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Décisions

TPICE, 1re ch., 14 juillet 1994, n° T-77/92

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Parker Pen (Ltd)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schintgen

Juges :

MM. Garcia-Valdecasas, Kirschner, Vesterdorf, Bellamy

Avocat :

Me Hamburger.

TPICE n° T-77/92

14 juillet 1994

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

FAITS ET PROCEDURE

1 Parker Pen Ltd (ci-après "Parker"), société de droit anglais, produit une large gamme de stylos et d'autres articles similaires, qu'elle vend dans tous les pays d'Europe, où elle est représentée soit par des filiales soit par des distributeurs indépendants.

2 Herlitz AG (ci-après "Herlitz"), société de droit allemand, produit une large gamme d'articles de bureau et de produits connexes et distribue également des produits d'autres fabricants, notamment des produits fabriqués par Parker.

3 Viho Europe BV (ci-après "Viho"), société de droit néerlandais, importe et exporte des articles de bureau et du matériel de reproduction, en particulier dans les Etats membres.

4 En 1986, Parker et Herlitz ont conclu un accord de distribution, signé le 29 juillet par Parker et le 18 août par Herlitz, dont le point 7 a la teneur ci-après : "7. Herlitz wird Parker-Artikel ausschliesslich in der Bundesrepublik Deutschland vertreiben. Jeglicher Vertrieb über die Landesgrenzen hinaus ist Herlitz untersagt bzw. nur mit schriftlicher Erlaubnis durch Parker gestattet." ("Herlitz distribuera les produits Parker exclusivement en République fédérale d'Allemagne. Herlitz n'est pas autorisée à vendre des produits Parker au-delà des frontières nationales sans l'autorisation écrite de Parker.")

5 Le 19 mai 1988, Viho a déposé une plainte au titre du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"), contre Parker, dans laquelle elle faisait grief à cette dernière d'interdire l'exportation de ses produits par ses distributeurs, de partager le Marché commun en marchés nationaux des Etats membres et de maintenir sur les marchés nationaux des prix artificiellement élevés pour ses produits.

6 En réponse à une demande de livraison de produits Parker que lui avait adressée Viho le 20 avril 1989, Herlitz GmbH & Co KG, filiale allemande contrôlée à 100 % par Herlitz, a répondu par télécopie du 24 avril 1989 : "Nous regrettons de devoir vous informer que nous n'avons pas l'autorisation d'exporter les produits susmentionnés. Nous regrettons ne pas pouvoir donner une réponse positive."

7 Viho a répondu le même jour au directeur des exportations de Herlitz dans les termes ci-après : "Si nous comprenons bien votre télécopie, Herlitz GmbH n'est pas autorisée par les producteurs, distributeurs de produits qui ne sont pas des produits Herlitz, à exporter de tels produits dans tout autre pays, non pas que Herlitz ne souhaite pas exporter, mais seulement en raison du fait que Herlitz est liée par de telles restrictions par d'autres. Si nous avons bien compris ce qui précède, veuillez nous le confirmer par retour au moyen de télex ou de télécopie. Si tel n'est pas le cas, prière de nous donner d'autres explications."

8 Par télécopie du 25 avril 1989, le directeur des exportations de Herlitz a répondu à Viho : "Herlitz produit elle-même à peu près 80 % des produits qu'elle vend. Parmi les 20 % qui sont fabriqués par d'autres firmes, nous pouvons en vendre une partie à l'étranger, mais pas ceux que vous demandez. La plupart des fournisseurs européens de produits de marque ont des accords de vente exclusive dans chaque pays et interdisent par conséquent l'exportation d'un produit particulier à destination d'un pays où ils ont déjà un accord. Ce n'est pas que nous ne voulions pas, mais nous sommes liés par un contrat. Nous comptons sur votre compréhension."

9 A l'occasion d'une vérification effectuée les 19 et 20 septembre 1989 auprès de Herlitz, les agents de la Commission ont trouvé le texte de l'accord de distribution conclu en 1986.

10 Le 28 septembre 1989, Parker a informé Herlitz que le point 7 dudit accord était supprimé et, le 18 décembre 1989, Parker a fait parvenir à Herlitz un projet amendé du contrat régissant leur collaboration en expliquant qu'une série de modifications s'imposaient pour des raisons juridiques.

11 Le 12 février 1991, la Commission a adressé à Herlitz une communication des griefs.

12 Le 22 mai 1991, Viho a déposé une nouvelle plainte, enregistrée auprès de la Commission le 29 mai 1991, à l'encontre de Parker, dans laquelle elle faisait valoir que la politique de distribution mise en œuvre par Parker, consistant à obliger ses filiales à limiter la distribution des produits Parker à des territoires impartis, constituait une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Par décision du 30 septembre 1992, la Commission a rejeté cette plainte.

13 Suite aux observations formulées par Parker les 16 avril et 31 mai 1991, en réponse à la communication des griefs, une audition s'est tenue à Bruxelles le 4 juin 1991.

14 Le 15 novembre 1991, le conseil de Parker a demandé à la Commission une traduction anglaise du texte du procès-verbal de l'audition du 4 juin 1991.

15 La Commission a adopté le 15 juillet 1992 la décision 92-426-CEE, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-32.725 - Viho/Parker Pen, JO L 233, p. 27), qui comporte le dispositif ci-après :

" Article premier

Parker Pen Ltd et Herlitz AG ont commis une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE en incluant une interdiction d'exporter dans un accord conclu entre elles.

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises citées ci-dessous :

- une amende de 700 000 (sept cent mille) écus est infligée à Parker Pen Ltd,

- une amende de 40 000 (quarante mille) écus est infligée à Herlitz AG.

...

Article 3

Parker Pen Ltd s'abstient de prendre toute mesure ayant un objet ou un effet identique à celui des infractions au traité qui ont été constatées."

16 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 septembre 1992, la requérante a introduit le présent recours.

