TPICE, 2e ch., 18 mai 1994, n° T-37/92
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Bureau européen des unions de consommateurs, National Consumer Council
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cruz Vilaça
Juges :
MM. Kalogeropoulos, Barrington, Saggio, Biancarelli
Avocats :
Mes Adamantopoulos, Metaxas
LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
LES FAITS A L'ORIGINE DU LITIGE
1 Le Bureau européen des unions de consommateurs (ci-après "BEUC") est une association à but non lucratif de droit belge, reconnue par décret royal du 20 octobre 1990 et ayant pour objet, notamment, de regrouper des associations de consommateurs dans la Communauté, ainsi que dans d'autres pays européens, afin de promouvoir, défendre et représenter les intérêts des consommateurs face aux institutions communautaires. Le National Consumer Council (ci-après "NCC") a été créé par le gouvernement du Royaume-Uni en 1975 afin de répertorier les intérêts des consommateurs et de représenter ces intérêts face aux administrations centrales et locales, aux services publics, aux milieux des affaires et de l'industrie et aux membres des professions libérales.
2 Le 16 septembre 1991, le BEUC, le NCC et l'Association for consumer Research ont déposé une demande auprès de la Commission, au titre de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"). Cette demande était dirigée contre l'accord conclu entre la British Society of Motor Manufacturers and Traders (ci-après "SMMT") et la Japan Automobile Manufacturers Association (ci-après "JAMA"), ayant pour objet de limiter l'exportation de véhicules automobiles de fabrication japonaise vers le Royaume-Uni à une part de 11 % du total des ventes annuelles de voitures dans ce pays. Les plaignants ont fait valoir, d'une part, que l'accord est contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE et, d'autre part, que les restrictions à l'accès au marché résultant de l'accord constituent, de la part de SMMT, un abus de position dominante, contraire à l'article 86 du traité CEE.
3 Dans sa réponse du 13 janvier 1992, la Commission a attiré l'attention des plaignants sur le compromis commercial conclu entre la Communauté et le Japon, en date du 31 juillet 1991, en vertu duquel tous les accords bilatéraux relatifs aux limitations quantitatives imposées aux importations de véhicules automobiles en provenance du Japon, ainsi qu'aux restrictions en matière d'immatriculation, devraient être remplacés, pour la fin de l'année 1992, par une politique communautaire commune. La Commission a indiqué que, dans ces circonstances, elle considérait qu'il n'y avait pas d'intérêt communautaire suffisant pour justifier l'ouverture d'une procédure formelle d'enquête. Elle a, toutefois, ajouté qu'elle réexaminerait immédiatement la demande s'il s'avérait que des limitations à l'importation persistaient après le 1er janvier 1993 ou qu'il existait des accords ou pratiques concertées concernant les importations en provenance d'autres Etats membres. Enfin, elle a informé les plaignants qu'elle prendrait les mesures nécessaires pour clore le dossier, à moins que, dans un délai de quatre semaines, ceux-ci lui fournissent des éléments matériels justifiant une nouvelle prise en compte de leur demande.
4 Par lettre du 17 janvier 1992, les requérants ont accusé réception de la réponse de la Commission, annoncé une prise de position plus détaillée et demandé, à cet effet, copie du compromis conclu entre la Communauté et le Japon, invoqué par la Commission.
5 Par lettre du 31 janvier 1992, la Commission a fait parvenir aux requérants le texte des communiqués officiels publiés lors de la conclusion dudit compromis, tout en leur indiquant que le texte complet de ce compromis était confidentiel.
6 Par lettre du 13 février 1992, le BEUC, agissant tant en son nom propre qu'au nom des deux autres plaignants, a confirmé sa demande initiale et a conclu, à la différence de la Commission, à l'existence d'un intérêt communautaire justifiant l'ouverture d'une enquête au sujet de l'entente alléguée, nonobstant le compromis conclu entre la Communauté et le Japon. Il a présenté certains arguments additionnels dont il a demandé à la Commission de tenir compte avant de prendre une décision définitive.
7 Par lettre du 19 février 1992, la Commission a accusé réception de cette lettre et a demandé l'autorisation d'en transmettre copie à SMMT, afin de recueillir ses observations.
8 Par lettre du 21 février 1992, les requérants ont complété l'analyse développée dans leur lettre du 13 février 1992 quant à l'impact du compromis conclu entre la Communauté et le Japon sur la poursuite ou la fin de la mise en œuvre de l'accord mis en cause dans leur plainte du 16 septembre 1991. Ils ont conclu en renouvelant leur demande tendant à ce que la Commission ouvre une enquête complète à ce sujet.
9 Dans une lettre du 26 février 1992, les requérants ont refusé d'accéder à la demande de la Commission, en date du 19 février 1992, visant à divulguer leur lettre du 13 février 1992 à SMMT.
10 Dans sa lettre du 17 mars 1992, objet du présent recours, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle estimait qu'il n'y avait pas d'intérêt communautaire à procéder, à ce stade, à un examen de la mesure en question sous l'angle des règles de la concurrence.
11 Cette correspondance se lit comme suit :
"Thank you for your letters of 13 February and of 21 February 1992.
I think it may be useful if I comment as follows.
...
(i) The Commission, on behalf of the Community, and the Japanese authorities agreed last July on an arrangement on motor vehicles. Under this, the Community committed itself to abolishing national restrictions of any kind by 1st January 1993 at the latest, while the Japanese authorities accepted a transitional period to facilitate the adjustment of Community producers to adequate levels of international competitiveness. The United Kingdom, like the other Member States, accepted this agreement, which of course applies to the current arrangement between the SMMT and JAMA.
We would add that the Japanese authorities only agreed to cooperate with the Community on a transitional period, on condition that the national restrictions would be abolished by 1st January 1993.
We have no reason, therefore, to doubt that the arrangement between SMMT and JAMA will end by 1st January 1993.
(ii) If we were to investigate and evaluate' the effects in the past of the arrangements, we would have to take into account the fact that while they were in operation the Community had no common policy on direct exports of cars from Japan. The Commission therefore did not object to Member States' measures restricting those imports. The SMMT-JAMA arrangements were known to, and permitted by, the UK authorities. Also, the Commission does not consider itself obliged to investigate possible past infringements of competition law if the main purpose of such an investigation would be to facilitate possible claims for compensation by private parties.
(iii) We do not accept your argument... that commercial policy considerations should not be taken into account when deciding whether to carry out an investigation under EC competition rules into arrangements concerning direct exports to the Community from a third country, which are now certain to end in 9 months at the latest. The situation would have been different if the SMMT-JAMA arrangements had not been known to, and permitted by, the UK authorities, or if they had primarily concerned trade between EC Member States, or if the arrangement was likely to continue after the Community policy comes into effect. We would, in any case, like to clarify the commercial policy considerations in this case. An essential aim of the arrangement is to eliminate barriers to trade within the Community (as part of the single market programme) and to liberalise the Community market. The transitional period will be completely terminated by 31st December 1999 after which the Community market will be fully liberalised in accordance with the rules of international trade.
(iv) We did not suggest that the consensus with Japan legitimated past arrangements retroactively. What we said is that the consensus means that the SMMT-JAMA arrangements will come to an end this year, and that in the circumstances we are not obliged to investigate them or to put an end to them before then.
