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CCE, 13 juillet 1994, n° 94-601

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Carton

CCE n° 94-601

13 juillet 1994

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, vu la décision de la Commission du 21 décembre 1992 d'engager la procédure d'office, après avoir donné aux entreprises intéressées la possibilité de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 et conformément au règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit :

PARTIE I - LES FAITS

A. RESUME DE L'INFRACTION

(1) La présente décision d'imposer des amendes pour infraction aux dispositions de l'article 85 du traité se fonde sur les vérifications effectuées par la Commission en avril 1991. Agissant en vertu de l'article 14 paragraphe 3 du règlement n° 17, des agents de la Commission ont visité les locaux d'une série de producteurs de carton ou de leurs filiales et agents commerciaux dans la Communauté. Grâce auxdites vérifications et aux enquêtes consécutives effectuées en vertu de l'article 11 du règlement n° 17, la Commission a découvert des preuves écrites que les entreprises suivantes avaient commis une infraction aux dispositions de l'article 85 :

- Buchmann GmbH,

- Cascades SA,

- Enzo-Gutzeit Oy,

- Europa Carton AG,

- Finnboard - the Finnish Board Mills Association,

- Fiskeby Board AB,

- Gruber & Weber GmbH & Co KG,

- Kartonfabriek " De Eendracht " NV (dont le nom commercial est "BPB de Eendracht"),

- NV Koninklijke KNP BT NV (anciennement Koninklijke Nederlandse Papierfabrieken, NV)

- Laakmann Karton GmbH & Co KG,

- Mayr-Melnhof Kartongesellschaft mbH,

- Mo Och Domsjö AB (MoDo),

- Papeteries de Lancey SA,

- Rena Kartonfabrik AS,

- Sarriò SpA,

- SCA Holding Ltd [anciennement Reed Paper & Board (UK) Ltd],

- Stora Kopparbergs Bergslags AB,

- Enso Española SA (anciennement Tampella Española SA),

- Moritz J. Weig GmbH & Co KG.

(2) L'infraction consiste dans la participation, du milieu de l'année 1986 à avril 1991 au moins (dans la plupart des cas), à un accord et à une pratique concertée par lesquels les fabricants fournisseurs de carton dans la Communauté, en infraction aux dispositions de l'article 85 du traité, de connivence et en complicité :

- se sont rencontrés régulièrement au cours d'une série de réunions secrètes et institutionnalisées en vue de négocier et d'adopter un plan sectoriel commun visant à restreindre la concurrence,

- ont décidé d'un commun accord des augmentations de prix régulières pour chaque qualité de produit dans chaque monnaie nationale,

- ont planifié et mis en œuvre des augmentations de prix simultanées et uniformes sur tout le territoire de la Communauté,

- se sont entendues pour maintenir les parts de marché des principaux producteurs à des niveaux constants (sous réserve de modifications occasionnelles),

- ont pris des mesures concertées pour contrôler l'offre du produit concerné dans la Communauté afin de garantir la mise en œuvre des augmentations de prix concertées,

- ont procédé à des échanges d'informations commerciales (sur les livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet, les taux d'utilisation des machines, etc.) pour soutenir l'application des restrictions mentionnées ci-dessus.

B. INDUSTRIE DU CARTON

1. Le produit

(3) Le carton est un matériau rigide obtenu à partir de fibres de bois et employé principalement pour la fabrication de boîtes pliantes destinées à emballer des biens de consommation alimentaires et non alimentaires. Il est également employé pour produire du carton léger destiné à des utilisations graphiques.

Le carton est produit selon des méthodes diverses qui comportent la dispersion des fibres dans l'eau à une concentration de 1 % et le tirage consécutif en feuilles après séparation de l'eau par égouttage et séchage du dépôt de fibres qui en résulte.

Un grand nombre de qualités différentes de produits ont été mises au point afin de répondre aux divers besoins des utilisateurs finals. La qualité du matériau dépend, dans une large mesure, du choix des fibres utilisées et de leur traitement au cours du processus de production. Le carton est habituellement fabriqué et vendu en feuilles associant des couches de matériaux réalisées à partir de divers types de pâtes. Il est habituellement couché ou laminé du côté blanc avec des matériaux divers pour en améliorer l'aspect ou le rendre propre à des utilisations particulières. Il existe une distinction fondamentale entre, d'une part, le carton produit à partir de fibres de bois primaires et, d'autre part, le carton fait de vieux papiers recyclés.

(4) Les principales qualités de carton fabriquées en Europe occidentale sont les suivantes:

- Le carton pour boîtes pliantes avec intérieur et verso bois (= Folding boxboard - FBB) est constitué d'une couche extérieure blanche fabriquée à partir de pâte chimique blanche, d'une couche intermédiaire de pâte mécanique ou chimico-mécanique, et souvent d'une mince couche de base de pâte chimique blanchie. La qualité FBB sert habituellement à l'emballage des aliments, des produits cosmétiques, des cigarettes, des médicaments, etc.

- Le carton avec intérieur gris (= White-lined chipboard - WLC), également connu en Europe continentale et occidentale sous le nom de duplex ou triplex, à base de fibres recyclées, s'obtient à partir de pâte chimique blanchie pour le recto et de vieux papiers pour le verso. Il sert habituellement à l'emballage des produits non alimentaires.

- Le carton pure pâte blanchie (= Solid Bleached Sulphate - SBS) est un produit multicouche fabriqué à partir de pâte chimique blanchie et dont toutes les couches sont blanches. Il est principalement utilisé comme qualité de luxe pour l'emballage des aliments, des produits cosmétiques, des médicaments et des cigarettes.

Certains autres produits de carton (par exemple le " carton gris ", constitué uniquement de papier recyclé) peuvent également être fabriqués sur des machines à carton mais ne sont pas couverts par la définition du " carton " utilisée par les producteurs eux-mêmes et ne font pas l'objet de la présente procédure.

En Europe occidentale, la profession a généralement adopté la désignation standard du produit et les abréviations employées en Allemagne.

- Les qualités FBB couchées et non couchées sont respectivement désignées par les abréviations " GC " et " UC ",

- les qualités " duplex " couchées et non couchées de WLC sont désignées par les abréviations " GD " et " UD ", et les qualités " triplex " sont désignées par les sigles " GT " et " UT ",

- les qualités SBS couchées et non couchées sont respectivement désignées par les abréviations " GZ " et " UZ ".

Il existe des subdivisions supplémentaires au sein de ces catégories : par exemple, le GC1 se distingue du GC2 par la différence de la couche utilisée pour le verso, les qualités GD1 et GD2 se distinguent par leur volume spécifique, etc. Par facilité, la totalité du secteur des fibres vierges est souvent désignée par les termes " qualités GC " et toutes les qualités recyclées par les termes " qualités GD ". Le cas échéant, cet usage sera adopté dans la présente décision.

2. La taille du marché en volume et en valeur

(5) En raison (entre autres) de recoupement des définitions des produits, les estimations du volume du marché du carton diffèrent.

Aux fins de la présente procédure, la Commission a recouru à la classification utilisée par les producteurs impliqués dans la présente affaire pour leur propre système d'échange de statistiques (considérant 61).

En 1990 (dernière année complète au cours de laquelle la Commission sait que l'infraction s'est poursuivie), la production totale de carton en Europe occidentale a atteint près de 4,2 millions de tonnes, dont environ un sixième a été exporté vers des marchés extérieurs.

Quelque 2,4 millions de tonnes ont été produits dans la Communauté, dont 70 % de qualités GD. La production des pays nordiques s'est élevée à 1,3 million de tonnes (presque uniquement des qualités GC et SBS) et environ 340 000 tonnes de qualité GD ont été produites en Autriche.

La même année, la consommation de carton en Europe occidentale (Communauté européenne et Association européenne de libre-échange) s'est élevée à environ 3,5 millions de tonnes, dont 1,3 million de tonnes (37 %) de qualités GC, 1,9 million de tonnes (54 %) de qualités GD et 0,3 million de tonnes (9 %) de SBS.

Toujours en 1990, la consommation de carton dans les douze Etats membres de la Communauté s'est élevée à environ 3,09 millions de tonnes dont 1,15 million de tonnes de GC et 1,7 million de tonnes de GD. La France, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni absorbent plus de 80 % de la consommation communautaire.

Les importations de pays de l'Association européenne de libre-échange, principalement la Suède et la Finlande, ont représenté 30 % du marché communautaire. Des informations détaillées relatives à la production, aux ventes et à la consommation en 1990 figurent dans le tableau 1.

Le marché communautaire du carton s'est chiffré à environ 2,5 milliards d'écus en 1990.

(6) Au cours des trente dernières années, le marché du carton en Europe occidentale a été marqué par une forte croissance. Le taux de croissance annuel moyen du carton en Europe a généralement été supérieur à celui de l'ensemble de la production industrielle : pendant les années quatre-vingt par exemple, la croissance du secteur du carton en Europe occidentale a atteint en moyenne 3 % par an contre seulement 1,5 % pour la production industrielle.

Au cours de la période de quatre ans qui s'étend de 1987 à 1990, la consommation de carton a augmenté de 18,6 %. Toutefois, en 1991, la tendance s'est renversée et la demande a diminué de 2,2 %.

Pendant la seconde moitié des années quatre-vingt, la demande des qualités GC (fibres vierges) a augmenté pratiquement trois fois plus vite que celle des qualités GD (fibres recyclées).

En 1990, la tendance s'est inversée, et les ventes de GD dans la Communauté ont augmenté d'environ 11 % par rapport à 1989, alors que les ventes de GC ont reculé de 1 %.

Cet important retour de la demande vers les qualités GD en 1990 a été attribué à plusieurs facteurs : une plus grande prise de conscience des préoccupations écologiques par les consommateurs, un plus grand écart de prix entre les qualités GC et GD à la fin de l'année 1989 lorsque les prix des qualités GC ont augmenté alors que ceux des types GD sont restés stables, et l'amélioration de l'aspect de certaines qualités GD qui les faisait ressembler davantage aux produits GC.

3. Les fabricants

(7) Le marché communautaire du carton est approvisionné dans une large mesure par des fabricants européens de cartons GC situés à l'extérieur de la Communauté, principalement en Suède et en Finlande.

Le secteur des qualités GC est dominé par plusieurs grands groupes nordiques de produits forestiers, dont une importante partie de la capacité de production se trouve, en fait, aujourd'hui, dans la Communauté, à la suite de récentes restructurations industrielles et d'acquisitions. Le plus grand fabricant européen de qualités GC est le groupe suédois Stora, avec une production de quelque 450 000 tonnes, dont les deux tiers sont fabriqués dans ses usines de Kopparfors en Suède et le reste par l'ancienne exploitation de Feldmühle en Allemagne, que Stora a acquise en 1990 (Feldmühle produisait également des qualités GD). Un autre grand producteur suédois, le groupe MoDo, fabrique 200 000 tonnes de qualités GC, la quasi-totalité de la production étant obtenue dans sa cartonnerie britannique située à Workington, dans le comté de Cumbria. La production de MoDo en Suède est presque entièrement consacrée au SBS. Les quatre fabricants finlandais de carton GC (en 1991) - Metsa-Serla, Kyro, Tampella et United Paper Mills - produisent près de 500 000 tonnes (en totalité en Finlande) et commercialisent le produit dans la Communauté et sur d'autres marchés d'exportation exclusivement par l'intermédiaire de l'organisme de vente Finnboard, qu'ils détiennent en commun (3).

(8) En ce qui concerne les qualités GD, deux grands fabricants, Mayr-Melnhof (M-M) et Sarriò, représentent aujourd'hui la moitié de la capacité de production européenne. Le siège de M-M se trouve à Vienne, mais le groupe possède ou contrôle aussi des cartonneries en Allemagne, en Suisse (participation de 66 %), aux Pays-Bas et (depuis 1991) au Royaume-Uni. Il disposait en 1990 déjà d'une capacité de production de plus de 600 000 tonnes en GD et de 90 000 tonnes en GC. En 1991, il a mis en service une nouvelle machine de qualité GD (160 000 tonnes par an) en Allemagne (où une machine existante aurait été arrêtée). A la fin de 1992, M-M a acquis un autre producteur allemand et a ainsi porté sa capacité totale de production à plus de 850 000 tonnes. Sarriò (qui fait partie du groupe italien Saffa) est le deuxième fabricant européen de carton à base de fibres recyclées ; ses usines en Italie ont une capacité totale de 400 000 tonnes en GD (ainsi que 26 000 tonnes en GC). Sarriò possède aussi deux cartonneries en Espagne (Sarriò, Prat). Comme autres grands fabricants de GD dans la Communauté, on citera Stora (l'ancienne cartonnerie Feldmühle), Cascades, Weig et Buchmann. Europa Carton est non seulement un producteur de carton, mais également le plus gros transformateur d'Allemagne. La société suédoise Fiskeby est le seul fabricant nordique de carton recyclé.

(9) Certains groupes, parmi lesquels principalement Stora, M-M et Cascades, sont de gros fabricants des qualités de carton GC et GD.

Les deux grands fabricants européens de SBS (GZ, UZ) sont MoDo (par l'intermédiaire de Iggesunds Bruk en Suède), dont la production a avoisiné 225 000 tonnes en 1990, et la société finlandaise Enso-Gutzeit, avec 125 000 tonnes.

Selon une étude (fondée sur la capacité) (4), en 1990, le groupe Stora détenait 14 % de la capacité totale de production de carton en Europe occidentale, suivi par M-M (13 %), les cartonneries Finnboard (11 %), MoDo/Iggesund (10 %), Sarriò/Saffa (8 %), Cascades (7 %), Enso-Gutzeit (3 %) et Weig (2 %). Dix fabricants possédaient ainsi 70 % de la capacité totale de production (toutes qualités confondues).

En 1991, après de nouvelles acquisitions et augmentations de capacité, une nouvelle étude (fondée sur la production totale) (5) plaçait Mayr-Melnhof en tête avec 19,3 %, suivie par Stora (14,2 %), Finnboard (12,4 %) et Sarriò/Saffa (10 %).

4. Les acheteurs

(10) Les principaux acheteurs de carton dans la Communauté sont les fabricants de boîtes pliantes (" transformateurs "), qui totalisent 60 % environ de la consommation de carton. Quelques fabricants de carton exercent en aval une activité de transformation intégrée à l'entreprise.

Les transformateurs achètent du carton en feuilles et fabriquent des boîtes pliantes selon les indications de leurs clients, qui sont principalement des producteurs de biens de consommation alimentaires et non alimentaires.

Les utilisateurs finals de boîtes pliantes en Europe occidentale se répartissent dans les catégories alimentaire et non alimentaire selon un rapport d'environ 54 à 46 respectivement. On dénombre quelque 1 500 transformateurs dans les grands pays de la Communauté. Les dix principaux assurent le quart environ de la production totale, ce qui traduit la nature quelque peu fragmentée du marché du côté des acheteurs, bien qu'il faille mentionner une tendance à une concentration croissante au cours des dernières années.

Parmi les autres gros acheteurs de carton figure notamment le secteur de l'imprimerie, qui emploie ce produit pour des utilisations graphiques.

5. La restructuration de l'industrie du carton

(11) Au cours des dix dernières années, l'industrie du carton a subi des mutations structurelles importantes. En 1980, la plus grande partie de la production européenne de carton était le fait de sociétés indépendantes qui ne fabriquent qu'un seul produit et qui opèrent uniquement dans l'industrie cartonnière. En revanche, en 1990, les sociétés spécialisées dans le carton ne détenaient plus que la moitié des capacités disponibles, l'autre moitié appartenant à des grands conglomérats industriels papetiers aux intérêts diversifiés.

- En 1990, Stora, le plus grand groupe suédois de produits du bois et propriétaire de Kopparfors, l'un des principaux fabricants de carton, a acquis le groupe papetier allemand Feldmühle-Nobel. En 1988, Feldmühle avait déjà acquis 50 % du plus important fabricant français de carton, les Papeteries Beghin-Corbehem, et les 50 % restants en 1989. Le chiffre d'affaires total du nouveau groupe Stora/Feldmühle avoisine 6,5 milliards d'écus. Les anciennes cartonneries " Kopparfors " et " Feldmühle " ont été intégrées et forment à présent la division Billerud du groupe Stora.

- Mayr-Melnhof (" M-M "), à l'origine un producteur de taille moyenne basé en Autriche, est devenu le plus grand fabricant de GD en Europe occidentale en acquérant tout d'abord FS-Karton en Allemagne en 1984, puis KNP-Vouwkarton aux Pays-Bas et enfin une participation de contrôle dans Deisswil, en Suisse. En octobre 1991, M-M a acquis la cartonnerie Colthrop Board Mill, l'unique fabricant britannique de GD, qui faisait auparavant partie du groupe Reedpack. M-M a également pris le contrôle du producteur allemand Laakmann à la fin de 1992.

- AB Iggesunds Bruk, l'un des principaux producteurs européens de SBS, a acquis, le 1er janvier 1988, la cartonnerie Thames Board Mill (" TBM "), un gros producteur de GC situé à Workington, au Royaume-Uni, avant d'être lui-même, à la fin de la même année, totalement intégré au groupe papetier MoDo, qui ne détenait jusque-là qu'un peu moins de 50 % de son capital. (Un " nouveau groupe MoDo " a été formé à partir de trois groupes jusque-là indépendants, MoDo, Iggesund et Holmen.)

- Le groupe canadien Cascades a acheté deux cartonneries françaises en 1985-1986 (Blendeques et La Rochette) et, ultérieurement, Duffel, l'unique fabricant belge (qui a fermé depuis), et Djupafors en Suède en 1989.

- Reedpack Ltd, constituée en 1988 lors d'une reprise par les salariés des sociétés détenant les intérêts industriels de Reed International PLC [dont Reed Paper & Board (UK) Ltd (" Reed P & B "), propriétaire de Colthrop Board Mill], a été elle-même achetée en juillet 1990 par SCA, un grand groupe industriel forestier suédois. Celui-ci a conservé la plupart des anciennes exploitations de Reedpack, dont Reed P & B, mais a cédé la cartonnerie de Colthrop au groupe Field Packaging lors d'une autre opération de RES en mai 1991. Cette société a, à son tour, vendu la cartonnerie de Colthrop à M-M en octobre 1991.

- Saffa, le plus gros fabricant italien, a fusionné sa division carton avec le fabricant espagnol Sarriò en 1990 (la division carton a changé de nom à cette occasion et s'appelle à présent Sarriò) et a acheté un autre fabricant espagnol, Prat Carton, en 1991.

- Aussedat-Rey, l'un des plus importants groupes papetiers français et propriétaire des Papeteries de Lancey, a lui-même été acheté en juin 1989 par International Paper, la plus grande société mondiale de pâte et de papier.

- Enso-Gutzeit, le deuxième groupe finlandais de produits forestiers et gros producteur de carton SBS, a acquis au début de 1993 les intérêts dans les produits sciés, le papier et le carton de Tampella Oy, autre société industrielle finlandaise productrice de GC et membre de Finnboard.

- Fiskeby AB, l'unique fabricant scandinave de GD, a été acheté le 1er juin 1990 par la société américaine Manville Forest Products.

- KNP (Koninklijke Nederlandse Papierfabrieken), une grosse société papetière néerlandaise, a acheté le fabricant allemand d'emballages Herzberger Papierfabrik Osthushenrich GmbH (y compris Badische Kartonfabrik) avec effet au 31 décembre 1986. KNP a ultérieurement vendu sa cartonnerie néerlandaise KNP Vouwkarton à M-M, avec effet au 1er janvier 1990, et a fusionné avec deux autres sociétés papetières néerlandaises au début de 1993 pour former la société NV Koninklijke KNP BTW NV.

- Europa Carton AG, elle-même détenue par la société américaine Stone Container Corporation, exerçait notamment des activités dans la fabrication de carton et de boîtes pliantes. Le 17 février 1993, Europa Carton AG et le grand transformateur français FCP ont convenu de fusionner leurs activités de fabrication de boîtes pliantes au sein d'une société de participation détenue en commun. Dans le cadre de cette opération, Europa Carton AG a transféré sa fabrication de boîtes pliantes et sa cartonnerie à une nouvelle société, Europa Carton Faltschachtel GmbH, détenue par l'entreprise commune.

6. Les échanges entre Etats membres

(12) Bien que la majorité des importations de carton sur les grands marchés communautaires proviennent de pays nordiques, les échanges intracommunautaires de carton sont importants. En 1990, sur un total de 2,4 millions de tonnes de carton produits dans le Marché commun, 620 000 tonnes (25 %) ont été écoulées sous la forme de ventes directes des producteurs d'un Etat membre à l'autre. Les échanges intracommunautaires de carton réalisés par des négociants sont importants également, et les grands transformateurs, en s'intégrant davantage sur le plan paneuropéen, ont eu tendance à rechercher des approvisionnements groupés dès que de meilleures conditions pouvaient être obtenues de cette manière. Les importations de la Communauté en provenance des pays nordiques membres de l'Association européenne de libre-échange (Suède, Norvège, Finlande) se sont élevées à 770 000 tonnes, et ont été presque uniquement constituées de qualités GC et SBS. Une quantité importante (135 000 tonnes) de produits GD a été importée dans la Communauté en provenance d'Autriche.

En ce qui concerne le principal produit fini, les boîtes pliantes, les échanges transfrontaliers s'élèvent à 11 % de la production d'Europe occidentale.

7. L'utilisation des capacités

(13) Le processus de production du carton est très automatisé et suppose des investissements lourds. Pour être viable, une nouvelle cartonnerie doit avoir une capacité de 150 000 à 200 000 tonnes et sa construction coûterait environ 250 millions d'écus. Ces chiffres correspondent d'ailleurs aux caractéristiques de la nouvelle cartonnerie que M-M/FS-Karton a mise en service en Allemagne vers la fin de 1990.

Les fabricants de carton considèrent que le mode idéal d'exploitation des capacités est de faire fonctionner les machines à 100 %, 24 heures sur 24 et 350 à 355 jours par an. Les grandes machines, pour être rentables, imposent des cycles de production longs et aussi peu de changements de produit que possible. Chaque cycle de production est conçu sur mesure pour tenir compte des besoins des clients individuels ou de groupes de clients. La quasi-totalité du carton fabriqué en Europe occidentale est produit sur commande spécifique : en effet, il n'est généralement pas possible de produire en vue d'un stockage. Le nombre de jours ou de semaines que représentent les commandes en carnet donne par conséquent une idée assez précise de l'intensité de la demande. Lorsque les commandes en carnet représentent moins de deux à trois semaines, les gros fabricants considèrent généralement qu'il est préférable d'arrêter temporairement la production (" arrêts de production ") pour améliorer le programme de production et maintenir la qualité du produit. Les petites cartonneries peuvent fonctionner de manière un peu plus souple.

(14) Pendant de nombreuses années, jusqu'en 1983, les fabricants ont considéré que les taux d'utilisation des machines en Europe occidentale étaient insatisfaisants (1980 : 83 %, 1981 : 85 %, 1982 : 84 %, 1983 : 91 %).

En 1984, la demande s'est à nouveau renforcée, et les fabricants ont jugé que les capacités avaient été " bien utilisées ", avec un taux de 96 %. La demande a légèrement diminué en 1985, ce qui s'est traduit par un taux d'utilisation légèrement inférieur.

L'industrie du carton a considéré que 1986 avait été une assez bonne année, avec une augmentation de la consommation de 2 % et une diminution des coûts des matières premières et de l'énergie.

(15) Entre 1983 et 1986, d'importantes augmentations de capacité résultant de reconstructions de machines et de la suppression de goulets d'étranglement ont eu lieu chez les fabricants finlandais (Finnboard pour les qualités GC et Enso-Gutzeit pour la qualité SBS), et ont fait croître d'environ 150 000 tonnes la capacité de production existant en Europe occidentale. L'accroissement important de la demande de carton au cours des années quatre-vingt a toutefois compensé l'augmentation des capacités.

En 1987, les fabricants ont adopté une nouvelle méthode de calcul de l'utilisation des capacités qui a fait apparaître qu'il n'y avait pas de véritable surcapacité dans l'industrie du carton.

Au cours de la période de trois à quatre ans qui a suivi, l'industrie cartonnière a utilisé la totalité de ses capacités ou presque, bien que les grands producteurs aient été de plus en plus forcés de recourir à des arrêts de production dans le courant de l'année 1990.

8. Les coûts, les prix et la rentabilité

(16) Le principal élément de coût de la matière première servant à la production de carton est le prix de la pâte à papier (pour les qualités GC) et des vieux papiers (pour les qualités GD).

La pâte de bois pour les qualités GC est habituellement achetée en Scandinavie ou en Amérique du Nord et représente généralement 30 % environ du coût du carton. (Dans le cas de certains grands producteurs de GC, la cartonnerie est voisine de l'usine de pâte et elle est approvisionnée dans une large mesure par transfert interne.) La plus grande partie de la production de pâte sert en fait à la fabrication de papier, et on estime à 5 % seulement la quantité de pâte consacrée à la production de carton GC.

On considère donc que le prix de la pâte payé par les producteurs de carton est, dans une large mesure, déterminé par la situation générale de l'industrie papetière plutôt que par les conditions régnant sur le marché des cartons GC. Toutefois, dans le cas des vieux papiers recyclés, 70 % environ de la production sert à la fabrication de carton et 30 % seulement à celle du papier : pour les qualités GD, il est possible que le lien soit plus étroit entre le prix du carton et le prix de la matière première que dans le cas des qualités GC et de la pâte de bois. Une augmentation du prix de la pâte de bois finit cependant par se répercuter également sur celui des vieux papiers recyclés.

Selon les producteurs, les coûts de la matière première pour l'industrie du carton ont généralement suivi les prix de la pâte de bois sur le marché international ; ils ont ainsi augmenté de près de 30 % entre 1986 et 1989 avant de diminuer tout au long de l'année 1990 et de retomber presque aux niveaux de 1986 en 1991. Les autres éléments intervenant dans les coûts suivent toutefois des tendances diverses, et à partir de 1982, les coûts de l'énergie et de la main-d'œuvre (qui représentent 20 à 25 % des coûts totaux) ont continué d'augmenter et ont, dans une certaine mesure, compensé la chute du coût de la matière première.

Pendant la période 1986-1991, le produit réel par unité pour l'industrie cartonnière a augmenté environ deux fois plus que les coûts de production.

Selon une étude de marché commandée par plusieurs producteurs pour les besoins de la présente procédure (considérant 110), la marge d'exploitation moyenne des producteurs d'Europe occidentale sur leurs activités de cartonnerie s'est élevée à 162 écus par tonne aux prix de 1991 (= environ 20 %) (6) pour la période 1986-1991.

(17) Il y a un écart de prix considérable entre les qualités GD et les produits GC : le carton recyclé GD se vend à environ 70 % du prix du carton GC2. (De façon très approximative, si l'on considère que le prix du GC2 = 100, les niveaux de prix sont comparativement les suivants : GD : 70, GT : 80, GC2 : 100, GC1 : 110 et SBS : 120.)

Toutefois, les produits GD et GC peuvent se substituer aisément les uns aux autres dans de nombreuses utilisations. En effet, l'aspect du carton recyclé a bénéficié d'améliorations considérables, qui l'ont rendu acceptable pour certaines utilisations de qualité. Par ailleurs, l'emploi de GC au lieu de GD peut parfois se traduire par une économie en poids de carton de l'ordre de 20 %, ce qui a pour effet d'annuler l'avantage en matière de prix du carton recyclé.

(18) Jusqu'en 1990, les fabricants de carton avaient pris l'habitude de relever leurs prix deux fois par an, en avril et en octobre. Les augmentations de prix étaient régulièrement annoncées plusieurs mois à l'avance. En général, les producteurs envoient une circulaire à leurs clients (principalement des fabricants de cartons imprimés ou des " transformateurs ") pour les informer de l'augmentation prévue du prix de catalogue. L'industrie du carton s'est toujours singularisée par des initiatives en matière de prix impliquant la totalité du secteur, tous les fabricants notifiant sur chaque marché national d'Europe occidentale des hausses de prix simultanées et identiques, ou presque. Les grands producteurs annonçaient tous leurs augmentations à intervalles de quelques jours ou de quelques semaines. Bien que les producteurs nordiques aient souvent été les premiers à annoncer une augmentation, le scénario n'était pas le même à chaque fois et d'autres producteurs - par exemple Feldmühle et Mayr-Melnhof - pouvaient également " mener " une initiative en matière de prix. Les petits producteurs ont systématiquement appliqué les mêmes augmentations des prix de catalogue que les grands groupes.

Outre un tarif général, la plupart des gros producteurs pratiquent vis-à-vis de leurs gros clients des tarifs individuels spéciaux qui peuvent comporter un prix de base inférieur. (Le prix de base est habituellement celui pratiqué pour des lots de 10 ou 15 tonnes de carton de même composition/grammage.) Des primes de quantité et des rabais par tonne sont également possibles. La procédure habituelle consiste à notifier la même augmentation de prix forfaitaire à tous les clients (par exemple 13 marks allemands par 100 kilogrammes pour le GC et 11 marks allemands par 100 kilogrammes pour le GD) et à informer individuellement ceux qui bénéficient d'accords spéciaux de l'effet que l'augmentation générale des prix de base aura sur le prix final qui leur est consenti.

(19) Vis-à-vis de leurs clients, les fabricants de carton ont généralement tenté de justifier la hausse des prix par l'augmentation du coût de la matière première, de l'énergie, des transports, etc. D'une façon générale, les clients des transformateurs (qui appartiennent pour la plupart au secteur alimentaire) s'attendent à ce que leurs fournisseurs supportent eux-mêmes une faible augmentation du prix du carton. Pour que les transformateurs puissent répercuter l'augmentation sur leurs clients, il faudrait que celle-ci atteigne au moins 5 %. Dans la pratique, il existe par ailleurs une limite supérieure à l'ampleur de l'augmentation de prix que les producteurs de carton peuvent imposer unilatéralement aux transformateurs. Ceux-ci ont parfois contesté l'augmentation proposée en faisant valoir que leurs propres clients allaient refuser, pour leur part, une augmentation du prix des emballages : en effet, le carton constitue le facteur de coût le plus important (environ 50 %) dans le prix final d'une boîte imprimée. C'est pourquoi l'ampleur habituelle de l'augmentation du prix de catalogue envisagée par les producteurs de carton s'est toujours située aux alentours de 6 à 10 %.

9. Les initiatives en matière de prix

(20) Au début de 1986, les producteurs de carton ont annoncé des augmentations de prix d'environ 8 % pour les qualités GC et GD sur tous les marchés d'Europe occidentale (respectivement 120 et 100 marks allemands par tonne), mais cette initiative n'a pas eu l'effet escompté. A partir du dernier trimestre de l'année 1986 environ, les niveaux des prix du marché sont restés stables, voire ont diminué globalement, les prix nets des qualités GC diminuant sur la plupart des marchés nationaux en 1987. (Une augmentation de prix de 9 % a toutefois été enregistrée au Royaume-Uni au début de 1987 à cause de la faiblesse de la livre par rapport aux monnaies des autres pays européens, et cette mesure a rapproché davantage les prix britanniques de ceux du reste de la Communauté.)

En revanche, à partir de 1988, les prix du carton ont été régulièrement relevés à travers l'Europe continentale par tous les fabricants dans le cadre d'une série d'"initiatives en matière de prix". Généralement, ces initiatives se sont traduites par des augmentations sur tous les marchés nationaux pour les qualités à base de fibres vierges aussi bien que recyclées, le SBS augmentant normalement (mais pas toujours) dans la même proportion que les qualités GC.

- La première initiative en matière de prix de 1988, qui est entrée en vigueur entre février et avril, a entraîné une augmentation des prix des qualités GC, GD et SBS de 7 à 8 % (10 % dans certains cas), et il était prévu que les nouveaux prix resteraient applicables jusqu'au 30 septembre.

- En 1988, une seconde augmentation de prix d'environ 7 % a été appliquée à partir du 1er octobre, toujours pour les qualités GC, GD et SBS, et elle devait rester en vigueur jusqu'en février 1989. Le Royaume-Uni avait été exclu de cette mesure, car les prix y dépassaient d'environ 10 % ceux du continent à cette époque.

- En 1989, les prix ont à nouveau été relevés à deux reprises pour les qualités GC et SBS mais une seule fois pour les qualités GD.

La première augmentation était d'environ 10 % pour les produits GC et de 6 % pour les produits GD. Elle est entrée en vigueur le 1er avril.

- La seconde hausse de prix de 1989 (avec effet au 1er octobre dans la plupart de pays) ne s'appliquait qu'aux produits GC et SBS et a atteint à nouveau 8 à 10 % environ des prix de catalogue. Elle a creusé l'écart de prix entre les qualités GC et GD, et entraîné un glissement de la demande vers les produits GD.

- En avril 1990, une hausse de prix a été appliquée aux qualités GC, GD et SBS, faisant croître les prix de 6 à 10 % selon les pays. Elle devait être suivie par une seconde hausse à partir du 1er octobre 1990 mais celle-ci a été reportée à janvier 1991 à la suite d'une augmentation de la capacité de production coïncidant avec le ralentissement prévu de la croissance économique.

