions que ses distributeurs exclusifs indépendants ou ses filiales.
25 En se fondant sur la jurisprudence de la Cour et du Tribunal (arrêt de la Cour du 24 juin 1986, AKZO/Commission, 53-85, Rec.p.1965, point 23, et arrêt du Tribunal du 18 novembre 1992, Rendo e.a./Commission, T-16-91, Rec.p.II-2417, point 77), la défenderesse fait valoir que le Tribunal, dans le cadre du contrôle de la légalité des actes des institutions communautaires, fondé sur l'article 173 du traité, n'a pas compétence pour prononcer de telles injonctions, la Commission étant obligée en tout état de cause, en cas d'annulation de la décision attaquée, de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt conformément à l'article 176 du traité.
26 La requérante, qui rappelle qu'elle conclut expressément dans sa requête à l'annulation de la décision attaquée, soutient que toutes ses demandes sont recevables, au motif que les mesures qu'elle sollicite de la part de la Commission sont légales et ne constituent pas une décision relevant du pouvoir discrétionnaire de cette dernière. Elle estime, par conséquent, que ses demandes relèvent du contrôle de légalité qui incombe au Tribunal.
27 La partie intervenante, qui se rallie aux conclusions de la Commission, considère que les deuxième et troisième chefs des conclusions de la requérante sont irrecevables, au motif que la seule conséquence, sur le plan civil, que peut avoir une infraction à l'interdiction visée à l'article 85, paragraphe 1, du traité, est la nullité de l'accord prescrite par l'article 85, paragraphe 2 (arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992, Automec/Commission, T-24-90, Rec.p.II-2223, point 50).
Appréciation du Tribunal
28 Il convient de rappeler qu'il résulte d'une jurisprudence constante du Tribunal que ce dernier est incompétent, dans le cadre d'un recours en annulation fondé sur l'article 173 du traité, pour adresser des injonctions aux institutions communautaires (voir, en dernier lieu, l'ordonnance du Tribunal du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T-56-92, Rec.p.II-1267, point 18).
29 Il s'ensuit que les deuxième et troisième chefs des conclusions de la requête, visant à ce qu'il soit ordonné à la Commission, d'une part, d'interdire à Parker de limiter la distribution de ses produits par chacune de ses filiales au territoire national de celle-ci, et d'autre part, d'obliger Parker à livrer la requérante aux mêmes prix et conditions que ses distributeurs exclusifs indépendants ou ses filiales, ne relèvent pas de la compétence du juge communautaire et qu'ils doivent, par conséquent, être déclarés irrecevables.
SUR LE FOND
30 A l'appui de son recours, la requérante fait valoir trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, le deuxième de la violation de l'article 86 du traité et le troisième de la violation de l'article 190 du traité.
Premier moyen : violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité
31 Le moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité s'articule en deux branches. La requérante fait valoir, tout d'abord, que le système de distribution de Parker, consistant à obliger ses filiales à renvoyer les commandes provenant de clients situés dans d'autres États membres à la filiale établie dans le pays du client, s'inscrit dans le même objectif que les interdictions expresses d'exportation faites aux distributeurs exclusifs, à savoir le maintien des marchés nationaux et leur cloisonnement les uns par rapport aux autres aux fins d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun. Elle soutient, ensuite, que ce système constitue une discrimination collective des partenaires commerciaux du fait de l'application, en violation à l'article 85, paragraphe 1, sous d), de conditions inégales à des prestations équivalentes.
Quant à l'interdiction faite aux filiales de Parker de livrer des produits Parker aux clients établis dans des États membres autres que celui de la filiale
° Exposé de l'argumentation des parties
32 La requérante rappelle que, selon la jurisprudence constante de la Cour, l'article 85, paragraphe 1, du traité n'est pas applicable, à titre exceptionnel, aux accords ou pratiques concertées entre des entreprises appartenant à un même groupe, en tant que société-mère et filiales, lorsque deux conditions sont remplies cumulativement. Il faudrait, en premier lieu, que les entreprises concernées forment une entité économique à l'intérieur de laquelle la filiale ne jouit pas d'une autonomie réelle dans la détermination de sa ligne d'action sur le marché, parce que la société-mère contrôle en permanence l'élaboration des décisions et l'administration de sa filiale. Il faudrait, en second lieu, que les accords aient pour but exclusif d'établir une répartition interne des tâches entre les entreprises (arrêt de la Cour du 4 mai 1988, Bodson, 30-87, Rec.p.2479, point 19). En l'espèce, le système mis en place par Parker ne remplirait aucune des deux conditions qui lui permettraient d'échapper à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
33 En ce qui concerne l'absence d'autonomie des filiales de Parker par rapport à la société-mère, la requérante soutient que les filiales de Parker, en tant qu'elles constituent des unités autonomes du point de vue juridique, jouissent en fait d'une certaine autonomie et d'une certaine liberté d'action en ce qui concerne la distribution des produits Parker sur leurs territoires respectifs. Elle rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, les sociétés juridiquement indépendantes au sein d'un seul et même groupe constituent des entreprises différentes au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir arrêt Bodson, précité, point 20).
