Livv
Décisions

TPICE, 2e ch., 27 octobre 1994, n° T-35/92

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

John Deere (Ltd)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cruz Vilaça

Juges :

MM. Briët, Barrington, Saggio, Biancarelli

Avocats :

Mes Niemeyer, Bechtold.

TPICE n° T-35/92

27 octobre 1994

LES FAITS A L'ORIGINE DES RECOURS

1 L'Agricultural Engineers Association Limited (ci-après "AEA") est un groupement professionnel ouvert à tous les constructeurs ou importateurs de tracteurs agricoles opérant au Royaume-Uni. A la date des faits, elle comprenait environ 200 membres, dont notamment Case Europe Limited, John Deere Limited, Fiatagri UK Limited, Ford New Holland Limited, Massey-Ferguson (United Kingdom) Limited, Renault Agricultural Limited, Same-Lamborghini (UK) Limited, Watveare Limited.

a) La procédure administrative

2 Le 4 janvier 1988, l'AEA a notifié à la Commission, en vue d'obtenir, à titre principal, une attestation négative et, à titre subsidiaire, une déclaration d'exemption, un accord concernant un système d'informations basé sur des données relatives aux immatriculations de tracteurs agricoles, détenues par le Ministère des Transports du Royaume-Uni, intitulé "UK Agricultural Tractor Registration Exchange" (ci-après "première notification"). Cet accord d'échange d'informations se substituait à un accord antérieur, datant de 1975 qui, quant à lui, n'avait pas été notifié à la Commission. Ce dernier accord avait été porté à la connaissance de celle-ci en 1984, à l'occasion d'investigations effectuées à la suite d'une plainte dont elle avait été saisie, pour entraves aux importations parallèles.

3 L'adhésion à l'accord est ouverte à tous les fabricants ou importateurs de tracteurs agricoles au Royaume-Uni, qu'ils aient ou non la qualité d'adhérent à l'AEA. Celle-ci assure le secrétariat de l'accord. Le nombre d'adhérents à l'accord a varié au cours de la période d'instruction de l'affaire, au gré des mouvements de restructuration qui ont affecté la profession ; à la date de la notification, huit constructeurs, dont la requérante, participaient à l'accord. Les parties à cet accord sont les huit opérateurs économiques cités au point 1 ci-dessus, qui détiennent, selon la Commission, 87 à 88 % du marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni, plusieurs petits constructeurs se partageant le reste du marché.

4 Le 11 novembre 1988, la Commission a adressé une communication des griefs à l'AEA, à chacun des huit adhérents concernés par la première notification, ainsi qu'à Systematics International Group of Companies Limited (ci-après "SIL"), société de service informatique chargée du traitement et de l'exploitation des données contenues dans le formulaire V55 (voir, ci-après, point 6). Le 24 novembre 1988, les participants à l'accord ont décidé sa suspension. Au cours d'une audition devant la Commission, la requérante a fait valoir, en se prévalant notamment d'une étude réalisée par le Pr Albach, membre du Berlin Science Center, que les informations transmises avaient une influence bénéfique sur la concurrence. Le 12 mars 1990, cinq membres de l'AEA - dont la requérante - ont notifié à la Commission un nouvel accord (ci-après "seconde notification") de diffusion d'informations, appelé "UK Tractor Registration Data System" (ci-après "Data System"), en s'engageant à ne pas appliquer le nouveau système avant d'avoir obtenu la réponse de la Commission à leur notification.

5 Par la décision 92-157-CEE, du 17 février 1992, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-31.370 et 31.446 - UK Agricultural Tractor Registration Exchange, JO L. 68, p. 19, ci-après "Décision"), la Commission a :

- constaté que l'accord d'échange d'informations sur les immatriculations de tracteurs agricoles tombe sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité, "dans la mesure où il donne lieu à un échange d'informations permettant à chaque constructeur de connaître les ventes de chacun de ses concurrents, ainsi que les ventes et les importations réalisées par ses propres concessionnaires" (article 1er) ;

- rejeté la demande d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité (article 2) ;

- enjoint à l'AEA et aux membres de l'accord de mettre fin à l'infraction, si ce n'était déjà fait, et de s'abstenir à l'avenir de participer à tout accord ayant un objet ou un effet identique ou similaire (article 3).

b) Le contenu de l'accord et son contexte juridique

6 Pour être admis à circuler sur la voie publique au Royaume-Uni, tout véhicule doit, selon la loi nationale, être immatriculé, auprès du Department of Transport. La responsabilité de ces immatriculations incombe aux Local Vehicles Licensing Offices (ci-après "LVLO"), au nombre d'environ 60. L'immatriculation des véhicules fait l'objet d'instructions ministérielles d'ordre procédural, intitulées "Procedure for the first licensing and registration of motor Vehicles". Selon ces instructions, un formulaire spécial, le formulaire V55, doit être utilisé pour présenter la demande d'immatriculation du véhicule. En vertu d'un arrangement conclu avec le Ministère des Transports du Royaume-Uni, celui-ci transmet à la SIL certaines des informations recueillies par lui, à l'occasion de l'immatriculation des véhicules.

7 Les parties sont en désaccord sur un certain nombre de questions de fait relatives aux informations figurant sur ce formulaire et leur utilisation. Ces désaccords peuvent être résumés ainsi.

8 Selon la requérante, le formulaire V55 existe sous cinq formes différentes, numérotées V55/1 à V55/5 et décrites dans les instructions de procédure, précitées. Les formulaires V55/2 et V55/4, qui n'étaient utilisés que par British Leyland, ne seraient plus utilisés, cependant que le formulaire V55/3, utilisé en cas de perte ou de vol du formulaire V55/1, serait rempli à la main. Seuls seraient donc en cause en l'espèce les modèles 1 et 5.

9 Selon la Commission, le formulaire existe essentiellement sous deux formes : d'une part, le formulaire V55/1 à V55/4, qui serait "prérempli" par les constructeurs et les importateurs exclusifs et utilisé par les concessionnaires pour l'immatriculation des véhicules qui leur sont livrés et, d'autre part, le formulaire V55/5 qui serait utilisé pour les importations parallèles.

10 Selon la requérante, la formulation retenue par la Commission est de nature à induire en erreur. Le formulaire V55/5 serait employé dans le cas, d'une part, des véhicules usagés immatriculés pour la première fois au Royaume-Uni et, d'autre part, des véhicules importés au Royaume-Uni par les importateurs indépendants.

11 Selon la requérante, d'une part, seul le formulaire V55/1, dont le verso est rempli par le détenteur déclaré du véhicule, c'est-à-dire le client ou le propriétaire, est, sur son recto, "prérempli" par le constructeur du véhicule ou son importateur. A l'exception de celles figurant dans sa partie inférieure, les données inscrites sur la première page du formulaire V55/1 seraient reproduites sur un double, la feuille 2. La moitié inférieure de cette feuille serait consacrée à des statistiques. Elle pourrait, facultativement, être remplie, par le détenteur déclaré du véhicule. Même lorsque la partie statistique ne serait pas remplie par le détenteur déclaré, il serait demandé au concessionnaire qui a réalisé la vente, dans les instructions ministérielles, précitées, d'indiquer le code postal de son client. Le formulaire ainsi rempli serait ensuite adressé au LVLO territorialement compétent. Le LVLO séparerait les deux feuilles. Il ferait parvenir la première au Driver and Véhicules Licensing Center (ci-après "DVLC"), qui dresse et délivre l'autorisation de circuler. Toujours en application des instructions ministérielles, la deuxième feuille serait envoyée à une société de traitement des données désignée aux pouvoirs publics, pour chaque grande catégorie de véhicules, par les professionnels. Dans le cas des tracteurs agricoles, il s'agit de la SIL.

12 D'autre part, toujours selon la requérante, le formulaire V55/5 est utilisé pour l'ensemble des ventes autres que les premières ventes. Contrairement à ce que soutiendrait la défenderesse, il ne permettrait pas d'identifier les importations parallèles. La SIL exploiterait les informations figurant sur le formulaire, après quoi celui-ci serait détruit, sans qu'à aucun moment les membres de l'accord en ait été les destinataires directs.

13 Selon la Commission, le formulaire contient les renseignements suivants, dans des conditions contestées par la requérante sur un certain nombre de points :

- marque (constructeur) ;

- numéros de modèle, de série, de châssis : John Deere Limited estime que l'affirmation contenue au point 14, troisième tiret, de la Décision est, à ce propos, incomplète et inexacte ; selon la requérante, cette information est à usage purement interne à la SIL, aux fins d'éviter les doubles immatriculations ; la requérante soutient que, contrairement à ce qu'indique l'institution défenderesse, la SIL ne met pas à la disposition des membres les numéros de série des véhicules ; à cet égard, il ressort de la réunion entre les parties et le juge rapporteur, organisée le 7 décembre 1993, que les informations relatives aux numéros de série (ou de châssis) sont enregistrées par la SIL, mais, dans le système issu de la première notification, ne sont plus diffusées aux membres de l'accord, dès lors qu'il est convenu, depuis le 1er septembre 1988, que la SIL cesse de faire parvenir aux membres de l'accord le formulaire d'immatriculation des véhicules ;

- concessionnaire initial et vendeur (code, nom, adresse et code postal) : selon la requérante, dont les dires ont, sur ce point, été confirmés par la SIL lors de la réunion organisée le 7 décembre 1993, et contrairement à ce qu'indique la Décision au point 14, quatrième tiret, la SIL n'introduit pas dans sa base de données le nom, l'adresse et le code postal du concessionnaire ; en outre, le numéro de code du concessionnaire initial (case 54) ne serait enregistré que dans l'hypothèse où il n'y a pas de numéro de code du concessionnaire vendeur (case 61) ;

- code postal complet du détenteur déclaré du véhicule ;

- nom et adresse du détenteur déclaré : selon la requérante et contrairement à ce qu'indique la Décision, au point 14, septième tiret, la SIL n'extrait pas du formulaire V55 le nom et l'adresse du détenteur du véhicule. A ce sujet, il a été confirmé, au cours de la réunion organisée le 7 décembre 1993, que, si cette information peut éventuellement figurer à la page 3 du formulaire V55, qui, seule, est transmise à la SIL, elle n'est, en tout cas, pas enregistrée par elle, de telle façon qu'elle n'est pas communiquée aux membres de l'accord.

14 Selon la requérante, les informations exploitées par la SIL, qui, précise-t-elle, concernent exclusivement les immatriculations et non les ventes, sont les suivantes :

- la marque du véhicule (case 18) ;

- le modèle du véhicule (case 21) ;

- la description de la carrosserie du véhicule (case 23) ;

- le concessionnaire ayant opéré la vente (case 61) ;

- la circonscription postale du détenteur déclaré du véhicule (case 70) ;

- la date de la réception de la deuxième feuille par la SIL.

15 Pour la Commission, les informations transmises aux membres de l'accord relèvent de trois catégories distinctes qui sont les suivantes :

- les données agrégées au niveau du secteur : ventes globales du secteur, avec ou sans ventilation par puissance et par type de transmission ; ces informations seraient disponibles en séries annuelles, trimestrielles, mensuelles ou hebdomadaires ;

- les données concernant les ventes de chaque membre : nombre d'unités vendues par chaque fabricant et part de marché de celui-ci, pour divers secteurs géographiques : Royaume-Uni dans son ensemble, région, comté, territoire concédé, identifié grâce aux circonscriptions postales dont chacun constitue l'agrégation ; ces informations seraient disponibles par périodes d'un mois, d'un trimestre ou d'un an (et, dans ce cas, pour les douze derniers mois, par année civile ou en glissement annuel) ;

- les données concernant les ventes des concessionnaires appartenant au réseau de distribution de chaque membre, notamment les importations et les exportations des concessionnaires sur leurs territoires respectifs. Il serait ainsi possible d'identifier les importations et les exportations entre les divers territoires de concession et de comparer ces activités de vente avec les ventes réalisées par les concessionnaires sur leur propre territoire.