- Cette hausse de 6 à 7 % est entrée en vigueur en janvier 1991 mais a été reportée au mois d'avril sur certains marchés pour les clients importants, qui s'étaient opposés au calendrier d'application.

(21) Selon les chiffres fournis par les producteurs eux-mêmes, les initiatives en matière de prix décidées entre 1988 et 1991 ont eu pour résultat de faire augmenter les prix de catalogue de 42 % en moyenne en termes absolus dans les pays d'Europe occidentale (en monnaies nationales). En moyenne, les prix effectifs nets payés (c'est-à-dire toutes ristournes et remises déduites) ont augmenté également, mais dans une moindre mesure. Selon l'étude de marché demandée par plusieurs producteurs, les prix effectifs nets en monnaies nationales ont augmenté en moyenne de 33 % (en termes absolus) avant de retomber à la mi-1991.

En termes réels et en convertissant en écus afin de prendre en considération les fluctuations dues aux variations des taux de change, les prix annoncés ont augmenté en moyenne de 26 % au cours de cette période en Europe occidentale, alors que les prix effectifs ont grimpé de 19 % avant de diminuer un peu au cours de la deuxième moitié de 1991.

Il existe bien entendu des variations selon les producteurs, les qualités et les marchés nationaux. Les prix du carton GC ont augmenté davantage que ceux du carton recyclé (considérant 20).

A titre indicatif, le prix net des qualités GC d'un gros producteur est passé en Allemagne d'environ 1 500 marks allemands par tonne en janvier 1988 à 2 000 marks allemands par tonne à la mi-1991 (+ 33 %), le carton GD passant de 1 200 marks allemands par tonne à 1 450 marks allemands par tonne au cours de la même période (+ 21 %). Les augmentations de prix pratiquées en Belgique pendant la même période ont été considérablement plus élevées que la moyenne d'Europe occidentale, alors qu'en Italie, elles ont été plutôt inférieures à la moyenne.

C. PROCEDURE

1. Les vérifications sans avertissement préalable effectuées en vertu de l'article 14 paragraphe 3 du règlement n° 17

(22) Les 23 et 24 avril 1991, des agents de la Commission, agissant en vertu de l'article 14 paragraphe 3, ont procédé à des vérifications simultanées sans avertissement préalable dans les locaux de plusieurs entreprises et associations professionnelles du secteur du carton. Dans certains cas, lorsque le siège du participant présumé à l'infraction se trouvait à l'extérieur de la Communauté, les vérifications ont eu lieu dans une ou plusieurs de ses filiales ou chez un ou plusieurs de ses agents.

Les vérifications ont été effectuées à la suite d'une plainte informelle (c'est-à-dire n'ayant pas été déposée conformément à l'article 3 du règlement n° 17) de la British Printing Industries Federation (BPIF), organisation professionnelle qui représente la majorité des fabricants de boîtes imprimées du Royaume-Uni.

Dans sa lettre du 22 novembre 1990, la BPIF affirmait que les fabricants de carton approvisionnant le Royaume-Uni avaient introduit une série de hausses de prix simultanées et uniformes, et demandait à la Commission de vérifier l'existence d'une éventuelle infraction aux règles de concurrence communautaires.

Au même moment (mais sans en informer la Commission), la BPIF a publié un communiqué de presse pour assurer la publicité de son initiative dans la presse professionnelle spécialisée. Un article concernant la plainte est paru dans " This Week ", bulletin d'information daté du 10-14 décembre 1990 et publié par Pulp and Paper International.Des copies du communiqué de presse (ou de la plainte déposée par la BPIF) ont été découvertes chez un certain nombre de fabricants de carton ou chez leurs agents : Cascades, MM Pegg (M-M), qui les avaient obtenues de Feldmühle, Finnboard et SCA.

Le 12 décembre 1990, la Fédération française du cartonnage, organisation professionnelle représentant les acheteurs français de carton, a également déposé une plainte informelle auprès de la Commission, dans laquelle elle présentait des observations relatives au marché français du carton en des termes analogues à ceux de la plainte déposée par la BPIF.

(23) Les documents découverts par la Commission dans les locaux de diverses entreprises ou associations visitées font apparaître que le secteur du carton était pleinement conscient de la possibilité d'une vérification en vertu de l'article 14 paragraphe 3 sur la base de la plainte déposée par la BPIF. Dans un cas au moins, il avait été fait appel à des avocats externes pour procéder à un simulacre de vérification ou " dummy run " dans les locaux de la société. A l'issue de cette opération, les avocats ont signalé que certains documents avaient été emportés "pour examen approfondi" (bien que l'entreprise en question et ses avocats aient déclaré aux services de la Commission qu'aucun document n'avait effectivement été emporté).

Malgré la mise en garde préalable, les agents de la Commission ont découvert un certain nombre de documents extrêmement compromettants au cours des vérifications (notamment chez Cascades et chez la filiale de M-M FS-Karton) dont ressort l'existence, pendant de nombreuses années, d'accords visant à fixer les prix, à restreindre ou à contrôler l'approvisionnement en carton sous le couvert d'un organisme dénommé "Groupe d'étude de produit Carton", ou "GEP Carton".

Ces documents seront examinés en détail dans la partie E de la présente décision.

2. Les demandes de renseignements effectuées en vertu de l'article 11 du règlement n° 17

(24) A la suite de ces vérifications effectuées en vertu de l'article 14 paragraphe 3, la Commission a adressé des demandes de renseignements en vertu de l'article 11 à tous les fabricants de carton destinataires de la présente décision.

Ces demandes concernaient les activités de GEP Carton et la participation de chacune des entreprises à ses réunions et comités.

Des demandes de renseignements sur des éléments précis figurant dans les documents découverts dans leurs locaux (ou dans ceux de leurs filiales) ont en outre été adressées à Cascades et à M-M.

Toutes les entreprises concernées par la présente procédure ont aussi été invitées à fournir à la Commission tous les documents en leur possession concernant des réunions du CEP Carton. La plupart d'entre elles ont fourni les comptes rendus officiels de réunions, mais à l'exception de Rena, aucune n'a produit de notes ou de documents privés autres que ceux déjà découverts dans le cadre des vérification.

La Commission a également demandé certains documents en rapport avec l'affaire à la Fides, organisme basé en Suisse qui fournissait des services techniques au GEP Carton (considérant 27), ainsi qu'à l'association professionnelle des producteurs scandinaves, mais les documents demandés n'ont pas été fournis.

3. La communication des griefs et l'audition

(25) Dans la présente affaire, la communication des griefs a été transmise aux entreprises concernées par lettre du 21 décembre 1992, avec :

1) pour chaque destinataire, une communication de renseignements individuels indiquant le rôle joué dans l'entente présumée et décrivant la preuve principale de son implication dans l'infraction ;

2) des annexes, numérotées de 1 à 157, contenant les preuves écrites citées dans la communication des griefs ;

3) une documentation complète concernant chacune des sept initiatives en matière de prix (désignées par les lettres A à G) dont l'existence a été établie, comprenant toutes les instructions internes en matière de prix de chaque producteur et un tableau récapitulatif ;

4) toutes les demandes de renseignements effectuées en vertu de l'article 11, ainsi que toutes les réponses à ces demandes ;

5) tous les documents relatifs à la plainte déposée par la BPIF découverts chez les producteurs, leurs filiales ou leurs agents ;

6) toutes les instructions en matière de prix provenant de concurrents, découvertes chez des producteurs ou fournies par ceux-ci, etc. ;

7) toutes les coupures de presse relatives à des augmentations de prix conservées par des producteurs, etc. ;

8) un inventaire des dossiers que possède la Commission, ainsi qu'une note explicative sur l'identification et l'origine des documents.

En outre, la Commission a mis à la disposition de chaque destinataire de la communication des griefs, pour examen :

1) tous les documents obtenus du destinataire, de ses filiales ou agents en vertu des articles 11 ou 14 ;

2) l'ensemble des compte rendus et autres documents de réunion du GEP Carton.

Par ailleurs, les entreprises représentées par leurs filiales ou leurs agents dans l'une des deux associations professionnelles du Royaume-Uni (PAA et ACBM, considérants 94 à 99) ont été autorisées à consulter tous les documents obtenus par la Commission concernant l'organisme au sein duquel elles étaient représentées qui n'étaient pas annexés à la communication des griefs.

(26) Le délai pour la transmission d'observations écrites en réponse aux griefs formulés par la Commission avait été fixé à quatorze semaines à dater de la réception de la communication des griefs. Tous les destinataires ont soumis des observations écrites, mais environ la moitié d'entre eux seulement ont demandé à pouvoir exposer leurs arguments oralement. Une audition, au cours de laquelle les entreprises suivantes : Enso-Gutzeit, Europa Carton, Gruber & Weber, Kartonfabriek De Eendracht, Laakmann, Mayr-Melnhof, MoDo, SCA Holding et Weig ont exposé leur position, a eu lieu du 7 au 9 juin 1993.

Les caractéristiques principales de l'infraction sont décrites dans les parties suivantes (D et E) de la présente décision.

D. ORGANISATION, STRUCTURE ET OBJET DES DIVERS GROUPES DE TRAVAIL DU GROUPE D'ETUDE DE PRODUIT CARTON

1. Le GEP Carton

(27) En 1955, les fabricants de carton qui approvisionnaient alors le marché en Europe occidentale ont créé une association dénommée la "Section Carton" ("Section Cartonboard"/"Sektion Karton") qui agissait, semble-t-il, sous l'égide de la Fides Treuhandgesellschaft. La Fides est une société fiduciaire dont le siège est à Zurich et qui, entre autres activités, gère des systèmes d'échange d'informations pour divers secteurs industriels. Toutefois, peu d'informations détaillées relatives aux activités de la "Section Carton" sont disponibles.

En 1980-1981, les fabricants de carton ont décidé de restructurer la "Section Carton" en tant que groupe spécial d'étude de produit de l'European Paper Institute ("EPI"), un organisme créé principalement à des fins techniques et statistiques.(7)

Ce groupe sera connu sous le nom de "Groupe d'étude de produit Carton" ("GEP Carton").

La première assemblée générale annuelle du GEP Carton a eu lieu le 12 juin 1981 à Wolfheze aux Pays-Bas.

(28) Le GEP Carton avait pour membres les diverses associations nationales de fabricants de carton d'Europe occidentale ainsi que des fabricants individuels de Belgique, de France, d'Allemagne, d'Italie, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, d'Autriche, d'Espagne et de Suisse. Les fabricants scandinaves y participaient à titre individuel aux côtés de leur association professionnelle Scanpapp (dénommée par la suite Nordic Paperboard Institute, "NPI").

Le produit auquel était liée l'activité du GEP Carton a été défini de la façon suivante : "Tout carton en continu, couché ou non couché, d'un poids de 200 g/m2 et plus".

Le carton pour l'emballage de liquides, le papier support pour papier peint et certains autres types de carton ont expressément été exclus du champ d'action du GEP Carton. Quelques cartons GC de qualité supérieure d'un poids ne dépassant pas 160 g/m2 ont été mis au point pour des usages graphiques mais les ventes représentent des quantités négligeables.

Il existait à l'intérieur du GEP Carton un groupe "Carton gris" distinct, chargé des qualités de carton gris (GK), qui ne sont pas considérées comme carton au sens propre et qui ne font pas l'objet de la présente décision.

La société fiduciaire Fides, qui avait déjà des liens avec la "Section Carton", a été chargée d'assurer le secrétariat du nouveau GEP Carton.

2. Les comités du GEP Carton avant 1986

(29) Divers comités ou groupes exerçaient des activités sous l'autorité du GEP Carton : à l'origine, outre l'assemblée générale annuelle, il y avait une "President Conference", un comité économique et un comité technique. Un "Marketing Committee" a été créé en 1984.

La "President Conference" s'est réunie trois à six fois par an, tout comme le comité économique.

Les cadres supérieurs et les directeurs commerciaux de chacune des sociétés membres du GEP Carton pouvaient être membres de la "President Conference".

Le comité économique se composait des directeurs du marketing et/ou des ventes et faisait rapport à la "President Conference" sur l'état du marché dans les divers pays.

Le "Marketing Committee" a été créé ultérieurement en vue d'analyser les informations fournies par le comité économique et de communiquer son évaluation de l'état du marché à la "President Conference". Il s'est réuni trois à cinq fois par an.

(30) Les comptes rendus officiels des réunions de la "President Conference" et du comité économique étaient conservés par la Fides et sont disponibles pour toute la période considérée. Il en ressort que l'on discutait dans ces instances de questions comme la situation des nouvelles commandes, l'utilisation des capacités, l'équilibre entre l'offre et la demande et les arrêts de machines prévus. Les comptes rendus officiels donnent toutefois l'impression que ces discussions avaient toujours lieu sur un plan général, sous la forme d'un échange d'informations, sans que chaque producteur dévoile sa propre situation, passe un accord ou prenne une décision.

Toutefois, aucun compte rendu du "Marketing Committee" n'est disponible. Les producteurs affirment qu'il n'y en a jamais eu.

3. Les modifications de la structure du GEP Carton en 1986-1987

(31) La structure du GEP Carton a subi une profonde modification en 1986 et en 1987. Tout d'abord, un "Presidents Working Group" (PWG) restreint, composé de représentants de haut niveau des huit (environ) principaux producteurs de carton a été établi à la mi-1986. Sa fonction consistait clairement à "préparer" la "President Conference" sur des sujets comme les tendances de coût, l'évolution de la demande et les prévisions de vente. Le PWG s'est réuni régulièrement, entre cinq et huit fois par an.

A partir de ce moment, par suite de la création du nouveau PWG, la "President Conference" s'est réunie moins fréquemment : il y avait une session de printemps à l'occasion de l'assemblée générale annuelle du GEP Carton à laquelle presque tous les producteurs étaient présents, et une session d'hiver en novembre, à laquelle ne participaient habituellement qu'un ou deux producteurs de chaque pays.

(32) Un peu plus tard - en 1987 -, le "Marketing Committee" a été réformé (les circonstances précises ne sont pas connues) et a été appelé, à partir de ce moment, "Joint Marketing Committee" ou JMC. Tous les producteurs destinataires de la présente décision (à l'unique exception d'Enso-Gutzeit) ont participé à des réunions de cet organisme, bien que certains aient été plus assidus que d'autres. Il semble que Finnboard ait représenté le NPI ainsi que ses quatre propres membres, Kyro, Metsa-Serla, Tampella et United Paper Mills. Le JMC a commencé à se réunir sous son nouveau nom à la fin de 1987 ou au début de 1988.

Au début, il se réunissait environ une douzaine de fois ou plus par an, et bien que le nombre de réunions ait été réduit à huit environ en 1989, celles-ci comportaient des sessions séparées pour les qualités GC et GD. Il semble que le JMC ait repris certaines fonctions non spécifiées du comité économique. Ce dernier a toutefois continué de se réunir jusqu'au début de 1991 et a fourni au JMC des informations sur la situation du marché dans les différents pays.

4. L'absence de comptes-rendus ou d'autres documents de réunion

(33) Malgré le fait que des comptes rendus détaillés de la "President Conference" et du comité économique aient toujours été rédigés lors des réunions et distribués aux participants, il n'existe aucune trace officielle d'une quelconque réunion du PWG avant février 1990 ou du JMC jusque après la date des vérifications de la Commission, ni même d'invitations ou de listes de présence. En réponse aux demandes de renseignements détaillées et répétées effectuées par la Commission en vertu de l'article 11, la plupart des participants ont affirmé qu'étant donné la nature "informelle" des réunions, leur contenu n'a jamais été consigné. De même, presque toutes les entreprises ont insisté sur le fait que leurs représentants n'avaient ni pris de notes personnelles au cours des réunions, ni rédigé de rapports a posteriori en vue de relater le contenu des réunions à d'autres personnes au sein de leur organisme. La Fides, qui se chargeait du secrétariat du GEP Carton, était présente à toutes ses réunions. La Commission récuse le fait qu'en cette capacité la Fides n'ait rien consigné des réunions ni du PWG, ni du JMC alors qu'elle l'avait fait pour les autres comités, mais celle-ci n'a jamais fourni de comptes-rendus ou d'autres documents de réunion en réponse aux demandes réitérées de la Commission.

5. Les déclarations de Stora

(34) En réponse aux demandes de renseignements que la Commission leur a adressées en vertu de l'article 11, la grande majorité des entreprises n'ont donné qu'une description vague et anodine de l'objet et du fonctionnement des divers comités du GEP Carton.

Ceux-ci correspondaient, pour l'essentiel, à la description de leurs activités figurant dans les rapports annuels du GEP Carton.

Toutefois, Stora, le groupe suédois de produits forestiers dont Kopparfors faisait déjà partie et qui venait également d'acquérir Feldmühle, a écrit à la Commission le 19 août 1991, admettant que "... les sociétés du groupe Stora ont mis en œuvre certaines politiques et certaines pratiques susceptibles de constituer des infractions aux règles de concurrence".

Par la suite, Stora a fourni (le 30 août 1991) une réponse détaillée aux demandes de renseignements de la Commission concernant le GEP Carton et les activités de celui-ci. Stora a complété ces informations, notamment dans sa déclaration du 28 octobre 1991 ("la deuxième déclaration de Stora"), en réponse à d'autres demandes effectuées en vertu de l'article 11.

6. Les objectifs et les activités du GEP Carton et les membres de ses divers comités

a) Le GEP Carton jusqu'en 1986

(35) Selon Stora (deuxième déclaration, page 2), les fabricants de carton avaient "tenté de réguler le marché... depuis 1975. Les membres du GEP Carton ou de l'instance qui l'a précédé (avant 1981) se sont réunis au cours de cette période pour discuter de la politique des prix et des parts du marché". Avant 1986-1987, la "President Conference" avait débattu, bien qu'apparemment en termes assez généraux, de diverses propositions et avait fait plusieurs tentatives pour augmenter les prix et pour maîtriser la surcapacité. Le "Marketing Committee", créé en 1984, examinait si le marché accepterait ou non une augmentation de prix et faisait rapport aux présidents. Stora a affirmé que la plupart des efforts déployés en la matière n'avaient pas abouti du fait de la surcapacité endémique du secteur pendant cette période.

Il semble que les tentatives effectuées par la "President Conference" au cours de cette période pour discipliner le marché du carton aient également été entravées par le manque d'informations techniques suffisamment détaillées. Cet obstacle à l'efficacité de la collusion, identifié par les producteurs, a été éliminé en grande partie par la création en 1986 du PWG, dont l'efficacité a encore été améliorée par la création du nouveau JMC à la fin de 1987 ou au début de 1988.

b) Le PWG

(36) Le PWG était constitué des représentants des principaux fabricants (environ huit), chacun d'eux occupant le poste de directeur général, de directeur commercial ou une fonction équivalente dans son entreprise.

Les membres du PWG étaient les suivants : Cascades ; Papeteries Béghin-Corbehem et Feldmühle (toutes deux aujourd'hui membres du groupe Stora) ; Finnboard ; KNP (jusqu'à la mi-1988) ; M-M ; Saffa (devenue ensuite Sarriò) ; TBM (détenue aujourd'hui par MoDo) et, à partir de 1988, Weig.

Les réunions du PWG étaient présidées par le président élu du GEP Carton : au cours de la période considérée, ce poste a été occupé successivement par des dirigeants de KNP, Finnboard et M-M.

Ensemble, les membres fondateurs du PWG représentaient la quasi-totalité de la capacité de production en GC et les deux tiers (cette proportion s'est ensuite accrue à la suite d'acquisitions) de la capacité en GD d'Europe occidentale.

(37) Les "rapports d'activité" annuels du GEP Carton présentés lors de l'assemblée générale laissent supposer que la fonction du PWG consistait à préparer le terrain pour les "President Conferences" en examinant des questions générales comme les tendances de coût, l'évolution de l'offre et de la demande, ainsi que les prévisions en matière de ventes.

En réalité, son mandat secret était beaucoup plus précis.

Selon Stora, le "PWG s'est réuni à partir de 1986 afin de contribuer à réguler le marché". Sa véritable tâche consistait notamment dans "la discussion et la concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix ainsi que les hausses de prix et les capacités" (deuxième déclaration de Stora, pages 4 et 5).

Dès après sa création, le PWG "est parvenu à un accord et a pris des décisions d'ordre général concernant le calendrier et le niveau des augmentations de prix à mettre en œuvre par les fabricants de carton" (deuxième déclaration de Stora, page 6).

En corrélation avec les mesures relatives aux augmentations de prix, le PWG a débattu de manière approfondie des parts du marché d'Europe occidentale détenues par les groupements nationaux et les groupes de fabricants individuels. Il en est résulté certains "arrangements" entre les participants concernant leurs parts respectives du marché, l'objectif étant d'éviter que les initiatives concertées en matière de prix soient compromises par un excédent d'offre. En fait, les grands groupes de fabricants ont convenu de maintenir leur part du marché au niveau correspondant aux chiffres de vente et de production communiqués chaque année et publiés sous leur forme définitive par la Fides au mois de mars de l'année suivante. Les évolutions des parts du marché étaient analysées à chaque réunion du PWG sur la base des résultats mensuels de la Fides et, en cas de variations importantes, des explications étaient demandées à l'entreprise présumée responsable.

(38) Le PWG faisait rapport à la session plénière de la "President Conference". Son rôle consistait notamment à :

"évaluer l'état précis de l'offre et de la demande sur le marché ainsi que les mesures à prendre pour le réguler, et à présenter cette évaluation à la 'President Conference' " (deuxième déclaration de Stora, page 5).

Le PWG s'est régulièrement réuni avant chaque "President Conference" prévue. La même personne présidant les deux réunions, il ne fait aucun doute que c'est elle qui communiquait les résultats des délibérations du PWG aux autres "présidents" qui ne faisaient pas partie du cercle restreint.

Lorsqu'il n'y avait pas de "President Conference" immédiatement après la session du PWG, les participants avaient pris l'habitude d'informer les petits producteurs de leur groupement national du résultat des délibérations (réponse de Stora du 17 septembre 1991 à une demande effectuée en vertu de l'article 11). Pour l'Allemagne, il n'a pas été absolument nécessaire d'adopter cette procédure pour le GC, la quasi-totalité de la production étant représentée par les membres du PWG. Pour le GD en revanche, les producteurs indépendants comme Buchmann et Laakmann étaient informés de temps à autre par Feldmühle ou M-M. Buchmann admet que Feldmühle lui a "assez souvent" communiqué des informations détaillées (pays, date et ampleur) sur les augmentations de prix prévues.

Les producteurs scandinaves (tous membres du NPI) étaient généralement renseignés sur le résultat des réunions par Finnboard. C'est de cette façon que Kopparfors a été tenu informé avant la fusion avec Feldmühle en 1990. La conviction de Stora selon laquelle la même pratique a été suivie pour Rena et Enso-Gutzeit est en grande partie corroborée par la relation des faits donnée par Rena (considérants 79 et 80). Elle cadre également avec la position de Finnboard au sein du PWG en tant que représentant du NPI et participant à titre individuel (considérants 58, 79 et 83).

Pour la France, ce sont Cascades ou Béghin Corbehem (CBC) qui informaient les Papeteries de Lancey des décisions du PWG.

Ces canaux de communication n'étaient cependant pas institutionnalisés, car tous les producteurs en question à l'exception d'Enso-Gutzeit étaient membres du JMC, qui se réunissait souvent, et ils étaient normalement informés par le président de cet organe des décisions prises lors de la dernière réunion du PWG (à laquelle il avait aussi participé).

(39) Le PWG se réunissait plusieurs fois chaque année. Au cours de la période de juin 1986 à mai 1987, il s'est réuni quatre fois ; en 1987-1988, huit fois ; en 1988-1989, cinq fois et au moins dix fois en 1989-1991.

D'après les informations dont dispose la Commission, le PWG s'est au moins réuni aux dates suivantes :

10 novembre 1986 : Zurich

12 décembre 1986 : Zurich

18 mars 198 : Zurich

20 mai 1987 : Graz

12 octobre 1987 : Zurich

4 décembre 1987 : Zurich

10 mars 1988 : Zurich

25 mai 1988 : Barcelone

17 novembre 198 : Zurich

10 février 1989 : Zurich

5 avril 1989 : Zurich

17 mai 1989 : Nice

18 octobre 1989 : Zurich

28 novembre 1989 : Zurich

6 février 1990 : Zurich

23 mai 1990 : Helsinki

26 novembre 1990 : Göteborg

1er février 1991 : Zurich

12 avril 1991 : Zurich

27 mai 1991 : Zurich

5 juin 1991 : Montréal

(Les dates des réunions ne sont pas toutes connues.)

(40) Un représentant de KNP a présidé la "President Conference" de 1984 à 1988 et a également assisté à ce titre aux réunions du PWG. Lorsqu'elle s'est retirée de la présidence en 1988, KNP n'a plus été représentée dans le PWG.

Le producteur français Béghin-Corbehem (CBC) a toutefois continué de participer à titre individuel aux réunions du PWG après que Feldmühle, qui en était déjà propriétaire à 50 %, eut acquis la deuxième moitié de ses actions en 1989.

La première réunion du PWG à laquelle a participé Weig se situe au mois de mai 1988 ; ensuite, cette société n'a fréquenté le PWG régulièrement qu'à partir du printemps 1989.

A part Cascades et Weig, les membres du PWG ont communiqué peu de renseignements sur leur participation aux diverses réunions du PWG avant la fin de l'année 1989 ou le début de 1990. Les présences de chaque producteur à partir du 28 novembre 1989 figurent dans le tableau 2.

c) La "President Conference"

(41) Les "President Conferences", qui, à partir de ce moment se sont tenues deux fois par an seulement, étaient toujours précédées d'une réunion du PWG. Comme l'a expliqué Stora, le PWG avait notamment pour fonction d'expliquer à la "President Conference" les mesures nécessaires pour réguler le marché (considérant 38). Les directeurs généraux participant aux "President Conferences" étaient ainsi informés des décisions prises par le PWG et des instructions à transmettre à leurs départements des ventes en vue de mettre en œuvre les initiatives en matière de prix. Cela implique également que les directeurs commerciaux participant au JMC et chargés de mettre en œuvre les augmentations convenues (considérants 44 et 45) savaient que leurs directeurs généraux soutiendraient la décision du PWG. Les comptes rendus officiels de la "President Conference" ne mentionnent pas ces contacts avec le PWG, ni, en aucune circonstance, ses discussions sur la politique de prix ou les initiatives en matière de prix.

Les comptes-rendus continuent, au contraire, de donner l'impression totalement trompeuse que toutes les discussions relatives à des sujets sensibles tels que la situation du marché, l'utilisation des capacités, les commandes en carnet, les arrêts de production, etc., revêtaient un caractère relativement général, sans jamais divulguer de données particulières sur aucun des fabricants.

Une note interne prise lors d'une "President Conference" le 10 novembre 1986 et découverte chez l'agent commercial au Royaume-Uni de M-M (MM PEGG) corrobore l'aveu de Stora selon lequel la "President Conference" discutait en fait d'une politique collusive de fixation des prix :

"Politique des prix au Royaume-Uni

Le représentant de Weig était présent à une récente réunion Fides. Il a déclaré qu'ils pensaient que 9 % (7) était trop élevé pour le Royaume-Uni et qu'ils tranchaient à 7 % ! Grosse déception, car cela signifie un "niveau de négociation" pour tout le monde."

(42) Toutes les entreprises destinataires de la présente décision étaient représentées à la "President Conference". Certains petits producteurs n'y participaient que relativement peu souvent, mais les principaux producteurs (qui étaient également tous membres du PWG) étaient presque toujours présents à chaque "President Conference".

Au cours de la période 1986-1991, des représentants du NPI ont participé à toutes les "President Conferences" sauf une. Des représentants de Finnboard (qui avaient également assisté aux réunions du PWG tenues juste avant) ont pris part à toutes les réunions de la "President Conference" séparément du NPI. Des sociétés membres de Finnboard ont également participé à titre individuel à certaines réunions : ainsi, Metsa-Serla s'est rendue chaque année aux réunions plénières de printemps (mais pas aux réunions d'hiver) et United Paper Mills a participé à une réunion en mai 1989.

(43) Depuis 1986, la "President Conference" s'est tenue aux dates suivantes :

29 mai 1986 : Alghero (Sardaigne)

10 novembre 1986 : Zurich

20 mai 1987 : Graz

4 décembre 1987 : Zurich

25 mai 1988 : Barcelone

17 novembre 1988 : Zurich

17 mai 1989 : Nice

28 novembre 1989 : Zurich

23 mai 1990 : Helsinki

26 novembre 1990 : Göteborg

5 juin 1991 : Montréal

Des informations détaillées relatives à la présence de chaque entreprise figurent dans le tableau 3.

d) Le Joint Marketing Committee

(44) Le Joint Marketing Committee ou "JMC" a été créé à la fin de 1987 et a été jugé beaucoup plus efficace que son prédécesseur, le "Marketing Committee". Le JMC faisait rapport au PWG. Officiellement, le JMC avait pour objet de préparer pour le PWG une analyse détaillée des conditions du marché et des prévisions de vente. A cette fin, il recevait des informations du comité économique.

Toutefois, dès le départ, l'objet principal du JMC était le suivant :

- déterminer si, et, dans l'affirmative, comment, des augmentations de prix pouvaient être mises en œuvre, et faire part de ses conclusions au PWG,

- définir les modalités des initiatives en matière de prix décidées par le PWG pays par pays et pour les principaux clients en vue d'établir un système de prix équivalent (c'est-à-dire uniforme) en Europe (première déclaration de Stora, page 17; deuxième déclaration, pages 8 et suivantes).

(45) Dans sa deuxième déclaration (pages 8 et 9), Stora a décrit de façon détaillée le fonctionnement du JMC. Ce comité examinait marché par marché la manière dont les augmentations de prix décidées par le PWG devaient être mises en œuvre par chaque producteur. Les aspects pratiques de l'application des augmentations envisagées étaient traités au cours de "tables rondes", où chaque participant avait l'occasion de commenter l'augmentation proposée.

Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des augmentations de prix décidées par le PWG ou les éventuels refus de coopérer étaient rapportés au PWG, qui s'efforçait alors (comme l'a déclaré Stora) "d'obtenir le degré de coopération jugé nécessaire". Le JMC faisait des rapports distincts pour les qualités GC et GD. Lorsque le PWG modifiait une décision en matière de prix en se fondant sur les rapports transmis par le JMC, les mesures à prendre pour appliquer la décision en cause étaient discutées à la réunion suivante du JMC.

La Commission ne dispose d'aucune invitation ni d'aucun compte-rendu officiel pour les réunions du JMC. La complexité des tâches qui lui étaient confiées indique clairement, toutefois, qu'il n'aurait pu fonctionner sans que les participants ne fassent leurs propres calculs et ne présentent des propositions, ni sans qu'un compte rendu détaillé des travaux soit dressé par le président ou le secrétariat. Un rapport devait être établi pour le PWG. Au cours de l'audition, l'un des participants (Gruber & Weber) a, en fait, admis l'existence d'une règle générale consistant à ne conserver aucune note compromettante.

Tous les participants aux réunions du JMC n'ont cependant pas été aussi méticuleux qu'ils auraient dû l'être en ce qui concerne la destruction ou la non-conservation de notes : des notes personnelles détaillées portant sur le déroulement de plusieurs réunions du JMC ont été obtenues au cours de l'enquête auprès de M-M et du petit producteur norvégien Rena (considérants 80, 82, 84 et 87).

(46) Tout au long de la période considérée, le JMC a été dirigé par la même personne, un directeur général de Feldmühle (aujourd'hui à la retraite), et sa réussite a été attribuée en grande partie aux efforts personnels de celui-ci. Cette personne était également membre du PWG et faisait office d'intermédiaire entre les deux organes. Des représentants de tous les fabricants européens de carton ou presque participaient aux réunions du JMC. Les quatre fabricants finlandais de GC y étaient toujours représentés par Finnboard, qui affirme toutefois ne pas y avoir participé pour son propre compte mais uniquement comme représentant du NPI (voir la réponse de Finnboard dans la procédure de l'article 11). Le NPI n'était pas représenté séparément au JMC, bien que ce fût le cas à la "President Conference" (Fiskeby a admis qu'à "quelques occasions" un représentant de NPI leur a donné des informations par téléphone sur des sujets traités lors de réunions du JMC auxquelles Fiskeby n'était pas représenté). Certains fabricants, et notamment les plus importants, également membres du PWG, y étaient plus souvent présents que d'autres, mais il n'est pas possible d'établir la liste des participants à chaque réunion faute d'un quelconque document de réunion officiel. Toutefois, à l'exception d'Enso-Gutzeit, toutes les entreprises destinataires de la présente décision ont assisté au moins à certaines des réunions du JMC. Des réunions distinctes avaient lieu pour les qualités GC et GD, habituellement un jour pour les unes et le lendemain pour les autres.

Selon les preuves écrites dont dispose la Commission, et notamment les rapports annuels du GEP Carton, la fréquence des réunions du JMC s'établit comme suit :

Juin 1987 à mai 1988 : 15 réunions

Juin 1988 à mai 1989 : 11 réunions

Juin 1989 à mai 1990 : 8 réunions (dont plusieurs sessions de deux jours)

Juin 1990 à mai 1991 : 8 réunions (dont plusieurs sessions de deux jours).