34 L'indépendance économique des filiales de Parker se trouverait confirmée par le fait qu'elles pratiquent des prix de vente différents, qu'elles appliquent des conditions de garantie différentes, qu'elles mènent des actions de promotion des ventes différentes, à des époques différentes et pour des produits différents, qu'elles vendent des produits identiques sous des formes différentes, dans des conditionnements et assortiments différents, selon des méthodes de distribution différentes et suivant des critères de livraison différents. Cette disparité des offres nationales ne résulterait pas d'instructions centralisées de la part de la société-mère et la Commission n'aurait pas administré la preuve du prétendu contrôle absolu que Parker exercerait sur ses filiales.
35 En ce qui concerne la répartition interne des tâches entre les entreprises du groupe, la requérante soutient que la condition de la répartition interne des tâches constitue un élément autonome nécessaire pour qu'une restriction de concurrence échappe à l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1. Elle allègue que cette condition ne découle pas automatiquement de la condition relative au contrôle de la filiale par la société mère et de l'absence d'autonomie de la filiale, mais qu'elle doit être remplie à titre supplémentaire. Il s'ensuit, selon la requérante, que, même à l'intérieur d'un groupe de sociétés dans lequel la société-mère dispose de larges pouvoirs pour donner des instructions, un accord restrictif de concurrence n'est pas autorisé s'il va au-delà d'une répartition interne des tâches.
36 La requérante ajoute que, à supposer même que le contrôle central de la société-mère ainsi que l'existence d'instructions détaillées de la société-mère concernant le comportement à adopter par les filiales sur le marché soient établis, un contrôle dont la seule finalité consiste à conférer une protection territoriale absolue et à garantir ainsi le maintien de marchés nationaux isolés constitue, en tant que tel, un abus de droit, en ce qu'il viole les principes fondamentaux du Marché commun et ne saurait conférer à l'entreprise le privilège de la non-application de l'article 85, paragraphe 1. En l'espèce, la protection territoriale absolue consisterait dans le fait que la société mère Parker non seulement s'oblige à ne livrer dans chaque État membre qu'un seul partenaire contractuel, à savoir le distributeur exclusif indépendant ou sa filiale propre, mais qu'elle assigne également aux filiales des territoires nationaux respectifs. Un tel cloisonnement des marchés nationaux produirait des effets préjudiciables à l'égard des tiers, en les empêchant d'utiliser la diversité des offres au-delà des frontières nationales.
37 La requérante réfute, en dernier lieu, la thèse de la partie intervenante, selon laquelle Parker aurait pu parvenir au même résultat par le biais de son propre personnel, en faisant valoir que, dès lors que Parker a choisi un système de distribution déterminé, en l'occurrence un système basé sur des filiales, elle ne peut en recueillir exclusivement les avantages, mais doit en assumer également les inconvénients. Elle rappelle encore que dans son arrêt du 17 septembre 1985, Ford/Commission (25-84 et 26-84, Rec.p.2725, point 32), la Cour a jugé que Ford, en empêchant ses distributeurs allemands de mener une politique de vente active en dehors de l'Allemagne et de livrer des véhicules Ford à des revendeurs établis dans d'autres pays, ne faisant pas partie du système de distribution Ford, a enfreint l'article 85, paragraphe 1.
