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Décisions

CCE, 29 mars 1994, n° 94-210

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

HOV-SVZ / MCN

CCE n° 94-210

29 mars 1994

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement (CEE) n° 1017-68 du Conseil, du 19 juillet 1968, portant application des règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de la Grèce, vu la demande de constatation d'une infraction présentée le 16 mai 1991, conformément à l'article 10 du règlement (CEE) n° 1017-68, par Havenondernemersvereniging SVZ, après avoir donné aux entreprises intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission conformément à l'article 26 du règlement (CEE) n° 1017-68 et au règlement (CEE) n° 1630-69 de la Commission, du 8 août 1969, relatif aux auditions prévues à l'article 26 paragraphes 1 et 2 du règlement (CEE) n° 1017-68 du Conseil, du 19 juillet 1968 (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes dans le domaine des transports, Considérant ce qui suit :

PREMIERE PARTIE :

FAITS

I. Données générales

A. Plainte de Havenondernemersvereniging SVZ (ci-après dénommé "HOV-SVZ")

(1) HOV-SVZ, association regroupant les entreprises qui opèrent dans le port de Rotterdam, a déposé une plainte à l'encontre de :

- Deutsche Bundesbahn (DB),

- Maritime Container Network (MCN),

- Transfracht Deutsche Transportgesellschaft mbH.

(2) Cette plainte se réfère aux conditions du transport par rail des conteneurs maritimes à destination ou en provenance d'Allemagne, et qui transitent par un port allemand, belge ou néerlandais.

(3) Le plaignant considère que les tarifs ferroviaires, pratiqués par la DB pour les transports de conteneurs maritimes entre l'Allemagne et les ports belges et néerlandais, sont beaucoup plus élevés que ceux pratiqués pour les transports des mêmes conteneurs via les ports allemands.

(4) Selon le plaignant, ces pratiques visent à privilégier les transports réalisés par la DB et constituent un abus de position dominante contraire aux dispositions de l'article 86 du traité.

(5) Par ailleurs, le plaignant considère que l'accord relatif au "Maritime Container Network (MCN)" conclu entre la Deutsche Bundesbahn (DB), les Nederlandse Spoorwegen (NS), la Société nationale des chemins de fer belges (SNCB), Intercontainer et Transfracht, pour le transport des conteneurs maritimes viole les dispositions de l'article 85 du traité.

B. Spécificités du secteur du transport des conteneurs

(6) Les transports internationaux de marchandises s'effectuent de plus en plus au moyen de conteneurs.

(7) Les conteneurs, qui empruntent la voie maritime, possèdent des caractéristiques techniques spécifiques permettant notamment de les charger sur plusieurs niveaux dans les navires.

Ces conteneurs, ci-après dénommés "conteneurs maritimes", sont transportés pour l'essentiel par voie maritime, mais exigent un pré-acheminement et un post-acheminement par transport terrestre, après transit dans un port maritime.

(8) Dans certains cas, les armements maritimes fournissent un service de "porte à porte", comprenant la totalité du transport y compris la partie terrestre. Dans ces cas, les armements maritimes achètent généralement ces services de transports à des entreprises indépendantes et les revendent dans le cadre d'un service global.

(9) Ces transports terrestres sont fournis aux armements maritimes ou aux chargeurs par les entreprises de transport routier, les transporteurs fluviaux ou les opérateurs de transport combiné.

(10) Dans le secteur du transport combiné de marchandises, notamment du transport terrestre des conteneurs maritimes, les entreprises ferroviaires ne vendent pas de prestations de transport directement aux chargeurs, sauf très rares exceptions pour des envois très importants.

(11) Les prestations de transport combiné sont mises au point et vendues aux chargeurs par des opérateurs de transport combiné. Ces opérateurs sont des entreprises de transport, qui disposent d'un matériel spécifique : engins de manutention, wagons spécialisés. Ils démarchent leur clientèle, effectuent les transports par trains complets ou par envois isolés, accomplissent les démarches administratives et douanières lors du passage des frontières et assurent la réception des chargements à l'arrivée.

(12) Pour réaliser leurs prestations, les opérateurs doivent toutefois acheter les services de traction ferroviaire et l'accès aux infrastructures aux entreprises ferroviaires qui sont seules en mesure de les fournir.

C. Entreprises en cause

a) Les entreprises ferroviaires

(13) La DB, les NS et la SNCB sont les entreprises ferroviaires nationales qui opèrent respectivement en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique.

Depuis le 1er janvier 1994, la Deutsche Bundesbahn et la Deutsche Reichsbahn ont fusionné pour former la Deutsche Bahn qui constitue le successeur de la Deutsche Bundesbahn.

b) Les opérateurs de transport combiné

(14) Intercontainer est une filiale commune de vingt-quatre entreprises ferroviaires européennes chargée de l'organisation et de la vente de services internationaux de transports par conteneurs.

Il s'agit juridiquement d'une société coopérative de droit belge créée en 1967 et dont le siège est à Bruxelles. Elle intervient sur le marché en qualité d'opérateur en achetant les services ferroviaires nécessaires aux entreprises ferroviaires.

(15) Jusqu'en 1990, Intercontainer intervenait exclusivement sur le segment de marché des conteneurs maritimes et des caisses mobiles en trafic international. Depuis 1991, cet opérateur intervient sur tous les segments de marché : conteneurs, caisses mobiles, remorques et semi-remorques, en trafic national et international.

(16) Transfracht

Transfracht est une société en participation filiale de la DB à hauteur de 80 %. Le reste du capital est détenu par Deutsche-Verkehrs-Bank-AG qui est elle-même filiale de la DB. Transfracht intervient sur le marché comme opérateur en achetant également les services ferroviaires nécessaires aux entreprises ferroviaires.

D. Cadre réglementaire dans lequel les entreprises ferroviaires opèrent

(17) Jusqu'au 31 décembre 1992, les entreprises ferroviaires nationales disposaient chacune dans leur Etat d'un monopole conféré par les pouvoirs publics pour l'utilisation de l'infrastructure ferroviaire et la prestation des services ferroviaires.

Une entreprise ferroviaire installée dans un Etat membre ne disposait ainsi d'aucun droit d'accès sur les infrastructures situées dans les autres Etats membres pour exploiter des services internationaux.

(18) Les conditions de fonctionnement du marché sont modifiées depuis le 1er janvier 1993 avec la mise en application de la directive 91-440-CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au développement des chemins de fer communautaires (3). Cette directive confère aux entreprises ferroviaires, sous certaines conditions, un droit d'accès aux infrastructures d'Etats membres autres que celui où elles sont installées, notamment pour opérer des transports combinés internationaux.

(19) La présente procédure porte sur des faits antérieurs à la mise en application de la directive 91-440-CEE dont les dispositions ne peuvent donc être prises en considération ici. La Commission note que, en tout état de cause, la mise en application de cette directive ne saurait modifier le caractère anticoncurrentiel des pratiques examinées ci-après.

E. Données économiques

(20) Le trafic de conteneurs réalisé par les principaux ports situés entre Hambourg et Anvers au cours des dernières années se présente comme suit.

EMPLACEMENT TABLEAU

(21) S'agissant du trafic total de conteneurs maritimes à destination ou en provenance d'Allemagne, celui-ci s'élevait en 1987 à 1,4 million de conteneurs dont 550 000 ont transité par les ports allemands et 860 000 par les ports belges ou néerlandais.

(22) La part relative des différents modes de transport pour le transport terrestre de ces 1,4 million de conteneurs se présentait comme suit en 1987-1988.(4)

EMPLACEMENT TABLEAU

(23) En ce qui concerne les transports réalisés par les principaux opérateurs de transport combiné, ceux-ci se présentent comme suit.

EMPLACEMENT TABLEAU

(24)

EMPLACEMENT TABLEAU

II. Accord "Maritime Container Network"

(25) L'organisation des transports de conteneurs maritimes à destination ou en provenance d'Allemagne fait intervenir, d'une part, trois entreprises ferroviaires pour la fourniture des services ferroviaires indispensables (traction ferroviaire, accès à l'infrastructure, coordination internationale de ces services) et, d'autre part, deux opérateurs de transport combiné.

(26) Dans le cas de transports réalisés à partir des ports allemands, la DB fournit la totalité des services ferroviaires susvisés.

(27) Dans le cas de transports réalisés à partir des ports belges et néerlandais, la DB intervient pour la fourniture des services ferroviaires sur le territoire allemand et la SNCB ou les NS interviennent pour fournir les mêmes services sur leur territoire respectif.

(28) S'agissant des opérateurs, Transfracht assurait déjà en propre, jusqu'en 1987, tous les transports combinés ferroviaires de conteneurs maritimes en Allemagne qui transitaient par un port allemand.

(29) Intercontainer assurait, pour sa part, les transports internationaux de conteneurs maritimes en provenance ou à destination d'Allemagne, qui transitaient par un port belge ou néerlandais.

(30) Le 1er avril 1988, la DB, les NS, la SNCB, Intercontainer et Transfracht ont signé un accord relatif à la création du "Maritime Container Network (MCN)".

Cet accord institue une coopération entre les signataires pour le transport ferroviaire de conteneurs maritimes en provenance ou à destination d'Allemagne, qui transitent par un port allemand, néerlandais ou belge.

(31) Le protocole d'accord ne prévoit pas la création d'une entité juridique distincte, mais établit deux structures de coordination : le "Steering Committee" et le "bureau commun".

(32) Le "Steering Committee" est composé de six membres nommés par les parties contractantes. Trois sont proposés par Transfracht et trois sont proposés par Intercontainer. Le protocole d'accord prévoit que parmi les membres proposés par Intercontainer seront nommés un représentant de la SNCB et un représentant des NS et que parmi les membres proposés par Transfracht seront nommés trois représentants de la DB et de Transfracht.

Ce Steering Committee est l'instrument de décision et de contrôle du MCN. Il définit la politique générale du MCN notamment en ce qui concerne les services offerts et les prix.

(33) Le "bureau commun" est l'organe de gestion de l'accord et il est géré lui-même par Transfracht à Francfort. Il est composé d'un responsable désigné par le Steering Committee et de collaborateurs désignés par Transfracht et Intercontainer.

(34) En vertu du paragraphe 10 du protocole d'accord, "les parties contractantes considérent le bureau commun comme une organisation commune à Transfracht et Intercontainer dont la mission consiste, en termes de production, d'achat et de vente, à élaborer et à commercialiser les prestations en leur nom, pour leur compte et sous leur responsabilité propre dans le marché géographique défini au titre II", c'est-à-dire le trafic de conteneurs maritimes par les ports belges, néerlandais et ouest-allemands en provenance ou à destination de localités situées dans l'ancienne république fédérale d'Allemagne et ensuite aussi dans l'ancienne République démocratique allemande.

(35) Le bureau commun prend directement en charge les fonctions d'achat, de tarification, de vente et le suivi des transports.

Les autres fonctions, notamment la facturation, le recouvrement, les réclamations, le marchéage sont réparties entre Intercontainer qui réalise les transports à partir et vers les ports belges et néerlandais, et Transfracht qui réalise les transports à partir des ports allemands et vers ces ports.

(36) En transport international, le bureau commun vend les prestations pour le compte d'Intercontainer, mais la facturation est effectuée directement par Intercontainer.

III. Politique des prix de transports ferroviaires de conteneurs en provenance ou à destination d'Allemagne transitant par un port allemand, belge ou néerlandais

A. Modalités d'établissement des tarifs

(37) Lors de la procédure, les représentants de Transfracht ont déclaré que la base tarifaire appliquée à l'offre pluriportuaire a été établie selon la structure tarifaire du modèle 'Ingrid' antérieurement appliquée par Transfracht pour les transports nationaux allemands.

(38) Le système de tarification était fondé sur une division géographique de l'Allemagne en cent quarante-quatre zones, avec un seul prix de transport pour tous les points de départ ou de destination à l'intérieur de chaque zone

Quant à sa conception, ce système reposait sur trois principes : neutralité quant à la nature de la marchandise, neutralité quant au client, neutralité quant au port.

(39) Par courrier du 20 décembre 1991 adressé à la Commission, suite à une demande de renseignements, la société Transfracht a précisé que "la neutralité quant au port est assurée grâce au système Ingrid qui divise l'Allemagne de l'ouest en cent quarante-quatre zones." Tous les lieux de départ et d'arrivée d'une même zone correspondent à un seul et même prix net qui dépend de la distance entre cette zone et les ports d'Allemagne du nord, plus précisément de Hambourg. Naturellement la véritable fixation des prix tient compte de la situation concurrentielle. S'il s'agit par exemple du transport de conteneurs de vingt pieds, le train a des avantages techniques sur le camion qui permettent à Transfracht de faire des offres spéciales aux clients.