16 En outre, selon la Commission, jusqu'au 1er septembre 1988, la SIL fournissait aux membres de l'accord des copies du formulaire V55/5, utilisé par les importateurs indépendants. Depuis cette date, elle leur communiquerait seulement les renseignements tirés de ce formulaire. Celui-ci permettrait toutefois, selon la Commission, d'identifier les importations en provenance d'autres pays de la Communauté, principalement à l'aide du numéro de série.

17 La requérante estime que, si le Tribunal annulait la Décision, les membres de l'accord appliqueraient le Data System, visé dans la seconde notification, dans lequel la SIL fournit aux membres de l'accord des informations de quatre types :

- les données globales du secteur : chaque membre pourrait obtenir des informations sur les immatriculations globales du secteur, soit sans aucune ventilation des produits par modèle, soit avec une ventilation par puissance ou par type de transmission, pour le Royaume-Uni dans son ensemble ou pour chacune des dix régions du Ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation (ci-après "MAFF"), ainsi que par mode d'utilisation des sols, par comté, par territoire de ses propres concessionnaires et par circonscription postale. Ces ventes pourraient être analysées sur une base mensuelle ou hebdomadaire ;

- les données relatives aux ventes propres de l'entreprise : la SIL pourrait fournir aux membres des relevés "sur mesure" concernant le total de leurs ventes individuelles, ainsi que sur leurs ventes, ventilées par modèle, pour le Royaume-Uni, par région MAFF, par mode d'utilisation des sols, par comté, par territoire de leurs propres concessionnaires et par circonscription postale. La SIL pourrait, en outre, fournir, individuellement, à chaque constructeur, des informations, agrégées ou ventilées par modèle, sur les ventes opérées par un concessionnaire sur son territoire ou sur le total des ventes opérées par un concessionnaire, sans indication du lieu de la vente. Ces données pourraient être communiquées mensuellement. Selon la requérante, il convient de préciser que si la Décision, au point 26, décrit exactement les informations qui peuvent être transmises dans ce cadre, les expressions "importations" et "exportations" des concessionnaires doivent s'entendre, pour la première, des ventes réalisées par les autres concessionnaires sur le territoire d'une concession donnée et, pour la seconde, comme désignant les ventes réalisées par un concessionnaire à l'extérieur de son propre territoire de concession. Ces expressions, qui pourraient prêter à confusion, ne désigneraient, en aucun cas, les importations en provenance d'autres Etats membres ou les exportations à destination de tels Etats. Le système n'aurait donc pas pour objet la surveillance des importations parallèles. Or, la requérante souligne que la présentation retenue par la Commission est de nature à induire en erreur. Le système donnerait seulement à chacun des membres de l'accord des informations sur l'ensemble des ventes aux clients établis à l'intérieur du territoire d'un concessionnaire, sans indication de l'identité du concessionnaire qui a effectué la vente, ainsi que l'indication de l'ensemble des ventes effectuées par un concessionnaire à des clients installés à l'intérieur de son territoire ;

- les données relatives aux ventes de chaque concurrent : la SIL pourrait communiquer les ventes globales d'un concurrent déterminé, avec ou sans ventilation par modèle, pour tout le Royaume-Uni, par région MAFF, par mode d'utilisation des sols, par comté, par territoire des concessionnaires propres et par circonscription postale. Ces données seraient communiquées sur une base mensuelle ;

- les informations tirées du formulaire V55 : numéro de châssis, date d'immatriculation de chacun des tracteurs de la marque vendu au Royaume-Uni. Ces informations seraient communiquées sur une base mensuelle. Elles seraient destinées à permettre la vérification des demandes de garantie et de remise.

18 Enfin, le coût des prestations de la SIL serait facturé à chacun des membres de l'accord sur une base négociée avec chacun d'eux. Chacun des membres de l'accord serait contractuellement lié à la SIL, à titre individuel. La requérante insiste sur le fait que, en dépit de la dénomination même du système, il n'existe pas d'échange d'informations entre les membres de l'accord. Si de tels échanges ont pu avoir lieu, d'une part, la requérante n'y aurait pris aucune part et, d'autre part, ils ne seraient pas liés au système lui-même.

Les conclusions des parties

19 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 mai 1992, la requérante a introduit le présent recours.

20 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

"- déclarer nulle et non avenue la décision de la Commission du 17 février 1992 relative à une procédure d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE (IV-2-31.370 et 31.446 - UK Agricultural Tractor Registration Exchange) ;

- condamner la défenderesse aux dépens".

21 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

"- rejeter le recours comme non fondé ;

- condamner la requérante à payer les frais de la Commission".

22 A l'issue de la procédure écrite, le président de la deuxième chambre du Tribunal a, par ordonnance du 28 octobre 1993, prononcé la jonction, aux fins de la procédure orale, de la présente affaire avec la requête T-34-92, Fiatagri UK Limited et New Holland Ford Limited/Commission, sous réserve de la confidentialité, à l'égard des parties requérantes dans l'affaire T-34-92, de certaines parties de la présente requête et de certaines de ses annexes.

23 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale, sans ordonner de mesures d'instruction préalables. Il a toutefois invité la Commission à répondre à certaines questions écrites et à produire certains documents. La partie défenderesse a répondu aux questions posées et produit les documents demandés le 2 décembre 1993. En outre, les parties, ainsi que la SIL, ont été invitées à participer à une réunion avec le juge rapporteur, dans les conditions prévues à l'article 64 du règlement de procédure. Cette réunion s'est tenue le 7 décembre 1993. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal, lors de l'audience publique du 16 mars 1994. Au cours de l'audience publique, M. Hodges, représentant la SIL, a été entendu, en qualité de témoin, dans les conditions prévues aux articles 68 et suivants du règlement de procédure.

Moyens et arguments des parties

24 La requérante a invoqué onze moyens au soutien de ses conclusions en annulation, lesquels se rattachent à trois groupes distincts.

25 Au titre de la régularité de la procédure administrative, la requérante soutient :

- que la Décision est entachée d'une violation des formes substantielles ;

- qu'elle est entachée d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif.

26 Au titre du deuxième groupe de moyens, la requérante invoquent quatre considérations "d'ordre général". Elle soutient :

- que la Décision repose sur des faits matériellement inexacts ;

- qu'un système d'échange d'informations n'est pas, par lui-même, constitutif d'une violation des règles communautaires de concurrence et que la Décision est incompatible avec la politique communautaire de concurrence et procède, dès lors, d'un détournement de pouvoir ;

- que la pratique en cause n'est pas constitutive d'une violation, par les autorités du Royaume-Uni, de l'article 5 du traité CEE ;

- que la Décision méconnaît les règles relatives à la charge de la preuve.

27 Enfin, le troisième groupe comprend cinq moyens. A ce titre, la requérante soutient :

- que le système d'échange d'informations en litige ne présente pas le caractère d'un accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité ;

- que la diffusion des ventes de chaque concurrent ne porte pas atteinte à la concurrence ;

- qu'il en va de même de la diffusion des ventes des concessionnaires de chacun des membres ;

- que le système de diffusion de l'information en cause ne porte pas une atteinte suffisamment sensible au commerce entre les Etats membres ;

- que, en admettant - quod non - que le système d'échange d'informations en cause tombe sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité, les conditions d'une application de l'article 85, paragraphe 3, sont réunies.

A - Sur le premier groupe de moyens, relatifs à la régularité de la procédure administrative

En ce qui concerne le premier moyen, tiré d'une violation des formes substantielles

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

28 La requérante soutient qu'elle a des raisons de douter que la Décision a été authentifiée dans le respect des conditions prévues par l'article 12 du règlement intérieur 63-41-CEE de la Commission, du 9 janvier 1963 (JO 1963, 17, p. 181), maintenu provisoirement en vigueur par l'article 1er de la décision 67/426/CEE de la Commission, du 6 juillet 1967 (JO 1967, 147, p. 1), modifié en dernier lieu par la décision 86-61-CEE, Euratom, CECA de la Commission, du 8 janvier 1986 (JO L 72, p. 34), alors en vigueur. Elle se prévaut, à cet égard, de l'arrêt du Tribunal du 27 février 1992, BASF e.a./Commission, T-79-89, T-84-89, T-85-89, T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-98-89, T-102-89 et T-104-89, Rec. p. II-315), et soutient qu'elle n'a reçu qu'une copie de la Décision et qu'elle ignore si celle-ci a été authentifiée par le président et le secrétaire général de la Commission, conformément aux dispositions de l'article 12 du règlement intérieur provisoire, précité. Elle demande donc à la Commission de produire, dans le cadre de l'instruction de la présente affaire, l'original de la Décision et, dans le cas où la Commission s'y refuserait, elle demande au Tribunal d'adopter les mesures d'instruction à cet effet. Si la communication de l'original de la Décision devait révéler une violation de l'article 12 du règlement intérieur provisoire de la Commission, la Décision notifiée serait entachée d'une violation des formes substantielles et devrait être déclarée nulle et non avenue.

29 La requérante soutient également qu'elle ignore si la décision de la Commission du 5 novembre 1980, portant délégation au commissaire en charge des questions de concurrence, laquelle n'est pas publiée, a habilité celui-ci à notifier les copies des décisions. Elle estime que, si la Commission devait se prévaloir de cette délégation, celle-ci devrait être produite, afin de mettre le Tribunal à même d'exercer son contrôle sur la validité de l'exercice de cette délégation. En outre, la requérante soutient qu'en l'espèce la Commission ne pouvait valablement consentir une telle délégation, dès lors que la Cour aurait jugé qu'une délégation consentie à un seul commissaire doit être publiée. Faute pour la Commission d'avoir adopté une mesure de publicité de la délégation, la Décision serait entachée d'une violation des formes substantielles et devrait être déclarée nulle et non avenue.

30 La Commission estime que rien ne permet à la requérante de soutenir valablement que les règles de procédure de la Commission n'ont pas été respectées en l'espèce. La Commission fait observer que le moyen n'est pas étayé d'allégations précises et qu'il doit, dès lors, être rejeté. Enfin, elle rappelle que la notification de l'acte est régulière, dès lors que la copie notifiée est certifiée conforme à l'original par le secrétaire général de la Commission et que le destinataire est en mesure d'en prendre connaissance. La Commission n'a donc aucune obligation de produire l'original de la Décision, ce qu'elle fera néanmoins si le Tribunal le lui enjoint.

Appréciation du Tribunal

31 Le Tribunal estime que, en l'absence de tout indice de nature à mettre en cause sa validité, la Décision, objet du présent recours, telle que notifiée à la requérante, doit bénéficier de la présomption de validité qui s'attache aux actes communautaires. Faute pour la requérante de produire le moindre indice de nature à mettre en cause cette présomption, il n'appartient pas au Tribunal d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées. S'agissant, de plus, de la régularité de la procédure d'adoption de la copie de la Décision et de sa notification, le Tribunal estime que, à supposer établis les vices affectant cette copie ou la régularité de sa notification aux entreprises, ceux-ci seraient, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de la Décision et seraient seulement de nature à affecter le point de départ du délai de recours contentieux courant à son encontre. Au surplus, ainsi qu'il ressort des termes mêmes du présent recours, la requérante a été, en l'espèce, en mesure de prendre pleinement connaissance de la Décision et de faire valoir la plénitude de ses droits procéduraux. En l'espèce, la requérante a, en effet, été destinataire d'une copie de la Décision, certifiée conforme par le secrétaire général de la Commission. En l'absence de tout indice sérieux de nature à mettre en doute sa régularité, une telle copie fait foi (arrêt de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Chemical Iberica e.a./Commission, 97-87 à 99-87, Rec. p. 3165, point 59, et arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T-43-92, non encore publié au Recueil, points 24 et 25). Au vu de l'ensemble de ces circonstances, le moyen doit donc être écarté, sans qu'il soit besoin pour le Tribunal de faire droit aux demandes de production de pièces présentées par la requérante.