(v) Any criticisms which you may wish to make of the validity or enforceability of the consensus between the Community and Japan or any issues concerning any legal effects within the Community which that agreement may have, are not, it seems to us, questions of Community competition law.
(vi) It does not seem to us that the arguments raised in point 6 of your letter significantly alter the position.
As the SMMT-JAMA arrangements were permitted by the UK authorities for commercial policy reasons, we do not think that there is a Community interest in investigating the arrangements under competition law at this stage.
The UK authorities will not be in a position, in the future, to permit any such arrangements. For these reasons we do not think that if we do not investigate these arrangements, this will make it significantly more likely that the motor industry will engage in anticompetitive practices in the future.
Your letter of 21 February seems to relate to the future rather than to the past or the present. We do not see how an investigation would help to clarify the answers to the further questions you raise, which concern what you see as aspects of the consensus with Japan. The way in which that consensus will be implemented is still being considered, and it seems to me that it would be better if I were to reply to your letter of 21 February when that has been decided.
The fact that we do not propose to investigate the past and present SMMT-JAMA arrangements does not, of course, alter your association's rights, whatever they may be, to make claims in national courts. Nor does it constitute an expression of opinion as to the lawfulness of any possible aspect of the arrangements, such as those suggested in point 6 of your letter of 13 February.
We note that you reserve the right to take the matter further if you wish to do so.
Signed
J. Temple Lang
Director."
["Nous vous remercions pour vos lettres du 13 février et du 21 février 1992.
Nous pensons qu'il est utile que nous commentions les arguments que vous avez soulevés de la manière suivante.
...
i) La Commission, pour le compte de la Communauté, ainsi que les autorités japonaises sont convenus, en juillet dernier, d'un compromis dans le secteur automobile. Aux termes de ce compromis, la Communauté s'est engagée à veiller à l'abolition de toutes les limitations nationales pour, au plus tard, le 1er janvier 1993, alors que les autorités japonaises ont accepté une période de transition, afin de faciliter l'adaptation des fabricants communautaires à la concurrence internationale. Le Royaume-Uni, tout comme les autres Etats membres, a accepté ce compromis, qui s'applique bien entendu à l'arrangement qui existe actuellement entre la SMMT et la JAMA.
Nous nous permettons de vous préciser que les autorités japonaises n'ont accepté de coopérer avec la Communauté pour la durée de la période de transition qu'à la condition que les limitations nationales soient abolies avant le 1er janvier 1993.
Voilà pourquoi nous n'avons aucune raison de douter que l'arrangement entre la SMMT et la JAMA prendra fin le 1er janvier 1993.
ii) Dans l'hypothèse d'une enquête de notre part, afin de mesurer l'impact que les arrangements ont eu dans le passé, nous serions obligés de tenir compte du fait que, lors de l'application de ces arrangements, la Communauté n'avait pas de politique commune concernant les exportations directes de voitures du Japon. C'est pourquoi la Commission n'a pas élevé d'objections face aux mesures des Etats membres destinées à limiter ces importations. Les arrangements SMMT-JAMA étaient connus et autorisés par les autorités du Royaume-Uni. D'ailleurs, la Commission ne se considère pas tenue d'enquêter sur d'éventuelles infractions au droit de la concurrence commises dans le passé, lorsque le but principal d'une telle enquête est de faciliter d'éventuelles demandes de dommages et intérêts émanant de particuliers.
iii) Nous n'acceptons pas votre argument... selon lequel des considérations relevant de la politique commerciale ne devraient pas être prises en compte lorsqu'il s'agit de décider de l'opportunité d'une enquête au titre du droit communautaire de la concurrence sur des arrangements concernant les exportations directes vers la Communauté en provenance d'un pays tiers, arrangements pour lesquels il est actuellement certain qu'ils prendront fin au plus tard dans neuf mois. La situation aurait été différente si les arrangements SMMT-JAMA n'avaient pas été connus et autorisés par les autorités du Royaume-Uni, s'ils avaient principalement concerné les échanges commerciaux entre Etats membres ou s'ils étaient susceptibles d'être maintenus après l'entrée en vigueur de la politique communautaire. En tout état de cause, nous aimerions, sur ce point, clarifier les considérations relevant de la politique commerciale. Un des objectifs essentiels du compromis est l'élimination des obstacles aux échanges commerciaux à l'intérieur de la Communauté (dans le cadre du programme destiné à créer un marché unique) et la libéralisation du marché communautaire. La période de transition prendra définitivement fin le 31 décembre 1999, après la libéralisation complète du marché communautaire, conformément aux règles du commerce international.
iv) Nous n'avons pas laissé entendre que le compromis conclu avec le Japon légitimait a posteriori les arrangements antérieurs. Nous avons indiqué que, du fait de ce compromis, l'arrangement SMMT-JAMA prendra fin cette année et que, dans ces circonstances, nous ne sommes pas tenus d'entamer une enquête sur cet arrangement ou d'y mettre fin avant cette date.
v) Toutes les critiques que vous souhaitez faire valoir en ce qui concerne la validité ou l'application du compromis entre la Communauté et le Japon, de même que les problèmes relatifs aux effets juridiques que ce compromis est susceptible d'avoir dans la Communauté, ne nous semblent pas relever du droit communautaire de la concurrence.
vi) Nous ne pensons pas que les arguments que vous avez soulevés au point 6 de votre lettre modifient la situation de manière significative.
Compte tenu du fait que les arrangements SMMT-JAMA ont été autorisés par les autorités du Royaume-Uni pour des raisons de politique commerciale, nous ne pensons pas qu'il y ait un intérêt communautaire à procéder, à ce stade, à un examen des arrangements en question sous l'angle des règles de concurrence.
Les autorités du Royaume-Uni ne seront plus en mesure, à l'avenir, d'autoriser de tels arrangements. C'est pourquoi, à notre avis, l'absence d'enquête de notre part n'augmentera pas le risque que l'industrie automobile adopte, à l'avenir, des pratiques contraires au droit de la concurrence.
Votre lettre du 21 février semble concerner l'avenir plutôt que la situation présente et passée. Nous ne voyons pas comment une enquête pourrait contribuer à clarifier les réponses aux questions supplémentaires que vous soulevez, questions qui, selon vous, ont trait au compromis conclu avec le Japon. La manière dont le compromis sera mis en œuvre n'a pas encore été définie et il nous semble par conséquent préférable de répondre à votre lettre du 21 février quand une décision aura été prise sur ce point.
Le fait que nous n'avons pas l'intention de mener une enquête concernant les arrangements SMMT-JAMA n'a aucune incidence sur le droit de l'association d'introduire, à quelque titre que ce soit, une action devant une juridiction nationale. On ne saurait pas non plus en déduire une prise de position par rapport à la légalité de l'un ou de l'autre point de l'arrangement, tels que ceux que vous avez évoqués...
Nous prenons note de ce que vous vous réservez la faculté de faire valoir vos droits.
(sé)
J. Temple Lang
Directeur."]
La procédure et les conclusions des parties
12 Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 20 mai 1992, les requérants ont formé un recours dirigé contre la lettre de la Commission du 17 mars 1992.
13 Par acte séparé, déposé le 25 juin 1992, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité.
14 Par acte déposé le 4 août 1992, les requérants ont communiqué leurs observations tendant au rejet de ladite exception.