(47) Les dernières réunions connues du JMC ont eu lieu à Vienne le 3 et le 10 juillet 1991, dix semaines après les vérifications effectuées par la Commission.

Les informations détaillées relatives à la participation admise ou attestée de chaque entreprise aux réunions du JMC figurent aux tableaux 4 et 5.

Le tableau 4 fait apparaître, pour chaque entreprise, les dates des réunions du JMC auxquelles elle admet avoir participé ou celles des réunions auxquelles il est prouvé qu'elle a assisté (cette liste ne peut être considérée comme exhaustive).

Le tableau 5 indique les participants aux réunions régulières, selon les indications fournies par chaque fabricant.

(48) Dans la plupart des cas, les fabricants ont prétendu, en réponse à des demandes de renseignements répétées effectuées en vertu de l'article 11, ne pas se souvenir depuis combien de temps ils assistaient aux réunions du "Marketing Committee" ou du JMC ou ont limité leurs réponses aux toutes dernières années, voire fourni des réponses évasives.

Il n'a pas été possible, par conséquent, de fixer avec certitude les dates des réunions auxquelles ont participé les fabricants à titre individuel, en particulier avant 1989 (à quelques exceptions près). En réponse à une demande de renseignement effectuée en vertu de l'article 11, Laakmann (qui ne fait pas de distinction entre le JMC et l'instance qui l'a précédé, le "Marketing Committee") a déclaré que Cascades, Europa Carton, KNP, FS-Karton, M-M, Deisswil, Feldmühle, CBC, Saffa et elle-même ont participé à des réunions GD dès le début, c'est-à-dire à partir de 1984. Selon Laakmann, les entreprises Buchmann, Gruber & Weber, Prat Carton, Tampella Española et Weig ont commencé à assister à ces réunions un peu plus tard que les autres fabricants, ce qui pourrait signifier qu'elles n'y ont pris part qu'à partir de la création du nouveau JMC à la fin de 1987 ou au début de 1988.

e) Le comité économique

(49) Le comité économique, qui, malgré son nom, ne réunissait pas des économistes mais des directeurs commerciaux, débattait (entre autres) des fluctuations de prix sur les marchés nationaux et des commandes en carnet, et faisait rapport sur ses conclusions au JMC (ou au "Marketing Committee", l'instance qui l'a précédé jusqu'à la fin de 1987).

Même si, selon Stora, le niveau des commandes de chacun des fabricants ne faisait pas l'objet de discussions approfondies au comité économique (ce qui, en revanche, était manifestement le cas au JMC), les situations individuelles étaient de temps à autre comparées à la moyenne du secteur.

Stora a expressément déclaré qu'au cours de l'année 1987, les échanges d'informations au sein du comité économique avaient révélé que les carnets de commande de tous les fabricants étaient remplis, ce qui confirmait le sentiment de plus en plus partagé régnant dans la profession qu'un équilibre s'était établi entre les capacités et la consommation.

(50) Le "thème central" des discussions du comité économique était l'analyse et l'évaluation de la situation du marché du carton dans les divers pays. Il semble que les informations sur les conditions du marché dans chaque Etat membre fournies au comité économique provenaient de comités nationaux où étaient représentés les fabricants locaux et les principaux importateurs (voir compte rendu de la "President Conference" du 10 novembre 1986). Les discussions sur les conditions du marché ne restaient pas dans le vague : en effet, les entretiens portant sur les conditions qui régnaient sur chaque marché national doivent être placés dans le contexte des initiatives prévues en matière de prix, et notamment dans celui de la nécessité ressentie de fermer temporairement des installations pour accompagner les augmentations.

Il ressort d'une note personnelle concernant les points essentiels du comité économique réuni à Zurich le 3 octobre 1989, qui a été rédigée par le représentant de FS-Karton et envoyée au directeur général de M-M, que, outre une étude détaillée de la demande, de la production et des carnets de commande sur chaque marché national, les points suivants ont été examinés :

- la forte résistance constatée chez les clients contre la dernière augmentation des prix du GC, entrée en vigueur le 1er octobre,

- les commandes en carnet des producteurs de GC et de GD, y compris les positions individuelles,

- des rapports sur les arrêts de production effectués et programmés,

- des difficultés particulières liées à la mise en œuvre de l'augmentation de prix au Royaume-Uni et l'incidence de celle-ci sur l'écart de prix nécessaire entre les qualités GC et GD

et

- la comparaison par rapport au budget des entrées de commandes pour chaque groupement national.

Il n'est pas fait allusion à ces questions dans le compte rendu officiel de la réunion. Des informations détaillées concernant la participation aux réunions du comité économique à partir de la fin de l'année 1986 figurent dans le tableau 6. Les seuls destinataires de la présente décision qui n'ont participé à aucune réunion du comité économique sont Enso-Gutzeit, Europa Carton, Gruber & Weber et Weig (Enso-Gutzeit était membre du NPI, qui a participé à toutes les réunions du comité économique. Les trois autres entreprises étaient membres du JMC.)

E. MECANISME DE REGULATION DES VOLUMES ET DES PRIX

1. La régulation des volumes

a) La politique du "prix avant le tonnage"

(51) La condition sine qua non (comme les producteurs s'en sont aperçus) de la réussite des initiatives en matière de prix prises à partir de 1988 était de maintenir un quasi-équilibre entre la production et la consommation. Tous les membres du PWG étaient préoccupés par le fait que les initiatives "relancées" ne devaient pas être sapées par des augmentations importantes des volumes vendus. C'est ce que Stora a appelé la politique du "prix avant le tonnage" (réponse de Stora du 14 février 1992 dans le cadre de la procédure prévue à l'article 11).

Cela signifie que les principaux producteurs pouvaient convenir d'augmentations de prix au sein du PWG avec la relative certitude qu'elles réussiraient.

(52) L'accord conclu au sein du PWG en 1987 prévoyait le "gel" au niveau existant des parts de marché détenues par les principaux producteurs en Europe occidentale, ainsi que l'absence de toute tentative d'acquérir de nouveaux clients ou d'améliorer leur position existante par une politique agressive en matière de prix.

Selon Stora (deuxième déclaration, page 11), l'accord sur les parts du marché conclu entre les principaux producteurs portait sur les parts de chaque grand groupe dans l'ensemble de l'Europe occidentale. Il n'était pas très utile (toujours selon Stora) de discuter des parts de chacun sur chaque marché national. En effet, à la suite de fusions transfrontalières des grands tranformateurs, dans de nombreux cas, les producteurs de carton ne connaissaient même pas avec certitude la destination finale de leurs livraisons.

(53) Les documents trouvés par la Commission chez FS-Karton (membre du groupe M-M) confirment que, à la fin de 1987, un accord avait été conclu dans le cadre de la "President Conference" et du PWG sur les questions liées de la régulation des volumes et de la discipline des prix.

Un rapport interne du 28 décembre 1988 intitulé "Vertrauliche Aktennotiz" (note confidentielle) envoyé par le directeur commercial responsable de toutes les ventes du groupe M-M en Allemagne au directeur général de M-M à Vienne examine de manière très approfondie les mesures qui avaient été prises par les fabricants européens de carton au niveau des "présidents" depuis fin 1987 pour assurer la "discipline des prix".

(54) La note de M-M confirme qu'un nouveau consensus s'est dégagé au cours de l'année 1987 pour mettre en œuvre la politique du "prix avant le tonnage". L'auteur de la note considérait toutefois que cette opération avait fait "des gagnants et des perdants".

Tous les participants étaient gagnants dans la mesure où la tendance persistante des prix à la baisse qui avait caractérisé le marché avait été inversée pour céder la place en 1988, en deux étapes bien définies, à une tendance à la hausse. (Les deux "étapes" en question sont à l'évidence les deux "initiatives" en matière de prix prises en 1988.).

D'un autre côté, M-M était - selon l'auteur de la note - perdant en termes relatifs, tout comme Feldmühle. Pour sa part, M-M, qui avait accru sa part de marché pendant l'été 1987, avait été invité par les autres producteurs à consentir certains "sacrifices", sans nul doute le prix à payer pour un accord global.

- L'entreprise a vu sa part de marché gelée au niveau de 1987 et elle a manifestement donné aux autres producteurs l'assurance qu'elle ne chercherait pas à obtenir de nouvelles commandes en pratiquant des prix promotionnels.

- M-M a donné des instructions fermes reflétant cette politique de prix rigide à sa force de vente en Allemagne et en Autriche et à ses agents commerciaux dans les autres pays. Auparavant, l'unique objectif consistait à accroître les ventes : à présent, il s'agissait d'observer une "discipline de prix absolue", avec le risque de devoir arrêter les machines pour réduire la production.

(55) M-M avait été l'un des premiers fabricants à appliquer l'augmentation de prix de mars 1988 (annoncée dès décembre 1987), ainsi que la deuxième augmentation, qui a pris effet en octobre 1988. L'entreprise avait fait les sacrifices exigés d'elle et avait perdu du tonnage sur des marchés où les prix sont élevés. Sa fermeté en matière de prix avait mécontenté certains clients fidèles. D'autre part, le directeur commercial soupçonnait les autres producteurs de ne pas avoir tous soutenu les initiatives en matière de prix aussi fermement que M-M. Leurs forces de vente avaient sur le marché un comportement différent de celui convenu en haut lieu. Citant l'exemple d'un autre producteur ayant fait à un gros client une offre inférieure de 150 marks allemands par tonne au prix de M-M, il a demandé, pour l'effet, dans quelle mesure un tel comportement était compatible avec le "système convenu" et a pressé son supérieur (qui assistait aux réunions du PWG) de "faire prêter serment" aux autres producteurs de se soumettre également à la règle rigide qui était imposée à M-M, c'est-à-dire de renoncer à une commande plutôt que de casser le prix convenu.

La Commission a tenté d'obtenir auprès de M-M des précisions sur l'accord qui avait été conclu en 1987 entre les fabricants de carton.

Dans la réponse fournie en application de l'article 11, M-M soutient qu'il n'y a pas eu accord "stricto sensu" et que l'utilisation répétée de ce terme (et d'expressions similaires) par son directeur commercial dans la note en question ne doit pas être "prise au sens littéral".

(56) L'accord de base conclu entre les principaux producteurs pour le maintien de leurs parts respectives de marché a continué d'être appliqué pendant toute la période couverte par la présente décision.

Initialement, la préoccupation principale du PWG en la matière avait été de restreindre l'accroissement des parts de marché détenues par les producteurs de l'Association européenne de libre-échange dans la Communauté : M-M, Finnboard, Kopparfors et Iggesund. Les producteurs de la Communauté souhaitaient protéger leur territoire propre, alors que les producteurs nordiques (et M-M) considéraient celui-ci comme leur marché d'exportation naturel. Des discussions ont eu lieu avec ces producteurs de l'Association européenne de libre-échange sur la part du marché dont ils seraient disposés à se contenter. Il leur a été clairement expliqué qu'une augmentation de leur part du marché au détriment des autres producteurs romprait l'équilibre entre la production et la consommation et ferait obstacle aux efforts concertés déployés pour augmenter les prix. Par la suite, lorsque les producteurs de l'Association européenne de libre-échange ont eux-mêmes acquis des installations de production dans la Communauté, la politique des autres producteurs tendant à limiter la part du marché communautaire détenue par des producteurs non communautaires a perdu de son utilité. A partir de ce moment, il s'est agi de plus en plus de maintenir un équilibre entre les principaux groupes d'entreprises afin de ne pas compromettre les initiatives en matière de prix (réponse de Stora du 14 février 1992 dans le cadre de la procédure prévue à l'article 11).

Les producteurs basaient leurs calculs sur les chiffres de vente totaux de l'année précédente, qui étaient généralement disponibles vers le mois de mars de l'année suivante.

Connaissant également le taux de croissance prévu du marché pour l'année suivante, chaque producteur pouvait calculer le volume des ventes supplémentaires qu'il pouvait réaliser au cours de l'année sans accroître sa part du marché (ce qui aurait déstabilisé le marché).

Les entreprises qui participaient aux discussions sur les parts du marché étaient les membres du PWG, à savoir : Cascades, Finnboard, KNP (jusqu'en 1988), M-M, MoDo, Sarriò, les deux producteurs du groupe Stora, CBC et Feldmühle, et (à partir de 1988) Weig.

(57) "L'évolution des parts de marché" était examinée à chaque réunion du PWG sur la base des statistiques provisoires (considérant 63). La discussion portait sur les parts de marché dans toute l'Europe occidentale et, dans une moindre mesure, sur la répartition des parts dans chaque pays. Selon Stora, "toute variation sensible des parts de marché était analysée et discutée et l'on cherchait à expliquer les écarts importants". Une modification de l'évolution des ventes pouvait, par exemple, être attribuée à une commande spéciale sur un marché déterminé ou au fait qu'un client commençait à concentrer la totalité de son approvisionnement européen dans un seul pays.

Chaque producteur pouvait toutefois décider seul des mesures concrètes à prendre pour maintenir sa part de marché au niveau existant. Les questions telles que les arrêts de production ou le détournement des excédents de production vers des marchés extérieurs étaient examinées lors des réunions, mais la mise en œuvre des mesures prévues dépendait de la situation de chaque producteur.

Les membres du PWG espéraient et prévoyaient que, en montrant ainsi la voie, ils encourageraient les petits producteurs à faire preuve de retenue eux aussi.

(58) Si les autres producteurs de carton qui assistaient aux réunions de JMC n'étaient pas dans le secret des discussions approfondies sur les parts de marché qui avaient lieu au PWG, ils étaient néanmoins parfaitement informés, dans le cadre de la politique du "prix avant le tonnage" à laquelle ils souscrivaient tous, de l'accord général conclu entre les principaux producteurs pour maintenir "des niveaux d'approvisionnement constants" et, cela ne fait aucun doute, de la nécessité d'y adapter leur propre conduite.

Ce fait est confirmé par une note émanant du directeur général de Rena de l'époque concernant une réunion spéciale du NPI (considérant 28) qui s'est tenue à l'aéroport Arlanda, à Stockholm, le 3 décembre 1988. La réunion concernait principalement la prochaine augmentation des prix, qui devait avoir lieu en avril 1989 : l'objectif déclaré était d'augmenter les prix de 15 % avant la fin de 1989.

Le rédacteur note ceci :

"En période difficile : régulation de la production avec arrêt pour tous les producteurs. Une proposition sera élaborée. Les prix doivent être maintenus" (traduit du norvégien).

Il n'est pas inutile de mentionner que, à cette date, le directeur général de Finnboard de l'époque était président, et du NPI (et présent à la réunion d'Arlanda) et du GEP Carton, et se trouvait de ce fait à la tête de la "President Conference" et du PWG (considérant 38).

(59) Pour les producteurs représentés au PWG, l'accord sur le gel des parts de marché reposait sur une "retenue volontaire" et sur un système d'encouragement mutuel. Stora indique que, en dernière analyse, "les producteurs respectaient les accords pour autant qu'ils estimaient que cela servait leur intérêt".

D'après les informations dont dispose la Commission, aucun mécanisme officiel de sanction ou de compensation n'était prévu pour renforcer l'accord sur les parts du marché, mais les producteurs savaient qu'il existait un risque de "représailles" si l'un d'entre eux obtenait une affaire importante au détriment d'un autre sur un marché donné (réponse de Stora du 14 février 1992 dans le cadre de la procédure prévue à l'article 11, page 4).

Il existe des indices certains selon lesquels tout producteur indiscipliné accroissant sa part de marché au détriment d'autres était rappelé à l'ordre : il semble que cela soit arrivé à Weig.

(60) La Commission convient que, malgré l'accord sur les parts de marché, la part de certains grands producteurs a faiblement augmenté d'année en année. Selon Stora, les producteurs estimaient que, vu leur propre intérêt et les difficultés éprouvées, il n'était pas toujours possible de limiter les ventes. Il ne fait aucun doute que les producteurs en position de force pour négocier s'attendaient à un accroissement de leur part de marché. Il est possible que certains producteurs aient été considérés comme moins fiables que d'autres. Par conséquent, chaque année, les discussions sur les parts de marché reprenaient avec les producteurs sur une nouvelle base.

Les niveaux des parts de marché faisaient toutefois l'objet d'un réexamen constant au PWG, et les difficultés et besoins particuliers de chaque membre étaient reconnus et débattus. L'accord sur les parts de marché conclu entre les producteurs n'était donc pas figé, mais périodiquement adapté et renégocié.

b) L'échange d'informations par l'intermédiaire de la Fides

(61) En vue de garantir le succès de la mise en œuvre des initiatives en matière de prix, les producteurs ont considéré qu'il était essentiel de mettre au point un système complet d'observation et de surveillance de la production, du volume des ventes et de l'utilisation des capacités.

La plupart des membres du GEP Carton fournissaient à la Fides des rapports périodiques (hebdomadaires, mensuels, semestriels, annuels) sur les commandes, la production, les ventes et l'utilisation des capacités, à savoir :

- des rapports hebdomadaires sur les entrées de commandes,

- des rapports mensuels sur la production et les ventes,

- des prévisions mensuelles de production (à partir d'avril 1991),

- des rapports semestriels sur la production de GC et de GD ventilée selon la "consistance" (c'est-à-dire les différentes catégories de poids),

- des relevés annuels des capacités.

Les producteurs scandinaves ne fournissaient pas les informations relatives à tous ces points directement à la Fides. Ils les transmettaient par l'intermédiaire de leur organisation professionnelle, le NPI.

Le système Fides couvrait toute l'Europe occidentale (Communauté et Association européenne de libre-échange).

(62) Dans le cadre du système Fides, les différents rapports étaient collationnés et les données agrégées (et censées être anonymes) étaient envoyées aux participants.

Les statistiques envoyées aux membres par la Fides étaient les suivantes :

- entrées de commandes hebdomadaires,

- consommation mensuelle (par pays pour chacune des vingt-huit qualités ou catégories de qualités),

- production et livraisons mensuelles (qualités GC, GD et SBS par pays producteur),

- résumé de la consommation de GC et de GD (en glissement annuel et en projection annuelle),

- statistiques du marché (tous les six mois),

- ventilation par substance (tous les six mois),

- capacité annuelle,

- inventaire des machines (irrégulier).

Les statistiques de "production et livraisons" et de "consommation" étaient distribuées par la Fides aux participants sous une forme provisoire ("Quick") et définitive ("final") chaque mois. Les statistiques provisoires, qui étaient diffusées en attendant la préparation des chiffres définitifs, reposaient en partie sur des estimations établies sur la base des moyennes de l'année précédente.

Des chiffres hebdomadaires concernant les nouvelles commandes étaient fournis à la Fides par les trois quarts environ des membres du GEP Carton. Les statistiques collationnées étaient diffusées par la Fides le lendemain. Ces statistiques indiquaient le volume total des commandes en carnet pour les producteurs participants, à l'échelle mondiale et pour l'Europe occidentale.

(63) Les statistiques collationnées qui étaient renvoyées aux participants par la Fides étaient ventilées pays par pays pour chacune des grandes qualités, sauf dans les rapports hebdomadaires sur les entrées de commandes, qui portaient sur l'ensemble de l'Europe occidentale.

La note de M-M du 28 décembre 1988 (considérant 53) laissait entendre que chaque producteur devait déclarer à la Fides sa production totale et ventiler ensuite ce chiffre en cinq segments : marché national, reste de la Communauté, autres pays d'Europe, reste du monde et usage propre (certainement dans le but de faciliter le contrôle du système du "prix avant le tonnage"). D'après M-M, le système Fides a par la suite été modifié, en gros selon cette proposition. La Commission ignore si et dans quelle mesure les résultats de la Fides concernant des producteurs en particulier étaient mis de façon générale à la disposition du PWG. Même sur une base agrégée, les statistiques Fides pouvaient cependant être utilisées (et l'ont été) comme instrument pour déterminer et surveiller la part de marché détenue par chaque producteur et pour analyser l'utilisation des capacités. L'analyse la plus précise était réalisée lorsque toutes les données chiffrées de l'année précédente étaient disponibles, habituellement en mars. En cours d'année, ce sont les statistiques provisoires qui étaient utilisées pour ce faire, même si, du fait de fluctuations, elles pouvaient ne pas refléter de manière précise les résultats annuels finals et devaient, par conséquent, être considérées avec prudence. Les résultats de cette opération étaient examinés lors de réunions du PWG, des graphiques étaient réalisés et tout producteur dont la part du marché avait augmenté de façon significative était invité à "s'expliquer" (considérant 57).

(64) Dans de nombreux cas, des informations utiles pour contrôler les parts de marché des divers groupes étaient disponibles ou pouvaient être déduites du système d'informations Fides assez facilement pour ne pas nécessiter de communication supplémentaire d'informations. Les mesures de protection appliquées par la Fides dans d'autres systèmes d'information pour empêcher l'individualisation des données sur les livraisons n'étaient pas appliquées au système relatif au carton. Les statistiques relatives à la production et aux livraisons pour la Finlande en fournissent un exemple : outre la quantité de SBS et de GC produite dans ce pays (qui ne produit pas de GD), elles indiquent les livraisons finlandaises de chacune de ces qualités sur chaque marché national. Or, ces livraisons ne pouvaient provenir que d'Enso-Gutzeit et Finnboard respectivement. De même, les statistiques similaires fournies pour le Royaume-Uni (GC et GD) révèlent les ventes d'Iggesund (anciennement Thames Board) et de Reed Paper & Board (UK) Ltd sur chaque marché : ces deux entreprises sont respectivement les seuls producteurs britanniques de qualités GC et GD. Les mêmes informations figurent sous une forme plus détaillée dans les statistiques de "consommation".

c) Les rapports concernant les capacités

(65) Depuis la création du GEP Carton en 1981, la Fides produisait un rapport annuel sur les capacités pays par pays, ainsi qu'un "inventaire des machines" plus détaillé qui couvraient tous deux toutes les qualités de carton en continu, y compris des produits tels que le carton gris fabriqué sur les machines à carton.

En outre, le directeur commercial de Finnboard présentait chaque année au GEP Carton une étude sur l'utilisation des capacités sur le marché du carton proprement dit ("cartonboard") (la définition du produit étant en l'occurrence plus restrictive que celle utilisée aux fins du rapport sur les capacités et de l'inventaire des machines de la Fides).

Comme ils se fondaient sur des bases d'évaluation différentes, le rapport Fides sur les capacités et l'étude Finnboard n'étaient pas directement comparables. Des tentatives ont été faites pour concilier les données contenues dans les deux rapports et à partir de 1985, le rapport Fides a fait la distinction entre le "cartonboard" et "les autres types de carton en continu" (rapport Fides révisé sur les capacités).

(66) En 1987, les membres du PWG ont constaté que la demande pour le produit avait augmenté au point que la surcapacité avait disparu dans le secteur.

Malgré la distinction entre le "cartonboard" et les autres types de carton, il subsistait des divergences entre l'étude Finnboard et le rapport Fides révisé. Lors de l'assemblée générale de 1987, la Fides a suggéré que le rapport Fides révisé sur les capacités soit abandonné et que seul l'inventaire des machines soit maintenu. En fait, l'assemblée générale a décidé de maintenir tel quel le rapport Fides révisé sur les capacités et de le compléter par une nouvelle enquête sur les capacités qui ne couvrirait que le carton proprement dit ("cartonboard").

(67) Lorsqu'elle est sortie en 1988 (compte rendu de la "President Conference", 25 mai 1988), la nouvelle étude sur les capacités a confirmé ce que le comité économique avait déjà constaté, à savoir que "la surcapacité souvent évoquée n'existe pas réellement".

Le compte-rendu dit encore :

"On n'attirera jamais trop souvent l'attention des clients sur ce fait."

Lors de l'assemblée générale annuelle qui a eu lieu le lendemain, le représentant de Feldmühle (qui présidait le JMC) a souligné qu'"il s'agit de chiffres de capacité concrets et non théoriques. Les données sont donc extrêmement importantes pour la gestion quotidienne. Elles peuvent et doivent être utilisées pour combattre l'opinion très répandue parmi les clients, selon laquelle il existe de très fortes surcapacités dans l'industrie du carton".

Feldmühle ayant proposé qu'il soit rendu public, le rapport a été fourni aux clients pour la première fois par le European Paper Institute au printemps 1989.

Selon Stora :

"Cette publicité visait à démontrer que l'industrie tournait presque à pleine capacité, à convaincre les directeurs commerciaux qu'il était possible de compenser les fortes pertes des années précédentes et à persuader les clients que la marge de négociation au sujet des augmentations de prix était quasi inexistante" (deuxième déclaration de Stora, page 13).

(68) La nouvelle enquête sur les capacités (connue par la suite sous le nom de "Livre vert") était réalisée par la Fides sur la base d'informations fournies chaque année en septembre/octobre par les membres du GEP Carton, dont une estimation de leurs capacités pour l'année suivante.

En comparant les capacités déclarées et les statistiques de consommation pour l'année précédente, le GEP Carton pouvait évaluer le taux d'utilisation des capacités.

Le rapport indiquait la capacité de production matérielle annuelle de chaque machine en service, calculée selon une formule type.

La production réelle de chaque machine au cours de l'année écoulée n'apparaissait cependant pas. Le rapport indiquait le tonnage total réel produit les années précédentes en Europe occidentale et donnait une estimation de la production totale pour l'année suivante. Le taux d'utilisation des capacités était calculé pour le secteur à partir de ces deux séries de chiffres.

d) Les commandes en carnet et temps d'arrêt ("downtime")

(69) En comparant l'état hebdomadaire des commandes en carnet ("Weekly Order Backlog") et les capacités disponibles, le PWG était en mesure d'évaluer l'état global de la demande dans l'industrie cartonnière.

Si les commandes en carnet d'un grand fabricant tombent au-dessous d'un certain niveau, son programme de production ne peut être organisé efficacement et il peut être obligé de fermer l'usine temporairement pour éviter le risque de déterioration de la qualité du produit.

En plus du système géré par la Fides, qui donnait des données agrégées, il était d'usage que chaque producteur révèle à ses concurrents le niveau de ses commandes en carnet lors des réunions du JMC.

Les informations concernant les commandes converties en journées de travail étaient utiles à la fois :

- pour décider si les conditions étaient propices à la mise en œuvre d'une augmentation des prix concertée,

- pour déterminer les temps d'arrêt nécessaires pour maintenir l'équilibre entre l'offre et la demande (deuxième déclaration de Stora, page 14).

(70) En 1988 et 1989, l'industrie a tourné à pleine capacité et pratiquement aucun temps d'arrêt n'a été nécessaire en plus des arrêts normalement prévus pour les vacances et les opérations d'entretien.

En revanche, au début de 1990, les principaux fabricants se sont trouvés confrontés à une capacité accrue et à une demande en déclin et ils ont jugé utile de se concerter dans le cadre du PWG sur la nécessité d'appliquer des temps d'arrêt. Les grands producteurs ont reconnu qu'ils ne pouvaient accroître la demande en réduisant les prix et que maintenir la production à pleine capacité ne ferait que faire baisser les prix. En théorie, les temps d'arrêt nécessaires pour rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande pouvaient être calculés sur la base des rapports concernant les capacités. Par exemple, si un taux d'utilisation des machines de 92 % était prévu pour l'année, cela signifiait que 8 % des capacités ne seraient pas utilisés. Quatre semaines de temps d'arrêt étaient alors nécessaires pour rétablir l'équilibre entre la production et la demande.

(71) Le PWG n'indiquait cependant pas formellement le temps d'arrêt à respecter par chaque producteur. Selon Stora, l'établissement d'un plan coordonné d'arrêt des machines couvrant tous les producteurs soulevait des difficultés d'ordre pratique. Stora indique que c'est la raison pour laquelle il n'existait qu'"un système relâché d'encouragement" (deuxième déclaration de Stora, page 15).

Il semble que ce soient à nouveau les principaux producteurs qui aient supporté la charge de la réduction de la production pour maintenir les niveaux des prix.

Les comptes-rendus non officiels de deux réunions du JMC qui ont eu lieu respectivement en janvier 1990 (considérant 84) et en septembre 1990 (considérant 87), ainsi que d'autres documents (considérants 94 et 95), confirment néanmoins que, dans le cadre du GEP Carton, les grands producteurs tenaient leurs concurrents plus petits constamment informés de leurs projets d'appliquer des temps d'arrêt supplémentaires pour éviter de diminuer les prix.

2. Les initiatives en matière de prix

(72) Avec l'amélioration de l'équilibre entre l'offre et la demande et la réorganisation des divers organes constituant le GEP Carton, la collusion sur les prix au sein de celui-ci devait se révéler plus efficace qu'avant 1987.

Plutôt que de laisser les prix augmenter naturellement, en fonction des conditions du marché, la méthode utilisée pour relever le niveau des prix dans toute l'Europe occidentale consistait à organiser et à mettre en œuvre des initiatives concertées en matière de prix. Les prix étaient relevés en une série d'"étapes" régulières et clairement définies. Il ressort des preuves écrites recueillies par la Commission que la question des augmentations de prix et celle du contrôle des volumes sont deux aspects inextricablement liés du même plan. Sur la base des travaux préparatoires réalisés au sein du JMC, le PWG prenait les décisions de principe au sujet du calendrier et du montant de l'augmentation. Etant donné les habitudes de la clientèle des cartonneries en matière de commande et de consommation, la pratique normale consistait à appliquer des augmentations de prix en avril et en octobre. Occasionnellement, et selon les conditions du marché, il pouvait arriver qu'une augmentation de prix ne concerne que les qualités GC et non les qualités GD. En général, les producteurs veillaient toutefois à maintenir l'écart de prix (30 à 40 %) entre les deux qualités à peu près au même niveau. Une augmentation de prix pouvait aussi être retardée ou même ne pas être appliquée sur un marché national donné (par exemple, la seconde augmentation de 1988 n'a pas été appliquée au Royaume-Uni, si ce n'est pour le SBS).

Le JMC examinait pour chaque marché national les modalités de mise en œuvre de la décision globale prise au sein du PWG. Les nouveaux prix "de catalogue" pour chaque catégorie de clients ("AA", "A", "B", "C", "D" par ordre d'importance décroissant) étaient fixés dans chaque monnaie nationale en utilisant une qualité et un poids standard de référence. Les nouveaux prix applicables à chacun des principaux clients étaient également examinés dans le cadre du JMC. Des rapports séparés étaient soumis au PWG pour les qualités GC et GD et, si l'on craignait des difficultés, le PWG tentait de résoudre le problème.

Les documents obtenus par la Commission (considérants 79, 80 et 83) confirment que les augmentations de prix et leur date d'entrée en vigueur étaient fixées par le GEP Carton pour l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la France, l'Irlande, l'Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni ainsi que pour les pays de l'Association européenne de libre-échange.

L'une des principales tâches du JMC consistait à établir un système de fixation de prix européens "équivalents", c'est-à-dire un niveau de prix uniforme dans toute la Communauté.

Lorsque les initiatives concertées en matière de prix ont été relancées fin 1987début 1988, le niveau de départ variait d'un marché national à l'autre. Il en a résulté certaines divergences, qui ont été atténuées au cours de la période allant jusqu'à 1991.

(73) Un aspect particulièrement grave et troublant des initiatives concertées en matière de prix lancées à partir de fin 1987 est que les principaux producteurs s'entendaient d'avance au sein du PWG sur celui d'entre eux qui serait le premier à annoncer l'augmentation (et sur la date de cette annonce) et convenaient ensuite des dates auxquelles chacun des autres fabricants "suivrait" en envoyant sa lettre de notification. Pour des raisons évidentes, l'ordre n'était pas toujours le même.

Le JMC était parfaitement informé du plan et les petits producteurs pouvaient fixer eux-mêmes la date à laquelle chacun "annoncerait" son intention d'appliquer l'augmentation.

S'ils avaient eu à se justifier, les fabricants auraient pu, grâce à cette duperie élaborée, attribuer les séries d'augmentations des prix uniformes, régulières et touchant l'ensemble du secteur au phénomène du "comportement en situation oligopolistique". Ils pouvaient faire valoir qu'il était logique que tous les producteurs décident spontanément de s'aligner sur une augmentation de prix décidée par l'un des leaders du marché dès qu'elle avait été annoncée : cela ne devait pas nécessairement révéler l'existence d'une collusion illégale en tant que telle. Il n'était pas exclu que les clients les soupçonnent et même les accusent d'entente et, compte tenu du nombre relativement élevé de producteurs, la théorie économique serait poussée à ses limites et au-delà, mais, à moins qu'on ne leur oppose la preuve directe d'une collusion - et ils n'ont pas ménagé leurs efforts pour éviter cela - les producteurs ont dû espérer faire échec à toute enquête concernant leur comportement en matière de prix menée par les autorités chargées de la concurrence en invoquant l'interdépendance oligopolistique.

3. Les différentes initiatives en matière de prix

a) Janvier 1987

(74) Alors que le nouveau mécanisme du GEP Carton était encore en cours d'établissement, une initiative concertée en matière de prix a eu lieu pour le Royaume-Uni à la fin de 1986. A l'époque, le taux de change de la livre par rapport aux monnaies continentales était faible : selon certains fabricants, le niveau des prix au Royaume-Uni était inférieur de 15 % à celui appliqué sur d'autres grands marchés européens.