En ce qui concerne le second moyen, tiré d'une contradiction entre le dispositif de la Décision et les motifs sur lesquels elle repose

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

32 Selon la requérante, le dispositif de la Décision manque de cohérence et de clarté. D'une part, en vertu des articles 1er et 3 du dispositif, les membres de l'accord devraient mettre fin au système d'échange d'informations, dans la mesure où celui-ci permet de connaître les ventes de chacun des concurrents, alors même que, en contradiction avec ce dispositif, la Décision admettrait la licéité d'un échange d'informations portant sur les ventes réalisées par les divers concurrents, c'est-à-dire permettant de connaître les données individuelles, à la condition que les informations transmises datent d'un an ; d'autre part, en vertu des mêmes articles du dispositif de la Décision, les parties devraient mettre fin au système d'échange d'informations, dans la mesure où il donne aux membres des informations sur les ventes et les importations réalisées par leurs propres concessionnaires. Or, la Décision ne préciserait pas si la diffusion des données portant sur les ventes des concessionnaires est permise, dès lors du moins que les données agrégées concernent au moins dix véhicules, comme l'indique le point 54 des motifs de la Décision, ou si, comme semblent l'indiquer les points 55 et 56 des motifs, une telle diffusion serait encore considérée comme susceptible d'entraver l'activité des concessionnaires, auquel cas il conviendrait d'indiquer à quelles conditions le système d'échange d'informations serait de nature à éliminer toute possibilité d'entraver l'activité de ces derniers.

33 La Commission estime que, lu à la lumière de ses motifs et notamment de son point 61, relatif aux échanges d'informations qui n'ont pas par eux-mêmes pour effet de restreindre la concurrence, le dispositif de la Décision est suffisamment clair (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663).

Appréciation du Tribunal

34 A cet égard, le Tribunal observe, en premier lieu, que, au point 50 des motifs, la Décision examine dans quelle mesure un système d'échange d'informations concernant des ventes passées est susceptible de fausser la concurrence sur le marché considéré. Au dernier alinéa de ce point, la Commission a précisé qu'elle considérait "qu'un échange annuel de données datant d'un an (et portant) sur les ventes réalisées par les divers concurrents dans le pays tout entier, dans les régions MAFF et selon le mode d'utilisation des terres, même ventilées par modèle, peut être considéré comme un système d'échange d'informations commerciales qui n'ont pas pour effet de fausser significativement le jeu de la concurrence entre les constructeurs". Cette appréciation concerne exclusivement la diffusion aux membres de l'accord des données concernant les ventes de chaque concurrent. D'une part, il ressort de ses termes mêmes qu'une telle appréciation ne concerne que les informations dont la périodicité de diffusion est annuelle, et ne préjuge pas l'appréciation de la Commission concernant la licéité de l'ensemble du système d'échange d'informations, en tant que certaines des informations diffusées par ce système le sont avec une périodicité hebdomadaire, mensuelle ou trimestrielle. D'autre part, une telle appréciation laisse entière, au regard de l'article 85 du traité, la question de la licéité du système, en tant que celui-ci concerne, notamment, les ventes des concessionnaires de chaque membre. Une telle appréciation n'est, dès lors, pas incompatible avec l'article 1er du dispositif de la Décision, précité.

35 Le Tribunal relève, en second lieu, qu'il ressort clairement du rapprochement des points 54, 55 et 56 des motifs de la Décision, que la Commission considère que la diffusion aux membres de l'accord des informations concernant les ventes réalisées n'est susceptible de fausser la concurrence, sur le marché considéré, que pour autant qu'elle ne concerne pas des ventes agrégées en un minimun de dix unités. Dès lors, la requérante n'est pas davantage fondée à se prévaloir d'une prétendue contradiction entre ce motif de la Décision et le dispositif de celle-ci, dont les motifs constituent le support indispensable.

36 Il résulte de ce qui précède que le second moyen soulevé par la requérante, tiré d'une prétendue contradiction entre les motifs de la Décision et les articles 1er et 3 de son dispositif doit être rejeté.

B - Sur le deuxième groupe de moyens, relatifs à des "considérations d'ordre général"

En ce qui concerne le premier moyen, tiré de l'inexactitude matérielle des faits sur lesquels repose la Décision

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

37 Selon la requérante, la Décision ne peut viser que le nouveau système d'échange d'informations, notifié à la Commission le 12 mars 1990. En effet, une injonction tendant à ce qu'il soit mis fin à un accord qui a expressément été abandonné serait illégale. Dès lors, l'injonction ne pourrait viser que le nouvel accord. Or, une telle injonction ne serait pas justifiée, dès lors que la thèse de la Commission, selon laquelle les "faits anticoncurrentiels", constatés dans l'ancien système, demeurent inchangés dans le nouveau système, reposerait sur une erreur de fait. En effet, les deux systèmes seraient différents sur plusieurs points, de sorte que les affirmations de la Commission, relatives à des éléments de l'ancien système, non repris dans le nouveau système, ne seraient pas pertinentes.

38 La Commission estime qu'elle était tenue de se prononcer sur le système notifié en 1988, par référence auquel a été effectuée la notification du 12 mars 1990 et qui n'a pas été retiré, dès lors que le Data System n'avait été notifié qu'au nom de cinq des entreprises parties à l'accord. En tout état de cause, la Commission estime que le Data System, dans lequel les modifications sont limitées à quatre types d'informations, ne présente pas, par rapport à la première notification, de modifications substantielles, de nature à justifier une analyse séparée. En effet, tout comme l'ancien système, le nouveau système permettrait d'identifier l'origine et la destination de chaque tracteur. Il serait donc clair que la Décision vise tout à la fois la première notification et les modifications qui lui ont été apportées en 1990.

Appréciation du Tribunal

39 A cet égard, le Tribunal estime, tout d'abord, que c'est à juste titre que la Commission soutient que, saisie en l'espèce tout à la fois de la première et de la seconde notifications, elle était tenue d'examiner la licéité, au regard de l'article 85 du traité, de ces deux notifications, dès lors du moins que, d'une part, la seconde notification n'émanait pas de l'ensemble des opérateurs signataires de la première notification et que, d'autre part, les parties notifiantes n'avaient pas expressément déclaré retirer la première de ces deux notifications. Dès lors, la première branche du moyen, tirée de ce que la Décision ne pourrait viser que le nouveau système, doit être écartée.

40 Le Tribunal constate, ensuite, que, après avoir examiné la conformité à l'article 85 du traité, du système d'échange d'informations issu de la première notification, la Décision a, au point 65, estimé que "les observations relatives à l'article 85, paragraphes 1 et 3, développées dans ce qui précède, s'appliquent, mutatis mutandis, à la notification modifiée du 12 mars 1990". Toutefois, l'argument de la requérante selon lequel cette appréciation serait entachée d'inexactitude matérielle, au motif que le Data System, issu de la seconde notification, ne prévoirait plus ni la transmission quotidienne des informations, ni la transmission, aux membres de l'accord, du formulaire V55, doit être écarté. En effet, il est constant que la Décision, qui relève que le Data System "continue de fournir des données mensuelles sur le volume des ventes et les parts de marché des membres et des concessionnaires, ainsi que des informations détaillées comme le numéro de châssis et la date d'immatriculation de chaque unité vendue" n'affirme nullement ni que, dans le Data System, certaines informations seraient transmises quotidiennement aux membres de l'accord, ni que le formulaire V55 leur serait adressé. Dès lors, la seconde branche du moyen manque en fait.

41 Il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen tiré des erreurs de fait dont serait entachée la Décision doit être rejeté.

En ce qui concerne le deuxième moyen, tiré de ce que l'accord litigieux ne porte pas atteinte aux règles communautaires de concurrence

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

42 Selon la requérante, la Commission aurait, pour la première fois, constaté la contrariété avec les règles communautaires de concurrence d'un système d'échange d'informations, en se basant uniquement sur une appréciation intrinsèque du système, sans établir l'existence de restrictions concertées de concurrence résultant de l'accord. Ainsi, la Décision ne s'inscrirait pas dans le fil de la pratique décisionnelle de la Commission et serait constitutive d'un détournement de pouvoir.

43 L'affirmation contenue au point 37, première phrase, des motifs de la Décision, selon laquelle un système d'échange d'informations restreint nécessairement la concurrence, s'il produit ses effets sur un marché fortement concentré, aboutirait à édicter une prohibition "per se", solution qui serait sans précédent. En effet, le système en cause ne livrerait que des informations à caractère historique et ne concernerait ni la politique des prix ni aucun élément de stratégie commerciale. En outre, les données transmises ne seraient pas l'accessoire d'accords restrictifs de concurrence. Les membres de l'accord ne chercheraient pas à stabiliser leur part respective de marché. L'échange d'informations en cause ne concernerait pas, non plus, un accord de partage de marché ou un système d'échange d'informations s'intégrant dans un accord de prix. Enfin, la Commission ne pourrait se prévaloir de l'arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, dans lequel était en cause un échange d'informations portant sur les ventes futures.

44 Pour la première fois, la Commission aurait critiqué l'existence, sur un "marché très concentré" d'un système d'échange d'informations, en se dispensant de rechercher si un tel système produit effectivement des effets anticoncurrentiels. Or, une telle "violation intrinsèque" des règles de concurrence par un système d'échange d'informations ne trouverait aucune justification dans la jurisprudence communautaire. Par suite, il ne serait pas possible d'en déduire les critères auxquels la Commission prétend se référer pour apprécier les effets, sur le marché, d'un système d'échange d'informations. La jurisprudence retiendrait d'autres critères et distinguerait entre les accords qui font l'objet d'une prohibition "per se" et ceux qui ne sont pas nécessairement restrictifs de concurrence. Dans cette dernière hypothèse, la Cour aurait recherché quelles auraient été les conditions de concurrence, en l'absence des pratiques litigieuses. Une telle analyse ferait défaut en l'espèce. Loin d'affaiblir "nécessairement" la concurrence, comme le prétendrait la Décision, la transparence du marché l'accroîtrait, en permettant aux entreprises de réagir immédiatement aux actions de la concurrence. La transparence du marché, à laquelle les entreprises consacreraient des sommes importantes, serait pour elles le seul moyen de savoir si une initiative de concurrence est un succès.