En revanche, le transport de conteneurs de quarante pieds est facilement réalisable par camion et ne permet à Transfracht qu'une flexibilité très réduite en matière de prix.

(40) En avril 1988, le système de tarification Ingrid fut étendu pour les trafics entre l'Allemagne et les ports belges et néerlandais. Le 1er juillet 1991 le même système fut étendu au territoire de l'ancienne République démocratique allemande et les cent quarante-quatre zones furent remplacées par une nouvelle grille de soixante-cinq zones (carte à l'annexe 2).

(41) A un stade ultérieur de la procédure, les représentants de la DB et de Transfracht ont indiqué que le niveau des prix de vente pratiqués dans le cadre du MCN dépendait également des coûts de production, et plus précisemment de trois facteurs :

- le nombre de conteneurs transportés et la possibilité ou non de mettre

en place des trains complets,

- la qualité des infrastructures ferroviaires dans les ports,

- le passage des frontières qui entraînerait des coûts supplémentaires.

B. Les tarifs pratiqués dans le cadre du MCN

(42) Les tableaux joints aux annexes 3 à 9 présentent pour une série de relations importantes les tarifs de transport via les ports du nord et via les ports de l'ouest.

(43) Sont concernés à l'ouest, les ports d'Anvers et de Rotterdam, et au nord les ports de Hambourg, Brême et Bremerhaven.

(44) S'agissant des ports du nord, les tarifs étaient différenciés entre Hambourg, Brême et Bremerhaven entre le 1er juillet et le 30 septembre 1990.

A compter du 1er octobre 1990, le même tarif s'applique pour les trois ports concernés.

(45) Les tarifs à partir des ports de Rotterdam et Anvers sont pour leur part identiques dès le 1er juillet 1990.

DEUXIEME PARTIE

APPRECIATION JURIDIQUE

I. Article 85 du traité

A. Notion d'accord

(46) Le "protocole d'accord" MCN conclu entre la DB, la SNCB, les NS, Intercontainer et Transfracht instaure une coopération entre ces entreprises pour la fourniture de services de transports de conteneurs maritimes. Nonobstant la terminologie utilisée, ce protocole exprime un véritable concours de volonté entre les parties et constitue donc un accord au sens de l'article 85 du traité.

B. Entreprises en cause

(47) Les entreprises ferroviaires concernées : DB, NS et SNCB, sont des entreprises qui effectuent des transports ferroviaires de personnes et de marchandises.

Il s'agit d'entreprises au sens de l'article 85 du traité.

(48) Intercontainer est une société coopérative dont l'activité est le transport combiné de marchandises.

Il s'agit également d'une entreprise au sens de l'article 85 du traité.

(49) Transfracht est une société de droit allemand, qui effectue des transports combinés de marchandises. Elle constitue aussi une entreprise au sens de l'article 85 du traité.

C. Relations entre Transfracht et la DB

(50) Transfracht est filiale d'une part de la DB, d'autre part de Deutsche-Verkehrs-Bank AG elle-même filiale de la DB. Ces trois entreprises constituent à ce titre un "groupe" contrôlé par la DB à l'intérieur duquel Transfracht ne jouit pas d'une autonomie réelle dans la détermination de sa ligne d'action sur le marché.

(51) En conséquence, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice (5), l'accord en cause, en ce qu'il vise les relations entre Transfracht et la DB ne relève pas des dispositions de l'article 85 du traité.

D. Marché

a) Les services en cause

(52) La présente affaire porte sur les transports terrestres de conteneurs maritimes en provenance ou à destination de l'Allemagne et qui transitent par un port belge, néerlandais ou allemand. Ces services sont fournis aux armements maritimes ou aux chargeurs par les entreprises de transport routier, les transporteurs fluviaux et les opérateurs de transport combiné, selon les modalités exposées aux considérants 6 à 12.

(53) Lors de la procédure, certaines parties ont défendu la thèse selon laquelle le marché des services en cause ne serait pas celui des seuls transports terrestres, mais un marché plus large incluant toutes les prestations, y compris la partie maritime.

(54) Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice (6), la notion de marché au regard des règles de concurrence implique qu'une concurrence effective puisse exister entre les produits ou les services qui en font partie.

(55) Or, il est constant que les entreprises ferroviaires et les armements maritimes opèrent à deux différents stades d'un processus économique et ne sont pas en concurrence pour la fourniture de services de transport.

(56) Il convient donc d'en conclure que la thèse susvisée défendue par les parties n'est pas fondée.

(57) Lors de la procédure, d'autres parties ont indiqué que le marché des services en cause dans la présente affaire n'est pas seulement celui des transports de conteneurs mais aussi celui des transports terrestres de marchandises, englobant notamment le transport de céréales, de charbon et d'acier.

(58) A ce sujet il convient de rappeler que la Cour de justice a dit pour droit dans son arrêt Michelin contre Commission des Communautés européennes (7) "que, aux fins de l'examen de la position, éventuellement dominante d'une entreprise sur un marché déterminé, les possibilités de concurrence doivent être appréciées dans le cadre du marché regroupant l'ensemble des produits qui en fonction de leurs caractéristiques sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et sont peu interchangeables avec d'autres produits".

(59) En l'espèce, la Commission est d'avis que les services de transport de marchandises par conteneurs maritimes ne sont pas interchangeables avec les services de transport non conteneurisés et constituent un marché distinct.Cette spécificité s'est renforcée au cours des dernières années en liaison avec la généralisation des services de transport maritimes de ligne par conteneurs. Ce mode de transport permet d'importants gains de productivité par rapport au transport de type traditionnel ; selon certaines études (8), le gain de productivité serait de l'ordre de 1 à 3, ou atteindrait même 1 à 7 en ce qui concerne les opérations portuaires qui peuvent être réalisées beaucoup plus rapidement, ce qui permet une rotation accélérée des navires.

(60) Il s'ensuit que le transport en vrac, sur des navires affrétés, de marchandises conteneurisables ne constitue plus une alternative économiquement réalisable.

b) Le marché géographique

(61) Aux fins de déterminer le marché géographique, il convient de prendre en compte les éléments suivants.

(62) Les principaux ports allemands, belges et néerlandais, à savoir Hambourg, Brême, Bremerhaven, Anvers et Rotterdam, sont équipés pour traiter des trafics importants de conteneurs maritimes.

(63) En raison de la configuration géographique européenne, certaines localités allemandes sont plus proches des ports belges ou néerlandais que des ports allemands.

(64) Les ports de ces trois Etats membres sont reliés aux principales localités allemandes par des infrastructures ferroviaires et autoroutières nombreuses.

(65) Les conférences maritimes qui débarquent ou embarquent des conteneurs maritimes dans les ports allemands, belges ou néerlandais appliquent le même prix de transport quel que soit le port, les ports de ces trois Etats étant en effet considérés par celles-ci comme substituables les uns aux autres.

(66) Lorsque les armements maritimes fournissent un service "porte à porte" et achètent pour ce faire des prestations de transport ferroviaire, ces prestations sont fournies par des opérateurs de transport combiné qui prennent en charge la totalité du transport ferroviaire, indépendamment du nombre d'entreprises ferroviaires, qui pour leur part, n'interviennent que pour vendre un service de traction ferroviaire aux opérateurs. Pour les armements maritimes, le fait qu'un transport ferroviaire entre un port belge ou néerlandais et une localité allemande fasse intervenir une ou plusieurs entreprises ferroviaires est donc indifférent.

(67) De même, il est indifférent pour les transporteurs routiers de transporter des conteneurs maritimes entre une localité allemande et un port allemand ou entre cette localité et un port belge ou néerlandais.

(68) En conséquence, le chargeur ou l'armement maritime, qui achète le transport terrestre entre une localité allemande et un port d'embarquement, choisit le mode de transport et l'itinéraire offrant les meilleures conditions, indépendamment des frontières politiques.

(69) Il convient également de prendre en considération l'analyse faite par certains opérateurs ferroviaires, telle qu'elle ressort des documents recueillis par la Commission au cours de l'instruction.

(70) Ainsi, en réponse à une demande de renseignements, la société Transfracht a adressé un courrier à la Commission le 20 décembre 1991 précisant notamment :

3Conformément au paragraphe 2 du protocole d'accord, MCN intervient sur le marché du transport de la république fédérale d'Allemagne avec les ports du secteur Hambourg-Anvers. Il semble utile de préciser dans ce contexte le sens de l'expression "secteur Hambourg-Anvers" et la signification de ces ports pour le transport de conteneurs maritimes de grande taille.

Comme le laisse deviner l'expression, le secteur Hambourg-Anvers comprend tous les ports de mer qui se situent géographiquement entre Hambourg et Anvers, le long de la côte européenne. Du point de vue du trafic par conteneurs en provenance d'outre-mer, ces ports d'Europe représentent une zone de destination uniforme. Selon les Conference Rules des grands transporteurs de conteneurs, le prix exigé pour le transport à partir d'un port d'outre-mer vers un port du secteur Hambourg-Anvers est un prix unique.

Pour les grandes sociétés d'armements, dont l'influence sur les structures du transport de conteneurs sur le continent européen est considérable, il est extrêmement important que ces ports, qui sont considérés comme équivalents pour ce qui est des prix, fonctionnent comme des vases communicants du point de vue de la logistique. Le trajet d'un porte-conteneurs arrivant en Europe en est un bon exemple : le navire accostera d'abord dans l'un des ports du secteur Hambourg-Anvers afin d'y décharger une partie de sa cargaison et, si possible, de charger les nouveaux conteneurs, éventuellement vides. Tandis que le bateau continue sa route vers un autre port du secteur Hambourg-Anvers, les conteneurs déchargés dans le premier port devraient être acheminés, autant que possible vers leurs destinataires en Europe, y être vidés et renvoyés, soit vides soit peut-être même avec une nouvelle cargaison, à un second port du secteur Hambourg-Anvers. Si la coordination logistique fonctionne, en arrivant dans ce second port, le bateau va décharger le reste de sa cargaison et recharger en même temps les conteneurs revenus entre-temps. Le degré de précision nécessaire à cette coordination est évident par le fait que la plupart des sociétés d'armement ne prévoient pas de délai de planche supérieur à douze heures pour leurs navires. Compte tenu des seuls coûts de l'opération d'un bateau à conteneurs, qui peuvent aller de 40 000 à 80 000 dollars des Etats-Unis par jour, il est naturellement compréhensible que la compagnie exploite son porte-conteneur au maximum".

(71) Il convient donc de conclure des points exposés ci-dessus que le marché géographique à prendre en considération en l'espèce est celui qui recouvre les territoires de l'Allemagne, de la Belgique et des Pays-Bas sur lesquels opèrent les trois entreprises ferroviaires et les deux opérateurs de transport combiné en cause, ces territoires représentant une part substantielle du Marché commun.

E. Restrictions de concurrence

(72) Le transport ferroviaire de conteneurs maritimes en provenance d'outre-mer et à destination d'Allemagne, ou inversement, peut être réalisé par plusieurs itinéraires :

- soit à partir des ports dits du "nord", c'est-à-dire les ports allemands,

- soit à partir des ports dits de l"ouest", c'est-à-dire les ports belges et néerlandais.

(73) Lorsque le transport est assuré à partir des ports allemands, celui-ci ne fait intervenir que les entreprises du groupe constitué par la DB et Transfracht. La DB fournit les services ferroviaires indispensables pour tout le transport en Allemagne et Transfracht intervient comme opérateur de transport combiné.

(74) Lorsque le transport est effectué à partir des ports belges ou néerlandais, celui-ci, au moment des faits, demande nécessairement l'intervention de deux entreprises ferroviaires pour la fourniture des services ferroviaires aux opérateurs :

- les NS et la DB lorsque le transport est réalisé à partir d'un port néerlandais,

- la SNCB et la DB lorsque le transport est réalisé à partir d'un port belge.

Chaque entreprise ferroviaire ne reçoit que la partie de recette correspondant aux services qu'elle a fournis.

La prestation de transport combiné est pour sa part réalisée par un opérateur, qui en l'espèce, est uniquement Intercontainer.

(75) Le fait que jusqu'au 31 décembre 1992 chaque entreprise ferroviaire ait disposé d'un monopole sur ses infrastructures n'exclut pas l'existence d'une concurrence à d'autres niveaux.

