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Décisions

CJCE, 15 juin 1994, n° C-137/92 P

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

BASF (AG), Limburgse Vinyl Maatschappij (NV), DSM (NV), DSM Kunststoffen (BV), Hüls (AG), Elf Atochem (SA), Société artésienne de vinyle (SA), Wacker Chemie (GmbH), Enichem (SpA), Hoechst (AG), Imperial Chemical Industries (plc), Shell International Chemical Company (Ltd), Montedison (SpA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Due

Présidents de chambre :

MM. Moitinho de Almeida, de Velasco, Edward

Rapporteur :

M. Mancini

Avocat général :

M. Van Gerven.

Juges :

MM. Kakouris, Joliet, Schockweiler, Rodriguez Iglesias, Grévisse, Zuleeg, Kapteyn, Murray

CJCE n° C-137/92 P

15 juin 1994

LA COUR,

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 29 avril 1992, la Commission des Communautés européennes a, en vertu de l'article 49 du statut (CEE) de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du 27 février 1992, BASF ea/Commission (T-79-89, T-84-89, T-85-89, T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-98-89, T-102-89 et T-104-89, Rec. p. II-315), dans lequel le tribunal de première instance a déclaré inexistant l'acte intitulé "Décision 89-190-CEE de la Commission, du 21 décembre 1988, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV 31865, PVC)", notifié aux requérantes et publié au Journal officiel des Communautés européennes L 74 du 1731989 (p 1), et a rejeté comme irrecevables les recours en annulation introduits devant lui contre cette décision.

Les faits et le déroulement de la procédure devant le tribunal de première instance

2 Il ressort de l'arrêt du tribunal que les défenderesses au pourvoi, entreprises actives dans le secteur du polychlorure de vinyle (PVC), ont demandé l'annulation de la décision 89-190, précitée, par laquelle la Commission a constaté qu'elles avaient enfreint l'article 85 du traité en participant à un accord et/ou à une pratique concertée. Selon cette décision, les producteurs approvisionnant en PVC le territoire du Marché commun avaient en effet assisté à des réunions périodiques afin de fixer les prix " cibles " et des quotas " cibles ", de planifier des initiatives concertées visant à élever le niveau des prix et de surveiller la mise en œuvre de ces arrangements collusoires l'article 1er). En outre, lesdites entreprises se sont vu enjoindre de mettre fin aux infractions constatées, de s'abstenir à l'avenir des pratiques incriminées (article 2) et de payer des amendes individuelles (article 3).

3 Les requérantes ayant contesté égards la procédure d'adoption et de notification de la décision, le tribunal a procédé à une instruction approfondie, et demandé à la Commission, dans un premier temps, de produire le procès-verbal de la réunion du collège des commissaires du 21 décembre 1988 ainsi que le texte de la décision telle qu'elle avait été adoptée à cette date.

4 La Commission ayant produit les pages 41 à 43 dudit procès-verbal ainsi que trois projets de décision, datés du 14 décembre 1988 et rédigés en langues allemande, anglaise et française, le tribunal, suite aux débats qui ont eu lieu devant lui a sujet de ces documents, a enjoint à la Commission de produire une copie certifiée conforme de l'original de la décision litigieuse, telle qu'adoptée le 21 décembre 1988 et authentifiée dans les conditions prévues par le règlement intérieur de l'institution, et ce dans les différentes versions linguistiques dans lesquelles cette décision avait été adoptée.

5 La Commission a alors produit les pièces suivantes, certifiées conformes à l'original par son secrétaire général :

- les pages 41 à 43 du procès-verbal de la réunion de la Commission du 21 décembre 1988, Commission (88) PV 945;

- la page de couverture dudit procès-verbal, portant la signature du Président et du Secrétaire général de la Commission ;

- les projets de la décision, datés du 14 décembre 1988, en langues allemande, anglaise et française ;

- un document intitulé "Modifications à inclure au point 27-PVC, au point 34-PEBD", qui était annexé au procès-verbal de la réunion spéciale des chefs de cabinet, daté du 19 décembre 1988, et mentionné dans le procès-verbal de la réunion de la Commission.

6 D'après une attestation établie par le Secrétaire général de la Commission et la lettre d'accompagnement de ces documents, signée par l'un des agents qui représentaient cette institution devant le tribunal, le texte de la décision adoptée le 21 décembre 1988 doit se déduire de la lecture combinée de l'ensemble de ces documents.

7 L'examen des pièces produites ainsi que les débats ayant eu lieu à leur sujet ont permis au tribunal de constater un certain nombre de faits et d'en tirer les conséquences juridiques suivantes.

