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Décisions

TPICE, 2e ch., 7 juillet 1994, n° T-43/92

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Dunlop Slazenger International (Ltd)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cruz Vilaça

Juges :

MM. Briët, Kalogeropoulos, Barrington, Biancarelli

Avocat :

Me Green

TPICE n° T-43/92

7 juillet 1994

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Les faits à l'origine du recours

1 La présente affaire concerne un recours tendant à obtenir l'annulation de la décision 92-261-CEE de la Commission, du 18 mars 1992, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-32.290 - Newitt c/Dunlop Slazenger International et autres, JO L. 131, p. 32, ci-après "Décision"), par laquelle celle-ci, d'une part, a constaté que Dunlop Slazenger International Ltd (ci-après "DSI") a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité, en prévoyant dans ses relations commerciales avec ses clients une interdiction générale d'exporter ses produits et en mettant en œuvre, en concertation avec certains de ses distributeurs exclusifs, diverses mesures en vue de faire respecter cette interdiction générale d'exporter et, d'autre part, a infligé à DSI une amende d'un montant de 5 millions d'écus. Le recours tend, en outre, à obtenir l'annulation de cette amende ou, à titre subsidiaire, sa réduction.

La plainte

2 Enregistrée jusqu'en novembre 1984 sous la dénomination "International Sports Company Limited", puis sous celle de "Dunlop Slazenger Limited" et ayant été rachetée, en mars 1985, par le groupe BTR plc (ci-après "BTR") dans le cadre de la prise de contrôle de Dunlop Holdings plc par ce groupe, DSI, société de droit anglais, assure, au sein de ce groupe, la production et la distribution d'articles de sport à l'échelle mondiale.

3 Le 18 mars 1987, Newitt & Co. Ltd (ci-après "Newitt"), société de droit anglais, grossiste et détaillant d'articles de sport, a déposé auprès de la Commission une plainte dirigée contre DSI, pour infraction aux articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité CEE.

4 Dans sa plainte, Newitt expliquait qu'elle achetait à DSI, au Royaume-Uni, une large gamme d'articles de sport, principalement des balles de tennis et de squash, qu'elle commercialisait par la suite sur ce même marché ou exportait, en grande partie, vers les autres Etats de la Communauté et notamment vers les Pays-Bas. Elle faisait grief à DSI d'entraver par des mesures diverses, notamment en matière de prix, les exportations à destination d'autres Etats de la Communauté, dans lesquels DSI disposait de distributeurs exclusifs, auxquels elle entendait ainsi assurer une protection territoriale absolue. Selon la plaignante, les mesures incriminées avaient pour effet de permettre à DSI de procéder à un partage du marché communautaire et d'exercer un contrôle sur les prix. En outre et en raison de la position dominante de DSI sur le marché des balles de tennis et de squash, Newitt estimait que DSI enfreignait également l'article 86 du traité.

La procédure administrative devant la Commission

5 Le 23 juin 1987, la Commission a notifié la plainte susvisée à DSI, qui, par lettre du 12 août 1987, a invité ses distributeurs exclusifs à ne pas répondre, sans la consulter au préalable, à d'éventuelles questions de la Commission. Par la suite, la Commission, par lettre du 20 octobre 1987, a adressé à DSI une mise en garde concernant la gravité des infractions qui lui étaient reprochées, l'invitant à y mettre fin au cas où elle se serait effectivement rendue responsable des comportements anticoncurrentiels qui lui étaient reprochés.

6 Les 3 et 4 novembre 1988, la Commission a effectué une vérification dans les locaux du distributeur exclusif de DSI au Benelux pour la marque Dunlop, All Weather Sports BV (ci-après "AWS"), ainsi que dans les locaux de Pinguin Sports BV (ci-après "Pinguin"), le distributeur exclusif de DSI aux Pays-Bas pour la marque Slazenger.

7 Le 7 mai 1990, la Commission a décidé d'engager la procédure d'infraction et, le 29 mai 1990, elle a adressé une communication des griefs à DSI, à AWS et à Pinguin.

8 Le 16 juillet et le 31 juillet 1990, respectivement, DSI et AWS ont soumis à la Commission leurs observations écrites sur la communication des griefs et, lors de l'audition à laquelle il a été procédé le 5 octobre 1990, elles ont présenté leurs observations orales. Pinguin n'a pas répondu à la communication des griefs.

9 Dans ses réponses et observations, DSI a reconnu et regretté certaines des mesures que la Commission lui faisait grief d'avoir adoptées, tandis que AWS, tout en reconnaissant la plupart des faits exposés dans la communication des griefs, a contesté qu'ils puissent, à quelques exceptions près, constituer des infractions à l'article 85 du traité.

10 Le 12 décembre 1990, à titre de mesures prises pour se conformer aux règles de la concurrence, DSI a notifié à la Commission le texte des nouvelles instructions qu'elle avait adressées à son personnel et, le 22 janvier 1991, le texte du nouveau contrat type régissant ses rapports avec ses distributeurs.

La Décision

11 Le 18 mars 1992, la Commission a adopté la Décision, dans laquelle elle a constaté que les accords de distribution exclusive de DSI contenaient une clause non écrite, par laquelle celle-ci s'engageait à assurer une protection territoriale absolue à ses distributeurs exclusifs, et qu'à cette fin les contrats de vente conclus par DSI avec ses revendeurs et ses distributeurs contenaient une condition de vente, également non écrite, imposant à ces derniers une interdiction générale d'exporter ses produits sur les territoires respectifs de chacun de ses distributeurs exclusifs dans la Communauté.

12 En outre, dans la Décision, la Commission a constaté que DSI, en concertation avec AWS et Pinguin, avait adopté, dans le même but visant à éliminer les exportations parallèles, une série de mesures portant sur les balles de tennis et de squash, ainsi que sur les raquettes de tennis et les articles de golf. Ces mesures auraient consisté, en premier lieu, en des refus de livraison de ses produits opposés directement à l'entreprise plaignante, Newitt, ou, indirectement, par l'intermédiaire de sa filiale aux Etats-Unis, en octobre 1986, en juin 1987 et en 1988, en deuxième lieu, en des mesures édictées en matière de prix à l'encontre de Newitt et d'autres négociants établis au Royaume-Uni, afin de les rendre non compétitifs à l'exportation vers les marchés des autres Etats membres, en troisième lieu, en des rachats de ses produits exportés parallèlement, en quatrième lieu, dans le marquage de ses produits afin d'identifier l'origine des importations parallèles en vue de les éliminer et, enfin, dans l'impression sur certains de ses produits, au profit de son seul réseau de distribution exclusive, du sigle de la fédération nationale de tennis des Pays-Bas.

13 Selon la Décision (point 70), les infractions commises par DSI remontent à 1977 et elles n'ont cessé qu'en 1990, sauf pour les mesures en matière de prix. Par son objet et par son caractère général, l'interdiction d'exporter aurait affecté de façon particulièrement sensible les échanges entre Etats membres, compte tenu de l'importance de DSI sur les marchés des produits de sport, celle-ci ayant occupé, en 1989, 39 % du marché des balles de tennis "First Grade" et 63 %, en moyenne, du marché des balles de squash, ainsi qu'une position renforcée sur le marché des raquettes de tennis et des articles de golf. Quant aux autres mesures adoptées par DSI, ayant également pour objet d'entraver les échanges entre Etats membres, elles auraient, dans de nombreux cas, permis d'éliminer les importations ou d'annuler leurs effets sur les prix et d'aboutir à l'élimination virtuelle de toutes les exportations vers les autres Etats membres réalisées par Newitt ainsi que, vraisemblablement, à celle des exportations parallèles réalisées par d'autres négociants établis au Royaume-Uni.

14 Selon la Décision, les accords de distribution exclusive de DSI ne pouvaient relever du champ d'application des dispositions de l'article 1er du règlement (CEE) n° 1983-83 de la Commission, du 22 juin 1983, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords de distribution exclusive (JO L.173, p. 1, ci-après "règlement n° 1983-83"), du fait qu'ils imposaient aux parties des obligations restrictives de la concurrence allant au delà des restrictions autorisées par l'article 2 dudit règlement, dans la mesure, notamment, où ils étaient assortis d'une clause tacite de protection territoriale absolue et, de plus, accompagnés de pratiques concertées tombant sous le coup de l'article 3, sous d), de ce règlement. Par ailleurs, ces accords n'avaient pas été notifiés à la Commission, de sorte qu'ils ne pouvaient bénéficier d'une exemption individuelle, qui, en tout état de cause, aurait dû leur être refusée.

15 Enfin, à la gravité des infractions et à l'importance de leur durée, s'est ajouté, toujours selon la Décision, le comportement de DSI à la suite de la communication des griefs dans la mesure où, d'une part, le 12 août 1987, elle a envoyé une lettre à ses distributeurs exclusifs leur demandant de ne pas répondre, sans la consulter au préalable, à d'éventuelles questions de la Commission et où, d'autre part, elle n'a pris que tardivement des mesures pour se conformer aux règles de la concurrence, en n'informant ses distributeurs exclusifs qu'en janvier 1991 de ce qu'ils pouvaient accepter des commandes destinées à des exportations dans la Communauté, et ce tout en manifestant l'intention de continuer d'appliquer à ses distributeurs exclusifs un système de prix ou de rabais différenciés (point 69 de la Décision).

16 C'est sur l'ensemble de ces motifs que la Commission a fondé le dispositif de sa décision, ayant la teneur qui suit :

"Article premier

Dunlop Slazenger International Ltd a enfreint l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE en prévoyant dans ses relations commerciales avec ses clients une interdiction générale d'exporter ses produits en vue de protéger son réseau de distribution exclusive et en mettant en œuvre pour certains de ces produits (balles de tennis, balles de squash, raquettes de tennis, articles de golf) diverses mesures - refus de livrer, mesures dissuasives en matière de prix, marquage et suivi de produits exportés, rachat de produits exportés, utilisation discriminatoire de labels officiels - en vue de la faire respecter.

All Weather Sports International BV a enfreint l'article 85 paragraphe 1 pour avoir incité et participé à la mise en œuvre de ces mesures aux Pays-Bas, pour ce qui concerne les produits Dunlop.

Pinguin Sports BV a enfreint l'article 85 paragraphe 1 pour avoir incité à la mise en œuvre de mesures similaires aux Pays-Bas, pour ce qui concerne les produits Slazenger.

Article 2

Une amende de 5 millions d'écus est infligée à Dunlop Slazenger International Ltd et une amende de 150 000 écus est infligée à All Weather Sports Benelux BV (qui a repris les actifs d'All Weather Sports BV) pour les infractions visées à l'article 1er."

La procédure

17 C'est dans ces circonstances que DSI a introduit le présent recours, enregistré au greffe du Tribunal le 30 mai 1992.

18 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et a invité les parties, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, à répondre à un certain nombre de questions écrites. En outre, le Tribunal a demandé à la Commission de produire un certain nombre de documents. Lors de la procédure orale du 14 décembre 1993, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et ont répondu aux questions orales du Tribunal.

Conclusions des parties

19 La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler la Décision, dans la mesure où elle concerne DSI ;

- annuler ou réduire l'amende infligée à DSI au titre de la Décision ;

- condamner la Commission aux dépens ; et

- condamner la Commission à rembourser intégralement à DSI les frais exposés

pour constituer une garantie de paiement de l'amende.

20 La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter comme irrecevable la demande tendant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de rembourser à DSI les frais exposés pour constituer une garantie du paiement de l'amende ;

- pour le surplus, rejeter le recours comme non fondé ;

- condamner DSI aux dépens de la présente procédure.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la Décision

En ce qui concerne la légalité externe et la régularité de la procédure de notification de la Décision

21 Au titre de la légalité externe et de la régularité de la procédure de notification de la Décision, la requérante invoque trois moyens mettant en cause, respectivement, la régularité de l'authentification de la Décision et de la notification qui lui en a été faite, la régularité de l'adoption de la Décision, en raison d'une atteinte qui aurait été portée à l'autonomie de la volonté de la Commission et, enfin, une violation du principe du contradictoire en ce que la Commission n'aurait pas mentionné, dans la Décision, certains documents dont elle se prévaut dans son mémoire en défense.

Sur le premier moyen, tiré des irrégularités ayant affecté la procédure d'authentification et de notification de la Décision

Résumé des moyens et principaux arguments des parties

22 La requérante soutient, en se référant à l'arrêt du Tribunal du 27 février 1992, BASF e.a./Commission (T-79-89, T-84-89, T-85-89, T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-98-89, T-102-89 et T-104-89, Rec. p. II-315), que la Décision pourrait n'avoir pas été adoptée conformément au règlement intérieur de la Commission, notamment à son article 12. Elle fait valoir que la copie de la Décision qui lui a été notifiée n'était pas authentifiée par le président de la Commission et que, bien que la Décision devait en principe être signée par le commissaire en charge des questions de concurrence, la copie qui lui a été notifiée n'était pas signée par celui-ci, mais certifiée par le secrétaire général de la Commission.

23 La Commission affirme que la Décision a été adoptée conformément à son règlement intérieur. Le président de la Commission et son secrétaire général auraient authentifié la Décision dans les deux langues faisant foi, l'anglais et le néerlandais, et la lettre de notification aurait été signée par le commissaire en charge des questions de concurrence.

Appréciation du Tribunal

24 En premier lieu, pour autant que le moyen invoqué par la requérante met en cause la régularité de l'adoption et de l'authentification de la Décision, ainsi que la conformité à l'original de la copie qui lui a été notifiée, le Tribunal constate que la requérante n'invoque aucun indice, non plus qu'aucune circonstance précise de nature à écarter la présomption de validité dont bénéficient les actes communautaires, tant en ce qui concerne l'adoption et l'authentification de la Décision que la conformité au texte original de celle-ci de la copie qui lui a été notifiée.

25 En second lieu, dans la mesure où la requérante met en cause la régularité en la forme de la copie même de la Décision qui lui a été notifiée, le Tribunal relève, tout d'abord, que l'article 16 du règlement intérieur provisoire de la Commission, en vigueur à la date d'adoption de la Décision, prévoit, dans son troisième alinéa, que son secrétaire général "prend les mesures nécessaires pour assurer la notification... des actes de la Commission". En outre, le secrétaire général est, en vertu des articles 10 et 12, premier alinéa, chargé de la conservation des décisions de la Commission, sous forme de procès-verbaux des séances de la Commission lors desquelles ces décisions ont été adoptées et des originaux de celles-ci annexés aux procès-verbaux. Le Tribunal constate, ensuite, que la copie de la Décision notifiée à la requérante porte la mention "copie certifiée conforme à l'original" ("certified copy"), suivie de la signature du secrétaire général de la Commission ainsi que de la mention du nom du commissaire en charge des questions de concurrence. Le Tribunal rappelle, enfin, que, pour que la notification d'une décision soit régulière, il suffit que cette décision soit communiquée à son destinataire et que ce dernier soit mis en mesure d'en prendre connaissance (arrêt de la Cour du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission, 6-72, Rec. p. 215, point 10, et arrêt du Tribunal du 29 mai 1991, Bayer/Commission, T-12-90, Re p. II-219), étant précisé, au surplus, que les irrégularités éventuelles affectant les modalités de notification ne vicient pas la légalité ou la régularité de l'acte notifié lui-même (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48-69, Rec. p. 619, points 39 et 40, et Geigy/Commission, 52-69, Rec. p. 787, point 18) et que, en tout état de cause, aucune disposition n'impose que l'exemplaire de la décision notifié à une entreprise soit signé par le membre compétent de la Commission (arrêt de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Chemical Iberica e. a./Commission, 97-87 à 99-87, Rec. p. 3165, point 59).

26 Il en résulte que le moyen doit être rejeté en ses deux branches.

Sur le deuxième moyen, tiré des irrégularités ayant affecté la procédure d'adoption de la Décision

Résumé des moyens et principaux arguments des parties

27 La requérante expose que deux dépêches d'agences de presse du 17 et 18 mars 1992 ont annoncé, la veille et le jour même de l'adoption de la Décision, que DSI allait être condamnée à payer une amende, pour infraction aux règles de la concurrence. Ces dépêches auraient eu un effet défavorable sur la manière dont la Décision a été prise, parce qu'elles auraient préjugé de celle-ci, empêchant le collège des commissaires, dont l'autonomie de volonté aurait été ainsi mise en péril, d'apprécier et d'examiner correctement le fond de l'affaire.