38 La défenderesse soutient que la politique de distribution mise en œuvre par Parker ne constitue pas une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, la jurisprudence de la Cour en matière d'accords internes au groupe étant applicable en l'espèce. Elle fait observer, à cet égard, qu'il ne ressort pas clairement de la jurisprudence si la seconde des deux conditions mentionnées dans ce contexte revêt une importance en soi et doit exister cumulativement avec la première ou si cette seconde condition n'est que la suite logique de la première et relève que, dans son arrêt du 11 avril 1989, Ahmed Saeed Flugreisen e.a. (66-86, Rec.p.803, points 35 et 36), la Cour n'est plus revenue sur le critère de répartition interne des tâches. En tout état de cause, il n'y aurait pas lieu, en l'espèce, de trancher la question du caractère autonome de cette condition, dès lors que la condition de la répartition interne des tâches se trouve remplie dans le chef de Parker.
39 La défenderesse fait valoir que c'est le contrôle effectif, exercé par la société-mère, qui détermine l'application ou non de l'article 85, paragraphe 1, du traité, les différences entre les conditions de vente de chaque filiale pouvant s'expliquer par des différences entre les marchés nationaux ou entre les habitudes des consommateurs. En l'espèce, les filiales détenues à 100 % par la société-mère suivraient nécessairement la politique tracée par Parker (voir arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107-82, Rec.p.3151, point 50).
40 La défenderesse invoque, en outre, une lettre du 21 juin 1991, dans laquelle Parker décrit, à la demande de la Commission, la façon dont sont contrôlées ses filiales. Elle observe qu'il ressort de cette lettre que Parker dirige la fabrication de ses produits et fixe les prix d'achat des filiales et que les activités de vente et de marketing des filiales sont contrôlées par une équipe régionale ("area team") de la société-mère, qui approuve et surveille le plan annuel de vente, fixe les objectifs de vente, les marges brutes, les frais de vente et le "cash flow", prescrit la gamme des produits à vendre et contrôle les actions publicitaires ainsi que les remises sur les prix. Elle serait, en outre, responsable de l'attribution des postes de direction au sein des filiales et exercerait un contrôle financier rigoureux.
41 La défenderesse ajoute que, à la différence des distributeurs indépendants, ce ne sont pas les filiales, mais la société-mère Parker qui assume tous les frais de distribution et supporte le risque d'un changement des conditions de l'économie, notamment des fluctuations monétaires entre les États membres.
42 S'agissant du critère de la répartition interne des tâches, la Commission fait valoir, sous le bénéfice de l'observation qu'elle a faite quant à la question de savoir si ce critère constitue un élément autonome, que le fait de limiter l'activité commerciale de chaque filiale à son marché national constitue une répartition interne des tâches admissible au sens de la jurisprudence de la Cour.
43 En outre, la défenderesse rappelle que seules les filiales ont émis d'éventuelles objections à l'approvisionnement de Viho et non pas les distributeurs indépendants, auprès desquels Viho n'avait aucune difficulté à s'approvisionner à l'échelon communautaire. Ayant reçu une offre de la firme italienne API, Viho aurait simplement répondu qu'elle pouvait fournir elle-même à API tous les produits Parker, étant donné qu'elle possédait toute la gamme de ces produits. Ce serait donc à tort que Viho prétend avoir été limitée à une seule source d'approvisionnement, voire avoir été exclue du marché en cause.
44 En tout état de cause, la protection territoriale des filiales au sein d'un groupe devrait être appréciée de manière différente de celle qui découle d'un accord conclu entre entreprises indépendantes avec pour objectif de se répartir entre elles les marchés nationaux. Selon la défenderesse, les arrêts de la Cour du 31 octobre 1974, Centrafarm et De Peijper (15-74, Rec.p.1147, et 16-74, Rec.p.1183), qui visent précisément le cas d'un cloisonnement du marché, ne sauraient étayer l'argument selon lequel l'article 85, paragraphe 1, du traité doit s'appliquer au cas où les instructions de la société-mère ont pour objet de cloisonner les marchés nationaux et ont pour effet de désavantager les tiers.
45 La partie intervenante soutient que, au vu des relations que la société-mère Parker entretient avec ses filiales, dont elle détient 100 % des parts, le groupe Parker constitue une véritable unité économique au sens de la jurisprudence (voir les arrêts Centrafarm et De Peijper, précités, points 41 et 32) et que, dès lors, il ne saurait y avoir accord, pratique concertée ou décision d'association d'entreprises entre la société-mère et ses filiales au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Elle fait observer que Parker aurait pu parvenir au même résultat par le biais de son propre personnel de vente qui opère dans chacun des États membres.