L'arrêt du tribunal

Violation du principe de l'intangibilité de l'acte adopté

8 En premier lieu, le tribunal a constaté (points 39 à 49 de l'arrêt):

a) que la décision adoptée en langue allemande présentait des discordances, d'une part, avec la décision adoptée dans les langues anglaise et française et, d'autre part, avec la décision telle que notifiée et publiée;

b) que, dans les décisions notifiées et publiées au Journal officiel des Communautés européennes, un alinéa qui n'apparaissait pas dans les projets de décision adoptés par le collège avait été ajouté au point 27 des motifs et ce, dans les trois versions allemande, anglaise et française;

c) que, dans le dispositif même des actes notifiés et publiés, la référence à l'appartenance de la Société artésienne de vinyle SA au groupe de l'Entreprise chimique et minière ("EMC Group") qui figurait dans les projets adoptés par le collège le 21 décembre 1988 avait disparu.

9 Du fait que toutes ces modifications avaient été apportées après le 21 décembre 1988 par des personnes manifestement autres que le collège, le tribunal, en s'appuyant sur l'arrêt de la Cour du 23 février 1988, dit "des poules pondeuses", Royaume-Uni/Conseil (131-86, Rec. p. 905), a conclu à la violation du principe de l'intangibilité des actes administratifs Selon ce principe, une fois qu'un acte a été adopté par l'autorité compétente selon la procédure prévue, il ne peut plus y être apporté de modifications, autres que grammaticales ou orthographiques, qu'en suivant la même procédure. A défaut, les modifications doivent être considérées comme irrégulières, sans qu'il y ait lieu d'examiner leur portée, leur importance ou leur caractère substantiel (points 40, 42, 47 et 49).

Incompétence ratione materiae et ratione temporis du commissaire en charge des questions de concurrence.

10 En deuxième lieu, le tribunal a constaté que le collège des commissaires n'avait adopté la décision litigieuse que dans ses versions allemande, anglaise et française, en confiant au commissaire alors en charge des questions de concurrence, M. Sutherland, la tâche d'adopter le texte de la décision dans les autres langues officielles de la Communauté.

11 Or, selon le tribunal, dès lors qu'il s'agit d'une décision destinée à plusieurs personnes morales relevant de régimes linguistiques différents et faisant foi à leur égard, il ressort de l'interprétation combinée de l'article 3 du règlement n° 1 du Conseil du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), et de l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur de la Commission du 9 janvier 1963 (JO 1963, 17, p. 181, ci-après le "règlement intérieur") que c'est au collège qu'il appartient d'adopter l'acte dans toutes les langues où il fait foi. Selon la première de ces dispositions, "Les textes adressés par les institutions à une personne relevant de la juridiction d'un État membre sont rédigés dans la langue de cet État". Quant à la seconde, elle prévoit que "Les actes adoptés par la Commission, en séance ou par la procédure écrite, sont authentifiés, dans la ou les langues où ils font foi, par les signatures du président et du secrétaire exécutif". Par conséquent, en l'espèce, la décision aurait dû être adoptée par le collège également dans ses versions italienne et néerlandaise, M. Sutherland étant manifestement incompétent ratione materiae pour ce faire (points 54, 55 et 60).

12 D'après le tribunal, la Commission aurait invoqué à tort, pour démontrer la compétence de M. Sutherland, l'article 27 de son règlement intérieur, tel que modifié par la décision 75-461-Euratom, CECA, CEE de la Commission, du 23 juillet 1975 (JO L 199, p. 43), aux termes duquel "La Commission peut, à condition que le principe de sa responsabilité collégiale soit pleinement respecté, habiliter ses membres à prendre en son nom et sous son contrôle des mesures de gestion ou d'administration clairement définies". En effet, "une décision constatant une infraction à l'article 85 du traité, émettant des injonctions à l'égard de plusieurs entreprises, leur infligeant des sanctions pécuniaires importantes et valant titre exécutoire à cet effet affecte de façon caractérisée les droits et obligations de ces dernières, ainsi que leur patrimoine. Elle ne saurait être regardée comme une simple mesure d'administration ou de gestion et, par suite, être compétemment adoptée par un seul commissaire, sans méconnaître directement le principe de collégialité expressément rappelé par l'article 27, précité" (point 59).

13 Par ailleurs, le tribunal a constaté, au bas des actes notifiés, la mention dactylographiée "pour la Commission, Peter Sutherland, membre de la Commission". Il admet que, si le commissaire en charge des questions de concurrence n'a pas qualité pour adopter seul, dans les langues où elle fait foi, une décision d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, il a en revanche qualité pour signer les copies de l'acte arrêté par le collège, en vue de leur notification à ses destinataires (point 61).

14 Toutefois, en l'espèce, il aurait été établi qu'aucun texte prêt pour la notification et la publication n'a été disponible antérieurement à une date comprise entre le 16 et le 31 janvier 1989, tandis que le mandat de M. Sutherland avait expiré le 5 janvier 1989. Il en découlerait l'incompétence ratione temporis de ce dernier pour procéder à la signature des actes notifiés aux requérantes (points 61 à 63).