17 Dans sa requête, la requérante a demandé que les données relatives à ses chiffres d'affaires et parts de marché reçoivent un traitement confidentiel et ne soient divulguées ni à l'audience, ni dans la version de l'arrêt du Tribunal destinée à la publication, ni à toute partie intervenante ou tierce partie.

18 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction. Il a toutefois demandé à la Commission de produire l'original authentifié de la décision attaquée. Le Tribunal a également fait droit à la demande de confidentialité de Parker.

19 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 3 mai 1994.

Conclusions

20 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

1) annuler la décision de la Commission, du 15 juillet 1992, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-32.725 - Viho/Parker Pen), dont Parker est destinataire et qu'elle a reçue le même jour ;

2) à titre subsidiaire, annuler la décision litigieuse dans la mesure où elle inflige à Parker une amende de 700 000 écus ;

3) à titre subsidiaire, fixer l'amende à 1 écu symbolique ou, au moins, la réduire substantiellement et la ramener à un niveau équitable ;

4) condamner la Commission aux dépens ;

5) condamner la Commission à rembourser à Parker la totalité des frais engagés par celle-ci en vue de constituer une garantie du paiement de l'amende.

21 La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

1) rejeter comme irrecevable la demande visant à la condamnation de la Commission à rembourser à Parker les frais engagés en vue de constituer une garantie du paiement de l'amende ;

2) pour le surplus, rejeter le recours comme non fondé ;

3) condamner Parker aux dépens de l'instance.

Sur les conclusions tendant, à titre principal, à l'annulation de la décision et, à titre subsidiaire, à la réduction de l'amende

22 La requérante invoque en substance quatre moyens à l'appui de ces conclusions. Le premier moyen est pris de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité ; le deuxième est tiré d'une motivation insuffisante de la décision attaquée ; le troisième est tiré de la violation de règles de forme et de procédure en ce que, d'une part, la décision n'aurait pas été adoptée en bonne et due forme, et que, d'autre part, le procès-verbal de l'audition ne lui aurait pas été communiqué en langue anglaise ; le quatrième moyen est tiré de la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

23 A l'audience, le représentant de la requérante, au vu de l'original authentifié de la décision attaquée produit par la Commission à la demande du Tribunal, a déclaré se désister de son moyen tiré de la violation des règles de forme régissant l'adoption des décisions de la Commission.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité

24 Le moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, s'articule en deux branches. En premier lieu, la requérante, sans contester l'existence de la clause d'interdiction d'exporter, fait grief à la Commission de ne pas avoir administré la preuve d'une affectation du commerce entre Etats membres. En second lieu, la requérante estime qu'en tout état de cause la Commission n'avait pas d'intérêt à poursuivre la procédure à son encontre.

- Quant à l'affectation du commerce entre Etats membres

25 La requérante fait valoir, d'une part, que la clause d'interdiction d'exporter n'était pas susceptible d'affecter de manière sensible le commerce entre Etats membres et, d'autre part, qu'elle n'a pas été appliquée.

En ce qui concerne l'effet sensible

- Exposé sommaire de l'argumentation des parties

26 La requérante rappelle, tout d'abord, que, selon la jurisprudence de la Cour, un accord qui constitue de par sa nature même une restriction de la concurrence échappe à l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité, lorsqu'il n'a qu'un effet insignifiant sur les marchés (arrêts du 9 juillet 1969, Völk, 5-69, Rec. p. 295, point 7 ; du 1er février 1978, Miller/Commission, 19-77, Rec. p. 131, point 7).

27 La requérante fait valoir que la Commission aurait dû, aux fins de porter un jugement sur le comportement anticoncurrentiel de Parker, entreprendre un examen approfondi de la structure et du fonctionnement du marché en cause (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission, T-68-89, T-77-89 et T-78-89, Rec. p. II-1403, point 159). Elle fait grief à la Commission de ne pas identifier, dans la décision, le marché géographique en cause en se bornant à énumérer ses parts de marché dans différents Etats membres et en mentionnant sa "part de marché globale communautaire". Elle présume que la Commission a implicitement considéré l'Allemagne comme constituant le marché géographique en cause.

28 Tout d'abord, la requérante rappelle que, selon la communication de la Commission concernant les accords d'importance mineure qui ne sont pas visés par les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté économique européenne (JO 1986, C 231, p. 2, ci-après "communication"), le marché géographique concerné est constitué par le territoire à l'intérieur de la Communauté dans lequel l'accord produit ses effets. Elle estime, par conséquent, que la Commission aurait dû considérer le territoire de la Communauté comme constituant le marché géographique en cause, du fait que ses stylos et les autres articles similaires de sa fabrication s'achètent et se vendent régulièrement dans tous les Etats membres.

29 Or, la part de marché détenue par son distributeur Herlitz sur le marché en cause, qui, selon la requérante, est celle qui doit être prise en considération en l'espèce, conformément à l'arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG/Commission (107-82, Rec. p. 3151, point 58), se situerait dans la Communauté à environ [...](1) %. Rappelant que, selon l'arrêt Miller/Commission (précité, point 9), une entreprise qui dispose d'une part du marché en cause d'environ 5 % a une taille suffisante pour que son comportement soit, en principe, susceptible d'affecter le commerce, la requérante en déduit que l'accord litigieux n'a pu affecter de façon sensible le commerce entre Etats membres.

30 Ensuite, la requérante soutient que la Commission aurait dû tenir compte non seulement de la part de marché de Herlitz, mais aussi du montant du chiffre d'affaires réalisé. Or, au cours de la période allant du 1er mars 1987 au 28 septembre 1989, période durant laquelle l'interdiction d'exportation s'est trouvée incluse dans l'accord, le chiffre d'affaires réalisé par Parker dans les Etats membres aurait été d'environ [...] écus en moyenne annuelle et les ventes de Parker à Herlitz pendant la même période auraient atteint en moyenne annuelle [...] écus. Par conséquent, les ventes par Herlitz d'articles Parker auraient été inférieures à [...] % du total annuel des ventes réalisées par Parker dans la Communauté pour la période concernée.