46 En ce qui concerne la condition de répartition interne des tâches, la partie intervenante soutient que ce sont exclusivement des considérations internes, visant à empêcher la concurrence entre ses filiales, qui sont à l'origine de son système de distribution. L'organisation des ventes en fonction des frontières nationales procéderait d'une évaluation économique, visant à prévenir la duplication des efforts et à tenir compte au mieux des spécificités nationales, notamment de la langue et de la culture.
° Appréciation du Tribunal
47 Il convient de rappeler, liminairement, que, s'agissant du sort, au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité, des accords conclus au sein d'un groupe de sociétés, la Cour a jugé que "lorsque la filiale ne jouit pas d'une autonomie réelle dans la détermination de sa ligne d'action sur le marché, les interdictions édictées par l'article 85, paragraphe 1, peuvent être considérées comme inapplicables dans les rapports entre elle et la société-mère, avec laquelle elle forme une unité économique" (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48-69, Rec.p.619, point 134). De même, dans l'arrêt Ahmed Saeed Flugreisen ea, précité, la Cour a jugé que "ce n'est pas l'article 85 qui s'applique lorsque la concertation en cause est le fait d'entreprises appartenant à un même groupe en tant que société-mère et filiale, et que ces entreprises forment une unité économique à l'intérieur de laquelle la filiale ne bénéficie pas d'une autonomie réelle dans la détermination de sa ligne d'action sur le marché", ajoutant que "le comportement d'une telle unité sur le marché est cependant susceptible de tomber sous le coup de l'article 86". Il résulte également de la jurisprudence du Tribunal que l'article 85, paragraphe 1, du traité ne vise que les rapports entre des entités économiques capables d'entrer en concurrence l'une avec l'autre en excluant les accords et pratiques concertées entre des entreprises appartenant à un même groupe qui forment une unité économique (arrêt du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission, T-68-89, T-77-89 et T-78-89, Rec.p.II-1403, point 357).
48 D'une part, il est constant en l'espèce que Parker détient 100 % du capital de ses filiales établies en Allemagne, en France, en Belgique et aux Pays-Bas. Il ressort, d'autre part, de la description fournie par Parker au sujet du fonctionnement de ses sociétés filiales, non contestée par la requérante, que les activités de vente et de marketing des filiales sont dirigées par une équipe régionale désignée par la société-mère et qui contrôle, notamment, les objectifs de vente, les marges brutes, les frais de vente, le "cash flow" et les stocks. Cette équipe régionale prescrit également la gamme des produits à vendre, contrôle les activités publicitaires et donne des directives en ce qui concerne les prix et les remises.
49 Le Tribunal en conclut que c'est à bon droit que la Commission, au point 2 de sa décision, a qualifié le groupe Parker d'"unité économique dans laquelle les filiales ne peuvent déterminer de manière autonome leur comportement sur le marché".
50 Il convient de rappeler ensuite que, selon la jurisprudence de la Cour, la notion d'entreprise, "placée dans un contexte de droit de la concurrence, doit être comprise comme désignant une unité économique du point de vue de l'objet de l'accord en cause même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales" (arrêt du 12 juillet 1984, Hydrotherm, 170-83, Rec.p.2999, point 11). De même, le Tribunal a jugé que "l'article 85, paragraphe 1, du traité s'adresse à des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à la commission d'une infraction visée par cette disposition" (arrêt du 10 mars 1992, Shell/Commission, T-11-89, Rec.p.II-757, point 311). Ainsi, aux fins de l'application des règles de concurrence, l'unité du comportement sur le marché de la société-mère et de ses filiales prime sur la séparation formelle entre ces sociétés, résultant de leurs personnalités juridiques distinctes.
51 Il en résulte que, en l'absence de concours de volontés économiquement indépendantes, les relations au sein d'une unité économique ne peuvent être constitutives d'un accord ou d'une pratique concertée entre entreprises, restrictifs de concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Lorsque, comme en l'espèce, la filiale, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique les instructions qui lui sont imparties, directement ou indirectement, par la société-mère qui la contrôle à 100 %, les interdictions édictées par l'article 85, paragraphe 1, sont inapplicables dans les rapports entre la filiale et la société-mère avec laquelle elle forme une unité économique.