Au début de novembre 1986, Finnboard et TBM ont annoncé une augmentation du prix des qualités GC de 45 livres sterling par tonne (8-9 %) au Royaume-Uni à compter du 26 janvier 1987.

Le compte-rendu d'une réunion du conseil d'administration de Feldmühle (UK) Ltd tenue le 7 novembre 1986 indique ce qui suit :

"TBM et les Finlandais ont annoncé des augmentations de prix d'environ 9 % applicables à partir du mois de février 1987, et il semble que la plupart des autres fabricants soient prêts à procéder à des hausses du même ordre."

Pour les qualités GD, la plupart des fabricants (suivant en cela M-M) ont également informé leurs clients en novembre qu'une augmentation de 9 % serait applicable à différentes dates en janvier et février de l'année suivante. Reed P & B qui, en tant que seul producteur national de GD, n'avait pas les mêmes problèmes de taux de change au Royaume-Uni que les fabricants continentaux, a annoncé une augmentation légèrement inférieure.

En décembre 1986, Finnboard et Iggesund ont augmenté le prix de leurs qualités GC graphique et SBS de 55 livres sterling. Enso-Gutzeit, l'autre producteur de SBS, a également relevé ses prix en décembre mais l'importance de l'augmentation est inconnue.

(75) L'annonce au Royaume-Uni d'une augmentation de prix simultanée et identique par quasiment tous les producteurs a provoqué la colère des clients, qui ont accusé les producteurs de se livrer à une "manipulation cynique" du marché. Ces accusations de collusion ont bien entendu été vigoureusement démenties.

Il ressort cependant clairement de la note rédigée par l'agent de M-M sur le résultat de la "President Conference" du 10 novembre 1986 (considérant 41) que l'initiative en matière de prix avait été examinée et envisagée au niveau des "presidents".

Une preuve supplémentaire de la concertation est fournie par une note manuscrite couvrant trois pages, du 15 au 17 janvier 1987, de l'agenda de bureau d'un employé de Feldmühle, qui montre qu'un échange d'informations détaillées sur les prix, les commandes en carnet et les temps d'arrêt a eu lieu entre Feldmühle et plusieurs autres producteurs dans le contexte de l'augmentation des prix.

Elle mentionne Tako (le principal fabricant de carton à usage graphique au sein du groupe Finnboard), Tampella ("Ingerois") et UPM ("Simpele"), Enso-Gutzeit, Kopparfors, Iggesund et TBM (ces deux derniers producteurs étant encore, à l'époque, indépendants l'un de l'autre).

Il est dit du directeur de Feldmühle, qui était chargé de la gestion du "Marketing Committee", qu'il était "sceptique" à l'égard de Kopparfors (qui n'avait pas encore fusionné avec Feldmühle) et il a apparemment aussi accusé M-M d'irresponsabilité ("ohne Verantwortung").

La note indique que, au Royaume-Uni, l'augmentation de prix était appliquée, "y compris par TBM". (Le ressentiment de la clientèle à l'époque avait été décrit comme étant particulièrement vif à l'égard du principal fabricant local, TBM, apparemment parce qu'il n'avait pas, contrairement aux fabricants continentaux, l'excuse de la baisse de la livre par rapport aux autres monnaies.)

La note ne révèle ni les circonstances précises ni la nature exacte des contacts entre Feldmühle et les autres fabricants. Il n'est cependant pas contesté par Stora (qui a repris Feldmühle par la suite) que les informations contenues dans la note venaient directement ou indirectement des concurrents.

b) Février-avril 1988

(76) Dans le contexte de la nouvelle politique du "prix avant le tonnage", deux augmentations de prix concertées à l'échelle européenne ont eu lieu en 1988.

Selon le rapport M-M du 28 décembre 1988 (considérant 54), cette nouvelle politique a permis de renverser la tendance des prix à la baisse observée en 1987.

Lors de la réunion du PWG du 4 décembre 1987, une augmentation de 7-8 % (10 % sur certains marchés) du prix des qualités GC et GD à compter du mois de mars 1988 et jusqu'au 30 septembre de la même année a été décidée.

L'augmentation a été notifiée aux clients par les principaux fabricants (M-M, Feldmühle) dès la fin de 1987.

La première mesure a été prise sur le marché allemand à l'initiative de M-M et de Feldmühle. Par lettre datée du 18 décembre 1987, M-M a annoncé une augmentation de 15 marks allemands et 12 marks allemands par 100 kilogrammes pour les qualités GC et GD respectivement, pour les livraisons faites par elle-même et FS Karton après le 15 février 1988.

Feldmühle a, à son tour, annoncé le 28 décembre 1987 qu'elle allait augmenter le prix de catalogue de 15 marks allemands par 100 kilogrammes pour les qualités GC et de 12 marks allemands pour les qualités GD, avec effet au 15 février 1988.

Finnboard a notifié les augmentations à ses clients en Allemagne les 4 et 5 janvier, mais il l'a fait un peu plus tard sur les autres marchés : au Royaume-Uni, par exemple, il n'a finalement décidé l'augmentation que le 11 février 1988 et l'a notifiée à la clientèle le lendemain. Il semble que Finnboard se soit de ce fait vu reprocher par les autres de rester à la traîne : selon un compte-rendu d'une réunion tenue par Iggesund Board Sales Ltd les 28 et 29 janvier 1988, "des pressions ont été exercées de toutes parts en Europe sur les Finlandais pour qu'ils augmentent leurs prix. Finnboard a été averti que nous ne bougerons pas tant qu'il n'aura pas publié une augmentation de prix".

Les documents obtenus de Buchmann, Cascades, Europa Carton, Fiskeby, KNP, Kopparfors (qui fait maintenant partie de Stora), Laakmann, Deisswil (maintenant M-M), Sarriò, Reed P & B (maintenant SCA) et Weig montrent qu'ils ont tous appliqué l'augmentation de prix en Allemagne.

(77) Pour la France, l'augmentation était de 700 francs français par tonne pour la qualité GC1, de 500 francs français par tonne pour la qualité GC2 et de 400 francs français par tonne pour le GD. Cascades avait notifié l'augmentation des prix pour les qualités GC qui devait entrer en vigueur le 1er mars par lettre datée du 24 décembre 1987.

La même augmentation a été appliquée par les autres producteurs : Finnboard, M-M, Deisswil, De Lancey, Saffa, Reed P & B, Feldmühle, CBC, Tampella Española et Weig.

Au Royaume-Uni, la plupart des fabricants pour lesquels on dispose de documents sur les prix ont informé leurs clients d'une augmentation de 6 % sur toute la gamme de qualités, qui devait prendre effet à différentes dates en avril 1988 : Feldmühle, Finnboard, Iggesund, Mayr-Melnhof, Kopparfors, Djupafors, Rena, Saffa et TBM ont tous notifié des hausses de 6 %. Reed P & B a annoncé une augmentation de 20 livres sterling (5 %) pour la qualité GD, de même que Laakmann, Fiskeby, KNP et Deisswil.

Des documents datés de mars 1988 obtenus de Cascades montrent que l'organisation de l'initiative en matière de prix au sein du JMC comprenait la fixation de prix planchers dans chaque monnaie nationale pour les qualités GC2 et GD2, prix qui devaient être appliqués après l'augmentation aux clients des catégories A, B et C. Le fait que la fixation de ces prix planchers résultait d'une collusion et ne constituait pas une mesure interne de Cascades est confirmé par une note rédigée par les agents allemands de Fiskeby à la suite d'une conversation téléphonique échangée avec leur mandant le 21 mars 1988 (date de la note de Cascades concernant les prix du GD), selon laquelle ils devaient appliquer exactement les mêmes prix minimaux que ceux indiqués par Cascades aux clients des catégories A, B et C pour la qualité GD2 en Allemagne.

L'établissement de listes de prix dans les différentes monnaies nationales pour chacune des catégories de clients faisait en fait partie des tâches courantes du JMC (considérants 80, 85 et 87).

Il ressort d'articles de presse que les producteurs ont jugé que l'augmentation de prix avait été un succès mitigé mais qu'elle avait débouché sur une structure de prix plus cohérente : les augmentations avaient eu lieu sur les marchés où les prix étaient plus bas et l'écart entre les prix les plus élevés et les moins élevés avait été réduit.

c) Octobre 1988

(78) La seconde augmentation de prix à l'échelle européenne de 1988 se fondait, comme la première, sur une augmentation de 15 marks allemands par 100 kilogrammes pour les qualités GC, mais de seulement 9 marks allemands pour les qualités GD. Il n'y a cependant pas eu d'augmentation au Royaume-Uni, les prix dans ce pays étant déjà supérieurs d'environ 10 % à ceux pratiqués sur le continent.

Cette fois, c'est Finnboard qui a lancé le mouvement. Il avait déjà averti les clients en mars 1988 de la possibilité d'une seconde augmentation des prix.

Stora affirme que l'augmentation d'octobre 1988 a été décidée pour les deux qualités en juin. En fait, une réunion du PWG a eu lieu à Barcelone le 25 mai 1988. Des réunions du JMC ont eu lieu les 28 et 29 juin. Les producteurs français avaient déjà commencé à évoquer une augmentation de 50 francs français pour le GC (c'est le montant qui a été effectivement appliqué) à la mi-juin. Le 5 juillet 1988, Finnboard a informé ses bureaux de vente européens d'une augmentation des prix prenant effet le 1er octobre. Les annonces devaient être faites au plus tard pour le 11 juillet : Allemagne : 15 marks allemands, France : 50 francs français, Pays-Bas : 15 florins néerlandais, Belgique : 3 francs belges par kilogramme, etc.

Quelques jours plus tard, Kopparfors a commencé à notifier exactement les mêmes augmentations de prix que Finnboard pour les qualités GC sur chaque marché national. Feldmühle a commencé à annoncer son intention d'appliquer les mêmes augmentations le 19 juillet (9 marks allemands pour les qualités GD). Cascades et M-M/FS Karton ont annoncé le même jour, le 25 juillet, une augmentation de 9 marks allemands du GD en Allemagne. Saffa a fait de même deux jours plus tard.

Les autres fabricants dont les indications de prix disponibles montrent qu'ils ont participé à l'initiative concertée sont Buchmann, Cascades, Enso-Gutzeit, Fiskeby, Gruber & Weber, KNP (y compris Badische), Laakmann, Papeteries de Lancey, MoDo (Iggesund), Saffa et Weig.

d) Avril 1989

(79) A la fin de 1988, les producteurs sont convenus d'une augmentation des prix pour les qualités GC et GD devant initialement prendre effet en mars 1989 mais reportée au 1er avril (deuxième déclaration de Stora, page 19).

L'initiative se fondait sur une hausse de 17 marks allemands par 100 kilogrammes (ou équivalent) pour les qualités GC et de 9 marks allemands (ou équivalent) pour les qualités GD.

La Commission a obtenu chez Finnboard (UK) Ltd une liste (en suédois), non datée, intitulée "Augmentation de prix deuxième trimestre 1989", qui donne les augmentations de prix sur chaque marché national :

EMPLACEMENT TABLEAU

(Des augmentations de prix étaient également indiquées pour l'Autriche, la Suisse, la Finlande, la Norvège et la Suède.)

Comme Finnboard ne produit pas de qualités UD ou GD, la liste ne pouvait être purement interne ou se rapporter uniquement aux activités de Finnboard. Les prix indiqués pour les qualités GD et les dates effectives pour chaque marché national sont identiques à ceux figurant dans un document de Fiskeby daté du 14 février 1989. La Commission a également obtenu de Rena, pour deux initiatives ultérieures en matière de prix, des listes d'un modèle très similaire à celle découverte chez Finnboard (considérants 80 et 83). Rena dit avoir reçu ces listes d'un autre producteur à l'occasion d'une réunion du NPI. Non seulement Finnboard représentait le NPI au PWG au sein duquel les décisions les plus importantes étaient prises (considérant 32), mais son directeur général était aussi le président du GEP Carton et présidait le PWG à partir de mai 1988. Il était aussi président du NPI.

Feldmühle a envoyé une circulaire informant ses clients en Allemagne de cette augmentation le 5 janvier 1989.

L'augmentation devait prendre effet le 1er avril pour les qualités GC et le 1er mai pour les qualités GD (conformément à la liste de prix de Finnboard).

Pour la France, les augmentations de prix correspondantes étaient de 60 francs français pour les qualités GC et de 30 francs français pour les qualités GD, et pour la Belgique, respectivement de 350 et 250 francs belges.

Pour l'Italie, le prix des qualités GC devait augmenter légèrement un peu plus tôt (15 février), tandis que celui des qualités GD devait être relevé en deux étapes (de 50 lires italiennes par kilogramme le 1er janvier et de 30 lires italiennes par kilogramme le 1er avril).

CBC avait annoncé son augmentation de prix de 60 francs français pour les qualités GC en France le 3 janvier 1989.

Finnboard s'est assuré auprès de certains de ses bureaux de vente que Feldmühle avait effectivement annoncé l'augmentation (voir deuxième déclaration de Stora, page 17) avant d'informer ses clients des mêmes majorations de prix.

M-M a annoncé l'augmentation de prix en Allemagne (17 marks allemands pour le GC le 1er avril, 9 marks allemands pour le GD le 1er mai) par lettre du 12 janvier et un peu plus tard sur les autres marchés. De nouveau, les augmentations de M-M (et de Deisswil) et les dates correspondantes étaient pratiquement identiques à celles de la liste de Finnboard.

Les autres fabricants dont il est démontré qu'ils ont pris part à l'initiative en matière de prix sont les suivants : Buchmann, Cascades, De Eendracht, Enso-Gutzeit, Europa Carton, Gruber & Weber, KNP (y compris Badische), Laakmann, MoDo, Papeteries de Lancey, Reed P & B, Saffa et Weig. Les notifications d'augmentations de prix effectuées par ces entreprises correspondent elles aussi exactement aux données de la liste découverte chez Finnboard (UK) Ltd.

e) Octobre 1989

(80) En ce qui concerne les initiatives en matière de prix d'octobre 1989, la Commission n'a pas seulement obtenu les documents des fabricants, mais aussi une liste des augmentations de prix convenues dans chaque monnaie nationale et les notes personnelles prises par les représentants de M-M et de Rena lors de réunions du JMC qui se sont tenues à cette époque.

L'augmentation de prix, qui a été décidée en juin 1989, n'était applicable qu'aux qualités GC et SBS. L'importance des commandes en carnet pour les qualités GD n'avait jamais atteint celle des qualités GC, et les producteurs de carton GD se sont rendu compte qu'une deuxième augmentation de prix en 1989 n'était pas praticable. En outre, le coût de leur matière première (les vieux papiers) était réputé relativement stable, alors que les producteurs de GC étaient confrontés à une augmentation récente du prix de la pâte.

Une liste de prix dactylographiée (établie en suédois) indiquant la date et le montant des augmentations prévues pour chaque qualité dans chaque monnaie nationale a été obtenue auprès de Rena par la Commission. Cette liste est établie sur le même modèle que celle découverte chez Finnboard (UK) Ltd (considérant 79). Rena affirme que la liste qui n'est pas datée a été transmise à son directeur général de l'époque lors de rencontres à Stockholm avec d'autres producteurs scandinaves à l'occasion d'une réunion du NPI. Les augmentations de prix indiquées pour les marchés communautaires étaient les suivantes :

EMPLACEMENT TABLEAU

Il ressort des circonstances qu'il s'agit d'une liste indiquant les augmentations de prix qui avaient été décidées pour chaque qualité et dans chaque monnaie au sein du GEP Carton (voir le considérant 79 pour le lien entre Finnboard, le PWG et le NPI).

La Commission a également obtenu de Rena des notes manuscrites prises par son directeur des ventes de l'époque lors de la réunion du JMC du 6 septembre 1989. La note - d'une longueur de neuf pages - contient des données détaillées sur les augmentations de prix qui avaient été annoncées dans chaque monnaie et évalue la réaction de la clientèle ainsi que l'état d'avancement de l'opération sur les différents marchés nationaux. Les augmentations de prix mentionnées dans la note manuscrite pour les différentes monnaies correspondent à celles indiquées dans la liste dactylographiée à laquelle il est fait référence ci-dessus.

Bien que les prix du carton GD n'aient pas été augmentés, une nouvelle structure des majorations pour petites commandes avait été adoptée à l'époque : la note de Rena indique que "la différence de prix entre GC et GD est proche de 40 % : personne ne doit livrer sans supplément de prix à partir du 1.10".

La note indique également les nouveaux prix de la qualité GC 2 qui devaient entrer en vigueur le 1er octobre pour chaque catégorie de clients (AA, A, B et C) sur chaque marché national :

EMPLACEMENT TABLEAU

(81) Finnboard a mené l'initiative du 1er octobre, après avoir déjà "préparé le terrain" en juin, en donnant instruction à ses bureaux de vente de prévenir les clients qu'il y aurait une augmentation à l'automne et de préparer les lettres de notification.

Le 30 juin, Finnboard a communiqué à ses bureaux de vente nationaux le montant de l'augmentation qui devait prendre effet le 2 octobre. Les clients en ont été informés en juillet.

Les augmentations de prix notifiées par Finnboard correspondent exactement à celles indiquées dans la liste obtenue de Rena.

Cascades a envoyé des télex à ses agents à peu près à la même époque que Finnboard, leur donnant instruction d'appliquer les mêmes augmentations de prix. Les clients devaient être informés des nouveaux prix entre le 20 et le 30 juillet.

A la fin du mois de juin, MoDo avait également informé ses bureaux de vente de son intention de relever les prix du carton GC fabriqué par TBM d'environ 8 % à partir du 1er octobre. Il ressort des documents internes de l'entreprise (datés de début juillet) qu'elle fondait les augmentations prévues sur celles figurant dans la liste de Rena.

Il semble que, pour sa part, Feldmühle ait voulu se faire confirmer par ses bureaux de vente nationaux que Finnboard avait effectivement envoyé sa circulaire de prix avant de "suivre" l'initiative. Les augmentations de prix de Feldmühle étaient identiques à celles figurant sur la liste dactylographiée et à celles de autres producteurs.

Kopparfors a notifié la même augmentation de prix à ses bureaux de vente le 13 juillet, en leur donnant instruction d'en informer les clients au plus tard au cours de la semaine suivante.

A seulement quelques petites exceptions près, tous les fabricants de GC ont augmenté leurs prix des montants indiqués sur la liste obtenue par la Commission auprès de Rena (considérant 80).

Enso-Gutzeit a augmenté ses prix pour les qualités SBS en s'alignant sur la liste et, dans la mesure où l'on peut en juger d'après les documents disponibles, le seul autre producteur de SBS, Iggesunds Bruk, a fait de même.

De nombreux clients ont protesté contre cette troisième augmentation de prix (des qualités GC) en douze mois et ont soutenu qu'il serait difficile de la répercuter sur les utilisateurs finals.

(82) La note relative à une réunion du Comité économique du 3 octobre 1989 (considérant 50) découverte par la Commission chez FS-Karton (M-M) souligne l'importance des temps d'arrêt et des commandes en carnet pour la mise en œuvre de l'augmentation de prix. La Commission a également obtenu de FS-Karton une note concernant une réunion du JMC qui s'est tenue deux semaines après la date d'entrée en vigueur de l'augmentation de prix du 1er octobre, qui montre la manière dont la mise en œuvre de l'augmentation était surveillée par les fabricants. Intitulée "Vertraulicher Bericht" (rapport confidentiel), elle contient un compte-rendu de la réunion du JMC tenue le 16 octobre 1989. Les fabricants présents ont fait le point sur la mise en œuvre, sur les différents marchés nationaux, de l'augmentation de prix des qualités GC. L'état du carnet de commandes était à l'évidence considéré comme un élément important pour que l'augmentation puisse avoir lieu.

La note de FS-Karton sur cette réunion montre aussi la manière dont les producteurs se sont attachés, dans le cadre du JMC, à définir et à résoudre les problèmes posés par la mise en œuvre de l'initiative concertée. Elle fait état d'un certain nombre de cas où les fabricants ont été soupçonnés par les autres de ne pas apporter leur soutien plein et entier à l'initiative. C'est ainsi que Cascades (qui, exceptionnellement, n'était pas présent à cette réunion) a été accusé d'offrir encore des prix "insensés" aux Pays-Bas, rendant ainsi la vie difficile aux Finlandais et à KNP.

Les producteurs qui se comportaient en "chefs de file" sur certains marchés nationaux souhaitaient que les autres fassent preuve de la même fermeté qu'eux. C'est ainsi que, en Belgique, Finnboard a annoncé qu'il allait se montrer ferme et qu'il en attendait autant de CBC, Cascades et KNP. En Italie, Saffa s'est plaint de la faiblesse des prix à l'importation et a invité Kopparfors, Finnboard et Cascades à respecter les niveaux de prix convenus.

f) Avril 1990

(83) A la fin de 1989, l'objectif consistant à relever de 15 % le niveau des prix (mentionné dans la note de Rena faite à la réunion du NPI du 3 octobre 1988, considérant 58) était atteint. Une nouvelle augmentation a fait l'objet d'un accord de principe à la fin de 1989 pour les qualités GC et GD et elle devait entrer en vigueur en avril 1990, malgré la baisse du prix de la pâte à papier.

Des réunions du PWG ont eu lieu les 18 octobre et 28 novembre 1989 (cette dernière suivie d'une "President Conference") et une réunion du JMC a eu lieu le 29 novembre. En décembre 1989, on "préparait" déjà le marché à une augmentation d'environ 8 %.

La Commission a obtenu auprès de Rena une autre liste dactylographiée, établie sur le même modèle que celle découverte chez Finnboard (UK) Ltd (mais portant cette fois une date, le 3 décembre 1989, c'est-à-dire quelques jours seulement après la dernière réunion du JMC) indiquant le montant de l'augmentation proposée avec effet au 1er avril 1990 pour chaque qualité, dans chaque monnaie nationale. Elle se fonde sur une augmentation de 13 marks allemands par 100 kilogrammes pour les qualités GC, 11 marks allemands pour les qualités GT et 10 marks allemands pour les qualités GD. Comme l'autre liste obtenue de Rena, elle émanait certainement du NPI ou de l'un de ses membres (considérant 80). Une fois de plus, on en déduit clairement qu'elle donne les augmentations de prix et les dates qui ont été décidées par le GEP Carton.

Les augmentations de prix indiquées pour les marchés communautaires étaient les suivantes :

EMPLACEMENT TABLEAU

(84) Une note détaillée concernant une réunion du JMC qui s'inscrit dans ce contexte a été découverte par les agents de la Commission lors de la vérification effectuée chez FS-Karton. La note - écrite à la main par le directeur des ventes - est datée du 11 janvier 1990.

La réunion en question concerne la mise en œuvre par les fabricants de l'initiative de prix de mars-avril.

Elle indique d'abord les commandes en carnet exprimées en journées de travail pour Feldmühle, FS-Karton, Finnboard, Iggesund (y compris TBM), Cascades et Kopparfors.

Elle donne aussi les dates de fermeture prévues pour les vacances de Noël (première déclaration de Stora, page 14, concernant la coordination des "temps d'arrêt").

A la deuxième page de la note figurent les noms d'un certain nombre de producteurs importants : Kopparfors, M-M/FS Karton, Finnboard, Feldmühle, Thames/Iggesund, Cascades et M-M Eerbeek. Une date ou un nombre de semaines sont inscrits en regard de la plupart de ces noms.

(85) Il ressort clairement de la note que les producteurs avaient mis en scène l'annonce par les principaux d'entre eux de l'augmentation proposée de manière à ce que son caractère concerté puisse être nié avec une certaine plausibilité et à ce que l'initiative du secteur en matière de prix puisse être présentée comme la manifestation d'un phénomène d'influence dominante sur les prix de l'un ou l'autre grand producteur ("price leadership") sans caractère collusoire.

- Ainsi, Kopparfors devait annoncer le 12 janvier 1990 qu'il augmenterait ses prix à partir du 1er avril.

- De même, les dates "18/1 zum 1/3" ("18/1 pour 1/3") mentionnées pour M-M signifiaient que ce fabricant devait annoncer le 18 janvier 1990 qu'il augmentait ses prix avec effet au 1er mars.

- Cascades devait annoncer son augmentation le 25 janvier (25/1), sauf en France, où l'annonce devait avoir lieu le 5 janvier.

- Finnboard devait annoncer la décision le 31 janvier ou vers cette date.

- La date retenue pour Feldmühle était le 29 janvier.

- Thames/Iggesund devait agir pendant la cinquième semaine civile de l'année.

En regard du nom de Thames/Iggesund figure la mention "GC/GZ+13-" (TBM et Iggesunds Bruk ont en fait augmenté leurs prix pour ces qualités de 13 marks allemand en Allemagne). Sous le titre "Angleterre" apparaissent les chiffres de 54 livres sterling pour la qualité GC2 et 58 livres sterling pour la qualité GC1 : c'est exactement l'augmentation qui a été annoncée ultérieurement par tous les grands producteurs. (Une note découverte chez Iggesund Board Sales au Royaume-Uni indique que le projet initial de fin 1989 prévoyant une augmentation de 45 livres sterling pour toutes les qualités, comme sur la liste du NPI, avait été révisé : l'augmentation de 45 livres sterling n'a été retenue que pour les qualités GD.)

La note de FS-Karton se termine par une liste comparant les "anciens" et les "nouveaux" prix du GC2 en Allemagne pour les différentes catégories de clients (AA, A, B, C et D). Les nouveaux prix étaient applicables à partir du 1er avril 1990 jusqu'au 30 septembre. Les "anciens" prix sont les mêmes que ceux qui, selon la note manuscrite de Rena concernant la réunion du 6 septembre 1989 (considérant 80, fin), devaient entrer en vigueur en Allemagne le 1er octobre 1989 :

EMPLACEMENT TABLEAU

(86) A la note de FS-Karton était joint un projet de lettre de notification d'une augmentation des prix émanant de Kopparfors et daté du 12 janvier 1990 (date prévue pour l'annonce de Kopparfors), lettre par laquelle les clients étaient informés que les prix augmenteraient de 13 marks allemands par 100 kilogrammes, soit le montant indiqué dans la note de FS-Karton.

La lettre de notification de l'augmentation que Kopparfors a réellement envoyée à ses clients allemands portait la même date, à savoir le 12 janvier.

Les dates indiquées dans la note de M-M pour l'envoi de la notification par les autres grands producteurs correspondent toujours presque exactement aux dates auxquelles ils ont réellement envoyé leur lettre aux clients.

Les augmentations de prix effectivement annoncées par les grands producteurs sur chaque marché national correspondent aussi à celles qui apparaissent dans la liste de prix dactylographiée qui a été obtenue auprès de Rena (considérant 83), la seule différence étant que, au lieu d'une augmentation de 45 livres sterling pour toutes les qualités au Royaume-Uni, comme prévu initialement, l'augmentation de prix du GC a varié de 54 à 58 livres sterling (considérant 85).

Pour la plupart des marchés, les lettres envoyées par Finnboard à ses clients (le 31 janvier ou aux alentours de cette date) exprimaient l'augmentation de prix en pourcentage, mais les instructions internes de l'entreprise portant sur les augmentations minimales requises sur chaque marché sont celles figurant dans la liste du NPI (les augmentations au Royaume-Uni variant toujours de 54 à 58 livres sterling).

Des documents provenant de pratiquement tous les autres producteurs de carton témoignent de leur participation à cette augmentation concertée des prix. A l'époque, à l'exception de Enso-Gutzeit (et depuis lors de Badische), ils assistaient tous aux réunions du JMC.

Il semble que les producteurs de carton SBS aient augmenté leurs prix dans les mêmes proportions que les producteurs de GC. Les lettres d'Enso-Gutzeit annonçant des augmentations de prix pour le mois d'avril (en France et au Royaume-Uni ; en Allemagne, l'entreprise n'a pas relevé ses prix avant le 1er juin) sur les marchés pour lesquels des pièces sont disponibles font état d'augmentations similaires à celles de l'autre producteur de SBS, Iggesund Bruks. L'augmentation de prix de 8,5 % annoncée par Enso pour le Royaume-Uni est identique à celle notifiée par Finnboard pour ses qualités GC graphiques, qui sont en concurrence avec le produit SBS "Ensocoat" d'Enso-Gutzeit. Il y a effectivement des preuves écrites (considérant 97) indiquant l'existence d'une collusion entre Iggesund, Enso, Kopparfors et Finnboard concernant l'augmentation du prix des qualités graphiques au Royaume-Uni à cette occasion.

g) Janvier 1991

(87) Suite aux protestations des clients, qui arguaient du fait que les utilisateurs finals souhaitaient que les prix des boîtes soient fixés pour douze mois, le PWG a décidé de ne plus procéder qu'à une seule augmentation annuelle des prix.

Une augmentation de prix (applicable à partir du 1er octobre) avait été convenue en juin 1990 pour les qualités GC et GD, mais sa mise en œuvre a été reportée à janvier 1991.

La Commission a obtenu de Rena une série détaillée de notes manuscrites concernant la réunion du JMC qui s'est tenue à Zurich le 6 septembre 1990.

La note commence par une comparaison des ventes totales des qualités GC1 et GC2 dans la Communauté en 1989 et 1990 et par un graphique sommaire indiquant l'évolution des carnets de commande. Vient ensuite un tableau indiquant les commandes en carnet exprimées en journées de travail pour chacun des grands fabricants : Béghin (Stora) ; La Rochette, Duffel et Djupafors (Cascades) ; Eerbeek et Deisswil (M-M) ; Feldmühle et Kopparfors (qui font maintenant tous deux partie de Stora) ; Kyro, Simpele, Tako et Ingerois (tous membres de Finnboard). Plusieurs des fabricants cités n'avaient en carnet que quelques journées de travail et l'auteur note qu'ils prévoyaient des temps d'arrêt dans un avenir proche.

La note de Rena poursuit en ces termes :

"Une augmentation de prix sera annoncée la semaine prochaine, en septembre.

France : 40 FF

Pays-Bas : 14 HFL

Allemagne : 12 DM

Italie : 80 LIT

Belgique : 2,50 BFR

Suisse : 9 FS

Royaume-Uni : 40 UKL

Irlande : 45 IRL

Toutes les qualités devraient faire l'objet de la même augmentation, GD, UD, GT, GC, etc."

Elle indique ensuite :

"Une seule augmentation de prix par an.

Pour les livraisons à partir du 7 janvier.

Au plus tard le 31 janvier.

Lettre du 14 septembre avec augmentation de prix (Mayr-Melnhof).

19 septembre, envoi par Feldmühle de sa lettre.

Cascades avant fin septembre.

Tous doivent avoir envoyé leur lettre avant le 8 octobre."

Les augmentations de prix devaient être confirmées lors d'une réunion des "presidents" (vraisemblablement un PWG) fixée au 10 septembre. (Toutefois, aucun des producteurs n'a mentionné cette date comme étant celle d'une réunion du PWG.)

La note indique ensuite les prix pour les qualités GC2 et GD2 pour chaque catégorie de clients (AA, A, B et C), sur les différents marchés nationaux de la Communauté, tels qu'ils apparaissaient avant l'augmentation proposée, c'est-à-dire, en principe, ceux fixés pour le 1er avril 1990. Il est significatif que pour l'Allemagne, les prix mentionnés pour la qualité GC2 sont les mêmes - AA = 213 marks allemands ; A = 215 ; B = 219 et C = 223 - que ceux figurant dans la note du 11 janvier 1990 trouvée chez FS-Karton (considérant 85). Sur la plupart des autres marchés, les prix indiqués pour le GC2 comportent également une augmentation par rapport à ceux du 1er octobre 1989 tels qu'ils avaient été notés par Rena (considérant 80), qui correspond aux augmentations de prix prévues pour le 1er avril (considérant 83), par exemple : clients A belges : 43,50 francs belges (41 + 2,5) ; clients A français : 700 francs français (660 + 40) ; 726 livres sterling (672 + 54).

(88) Le 7 septembre, c'est-à-dire le lendemain de la réunion du JMC à Zurich, le directeur commercial de M-M a envoyé une télécopie au directeur des ventes du groupe en Allemagne (ils participaient normalement tous deux aux réunions) le chargeant d'envoyer une lettre aux clients le 14 septembre pour leur annoncer une augmentation de prix. Le projet de cette lettre était joint à la télécopie et indiquait une augmentation de 12 marks allemands à partir du 7 janvier. Les lettres initialement envoyées aux clients allemands par FS et M-M indiquaient en fait une augmentation de 14 marks allemands, mais par la suite, M-M l'a ramenée à 12 marks allemands. Pour les autres pays, l'augmentation annoncée par M-M était exactement celle qui est indiquée dans la note de Rena.

Feldmühle avait décidé de majorer le prix de 12 marks allemands, comme Rena l'avait indiqué, mais attendait confirmation que M-M avait officiellement annoncé son augmentation avant de fixer le montant définitif dans chaque monnaie. La lettre de Feldmühle pour l'Allemagne est effectivement datée du 19 septembre 1990, exactement comme le prévoyait la note de Rena.

Cascades devait informer ses clients "avant fin septembre" : un projet de lettre daté du 25 septembre 1990 annonçant une augmentation de prix de 40 francs français à compter du 7 janvier 1991 a été obtenu par la Commission auprès de Cascades. En fait, la lettre envoyée par Cascades en France est datée du 3 octobre 1990 et a servi de modèle pour les annonces faites par les bureaux de vente sur les autres marchés nationaux.