15 Par ordonnance du 9 novembre 1992, le Tribunal (deuxième chambre) a joint l'exception d'irrecevabilité au fond.
16 La procédure écrite s'est achevée le 2 avril 1993, avec le dépôt du mémoire en duplique de la Commission.
17 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Préalablement, il a invité la partie défenderesse à produire certains documents et à répondre à certaines questions écrites. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal à l'audience publique du 8 décembre 1993.
18 Les parties requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :
1) constater, conformément aux articles 173 et 174 du traité CEE, la nullité de la décision de la Commission adressée aux requérants le 17 mars 1992, leur communiquant son refus d'engager une procédure au titre de l'article 3 du règlement n° 17, à l'égard d'un accord d'industrie à industrie limitant l'importation de voitures japonaises au Royaume-Uni et de l'exploitation abusive d'une position dominante par SMMT et JAMA, du fait de l'imposition de restrictions à l'importation de voitures japonaises au Royaume-Uni ;
2) condamner la Commission aux dépens.
19 La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
1) déclarer le recours irrecevable ;
2) à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;
3) condamner les requérants aux dépens.
Sur la recevabilité
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
20 La Commission excipe de l'irrecevabilité du recours, en premier lieu, au motif que la lettre du 17 mars 1992 constitue une "première réaction", relevant de la phase de la procédure d'instruction précédant l'envoi d'une communication au titre de l'article 6 de son règlement n° 99-63-CEE du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99"), et ne saurait, dès lors, être qualifiée d'acte attaquable au titre de l'article 173 du traité (arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T-64-89, Rec. p. II-367, ci-après "Automec I", point 45).
21 La Commission avance, en deuxième lieu, que la lettre litigieuse n'affecte pas la situation juridique des requérants. Elle estime que la lettre leur a donné des assurances en ce qui concerne la cessation prochaine de la prétendue infraction, de sorte que leurs droits ne pouvaient s'en trouver négativement affectés et que les requérants restent libres de former un recours contre tout rejet définitif de leur plainte, ou d'introduire un recours en carence.
22 La Commission fait valoir, en troisième lieu, que le compromis conclu entre la Communauté et le Japon permet de supposer qu'il sera, selon toute probabilité, mis fin à l'infraction alléguée pour la fin de l'année 1992. Dans ces circonstances, étant donné qu'elle ne peut être tenue d'ouvrir une procédure d'instruction relative à des faits passés, la Commission estime que tant la plainte que le présent recours sont privés d'objet.
23 Enfin, et à titre subsidiaire, la Commission fait valoir que la lettre litigieuse, signée par un directeur à la direction générale de la concurrence, ne peut pas être considérée comme une décision de classement de la plainte parce qu'elle n'a pas été signée par une personne habilitée à cette fin, c'est-à-dire, le membre de la Commission en charge des questions de la concurrence ou, en son absence, un autre membre de la Commission. Etant donné sa mission particulière, le BEUC aurait dû connaître la différence entre une lettre signée par un directeur et une lettre signée par un membre de la Commission.
24 Les requérants répondent que la lettre du 13 janvier 1992, susmentionnée, comporte déjà une appréciation préliminaire, dans la mesure où la Commission indique qu'il n'existe pas, à son avis, un intérêt communautaire suffisant pour justifier l'ouverture d'une procédure formelle et annonce qu'elle prendra les mesures nécessaires pour clore le dossier, à moins que les plaignants ne fournissent, dans un délai de quatre semaines, des éléments matériels justifiant une nouvelle prise en compte de leur demande. Il s'ensuivrait que cette lettre possède toutes les caractéristiques d'une communication au titre de l'article 6 du règlement n° 99, même si la Commission ne l'a pas présentée comme telle. Les requérants en déduisent que la lettre litigieuse du 17 mars 1992 se rapporte nécessairement à une phase plus avancée de la procédure d'enquête. Pour cette raison, ils estiment que la Commission est malvenue à soutenir que la procédure de plainte n'a jamais dépassé la première phase de la procédure d'instruction. De surcroît, les requérants concluent, au terme d'une analyse du contenu de la lettre du 17 mars 1992 et du contexte dans lequel elle est intervenue, que celle-ci constitue une décision définitive refusant d'ouvrir la procédure d'instruction prévue à l'article 3 du règlement n° 17.
25 Les requérants font encore valoir que la lettre du 17 mars 1992 affecte leurs intérêts en ce qu'elle les empêche de se voir associer à une procédure d'instruction ou d'introduire un recours contre toute décision finale. Ils soulignent que rien ne permet d'établir que l'accord qu'ils dénoncent comme anticoncurrentiel cessera de produire ses effets et relèvent, à cet égard, que la Commission concède, dans la lettre litigieuse, que la mise en application du compromis commercial conclu entre la Communauté et le Japon était, à ce moment, toujours à l'étude. Ils estiment, d'ailleurs, que la question de savoir si l'infraction a effectivement cessé demeure une question de fond.
26 Enfin, selon les requérants, la lettre du 17 mars 1992 ne perd pas sa nature de décision définitive de rejet du fait qu'elle a été signée par un directeur et non par un membre de la Commission. Ni les règlements applicables, ni la jurisprudence de la Cour et du Tribunal ne rattacheraient la définition d'une décision, au sens de l'article 173 du traité, au statut de son signataire.
Appréciation du Tribunal
27 En ce qui concerne le premier argument soulevé par la Commission, selon lequel la correspondance attaquée ne présenterait pas un caractère décisionnel, il ressort d'une jurisprudence constante que constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation, au sens de l'article 173 du traité, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci. Plus particulièrement, lorsqu'il s'agit d'actes ou de décisions dont l'élaboration s'effectue en plusieurs phases, notamment au terme d'une procédure interne, ne constituent, en principe, des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l'institution au terme de cette procédure, à l'exclusion des mesures intermédiaires dont l'objectif est de préparer la décision finale(arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60-81, Rec. p. 2639 ; arrêt Automec I, précité).
28 Pour apprécier, à la lumière des principes jurisprudentiels qui viennent d'être rappelés, la nature juridique de la lettre attaquée, il convient donc de l'examiner dans le cadre de la procédure d'instruction des demandes formées au titre de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17.
29 Ainsi que le Tribunal l'a relevé, aux points 45 à 47 de l'arrêt Automec I, précité, la procédure d'examen d'une plainte s'articule autour de trois phases successives. Pendant la première phase, consécutive au dépôt de la plainte, la Commission recueille les éléments qui lui permettent d'apprécier quelle suite elle réservera à la plainte. Cette phase peut comprendre un échange informel de vues entre la Commission et la partie plaignante, visant à préciser les éléments de fait et de droit qui font l'objet de la plainte et à donner à la partie plaignante l'occasion de développer ses allégations, le cas échéant à la lumière d'une première réaction des services de la Commission. Au cours de la deuxième phase, la Commission indique, dans une communication adressée à la partie plaignante, les motifs pour lesquels il ne lui paraît pas justifié de donner une suite favorable à sa plainte et lui procure l'occasion de présenter ses observations éventuelles, dans un délai qu'elle fixe à cet effet. Dans la troisième phase de la procédure, la Commission prend connaissance des observations présentées par la partie plaignante. Bien que l'article 6 du règlement n° 99 ne prévoie pas expressément cette possibilité, cette phase peut se terminer pas une décision finale.