28 La Commission souligne qu'elle n'a autorisé aucun communiqué à la presse avant l'adoption de la Décision et affirme que des enquêtes menées à ce sujet n'ont pas permis de conclure à la responsabilité de l'un de ses fonctionnaires. Les dépêches en question, de pure conjecture, n'auraient pas pu, en tout état de cause, compromettre l'indépendance de la Commission, en tant que collège, étant donné que la seule expression de la position de la Commission est sa décision elle-même. Par conséquent, ce moyen devrait être rejeté, conformément à la jurisprudence de la Cour (arrêt du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27-76, Rec. p. 207, points 284 à 288).

Appréciation du Tribunal

29 Le Tribunal estime que, en admettant même que les services de la Commission soient responsables de la fuite relatée par les dépêches auxquelles la requérante se réfère, ce qui n'est cependant ni admis par la Commission, ni établi par la requérante, cette circonstance serait, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la Décision. Faute donc, pour la requérante, d'avoir apporté des éléments démontrant que la Décision n'aurait pas été, en fait, adoptée ou qu'elle aurait eu un contenu différent si les manifestations litigieuses n'avaient pas eu lieu (arrêt United Brands/Commission, précité, point 286) ou, encore, que la Commission, en adoptant la Décision, se serait "fondée sur des considérations autres que celles qui y sont reprises" (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30-89, Rec. p. II-1439, point 136), ce moyen doit être également rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré de ce que la Décision a été adoptée à la suite d'une procédure administrative irrégulière

Résumé des moyens et principaux arguments des parties

30 La requérante relève, dans sa réplique, que le mémoire en défense de la Commission comporte un certain nombre d'annexes (les annexes n° 9, 13 à 17 et 20 à 27), dont la plupart sont rédigées en néerlandais et qui, bien qu'invoquées dans la communication des griefs, n'ont pas été mentionnées expressément dans la Décision. Elle soutient qu'il y a là une violation du principe du contradictoire, dans la mesure où, faute d'avoir mentionné ces documents dans la Décision, la Commission ne serait pas en droit de s'en prévaloir dans son mémoire en défense, d'autant plus que le silence de la Décision à propos de ces pièces aurait suscité, chez la requérante, la présomption que les explications qu'elle avait fournies à leur sujet au cours de la procédure administrative avaient été suffisantes et qu'elles avaient été prises en compte lors de l'adoption de la Décision.

31 La Commission souligne que, dans la mesure où les annexes en cause concernent des questions de fait, elles ont toutes été citées dans la communication des griefs et présentées à la requérante, qui, ainsi qu'il ressortirait de ses observations en réponse à ladite communication, ne s'est pas plainte de ce que certains documents étaient rédigés en néerlandais et n'a fourni aucune explication ou réfutation concernant les preuves à son encontre résultant de ces documents. La Commission considère ainsi que, en l'absence d'explications de la part de la requérante, c'est à bon droit qu'elle a pu déduire de ce silence que la présentation des faits figurant dans la communication des griefs pouvait être retenue.

32 Sur le plan des principes juridiques, la Commission soutient qu'elle a pleinement respecté l'article 4 de son règlement n° 99-63-CEE du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99-63"), et la jurisprudence de la Cour, étant donné que, dans la Décision, elle a traité uniquement des griefs et des faits sur lesquels DSI avait pu faire connaître son point de vue, sur la base des documents litigieux, qui, ayant tous été cités dans la communication des griefs et invoqués séparément et collectivement, à plusieurs reprises, dans la Décision, devaient permettre à la requérante de vérifier le bien-fondé de celle-ci. Pour le reste, la Commission considère qu'elle n'était pas tenue de citer séparément chacun de ces documents dans le texte de la Décision (arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41-69, Rec. p. 661, du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125, et du 2 mars 1983, GVL/Commission, 7-82, Rec. p. 483). Enfin, elle fait observer que les documents en question, d'une part, réfutent les arguments présentés dans la requête, sans soulever de nouvelles questions et, d'autre part, que, étant indispensables au contrôle de la Décision par le Tribunal, ils devaient être produits devant lui, en vertu de l'article 43, paragraphe 4, du règlement de procédure.

Appréciation du Tribunal

33 Pour autant que le moyen de la requérante soulève une question relative au respect du principe du contradictoire et des droits de la défense en la matière, tels que prévus à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17") et aux articles 3 et 7, paragraphe 1, du règlement n° 99-63, il est constant entre les parties que les documents concernés, figurant en annexe au mémoire en défense, ont été cités dans la communication des griefs du 29 mai 1990 et qu'ils ont été communiqués à la requérante. Cette dernière a eu, dès lors, la possibilité de réfuter les éléments de preuve qu'ils contenaient à son encontre et de présenter son point de vue. Il en résulte que la requérante n'est pas fondée à alléguer une violation du principe du contradictoire et des droits de la défense dès lors que la Commission, dans la Décision, n'a pas retenu, à son encontre, des éléments de preuve autres que ceux sur lesquels la requérante avait eu l'occasion de faire connaître son point de vue, conformément à l'article 4 du règlement n° 99-63 (arrêts du Tribunal du 24 octobre 1991, Petrofina/Commission, T-2/89, Rec. p. II-1087, point 39, du 10 mars 1992, Hüls/Commission, T-9-89, Rec. p. II-499, et du 9 juillet 1992, Publishers Association/Commission, T-66-89, Rec. p. II-1995).

34 Pour autant que, par ce moyen, la requérante invoque l'existence d'une prétendue obligation de la Commission de viser distinctement, dans sa Décision, l'ensemble des documents sur lesquels elle s'est fondée, lors de l'adoption de celle-ci, le Tribunal rappelle que, conformément à la jurisprudence en la matière, une décision, si elle doit préciser les éléments de preuve qui emportent la conviction de la Commission, ne doit pas énumérer de manière exhaustive tous les éléments de preuve disponibles et peut s'y référer globalement (arrêt Petrofina/Commission, précité, point 39).

35 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que ce moyen doit être rejeté.

En ce qui concerne la légalité interne de la Décision

36 Il ressort de l'article 1er de la Décision qu'il est reproché à la requérante, d'une part, d'avoir, dans sa pratique contractuelle, imposé à ses cocontractants une interdiction générale d'exporter les produits contractuels (I) et, d'autre part, d'avoir eu recours à des moyens diversifiés en vue d'assurer la mise en œuvre effective de cette interdiction (II). C'est au regard de cette double incrimination qu'il convient d'examiner les moyens articulés par la requérante et tendant à l'annulation de l'article 1er de la Décision et, par voie de conséquence, à l'annulation de son article 2.

I - SUR L'INTERDICTION GENERALE D'EXPORTER

37 La requérante conteste avoir imposé une interdiction générale d'exporter (A). En outre, elle conteste l'étendue et la portée qu'aurait eu une telle interdiction (B), comme la durée au cours de laquelle elle aurait été imposée (C).

A - Quant à l'existence d'une interdiction générale d'exporter les produits contractuels imposée par la requérante à ses cocontractants

38 La requérante conteste l'existence d'une interdiction générale d'exporter qu'elle aurait imposée, d'une part, dans ses contrats de distribution exclusive (a) et, d'autre part, dans le cadre des contrats de vente conclus par elle (b).

a) Sur l'existence d'une interdiction générale d'exporter dans le cadre du système de distribution exclusive de la requérante

Résumé des moyens et principaux arguments des parties

39 La requérante soutient que la Décision, dans la mesure où elle constate qu'elle avait imposé, dans ses accords de distribution exclusive, une interdiction générale d'exporter ses produits vers les pays où elle disposait de distributeurs exclusifs, en vue d'assurer à ceux-ci une protection territoriale absolue, n'est ni suffisamment motivée ni appuyée par des preuves suffisantes.

40 A cet égard, la requérante reproche, en premier lieu, à la Commission d'avoir limité son enquête à deux de ses distributeurs exclusifs au Benelux, AWS et Pinguin. Faute d'avoir mené une enquête auprès d'autres revendeurs et sur d'autres territoires que ceux mentionnés dans la Décision, la Commission ne serait pas fondée à conclure qu'il existait une interdiction générale d'exporter.

41 En deuxième lieu, la requérante fait observer que les documents sur lesquels se base la Commission, pour conclure à l'existence d'une interdiction générale d'exporter, sont des lettres, datées respectivement du 14 décembre 1977, du 5 août 1985, du 16 juin 1986 et du 15 octobre 1986, qu'elle avait adressées à la plaignante Newitt et non pas à ses distributeurs exclusifs, qui n'auraient, du reste, pas reconnu l'existence d'une telle interdiction. Elle reconnaît que, si les déclarations contenues dans ces lettres pourraient, en tant que déclarations unilatérales faites par elle, en sa qualité de fabricant, être considérées, selon la jurisprudence de la Cour, comme s'insérant dans un accord ou une pratique concertée avec ses revendeurs exclusifs (arrêts du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107-82, Rec. p. 3151, et du 17 septembre 1985, Ford/Commission, 25-84 et 26-84, Rec. p. 2725), la Commission n'a toutefois pas démontré que ces déclarations s'inscrivaient dans une politique uniforme et cohérente, applicable à d'autres acheteurs de ses produits et caractérisant l'ensemble de ses relations contractuelles avec ses distributeurs exclusifs. Son comportement serait donc dénué du caractère "systématique" requis en la matière par la jurisprudence (arrêt AEG/Commission, précité, point 39).

42 En troisième lieu, la requérante souligne que les plaintes de ses distributeurs exclusifs, qui, selon la Décision, apporteraient la preuve de l'existence d'une clause d'interdiction d'exporter les protégeant d'importations parallèles, témoigneraient simplement du fait que ces distributeurs avaient cru, lorsque leurs intérêts avaient été affectés par les ventes effectuées par DSI dans le cadre spécial de ses relations commerciales traditionnelles avec Newitt, que DSI avait agi en violation des clauses d'exclusivité légitimes figurant dans leurs accords de distribution.

43 La Commission invoque, en premier lieu, la lettre du 12 août 1987 par laquelle la requérante a demandé à AWS et Pinguin de ne pas répondre, sans la consulter au préalable, à d'éventuelles questions de la Commission dans le cadre de la procédure d'infraction. Elle considère que, ayant imposé le silence à ses distributeurs exclusifs, la requérante ne pourrait plus arguer du fait qu'ils n'ont pas admis l'existence d'une interdiction générale d'exporter dans leurs accords de distribution exclusive.

44 La Commission invoque, en second lieu, comme preuve de l'existence d'une interdiction générale d'exporter dans le cadre des accords de distribution exclusive de la requérante, une série de lettres adressées à Newitt par la requérante.

45 La première de ces lettres, datée du 14 décembre 1977, envoyée par la requérante sous sa dénomination de l'époque de "Dunlop Sports Company", contient notamment la phrase suivante : "May I emphasize that this offer is made on the understanding that the goods offered by you will be through your normal retail premises and not for export in bulk to overseas agencies without our prior permission or to other outlets within the UK for resale by companies with whom Dunlop Sports Company do not have a trading account." ("Puis-je insister sur le fait qu'il est entendu que cette offre est faite à la condition que les produits que vous vendrez le seront par votre réseau normal de vente au détail et ne seront pas exportés en gros à des agents d'outre-mer sans notre accord préalable ou destinés à d'autres établissements à l'intérieur du Royaume-Uni pour une revente à des entreprises avec lesquelles Dunlop Sports Company n'entretient pas de relations commerciales.")

46 La deuxième lettre, datée du 5 août 1985, précise : "I would confirm our export policy as quite simply not allowing shipments to any world market where we have local legal distributor agreements where to supply via a third party would be both a breach of contract and poor commercial practice. In essence all European markets are covered by such agreements..." ("Je voudrais confirmer que notre politique à l'exportation consiste tout simplement à ne pas admettre d'exportation pour quelque marché que ce soit dans le monde où nous avons des accords de distribution locaux officiels et où livrer à une tierce partie constituerait à la fois une violation de contrat et une piètre pratique commerciale. Essentiellement, tous les marchés européens sont couverts par de tels accords...")

47 La troisième lettre, datée du 16 juin 1986, indique : "1) You have agreed to eliminate all direct exporting of Dunlop Slazenger Racket and Specialist Sport products, except those agreed by specific agreement with myself. 2) In the event that you receive any export enquiries for our products, you will pass these leads to us for individual consideration. We may, in certain circumstances, agree to take the business directly - building in an agreed commission for your Company." ["1) Vous avez consenti à éliminer toute exportation directe de produits Dunlop et Slazenger, sauf pour les produits expressément approuvés par moi. 2) Si vous recevez des demandes de renseignements concernant l'exportation de nos produits, elles doivent nous être transmises en vue d'un examen individuel. Dans certaines circonstances, nous pourrons accepter de traiter directement, moyennant versement d'une commission à votre société."]

48 La quatrième lettre de la requérante à Newitt, en date du 15 octobre 1986, déclare : "I thought we had an understanding that any enquiries for export business would be passed directly to me following the arrangements I set out in my letter of 16 June. Our previous discussions also indicated that we were unlikely to take any direct business in Europe. We anticipated however there may be opportunities in markets such as Africa where we would consider supplying directly with an agreed commission built in for yourselves." ("Je pensais que nous étions convenus que toute demande de renseignements relative à des transactions à l'exportation me serait transmise directement selon les modalités que j'ai exposées dans ma lettre du 16 juin. Nos discussions antérieures avaient également fait apparaître que nous n'étions guère susceptibles de nouer des relations commerciales directes avec l'Europe. Nous pensions cependant qu'il pouvait y avoir des possibilités sur des marchés comme l'Afrique où nous pourrions traiter directement, en intégrant dans le prix une commission convenue qui vous serait destinée.")

49 Enfin, une lettre du 3 septembre 1987 de BTR, société-mère de DSI, adressée aux conseils de Newitt, précise : "b) except where (c) below applies Newitt is and will be entitled to purchase such of DSI's goods as it requires for re-sale at discounts to be negotiated from DSI's home trade price list ; the level of those discounts will be those appropriate to Newitt's position in the UK wholesale market ; c) where Newitt can procure specific export orders to named customers it will be entitled to buy DSI products at discounts from DSI's export price list the level of such discounts to take account inter alia of the responsibilities borne in the relevant territory by DSI's distributors there (if any)" ["b) sauf lorsque le point c) ci-dessous est applicable, Newitt est et sera en droit d'acheter tous les produits de DSI qu'elle désire pour les revendre, en bénéficiant de remises qui seront négociées à partir de la liste des prix de DSI pour le commerce intérieur ; ces remises seront d'un niveau adapté à la position de Newitt sur le marché de gros au Royaume-Uni ; c) lorsque Newitt pourra fournir à l'exportation des commandes bien précises à des clients cités nommément, elle sera en droit d'acheter des produits DSI, en bénéficiant de remises par rapport à la liste des prix à l'exportation de DSI, le niveau de ces remises devant tenir compte, notamment, des responsabilités assumées sur le territoire en question par les (éventuels) distributeurs de DSI"].

50 La Commission estime que les lettres en question, formant un ensemble, apportent bien la preuve que DSI a adopté un comportement systématique et interdit à ses clients d'exporter ses produits sans son accord, dans le but de garantir une protection territoriale absolue à ses distributeurs, et qu'elles démontrent que cette interdiction s'appliquait de manière générale à tous les territoires où la requérante avait un distributeur.

51 Enfin, selon la Commission, les plaintes des distributeurs exclusifs de la requérante suscitées par les quelques exportations limitées réalisées par Newitt, sous le contrôle de la requérante, doivent être interprétées à la lumière de la lettre, précitée, du 14 décembre 1977 et confirment l'existence d'un consensus entre la requérante et ses distributeurs sur une protection absolue de leur exclusivité territoriale, dans la mesure où ces derniers estimaient que la requérante enfreignait une clause non écrite de leurs accords, prévoyant une protection contre les importations parallèles. Ces accords, qui sortiraient du champ d'application des règlements n° 67-67-CEE de la Commission, du 22 mars 1967, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords d'exclusivité (JO 1967, 57, p. 849), et n° 1983-83, précité, n'auraient, de surcroît, pas été notifiés, de sorte qu'ils ne pouvaient bénéficier de l'exemption prévue par l'article 85, paragraphe 3, du traité.