Les augmentations de prix notifiées aux clients par Feldmühle (et les fabricants auxquels il était associé au sein du groupe Stora, y compris Kopparfors), par Cascades et par M-M, correspondent tout à fait à celles indiquées dans la note de Rena, si ce n'est que M-M avait annoncé à l'origine un montant de 14 marks allemands au lieu de 12.

Le nouveau tarif de Iggesund Paperboard (Workington) Ltd (anciennement TBM) indiquant l'augmentation sur chaque marché national fait également apparaître une remarquable similitude avec la note obtenue auprès de Rena, tout comme une liste obtenue auprès de Fiskeby.

(89) Pour les autres fabricants, il n'a pas toujours été possible d'obtenir la série complète des lettres de notification des augmentations pour tous les marchés nationaux, mais les lettres de notification adressées aux clients et d'autres documents internes concernant les prix obtenus par la Commission, montrent que les fabricants ont appliqué les augmentations convenues lors de la réunion du JMC.

La note de Rena ne mentionnait aucune hausse de prix convenue pour l'Espagne, mais les principaux producteurs approvisionnant le marché espagnol (Cascades, Feldmühle, Finnboard, MoDo et Tampella Española) ont tous annoncé une augmentation de 5 pesetas espagnoles par kilogramme.

Alors que la majorité des fabricants avaient informé les clients que les nouveaux prix prendraient effet pour les livraisons à compter du début du mois de janvier 1991 (le 2 ou le 7 janvier), Finnboard a annoncé le 5 octobre 1990 des augmentations (6-7 % = 12 marks allemands ou équivalent) applicables sur tous les marchés à compter du 28 janvier.

L'augmentation d'Iggesund devait également prendre effet au Royaume-Uni le 28 janvier, un peu plus tard que sur les autres marchés. Il apparaissait de ce fait que l'initiative en matière de prix ne serait pleinement mise en œuvre qu'en février. Par la suite, l'entreprise a annoncé qu'elle reportait l'augmentation pour les qualités GC au 1er avril. L'initiative en matière de prix pour les qualités GD a été considérée comme un plein succès sur tous les marchés européens à la mi-janvier. Pour les qualités GC en revanche, il semble que le report de l'augmentation au 1er avril par Iggesund et la résistance générale de la clientèle au Royaume-Uni et en France aient retardé la mise en œuvre jusqu'au mois d'avril.

(90) Des données détaillées sur les augmentations des prix de catalogue appliquées par les fabricants ou notifiées aux clients par leurs filiales ou leurs agents commerciaux sur les différents marchés nationaux pour chacune des sept initiatives connues en matière de prix qui sont décrites aux considérants 74 à 89 sont fournies (dans la mesure où elles sont disponibles) dans l'annexe de la pré sente décision.

4. La mise en œuvre des décisions prises en matière de prix par le GEP Carton dans le cadre des réunions nationales

a) Généralités

(91) Le mandat du JMC comprenait la fixation de prix équivalents pour certains gros clients et l'établissement des modalités de mise en œuvre pays par pays des décisions du PWG en matière de prix pour les qualités GC et GD (première déclaration de Stora, page 8).

On ignore si, outre les réunions nationales de préparation au comité économique (considérant 50), il existait dans l'ensemble de l'Europe un système institutionnalisé de réunions locales organisées régulièrement dans chaque pays pour mettre en œuvre les augmentations préalablement décidées pour les différents marchés nationaux de la Communauté.

Il en était toutefois certainement ainsi sur plusieurs marchés nationaux importants, des documents ayant été trouvés chez plusieurs producteurs en ce qui concerne l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni.

b) Allemagne

(92) Une note découverte chez FS-Karton, qui date du début de 1991, rend manifestement compte du résultat d'une réunion avec d'autres producteurs, bien que cela ait été nié par Mayr-Melnhof.

La note concerne le marché allemand et elle couvre les qualités GD et GT. Elle évalue les pourcentages de part de marché détenus (en 1990) par le groupe M-M, Feldmühle, Buchmann, Weig, Europa Carton, Cascades, Laakmann, Saffa, Gruber & Weber et De Eendracht.

Après avoir indiqué, pour la plupart des fabricants susmentionnés, le nombre de commandes en carnet converties en journées de travail, elle se termine par un bref rapport sur les prix appliqués aux principaux clients en Allemagne.

c) France

(93) Pour la France, comme le montrent deux tarifs trouvés chez Cascades, des discussions approfondies ont eu lieu au cours desquelles les trois principaux fournisseurs - Aussedat-Rey (De Lancey), Béghin et Cascades - se sont mis d'accord sur les prix à appliquer à environ quatre-vingts clients à l'occasion des deux augmentations prévues en 1988. Les documents indiquent les "prix planchers définis après hausse" pour les qualités UC, GC1 et GC2 et comparent les anciens prix et les nouveaux prix applicables à chaque client après l'entrée en vigueur de l'augmentation.

Un autre document découvert chez Cascades - et qui se rapporte manifestement à la même initiative - indique le tonnage fourni par des producteurs désignés par les lettres "A", "B" et "C" à chaque client en France en 1987, ainsi que "le prix plancher à appliquer à chaque client" à partir du 1er mars 1988 pour les qualités UC, GC1 et GC2. ("A" désigne Aussedat-Rey, c'est-à-dire De Lancey, "B" Béghin et "C" Cascades).

Cascades admet que les trois producteurs français se sont rencontrés à Paris le 19 janvier et le 10 mai 1988, "afin d'analyser le marché français du carton" (réponse du 19 août 1991 en application de l'article 11).

Etant donné le contexte et le calendrier, l'exercice doit avoir fait partie du plan général de relèvement du niveau des prix du carton en deux étapes en 1988. Il implique la mise au point détaillée en France, client par client, des objectifs en matière de prix fixés au JMC (considérant 77).

Les agents de la Commission ont également découvert chez Cascades des tableaux indiquant les principaux clients de Cascades en France, ainsi que le tonnage fourni à chacun d'entre eux par différents producteurs pendant plusieurs périodes ou mois en 1988, avec une comparaison par rapport à l'année précédente.

Les producteurs cités dans ces tableaux sont Cascades, CBC (Stora), De Lancey, Feldmühle (Stora), FS-Karton (M-M), KNP, TBM (MoDo), Kopparfors (Stora), Finnboard, Djupafors et Duffel (les deux derniers appartenant maintenant à Cascades).

d) Royaume-Uni

(94) Au Royaume-Uni, la "Paper Agents Association" (PAA), qui représente les importateurs de carton, organisait régulièrement des réunions d'un groupe connu sous le nom de "Section 4", qui s'occupait du carton au sens de la présente décision. Des filiales des producteurs et des agents indépendants étaient représentées au sein de cet organisme. Les comptes-rendus officiels des réunions se veulent la relation (entre autres) de discussions concernant la situation du secteur ("State of trade") qui, bien que leur légalité soit contestable, sont présentées comme ayant un caractère plutôt général. Les notes confidentielles rédigées par trois participants différents à propos de certaines de ces réunions donnent une image très différente de ce qui s'y passait réellement.

Les participants étaient particulièrement nombreux à une réunion qui s'est tenue le 23 janvier 1990 et dont l'un des principaux thèmes était l'augmentation des prix qui devait avoir lieu en avril. Il s'agissait de l'initiative prévue lors de la réunion du JMC décrite dans la note de FS-Karton du 11 janvier 1990 (considérant 84). La note confidentielle rédigée par Kopparfors concernant la réunion de la PAA en dit un peu plus à ce sujet que le compte rendu officiel. Après avoir noté que les représentants d'Iggesund (MoDo) et ceux de M-M avaient indiqué qu'ils avaient pour politique de recourir à des arrêts de production plutôt que de baisser les prix, le mémorandum poursuit de la manière suivante :

"Prix. Iggesund vient d'annoncer une augmentation de 9,5 % à partir du 1er avril; Finnboard a indiqué que ses prix augmenteraient également mais a refusé de donner un chiffre. Saffa procédera également à une augmentation de 45 livres sterling par tonne."

La lettre d'Iggesund annonçant l'augmentation de 9,5 % pour le Royaume-Uni était datée du 11 janvier. Finnboard a donné instruction à ses bureaux de vente au Royaume-Uni le 25 janvier d'envoyer des lettres aux clients avant le 31 janvier pour annoncer une augmentation de 10 % (8) pour les cartons d'emballage et de 8,5 % pour les cartons à usage graphique, alors que le chiffre de 45 livres sterling apparemment mentionné par Saffa lors de la réunion correspond à l'augmentation du prix du GD indiqué dans la liste obtenue de Rena et figure dans sa lettre aux clients datée du 22 janvier 1990.

Les producteurs dont les agents ou filiales étaient présents à la réunion sont les suivants : Badische (KNP), CBC (Stora), Cascades, De Eendracht, Deisswil (M-M), Feldmühle (Stora), Finnboard, Fiskeby, Kopparfors (Stora), Laakmann, M-M, MoDo, Rena, Sarriò-Saffa et Weig.

(95) La note rédigée par le représentant de M-M Pegg à propos de la réunion suivante de la PAA, qui s'est tenue le 4 avril 1990, et qui a été adressée à M-M à Vienne, est de la même veine :

"Thames Board (Iggesund) 3 semaines de délai. Demande britannique plus faible qu'à la même époque en 1989. Temps d'arrêt préférés à des baisses de prix. Augmentation de prix d'avril pleinement appliquée.

Finnboard 20/25 jours de délai. Augmentation de prix d'avril appliquée. Préfère également temps d'arrêt à baisse des prix..."

L'auteur remarque : "Ces notes indiquent la réponse de chaque cartonnerie. Cela m'intéresserait de savoir s'il y a des différences par rapport aux informations que vous recevez des cartonneries elles-mêmes.(9) Ce serait utile pour la prochaine réunion (PAA) du 27 juin".

Etaient présents à la réunion du 4 avril 1990 les agents ou les filiales commerciales de Badische (KNP), Cascades, Deisswil (M-M), Finnboard, Fiskeby, De Eendracht, Laakmann, M-M, MoDo, Saffa et Kopparfors (Stora).

(96) Des notes internes rédigées par Iggesund Board Sales (la société de vente britannique pour les qualités graphiques) au sujet de la réunion de la PAA qui s'est tenue le 18 septembre 1990 confirment que des discussions approfondies ont eu lieu sur la position des différents producteurs et sur la mise en œuvre de l'augmentation des prix qui avait été décidée lors de la réunion du JMC du 6 septembre.

Les producteurs suivants étaient représentés à cette réunion, soit par leur filiale commerciale soit par leur agent : Badische (KNP), Cascades, Deisswil (M-M), Finnboard, De Eendracht, Laakmann, M-M, MoDo, Rena, Saffa, Stora et Weig.

(97) Une autre note découverte chez Iggesund Board Sales au cours des vérifications indique clairement l'existence d'une collusion en matière de prix entre les producteurs de cartons couchés à usage graphique (dont le SBS et le GC de qualité supérieure) à l'occasion de l'augmentation de prix qui est entrée en vigueur au Royaume-Uni le 2 avril 1990. Outre un certain nombre de notes concernant le montant de l'augmentation de prix, deux références aux "presidents" et une mention de "Enso/Finnboard/Stromsdahl", la note contient une liste de noms de cadres commerciaux ou de directeurs de Iggesund, Kopparfors, Enso-Gutzeit et Finnboard. Ces producteurs sont les principaux fournisseurs de qualités graphiques au Royaume-Uni.

En réponse à une demande de renseignements en application de l'article 11, MoDo a soutenu que, en utilisant le terme "presidents", l'auteur n'a fait que citer un collègue suédois qui désignait ainsi les cadres supérieurs des sièges sociaux en Finlande et en Suède des concurrents d'Iggesund, dont il pensait qu'ils avaient l'habitude d'accompagner le personnel de vente local au Royaume-Uni lorsqu'il rendait visite aux clients pour négocier les prix.

Rien n'indique l'existence d'une telle pratique dans les documents obtenus par la Commission.

L'auteur de cette note assiste régulièrement aux réunions de la PAA. Il était présent aux réunions des 23 janvier et 4 avril 1990, c'est-à-dire lorsque l'augmentation des prix du 2 avril a été programmée et mise en œuvre. Iggesund situe la note entre le 3 et le 14 janvier 1990, c'est-à-dire à une date très proche de la réunion du JMC au cours de laquelle l'ordre selon lequel les "annonces" de prix devaient être faites par les grands producteurs (dont Iggesund) a été communiqué aux autres participants à l'entente (considérant 84). La lettre de notification d'Iggesund pour les qualités d'emballage a été envoyée le 11 janvier, mais selon un mémorandum interne, il était prévu de "laisser les qualités graphiques attendre encore une semaine ou deux et de voir ce qui se passe".

Il existe un certain nombre de similitudes frappantes entre les prix pour le Royaume-Uni qui figurent dans cette note, ceux indiqués dans la note de M-M du JMC du 11 janvier 1990 (considérant 84) et ceux figurant dans la note de Kopparfors du 23 janvier 1990 concernant la PAA.

Les fournisseurs de carton de qualité graphique mentionnés dans la note d'Iggesund ont tous augmenté leurs prix de catalogue pour le Royaume-Uni de montants similaires ou identiques.

Les explications laborieuses fournies par MoDo sur les sens du terme "presidents" et son affirmation selon laquelle "la note n'envisage ni ne concerne en aucun cas une éventuelle prise de contact entre les sociétés Iggesund et les personnes citées" ne peuvent être retenues à la lumière de toutes les preuves écrites de l'existence d'une collusion dont il est fait mention dans la présente décision.

(98) La PAA était l'association professionnelle des importateurs de carton. Les trois seuls fabricants qui ont des installations de production au Royaume-Uni - TBM [devenu par la suite Iggesund Paperboard (Workington) Ltd], Reed P & B (qui devait faire partie plus tard du groupe SCA) et Newton Kyme (qui fait maintenant partie de Stora) - avaient leur propre association professionnelle distincte, l'"Association of Cartonboard Manufacturers" (ACBM).

Comme ceux de la PAA, les comptes rendus officiels de cette association montrent qu'elle s'occupait également d'examiner (entre autres) la "situation du marché" : les trois producteurs échangeaient des informations détaillées sur leurs carnets de commandes respectifs, les temps d'arrêt prévus et les niveaux de production.

Ces comptes-rendus officiels ne font état d'aucune discussion concernant la fixation des prix en tant que telle, bien que plusieurs des cadres qui représentaient TBM et Reed P & B aux réunions de l'ACBM soient également ceux qui représentaient ces sociétés au JMC ou à la "President Conference".

(99) Lorsqu'ils ont reçu de la "British Carton Association" (BCA, association représentant les clients), le compte-rendu d'une réunion mixte ACBM/BCA qui s'est tenue le 19 octobre 1990, les membres de l'ACBM ont protesté fermement contre certains passages (relativement anodins) du compte-rendu qui mentionnaient le calendrier des augmentations de prix. L'affaire a été examinée lors de l'assemblée générale annuelle de l'ACBM tenue le 6 décembre 1990, à laquelle ont participé, en qualité de représentants du groupe Iggesund et de SCA (qui avait repris Reed P & B), des personnes qui avaient régulièrement assisté aux réunions du JMC. A cette époque, les membres de l'ACBM était parfaitement informés de la plainte déposée devant la Commission par la BPIF. Il a été décidé que des lettres fermes de réfutation devaient être adressées à la BCA à la fois par un administrateur de TBM, à qui certaines des remarques contestées avaient été attribuées, et par le nouveau président de l'ACBM (qui était également administrateur de TBM).

La première lettre soulignait que :

"... les démarches récentes de la BPIF nous ont, une fois encore, rappelé que nous devons nous montrer scrupuleux en ce qui concerne les thèmes que nous examinons en présence de nos concurrents et la manière dont ces discussions sont consignées sur papier".

Dans la seconde lettre, le président de l'ACBM soutenait également que le compte-rendu ne reflétait pas fidèlement les discussions conjointes et il poursuivait en faisant la même observation que son collègue :

"Compte tenu des événements récents, l'ACBM estime qu'il faut absolument que toutes les réunions de ce type soient strictement conformes aux règles de concurrence européennes et soient perçues comme telles. L'ACBM s'est montrée particulièrement préoccupée par le fait que, à la dernière réunion mixte, la BCA a soulevé la question du calendrier des révisions de prix. Nous pensons que de telles discussions pourraient être interprétées par d'autres comme n'étant pas strictement conformes aux règles de la Communauté."

Les "événements récents" étaient à l'évidence la plainte déposée devant la Commission par le BPIF et la publicité qui l'avait entourée. Il n'existe pas de preuve directe que l'ACBM servait de forum pour la fixation des prix, mais plusieurs de ses membres étaient représentés par des personnes qui assistaient aussi aux réunions du JMC. On peut dès lors se demander si ses membres veillaient aussi scrupuleusement à éviter le thème des prix lors des réunions que le suggèrent les lettres ci-dessus. Ce que l'épisode démontre amplement, c'est que les représentants d'Iggesund au Royaume-Uni et de Reed P & B (qui faisait alors partie de SCA) qui assistaient aux réunions du JMC avaient parfaitement connaissance des dispositions de l'article 85.

5. Les effets des initiatives concertées en matière de prix sur le niveau des prix

(100) Les instructions "internes", les lettres de notification envoyées aux clients et d'autres documents concernant les prix de la plupart des fabricants de carton pour la période couverte par la présente décision ont été obtenus lors des vérifications ou ultérieurement, en application de l'article 11. Bien que la documentation comporte certaines lacunes, les lettres de notification (voir annexe) montrent que les fabricants de carton avaient adopté de manière invariable la pratique consistant à appliquer les augmentations des prix qui avaient été convenues et programmées en détail lors de réunions du GEP Carton.

La documentation montre également que le système de prix dits "équivalents" ou "paneuropéens" avait été mis en œuvre, des prix de catalogue similaires étant introduits simultanément dans toute l'Europe.

(101) Comme le montrent leurs documents internes concernant la fixation des prix, les producteurs ne se contentaient pas d'annoncer les augmentations de prix convenues mais, à quelques exceptions près, ils prenaient également des mesures concrètes pour faire en sorte qu'elles soient effectivement imposées aux clients. La plupart des initiatives en matière de prix ont été considérées comme des réussites. Si elle n'a pas fait augmenter les prix nets moyens du montrant prévu, la première hausse de 1988 a malgré tout permis d'inverser la tendance à la baisse des prix et d'éliminer les prix très bas et les écarts de prix extrêmes.

En 1989 et en 1990, l'objectif déclaré de relever de 15 % les niveaux de prix effectifs a été atteint.

En de nombreuses occasions, les producteurs ont réussi à faire payer au client le montant total de l'augmentation. Bien entendu, cela ne signifie pas que le montant net moyen perçu par tonne par chaque producteur a immédiatement augmenté du montant total de la hausse de prix annoncée.

Il est vrai que, en principe, la hausse était normalement annoncée comme une augmentation forfaitaire (par exemple 15 marks allemands par 100 kilogrammes) applicable à tous les clients, quel que soit le prix qu'ils payaient effectivement. Il n'en reste pas moins que la structure des prix du carton est complexe et qu'une augmentation d'un montant donné du prix de base (pour des lots de 10 ou 15 tonnes) peut en fait se traduire par une augmentation un peu moins importante du prix net final une fois déduites les remises et les ristournes.

En outre, la pratique consistant à annoncer une augmentation plusieurs mois à l'avance (de manière à ce que les clients puissent à leur tour répercuter la hausse sur les utilisateurs finals) pouvait également inciter les clients à tenter de négocier avec les producteurs l'importance de l'augmentation de prix annoncée avant son entrée en vigueur, bien que (a) la notification pratiquement simultanée de la même augmentation par tous les producteurs dans toute l'Europe occidentale ait réduit la capacité de la clientèle d'opposer tel fournisseur potentiel à tel autre et que (b) la publicité donnée par les producteurs à l'équilibre entre l'offre et la demande à partir de 1988 ait bien fait comprendre aux clients la détermination commune des producteurs à mettre en œuvre les augmentations.

Même si tous les producteurs restaient déterminés à appliquer intégralement l'augmentation, les possibilités qu'avaient les clients de passer à une qualité ou à un produit moins onéreux pouvaient amener certains producteurs à faire à leurs clients traditionnels des concessions sur la date d'entrée en vigueur des augmentations ou à leur consentir un avantage supplémentaire sous la forme de rabais ou de réduction en cas de grosse commande, pour leur faire accepter l'intégralité de l'augmentation du prix de base. Il était par conséquent inévitable que les augmentations de prix ne puissent faire sentir immédiatement tous leurs effets.

(102) Plusieurs cas de "résistance" ouverte des clients à l'égard d'une augmentation de prix proposée ont été enregistrés, et bien que l'augmentation ait finalement été appliquée, tous les producteurs n'ont pas adopté une attitude de fermeté : certains ont retardé l'application ou réduit le montant annoncé.

Il ressort des documents que, à certaines occasions, ou sur certains marchés nationaux en particulier, des producteurs - que ce soit ou non à dessein - ont tardé à suivre les "chefs de file". Un mécanisme était toutefois prévu pour régler de tels cas. Ainsi, l'un des objectifs du PWG consistait, en cas de difficultés, à "créer le degré de coopération jugé nécessaire", ce qui n'est peut-être qu'une manière euphémique de dire que l'on exerçait des pressions sur ceux qui donnaient l'impression de traîner (considérant 45).

Même si une initiative en matière de prix était considérée comme un succès total par les producteurs participants, l'augmentation nette perçue en moyenne après déduction des réductions, rabais et autres concessions était donc toujours inférieure au montant total de l'augmentation annoncée.

F. GEP CARTON APRES LES VERIFICATIONS

1. La poursuite des réunions du JMC et du PWG

(103) Après les vérifications effectuées par la Commission en avril 1991, le GEP Carton a continué de se réunir pendant un certain temps. Des réunions du JMC ont eu lieu les 3 et 10 juillet 1991, avec la participation de Finnboard, Cascades, M-M, Sarriò et de deux producteurs du groupe Stora, CBC et Stora Billerud (anciennement Feldmühle). Aucun des petits producteurs n'était présent.

Pour la première fois, les réunions du JMC ont fait l'objet d'un compte rendu officiel. Ces comptes-rendus ne peuvent cependant être considérés comme reflétant les discussions d'une manière exacte et complète. A l'époque, les participants n'avaient aucune raison de penser que la direction de Stora en Suède était sur le point d'admettre avoir participé à une infraction grave à l'article 85. L'enquête de la Commission et ses implications doivent avoir été l'un des principaux sujets de préoccupation, or il n'en est absolument pas fait mention dans les comptes-rendus.

Même au vu des comptes rendus du JMC, il apparaît que certaines discussions sur l'état du marché ont eu lieu lors de ces deux réunions, malgré le caractère plutôt général donné à ces comptes rendus (comme c'est le cas pour ceux du PWG à partir de février 1990).

La réunion suivante du JMC était prévue pour le 11 septembre 1991, mais elle a été brusquement annulée, sans aucun doute dès que le secteur a appris que Stora avait décidé de reconnaître l'infraction.

(104) La "President Conference" et le PWG se sont, en revanche, encore réunis aux dates suivantes :

12 septembre 1991 : PWG, President Conference

5 novembre 1991 : PWG, President Conference

27 novembre 1991 : PWG

8 janvier 1992 : President Conference

11 mai 1992 : PWG

10 juin 1992 : PWG, President Conference.

Il est très possible que, à partir de ce moment (comme l'ont soutenu certains producteurs), les "presidents" se soient principalement occupés de la réorganisation du GEP Carton et du programme statistique (voir aussi le compte rendu du PWG du 27 novembre 1991). La "situation du marché" a néanmoins de nouveau été examinée et analysée lors de la "President Conference" du 8 janvier et lors d'une assemblée générale extraordinaire tenue le 11 mars 1992.

En l'absence de preuves directes attestant que, même après que leur pratique a été découverte, les producteurs ont délibérément maintenu en vigueur une entente patente sur les prix, la Commission agira dans la présente affaire en postulant que les discussions sur "les conditions du marché" se sont déroulées de la manière décrite dans les comptes rendus officiels des réunions, c'est-à-dire que le sujet des prix n'y a pas été directement abordé et que la position des différents producteurs n'y a pas été divulguée.

Lors de la réunion du PWG du 5 novembre 1991, il a été décidé de mettre fin aux activités de la Fides en tant que secrétariat du GEP Carton à partir d'une date à déterminer. A l'avenir, cette fonction allait être exercée par la nouvelle organisation CEPI qui devait être créée à Bruxelles.

2. La réorganisation du système d'échange d'informations

(105) Le 27 novembre 1991, sur la base de conseils juridiques, le PWG a décidé de réorganiser l'échange de statistiques à partir du 1er janvier 1992. La Fides devait cependant continuer d'assurer les échanges de statistiques sous leur ancienne forme, jusqu'à ce que le nouveau bureau ait pu établir son propre système.

Une assemblée générale extraordinaire du GEP Carton (rebaptisé depuis "Industry Sector Cartonboard") s'est tenue à Bruxelles le 11 mars 1992. La première assemblée générale du groupe "Carton" de la nouvelle organisation a eu lieu le 11 juin 1992. Les "membres fondateurs" de la section Carton de la CEPI étaient Cascades, Finnboard, Iggesund Paperboard AB, Mayr-Melnhof GmbH, Stora Billerud GmbH et Sarriò SA. Les autres membres étaient, pour l'essentiel, les producteurs qui faisaient partie auparavant du GEP Carton.

(106) La réorganisation des échanges de statistiques impliquait certaines modifications de l'ancien système de la Fides.

i) Le "cartonboard consumption summary" (relevé de la consommation de carton) devait être ventilé en huit qualités au lieu de deux comme précédemment.

ii) Les "quick statistics" (statistiques rapides) concernant la consommation, la production et les livraisons [appendices 150 b) et c)] devaient être supprimées.

Il avait été proposé de maintenir les statistiques rapides, mais de les ventiler en trois groupes (Belgique/Pays-Bas/Royaume-Uni/France/Allemagne/Autriche/Suisse ; Italie/Espagne/Scandinavie) et non plus pays par pays.

Cette proposition a été rejetée, car les producteurs ont estimé que, présentées sous cette forme, les informations n'avaient aucun intérêt.

iii) Les "market statistics" (statistiques du marché) indiquant, pour chaque marché national, les livraisons de chaque qualité en provenance de chacun des autres pays européens, ainsi que les parts de marché, ont été supprimées pour la même raison que les statistiques rapides.

iv) Les "consumption statistics" (statistiques de consommation) mensuelles ont été supprimées pour la même raison.

v) Les statistiques sur les "order inflows" (entrées de commandes) devaient, pour leur part, être maintenues jusqu'à nouvel ordre.

vi) Le "substance breakdown report" (ventilation de la production par catégories de poids) devait devenir annuel au lieu de semestriel et il ne devait plus contenir de ventilation par pays producteurs.

vii) Le "machine inventory" (inventaire des machines), publié pour la dernière fois en 1989, devait être abandonné.

viii) Le "capacity report" (rapport concernant les capacités) ne devait plus être établi machine par machine, mais seulement indiquer la capacité totale et le taux d'utilisation pour l'industrie dans son ensemble.

G. APPRECIATION DES ARGUMENTS DE FAIT DES FABRICANTS

1. Les moyens de défense des fabricants

(107) Parmi les fabricants destinataires de la présente décision, un grand nombre n'ont pas cherché, dans leurs observations écrites, à contester les principales allégations de fait présentées contre eux dans la communication des griefs.

Buchmann, Europa Carton, Fiskeby, KNP, Papeteries de Lancey, Rena, Sarriò, Stora, Tampella Española et Weig entrent dans cette catégorie.

(108) Parmi les grands producteurs de carton identifiés par la Commission comme étant les meneurs de l'entente du fait de leur position au sein du PWG, Cascades a cherché, dans ses observations écrites, à minimiser le rôle décisionnel de cet organe (dont elle pouvait difficilement nier avoir été membre). Cascades a également soutenu que "nonobstant toute indication contraire", elle a toujours "adopté un comportement indépendant vis-à-vis de ses concurrents".

Dans ses observations écrites, MoDo dépeint la communication des griefs comme étant basée presque exclusivement sur les différentes déclarations faites par Stora et elle conteste les motifs qui ont poussé cet autre producteur suédois à fournir des informations détaillées à la Commission. Selon MoDo, Stora a intérêt à nuire à ses concurrents par le jeu de l'atteinte portée à leur réputation et de l'effet d'éventuelles amendes : son témoignage ne peut donc pas être pris en considération, car il ne peut être que tendancieux. MoDo a également affirmé que la Commission n'avait pas exclu le simple parallélisme des comportements sans accord ou concertation comme explication des faits reprochés. (Par la suite, lors de l'audition orale, MoDo a admis que "certaines discussions concernant les prix annoncés qui étaient contraires à l'article 85 paragraphe 1 ont eu lieu pendant la période couverte par la communication des griefs", tout en niant l'existence de toute infraction en ce qui concerne le contrôle des volumes ou le partage du marché.)

M-M nie avoir été l'un des meneurs d'une entente, bien qu'elle non plus ne puisse nier ni sa participation au PWG ni le fait que son directeur général a été pendant une partie de la période concernée président du GEP Carton. Elle cherche à dépeindre le GEP Carton comme une association professionnelle légitime, dont il est possible que les membres aient, occasionnellement et sans avoir souscrit à un plan concerté, franchi le pas qui sépare un échange légitime d'un échange illégitime d'informations. M-M assure qu'il n'a jamais été question d'accords ou d'un "cartel classique". Ainsi, selon M-M, les grands producteurs n'ont pas "mis en scène" les initiatives en matière de prix en convenant à l'avance des dates auxquelles chacun annoncerait l'augmentation : il se peut néanmoins qu'ils se soient simplement informés mutuellement de décisions que chacun avait déjà prises de manière indépendante. Il n'était pas question non plus (selon M-M) de véritable engagement : après avoir quitté la réunion, chaque producteur faisait ce qu'il voulait. Loin d'être un organe décidant de tout, le JMC (par exemple), selon les dires de M-M, avait été établi comme un simple lieu de "parlotte" ("ein Gremium, das geschaffen wurde, damit die Leute sich ausquatschen können").

(109) La société Kartonfabriek De Eendracht a soutenu que les réunions de la "President Conference" et du JMC étaient de simples mondanités ("social occasions"). Laakmann a soutenu que son directeur général était attiré par les réunions de la "President Conference" en raison de leur caractère convivial et parce qu'elles se tenaient dans un endroit agréable, mais que sa connaissance insuffisante de l'anglais ne lui permettait guère de suivre les discussions. Gruber & Weber a admis, pour sa part, que les prix appliqués aux gros clients avaient été discutés lors de réunions, tout en soutenant que le sujet ne l'intéressait pas car elle n'avait que des petits clients. De Eendracht a également affirmé que, même si elle avait assisté à certaines réunions du GEP Carton, tout alignement de ses prix sur ceux de ses concurrents n'était imputable qu'au fait qu'elle observait le comportement de ceux-ci en matière de prix sur le marché. D'autres producteurs que De Eendracht ont soutenu avoir été informés des augmentations de prix en lisant la presse ou en prenant connaissance chez leurs clients des lettres de notifications émanant de leurs concurrents.

Parmi les autres petits producteurs, un certain nombre ont admis avoir pu participer à des discussions ou des accords sur les prix, mais ils ont insisté sur le fait qu'ils n'ont, pour leur part, adhéré à aucun plan de régulation des volumes. Ils soutiennent que, quoi que les autres aient pu faire, ils n'ont, quant à eux, jamais accepté de restreindre leur programme de production.

(110) Plusieurs producteurs ne se sont pas limités à contester les éléments factuels sur lesquels se fondait la communication des griefs, mais ils ont cherché à faire fond sur une analyse économique de l'industrie du carton qu'ils ont fait réaliser par une société de consultants spécialement pour les besoins de la présente procédure. Neuf producteurs (dont Sarriò, qui s'est en fait désolidarisé par la suite des conclusions de l'étude) avaient souscrit à l'analyse, qui concluait (notamment) :

- que les variations de prix dans l'industrie s'expliquaient par les fluctuations des coûts unitaires et de la demande,

- qu'il n'existait qu'une vague corrélation entre les augmentations de prix annoncées et les fluctuations des prix effectivement payés par les clients.

Selon l'auteur de l'étude, les initiatives de prix reflétaient, de la part du fabricant, une "aspiration" ou une intention de procéder à une augmentation qui pouvait ne pas être mise à exécution dans la pratique. Des comparaisons ont été établies entre les données sur les prix concernant cent treize clients et les initiatives identifiées par la Commission : bien que les différences apparaissent entre les segments GC et GD du marché, le prix moyen perçu exprimé aussi bien en écus que dans les monnaies nationales était toujours inférieur au prix de catalogue.

Les producteurs concernés soutiennent que l'étude conforte leur affirmation selon laquelle quels qu'aient été les sujets abordés lors des réunions (et plusieurs d'entre eux ont contesté l'évaluation des éléments de preuve faite sur ce point par la Commission : considérants 108 et 109), ces discussions n'ont eu aucune incidence sur le niveau effectif des prix, qui était déterminé par le jeu normal des forces du marché.