(76) Une concurrence est possible tout d'abord entre les entreprises ferroviaires qui peuvent potentiellement intervenir comme opérateurs pour la vente de leurs services de transport directement aux chargeurs ou aux armements maritimes. En effet si la fourniture de ces services requiert de la part de la SNCB et des NS une coopération avec la DB, chaque entreprise ferroviaire a néanmoins un intérêt direct à fournir ses services pour la totalité ou, pour le moins, une partie du trajet entre la mer du Nord et les localités situées en Allemagne.

(77) Cette concurrence potentielle existe selon les mêmes modalités entre, d'une part, les entreprises ferroviaires lorsqu'elles interviennent directement en qualité d'opérateurs, et, d'autre part, entre les opérateurs que sont Transfracht et Intercontainer. N'échappent à cette concurrence potentielle que les rapports entre la DB et sa filiale Transfracht.

(78) Une possibilité de concurrence existe enfin entre les opérateurs de transport combiné qui peuvent techniquement intervenir sur le marché que ce soit à partir des ports du nord ou des ports de l'ouest.

(79) L'existence de cette concurrence est attestée par une "note aux administrateurs d'Intercontainer", établie pour le conseil d'administration de cette société le 25 février 1986 et qui précise :

"Rappel de la situation

Le trafic maritime de grands conteneurs entre :

- des destinations intérieures en république fédérale d'Allemagne, d'une part

et

- les ports de mer belges, néerlandais et ouest-allemands, d'autre part,

se caractérise :

a) par une concurrence des modes de transport (rail, route, navigation fluviale)

et

b) par une concurrence sur les axes de transport, c'est-à-dire entre les liaisons en provenance et à destination :

- des ports dits de l'ouest, notamment Rotterdam et Anvers,

- des ports dits du nord, notamment Bremerhaven et Hambourg".

(80) L'existence de cette concurrence est également attestée par les déclarations des NS faites lors de la deuxième réunion du "groupe des responsables du transport combiné" tenue à Paris le 1er septembre 1987 et dont le procès-verbal précise notamment :

"Le marché maritime du conteneur est financièrement rentable et intéresse donc les NS ([...] % du trafic et [...] % de ses recettes) ; mais la part de marché est faible ([...] % à Rotterdam, [...] % sur la république fédérale d'Allemagne). Bien qu'Intercontainer doive déterminer la politique commerciale, des actions spécifiques sont à l'étude entre NS et DB pour limiter la concurrence stérile sur le marché allemand entre Transfracht (ports allemands) et Intercontainer (Rotterdam): une cellule commune installée à Francfort proposera une offre complète aux armateurs favorisant le parcours ferroviaire maximal."

(81) En vertu de l'accord de coopération conclu entre la DB, la SNCB, les NS, Intercontainer et Transfracht, l'organisation et la commercialisation des prestations de transport ferroviaire des conteneurs maritimes à partir des ports du secteur Hambourg-Anvers vers le territoire de l'Allemagne et inversement, sont assurées par le "bureau commun" du MCN.

(82) Par l'intermédiaire de cet organe commun, les parties à l'accord proposent une offre unique sur la base de tarifs convenus entre elles et les transports sont pris en charge respectivement par Intercontainer à partir des ports ou vers les ports de l'ouest, et par Transfracht à partir des ports ou vers les ports du nord.

(83) Il en résulte que l'accord MCN a pour objet et pour effet d'éliminer la concurrence actuelle ou potentielle entre Intercontainer et Transfracht pour la vente des services de transport combiné aux chargeurs et aux armements maritimes.

En l'absence de l'accord, les chargeurs et les armements maritimes pourraient en effet faire jouer la concurrence entre les deux opérateurs et retenir celui offrant le meilleur service en termes de qualité et de prix.

(84) L'institution d'une entité commune de commercialisation élimine cette source de concurrence.

(85) L'institution de cette entité commune a également pour objet et pour effet de restreindre la concurrence actuelle ou potentielle entre les entreprises ferroviaires pour la vente de services de transport combiné directement aux chargeurs ou aux armements maritimes.

(86) L'accord MCN a aussi pour objet et pour effet de restreindre, d'une part, la concurrence actuelle ou potentielle entre les entreprises ferroviaires, et, d'autre part, Intercontainer et Transfracht, pour la vente des services de transport aux chargeurs et aux armements maritimes.

(87) L'existence de l'accord MCN confère également à Transfracht et à Intercontainer un avantage concurrentiel important grâce aux relations privilégiées que l'accord institue avec les entreprises ferroviaires qui fournissent les services ferroviaires dont le coût représente une partie essentielle du prix de vente final des opérateurs. L'accord permet également à Intercontainer et Transfracht de se soustraire aux risques d'une concurrence active entre elles et d'être en position plus forte vis-à-vis d'autres concurrents.

(88) Il en résulte que l'accord MCN a également pour effet de restreindre la concurrence sur le marché considéré en rendant plus dificile l'accès de nouveaux concurrents qui ne disposeraient pas des mêmes avantages que Transfracht et Intercontainer.

(89) L'accord conclu entre la DB, la SNCB et les NS, Transfracht et Intercontainer pour la constitution du MCN a donc pour objet et pour effet de restreindre la concurrence sur le marché des transports terrestres de conteneurs maritimes entre le territoire allemand et les ports situés entre Anvers et Hambourg en violation des dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité.

F. Affectation du commerce entre Etats membres

(90) L'accord en cause concerne les conditions de transport des conteneurs maritimes à l'intérieur de l'Allemagne, ainsi qu'entre l'Allemagne et les ports belges et néerlandais.

Cet accord a un effet direct sur les possibilités de transport offertes aux chargeurs pour effectuer les transports de conteneurs maritimes. Cet accord a également un effet sur l'activité respective des ports allemands, belges et néerlandais notamment en favorisant un détournement de trafic. L'accord conclu entre la DB, la SNCB et les NS, Transfracht et Intercontainer affecte donc le commerce entre Etats membres au sens de l'article 85 du traité.

G. Article 3 du règlement (CEE) n° 1017-68

(91) Il ressort de l'intitulé de cet article qu'il s'applique aux accords qui ont pour seul objet et pour seul effet:

- l'application d'améliorations techniques

ou

- la coopération technique,

tant entendu que pour atteindre ces objectifs, les entreprises disposent des moyens énumérés par l'article 3 points a) à g).

Dans le cadre de la présente procédure, il appartient à la Commission d'examiner si l'accord MCN vise soit à appliquer des améliorations techniques, soit à assurer la coopération technique.

(92) La Commission note tout d'abord que, au cours de la procédure les parties à l'accord n'ont révélé l'existence d'aucune amélioration technique dont la mise en application aurait nécessité la conclusion de l'accord MCN.

(93) Il convient également de rappeler que l'instrument de décision dans le cadre du MCN est le Steering Committee dont les attributions sont les suivantes :

1) définition ou modification de la politique d'entreprise à court/moyen/long terme concernant le trafic visé par le présent accord, en particulier définition ou modification de la politique de production et des prix ;

2) définition des principes touchant à l'offre de prestations ;

3) problèmes des itinéraires ;

4) choix et contrôle du responsable du "bureau commun Transfracht/Intercontainer" ainsi que la fixation, dans un cahier des charges approprié, des compétences et des missions détaillées du personnel affecté au "bureau commun" ;

5) bilan périodique de fonctionnement du "bureau commun", des résultats obtenus et des conséquences à en tirer ;

6) budget de fonctionnement du "bureau commun".

La Commission constate que ces activités ne concernent pas l'application d'améliorations techniques ni la coopération technique.

(94) Cette analyse est confirmée par la société Transfracht dans un courrier adressé à la Commission le 20 décembre 1991, qui précise notamment que les activités du MCN visent :

- la commercialisation de prestations de transport au nom et pour le compte d'Intercontainer et de Transfracht,

- l'acquisition de prestations ferroviaires et de prestations additionnelles auprès des entreprises ferroviaires,

- l'établissement d'un système de prix de vente conforme au marché,

- la publication des offres existantes,

- la prise de contact et l'entretien des bonnes relations avec les clients,

- la présentation publicitaire des offres existantes,

- le règlement des comptes entre les parties à l'accord,

- l'établissement d'un budget, de la documentation et de statistiques".

Aucune de ces activités ne vise à appliquer des améliorations techniques ni à assurer la coopération technique.

(95) La Commission note encore que l'accord en cause a pour objet essentiel de régler les conditions de commercialisation des services de transport combiné fournis par Intercontainer et Transfracht en qualité d'opérateurs.

Or, si en transport ferroviaire international une coopération technique est nécessaire, celle-ci concerne essentiellement la fourniture des services ferroviaires par chaque entreprise ferroviaire, activité non visée par l'accord MCN qui ne porte que sur la vente du transport combiné par les opérateurs spécialisés.

(96) Il ressort de ces éléments que l'objet essentiel de l'accord MCN est d'assurer la commercialisation des services de transport de conteneurs maritimes dans le cadre d'une offre unique élaborée par le Steering Committee et le bureau commun Transfracht/Intercontainer.

(97) La Commission considère que tout accord entre entreprises pour assurer en commun la commercialisation de produits ou de services peut avoir des implications directes ou indirectes sur le plan technique. Toutefois, celles-ci ne sauraient suffire à faire entrer l'accord en cause dans le champ d'application de l'article 3 du règlement (CEE) n° 1017-68. Cet article exige en effet que l'accord ait pour seul objet et pour seul effet soit d'appliquer des améliorations techniques, soit d'assurer la coopération technique.

(98) La Commission est d'avis que ces conditions ne sont pas réunies en l'espèce.

H. Article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68

(99) La Commission considère qu'il n'est pas démontré que l'institution d'une structure commune pour la vente des services de transport en cause soit de nature à améliorer la qualité de ces services. Antérieurement à la conclusion de l'accord, ces services étaient déjà prestés par Transfracht et Intercontainer et la Commission constate que, à partir de la fin de 1992, ces services étaient de nouveau proposés par les deux opérateurs sans qu'une modification de la qualité du service soit établie.

(100) Une amélioration de la productivité des entreprises en cause ou un progrès technique ou économique ne sont pas non plus prouvés.

(101) En tout état de cause, la Commission estime que les restrictions de concurrence imposées par l'accord sont importantes et ne sauraient être considérées comme indispensables pour permettre une amélioration de la qualité des services. La Commission note à ce sujet que pour tout autre trafic combiné international européen, plusieurs opérateurs sont en mesure d'intervenir en situation de concurrence sans que cette situation porte préjudice au fonctionnement du marché.

(102) Enfin, l'accord donne la possibilité d'éliminer la concurrence pour tout transport ferroviaire de conteneurs entre l'Allemagne et les ports allemands, belges et néerlandais.

Il en résulte que l'accord MCN donne aux entreprises la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle du marché de transport en cause.

(103) En conséquence, la Commission est d'avis que les conditions requises par l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68 pour l'octroi d'une exemption à l'interdiction des ententes ne sont pas réunies.

I. Article 22 paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 1017-68

(104) En vertu de l'article 22 paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 1017-68, la Commission peut infliger aux entreprises des amendes de 1 000 à un million d'écus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque de propos délibéré ou par négligence elles commettent une infraction à l'article 85 ou à l'article 86 du traité, le montant de l'amende devant être déterminé en tenant compte de la gravité et de la durée de l'infraction.

(105) Lors de la procédure, certaines parties ont indiqué qu'elles avaient agi de bonne foi en estimant que l'accord MCN en cause était licite au regard du droit communautaire.

(106) A ce sujet, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice (9) que "pour qu'une infraction puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre l'interdiction de l'article 85 du traité ; il suffit qu'elle n'ait pu ignorer que la conduite incriminée avait pour objet de restreindre la concurrence".

(107) La Commission considère que compte tenu des modalités de fonctionnement du MCN, les entreprises n'ont pas pu ignorer que cet accord avait effectivement pour objet de restreindre la concurrence entre les différentes entreprises intervenant sur le marché.

(108) Toutefois, il résulte de la procédure écrite et orale que la conclusion de l'accord MCN fut considérée par la SNCB, les NS, et Intercontainer comme une tentative de remédier aux discriminations tarifaires dont elles étaient victimes depuis de nombreuses années pour les transports réalisés à partir des ports de l'ouest.

(109) Il est également établi que, avant le 1er janvier 1993, date de mise en application de la directive 91-440-CEE, la SNCB et les NS n'avaient pas d'autre solution que de conclure un accord avec la DB pour exploiter des services de transport ferroviaire internationaux.

(110) Il apparaît en conséquence que la conclusion de l'accord MCN fut une résultante des pratiques tarifaires imposées par la DB, pratique examinée ci-dessous.