Appréciation du Tribunal

52 A titre liminaire, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence bien établie, lorsqu'un producteur choisit d'organiser la distribution de ses produits par l'intermédiaire d'un réseau de distributeurs agréés, bénéficiant d'une garantie de distribution exclusive ou sélective, la licéité d'un tel système de distribution, au regard des règles communautaires de concurrence, est notamment subordonnée à la condition qu'aucune interdiction de revente des produits contractuels à l'intérieur du réseau de distribution ne soit imposée aux revendeurs agréés, en fait ou en droit. En effet, de telles stipulations, ayant pour effet de cloisonner les marchés nationaux et, ce faisant, de contrecarrer l'objectif de réalisation d'un Marché commun, sont, par leur nature même, contraires aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

53 A cet égard, le Tribunal estime que les correspondances précitées, invoquées par la Commission, établissent clairement l'existence d'une interdiction générale de réexportation des produits contractuels, imposée par la requérante à ses distributeurs exclusifs. En effet, il ressort des affirmations, expressis verbis, de la requérante, dans sa lettre en date du 5 août 1985, précitée, que sa politique commerciale consistait à ne pas admettre de réexportations vers quelque marché national que ce soit dans le monde sur lequel était présent l'un de ses distributeurs. Selon également les termes mêmes de la correspondance précitée, cette politique commerciale concernait essentiellement les Etats membres de la Communauté. De même, la correspondance du 15 octobre 1986, précitée, se référant à des discussions antérieures, fait apparaître que la requérante n'était pas " susceptible " de nouer des relations commerciales directes avec l'Europe. Enfin, la correspondance en date du 3 septembre 1987, précitée, rappelle à Newitt qu'elle n'est en droit d'acheter des produits de la requérante, assortis de remises à l'exportation, que pour autant qu'elle peut faire état, à l'appui de sa demande de remise de prix, de commandes précises, permettant l'identification des clients concernés.

54 En l'espèce, le Tribunal estime que cette interdiction générale de réexportation des produits contractuels de la requérante ne saurait être imputée à un agissement unilatéral de celle-ci, qui, de ce fait, ne tomberait pas sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité, lequel vise seulement les accords, les décisions d'association d'entreprises et les pratiques concertées. A cet égard, le Tribunal rappelle, à titre liminaire, qu'une condition contractuelle contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité peut ne pas être nécessairement consignée par écrit (voir arrêt de la Cour du 20 juin 1978, Tepea/Commission, 28-77, Rec. p. 1391), mais s'insérer, sous forme tacite, dans les relations contractuelles entretenues par une entreprise avec ses partenaires commerciaux (arrêt AEG/Commission, précité, point 38).

55 Le Tribunal constate, en outre, que la requérante, tout en soulignant que les accords conclus avec ses distributeurs exclusifs ne contenaient pas une clause d'interdiction des exportations, destinée à leur conférer une protection territoriale absolue, admet que ses distributeurs exclusifs se sont plaints auprès d'elle, " lorsqu'ils étaient affectés par des ventes effectuées dans le cadre de sa relation spéciale avec Newitt ", et que ces plaintes témoignaient "de ce que ces distributeurs croyaient (qu'elle) violait les clauses d'exclusivité légitimes figurant dans leurs accords de distribution exclusive" (réplique, point 2.3, et réponse de la requérante à une question écrite du Tribunal).Le Tribunal estime qu'une telle interprétation donnée par les distributeurs exclusifs de la requérante aux contrats qui les liaient à celle-ci, examinée en combinaison avec l'interdiction générale d'exporter dont la requérante faisait état dans sa correspondance, précitée, avec Newitt, implique soit une clause tacite préexistante dans les contrats conclus avec ses distributeurs, leur assurant une protection territoriale absolue, soit l'acceptation par ceux-ci de la politique de la requérante, en tant que fabricant, de ne pas admettre d'exportations de ses produits vers quelque marché que ce soit dans le monde sur lequel était présent l'un de ses distributeurs (lettre précitée de la requérante du 5 août 1985).

56 Il en résulte que l'interdiction de réexportation de ses produits contractuels, telle qu'elle ressort de la correspondance, précitée, avec Newitt, ne constitue pas un comportement unilatéral de la requérante, échappant, en tant que tel, à l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité, mais une interdiction de nature conventionnelle, insérée dans les relations contractuelles qu'elle entretenait avec ses distributeurs exclusifs(voir arrêts AEG/Commission et Ford/Commission, précités).

57 Dès lors, le moyen selon lequel la Commission n'aurait pas rapporté de preuves suffisantes, de nature à établir l'existence d'une interdiction générale d'exporter dans le cadre de son système de distribution exclusive, prohibée par l'article 85, paragraphe 1, du traité, et n'aurait pas suffisamment motivé la Décision sur ce point doit être rejeté.

b) Sur l'existence d'une interdiction générale d'exporter dans le cadre des contrats de vente conclus par la requérante

Résumé des moyens et principaux arguments des parties

58 La requérante fait valoir que les trois lettres adressées à Newitt, datées du 14 décembre 1977, du 5 août 1985 et du 16 juin 1986, ne démontrent pas l'existence d'un accord, ni avec Newitt, ni avec un autre de ses clients. Ces lettres ne pourraient être analysées, tout au plus, que comme une tentative d'imposer à l'un de ses clients, Newitt, une interdiction d'exporter, interdiction que celle-ci n'a d'ailleurs pas acceptée. L'affirmation de la Commission concernant l'existence d'une condition tacite, figurant dans les contrats de vente de la requérante, serait, dès lors, spéculative et insuffisamment motivée, dans la mesure où il n'a pas été établi que d'autres clients avaient accepté ou reconnu l'existence d'une telle condition tacite dans leurs contrats.

59 La Commission soutient que, si l'on admet l'existence d'une interdiction d'exporter dans le système de distribution exclusive de la requérante, l'on doit admettre aussi l'existence d'une condition interdisant toute exportation dans ses contrats de vente. A cet égard, elle invoque la lettre de la requérante du 5 août 1985 précisant, à l'attention de Newitt, que sa politique d'exportation s'opposait à ce que des ventes soient effectuées par un tiers vers le territoire de l'un de ses distributeurs, car cela constituerait "une violation de contrat". En outre, ainsi qu'il ressortirait d'un compte-rendu, daté du 28 mai 1986, d'une réunion tenue entre DSI et AWS les 15 et 16 mai 1986, la requérante aurait demandé à AWS de ne pas exporter de balles de squash au Royaume-Uni, afin que la différence entre les prix pratiqués au Royaume-Uni et ceux pratiqués aux Pays-Bas soit maintenue, ce qui constituerait une preuve supplémentaire de l'existence d'une politique de protection territoriale absolue appliquée par la requérante.

Appréciation du Tribunal

60 Le Tribunal estime que le caractère général de l'interdiction, imposée par la requérante à ses revendeurs, d'exporter les produits contractuels sur les marchés nationaux couverts par un contrat de distribution exclusive ressort des preuves documentaires précédemment analysées(voir ci-dessus, point 53), notamment de la lettre, en date du 5 août 1985, précitée, dans laquelle la requérante fait savoir à Newitt que de telles ventes devraient être considérées comme une "violation de contrat". De plus, la circonstance, à la supposer établie, que Newitt n'aurait pas expressément consenti à l'interdiction que la requérante lui imposait, est, par elle-même, sans influence sur l'existence de la prohibition litigieuse. En effet, il suffit, pour qu'un accord de volontés entre un fournisseur et un revendeur puisse relever de l'interdiction édictée par l'article 85, paragraphe 1, du traité que ce dernier accepte, au moins tacitement, la prohibition anticoncurrentielle que lui impose le fournisseur (arrêt de la Cour du 11 janvier 1990, Sandoz/Commission, C-277-87, Rec. p. I-45). Or, en l'espèce, l'existence d'un accord anticoncurrentiel tacite entre la requérante et son revendeur se déduit suffisamment des termes mêmes des correspondances précitées, selon lesquelles l'inobservation, par le distributeur, de la pratique litigieuse doit être regardée comme un manquement de sa part à ses obligations contractuelles.

61 De plus, et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que Newitt a poursuivi ses relations commerciales avec la requérante, en renouvelant ses commandes à des conditions identiques, sans manifester sa volonté de s'opposer à l'interdiction d'exporter qui lui était imposée, à tout le moins jusqu'à l'introduction de sa "plainte", le 18 mars 1987. L'existence tacite de la stipulation litigieuse n'est pas davantage affectée par la circonstance que le revendeur aurait manqué à l'obligation qui lui était imposée, en procédant à quelques exportations sporadiques. A cet égard, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il importe peu, au regard de la prohibition édictée par l'article 85, paragraphe 1, du traité que la stipulation anticoncurrentielle litigieuse ait été effectivement mise en œuvre par les parties. Pour le même motif, il en va de même, enfin, de la circonstance, à la supposer établie, que la requérante ne se serait pas opposée aux exportations effectuées par Newitt, en direction des territoires de vente de ses distributeurs exclusifs (voir les arrêts de la Cour du 21 février 1984, Hasselblad/Commission, 86-82, Rec. p. 883, et Sandoz/Commission, précité).

62 Il en résulte que le moyen tiré de ce que la Commission n'aurait pas apporté de preuves suffisantes et n'aurait pas suffisamment motivé sa décision sur ce point doit être rejeté.

B - Quant à la portée de l'interdiction d'exporter

63 La requérante conteste la portée de l'interdiction d'exporter imposée à ses clients, tant du point de vue de l'étendue géographique de cette interdiction (a) que du point de vue de la nature des produits concernés (b).

a) Sur l'aire géographique couverte par l'interdiction

Résumé des moyens et principaux arguments des parties

64 La requérante n'admet pas que l'interdiction alléguée ait concerné "toute l'Europe" (point 49 de la Décision). Dans la lettre qu'elle a adressée à Newitt le 15 octobre 1986, elle n'aurait pas formulé une interdiction d'exporter sous forme de déclaration générale de politique commerciale, mais aurait simplement réitéré sa position particulière à l'égard de Newitt, position déjà communiquée à cette dernière dans sa lettre du 16 juin 1986, aux termes de laquelle elle n'était pas "susceptible de nouer des relations commerciales directes avec l'Europe" et, ceci, non pas pour détourner les ventes de ses produits du continent européen vers les marchés de l'Afrique, mais pour maximiser ses bénéfices par des ventes sur ces derniers marchés.

65 La Commission souligne, en premier lieu, que la constatation que l'interdiction d'exporter concernait toute l'Europe est basée, en partie, sur la lettre de la requérante du 5 août 1985, interdisant à Newitt d'exporter vers les marchés couverts par ses distributeurs exclusifs et affirmant que, "essentiellement, tous les marchés européens sont couverts par de tels accords". En outre, la requérante aurait confirmé, dans sa requête, que, à l'époque des faits, elle avait des distributeurs exclusifs dans huit Etats membres, à savoir en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Grèce, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas et au Portugal et que, pour les quatre autres Etats membres, les ventes auraient été assurées par DSI elle-même, ce qui n'aurait fait aucune différence.

66 En second lieu, la Commission remarque que, même si la lettre de la requérante, du 15 octobre 1986, exprimait principalement sa position vis-à-vis de Newitt, cette position était elle-même l'expression de sa politique générale relative aux exportations de ses produits. Elle souligne que, dans cette lettre, la requérante faisait état de sa préférence pour les ventes à partir du Royaume-Uni vers l'Afrique, ce qui révélerait une politique visant à détourner les ventes du continent européen vers l'Afrique, dans le seul but de protéger le marché d'Europe continentale. Selon la Commission, le comportement anticoncurrentiel de la requérante se serait, du reste, étendu au delà du marché communautaire et européen, à une échelle mondiale, en raison d'une interdiction faite à sa filiale, aux Etats-Unis, à partir du mois de janvier 1988, de livrer Newitt.

Appréciation du Tribunal

67 Le Tribunal constate que dans sa lettre, précitée, du 5 août 1985, la requérante affirme que sa politique à l'exportation consiste "tout simplement à ne pas admettre d'exportations pour quelque marché que ce soit dans le monde où (elle avait) des accords de distribution locaux officiels" et que "tous les marchés européens sont couverts par de tels accords", cette dernière affirmation devant s'entendre, selon les termes de la requête, non contestés sur ce point, comme comprenant huit Etat membres, à savoir en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Grèce, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas et au Portugal. En outre, la requérante a admis que, en ce qui concernait les quatre autres Etats membres, elle assurait elle-même la distribution de ses produits. Dès lors, il est établi que l'étendue géographique de l'interdiction d'exporter, imposée à ses distributeurs par la requérante, concernait, de fait, les marchés nationaux de l'ensemble des Etats membres, cette constatation étant corroborée par la lettre précitée de la requérante du 15 octobre 1986, où, tout en interdisant les exportations de ses produits vers l'Europe, elle mettait l'accent sur les possibilités d'exportations vers les marchés d'Afrique, démontrant ainsi son intention de prévenir les exportations parallèles vers les marchés européens en les détournant vers les marchés extérieurs à la Communauté.

68 Il convient, par conséquent, de rejeter le moyen mettant en cause la suffisance de preuves et de motivation de la Décision concernant l'étendue géographique de l'interdiction d'exporter.

b) Sur la nature des produits couverts par l'interdiction d'exporter

Résumé des moyens et principaux arguments des parties

69 La requérante soutient que la Commission n'apporte pas la preuve que tous ses produits étaient concernés par l'interdiction d'exporter alléguée. Elle souligne, en premier lieu, que la plainte de Newitt ne concernait que les balles de tennis et de squash, en deuxième lieu, que seules les balles de tennis, produit à rotation rapide, présentaient en fait un intérêt pour les importateurs parallèles et, enfin, en troisième lieu, que la Décision elle-même ne vise que les balles de tennis et de squash, les raquettes de tennis et les articles de golf. Selon la requérante, le seul élément de preuve invoqué sur ce point par la Commission figure dans la lettre du 16 juin 1986, adressée à Newitt.

70 La Commission soutient que c'est à bon droit qu'elle s'est basée sur le contenu de la lettre du 16 juin 1986 pour constater que l'interdiction d'exporter s'appliquait à tous les produits de la requérante, étant donné qu'une telle interdiction constituait l'objet même de cette lettre, qui a été citée au point 24 de la communication des griefs et dont la teneur n'a été contestée par la requérante ni dans ses observations écrites ni lors de l'audition.

Appréciation du Tribunal

71 Le Tribunal estime qu'il ressort clairement de la lettre, précitée, du 16 juin 1986 que la requérante entendait interdire "toute exportation directe de produits Dunlop et Slazenger... sauf pour les produits expressément approuvés" par elle. Par conséquent, c'est à juste titre que la Commission a considéré que l'interdiction générale d'exporter portait, en principe, sur tous les produits de la requérante.

72 La validité de cette constatation ne peut être infirmée ni par le fait que la plainte de Newitt ne se référait qu'à certains produits, ni par le fait que seuls les produits à "rotation rapide", à savoir les balles de tennis et de squash, pouvaient présenter un intérêt dans le cadre d'une stratégie d'importations parallèles.

73 Par suite, le Tribunal considère qu'il convient, en tout état de cause, de rejeter les arguments par lesquels la requérante conteste que l'interdiction d'exporter, imposée à ses distributeurs, concernait la totalité de ses produits.

C - Quant à la durée de l'infraction

Résumé des moyens et principaux arguments des parties

74 La requérante soutient que la Commission n'apporte pas la preuve, précise et cohérente, qu'une interdiction générale d'exporter, existant déjà en 1977, a été maintenue pour toute la période allant de 1977 à 1985. Tout en admettant que, dans sa lettre du 14 décembre 1977, elle a précisé, à l'égard de Newitt, que les conditions commerciales convenues avec elle, pour l'année 1978, comportaient une interdiction d'exporter, éventuellement contraire à l'article 85 du traité, la requérante considère qu'il n'est cependant pas établi que cette interdiction aurait perduré depuis cette date jusqu'en 1985. A cet égard, elle souligne que, s'agissant des exportations de Newitt, la Commission a reconnu, dans la Décision, que "dans la pratique, néanmoins, ces exportations furent tolérées" et que "cette interdiction d'exporter n'a pas toujours été appliquée". Elle ajoute que, depuis 1978, Newitt avait accès à sa liste des prix à l'exportation et bénéficiait d'un compte à l'exportation ouvert en 1983, ce qui signifierait qu'elle favorisait et encourageait activement les exportations de Newitt, qui, du reste, aurait admis dans sa plainte que DSI n'empêchait pas les exportations parallèles avant 1985.