2. L'appréciation de la Commission

(111) Les différents arguments des producteurs ont été appréciés à la lumière des preuves écrites disponibles.

Il est significatif que, dans leurs observations écrites, près de la moitié des destinataires de la communication des griefs, soit n'ont pas contesté quant au fond la matérialité des faits soulevés à leur encontre, soit ont fait des aveux importants. Dans les deux cas, et indépendamment des aveux qu'ils ont pu faire, les preuves à la charge des producteurs concernés ne laissent planer aucun doute sur leur participation.

La Commission ne voit cependant pas dans le fait que certains producteurs n'ont pas contesté les faits qui leur sont reprochés une preuve qu'elle pourrait opposer aux autres producteurs soupçonnés d'avoir participé à l'entente.

Elle n'a pas non plus (contrairement à ce qu'ont prétendu certaines entreprises) fondé sa communication des griefs uniquement sur les déclarations faites par Stora. Aucune raison crédible ne permet en fait de soupçonner Stora de trahir la vérité : en effet, loin de tenter de rejeter la faute sur les autres, les déclarations faites par Stora montrent très clairement que les sociétés lui appartenant (en particulier l'ancienne société Feldmühle) étaient parmi les meneurs. Ses déclarations vont à l'encontre de ses propres intérêts, ce qui les rend tout à fait crédibles.

(112) Indépendamment des déclarations de Stora, les preuves documentaires obtenues par la Commission lors des vérifications sont elles aussi accablantes. Il est bien reconnu dans la jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance que les membres d'ententes passibles de sanctions importantes en vertu des règles de concurrence de la Communauté ne consignent pas leurs accords illégaux dans des contrats en bonne et due forme mais se contentent d'assurances verbales données au cours de réunions sectorielles secrètes. Les comptes rendus écrits de leurs contacts peuvent être détruits. Pour prouver l'existence et établir les conditions d'un accord, la Commission devra s'en remettre, dans une plus ou moins grande mesure, à des preuves indirectes. Il existe en l'espèce une quantité considérable de preuves tant directes qu'indirectes de l'existence d'un accord exprès entre les producteurs. La Commission se fonde en particulier sur les éléments suivants :

- l'établissement d'un système institutionnalisé de rencontres régulières au sein du GEP Carton, qui constituait le cadre d'une collusion permanente,

- l'absence totale de tout compte-rendu officiel, de toute invitation ou de tout autre rapport établi à l'époque au sujet des délibérations du PWG et du JMC,

- le document de M-M décrivant en détail l'accord de 1987 sur les parts de marché et la discipline des prix (considérants 53 à 55),

- les documents trouvés chez Cascades indiquant que des prix planchers ont été fixés pour 1988 (considérant 77),

- les notes circonstanciées concernant quatre réunions du JMC (apparemment établies au mépris du règlement intérieur) obtenues de FS-Karton et Rena (considérants 80, 82 et 84 à 87),

- la note confidentielle établie par M-M/FS-Karton sur la réunion du comité économique du 3 octobre 1989 (considérant 50),

- les trois listes de prix obtenues de Finnboard et de Rena (considérants 79, 80 et 83),

- les notes provenant de sources différentes concernant les réunions, qui décrivent la mise en œuvre de l'entente au niveau national (considérants 91 à 97) ainsi que la note sur la réunion d'Arlanda (considérant 58),

- la concordance presque parfaite des dates et des montants des augmentations de prix appliquées par les différents producteurs sur les divers marchés nationaux.

(Cette liste n'est pas exhaustive.)

(113) Même en faisant abstraction des preuves documentaires de la collusion et des déclarations détaillées de Stora, l'uniformité des augmentations de prix annoncées par les producteurs de carton et la simultanéité de leur application sur les différents marchés nationaux de l'Europe occidentale pendant une période couvrant plusieurs années sont si frappantes que l'on aurait presque inévitablement été amené à en déduire l'existence d'une collusion préalable.

S'ajoutant aux pièces à conviction obtenues de différentes sources, en particulier Mayr-Melnhof/FS-Karton, Cascades et Rena, le scénario constant des initiatives en matière de prix de l'industrie entre 1987 et 1991 ne laisse planer absolument aucun doute sur le fait que ces initiatives étaient prévues, organisées et surveillées par un cartel européen de producteurs.

Il est à remarquer dans la présente affaire que les principaux éléments de preuve recueillis par la Commission sont tous étayés et corroborés par des documents trouvés chez d'autres producteurs. La déclaration faite par Stora est confirmée dans ses principaux points par les documents trouvés chez (ou fournis par) FS-Karton, Cascades, Finnboard, Rena et plusieurs autres. On peut par conséquent réfuter comme étant tout à fait invraisemblable l'argument de certains (mais non de tous) producteurs selon lequel les réunions des "presidents" et du JMC ne concernaient que des sujets anodins. Les seules traces écrites des réunions du JMC qui ont pu être obtenues ne laissent planer aucun doute au sujet de l'objectif et du contenu de ces discussions. Bien que toutes les notes relatives à des réunions du JMC obtenues par la Commission concernent toutes les qualités GC, elles peuvent, en l'absence de toute autre trace écrite, être considérées comme représentatives des réunions tenues au sujet du GD, ainsi que du thème des réunions du JMC d'une manière générale. En effet, en réponse à des questions posées lors de l'audition, le représentant de M-M a admis que les notes en question étaient représentatives de ce qui se passait lors de ces réunions. La note confidentielle établie par M-M lors du comité économique du 3 octobre 1989 peut également être considérée comme un indice de la véritable nature des délibérations de cet organe.

(114) La Commission réfute l'argument présenté par certains producteurs selon lequel il n'y a pas eu de contrôle des volumes. En effet, la politique du "prix avant le tonnage", au sujet de laquelle les preuves documentaires sont nombreuses, constituait la base même de l'entente, dont elle a d'ailleurs assuré la réussite.

L'accent mis par M-M sur le fait que les producteurs qui assistaient aux réunions du cartel n'acceptaient aucun "engagement" en ce qui concerne leur comportement futur est en totale contradiction avec les comptes-rendus internes de la société et avec la masse des autres preuves écrites, ainsi qu'avec le scénario invariable de l'annonce par tous les participants des augmentations de prix qui avaient été préalablement décidées lors de réunions du GEP Carton. L'engagement conscient et volontaire des participants en faveur d'un système commun est bien établi. Pour leur part, les dirigeants de M-M ont toujours donné à leur force de vente des instructions strictes selon lesquelles les augmentations de prix devaient être appliquées sans exception.

Il est également vain pour certains des autres producteurs (par exemple MoDo, De Eendracht) qui participaient aux réunions du JMC ou même du PWG de soutenir que le phénomène prouvé des initiatives en matière de prix auquel tous les producteurs ont participé entre 1987 et 1991 résultait non d'une collusion mais des forces naturelles du marché : leurs assertions non étayées sont en totale contradiction avec les preuves écrites de la fixation de prix lors des réunions du GEP Carton. L'argument de certains producteurs selon lequel ils se contentaient de suivre des augmentations de prix dont ils avaient légitimement eu connaissance par la lecture d'articles de presse ou de lettres de leurs concurrents peut être également rejeté. Certes, il est exact que des lettres annonçant des augmentations de prix émanant de concurrents ont été trouvées chez un certain nombre de producteurs, mais à la lumière des preuves directes de collusion, on ne peut y voir une "explication innocente" du parallélisme étroit des comportements en matière de prix. Quoi qu'il en soit, il était évident que, dans certains cas du moins, ces lettres avaient été obtenues directement des concurrents et non des clients. En outre, il était de pratique courante que certains producteurs attendaient d'avoir la preuve tangible que les autres avaient "bougé" avant de procéder eux-mêmes à l'augmentation prévue. Les lettres de notification de leurs concurrents constituaient cette preuve (deuxième déclaration de Stora, page 17). En fait, les producteurs qui étaient en possession de lettres de notification émanant de leurs principaux concurrents étaient très actifs au sein du JMC, du PWG ou des deux et ils ne peuvent guère prétendre avoir ignoré les activités de ces organes.

(115) Quant à l'étude sur les prix réalisée par la société de conseil économique, elle n'a qu'une valeur probante limitée face aux preuves documentaires de fixation des prix et de répartition du marché recueillies par la Commission. L'auteur de l'étude a admis franchement lors de l'audition que ses conclusions n'excluaient en rien l'existence d'une entente.

Si l'étude de marché avait simplement pour but de montrer que l'entente était sans effet, elle ne remplit pas non plus cet objectif. La Commission n'a jamais prétendu que les prix effectivement appliqués augmentaient du montant total de la majoration proposée pour tous les clients le premier jour de l'entrée en vigueur des nouveaux prix et il serait irréaliste de s'attendre à ce qu'il en soit ainsi (considérants 101 et 102). Les différents graphiques contenus dans l'étude économique réalisée pour le compte des producteurs [et sur laquelle ils se fondent pour soutenir qu'il n'existait pas de rapport de cause à effet entre le prix "annoncé" et le prix "réel"(10)] indiquent en réalité une étroite relation linéaire entre les deux séries de données, aussi bien en valeur absolue, dans les monnaies nationales, qu'en termes réels, après conversion en écus (considérant 21). Les augmentations nettes des prix obtenues suivaient étroitement les augmentations annoncées, fût-ce avec un certain retard. L'auteur du rapport a lui-même reconnu pendant l'audition qu'il en a été ainsi en 1988 et 1989. On ne peut que s'attendre à ce que, compte tenu des accords particuliers, des réductions et des concessions faites sur la date d'entrée en vigueur - et dans certains cas de la résistance de la clientèle - les augmentations nettes appliquées restent légèrement en deçà de celles qui avaient été annoncées. Le recours à des augmentations "moyennes" tend également à masquer le fait que dans de nombreux cas, les producteurs ont réussi à faire payer au client le montant intégral de l'augmentation annoncée.

Les arguments présentés par plusieurs producteurs en ce qui concerne l'importance de leur participation à l'infraction sont examinés dans la section suivante de la présente décision.

H. PARTICIPATION DES DIFFERENTS PRODUCTEURS

(116) Il est nécessaire d'établir la participation à l'infraction de chacun des destinataires de la présente décision. A cet effet, il ne faut toutefois pas nécessairement, comme certaines entreprises l'ont fait valoir, disposer de preuves directes attestant que chaque participant présumé a expressément donné son consentement ou commis un acte manifeste de soutien à chacun des aspects ou à chacune des manifestations de l'entente pendant toute la durée de celle-ci. Des raisons de droit matériel et d'ordre pratique s'opposent à une approche aussi fragmentée.

L'infraction consiste, pour l'essentiel, dans l'association de producteurs pendant plusieurs années au sein d'une entreprise conjointe illégale poursuivant un objectif commun. La collusion sur les prix et le contrôle des volumes étaient des aspects inextricablement liés du même plan global. La Commission admet sans restrictions que par leur nature même, les accords de répartition du marché (en particulier le gel des parts de marché décrit aux considérants 56 et 57) concernent principalement les gros producteurs. Rien n'indique toutefois que les entreprises aient pu sélectionner les aspects de l'entente auxquels elles souhaitaient participer et renoncer à d'autres. Même les petits producteurs participaient à la surveillance du niveau des commandes en carnet, qui était essentielle pour déterminer l'opportunité d'une augmentation de prix concertée. De même, les différentes initiatives en matière de prix ne doivent pas être considérées comme une série d'infractions distinctes, mais au contraire comme la mise en œuvre du même "accord-cadre".

Certains entreprises ont argué du fait qu'il n'y avait aucune preuve documentaire formelle attestant qu'elles avaient réellement participé à l'une ou l'autre initiative en matière de prix ou que les documents disponibles à leur sujet ne faisaient état d'augmentations que sur certains marchés nationaux mais non sur d'autres. D'autres (qui étaient membres du PWG) ont déclaré qu'il n'y avait aucune preuve démontrant qu'elles avaient elles-mêmes restreint leur production, quel qu'ait pu être le plan et quoi que d'autres aient pu faire. Ces arguments ont été avancés pour tenter d'atténuer la responsabilité de l'entreprise concernée dans le fonctionnement de l'entente.

Toutefois, une fois que la participation d'une entreprise à l'entente est démontrée pour la période en question, le degré de responsabilité de ladite entreprise ne peut être déterminé uniquement en fonction de la quantité de preuves documentaires directes que l'on a pu découvrir concernant spécifiquement ses agissements. L'entente était, par nature, une activité clandestine. Des efforts considérables ont été accomplis (sans toujours aboutir) pour en dissimuler l'existence et pour faire en sorte que d'éventuelles pièces à conviction ne soient pas conservées. Il ne pourrait être question, en l'occurrence, de récompenser ceux qui réussissent le mieux à déjouer les efforts de l'autorité chargée de l'enquête. Toutefois, indépendamment de toute dissimulation volontaire de preuves, l'étendue et la disponibilité pour la période concernée d'une documentation courante sur les prix témoignant de la mise en œuvre de différentes initiatives en matière de prix par chaque producteur est largement fortuite. Dans certains cas, des documents n'avaient simplement pas été conservés ou n'étaient plus disponibles pour des marchés ou une période donnés.

(117) L'approche correcte, dans le cas d'espèce, consiste à démontrer l'existence et le fonctionnement ainsi que les principales caractéristiques de l'entente dans son ensemble et à établir ensuite (a) l'existence de preuves crédibles et concluantes permettant de rattacher les différents producteurs au système commun et (b) les périodes au cours desquelles chaque producteur y a participé arrêt du 24 octobre 1994 de la Cour dans l'affaire T-1-89 - Rhône-Poulenc contre Commission des Communautés européennes (11). C'est ce que la Commission a fait en l'espèce.

La Commission en tant qu'autorité chargée de l'instruction, n'est pas tenue de compartimenter les différents éléments constitutifs de l'infraction en isolant chacune des occasions auxquelles, pendant la durée de l'entente, un consensus a été réalisé sur l'un ou l'autre sujet, ou chacun des exemples de comportement collusoire et en disculpant de toute participation à cette occasion ou à cette manifestation particulière de l'entente les producteurs dont l'implication ne serait pas démontrée par des preuves directes.

(118) Il existe suffisamment de preuves directes pour démontrer l'adhésion de chaque participant présumé à l'infraction. Les documents "clefs" qui prouvent l'existence de l'entente dans son ensemble ou de ses différentes manifestations citent souvent les participants nommément et il existe, par ailleurs, un faisceau dense de preuves écrites montrant le rôle joué par chaque producteur dans l'entente et l'importance de sa participation.

Il arrive que la documentation concernant les conditions précises de mise en œuvre d'une augmentation des prix donnée comporte des lacunes. En effet, certains producteurs ont fourni une série d'instructions concernant les prix plus complète que d'autres. De même, il n'est pas possible de savoir pour chaque réunion - faute de compte-rendu - si telle ou telle entreprise y assistait ou non. D'autres preuves ne laisseront cependant planer aucun doute sur le fait que l'entreprise en question a continué d'adhérer au plan commun.

(119) On peut présumer que tout producteur qui était membre du GEP Carton et siégeait dans ses différents comités a participé à l'entente. Dans la plupart des cas, cela n'est pas démenti. La participation à chaque groupe du GEP Carton est indiquée au tableau 7.

En soi, le GEP Carton avait un objectif principalement illégitime. Il exerçait également certaines activités légitimes, mais il n'est pas possible de distinguer clairement en son sein les organes "légaux" des organes "illégaux". Le PWG et le JMC s'occupaient presque exclusivement de la fixation des prix et du partage du marché et ils ne présentaient apparemment guère de caractéristiques susceptibles d'atténuer leur responsabilité. Il est possible que le comité économique ait été moins directement concerné par la fixation des prix en tant que telle, mais il n'est pas crédible que ceux qui y assistaient aient pu ignorer l'objectif illicite auquel étaient destinées les informations qu'ils fournisaient sciemment au JMC. En tout état de cause, la note confidentielle rédigée par M-M sur les "points essentiels" de la réunion d'octobre 1989 prouve avec suffisance le lien avec les initiatives en matière de prix. La "President Conference" recevait des rapports du PWG, ses membres recevaient des instructions sur les prix à appliquer et ils ne peuvent donc pas avoir ignoré ce qui se passait dans les autres comités du GEP Carton.

A la seule exception d'Enso-Gutzeit, toutes les entreprises qui sont destinataires de la présente décision étaient en fait membres du JMC (et aussi du PWG dans le cas des grands producteurs).

(120) Le fait qu'elles étaient membres du GEP Carton (et surtout du PWG, du JMC ou des deux) n'est cependant pas, loin s'en faut, la seule preuve disponible de la participation des différentes entreprises concernées à l'entente. Une preuve supplémentaire en est fournie par la combinaison de plusieurs ou de tous les éléments suivants :

- références explicites aux entreprises en question dans les documents concernant l'entente obtenus de FS-Karton, Rena ou Cascades,

- mentions compromettantes dans les documents de la PAA,

- participation à des initiatives concertées en matière de prix,

- documents internes des entreprises concernées ou d'une autre entreprise révélant l'existence d'un lien avec la collusion.

Des informations complètes concernant les preuves de la participation des différentes entreprises à l'entente ont été fournies à chacune d'entre elles sous la forme de "renseignements individuels" joints à la communication principale des griefs, laquelle était également accompagnée d'annexes techniques décrivant la mise en œuvre des augmentations de prix. Aucun de ces éléments de preuve n'a été sérieusement contesté, ni leur fiabilité mise en doute, au cours de la procédure administrative.

(121) La position particulière d'Enso-Gutzeit (considérant 119) tient peut-être au fait qu'il s'agit du seul grand fabricant européen de carton qui produise exclusivement des qualités SBS. La société fait valoir le caractère innocent et sporadique de sa participation au GEP Carton. Elle a uniquement participé aux "President Conferences" et était le seul producteur qui ne participait à aucune réunion du JMC. Pour prouver sa participation à l'infraction, la Commission ne se fonde cependant pas uniquement sur le fait qu'Enso-Gutzeit assistait aux "President Conferences". Le fait qu'il était membre à la fois du conseil d'administration et du "Marketing Committee" du NPI, organe dont le rôle dans la collusion est amplement démontré, sa participation à la réunion d'Arlanda relevée par Rena (considérant 58), les différentes mentions figurant dans la note d'Iggesund sur l'augmentation des prix d'avril 1990 (considérant 97) et (dans la mesure où ils sont disponibles) ses propres documents commerciaux, qui révèlent non seulement la similarité constante de ses augmentations de prix avec celles de l'autre grand producteur de SBS, Iggesund Bruk, mais aussi, pour octobre 1989, une concordance quasiment parfaite avec la liste de prix du NPI obtenue de Rena (considérant 80), sont autant de preuves de sa participation. L'accumulation de ces différentes preuves directes et indirectes fait que l'on ne peut raisonnablement douter de la participation d'Enso-Gutzeit à un système de collusion.

I. QUESTIONS DE PROCEDURE

(122) Au cours de la procédure, deux producteurs, à savoir MoDo et De Eendracht, ont soutenu que la Commission avait enfreint les droits de la défense en refusant de leur accorder un accès sans restriction à ses dossiers administratifs.

La plainte de MoDo était rédigée en termes très généraux et lors de l'audition, le représentant juridique de la société a admis que celle-ci ne pouvait en fait citer aucun exemple de refus de la Commission de lui communiquer un document ou du matériel qui pouvait lui être utile dans l'exercice de son droit d'être entendue.

La plainte de De Eendracht concernait uniquement le refus de la Commission de lui communiquer le dossier complet concernant les réunions et la correspondance de l'ACBM (considérants 98 et 99), organe dont la société n'était pas membre. La Commission avait annexé à la communication des griefs qu'elle a adressée à tous les producteurs, y compris De Eendracht, la documentation qui était en sa possession concernant les aspects de l'ACBM qui sont mentionnés aux considérants 98 et 99 de la présente décision, mais elle n'a pas autorisé les représentants de De Eendracht à consulter à toutes fins utiles les autres dossiers de l'ACBM. De Eendracht a affirmé avec insistance que la Commission était tenue de lui donner accès à tous les documents qu'elle avait obtenus des autres entreprises au cours de l'enquête, à l'exception de ceux contenant des secrets commerciaux et pour lesquels le détenteur avait expressément demandé la confidentialité.

(123) Cet argument est sans fondement juridique. La Commission est certes tenue de divulguer les documents nécessaires pour garantir que les destinataires d'une communication des griefs soient effectivement entendus au sujet des griefs retenus à leur encontre. Dans son jugement dans l'affaire T-7-89, Hercules contre Commission des Communautés européennes (12), le Tribunal de première instance a considéré que l'obligation de divulgation s'étendait aux documents susceptibles de disculper une partie en cause. Il n'existe cependant, ni dans le règlement n° 17 ni dans la jurisprudence de la Cour de justice ou du Tribunal de première instance, de disposition imposant à la Commission l'obligation de divulguer absolument tous les documents inutilisés qu'elle a en sa possession, qu'ils se rapportent ou non aux griefs soulevés contre les entreprises. Au contraire, la Commission est soumise à certaines obligations de confidentialité : en vertu de l'article 20 paragraphe 2 du règlement n° 17, la Commission est tenue de ne pas divulguer les informations qu'elle a recueillies en application dudit règlement et qui, par leur nature, sont couverts par le secret professionnel. Cette obligation est expressément sans préjudice de la disposition de l'article 19 concernant le droit des entreprises d'être entendues. Comme la Cour de justice l'a fait observer [affaire 85-76, Hoffmann-La Roche contre Commission des Communautés européennes(13)], les pouvoirs étendus dont la Commission dispose pour recueillir des informations auprès des entreprises en application du règlement n° 17 ont pour corollaire que les informations ne seront pas divulguées à des tiers, sauf dans la mesure où cela est nécessaire pour garantir le droit de ceux-ci de faire connaître leur point de vue.

(124) Contrairement à ce que soutient De Eendracht, l'obligation conditionnelle de respect du secret professionnel à laquelle la Commission est soumise en vertu de l'article 20 paragraphe 2 ne se rapporte pas uniquement aux informations relevant de la catégorie extrêmement étroite du secret d'affaires qui nécessite une protection spéciale. Les deux notions - celle du secret professionnel et celle du secret d'affaires - diffèrent entièrement de par leur nature et leur objectif et leur application donne des résultats complètement différents. L'obligation de respect du secret professionnel à laquelle la Commission et ses agents sont soumis en vertu de l'article 20 paragraphe 2 met en application le principe juridique général de la confidentialité. Elle couvre toutes les informations recueillies auprès des entreprises en application du règlement n° 17 à l'exception de celles dont le caractère insignifiant fait qu'elles ne justifient pas la confidentialité.

En l'espèce, la documentation inutilisée concernant l'ACBM consiste principalement dans des comptes rendus de réunions qui ont eu lieu en privé entre membres d'un groupe dont De Eendracht n'était pas membre et pour lesquels la confidentialité doit, en principe être respectée, sauf exception dûment motivée. En fait, la Commission a annexé à la communication des griefs un certain nombre de documents de l'ACBM (ainsi que ceux relatifs à la PAA) qui concernaient la mise en œuvre sur les marchés nationaux de la concertation sur les prix au sein du GEP Carton. Il convient de noter que, dans ses observations écrites, De Eendracht s'est abstenue de tout commentaire non seulement sur ces documents de l'ACBM mais également sur ceux de la PAA, à laquelle son agent au Royaume-Uni participait. De Eendracht n'a invoqué aucun point de fait ou de droit au sujet duquel il aurait pu être nécessaire ou souhaitable que l'ensemble des documents de l'ACBM lui soit communiqué. Aucun des membres de l'ACBM (auxquels le dossier complet de l'ACBM a été communiqué) n'a avancé d'argument fondé sur des documents qui n'étaient pas annexés à la communication des griefs. L'utilité qu'auraient pu présenter pour la défense éventuelle de De Eendracht les documents internes de l'ACBM qui sont sans rapport avec l'infraction présumée n'apparaît donc pas immédiatement.

PARTIE II - APPRÉCIATION JURIDIQUE

A. ARTICLE 85

1. Article 85 paragraphe 1

(125) L'article 85 paragraphe 1 interdit, pour incompatibilité avec le Marché commun, tous accords entre entreprises, toutes décisions d'association d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer, de façon directe ou indirecte, les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction, à limiter ou à contrôler la production et les débouchés ou à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.

2. Accords et pratiques concertées

(126) L'article 85 paragraphe 1 interdit tant les accords que les pratiques concertées. Dans une affaire telle que celle-ci, on peut considérer qu'il y a accord lorsque les parties s'entendent, même dans les grandes lignes, sur leur action ou leur abstention réciproque sur le marché. Bien qu'il implique une prise de décision conjointe et l'engagement d'appliquer un plan commun, cet accord ne doit pas nécessairement être établi de façon formelle ou par écrit, et aucune sanction expresse ni mesure de contrainte n'est requise.

Une pratique concertée, en revanche, n'implique pas que les parties soient parvenues à un accord sur ce que chacune d'elles doit ou ne doit pas faire sur le marché.

En développant une notion de pratique concertée en plus de celle d'accord, le traité visait à empêcher que les entreprises ne tournent les règles de concurrence en s'entendant sur des modalités anticoncurrentielles et non assimilables à un accord définitif, en s'informant, par exemple, mutuellement à l'avance de l'attitude qu'elles entendent adopter, de manière que chacune puisse régler son comportement commercial en sachant que ses concurrents agiront de la même manière : arrêt de la Cour de justice du 14 juillet 1972 dans l'affaire 48-69, Imperial Chemical Industries Ltd contre Commission des Communautés européennes (14).

(127) Il convient de noter que, si la fixation de prix identiques par des concurrents peut constituer un indice de l'existence d'une pratique concertée au sens de l'article 85 paragraphe 1, un comportement parallèle sur le marché ne constitue pas en fait un élément constitutif nécessaire de ce type d'infraction.

Dans son arrêt du 16 décembre 1975 dans l'affaire de l'entente européenne sur le sucre : affaires jointes 40 à 48, 50, 54 à 56, 111, 113 et 114-73 Suiker Unie et autres contre Commission des Communautés européennes (15), la Cour a soutenu que les critères de coordination et de coopération définis par la jurisprudence de la Cour, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable plan, doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de façon autonome la politique commerciale qu'il entend suivre sur le Marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des entreprises de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou escompté de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre elles ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent réel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent la ligne de conduite qu'elles ont elles-mêmes décidé ou qu'elles envisagent d'adopter sur le marché.

On peut donc considérer qu'il y a "pratique concertée" au sens de l'article 85 paragraphe 1 lorsque les parties n'ont pas convenu ou décidé à l'avance entre elles ce que chacune fera sur le marché, mais que, en toute connaissance de cause, elles adoptent un mécanisme collusoire qui encourage ou facilite la coordination de leur comportement commercial ou se rallient à un tel mécanisme.

[Voir également l'arrêt du Tribunal de première instance du 10 mars 1992 dans l'affaire T-13-89, Imperial Chemical Industries contre Commission des Communautés européennes, point 253 des motifs (16)].

(128) Il n'est pas nécessaire, notamment dans le cas d'une infraction complexe de longue durée, que la Commission qualifie celle-ci exclusivement d'accord ou de pratique concertée. En fait, il se peut même qu'il ne soit pas possible, ni réaliste, d'opérer une telle distinction, car l'infraction peut présenter simultanément les caractéristiques de ces deux types de conduite illicite et, prises individuellement, certaines de ses manifestations peuvent s'assimiler davantage à l'une qu'à l'autre. Il serait toutefois artificiel de subdiviser ce qui est à l'évidence une entreprise commune continue ayant un seul et unique objectif global en plusieurs infractions distinctes (voir aussi arrêt du Tribunal de première instance dans l'affaire T-13-89, Imperial Chemical Industries contre Commission des Communautés européennes, point 260 des motifs).

3. Nature de l'infraction dans la présente affaire

(129) Il ressort des déclarations faites par Stora que, depuis 1975, les fabricants de carton ont mené des tentatives visant à réguler le marché et à fixer les prix de vente. Stora déclare que ces tentatives n'ont généralement pas abouti, mais même s'il en est ainsi, cela n'exclut pas nécessairement l'application de l'article 85.

La Commission ne dispose cependant pas de preuves corroborant les déclarations de Stora qui lui permettent, si longtemps après les faits, d'apprécier en toute connaissance de cause le comportement présumé au regard de l'article 85, en fait et en droit, pendant la période allant de 1975 à 1986.

(130) A partir du deuxième semestre de 1986, toutefois, il existe de nombreux éléments prouvant que la collusion s'est progressivement intensifiée, en commençant avec la création du PWG au cours de cette année, pour arriver, vers fin 1987, à la politique du "prix avant le tonnage", qui a caractérisé le GEP Carton jusqu'en avril 1991 au moins.

Les principales caractéristiques de la politique du "prix avant le tonnage", considérants 51 à 60, étaient les suivantes :

- "gel" des parts de marché des principaux fabricants, à l'origine sur la base de leur position en 1987,

- contrôle et analyse constants, lors de réunions, de l'évolution des parts de marché ainsi que des fluctuations des parts de marché des principaux fabricants,

- fixation, dans le cadre d'un accord, des augmentations régulières des prix à appliquer sur chaque marché national,

- planification périodique et coordination préalable d'initiatives en matière de prix, comportant la mise en œuvre simultanée des augmentations de prix convenues par tous les fabricants sur chaque marché national,

- respect d'un principe général de "discipline de marché",

- réalisation d'un système uniforme de fixation des prix à l'échelle européenne,

- organisation coordonnée de "temps d'arrêt de la production" par les principaux fabricants, au lieu et place de réductions de prix (principalement à partir de 1990).

Le rôle des différents organes de l'entente est décrit aux considérants 35 à 50.

(131) La Commission estime que, à partir de fin 1987, avec la concrétisation de la collusion progressive des fabricants adhérant à la politique du "prix avant le tonnage", l'infraction a présenté toutes les caractéristiques d'un véritable accord au sens de l'article 85.

Les initiatives semestrielles en matière de prix qui ont été prises pour réaliser le plan ne doivent pas être considérées comme un ensemble d'accords ou de pratiques concertées distincts, mais comme un seul et même accord continu.

L'accord général sur les parts de marché, sur la base de la situation en 1987, doit également être considéré comme faisant partie intégrante d'un accord continu, même si la part de marché effective des participants était renégociée chaque année. L'élément essentiel est que, sur l'ensemble de la période, un équilibre acceptable pour tous les fabricants a été maintenu.

La Commission admet que les mesures de contrôle des volumes ont concerné essentiellement les gros fabricants, qui étaient membres du PWG et dont la conduite a déterminé l'état du marché. La limitation des volumes ne peut, toutefois, être séparée des aspects de l'infraction relatifs aux prix. En effet, elle a constitué une condition indispensable au succès de l'entente sur les prix, à laquelle tous les fabricants ont participé.

(132) Si la collusion entre les fabricants ne s'est probablement pas concrétisée par l'accord sur le "prix avant le tonnage" avant fin 1987 environ, cela ne veut toutefois pas dire que leur comportement au cours des dix-huit mois précédents ne tombe pas sous le coup de l'article 85.

Le cadre institutionnel d'une concertation plus efficace avait déjà été établi en 1986, avec la création du President Working Group (PWG). D'après Stora, ce groupe "s'est réuni à partir de 1986 afin de contribuer à l'instauration d'une certaine discipline sur le marché" et il avait notamment pour mandat "de mener des discussions et une concertation sur les marchés, les parts de marché, les prix, les augmentations de prix et les capacités".

Des discussions sur la situation en matière de prix et la surcapacité sur les marchés européens avaient déjà lieu dans le cadre de la "President Conference". Selon Stora, le PWG fonctionnait déjà en 1987 en tant qu'organe de décision sur les prix et "comme instrument de la coopération entre les membres du GEP Carton, qui s'est intensifiée à partir de 1986".

Au Royaume-Uni, une action concertée sur les prix a été lancée en janvier 1987 (selon toute probabilité, l'augmentation de prix et les modalités de son application ont fait l'objet d'un accord exprès entre les entreprises concernées). Même si, à cette époque, les modalités de la politique du "prix avant le tonnage" n'avaient pas encore été définitivement arrêtées, il est ainsi clairement établi que dès le second semestre de 1986, les fabricants de carton étaient à tout le moins impliqués dans une forme de collusion qui peut être qualifiée de pratique concertée au sens de l'article 85 (voir aussi, à ce propos, l'arrêt du Tribunal de première instance dans l'affaire T-13-89, Imperial Chemical Industries contre Commission des Communautés européennes, points 255-258 des motifs).

4. Objet et effet de l'infraction

(133) L'article 85 paragraphe 1 cite expressément comme restrictifs de concurrence les accords ou pratiques concertées qui consistent :

- de façon directe ou indirecte à fixer les prix de vente ou d'autres conditions de transaction,

- à limiter ou contrôler la production ou les débouchés,

- à répartir les marchés.

Or, ce sont précisément les caractéristiques essentielles du système intégré d'accords examiné en l'espèce.