52 S'il est, certes, vrai qu'il ne saurait être exclu que la politique de distribution mise en œuvre par Parker, qui consiste à interdire à ses filiales de livrer des produits Parker aux clients établis dans des États membres autres que celui de la filiale, peut contribuer à maintenir et à cloisonner les différents marchés nationaux, et, ce faisant, contrecarrer un des objectifs fondamentaux de réalisation du Marché commun, il n'en reste pas moins qu'il découle de la jurisprudence citée ci-dessus qu'une telle politique, suivie par une unité économique telle que le groupe Parker, au sein de laquelle les filiales ne jouissent d'aucune autonomie pour déterminer leur comportement sur le marché, n'entre pas dans le champs d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
53 Le Tribunal en conclut que c'est à bon droit que la Commission a décidé que "le comportement des filiales est donc attribuable à la société-mère" et que "le système de distribution intégrée qui assure la vente de produits Parker en Espagne, en France, en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas par l'intermédiaire des filiales à 100 % établies dans ces pays, répond aux conditions fixées par la Cour de justice pour la non-application de l'article 85".
54 C'est, dès lors, en vain que la requérante allègue que les accords litigieux violeraient l'article 85, paragraphe 1, au motif qu'ils iraient au-delà d'une répartition interne des tâches au sein du groupe.En effet, force est de constater qu'il ressort de ses termes mêmes que l'article 85, paragraphe 1, ne vise pas les comportements qui sont, en réalité, le fait d'une unité économique. Or, il n'appartient pas au Tribunal, sous prétexte que certains comportements, tels ceux dénoncés par la requérante, peuvent échapper aux règles de la concurrence, de détourner l'article 85 de sa fonction aux fins de combler une éventuelle lacune du contrôle prévu par le traité.
55 Il s'ensuit que la première branche du moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité n'est pas fondée.
Quant au traitement prétendument discriminatoire appliqué à Viho en ce qui concerne les prix et les conditions de vente
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
56 La requérante soutient que, en appliquant des conditions inégales à des prestations équivalentes que Viho était en mesure de fournir, Parker a commis une infraction à l'article 85, paragraphe 1, sous d), du traité. Rappelant que cet article, à la différence de l'article 4, sous b), du traité CECA, n'interdit pas la discrimination individuelle effectuée de manière autonome par une entreprise, mais interdit la discrimination dite collective, découlant d'accords entre entreprises ou de pratiques concertées entre entreprises, la requérante fait valoir que l'inégalité de traitement ne résulte pas d'un comportement isolé de Parker, mais fait partie de manière indissociable de l'ensemble du système de distribution mis en place par Parker dans le Marché commun. S'agissant de ce système, la requérante le qualifie d'accord entre entreprises ou, à tout le moins, de pratique concertée ayant pour objet ou pour effet de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun en raison de l'application, à l'égard de partenaires commerciaux, de conditions inégales à des prestations équivalentes.
57 La requérante allègue que Parker, en refusant de lui accorder les prix et les conditions de vente qu'elle applique à ses propres filiales et/ou aux distributeurs exclusifs indépendants situés dans les différents États membres, la traite comme un négociant livré par une de ses filiales ou par un distributeur exclusif indépendant. Or, elle fait observer que, tant du point de vue de la fonction qu'elle remplit que des quantités qu'elle vend, elle offre des prestations comparables à celles des filiales et des distributeurs exclusifs indépendants de Parker et qu'elle peut donc leur être directement comparée. En n'obtenant pas les mêmes conditions que les filiales ou les distributeurs exclusifs indépendants de Parker, Viho se trouverait empêchée d'entrer efficacement en concurrence avec ceux-ci.
58 La défenderesse soutient que, dans les relations entre Parker et ses filiales, il n'existe pas d'accord restreignant le jeu de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Elle relève que la requête ne précise ni avec quels représentants exclusifs Parker aurait traité, ni le type d'accord qui aurait été conclu. Elle ne vise pas non plus de comportement précis, la requérante se contentant de se référer au système de vente de Parker ou à la politique des prix de Parker en général.
59 Selon la défenderesse, la requérante semble considérer que le seul fait de ne pas bénéficier des mêmes prix et conditions que les filiales ou les distributeurs exclusifs indépendants constitue une entrave inadmissible. Or, le fabricant ne serait pas tenu de garantir à tout grossiste les prix et les conditions qu'il accorde à ses filiales ou à ses distributeurs exclusifs indépendants. Une telle obligation d'approvisionner n'importe quel client aux mêmes conditions que les filiales ou les distributeurs exclusifs indépendants pourrait tout au plus découler des dispositions de l'article 86 du traité.