31 Enfin, la requérante conteste occuper une position forte sur le marché. Elle fait observer à cet égard que son chiffre d'affaires mondial n'a pas dépassé [...] écus au cours de l'année 1989, que son chiffre d'affaires pour la Communauté n'a atteint en 1991 que [...] écus et que les distributeurs indépendants qui assurent la distribution de ses articles dans la Communauté sont essentiellement des sociétés familiales de moindre importance.

32 La requérante, qui admet que le présent cas ne relève pas du champ d'application de la communication, fait néanmoins observer que celle-ci souligne expressément que la définition d'ordre quantitatif du caractère sensible, donnée par la Commission, n'a cependant pas une valeur absolue et qu'il est tout à fait possible que, dans des cas d'espèce, des accords conclus entre des entreprises n'affectent le commerce entre Etats membres ou la concurrence que dans une mesure insignifiante et, par voie de conséquence, ne tombent pas sous le coup des dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, même lorsque les produits ou services qui font l'objet de ces accords représentent plus de 5 % du marché de l'ensemble de ces produits ou services dans le territoire du Marché commun où ils produisent leurs effets et lorsque le chiffre d'affaires total, réalisé au cours de l'exercice par les entreprises participantes, dépasse 200 millions d'écus.

33 La requérante en conclut que l'accord litigieux n'a pas été susceptible d'avoir un effet sensible sur le commerce entre Etats membres, son effet potentiel sur le commerce intra-communautaire ayant été pratiquement nul en raison de la similarité des prix de gros pratiqués par Parker dans les différents Etats membres, de la part de marché insignifiante de Herlitz et du très faible chiffre d'affaires concerné.

34 La défenderesse, qui relève que la requérante ne conteste pas l'existence de la clause d'interdiction d'exporter, fait valoir, d'abord, que, selon la communication, il convient de prendre en considération "le chiffre d'affaires total, réalisé au cours d'un exercice par les entreprises participantes", c'est-à-dire le fournisseur et le distributeur, ce chiffre d'affaires étant le seul élément susceptible de révéler la force économique des entreprises en cause. A cet égard, elle mentionne qu'en 1988 le chiffre d'affaires mondial de Parker a été de [...] écus, tandis que le chiffre d'affaires total de Herlitz a été de [...] écus. Pris ensemble, ces chiffres seraient tels qu'ils excluraient l'accord du bénéfice de la communication.

35 La Commission estime, ensuite, que la communication est d'ailleurs inapplicable en l'espèce, dès lors que, sur le marché des stylos et articles similaires se situant dans les gammes de prix moyens et supérieurs, Parker détient une part de marché moyenne de [...] % dans la Communauté et de [...] % environ sur le marché allemand. Elle considère qu'il eût été surabondant d'établir séparément la part de marché détenue par Herlitz sur le marché allemand, étant donné que Herlitz réalise [...] % environ des ventes de produits Parker dans la Communauté, ce qui suffirait à démontrer que, sur le marché allemand, Herlitz était un gros client de Parker.

36 La Commission estime justifié de considérer Parker comme un groupe occupant une position forte, compte tenu de son importance et de la part moyenne qu'il détient sur le Marché communautaire. La mention, au point 4 de la décision, que l'existence d'une position dominante n'a pas pu être constatée, ne serait pas de nature à affecter la situation juridique de Parker.

- Appréciation du Tribunal

37 Il convient de rappeler, à titre liminaire, qu'il est constant, en l'espèce, que la requérante a conclu, en 1986, un accord avec Herlitz comportant une clause d'interdiction d'exporter. Or, il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour que "par sa nature même une clause d'interdiction d'exportation constitue une restriction de la concurrence, qu'elle soit adoptée à l'initiative du fournisseur ou à celle de son client, l'objectif sur lequel les contractants sont tombés d'accord étant d'essayer d'isoler une partie du marché" (voir les arrêts de la Cour, Miller/Commission, précité, point 7, et, en dernier lieu, du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, dit "Pâte de bois", C-89-85, C-104-85, C-114-85, C-116-85, C-117-85 et C-125-85 à C-129-85, Rec. p. I-1307, point 176).

38 Toutefois, des comportements qui constituent une atteinte à la concurrence ne peuvent être sanctionnés par la Commission, en application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, que s'ils sont susceptibles, par ailleurs, d'affecter le commerce entre Etats membres.

39 Or, pour être susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres, une décision, un accord ou une pratique doivent, sur la base d'un ensemble d'éléments de droit et de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre Etats membres et cela de manière à faire craindre qu'ils puissent entraver la réalisation d'un marché unique entre Etats membres. Il faut, en outre, que cette influence ne soit pas insignifiante (arrêt Völk, précité, point 5, et, en dernier lieu, arrêt du Tribunal du 9 juillet 1992, Publishers Association/Commission, T-66-89, Rec. p. II-1995, point 55). Ainsi, même un accord contenant une protection territoriale absolue échappe à la prohibition de l'article 85 du traité, lorsqu'il n'affecte le marché que d'une façon insignifiante, compte tenu de la faible position qu'occupent les intéressés sur le marché des produits en cause(arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, point 85).

40 L'influence que peut exercer un accord sur le commerce entre Etats membres s'apprécie notamment en considération de la position et de l'importance des parties sur le marché des produits concernés(arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, Lancôme et Cosparfrance Nederland, 99-79, Rec. p. 2511, point 24).

41 Pour apprécier l'importance de la position occupée par les entreprises sur le marché en cause, il y a lieu, tout d'abord, de définir ce marché. En l'espèce, s'agissant des produits concernés, la décision donne en son point 4 la description suivante : "Le marché en cause dans la présente affaire est celui des stylos et autres articles similaires se situant dans une gamme de prix moyens et supérieurs."