75 Par ailleurs, la requérante soutient que la lettre du 3 septembre 1987, adressée aux conseils de Newitt, avait pour objet de lever la prétendue interdiction d'exporter et de préciser que l'arrêt temporaire des livraisons à Newitt, à la mi-juin 1987, avait été levé dès que celle-ci avait confirmé qu'elle souhaitait toujours recevoir les produits de DSI. Cette lettre n'aurait ainsi concerné qu'une politique d'établissement des prix à l'égard de Newitt, sans apporter la preuve d'une pérennisation de la prétendue interdiction général d'exporter.

76 La Commission soutient que la lettre du 14 décembre 1977, qui doit être lue en parallèle avec la lettre du 5 août 1985 et avec les autres lettres adressées par la requérante à Newitt, ne peut être interprétée autrement que comme constituant la preuve de la mise en place et de l'application d'une politique générale et continue d'interdiction des exportations. Selon la Commission, une analyse contraire signifierait que DSI autorisait tous les autres acheteurs de ses produits à faire libre commerce, sans tenir compte de la répartition territoriale opérée entre ses distributeurs, et qu'elle restreignait seulement les activités de Newitt, qui, de l'aveu même de la requérante, n'était cependant qu'un client occasionnel ou ad hoc et ne vendait que des quantités relativement faibles.

77 A cet égard, la Commission précise que, au point 5 de sa plainte, Newitt n'a pas soutenu que la requérante avait autorisé, jusqu'en 1985, le commerce parallèle de ses produits en général, mais plutôt que, jusqu'en 1985, ses distributeurs s'étaient plaints auprès d'elle des importations parallèles effectuées par Newitt. Selon la Commission, de telles plaintes prouvent qu'il y avait une politique générale qui consistait à ne pas autoriser le libre commerce des produits de la requérante et que ce système de protection territoriale absolue, visé par cette interdiction, était en place dès 1977, le commerce parallèle de Newitt n'ayant été qu'une exception limitée confirmant la règle. Comme preuve supplémentaire du caractère continu de l'interdiction, la Commission invoque la lettre du 5 août 1985 qui, envoyée quelques mois après l'acquisition de Dunlop Holdings par BTR, confirmerait la poursuite de l'ancienne politique d'exportation de la part de la nouvelle direction de DSI. Enfin, le rôle même de Newitt dans la politique commerciale de la requérante, que cette dernière qualifie de "traditionnel" et qui consistait à exporter vers les marchés dépourvus de distributeurs exclusifs, indiquerait que l'interdiction d'exporter a été continue à partir de 1977.

78 Quant à la lettre du 3 septembre 1987, la Commission soutient que, loin d'avoir mis fin à l'interdiction d'exporter, elle l'aurait maintenue, étant donné que, selon ses termes mêmes, Newitt n'était autorisée à acheter pour l'exportation que si elle pouvait "fournir à l'exportation des commandes bien précises à des clients cités nommément".

Appréciation du Tribunal

79 Le Tribunal souligne, à titre liminaire, que l'exigence de sécurité juridique, dont doivent bénéficier les opérateurs économiques, implique que, lorsqu'il y a litige sur l'existence d'une infraction aux règles de concurrence, la Commission, qui a la charge de la preuve des infractions qu'elle constate, avance des éléments de preuve propres à établir, à suffisance de droit, l'existence des faits constitutifs de l'infraction. S'agissant, plus particulièrement, de la durée alléguée d'une infraction, le même principe de sécurité juridique impose que, en l'absence d'éléments de preuve susceptibles d'établir directement la durée d'une infraction, la Commission invoque, au moins, des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu'il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises.

80 En l'espèce, le Tribunal constate que, s'il ressort clairement des lettres précitées du 14 décembre 1977 et du 5 août 1985 qu'à ces deux dates la requérante, en interdisant de façon générale l'exportation de ses produits, était en infraction avec les règles communautaires de concurrence, le seul élément de preuve qu'avance la Commission pour soutenir que cette infraction s'est poursuivie entre ces deux dates, c'est-à-dire pendant une durée de sept ans environ, se présente, en fait, sous la forme d'une simple présomption, dont il convient d'examiner le bien-fondé.

81 A cet égard, le Tribunal relève, tout d'abord, que la référence faite par la Commission au rôle de Newitt dans la commercialisation des produits de la requérante, pour soutenir que l'interdiction générale d'exporter visait nécessairement non seulement celle-ci, mais également d'autres acheteurs des produits de la requérante, si elle permet d'établir le caractère général de l'étendue de cette interdiction, ne permet pas, en revanche, de situer ni le début et la durée précise de cette infraction, ni son caractère ininterrompu, entre 1977 et 1985.

82 Le Tribunal considère, ensuite, que le doute sur la poursuite de l'infraction, entre 1977 et 1985, ne peut pas être levé au seul motif que les distributeurs exclusifs de la requérante se sont plaints auprès d'elle au sujet des exportations effectuées par Newitt. En admettant même que, ainsi que le soutient la Commission, ces plaintes aient été formulées avant 1985, l'absence au dossier de tout élément précis de preuve interdit toute hypothèse plus précise sur la date de ces plaintes et, à plus forte raison, sur leur caractère régulier et continu, entre 1977 et 1985. Par conséquent, un tel contexte factuel n'autorise aucune conclusion sur la durée de l'interdiction générale d'exporter, dans la mesure où ce serait la violation par Newitt de cette interdiction qui aurait provoqué les plaintes en question. A cet égard, il convient de souligner que, en se référant au point 5 de la plainte de Newitt, la Commission elle-même se limite à formuler une simple hypothèse, en observant que Newitt aurait reconnu "plutôt" que c'est jusqu'en 1985 que les distributeurs de la requérante se plaignaient auprès de celle-ci.

83 Enfin, le Tribunal relève que, si les termes de la lettre précitée du 5 août 1985, invoquée par la Commission, permettent de déduire que la politique de la requérante, consistant en une interdiction générale d'exporter, était antérieure à la date de son envoi, ainsi qu'il résulte du fait que la requérante entendait "confirmer" cette politique, cette correspondance n'apporte pas, non plus, une indication suffisamment précise à l'appui de l'allégation de la Commission, selon laquelle l'interdiction d'exporter, mise en place en 1977, aurait duré de façon ininterrompue jusqu'en 1985.

84 Il résulte de ce qui précède que, faute de pouvoir invoquer des éléments de preuve de nature à étayer en fait le caractère continu, entre 1977 et 1985, de l'infraction reprochée à la requérante, la Commission n'a pas établi à suffisance de droit (voir arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Enichem Anic/Commission, T-6-89, Rec. p. II-1623, points 69 et suivants) que le début de l'infraction doit être situé à la date de la lettre précitée du 14 décembre 1977. Par voie de conséquence, l'infraction révélée par cette dernière lettre était, à la date du premier acte de poursuite diligenté par la Commission, prescrite, conformément aux dispositions de l'article 1er du règlement (CEE) n° 2988-74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L.319, p. 1, ci-après "règlement n° 2988-74").

85 Il convient, par conséquent, de fixer le début de l'infraction reprochée à la requérante à une date autre que celle constatée par la Commission dans la Décision. A cet égard, le Tribunal rappelle que, dans la lettre précitée du 5 août 1985, la requérante entendait "confirmer" sa politique interdisant les exportations vers quelque marché que ce soit dans le monde où elle disposait d'un distributeur exclusif, ce qui implique, ainsi qu'il a été constaté, que cette interdiction existait déjà avant la date du 5 août 1985. En outre, le Tribunal relève que la Commission invoque deux télex, du 1er février et du 29 avril 1985, desquels il ressort que le distributeur exclusif de la requérante au Benelux, AWS, procédait déjà au relevé des codes d'identification des raquettes de marque Dunlop, importées parallèlement, afin de pouvoir, par la suite, éliminer, en concertation avec la requérante, ces importations. Cette mesure, que la requérante admet avoir appliqué en "coopération" avec AWS dès le début de l'année 1985 [(voir requête point 2.16, sous ii)], s'inscrivant dans le cadre de la politique d'interdiction des exportations parallèles des produits contractuels de la requérante, conduit à conclure que l'interdiction générale d'exporter existait déjà au début de l'année 1985 et, au moins, à partir du 1er février 1985. Il convient, par conséquent, de fixer le début de l'infraction à la date du 1er février 1985.

86 Il en résulte que la Décision doit être annulée en tant qu'elle constate l'existence d'une interdiction générale d'exporter antérieurement au 1er février 1985.

II - SUR LES MOYENS MIS EN OEUVRE EN VUE D'OBTENIR LE RESPECT DE L'INTERDICTION GENERALE D'EXPORTER LES PRODUITS CONTRACTUELS

87 S'agissant des moyens matériels mis en œuvre par la requérante en vue d'obtenir le respect, par ses cocontractants, de l'interdiction générale d'exporter les produits contractuels, telle que précédemment établie, la requérante conteste avoir obtenu ou tenté d'obtenir le respect de l'interdiction litigieuse par une politique de prix appropriée (A), d'une part, et par l'utilisation de logos et de labels de fédérations sportives (B), d'autre part. Il convient donc, pour le Tribunal, d'examiner le bien-fondé des griefs formulés par la requérante à cet égard.

88 Le Tribunal rappelle que les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité ne peuvent, en tout état de cause, être déclarées inapplicables à un contrat de distribution exclusive qui, par lui-même, ne comporte aucune interdiction de réexportation des produits contractuels, dès lors que les parties au contrat participent à une pratique concertée visant à restreindre les importations parallèles destinées à un revendeur non agréé (arrêt Hasselblad/Commission, précité). C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'examiner la pratique litigieuse.

A - Quant aux mesures adoptées en matière de prix

89 A cet égard, la requérante, en premier lieu, conteste l'appréciation de la Commission selon laquelle elle aurait arrêté sa politique tarifaire en concertation avec AWS (a) ; en deuxième lieu, elle soutient que la politique tarifaire qu'elle a menée à l'égard de Newitt a été définie de façon autonome et en tenant compte de l'importance des relations commerciales établies avec ce client (b) ; en troisième lieu, elle fait valoir que, à supposer même l'existence d'une pratique tarifaire à objet ou à effet anticoncurrentiel, celle-ci ne relèverait pas de l'interdiction édictée par l'article 85, paragraphe 1, du traité, dès lors qu'elle ne porte pas atteinte aux échanges intracommunautaires (c). Il convient, pour le Tribunal, d'examiner successivement chacun de ces trois moyens.

a) Sur la prétendue absence de pratique concertée en matière de prix

Résumé des moyens et principaux arguments des parties

90 La requérante met en cause les constatations de la Commission selon lesquelles la requérante a pris, en concertation avec AWS et dans le but d'éliminer les exportations parallèles, un ensemble de mesures portant, à partir du mois de juin 1986, sur les prix accordés à Newitt pour ses achats de balles de tennis et de squash, de raquettes de tennis et d'articles de golf. Elle soutient que ces constatations de la Commission ne sont pas assorties de preuves ni d'une motivation suffisantes et que la Commission a fait une fausse application de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

91 La requérante soutient qu'un certain nombre de modifications du système de fixation des prix de vente pratiqués vis-à-vis de Newitt, à partir de 1986, doit être placé dans la perspective de la nouvelle politique de gestion, décidée après la prise de contrôle de Dunlop Holdings plc par BTR, en mars 1985. Cette orientation aurait d'ailleurs été déjà esquissée dans l'offre antagoniste que BTR avait formulée, en vue de cette prise de contrôle, offre dans laquelle il était fait état d'une nouvelle "conception de gestion en vue d'améliorer les résultats des activités de Dunlop".

92 Selon la requérante, le caractère unilatéral de la modification de sa politique de prix ressortirait d'un télex que AWS lui a adressé le 27 février 1986, au sujet des prix qui lui étaient accordés, lui faisant savoir qu'elle avait accepté de soutenir sa nouvelle stratégie en matière de prix à la condition explicite qu'elle tiendrait son réseau de distribution sous contrôle ("AWS has agreed to support Dunlops new strategy on pricing last year under explicit conditions that Dunlop would have its distribution under control.").

93 S'agissant plus particulièrement de l'existence d'une pratique concertée relative aux prix des balles de squash, la requérante soutient que la seule preuve qu'en apporte la Commission est celle résultant d'une demande qu'elle a adressée à AWS, lors d'une réunion tenue entre elles les 15 et 16 mai 1986, de ne pas exporter de balles de squash au Royaume-Uni en raison des bas prix pratiqués par cette dernière. Elle souligne que cette demande a été faite au titre de l'article 14 de leur accord de distribution ("The Distributor shall not outside the Territory seek customers for the Goods or estasblish or maintain any branch or distribution for sale of the Goods", "Le distributeur ne prospectera pas la clientèle et n'établira ni n'entretiendra de succursale ou de point de vente en dehors du territoire"), lequel aurait répondu aux conditions d'exemption par catégorie des accords de distribution exclusive définies par le règlement n° 1983-83, précité. Elle considère qu'en tout état de cause la hausse de prix qui a été imposée à Newitt pour les balles de squash n'a pu avoir pour effet d'empêcher les exportations de cette dernière vers la zone de AWS, étant donné que les prix pratiqués pour les balles de squash au Royaume-Uni étaient supérieurs, même avant les augmentations de prix mises en œuvre vis-à-vis de Newitt à partir de juin 1986, aux prix pratiqués aux Pays-Bas.

94 S'agissant de l'existence d'une pratique concertée relative aux prix des balles de tennis, la requérante souligne que la modification de sa politique de prix à l'égard de Newitt se situe peu après le rachat de DSI par BTR, en 1985, et non pas en 1986, comme il est affirmé dans la Décision (point 23). Selon la requérante, la modification de sa politique de prix à l'égard de Newitt ne pouvait donc pas être la conséquence des réclamations de AWS, lesquelles, ainsi qu'il résulterait de la correspondance invoquée à cet égard par la Commission, dateraient des années 1986-1987 et, partant, étaient postérieures. Par conséquent, les éléments de preuve apportés par la Commission seraient insuffisants.

95 La Commission remarque, à titre liminaire, s'agissant du caractère suffisant des preuves et de la motivation de la Décision, que celle-ci contient, dans ses points 22 à 23 et 30 à 36, un résumé des preuves écrites établissant l'existence d'une pratique concertée sur les prix, preuves qui avaient été décrites auparavant, en détail, aux points 41 à 76 de la communication des griefs. Elle ajoute que la requérante, qui n'a pas nié, au cours de la procédure administrative ou dans le cadre de son recours, l'existence de preuves documentaires établissant la concertation alléguée, n'a pas produit de preuves contraires, sous forme de compte-rendus de réunions de son conseil d'administration, de lettres adressées à Newitt ou sous toute autre forme, pour démontrer le caractère unilatéral du changement de sa politique de prix.

96 Quant au télex du 27 février 1986 adressé par AWS à la requérante, la Commission estime que ce document, cité au point 42 de la communication des griefs et joint en annexe 8 à son mémoire en défense, tant par l'agencement des sujets qui y sont abordés que par son contenu, établit l'existence d'une infraction, même dans l'hypothèse où il n'aurait concerné que les prix consentis à AWS, étant donné que la politique de prix de la requérante a, de toute façon, fait l'objet, à plusieurs reprises, de discussions longues et détaillées avec AWS.

97 S'agissant de la concertation alléguée, entre la requérante et AWS, sur les prix des balles de tennis, d'une part, et des raquettes de tennis, d'autre part, la Commission souligne que sa position, résumée dans la Décision, a été exposée, de façon circonstanciée, dans la communication des griefs. A cet égard, elle renvoie au point 35 de la Décision, ainsi qu'aux points 42 à 57 de la communication des griefs, pour les premières, et 58 à 69 de cette communication, pour les secondes. Elle souligne que les passages invoqués de la communication des griefs se réfèrent expressément aux annexes 8 à 24 à son mémoire en défense, de telle sorte que la requérante ne serait pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas eu connaissance de ces pièces antérieurement à leur production dans le cadre du présent litige.