(111) Il convient également de prendre en considération le fait que les parties ont mis fin à l'accord à la suite de l'envoi de la communication des griefs.

(112) D'une façon générale, la Commission est d'avis qu'une entente de nature défensive ne peut exonérer les entreprises de l'imposition d'une amende. Toutefois, compte tenu des éléments susvisés et de la spécificité du cas d'espèce, la Commission considère qu'il n'y a pas lieu d'imposer d'amendes pour l'infraction à l'article 85.

II. Article 86 du traité

(113) La Cour de justice a dit pour droit (10) que, dans le cadre de la définition du marché en cause au sens de l'article 86 du traité, il est parfois nécessaire de distinguer entre les différents niveaux d'un processus économique. Dans ses arrêts, la Cour a ainsi distingué, d'une part, le marché des matières premières nécessaires à la fabrication d'un produit et, d'autre part, le marché sur lequel ce produit est écoulé.

(114) La Commission est d'avis que cette analyse est transposable à la présente espèce et qu'il convient de distinguer entre, d'une part, le marché sur lequel opère la DB et, d'autre part, le marché sur lequel interviennent les opérateurs de transport combiné.

A. Marché des transports ferroviaires en Allemagne

(115) S'agissant de la détermination du marché sur lequel une enteprise possède éventuellement une position dominante, la Cour de justice a précisé dans son arrêt Michelin contre Commission des Communautés européennes :

"Il y a lieu d'observer que la détermination du marché en cause sert à évaluer si l'entreprise concernée a la possibilité de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective et de se comporter, dans une mesure appréciable, indépendamment de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs. On ne saurait donc, à cette fin, se limiter à l'examen des seules caractéristiques objectives des produits en cause, mais il faut également prendre en considération les conditions de concurrence et la structure de la demande et de l'offre sur le marché" (11).

(116) Il en résulte que l'examen des caractéristiques d'un secteur d'activité, afin de décider si celui-ci constitue ou non un marché au sens de l'article 86 du traité, ne peut être réalisé de façon abstraite, mais doit au contraire être établi en fonction de chaque cas d'espèce et vise à analyser les comportements de l'entreprise en cause au regard du droit de la concurrence.

(117) En l'espèce, il convient tout d'abord de prendre en compte le cadre réglementaire dans lequel opéraient les entreprises ferroviaires au moment des faits.

(118) Les conditions dans lesquelles les services de transports ferroviaires internationaux sont fournis, sont prévues essentiellement dans la "Convention relative aux transports internationaux ferroviaires" (Cotif) du 9 mai 1980 et ses appendices fixant des règles uniformes pour le contrat de transport international ferroviaire des voyageurs (CIV) et le contrat de transport international ferroviaire de marchandises (CIM).

(119) Ces dispositions sont fondées sur le principe de "l'unicité" des entreprises ferroviaires, c'est-à-dire l'absence de séparation entre la gestion de l'infrastructure et l'activité de transport.

(120) Jusqu'au 31 décembre 1992, chaque entreprise ferroviaire disposait en conséquence dans l'Etat où elle se situait d'un "monopole ferroviaire" qui recouvrait, d'une part, la maîtrise de l'infrastructure et, d'autre part, la maîtrise de la traction ferroviaire sur ses infrastructures.

Aucune entreprise ferroviaire n'était en droit d'exploiter des services ferroviaires à l'étranger, à moins de disposer d'une base juridique spéciale contenue dans une convention interétatique.

(121) Par contre, le monopole des entreprises ferroviaires ne s'opposait pas à ce que d'autres entreprises publiques ou privées achètent des wagons pour leur propre compte ou pour les louer à d'autres entreprises. Ces wagons, dès lors qu'ils remplissaient les conditions techniques nécessaires, pouvaient être immatriculés par les entreprises ferroviaires et circuler sur les infrastructures à la seule condition d'être tirés par les locomotives des entreprises ferroviaires. L'utilisation de ces wagons donnait lieu à une concurrence entre propriétaires de wagons privés et entreprises ferroviaires propriétaires elles aussi de wagons similaires.

(122) En l'espèce, dans sa réponse à la communication des griefs, la DB a soutenu la position selon laquelle, pour le transport de marchandises, les entreprises ferroviaires sont toujours en concurrence avec les transporteurs routiers et souvent avec le transport fluvial et que, en conséquence, ces entreprises opèrent sur un même marché global du transport des marchandises.

(123) A ce sujet, il convient de rappeler que la Cour de justice, dans son arrêt Ahmed Saeed Flugreisen (12), a exclu l'existence d'un marché global des transports de voyageurs sur lequel seraient substituables les vols réguliers, les vols par charter, les transports par voie ferrée ou par route, ainsi que les vols réguliers sur d'autres lignes qui peuvent servir de substitut.

La Cour a précisé que le "critère à retenir est celui de savoir si le vol régulier sur une certaine ligne peut être individualisé par rapport aux possibilités alternatives de transport, par ses caractéristiques particulières qui ont pour résultat qu'il soit peu interchangeable avec elle et ne subisse leur concurrence que d'une manière peu sensible".

(124) La Commission considère que ce raisonnement est transposable au secteur des marchandises et que la concurrence ne peut être appréciée de façon globale. La situation concurrentielle dépend notamment de la présence effective ou non de modes de transport concurrents. Il est notamment constant que la concurrence fluviale est limitée aux seuls axes sur lesquels existent des voies d'eau performantes.

(125) En tout état de cause, dans le cadre de la présente affaire, il convient d'analyser la nature exacte des services fournis par les entreprises ferroviaires et d'examiner à qui ces services sont vendus.

(126) En matière de transport combiné de marchandises, les entreprises ferroviaires ne vendent qu'exceptionnellement leurs prestations aux chargeurs, armements maritimes ou commissionnaires de transport.

(127) Les services fournis par les entreprises ferroviaires concernent essentiellement la fourniture de la locomotive, du conducteur, l'accès à l'infrastructure ferroviaire et la coordination internationale de ces services entre les différentes entreprises concernées.

(128) La commercialisation auprès des chargeurs, armements maritimes ou autres, est assurée par des opérateurs qui réalisent et vendent des services de transport combiné avec leurs propres wagons ou des wagons obtenus en location, en achetant lesdits services ferroviaires indispensables auprès des entreprises ferroviaires.

(129) Ces services correspondent en fait aux services pour lesquels les entreprises ferroviaires disposaient d'un monopole légal jusqu'au 31 décembre 1992, tel que défini aux considérants 53 à 57.

(130) Il s'ensuit que les entreprises ferroviaires et les opérateurs de transport combiné n'interviennent pas au même niveau du processus économique. Les opérateurs de transport combiné interviennent effectivement sur le marché des transports terrestres de marchandises où ils se trouvent partiellement en concurrence avec les autres modes de transport.Par contre, les entreprises ferroviaires interviennent sur un marché en amont sur lequel sont fournis des services ferroviaires (traction, accès à l'infrastructure, coordination internationale de ces services), aux opérateurs.

(131) A ce sujet, il est important de noter que les entreprises ferroviaires de la Communauté ont conclu entre elles en 1992 un accord établissant une structure tarifaire commune pour la vente de ces prestations ferroviaires comprenant la traction ferroviaire, l'accès à l'infrastructure et la coordination internationale de ces services aux opérateurs de transport combiné. Cet accord définit la structure applicable pour la détermination des prix de vente aux opérateurs et fixe un taux forfaitaire de frais accessoires à hauteur de 1 % du prix de vente.

Cet accord a fait l'objet d'une décision 93-174-CEE d'exemption de la Commission (13).

(132) Le fait que les entreprises ferroviaires aient estimé nécessaire de conclure un tel accord atteste qu'elles se situent elles-mêmes sur ce marché des services de transport ferroviaire indispensables aux opérateurs.

(133) Par ailleurs, la Commission a publié au Journal officiel des Communautés européennes (14) le résumé de la notification d'un accord entre entreprises conformément aux dispositions de l'article 12 paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 1017-68.

(134) Cette notification se réfère à un accord conclu entre British Rail, SNCF et Intercontainer pour la constitution d'une filiale commune : "Anglo Continental Intermodal" (ACI). ACI interviendra comme opérateur de transport combiné spécialisé pour les trafics entre le Royaume-Uni et le continent européen via le tunnel sous la Manche. ACI achètera les services ferroviaires nécessaires aux entreprises ferroviaires des Etats membres desservis.

(135) Or, parmi les arguments avancés pour justifier l'applicabilité de l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68, les parties indiquent notamment que, "en stimulant la demande de services ferroviaires passant par le tunnel, ils (les accords) faciliteront l'entrée de nouveaux concurrents - au niveau intermédiaire - sur le marché du transport de marchandises entre le Royaume-Uni et le continent européen".

(136) Il apparaît donc que les entreprises ferroviaires distinguent elles-mêmes entre, d'une part, les services ferroviaires qu'elles sont seules en mesure de vendre et, d'autre part, le niveau intermédiaire des opérateurs, qui possèdent un matériel spécifique, un savoir-faire propre et fournissent des services spécifiques.

(137) Les opérateurs de transport combiné sont des entreprises qui ont réalisé des investissements très importants en matériel notamment en wagons spécialisés et engins de manutention, qui ne peuvent être utilisés que pour le transport combiné ferroviaire et ne sont amortissables que sur de longues périodes. Le consultant A. T. Kearney, dans son "étude prospective d'un réseau européen de transport combiné" de septembre 1989, a estimé la valeur moyenne de remplacement d'un wagon à 71 000 écus et la durée d'amortissement à quinze ans.

Ce consultant estime par ailleurs la valeur de remplacement d'un conteneur terrestre de douze mètres à 9 900 écus et sa durée d'amortissement à sept ans (15). Il est donc économiquement impossible pour ces entreprises de modifier leur activité et d'assurer par exemple des transports routiers ou fluviaux. Dans le cadre de leurs activités, ces opérateurs de transport ne disposent pas d'autres sources d'approvisionnement en services ferroviaires que celle constituée par les entreprises ferroviaires.

(138) En l'espèce, les services ferroviaires fournis par la DB sont donc les seuls aptes à satisfaire les besoins constants des opérateurs du transport combiné intervenant en tout ou en partie en Allemagne.

(139) La Commission considère en conséquence que, dans le cadre de la présente procédure, le marché de référence sur lequel doit être appréciée la position dominante de la DB est celui de la prestation des services ferroviaires en Allemagne.

B. Position de la DB sur le marché en cause

(140) Au moment des faits, la DB disposait d'un monopole légal pour la fourniture des services de transport ferroviaire en Allemagne.

(141) Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice (16), une entreprise qui dispose d'un monopole légal sur le territoire d'un Etat membre occupe une position dominante sur une partie du Marché commun au sens de l'article 86 du traité et le territoire d'un Etat membre sur lequel ce monopole s'étend constitue une partie substantielle du Marché commun.

(142) La DB occupe donc une position dominante sur le marché en cause au sens de l'article 86 du traité.

C. Rôle déterminant de la DB pour la fixation des tarifs de transport des conteneurs maritimes en provenance ou à destination de l'Allemagne

(143) Les transports de conteneurs réalisés via les ports allemands sont pris en charge par Transfracht, filiale de la DB.

(144) Transfracht effectue ces transports en achetant les services ferroviaires nécessaires à la DB, dont le prix selon les entreprises ferroviaires représente en moyenne les deux tiers du prix de vente final de l'opérateur. De plus, Transfracht est une filiale contrôlée totalement par la DB.

(145) Il en résulte que la DB contrôle totalement le niveau des tarifs pratiqués pour les transports via les ports allemands.

(146) Pour leur part, les transports via les ports belges et néerlandais sont pris en charge par Intercontainer qui n'est pas contrôlée par la DB. Toutefois, pour la partie du trajet réalisé en Allemagne, Intercontainer doit nécessairement acheter les services ferroviaires auprès de la DB.

(147) Les services ferroviaires fournis par les entreprises ferroviaires représentant au minimum les deux tiers du prix de vente final d'Intercontainer, la DB, en qualité de fournisseur obligatoire de ces services en Allemagne, dispose donc du pouvoir de contrôler le niveau des tarifs de vente pratiqués par Intercontainer.

(148) Il convient aussi de prendre en compte le pouvoir de la DB dans le cadre du MCN. L'organe officiel de décision en matière tarifaire est le Steering Committee, composé de trois représentants proposés par Transfracht et de trois représentants proposés par Intercontainer. Il est prévu que "les membres proposés par Transfracht seront trois représentants de la DB et de Transfracht, et les membres proposés par Intercontainer comprendront un représentant de la SNCB et un représentant des NS".