42 La requérante a confirmé à l'audience qu'elle ne contestait pas la définition du marché des produits en cause. En revanche, elle fait grief à la Commission de ne pas avoir identifié le marché géographique. A cet égard, le Tribunal constate que, au point 4 de sa décision, la Commission a indiqué les parts de marché détenues par Parker dans les différents Etats membres et que, aux points 11 et 18 de sa décision, elle a relevé qu'il existe, pour les produits en cause, des différences de prix dans les Etats membres, susceptibles de générer un commerce parallèle, et que les produits Parker représentent une part considérable du Marché communautaire.

43 Il s'ensuit que la Commission a procédé à une définition adéquate du marché en visant le marché de tous les Etats membres et non pas uniquement le marché allemand.

44 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, lorsqu'il s'avère que les ventes d'au-moins une des parties à l'accord anticoncurrentiel constituent une part non négligeable du marché en cause, il y a lieu d'appliquer l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir l'arrêt Miller/Commission, précité, point 10).

45 Il n'est pas contesté, en l'espèce, que Parker détient sur le marché allemand des produits en cause une part de marché de [...] % et sur celui de la Communauté une part de marché de [...] % et que les chiffres d'affaires de Parker et Herlitz étaient supérieurs, en 1989, à [...] écus. Ces données révèlent que Parker et Herlitz constituent des entreprises d'une taille suffisamment importante pour que leur comportement soit, en principe, susceptible d'affecter le commerce intra-communautaire. De surcroît, il n'est pas contesté que Herlitz est un gros client de Parker sur le marché allemand.

46 Dès lors, le Tribunal considère que, compte tenu de l'importance de la position occupée par Parker, de l'ampleur de sa production, des ventes réalisées par Parker dans les Etats membres et de la part des ventes de produits Parker réalisée par Herlitz, la clause litigieuse visant à empêcher les exportations et, partant, les importations parallèles dans les autres Etats membres et donc à cloisonner les marchés nationaux comporte un risque d'influence sensible sur les courants d'échanges entre les Etats membres dans un sens susceptible de nuire à la réalisation des objectifs du Marché commun. Par conséquent, c'est à bon droit que la Commission a considéré, au point 18 de la décision attaquée, que, en restreignant les importations et les exportations parallèles, l'accord conclu entre Parker et Herlitz était susceptible d'affecter de façon sensible le commerce entre Etats membres.

En ce qui concerne l'application de la clause d'interdiction d'exporter

- Exposé sommaire de l'argumentation des parties

47 La requérante explique, d'abord, que Parker Pen GmbH, sa filiale allemande, approvisionne les grossistes et les détaillants établis en Allemagne, les principaux détaillants allemands se trouvant représentés par la Grosseinkaufsvereinigung Deutscher Bürobedarfsgeschafte (GDB) et Büro Aktuell (BA), qui représentent 80 % de la totalité des ventes de fournitures de bureau en Allemagne. Ce serait afin d'élargir ses filières de distribution et de réduire sa dépendance vis-à-vis des détaillants spécialisés traditionnels que Parker se serait liée à Herlitz, qui a développé en Allemagne le concept du "all out of one hand". Selon ce concept, les libres-services et les grands magasins mettent à la disposition de Herlitz 50 à 100 m² de leur surface de vente, sur laquelle Herlitz installe les présentoirs, fournit les marchandises et en modifie, le cas échéant, la composition, tandis que Parker livre les produits commandés par Herlitz dans des emballages-bulles spéciaux, présentés en langue allemande.

48 Or, selon la requérante, le refus d'approvisionnement opposé par Herlitz à Viho ne découlerait pas de l'application de l'accord, mais de la politique interne de Herlitz, qui refuse de fournir des grossistes tels que Viho en raison du fait qu'ils n'exploitent pas de libres-services et qu'ils ne s'insèrent donc pas dans son concept de commercialisation. En fait, la plainte déposée par Viho auprès de la Commission en 1988 s'expliquerait par le refus de Parker de lui accorder des prix préférentiels.

49 La requérante mentionne encore que Herlitz a exporté en Autriche et en Suisse des produits couverts par l'accord. Elle relève que Herlitz a admis à l'audition du 4 juin 1991 qu'elle exporte des articles Parker chaque fois que ses clients opèrent sur le plan international, ce qui aurait également été le cas pour la France.

50 Il en résulte, selon la requérante, que la Commission a mal interprété les faits de l'espèce en affirmant, au huitième alinéa du point 16 de sa décision, que les deux télécopies envoyées par Herlitz à Viho font apparaître que Herlitz a appliqué l'accord de distribution passé entre elle et Parker.

51 Finalement, la requérante fait observer que la télécopie adressée à Viho le 24 avril 1989 émane de Herlitz GmbH & Co KG, personne juridique distincte de Herlitz AG, société partie à l'accord et à la procédure devant la Commission.

52 La Commission rappelle, d'abord, qu'il suffit pour que l'article 85, paragraphe 1, du traité soit applicable qu'un accord ait pour objet de fausser la concurrence, aucun effet réel sur le marché n'étant nécessaire (voir les arrêts de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56-64 et 58-64, Rec. p. 429, 496, et du 30 janvier 1985, BNIC, 123-83, Rec. p. 391, point 22).

53 Sous le bénéfice de cette observation, la défenderesse soutient néanmoins qu'en l'espèce l'interdiction d'exportation a été effectivement appliquée. A cet égard, elle relève que le directeur des exportations de Herlitz a informé à deux reprises Viho que Herlitz n'était pas autorisée à vendre des produits Parker hors d'Allemagne. Ainsi, la correspondance échangée avec Herlitz démontrerait à suffisance que cette dernière a justifié son refus en se référant à un contrat qui, dès lors, a reçu application.