98 En outre, la Commission, tout en observant que la requérante ne conteste pas la Décision sur ce point, souligne que sa position au sujet de l'existence d'une pratique concertée relative aux prix des articles de golf est exposée de façon circonstanciée aux points 70 à 72 de la communication des griefs et résumée au point 35 de la Décision, que les preuves documentaires figurant en annexes 11, 25 et 26 à son mémoire en défense avaient été citées dans la communication des griefs et que la requérante en avait donc eu connaissance.

99 S'agissant de la concertation alléguée, entre la requérante et AWS, sur les prix des balles de squash, la Commission soutient que cette question doit être examinée dans le cadre plus général d'une concertation sur les prix de tous les produits en cause. Elle soutient que la stratégie concertée de la requérante et de AWS avait comme objectif la fixation, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, de niveaux de prix de nature à éliminer tout commerce parallèle, y compris pour les balles de squash. En réponse à l'argument de DSI, selon lequel le niveau des prix au Royaume-Uni était supérieur aux prix pratiqués aux Pays-Bas, avant même les augmentations de prix imposées à Newitt en juin 1986, et qu'il aurait, ainsi, de toute façon, découragé les exportations de cet article, la Commission souligne qu'en augmentant les prix de ses balles de squash, la requérante aurait fait en sorte que Newitt éprouve davantage de difficultés à établir un commerce parallèle avec les Pays-Bas ou avec d'autres pays.

100 La Commission soutient, enfin, que la demande faite par la requérante à AWS de ne pas exporter de balles de squash au Royaume-Uni n'était pas légitime au motif que AWS n'était pas un exportateur direct et qu'il s'agissait en réalité, ainsi qu'il ressortirait du procès-verbal, daté du 28 mai 1986, de la réunion qui s'était tenue entre la requérante et AWS les 15 et 16 mai 1986, de faire cesser les ventes de AWS à un négociant parallèle, en l'occurrence Ron Sports.

Appréciation du Tribunal

101 S'agissant, en premier lieu, de la concertation alléguée, relative aux prix des balles de tennis, aux prix des raquettes de tennis et aux prix des articles de golf, le Tribunal considère que cette concertation est suffisamment établie par les preuves documentaires claires produites au dossier par la Commission. A cet égard, le Tribunal se réfère expressément aux documents suivants.

102 En ce qui concerne, tout d'abord, l'existence d'une pratique concertée relative à la détermination des prix des balles de tennis, le Tribunal relève que la Commission s'appuie, pour établir la matérialité de l'infraction alléguée, sur une série de documents, produits en annexe au mémoire en défense et cités dans la communication des griefs et qui, selon les affirmations non contredites de la Commission, ont été présentés à la requérante. Ces documents sont les suivants :

- un télex du 10 mars 1986 de M. Rolf Thung, de AWS, à M. Graham Nicholas, de DSI, dans lequel AWS se plaint à la requérante des prix moins élevés pratiqués aux Pays-Bas, en raison des importations parallèles, et demande que cette situation ne soit plus acceptée ;

- un télex du même jour de M. Graham Nicholas, de DSI, à M. Rolf Thung, de AWS, dans lequel il est indiqué : "We all know goods move accross Europe but we have to identify the source/buyer. Everything is now vetted at this end so I need your help through your various contacts as well to firstly identify and ultimately eliminate this type of business..." ("Nous savons tous qu'il y a des échanges de produits en Europe, mais nous devons identifier la source. Tout est désormais vérifié de notre côté, de sorte que j'ai besoin que vous m'aidiez également, par vos divers contacts, à dépister puis à éliminer ce genre de transactions...") ;

- le compte-rendu, précité, du 28 mai 1986, d'une réunion tenue entre DSI et AWS les 15 et 16 mai 1986, où il est fait état de ce que les prix accordés à Newitt, de 7,5 UKL par douzaine en 1985, ont été relevés à 8,5 UKL, afin de rendre les importations parallèles inintéressantes, en privant ainsi les consommateurs de la possibilité de tirer avantage de la différence de prix entre les produits résultant de la concurrence intermarques ;

- un compte-rendu d'une réunion interne de AWS, du 13 juin 1986, relatant des négociations importantes avec DSI au sujet de la fixation d'un taux définissant le rapport entre les prix pratiqués au Benelux et ceux pratiqués au Royaume-Uni pour les balles de tennis ;

- un mémorandum interne de AWS, daté du 19 juin 1986, se référant à une réunion du 5 juin 1986, entre DSI et AWS, faisant suite à des discussions sur les prix, et dans lequel il est exposé que les circuits parallèles diminueraient fortement si un taux définissant le rapport des prix, tel que demandé par AWS et à établir en concertation avec DSI était appliqué ;

- un mémorandum interne de AWS, daté du 4 mars 1987, mentionnant les prix convenus avec DSI pour mettre un terme aux importations parallèles, où il est exposé, d'une part, que "AWS n'est pas parvenu à maintenir le prix de 44,75 HFL en raison de problèmes liés au commerce parallèle", d'autre part, que "c'est pour cette raison que les prix ont été adaptés lors de la deuxième partie de la saison de tennis (36 HFL/38 HFL par douzaine)" et, enfin, que, "afin de rendre le commerce parallèle théoriquement impossible, les décisions suivantes ont été prises pour 1987 : prix AWS : 7,27 UKL la douzaine. Prix net le plus bas au Royaume-Uni : 10,40 UKL (quelques clients). Si je pars de l'idée qu'un "commerçant" prend une majoration de 10 %, cela signifie qu'avec un mark-up de 58 % (net) AWS se situe au même prix. Le commerçant risque de ne plus recevoir de marchandises" ;

- un compte rendu de AWS, du 5 mai 1987, concernant une réunion tenue les 7 et 30 avril et le 1er mai 1987, entre DSI et AWS, où il est exposé, entre autres, que, "vu les problèmes liés au commerce parallèle..., Dunlop exige de AWS un plan pour les balles de tennis en 1988 aux Pays-Bas et en Belgique...".

103 S'agissant plus particulièrement du télex du 27 février 1986, précité, dont le sens et la portée font l'objet d'une interprétation divergente des parties, il est à souligner que, à supposer même qu'il concerne les prix consentis par la requérante à AWS et non pas les prix pratiqués à l'égard de Newitt, le soutien que AWS déclarait, dans ce document, apporter à la stratégie de la requérante en matière de prix suffit à établir, de toute façon, l'existence d'une concertation contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, notamment à sa lettre a), à laquelle la requérante était, en tout état de cause, partie prenante.

104 En ce qui concerne, ensuite, l'existence d'une pratique concertée relative aux prix des raquettes de tennis, le Tribunal se réfère à une série de documents produits par la Commission en annexe à son mémoire en défense (annexes 11 à 14 et 21 à 24) et cités dans la communication des griefs et qui, selon les affirmations non contredites de la Commission, ont été présentés à la requérante. Ces documents sont les suivants :

- le compte-rendu, daté du 12 mai 1986, d'une réunion des 6 et 7 mai 1986 entre la requérante et AWS, faisant état des demandes formulées par cette dernière à l'égard de la requérante en vue d'obtenir une différence satisfaisante entre les prix qui lui étaient accordés et ceux qui étaient pratiqués au Royaume-Uni pour les raquettes de tennis ;

- le compte-rendu, précité, du 28 mai 1986, de la réunion des 15 et 16 mai 1986, faisant état des demandes formulées par AWS à l'égard de la requérante en ce qui concerne le calcul de la différence entre les prix qui lui étaient accordés par rapport à ceux qui étaient pratiqués au Royaume-Uni ;

- un rapport relatant une visite de représentants de AWS auprès de DSI, le 5 juin 1986 et faisant état, entre autres, d'une demande de DSI à l'égard de AWS tendant à connaître les quantités et les prix d'achat des raquettes de tennis faisant l'objet d'importations parallèles ;

- le compte-rendu, précité, du 13 juin 1986, d'une réunion interne de AWS, relatant les négociations de AWS avec DSI, ainsi qu'un mémorandum interne de AWS, du 19 juin 1986, relatif aux conclusions de cette réunion, exposant que "les propositions (de AWS) de prix ont été sérieusement discutées" avec DSI et que "les prix souhaités par AWS ont été approuvés par Dunlop et (que) la structure souhaitée a aussi été confirmée..." lors de la visite effectuée par des représentants de AWS auprès de DSI le 5 juin 1986 ;

- un télex du 23 avril 1987, de AWS à DSI, demandant des explications sur "les clients et les prix" des raquettes de marque Dunlop faisant l'objet d'importations parallèles ;

- un télex du 10 septembre 1986, de AWS à DSI, dans lequel AWS se plaignait des effets des importations parallèles en raison des réductions de prix, ainsi que deux mémorandums internes de AWS, du 22 septembre 1986 et du 4 février 1987, concernant également les prix des articles concurrencés par les importations parallèles ainsi que les contacts pris avec DSI quant à la fixation de ces prix.

105 En ce qui concerne, enfin, l'existence d'une pratique concertée relative aux prix des articles de golf, le Tribunal se réfère à une série de documents, annexés au mémoire en défense (annexes 11, 25 et 26) et cités dans la communication des griefs et qui, selon les affirmations non contredites de la Commission, ont été présentés à la requérante. Ces documents sont les suivants :

- le compte-rendu, précité, du 12 mai 1986, de la réunion des 6 et 7 mai 1986 entre DSI et AWS, relatant leurs discussions sur le niveau de prix peu élevé des articles importés parallèlement et les réductions dont AWS devrait bénéficier pour faire face à la concurrence de ces importations parallèles ;

- un compte-rendu du 5 septembre 1986, relatant la concurrence subie par AWS en raison d'importations parallèles à bas prix, l'examen en commun par AWS et DSI de ce problème ainsi que leurs projets de convenir de prix adaptés ;

- un mémorandum interne de AWS, du 29 septembre 1986, faisant également état d'accords sur les prix entre AWS et DSI, déjà conclus ou à conclure, en vue d'éliminer les importations parallèles d'articles de golf qui, sinon, allaient se poursuivre en 1987.

106 S'agissant, en second lieu, de la question de l'existence d'une pratique concertée, ayant pour objet la détermination en commun des prix des balles de squash, le Tribunal considère que la demande faite par la requérante à AWS, lors de la réunion des 15 et 16 mai 1986, tendant à obtenir, de la part de cette dernière, la cessation de ses livraisons de balles de squash à destination du Royaume-Uni, doit être examinée dans le contexte général de l'affaire, afin de savoir si, comme le soutient la Commission, elle s'inscrivait dans le cadre d'une stratégie concertée visant, au moyen d'une fixation appropriée des prix de ces articles pratiqués au Royaume-Uni, d'une part, et aux Pays-Bas, d'autre part, à éliminer ou à tenter d'éliminer le commerce parallèle de ces balles. A cet égard, le Tribunal constate, d'une part, que cette demande était accompagnée, ainsi qu'il ressort du compte-rendu précité, du souhait de la requérante d'être tenue au courant des activités de Ron Sports qui effectuait un commerce parallèle entre les marchés concernés. Le Tribunal relève, d'autre part, que les modifications de prix que la requérante a consenties à Newitt, annoncées dans la lettre en date du 16 juin 1986, impliquaient, pour Newitt, une augmentation du prix d'achat des marchandises vendues. En effet, la nouvelle politique tarifaire résultant, à son égard, de la lettre du 16 juin 1986 signifiait, pour Newitt, le passage des prix à l'exportation, dont elle bénéficiait depuis 1978, plus avantageux et qui, de surcroît, lui étaient consentis avec une remise de 20 %, aux prix du marché intérieur, tels que pratiqués par la requérante. Or, il est constant que ces derniers prix étaient supérieurs aux prix à l'exportation et qu'en outre la remise consentie à Newitt était désormais limitée à 15 % du prix de base. Au total, il n'est pas contesté que la nouvelle politique tarifaire arrêtée par la requérante se traduisait, pour Newitt, par un relèvement des prix d'achat des marchandises vendues de 27 % pour les balles de couleur et de 54 % pour les balles noires.

107 Le Tribunal estime, au vu de ces éléments de fait, que la demande formulée par la requérante, à l'égard de AWS, tendant à obtenir que celle-ci cesse ses exportations vers le Royaume-Uni de balles de squash, suppose nécessairement que AWS assurait, antérieurement à cette demande, de telles livraisons. Le Tribunal constate, en outre et en tout état de cause, que AWS s'est conformée à cette demande de la requérante, en cessant ses livraisons à destination du Royaume-Uni, de telle sorte que la requérante a pu procéder à la hausse des prix envisagée sur le marché britannique, dès lors que cette hausse impliquait nécessairement, pour pouvoir être mise en œuvre, que les consommateurs soient placés dans l'impossibilité matérielle de bénéficier de l'avantage de prix résultant, pour eux, de l'existence d'importations en provenance des Pays-Bas, où les prix s'appliquant à des produits identiques à ceux distribués par la requérante sur le marché intérieur britannique étaient moins élevés. Dans ces conditions, la requérante ne peut utilement prétendre n'avoir pas participé à la mise en œuvre d'une pratique concertée ayant pour objet la cessation ou, à tout le moins, la limitation du commerce parallèle de balles de squash.

108 Par suite, le Tribunal considère que la concertation, entre la requérante et AWS, ayant pour objet la détermination en commun des prix des balles de squash, doit également être considérée comme établie.

109 Il convient donc de rejeter le moyen tiré de ce que la Commission n'a pas apporté de preuves suffisantes et n'a pas motivé suffisamment sa Décision sur l'existence de concertations entre la requérante et AWS, pour la fixation des prix des balles et des raquettes de tennis, des articles de golf et des balles de squash.

b) Sur la prétendue autonomie du comportement de la requérante dans la définition de sa politique commerciale

Résumé des moyens et principaux arguments des parties

110 La requérante soutient, d'une part, que le niveau des prix appliqués à Newitt, à partir de 1986, aurait été justifié par des considérations économiques fondées sur la distinction entre opérateurs économiques indépendants et distributeurs exclusifs, en ce qui concerne en particulier leurs fonctions respectives dans la commercialisation des produits du fournisseur et leurs charges financières respectives, considérations qui légitimeraient, au regard des exigences de l'article 85, paragraphe 1, du traité, une tarification reflétant de telles différences. En outre, les prix consentis à Newitt, à partir de 1986, auraient été fixés en tenant compte aussi bien du rôle rempli par ses achats, dans la commercialisation des produits de la requérante, que de leur volume par rapport aux achats d'autres clients établis au Royaume-Uni ainsi que par rapport à ceux des distributeurs exclusifs de la requérante. Enfin, la requérante souligne que, en tout état de cause, elle n'a pas donné suite à la demande de AWS visant à obtenir que les prix qui lui étaient consentis soient égaux aux prix les plus bas consentis aux négociants établis au Royaume-Uni.

111 La Commission se réfère à sa Décision (point 56), dont il résulterait que la requérante n'a jamais fixé les prix qu'elle consentait aux négociants établis au Royaume-Uni et à ses distributeurs exclusifs en fonction de leur importance commerciale respective ou des charges spécifiques supportées par chaque catégorie d'opérateurs, mais, d'une part, en concertation avec AWS et, d'autre part, à un niveau qui devait ôter tout intérêt, pour les négociants établis au Royaume-Uni, de procéder à des exportations de produits de DSI.

Appréciation du Tribunal

112 Le Tribunal estime que l'argumentation de la requérante ne peut être admise, dès lors que, contrairement à ce qu'elle soutient, il ressort suffisamment de ce qui précède que la politique commerciale arrêtée par elle, à l'égard de Newitt, et notamment sa politique tarifaire, l'a été en concertation avec AWS, aux fins d'éliminer les importations parallèles, réalisées par Newitt, sur le territoire de vente de cette dernière. Par suite, le moyen, tiré de ce que la requérante aurait arrêté sa politique commerciale de façon autonome et en tenant compte de la nature et de l'importance des relations commerciales établies avec le client considéré manque en fait et doit, dès lors, être rejeté.

c) Sur la prétendue absence d'affectation des échanges intracommunautaires

Résumé des moyens et principaux arguments des parties

113 La requérante soutient que, à supposer établie l'existence d'une pratique tarifaire concertée, celle-ci ne relèverait pas de l'interdiction édictée par les règles communautaires de concurrence, dès lors que, comme la Commission l'a d'ailleurs exposé au point 54 de son premier rapport annuel sur la politique de concurrence, publié en 1971, la notion de commerce parallèle doit être interprétée à la lumière des articles 2 et 3 du traité et de l'objectif d'un marché intégré qui y est visé et implique qu'un négociant achète des biens dans un Etat membre, en vue de les revendre dans un autre où les prix sont plus élevés, de façon que, tirant ainsi parti de ces différences de prix, il contribue à leur rapprochement dans les pays du Marché commun. Or, Newitt ne serait pas un négociant parallèle, au sens qui lui serait ainsi donné en droit communautaire de la concurrence, du fait qu'elle se serait simplement limitée à tirer avantage des prix particulièrement bas et des conditions commerciales préférentielles qui lui étaient accordés, sans chercher à tirer parti des différences entre les prix pratiqués au Royaume-Uni et ceux en vigueur dans d'autres Etats membres, et à contribuer ainsi, par ses activités, au rapprochement des prix sur les divers marchés nationaux au sein de la Communauté.