45 Selon la requérante, dans le Septième Rapport sur la politique de concurrence, publié en 1978, la Commission aurait entendu faire une distinction entre les échanges d'informations portant, d'une part, sur les statistiques et, d'autre part, sur les prix. En l'espèce, le système d'échange d'informations en cause ne concernerait pas des informations sensibles et la Commission aurait, à tort, mis sur le même plan un échange d'informations portant sur les prix et un système qui ne porte pas sur les prix. Ce faisant, la Commission aurait abandonné la position exprimée dans le Septième Rapport sur la politique de concurrence, précité. Contrairement à ce que soutient la défenderesse, la "Policy outline of the AEA" ("note d'information sur la politique de l'AEA") ne contredirait pas l'appréciation de la requérante, selon laquelle aucune information ne se trouve communiquée entre les membres du système. L'affirmation de la défenderesse, selon laquelle l'échange d'informations entre les concurrents a seulement pour effet d'améliorer la transparence entre eux, à l'exclusion de tout accroissement de la transparence dans les relations avec les acheteurs, serait inexacte, dès lors qu'une grande partie de l'information recueillie serait fournie au public par l'intermédiaire de l'AEA. Le consommateur bénéficierait, par ailleurs, de l'échange d'informations, dans la mesure où celui-ci permet une meilleure programmation de la production et une réduction des coûts.

46 La Commission estime que c'est à tort que la requérante soutient qu'elle a constaté une infraction "per se". Une telle affirmation signifierait que la pratique en cause est prohibée, indépendamment des conditions de fonctionnement du marché. Or, la Décision comporterait une analyse précise des conditions de fonctionnement du marché. La Commission estime que c'est également à tort que la requérante prétend que la Décision serait en contradiction avec sa pratique décisionnelle antérieure. De même, la solution retenue dans la présente espèce serait-elle conforme à la jurisprudence de la Cour. Dans le Septième Rapport sur la politique de concurrence, précité, la Commission aurait fait une distinction entre les systèmes d'échange d'informations neutres du point de vue de la concurrence et ceux qui sont susceptibles d'altérer la concurrence. Elle aurait énoncé trois critères principaux, à prendre en considération pour examiner la licéité, au regard de l'article 85 du traité, du système d'échange d'informations en cause. Ces trois critères seraient la nature des informations échangées, la structure du marché en cause et la réponse à la question de savoir si le système d'échange d'informations est également de nature à améliorer, pour les consommateurs, la transparence du marché. Ce seraient ces critères que la Commission aurait appliqués en l'espèce, pour aboutir à la conclusion que le système d'échange d'informations en litige était contraire à l'article 85 du traité.

Appréciation du Tribunal

47 Le Tribunal constate que, selon la Décision, l'analyse de l'impact de l'échange d'informations sur la concurrence sur le marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni est effectuée, exclusivement du point de vue des effets de l'accord, aux points 35 à 56 des motifs. Il est procédé à cette analyse selon un double critère distinctif. En premier lieu, la Décision distingue entre les effets anticoncurrentiels résultant de la diffusion des données propres à chaque concurrent (points 35 à 52), d'une part, et les effets anticoncurrentiels résultant de la diffusion des données concernant les affaires réalisées par les concessionnaires de chaque membre (points 53 à 56), d'autre part. En second lieu, à l'intérieur de l'analyse des effets résultant de la diffusion des ventes réalisées par chaque concurrent, la Décision distingue entre l'effet négatif sur la "concurrence cachée" (points 37 à 43), d'une part, et les effets négatifs quant à l'accès au marché, ainsi opposés aux constructeurs non-membres de l'accord (points 44 à 48), d'autre part.

48 S'agissant, tout d'abord, de l'effet anticoncurrentiel résultant de la diffusion des "ventes" de chaque concurrent, la Décision (points 35 à 43) expose, en premier lieu, que le système d'échange d'informations assure une transparence complète entre les offreurs quant aux conditions de fonctionnement du marché. Compte tenu des caractéristiques du marché, cette transparence ruinerait ce qui subsiste de "concurrence cachée" entre les opérateurs et réduirait à néant toute marge d'incertitude quant au caractère prévisible du comportement des concurrents. La Décision expose, en second lieu, que le système d'échange d'informations en litige instaure une discrimination radicale, quant aux conditions d'accès au marché, entre les adhérents, qui disposent d'une information leur permettant de prévoir le comportement de leurs concurrents, et les constructeurs non-membres de l'accord, qui, non seulement sont dans l'incertitude quant au comportement de leurs concurrents, mais encore voient leur comportement immédiatement révélé à leurs principaux concurrents le jour où, décidant de combattre le handicap précédemment analysé, ils adhèrent au système.

49 S'agissant, ensuite, de l'effet anticoncurrentiel résultant de la diffusion des "ventes" des concessionnaires, la Décision (points 53 à 56) expose, d'une part, que le système d'échange d'informations peut révéler les ventes des différents concurrents au niveau de chaque territoire de concession. La Décision expose, en effet, qu'en-deçà d'un certain seuil, les ventes réalisées sur le territoire d'un concessionnaire donné sont susceptibles de permettre d'identifier avec précision chacune des opérations dont il s'agit. La Décision estime à dix unités, pour une période et un produit donnés, le seuil en deçà duquel l'individualisation des informations est possible, et permet l'identification de chacune des ventes (point 54). D'autre part, selon la Décision, le système permet, par la connaissance qu'il donne des ventes réalisées par la concurrence sur le territoire d'un concessionnaire ("dealer imports"), ainsi que de celles des ventes réalisées par un concessionnaire à l'extérieur de son territoire ("dealer exports"), de surveiller l'activité des concessionnaires et d'identifier les importations et les exportations, et donc de surveiller les "importations parallèles" (point 55). Cette situation serait de nature à limiter la concurrence à l'intérieur de la marque, avec les effets négatifs qui pourraient en résulter sur les prix.

50 S'agissant de la contrariété, alléguée par la requérante, entre la Décision et la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, le Tribunal estime qu'en tout état de cause la Décision ne révèle aucune contradiction avec la pratique décisionnelle antérieure de la Commission non plus qu'aucun détournement de pouvoir. En effet, les décisions de la Commission invoquées concernent soit des échanges d'informations qui portent sur des informations différentes de celles en cause dans la présente espèce, soit des marchés dont les caractéristiques et les modalités de fonctionnement sont, par nature, différentes de celles du marché de référence. De même, la requérante n'établit-elle pas que la Commission aurait, par la Décision, méconnu certains des principes qu'elle se serait engagée à respecter, à l'occasion notamment du Septième Rapport sur la politique de concurrence, précité.

51 Le Tribunal relève que, comme le soutient la requérante, la Décision est la première par laquelle la Commission prohibe un système d'échange d'informations portant sur des produits suffisamment homogènes qui, sans concerner directement les prix de ces produits, n'est pas non plus le support d'un autre mécanisme anticoncurrentiel. A cet égard, le Tribunal estime que, en principe, comme le soutient certes, à juste titre, la requérante, la transparence entre les opérateurs économiques est, sur un marché véritablement concurrentiel, de nature à concourir à l'intensification de la concurrence entre les offreurs, dès lors que, dans une telle hypothèse, la circonstance qu'un opérateur économique tienne compte des informations sur le fonctionnement du marché, dont il dispose grâce au système d'échange d'informations, pour adapter son comportement sur le marché, n'est pas de nature, compte tenu du caractère atomisé de l'offre, à atténuer ou à supprimer, pour les autres opérateurs économiques, toute incertitude quant au caractère prévisible des comportements de ses concurrents. Le Tribunal estime, en revanche, que, comme le soutient cette fois la Commission, la généralisation, entre les principaux offreurs et, contrairement à ce que soutient la requérante, au seul profit de ceux-ci et, par suite, à l'exclusion des autres offreurs et des consommateurs, d'un échange d'informations précises et selon une périodicité rapprochée, concernant l'identification des véhicules immatriculés et le lieu de leur immatriculation, est de nature, sur un marché oligopolistique fortement concentré, tel le marché en cause, et où, par suite, la concurrence est déjà fortement atténuée et l'échange d'informations facilité, à altérer sensiblement la concurrence qui subsiste entre les opérateurs économiques (voir, ci-après, point 81). En effet, dans une telle hypothèse, la mise en commun régulière et rapprochée des informations relatives au fonctionnement du marché a pour effet de révéler périodiquement, à l'ensemble des concurrents, les positions sur le marché et les stratégies des différents concurrents.

52 En outre, la mise à disposition de l'ensemble des offreurs des informations en cause, d'une part, suppose un accord, au moins tacite, entre les opérateurs économiques pour définir, par référence au système du code postal en vigueur au Royaume-Uni, les limites des territoires de vente des concessionnaires, ainsi qu'un cadre institutionnel permettant, par l'intermédiaire de l'association professionnelle à laquelle ils adhèrent, l'échange d'informations entre les opérateurs et, d'autre part, compte tenu de sa périodicité et de son caractère systématique, rend d'autant plus prévisible, pour un opérateur donné, le comportement de ses concurrents, en atténuant ainsi ou en supprimant le degré d'incertitude sur le fonctionnement du marché, qui, en l'absence d'un tel échange d'informations, eût subsisté. De surcroît, la Commission soutient à juste titre, aux points 44 à 48 des motifs de la Décision, que, quelle que soit la décision adoptée par un opérateur souhaitant pénétrer sur le marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni, que celui-ci adhère ou non à l'accord, ce dernier est nécessairement pénalisant à son encontre. Ou bien, en effet, l'opérateur économique dont il s'agit n'adhère pas à l'accord d'échange d'informations et, contrairement à ses concurrents, il se prive alors des informations échangées et de la connaissance du marché qu'elles procurent ; ou bien, il décide d'adhérer à l'accord et sa stratégie commerciale est alors immédiatement révélée à l'ensemble des concurrents, au travers des informations qu'ils reçoivent.

53 De ce qui précède, il résulte que le moyen tiré de ce que l'accord d'échange d'informations litigieux ne serait pas de nature à porter atteinte aux règles communautaires de concurrence doit être écarté.

En ce qui concerne le troisième moyen, tiré d'une absence de violation, par les autorités du Royaume-Uni, de l'article 5 du traité

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

54 Selon la requérante, en transmettant la deuxième feuille du formulaire V55, les autorités du Royaume-Uni ne favoriseraient ou ne maintiendraient aucune entente, de telle sorte que le point 49 des motifs de la Décision, selon lequel les pouvoirs publics peuvent se voir reprocher une infraction, ne serait pas en harmonie avec la jurisprudence de la Cour sur ce point. En l'espèce, les contrats individuels conclus entre chacun des membres de l'accord et la SIL ne pourraient être qualifiés d'ententes. Les autorités des différents Etats membres publieraient d'ailleurs de nombreuses statistiques détaillées, concernant certains marchés spécifiques dont la compatibilité avec les règles du traité CEE ne serait pas mise en cause par la Commission.

55 La Commission n'a pas présenté d'observations particulières relatives à ce moyen.

Appréciation du Tribunal

56 A titre liminaire, le Tribunal rappelle, d'une part, que le moyen présentement examiné doit être interprété comme mettant en cause la légalité du sixième et dernier alinéa du point 49 des motifs de la Décision, selon lequel "enfin, le fait qu'un ministère mette à la disposition des entreprises d'un secteur des données permettant de déterminer les ventes des divers concurrents, par opposition à des données agrégées, n'empêche pas que l'article 85 du traité CEE s'applique aux entreprises en question. Au contraire, cela signifie seulement que les pouvoirs publics peuvent aussi, dans certaines circonstances, se voir reprocher une infraction, en l'occurrence à l'article 5 du traité, car il ressort des dispositions combinées de l'article 85, de l'article 3, point f), et de l'article 5, deuxième alinéa, du traité CEE que les dispositions ou pratiques administratives nationales ne peuvent pas porter atteinte à la pleine application des règles communautaires de concurrence".

57 Le Tribunal rappelle, d'autre part, que l'article 5 du traité impose aux Etats membres de prendre toutes mesures propres à assurer l'exécution des obligations découlant du traité et leur impose de s'abstenir "de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du... traité".