30 Ainsi que le Tribunal l'a déjà jugé dans l'arrêt Automec I, précité, points 45 et 46, ni les observations préliminaires éventuellement émises, dans le cadre de la première phase de la procédure d'examen des plaintes, ni les communications au titre de l'article 6 du règlement n° 99, ne sauraient être qualifiées d'actes attaquables. En revanche, la décision rejetant définitivement la plainte et clôturant le dossier est susceptible de recours (arrêts de la Cour du 11 octobre 1983, Demo-Studio Schmidt/Commission, 210-81, Rec. p. 3045, du 28 mars 1985, CICCE/Commission, 298-83, Rec. p. 1105, et du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds/Commission, 142-84 et 156/-84, Rec. p. 4487).
31 En l'espèce, il convient donc de déterminer si, comme le soutient la Commission, la lettre du 17 mars 1992 relève de la première phase de la procédure d'examen des plaintes ou si, comme le soutiennent les requérants, elle doit être considérée comme une décision rejetant définitivement la plainte dont ils avaient saisi la Commission.
32 Le Tribunal constate que la lettre du 17 mars 1992 conclut un échange de correspondances entre les requérants, d'une part, et un directeur à la direction générale de la concurrence de la Commission, d'autre part, lequel a commencé avec une lettre de celui-ci, en date du 13 janvier 1992. Dans cette première lettre, le directeur, ayant déclaré que l'accord entre SMMT et JAMA prendrait fin dans un avenir proche, suite à l'entrée en vigueur du compromis commercial conclu entre la Communauté et le Japon, a poursuivi ainsi :
"Under these circumstances, there does not seem to be a sufficiently strong Community interest in opening a formal procedure. On the basis of this preliminary legal appraisal, it is therefore not intended to pursue your application.
However, if there were any evidence that the said restriction on the importation of Japanese cars into the UK was continuing after 1.1.1993, or if there were any evidence of any agreement or concerted practice concerning imports from other Member States, we would take up your complaint again immediately.
The appropriate steps will be taken to close this file unless you give us, within 4 weeks of the date of receipt of this letter, material grounds for further consideration of your complaint."
("Dans ces circonstances, il ne semble pas y avoir d'intérêt communautaire suffisamment fort pour justifier l'ouverture d'une procédure formelle. Compte tenu de cette appréciation juridique préliminaire, nous n'entendons pas donner suite à votre demande.
Cependant, s'il devait s'avérer que lesdites limitations à l'importation de voitures japonaises au Royaume-Uni persistent après le 1er janvier 1993 ou qu'il existe un accord ou une pratique en ce qui concerne les importations en provenance d'autres Etats membres, nous réexaminerons immédiatement votre demande.
Nous prendrons les mesures nécessaires pour clore ce dossier, à moins que, dans un délai de quatre semaines à compter de la réception de la présente, vous nous fournissiez des éléments matériels justifiant une nouvelle prise en compte de votre demande.")
33 Dans les deux lettres, susmentionnées, en date des 13 et 21 février 1992, les requérants ont répondu aux observations formulées par la Commission dans cette première lettre et ont confirmé leur demande tendant à ce qu'elle ouvre une enquête. La Commission a répondu aux observations des requérants par la lettre litigieuse, en date du 17 mars 1992.
34 Le Tribunal observe que celle-ci, d'une part, énonce clairement l'intention de ne pas procéder, à ce stade, à un examen de l'accord en cause sous l'angle des règles de la concurrence et que, d'autre part, elle expose le raisonnement ayant conduit à cette prise de position. Il note aussi que la lettre du 13 janvier 1992 possède toutes les caractéristiques d'une communication au titre de l'article 6 du règlement n° 99, en ce qu'elle indique les motifs pour lesquels il ne paraît pas justifié de donner une suite favorable à la plainte, se réfère expressément à la clôture du dossier et impartit aux plaignants un délai pour présenter leurs observations éventuelles. Dans ces circonstances, le Tribunal ne peut qu'écarter le premier argument de la Commission, selon lequel la lettre litigieuse doit être considérée comme une simple "première réaction", émise dans le cadre de la première des trois phases de la procédure d'enquête. Compte tenu de son contenu et de son contexte, la correspondance attaquée doit être considérée comme une décision de rejet de la plainte, relevant de la dernière phase de la procédure d'enquête.
35 Le caractère définitif de cette décision n'est pas remis en cause par l'expression "at this stage" ("à ce stade"), incluse dans la phrase par laquelle l'auteur de la lettre déclare "..., we do not think that there is a Community interest in investigating the arrangements under competition law at this stage" ("nous ne pensons pas qu'il y ait un intérêt communautaire à procéder, à ce stade, à un examen des arrangements sous l'angle des règles de concurrence"), laquelle doit, dans le contexte de l'affaire, être regardée comme se référant à l'avant-dernier paragraphe de la lettre du 13 janvier 1992, dans laquelle la Commission a accepté de réexaminer la plainte s'il s'avérait que des limitations à l'importation de voitures japonaises au Royaume-Uni persistaient après le 1er janvier 1993 ou qu'il existait un accord ou une pratique concertée concernant les importations en provenance d'autres Etats membres. Or, une telle réserve quant à la découverte d'éléments nouveaux s'incorpore dans toute décision d'une autorité administrative (voir arrêt Automec I, précité, point 57).
36 En ce qui concerne le deuxième argument de la Commission, selon lequel la lettre litigieuse n'affecte pas la situation juridique des requérants, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il est de l'intérêt à la fois d'une bonne justice et d'une exacte application des articles 85 et 86 du traité que les personnes physiques et morales habilitées à introduire une demande au titre de l'article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 17 puissent disposer d'une voie de recours destinée à protéger leurs intérêts légitimes s'il n'est pas fait droit, en tout ou en partie, à leur plainte (arrêt de la Cour du 25 octobre 1977, Metro/Commission, 26-76, Rec. p. 1875, point 13). Or, d'une part, la Commission ne conteste pas l'intérêt légitime des requérants à introduire une demande au titre de l'article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 17 et, d'autre part, il est constant que la décision attaquée ne fait pas droit à la demande introduite par les requérants. Dès lors, cet argument doit être écarté.
37 En ce qui concerne le troisième argument, selon lequel la plainte et le recours sont privés d'objet depuis l'entrée en vigueur du compromis conclu entre la Communauté et le Japon, le Tribunal estime qu'il s'agit d'une question qui relève de l'examen du fond de l'affaire.