114 En outre, selon la requérante, en incriminant les mesures adoptées en matière de prix à l'égard de Newitt, la Commission soutiendrait implicitement que les "fabricants-fournisseurs" sont tenus d'une obligation de fausser le jeu de la concurrence, afin de promouvoir activement le commerce parallèle, et doivent ainsi méconnaître leurs obligations contractuelles normales envers leurs distributeurs exclusifs et concurrencer ces derniers en accordant des remises exceptionnellement favorables à d'autres clients en vue de permettre l'exportation de leurs produits vers les pays où opèrent leurs distributeurs exclusifs.

115 La Commission fait observer que, si la requérante avait voulu mettre un terme, de façon unilatérale, à des avantages commerciaux injustifiés dont aurait bénéficié Newitt, elle aurait informé celle-ci dès 1985, au moment du changement allégué de sa politique des prix, au lieu de ne l'avoir fait que le 3 septembre 1987, par la lettre, précitée, que BTR a adressé aux conseils de Newitt, postérieurement au dépôt de la plainte de celle-ci et après concertation avec AWS. En outre, selon la Commission, le fait que DSI ait utilisé Newitt pour écouler des stocks, à des prix spéciaux de fin d'année, démontrerait que les prix consentis à Newitt, dans ce but, avant la période litigieuse, étaient commercialement justifiés et que les nouveaux prix qui lui ont été appliqués n'avaient comme objectif que de cloisonner le marché, lorsque, après que la requérante eut utilisé Newitt pour exploiter elle-même une "filière d'exportation parallèle des stocks indésirables", les exportations de Newitt ont commencé à éroder les marges de ses distributeurs exclusifs, dont AWS.

116 Enfin, selon la Commission, les arguments de la requérante sur le contenu véritable qu'il conviendrait de donner à la notion de commerce parallèle, tel que protégé par le droit communautaire de la concurrence, et sur la nécessité pour elle de s'acquitter de ses obligations contractuelles prétendument légitimes envers ses distributeurs exclusifs sont infondés et présentent un caractère théorique, sans rapport avec les faits de l'affaire.

Appréciation du Tribunal

117 Le Tribunal estime qu'il ressort clairement du faisceau d'indices graves, précis et concordants décrits aux points 101 à 107 du présent arrêt (voir arrêt de la Cour du 31 mars 1993, dit "Pâte de bois", Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C-89-85, C-104-85, C-114-85, C-116-85, C-117-85 et C-125-85 à C-129-85, Rec. p. I-1307) que la requérante a, en concertation avec AWS, tenté de faire cesser l'avantage concurrentiel résultant, pour un tiers au contrat de distribution dont il s'agit, tel Newitt, des différences de prix pratiquées sur deux marchés nationaux distincts, en l'occurrence le marché du Royaume-Uni, d'une part, et celui des Pays-Bas, d'autre part. En particulier, il ressort clairement de ce qui précède que la requérante a, en concertation avec AWS, arrêté un ensemble de mesures ayant pour objet ou pour effet de faire cesser les réexportations, vers le Royaume-Uni, d'un ensemble de produits contractuels en provenance des Pays-Bas, où ils étaient commercialisés à des prix inférieurs à ceux pratiqués au Royaume-Uni. Ces constatations ne sauraient être infirmées, comme le soutient la requérante, en raison des motivations subjectives ou des modalités selon lesquelles exercent leur activité les importateurs parallèles à l'égard desquels sont adoptées ces mesures, du moment que de telles considérations, à les supposer établies, concernent le comportement d'un tiers et ne sont, de toute façon, pas de nature à exercer une influence sur l'existence d'une concertation objectivement établie, ni sur la portée et les effets de celle-ci. Dès lors, la requérante, qui n'allègue nullement que cette atteinte aurait été insignifiante, a porté atteinte au commerce entre les Etats membres, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, tel qu'interprété d'ailleurs par la Commission, dans son premier rapport sur la politique de concurrence, dont se prévaut à tort la requérante. Par suite, le moyen tiré de ce que celle-ci n'aurait pas porté atteinte au commerce entre les Etats membres, et notamment au commerce parallèle, doit être écarté.

118 Dès lors, étant donné, ainsi qu'il vient d'être constaté, que la fixation des prix de ses produits à l'égard de la plaignante faisait l'objet de concertations entre la requérante et AWS, contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, le Tribunal estime que l'argumentation de la requérante sur la nature du commerce parallèle prétendument protégé par le droit communautaire de la concurrence et sur les obligations légitimes des fabricants et fournisseurs à l'égard de leur réseau de distribution doivent être, en l'espèce, rejetés comme inopérants.

B - Quant à l'utilisation de logos et de sigles d'homologations de fédérations sportives

119 S'agissant de l'utilisation de logos et de labels de fédérations sportives, la requérante, en premier lieu, conteste l'existence d'une pratique arrêtée en concertation avec AWS (a) ; en deuxième lieu, elle conteste que cette pratique, à la supposer établie, ait eu un caractère anticoncurrentiel (b) ; en troisième et dernier lieu, elle soutient que l'apposition des sigles litigieux lui a permis d'acquérir un avantage concurrentiel dans le cadre de la concurrence intermarques (c). Il y a lieu, pour le Tribunal, d'examiner successivement chacun de ces trois griefs.

a) Sur l'existence d'une pratique arrêtée de concert avec AWS

Résumé des moyens et principaux arguments des parties

120 La requérante soutient que l'impression du sigle de la fédération nationale de tennis des Pays-Bas (KNLTB) sur ses produits a été le résultat d'une action unilatérale de sa part et a été annoncée à AWS lors de leur réunion des 15 et 16 mai 1986, ainsi que la Commission l'aurait admis dans la Décision où elle a reconnu que "la mise en œuvre de cette mesure est revenue à DSI" (point 40). L'utilisation de ce sigle relèverait, par ailleurs, de sa politique générale consistant à rechercher, comme d'autres entreprises, le soutien de fédérations nationales de tennis pour des raisons commerciales.

121 La Commission soutient que, même si la conception de cette mesure a été le fait de la seule requérante et si l'utilisation des logos et des sigles d'homologations de fédérations sportives peut ne pas être, en soi, contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, l'existence, en l'espèce, d'une pratique concertée entre la requérante et AWS, dans le but de repérer, par ce moyen, les articles provenant d'importations parallèles et de mettre fin à ces dernières, est incontestable, ainsi qu'il ressortirait d'une série de documents qu'elle invoque comme éléments de preuve.

Appréciation du Tribunal

122 Le Tribunal se réfère aux documents invoqués par la Commission et, notamment, aux documents suivants :

- le compte-rendu, précité, d'une réunion du 28 mai 1986, entre DSI et AWS les 15 et 16 mai 1986, indiquant que "lorsque la nouvelle boîte sera achetée, elle portera sur le couvercle un autocollant "KNLTB official", de façon à ce que AWS puisse directement distinguer les balles qui seraient importées parallèlement" ;

- le compte-rendu, précité, d'une réunion interne de AWS, du 13 juin 1986, relatant des négociations avec DSI concernant la fixation d'un taux définissant le rapport entre les prix pratiqués au Benelux et ceux pratiqués au Royaume-Uni, comportant les mentions suivantes : "Il y a actuellement des négociations musclées avec Dunlop... rapports entre les prix... nouvelle boîte... agréé par la KNLTB... balles de tennis importées parallèlement clairement identifiables" ;

- un mémorandum interne de AWS, daté du 2 octobre 1986, relatif à un accord conclu le 1er octobre 1986 avec la requérante, portant, entre autres, sur l'impression du sigle "KNLTB official" sur chaque balle de tennis et l'apposition d'un autocollant avec le même sigle sur chaque boîte de balles ;

- le compte-rendu d'une réunion entre la requérante et AWS le 16 octobre 1986, portant, entre autres, sur la confirmation de l'utilisation de la mention "KNLTB official" ;

- le compte-rendu d'une réunion entre AWS et la fédération néerlandaise des sports (ci-après "FSN") le 20 octobre 1986, au cours de laquelle M. Thung, de AWS, a déclaré que "les problèmes d'importation parallèle en ce qui concerne les Dunlop-Fort ont obligé AWS à prendre, en collaboration avec Dunlop-Angleterre, un certain nombre de mesures rigoureuses. Sur chaque balle Dunlop-Fort figurera la mention "KNLTB official", la seule balle de tennis agréée et recommandée..." ;

- un mémorandum interne de AWS, daté du 4 mars 1987, relatant la perte, par AWS, de parts importantes du marché des balles de tennis aux Pays-Bas et en Belgique et indiquant : "Afin de rendre les échanges parallèles théoriquement impossibles, les mesures suivantes ont été prises pour 1987 : 1...., 2.... On a imprimé KNLTB official sur les balles Dunlop Fort et on les a munies d'un autocollant KNLTB official... Cette mention KNLTB official est le principal thème dans les annonces et aussi l'argument de vente à l'égard des clients" ; et

- un compte-rendu de AWS, daté du 5 mai 1987, relatif à une réunion avec la requérante le 7 avril 1987, où il est mentionné : "Vu les problèmes liés au commerce parallèle... Dunlop exige d'AWS un plan pour les balles de tennis en 1988 en ce qui concerne les Pays-Bas et la Belgique, eu égard aux problèmes actuels. AWS doit envisager... Dunlop KNLTB official au lieu de Dunlop Fort. Diminuer la marge bénéficiaire sur les balles de tennis."

123 Dans ces conditions, il ressort clairement de l'ensemble des pièces documentaires susanalysées que la pratique commerciale litigieuse, loin d'avoir été arrêtée de façon unilatérale et autonome par la requérante, l'a été en concertation avec AWS. Par conséquent, le grief de la requérante ne peut qu'être écarté.

b) Sur le caractère anticoncurrentiel de la pratique commerciale en cause

Résumé des moyens et principaux arguments des parties

124 La requérante soutient que, du moment qu'elle avait apposé, ainsi qu'elle le reconnaît, sur les boîtes de balles de tennis des marques distinctives permettant de repérer les articles provenant d'importations parallèles, elle n'avait aucun intérêt à apposer, dans le même but, le sigle de la KNLTB comme signe distinctif supplémentaire de ses produits. En outre, elle considère que la simple identification, au moyen d'une telle pratique, des produits provenant d'importations parallèles ne constitue pas, en soi, une violation de l'article 85 du traité. Une telle violation ne serait constituée que si, après avoir obtenu le droit d'utiliser un logo ou un sigle et l'avoir effectivement imprimé sur leurs produits, les entreprises concernées concluaient un accord ou se livraient à des pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d'empêcher le commerce parallèle, ce qui n'aurait pas été, en l'espèce, prouvé par la Commission.

125 La Commission souligne que les marques distinctives, déjà apposées par la requérante sur les boîtes de ses balles de tennis, étaient invisibles à l'oeil nu et que c'est pour cette raison qu'elle a eu recours à l'impression du sigle, bien visible, de la KNLTB, afin de repérer plus facilement les produits provenant d'importations parallèles, ainsi qu'il ressortirait à suffisance du contenu des compte-rendus précités de la réunion interne à AWS du 13 juin 1986 et de la réunion de AWS avec la FSN du 20 octobre 1986. Selon la Commission, à partir du moment où un accord visant à une telle utilisation de sigles distinctifs est contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, il n'est pas nécessaire d'examiner ses effets concrets sur le marché (arrêts de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56-64 et 58-64, Rec. p. 429, et du 30 janvier 1985, BNIC, 123-83, Rec. p. 391, point 22).

Appréciation du Tribunal

126 A titre liminaire, il convient de rappeler que la concertation entre la requérante et AWS, incriminée par la Commission au titre de l'article 85, paragraphe 1, du traité, a consisté en l'élimination des importations parallèles de produits contractuels, identifiés au moyen de signes distinctifs apposés sur les produits de la requérante.

127 A cet égard, le Tribunal rappelle qu'il ressort clairement des preuves documentaires susanalysées (voir ci-dessus, point 122) que la requérante et AWS se sont entendues pour apposer, sur les produits commercialisés par la requérante, un ou plusieurs signes distinctifs, en vue de permettre l'identification certaine des produits contractuels ayant fait l'objet d'importations parallèles. Dès lors, c'est à juste titre que la Commission soutient qu'un tel accord de volontés présente un caractère anticoncurrentiel et, comme tel, est interdit par l'article 85, paragraphe 1, du traité, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si, comme le soutient la requérante, il est resté sans effets sur le marché (arrêts Consten et Grundig/Commission et Sandoz/Commission, précités).

128 Il convient donc de rejeter ce grief.

c) Sur l'existence d'un avantage concurrentiel

Résumé des moyens et principaux arguments des parties

129 La requérante conteste la constatation, faite par la Commission dans la Décision (point 60), selon laquelle l'utilisation du sigle de la KNLTB sur les balles et les boîtes de tennis commercialisées par AWS aurait visé à privilégier son réseau de distribution exclusive, en donnant au consommateur l'impression d'une qualité supérieure des produits ainsi marqués et justifiant des prix plus élevés, au détriment des produits importés parallèlement. Selon la requérante, l'unique avantage concurrentiel qu'elle a tiré de l'utilisation du sigle de la KNLTB a été de favoriser la vente de ses produits par rapport à ceux de ses concurrents, sans qu'elle ait utilisé le droit de reproduire le sigle en cause sur ses produits pour empêcher des importations parallèles.

130 La Commission, tout en admettant que l'apposition d'un sigle sur les produits d'un fabricant puisse être effectuée de manière à n'avoir aucun effet anticoncurrentiel, souligne que, en l'espèce, l'utilisation du sigle de la KNLTB avait été conçue, en partie, en vue d'empêcher les ventes de balles de tennis provenant d'importations parallèles, ou du moins de les rendre plus difficiles que celles des balles portant le sigle en question, ce qui aurait réduit d'autant, en faveur des distributeurs exclusifs de la requérante, le volume des ventes parallèles. En outre, elle considère que, du moment qu'elle a prouvé l'existence d'une pratique concertée, il est indifférent de savoir si AWS et la requérante ont été, ou non, en mesure d'utiliser le droit qui leur avait été concédé à l'utilisation du sigle pour empêcher effectivement des importations parallèles aux Pays-Bas, étant donné que ce droit a fait, en tout état de cause, l'objet d'une utilisation illicite, puisqu'il devait permettre d'identifier les importations parallèles dans le but d'y mettre fin, ainsi qu'il résulterait des différentes preuves apportées sur ce point et notamment du télex, précité, adressé le 10 mars 1986 par la requérante à AWS.

Appréciation du Tribunal

131 Le Tribunal estime que, au vu des éléments de preuve apportés par la Commission, établissant une concertation entre la requérante et AWS, dont l'objectif était, ne serait-ce qu'en partie, le repérage des produits ayant fait l'objet d'importations parallèles à l'aide de l'impression d'un sigle particulier sur les produits contractuels, dans le but d'éliminer ces importations, le fait de savoir si la requérante et son réseau de distribution exclusive ont pu, en même temps, tirer des avantages de concurrence légitimes de l'utilisation de ce sigle est sans incidence sur la solution du litige. Dès lors, ce grief doit être rejeté comme inopérant.

132 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la Décision doit être annulée, en tant qu'elle constate une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité antérieurement au 1er février 1985. Pour le surplus, les conclusions tendant à l'annulation de la Décision, autres que celles relatives à l'amende infligée, doivent être rejetées.