54 La Commission allègue, enfin, que l'interdiction d'exporter convenue entre Parker et Herlitz a été susceptible d'empêcher d'éventuelles ventes de Herlitz à des grossistes établis dans d'autres Etats membres. Elle soutient, à cet égard, que Herlitz assume le rôle de grossiste en ce qu'elle ne vend pas directement les produits Parker aux consommateurs, dans la mesure où elle vend ces produits aux grands magasins avant que ces derniers les revendent à leurs clients. Cette constatation se trouverait illustrée par le fait que Herlitz a exporté à destination de la Suisse et de l'Autriche des produits qu'elle n'avait pas fabriqués elle-même, ainsi que par le fait, admis par Herlitz à l'audition du 4 juin 1991, qu'elle avait commencé à vendre des produits Parker à de gros clients possédant des succursales à l'étranger, y compris en France.

- Appréciation du Tribunal

55 Il convient de rappeler, d'abord, que la circonstance qu'une clause d'interdiction d'exportation, qui constitue par sa nature même une restriction de la concurrence, n'a pas été appliquée par le distributeur avec lequel elle a été convenue ne saurait établir qu'elle est restée sans effet, son existence pouvant créer, selon l'arrêt Miller/Commission (précité, point 7), un climat "optique et psychologique" qui contribue à une répartition du marché, et que, dès lors, le fait qu'une clause qui a pour objet de restreindre la concurrence n'a pas été mise en œuvre par les contractants ne suffit pas à la soustraire à l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir les arrêts de la Cour du 21 février 1984, Hasselblad/Commission, 86-82, Rec. p. 883, point 46, et, en dernier lieu, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 175).

56 Le Tribunal constate, en outre, que, en l'espèce, Herlitz s'est retranchée derrière l'interdiction d'exportation pour refuser de vendre à Viho des produits Parker.

57 A cet égard, le Tribunal estime que l'argumentation de Parker consistant à se réfugier derrière le fait que ce n'est pas Herlitz AG, mais Herlitz GmbH & Co KG qui est à l'origine des télécopies refusant à Viho la livraison de produits Parker ne saurait être retenue. En effet, il est constant, d'une part, que l'entente incriminée résulte d'un contrat passé entre Parker et Herlitz AG. Il n'est pas contesté, d'autre part, que Herlitz GmbH & Co KG est une filiale à 100 % de Herlitz AG et dépend totalement de cette société. Dès lors, le comportement de la filiale doit être considérée comme étant imputable à la société mère (voir les arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48-69, Rec. p. 619, points 136 à 141, et du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6-73 et 7-73, Rec. p. 223, point 41).

58 Il résulte, par ailleurs, des débats à l'audience que la présence de la clause d'interdiction d'exportation dans l'accord litigieux présentait pour Parker l'intérêt de restreindre au territoire allemand la distribution de ses produits selon le modèle de commercialisation mis en œuvre par Herlitz. En dépit des spécificités de ce modèle, en particulier de celles d'ordre linguistique, le fait que Herlitz puisse se livrer à des exportations ne semble donc pas exclu, puisque les parties, ou à tout le moins Parker, ont éprouvé la nécessité d'insérer dans le contrat de distribution une clause expresse d'interdiction d'exporter.

59 En tout état de cause, des arguments tirés de la situation actuelle, même s'ils s'avéraient exacts, ne sauraient suffire pour établir que des clauses d'interdiction d'exportation ne sont pas susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres. En effet, cette situation peut changer d'année en année en fonction de modifications dans les conditions ou dans la composition du marché tant dans le Marché commun dans son ensemble que dans les différents marchés nationaux (voir arrêt Miller/Commission, précité, point 14). Dès lors, l'argument tiré de ce que la clause litigieuse n'aurait pas été appliquée doit être rejeté.

- Quant à l'intérêt communautaire attaché à la procédure

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

60 Parker fait valoir que la Commission n'avait aucun intérêt à poursuivre la procédure à son encontre, d'autant plus qu'elle a rejeté la plainte de Viho dirigée contre sa politique consistant à soumettre les commandes des clients d'un autre Etat membre à ses filiales locales établies dans cet Etat membre. Elle rappelle, à cet égard, que dans l'affaire Automec/Commission, la Commission n'a pas poursuivi la procédure, au motif que son devoir de veiller au respect de l'intérêt public lui imposait de poursuivre, au premier chef, les comportements qui par leur ampleur, leur gravité et leur durée constituent une atteinte très grave au libre jeu de la concurrence et que le Tribunal a confirmé le bien-fondé de cette décision (arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992, Automec/Commission, T-24-90, Rec. p. II-2223, point 77).

61 La défenderesse relève que c'est au stade de la réplique que Parker a soutenu pour la première fois qu'elle aurait dû rejeter la plainte déposée par Viho pour absence d'intérêt communautaire. Elle estime que, si elle a la faculté de rejeter une plainte dans le cas d'affaires ayant un impact économique limité ou une faible importance juridique, elle n'est pas juridiquement tenue de le faire. Elle fait remarquer de surcroît que l'arrêt Automec/Commission, précité, est postérieur à l'adoption de la décision attaquée dans le cadre du présent recours et que l'on ne saurait, par conséquent, lui faire grief de ne pas en avoir tenu compte.

- Appréciation du Tribunal

62 Le Tribunal constate, tout d'abord, que la requérante, qui n'a soulevé l'argument tiré du défaut d'intérêt communautaire qu'au stade de la réplique, invoque à l'appui de celui-ci essentiellement le fait que, le 30 septembre 1992, la Commission a rejeté la plainte par laquelle Viho avait mis en cause la politique de Parker consistant à soumettre les commandes de clients d'un Etat membre à ses filiales locales établies dans cet Etat membre. Cette décision, étant intervenue après l'introduction du recours, le 24 septembre 1992, peut dès lors être considérée comme un élément de fait et de droit qui s'est révélé au cours de la procédure, au sens de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

63 Il convient de rappeler, ensuite, que l'étendue des obligations de la Commission dans le domaine du droit de la concurrence doit être examinée à la lumière de l'article 89, paragraphe 1, du traité, qui, dans ce domaine, constitue la manifestation spécifique de la mission générale de surveillance confiée à la Commission par l'article 155 du traité CEE. A cet égard, il convient de rappeler également que, pour apprécier l'intérêt communautaire qu'il y a à poursuivre l'examen d'une affaire, la Commission doit tenir compte des circonstances du cas d'espèce et des éléments de fait et de droit qui lui sont présentés dans la plainte dont elle est saisie.