L'objectif principal des fabricants, en établissant leur système de collusion institutionnalisée, était de réguler artificiellement et secrètement le marché et de coordonner leur comportement de façon à assurer le succès de leurs initiatives concertées en matière de prix.

Il ne peut y avoir aucun doute sur l'objet anticoncurrentiel des principaux aspects de cette entente, qui implique une collusion directe sur les prix et le volume des ventes.

(134) Il convient d'accorder une attention particulière aux divers arrangements ayant pour objet l'échange d'informations, étant entendu qu'il faut toujours tenir compte de la façon dont ils s'inscrivent dans l'entente considérée dans son ensemble.

L'échange par les fabricants, lors de réunions du GEP Carton (essentiellement celles du JMC), d'informations commerciales individuelles normalement confidentielles et sensibles sur les commandes en carnet, les arrêts de machines et les rythmes de production était à l'évidence contraire aux règles de concurrence, puisqu'il avait pour but de rendre les conditions aussi propices que possible à la mise en œuvre des augmentations de prix. L'échange de telles informations ne peut être séparé du processus collectif de décision. Bien que le comité économique se soit peut-être moins occupé des situations individuelles que de la situation générale du marché dans chaque pays, sa fonction de surveillance dans le cadre des hausses de prix constituait un élément important du plan global et elle doit également être considérée comme faisant partie intégrante de l'entente.

L'analyse du système d'échange d'informations Fides en tant que tel au regard de l'article 85 est plus difficile. Il est vrai que le système était supposé fournir des informations par pays et non par producteur. En fait, dans bien des cas, des données individuelles étaient fournies ou pouvaient être "reconstituées" sans trop de difficultés. Toutefois, qu'il fournisse ou non des indications sur des situations individuelles, un système d'information utilisé par ses membres pour promouvoir une entente tombe, lui aussi, sous le coup de l'article 85 [par exemple, décision 87-1-CEE de la Commission dans l'affaire Fatty Acids (17)]. Dans le cas présent, le système d'échange d'informations était un instrument essentiel pour :

- surveiller l'évolution des parts de marché,

- surveiller la situation de l'offre et de la demande pour maintenir la pleine utilisation des capacités,

- décider si des augmentations de prix concertées pouvaient être mises en œuvre,

- déterminer les temps d'arrêt nécessaires.

Les échanges d'informations sur les taux d'utilisation des capacités et la situation hebdomadaire des commandes en carnet, réalisés au sein du GEP Carton par l'intermédiaire de la Fides, ont permis aux participants de surveiller étroitement la situation du marché au cours de la période 1987-1989, lorsque les usines tournaient effectivement à pleine capacité.

Par la suite, en 1990, lorsque les fabricants ont été confrontés simultanément à un accroissement des capacités et à une baisse de la demande, ils ont été en mesure, en se fondant sur ces statistiques, de coordonner plus facilement les temps d'arrêt et d'éviter ainsi que les initiatives en matière de prix ne soient minées par un excédent de l'offre par rapport à la demande.

Bien qu'agrégées en apparence, les statistiques mensuelles de la Fides sur la production et la consommation pouvaient être utilisées et l'ont été (ainsi que Stora l'a expliqué, considérants 57, 63 et 64) pour aider à déterminer et à surveiller les parts de marché individuelles et à analyser l'utilisation des capacités.

S'il est vrai que l'échange d'informations réalisé par l'intermédiaire de la Fides n'avait pas en soi pour effet direct la fixation des prix ou la répartition des marchés, il ne peut être isolé des objectifs anticoncurrentiels globaux de l'entente. C'était le mécanisme qui permettait aux producteurs participants de coordonner plus facilement leur comportement sur le marché d'une manière contraire aux règles de concurrence.

Ces considérations valent également pour la diffusion et l'examen, au sein du GEP Carton, de l'étude annuelle sur les capacités réalisée par Finnboard (considérant 65).

Toutes ces mesures impliquant l'échange d'informations commerciales faisaient partie d'un plan visant à créer ou à maintenir sur le marché des conditions propices à des hausses de prix concertées.

(135) Etant donné l'objectif manifestement anticoncurrentiel de l'entente, il n'est pas strictement nécessaire, pour que l'article 85 paragraphe 1 soit applicable, que la Commission établisse qu'elle a aussi eu un effet sensible sur les conditions du marché.

En l'espèce, l'existence d'un effet bien déterminé - et défavorable - sur la concurrence est néanmoins prouvée.

Contrairement à ce qui s'est passé dans d'autres ententes découvertes et sanctionnées par la Commission, dans lesquelles les efforts faits par les fabricants pour augmenter les prix ont été sapés en raison de l'existence de surcapacités, le GEP Carton a fait concorder l'offre et la demande de façon à garantir, dans une large mesure, le succès des initiatives prévues en matière de prix.

Les efforts concertés des fabricants pour augmenter les prix ont sans aucun doute été favorisés par l'accroissement constant de la demande de carton, mais il est tout à fait faux de prétendre que leur comportement en matière de prix et ses effets sur le marché auraient été exactement les mêmes en l'absence de toute collusion.

Sur un marché caractérisé par un accroissement de la demande et l'absence de capacités de réserve, le climat commercial aurait tendance à provoquer un mouvement général de hausse des prix. Toutefois, même à supposer qu'ils se trouvaient dans une situation économique très similaire, les fabricants auraient pu, dans de telles circonstances, avoir une conception très différente de la façon de maximiser leurs profits. Certains auraient pu préférer une augmentation des prix plus faible que d'autres; ils auraient pu augmenter les prix de certains produits, mais pas d'autres; et ils auraient même pu renoncer à toute augmentation de prix, afin d'accroître leur part de marché.

(136) Dans le cas d'espèce, toutefois, les initiatives en matière de prix ont été appliquées par tous les fabricants, qui ont annoncé qu'ils augmentaient leurs prix du même montant dans chaque Etat membre et (dans la plupart des cas) avec effet à la même date.

Le PWG décidait quel fabricant serait le premier à "annoncer" l'augmentation et fixait les dates auxquelles les autres grands producteurs annonceraient qu'ils "suivaient".

Malgré les arguments avancés par certains fabricants, il est inconcevable que, dans ces conditions, ces annonces concertées n'aient eu aucun effet sur le niveau réel des prix.

En effet, les participants à l'entente représentaient pratiquement la totalité du marché communautaire du carton. Du fait de cette collusion sur les prix, les clients étaient par conséquent confrontés à des augmentations de prix uniformes dans chaque monnaie, pour chaque qualité de carton, sans réelle possibilité de s'approvisionner auprès d'un producteur qui ne participait pas à l'entente.

La fixation du montant de l'augmentation dans chaque monnaie nationale, ainsi que son application par tous les producteurs et sa présentation comme une "initiative" à laquelle participait l'ensemble du secteur impliquaient que les possibilités, pour les clients, de négocier librement avec leurs fournisseurs étaient très limitées.

La consternation des autres fabricants lorsque Weig a déclaré qu'elle annoncerait au Royaume-Uni une augmentation de 7 %, au lieu des 9 % convenus (considérant 41), montre bien l'importance attachée par les participants à l'entente à l'annonce de prix uniformes.

La Commission admet parfaitement que certains producteurs aient parfois attendu d'avoir la preuve que les autres avaient annoncé l'augmentation de prix à leur clientèle ou, dans certains cas (ou sur certains marchés), n'avaient pas augmenté leurs prix du montant convenu. Les documents montrent toutefois clairement que la mise en œuvre des initiatives en matière de prix était étroitement surveillée et que tout manquement donnait lieu à des discussions au sein du JMC, où les leaders du marché pressaient les supposés "traînards" de soutenir les augmentations de prix (considérant 82).

(137) Ainsi que les documents de l'époque le montrent, les augmentations de prix prévues ont été considérées globalement comme une réussite par les membres du GEP Carton, ce qui prouve qu'une collusion ne doit pas nécessairement être parfaite pour nuire considérablement à la concurrence. Il est significatif que, à cet égard, en 1990, les producteurs aient imposé une augmentation de 6 à 10 % malgré la baisse de leurs coûts. Pendant la durée de l'entente, les coûts de production unitaires en termes réels sont restés relativement stables et ont même légèrement baissé de 1989 à 1991, alors que le produit réel par unité a considérablement augmenté.

Outre une augmentation du prix du carton lui-même, les initiatives en matière de prix doivent également avoir entraîné en aval une majoration des prix pratiqués par les clients des fabricants de carton à l'égard de leur propre clientèle. Chaque augmentation du prix du carton est en principe répercutée sur l'utilisateur final sous forme d'une augmentation des prix des boîtes pliantes. Finalement, compte tenu de l'importance de l'emballage dans les produits de consommation, c'est le grand public qui fait les frais de l'opération.

5. Effet sur les échanges entre Etats membres

(138) L'accord entre les fabricants a également eu un effet sensible sur les échanges entre Etats membres. L'article 85 vise les accords qui sont susceptibles de nuire à la réalisation d'un marché unique entre les Etats membres, soit en cloisonnant les marchés nationaux, soit en affectant la structure de la concurrence à l'intérieur du Marché commun.

En l'espèce, le caractère universel des arrangements collusoires, qui recouvraient pratiquement l'ensemble des ventes d'un produit industriel de première importance dans toute la Communauté (18) (et dans d'autres pays d'Europe occidentale) était forcément de nature à détourner les courants d'échanges de l'orientation qu'ils auraient suivie autrement [arrêt de la Cour de justice dans les affaires jointes 209 à 215 et 218-78, Van Landewyck et autres contre Commission des Communautés européennes (19)].

Le marché du carton est caractérisé par un important volume d'échanges entre Etats membres (considérant 12). Toutefois, l'application de l'article 85 à une entente ne se limite pas à la part des ventes des participants qui implique effectivement le transfert de marchandises d'un Etat membre à un autre. Il n'est pas nécessaire non plus de montrer que le comportement de chaque producteur en particulier, par opposition à celui de l'entente dans son ensemble, a affecté les échanges entre Etats membres (arrêt du Tribunal de première instance dans l'affaire T-13-89, Imperial Chemical Industries contre Commission des Communautés européennes, point 304 des motifs).

Pour l'application de l'article 85, il n'est pas déterminant que, en gelant les parts de marché et en contrôlant la production, les fabricants n'aient pas attribué des marchés nationaux donnés à des producteurs donnés. L'existence même de mesures de contrôle de la production suffit à restreindre les possibilités offertes à un producteur. Des arrangements tels que le "gel" des parts de marché visaient manifestement à empêcher le développement de nouvelles relations commerciales.

6. Compétence

(139) L'article 85 interdit les accords restrictifs qui sont susceptibles d'affecter les échanges entre Etats membres et qui sont appliqués dans la Communauté européenne, quel que soit le lieu où les participants ont leur siège social.

Le fait qu'un grand nombre des principaux fabricants de carton aient leur siège en dehors de la Communauté ne limite en rien leur responsabilité en cas d'infraction à l'article 85. Ces entreprises ont réalisé l'essentiel de leurs affaires dans la Communauté européenne. En outre, une très grande partie, sinon la totalité, des installations de productions de Stora, MoDo et M-M sont situées dans la Communauté.

D'autres fabricants scandinaves de moindre importance, tels que Rena, ont participé à l'entente et, dans la mesure où ils ont approvisionné le marché communautaire, ils tombent sous le coup de l'article 85.

En ce qui concerne les activités de l'entente liées à des ventes dans des pays tiers, elles n'entrent pas dans le champ d'application de la présente décision.

7. Entreprises

(140) L'objet des règles de concurrence communautaires est l'"entreprise", notion qui n'équivaut pas à celle de société dotée d'une personnalité juridique distincte. Le terme "entreprise" n'est pas défini dans le traité. Il peut toutefois désigner toute entité exerçant une activité commerciale. Dans le cadre des grands groupes de sociétés, chacune des entités suivantes peut, selon le cas, être considérée comme une "entreprise" :

- la société mère ou holding du groupe,

- le groupe entier, c'est-à-dire la société mère et ses filiales directes ou indirectes,

- les holdings intermédiaires,

- les sous-groupes ou divisions constitués par les sous-holdings et leurs filiales,

- les filiales considérées individuellement.

(141) Dans le secteur du carton, de nombreux gros fabricants sont de grands groupes "forestiers", dont les activités vont de la sylviculture et des produits du bois aux papiers, cartons et emballages, en passant par la pâte à papier.

Dans la plupart des cas, ces groupes ont une forme juridique et une structure de gestion complexes. Il seraitdoncpossible d'adresser une communication des griefs au groupe, à la division concernée ou même à des filiales considérées individuellement. Alors que, en théorie, le problème de la forme juridique n'est pas important, dans la pratique, afin de pouvoir percevoir les amendes éventuellement infligées, l'"entreprise" à laquelle la décision est adressée doit normalement posséder la personnalité juridique pour que, le cas échéant, une action puisse être engagée devant les juridictions civiles nationales, conformément à l'article 192 du traité.

(142) La forme juridique d'un groupe peut être déterminée par des considérations de droit fiscal et de droit des sociétés du pays dans lequel il a son siège et des pays dans lesquels il opère.

- La société de tête du groupe peut, dans certains pays, être une holding pure détenant les actions des filiales d'exploitation, alors que dans d'autres cas, elle exercera elle-même l'activité principale du groupe, les autres secteurs étant confiés à des filiales autonomes.

- Le groupe peut être subdivisé en différents secteurs distincts, qui peuvent avoir le statut soit de sous-holdings ayant (à leur tour) leurs propres filiales directes ou indirectes, soit de divisions sans personnalité juridique propre.

- Même lorsque l'administration centrale de la division constitue une filiale distincte, elle peut ne pas détenir directement elle-même les actifs, ni même les parts, des différentes filiales d'exploitation, même si elle contrôle leur fonctionnement et leur gestion.

Dans certains groupes, les différents secteurs ou divisions sont désignés de telle manière que leur appartenance au groupe et l'uniformité de leur identité sociale apparaisse clairement. Dans d'autres groupes, en revanche, leur "autonomie" par rapport à la société mère est soulignée. Dans certains cas, les liens de propriété entre les sociétés du groupe sont même délibérément minimisés.

(143) En l'espèce, les membres du GEP Carton étaient généralement mentionnés, dans les comptes-rendus, sous la raison sociale des différentes sociétés d'exploitation plutôt que sous le nom du groupe lui-même (par exemple "Papeteries de Lancey SA" plutôt que "Aussedat Rey SA"). Normalement, la Commission aurait toutefois pu adresser la décision au groupe, en particulier dans le cas d'une entreprise de production forestière intégrée. Néanmoins, afin d'éviter toute contestation (qui tend à gommer la distinction entre une "société" et une "entreprise") sur la question de savoir si la société mère d'un groupe doit être tenue pour responsable des actes de sociétés censées être des filiales autonomes, la Commission a, en principe, considéré l'entité citée dans la liste des membres du GEP Carton comme l'"entreprise" à laquelle la présente décision doit être adressée, sauf dans les cas suivants :

1) lorsque plusieurs sociétés d'un même groupe ont participé à l'infraction

ou

2) lorsqu'il existe des preuves précises impliquant la société mère dans la participation de la filiale à l'entente, la décision a été adressée au groupe (représenté par la société mère).

(144) Lors de la réorganisation de l'industrie du carton qui s'est faite ces dernières années, certaines entreprises ont été absorbées par d'autres et/ou la branche "carton" d'un groupe a été transférée à un autre.

Il n'existe aucune disposition, ni dans le traité ni dans les règlements, qui couvre la question de la responsabilité d'une infraction intervenant après une restructuration ou une acquisition de sociétés.

Il est toutefois évident qu'on ne saurait tolérer que des entreprises allèguent une réorganisation de sociétés pour éluder ou rejeter toute responsabilité en cas d'infraction au droit communautaire de la concurrence.

La question de la succession doit être appréciée sur la base des principes du droit communautaire sur les entreprises et non des règles nationales, qui peuvent être très différentes d'un Etat membre à l'autre selon les particularités du droit fiscal ou du droit des sociétés national.

(145) En application des principes mentionnés ci-dessus, dans les cas où, s'il n'y avait pas eu acquisition, la procédure aurait normalement été adressée à la filiale, celle-ci continue à assumer la responsabilité de son comportement antérieur au transfert. Il n'est pas nécessaire (bien que cela puisse être le cas) que l'acquéreur ait ensuite approuvé, adopté ou poursuivi le comportement illicite. Il suffit qu'il y ait une continuité fonctionnelle et économique entre l'entreprise en infraction et son successeur (arrêt de la Cour de justice dans l'affaire Suiker Unie, point 87 des motifs).

Par ailleurs, lorsqu'une société mère ou un groupe qui sont eux-mêmes considérés comme parties à l'infraction transfère une filiale vers une autre entreprise, la responsabilité pour la période antérieure à la date du transfert n'est pas assumée par l'acquéreur, mais par le premier groupe.

Dans les deux cas, si la filiale transférée reste membre de l'entente, c'est en fonction des circonstances particulières qu'il sera décidé si la décision relative à cette participation doit être adressée à cette filiale en son nom propre ou à la nouvelle société mère.

(146) La question du destinataire "approprié" de la décision s'est posée ici dans un certain nombre de cas, mais dans quelques-uns d'entre eux seulement, il y a eu un problème de succession. En fait, dans la présente affaire, il n'y a aucun exemple d'acquéreur "innocent" se voyant attribuer une responsabilité en vertu de l'article 85 du seul fait qu'il a acquis une autre entreprise ayant déjà cessé de participer à l'entente.

a) Cascades SA

(147) Avant leur acquisition par Cascades en 1989, Kartonfabriek Van Duffel NV et Djupafors AB participaient à l'entente en tant qu'entreprises indépendantes. S'il n'y avait pas eu acquisition, la décision aurait pu être adressée aux deux entreprises en leur nom propre. Duffel et Djupafors ont reçu une nouvelle raison sociale et ont poursuivi leur activité en tant que filiales indépendantes au sein du groupe Cascades. Toutefois, pour ce qui est de la participation à l'infraction de toutes les activités "carton" de Cascades, il convient d'adresser la présente décision au groupe Cascades, représenté par Cascades SA (considérant 143).

b) Europa Carton AG

(148) Le transfert par Europa Carton AG, au 1er janvier 1993, de ses activités "carton" à une nouvelle société dans laquelle elle détient aujourd'hui 50 % des parts, n'affecte pas sa responsabilité en tant que membre de l'entente. Les personnes participant aux réunions l'ont fait au nom d'Europa Carton AG, qui existe toujours en tant qu'entreprise, et la décision lui sera donc adressée.

c) NV Koninklijke KNP BT NV

(149) KNP Vouwkarton BV Eerbeek a été une filiale de KNP - Royal Dutch Papermills NV pendant toute la période concernée. Normalement, la communication des griefs aurait dû être adressée à KNP Vouwkarton BV, qui était l'entreprise figurant sur la liste des membres du GEP Carton. Toutefois, KNP Vouwkarton BV Eerbeek (qui, du point de vue opérationnel, constituait l'une des divisions du groupe emballage de KNP) était représentée, à la "President Conference" et au sein du PWG, par le directeur du groupe "emballage" de KNP, qui est également membre du directoire de KNP, c'est-à-dire de son principal organe exécutif. Selon le rapport annuel de KNP pour 1990, il existe une relation "très directe" entre le directoire et les divisions, le premier faisant office de conseil de surveillance des secondes. Il convient donc, compte tenu des liens entre l'entente de KNP elle-même, d'adresser la décision à l'ensemble du groupe KNP pour la période précédant l'acquisition de KNP Vouwkarton par M-M, au 1er janvier 1990. (Pour la période consécutive au transfert, c'est M-M qui est responsable de la poursuite de la participation de KNP Vouwkarton à l'entente.

KNP a également été, pendant toute la période concernée, propriétaire à 95 % du fabricant allemand de carton Herzbergerpapierfabrik, qui comprenait aussi Badische Kartonfabrik. Herzberger est aujourd'hui l'une des cinq unités commerciales de la division "Solid Board" de KNP. Pour ce qui est de la participation de Basdische à l'entente, la présente décision sera donc adressée à KNP.

A la suite d'une récente fusion, KNP NV s'appelle désormais NV Koninklijke KNP BT NV, mais aucun argument concernant la succession consécutive au changement n'a été soulevé.

d) Mayr-Melnhof Kartongesellschaft MBH

(150) M-M est propriétaire de FS-Karton depuis 1984, et les activités de gestion et de commercialisation de M-M et FS-Karton ont été, pendant toute la période concernée, complètement intégrées. Il convient donc d'adresser au groupe M-M la décision relative à la participation de FS-Karton à l'entente.

Mayr-Melnhof doit également assumer la responsabilité de la participation à l'infraction de sa filiale à 66 % Deisswill pour toute la période pendant laquelle elle a participé à l'entente, y compris celle antérieure à la prise de contrôle par M-M en janvier 1990, et de celle de Mayr-Melnhof Eerbeek BV (la nouvelle raison sociale de KNP Vouwkarton), à compter de la date de son acquisition, au 1er janvier 1990. Pour la période antérieure, c'est KNP qui est responsable de la participation de KNP Vouwkarton, et aucune responsabilité ne sera imputée à M-M.

Laakmann a été acquise par M-M après l'ouverture de la présente procédure et elle a été représentée séparément. Elle sera donc considérée comme une entreprise distincte aux fins de la présente décision.

e) MO Och Domsjö AB

(151) Thames Board Ltd (TBM), le plus important fabricant britannique de carton (qui fabrique uniquement des qualités GC), a été un membre actif de l'entente à partir de 1986, et il a également été membre du PWG. TBM a été racheté par AB Iggesunds Bruk, avec effet au 1er janvier 1988, et sa raison sociale a été changée en Iggesund Paperboard AB (Workington) Ltd.

A cette époque, AB Iggesunds Bruk était une société associée (à distinguer d'une filiale à 100 %) du groupe forestier suédois MoDo, qui détenait 49,9 % des droits de vote d'Iggesund.

Jusqu'à l'acquisition de TBM, le principal produit en carton d'Iggesunds Bruk était le SBS ; il était le seul grand fabricant suédois de ce type de carton. Bien qu'AB Iggesunds Bruk ait affirmé, en réponse à l'article 11, n'avoir pas été membre du GEP Carton, des représentants de la société ont participé à la "President Conference" (mais pas au PWG).

Après le rachat de TBM par Iggesunds Bruk au 1er janvier 1988, des représentants de Workington ont continué, comme par le passé, à participer aux réunions du GEP Carton. MoDo a pris le contrôle d'Iggesunds Bruk début 1989 et en a fait une division du groupe MoDo. A partir du milieu de l'année 1989, le directeur général d'Iggesund Paperboard AB (nom de la division en question) est venu de Suède assister aux réunions du PWG et son directeur chargé des analyses de marché et/ou son directeur du marketing à celles du JMC. Des cadres et des employés de Workington ont aussi continué à figurer parmi les représentants d'Iggesund aux réunions du JMC.

(152) Au cours de la présente procédure administrative, MoDo a fait valoir que ce n'est pas à elle que la communication des griefs (et la décision éventuelle) devaient être adressées, mais à Iggesund Paperboard AB, qu'elle prétend être une "entreprise totalement distincte" de la holding du groupe, MoDo. Il est certes vrai que, comme tout grand groupe industriel, MoDo est structuré en différents départements commerciaux, dont Iggesund Paperboard. En fait, il se peut fort bien qu'Iggesund Paperboard AB, en tant que sous-groupe ou division, puisse être considérée comme une entreprise aux fins de la procédure communautaire, de même que d'autres entités du groupe (considérant 140). Cela ne signifie toutefois pas qu'elle doive être destinataire de la procédure, ni que le groupe MoDo soit entièrement dégagé de toute responsabilité.

(153) En premier lieu, si une décision était adressée à Iggesund Paperboard AG, il pourrait se révéler difficile de recouvrer l'amende. En sa qualité de "société commissionnaire" du groupe MoDo, elle n'a qu'un capital de 50 000 couronnes suédoises (5 500 écus), c'est-à-dire le minimum légal. Ainsi que MoDo lui-même l'admet, la législation suédoise n'est pas très claire quant à la responsabilité d'une société mère pour les dettes de ce type de filiale. Afin de surmonter ce problème dans ses transactions commerciales, MoDo a déclaré dans ses comptes annuels accepter la responsabilité contractuelle des engagements de ses sociétés commissionnaires, mais il n'est pas certain que cette garantie s'appliquerait aussi à une amende infligée par la Commission.

Ensuite (et dans la mesure où l'argument de l'autonomie peut s'appliquer), Iggesund Paperboard AB n'est pas aussi indépendante du groupe que MoDo le prétend. Iggesund Paperboard AB n'est pas propriétaire des installations de production du carton et elle n'est pas non plus l'employeur de son personnel. Les actifs autrefois détenus par Iggesunds Bruk AB restent la propriété de cette société, qui est désormais une société inactive détenue intégralement par MoDo. En Suède, l'ensemble du personnel est employé par MoDo lui-même. En outre, MoDo contrôle en dernier ressort la gestion et les finances de ses divisions. Il convient donc, aux fins de la présente procédure, d'adresser la décision au groupe MoDo lui-même plutôt qu'à une filiale qui n'a pas d'indépendance réelle, ne possède aucun actif et n'a pas d'employés. Pour les raisons mentionnées précédemment (considérant 141 notamment), la holding de tête est assimilée au groupe.

f) Sarriò/Saffa/Prat

(154) Au cours de la période sur laquelle a porté l'infraction, la division "carton" de Saffa a connu des changements d'organisation et de structure importants. Il existe toutefois une continuité évidente, en tant qu' "entreprise", entre Saffa SPA et l'entité issue de la fusion nommée Sarriò SA. La décision est donc adressée à Sarriò SA pour toute la durée de la participation de Saffa à l'infraction.

Du fait de l'acquisition de Prat Carton en 1991, Sarriò est devenue responsable de la participation de ce fabricant espagnol à l'entente, pour toute la durée de cette participation.

g) SCA

(155) L'acquisition par le groupe forestier suédois SCA de Reedpack plc, le propriétaire ultime de Colthrop Board Mill, ne pose aucun problème particulier au regard de l'approche décrite au considérant 143.

Sur la liste des membres du GEP Carton figure Reed Paper & Board (UK) Ltd ("Reed P& B"), dont Colthrop Board Mill de Newbury, Berks a fait partie pendant toute la période concernée. Colthrop n'était pas elle-même constituée en société. Reed P& B, dont le siège social se trouvait dans le Kent, était une division de Reedpack et exploitait d'autres usines à papier, en dehors de Colthrop. Après l'acquisiton par SCA en juillet 1990, Reed P& B est restée en activité, mais sous une autre raison sociale, d'abord SCA Aylesford Ltd, puis SCA Holding Ltd à partir du 5 février 1992.

Au cours de la procédure administrative, SCA a allégué que la procédure aurait dû être engagée non contre SCA Holding Ltd (anciennement Reed P& B), mais contre la cartonnerie de Colthrop, qui est détenue aujourd'hui par M-M ; SCA prétend que Colthrop était une entité commerciale entièrement automome et distincte de la société mère. Ainsi qu'il a été dit à propos de M-M (considérant 152), même si cela était vrai, cela ne signifierait pas nécessairement que Reed P& B est déchargée de toute responsabilité. De toute façon, l'argument avancé par SCA n'est pas corroboré par les faits. Indépendamment du fait qu'elle ne possède pas de personnalité morale propre (ce que la Commission ne considère pas comme un fait déterminant en soi), la cartonnerie de Colthrop ne constituait pas, ni de par sa structure, ni de par son mode de fonctionnement, une entité distincte de Reed P& B. L'"autonomie" alléguée par SCA n'est rien d'autre que celle normalement dévolue à une unité d'exploitation dans le cadre de la structure de gestion normale d'une entreprise. En outre, SCA méconnaît absolument le fait que c'est toujours un directeur rattaché au siège de Reed P& B, dans le Kent (qui était d'ailleurs le supérieur direct du gérant de la cartonnerie de Colthrop) qui a assisté à toutes les réunions de la "President Conference".

La Commission rejette donc expressément l'argument de SCA selon lequel la procédure aurait dû être engagée contre Colthrop Board Mill et non contre Reed P& B, car cela reviendrait à dire que chaque division d'une entreprise doit toujours être considérée comme une "entreprise" distincte aux fins de l'article 85.

(156) S'il n'y avait pas eu acquisition par SCA, la procédure aurait été ouverte contre Reed Paper & Board (UK) Ltd. En effet, il y a une continuité évidente entre Reed Paper & Board (UK) Ltd, SCA Aylesford Ltd et SCA Holding Ltd :il s'agit d'une seule et même entité connue sous des noms différents. Le fait que la cartonnerie de Colthrop a été vendue en mai 1991 n'a pas porté atteinte à l'existence de SCA Holding Ltd. La responsabilité de sa participation n'a pas été transférée à la cartonnerie de Colthrop, qui n'était que l'un de ses actifs [arrêt du Tribunal de première instance du 17 décembre 1991, dans l'affaire T-6-89, Enichem ANIC SpA contre Commission des Communautés européennes, points 236-240 des motifs (20)].

SCA a également allégué que même si du point de vue du droit des sociétés, SCA Holding Ltd et Reed P& B constituent une seule et même entité, la première n'existe maintenant que sur le papier. Selon SCA, indépendamment de la cartonnerie de Colthrop, qui avait été vendue, ses autres actifs avaient été partagés, lors de la restructuration, entre sa division "emballage" et sa division "papier à usage graphique". Elle constituait donc, d'après SCA, "une société différente, tant du point de vue économique que du point de vue opérationnel, avec des actifs et des effectifs différents". Ce que SCA n'a pas dit dans sa présentation écrite et orale, c'est que dans le cadre de la restructuration, SCA Holding Limited avait en fait acquis la totalité du capital de SCA Packaging Ltd et SCA Graphic Paper Holdings 1991 Ltd, auxquelles les actifs en question ont été cédés. En réalité, si l'on excepte le fait que techniquement, elle est aujourd'hui une holding plutôt que le propriétaire direct des actifs, les activités de l'ancienne société Reed P& B sont restées les mêmes après le changement de raison sociale.

(157) La Commission rejette également l'allégation de SCA selon laquelle il est manifestement inéquitable ou injuste de lui faire porter la responsabilité des actes antérieurs d'une entreprise qu'elle a acquise. Or, cet argument ne tient pas compte du fait que le destinataire de la décision n'est pas le groupe SCA dans son ensemble, mais l'entreprise acquise elle-même. Quoi qu'il en soit, Reed P& B a continué à participer tant au JMC (octobre 1990) qu'à la "President Conference" (novembre 1990) après avoir été achetée par SCA. Il importe peu que la nouvelle direction suédoise ait eu effectivement connaissance de l'existence ou de la poursuite d'une collusion, mais l'insistance que met SCA à affirmer que cela n'a pas été le cas n'est pas très crédible, du fait que le nouveau directeur général a assisté en personne à la "President Conference" du 26 octobre 1990, avec son prédécesseur (SCA prétend qu'ils ne sont restés que peu de temps, mais cela ne ressort pas du compte-rendu). SCA n'a pris des mesures pour se désengager du GEP Carton et de ses activités qu'après que la plainte déposée par le BPIF a été connue, un mois plus tard.

Bien qu'à la suite de la restructuration, l'"entreprise" se compose désormais de l'unité formée par SCA Holding Ltd et ses filiales détentrices des actifs, il est nécessaire, aux fins de son exécution, d'adresser la décision à une entité dotée de la personnalité morale. Conformément à l'usage de la Commission en cette matière, le destinataire est la société holding, SCA Holding Ltd.

h) Stora

(158) Stora admet être responsable de la participation à l'infraction de ses filiales Feldmühle, Kopparfors et CBC, tant avant qu'après leur acquisition par le groupe.

i) Tampella Corporation

(159) Tampella Corporation, l'une des sociétés membres de Finnboard, a fait de ses cinq divisions industrielles des personnes morales distinctes à compter du 1er janvier 1991, dans le cadre d'une restructuration du groupe. Les sociétés, appelées aujourd'hui "groupes commerciaux" de Tampella, étaient, à toutes les époques concernées, détenues à 100 % par la société mère.

La division "produits forestiers" de Tampella a été rebaptisée "Tampella Forest INC.". Cette nouvelle société a officiellement remplacé sa sociéte mère au sein de Finnboard en 1991, bien qu'étant représentée par exactement les mêmes personnes qu'auparavant. Dans le cadre de la présente procédure, Tampella Corp. n'a en fait pas tiré argument de la réorganisation du groupe. Tampella Forest INC. a elle-même été vendue à Enso-Gutzeit début 1993. Tampella Corp. existe toujours en tant qu'entreprise. Le fait que Tampella Corp. se soit séparée de sa division "produits forestiers" ne limite en rien sa responsabilité, en tant que membre de Finnboard (considérant 175), pour la participation de celle-ci à l'infraction.

j) Tampella Española (dénommée à présent Enso Española)

(160) Tampella Española était détenue à 100 % par Tampella Corp., l'un des quatre fabricants finlandais de GC. Toutefois, ses activités se sont pas intégrées à celles de la société mère et elle agit essentiellement comme fournisseur du marché espagnol. Elle ne vend pas par l'intermédiaire de Finnboard. Elle était représentée séparément dans le GEP Carton, aux réunions duquel elle a commencé à participer régulièrement en 1987, la société mère étant représentée, pour ses opérations en Finlande, par Finnboard.