L'inexistence de l'acte litigieux

15 A ce stade du raisonnement, le tribunal a considéré (point 65) que "l'ensemble des vices affectant l'acte, tels qu'ils viennent d'être exposés, à savoir les modifications postérieures à l'adoption de l'acte par le collège des commissaires aux termes du procès-verbal n, de ses motifs et de son dispositif, et l'incompétence de son auteur, devraient entraîner l'annulation de la décision attaquée pour incompétence et violation des formes substantielles". Cependant, le tribunal a estimé que "avant de prononcer une telle annulation, il convient d'examiner le dernier moyen invoqué par les requérantes et tiré de l'inexistence de l'acte. En effet, si ce moyen s'avérait fondé, les recours devraient être rejetés comme irrecevables (arrêt de la Cour du 10 décembre 1957, Société des usines à tubes de la Sarre/Haute Autorité, 1-57 et 14-57, Rec. p. 201)".

16 Après avoir rappelé que "le juge communautaire, s'inspirant des principes dégagés par les ordres juridiques nationaux, déclare inexistants les actes qui sont entachés de vices particulièrement graves et évidents" et que ce moyen, étant d'ordre public, "peut être invoqué par les parties sans condition de délai au cours de la procédure et doit être soulevé d'office par le juge" (point 68), le tribunal a constaté (point 70) qu'en l'espèce la Commission avait dû admettre elle-même ne pas être en mesure de produire une copie des actes originaux et authentifiés dans les conditions prévues par son règlement intérieur, dont l'article 12, outre l'authentification des actes, prévoit en son deuxième alinéa, que leurs textes "sont annexés au procès-verbal de la Commission où il est fait mention de leur adoption".

17 Or, selon le tribunal, "la procédure d'authentification des actes prévue par ces dispositions du règlement intérieur de la Commission, lequel trouve lui-même sa base légale directement dans les articles 15 et 16 du traité de fusion du 8 avril 1965, qui prévoient, en outre, la publicité de ce règlement, constitue un facteur essentiel de sécurité juridique et de stabilité des situations juridiques dans l'ordre normatif communautaire. Elle est seule de nature à garantir que les actes de l'institution ont été adoptés par l'autorité compétente dans le respect des règles de forme prévues par le traité et les textes pris pour son application, et spécialement dans le respect de l'obligation de motivation prévue à l'article 190 du traité. En garantissant l'intangibilité de l'acte adopté, qui ne peut être modifié ou abrogé que dans le respect de ces obligations, elle permet aux sujets de droit, qu'il s'agisse des personnes physiques ou morales, des États membres ou des autres institutions communautaires, de connaître avec certitude et à tout moment l'étendue exacte de leurs droits ou de leurs obligations et les raisons pour lesquelles la Commission a adopté une décision à leur égard" (point 72).

18 En outre, "L'ensemble de ce formalisme rigoureux qui s'attache à l'élaboration, à l'adoption et à l'authentification des actes est nécessaire à la garantie de la stabilité de l'ordre juridique et à la sécurité juridique des sujets auxquels s'imposent les actes des institutions communautaires. Un tel formalisme est strictement nécessaire au maintien d'un système juridique qui repose sur la hiérarchisation des normes Il garantit le respect tout à la fois des principes de légalité, de sécurité juridique et de bonne administration (arrêts de la Cour du 5 décembre 1963, Lemmerz/Haute Autorité, 53-63 et 54-63, Rec. p. 487, et Usines Émile Henriot/Haute Autorité, 23-63, 24-63 et 52-63, Rec. p. 439) Toute méconnaissance de ces règles aurait pour effet de créer un système essentiellement précaire, dans lequel la désignation des sujets auxquels s'imposent les actes des institutions, l'étendue de leurs droits et obligations et l'auteur des actes ne pourraient être connus qu'avec une approximation relative qui serait de nature à remettre en cause l'exercice même du contrôle juridictionnel" (point 76).

19 Enfin, le tribunal a estimé que, "dans le cas des actes qui, comme en l'espèce, infligent une sanction pécuniaire, la notion d'acte exécutoire revêt, en vertu de l'article 192 du traité, une signification particulière" (point 80). Or, le tribunal constate que, "dès lors que l'instruction a établi que toute authentification de l'acte, conforme aux dispositions de l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur de la Commission, est impossible, la procédure de contrôle de la vérification de l'authenticité du titre, c'est-à-dire de l'acte original et authentifié, prévue à l'article 192, deuxième alinéa, du traité ne pourrait, en l'espèce, être mise en œuvre" (point 81).