60 La défenderesse ajoute que des différences de prix sont justifiées du fait que les filiales ou les distributeurs indépendants exclusifs remplissent d'autres fonctions que celles d'un grossiste normal et sont généralement soumis à des interdictions de concurrence en ce qui concerne la vente des produits d'autres fabricants. En outre, ces entreprises peuvent, le cas échéant, avoir à supporter des coûts de publicité pour les produits du fabricant.Selon la défenderesse, il est donc inexact, de la part de Viho, d'affirmer qu'elle fait l'objet d'un traitement discriminatoire.
Appréciation du Tribunal
61 Il convient de rappeler que l'article 85, paragraphe 1, sous d), du traité interdit les accords entre entreprises, décisions d'associations d'entreprises et pratiques concertées qui consistent à appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence. La discrimination visée par l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, doit, dès lors, résulter d'un accord, d'une décision ou d'une pratique concertée entre des entités économiques indépendantes et autonomes et non pas être le fait d'un comportement unilatéral émanant d'une seule entreprise.
62 Le Tribunal relève, tout d'abord, que les relations entretenues par Parker avec ses distributeurs indépendants sont sans pertinence pour la solution du présent litige. En tout état de cause, le Tribunal constate que, en l'espèce, la requérante n'a pas indiqué en vertu de quel accord, décision ou pratique concertée entre Parker et ses distributeurs indépendants elle aurait été discriminée.
63 Par ailleurs, le Tribunal a jugé ci-dessus (voir point 51) que Parker et ses filiales forment une seule entité économique, dont le comportement unilatéral ne relève pas de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, sous d), du traité. Par conséquent, il n'existe pas, en l'espèce, de discrimination à l'encontre de Viho susceptible d'être sanctionnée au regard de l'article 85, paragraphe 1, sous d).
64 Il s'ensuit que la seconde branche du moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité doit également être écartée.
Deuxième moyen : violation de l'article 86 du traité
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
65 La requérante affirme que la plupart des fournisseurs importants du secteur des articles de papeterie pratiquent des systèmes de distribution analogues à celui de Parker. Elle soutient que, sur le marché, tant les distributeurs que les consommateurs se trouvent confrontés, du point de vue de l'offre, à un comportement rigide du fabricant accompagné d'une concurrence réduite. Or, dans un tel cas de figure, il y aurait lieu de vérifier si l'article 86 du traité ne trouve pas à s'appliquer en raison de la position dominante collective occupée par les gros fabricants sur le marché.
66 La requérante mentionne comme principaux autres fournisseurs, dans le secteur des crayons et stylos, Mont Blanc, Pentel, Edding, Pilot et Henkel et, dans le secteur des machines de bureau, Canon, Minolta, Toshiba, NEC et Mita, dont elle affirme qu'ils pratiquent chacun une politique de renvoi des commandes. Elle se déclare disposée, à la demande du Tribunal, à lui soumettre des documents appropriés à titre d'éléments de preuve.
67 La défenderesse fait observer que la requérante n'avance aucun élément de fait ou de droit, ni sur la position des entreprises concernées sur le marché, ni sur un éventuel comportement uniforme, ni même sur l'existence de liens économiques entre ces firmes (voir arrêt SIV e.a./Commission, précité, points 361 à 366). Elle relève encore que la requérante n'explique pas non plus en quoi les dossiers de la Commission feraient apparaître une position dominante collective des entreprises concernées sur le marché en cause. Enfin, elle relève que, au cours de la procédure administrative, aucun élément substantiel en ce sens n'a été avancé, de sorte que la Commission n'était pas tenue d'examiner s'il y avait ou non position dominante collective sur le marché La défenderesse en conclut que le grief doit être rejeté.
Appréciation du Tribunal
68 Le Tribunal rappelle que, selon l'article 19, premier alinéa, du protocole sur le statut (CE) de la Cour, applicable au Tribunal en vertu de l'article 46, premier alinéa, dudit statut et l'article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la requête introductive d'instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est basé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut et du règlement de procédure (arrêt Rendo e.a./Commission, précité, point 130).