Normalement, la procédure aurait été ouverte à l'encontre du groupe Tampella pour la participation à l'entente des sociétés tant espagnoles que finlandaises. Toutefois, étant donné le traitement particulier réservé à Finnboard et aux quatre fabricants finlandais - chaque fabricant est considéré comme conjointement et solidairement responsable avec Finnboard pour la partie de l'amende qui est proportionnée à sa part des ventes de carton réalisées par Finnboard (considérants 173 à 175) - il semble approprié d'adresser la présente décision et d'infliger une amende séparée à Tampella Española (ou Enso Española selon la dénomination actuelle).

L'acquisition de la division "produits forestiers" de Tampella Corporation par Enso-Gutzeit en avril 1993 n'influe en rien sur le fait que Tampella Española sera considérée comme une entreprise distincte aux fins de la présente décision.

Des données détaillées concernant les entreprises ayant participé à l'infraction qui ont été absorbées par une autre entreprise, par acquisition ou fusion, sont fournies au tableau 8.

8. Durée de l'infraction

(161) Bien qu'il ressorte des déclarations de Stora que des accords collusoires existaient depuis 1975 au moins et que le GEP Carton a, selon toute vraisemblance, été conçu comme un instrument de coopération illicite, la Commission limitera en l'espèce son appréciation en vertu de l'article 85, et l'imposition d'amendes, à la période commençant en juin 1986.

C'est la date à laquelle le PWG a été créé et où la collusion entre les fabricants s'est intensifiée et a commencé à devenir plus efficace.

La participation à l'infraction de presque toutes les entreprises auxquelles la présente décision est adressée est établie à compter de cette date. La plupart d'entre elles, sinon toutes, étaient déjà membres du GEP Carton, et ce depuis la date de sa création, en 1981.

(162) Bien qu'ils aient déjà été membres du GEP Carton, quelques fabricants n'ont apparemment pas joué de rôle actif au sein de l'entente avant la création du JMC, fin 1987 ou début 1988.

On peut donc dire que la participation active de Buchmann à l'infraction a débuté au moment où elle a commencé à assister aux réunions du JMC, ç'est-à-dire à peu près au moment où la première initiative en matière de prix a eu lieu, en 1988.

De même, il est difficile de prouver la participation de Rena aux actions de fixation des prix avant cette même initiative de mars 1988.

Enso Española a commencé à assister aux réunions d'un groupe du GEP Carton (le comité économique) de façon régulière en 1987 et la première "President Conference" à laquelle la société a participé est celle du 25 mai 1988. Elle prétend n'avoir commencé à assister au JMC qu'en février 1989. Elle n'a toutefois pas pris part à la première initiative en matière de prix de 1988 et sa participation effective à l'infraction peut être considérée comme ayant commencé vers cette période.

Gruber & Weber semble également avoir commencé à participer à des réunions manifestement illicites plus tardivement que la plupart des autres fabricants. Etant donné qu'elle n'est pas disposée à fournir des informations pour la période antérieure à 1989, il est toutefois impossible de dire exactement quand elle a commencé à participer aux réunions du JMC. Le fait qu'elle ait rejoint le système Fides en 1988 constitue probablement le meilleur indice du moment à partir duquel elle a adhéré à l'entente illicite. A la suite de la reconstruction d'une machine, ce fabricant relativement peu important semble avoir cessé de participer activement au GEP Carton fin 1990.

La responsabilité de KNP pour la participation de sa filiale néerlandaise KNP Vouwkarton a pris fin avec la vente à M-M, le 1er janvier 1990. Sa filiale allemande Badische avait cessé d'aller aux réunions du JMC en mai 1989 et elle s'est officiellement retirée du GEP Carton à la fin de cette même année. Toutefois, au moment où la Commission menait son enquête, Badische appliquait toujours les initiatives en matière de prix de l'entente. Pour le Royaume-Uni, elle semble avoir obtenu ses informations sur les initiatives prévues grâce à la participation de son agent commercial au PAA. KNP doit donc être considérée comme partie à l'infraction jusqu'au moment des vérifications, bien qu'à partir de la fin de 1989, sa participation par l'intermédiaire de Badische puisse être considérée comme se situant en marge.

(163) Fiskeby a cessé de participer aux réunions du JMC en juin 1990, à la suite de son acquisition par Manville. Fiskeby avait reçu officiellement instruction de sa nouvelle société mère américaine de s'abstenir de toute action susceptible de contrevenir à la législation sur les ententes. Toutefois, elle ne s'est pas retirée de la "President Conference" ni, apparemment, du NPI (par l'intermédiaire duquel elle a reconnu recevoir des informations sur les prix, au moins dans le passé). Du fait que, ses nouveaux prix, introduits au 1er janvier 1991 (et notifiés aux clients en août et octobre de l'année précédente) étaient exactement les mêmes, sur chaque marché national, que ceux figurant dans la note de Rena relative à la réunion du JMC du 6 septembre 1990 (considérant 85), la Commission conclut que, même si elle a cessé de participer aux réunions du JMC, elle a continué à recevoir, et à utiliser, des informations d'autres fabricants sur les augmentations de prix à appliquer.

En ce qui concerne SCA Holding Ltd, la Commission admet qu'elle a cessé de participer aux réunions du GEP Carton après novembre 1990. L'entreprise déclare qu'elle s'est retirée dès qu'elle s'est rendu compte qu'il y avait peut-être infraction au droit communautaire de la concurrence, à la suite de la publicité donnée à la plainte du BPIF. Cependant, sa participation au GEP Carton jusqu'à cette date a continué à avoir des effets après novembre 1990, puisque l'augmentation de prix planifiée en octobre 1990 pour janvier 1991 a été appliquée par la cartonnerie de Colthrop, et qu'elle était encore en vigueur en avril 1991.

(164) La date exacte à laquelle l'entente elle-même a été dissoute n'est pas facile à établir, et il n'est pas exclu que la collusion se soit poursuivie pendant un certain temps après les vérifications d'avril 1991.

La plupart des fabricants - témoignant d'une certaine prudence compte tenu des circonstances - ont cessé de se rendre aux réunions du JMC. Toutefois, même s'ils se sont retirés immédiatement de l'entreprise commune illicite, les effets de la dernière initiative connue en matière de prix - qui avait été retardée jusqu'en avril 1991 et qui, au début du moins, était considérée comme une réussite - se sont encore fait sentir sur le marché pendant un certain temps.En fait, plusieurs grands fabricants ont poursuivi les réunions du JMC, bien qu'ils aient dû avoir connaissance des résultats des vérifications de la Commission. Ils n'ont cessé que lorsque la coopération de Stora avec la Commission a été connue.

De graves soupçons pèsent donc sur la teneur des réunions du JMC qui ont eu lieu en juillet 1991 et auxquelles ont participé Cascades, Finnboard, M-M, Sarriò et Stora. Toutefois, en l'absence de preuve directe de collusion illicite au cours de ces réunions, la Commission n'infligera pas d'amende supplémentaire à ces entreprises pour la poursuite de leur participation au JMC.

B. CESSATION DES INFRACTIONS

1. Article 3 du règlement n° 17

(165) Si la Commission constate une infraction aux dispositions de l'article 85, elle peut obliger les entreprises intéressées à y mettre fin en vertu de l'article 3 du règlement n° 17.

Dans la présente affaire, les participants à l'entente se sont donné beaucoup de mal pour dissimuler leur comportement illicite. Presque toutes les traces écrites des activités du PWG et du JMC ont été systématiquement supprimées : il ne subsiste aucun compte rendu, aucune archive, aucune liste de présence ni aucune invitation. Les comptes-rendus officiels d'autres groupes, tels la "President Conference", ont été rédigés de manière à dissimuler la véritable nature de leurs activités.

La plupart des fabricants ont donné des réponses vagues et évasives à propos du mandat et des activités de la "President Conference", du PWG et du JMC. Ils ont prétendu ne posséder aucun document à ce sujet. Certains ont continué à assister aux réunions après les vérifications.

Dans ces conditions, il n'est pas possible de dire avec certitude que la collusion a totalement cessé, dans tous ses aspects.

Il est dès lors nécessaire, pour la Commission, d'obliger les entreprises auxquelles la présente décision est adressée à mettre fin à l'infraction (si elles ne l'ont pas déjà fait) et à s'abstenir à l'avenir de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire.

(166) En ce qui concerne les échanges d'informations, le système Fides a été considérablement modifié (considérants 105 et 106). Toutefois, même si ses aspects les plus manifestement anticoncurrentiels ont été abandonnés, le nouveau système demeure incompatible avec l'article 85. Il apparaît à l'évidence que, même sans être complété par des données individualisées, il peut être utilisé pour promouvoir, faciliter ou encourager la coordination du comportement commercial des membres de l'entente et l'adoption de réactions communes du secteur aux indicateurs du marché. Les fabricants seront donc dorénavant tenus de s'abstenir de tout nouvel échange d'informations concernant :

- la situation des nouvelles commandes et des commandes en carnet (même agrégées),

- le taux d'utilisation prévu des capacités de production (idem),

- la capacité de production de chaque machine.

Les échanges d'informations éventuels seront limités à la collecte et à la diffusion, sous une forme agrégée, de statistiques de production et de vente établies de manière à exclure que les données puissent être utilisées par les participants pour coordonner leur comportement commercial.

Les entreprises devront également s'abstenir de tout nouvel échange d'informations intéressant la concurrence, autre que les échanges admis, ainsi que de toute réunion en vue d'examiner la signification des informations échangées ou la réaction possible du secteur ou de fabricants individuels à ces informations.

2. Article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17

(167) En vertu de l'article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes de mille écus au moins et d'un million d'écus au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction lorsque, de propos délibéré ou par négligence, les entreprises ont commis une infraction aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité. Le montant de l'amende est déterminé en prenant en considération à la fois la gravité de l'infraction et sa durée.

Les entreprises destinataires de la présente décision ont, de propos délibéré, commis une infraction aux dispositions de l'article 85. Tout en connaissant pertinemment l'interdiction imposée par le droit communautaire et le risque de sanctions importantes, elles ont délibérément instauré et exploité un système secret et institutionnalisé de réunions périodiques en vue de fixer des prix et de créer des conditions de marché propices à des augmentations de prix concertées dans l'ensemble du Marché commun.

L'un des aspects les plus graves de cette infraction est que, pour tenter de dissimuler l'existence de l'entente, les entreprises ont été jusqu'à orchestrer à l'avance la date et la séquence des différentes annonces de nouvelles augmentations de prix par chacun des principaux fabricants.

L'infraction a été de longue durée. En l'espèce, la Commission considérera qu'elle a débuté à la mi-1986 (bien que, selon Stora, la collusion ait commencé bien avant cette date). Elle a persisté au moins jusqu'aux vérifications de la Commission ; si celles-ci n'avaient pas eu lieu, l'entente fonctionnerait probablement encore à ce jour.

(168) Pour déterminer le montant général des amendes dans la présente affaire, la Commission s'est fondée sur les considérations suivantes :

- la collusion en matière de fixation des prix et la répartition des marchés constituent en soi des restrictions graves de la concurrence,

- l'entente couvrait quasiment tout le territoire de la Communauté,

- le marché communautaire du carton est un secteur économique important qui totalise chaque année quelque 2,5 milliards d'écus,

- les entreprises participant à l'infraction couvrent pratiquement tout le marché,

- l'entente a fonctionné sous la forme d'un système de réunions périodiques institutionnalisées ayant pour objet de réguler dans le détail le marché du carton dans la Communauté,

- des mesures complexes ont été prises pour cacher la véritable nature et la portée de la collusion (absence de compte rendu officiel ou de documentation concernant les réunions du PWG et du JMC ; les participants étaient dissuadés de prendre des notes ; la date et l'ordre des lettres annonçant les augmentations de prix étaient orchestrés de façon à pouvoir proclamer que ces augmentations "faisaient suite à d'autres", etc.),

- l'entente a largement réussi à atteindre ses objectifs.

(169) Pour déterminer l'amende à infliger à chaque entreprise, la Commission tiendra compte en outre, des éléments suivants :

- le rôle joué par chaque entreprise dans les accords collusoires,

- tout écart sensible dans la durée de la participation de chaque entreprise à l'entente, le cas échéant,

- son importance relative dans le secteur (taille, gamme de produits, part de marché, chiffre d'affaires du groupe et chiffre d'affaires dans le domaine du carton),

- toute circonstance atténuante, y compris le degré de coopération avec la Commission lors de l'enquête et la mesure dans laquelle cette coopération peut avoir matériellement contribué à faciliter ou à instruire la présente procédure.

Lorsqu'il existe une raison valable d'admettre qu'une entreprise a pu participer à l'infraction beaucoup moins longtemps que les autres (considérant 162), il en sera tenu compte lors de la détermination du montant de l'amende à infliger. La Commission tiendra également compte de toute modification sensible de la nature ou de l'importance du rôle joué par les différents fabricants au sein de l'entente. Toutefois, il n'est pas prévu d'utiliser, pour le calcul du montant des différentes amendes, des formules mathématiques précises reflétant le nombre exact de jours, de mois ou d'années pendant lesquels le fabricant concerné a adhéré à l'entente.

(170) Les "chefs de file", c'est-à-dire les principaux fabricants de carton ayant pris part aux réunions du PWG (Cascades ; Finnboard ; M-M ; MoDo ; Sarriò et Stora) doivent porter une responsabilité particulière, car ce sont manifestement eux qui ont pris les principales décisions et qui ont été les moteurs de l'entente.

KNP a également été membre du PWG jusqu'en 1988 et bien qu'il ne compte pas parmi les grands fabricants de carton, il est l'un des principaux fabricants du secteur papetier et l'un des plus grands groupes industriels des Pays-Bas. De fait, il est probable que c'est en raison de cette position particulière que les autres fabricants ont accepté que son représentant préside la "President Conference" et le PWG à un moment critique. KNP doit donc aussi être considéré comme l'un des chefs de file de l'entente pendant la durée de sa participation au PWG.

Bien que Weig ait été membre du PWG depuis 1988, elle ne semble pas avoir joué un rôle important dans la détermination de la politique de l'entente, contrairement aux grands groupes industriels.

L'amende infligée à Enso-Gutzeit reflète sa situation particulière de seul fabricant n'ayant pas participé aux réunions du JMC.

Pour déterminer les amendes à infliger aux fabricants de carton moins importants, la Commission a tenu compte (entre autres) de leur situation de membres ordinaires, plutôt que de chefs de file de l'entente.

(171) En ce qui concerne la coopération des différents fabricants avec la Commission lors de ses vérifications, il est clair que Stora et Rena se distinguent des autres fabricants.

Bien qu'il y ait déjà eu des preuves écrites solides de l'existence de l'entente, la reconnaissance spontanée de l'infraction par Stora et les preuves détaillées qu'elle a fournies à la Commission ont contribué matériellement à l'établissement de la vérité, réduit la nécessité de s'appuyer sur des preuves indirectes et incontestablement influencé d'autres fabricants qui, autrement, auraient peut-être continué à nier toute infraction. Rena, pour sa part, a remis volontairement à la Commission des documents importants.

L'amende qui aurait normalement été infligée à Stora et au petit fabricant Rena sera donc considérablement réduite.

(172) Les fabricants qui, dès les premières étapes de la procédure, c'est-à-dire dans leurs réponses à la communication des griefs, n'ont pas nié les principales allégations de fait sur lesquelles la Commission fondait ses griefs à leur encontre verront également leur attitude reconnue par une réduction de l'amende qui leur est infligée, bien que dans une mesure moindre que pour Stora et Rena.

Ces fabricants sont Buchmann, Europa Carton, Fiskeby, KNP, Papeteries de Lancey, Sarriò, Enso Española et Weig.

3. Responsabilité conjointe et solidaire pour les amendes : Finnboard

(173) En sa qualité d'entité exerçant une fonction commerciale, Finnboard est une "entreprise" au sens de l'article 85. En tant que telle, il est soumis aux règles de concurrence de la Communauté, indépendamment de la responsabilité éventuelle des sociétés qui en font partie.

Conformément à l'article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17, il peut donc se voir infliger une amende ne dépassant pas 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice écoulé.

Finnboard soutient cependant que, aux fins de l'article 15 paragraphe 2, son chiffre d'affaires n'est pas le montant total des ventes qu'il réalise, mais seulement la commission qu'il perçoit sur les ventes réalisées pour le compte des sociétés membres. Dans ses rapports annuels et ses comptes publiés, Finnboard présente en effet son "chiffre d'affaires" (par opposition à ses "ventes") comme étant le montant des commissions provenant desdites ventes. En 1992, par exemple, le "revenu des commissions" de Finnboard s'est élevé à 20,2 millions de dollars des Etats-Unis (15,7 millions d'écus) pour un montant total de ventes FOB de 911 millions de dollars des Etas-Unis (702 millions d'écus). Le premier chiffre correspond en fait simplement au montant des frais de fonctionnement de Finnboard couverts par les sociétés membres. Il serait manifestement discriminatoire et contraire à l'esprit de l'article 15 que, en créant un comptoir de vente commun et en réalisant toutes leurs ventes de carton par l'intermédiaire de cet organe, les fabricants membres de Finnboard, qui représentent 10 % du marché du carton de la Communauté, puissent limiter leur responsabilité pour les amendes à 10 % des frais de fonctionnement de l'entité au lieu de 10 % de ses ventes. En tant qu'organisme de vente commun, Finnboard ne peut être assimilé à un agent commercial indépendant. Il semblerait que, dans les différents Etats membres de la Communauté, les marchés soient passés avec Finnboard (bien que le droit de propriété passe directement de l'usine du membre au client). Aux fins de l'article 15 paragraphe 2, le "chiffre d'affaires" de Finnboard doit donc être interprété au sens propre du terme, c'est-à-dire comme la valeur facturée totale des ventes qu'il réalise pour ses membres.

Cette interprétation est corroborée par les propres comptes publiés de Finnboard : le bilan montre que Finnboard encaisse et comptabilise la valeur facturée totale des ventes effectuées pour ses membres. Dans les actifs à court terme au 31 décembre 1992, un montant de 194 millions de dollars des Etats-Unis (149,5 millions d'écus) est inscrit aux comptes clients.

(174) Etant donné que c'est Finnboard lui-même, et non les sociétés membres, qui a participé activement et directement à l'entente, il y a lieu de lui infliger une amende et de prendre comme limite supérieure, conformément à l'article 15 paragraphe 2, 10 % de la valeur totale des ventes facturées qu'il a réalisées.

Toutefois, afin de réduire le risque de non-paiement des amendes, la Commission considérera également chacun des quatre fabricants finlandais de GC qui étaient membres de Finnboard pendant la période concernée (Kyro, Tampella, Metsa-Serla et United Papers Mills) comme solidairement responsable avec Finnboard pour la partie de l'amende correspondant approximativement aux ventes de carton réalisées pour son compte par Finnboard dans la Communauté pendant la dernière année civile complète au cours de laquelle il est établi que l'entente a fonctionné. Les sociétés membres nient toute connaissance d'une éventuelle infraction commise par Finnboard et donc toute responsabilité pour les amendes. Toutefois, Finnboard a agi comme leur alter ego et dans leur intérêt en participant à l'entente et elles sont responsables de ses actes, étant donné, en particulier, que chacune d'elles était une société membre de Finnboard et déléguait un membre à son conseil d'administration : affaires jointes, 6 et 7-73, Commercial Solvents contre Commission des Communautés européennes (21).

(175) Pour pratiquement toute la période pendant laquelle il est établi que l'entente a fonctionné, ce sont les quatre groupes eux-mêmes qui étaient inscrits comme sociétés membres de Finnboard. En 1991, cependant, trois d'entre eux ont modifié leur structure, faisant des divisions d'exploitation responsables du carton (qui n'étaient pas constituées en société auparavant) des sociétés distinctes au sein du groupe. Tampella a filialisé sa division des produits forestiers sous le nom de Tampella Forest INC., le 1er janvier 1991 et la nouvelle société a pris la place de la société mère au sein de Finnboard. Metsa-Serla s'est restructurée en 1991 et depuis le 30 septembre 1991 elle était représentée au sein de Finnboard par Metsa-Serla Paper & Board Ltd. Enfin, Kyro a constitué ses départements papier et carton en société le 1er janvier 1992 sous le nom de Oy Kyro Board & Paper Ltd. Le siège du groupe Kyro au sein de Finnboard a été repris par la nouvelle société. Dans la plupart des cas, quelles que soient les modifications apportées à la participation des sociétés sur le plan formel, ce sont les mêmes cadres supérieurs qui ont continué de représenter chaque groupe en tant qu'administrateurs de Finnboard.

Sauf dans le cas de Tampella, ces réorganisations internes (et les modifications formelles qui en ont résulté dans la composition de Finnboard) ont toutes eu lieu après les vérifications effectuées en avril 1991. Dans le cas de Metsa-Serla et de Kyro, la question du destinataire de la décision ne se pose donc pas : le groupe lui-même était officiellement membre de Finnboard pendant toute la période concernée, de 1986 à avril 1991. En ce qui concerne Tampella, le fait que, pendant les tout derniers mois de la période pendant laquelle il est établi que l'entente a fonctionné, sa division des produits forestiers était constituée en société, n'altère en rien la responsabilité du groupe lui-même (considérants 142 et 143).

De même, le transfert ultérieur par Tampella de sa division des produits forestiers (Tampella Forest INC.) à Metsa-Serla, qui a eu lieu au début de 1993, n'entraîne pas le transfert, avec la filiale, de la responsabilité du groupe pour la participation de Finnboard à l'infraction (considérants 145 et 159).

Cette responsabilité incombe par conséquent toujours à Tampella Corporation, qui continue d'exister en tant qu'entreprise et, pour calculer la part de l'amende pour laquelle Metsa-Serla est solidairement responsable avec Finnboard, la Commission ne tient pas compte de l'acquisition,

A ARRETE LA PRESENTE DECISION :

Article premier

Buchmann GmbH, Cascades SA, Enso-Gutzeit Oy, Europa Carton AG, Finnboard - the Finnish Board Mills Association, Fiskeby Board AB, Gruber & Weber GmbH & Co KG, Kartonfabriek De Eendracht NV (dont le nom commercial est BPB de Eendracht NV), NV Koninklijke KNP BT NV (anciennement Koninklijke Nederlandse Papierfabrieken NV), Laakmann Karton GmbH & Co KG, Mo Och Domsjo AB (MoDo), Mayr-Melnhof Gesellschaft mbH, Papeteries de Lancey SA, Rena Kartonfabrik AS, Sarriò SpA, SCA Holding Ltd [anciennement Reed Paper & Board (UK) Ltd], Stora Kopparbergs Bergslags AB, Enso Española SA (anciennement Tampella Española SA) et Moritz J. Weig GmbH & Co KG ont enfreint l'article 85 paragraphe 1 du traité CE en participant :

- dans le cas de Buchmann et de Rena, de mars 1988 environ jusqu'à fin 1990 au moins,

- dans le cas de Enso Española, de mars 1988 au moins jusqu'à fin avril 1991 au moins,

- dans le cas de Gruber & Weber, de 1988 au moins jusqu'à fin 1990,

- dans les autres cas, à compter de mi-1986 jusqu'à avril 1991 au moins,

à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de 1986, en vertu desquels les fournisseurs de carton de la Communauté européenne :

- se sont rencontrés régulièrement dans le cadre de réunions secrètes et institutionnalisées, afin de négocier et d'adopter un plan sectoriel commun de restriction de la concurrence,

- ont décidé d'un commun accord des augmentations régulières des prix pour chaque qualité de produit dans chaque monnaie nationale,

- ont planifié et mis en œuvre des augmentations de prix simultanées et uniformes dans l'ensemble de la Communauté européenne,

- se sont entendues pour maintenir les parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles,

- ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire, afin d'assurer la mise en œuvre desdites augmentations de prix concertées,

- ont échangé des informations commerciales sur les livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet et les taux d'utilisation des machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus.

Article 2

Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange d'informations commerciales :

a) par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de commercialisation d'autres fabricants ;

b) par lequel, même si aucune information individuelle n'est communiquée, une réaction commune du secteur dans le domaine des prix ou un contrôle de la production seraient promus, facilités ou encouragés

ou

c) qui permettrait aux entreprises concernées de suivre l'exécution ou le respect de tout accord exprès ou tacite sur les prix ou le partage des marchés dans la Communauté.

Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure non seulement toutes données permettant d'identifier le comportement de fabricants déterminés, mais aussi toutes données relatives à l'état des entrées de commandes et des commandes en carnet, au taux prévu d'utilisation des capacités de production (dans les deux cas, même si elles sont agrégées) ou à la capacité de production de chaque machine.

Tout système d'échange de ce type sera limité à la collecte et à la diffusion, sous une forme agrégée, de statistiques sur la production et les ventes qui ne puissent être utilisées pour promouvoir ou faciliter un comportement commun du secteur.

Les entreprises s'abstiendront également de tout échange d'informations intéressant la concurrence autre que les échanges admis, ainsi que de toute réunion ou contact en vue d'examiner l'importance des informations échangées ou la réaction possible ou probable du secteur ou de fabricants individuels à ces informations.

Un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision est accordé pour procéder aux modifications nécessaires de tout système éventuel d'échange d'informations.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes pour les infractions constatées à l'article 1er :

i) Buchmann GmbH, une amende de 2 200 000 écus ;

ii) Cascades SA, une amende de 16 200 000 écus ;

iii) Enso Gutzeit Oy, une amende de 3 250 000 écus ;

iv) Europa Carton AG, une amende de 2 000 000 d'écus ;

v) Finnboard - the Finnish Board Mills Association, une amende de 20 000 000 d'écus, pour laquelle Oy Kyro AB est solidairement responsable avec Finnboard à concurrence de 3 000 000 d'écus, Metsa-Serla Oy à concurrence de 7 000 000 d'écus, Tampella Corp. à concurrence de 5 000 000 d'écus et United Paper Mills à concurrencede 5 000 000 d'écus ;

vi) Fiskeby Board AB, une amende de 1 000 000 d'écus ;

vii) Gruber & Weber GmbH & Co KG, une amende de 1 000 000 d'écus ;

viii) Kartonfabriek De Eendracht NV (dont le nom commercial est BPB de Eendracht NV), une amende de 1 750 000 écus ;

ix) NV Koninklijke KNP BT NV, une amende de 3 000 000 d'écus ;

x) Laakmann Karton GmbH & Co KG, une amende de 2 200 000 écus ;

xi) Mayr-Melnhof Karton Gesellschaft MBH, une amende de 21 000 000 d'écus ;

xii) Mo Och Domsjö AB, une amende de 22 750 000 écus ;

xiii) Papeteries de Lancey SA, une amende de 1 500 000 écus ;

xiv) Rena Kartonfabrik AS, une amende de 200 000 écus ;

xv) Sarriò SpA, une amende de 15 500 000 écus ;

xvi) SCA Holding Limited, une amende de 2 200 000 écus ;

xvii) Stora Kopparsbergs Bergslags AB, une amende de 11 250 000 écus ;

xviii) Enso Española SA, une amende de 1 750 000 écus ;

xix) Moritz J. Weig GmbH & Co KG, une amende de 3 000 000 d'écus ;

Article 4

Les amendes fixées à l'article 3 sont payables en écus, dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision, au compte bancaire de la Commission des Communautés européennes : 310-0933000-43, Banque Bruxelles-Lambert, Agence européenne, Rond-point Schuman 5, B-1040 Bruxelles.

A l'issue de ce délai, des intérêts sont automatiquement dus au taux pratiqué par l'Institut monétaire européen sur ses opérations en écus au premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée, majoré de 3,5 points de pourcentage, soit 9,25 %.

Article 5

Sont destinataires de la présente décision :

- Buchmann GmbH, D-76857 Rinnthal,

- Cascades SA, Les Mercuriales, Tour Ponant, 40, rue Jean-Jaurès, F-93176 Bagnolet Cedex,

- Enso-Gutzeit Oy, Kanavaranta 1, SF-00160 Helsinki,

- Europa Carton AG, Spitalerstrasse 11, D-20095 Hamburg,

- Finnboard - the Finnish Board Mills Association, Etelaesplanadi 2, SF-00130 Helsinki,

- Oy Kyro Ab, SF-39200 Kyröskoski,

- Metsa-Serla Oy, Fabianinkatu 8, SF-00130 Helsinki,

- Tampella Corporation, PO Box 256, Lapintie 1, SF-33101 Tampere,

- United Paper Mills, PO Box 40, SF-37601 Valkeakoski,

- Fiskeby Board AB, Box 1, Fiskeby, S-60102 Norrköping,

- Gruber & Weber GmbH & Co KG, D-76593 Gernsbach,

- Kartonfabriek "de Eendracht" NV (dont le nom commercial est BPB de Eendracht), Woldweg 18, NL-9902 AG Appingedam,

- NV Koninklijke KNP BT NV, Paalbergweg 2, NL-1105 AG Amsterdam 20,

- Laakmann Karton GmbH & Co KG, Bonsfelderstrasse 1-4, D-42555 Velbert,

- Mo Och Domsjö AB, Strandvagen 1, S-11484 Stockholm,

- Mayr-Melnhof Karton Gesellschaft mbH, Brahmsplatz 6, A-1041 Vienna,

- Papeteries de Lancey SA, Rue du Petit Clamart, F-78140 Vélizy Villacoublay,

- Rena Kartonfabrik AS, N-2451 Rena,

- Sarriò SpA, Via G. de Medici 17, I-20013 Pontenuovo-Magenta (Milan),

- SCA Holding Ltd, New Hythe House, Aylesford, Maidstone Kent ME20 7PB,

- Stora Kopparbergs Bergslags AB, S-79180 Falun,

- Enso Española SA, Carretera N-2 Km 592, 6, E-08755 Castellbisbal,

- Moritz J Weig GmbH & Co KG, Polcherstrasse 113, D-56727 Mayen.

(1) JO n° 13 du 21.2.1962, p. 204-62.

(2) JO n° 127 du 20.8.1963, p. 2268-63.

(3) Finnboard, qui dispose de la personnalité juridique en tant que " yhdistys " (association professionnelle) de droit finlandais, comptait six sociétés membres (dont deux ne produisaient pas de cartons) en 1991. Chacune déléguait un membre au conseil d'administration. Cet organisme commercial est dirigé par un directeur général dont dépendent les différentes unités de commercialisation. Il employait cent trente-cinq personnes en Finlande et était représenté dans quarante trois pays. Dans dix-sept pays, il s'agissait des propres filiales de vente de Finnboard.

(4) Etude de Finnboard du 16 mai 1990.

(5) EIU Paper and Packaging Analyst, novembre 1991.

(6) La marge d'exploitation est définie comme étant les ventes facturées moins les rabais et la totalité des coûts de production, de vente et d'administration, à l'exclusion des coûts d'investissement, c'est-à-dire les amortissements et les intérêts. Il convient toutefois de noter que pour les producteurs intégrées de GC, la rentabilité de l'ensemble des opérations, de la pâte au produit fini, est nettement plus élevée.

(7) En 1991, l'EPI a fusionné avec la CEPAC, une autre association professionnelle représentant les industries de la pâte, du papier et du carton, pour former la CEPI ("Confederation of European Paper Industrie"-"Confédération des industries européennes du papier").

(8) Au moment où la note a été rédigée, la plupart des fabricants venaient d'annoncer une hausse de prix de 9 % au Royaume-Uni à partir du mois de janvier 1987.

(9) Dans les instructions proprement dites, les augmentations de prix minimales exigées par Finnboard pour les qualités GC1 et GC2 étaient les 58 livres sterling et 54 livres sterling mentionnées dans la note de FS-Karton (considérant 85).

(10) Il est manifestement question de la pratique consistant pour chaque producteur à faire le point sur ses commande en carnet dans le cadre du JMC.

(11) Les données relatives aux prix sur lesquelles l'étude était fondée ont été communiquées aux auteurs du document par les producteurs. La Commission n'est pas en mesure de controler l'exactitude de ces données ni la méthode utilisée.

(12) Recueil de la jurisprudence de la Cour 1991-II, p. 867, point 126 des motifs.

(13) Recueil de la jurisprudence de la Cour 1991-II, p. 1711.

(14) Recueil de la jurisprudence de la Cour 1979, point 461 plus spécifiquement, p. 512.

(15) Recueil de la jurisprudence de la Cour 1972, p. 619.

(16) Recueil de la jurisprudence de la Cour 1975, p. 1663.

(17) Recueil de la jurisprudence de la Cour 1992-II, p. 1021.

(18) JO n° L 3 du 6.1.1987, p. 17.

(19) Les seuls Etats membres de la Communauté pour lesquels ils n'existe pas de preuves fiables de l'existence d'accords de fixation de prix sont le Portugal et la Grèce, qui ne possèdent pas de producteur de carton.

(20) Recueil de la jurisprudence de la Cour 1980, p. 3125.

(21) Recueil de la jurisprudence de la Cour 1991-II, p. 1623.

(22) Recueil de la jurisprudence de la Cour 1974, p. 223.

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C. AUGMENTATION DE PRIX D'OCTOBRE 1988

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