20 Le tribunal est ainsi arrivé à la conclusion qu'un "acte dont (il) ne peut ni fixer avec une certitude suffisante la date exacte à partir de laquelle il a été susceptible de produire des effets juridiques et, par suite, d'être incorporé dans l'ordre juridique communautaire, ni, en raison des modifications dont il a été l'objet, appréhender avec assurance le contenu précis de la motivation qu'il doit contenir en vertu de l'article 190 du traité, ni définir et contrôler sans ambiguïté l'étendue des obligations qu'il impose à ses destinataires ou la désignation de ces derniers, ni identifier avec certitude quel a été l'auteur de sa version définitive, et pour lequel il est établi que la procédure d'authentification prévue par la réglementation communautaire a été totalement méconnue et que celle prévue à l'article 192, deuxième alinéa, du traité ne serait pas susceptible d'être mise en œuvre, ne peut être qualifié de décision au sens de l'article 189 du traité, précité. Un tel acte est entaché de vices particulièrement graves et évidents, qui le rendent juridiquement inexistant" (point 96).

21 Le tribunal a ainsi déclaré inexistante la décision litigieuse et, par voie de conséquence, rejeté les recours comme irrecevables.

Le pourvoi de la Commission

22 La Commission déclare, in limine, qu'elle ne conteste pas que l'instruction par le tribunal a révélé certaines faiblesses dans la procédure relative à l'adoption de la décision PVC, qui s'expliquent notamment par la pression de temps à laquelle la Commission était exposée en raison de l'expiration imminente de son mandat et en particulier du départ du commissaire en charge des questions de concurrence. La Commission est pourtant d'avis que l'arrêt ne reflète pas correctement l'importance réelle des différents points litigieux. De plus, elle estime que les conclusions que le tribunal en a tirées, aboutissant à déclarer l'acte inexistant, sont de toute manière excessives et disproportionnées.

23 A l'appui de son pourvoi, la Commission avance quatre moyens.

Premier moyen

24 En premier lieu, l'arrêt attaqué serait entaché d'erreurs de droit et de motivation en ce qui concerne l'application du principe de l'intangibilité des actes administratifs et, spécialement, l'appréciation des modifications apportées à la décision litigieuse.

25 Le tribunal aurait tout d'abord commis une erreur de droit en ce qu'il a considéré, d'une part, qu'il n'est pas nécessaire d'examiner le caractère substantiel des modifications constatées dans la version allemande de la décision notifiée et, d'autre part, que ces modifications affectent la légalité de la décision dans son ensemble, et ce à l'égard de toutes les requérantes.

26 Ensuite, le tribunal aurait commis une erreur de motivation, en ce qu'il a estimé que l'alinéa ajouté au point 27 de la décision dans toutes les versions linguistiques des actes notifiés n'a pas été approuvé par le collège des commissaires et que le caractère substantiel de cet alinéa n'est pas contestable. Il aurait également commis une erreur de droit en ce qu'il a jugé, d'une part, qu'il n'est pas nécessaire d'examiner le caractère substantiel de l'alinéa en question et, d'autre part, que son adjonction affecte la légalité de la décision dans son ensemble.

27 Le tribunal aurait enfin commis une erreur de motivation, en ce qu'il a estimé que la suppression, dans le dispositif des décisions notifiées, de la mention de l'appartenance de la Société artésienne de vinyle SA au groupe EMC serait de nature à modifier la portée de la décision, ainsi qu'une erreur de droit, en ce qu'il a considéré que cette suppression affecte la légalité de la décision dans son ensemble, et ce à l'égard de toutes les requérantes.

Deuxième moyen

28 En deuxième lieu, l'arrêt attaqué serait entaché d'une erreur de droit, quant aux exigences du traité relatives aux conditions d'adoption des actes de la Commission, en ce qu'il ne reconnaît pas la compétence du commissaire M. Sutherland pour établir les versions néerlandaise et italienne de l'acte adopté.

29 Selon la Commission, exiger que le collège adopte toutes les versions linguistiques dans lesquelles les actes font foi procède d'un formalisme manifestement excessif par rapport aux exigences du traité relatives au principe de collégialité. Une certaine souplesse de fonctionnement serait indispensable pour l'accomplissement des tâches, multiples et d'envergure, qui lui sont confiées. Une telle souplesse trouverait son expression dans la possibilité de recourir à trois types de procédures différents, à savoir l'adoption formelle en séance, la procédure écrite et l'habilitation du commissaire compétent. La compatibilité de ce dernier système avec le principe de collégialité et, partant, sa légitimité au regard du droit communautaire auraient déjà été reconnues par la Cour, notamment, dans l'arrêt du 23 septembre 1986, AKZO, Chemie/Commission (5-85, Rec. p. 2585).

30 Le tribunal aurait d'ailleurs méconnu le fait que, dans chaque décision, il y a lieu de distinguer l'élément intellectuel ou de principe, qui est à la base de la formation de la volonté collective et relève du collège, de l'élément formel, nécessairement postérieur, qui englobe la rédaction du texte de la décision, sa traduction, sa mise en forme définitive ainsi que sa notification ou sa publication, toutes tâches de pure exécution De telles opérations devraient pouvoir être accomplies, en dehors de l'intervention du collège et en l'absence de toute habilitation spécifique expresse, sous l'autorité du membre de la Commission responsable, sans qu'il soit porté atteinte, en aucune façon, aux droits et garanties des personnes concernées.