58 En l'espèce, le Tribunal constate qu'il ressort clairement du point 49, précité, des motifs de la Décision que, dans certaines circonstances, les pratiques en litige pourraient être constitutives tout à la fois, d'une part, d'une infraction, par les entreprises concernées, à l'article 85 du traité et, d'autre part, d'une infraction aux articles 3, sous f), 5 et 85 du même traité par l'Etat membre sur le territoire duquel de telles pratiques sont mises en œuvre, sans que, en tout état de cause, le comportement des autorités nationales soit de nature à exonérer les opérateurs économiques des conséquences de leur méconnaissance des dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Il ressort, en outre, du point 49 des motifs de la Décision que celle-ci s'abstient de se prononcer expressément sur le point de savoir si la pratique litigieuse est susceptible de constituer une infraction aux obligations imposées aux autorités du Royaume-Uni par l'article 5 du traité. Dès lors, le moyen tiré de ce que la pratique litigieuse ne serait pas constitutive d'une infraction à l'article 5 du traité ne peut, en tout état de cause, qu'être rejeté.

En ce qui concerne le quatrième moyen, tiré d'une violation des règles relatives à la charge de la preuve

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

59 Selon la requérante, la Commission aurait manqué à l'obligation qui lui incombe de rapporter la preuve des effets anticoncurrentiels allégués. Le système d'échange d'informations en cause ayant été appliqué de 1975 à 1991, son appréciation au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité devrait reposer uniquement sur l'appréciation de ses effets réels et non de ses seuls effets potentiels. En l'absence d'effets anticoncurrentiels réels, le doute devrait profiter aux parties notifiantes. En confondant les notions d'affectation de la concurrence et d'affectation du commerce entre Etats membres, la Commission se serait abstenue de rechercher si, du fait de l'échange d'informations en cause, la concurrence a, en fait, été restreinte et n'aurait pas établi l'existence d'une altération négative de la concurrence, résultant de l'échange d'informations litigieux. En l'espèce, rien ne permettrait de conclure qu'un système d'échange d'informations altérerait, sur un marché très concentré, le jeu de la concurrence. Or, si l'on s'abstenait de rechercher les effets négatifs sur la concurrence résultant de la pratique poursuivie, tout contrat pourrait, à la limite, être regardé comme exerçant un effet sur la concurrence.

60 Selon la Commission, la Décision satisfait aux principes posés à cet égard par la Cour, dans son arrêt du 30 juin 1966, Société technique minière (56-65, Rec. p. 337). En effet, la Commission aurait d'abord examiné l'objet de l'accord et du Data System, puis elle aurait recherché si les effets de l'accord étaient de nature à affecter la concurrence dans le Marché commun. Or, la Décision contiendrait un exposé de l'ensemble des éléments de fait et de droit à partir desquels la Commission est parvenue à la conclusion que l'accord a pour effet de fausser sensiblement la concurrence dans le Marché commun. L'invocation de l'arrêt de la Cour du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique/Commission, dit "Papiers peints de Belgique" (73-74, Rec. p. 1491) ne serait pas pertinente, dès lors que la Décision ne poserait aucun principe nouveau, mais se bornerait à faire application à une situation d'espèce de principes préexistants. Cette appréciation reposerait sur la constatation que le marché est oligopolistique, stagnant et étroit. La Commission aurait satisfait aux prescriptions de la jurisprudence concernant l'exhaustivité de l'analyse factuelle et juridique, en expliquant les motifs pour lesquels, compte tenu de la nature des informations échangées et de la structure du marché, l'accord et le Data System ont pour effet d'entraver, de restreindre ou de fausser, de manière significative, le jeu de la concurrence.

Appréciation du Tribunal

61 Le Tribunal estime que, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que la partie défenderesse ne serait pas en mesure d'établir l'existence d'un effet anticoncurrentiel réel résultant, sur le marché de référence, de la pratique litigieuse, effet qui aurait pu notamment résulter de ce que l'accord est, dans son économie générale, en vigueur depuis 1975, est sans influence sur la solution du litige, dès lors que l'article 85, paragraphe 1, du traité prohibe tant les effets anticoncurrentiels réels que les effets purement potentiels, pour peu que ceux-ci soient suffisamment sensibles(arrêt de la Cour du 16 juin 1981, Salonia, 126-81, Rec. p. 1563, et arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Petrofina/Commission, T-2-89, Rec. p. II-1087), ce qui, en l'espèce, est le cas, compte tenu des caractéristiques du marché (voir, ci-après, point 78).

62 Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la Commission, à qui incombe, certes, la charge de la preuve de l'existence d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, n'a pas établi à suffisance de droit l'effet anticoncurrentiel de l'accord litigieux. Le moyen doit être rejeté.

C - Sur le troisième groupe de moyens

En ce qui concerne le premier moyen, tiré d'une absence d'accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

63 Selon la requérante, il n'y a jamais eu d'accord entre les parties au sujet d'un "système commun d'organisation des territoires des concessionnaires". Postérieurement à l'introduction du système de code postal au Royaume-Uni, les membres de l'accord auraient redécoupé les territoires de leurs concessionnaires en regroupant des circonscriptions postales. Toutefois, il n'aurait pas été procédé à ce redécoupage sur la base d'un accord passé entre les membres de l'AEA, visant à faciliter la comparaison de leurs données. Son unique but aurait été d'ajuster les territoires des concessionnaires aux circonscriptions postales, afin d'éviter que l'une d'entre elles ne fasse partie de plusieurs territoires de concessions différents. Chacun aurait remis à la SIL une liste des codes postaux compris dans le territoire de chacun de ses concessionnaires et il n'existerait aucun autre type d'accord qu'un ensemble d'accords individuels avec la SIL. En vertu de la communication de la Commission relative aux accords, décisions et pratiques concertées concernant la coopération entre entreprises (JO 1968, C. 75, p. 3), de telles pratiques n'auraient ni pour objet ni pour effet d'altérer la concurrence. Cette appréciation ne serait pas modifiée par l'intervention de l'AEA, qui résulte seulement de ce que les autorités du Royaume-Uni ne communiquent pas directement aux constructeurs ou aux importateurs les formulaires V55. La note de l'AEA, en date du 31 août 1979, dont se prévaut la défenderesse, n'établirait pas l'existence d'une action concertée. Contrairement à ce que soutient l'institution défenderesse, les membres de l'accord n'auraient d'ailleurs pas été conscients du fait que le système devait être notifié à la Commission. Sur la base du Septième Rapport sur la politique de concurrence, précité, les membres de l'accord d'échange d'informations supposaient d'ailleurs que celui-ci n'enfreignait pas l'article 85, paragraphe 1, du traité.

64 La Commission soutient qu'elle n'a formulé, à l'encontre des entreprises, aucun grief qu'elle n'aurait pas justifié. En l'espèce, elle reproche aux membres de l'accord d'être convenus de choisir de recourir, pour la détermination des limites des territoires de vente de leurs concessionnaires, aux codes postaux qui permettraient l'utilisation la plus efficace des informations extraites du formulaire V55. Ainsi que le précise le point 49, quatrième alinéa, des motifs de la Décision, si les membres de l'accord avaient établi les territoires de concession sur une autre base, les informations rassemblées n'auraient pas été comparables et l'analyse n'aurait pas été aussi précise. Si les membres de l'accord n'étaient pas convenus d'organiser les territoires de ventes de leurs concessionnaires à partir des circonscriptions postales, la SIL ne serait pas en mesure d'établir des rapports tels que "l'analyse des ventes des concessionnaires", du type de celui commandé par Case Europe Limited.

65 En outre, estime la Commission, le système d'échange d'informations en cause constituerait bien un accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, conformément à la communication de la Commission relative aux accords, décisions et pratiques concertées concernant la coopération entre entreprises, précitée, dans laquelle la Commission expose que faire le départ entre les systèmes d'échange d'informations neutres du point de vue de la concurrence et ceux qui sont susceptibles de relever de l'article 85 du traité est parfois difficile. Selon la Commission, qui se réfère sur ce point à une note de l'AEA du 31 août 1979, l'instruction a montré que, dès cette date, les membres de l'accord avaient conscience que le système d'échange d'informations en cause pouvait relever de l'article 85, bien que la notification ne soit intervenue que près de neuf années plus tard, après avoir fait l'objet d'une enquête de la Commission.

Appréciation du Tribunal

66 Ainsi qu'il l'a déjà été dit précédemment (voir, ci-dessus, point 51), le Tribunal estime que la mise à disposition d'informations collectées à l'occasion de l'immatriculation de chacun des véhicules suppose un accord, au moins tacite, entre les opérateurs économiques concernés pour définir, par référence au système du code postal au Royaume-Uni, les limites des territoires de vente des concessionnaires, ainsi qu'un cadre institutionnel permettant, par l'intermédiaire de l'association professionnelle à laquelle ils adhèrent, l'échange d'informations entre les opérateurs. En effet, en l'absence d'un tel accord, les informations diffusées ne pourraient être exploitées dans les mêmes conditions par leurs destinataires. Or, en se concertant de la sorte, les opérateurs participant au système d'échange d'informations sur le marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni ont nécessairement limité leur autonomie de décision, dans des conditions qui, par suite, sont susceptibles d'avoir exercé une influence sur la concurrence entre ces opérateurs. Dans ces conditions, la requérante ne saurait prétendre que les membres de l'accord d'échange d'informations n'auraient pas enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité en convenant, d'un commun accord, de telles modalités d'organisation des territoires de vente respectifs de leurs concessionnaires, comme l'expose le point 49 des motifs de la Décision. Les affirmations contenues dans ce point ne sont contradictoires, en tout état de cause, ni avec les principes affirmés dans la communication de la Commission relative aux accords, décisions et pratiques concertées concernant la coopération entre entreprises, précitée, ni avec les trois critères, précités, posés par le Septième Rapport sur la politique de concurrence, lesquels ont bien été pris en compte par la Commission pour apprécier la licéité du système d'échange d'informations litigieux.

67 Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'absence d'accord entre les membres participant au système d'échange d'informations, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité doit être rejeté.

En ce qui concerne le deuxième moyen, tiré de l'absence d'atteinte à la concurrence résultant de la diffusion des données sur les ventes de chaque concurrent

68 Ce deuxième moyen comporte trois branches. A cet égard, la requérante se prévaut, en effet, en premier lieu, de l'absence de restriction de la concurrence résultant d'une prétendue "prévention de la concurrence cachée" ; en deuxième lieu, de l'absence de restriction de concurrence résultant d'un prétendu renforcement des obstacles à l'accès au marché opposés aux concurrents non-membres de l'accord ; et, en troisième lieu, de l'absence d'effet sur la concurrence résultant des réunions du comité de l'AEA.

Quant à la première branche du moyen, tirée de l'absence de restriction de la concurrence due à une prétendue "prévention de la concurrence cachée"

- Exposé sommaire de l'argumentation des parties

69 La requérante soutient que la conclusion de la Commission, selon laquelle le marché en cause serait un marché très concentré, sur lequel la concurrence serait affaiblie, repose sur des faits matériellement inexacts et ne peut fournir d'appui à l'hypothèse, sur laquelle reposerait la Décision, d'un marché d'oligopole étroit. En effet, le marché devrait être qualifié d'oligopole large. La requérante soutient que si, en 1990, les parts de marché cumulées de quatre constructeurs représentaient environ 75 % du marché, ceux-ci ne dominaient pas le marché. En effet, la seule constatation de l'existence d'une part de marché cumulée importante ne suffirait pas à établir l'existence d'une position dominante collective, dès lors que le reste du marché serait réparti entre quelque 40 entreprises qui distribueraient environ 500 modèles différents.