38 Enfin, en ce qui concerne l'argument tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, le Tribunal rappelle que, en tout état de cause, en vertu d'une jurisprudence constante, la forme dans laquelle des actes ou décisions sont pris est, en principe, indifférente en ce qui concerne la possibilité de les attaquer par un recours en annulation et que c'est à leur substance qu'il y a lieu de s'attacher pour déterminer s'ils constituent des actes au sens de l'article 173 (arrêt IBM/Commission, précité, point 9). Si la Cour a dit pour droit qu'"une lettre telle que celle qui a été adressée à (l'entreprise notifiante) par la direction générale de la concurrence... ne constitue (pas) une décision... au sens des articles 2 et 6 du règlement n° 17" (arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, Lancôme, 99-79, Rec. p. 2511, point 10 ; voir également, du même jour, arrêts Giry et Guerlain e.a., 253-78 et 1-79 à 3-79, Rec. p. 2327, point 12, et Marty, 37/79, Rec. p. 2481, point 9), l'appréciation ainsi portée par la Cour a tenu compte d'un ensemble de critères, tirés tant du contexte factuel que de l'ensemble des obligations de forme imposées à la Commission au titre des articles 2 et 6 du règlement n° 17, lesquelles font précisément défaut dans le cas des demandes prévues à l'article 3. En l'espèce, dès lors qu'il ressort de ce qui précède que l'acte attaqué comporte une appréciation claire et définitive de la demande dont la Commission a été saisie par les plaignants, la nature de cet acte ne saurait être remise en cause par la seule circonstance que cette appréciation n'émanerait que des services de la Commission, sauf à priver de tout effet utile les dispositions de l'article 3 du règlement n° 17. Par suite, l'argument tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit, à ce stade de l'examen du litige, limité à la question de sa recevabilité, être écarté.
39 Pour l'ensemble des raisons qui précèdent, il y a donc lieu d'écarter l'exception d'irrecevabilité soulevée par l'institution défenderesse.
Sur le fond
40 Les requérants invoquent six moyens à l'appui de leur recours. Le premier est tiré de la violation, par la Commission, des obligations qui lui incombent lorsqu'elle est saisie d'une "plainte" ; le deuxième est tiré d'une motivation insuffisante de la décision attaquée ; le troisième est pris de l'erreur de droit dont serait entachée ladite décision ; le quatrième est tiré d'une erreur d'appréciation des effets de l'accord dénoncé sur le commerce entre Etats membres ; le cinquième est tiré d'une appréciation erronée de l'objet de la plainte et le sixième est tiré de l'illégalité dont serait entaché le refus opposé par la Commission d'ouvrir une enquête relative aux pratiques anticoncurrentielles alléguées, pour des motifs tenant à la politique commerciale des institutions communautaires.
41 Le Tribunal estime qu'il ressort des termes, précités, de la décision attaquée que celle-ci repose sur trois motifs. En premier lieu, la Commission fait valoir, en substance, en particulier au point i) des motifs de la décision, que, compte tenu de la prochaine entrée en vigueur du compromis commercial conclu entre la Communauté et le Japon, l'entente alléguée, à l'origine de la demande dont elle a été saisie par les requérants, doit cesser de produire ses effets à la date du 1er janvier 1993. La Commission déduit de cette constatation que, eu égard à la date à laquelle se situe la décision attaquée, l'enquête qu'elle serait susceptible d'engager se rapporterait, pour l'essentiel, à des faits passés. Elle estime que la demande dont elle est saisie ne présente plus, dès lors, un intérêt suffisant. En deuxième lieu, la Commission expose, également en substance, aux points ii), iii) et vi) de la décision, que, si, en l'espèce, l'accord litigieux était connu des autorités nationales concernées et avait été autorisé par elles, celles-ci ne pourraient néanmoins plus, à l'avenir, apporter leur approbation à un tel accord. Dès lors que ces mêmes autorités ont, comme celles des autres Etats membres, approuvé les termes du compromis commercial conclu entre la Communauté et le Japon, il n'existerait pas d'intérêt communautaire suffisant pour justifier qu'il soit procédé à un examen de l'accord dénoncé. En troisième lieu, la Commission invoque, pour justifier la prise en compte de considérations de politique commerciale lors de l'évaluation de l'intérêt communautaire à poursuivre l'enquête, le fait que, selon elle, le comportement en cause ne concernait pas, principalement, le commerce entre Etats membres [voir la deuxième phrase du point iii) de la décision]. A cet égard, elle a expliqué, dans son mémoire en défense, que, lorsque les répercussions d'un comportement sur les échanges entre Etats membres tendent à être faibles, cette circonstance lui fournit de bonnes raisons de supposer qu' elles n'influeront pas suffisamment sur le fonctionnement du marché commun pour justifier la poursuite de l'action.
42 Aux fins d'apprécier, au regard des moyens soulevés par les requérants, tels que précédemment énoncés, la légalité de ces motifs de rejet de la plainte, le Tribunal estime qu'il convient d'examiner, en premier lieu, le deuxième moyen, soulevé par les requérants, par lequel ceux-ci critiquent, en réalité, le bien-fondé du premier motif de rejet de la plainte, en deuxième lieu, le troisième moyen, par lequel les requérants contestent le bien-fondé du deuxième motif de rejet de la plainte et, en troisième lieu, le quatrième moyen, par lequel les requérants contestent le troisième motif de rejet.
En ce qui concerne le deuxième moyen, tiré du caractère erroné du premier motif de rejet de la plainte
43 Par leur deuxième moyen, les requérants soutiennent que la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée, en violation des prescriptions de l'article 190 du traité CEE. Ils soutiennent que l'accord dénoncé, dont la contrariété avec le droit communautaire de la concurrence n'est pas expressément contestée par la décision attaquée, produit un effet négatif sur les prix et la commercialisation des véhicules. Or, la décision attaquée n'aurait pas suffisamment exposé quel pouvait être l'impact du compromis commercial conclu entre la Communauté et le Japon. La décision attaquée n'exposerait pas comment ce compromis est susceptible de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles alléguées, alors que, d'une part, la Commission ne serait pas en mesure de préciser les modalités exactes de sa mise en œuvre et que, d'autre part, il ressortirait des déclarations des deux parties contractantes qu'une limitation temporaire des exportations à destination du Royaume-Uni doit subsister jusqu'en 1999, limitant les véhicules exportés à environ 7 % du total des ventes annuelles.
44 La Commission estime que le moyen soulevé par les requérants repose sur une prémisse inexacte, selon laquelle elle serait tenue d'instruire des demandes relatives à des infractions présumées. Elle soutient qu'elle a clairement établi que la plainte a été rejetée pour insuffisance d'intérêt communautaire et que la motivation conduisant à cette conclusion est suffisante.
45 Ainsi que le Tribunal l'a jugé dans l'arrêt du 18 septembre 1992, Automec/Commission (T-24-90, Rec p. II-2223, ci-après "Automec II"), la Commission n'est pas tenue de mener une instruction lorsqu'elle est saisie d'une demande au titre de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17. Toutefois, le Tribunal a précisé, dans le même arrêt, que la Commission est tenue d'examiner attentivement les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par la partie plaignante, en vue d'apprécier si lesdits éléments font apparaître un comportement de nature à fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun et à affecter le commerce entre Etats membres. Lorsque, comme en l'espèce, la Commission a pris une décision de classement de la plainte, sans mener d'instruction, le contrôle de légalité auquel le Tribunal doit procéder vise à vérifier si la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, n'est entachée d'aucune erreur de droit, non plus que d'aucune erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir (arrêt Automec II, précité, points 79 et 80).
46 En l'espèce, le Tribunal relève que la Commission ne nie pas l'existence d'un "arrangement" entre SMMT et JAMA, concernant l'importation, au Royaume-Uni, d'automobiles en provenance du Japon, mais considère qu'il n'y a pas d'intérêt communautaire à procéder à un examen de cet "arrangement" sous l'angle des règles de concurrence.