Troisième moyen

31 En troisième lieu, le tribunal aurait commis une erreur de droit quant à la portée et à l'interprétation de l'article 12 du règlement intérieur de la Commission, qui concerne l'authentification des actes adoptés par cette institution.

32 D'après la Commission, l'arrêt du tribunal fait preuve encore une fois d'un formalisme excessif et méconnaît le sens et la portée de l'authentification des actes prévue par cet article, qui serait d'ailleurs tombé en désuétude depuis longtemps. Une telle formalité tout comme l'approbation et l'authentification du procès-verbal des séances ne constitueraient pas des conditions essentielles de l'adoption et de l'existence de ces actes, leur fonction étant seulement d'assurer la mémoire de la Commission.

33 Enfin, la Commission soutient que le tribunal a méconnu l'article 192 du traité CEE, quant à sa lettre et à son but, dans la mesure où il a considéré que l'existence de l'original d'un acte est une condition indispensable à sa mise en œuvre. Une telle approche conduirait, en effet, à ce que la vérification de l'authenticité du titre exécutoire, dont il est question audit article, exige la production systématique de l'original, alors qu'elle devrait être purement formelle et ne porter que sur la présence et l'authenticité des cachets et signatures apposés sur ce titre au nom de la Commission.

Quatrième moyen

34 En quatrième lieu, la Commission reproche au tribunal d'avoir procédé à une application incorrecte de la théorie de l'inexistence des actes administratifs.

35 Selon la Commission, il est constant que la plupart des droits des États membres admettent qu'un acte irrégulier peut, dans le cas où le vice qui l'affecte est particulièrement grave, être réputé ne sortir aucun effet juridique même provisoire, de sorte que ni son destinataire ni son auteur ne sont tenus de le respecter, sans même qu'une intervention préalable du juge soit nécessaire. De plus, la constatation de l'absence d'effet d'un tel acte pourrait intervenir en dehors des délais de recours.

36 Toutefois, étant donné la gravité de ces conséquences, il ne suffirait pas, pour pouvoir recourir à la théorie de l'inexistence, que l'irrégularité constatée soit particulièrement grave, encore faudrait-il qu'elle ait un caractère évident, en ce sens qu'elle saute immédiatement aux yeux de quiconque. Or, tel ne serait pas le cas en l'espèce, le destinataire de la décision n'étant pas en état de connaître le processus interne d'élaboration dont elle constitue l'aboutissement.

Sur la recevabilité du pourvoi

37 Toutes les parties défenderesses au pourvoi, à l'exception de Shell International Chemical Industries plc et de Montedison SpA, soulèvent une exception d'irrecevabilité du pourvoi pour dépassement du délai de deux mois prévu par l'article 49, premier alinéa, du statut (CEE) de la Cour de justice. Elles soutiennent à cet égard que, l'arrêt du tribunal ayant été signifié à la Commission le 28 février 1992, le pourvoi aurait dû, en application de l'article 80, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure, être formé le 28 avril 1992 au plus tard. Or, la Commission n'aurait déposé sa requête au greffe de la Cour que le 29 avril 1992.

38 D'après les parties défenderesses, la Commission ne pourrait bénéficier des dispositions de la décision de la Cour de justice sur les délais de distance figurant à l'annexe II de son règlement de procédure. En effet, l'article 1er de cette décision exclurait du bénéfice de l'augmentation des délais de procédure en raison de la distance les parties qui ont leur résidence habituelle au grand-duché de Luxembourg. La question du siège des institutions n'ayant pas encore été tranchée au moment de l'introduction du pourvoi, il conviendrait de considérer comme résidences habituelles des institutions leurs "lieux de travail provisoires" tels qu'ils ont été fixés à l'article 1er de la décision des représentants des gouvernements des États membres du 8 avril 1965 relative à l'installation provisoire de certaines institutions et de certains services des Communautés (JO 1967, 152, p. 18), à savoir Luxembourg, Bruxelles et Strasbourg.

39 Il s'ensuivrait que, à la date de l'introduction du pourvoi, la Commission avait sa résidence habituelle également à Luxembourg où elle exerce d'ailleurs une partie importante de ses fonctions et dispose de plusieurs services, employant un nombre considérable de fonctionnaires.

40 Il y a lieu d'observer à cet égard que les délais de procédure répondent à des exigences de sécurité juridique, tandis que les différents suppléments de temps prévus par la décision sur les délais de distance, précitée, sont destinés à tenir compte des difficultés auxquelles se trouvent confrontées les parties en raison de leur plus ou moins grand éloignement du siège de la Cour de justice et à les mettre ainsi sur un pied d'égalité. L'attribution des délais de distance doit donc se faire en fonction de l'endroit où les parties sont habituellement installées et où sont prises les décisions relatives à leur activité.