SUR LES CONCLUSIONS TENDANT A L'ANNULATION DE L'AMENDE OU A LA REDUCTION DE SON MONTANT

133 La requérante considère que le montant de l'amende est injustifié et excessif. Elle soutient que, lors de sa fixation, la Commission a détourné les pouvoirs qu'elle détient de l'article 15 du règlement n° 17 et a violé le principe de proportionnalité. Elle présente son argumentation sous forme de "conclusions générales" et de "conclusions spécifiques".

134 Le Tribunal constate que, dans le cadre de ses "conclusions générales", la requérante se limite, en réalité, à reprendre les moyens et arguments invoqués au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la Décision. Par suite, compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, il n'y a pas lieu de procéder à un nouvel examen de ses moyens et arguments et il convient, dès lors, de s'attacher à l'analyse des "conclusions spécifiques", qui tendent aux mêmes fins que les "conclusions générales" de la requérante, à savoir l'annulation ou la réduction de l'amende.

135 A cet égard, le Tribunal relève que la requérante fait valoir des circonstances de cinq types qui, selon elle, justifient que l'amende qui lui a été infligée soit annulée ou réduite. En premier lieu, elle soutient qu'il y a lieu de tenir compte, dans l'appréciation du montant de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée, de ce que les pratiques incriminées n'avaient, pour partie, fait l'objet d'aucune sanction dans la pratique de la Commission antérieure à la date d'intervention de la Décision (A) ; en deuxième lieu, elle soutient qu'il y a lieu de tenir compte de ce que, au cours de la procédure administrative, elle a adapté son comportement sur le marché pour tenir compte des griefs qui lui avaient été notifiés par la Commission (B) ; en troisième lieu, elle fait valoir que la durée de l'infraction retenue pour arrêter le montant de l'amende a été déterminée de façon inexacte (C) ; en quatrième lieu, elle soutient que le chiffre d'affaires ayant servi d'assiette pour la détermination de la base de la sanction est erroné (D) ; en cinquième lieu, enfin, la requérante se prévaut de diverses circonstances particulières (E).

A - Sur l'absence de précédent

Résumé des moyens et principaux arguments des parties

136 La requérante souligne, d'abord, que le rachat de produits ayant fait l'objet d'importations parallèles, en tant que mesure ayant concouru à la gravité des infractions qui lui sont reprochées, n'avait pas été condamné clairement par la Commission avant l'intervention de sa décision 88-172-CEE, du 18 décembre 1987, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-31.503 - Konica, JO L.78, p. 34) et que le rachat de produits qui lui est reproché par la Commission dans la Décision remontait à une date antérieure à celle de la décision précitée.

137 La requérante relève, ensuite, que la Commission n'avait jamais soutenu auparavant que l'impression de logos et de sigles d'homologation de fédérations sportives sur les produits d'un fabricant, dans le cadre d'un réseau de distribution exclusive, était contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

138 Enfin, la requérante souligne que la Commission n'avait incriminé, auparavant, au titre de l'article 85, paragraphe 1, ni les écarts entre les prix consentis à un distributeur exclusif dans un Etat membre et les prix consentis à un négociant indépendant dans un autre Etat membre, ni les mesures adoptées pour égaliser les prix facturés à des acheteurs opérant dans des conditions équivalentes dans un même Etat membre. La Commission n'aurait pas davantage considéré antérieurement que les fournisseurs liés, jusqu'alors, par une simple obligation de ne pas empêcher le commerce parallèle, devraient, en outre, faciliter et favoriser activement celui-ci.

139 La Commission fait observer que le rachat de produits provenant d'importations parallèles, en tant que mesure de limitation ou de contrôle des marchés, est interdit par l'article 85, paragraphe 1, du traité lorsqu'il est le fait de deux ou plusieurs entreprises agissant de concert et que la mise en œuvre des règles du droit communautaire de la concurrence, applicables par elles-mêmes, n'est pas conditionnée par l'existence de précédents, du moment que les entreprises concernées n'ont pas pu ignorer que leur comportement avait pour objet de restreindre la concurrence, comme en l'espèce.

140 S'agissant de l'absence de précédent incriminant l'impression de logos sur des articles de sport, la Commission fait observer qu'en l'espèce les parties concernées ne pouvaient pas ignorer que cette mesure avait un objet anticoncurrentiel, puisqu'il s'agissait d'identifier, par ce moyen, les produits provenant d'importations parallèles en vue d'éliminer ces dernières.

141 Enfin, la Commission soutient que les arguments développés par la requérante sur la prétendue nouveauté de certains aspects de la Décision en matière de politique des prix des fournisseurs sont inopérants, compte tenu de sa participation à une pratique concertée visant à maintenir des différences de prix entre les marchés des différents Etats membres, afin d'empêcher ainsi tout commerce parallèle, ce qui, selon une jurisprudence établie, constitue une infraction grave (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, point 107).

Appréciation du Tribunal

142 Pour autant que la requérante invoque l'absence de précédents, dans lesquels la Commission aurait incriminé des comportements d'entreprises comparables aux comportements qui lui sont reprochés en l'espèce, le Tribunal rappelle que, s'il est admis qu'il ne peut y avoir peine sans faute (arrêt de la Cour du 17 mai 1984, Estel/Commission, 83-83, Rec. p. 2195), il résulte de la jurisprudence de la Cour (voir, entre autres, arrêts du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246-86, Rec. p. 2117, et du 8 février 1990, Tipp-Ex/Commission, C-279-87, Rec. p. I-261) et du Tribunal (arrêt du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, T-61-89, Rec. p. II-1931, point 157) que les infractions aux règles de la concurrence, susceptibles de faire l'objet d'une sanction, sont celles commises de propos délibéré ou par négligence et qu'il suffit, à cet égard, que leur auteur n'ait pas pu ignorer que son comportement devrait entraîner une restriction de la concurrence.

143 S'il est exact que, pour la détermination du montant de l'amende à infliger à une entreprise poursuivie pour pratiques anticoncurrentielles, la Commission ou le juge communautaire peuvent tenir compte, dans certaines circonstances, de ce que, à la date des faits litigieux, la ou les pratiques incriminées n'avaient pas clairement été identifiées comme telles dans la pratique décisionnelle de la Commission (arrêt de la Cour du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C-62-86, Rec. p. I-3359), la requérante ne saurait sérieusement prétendre que tel est le cas d'une interdiction générale imposée à un réseau de distribution exclusive de réexporter les produits contractuels, assortie de diverses pratiques coercitives tendant à obtenir le respect, par les parties contractantes, de cette interdiction, tant il est constant que de telles pratiques, qui ont pour objet et pour effet de contrarier l'objectif même de réalisation du marché unique voulu par le traité, en cloisonnant les différents marchés nationaux, sont, aux termes d'une jurisprudence constante, par nature, contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité. A cet égard, il convient de préciser, d'une part, qu'une telle politique de cloisonnement des marchés nationaux suppose nécessairement l'existence d'une politique tarifaire différenciée, selon les différents marchés nationaux en cause, et, d'autre part, que la requérante ne saurait se prévaloir, devant le juge communautaire, d'une prétendue novation de certaines des méthodes coercitives mises en place par elle, tel le rachat de certains produits contractuels, aux fins d'obtenir le respect de l'interdiction générale édictée. Au contraire, il convient de tenir compte, dans l'appréciation du montant de l'amende à infliger à la requérante, de la circonstance que celle-ci, loin de s'être bornée à imposer à ses cocontractants le respect d'une interdiction anticoncurrentielle par elle édictée, a usé de moyens coercitifs multiples et diversifiés pour obtenir le respect, par ses distributeurs et revendeurs, d'une interdiction dont elle n'ignorait pas le caractère anticoncurrentiel.

B - Sur le comportement de la requérante au cours de la procédure administrative devant la Commission

Résumé des moyens et principaux arguments des parties

144 La requérante conteste les reproches de la Commission qui lui fait grief, d'une part, de n'avoir pas modifié son comportement ni après la communication de la plainte de Newitt, ni après l'envoi d'une mise en garde formelle, le 29 octobre 1987, contre la poursuite de pratiques restrictives à l'exportation et, d'autre part, d'avoir demandé à ses distributeurs exclusifs, dans sa lettre du 12 octobre 1987, de ne pas répondre, sans la consulter au préalable, à d'éventuelles questions de la Commission. Elle soutient que sa lettre du 12 août 1987 n'avait pas pour objet et n'a pas eu pour effet de provoquer une falsification ou une disparition des éléments de preuve. Elle souligne, en outre, que, après la communication de la plainte de Newitt, elle a procédé à un examen sérieux de cette plainte et que sa position a été exposée dans la lettre qu'elle a adressée aux conseils de Newitt le 3 septembre 1987, dont une copie a été envoyée à la Commission en août 1988. Elle fait, encore, grief à la Commission de n'avoir pas tenu compte, lors de la fixation du montant de l'amende, des mesures qu'elle a adoptées de sa propre initiative, après la réception de la communication des griefs, en vue de se conformer aux règles de concurrence, contrairement à d'autres cas, où la Commission a tenu compte d'un tel comportement [décisions 82-853-CEE, du 7 décembre 1982 (IV-30.070 - National Panasonic, JO L. 354, p. 28), 85-79-CEE, du 14 décembre 1984 (IV-30.809 - John Deere, JO 1985, L. 35, p. 58), relatives à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE, et 88-518-CEE, du 18 juillet 1988 (IV-30.178 - Napier Brown - British Sugar, JO L. 284, p. 41), relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CEE]. Enfin, selon la requérante, la Commission devait tenir compte du fait qu'elle a admis, de son plein gré, l'illicéité de certains de ses comportements.

145 La Commission relève qu'elle n'a pas sanctionné la requérante pour avoir cherché, par sa lettre du 12 août 1987 susvisée, à coordonner les réponses de ses distributeurs à la plainte, mais pour n'avoir pas modifié son comportement, après la réception de la plainte, et pour avoir cherché à profiter du silence de ses distributeurs. La requérante ne saurait, à présent, se prévaloir de ce silence en vue de solliciter une réduction de l'amende qui lui a été infligée. Elle souligne que, après la communication de la plainte et l'envoi de la mise en garde, précitée, la requérante a continué à enfreindre l'article 85 du traité et qu'elle n'a agi en vue de se conformer effectivement aux règles du traité qu'après sa réponse à la communication des griefs, le 16 juillet 1990. Quant à la lettre adressée par BTR aux conseils de Newitt, le 3 septembre 1987, elle n'aurait pas modifié, en substance, la politique commerciale de la requérante et, par conséquent, elle ne pourrait pas être utilement invoquée. Enfin, selon la Commission, la requérante ne pouvait que reconnaître l'illicéité de certaines de ses activités, de sorte que l'admission d'une telle circonstance atténuante compromettrait l'aspect dissuasif des amendes.

Appréciation du Tribunal

146 Le Tribunal rappelle que la cessation d'une infraction, au cours de la procédure administrative, peut constituer une circonstance atténuante, lors de la fixation du montant de l'amende infligée par la Commission (arrêt Sandoz/Commission, précité). Le Tribunal constate, cependant, que, en l'espèce, après la communication à la requérante de la plainte de Newitt et l'envoi d'une mise en garde soulignant la gravité des infractions qui lui étaient reprochées, la requérante a entrepris des démarches auprès de sa filiale américaine pour empêcher la livraison à Newitt de commandes passées en 1988, en invoquant "un ajustement de politique", ainsi qu'il ressort d'un télégramme daté du 1er février 1989, envoyé par ladite filiale américaine à Newitt.

147 Quant à la portée de la lettre adressée par BTR aux conseils de Newitt, le 3 septembre 1987, elle ne pourrait être appréciée qu'en tenant compte, d'une part, du fait que les infractions reprochées à la requérante n'ont, en tout état de cause, pas cessé après cette date et, d'autre part, du contenu même de cette lettre, duquel il résulte que la cessation de l'interdiction générale d'exporter, faite à Newitt, ne pouvait être effective que sous certaines conditions, parmi lesquelles l'accord de la requérante sur les destinataires des exportations, identifiés par Newitt.

148 Par ailleurs, la requérante n'a, pour se conformer aux règles communautaires de la concurrence, adopté des mesures, communiquées à la Commission par lettres du 12 décembre 1990 et du 22 janvier 1991, que plusieurs mois après la réponse à la communication des griefs et plus de trois ans après la communication qui lui avait été faite.

149 Enfin, s'il est, certes, important que la requérante ait admis et regretté certains de ses comportements, cette considération ne peut, particulièrement dans les circonstances de l'espèce, avoir une incidence sur le caractère effectif de l'infraction constatée (arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7-89, Rec. p. II-1711).

150 Il en résulte que les arguments de la requérante, selon lesquels la Commission n'aurait pas suffisamment tenu compte, pour apprécier le montant de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée, de son comportement au cours de la procédure administrative, doivent être rejetés.

C - Sur la durée de l'infraction

Résumé des moyens et principaux arguments des parties

151 S'agissant de la date du début des infractions qui lui sont reprochées, la requérante rappelle sa position, consistant à soutenir que, même si la lettre qu'elle a adressée le 14 décembre 1977 à Newitt pouvait établir l'existence d'une infraction, il n'y aurait aucun lien entre cette lettre et la politique qu'elle a initiée en 1985, à la suite de sa prise de contrôle par BTR. Par conséquent, l'infraction commise en 1977 serait couverte par la prescription quinquennale, prévue par le règlement n° 2988-74. S'agissant de la date de cessation des infractions, elle soutient qu'aucune des mesures qu'elle a reconnu avoir adoptées n'a continué à produire des effets significatifs et que les mesures qui lui sont reprochées par la Commission n'ont été que des incidents isolés, de courte durée, pendant une période de relations commerciales difficiles entre elle-même et Newitt.

152 La Commission reprend, sur ce point, son argumentation, selon laquelle les infractions reprochées à la requérante auraient commencé en 1977 et se seraient poursuivies, sans discontinuer, jusqu'en 1990.

Appréciation du Tribunal

153 Ainsi que le Tribunal l'a déjà établi (voir ci-dessus points 79 à 85), il convient de fixer au 1er février 1985 le début de la période d'infraction.

154 Il en résulte que la durée de l'infraction, qui, aux termes même de l'article 15 du règlement n° 17, constitue l'un des éléments à prendre en considération pour arrêter le montant de la sanction pécuniaire à infliger à la requérante, est réduite à une durée de l'ordre de cinq ans. Il y a lieu, en conséquence, pour le Tribunal, de procéder, dans le cadre de son pouvoir de pleine juridiction, à la réformation de la Décision et de réduire, dans les conditions déterminées dans la suite du présent arrêt, le montant de l'amende infligée à la requérante.

155 Par ailleurs, s'agissant de la durée des infractions consistant dans les diverses mesures, prises par la requérante, dans le but d'éliminer les importations parallèles visées directement par l'interdiction générale d'exporter, le Tribunal relève que, selon la Décision, ces mesures ont été le résultat d'une concertation entre la requérante et ses distributeurs exclusifs, dont AWS. Le début de ces infractions doit, dès lors, être situé à la date à laquelle, selon les éléments de preuve rapportés par la Commission, ont commencé les concertations incriminées entre la requérante et AWS. A cet égard, le Tribunal se réfère aux deux télex des 1er février et 29 avril 1985 qui démontrent que AWS procédait au relevé des codes d'identification des raquettes Dunlop, importées parallèlement, dans le cadre de la mise en œuvre des pratiques concertées entre la requérante et AWS visant à éliminer les importations parallèles, après avoir identifié les articles importés parallèlement. La date à laquelle ces diverses infractions reprochées par la Commission à la requérante ont commencé doit donc être située au début de l'année 1985 (voir ci-dessus point 85). Il en est de même des mesures en matière de prix, dont l'adoption, résultat d'une concertation entre la requérante et AWS, doit aussi être située en 1985, ainsi qu'il résulte du télex susmentionné, du 27 février 1986, dans lequel AWS déclare avoir soutenu la politique des prix de la requérante de l'année précédente, à la condition que celle-ci contrôle effectivement son système de distribution.

156 Quant à la date de cessation des concertations, elle doit être nécessairement située en avril 1989, lorsque AWS a cessé d'être le distributeur exclusif de la requérante, ce qui laisse présumer la fin des concertations entre elles, et non pas en 1990, comme la Commission le soutient implicitement, du fait même qu'elle n'opère aucune distinction entre l'interdiction générale d'exporter et les autres mesures tendant à l'élimination des exportations parallèles (point 70 de la Décision).