47 A cet égard, il convient de rappeler qu'il est légitime, pour déterminer le degré de priorité à accorder aux différentes affaires dont elle est saisie, que la Commission se réfère à l'intérêt communautaire que présentent ces affaires. Cela n'aboutit pas à soustraire l'action de la Commission au contrôle juridictionnel, puisque, en vertu de l'exigence de motivation, énoncée à l'article 190 du traité, la Commission ne saurait se borner à se référer abstraitement à cette notion. Au contraire, une décision par laquelle la Commission rejette, pour insuffisance ou absence d'intérêt communautaire, une plainte dont elle a été saisie doit, en vertu de l'article 190 du traité, exposer les considérations de droit et de fait qui l'ont conduite à conclure à l'absence d'intérêt communautaire suffisant, de nature à justifier l'adoption de mesures d'instruction. C'est à travers le contrôle de la légalité de ces motifs que le Tribunal exerce sa mission de contrôle juridictionnel de l'action de la Commission (arrêt Automec II, précité, point 85).
48 En l'espèce, il y a donc lieu, pour le Tribunal, aux fins de répondre au deuxième moyen qui, tel que soulevé par les requérants, renvoie, en réalité, au bien-fondé du premier motif de rejet de la plainte, d'examiner la légalité de ce motif.
49 A titre liminaire, le Tribunal constate qu'en l'espèce la pratique anticoncurrentielle alléguée est un accord conclu entre deux associations d'entreprises, dont l'une a son siège sur le territoire de l'un des Etats membres. Par suite, il ne peut être exclu, de prime abord, que l'accord en cause, lequel a pour objet de limiter les importations, en provenance d'un pays tiers, à destination du territoire de l'un des Etats membres, entre dans le champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, ou, le cas échéant, de l'article 86 du traité.
50 Pour vérifier le bien-fondé du premier motif de rejet de la plainte, il y a donc lieu, pour le Tribunal, d'examiner si, comme l'expose la décision, la conclusion d'un compromis commercial entre la Communauté et le Japon est de nature à mettre fin à l'accord en cause avant le 1er janvier 1993, de telle sorte que se poserait la question de savoir s'il existe un intérêt communautaire suffisant à procéder à un examen de pratiques se rapportant, pour l'essentiel, à des faits passés.
51 A cet égard, le Tribunal constate que l'affirmation, contenue dans la décision, selon laquelle l'accord en cause prendra fin avant le 1er janvier 1993, est fondée sur le fait que la Communauté s'est engagée, dans le cadre du compromis commercial conclu avec le Japon, à abolir toutes les limitations nationales concernant les importations des véhicules automobiles japonaises, dont l'accord en cause dans la présente espèce, au plus tard le 1er janvier 1993.
52 Pour établir l'exactitude matérielle de cette affirmation, la Commission se prévaut elle-même de deux séries de documents. Les uns sont antérieurs à la décision attaquée, alors que d'autres lui sont postérieurs. S'agissant, tout d'abord, des documents antérieurs à la décision attaquée, la Commission, en réponse à une question écrite, par laquelle le Tribunal a invité la défenderesse à verser au dossier les éléments sur lesquels elle s'est fondée pour affirmer qu'il n'y avait aucune raison de douter que la mesure en cause prendrait fin avant le 1er janvier 1993, a produit le texte d'une communication au General Agreement on Tariffs and Trade (accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, ci-après "GATT"), effectuée conjointement par la Communauté et le Japon, et a attiré l'attention du Tribunal sur trois documents, déjà versés au dossier par les requérants, à savoir les déclarations, en date, toutes deux, du 31 juillet 1991, du membre de la Commission chargé des relations extérieures, d'une part, et du Ministre japonais du Commerce international et de l'Industrie, d'autre part, relatives aux résultats des pourparlers entre la Communauté et le Japon en matière automobile, ainsi qu'un extrait du compte-rendu des débats de la House of Commons, en date du 17 juillet 1991.
53 S'agissant, tout d'abord, des déclarations des représentants de la Communauté et du Japon, en date du 31 juillet 1991, le Tribunal note que le premier paragraphe de la communication du membre de la Commission, énumérant les mesures que la Communauté s'est engagée à prendre, dans le cadre du compromis commercial conclu avec le Japon, ne contient aucun élément indiquant que ce compromis impliquerait, par lui-même, la cessation de l'accord en cause, bien qu'il précise que "France, Italy, Spain and Portugal will ease the levels of quantitative restrictions (including restrictions on registration) imposed upon vehicles imported from Japan from now and totally abolish them by the end of 1992 at the latest" ["la France, l'Italie, l'Espagne et le Portugal assoupliront les limitations quantitatives (ainsi que les restrictions en matière d'immatriculation) imposées aux importations de véhicules automobiles en provenance du Japon à compter de ce jour et ils y mettront fin au plus tard à la fin de l'année 1992"]. Dans le même sens, la communication du Ministre japonais, si elle déclare, dans son premier paragraphe, que "the Japanese side welcomes the liberalisation of motor vehicle imports from Japan in France, Italy, Spain and Portugal through elimination of all existing quantitative restrictions (including restrictions on registration)..." ["le Japon accueille avec satisfaction la libéralisation des importations de véhicules automobiles du Japon à destination de la France, de l'Italie, de l'Espagne et du Portugal, du fait de l'élimination de toutes les restrictions quantitatives existantes (ainsi que les restrictions en matière d'immatriculation)..."], ne fait aucune référence à l'abolition d'éventuelles limitations aux importations vers le Royaume-Uni.
54 Bien plus, dans son point 2, la déclaration du Ministre japonais prévoit expressément, comme le soulignent les requérants, le maintien, à titre provisoire, jusqu'au 31 décembre 1999, d'une limitation des exportations de véhicules automobiles d'origine japonaise à destination du territoire des quatre Etats membres précités, ainsi qu'à destination du Royaume-Uni. A cet égard, le ministre s'est exprimé en ces termes : "The Japanese side will monitor motor vehicle exports to the market of the Community as a whole and the markets of its specific member countries : i.e. France, Italie, Spain, Portugal and the United Kingdom. Such monitoring will be completely terminated at the end of 1999." ("Il sera veillé du côté japonais à la limitation des exportations de véhicules automobiles tant à destination de l'ensemble du marché de la Communauté qu'à destination des marchés de certains Etats membres, à savoir la France, l'Italie, l'Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni. Ces limitations cesseront à la fin de l'année 1999.") Au point 4, la déclaration ministérielle précise que le volume des exportations japonaises vers le Royaume-Uni devrait atteindre 190 000 véhicules en 1999, chiffre établi sur la base d'une demande estimée à 2 700 000 véhicules. Dans ces conditions, il appartenait à la Commission de préciser, dans la décision attaquée, dans quelle mesure le régime transitoire, prévu jusqu'au 31 décembre 1999 et qui, au demeurant, implique, comme le soulignent les requérants, une limitation des exportations à environ 7 % du volume total des ventes, se ferait sur une base autre que l'entente à l'origine de la plainte. En l'absence de toute précision sur ce point, il ne peut être exclu que la limitation des exportations japonaises à destination du Royaume-Uni, expressément admise pour la période transitoire expirant le 31 décembre 1999, résulte de la simple reconduction et du maintien en vigueur de l'accord entre associations professionnelles, tel que conclu antérieurement à l' adoption du compromis du 31 juillet 1991. Dès lors, il ne peut être exclu que les modalités d'application du régime transitoire, applicable au cours de la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1999, soient incompatibles avec le droit communautaire de la concurrence, alors surtout que, dans sa déclaration du même jour, le membre de la Commission a, pour sa part, expressément admis l'incompatibilité avec les règles communautaires de concurrence de restrictions à l'importation dont, ainsi qu'il vient d'être démontré, le compromis conclu entre la Communauté et le Japon n'entraîne pas, par lui-même, la cessation immédiate.