41 En l'occurrence, il importe de constater que, avant que la décision prise du commun accord des représentants des gouvernements des États membres relative à la fixation des sièges des institutions et de certains organismes et services des Communautés européennes (JO 1992, C 341, p. 1) fixe le siège de la Commission à Bruxelles, cette dernière était déjà effectivement dirigée à partir de cet endroit, qui constituait l'un des lieux de travail provisoires des institutions. Le fait que certains de ses services étaient et restent installés à Luxembourg est à cet égard sans pertinence.

42 De ce qui précède, il découle que la Commission devait, pour déposer sa requête, bénéficier des deux jours supplémentaires prévus par la décision sur les délais de distance, précitée, pour les personnes ayant leur résidence habituelle en Belgique.

43 Ce dépôt ayant eu lieu le 29 avril 1992, alors que le dernier jour utile du délai global ainsi établi était le 30 avril suivant, l'exception d'irrecevabilité pour dépassement des délais, soulevée par les parties défenderesses, doit être rejetée.

Sur le bien-fondé du pourvoi de la Commission

44 La lecture de l'arrêt attaqué montre que le raisonnement du tribunal se déroule par phases progressives jusqu'à la déclaration d'inexistence de la décision litigieuse, en passant par l'affirmation que certaines irrégularités, telles que la violation du principe de l'intangibilité de l'acte et l'incompétence de son auteur, suffiraient déjà à justifier l'annulation de ladite décision pour incompétence et violation des formes substantielles.

45 La déclaration finale de l'inexistence de la décision fait suite, quant à elle, à la constatation qu'une autre irrégularité s'ajoutait aux précédentes, à savoir l'absence d'authentification de l'acte conformément à l'article 12 du règlement intérieur de la Commission. Puisque les conséquences d'une telle déclaration sont plus étendues et plus radicales que celles de l'annulation, également envisagée par le tribunal, il convient de commencer par examiner le quatrième moyen avancé par la Commission qui concerne précisément cette déclaration d'inexistence.

46 Selon la Commission, le tribunal a commis une erreur de droit en ce qu'il a fait dériver une sanction tout à fait exceptionnelle, la déclaration d'inexistence, de la simple constatation des irrégularités, estimées particulièrement graves, qui entachaient la décision litigieuse. Ce faisant, il aurait négligé, dans son raisonnement, l'autre exigence essentielle à laquelle serait soumise l'application de la théorie de l'inexistence des actes administratifs, telle qu'elle a été développée dans les droits nationaux des divers États membres, à savoir l'évidence ictu oculi de ces irrégularités, spécialement pour les destinataires de l'acte.

47 La Commission, s'appuyant sur l'arrêt de la Cour du 26 février 1987, Consorzio Cooperative d'Abruzzo/Commission (15-85, Rec. p. 1005), souligne que les irrégularités en cause, à supposer qu'elles puissent être considérées comme telles, ne concernent que le processus interne d'élaboration de la décision litigieuse, de sorte que ses destinataires n'auraient pu les déceler à la simple lecture du texte qui leur avait été dûment notifié. Les prétendues irrégularités seraient dès lors dépourvues du caractère d'évidence requis pour que la décision litigieuse puisse être qualifiée d'inexistante.

48 Il convient de rappeler à cet égard que les actes des institutions communautaires jouissent, en principe, d'une présomption de légalité et, partant, produisent des effets juridiques, même s'ils sont entachés d'irrégularités, aussi longtemps qu'ils n'ont pas été annulés ou retirés.

49 Toutefois, par exception à ce principe, les actes entachés d'une irrégularité dont la gravité est si évidente qu'elle ne peut être tolérée par l'ordre juridique communautaire doivent être réputés n'avoir produit aucun effet juridique, même provisoire, c'est-à-dire être regardés comme juridiquement inexistants. Cette exception vise à préserver un équilibre entre deux exigences fondamentales, mais parfois antagonistes, auxquelles doit satisfaire un ordre juridique, à savoir la stabilité des relations juridiques et le respect de la légalité.

50 La gravité des conséquences qui se rattachent à la constatation de l'inexistence d'un acte des institutions de la Communauté postule que, pour des raisons de sécurité juridique, cette constatation soit réservée à des hypothèses tout à fait extrêmes.

51 En l'espèce, le tribunal n'a pas mis en doute que la Commission, au cours de la réunion du 21 décembre 1988, ainsi que l'atteste le procès-verbal relatif, a effectivement décidé d'adopter le dispositif qui y est repris, quels que puissent être les vices dont cette décision était entachée.

52 Par ailleurs, qu'elles soient considérées isolément ou même dans leur ensemble, les irrégularités de compétence et de forme relevées par le tribunal, qui concernent la procédure d'adoption de la décision de la Commission, n'apparaissent pas d'une gravité à ce point évidente que ladite décision doive être regardée comme juridiquement inexistante.