(149) En conséquence, si officiellement les décisions en matière tarifaire sont prises conjointement par les entreprises qui participent à l'accord MCN, en pratique, il convient de constater que grâce à la présence de trois représentants sur six au sein du Steering Committee, la DB dispose du pouvoir de bloquer toute décision qui ne lui conviendrait pas.

(150) De plus, la prise en charge quotidienne des questions tarifaires est assurée par le bureau commun composé d'un responsable nommé par le Steering Committee et de collaborateurs désignés par Transfracht et Intercontainer. Ce bureau commun est installé au sein de la société Transfracht, qui dispose ainsi d'un pouvoir d'influence important.

(151) Enfin, il convient de prendre en compte des déclarations des représentants des entreprises membres du MCN.

(152) A ce sujet, le procès-verbal de la séance plénière du conseil d'administration d'Intercontainer du 30 novembre 1989 précise :

"M. Cornet indique qu'il intervient non seulement au nom de la SNCB mais également des NS vu l'absence de M. Wansink. Il constate que le protocole d'accord conclu avec beaucoup de solennité entre les plus hautes autorités des trois réseaux n'est pas appliqué car le Steering Committee qui devait être l'organe décisionnel et de contrôle pour l'ensemble des trafics, a été court-circuité par la DB".

(153) La note aux administrateurs d'Intercontainer établie pour la séance plénière du conseil d'administration du 30 novembre 1989 précise en ce qui concerne le MCN :

"Le protocole stipulait que les décisions fondamentales (portant par exemple sur les tarifs) seraient prises par le Steering Committee où sont représentés les chemins de fer participants, Transfracht et Intercontainer. Le rôle d"organe décisionnel et de contrôle" assigné au Steering Comittee pour l'ensemble des trafics (nord et ouest) ne se trouve pas réalisé. Les trafics des ports du nord se déroulent sous régie directe et exclusive de la Transfracht et de la DB sans participation du SC. Dans la pratique, il s'est en outre avéré que le pouvoir décisionnel en matière tarifaire n'émane pas du Steering Committee".

(154) Par ailleurs, le 17 avril 1989, fut organisée à Francfort une rencontre entre les représentants des ports de l'ouest et la DB, les NS et la SNCB. Le compte rendu de cette réunion établi par la SNCB précise notamment :

"La DB finit par formuler la proposition suivante :

a) gardons le MCN ;

b) améliorons la production sur quelques zones en connectant Anvers et Rotterdam au système KLV :

- dès le 29 mai Anvers donne une connexion valable sur Köln Eifeltor qui permet de distribuer dans les zones Rhin-Ruhr, Munich, Autriche (via Salzbourg), Bâle, Vérone, Stuttgart, Mannheim,

- à l'automne on procède de même pour Rotterdam.

Le niveau des prix sera réexaminé compte tenu du contexte politique allemand :

- examen "favorable" des quelques relations améliorées retour "progressif" vers les principes

- Rheingraben en parité,

- rive gauche Anvers/Rotterdam Hambourg,

- rive droite Anvers Hambourg,

- réduction de l'écart de 50 % au 1er janvier 1990,

- nouvelle réduction au 1er juillet 1990".

(155) Le compte-rendu de cette réunion révèle que la DB s'engage à réexaminer le niveau des prix et à réduire les écarts de prix entre les transports réalisés via les ports du nord et ceux réalisés via les ports de l'ouest.

(156) La Commission considère que ces propositions formulées par la DB confirment que celle-ci dispose d'un véritable pouvoir de contrôle quant au niveau des prix pratiqués. Dans le cas contraire, il serait en effet incompréhensible que la DB puisse émettre de telles propositions.

D. Abus de position dominante

1. Dispositions générales

(157) Au sens de l'article 86 du traité, l'application de conditions discriminatoires à des prestations équivalentes constitue un abus de position dominante.

(158) Il ne rentre cependant pas dans les attributions de la Commission d'apprécier en tant que tel le niveau des prix pratiqués par une entreprise ni de décider selon quels critères ces prix doivent être fixés.

(159) En revanche, lorsque des prix différents sont pratiqués pour des prestations équivalentes, il convient d'apprécier si ces différences sont justifiées par des éléments objectifs.

2. Sur la notion de prestations équivalentes

(160) Ainsi qu'il a été précisé aux considérants 61 à 71, les prestations fournies par Transfracht à partir des ports du nord et par Intercontainer à partir des ports de l'ouest constituent des services substituables.

Néanmoins, il convient de noter que, dans de nombreux cas, la distance entre une localité allemande et les ports de l'ouest et ceux du nord diffère de façon sensible.

Or, il est constant que dans le domaine du transport, nonobstant la présence non contestée de coûts fixes, l'étendue de la prestation fournie par les opérateurs dépend de la distance à parcourir.

(161) En conséquence, s'il ne rentre pas dans les attributions de la Commission de se substituer aux entreprises dans le choix des critères à prendre en considération pour la fixation des tarifs, il convient néanmoins de conclure que, en raison des caractéristiques du secteur des transports, une comparaison des prix pratiqués ne peut être réalisée sans prendre en compte la distance des trajets.

3. Les tarifs de Transfracht et Intercontainer

(162) Les tarifs pratiqués au cours de la période du 1er juillet 1990 au 1er juillet 1992 sont indiqués aux annexes 3 à 9 pour les transports à destination ou en provenance d'une série de localités allemandes importantes et les ports du nord et de l'ouest.

3.1. Conteneurs vides

(163) L'annexe 3 présente pour quatorze localités allemandes les prix de transport des conteneurs vides de quarante pieds, au 1er octobre 1990 et au 1er janvier 1992. Parmi ces quatorze localités, cinq sont plus proches de Hambourg, et neuf sont plus proches de Rotterdam.

Au 1er octobre 1990, les prix à partir de Rotterdam sont dans tous les cas supérieurs aux prix à partir de Hambourg et il en est de même au 1er janvier 1992 à l'exception des transports à partir de Sarrebruck qui deviennent moins coûteux via Rotterdam.

(164) L'examen des prix au kilomètre révèle que, au 1er octobre 1990, pour douze des quatorze destinations, le prix au kilomètre à partir de Rotterdam est supérieur de 2 % à 77 % au prix pratiqué à partir de Hambourg. Seules deux destinations, Bielefeld et Munich, connaissent un prix au kilomètre inférieur à partir de Rotterdam. Toutefois, on constate que pour ces deux destinations, en raison de la différence de distance, le prix de vente total de la prestation de transport reste supérieur à partir de Rotterdam.

(165) On constate une évolution pour ces prix au kilomètre à partir du 1er janvier 1992. D'une part, l'écart entre le prix au kilomètre à partir des deux ports susvisés se réduit pour six destinations : Duisbourg, Bochum, Wuppertal, Sarrebruck, Karlsruhe, et Neu Ulm. Au 1er octobre 1990, le prix au kilomètre pour ces destinations était entre 20,4 % et 77,6 % plus cher à partir de Rotterdam. Au 1er janvier 1992, cet écart se situe entre 2,85 % et 51 %.

D'autre part, pour trois nouvelles destinations : Nuremberg, Augsbourg et Ratisbonne, le prix au kilomètre est moins élevé à partir de Rotterdam qu'à partir de Hambourg. Toutefois, comme cela était le cas pour Bielefeld et Munich en 1990, cette différence est sans effet car le prix total reste plus élevé à partir de Rotterdam.

3.2. Conteneurs chargés

(166) Les tableaux joints aux annexes 4 à 7 indiquent pour les mêmes destinations les tarifs pratiqués au 1er juillet 1990 et au 1er janvier 1992 pour le transport des conteneurs chargés, spécifiques transport combiné, ou non spécifiques.

(167) Au 1er juillet 1990, pour les différents types de conteneurs, on constate que parmi les neuf destinations plus proches de Rotterdam, seule celle de Sarrebruck bénéficie d'un tarif de transport plus faible à partir de Rotterdam.

(168) Les transports à destination de Düsseldorf sont également moins longs de 143 kilomètres à partir de Rotterdam, mais les tarifs des conteneurs chargés non combinés sont plus élevés à partir de ce port de 4,5 %, soit un prix kilométrique supérieur de 55 % à celui pratiqué à partir de Hambourg.

Le tarif de transport des conteneurs chargés combinés est par contre identique à partir des deux ports.

(169) A la même date, pour les sept autres destinations plus proches de Rotterdam que de Hambourg, les prix de transport sont identiques à partir de ces deux ports. Il en résulte pour ces destinations des prix au kilomètre à partir de Rotterdam en moyenne de 4 à 42 % supérieurs à ceux pratiqués à partir de Hambourg.

(170) Toujours à la même date, pour les cinq destinations plus proches de Hambourg que de Rotterdam on note que les prix sont plus bas à partir de Hambourg.

Pour ces destinations, on constate également que le prix au kilomètre est plus faible à partir de Rotterdam que de Hambourg ; toutefois, ceci est sans conséquence sur le prix total en raison de la distance plus élevée à partir de Rotterdam.

(171) Au 1er janvier 1992, la situation est identique à l'exception des transports à destination de Düsseldorf. Les tarifs des transports de conteneurs chargés non combinés y sont désormais identiques à partir des ports de Hambourg et Rotterdam.

3.3. Trains spécialisés KLV (17)

(172) Les annexes 8 et 9 présentent les tarifs des transports de conteneurs par trains complets KLV. L'introduction de ces trains complets spécialisés a été réalisée par la DB le 1er juillet 1988 pour vingt-sept destinations à partir des ports allemands.

Des trains similaires furent introduits pour les transports à partir des ports de l'ouest à compter du 1er octobre 1989 pour huit destinations. Au 1er juillet 1991, des trains KLV furent mis en place pour dix nouvelles destinations à partir des ports de l'ouest.

(173) Le tarif au 1er octobre 1989 indique que sept des huit destinations en cause sont plus proches de Rotterdam que de Hambourg; les différences kilométriques se situent entre 22 et 143 kilomètres.

Les prix de transport des conteneurs de vingt pieds et quarante pieds chargés sont toujours supérieurs à partir de Rotterdam.

Le tarif kilométrique n'est inférieur à partir de Rotterdam que pour les transports à destination de Munich.

Toutefois, le prix total du transport demeure supérieur à partir de Rotterdam. Dans les autres cas, le prix kilométrique à partir de Rotterdam est supérieur de 10 à 77 % au prix pratiqué à partir de Hambourg.

(174) Au 1er juillet 1991, neuf des seize destinations desservies par trains KLV sont plus proches de Rotterdam que de Hambourg. Toutefois, à l'exception de Sarrebruck, le prix total du transport à partir de Rotterdam est toujours supérieur au prix à partir de Hambourg.

Le prix kilométrique à partir de Rotterdam est inférieur à celui pratiqué à partir de Hambourg, pour six destinations. Toutefois, il s'agit de destinations qui se trouvent plus éloignées de Rotterdam que de Hambourg. En conséquence, même dans ces cas, le prix total du transport reste plus élevé à partir de Rotterdam.

(175) Au total, pour tous les types de transport examinés, on constate que les tarifs à partir des ports de l'ouest sont, sauf de rares exceptions, sensiblement supérieurs à ceux pratiqués à partir des ports du nord.

L'examen des prix kilométriques révèle pour sa part que sauf exception :

- le prix au kilomètre pour les destinations plus proches de Rotterdam est sensiblement supérieur pour les transports réalisés via ce port que pour les transports effectués via Hambourg,

- le prix au kilomètre pour les transports réalisés via Rotterdam n'est inférieur que lorsque le kilométrage via Hambourg est inférieur et conduit à un prix total de transport plus avantageux via ce dernier port.

(176) L'existence de ces différences de tarifs a été reconnue par la société Transfracht dans son courrier du 20 décembre 1991 adressé à la Commission.

(177) Ces différences sont également reconnues par Intercontainer. Dans la "note à messieurs les administrateurs pour le conseil d'administration d'Intercontainer du 21 juin 1990", il est notamment indiqué parmi les actions à entreprendre sur le plan commercial : assurer "la réduction de la disparité tarifaire entre les tarifs sur les ports du nord et ceux des ports de l'ouest, réalisée par d'éventuelles augmentations des prix sur le nord en laissant ceux sur l'ouest inchangés".

4. La position des entreprises en cause quant à la nature discriminatoire des différences tarifaires

(178) La Commission constate que ces différences de tarifs sont considérées par les représentants du secteur ferroviaire, et les représentants d'Intercontainer, comme des pratiques imputables à la DB.