64 En l'espèce, il suffit de constater que c'est à juste titre que la Commission, au point 16, huitième alinéa, de sa décision, a qualifié la clause d'interdiction d'exporter d'entente au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité et a constaté qu'elle était susceptible d'affecter de façon sensible les échanges intra-communautaires.

65 Il s'ensuit que la Commission, en décidant de continuer la poursuite de la procédure après la découverte d'un document faisant apparaître, à première vue, une infraction à l'article 85, paragraphe 1, a fait un bon usage de sa marge d'appréciation et qu'elle n'a pas commis d'erreur de droit. Le grief tiré du défaut d'intérêt communautaire doit, dès lors, être rejeté.

66 Il découle de l'ensemble des considérations qui précèdent que le moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité doit être rejeté.

Sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation

67 La requérante estime que tous les griefs exprimés à l'encontre de la décision de la Commission sont de nature à démontrer que cette dernière ne répond pas aux exigences de motivation telles que fixées par l'article 190 du traité CEE.

68 La défenderesse estime avoir correctement motivé le rejet des arguments soulevés par Parker et démontré à suffisance que l'accord était susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres de manière sensible.

69 Le Tribunal constate qu'il résulte de ses appréciations relatives à l'établissement de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, tel qu'il a été opéré dans l'acte attaqué, que la Commission a suffisamment pris en compte les arguments de la requérante relatifs aux faits et aux circonstances juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la présente affaire et qu'il n'y a donc pas de violation de l'obligation de motivation. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être rejeté.

Sur le moyen tiré de la violation des règles de procédure

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

70 La requérante fait grief à la Commission de ne pas lui avoir fourni une traduction intégrale en langue anglaise du texte complet du procès-verbal de l'audition du 4 juin 1991 qui lui aurait été dû en vertu du règlement n° 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385, ci-après "règlement n° 1"), ainsi qu'aux articles 217 et 248 du traité CEE.

71 La Commission répond que Parker était représentée à l'audition et que ses représentants ont eu la possibilité d'écouter l'interprétation simultanée qui a été faite des débats. Elle fait valoir que, conformément à l'article 9, paragraphe 4, de son règlement n° 99-63-CEE, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99-63"), elle adresse aux parties copie du procès-verbal afin de leur permettre de vérifier si leurs propres déclarations ont été correctement enregistrées, mais qu'aucun texte ne l'oblige à assurer la traduction des déclarations faites par les autres parties.

Appréciation du Tribunal

72 Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99-63, les déclarations essentielles de chaque personne entendue sont consignées dans un procès-verbal qui est approuvé par elle après lecture.

73 En l'espèce, le Tribunal constate que la requérante a été en état de prendre utilement connaissance du contenu du procès-verbal, ce dernier ayant été signé par son conseil et par son président, qui a émis comme réserve "signé uniquement pour les parties reportées en français et en anglais et sous réserve de légers amendements marqués aux pages 12, 33 et 37".

74 En outre, la requérante, qui ne conteste pas avoir eu la possibilité de suivre ce qui a été dit au cours de l'audition grâce à l'interprétation simultanée, n'allègue pas que, du fait de l'absence de traduction des parties rédigées en allemand, le procès-verbal comporterait à son égard des inexactitudes ou omissions substantielles, susceptibles d'avoir des conséquences préjudiciables pouvant vicier la procédure administrative (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41-69, Rec. p. 661, point 52).

75 Il s'ensuit que ce moyen doit être rejeté.

Sur la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17

76 La requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir, en lui infligeant une amende, tenu compte de l'absence de propos délibéré de sa part et d'avoir violé les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité.

Sur l'absence de propos délibéré

77 La requérante constate que la Commission n'a été en mesure d'établir qu'une seule infraction, non intentionnelle, à l'article 85, paragraphe 1, du traité, à savoir l'entrave à l'exportation contenue au point 7 de l'accord. Elle fait valoir, à cet égard, qu'elle n'a pas eu l'intention de restreindre les exportations de Herlitz vers d'autres Etats membres et qu'elle n'a d'ailleurs pas pu avoir une telle intention, les produits Parker ne se prêtant pas, en raison de leur présentation, à la distribution dans ces pays. En revanche, la prospection des marchés suisse et autrichien aurait été envisagée.

78 La requérante affirme encore que c'est Herlitz qui a préparé le projet initial d'accord et l'a soumis en juillet 1986 au directeur de Parker pour l'Europe au Royaume-uni, lequel l'a signé sans s'être entouré d'un avis juridique et sans y apporter de modifications, contrairement à la politique de la société. La requérante fait observer que Herlitz ne conteste pas ce fait et relève à cet égard qu'à l'audition le représentant de Herlitz a déclaré, au sujet de l'accord litigieux, que, "actuellement, personne ne sait plus précisément d'où il venait, il aurait également pu provenir des bureaux de Herlitz, nous ne savons plus". Parker fait grief à la Commission de ne pas avoir élucidé les circonstances précises dans lesquelles la clause litigieuse a été incluse dans l'accord.

79 La requérante relève, en outre, qu'elle a expressément retiré de l'accord l'entrave à l'exportation qui y figurait dès que son conseil d'administration en a pris connaissance et qu'elle a mis en œuvre un programme d'alignement de son organisation, afin que les règles de concurrence soient pleinement respectées. Ce programme, clôturé dès 1987, n'aurait pu être appliqué à des clauses qui n'étaient ni connues ni appliquées.

80 La défenderesse, qui admet que la décision ne constate qu'une seule infraction, à savoir un accord ou une pratique concertée destinée à empêcher les importations parallèles des produits Parker, et que le programme d'alignement de Parker sur les règles de concurrence ainsi que son attitude très coopérative sont à inscrire au crédit de Parker, fait néanmoins observer que la clause litigieuse a été en vigueur du 1er mars 1987 au 28 septembre 1989 et qu'elle a ainsi échappé aux efforts entrepris par Parker.