53 Le tribunal a dès lors commis une erreur de droit en déclarant la décision 89-190 inexistante.

54 L'arrêt attaqué doit par conséquent être annulé.

55 Conformément à l'article 54, premier alinéa, deuxième phrase, du statut (CEE) de la Cour de justice, celle-ci, en cas d'annulation de la décision du tribunal, peut statuer définitivement sur le litige lorsqu'il est en état d'être jugé. La Cour estime que tel est le cas.

Sur les recours en annulation présentés devant le tribunal et dirigés contre la décision de la Commission

56 Dans leurs recours en annulation, les sociétés requérantes ont soulevé plusieurs moyens qui peuvent être résumés comme suit: la procédure précontentieuse a été entachée de vices divers la décision attaquée n'est pas ou est insuffisamment motivée les droits de la défense n'ont pas été respectés le système de preuve retenu par la Commission est contestable la décision attaquée est contraire à l'article 85 du traité et aux principes généraux du droit communautaire la décision viole les règles de prescription elle est entachée de détournement de pouvoir les amendes infligées sont irrégulières.

57 A l'appui, notamment, du moyen tiré du défaut et de l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse, les sociétés requérantes ont fait valoir, en substance, que les motifs de la décision qui leur avait été notifiée devaient vraisemblablement différer sur plusieurs points, dont certains étaient essentiels, de la décision adoptée par le collège des commissaires lors de sa réunion du 21 décembre 1988. Leur conviction était, entre autres, fondée sur la constatation qu'un délai important s'était écoulé entre l'adoption de la décision et sa notification et que la présentation typographique de la décision notifiée faisait apparaître clairement que des passages essentiels avaient été ajoutés ou corrigés.

58 Certaines requérantes ont, en outre, déduit de la défense de la Commission que la décision n'avait pas été adoptée dans deux des langues faisant foi, à savoir les langues italienne et néerlandaise, puisque seuls avaient été soumis au collège des projets rédigés en langues allemande, anglaise et française.

59 Dans ces circonstances, à la demande des sociétés requérantes, la Commission ayant elle-même formulé une offre en ce sens, le tribunal, estimant sérieux et probants les indices d'irrégularité fournis, a ordonné la communication des documents relatifs à l'adoption de la décision litigieuse. Au vu des documents produits par la Commission, les requérantes ont fait valoir qu'il n'était pas certain que la décision avait été authentifiée selon les règles prescrites par l'article 12 du règlement intérieur de la Commission. Le tribunal a alors enjoint à la Commission de produire une copie certifiée conforme de l'original de la décision litigieuse, ce que la Commission n'a pas été en mesure de faire. Dans le dernier état de leur argumentation, les sociétés requérantes ont soutenu que l'article 12 du règlement intérieur de la Commission avait été méconnu.

60 Bien que ce moyen n'ait, dans sa formulation complète, été soulevé qu'en cours d'instance, il est néanmoins recevable, en vertu de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du tribunal, dans la mesure où il se fonde sur des éléments de fait révélés pendant la procédure.

61 Il convient, dès lors, d'examiner le bien-fondé du moyen ainsi soulevé.

62 A cet égard, ainsi que la Cour l'a relevé dans l'arrêt AKZO Chemie/Commission, précité, point 30, il y a lieu de rappeler tout d'abord que le fonctionnement de la Commission est régi par le principe de collégialité, découlant de l'article 17 du traité du 8 avril 1965 instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes (JO 1967, 152, p. 2, ci-après le "traité de fusion"), disposition maintenant remplacée par l'article 163 du traité CE, aux termes duquel "Les délibérations de la Commission sont acquises à la majorité du nombre des membres prévu à l'article 10. La Commission ne peut siéger valablement que si le nombre de membres fixé dans son règlement intérieur est présent".

63 Dans le même arrêt, la Cour a précisé (point 30) que le principe de collégialité ainsi établi repose sur l'égalité des membres de la Commission dans la participation à la prise de décision et implique notamment, d'une part, que les décisions soient délibérées en commun et, d'autre part, que tous les membres du collège soient collectivement responsables, sur le plan politique, de l'ensemble des décisions arrêtées.

64 Or, le respect de ce principe, et spécialement la nécessité que les décisions soient délibérées en commun par les membres de la Commission, intéresse nécessairement les sujets de droit concernés par les effets juridiques qu'elles produisent, en ce sens qu'ils doivent être assurés que ces décisions ont été effectivement prises par le collège et correspondent exactement à la volonté de ce dernier.

65 Tel est le cas, en particulier et comme en l'espèce, des actes, qualifiés expressément de décisions, que la Commission est amenée à prendre, en vertu des articles 3, paragraphe 1, et 15, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité CEE (JO 1962, 13, p. 204), à l'égard des entreprises ou des associations d'entreprises en vue du respect des règles de concurrence et qui ont pour objet de constater une infraction à ces règles, d'émettre des injonctions à l'égard de ces entreprises et de leur infliger des sanctions pécuniaires.