4.1. La position d'Intercontainer

(179) Ainsi, la "note à messieurs les administrateurs" pour le point 6 de l'ordre du jour de la réunion du conseil d'administration d'Intercontainer du 25 février 1986 précise en ce qui concerne les transports de conteneurs:

"En ce qui concerne la concurrence sur les axes de trafic (ports de l'ouest-ports du nord) il existe une certaine rivalité entre Transfracht (trafic en provenance et à destination des ports du nord) et Intercontainer (trafic en provenance et à destination des ports de l'ouest), la DB ayant toujours insisté sur l'intérêt particulier qu'elle a à exploiter les lignes plus longues et donc plus rémunératrices qui mènent aux ports de mer ouest-allemands et en reviennent".

(180) De même la "note à messieurs les administrateurs" relative au point 6 de l'ordre du jour de la réunion du conseil d'administration d'Intercontainer du 30 novembre 1989 précise sur le même sujet :

"Point 2.1.

Or, l'écueil contre lequel se brisent les chemins de fer dans les trafics des ports de l'ouest n'est pas l'(âpre) concurrence livrée par d'autres modes de transport mais un conflit d'objectif interne : les chemins de fer SNCB, NS et DB souhaitent certes développer les trafics des ports de l'ouest mais la DB s'applique avant tout à ne pas mettre en jeu ses relations et transports avec les ports du nord.

Point 2.3.

Structure tarifaire

La base tarifaire appliquée à l'offre pluriportuaire a été établie selon la structure tarifaire du modèle "Ingrid". Grâce aux prix compétitifs, Ingrid avait pu, en trafic avec les ports maritimes allemands, obtenir des succès considérables sur le marché. A l'occasion de la "transposition" de la structure Ingrid sur les ports de l'ouest dans le cadre du MCN, on a moins tenu compte des prix du marché sur l'itinéraire ouest que des mesures de protection tarifaires pour les trafics des ports du nord.

Il existe donc, au sein de "l'offre pluriportuaire", deux structures tarifaires : un système de prix compétitif et souple appliqué aux trafic des ports du nord d'une part et, d'autre part, sur les itinéraires ouest, une structure ne répondant pas à la situation concurrentielle et extrêmement difficile à modifier.

Point 3.1.

Le MCN fut inauguré lors d'une conférence de presse commune tenue à Aix-la-Chapelle. Les déclarations publiques amenaient à augurer bien de l'avenir quoiqu'il fût précisé que l'offre MCN devrait certainement être développée et améliorée davantage en fonction de la réaction du marché.

Après cette longue période d'incubation, l'intérêt de la clientèle était manifeste ; en revanche, l'offre des prix et prestations ne suscitait guère de vagues d'enthousiasme. Les mesures prises par le souci politique de protéger les trafics des ports du nord ne laissaient au MCN que dans quelques cas exceptionnels la possibilité d'agir avec des prix compétitifs sur les itinéraires ouest.

Le MCN venait d'être introduit que la DB mit en place, dans le cadre du "KLV-Neu", une nouvelle structure tarifaire pour les transports avec les ports du nord, offrant des réductions de prix en partie considérables. La discordance entre les limites de prix paritaires imposées aux uns et les réductions de prix inégalitaires accordées aux autres eut vite fait d'achever la crédibilité de l'offre ferroviaire pour les ports de l'ouest.

(181) Le procès-verbal de la séance plénière du conseil d'administration d'Intercontainer du 30 novembre 1989 indique en ce qui concerne le MCN : "le président conclut le débat en constatant que MCN est loin d'avoir réalisé les espoirs mis en ce bureau. Une des causes de cette situation et probablement la raison principale de cet échec, est la politique de blocage des prix poursuivie par la DB. Il est donc nécessaire si l'on veut en sortir, que la DB fasse des concessions dans ce domaine". Le "président" auquel il est fait référence est le président du conseil d'administration d'Intercontainer, en même temps directeur marchandises des Chemins de fer fédéraux suisses.

4.2. La position de la SNCB et des NS

(182) Le procès-verbal susvisé indique à ce sujet "M. Lorenz (DB) ne peut accepter ni les conclusions du rapport d'Intercontainer ni les reproches adressés à la DB par les réseaux du Benelux".

Les reproches dont il est question sont les discriminations tarifaires dénoncées par la SNCB et les NS.

(183) Lors de l'audition, le représentant de la SNCB, également représentant d'Intercontainer, a notamment déclaré (procès-verbal d'audition p. 66 et 67) :

"Il faut savoir d'abord que la DB pratique depuis très longtemps (plus d'un siècle) une politique de prix différenciés entre le transport domestique et le transport international. Ses prix sont beaucoup plus bas pour le transport domestique..."

"La SNCB et Intercontainer interviennent eux en international. Ils sont donc obligés de collaborer avec la DB, et donc contraints de subir les inconvénients de cette politique."

(184) Par ailleurs, le représentant de la SNCB a explicité de la façon suivante le sens de la phrase "limiter la concurrence stérile sur le marché allemand entre Transfracht et Intercontainer" prononcée par un responsable des NS et citée dans la communication des griefs :

"Le représentant des NS voulait évidemment dire qu'il était stérile de la part de la DB de maintenir des prix élevés à l'international pour protéger le trafic ferroviaire domestique allemand."

4.3. La position du groupe DB/Transfracht

(185) Le 28 novembre 1988, les associations des entreprises portuaires de Rotterdam et d'Anvers (SVZ et AGHA) ont adressé un courrier au ministre allemand des transports pour dénoncer les tarifs de transports ferroviaires discriminatoires qui favorisent les parcours en Allemagne.

(186) Suite à ce courrier, les responsables de la société Transfracht ont adressé une note au ministre allemand des transports le 16 janvier 1989 pour exposer la situation. Dans ce courrier, les responsables de Transfracht indiquent notamment : "... les explications de l'AGHA et de la SVZ correspondent dans une large mesure aux faits..."

(187) La Commission constate que dans ce courrier, Transfracht, filiale de la DB, reconnaît l'existence des discriminations entre les ports du nord et ceux de l'ouest.

(188) Comme déjà cité au considérant 154, le 17 avril 1989 fut organisé une réunion à Francfort entre les représentants des ports de l'ouest, la DB, NS et SNCB. Le compte-rendu de cette réunion indique que, au cours de celle-ci, la DB a proposé de réexaminer la situation tarifaire afin de réduire les écarts entre les transports vers les ports de l'ouest et ceux vers les ports du nord.

La Commission considère que, en formulant de telles propositions, la DB reconnaît l'existence de discriminations entre les itinéraires de transport. Dans le cas contraire, il serait en effet incompréhensible que la DB s'engage à "réduire les écarts" entre ces itinéraires.

(189) Dans sa réponse à la communication de griefs ainsi que lors de l'audition, la DB a reconnu l'existence des différences de prix, mais a contesté le fait que ces différences constituent des discriminations. La DB considère que ces tarifs sont fixés en prenant en compte prioritairement les coûts de production et la situation concurrentielle du marché, la distance n'intervenant qu'en troisième position.

(190) Comme précisé au considérant 158, il ne rentre pas dans les attributions de la Commission de décider selon quels critères une entreprise doit établir ses tarifs, mais de s'assurer que les critères retenus par l'entreprise ne sont pas appliqués de manière à conduire à des discriminations.

5. En ce qui concerne l'importance du critère de la distance pour la fixation des tarifs

(191) Il convient à ce sujet de prendre en compte les éléments suivants.

(192) Dans son courrier du 20 décembre 1991 déjà cité, adressé à la Commission, Transfracht a notamment précisé :

"La neutralité quant à la nature de la marchandise signifie que les prix doivent toujours être fixés indépendamment de la nature de la marchandise transportée. Les seuls critères décisifs sont le poids et la taille des conteneurs, ainsi que la distance de transport...". "La neutralité quant aux ports est assurée grâce au système appelé GRID qui divise l'Allemagne en cent quarante-quatre zones. Tous les lieux de départ et d'arrivée d'une même zone correspondent à un seul et même prix net qui dépend de la distance entre cette zone et les ports..."

(193) Il ressort de ces déclarations que si la véritable fixation du prix dépend de la situation concurrentielle sur chaque itinéraire et du type de conteneur transporté, le principe de base pour la fixation des tarifs est néanmoins la distance entre chaque zone et le port.

(194) La Commission note, par ailleurs, que la division géographique de l'Allemagne en "zones" reflète la volonté manifeste de fixer les tarifs principalement en fonction de la distance. Les transports réalisés à partir ou vers une même zone peuvent en effet concerner des produits différents, transportés dans des conteneurs de tailles différentes et pour lesquels la concurrence intermodale n'est pas similaire. Le seul élément commun à ces transports est donc la distance par rapport aux ports.

(195) De plus, le compte-rendu de la réunion du 17 avril 1989 cité au considérant 188 précise notamment que la DB a proposé un 'retour progressif vers les principe suivants :

- Rheingraben en parité,

- rive gauche Anvers/Rotterdam Hambourg,

- rive droite Anvers/Rotterdam Hambourg.

La distinction entre "rive gauche et rive droite" correspond en fait à la distinction entre les trois zones plus proches des ports de l'ouest et celles plus proches des ports du nord.

La proposition formulée par la DB visant à ce que les tarifs pour les zones plus proches de Anvers/Rotterdam soient inférieurs aux tarifs pratiqués à partir de Hambourg pour les mêmes zones, atteste que le principe de base pour la détermination des tarifs est la distance. Dans le cas contraire, il serait incompréhensible que la DB fasse de telles propositions.

(196) Enfin les graphiques joints aux annexes 10 et 11 mettent en corrélation le tarif de transport des conteneurs chargés de quarante pieds et la distance de la localité desservie avec d'une part Hambourg, d'autre part Rotterdam. Or, ces graphiques révèlent l'existence non discutable d'une corrélation entre ces deux données. (Les données chiffrées sont indiquées à l'annexe 5.)

(197) La Commission déduit de l'ensemble de ces éléments que dans le cadre de présente affaire si la fixation des tarifs de transport ne dépend pas uniquement de la distance kilométrique, celle-ci constitue néanmoins un critère important pris en considération par les entreprises en cause pour la fixation des tarifs entre les localités allemandes et chaque port du Range Nord.

(198) Toutefois, il ressort clairement de l'examen des tarifs pratiqués que ce critère visant à assurer la neutralité quant aux ports n'a pas été appliqué de façon neutre pour fixer les tarifs entre ports du nord et de l'ouest et ne peut justifier les différences constatées entre les itinéraires de l'ouest et ceux du nord.

6. Quant à l'argument de la situation concurrentielle

(199) Selon la DB, les écarts de prix entre les transports vers les ports de l'ouest et les ports du nord résulteraient en grande partie de différences importantes quant à la situation de la concurrence intermodale.

(200) Au cours de la procédure, les représentants de la DB ont indiqué que les différences quant à la concurrence intermodale résulteraient, d'une part, d'une politique tarifaire différente dans les trois Etats membres concernés pour le transport routier, d'autre part, d'une concurrence fluviale différente et enfin d'une concurrence routière différente selon les types de conteneurs.

(201) En ce qui concerne le transport routier de marchandises, les représentants de la DB ont expliqué, à juste titre, que les tarifs intérieurs en Allemagne sont fixés par les pouvoirs publics conformément aux dispositions de la loi relative aux transports routiers de marchandises (GJKG). L'objectif principal de cette loi, tel qu'il résulte notamment de son article 7, est d'harmoniser les conditions de concurrence entre le transport routier et le transport ferroviaire.

(202) Une législation de cette nature n'existe pas aux Pays-Bas ni en Belgique, où les prix sont fixés librement par les transporteurs.

(203) Selon les représentants de la DB, il en résulte que la concurrence routière est beaucoup plus vive en Belgique et aux Pays-Bas qu'en Allemagne.

(204) Par ailleurs, les représentants de la DB ont insisté sur l'importance de la concurrence exercée par les transporteurs fluviaux qui offrent leurs services sur le Rhin, concurrence fluviale qui n'existerait pas ailleurs.

(205) Ces différences quant à la situation concurrentielle ont été confirmées par le représentant des NS lors de l'audition ; celui-ci a notamment déclaré : "sur les lignes Rotterdam-Allemagne, la concurrence d'autres modes de transport est beaucoup plus dure que sur les lignes des ports du nord aux destinations finales en Allemagne...

Le problème en pratique est que la concurrence des voies d'eau et du transport par route sur l'axe Rotterdam/arrière pays allemand est en général si dure qu'il n'est guère possible de pratiquer une concurrence au-dessus du niveau des coûts..." (procès-verbal d'audition p. 150).