81 Le Tribunal rappelle que, pour qu'une infraction aux règles de concurrence du traité puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre une interdiction édictée par ces règles, mais qu'il suffit qu'elle ait été consciente que la conduite incriminée avait pour objet de restreindre la concurrence.

82 En l'espèce, il faut constater que, dès le début de la procédure administrative, Parker a admis qu'une clause d'interdiction d'exporter est contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Le Tribunal estime que Parker a eu conscience que la clause litigieuse avait pour objet de restreindre, voire d'interdire les exportations, et par là-même de cloisonner le marché, et doit donc être considérée comme ayant agi de propos délibéré (voir l'arrêt de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, Rec. p. 3369, points 45 à 47).

Sur la violation du principe d'égalité de traitement

83 La requérante soutient que la décision viole le principe de l'égalité de traitement en traitant Parker d'une manière différente d'autres sociétés en cas d'entrave à l'exportation. A l'instar de ce qu'elle a fait dans sa décision 92-427-CEE, du 27 juillet 1992, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-32.800 et 33.335 - Quantel International - Continuum/Quantel SA, JO L. 235, p. 9, ci-après "décision Quantel") et dans l'affaire AKZO Coatings (Dix-neuvième Rapport sur la politique de concurrence, point 45), dans lesquelles elle s'est abstenue d'infliger une amende en raison, dans le premier cas, de l'effet limité sur le commerce des produits concernés et, dans le second cas, du programme d'alignement sur les règles de concurrence mis en œuvre par l'entreprise en cause, la Commission aurait dû s'interdire, en l'espèce, d'infliger une amende et clore la procédure à un stade antérieur du fait que l'accord conclu avec Herlitz a constitué le seul exemple d'une entrave à l'exportation, qu'il ne relève pas d'une politique générale visant à restreindre la concurrence et que Parker a mis en œuvre un programme d'alignement sur les règles de concurrence.

84 La Commission fait observer que l'argument tiré de la violation du principe de l'égalité de traitement a trait davantage au fait que la Commission a poursuivi la procédure et non pas tant à l'amende qu'elle a infligée. Elle renvoie à cet égard aux conclusions de l'avocat général M. Darmon sous l'arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité (Rec. p. I-1307, I-1445, point 527), qu'elle partage pleinement : "Dès lors qu'une entreprise ayant recouru contre une décision de la Commission a commis une infraction aux règles du droit de la concurrence, elle ne saurait à notre avis échapper à toute conséquence de ce fait en arguant qu'un autre opérateur économique aurait également eu un comportement illégal."

85 La Commission fait encore valoir que la référence à sa décision Quantel n'est pas pertinente, dans la mesure où elle a retenu, dans cette affaire, que l'atteinte à la concurrence ainsi que l'effet sur le commerce entre Etats membres étaient sensibles, pour conclure que l'article 85, paragraphe 1, était applicable. Le fait que dans cette décision la Commission ait jugé inopportun d'infliger une amende ne saurait étayer l'affirmation de la requérante que l'accord conclu avec Herlitz comporte un effet négligeable sur le commerce.

86 Le Tribunal considère que, dès lors qu'une entreprise a, par son comportement, violé l'article 85, paragraphe 1, du traité, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif qu'un autre opérateur économique ne se serait pas vu infliger d'amende, alors même que le juge communautaire n'est pas saisi de la situation de ce dernier (voir l'arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 197). Par conséquent, l'argumentation de la requérante tirée de ce que, dans des circonstances similaires, d'autres entreprises ne se seraient pas vu infliger d'amende doit être rejetée.

Sur le caractère disproportionné de l'amende

87 La requérante fait valoir, en dernier lieu, que la décision viole le principe de proportionnalité en infligeant à Parker une amende disproportionnée par rapport au volume de vente concerné par l'infraction. Elle rappelle que, ainsi que la Cour l'a jugé dans l'arrêt Musique diffusion française e.a./Commission (précité, points 120 et 121), la Commission, pour déterminer le montant de l'amende, a la faculté de tenir compte du volume et de la valeur des marchandises concernées par l'infraction plutôt que du chiffre d'affaires total de la société, notamment lorsque les marchandises concernées ne représentent qu'une faible part de ce chiffre d'affaires.

88 Rappelant que les ventes par Herlitz de produits Parker s'élevaient à environ [...] écus en moyenne annuelle au cours de la période allant du 1er mars 1987 au 28 septembre 1989, la requérante fait observer que l'amende infligée équivaut à [...] % de cette somme. Elle considère ce pourcentage disproportionné compte tenu du fait qu'elle a mis en œuvre en 1987 un vaste programme d'alignement sur les règles de concurrence qu'elle poursuit depuis lors.

89 La Commission estime que l'amende infligée n'est pas disproportionnée par rapport à l'infraction constatée. A cet égard, elle rappelle que le chiffre d'affaires mondial de Parker s'élevait à un peu plus de [...] écus, de sorte que l'amende n'aurait pu excéder [...] écus. Or, l'amende de 700 000 écus qui a été infligée à Parker représenterait [...] % du chiffre d'affaires réalisé par Parker dans la Communauté [...] écus et [...] % de son chiffre d'affaires réalisé sur le marché allemand [...] écus. Comparée à d'autres cas d'espèce impliquant des interdictions d'exportation (Pioneer, Toshiba, Dunlop), l'amende infligée représenterait un pourcentage nettement inférieur au chiffre d'affaires réalisé avec les produits concernés par l'infraction.

90 La Commission rappelle, en outre, que le point 24 de la décision énonce les raisons pour lesquelles Parker a été traitée avec davantage de mansuétude : d'abord, Parker aurait pris des mesures pour éliminer l'interdiction d'exportation presque immédiatement après sa découverte par les fonctionnaires de la Commission ; ensuite, Parker se serait montrée très coopérative au cours des vérifications ; enfin, Parker aurait établi un programme détaillé d'alignement sur les règles de concurrence.