55 S'agissant, ensuite, de la notification conjointe du compromis faite au GATT le 16 octobre 1991, telle qu'elle a été versée au dossier par la Commission, le Tribunal observe que, si elle prévoit l'abolition des "restrictions nationales de toutes sortes" qui pèsent sur les importations de véhicules automobiles en provenance du Japon, elle se réfère exclusivement aux Etats dans lesquels ces restrictions résultent de mesures étatiques et ne contient aucune référence à l'abrogation d'éventuelles mesures conclues entre opérateurs économiques ou regroupant de tels opérateurs. De plus, si ce document confirme la limitation des exportations japonaises à destination, notamment, du Royaume-Uni, au cours de la période transitoire du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1999, il ne contient cependant, pas davantage que les documents examinés précédemment, aucune indication sur les modalités de mise en œuvre de cette limitation.
56 S'agissant, enfin, du débat parlementaire auquel la Commission fait référence, le Tribunal estime, au regard des déclarations précédemment analysées, lesquelles émanent des hautes parties contractantes elles-mêmes et sont postérieures au débat dont il s'agit comme à la conclusion du compromis, qu'une affirmation non étayée, faite par un député national au cours d'un débat devant le parlement d'un Etat membre, ne saurait, à elle seule, être considérée comme permettant d'établir le contenu exact d'un compromis commercial conclu par la Commission, pour le compte de la Communauté, avec un pays tiers.
57 Au vu de l'ensemble des preuves documentaires auxquelles se réfère la Commission, le Tribunal estime que, contrairement à ce qu'affirme la décision attaquée, il n'est nullement établi que le compromis commercial conclu entre la Communauté et le Japon devait entraîner la cessation, avant le 1er janvier 1993, de l'entente alléguée, à l'origine du litige.
58 S'agissant des documents, produits par la Commission, et postérieurs à la décision litigieuse, le Tribunal constate qu'en tout état de cause ils ne sont pas de nature à infirmer cette conclusion. Tel est, notamment, le cas de la déclaration de presse, en date du 9 avril 1992, par laquelle le président de SMMT et le président de JAMA ont fait publiquement savoir que, "in view of the implementation of the EC-MITI agreement from 1/1/93, both sides agreed that these would be the last SMMT/JAMA Presidential talks concerned with JAMA's policy of prudent marketing in the UK" ("eu égard à l'exécution du compromis CE-MITI à partir du 1er janvier 1993, les deux parties sont convenues qu'il s'agirait là des derniers entretiens présidentiels SMMT-JAMA portant sur la politique de commercialisation mesurée de JAMA au Royaume-Uni"). En effet, cette déclaration d'opérateurs économiques ne saurait justifier légalement un acte d'une institution communautaire auquel elle ne se réfère nullement. De même, les conditions effectives de mise en œuvre de la limitation des exportations, au cours de la période transitoire, dont les parties sont expressément convenues, ne ressortent nullement du communiqué du bureau de presse des Communautés à Tokyo, en date du 1er avril 1993, confirmant que la Communauté a aboli les restrictions nationales aux importations de véhicules automobiles en provenance du Japon.
59 Enfin, lors de la procédure orale, le représentant de la Commission a précisé, en réponse aux questions posées par le Tribunal, que le compromis commercial conclu entre la Communauté et le Japon n'a pas fait l'objet d'un document écrit et qu'il ne s'agit pas d'un accord officiel, au sens de l'article 113 du traité CEE, mais d'un engagement politique. Dans ces conditions et compte tenu, en outre, de l'ensemble de ce qui vient d'être dit, le Tribunal estime qu'un engagement non écrit, de portée purement politique et ne s'inscrivant pas dans le cadre de la politique commerciale commune, assorti d'une période d'application transitoire expirant à la fin de l'année 1999, n'était pas de nature à autoriser la Commission à répondre que ledit engagement mettrait fin, nécessairement, à l'accord dénoncé par les requérants.
60 Dans ces conditions, la cessation de l'accord litigieux ne pouvait être tenue pour acquise, contrairement à ce qu'expose la décision attaquée, du seul fait de l'intervention du compromis commercial conclu entre la Communauté et le Japon.
61 Par suite, le premier des trois motifs sur lesquels s'est appuyée la Commission pour rejeter la plainte est, comme le soutiennent les requérants à travers le premier moyen examiné, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Dans ces conditions, il y a lieu pour le Tribunal, de faire droit au deuxième moyen de la requête.
62 Toutefois, ainsi qu'il vient d'être dit, ce deuxième moyen n'est relatif qu'au bien-fondé du premier motif pour lequel la Commission a estimé devoir rejeter la plainte dont elle était saisie. Dès lors, ainsi qu'il a été indiqué plus haut, que la décision s'appuie sur deux autres motifs, il convient, pour le Tribunal, de rechercher si ceux-ci sont de nature à justifier légalement la décision attaquée.
63 A cet égard, le Tribunal relève que le deuxième motif retenu par l'institution pour rejeter la plainte est tiré de l'intervention des autorités nationales. Ce motif est contesté par les requérants dans le troisième moyen invoqué à l'appui de leurs conclusions. Il convient donc, pour le Tribunal, d'examiner le bien-fondé de ce troisième moyen.
En ce qui concerne le troisième moyen, tiré de l'erreur de droit dont est entaché le deuxième motif de rejet de la demande
64 Les requérants font valoir que, dans la mesure où elle déclare que "la situation aurait été différente si l'accord SMMT-JAMA n'avait pas été connu et autorisé par les autorités du Royaume-Uni", la décision litigieuse est fondée sur une erreur de droit. Ils estiment qu'il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour que ni le droit national ni des pratiques nationales ne peuvent avoir pour effet d'empêcher l'application du droit communautaire de la concurrence à des opérateurs économiques (arrêts de la Cour du 30 avril 1974, Sacchi, 155-73, Rec. p. 409, du 16 novembre 1977, Inno, 13-77, Rec p. 2115, du 1er octobre 1987, Vereniging van Vlaamse Reisbureaus, 311-85, Rec. p. 3801, et du 4 mai 1988, Bodson, 30-87, Rec. p. 2479).