157 Il y a donc lieu de tenir compte également, dans l'appréciation du montant de l'amende qui doit être supportée par la requérante, à raison des pratiques anticoncurrentielles précédemment relevées, de la circonstance que ces mesures ont cessé en 1989, et non en 1990, comme le prétend, à tort, la Décision.

D - Sur le chiffre d'affaires à retenir aux fins d'évaluation de l'assiette de l'amende

Résumé des moyens et principaux arguments des parties

158 La requérante souligne que le chiffre d'affaires à prendre en compte est celui qu'elle a réalisé à l'occasion de la vente de ses produits à AWS, avec laquelle elle est censée s'être concertée (2,2 % de son chiffre d'affaires à l'échelle communautaire et 1,9 % à l'échelle mondiale en 1988), tandis que le montant de l'amende qui lui a été infligée correspond à 7 % de son chiffre d'affaires mondial, ainsi que l'affirme la Commission dans son mémoire en défense. Elle souligne que son chiffre d'affaires mondial (73,4 millions d'écus en 1988 et 75,4 en 1989 pour les balles et raquettes de tennis, les balles de squash et les articles de golf) a été réalisé, en ce qui concerne le "marché du produit", dans une proportion très importante, par les ventes d'articles de golf au Royaume-Uni et, en ce qui concerne le "marché géographique", par des ventes extracommunautaires, au Moyen-Orient et en Extrême-Orient, de produits fabriqués sur place. Elle en déduit que le calcul de l'amende a été effectué sur un montant "non pertinent" de son chiffre d'affaires.

159 La Commission souligne que les infractions ont été particulièrement graves et de longue durée, qu'elles n'étaient pas limitées à la Communauté ou à l'Europe, mais s'étendaient aux Etats-Unis, en raison de l'interdiction faite, en janvier 1988, par la requérante à sa filiale dans ce pays tiers d'approvisionner Newitt en balles de tennis, et même étendues à "quelque marché que ce soit dans le monde" où la requérante avait des distributeurs exclusifs, selon la lettre précitée du 5 août 1985, adressée par la requérante à Newitt. Par conséquent, en infligeant à la requérante une amende égale à 7 % de son chiffre d'affaires mondial réalisé par la vente des produits en cause, elle n'aurait nullement outrepassé les droits qui lui sont conférés par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, dans la mesure où l'amende infligée est sensiblement inférieure au maximum de 10 % du chiffre d'affaires mondial total et où, lors de son calcul, elle aurait tenu compte de toutes les circonstances atténuantes qui pouvaient être valablement retenues.

Appréciation du Tribunal

160 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, précité) et du Tribunal (arrêt Hilti/Commission, précité), le montant de 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent, à partir duquel sont calculées les amendes infligées pour infraction aux règles de la concurrence, en vertu de l'article 15 du règlement n° 17, se réfère au chiffre d'affaires total de l'entreprise concernée.

161 Le Tribunal constate que la requérante n'a nullement allégué que l'amende de 5 millions d'écus qui lui a été infligée dépasse le plafond de 10 % du chiffre d'affaires réalisé par elle et aucun élément versé au dossier ne permet d'établir que cette limite a été dépassée.

162 Par suite, le Tribunal estime que, même si le montant global de l'amende infligée à la requérante doit être réduit, ainsi qu'il a été dit plus haut, la gravité de l'infraction et de l'atteinte portée à la concurrence dans le Marché commun justifie, à suffisance de droit, le pourcentage de chiffre d'affaires retenu par la Commission dans son évaluation du montant de l'amende initialement infligée à la requérante.

163 Par conséquent, ce moyen doit être rejeté.

E - Sur les autres éléments à prendre en considération pour l'évaluation du montant de l'amende

164 Pour contester le montant de l'amende qui lui a été infligée, la requérante se prévaut encore de diverses circonstances particulières, tirées de l'absence de diligence normale de la part de la Commission (a), de l'absence de préjudice subi par le consommateur (b) et de la rupture de l'égalité de traitement entre entreprises (c).

a) Quant à la prétendue absence de diligence de la Commission dans l'instruction de l'affaire

165 La requérante soutient, au vu de la longue période qui s'est écoulée entre le dépôt de la plainte, en mars 1987, et l'adoption de la Décision, en mars 1992, période au cours de laquelle la Commission aurait modifié sa politique dans le sens d'une augmentation du montant des amendes infligées aux entreprises, qu'elle ne devrait pas avoir à pâtir de ces délais anormalement longs.

166 La Commission ne répond pas expressément à ce grief.

167 Le Tribunal estime que, si, dans certaines circonstances, il peut être tenu compte, dans l'appréciation du montant de l'amende à infliger à l'entreprise concernée, de la diligence manifestée par la Commission dans l'instruction de l'affaire (arrêt de la Cour du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6-73 et 7-73, Rec. p. 223), le délai qui, en l'espèce, a séparé la décision d'engagement de la procédure d'infraction, survenue le 7 mai 1990, de la date d'adoption de la Décision témoigne, en tout état de cause, d'une diligence normale de la part de l'autorité administrative. De même, il est établi que, antérieurement à la décision d'engagement de la procédure, la Commission a, dans des délais appropriés, mis en œuvre les moyens nécessaires à l'instruction de la plainte dont elle a été saisie le 23 juin 1987, notamment en effectuant, au cours de l'année 1988, une vérification dans les locaux de AWS. Il convient d'ajouter que la requérante aurait pu se soustraire aux conséquences de l'instruction de l'affaire dont elle se plaint, en se conformant aux règles communautaires de concurrence dès la communication, qui lui a été faite, par la Commission, le 20 octobre 1987, de la plainte déposée par Newitt.

168 Il résulte de ce qui précède que l'argument de la requérante, relatif au défaut de diligence normale dont la Commission aurait fait preuve à l'occasion de l'instruction de l'affaire, doit être rejeté.

b) Quant à la prétendue absence de préjudice subi par le consommateur

169 La requérante soutient que ses activités litigieuses n'ont causé aucune espèce de préjudice au consommateur et que les mesures qu'elle a adoptées en matière de prix, ainsi que leurs effets, ont été, en grande partie, le résultat du jeu normal du marché. A cet égard, elle fait valoir, d'une part, que d'autres fournisseurs des produits en cause opéraient également sur les marchés des pays concernés et qu'aucun élément ne permet d'affirmer que les prix de détail de ses produits, dans ces pays, aient augmenté au cours de la période litigieuse, si ce n'est en raison de pressions inflationnistes normales. D'autre part, la requérante souligne qu'elle aurait été, de toute façon, obligée d'augmenter les prix anormalement bas consentis à Newitt, afin de faire disparaître l'anomalie constituée par le fait que cette dernière s'approvisionnait en balles de tennis à des prix largement équivalents à ceux consentis à ses distributeurs exclusifs en dehors du Royaume-Uni.

170 La Commission ne répond pas expressément à ce grief.

171 A titre liminaire, le Tribunal rappelle que le préjudice subi par le consommateur victime de pratiques prohibées par les règles communautaires de concurrence réside non seulement dans le préjudice pécuniaire direct, du type de celui allégué par la requérante, mais également dans le préjudice indirect que représente l'atteinte à la structure de la concurrence (voir, dans le cadre de l'interprétation de l'article 86 du traité, l'arrêt Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, précité, point 32). A cet égard, il est clair qu'une interdiction générale d'exporter imposée à un réseau de distribution exclusive, en garantissant aux membres du réseau agréés par le fournisseur une protection territoriale absolue, prive le consommateur de la structure de concurrence effective voulue par le traité CEE, notamment à son article 3, sous f). En effet, une telle organisation commerciale, en interdisant toute concurrence entre les produits de la marque de fournisseur, alors même que, à raison précisément du mode de distribution des produits retenu par celui-ci, la concurrence entre les marques est déjà fortement atténuée, place ainsi le consommateur dans une situation de dépendance par rapport à un offrant unique. Au contraire de ce que soutient la requérante, une telle organisation du marché occasionne, par suite, au consommateur un préjudice particulièrement caractérisé. Au surplus, s'agissant du préjudice purement pécuniaire, tel qu'allégué par la requérante, le Tribunal estime que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'élimination ou le ralentissement des importations parallèles peuvent avoir, par eux-mêmes, un effet préjudiciable au consommateur, dans la mesure où ils ont comme effet d'empêcher la baisse des prix qui est, normalement, entraînée par les importations parallèles. Quant à la justification des mesures adoptées par la requérante en matière de prix, le Tribunal considère que quelle que puisse être par ailleurs la justification économique du comportement des opérateurs sur le marché, le fait que ce comportement s'inscrit dans le cadre d'une concertation interdite par l'article 85, paragraphe 1, du traité, a pour conséquence de rendre inopérants les moyens et arguments relatifs au caractère prétendument économiquement justifié d'un tel comportement, dès lors, du moins, qu'un tel comportement n'est, comme en l'espèce, pas susceptible d'entrer dans le champ d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

172 Par conséquent, les arguments de la requérante, selon lesquels, d'une part, les pratiques litigieuses n'auraient pas eu pour effet de provoquer un préjudice directement subi par le consommateur et, d'autre part, la politique commerciale normale de l'entreprise aurait abouti à une politique tarifaire identique à la politique incriminée, doivent être rejetés.

c) Quant à la prétendue rupture d'égalité de traitement entre entreprises

173 La requérante soutient que la Commission ne s'est pas expliquée sur les critères généraux retenus pour déterminer le niveau des amendes, ni sur les différences entre le montant des amendes infligées aux entreprises mises en cause, en méconnaissant les enseignements de l'arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, ICI/Commission (T-13-89, Rec. p. II-1021, point 352). Elle fait observer que, si la Décision mentionne que les infractions commises par AWS ont cessé en 1989 et que cette entreprise a connu des problèmes financiers qui ont abouti à une opération de rachat (points 70 et 71), elle n'a, en revanche, pas tenu compte du fait que la requérante avait aussi connu des problèmes financiers ayant donné lieu à son rachat par BTR, en 1985. En lui infligeant ainsi une amende qui serait plus de 30 fois supérieure à celle infligée à AWS, la Commission aurait violé le principe de l'égalité de traitement. En outre, la Commission n'aurait exposé nulle part les raisons qui l'ont conduite à ne pas sanctionner l'entreprise Pinguin, bien qu'elle ait conclu que cette dernière avait également enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité et bien que cette entreprise n'ait même pas répondu à la communication des griefs.

174 La Commission explique que l'amende infligée à AWS est égale à 5 % de son chiffre d'affaires pour les produits en cause et que la différence entre cette amende et celle infligée à la requérante est justifiée par la durée respective des infractions dont chaque entreprise s'est rendue responsable. En ce qui concerne Pinguin, la Commission fait observer que cette entreprise non seulement n'a pas réagi à la communication des griefs, mais qu'elle n'a pas contesté, non plus, la Décision, bien qu'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité lui soit imputée. Le Tribunal ne serait, dès lors, pas en mesure d'exercer son contrôle sur la manière dont Pinguin a été traitée par rapport à la requérante. Enfin, lors de la procédure orale, la Commission a déclaré que Pinguin est une petite entreprise, qui a joué un rôle mineur et passif dans le cadre de l'infraction litigieuse.

175 Le Tribunal constate que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission expose, dans la Décision, les considérations qui l'ont conduite à la détermination du montant de l'amende, tenant notamment à la gravité des infractions respectives des entreprises en cause, à la durée de ces infractions ainsi qu'à l'importance économique respective de la requérante et de l'entreprise AWS. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la Décision n'expose pas les critères généraux de la fixation du montant de l'amende, ni que la Commission a violé le principe de l'égalité de traitement, compte tenu de sa dimension économique par rapport à celle de AWS ainsi que de son rôle déterminant dans les infractions en cause.

176 Quant au fait qu'aucune amende n'a été infligée à Pinguin, le Tribunal rappelle que, conformément à la jurisprudence de la Cour, un requérant n'est pas fondé à tirer argument de la circonstance que la Commission n'inflige pas d'amende à une autre entreprise impliquée dans une infraction, aux fins d'échapper lui-même à la sanction qui lui est infligée pour violation de l'article 85 du traité, alors même que la juridiction communautaire n'est pas saisie de la situation de cette autre entreprise (voir arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 197).

177 Par suite, les arguments de la requérante, tirés de ce que la Commission n'aurait pas exposé les critères généraux ayant servi à l'appréciation du montant de l'amende infligée et de ce qu'aucune amende n'a été infligée à Pinguin, doivent également être rejetés.

178 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'amende infligée à la requérante doit être confirmée, dans son principe, mais réduite en raison du fait que la durée des infractions dont la requérante s'est rendue responsable doit être considérée comme allant de 1985 à 1990, en ce qui concerne l'interdiction générale d'exporter, et de 1985 à 1989, en ce qui concerne les diverses mesures adoptées en vue de faire respecter cette interdiction (voir ci-dessus points 153 à 157). Toutefois, le Tribunal considère que la réduction de l'amende ne doit pas être nécessairement proportionnelle à la réduction de la durée des infractions à laquelle il a été procédé, compte tenu de la gravité et du caractère cumulatif des infractions constatées par la Commission pendant leur durée effective.

179 En l'espèce, le Tribunal estime, dans le cadre de son pouvoir de pleine juridiction, qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en ramenant de 5 à 3 millions d'écus l'amende qui doit être infligée à la requérante.

SUR LES CONCLUSIONS TENDANT AU REMBOURSEMENT DES FRAIS DE CONSTITUTION DE LA GARANTIE DU PAIEMENT DE L'AMENDE INFLIGEE

180 La requérante conclut, enfin, à ce que le Tribunal condamne la Commission à lui rembourser intégralement les frais exposés pour constituer une garantie de paiement de l'amende.

181 La Commission, dans son mémoire en défense, soulève une exception d'irrecevabilité à l'égard de cette partie des conclusions de la requérante. Elle observe que le choix de constituer une garantie, au lieu de payer l'amende, a été le fait de la requérante, et qu'en toute hypothèse le Tribunal n'a pas compétence pour ordonner ce genre de mesures, dans le cadre du contrôle de légalité qu'il exerce (arrêt de la Cour du 24 juin 1986, AKZO/Commission, 53-85, Rec. p. 1965).

182 La requérante, dans sa réplique, ne présente pas d'observations à l'égard de l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission.

183 Le Tribunal rappelle que, en vertu de l'article 19 du statut (CEE) de la Cour de justice, et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit contenir l'exposé sommaire des moyens invoqués, et que cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours (ordonnance du Tribunal du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T-56/92, Rec. p. II-1269, point 21). Il doit en aller de même pour toute conclusion, qui doit être assortie de moyens et d'arguments permettant, tant à la partie défenderesse qu'au juge, d'en apprécier le bien-fondé.

184 Le Tribunal constate que, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions sus-analysées ne précisent nullement la base légale sur laquelle elles reposent et ne sont assorties d'aucun moyen ou argument permettant d'en apprécier le bien-fondé. En particulier, lesdites conclusions ne précisent nullement si elles s'inscrivent dans le cadre du présent recours en annulation, si elles sont présentées au titre des articles 178 et 215 du traité ou si elle se réfèrent aux dépens récupérables.

185 Il s'ensuit que les conclusions tendant à la condamnation de la Commission à rembourser à la requérante les frais exposés pour constituer une garantie de paiement de l'amende, doivent, en tout état de cause, être rejetées comme irrecevables, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission.

Sur les dépens

186 En vertu de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens. En l'espèce, chacune des parties ayant succombé partiellement, le Tribunal estime qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supportera ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens de la Commission.

Par ces motifs, LE TRIBUNAL (deuxième chambre) déclare et arrête : 1) La décision 92-261-CEE de la Commission, du 18 mars 1992, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-32.290 - Newitt c/Dunlop Slazenger International et autres), est annulée dans la mesure où : a) d'une part, la date du début de l'infraction, consistant en une interdiction générale d'exporter, reprochée à la requérante a été fixée antérieurement au 1er février 1985 ; b) d'autre part, la date de la cessation des diverses mesures adoptées par la requérante, pour obtenir le respect de l'obligation d'interdiction d'exporter les produits contractuels, a été fixée postérieurement à l'année 1989. 2) Le montant de l'amende infligée à la requérante est ramené de 5 à 3 millions d'écus. 3) Le recours est rejeté pour le surplus. 4) La requérante supportera ses propres dépens et la moitié des dépens de la Commission.