70 De même, serait entachée d'inexactitude de fait l'affirmation de la Commission, selon laquelle les membres de l'accord seraient de "gros fournisseurs" des marchés des autres Etats membres. S'il est, en effet, exact que tous les membres de l'accord interviennent dans les autres Etats membres, tous ne seraient pas de "gros offreurs".

71 En outre, il n'y aurait pas d'écart substantiel entre les parts de marché des membres de l'accord et les parts de marché des non-membres. L'affirmation de la Commission, selon laquelle les quatre plus gros constructeurs dominent le marché, ne serait pas compatible avec la décision du 8 février 1991, adoptée, par la Commission, dans le cadre du contrôle de l'opération de concentration Fiat/Ford New Holland, en application du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (version révisée publiée au JO 1990, L. 257, p. 13), dès lors que cette décision ne constaterait pas l'existence d'une position dominante collective.

72 De toute façon, l'existence d'un oligopole étroit n'entraînerait pas nécessairement une réduction de la concurrence, ainsi d'ailleurs que la Commission l'aurait admis dans son Quinzième Rapport sur la politique de concurrence, publié en 1986 (p. 231, point 267). L'accès au marché ne serait pas très difficile, ainsi que le montrerait la présence de nouveaux entrants qui offriraient une gamme presque complète de produits. Dans le cadre du contrôle des opérations de concentration entre entreprises, la Commission aurait, d'ailleurs, admis, à plusieurs reprises, qu'une entreprise, même si elle possède des parts de marché élevées, n'est pas en mesure de dominer le marché, si des barrières peu élevées ou l'absence de barrière rend la concurrence probable. En outre, il serait inexact d'affirmer, comme le ferait la Décision, que les importations en provenance des pays tiers seraient insignifiantes.

73 Selon la requérante, la nature des informations échangées serait essentielle pour savoir si un système d'échange d'informations est contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité. En l'espèce, les informations échangées se rapporteraient exclusivement à des comportements passés et ne révéleraient aucun comportement futur. Elles ne réduiraient pas non plus la marge d'incertitude concernant la prévision de ces comportements. Aucune information relative aux prix pratiqués ne pourrait, par ailleurs, être déduite, directement ou indirectement, des informations transmises par la SIL. L'individualisation des données ne suffirait pas, à elle seule, pour qu'un système d'échange d'informations tombe sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Il serait encore nécessaire que les informations échangées portent sur des secrets d'affaires, ainsi que la Commission l'aurait expressément admis dans son Septième Rapport sur la politique de concurrence, précité. Or, les données qui sont à la base des informations transmises par la SIL ne constitueraient nullement des secrets commerciaux.

74 La requérante soutient, enfin, qu'une analyse du marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni, non seulement ne confirmerait pas que l'accroissement de la transparence du marché en a altéré la concurrence, mais encore montrerait qu'elle l'a intensifiée. C'est ce que confirmerait l'évolution des parts de marché, comme l'évolution des prix, ce qui, sur une certaine durée, prouverait l'existence d'une concurrence réelle. En outre, l'affirmation de la Commission, selon laquelle la transparence du marché aurait des effets sur la politique de rabais et remises, serait inexacte. Les demandeurs seraient puissants, organisés, en mesure d'exercer des pressions et parfaitement informés. La fidélité à la marque ne serait que relative. L'affirmation selon laquelle les importations parallèles sont surveillées ne serait pas exacte, dès lors que la SIL aurait cessé de transmettre le formulaire V55/5 aux membres de l'accord. Au total, la Commission aurait surestimé la transparence entre les offreurs, alors que cette transparence profiterait également aux acheteurs. Enfin, le système d'échange d'informations litigieux ne pourrait aboutir à un comportement collusoire que si deux conditions étaient réunies, à savoir qu'il ait facilité l'identification des concurrents, d'une part, et qu'il ait favorisé les représailles, d'autre part. Or, du fait du caractère incomplet des informations diffusées, le système ne pourrait empêcher la "concurrence cachée" ; en outre, il n'existerait aucune preuve de ce qu'il aurait favorisé des mesures de représailles.

75 En conclusion, la requérante estime avoir apporté des éléments suffisants pour établir que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation dans son analyse du marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni. Sur la base des consultations du Pr Albach et en se fondant sur ses propres constatations, la requérante parvient à la conclusion que le marché en cause est un oligopole large de produits différenciés, sur lequel les parts de marché cumulées des principaux fournisseurs ont régressé et sur lequel de nouveaux entrants sont apparus. Il s'agirait d'un marché sur lequel la concurrence par les prix serait "féroce" et sur lequel il existerait une pression concurrentielle importante de la part des clients, due à l'accroissement des exportations effectuées par les constructeurs non communautaires. La Commission se serait d'ailleurs abstenue de contester une grande partie des conclusions de la requérante sur ce point.

76 Selon la Commission, si la transparence entre l'acheteur et le vendeur peut favoriser la concurrence, tel n'est pas le cas du système d'échange d'informations en cause. En l'espèce, le système d'échange d'informations n'aurait pas pour but de favoriser la transparence des relations entre l'acheteur et le vendeur, mais la transparence entre les vendeurs. Cette appréciation serait justifiée tant au regard des circonstances de l'espèce qu'au regard de la théorie et de la pratique juridiques et économiques. Or, la requérante ferait du fonctionnement du marché une analyse différente de celle de la Commission, parce qu'elle omettrait d'opérer la distinction entre la transparence à l'égard des consommateurs et la transparence entre les fournisseurs. En réalité, le marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni ne serait pas un marché de masse. Ce serait également un marché en stagnation ou en régression, ainsi qu'un marché très concentré. A cet égard, la requérante n'aurait nullement démontré que la Commission a commis une erreur manifeste dans son appréciation des conditions de fonctionnement du marché.

77 Selon la Commission, l'effet restrictif de concurrence résultant de l'accord est suffisamment établi, de telle sorte qu'il n'a pas été nécessaire de démontrer l'existence d'un parallélisme conscient de comportements pour établir que l'accord restreignait la concurrence. Au total, la Commission estime que la requérante ne peut soutenir que l'accord et le Data System remplissent de manière plus efficace une fonction que les parties pourraient assumer individuellement.

Appréciation du Tribunal

78 S'agissant, en premier lieu, d'apprécier le caractère oligopolistique du marché de référence, les critiques de la requérante, dirigées contre l'analyse de la Commission, selon laquelle le marché est dominé par quatre entreprises qui représentent entre 75 et 80 % du marché, doivent être écartées, dès lors que le tableau 2 annexé au rapport d'expertise du Pr Neumann, retraçant l'évolution des parts de marché des différents opérateurs, telles que produites par la requérante elle-même en annexe 17 à sa requête, fait état d'une constance de la caractéristique principale de celui-ci, à savoir son caractère fortement oligopolistique. Il ressort, en effet, de ce document que la part de marché cumulée des quatre principaux offreurs s'établit à 77,7 % pour 1990 contre 69,2 % en 1975. Une lecture attentive de ce document révèle, de plus, contrairement à ce que soutient la requérante, une relative stabilité des positions individuelles des principaux opérateurs, si l'on excepte le cas de la requérante elle-même, dont la part de marché a triplé au cours de cette période. Toutefois, comme le souligne à juste titre la Commission, ce cas isolé de pénétration du marché, qui est le fait d'un constructeur américain puissant, ne suffit pas à infirmer les conclusions de la défenderesse, selon lesquelles le marché est caractérisé par une relative stabilité des positions des compétiteurs et par de fortes barrières à l'entrée.

79 Ces barrières tiennent notamment à la nécessité, pour un nouveau compétiteur, de disposer d'un réseau de distribution suffisamment dense. A cet égard, il ressort de l'instruction que, comme l'indique la Décision, en particulier aux points 35, 38 et 51 des motifs, les importations au Royaume-Uni de tracteurs agricoles d'une puissance supérieure à 30 chevaux-vapeur sont limitées, ainsi d'ailleurs que le confirme le rapport relatif au secteur de l'équipement agricole dans la Communauté européenne, versé aux débats par la Commission, en réponse à une question écrite posée par le Tribunal. Enfin, cette analyse n'est pas remise en cause par l'examen de la structure de l'offre résiduelle, dont le caractère extrêmement atomisé renforce, au contraire de ce que soutient la requérante, les positions occupées par les entreprises les plus importantes.

80 Au total, le Tribunal estime que l'appréciation de la Commission qui, à juste titre, compte tenu du degré d'homogénéité suffisante des produits, a défini le marché de référence comme le marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni, présentant les caractéristiques de fonctionnement d'un oligopole fermé, n'est entachée d'aucune erreur manifeste, sans que la requérante puisse, en tout état de cause, se prévaloir utilement, à cet égard, du Quinzième Rapport sur la politique de concurrence, précité, dans lequel la Commission s'est bornée, à l'occasion de l'analyse des opérations financières réalisées en 1984-1985, à constater qu'il n'existe pas de relation automatique entre le niveau de concentration et l'intensité de la concurrence.

81 S'agissant, en second lieu, de la nature des informations échangées, le Tribunal estime, d'une part, que les informations dont il s'agit, relatives notamment aux ventes effectuées sur le territoire de chacune des concessions du réseau de distribution, présentent bien, contrairement à ce que soutient la requérante, le caractère de secret d'affaires, ainsi d'ailleurs que les membres de l'accord, qui ont défini strictement les conditions dans lesquelles les informations reçues pouvaient être diffusées à des tiers, notamment aux membres de leur réseau de distribution, l'admettent eux-mêmes. Le Tribunal rappelle, d'autre part, que, comme il l'a déjà exposé précédemment (voir, ci-dessus, point 51), compte tenu de sa périodicité et de son caractère systématique, l'échange d'informations en litige rend d'autant plus prévisible, pour un opérateur donné, compte tenu des caractéristiques du marché de référence, telles qu'elles viennent d'être analysées, le comportement de ses concurrents, en atténuant ainsi, voire en supprimant le degré d'incertitude sur le fonctionnement du marché, qui, en l'absence d'un tel échange d'informations, aurait subsisté, sans que la requérante puisse utilement se prévaloir, à cet égard, de la circonstance que les informations échangées ne concerneraient pas les prix ou se rapporteraient à des ventes passées. Il en résulte que la première branche du moyen, tirée de l'absence de restriction de la concurrence due à une prétendue "prévention de la concurrence cachée", doit être rejetée.

Quant à deuxième branche du moyen, tirée de l'absence de restriction de concurrence due à un prétendu renforcement des obstacles à l'accès au marché par les constructeurs qui ne sont pas membres de l'accord

- Exposé sommaire de l'argumentation des parties

82 Selon la requérante, l'affirmation de la Commission, selon laquelle le système d'échange d'informations en cause restreint également la concurrence entre les constructeurs qui sont membres et ceux qui ne le sont pas, parce qu'il permet aux premiers de barrer l'accès des seconds au marché, est inexacte. Le système serait ouvert sans discrimination à tout constructeur ou importateur vendant des tracteurs neufs au Royaume-Uni. L'évolution du nombre des opérateurs, comme les positions acquises par certains d'entre eux, montreraient que le marché est effectivement un marché ouvert. Par ailleurs, des informations détaillées sur le fonctionnement du marché seraient précieuses pour un nouvel intervenant. L'exemple de la requérante suffirait à montrer que, contrairement à ce que soutient la Commission, un petit opérateur peut s'attaquer aux opérateurs plus importants.