65 La Commission répond que le Tribunal a jugé, aux points 75 à 77 de l'arrêt Automec II, précité, qu'elle est compétente pour définir des priorités dans l'exercice de son activité administrative, qu'elle n'est pas tenue de prendre position quant à l'existence ou non d'une infraction alléguée et qu'elle ne saurait être contrainte de mener une instruction, puisque cette dernière ne pourrait avoir d'autre objet que de rechercher les éléments de preuve relatifs à l'existence d'une infraction. La Commission soutient à cet égard qu'elle n'a pas dépassé les limites de son pouvoir discrétionnaire et fait valoir que la décision de ne pas ouvrir une procédure formelle a été basée sur l'absence d'intérêt pour la Communauté de donner suite à la plainte, critère valable, selon l'arrêt Automec II, précité, pour la définition de ses priorités. Elle ajoute que l'auteur de la réponse litigieuse a pris soin de signaler que la Commission ne prenait aucune position au sujet de la "légalité de tel ou tel aspect des accords". Il n'aurait nullement prétendu qu'il existait un rapport quelconque entre l'applicabilité des articles 85 ou 86 du traité, d'une part, et le fait que le gouvernement du Royaume-Uni était informé des faits incriminés, d'autre part. Il aurait simplement exposé que, dans la mesure où le problème portait sur des exportations directes en provenance de pays tiers, il n'était pas possible de faire abstraction de la politique commerciale pour évaluer l'intérêt communautaire que présentait l'affaire. Or, selon la Commission des questions telles que celle en cause dans la décision attaquée font partie de la politique commerciale, sauf si elles concernent des mesures adoptées par des opérateurs économiques ou leurs groupements.
66 Le Tribunal relève que le deuxième motif invoqué par la Commission pour justifier sa décision de rejet de la plainte est tiré du fait que l'accord en cause a été autorisé par les autorités du Royaume-Uni, pour des raisons de politique commerciale. Ainsi qu'il a déjà été dit, cette circonstance est invoquée, en particulier, aux points ii), iii) et vi) de la décision attaquée, précitée.
67 A cet égard, le Tribunal estime que, dans la mesure où elle est fondée sur la circonstance que l'accord en cause était connu des autorités nationales du Royaume-Uni et autorisé par elles, la décision litigieuse est entachée d'une erreur de droit.
68 En effet, d'une part, il n'est pas contesté que l'accord litigieux ne constitue pas une mesure nationale de politique commerciale, mais qu'il présente bien le caractère d'un concours de volontés entre des groupements professionnels d'opérateurs économiques intervenants sur le marché. Ainsi que la Commission l'a elle-même souligné, de telles pratiques sont susceptibles de relever du champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, et, le cas échéant, de l'article 86 du traité, dès lors qu'elles ont pour objet et pour effet de limiter les importations, sur le territoire de l'un des Etats membres.
69 D'autre part, ainsi qu'il ressort d'une jurisprudence bien établie, dont les requérants se prévalent à juste titre, la circonstance que le comportement d'entreprises ait été connu, autorisé ou même encouragé par des autorités nationales est, en tout état de cause, sans influence au regard de l'applicabilité de l'article 85 du traité ou, le cas échéant, de son article 86 (arrêts de la Cour du 10 janvier 1985, Leclerc, 229-83, Rec. p. 1, et du 29 janvier 1985, Cullet, 231-83, Rec. p. 305 ; arrêt du Tribunal du 29 juin 1993, Asia Motor France e.a./Commission, T-7-92, Rec. p. II-669, point 71). Dès lors, cette circonstance, invoquée par la Commission à quatre reprises dans la décision attaquée, ne saurait légalement justifier une décision par laquelle cette institution rejette une demande dont elle est saisie.
70 Il résulte que le deuxième des trois motifs retenus par la Commission pour rejeter la plainte est entaché d'une erreur de droit et qu'il y a lieu pour le Tribunal de faire droit au troisième moyen de la requête.
71 La décision litigieuse étant également fondée sur un troisième motif de rejet, contesté par les requérants dans le quatrième moyen à l'appui de leurs conclusions, il convient pour le Tribunal d'examiner le bien-fondé de ce quatrième moyen.
En ce qui concerne le quatrième moyen, tiré de l'erreur de fait et de droit dont est entaché le troisième motif de rejet de la demande
72 Les requérants font valoir que la conclusion de la Commission, selon laquelle l'accord SMMT-JAMA n'affecte pas, principalement, le commerce entre Etats membres est dénuée de fondement juridique et découle d'une appréciation erronée des faits. Ils rappellent, d'une part, qu'une pratique anticoncurrentielle entre dans le champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité dès qu'elle est susceptible d'avoir un effet sur le commerce entre Etats membres et, d'autre part, qu'ils avaient fourni à la Commission plusieurs éléments qui démontraient que l'accord SMMT-JAMA est susceptible d'avoir un effet néfaste sur le commerce entre Etats membres. Ils notent que la lettre du 17 mars 1992 ne se réfère à aucun des éléments ou arguments fournis.
73 La Commission répond qu'elle ne s'est pas prononcée sur la légalité de l'accord et qu'elle n'a jamais prétendu que l'accord n'avait pas d'effets sur les échanges entre Etats membres. Son raisonnement se serait limité à constater que les répercussions de l'accord sur les échanges entre Etats membres tendaient à être faibles et qu'elle avait de bonnes raisons de supposer qu'elles n'influeraient pas suffisamment sur le fonctionnement du Marché commun pour justifier la poursuite de l'instruction de la plainte.
74 Le Tribunal relève que, au point iii) de la décision litigieuse, la Commission invoque la circonstance que les arrangements en cause ne concerneraient pas principalement les échanges commerciaux entre Etats membres.
75 Or, le Tribunal estime que, comme le soutiennent les requérantes, ces arrangements sont, de par leur nature même, susceptibles de porter atteinte au fonctionnement du Marché commun. En effet, en tant que mesures limitant les importations dans la Communauté et couvrant l'ensemble du territoire d'un Etat membre, ils sont susceptibles de détourner les courants commerciaux de leur orientation naturelle, affectant ainsi le commerce entre Etats membres, et de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration voulue par le traité (voir arrêts de la Cour du 15 mai 1975, Frubo/Commission, 71-74, Rec. p. 563, points 33 à 38, et du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42-84, Rec. p. 2545). Dans ces conditions, le motif de rejet de la plainte, fondé sur la faible affectation des échanges entre Etats membres résultant de l'infraction alléguée, ne saurait être justifié par la simple référence à la circonstance que cette infraction ne concerne pas principalement les échanges commerciaux entre Etats membres. Or, il est constant que la décision attaquée ne précise nullement l'intensité des effets de l'infraction alléguée quant à l'affectation des échanges et n'énonce pas davantage les raisons pour lesquelles la Commission estime que ces effets ne sont pas suffisamment importants pour justifier la poursuite de l'instruction. Dès lors, c'est à juste titre que les requérants font valoir que la décision ne répond à aucune de leurs objections sur ce point. La décision attaquée doit donc, à cet égard, être considérée comme insuffisamment motivée.
76 Il résulte de ce qui précède que le troisième motif retenu par la Commission pour rejeter la plainte est juridiquement erroné et entaché d'une insuffisance de motivation.
77 Aucun des trois motifs retenus par la Commission pour rejeter la demande dont elle était saisie n'étant de nature à justifier légalement la décision attaquée, celle-ci, qui, au surplus, et ainsi que l'institution défenderesse l'a elle-même admis au cours de l'instruction de l'affaire, émane d'une autorité incompétente, ne peut être qu'annulée, sans qu'il soit besoin pour le Tribunal d'examiner les autres moyens invoqués par les requérants, au soutien de leurs conclusions.
Sur les dépens
78 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses conclusions et les parties requérantes ayant conclu en ce sens, il y a lieu de mettre les dépens à la charge de l'institution.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision contenue dans la lettre de la Commission du 17 mars 1992 est annulée.
2) La Commission est condamnée aux dépens.