(206) La Commission considère que ces arguments ne peuvent pas justifier les différences de prix constatées dans le cadre de la présente affaire. En effet, la Commission est d'avis que les effets conjugués, d'une part, d'une concurrence routière et fluviale vive pour les transports réalisés via les ports de l'ouest, et, d'autre part, d'une concurrence routière faible et de l'absence de concurrence fluviale pour les transports via les ports allemands, devraient économiquement se traduire par des prix plus élevés pour les transports réalisés en Allemagne que pour les transports réalisés via les ports de l'ouest. Or, la situation tarifaire telle que constatée dans la présente procédure est exactement l'inverse.

(207) La Commission estime, en conséquence, que les arguments relatifs à la concurrence intermodale avancés par la DB et confirmés par les NS ne peuvent pas justifier les différences de prix constatées mais que ces arguments démontrent au contraire le caractère économiquement infondé de ces tarifs.

(208) Dans son courrier du 20 décembre 1991 à la Commission, déjà cité au considérant 38, Transfracht a indiqué s'agissant de la concurrence intermodale, que pour les conteneurs de vingt pieds, le train a des avantages techniques sur le camion, qui n'existent pas pour les conteneurs de quarante pieds et que, en conséquence, ces éléments auraient un effet sur le niveau des prix pratiqués.

(209) En fait, l'examen des tarifs pratiqués dans le cadre du MCN et joints aux annexes 3 à 9 révèlent que les différences de prix constatées entre les ports de l'ouest et ceux du nord sont pratiquement identiques pour les conteneurs de vingt pieds et de quarante pieds.

(210) L'argument relatif à la différence de concurrence selon les types de conteneurs ne peut donc expliquer les différences de prix constatées.

(211) La Commission constate, par ailleurs, que l'absence de relation entre les prix pratiqués et la situation concurrentielle est reconnue par Intercontainer dans la note aux administrateurs établie pour le conseil d'administration de la société du 30 novembre 1989. Cette note précise notamment :

"Le MCN a été créé en vue de développer, avec une offre de services "pluriportuaires" souple mais combative, l'ensemble des transports maritimes de la république fédérale d'Allemagne, y compris les trafics via les ports ARA. Dans la pratique, il manquait cependant le préalable principal : la liberté d'opérer sur ce marché avec des tarifs répondant aux besoins du marché et à la situation concurrentielle".

7. Quant à la prise en compte des coûts de production

(212) Au cours de la procédure, les représentants de la DB ont indiqué que les différences tarifaires résulteraient de différences quant aux coûts, ces derniers étant plus élevés pour les transports vers les ports de l'ouest que ceux réalisés vers les ports allemands. Selon la DB, ces différences de coûts résulteraient de trois éléments :

- d'une part, le trafic ferroviaire via les ports du nord est beaucoup plus important et permet de mettre en service des trains complets économiquement plus efficaces que des envois isolés,

- d'autre part, les infrastructures ferroviaires seraient de meilleure qualité dans les ports du nord que dans les ports de l'ouest,

- enfin, le passage des frontières entre l'Allemagne et la Belgique/Pays-Bas entraînerait des frais supplémentaires.

(213) Il convient d'examiner la validité de ces arguments individuellement, puis considérés de façon globale.

7.1. Quant aux différences de trafic

(214) Les représentants de la DB ont indiqué que le transport de conteneurs isolés entraîne des coûts importants qui n'existent pas pour les transports par trains complets. Or, la mise en place de tels trains complets serait plus facile à partir des ports allemands en raison de volume de trafic beaucoup plus important qu'à partir des ports de l'ouest. La DB précise à ce sujet que, en 1991, le nombre de conteneurs maritimes chargés transportés par chemin de fer à destination ou à partir des différents ports est le suivant :

- Hambourg : [...] conteneurs,

- Brême-Bremerhaven : [...] conteneurs,

- Rotterdam : [...] conteneurs,

- Anvers : [...] conteneurs.

(215) La Commission note tout d'abord à ce sujet que les comparaisons de tarifs effectuées aux considérants 172, 173 et 174 portent sur des trains complets mis en place à partir des ports du nord et à partir des ports de l'ouest. Or, ces comparaisons révèlent l'existence de différences tarifaires significatives entre trains complets et non seulement entre trains complets et envois semi-groupés ou isolés.

(216) Par ailleurs, si on peut considérer a priori qu'un nombre élevé de conteneurs arrivant dans un port permet de mettre en place un plus grand nombre de trains complets, la corrélation entre ces deux phénomènes n'est pas parfaite. Compte tenu de l'étendue géographique de l'Allemagne, les conteneurs débarqués dans les ports allemands peuvent en effet nécessiter un transport terrestre terminal vers un grand nombre de destinations différentes et ne pas nécessairement permettre la mise en place de trains complets.

(217) Il convient également de constater que le nombre de conteneurs transportés par chemin de fer à partir de ou vers Hambourg est 85 % plus élevé que le nombre de conteneurs transportés à partir de ou vers Brême/Bremerhaven.

(218) Compte tenu des arguments avancés par la DB, le nombre de trains complets mis en place à partir de Hambourg devrait également être en moyenne plus élevé qu'à partir des autres ports allemands. Il devrait économiquement en résulter des prix de transport ferroviaire plus bas à partir de et vers Hambourg qu'à partir de et vers Brême/Bremerhaven.

(219) L'examen des tarifs de vente pratiqués dans le cadre du MCN révèle l'existence au 1er juillet 1990 de trois tarifs différents pour les transports via les trois ports allemands : Hambourg, Brême et Bremerhaven.

(220) L'annexe 12 présente les tarifs pratiqués au 1er juillet 1990 pour les transports de conteneurs entre dix-huit destinations allemandes et, d'une part Hambourg et, d'autre part, Brême.

Or, on constate que pour seize destinations les transports à partir de Brême sont moins coûteux que ceux à partir de Hambourg et que pour deux destinations les prix sont identiques.

(221) Au 1er octobre 1990, les prix des transports à partir de Brême et Bremerhaven ont été alignés sur le tarif de Hambourg tel qu'il existait au 1er juillet 1990. Depuis cette date, un tarif commun s'applique aux trois ports allemands de la même façon qu'un seul tarif s'applique aux ports du Benelux nonobstant les différences de trafic entre ces ports.

(222) Ces éléments démontrent que le nombre de conteneurs transitant par un port n'a pas d'influence sensible sur le niveau des prix de vente des opérateurs. En effet, dans le cas contraire, il ne serait pas compréhensible qu'au 1er juillet 1990 les prix à partir de Brême et Bremerhaven soient plus avantageux que ceux à partir de Hambourg alors que le trafic dans ce dernier port est le double.

De même, il ne serait pas compréhensible que les tarifs à partir de ces trois ports soient identiques à partir du 1er octobre 1990.

(223) Par ailleurs, dans tous les secteurs économiques, la pratique constante des fournisseurs est de disposer d'un tarif de vente de base sur lequel des remises sont accordées à certains clients en fonction notamment de la quantité achetée. Lors de l'audition, les représentants de Transfracht ont indiqué à ce sujet que dans le cadre du MCN les prix publiés étaient des prix nets, mais que des remises étaient appliqués pour certains gros clients (procès-verbal d'audition p. 171 et 172).

(224) Il convient donc de conclure également de l'existence de ces remises quantitatives appliquées sur le tarif de base que ce dernier n'est pas déterminé en prenant en compte les quantités transportées, ou que dans l'hypothèse où ce facteur est pris en compte, son influence dans l'élaboration du prix de vente n'est pas sensible.

Il ne serait en effet pas compréhensible que les entreprises prennent en compte les quantités transportées une première fois lors de l'élaboration des tarifs et une seconde fois lors des négociations avec les clients.

(225) Au total la Commission est d'avis que la différence quant au nombre de conteneurs transportés entre les ports de l'ouest et les ports du nord n'est pas de nature à justifier les différences constatées quant au niveau des prix du transport.

7.2. La qualité des infrastructures ferroviaires

(226) Selon la DB, la qualité des infrastructures dans les ports de l'ouest serait inférieure à celle dans les ports du nord et entraînerait des coûts supplémentaires. La DB cite à ce propos notamment la différence du kilométrage de voies ferrées dans les ports en cause.

(227) La Commission note tout d'abord qu'un kilométrage important d'infrastructures ferroviaires ne signifie pas nécessairement que celles-ci soient efficaces et permettent de baisser sensiblement les coûts de transport.

(228) S'agissant de l'efficacité des installations des ports en cause, il convient aussi de prendre en compte les résultats d'une étude réalisée en 1990 par le consultant Marconsult (18) relative à l'organisation et aux coûts de transbordement des conteneurs dans les principaux ports européens.

Ces coûts se présentent comme suit pour les ports en cause : (coût moyen par conteneur)

- Anvers : 116 000 lires italiennes,

- Rotterdam : 159 000 lires italiennes,

- Bremerhaven : 163 000 lires italiennes,

- Hambourg : 188 000 lires italiennes.

(229) A la lumière de l'ensemble de ces éléments, la Commission considère qu'il n'est pas démontré que la qualité des infrastructures dans les ports de l'ouest soit défaillante et entraîne des coûts supplémentaires par rapport aux ports du nord.

7.3. Les frais de passage des trains aux frontières

(230) Le troisième argument avancé par la DB relatif aux coûts concerne les frais occasionnés par les passages des trains aux frontières belges et néerlandaises. Ces frais résulteraient principalement des changements de locomotives, des droits de douane et des coûts de décompte des recettes entre les entreprises.

(231) En ce qui concerne le changement de locomotive, celle-ci serait nécessaire selon la DB en raison des différents systèmes d'alimentation électrique. Toutefois, dans une publication de décembre 1991 intitulée "Rail without frontiers - freight traffic", l'Union internationale des chemins de fer précise à ce sujet que, d'une part, la durée moyenne de changement de locomotive à la frontière n'excède pas quinze à vingt minutes et que, d'autre part, des locomotives multicourant sont utilisées notamment entre l'Allemagne et la Belgique et ne nécessitent donc pas de changement de locomotives.

(232) En ce qui concerne l'argument relatif à des droits de douane pour les transports vers la Belgique et les Pays-Bas, la Commission considère d'abord que cet argument ne peut concerner que les transports à l'importation en provenance des pays tiers. Par ailleurs, les formalités douanières sont de plus en plus souvent accomplies par les entreprises au départ du transport ou dans les ports et non en cours de transport terrestre.

(233) Par ailleurs, dans son étude relative au transport combiné international (19), le consultant A.T. Kearney a établi une carte des points frontières réputés difficiles et entraînant un coût supplémentaire. La carte jointe à l'annexe 13 révèle l'existence en Europe de douze points difficiles, mais il n'y en a aucun entre la Belgique, les Pays-Bas et l'Allemagne.

(234) En conséquence, la Commission est d'avis que l'argument relatif aux frais de passage aux frontières n'est pas de nature à justifier les importantes différences tarifaires.

7.4. Quant à la prise en compte des coûts de production d'une façon globale

(235) Lors de la procédure, les représentants de la DB ont indiqué que les différences constatées en ce qui concerne les tarifs de vente des opérateurs résultent en grande partie de différences quant aux coûts des services ferroviaires.

(236) La DB a communiqué à ce propos le tableau joint à l'annexe 13 indiquant pour vingt destinations importantes le prix des services ferroviaires fournis par la DB pour les transports réalisés vers Hambourg et le prix total des mêmes services fournis par la DB et les NS pour les transports vers Rotterdam.

(237) L'annexe 15 est la reprise du même tableau dans lequel, pour les transports vers Rotterdam, le prix total des services ferroviaires fournis par la DB et les NS a été divisé par le kilométrage parcouru afin d'obtenir un prix au kilomètre.

(238) La lecture des données fournies par la DB révèle que le prix moyen au kilomètre des services ferroviaires vendus par la DB et les NS pour les transports réalisés par Intercontainer vers Rotterdam est inférieur au prix moyen des mêmes services fournis par la DB à Transfracht pour les transports vers Hambourg.

(239) La Commission considère que ces données contredisent la position de la DB selon laquelle les différences de prix au niveau des opérateurs s'expliqueraient par des différences quant aux coûts ferroviaires.

Il apparaît au contraire que le coût ferroviaire par kilomètre supporté par l'opérateur réalisant des transports vers l'ouest est inférieur au même coût kilométrique pour les transports vers le nord.

(240) Sur la base de ces données, la Commission considère qu'il ne peut être valablement soutenu que des différences importantes de coûts ferroviaires expliqueraient les différences de prix de vente pratiqués dans le cadre du MCN.