69 Le Tribunal constate que, en l'espèce, la requérante, qui se borne à affirmer, sans autre précision, que les principaux autres fournisseurs de crayons et de stylos et d'autres articles de bureau pratiquent la même politique de distribution que Parker, soutient qu'il convient de rechercher si l'article 86 du traité ne devrait pas s'appliquer en raison de la position dominante collective qu'occuperaient les gros fabricants sur le marché en cause.
70.Or, la seule référence, dans la requête, à l'article 86 du traité, en l'absence d'allégations précises concernant la position sur le marché des entreprises concernées, leur comportement uniforme éventuel ou leurs liens économiques, ne saurait être considérée comme suffisante au regard du statut et du règlement de procédure.
71 Le Tribunal considère, en outre, que la Commission n'était pas tenue de procéder à une instruction au sujet d'une éventuelle position dominante collective des fabricants d'articles de bureau, la plainte de la requérante du 22 mai 1991 ne contenant aucun élément de nature à impliquer à charge de la Commission l'obligation de mener une instruction à ce sujet.
72 Il s'ensuit que le deuxième moyen tiré de la violation de l'article 86 du traité doit être rejeté.
Troisième moyen : violation de l'article 190 du traité
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
73 La requérante fait grief à la Commission d'avoir insuffisamment motivé sa décision en omettant d'exposer de manière suffisante les éléments et les raisons qui l'ont conduite à exclure le système de distribution de Parker du champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
74 La défenderesse rejette le grief tiré de l'insuffisance de motivition en faisant valoir que la décision permet à la requérante de suivre le raisonnement de la Commission et au Tribunal d'exercer son contrôle (arrêt de la Cour du 26 juin 1986, Nicolet Instrument, 203-85, Rec. p. 2049, points 10 et 11). A cet égard, la défenderesse estime que les pages 3 à 5 de la décision revèlent d'une manière claire les raisons qui l'ont amené à ne pas appliquer l'article 85, paragraphe 1, et celles qui excluent l'obligation, dans le chef de Parker, d'accorder à la requérante les mêmes prix et conditions qu'à ses filiales et distributeurs indépendants. La Commission ajoute qu'elle n'est pas tenue de revenir sur tous les points de droit soulevés par la requérante au cours de la procédure adminsitrative (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Hüls/Commission, T-9-89, Rec. p. II-499, point 332).
Appréciation du Tribunal
75 Il y a lieu de rappeler, d'abord, qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal (arrêts de la Cour du 30 septembre 1982, Roquette Frères/Conseil, 110-81, Rec. p. 3159, point 24, et du Tribunal du 29 juin 1993, Asia Motor France e.a./Commission, T-7-92, Rec. p. II-669, point 30) que la motivation d'une décision faisant grief doit permettre à son destinataire de connaitre les justifications de la mesure prise, afin de faire valoir, le cas échéant, ses droits, et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et au juge communautaire d'exercer son contrôle.
76 Il convient de relever, ensuite, que la Commission n'est pas obligée, dans la motivation des décisions qu'elle est amenée à prendre pour assurer l'application des règles de concurrence, de prendre position sur tous les arguments que les intéressés invoquent à l'appui de leur demande. Il suffit, en effet, à la Commission d'exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision (voir les arrêts du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T-44-90, Rec. p. II-1, point 35, et Asia Motor France e.a./Commission, précité, point 31).
77 Or, le Tribunal constate, à la lecture de la décision litigieuse, que celle-ci indique les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels elle s'est basée pour rejeter la plainte de la requérante, permettant ainsi à la requérante de contester son bien-fondé et au Tribunal d'exercer son contrôle de légalité. Il s'ensuit que la décision litigieuse n'est entachée d'aucun défaut de motivation.
78 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son intégralité.
SUR LES DEPENS
79 Aux termes de l'article 87, paragaphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.
La partie requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
80 Quant aux dépens de la partie intervenante, le Tribunal estime qu'il n'y a paslieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article 87, paragraphe 4, de son règlement de procédure pour ordonner que la partie intervenante supporte ses propres dépens. La requérante doit donc également supporter les dépens de la partie intervenante Parker.
Par ces motifs, LE TRIBUNAL (première chambre) déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La partie requérante supportera l'ensemble des dépens, y compris ceux exposés par la partie intervenante Parker Pen Ltd.