66 De telles décisions doivent être obligatoirement motivées en vertu de l'article 190 du traité CEE. Conformément à une jurisprudence constante, ce dernier exige que la Commission expose les raisons qui l'ont amenée à arrêter une décision, afin de permettre à la Cour d'exercer son contrôle et de faire connaître tant aux États membres qu'aux ressortissants intéressés les conditions dans lesquelles elle a fait application du traité.

67 Le dispositif d'une décision de ce genre ne peut se comprendre et sa portée être mesurée qu'à la lumière des motifs. Le dispositif et la motivation d'une décision constituant dès lors un tout indivisible, c'est uniquement au collège qu'il appartient, en vertu du principe de collégialité, d'adopter à la fois l'un et l'autre.

68 Cela implique que, comme la Cour l'a jugé dans l'arrêt dit "des poules pondeuses", précité, seules des adaptations purement orthographiques ou grammaticales peuvent encore être apportées au texte d'un acte après son adoption formelle par le collège, toute autre modification étant du ressort exclusif de ce dernier.

69 Il résulte de ce qui précède que l'argument de la Commission, selon lequel, dans le processus de décision, le collège peut se limiter à manifester sa volonté d'agir d'une certaine manière, sans avoir à intervenir dans la rédaction de l'acte qui l'entérine et dans sa mise en forme définitive, ne saurait être retenu.

70 Il suffit d'observer en effet que, l'élément intellectuel et l'élément formel constituant un tout indissociable, la mise en forme écrite de l'acte est l'expression nécessaire de la volonté de l'autorité qui l'adopte.

71 Par ailleurs, il y a lieu d'ajouter que, à la différence des décisions ordonnant à une entreprise de se soumettre à une vérification qui, en tant que mesures d'instruction, peuvent être considérées comme de simples mesures de gestion (voir arrêt AKZO, Chemie/Commission, précité point 38), les décisions constatant une infraction à l'article 85 ne peuvent, sans violer le principe de collégialité, faire l'objet d'une habilitation au sens de l'article 27 du règlement intérieur, en faveur du commissaire responsable de la politique de la concurrence.

72 Pour ce qui est des règles de procédure, il convient de relever que l'article 16 du traité de fusion (disposition maintenant remplacée par l'article 62, paragraphe 2, du traité CE) prévoit l'obligation pour la Commission de fixer son règlement intérieur, en vue d'assurer son fonctionnement et celui de ses services dans les conditions prévues par les traités, et de procéder à sa publication.

73 Il en résulte pour la Commission l'obligation, entre autres, de prendre les mesures aptes à permettre d'identifier avec certitude le texte complet des actes adoptés par le collège.

74 A cette fin, l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur en vigueur à l'époque prévoyait que " les actes adoptés par la Commission, en séance ou par la procédure écrite, sont authentifiés, dans la ou les langues où ils sont foi, par les signatures du président et du secrétaire exécutif ".

75 Loin de n'être, comme le prétend la Commission, qu'une simple formalité destinée à assurer sa mémoire, l'authentification des actes prévue audit article 12, premier alinéa, a pour but d'assurer la sécurité juridique en figeant, dans les langues faisant foi, le texte adopté par le collège. Elle permet ainsi de vérifier, en cas de contestation, la correspondance parfaite des textes notifiés ou publiés avec ce dernier, et par là même, avec la volonté de leur auteur.

76 Il en découle que l'authentification des actes visés à l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur de la Commission constitue une forme substantielle au sens de l'article 173 du traité CEE, dont la violation peut donner lieu à un recours en annulation.

77 Or, en l'espèce, il est constant que, de son propre aveu, la Commission a violé les dispositions de l'article 12, premier alinéa, de son règlement intérieur en omettant de procéder à l'authentification de la décision litigieuse dans les termes prévus par cet article.

78 Il convient dès lors d'annuler cette dernière pour violation des formes substantielles, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par les requérantes.

Sur les conclusions aux fins d'indemnités

79 S'agissant des conclusions aux fins d'indemnités présentées par Montedison SpA, elles doivent être rejetées, cette société n'ayant présenté à leur appui aucune argumentation ni évaluation chiffrée, même approximative, du préjudice allégué.

Sur les dépens

80 Aux termes de l'article 122 du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée au dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en l'essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, la totalité des dépens exposés, tant dans la procédure devant le tribunal que dans celle devant la Cour, par les parties défenderesses au pourvoi.

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1) L'arrêt du tribunal de première instance, rendu le 27 février 1992 dans les affaires T-79-89, T-84-89, T-85-89, T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-98-89, T-102-89 et T-104-89, est annulé.

2) La décision 89-190-CEE de la Commission, du 21 décembre 1988, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-31865, PVC), est annulée.

3) La Commission supportera ses propres dépens ainsi que la totalité des dépens exposés, tant dans la procédure devant le tribunal que dans celle devant la Cour, par les parties défenderesses au pourvoi.