83 Selon la Commission, l'analyse du Pr Neumann montre que l'augmentation du nombre des opérateurs intervenant sur le marché, sur laquelle la requérante s'appuie pour contester l'analyse de la Commission, selon laquelle le marché en cause est d'un accès difficile, ne prouve rien par elle-même. La question importante serait celle de savoir si les nouveaux venus sont en mesure de se maintenir sur le marché ou s'ils sont en mesure d'y acquérir une part de marché significative. Tel ne serait pas le cas.

- Appréciation du Tribunal

84 Le Tribunal estime que, contrairement à l'appréciation de la requérante, c'est à juste titre que la Commission, aux points 44 à 48 des motifs de la Décision, soutient que, quelle que soit la décision adoptée par un opérateur souhaitant pénétrer sur le marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni, que celui-ci adhère ou non à l'accord, ce dernier est nécessairement pénalisant à son encontre, indépendamment de la question de savoir si, compte tenu de son coût modique et des règles d'adhésion, le système d'échange d'informations est, dans son principe, ouvert à tous. En effet, ou bien l'opérateur économique dont il s'agit n'adhère pas à l'accord d'échange d'informations et, contrairement à ses concurrents, il se prive alors des informations échangées et d'une source particulièrement fiable de connaissance du marché ; ou bien, il décide d'adhérer à l'accord et sa stratégie commerciale est alors immédiatement révélée à l'ensemble des concurrents, au travers des informations qu'ils reçoivent (voir, ci-dessus, point 52). Il importe peu, à cet égard, que, dans les faits, le nombre d'opérateurs intervenant sur le marché concerné se soit élevé. Dans ces conditions, la deuxième branche du moyen, tirée de ce que le système d'échange d'informations en litige ne serait pas discriminatoire à l'égard des nouveaux compétiteurs, désirant pénétrer sur le marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni, doit être écartée.

Quant à la troisième branche du moyen, tirée de l'absence de restriction de concurrence, dans le cadre des réunions de l'AEA

- Exposé sommaire de l'argumentation des parties

85 Selon la requérante, l'allégation de la Commission, selon laquelle l'AEA fournirait à ses membres un lieu de contacts favorisant une politique de prix élevés, est inexacte. Il s'agirait d'une pure allégation, qui ne reposerait pas sur des faits matériellement établis et serait contraire à l'interprétation dégagée par la Commission dans sa communication relative aux accords, décisions et pratiques concertées concernant la coopération entre entreprises, précitée. D'une part, les réunions entre les membres de l'AEA auraient pour seul objet de discuter les problèmes techniques et administratifs liés au fonctionnement du système d'échange d'informations en litige ; d'autre part, la Commission n'aurait pas tenu compte du fait que les membres de l'AEA auraient décidé, pour l'avenir, de ne plus tenir de réunions relatives au système d'échange d'informations, si ce n'est des réunions ad hoc, destinées à résoudre des problèmes purement administratifs concernant son fonctionnement.

86 La Commission se borne à renvoyer le Tribunal, pour l'appréciation du bien-fondé de cette dernière branche du moyen, à l'historique de l'accord, ainsi qu'aux documents cités au point 22 des motifs de la Décision. Elle reconnaît que le Data System a prévu la tenue de réunions ponctuelles pour résoudre les questions administratives relatives au fonctionnement du système, plutôt qu'un système de réunions régulières.

- Appréciation du Tribunal

87 Le Tribunal rappelle que, au point 35 des motifs de la Décision, la Commission a précisé que, dans son appréciation de la licéité, au regard de l'article 85 du traité, du système d'échange d'informations en litige, elle tenait compte "du fait que les membres se réunissent régulièrement au sein du comité de l'AEA, qui devient pour eux un lieu de contacts" et qu'au point 52 de ses motifs la Décision précise que, "en accroissant la transparence sur un marché très concentré et en renforçant la cohésion entre les principaux fournisseurs de ce marché par des contacts réguliers et secrets, il est possible de maintenir les prix à un niveau général élevé, même si des écarts de prix subsistent entre les différents produits offerts sur le marché". Ainsi qu'il l'a déjà été dit précédemment (voir, ci-dessus, points 51 et 65), le Tribunal estime que la mise à disposition auprès des offreurs d'informations collectées à l'occasion de l'immatriculation de chacun des véhicules suppose l'existence d'un cadre institutionnel permettant, par l'intermédiaire de l'association professionnelle à laquelle ils adhèrent, l'échange d'informations entre les opérateurs. En se concertant de la sorte, les opérateurs participant au système d'échange d'informations sur le marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni ont nécessairement limité leur autonomie de décision, dans des conditions qui, par suite, sont susceptibles d'avoir exercé une influence sur la concurrence entre eux. Dans ces conditions, la requérante ne saurait prétendre que les membres de l'accord d'échange d'informations ne sont pas convenus, au sein de l'association professionnelle dont ils sont membres, de certaines modalités d'organisation de l'échange d'informations litigieux, sans qu'une telle appréciation entre en contradiction, en tout état de cause, avec les principes affirmés dans la communication de la Commission relative aux accords, décisions et pratiques concertées concernant la coopération entre entreprises, précitée. Pour autant, il convient de relever, et la Commission n'a jamais soutenu le contraire, que tout contact effectué au sein de l'AEA ne doit pas nécessairement être considéré comme contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

88 Il s'ensuit que la troisième branche du moyen, tirée de l'absence de concertation survenue au sein de l'AEA, doit être écartée et que le moyen tiré de l'absence d'atteinte à la concurrence résultant de la diffusion des données sur les ventes de chaque concurrent doit lui-même être rejeté.

En ce qui concerne le troisième moyen, tiré de l'absence d'atteinte à la concurrence résultant de la diffusion des données sur les ventes des concessionnaires de chaque membre

89 Ce troisième moyen comporte deux branches. Selon la première branche du moyen, la requérante conteste qu'il soit possible d'identifier, à travers le système d'échange d'informations en litige, les ventes d'un concurrent. Selon la seconde branche, elle fait valoir que le système d'échange d'informations en litige ne peut entraver l'activité des concessionnaires et les importations parallèles.

Quant à la première branche du moyen, tirée de l'absence de risque d'identification des ventes d'un concurrent

- Exposé sommaire de l'argumentation des parties

90 Selon la requérante, la Décision affirme que, en-deçà d'un minimum de dix unités vendues, une simple comparaison entre les ventes du secteur géographique considéré et celles de l'entreprise concernée peut permettre de déterminer le volume des ventes réalisées par les différents concurrents. Or, ce chiffre de dix unités ne serait pas compréhensible et la Décision n'aurait pas établi en quoi le système d'échange d'informations en cause tombe sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité. En se référant à l'arrêt Société technique minière, précité, la requérante estime que, pour apprécier la licéité du système d'échange d'informations sur le marché des tracteurs agricoles, au regard de l'article 85 du traité, seuls sont à prendre en considération les effets sur la concurrence résultant réellement du système d'échange d'informations, à l'exclusion des effets purement potentiels. Or, de tels effets réels n'auraient nullement été établis par la Décision. La requérante ajoute que l'affirmation de la Commission, selon laquelle les données concernant les ventes de ses propres concessionnaires permettent l'identification des ventes de chaque concurrent, est inexacte. Elle soutient que l'affirmation de la défenderesse, selon laquelle les informations relatives aux ventes des concessionnaires permettent de faire pression sur ceux-ci, témoigne d'une méconnaissance des règles commerciales.

91 Selon la Commission, la critique de la requérante tend à établir que le critère de dix unités vendues, tel qu'il figure au point 54 des motifs de la Décision, n'est pas compréhensible. La Commission soutient que son attention a été attirée par le caractère très détaillé des informations disponibles, portant sur des périodes très courtes et relatives aux ventes au détail, par produit et par secteur géographique, des concurrents. Le point 61 des motifs de la Décision ne déclarerait pas, contrairement aux allégations de la requérante, que le simple risque d'identification des véhicules vendus serait suffisant pour interdire la divulgation des données relatives aux ventes propres à chacun des membres de l'accord, dès lors que l'effet de l'accord devrait être apprécié au regard de la concurrence qui existerait en son absence.

- Appréciation du Tribunal

92 Le Tribunal rappelle que l'article 85 du traité prohibe les ententes à objet ou à effet anticoncurrentiel. En l'espèce, il n'est pas allégué que le système d'échange d'informations en cause aurait un objet anticoncurrentiel. Dans ces conditions, il ne peut être incriminé, le cas échéant, qu'au titre de ses effets sur le marché (voir, a contrario, l'arrêt de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56-64 et 58-64, Rec. p. 429). Dans cette hypothèse, il convient, selon une jurisprudence constante, d'apprécier les effets anticoncurrentiels éventuels de l'accord, par référence au jeu de la concurrence tel qu'il se produirait effectivement "à défaut de l'accord litigieux" (arrêt Société technique minière, précité). A cet égard, la circonstance que la partie défenderesse ne serait pas en mesure d'établir l'existence, sur le marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni, d'un effet anticoncurrentiel réel résultant du système d'échange d'informations litigieux est sans influence sur la solution du litige, dès lors que l'article 85, paragraphe 1, du traité prohibe tant les effets anticoncurrentiels réels que les effets purement potentiels, pour peu que ceux-ci soient suffisamment sensibles. En l'espèce, tel est le cas, compte tenu des caractéristiques du marché, telles que précédemment analysées (voir, ci-dessus, points 78 et 80), de la nature des informations échangées (voir, ci-dessus, point 81) et de la circonstance que, dans certaines hypothèses, les informations diffusées ne le sont pas sous forme de résultats suffisamment agrégés, de telle sorte qu'elles permettent l'identification des ventes. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la Commission, qui a pu, sans erreur manifeste d'appréciation, fixer à dix unités le nombre de véhicules vendus, sur un territoire donné de concession, en-deçà duquel une identification des ventes réalisées par chacun des concurrents est possible, n'aurait pas établi à suffisance de droit que, dans cette mesure, le système d'échange d'informations en litige tombe sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

93 Il résulte de ce qui précède que la première branche du moyen, tirée de l'absence de risque d'identification des ventes réalisées par chacun des concurrents, doit être rejetée.

Quant à la seconde branche du moyen, tirée de l'absence de risque d'entrave à l'activité des concessionnaires et aux importations parallèles

- Exposé sommaire de l'argumentation des parties

94 Selon la requérante, la Décision affirme que les informations obtenues de la SIL sur les ventes réalisées par chaque membre de l'accord permettent aux constructeurs de faire pression sur les concessionnaires, rendant ainsi possible une réduction de la concurrence à l'intérieur d'une même marque. L'argumentation de la Commission reposerait donc sur la possibilité que les informations diffusées par la SIL concernant les ventes de chaque concurrent soient détournées de leur destination. Or, il n'existerait pas de preuve d'un abus effectif. En réalité, les informations diffusées permettraient d'évaluer l'activité des concessionnaires, de leur fixer des objectifs et d'en vérifier le respect. De la même façon, la Décision affirmerait, de façon inexacte, que les informations reçues sont utilisées pour surveiller les importations parallèles. Or, la SIL ayant cessé, depuis le 1er septembre 1988, de transmettre aux membres de l'accord un exemplaire du formulaire V55/5, l'appréciation de la Commission porterait donc sur une période passée. Toutefois, en tenant compte, dans son appréciation de la licéité du système d'échange d'informations, des effets de la communication du formulaire V55/5, alors même que cette communication a cessé depuis le 1er septembre 1988, la Commission aurait commis un détournement de pouvoir.