91 La défenderesse estime par conséquent qu'il ne peut être reproché à la Commission d'avoir agi de façon arbitraire ou excessive en fixant le montant de l'amende, étant donné qu'elle a tenu compte des circonstances atténuantes de l'espèce.

92 Le Tribunal rappelle qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que le montant de l'amende doit être gradué en fonction des circonstances de la violation et de la gravité de l'infraction (arrêt de la Cour du 12 novembre 1985, Krupp/Commission, 183-83, Rec. p. 3609, point 40) et que l'appréciation de la gravité de l'infraction aux fins de la fixation du montant de l'amende doit être effectuée en tenant compte notamment de la nature des restrictions apportées à la concurrence (arrêts de la Cour ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 176, et du 15 juillet 1970, Boehringer/Commission, 45-69, Rec. p. 769, point 53).

93 En l'espèce, le Tribunal considère que la Commission a pris en compte, au point 24 de sa décision, des circonstances atténuantes militant en faveur de la requérante, notamment le fait, d'une part, qu'elle a coopéré dès le début de la procédure administrative et, d'autre part, qu'elle a mis en œuvre un programme d'alignement visant à assurer le respect par ses distributeurs et ses filiales des règles de concurrence.

94 En revanche, il ressort de la décision que la Commission n'a pas pris en considération le fait que le chiffre d'affaires réalisé avec les produits concernés par l'infraction était relativement faible par rapport à celui résultant de l'ensemble des ventes réalisées par Parker. A cet égard, il y a lieu de rappeler qu'il est loisible de tenir compte aussi bien du chiffre d'affaires global de l'entreprise, qui constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique, que du chiffre d'affaires provenant des marchandises faisant l'objet de l'infraction, qui est de nature à donner une indication de l'ampleur de celle-ci. Il en résulte qu'il ne faut attribuer ni à l'un ni à l'autre de ces chiffres une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d'appréciation et que, par conséquent, la fixation d'une amende appropriée ne peut être le résultat d'un simple calcul basé sur le chiffre d'affaires global (arrêts Musique diffusion française e.a./Commission, précité, point 121, et Krupp/Commission, précité, point 37).

95 A la lumière de ces considérations, le Tribunal estime que l'amende de 700 000 écus infligée à la requérante n'est pas adéquate, eu égard notamment au faible chiffre d'affaires concerné par l'infraction, et qu'il est justifié, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, de ramener à 400 000 écus le montant de l'amende infligée à Parker.

Sur les conclusions tendant au remboursement des frais de constitution de la garantie du paiement de l'amende infligée

Arguments des parties

96 La Commission soutient que la demande de remboursement des frais engagés par Parker pour garantir le paiement de l'amende est irrecevable au motif que le Tribunal est incompétent pour se prononcer sur cette demande dans le cadre du contrôle de la légalité d'un acte au titre de l'article 173 du traité CEE (voir l'arrêt de la Cour du 24 juin 1986, AKZO/Commission, 53-85, Rec. p. 1965).

97 La requérante fait valoir, au stade de la réplique, que le Tribunal doit statuer sur les dépens conformément à l'article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure et que, selon l'article 91, sous b), dudit règlement, sont considérés comme récupérables les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure. Elle soutient que ces frais comprennent les frais engagés par elle en vue de garantir le paiement de l'amende par une caution bancaire et rejette l'argument selon lequel la partie qui dirige son recours contre une amende peut éviter des frais supplémentaires en choisissant de ne pas constituer de garantie bancaire.

98 La défenderesse répond, au stade de la duplique, qu'il n'y a pas lieu, dans le cadre d'un recours en annulation dirigé contre une décision infligeant une amende, de répondre à la question de savoir si les frais engagés par la partie requérante pour garantir le paiement de l'amende constituent ou non des dépens récupérables, dès lors qu'il pourra s'avérer nécessaire de le faire dans le cadre d'un litige ultérieur portant sur le montant des dépens. La défenderesse ajoute qu'il résulte de l'ordonnance de la Cour du 20 novembre 1987, Krupp/Commission (183-83, Rec. p. 4611), que, en tout état de cause, les frais en question ne sauraient être qualifiés de frais exposés "aux fins de la procédure" au sens de l'article 91, sous b), du règlement de procédure.

Appréciation du Tribunal

99 Le Tribunal relève que la requête ne permet pas d'identifier les moyens de droit sur lesquels la requérante entend fonder ses conclusions tendant au remboursement des frais de constitution de la caution bancaire.

100 Il s'ensuit, en ce qui concerne ces conclusions, que la requête ne satisfait pas aux exigences minimales établies par l'article 19 du statut (CEE) de la Cour de justice et par l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure pour qu'un recours soit recevable. Dès lors, lesdites conclusions doivent être rejetées comme irrecevables.

101 Il convient d'observer en outre que, selon la jurisprudence de la Cour (voir l'ordonnance Krupp/Commission, précitée), les frais exposés en l'espèce par la requérante pour la constitution de la caution bancaire ne sauraient être considérés comme frais exposés aux fins de la procédure. Il s'ensuit qu'en tout état de cause les conclusion de la requérante qui tendent au remboursement des frais exposés par elle pour la constitution de la caution bancaire, pour autant qu'elles se fondent sur les dispositions de l'article 91, sous b), du règlement de procédure, ne sont pas fondées.

Sur les dépens

102 Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens. En l'espèce, chacune des parties ayant succombé partiellement, le Tribunal estime qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances en décidant que chacune des parties supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1) Le montant de l'amende infligée à la requérante à l'article 2 de la décision 92-426-CEE de la Commission, du 15 juillet 1992, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-32.725 - Viho/Parker Pen), est ramené à 400 000 écus.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) Chacune des parties supportera ses propres dépens.

(1) Les chiffres et données entre crochets sont occultés dans la version non confidentielle de l'arrêt.