(241) L'absence de différence sensible quant aux coûts explique notamment l'évolution tarifaire exposée au considérant 171 quant aux transports à destination de Düsseldorf.

Pour cette destination, en 1990, le prix du transport des conteneurs chargés à partir de Hambourg était inférieur à celui pratiqué à partir de Rotterdam alors que ce dernier port est plus proche de 143 kilomètres.

Au 1er octobre 1991, l'égalité de prix à partir de ces deux ports a été obetenue en alignant le prix à partir de Hambourg sur le prix à partir de Rotterdam.

(242) Or, si comme l'indique la DB les coûts étaient sensiblement supérieurs pour les transports à partir de Rotterdam, une hausse du prix limitée aux transports à partir de Hambourg ne serait pas économiquement fondée.

(243) Au total, la Commission considère que les différences importantes des prix de transport combiné entre les itinéraires empruntant les ports de l'ouest et ceux empruntant les ports du nord ne sont pas justifiées par des éléments objectifs. Les arguments avancés par la DB ne sauraient, de façon isolée ou combinée, justifier les écarts de prix constatés.

(244) De plus, il ressort de nombreux documents recueillis au cours de la procédure que les représentants des entreprises du domaine ferroviaire, y compris Transfracht, reconnaissent l'existence de discriminations.

(245) Il est donc établi que la DB, depuis au moins 1988, a utilisé sa position dominante sur le marché des transports ferroviaires pour imposer des prix de vente discriminatoires sur le segment de marché des transports combinés de conteneurs maritimes à partir de ou en provenance d'Allemagne et qui transitent par les ports allemands, belges et néerlandais, afin de favoriser ses propres prestations et celles de sa filiale Transfracht.

(246) La DB intervient, d'une part, sur le marché des services ferroviaires en qualité de seul fournisseur de ces services sur le territoire allemand et, d'autre part, sur le marché en aval des transports terrestres par l'intermédiaire de sa filiale Transfracht, seul opérateur de transport combiné effectuant les transports de conteneurs maritimes via les ports allemands.

(247) Les discriminations ont consisté à imposer des tarifs de transport pratiqués par les opérateurs sensiblement plus élevés pour les transports réalisés entre un port belge ou néerlandais et l'Allemagne, que pour les transports réalisés entre les localités allemandes et les ports allemands, afin de favoriser les parcours ferroviaires les plus rémunérateurs pour la DB, car celle-ci fournit la totalité des services ferroviaires et sa filiale Transfracht fournit la totalité du transport combiné.

(248) Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice (20), le fait pour une entreprise en position dominante sur un marché d'utiliser cette position pour imposer des conditions discriminatoires à des prestations équivalentes sur un second marché et ainsi favoriser ses propres services constitue un abus au sens de l'article 86 du traité.

E. Affectation du commerce entre Etats membres

(249) Les pratiques en cause concernent le transport de conteneurs en provenance ou à destination d'Allemagne et qui transitent par les ports allemands, belges ou néerlandais. Ces pratiques affectent donc le commerce entre Etats membres, particulièrement entre l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas.

(250) Les pratiques examinées ci-dessus et qui sont le fait de la DB depuis au moins 1988 contreviennent donc aux dispositions de l'article 86 du traité.

F. Effets économiques des pratiques en cause

(251) L'évolution des transports de conteneurs réalisés entre, d'une part, les ports de l'ouest et l'Allemagne et, d'autre part, les ports du nord et l'Allemagne se présente comme suit depuis 1988.

EMPLACEMENT TABLEAU

(252) L'examen de ces chiffres confirme l'analyse présentée au conseil d'administration d'Intercontainer du 30 novembre 1989, à savoir que "la discordance entre les limites de prix paritaires imposées aux uns, et les réductions de prix inégalitaires accordées aux autres eut vite fait d'achever la crédibilité de l'offre ferroviaire pour les ports de l'ouest".

On constate en effet au cours de la période 1989/1991 une hausse de trafic de près de 20 % via les ports allemands contre une baisse de 10 % via les ports de l'ouest.

(253) De même, lors de l'audition, la SNCB a notamment déclaré au sujet des discriminations tarifaires entre itinéraires (procès-verbal d'audition p. 67) :

"Dans les années quatre-vingt, cette situation n'a pas changé. Elle a d'ailleurs porté ses fruits.

En national, la DB achemine, comme le précise le plaignant, [...] % des conteneurs maritimes qui transitent par les ports allemands.

En international, en revanche, les résultats sont catastrophiques : la part du fer est très faible pour les trafics qui transitent par les ports du Benelux vers l'hinterland allemand :

- [...] % à peine, tandis que

- [...] % sont acheminés par la route

et

- [...] % par le fluvial.

Autant dire que le chemin de fer est inexistant."

(254) Ces chiffres doivent être rapprochés de ceux qui expriment le trafic global de conteneurs (considérants 21 et 22) entre les ports de l'ouest et du nord et les localités situées en Allemagne.

Il est constant que la politique tarifaire imposée par la DB a eu le double effet :

- de privilégier les entrées et sorties en Allemagne par le port de Hambourg, ce qui est attesté par l'évolution des trafics au cours des dernières années (considérants 20 à 24),

- d'orienter les opérateurs économiques travaillant à partir de la Belgique et des Pays-Bas, vers d'autres modes de transport que le transport ferroviaire. C'est ainsi que s'expliquent en partie les chiffres ci-dessus relatifs à la répartition des trafics entre modes de transport.

G. Article 22 paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 1017-68

(255) En vertu de l'article 22 paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 1017-68, la Commission peut infliger aux entreprises des amendes de 1 000 à un million d'écus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque de propos délibéré ou par négligence elles commettent une infraction à l'article 86 du traité, le montant de l'amende devant être déterminé en tenant compte de la gravité et de la durée de l'infraction.

(256) La Commission estime qu'il convient d'infliger une amende à la DB pour l'infraction en prenant en compte les éléments suivants.

(257) Les comparaisons de tarifs attestent l'existence d'une infraction du 1er octobre 1989 au 31 juillet 1992, date de la communication des griefs.

(258) Les documents recueillis au cours de la procédure attestent que cette infraction a été commise de propos délibéré. Les représentants des ports de Rotterdam et d'Anvers ont attiré à plusieurs reprises l'attention de la DB sur les discriminations tarifaires dont ils étaient victimes et ont menacé de déposer une plainte pour infraction aux règles de concurrence. Les représentants de la DB ne pouvaient donc pas ignorer les risques courus.

(259) De plus, le courrier de Transfracht du 16 janvier 1989 au ministre allemand des transports, cité au considérant 186, atteste que les responsables du groupe DB avaient pleinement conscience de l'existence de discriminations. En ce qui concerne la gravité de l'infraction, la Commission considère que, d'une façon générale, les pratiques visant à limiter la concurrence par les prix revêtent une gravité certaine.

(260) Par ailleurs, en l'espèce, l'infraction est particulièrement grave car elle consistait de la part de la DB à abuser de son monopole sur le marché des services ferroviaires en Allemagne pour se protéger de la concurrence d'autres entreprises et favoriser ses propres prestations et celles de sa filiale sur un autre marché, celui des transports terrestres de conteneurs maritimes en provenance ou à destination d'Allemagne et qui transitent par un port belge, néerlandais ou allemand.

(261) L'infraction en cause, en maintenant artificiellement des différences de prix, vise également à cloisonner les marchés et à détourner des trafics. Elle porte donc atteinte à l'un des objectifs fondamentaux du traité qui est d'établir un marché unique.

(262) Les pratiques de la DB ont aussi pour effet d'entraver le développement du transport ferroviaire et vont à l'encontre de la politique de la Communauté et des Etats membres qui vise au contraire à favoriser le recours à ce mode de transport.

(263) La Commission constate enfin que, au cours de la procédure, aucun engagement n'a été donné par la DB de remédier aux pratiques litigieuses,

A ARRETE LA PRESENTE DECISION :

Article premier

La Deutsche Bundesbahn, la Société nationale des chemins de fer belges, les Nederlandse Spoorwegen, Intercontainer et Transfracht Deutsche Transportgesellschaft mbH ont enfreint les dispositions de l'article 85 du traité CE en concluant l'accord du 1er avril 1988 "Maritime Container Network" prévoyant la commercialisation de tous les transports ferroviaires de conteneurs maritimes en provenance ou à destination d'Allemagne et transitant par un port allemand, belge ou néerlandais, par un bureau commun sur la base de tarifs convenus au sein dudit bureau.

Article 2

La Deutsche Bundesbahn a enfreint les dispositions de l'article 86 du traité CE en utilisant sa position dominante sur le marché des transports ferroviaires en Allemagne pour imposer des tarifs de transports ferroviaires discriminatoires sur le marché des transports terrestres de conteneurs maritimes en provenance ou à destination d'Allemagne et transitant par un port allemand, belge ou néerlandais.

Article 3

La Deutsche Bundesbahn, désormais Deutsche Bahn, est tenue de mettre fin à l'infraction mentionnée à l'article 2.

Article 4

En raison de la violation des dispositions de l'article 86 du traité CE constatée à l'article 2, une amende de 11 000 000 d'écus est infligée à la Deutsche Bahn.

Article 5

L'amende infligée à l'article 4 sera payée dans un délai de trois mois suivant la date de notification de la présente décision, en écus, au compte de la Commission des Communautés européennes n° 310-0933000-43, banque Bruxelles-Lambert, agence européenne, rond-point Robert Schuman 5, B-1040 Bruxelles.

Le montant de cette amende porte intérêt de plein droit à compter de l'expiration du délai précité, au taux appliqué par le Fonds européen de coopération monétaire à ses opérations en écus le premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été adoptée, majoré de trois points et demi, soit 9,75 %.

Article 6

Les entreprises suivantes sont destinataires de la présente décision :

- Deutsche Bahn AG, Hauptverwaltung, Friedrich-Ebert-Anlage 43-45, D-60327 Frankfurt am Main,

- Société nationale des chemins de fer belges, Rue de France 85, B-1070 Bruxelles,

- NV Nederlandse Spoorwegen, Hoofddirectie, Mooreelsepark, Postbus 2025, NL-3500 HA Utrecht,

- Transfracht, Deutsche Transportgesellschaft mbH, Gutleutstrasse 160-164, D-60327 Frankfurt am Main,

- Intercontainer, Rue de France 85, B-1070 Bruxelles.

La présente décision forme titre exécutoire conformément à l'article 192 du traité CE.

(1) JO n° L 175 du 23. 7. 1968, p. 1.

(2) JO n° L 209 du 21. 8. 1969, p. 11.

(3) JO n° L 237 du 24. 8. 1991, p. 25.

(4) Dans le texte de la présente décision destiné à la publication, certaines informations ont été omises, conformément aux dispositions de l'article 28 du règlement (CEE) n° 1017-68.

(5) Affaire 15-74, CentraFarm contre Sterling Drug (31. 10. 1974), recueil p. 1147.

(6) Affaire 85-76, Hoffmann La Roche contre Commission des Communautés européennes (13. 2. 1979), recueil p. 461.

(7) Affaire 322-81, Michelin contre Commission des Communautés européennes (9. 11. 1983), recueil p. 3461.

(8) S. Gilman et M. Graham, the Case for a conference rate making authority in the inland sector, juillet 1990.

(9) Affaire C-279-87, Tippex contre Commission des Communautés européennes (8. 2. 1990), recueil p. I-261.

(10) Affaires 6 et 7-73, Commercial Solvents contre Commission des Communautés européennes (6. 3. 1974), recueil p. 245; affaire 22-78, Hugin contre Commission des Communautés européennes (31. 5. 1979), recueil p. 1869.

(11) Affaire 322-81, Michelin contre Commission des Communautés européennes (9. 11. 1983), recueil p. 3461.

(12) Arrêt 66-86, Ahmed Saeed Flugreisen (11. 4. 1989), recueil p. 803.

(13) JO n° L 73 du 26. 3. 1993, p. 38.

(14) JO n° C 57 du 27. 2. 1993, p. 5.

(15) Les chiffres ne sont pas donnés pour les conteneurs maritimes, qui, en tout état de cause, sont plus chers.

(16) Affaire C-41-90, Klaus Höfner et Fritz Elser contre Macroton (23. 4. 1991), recueil p. 1979.

(17) Kombinierter Ladungsverkehr.

(18) Indagine sul'organizzazione ed i costi portuali per la movimentazione di contenitori nei principali scali Europei. Genova 1990.

(19) Considérant 137.

(20) Affaire 311-84, CBEM contre CLT (3. 10. 1985), recueil 1985, p. 3271.