95 La Commission, s'agissant de la concurrence entre les marques, rétorque que le système d'échange d'informations en litige a permis l'identification des ventes de chaque concurrent. S'agissant, par ailleurs, de la concurrence à l'intérieur d'une même marque, l'audition devant la Commission aurait montré comment le territoire d'un concessionnaire pouvait être rationalisé en vue de réduire, sur ce territoire, les ventes réalisées par les autres concessionnaires. La Commission ajoute qu'elle rejette le grief de détournement de pouvoir et qu'elle a considéré que les informations relatives au numéro de châssis du véhicule et à la date d'immatriculation de chaque tracteur vendu n'étaient pas indispensables pour la vérification des garanties ou des demandes de primes. Elle considère, en revanche, que ces informations contribuent à permettre d'identifier l'origine et la destination de chaque tracteur.

- Appréciation du Tribunal

96 Le Tribunal estime, s'agissant, en premier lieu, de l'appréciation des effets du système d'échange d'informations litigieux sur la concurrence à l'intérieur de la marque, que, indépendamment de la question de savoir si un ou plusieurs des membres participant à l'accord d'échange d'informations ont effectivement utilisé le système litigieux aux fins de surveillance de l'activité de leur réseau de distribution, la Commission a pu, sans erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation des faits de la cause, estimer que le système d'échange d'informations en litige, qui rend possible une telle surveillance, en apportant périodiquement au constructeur des informations détaillées relatives à l'état de l'ensemble des ventes effectuées sur le territoire de chacun de ses concessionnaires, était, dans cette mesure, contraire aux termes de l'article 85, paragraphe 1, du traité, dès lors qu'il était de nature, dans le contexte de l'ensemble de l'accord, à leur ouvrir la possibilité de conférer une protection territoriale absolue à chacun de leurs concessionnaires.

97 Le Tribunal estime, s'agissant, en second lieu, de l'appréciation des effets du système d'informations litigieux sur les importations parallèles de tracteurs agricoles au Royaume-Uni, que la Commission soutient à juste titre, aux points 55 et 56 des motifs de la Décision, que, au moins jusqu'au 1er septembre 1988, date à laquelle la SIL a cessé de renvoyer aux entreprises un exemplaire du formulaire V55/5, le système d'échange d'informations litigieux permettait de surveiller de telles importations, au moyen du numéro de châssis du véhicule, préalablement porté sur le formulaire V55/5 par le constructeur. Dans ces conditions, il n'est nullement établi, contrairement à ce que soutient la requérante, que la Commission aurait utilisé les pouvoirs qui lui sont conférés dans un but autre que celui pour lequel ils lui ont été confiés et le grief tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.

98 Il s'ensuit que l'argument tiré de l'absence de risque d'entrave à l'activité des concessionnaires et aux importations parallèles doit être rejeté et que, par suite, le moyen tiré de l'absence d'atteinte à la concurrence résultant de la diffusion des données sur les ventes des concessionnaires de chaque membre doit lui-même être rejeté.

En ce qui concerne le quatrième moyen, tiré de l'absence d'effet sur le commerce entre Etats membres

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

99 Selon la requérante, c'est à tort que la Décision déclare qu'en atténuant la concurrence le système d'échange d'informations en litige pèse nécessairement sur le volume des importations au Royaume-Uni. En effet, la Commission n'aurait pas tenu compte de ce que l'absence d'importations parallèles s'expliquerait par la circonstance que les prix pratiqués au Royaume-Uni sont inférieurs à ceux qui sont pratiqués sur le continent. Il en résulterait que la simple possibilité de s'ingérer dans les activités des concessionnaires et dans les importations parallèles ne serait pas susceptible d'affecter de façon suffisamment sensible les échanges intra-communautaires. Les pures allégations de la Commission, quant aux effets d'une éventuelle affectation des échanges intra-communautaires, ne seraient pas en conformité avec les exigences de la jurisprudence sur ce point. Enfin, l'institution défenderesse ne serait pas non plus en droit de déduire, de la seule circonstance que la requérante ne fabrique pas de tracteurs au Royaume-Uni, que l'adhésion de la requérante au système d'échange d'informations affecte les échanges intra-communautaires.

100 La Commission prie le Tribunal de se reporter aux points 57 et 58 des motifs de la Décision, auxquels elle établit que John Deere Limited importe la totalité des tracteurs vendus sur le territoire du Royaume-Uni. D'autres membres de l'accord d'échange d'informations importeraient également une proportion importante de leurs ventes. Cette situation autoriserait la Commission à déduire qu'une restriction de concurrence découlant d'un système d'échange d'informations sur les immatriculations a nécessairement un effet sur les flux commerciaux entre le Royaume-Uni et le reste du Marché commun.

Appréciation du Tribunal

101 Le Tribunal estime que, compte tenu, d'une part, des caractéristiques du marché de référence, telles que précédemment analysées (voir, ci-dessus, point 78), et, d'autre part, de la circonstance que les principaux offreurs présents sur ce marché interviennent sur l'ensemble du Marché commun, la Commission a, à juste titre, estimé, au point 57 des motifs de la Décision, qu'"un système d'échange d'informations qui permet de déterminer dans le détail le volume exact des ventes et des parts de marché de fournisseurs représentant 88 % d'un marché national... est susceptible d'affecter substantiellement le commerce entre Etats membres car, en atténuant la concurrence, il pèse nécessairement sur le volume des importations au Royaume-Uni" (voir l'arrêt du Tribunal du 28 avril 1994, AWS Benelux/Commission, T-38-92, Rec. p. II-211). Quant à l'argument de la requérante, selon lequel la limitation des importations de tracteurs agricoles au Royaume-Uni s'expliquerait par des prix plus compétitifs sur le marché intérieur, il n'est nullement corroboré par les pièces du dossier. En particulier, si l'instruction n'a pas permis d'établir que, comme le soutient la Décision, la pratique litigieuse est susceptible d'avoir favorisé un niveau de prix élevé sur le marché intérieur, les pièces du dossier, notamment les listes de prix produites par la requérante en annexe 20 à sa requête, n'établissent pas non plus que les prix des tracteurs agricoles sur le marché du Royaume-Uni ont été, de fait, inférieurs à ceux pratiqués sur les marchés continentaux.

102 Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré d'une absence d'affectation sensible des échanges intra-communautaires doit être rejeté.

En ce qui concerne le cinquième moyen, tiré du caractère erroné du refus d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

103 Selon la requérante, en admettant même que l'accord entre dans le champs d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la Décision écarte à tort l'application du paragraphe 3 du même article, dès lors que le système d'échange d'informations en litige procure des avantages considérables pour la concurrence. A cet égard, la requérante soutient, en premier lieu, que la Commission aurait admis que le système d'échange d'informations en cause contribue à l'amélioration de la production et de la distribution ; en deuxième lieu, que le consommateur tirerait une partie équitable du profit résultant de ce système ; en troisième lieu, que le système ne provoquerait aucune restriction de concurrence qui ne serait pas indispensable, dès lors que, en l'absence d'un tel système d'échange, les informations recueillies ne le seraient qu'à un coût beaucoup plus élevé et seraient, de ce fait, réservées aux seules grandes entreprises ; en quatrième et dernier lieu, la requérante soutient que le système en litige n'éliminerait pas toute la concurrence entre les entreprises. En conclusion, le système d'échange d'informations remplit donc, selon la requérante, les conditions pour bénéficier d'une mesure d'exemption. Dès lors, la requérante estime que l'appréciation de la Commission est manifestement erronée.

104 La Commission estime qu'aucun élément ne permet de déduire que son appréciation quant à l'inapplicabilité, en l'espèce, de l'article 85, paragraphe 3, du traité est manifestement erronée. L'argument de la requérante, selon lequel la Commission aurait reconnu certains avantages de l'accord, serait fondé sur une lecture erronée du point 60 des motifs de la Décision. La Commission soutient que, loin de profiter aux consommateurs, le système d'échange d'informations critiqué profite exclusivement aux fournisseurs. Elle précise que la Décision indique que, en faisant circuler des informations relatives aux parts de marché des différents constructeurs, les membres de l'accord réduisent la marge d'incertitude existant sur le fonctionnement de ce marché. Cette connaissance du marché donnerait à chaque membre de l'accord d'échange d'informations la possibilité de neutraliser toute initiative de l'un d'entre eux. La Commission n'aurait jamais admis ni que les échanges d'informations récentes et détaillées sont indispensables pour réaliser les objectifs commerciaux des membres de l'accord, ni que de tels échanges présentent, en particulier pour les tiers, des avantages de nature à compenser leurs effets restrictifs de concurrence. La Décision n'affirmerait pas que l'accord élimine toute concurrence. En revanche, elle estimerait que l'accord réduit l'incertitude quant à la cible exacte, la force et l'amplitude des attaques de la concurrence. La Commission estime que les informations requises pour la planification des activités d'un opérateur intervenant sur le marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni peuvent être déduites des informations relatives à l'entreprise elle-même et des informations agrégées relatives au secteur, lesquelles ne doivent pas nécessairement être aussi détaillées que les rapports qui continueraient à être transmis, dans le cadre du Data System.

Appréciation du Tribunal

105 A titre liminaire, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence bien établie, d'une part, les quatre conditions posées par l'article 85, paragraphe 3, du traité pour qu'un accord régulièrement notifié à la Commission bénéficie d'une décision individuelle d'exemption sont cumulatives, de telle sorte que, si l'une d'entre elles fait défaut, la Commission peut légalement rejeter la demande dont elle est saisie. Le Tribunal rappelle, en outre, qu'il appartient, en premier lieu, aux entreprises qui notifient un accord en vue d'obtenir de la Commission une décision individuelle d'exemption de fournir à celle-ci les éléments de preuve de nature à établir que l'accord remplit les conditions posées par l'article 85, paragraphe 3, du traité (arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43-82 et 63-82, Rec. p. 19 ; arrêt du Tribunal du 9 juillet 1992, Publishers Association/Commission, T-66-89, Rec. p. II-1995). En l'espèce, la Décision retient que les restrictions de concurrence résultant de l'échange d'informations ne présentent pas un caractère indispensable, dès lors que "les données relatives à chaque société, d'une part, et celles relatives à l'ensemble du secteur, d'autre part, sont suffisantes pour opérer sur le marché des tracteurs agricoles" au Royaume-Uni. Cette constatation, effectuée, au point 62 des motifs de la Décision, à propos de la première notification, est, au point 65, effectuée à propos de la seconde notification. La requérante n'établit pas que les restrictions de concurrence résultant du système d'échange d'informations, telles qu'analysées précédemment (voir, ci-dessus, notamment les points 93, 97 et 98), sont indispensables, notamment au regard des objectifs de contribution au progrès économique et de répartition équitable du profit. De surcroît, la requérante ne peut utilement soutenir que, en l'absence du système litigieux, les opérateurs intervenant sur le marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni disposeraient, au moyen de travaux d'études, dont les informations présentent, en particulier, un caractère tardif, ponctuel et dépourvu de la périodicité dont sont revêtues les informations fournies par le système en litige, d'informations équivalentes à celles fournies par le système en litige, sans même qu'il soit besoin de prendre en considération les coûts d'accès à une telle information. Dès lors, le système d'échange d'informations, qui, en particulier, ne remplit pas la troisième des quatre conditions posées par l'article 85, paragraphe 3, du traité, ne satisfait pas à ces dispositions.

106 Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que c'est à tort que la Commission a rejeté la demande individuelle d'exemption dont elle était saisie doit être écarté et que, par suite, le recours doit lui-même être rejeté

Sur les dépens

107 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens de l'instance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) La requérante est condamnée aux dépens.